6-Partie 1 - Titre 3-2

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Code Ohada - Partie I TRAITE, REGLEMENTS ET DECISIONS - Titre III LE CONTENTIEUX RELATIF A

L'INTERPRETATION ET A L'APPLICATION DES ACTES UNIFORMES

Art. 18 Toute partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation
estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour
commune de justice et d'arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de
la notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu'elle notifie tant aux parties qu'à la juridiction en
cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s'est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette
juridiction est réputée nulle et non avenue.

I. Notion de juridiction nationale statuant en cassation


L'ordonnance par laquelle le Président d'une juridiction nationale de cassation a ordonné le sursis à
exécution d'une décision n'entre pas dans le champ d'application de l'article 18 du Traité OHADA, ce
qui entraîne l'incompétence de la CCJA sur l'action en annulation de ladite ordonnance. En effet, les
prérogatives d'une juridiction suprême nationale et celles du Président de ladite juridiction ne sont pas
interchangeables. La saisine, par requête, de la Juridiction présidentielle du Président d'une juridiction
suprême nationale ne saurait être confondue avec un pourvoi en cassation, de même que ne doivent
pas l'être les prérogatives et compétences respectives des deux ordres de juridiction qui opèrent dans
des contextes et sur des bases juridiques et procédurales différentes, à savoir, les articles 15 du
Traité et 51 du Règlement de Procédure de la CCJA pour la Juridiction nationale de cassation, et le
droit interne pour la Juridiction présidentielle du Président de la Cour Suprême nationale (CCJA, n°
026/2009, 30-4-2009 : M. M. c/ Sté Restaurant Chinatown SARL, Rec. jur. n° 13, janv.-juin 2009, p.
33, Ohadata J-10-58).
Dans le même sens, retenant que l'ordonnance rendue par le Président d'une juridiction nationale de
cassation statuant en référé n'a pas été rendue par une juridiction statuant en cassation et ne peut, de
ce fait, être déférée à la censure de la CCJA sur la base de l'article 18 du Traité OHADA (CCJA, n°
020/2010, 25-3-2010, P. n° 017/2007/PC, 26-2-2007 : Maître K.-O. c/ SOPIM, Rec. jur. CCJA n° 15,
janv.-juin 2010, p. 26, Ohadata J-12-20).

II. Conditions
La recevabilité du recours en annulation exige la réunion cumulative de deux conditions, celle d'avoir
préalablement soulevé l'incompétence de la juridiction nationale de cassation devant cette dernière et
le fait pour celle-ci de s'être prononcée dans une matière relevant de la compétence de la CCJA. En
l'espèce, le recours en annulation est irrecevable dès lors que les requérantes ne prouvent pas
qu'elles ont plaidé l'incompétence de ladite Cour suprême devant elle ; il ne résulte ni de l'arrêt
attaqué, ni du mémoire ampliatif que cette question a été soulevée et discutée ; la seule pièce qui en
parle, intitulée note de plaidoirie, est datée du 12 mars 2009, date à laquelle l'arrêt attaqué a été vidé ;
aucune des pièces du dossier n'atteste que la Chambre judiciaire de la Cour suprême a été saisie
dans les délais de cette exception, ni qu'elle ait été débattue contradictoirement devant elle. En
conséquence, le recours est irrecevable pour ne pas avoir été introduit dans les conditions édictées
par l'article 18 du Traité OHADA (CCJA, Ass. plén., n° 114, 4-11-2014 : Jacqueline Casalegno, La Sté
Chanas Assurances SA, La Sté Nationale des Hydrocarbures (SNH) c/ Denis Gillot, Louis Laugier,
Ohadata J-15-205 ; CCJA, 2e ch., n° 146, 11-8-2016 : Boubakar Hann c/ Ousmane Balde et 6 autres,
Ohadata J-17-86).
Seules deux conditions sont posées à l'article 18 du traité OHADA, à savoir, d'une part, que
l'incompétence ait été soulevée avant la décision de la juridiction nationale, d'autre part, que la CCJA
ait été saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Lorsque le
demandeur au pourvoi a, par écrit non contesté du 16 avril 2007, régulièrement soulevé
l'incompétence de la Cour suprême nationale, que la décision contestée a été rendue le 10 juillet 2007
et que la CCJA a été saisie dans le délai prescrit, les conditions de l'art. 18 sont remplies (CCJA, n°
029/2011, 6-12-2011 (Pourvoi n° 080/2008/PC du 21-8-2008) : K. K. c/ K. A. J., Rec. jur. CCJA n° 17,
juill.-déc. 2011, p. 157 ; Juris-Ohada, 2012, n° 1, janv.-mars, p. 42, Ohadata J-13-172).

Obs. : voir ci-après sur l'annulation de l'arrêt de la Cour suprême nationale.

A. Exception d'incompétence préalable


Faute par la requérante de justifier qu'elle avait soulevé l'incompétence de la juridiction suprême
nationale, son recours est irrecevable comme n'étant pas conforme aux exigences de l'article 18
précité (CCJA, n° 008, 26-2-2009 : Sté IFC SA c/ Y. M. F., Rec. jur. CCJA n° 13, janv.-juin 2009, p. 8,
Ohadata J-10-49, Ohadata J-09-281 ; Actualités Juridiques n° 64-65/2009, p. 269, Ohadata J-10-20 ;
CCJA, 2e ch., n° 262, 13-12-2018 : Sté 2JTH Gabon c/ Ecobank Gabon).

