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DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

Carbonisation 2.0 :
Comment produire plus de
charbon de bois tout en réduisant
la quantité de bois et d’émissions
de gaz à effet de serre ?

Schure J, Hubert D, Ducenne H, Kirimi M,


Awono A, Mpuruta-Ka-Tito R, Mumbere G,
Njenga M
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

Carbonisation 2.0 :
Comment produire plus de
charbon de bois tout en réduisant
la quantité de bois et d’émissions
de gaz à effet de serre ?
Schure J, Hubert D, Ducenne H, Kirimi M, Awono
A, Mpuruta-Ka-Tito R, Mumbere G, Njenga M

Cette publication fait partie d’une série de dossiers décrivant les résultats
du projet financé par l’Union européenne, intitulé «  Gouvernance des
paysages multifonctionnels : le bois-énergie durable » (Governing
Multifunctional Landscapes: Sustainable Woodfuel), qui vise à susciter
une mobilisation en faveur de la pérennité des chaînes de valeur
du bois-énergie à travers l’Afrique subsaharienne, à contribuer aux
connaissances et à trouver des solutions alternatives.

cifor.org/gml/sustainable-woodfuel

3
Principaux enseignements
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

Les facteurs favorisant l’amélioration de la fabrication du


charbon de bois comprennent :

Besoins en moyens techniques Institutions et


et en compétences gouvernance

• Fours adaptés au contexte, avec des • Facilitation de la


matériaux appropriés et disponibles, formalisation des
acceptés par les producteurs groupements de producteurs
et prenant en considération les et simplification de la fiscalité
contraintes de transport et les imposée sur le charbon de
dimensions de bois ; bois légal ;

• Formation pour renforcer les • Associer les exigences


capacités et les compétences techniques aux plans
techniques des producteurs de d’approvisionnement et de
charbon de bois, combinée à une gestion durables, notamment
sensibilisation aux avantages les droits fonciers ;
qu’offre le charbon de bois durable ;
• Sensibilisation des décideurs
• Accès à des financements initiaux à différents niveaux sur
(via un partenariat avec le secteur l’amélioration des processus
privé ou des microcrédits) pour les de fabrication du charbon
investissements dans des fours de bois ;
améliorés ;
• Utilisation de mécanismes
• Développement de l’animation et simples pour contrôler
des capacités des groupements de l’utilisation des techniques
producteurs ou des coopératives, améliorées de four (par
et reconnaissance de leur statut exemple, autocontrôle et
juridique ; contrôle entre pairs par les
coopératives) ;
• Supervision technique et
recherches complémentaires pour • Encourager la production
optimiser l’efficacité. durable de charbon de
bois afin de concurrencer
le charbon de bois produit
illégalement.
4
Introduction
Efficacité de la carbonisation et « solutions

CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
au-delà de la performance du four »

En Afrique subsaharienne, là où le charbon de bois est généralement


produit dans des fours traditionnels en terre, il faut environ 7 kilogrammes
(kg) de bois séché à l’air libre pour produire 1 kg de charbon de bois. Avec
des taux de rendement estimés à seulement 13 à 15 %, les fours peuvent
convertir les 112 mégajoules potentielles (MJ) de bois en seulement 28-33
MJ de charbon de bois (FAO 2017).

L’amélioration de l’efficacité du processus de carbonisation peut


permettre à la fois de sauver des arbres et de réduire les émissions de gaz
à effet de serre (GES). En effet, en réduisant la quantité de bois nécessaire
pour produire la même quantité de charbon de bois, davantage d’arbres
et d’arbustes sont conservés (ainsi que le carbone qu’ils stockent),
permettant ainsi d’atténuer le changement climatique.

Les alternatives vont de l’adaptation de la construction des fours en terre


existants (par exemple, en s’assurant que le bois est effectivement bien
sec et en ajoutant une cheminée), à l’utilisation de fours métalliques ou
en briques, en passant par les cornues industrielles à charbon de bois
qui co-produisent de la chaleur et de l’électricité. Néanmoins, malgré
les efforts visant à introduire une technologie de four améliorée en
Afrique subsaharienne (ASS), l’adoption reste faible en raison des coûts
d’investissement relativement élevés nécessaires pour les alternatives
fixes ou industrielles, d’un manque de formation parmi les producteurs
de charbon de bois, de l’inadaptation de certaines techniques de four aux
contextes locaux et d’un manque de cadres institutionnels pour promouvoir
des pratiques de carbonisation plus efficaces (Schure et al. 2019).