Obs. : cette décision permet à la CCJA de clarifier une question précédemment posée, à savoir s'il est impératif de
soulever l'incompétence de la juridiction suprême nationale saisie à tort avant de saisir la CCJA. Désormais la réponse est
clairement affirmative. On peut relever au passage que dans le cas d'espèce, c'est la requérante qui a elle-même saisi la
juridiction suprême nationale incompétente, avant de saisir la CCJA - peut-être après s'être avisée. Il convient de relever
que plusieurs juridictions suprêmes nationales se sont dessaisies d'office au profit de la CCJA, sur le fondement de l'article
15 du Traité OHADA ; voir sous l'art. 15.

Cependant, la condition a été tenue pour remplie lorsque, bien que l'arrêt attaqué n'ait pas fait état de
l'exception d'incompétence soulevée par le requérant au pourvoi, celui-ci avait, dans son mémoire en
réplique à l'exploit du pourvoi en cassation de la défenderesse, soulevé l'incompétence manifeste de
la juridiction suprême nationale pour connaître du litige (CCJA, 1 e ch., n° 017, 25-3-2010 : S. c/ Côte
d'Ivoire Telecom SA, Juris-Ohada, n° 3/2010, juill.-sept., p. 4, Ohadata J-11-61, J-12-54).
Il résulte de l'article 18 du traité relatif à l'OHADA qu'un arrêt d'une juridiction nationale de cassation
ne peut être annulé que si celle-ci a méconnu la compétence de la CCJA, bien que son incompétence
ait été soulevée par une partie, conformément à la procédure suivie devant cette juridiction nationale.
Le recours en annulation de la décision de la juridiction nationale de cassation doit être rejeté, dès lors
que l'exception d'incompétence n'a pas été soulevée en temps utile par un conseil régulièrement
constitué. S'agissant du recours en annulation de l'arrêt rendu par une juridiction nationale de
cassation en violation de la compétence de la CCJA, l'exception d'irrecevabilité soulevée devant la
CCJA au motif que le déclinatoire de compétence n'a pas été déposé de manière recevable devant la
juridiction nationale de cassation est irrecevable, dès lorsque le recours en annulation initié devant la
CCJA a été fait dans le délai de deux mois prévu à l'article 18 du Traité de l'OHADA (CCJA, 2 e ch. n°
137, 12-11-2015 : Etablissements GUY-NES et les GALERIES c/ Sté TOTAL CAMEROUN S.A.,
Ohadata J-16-130).
Le pourvoi exercé sur le fondement de l'article 18 du Traité en l'absence de preuve que le demandeur
a soulevé au préalable l'incompétence de la juridiction nationale de cassation au cours de l'instance
ayant abouti à l'arrêt contesté est irrecevable. Au demeurant, aucune disposition du Traité OHADA ne
permet d'anéantir, après coup, une décision d'une haute juridiction nationale par laquelle celle-ci
refuse de rabattre une décision antérieure par elle prise et où le problème de son incompétence ne
s'était pas posé et ainsi atteindre cette dernière décision pour l'annuler (CCJA, 1e ch., n° 073, 14-11-
2013 : Abdoulaye DIENG c/ Sté TRANSSENE, Rec. jur. CCJA n° 20, vol. 1, janv.-déc. 2013, p. 29-31,
Ohadata J-15-73) ; voir aussi (CCJA, Ass. plén., n° 072, 29-4-2015 : Sté Bernabé Sénégal SA c/
Société civile immobilière Dakar Invest dite SCI DAKAR INVEST, Société civile immobilière Dakar
centenaire dite SCI DAKAR CENTENAIRE, Ohadata J-16-73, précisant que les conditions
d'annulation ne sont pas remplies en l'espèce dès lors qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la
demanderesse a sollicité auprès d'une juridiction suprême nationale, qui l'a rejeté, le sursis à statuer,
arguant de la saisine de la CCJA d'une demande en interprétation de son arrêt n° 027/2007 du 19-7-
2007).
Lorsque les défendeurs ont soulevé in limine litis l'incompétence de la juridiction suprême nationale
tout en invitant cette dernière à saisir la CCJA du dossier, que la juridiction suprême nationale s'est
néanmoins déclarée compétente et a rejeté le pourvoi sans répondre à l'exception d'incompétence
soulevée, les conditions exigées par l'article 18 du traité OHADA pour saisir la CCJA d'un recours en
annulation sont remplies et l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée (CCJA, n° 015/2008, 24-4-2008
: K. A. J. et autres ayants droit de feu K. V. c/ 1) SGBCI, 2) C. D., 3) BICICI, Rec. jur. CCJA, n° 11,
janv.-juin 2008, p. 114, Ohadata J-09-106). S'agissant du recours en annulation de l'arrêt rendu par
une juridiction nationale de cassation en violation de la compétence de la CCJA, l'exception
d'irrecevabilité soulevée devant la CCJA au motif que le déclinatoire de compétence n'a pas été
déposé de manière recevable devant la juridiction nationale de cassation est irrecevable, dès lors que
le recours en annulation initié devant la CCJA a été fait dans le délai de deux mois prévu à l'article 18
du Traité de l'OHADA (CCJA, 3e ch., n° 141, 19-11-2015 : Sté BOURBON Offshore SURF, S.A.S c/
TATY Jean Claude, Ohadata J-16-134).

1° Preuve de l'exception soulevée


Validité de l'exception d'incompétence soulevée par écrit non contestée. Seules deux conditions
sont posées à l'article 18 du Traité, à savoir, d'une part que l'incompétence ait été soulevée avant la
décision de la juridiction nationale, d'autre part que la CCJA ait été saisie dans le délai de deux mois à
compter de la notification de la décision. L'incompétence de la juridiction suprême nationale soulevée
par un écrit non contesté est régulière. La CCJA ayant été saisie dans le délai prescrit, la juridiction
suprême nationale s'est déclarée compétente à tort dès lors que le litige concernait une procédure
régie par l'AUPSRVE (en l'espèce l'injonction de payer) et l'arrêt attaqué doit être annulé (CCJA, 3 e
ch., n° 29, 6-12-2011 : K K c/ K A, Juris-Ohada, 2012, n° 1, janv.-mars, p. 42, Ohadata J-13-21).
Validité de la preuve par les pièces du dossier. C'est à tort que le défendeur soulève l'irrecevabilité
du recours au motif que l'expédition de l'arrêt querellé ne comporte pas la preuve de ce que la
compétence de la Cour suprême nationale ait été contestée avant d'être méconnue par elle, dès lors
qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure, notamment du mémoire en défense en date du 2
octobre 2013, enregistré au greffe de la Cour suprême le 9 octobre 2013, que la demanderesse au
pourvoi devant la CCJA a soulevé in limine litis le moyen de défense unique tiré de l'incompétence
rationae materiae de la Cour suprême et que celle-ci n'y a pas répondu et a plutôt soulevé d'office un
moyen de cassation fondé sur la violation de l'article 39 du Code de procédure civile et commerciale ;
le recours est donc recevable en la forme (CCJA, 3 e ch., n° 164, 13-7-2017 : BICEC SA c/ Ngou
Jean). L'affaire ayant donné lieu à l'arrêt attaqué étant relative à une procédure d'injonction de payer
régie par l'AUPSRVE, c'est en violation flagrante du Traité relatif à l'OHADA que la juridiction suprême
nationale a éludé l'exception de son incompétence soulevée devant elle, préférant casser l'arrêt
d'appel sur la base de la violation d'une disposition du droit interne soulevée d'office ; il s'ensuit dès
lors que sa décision est réputée nulle et non avenue en application des dispositions de l'article 18 in
fine dudit Traité (CCJA, 3e ch., n° 164, 13-7-2017 : BICEC SA c/ Ngou Jean).

2° Application de la règle de l'estoppel au demandeur de l'annulation


Il résulte de l'article 18 du Traité relatif à l'OHADA que seule la partie qui a soulevé le déclinatoire de
compétence de la juridiction nationale de cassation peut demander l'annulation de la décision de ladite
juridiction devant la CCJA si les autres conditions de l'article 18 sont remplies. Doit donc être rejeté le
recours en annulation formé devant la CCJA par une partie qui n'avait pas soulevé l'incompétence
dans la procédure nationale (CCJA, 2e ch., n° 183, 8-12-2016 : Samba Coulibaly c/ Office des Faillites
de Genève, Ohadata J-17-123 ; CCJA, 1e ch., n° 094, 26-4-2018 : Soucoule Habibata c/ Coulibali
Mamadou ; CCJA, 2e ch., n° 054, 23-3-2017 : La Société Civile Immobilière Choucair Frères c/ Sté
Générale de Banques, en Côte d'Ivoire SA dite SGBCI, Ohadata J-17-201).
Dans le même sens :
- et rejetant le recours en annulation formé par la demanderesse au pourvoi devant la juridiction
suprême nationale, dès lors que l'exception d'incompétence de la juridiction suprême nationale a été
soulevée par la défenderesse au pourvoi, la première condition édictée par l'article 18 précité n'étant
pas remplie (CCJA, 3e ch., n° 211, 22-11-2018 : Compagnie Ivoirienne d'Hévéa c/ Banque Atlantique
Côte d'Ivoire dite BACI).

Obs. : intéressant car belle illustration de la règle de l'estoppel.


- et précisant que l'article 18, al. 1 du Traité relatif à l'OHADA vise, non pas les moyens de cassation
développés par le recourant lui-même tirés de l'incompétence des juges du fond dont il conteste la
décision, mais le moyen tendant à empêcher la juridiction nationale de cassation saisie du recours
d'en connaître, dans la mesure où l'affaire porte sur une matière relevant de la compétence de la
CCJA (CCJA, 1e ch., n° 112, 9-6-2016 : SGBF c/ Etablissements Nare et Frères « ENAF », Monsieur
Nare Guibrina, Ohadata J-17-53).
Le recours en annulation est irrecevable d'office, lorsqu'il est établi que ce sont les demandeurs eux-
mêmes qui ont saisi la Cour Suprême nationale devant laquelle ils n'ont présenté aucun déclinatoire
de compétence, les conditions exigées par l'article 18 du Traité OHADA n'étant pas réunies (CCJA, 3e
ch., n° 106, 26-4-2018 : Gnare Kadiatou et 10 autres c/ Haïdar Moustapha, Entreprise Industrielle de
Bâtiments et Divers dite EIB).