Nous proposons l’approche « Des solutions au-delà de la performance


du four » qui comprend des aspects liés au renforcement des capacités,
à la garantie de l’acceptabilité et à la création d’un cadre institutionnel
favorable à une amélioration de la carbonisation et des résultats socio-
écologiques. Ce dossier présente les enseignements tirés des expériences
de codéveloppement d’alternatives localement pertinentes avec des
producteurs et des parties prenantes dans les pays d’ASS en vue d’améliorer
l’efficacité de la production de charbon de bois dans le cadre de la pérennité
des chaînes de valeur du bois-énergie.
5
Améliorer la production de charbon de
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

bois et les résultats escomptés


La recherche de solutions pour une production plus efficace de charbon
de bois a été au cœur des activités du projet « Gouvernance des paysages
multifonctionnels : le bois-énergie durable » (Governing Multifunctional
Landscapes: Sustainable Woodfuel). Celles-ci comprenaient la mesure
des rendements de conversion du bois en charbon de bois des pratiques
actuelles et améliorées, la proposition de techniques ou de technologies
améliorées adaptées au contexte, et le développement de stratégies pour
une plus grande adoption des nouvelles pratiques.

Quelle est la meilleure façon de mesurer l’efficacité


de la carbonisation ?

Mesurez tous les apports en bois en kilogrammes à l’aide d’une


1 balance (suspendue). Pour les bûches pesant plus de 200 kg, mesurez
le volume et calculez le poids sur la base de la densité moyenne de
l’essence concernée.
Poids de la quantité de bois (QB) introduite dans le four______kg

Mesurez l’humidité du bois à l’aide d’un humidimètre inséré à l’intérieur


2 de la pile, juste avant la carbonisation. Prélevez des échantillons de
bûches de bois de différentes tailles (diamètre) pour calculer l’humidité
moyenne du bois.
Humidité (H %) du bois dans le four ______%

Mesurez le poids du charbon de bois produit (C) en kilogrammes


3 immédiatement après le déchargement du four.
Poids du charbon de bois produit (C)______ kg

Mesurez le poids du bois non brûlé ou partiellement brûlé.


4
Bois non carbonisé (B)______kg

Calculez le taux d’efficacité du rendement en charbon de bois.


Efficacité (E %) du rendement par base de masse = (C/(QB-B))*100 %.
5 Efficacité nette (EF %) du rendement par base de masse sèche
(QBS=QB*(1-H %/100)) =(C/(QBS-B))*100 %.

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Paysage de Yangambi en République

CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
démocratique du Congo (RDC)
Dans le paysage de Yangambi, qui s’étend sur 220 000 hectares de paysage
forestier tropical dans la province de la Tshopo en RDC, les producteurs
de charbon de bois atteignent généralement des taux d’efficacité aussi
bas que 7,4 % sur une base du rendement massique, ou 12,8 % sur une base
de bois sec (Schure et al. 2019). Les producteurs de ce paysage travaillent
souvent dans des conditions institutionnelles instables et ne disposent pas
des compétences nécessaires pour assurer une carbonisation correcte.

Construction d’un four amélioré


(Fiston Wasanga)

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DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

Formation consacrée à la carbonisation


(Fiston Wasanga)

En 2020-2021, des membres sélectionnés d’associations de producteurs


nouvellement créées qui s’étaient engagées à adopter des pratiques
durables de récolte et de culture des arbres ont bénéficié d’un programme
de formation participatif qui comprenait différentes sessions au cours
de l’année, incluant à la fois un module théorique et un module pratique
pour construire et comparer des fours. Dirigé par Rurenge Mpuruta-
Ka-Tito, producteur de charbon de bois et expert en carbonisation
améliorée originaire de l’Est de la RDC, le programme de formation était
basé sur le principe du renforcement des compétences en formation de
formateurs et entre pairs. La formation s’est focalisée sur l’amélioration
des pratiques d’utilisation des fours en terre, car la nature dispersée de
la production de charbon de bois et le manque de matériaux pour les
cheminées externes excluaient tout autre sujet. Un autre groupe était
composé de 20 membres de l’Association des femmes valorisatrices des
déchets de scierie (AFEVADES), qui transforment les déchets de scierie de
la Compagnie Forestière et de Transformation (CFT) en charbon de bois.