B. Délai d'ordre public


Le délai prescrit par l'article 18 du Traité relatif à l'OHADA est d'ordre public et aucune norme de droit
interne ne peut avoir pour effet d'y déroger. Il s'ensuit que le recours exercé plus de deux mois après
la notification de l'arrêt attaqué est irrecevable (CCJA, Ass. plén., n° 076, 29-4-2015 : Abdoulaye
DIENG c/ Sté Transsene, Ohadata J-16-77 ; CCJA, 2e ch., n° 151, 27-10-2016 : Etablissements Esper
Jehad c/ SIPDC SARL, Ohadata J-17-91).

1° Computation du délai
La notification de la décision contestée, au sens de l'article 18 du Traité institutif de l'OHADA, n'a pour
but que de faire courir le délai du recours en annulation ; l'accomplissement de cette formalité n'est
pas une condition de recevabilité du recours. Ainsi, si comme le prétend le défendeur au pourvoi,
aucune preuve de la notification de l'arrêt attaqué n'a été rapportée, il y a lieu de dire que le délai de
pourvoi court toujours (CCJA, 3e ch., n° 164, 13-7-2017 : BICEC SA c/ Ngou Jean).

2° Forclusion constatée par la juridiction nationale


La régularité de la signification d'un arrêt doit être appréciée en application des dispositions
pertinentes du droit national de chaque Etat membre. Ainsi, en République du Sénégal, cette matière
est régie par les articles 821 et suivants du Code de procédure civile et non par l'article 53 de
l'AUPCAP qui porte sur les conséquences de la liquidation des biens et le dessaisissement du
débiteur de la gestion et de l'accomplissement de certains actes. En retenant que le recours a été
introduit hors le délai prévu à cet effet, après avoir constaté que la signification a été régulière, la cour
suprême n'a en rien méconnu la compétence de la CCJA et la demande en annulation de l'arrêt de la
cour suprême, qui ne remplit pas la deuxième condition de fond édictée par l'article 18 précité, doit
être rejetée (CCJA, 3e ch., n° 149, 7-6-2018 : Etat du Sénégal c/ EEXIMCOR AFRIQUE S.A. et 2
autres).
Mais l'exception d'incompétence de la CCJA soulevée au motif que la cour suprême étant seule
habilitée à examiner les conditions relatives au délai de recours en cassation dont elle est saisie, la
CCJA ne peut avoir compétence pour se prononcer sur le motif par lequel ce pourvoi a été déclaré
irrecevable, ne peut être accueillie, dès lors que le recours est fondé sur l'article 18 du Traité relatif à
l'OHADA, qui ne fait aucun distinguo par rapport à la motivation (CCJA, 3e ch., n° 149, 7-6-2018 : Etat
du Sénégal c/ EEXIMCOR AFRIQUE S.A. et 2 autres).

C. Inapplication de dispositions nationales à la procédure de l'article 18 du Traité


Un texte de droit interne, selon lequel « aucun moyen même d'ordre public non soulevé par les
parties, ne pourra être examiné sans que celles-ci aient été appelées à présenter leurs observations à
cet égard », est inopérant devant la CCJA saisie conformément aux dispositions de l'article 18 du
Traité de l'OHADA (CCJA, 3e ch., n° 139, 7-6-2018 : Kouadio Konan c/ Kacou Appia Justin et 1 autre).

III. Champ d'application de l'article 18


L'article 18 du Traité OHADA concerne la saisine a posteriori de la CCJA alors même qu'une
juridiction nationale a statué au mépris d'un déclinatoire de compétence. Ce texte est sans influence
dès lors que, parallèlement, la saisine de la CCJA s'est faite conformément aux dispositions des
articles 14 du Traité et 28 du Règlement de procédure, d'autant qu'aux termes de l'article 16 dudit
Traité, « la saisine de la Cour commune de justice et d'arbitrage suspend toute procédure de
cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée » (CCJA, 2 e ch., n° 07,
30-3-2006 : Sté Civile de Grand-Lahou dite SCGL c/ American Ivoirian Investment Corporation dite
A21C, Juris-Ohada, n° 3/2006, p. 23, Ohadata J-07-14).
S'il est vrai que la CCJA peut être saisie, aux termes de l'article 18 du Traité OHADA, d'un recours si
sa compétence, préalablement soulevée par une partie, a été méconnue par une juridiction nationale
de cassation, il n'en demeure pas moins vrai qu'un pourvoi, régulièrement formé devant la CCJA,
contre le même arrêt attaqué, est recevable (CCJA, 3e ch., n° 094, 1-8-2014 ; P n° 031/2011/PC du
29-3-2011 : Sté Générale de Banques en Côte d'Ivoire dite SGBCI c/ KY Dieudonné Alexandre,
Ohadata J-15-185).