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CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
Étant donné que les déchets de scierie sont plus petits que les bûches
entières, la matière première est plus facile à collecter et à transporter.
Pour cette raison, et parce que l’AFEVADES est proche de la ville où l’on
peut trouver les matériaux pour fabriquer une cheminée, ces femmes ont
été formées à l’utilisation d’une cheminée externe avec une charbonnière
en meule améliorée.

L’efficacité des deux techniques de charbonnière en meule améliorée


(avec et sans cheminée) a augmenté d’environ 11 à près de 22 % sur une
base de bois sec, par rapport aux fours précédents, ce qui a effectivement
permis de doubler les volumes de production et les bénéfices. Le premier
investissement nécessaire est le temps consacré par les producteurs
à la formation, à la construction minutieuse du four et au suivi de la
carbonisation. Toutefois, les producteurs gagnent du temps avec les fours
améliorés, qui produisent du charbon de bois en deux fois moins de temps
(environ 5 jours contre jusqu’à 17 jours pour les fours traditionnels). Le
second investissement demandé à l’AFEVADES a été l’achat d’une cheminée
métallique externe, pour un coût initial relativement faible d’environ 50
USD. À ce titre, l’association devrait économiser une partie de ses bénéfices
pour le remplacement éventuel des cheminées. Lorsqu’un endroit fixe
est attribué à l’association, l’investissement dans un four fixe peut encore
améliorer l’efficacité et réduire les coûts de main-d’œuvre.

L’adoption de la méthode est encouragée via une « formation de


formateurs » participative, au cours de laquelle les producteurs peuvent
expérimenter par eux-mêmes les avantages des nouvelles méthodes et
ensuite transmettre le message à leurs collègues. Les codes de conduite
des associations de producteurs et les mécanismes d’évaluation par les
pairs incluent ces techniques, facilitant ainsi leur utilisation dans le cadre
du développement d’une chaîne de valeur du charbon de bois écologique
et empêchant toute conséquence négative involontaire, comme le fait
que les producteurs aillent s’aventurer plus loin dans la forêt en raison de
l’augmentation des marges de profit.

Empilement soigneux du bois


(Fiston Wasanga)

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Témoignage d’une partie prenante
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

La mutualisation des efforts accroît les


bénéfices issus de la production durable
de charbon de bois en RDC

Fatouma Otoke est la présidente


de l’Association des femmes
valorisatrices des déchets
de scierie (AFEVADES), une
organisation de femmes située à
Kisangani qui produit du charbon
de bois à partir de déchets de bois
de scierie.

L’association achète les déchets de scierie à la Compagnie Forestière et de


Transformation (CFT) et les transporte jusqu’à un champ voisin où elles
produisent du « makala », comme est désigné ici le charbon de bois.

Le bois de la CFT est de très bonne qualité, tout comme le charbon de bois
produit à partir de ses déchets. Le bouche-à-oreille entre les habitant.e.s de
la ville répond aux besoins de marketing, et l’association peut vendre son
makala au prix fort.

Jusqu’à récemment, chaque femme exploitait sa propre microentreprise


(F. Otoke produit du charbon de bois depuis 2013). Mais, en 2020, grâce
au soutien du CIFOR-ICRAF, elles ont créé l’association ce qui leur permet
de mettre en commun leurs ressources et de renforcer leur efficacité.
Aucune des 20 membres de l’AFEVADES n’avait été formée jusqu’alors
à la production de charbon de bois. En effet, étant les seules productrices

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CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
de charbon de bois à Kisangani, elles n’avaient personne auprès de qui se
former. Le CIFOR-ICRAF a donc mandaté un expert originaire de l’Est du
pays chargé de leur dispenser une formation pour améliorer leur technique.

F. Otoke explique ainsi qu’ « auparavant, nous avions l’habitude d’avoir


beaucoup de déchets. Désormais, nous avons appris à trier le bois par
essence, à laisser de l’espace pour que l’air circule dans le four, et à couvrir
correctement le bois avec des feuilles avant de recouvrir le tout de terre ».

Avec la même quantité de bois qu’il leur fallait auparavant pour produire
trois sacs de charbon, elles peuvent désormais en produire six.

Chaque femme produit environ 11 sacs de charbon de bois par semaine, en


fonction de la disponibilité des déchets de scierie. Elles emploient quelques
hommes pour les aider dans les tâches plus lourdes, comme le transport
des fagots de bois, et elles louent une charrette à un tarif journalier pour
transporter les quantités plus importantes.