IV. Décisions ayant annulé l'arrêt d'une juridiction nationale de cassation

A. Compétence exclusive de la CCJA, même pour les pourvois mixtes


L'article 14 du Traité OHADA pose le principe de la compétence exclusive de la CCJA pour connaître
du recours en cassation contre les décisions rendues par les juridictions d'appel nationales « dans
toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes… ». Il s'ensuit
qu'en retenant que « si l'article 14 al. 1 du Traité OHADA dispose que la CCJA assure dans les Etats
parties l'interprétation et l'application dudit Traité, des Règlements pris pour son application et des
Actes uniformes, il en est autrement lorsque la juridiction nationale de cassation est saisie d'un
pourvoi soulevant à la fois des questions relatives à l'application d'un Acte uniforme et d'un texte de
droit interne ; qu'en l'espèce, le demandeur au pourvoi ayant invoqué la violation de l'article 49 al. 1 de
l'AUPSRVE et de l'article 3 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative Ivoirien
comme moyens de cassation, la Chambre Judiciaire doit retenir sa compétence », alors que les
poursuites engagées contre la requérante au pourvoi, tiers saisi, l'ont été sur la base des dispositions
de l'article 38 de l'AUPSRVE, la Cour Suprême de Côte d'Ivoire a méconnu la compétence de la
CCJA, violant ainsi les dispositions de l'article 18 du Traité OHADA. Son arrêt est nul et non avenu
(CCJA, 1e ch., n° 38, 17-7-2008 : SDV-CI c/ GETMA-CI, Juris-Ohada n° 4/2008, p. 35, Ohadata J-09-
77).
Il est constant, selon la jurisprudence de la CCJA, que cette dernière reste seule compétente en
application de l'article 14 du Traité relatif à l'OHADA, pour assurer l'interprétation et l'application
uniformes du Traité ainsi que des Règlements pris pour son application, des Actes uniformes et des
décisions, peu importe que le recours soit également fondé sur des textes nationaux (pourvoi mixte).
Les décisions de la CCJA, en application de l'article 16 dudit Traité OHADA, s'imposent aussi aux
hautes juridictions nationales de l'espace OHADA. En l'espèce, c'est en violation flagrante du traité
relatif à l'OHADA que la juridiction nationale de cassation s'est déclarée compétente ; l'arrêt attaqué
est nul et non avenu car l'affaire qui y a donné lieu soulève bien des questions relatives à l'application
de l'AUPSRVE et que, du reste, la juridiction nationale de cassation, pour casser l'arrêt d'appel déféré
devant elle, a soulevé d'office un moyen tiré de la violation de l'article 9 dudit Acte uniforme (CCJA, 1 e
ch., n° 032, 2-5-2013 : Amour John WOFA KYEI c/ ECOBANK BURKINA, Rec. jur. CCJA n° 20, vol. 1,
janv.-déc. 2013, p. 62-65, Ohadata J-15-32). Selon sa jurisprudence constante, la CCJA a une
compétence générale pour examiner un pourvoi en cassation mixte dont les moyens sont fondés
aussi bien sur les dispositions d'un Acte uniforme que sur les règles de droit interne d'un Etat partie.
En l'espèce, les moyens développés par les parties concernent aussi bien les dispositions des articles
42 et 132 du décret foncier du 24-7-1906 et 1134 du Code civil (droit interne) que des dispositions de
l'article 49 de l'AUPSRVE et celles des articles 123 et 130 anciens de l'AUS. En vertu de la
supranationalité des Actes uniformes édictée par l'article 10 du Traité OHADA et de ses prérogatives
d'évocation, la CCJA est bien compétente pour connaître de la présente procédure (CCJA, Ass. plén.,
n° 059, 23-4-2014 : Banque Atlantique TOGO SA c/ Etablissements AKAMA et Fils, ASSANI-
BENTHO Mounirou, Ohadata J-15-150).

Obs. : par ces arrêts, la CCJA semble avoir confirmé sa compétence exclusive même pour les pourvois mixtes. Il s'ensuit
que la jurisprudence antérieure de certaines juridictions nationales de cassation qui prônaient une compétence partagée
avec la CCJA doit être désormais tenue pour caduque. Voir dans les éditions antérieures du présent ouvrage (C. Sup.
Niger, civ. Arrêt n° 01-158/C, 16-8-2001 : SNAR LEYMA c/ Groupe Hima Souley, Ferdinand AHO et al. ; OHADA :
Jurisprudences nationales. Ed. Bénin Consulting Group, Cotonou (Bénin) : 2004, p. 3, 1NE2, Ohadata J-02-28 ; Cass.
com. (Burkina Faso), n° 22, 14-12-2006 : Sté LAFCHAL SARL c/ C. K. S., Ohadata J-09-01).

C'est à tort qu'une juridiction suprême nationale s'est fondée sur sa jurisprudence selon laquelle « la
juridiction nationale retient sa compétence en présence de moyens mixtes, c'est-à-dire lorsque le
pourvoi soulève, en plus des griefs relatifs à l'application des textes supranationaux, des moyens
relatifs à l'application d'un texte national » pour retenir sa compétence, alors que l'article 14 du traité
relatif à l'OHADA pose le principe de la compétence exclusive de la CCJA pour connaître du recours
en cassation contre les décisions rendues par les juridictions nationales statuant en second degré «
dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes… ».
L'invocation d'une disposition de droit interne aux côtés d'un Acte uniforme comme moyen de
cassation ne peut justifier la compétence d'une juridiction de cassation nationale sans enfreindre les
dispositions de l'article 14 du Traité, lesquelles reconnaissent à la CCJA une compétence entière dans
toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application d'un Acte uniforme. C'est donc à
tort que la juridiction suprême nationale s'est déclarée compétente, exposant ainsi son arrêt à la nullité
prévue par l'article 18 du traité (CCJA, 3e ch., n° 027, 13-3-2014 : Ibrahim TOURE c/ Cheickna LAH,
Ohadata J-15-118. CCJA, Ass. plén., n° 050, 23-4-2014 : ADAMAH-FOLLY Foligan Bruno c/ SODJI
Ahlin, Ohadata J-15-141).

B. Saisie immobilière
La Cour suprême nationale qui a retenu sa compétence, sur pourvoi contre l'arrêt d'une cour d'appel
nationale, en décidant que le moyen unique de cassation invoqué par le demandeur au pourvoi tiré de
la contrariété de décisions ne soulève aucune question se rapportant à l'interprétation et à l'application
d'Actes uniformes, alors que l'arrêt attaqué a décidé entre autres qu'il n'y a pas lieu de surseoir à la
vente de l'immeuble saisi et a ordonné au tribunal de fixer conformément à la loi, une nouvelle date
pour la vente dudit immeuble, a méconnu les dispositions de l'article 18 du traité OHADA en se
déclarant à tort compétente. Sa décision est nulle et non avenue (CCJA, 1 e ch., n° 003/2013, 7-3-2013
; P n° 116/2009/PC du 16-11-2009 : Abdoulaye Diallo c/ LALLE Bi Ya Jacques, Rec. jur. CCJA n° 20,
vol. 1, janv.-déc. 2013, pp. 40-44, Ohadata J-15-03).
L'affaire sur laquelle le TPI et la cour d'appel se sont respectivement prononcés étant relative à
l'annulation de la vente aux enchères publiques d'un immeuble, à l'audience des criées du 10 mai
1999 du TPI d'Abidjan, cette procédure est régie, depuis le 10 juillet 1998, par l'AUPSRVE et donc
relève désormais de la compétence de la CCJA par application de l'article 14 al. 3 du traité OHADA.
La juridiction suprême nationale s'étant par conséquent déclarée compétente à tort pour connaître du
pourvoi en cassation exercé contre l'arrêt d'appel, sa décision est réputée nulle et non avenue en
application de l'article 18 du Traité OHADA (CCJA, n° 015/2008, 24-4-2008, précité, Ohadata J-09-
106).
Dans le même sens :
• CA Abidjan, n° 617, 8-6-2004 : CFAO c/ O. B., Actualités juridiques n° 49, 2005, p. 210, note
François Komoin ; Ohadata J-05-349, retenant que les mesures d'exécution basées sur des décisions
rendues par une juridiction suprême nationale en violation de la compétence de la CCJA sont
irrégulières car lesdites décisions sont juridiquement inexistantes ;

Obs. : voir aussi les décisions rendues en application des art. 2, 10 et 14 du Traité OHADA sous ces articles.

• CCJA, 1e ch., n° 017, 25-3-2010, précité, Ohadata J-11-61, J-12-54 ;


• CCJA, 1e ch., n° 004, 4-2-2010 : COLAS MALI SA c/ GME SA., Juris-Ohada, n° 2/2010, avr.-juin
2010, p. 9, Ohadata J-11-48, J-12-53 ;
• retenant que la juridiction suprême nationale qui a statué sur le pourvoi à lui soumis nonobstant la
demande d'incompétence formulée par la demanderesse au pourvoi a méconnu les dispositions de
l'article 18 du Traité OHADA en se déclarant à tort compétente ; il s'ensuit que sa décision est nulle et
non avenue (CCJA, 2e ch., n° 050/2012, 7-6-2012 ; P. n° 039/2009/PC du 23-4-2009 : Kouame
Amenan Delphine c/ Boni née N'Guessan Adjoua Claudine).
Obs. : dans le cas d'espèce, la demanderesse au pourvoi devant la CCJA avait d'abord saisi la juridiction suprême
nationale, puis a demandé à cette dernière de se dessaisir et de renvoyer l'affaire devant la CCJA. La chambre judiciaire
de la Cour suprême de Côte d'Ivoire a rejeté le pourvoi après s'être déclarée compétente.