F. Otoke rappelle aussi que


« l’argent que nous gagnons
ici nous permet d’envoyer nos Désormais, nous avons
enfants à l’école et de subvenir
aux besoins de notre foyer ». appris à trier le bois par
essence, à laisser de
Les femmes sont prêtes à
développer leur activité, motivées l’espace pour que l’air
par l’accord de livraison du bois
que leur association a réussi
circule dans le four, et
à négocier avec la scierie. à couvrir correctement
L’investissement prévu pour
l’achat d’une moto facilitera le
le bois avec des feuilles
transport du charbon de bois avant de recouvrir le
directement vers les clients, avec
des marges de profit plus élevées.
tout de terre.

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Cameroun
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

Régions de l’Est et du Littoral


L’exploitation forestière et la transformation du bois sont les principales
activités industrielles dans la région de l’Est du Cameroun. En 2019,
on comptait 24 unités de transformation du bois (UTB), générant une
quantité estimée à 491 815 mètres cubes (m3) de déchets de scierie,
dont environ 300  000 m3 pourraient être utilisés pour la production
de charbon de bois. Bien que des techniques semi-industrielles (fours
métalliques, fours brésiliens, cornues, etc.) aient également été testées,
le Projet Forêt et Environnement (ProFE) de l’Agence allemande de
coopération internationale pour le développement (Deutsche Gesellschaft
für Internationale Zusammenarbeit GmbH ou GIZ) a choisi de partir
des méthodes traditionnelles utilisées localement par les producteurs de
charbon de bois pour proposer des techniques de carbonisation améliorées
simples, accessibles et facilement adaptables. Deux techniques ont été
alors proposées : le four traditionnel amélioré et le four Casamance. Toutes
deux permettent la construction de fours plus grands et une production
plus efficace de charbon de bois de meilleure qualité grâce à des cycles de
carbonisation plus rapides et mieux contrôlés. Cependant, ils prennent plus
de temps à construire et nécessitent une surveillance étroite, même la nuit.

En 2019, 334 charbonniers (dont 30 % de femmes) ont bénéficié d’un


soutien pour formaliser leurs activités en se regroupant en associations
ou en groupements d’intérêt commercial (GIC), en signant des
conventions avec les UTB pour l’approvisionnement en déchets de scierie,
le respect des réglementations fiscales et sociales en vigueur, le suivi de
la production, ainsi que la commercialisation du charbon de bois.

Les rendements de carbonisation ont été évalués à 16 % pour les techniques


traditionnelles (ProPFE/GIZ 2017). Ils sont passés à 22 % pour le four
traditionnel amélioré et à 30 % pour le four Casamance (pour des taux
maximums respectifs de 25 % et 32 %). Ces fours améliorés réduisent le
temps passé par tonne de charbon de bois produite de 52 % pour le four
traditionnel amélioré et de 35 % pour le four Casamance. De plus, la cheminée
du four Casamance, constituée de fûts métalliques superposés, permet
aux bénéficiaires de recueillir du vinaigre de bois, qui peut être utilisé pour
lutter contre les insectes nuisibles et les maladies des cultures agricoles.

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CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?

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Refroidissement du charbon de bois
(Ollivier Girard/CIFOR)
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

Compte tenu du fait que le système urbain est plus exigeant en termes
de normes environnementales, une troisième technique a été testée
dans la ville de Douala. Le four Tambour possède deux cheminées, qui
collectent séparément le vinaigre de bois et le goudron. Les rendements
dépassent parfois 25 % et pourraient encore augmenter avec le temps. Le
charbon de bois produit est dépourvu d’impuretés, et la majeure partie
du vinaigre et du goudron est récupérée, le tout en une seule journée. Les
coopératives ont entrepris d’acquérir plus d’espaces pour construire
d’autres fours. Cette technique offre de meilleures conditions de travail,
car elle est moins salissante et il n’est pas nécessaire de travailler la
nuit pour contrôler les fuites d’air potentiellement dommageables. Les
coûts de production du charbon de bois via le four Tambour sont réduits,
mais il faut veiller à identifier la fin du processus de carbonisation
(visible lorsque la fumée change de couleur) afin d’éviter une baisse
de rendement.