• CCJA, 3e ch., n° 013/2012, 8-3-2012 ; P. n° 043/2009/PC, du 29-4-2009 : Elton Oil Company c/ Papa
Mactar Sarr ; CCJA, 3e ch., n° 29, 6-12-2011 : K K c/ K A, Juris Ohada, 2012, n° 1, janv.-mars, p. 42,
Ohadata J-13-21 ; CCJA, n° 029/2011, 6-12-2011 (Pourvoi n° 080/2008/PC du 21-8-2008) : K. K. c/ K.
A. J., Rec. jur. CCJA n° 17, juill.-déc. 2011, p. 157, Ohadata J-13-172, condamnant la défenderesse
aux dépens ; CCJA, 2e ch., n° 015, 2-4-2015 ; P n° 077/2011/PC du 14-9-2011 : Sté Nigérienne de
Banque (SONIBANK) c/ Succession TAHIROU Illou représentée par Hamadou TAHIROU, Ohadata J-
16-15.

C. Injonction de payer
Sur une décision déclarant nulle et non avenue la décision d'une juridiction suprême nationale qui a
retenu sa compétence en matière d'injonction de payer malgré le déclinatoire de compétence, voir :
CCJA, Ass. Plén., n° 007, 4-2-2014 : ETAT du CAMEROUN c/ Sté Forestière HAZIM et Compagnie
SA dite SFH & Cie, Sté Camerounaise de Raffinage MAYA et Compagnie SA, Sté PLASTICS and Co.
Sarl, Sté Forestière HAZIM SCIERIE et Compagnie SA dite SFHS, Sté Forestière HAZIM SCIERIE
NGAMBE TIKAR, Sté Transport Camerounais SA dite TRANSAC, Sté Forestière Industrielle du Wouri
SA dite SFIW, Sté Industrielle du Bois du Cameroun Sarl dite IBCAM, HAZIM CHEHADE HAZIM,
Ohadata J-15-98 ; CCJA, 2e ch., n° 183, 27-7-2017 : SAMAG SA c/ GRAFICA Ivoire Sarl ; CCJA, 3e
ch., n° 214, 23-11-2017 : Omaïs Jawad c/ Entreprise Dossou, Vidjanagni Dossou Antoine.

D. Bail commercial et location-gérance


L'arrêt déféré devant la Cour suprême qui a pour source la résiliation d'un contrat de bail prononcée
sur le fondement de l'article 101 de l'AUDCG soulève des questions relatives à l'application d'un Acte
uniforme et conformément à l'article 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en
Afrique, seule la CCJA est compétente pour connaître du pourvoi. En statuant sur le pourvoi à lui
soumis nonobstant la demande d'incompétence formulée par le demandeur au pourvoi, la Chambre
judiciaire de la Cour suprême a enfreint les dispositions de l'article 18 du Traité susvisé en se
déclarant à tort compétente ; sa décision est nulle et non avenue (CCJA, Ass. plén., n° 050, 23-4-2014
: ADAMAH-FOLLY Foligan Bruno c/ SODJI Ahlin, Ohadata J-15-141 ; CCJA, 1e ch., n° 237, 29-11-
2018 : Ambrosino Claude Jean Pierre c/ Servant Christophe ; CCJA, 1 e ch., n° 182, 25-10-2018 : Baba
Boré Djire c/ Oumar Guindo).
La CCJA est compétente, dès lors que le pourvoi soumis à la Cour suprême nationale était relatif à
une location-gérance, matière relevant de l'AUDCG et que, par ailleurs, la demanderesse a
effectivement soulevé l'incompétence de la juridiction nationale, qui s'est déclarée compétente à tort,
exposant ainsi son arrêt à l'annulation. L'arrêt attaqué doit être déclaré nul et non avenu (CCJA, 2 e ch.,
n° 181, 17-12-2015 : Corlay SA Côte d'Ivoire c/ AYAMEL Moustapha, Ohadata J-16-174).
Dans le même sens :
- et jugeant que nonobstant le terme impropre de « cassation » employé par la requérante, il y a lieu
de considérer le recours fondé expressément sur les dispositions de l'article 18 du traité OHADA
comme étant en réalité un recours en annulation (CCJA, 3 e ch., n° 078, 28-4-2016 : Société Civile de
Patrimoine AZUR c/ SDV-SAGA CI devenue Bolloré Africa Logistics Côte d'Ivoire, Ohadata J-17-26) ;
- pour une indemnité d'occupation (CCJA, 1e ch., n° 040, 22-2-2018 : SCI M & c/ SDTM-CI) ;
- et jugeant qu'il importe peu que le litige en l'espèce ait concerné un bail conclu avant l'entrée en
vigueur de l'AUDCG, dès lors que le jugement infirmé par l'arrêt d'appel au sujet duquel la juridiction
nationale de cassation a statué a notamment fait application des dispositions des articles 99 et 101 de
l'AUDCG, indiquant indiscutablement que l'affaire soulevait des questions relatives à l'application d'un
Acte uniforme au sens de l'article 14 al. 3 du traité, et relevait en conséquence de la compétence
matérielle exclusive de la CCJA, à laquelle les parties ne peuvent pas renoncer (CCJA, 3e ch., n°
162, 13-7-2017 : Epoux Kalot c/ Ayants droit de feu Boumerhy Antoine) ;

Obs. : même si ce n'est pas précisé, il est possible, comme c'est souvent le cas, que le bail, qui a pu se poursuivre et soit
devenu un bail à durée déterminée dont la résiliation est régie par l'AUDCG après son entrée en vigueur.
- sur la résiliation d'un bail professionnel et l'expulsion du preneur (CCJA, 3 e ch., n° 166, 18-10-2018 :
Sylla Mamadou c/ N'Golofoungo Ali Coulibaly).