En termes d’émissions évitées, le gain est double. D’abord, l’utilisation


de déchets de scierie habituellement gaspillés réduit la nécessité de
produire du charbon de bois à partir d’autres sources de bois. Ensuite,
les rendements plus élevés par rapport aux méthodes de carbonisation
rudimentaires utilisées dans le secteur informel, entraînent une
diminution supplémentaire des émissions de GES. Par exemple, entre
2018 et octobre 2020, pour près de 14 187 tonnes de charbon de bois
produites à partir de déchets de scierie, le total des émissions évitées
s’élève à 216 350 tonnes d’équivalent CO2 (éq. CO2).

D’un point de vue socio-économique, la carbonisation des déchets


de scierie crée des emplois et des revenus dans les zones pauvres et
isolées. La production de 14 187 tonnes de charbon de bois correspond à
734,4 millions de francs CFA (soit 1,3 million USD), et la commercialisation
du charbon de bois issu des déchets de scierie a généré un revenu mensuel
moyen net de 114 000 francs CFA (soit 209 USD) pour les hommes, et de
83 300 francs CFA (soit 153 USD) pour les femmes.

En ce qui concerne les questions de santé, les cheminées utilisées dans


les deux fours distribués canalisent les fumées vers une seule extrémité
du four, limitant ainsi la pollution et améliorant l’efficacité.

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CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
Déplacement du bois scié vers le four
(Ollivier Girard/CIFOR)

Une analyse des propriétés physiques et chimiques du charbon de


bois produit à partir de bois de différentes densités dans les trois
types de fours a montré que les fours améliorés et les bois plus denses
produisaient un charbon de meilleure qualité (Zobo Mfomo et al. 2020).

Le projet a également permis d’apporter un soutien organisationnel


et juridique aux producteurs de charbon de bois afin d’assurer une
transition en douceur du travail individuel au travail collectif, de sorte
que les producteurs puissent intégrer l’économie de marché (ProPFE/
GIZ 2020). Cela permet la rédaction d’accords entre les coopératives
de producteurs de charbon de bois et les responsables des UTB pour
assurer un accès constant aux matières premières à un prix raisonnable.

Le développement de la chaîne de valeur du charbon de bois issu des


déchets de scierie a permis de faire évoluer le cadre réglementaire afin
d’y inclure la viabilité d’un système de production de bois-énergie basé
sur la récupération et le recyclage des déchets avec une carbonisation
améliorée. En effet, auparavant, ces produits étaient omis des cadres
réglementaires correspondants.

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Techniques de carbonisation améliorées
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

L’efficacité des charbonnières en meule est souvent faible, en raison de


l’utilisation de bois humide, de morceaux de bois de taille irrégulière,
d’une mauvaise ventilation, d’un manque de contrôle du processus de
carbonisation et d’une décharge trop précoce du four.

Voici les principales étapes pour améliorer la carbonisation en utilisant


une charbonnière en meule :

Faites sécher le bois pendant au moins deux mois.

Défrichez la zone où sera construit le


four et creusez un trou.

3
Empilez le bois en le serrant et remplissez les
espaces vides avec des morceaux de bois plus petits
pendant l’empilement.

4
1
Empilez le bois en fonction de son diamètre, en
commençant par les plus petits morceaux. Placez du
bois de taille moyenne dans le premier tiers du four, suivi
du bois de grand diamètre dans le deuxième tiers, puis
finissez en ajoutant des brindilles.

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CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
5

Créez un espace autour de la pile de


bois pour permettre à l’air de circuler.

6
Ajoutez des évents pour l’aération (le four
Casamance comprend une cheminée métallique
constituée de trois fûts de pétrole d’une capacité
de 200 litres).

7
Recouvrez le four d’une couche de feuilles, puis
d’une couche de sciure de bois et de terre. Cela
améliore l’isolation du four.

8
Surveillez attentivement le four pendant toutes les
étapes de la carbonisation. Plus la carbonisation avance,
plus des fissures apparaissent, qu’il faudra réparer
immédiatement.

Laissez refroidir pendant au moins deux jours


après la carbonisation.

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Évitez d’utiliser de l’eau pour refroidir le charbon de
bois. Utilisez plutôt de la terre, tout en continuant à
retirer les morceaux chauds à l’aide d’une fourche ou
d’un râteau.

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Kenya
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

Comté de Baringo
Au Kenya, 46 % des ménages urbains et 42 % des ménages ruraux utilisent du
charbon de bois, et sa production et son utilisation continuent d’augmenter.
Presque tous les producteurs de charbon de bois du comté de Baringo et de
l’ensemble du Kenya utilisent des charbonnières traditionnelles en meule
en raison de leurs faibles besoins en apports, de leur facilité de gestion et
de la proximité des sources de bois-énergie, ce qui élimine la nécessité de
transporter le bois (Ndegwa et al. 2021). Toutefois, ces types de fours sont peu
efficaces, ce qui entraîne une consommation de bois et des émissions de GES
plus importantes. Si le moratoire sur l’exploitation forestière de février 2018 a
ralenti la production et le transport du charbon de bois, des discussions sont
en cours pour produire exceptionnellement du charbon de bois à partir de
l’arbuste envahissant Prosopis juliflora, afin de contrôler sa propagation.

Le projet GML a permis d’organiser des sessions de « formation de


formateurs » concentrées sur l’utilisation du Prosopis pour le charbon
de bois, sur l’amélioration des pratiques de production locales pour une
meilleure gestion des forêts naturelles, sur la création de moyens de
subsistance, et sur l’atténuation du changement climatique. 32 membres
de la communauté y ont participé : 24 producteurs de charbon de bois,
5 artisans locaux, 2 représentants du gouvernement du comté et un
enseignant du primaire (parmi eux, 11 étaient des hommes, 21 des femmes
et 15 des jeunes âgés de 20 à 30 ans, dont 10 jeunes hommes et 5 jeunes
femmes ; Njenga et al. 2020). Ces personnes ont reçu une formation sur
la façon d’améliorer la charbonnière traditionnelle en meule ainsi que
sur les questions de politique, de marketing, de rendement-matière et de
réutilisation des déchets de bois et de la poussière de charbon de bois pour
l’énergie, et du biocharbon pour l’amélioration des sols.

Les améliorations apportées à la production de charbon de bois à l’aide de


charbonnières à meule comprennent le séchage complet du bois jusqu’à
atteindre un taux d’humidité recommandé de moins de 20 %, la disposition
correcte du bois, la création de 6 « aérations » (entrées et sorties d’air)
et de 2 cheminées pour un coût de 5 500 shillings kenyans (soit 55 USD)
afin d’améliorer la circulation de l’air et la surveillance attentive du

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CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
processus de carbonisation. Le schéma ci-dessus présente les étapes de
ce processus amélioré, que l’on peut également retrouver dans un guide
pratique (Wanjira et al. 2021).

L’efficacité de la carbonisation est passée de 15 à 22 % (sur la base du


rendement massique), ce qui laisse penser que moins de bois a été
consommé et que le rendement en charbon de bois a augmenté de 49 %
(Njenga 2020 ; Njenga et al. Publication à paraître). D’après une étude de
Njenga et al. (publication à paraître), la charbonnière en meule améliorée a
permis de réduire de 40 % les émissions de monoxyde de carbone (CO), de
49 % celles en dioxyde de carbone (CO2) et de 44 % celles en méthane (CH4).

Au Kenya, une carbonisation plus efficace peut avoir des effets positifs
tant sur les moyens de subsistance que sur l’environnement (Njenga
et al. Publication à paraître). En effet, les améliorations apportées aux
charbonnières en meule augmentent les rendements en charbon de bois
avec un faible investissement financier, contribuant ainsi à augmenter les
revenus des communautés des zones arides. Ceci constitue un avantage
important étant donné que la plupart du charbon de bois provient des
zones arides du Kenya. L’amélioration de la carbonisation était l’une des
interventions prioritaires des plans d’action communautaires élaborés
à Baringo, les 24 producteurs de charbon de bois qui ont participé à
l’atelier de formation de formateurs ont par la suite formé à leur tour plus
de 359 producteurs de charbon de bois.

Les enseignements tirés de ce travail sur le charbon de bois durable ont


été intégrés dans la Stratégie Bioénergie 2020-2027 du Kenya lancée en
novembre 2020, ainsi que dans son projet de stratégie agroforestière.

Plusieurs grandes rivières


kenyanes prennent leur source
dans la forêt de Mau
(Patrick Shepherd/CIFOR)
19
Plantation d’eucalyptus, champs de thé et arbres
indigènes dans la forêt de Mau
(Patrick Shepherd/CIFOR)
Que faut-il faire pour généraliser les
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

pratiques améliorées de carbonisation ?


Les expériences d’amélioration des rendements de carbonisation du
Cameroun, du Kenya et de la RDC confirment le formidable potentiel
d’augmentation de l’efficacité de la carbonisation, qui peut passer de
12 à 22-30 % sur une base de bois sec. Cela signifie que pour produire la
même quantité de charbon de bois, il faut environ la moitié de la quantité
de bois habituelle, avec des émissions de GES plus faibles et des profits
plus élevés pour les producteurs. L’organisation et la formation de groupes
de producteurs pouvant s’approvisionner en bois de manière durable
(par le biais du reboisement agroforestier par rotation, d’accords avec
les UTB pour disposer des déchets de bois, de systèmes de surveillance
des récoltes par les pairs ou de systèmes de gestion pour le contrôle des
espèces ligneuses envahissantes) sont essentielles pour garantir un
approvisionnement davantage durable en charbon de bois.

En dépit des efforts déployés pour faire adopter des fours industriels,
les expériences avec les producteurs de charbon de bois suggèrent que
l’alternative à faible investissement consistant à améliorer la traditionnelle
charbonnière en meule (avec ou sans cheminée externe), est l’approche la
plus appropriée en ASS étant donné la nature dispersée de la production
de charbon de bois et la difficulté d’accès aux investissements dans la
plupart des zones rurales. Dans les endroits où l’approvisionnement en
bois est concentré (comme près des scieries qui possèdent des accords
d’approvisionnement avec les groupes de producteurs) investir dans des
cheminées ou des fours fixes devient une alternative économiquement
viable, car ils peuvent augmenter la production et réduire la charge de
travail. Mais, pour que les producteurs de charbon de bois adoptent de
nouvelles techniques, il faut avant tout une formation participative et une
sensibilisation issue de l’expérience directe des avantages de l’utilisation
des fours améliorés.

22
CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
Par conséquent, une sensibilisation accrue à différents niveaux est
nécessaire non seulement chez les producteurs, mais aussi chez les
détaillants, les consommateurs et les organismes publics. Il est aussi
nécessaire d’étendre le développement des capacités et de communiquer
efficacement sur les alternatives permettant de généraliser ces
innovations simples et économiques qui améliorent les pratiques
locales de carbonisation, tout en contribuant aux programmes nationaux
d’atténuation des répercussions environnementales. L’amélioration de la
carbonisation est rentable, car les investissements dans des techniques
améliorées sont relativement modestes et peuvent doubler les quantités
produites avec la même quantité de bois. Cependant, ces pratiques
améliorées doivent être activement promues et récompensées par des
politiques gouvernementales et des mécanismes incitatifs afin qu’elles
deviennent attrayantes pour les producteurs et commencent à gagner
des parts de marché par rapport au charbon de bois non durable. Ainsi,
cela peut passer par exemple par l’octroi de meilleures conditions pour les
associations de producteurs qui s’engagent dans des pratiques améliorées
de carbonisation.

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Références
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

FAO. 2017. La transition du secteur du charbon de bois, Promouvoir une


chaîne de valeur du charbon de bois plus verte pour atténuer les effets
du changement climatique et renforcer les moyens d’existence des
populations locales. Disponible à l’adresse suivante : https://www.fao.
org/3/i6934f/i6934f.pdf.

Ndegwa G, Sola P, Siko I, Kirimi M, Wanjira EO, Koech G, Ihalainen M, Iiyama


M, Muriuki J, Njenga M. 2021. The charcoal value chain in Kenya: Actors,
practices and trade flows in selected sites. Technical Report. Nairobi,
Kenya : World Agroforestry. Disponible à l’adresse suivante : https://apps.
worldagroforestry.org/downloads/Publications/PDFS/RP21028.pdf.

Njenga M, Kirimi M, Koech G, Wanjra EO, Muriuki J, Sola P, Bourne M, Siko I.


(À paraître). Improvements in charcoal production and the environmental
implications: potential for the invasive Prosopis juliflora in Kenya.

Njenga M. 2020. Transforming Kenya’s invasive ‘mathenge’ bushes into


charcoal farms. Widely considered a nuisance, the shrub is now a sustainable
bioenergy option. Forest News. Bogor, Indonesia: the Center for International
Forestry Research (CIFOR). Disponible à l’adresse suivante : https://
forestsnews.cifor.org/65644/transforming-kenyas-invasive-mathenge-
bushes-into-charcoal-farms?fnl=en.

Njenga M, Kirimi M, Koech G, Otieno E, Sola P. 2019. Training of Trainers


(ToT) on Sustainable Prosopis Juliflora Woodfuel Production and
Utilization in Baringo County, Kenya. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.worldagroforestry.org/publication/training-trainers-tot-
sustainable-prosopis-juliflora-woodfuel-production-and.

ProPFE/GIZ. 2017. État des lieux de la chaîne de valeur du charbon rebuts


de scierie à l’Est Cameroun. Bertoua. Programme d’Appui au Programme
Sectoriel Forêt-Environnement, ECO Consult / Unique. Bertoua. 92 pages.

24
CARBONISATION 2.0 : COMMENT PRODUIRE PLUS DE CHARBON DE BOIS AVEC MOINS DE BOIS ?
ProPFE/GIZ. 2020. Amélioration de la production de charbon issue
des rebuts de scieries dans la région de l’Est-Cameroun. Modèle de
capitalisation. Programme d’Appui au Programme Sectoriel Forêt-
Environnement, ECO Consult / Unique. 14 pages.

Schure J, Pinta F, Cerutti PO, Kasereka-Muvatsi LK. 2019. Efficacité de la


production de charbon de bois en Afrique subsaharienne : des solutions
au-delà de la performance du four. Bois et Forêts des Tropiques 340 (2):
57–70. Disponible à l’adresse suivante : https://revues.cirad.fr/index.php/
BFT/article/view/31691.

Wanjira EO, Kirimi M, Kinyua JG, Koech G, Siko I, Bourne M, Muriuki J,


Sola P, Njenga M. 2021. Using improved kilns to produce charcoal in
Kenya: A practical guide. Nairobi: World Agroforestry. Disponible à
l’adresse suivante : https://www.worldagroforestry.org/file-download/
download/public/23309.

Zobo Mfomo J, Biwolé AB, Fedoung Fongzossie E, Ekassi GT, Hubert D,


Ducenne H, Tamba JG, Mouangue R. 2020. Les techniques de carbonisation
et les essences utilisées influencent les attributs de qualité des charbons
de bois produits avec des déchets de scierie industrielle dans l’Est-
Cameroun. Bois et Forêts des Tropiques 345: 63–72. Disponible à l’adresse
suivante : https://doi.org/10.19182/bft2020.345.a31831.

25
Citation conseillée
DOSSIER N°1 : LE BOIS-ÉNERGIE DURABLE

Schure J, Hubert D, Ducenne H, Kirimi M, Awono A, Mpuruta-Ka-Tito R,


Mumbere G, Njenga M. 2021. Carbonisation 2.0 : Comment produire plus
de charbon de bois tout en réduisant la quantité de bois et d’émissions
de gaz à effet de serre ? Dossier n° 1. Série de dossiers sur le bois-énergie
durable. Projet Gouvernance des paysages multifonctionnels (GML).
Bogor, Indonésie et Nairobi, Kenya : CIFOR-ICRAF.

Contributeurs remerciés
Réviseurs : Phosiso Sola, François Pinta, Davison Gumbo
Coordination du projet : Jolien Schure
Conception graphique : Laurent Nyssen
Suivi éditorial : Hélène Beaudin

Crédits photos
Couverture : Axel Fassio
Page 10 : Axel Fassio

26
Cette initiative fait partie du projet financé par l’Union européenne
intitulé « Gouvernance des paysages multifonctionnels en Afrique
subsaharienne : gestion des compromis entre les impacts sociaux
et écologiques (GML) » (Governing Multifunctional Landscapes
in Sub-Saharan Africa: managing trade-offs between social and
ecological impacts).

Cette recherche a été menée par le CIFOR-ICRAF dans le cadre du


Programme de recherche du CGIAR sur les Forêts, les Arbres et
l’Agroforesterie (FTA). Ce programme constitue le plus important
programme mondial de recherche pour le développement visant à
amplifier la contribution des forêts, des arbres et de l’agroforesterie
au développement durable, la sécurité alimentaire et à la lutte contre
le changement climatique. Le CIFOR dirige le FTA en partenariat
avec Bioversity International, le CATIE, le CIRAD, l’INBAR, l’ICRAF
et TBI. Les travaux du programme FTA sont soutenus par le Fonds
fiduciaire du CGIAR : https://www.cgiar.org/funders/.

cifor.org/gml

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