E. Rétention sur la provision d'un compte bancaire


La rétention exercée sur la provision des comptes d'une personne en République de Guinée (Etat
membre de l'OHADA), après l'entrée en vigueur de l'AUS, relève désormais, en cassation, de la
compétence de la CCJA par application de l'article 14 al. 3 du Traité institutif de l'OHADA. C'est donc
à tort que la Cour Suprême de Guinée s'est déclarée compétente pour connaître du pourvoi en
cassation exercé par les arrêts intervenus dans cette procédure ; sa décision est réputée nulle et non
avenue en application des dispositions sus/énoncées de l'article 18 du Traité précité (CCJA, n°
047/2009, 12-11-2009 : UIBG c/ Ets. Alpha Oumar BARRY, Rec. jur. CCJA, n° 14, juill.-déc. 2009, p.
39, Ohadata J-10-185).

Obs. : il convient de noter qu'il y a une différence entre la nullité de la décision rendue en violation de la compétence de la
CCJA et l'inexistence retenue par la cour d'appel d'Abidjan (voir ci-après Ohadata J-05-349), notamment en ce que
l'inexistence est imprescriptible. Voir aussi sous l'art. 49 de l'AUPSRVE.

F. Hypothèque judiciaire
La CCJA est compétente pour un litige relatif à l'hypothèque autorisée par le président d'un TGI et
validée par une cour d'appel ayant décidé le maintien de l'intégralité et de la conversion en
hypothèque judiciaire définitive qui sous-tend la condamnation pécuniaire. Dans ces conditions, le
contrôle de la régularité procédurale dont se prévaut la Cour Suprême nationale pour retenir sa
compétence ne saurait primer sur son obligation de s'assurer au préalable de sa compétence rationae
materiae. C'est donc à tort qu'elle s'est déclarée compétente pour examiner le pourvoi en cassation ;
sa décision attaquée est réputée nulle et non avenue en application des dispositions de l'article 18 du
Traité OHADA (CCJA, 1e ch., n° 168, 17-12-2015 : SOCIETE ELCO CONSTRUCTION c/ SOCIETE
MAISONS SANS FRONTIERES CONGO SARL dite MSF, Ohadata J-16-161).

G. Autres exemples
- Pour une saisie-attribution de créance (CCJA, Ass. plén., n° 069, 25-4-2014 : ECOBANK-BURKINA
c/ KOUTOU SOMLAWINDE DAOUDA, Ohadata J-15-160 ; CCJA, 2e ch., n° 202, 23-11-2017 :
Kouadio Konan c/ Kakou Appia, A. C. Laure épse Kakou Appia) ou sa validité (CCJA, 3 e ch., n° 139,
7-6-2018 : Kouadio Konan c/ Kacou Appia Justin et 1 autre).
Le fait de saisir la Cour suprême nationale d'un pourvoi en cassation assorti d'une requête en
surséance contre l'arrêt d'une cour d'appel ayant rejeté la défense à exécution d'une sentence
arbitrale constitue une procédure dilatoire et illégale en ce qu'elle n'a été prévue par aucun texte (T.
com. Pointe-Noire (Congo), n° 001, 9-1-2008 : ENI-CONGO S.A. c/ Ets. MIC VIDEO, Ohadata J-13-
71).

Obs. : la « surséance » équivaut au « sursis », terme davantage utilisé. L'art. 18 du traité OHADA n'a pas été
expressément visé, mais la solution est transposable, car il était question de la compétence exclusive de la CCJA
conformément aux art. 25 et 32 de l'AUA.
- Sociétés commerciales :
- Pour un litige au sujet duquel les parties ont sollicité en vain de la juridiction nationale de cassation
une décision d'incompétence ou de sursis à statuer (CCJA, Ass. plén., n° 068, 29-4-2015 : Sté
Générale France dite S.G, Sté Bayerische Hypo Und Vereinsbank AG c/ El Hadji Boubacar HANN, La
Société Hann et Compagnie SA, Ohadata J-16-189 ; CCJA, 3e ch., n° 50, 25-3-2016 : 1- TRCI SA, 2-
Joseph Désiré Biley, 3- P.T.E Ltd c/ 1- Etat de Côte d'Ivoire, 2- SAPHIC SA, Ohadata J-16-252) ;
- pour un litige relatif à l'annulation de cession d'actions dans une société anonyme (CCJA, 3 e ch., n°
015, 25-1-2018 : Sté CKG Holding c/ Sté YARA France) ;
- annulation d'une cession de droits sociaux pour vice de consentement et non-paiement du prix, ainsi
que l'opposabilité de cessions de parts sociales entre vifs (CCJA, 2 e ch., n° 249, 29-11-2018 : Diarra,
née Mariam Traore c/ Mari Diarra).
- Suspension d'une exécution entamée (CCJA, 3e ch., n° 218, 22-11-2018 : Afriland First Bank c/ Dje
Amoin, Marie Laurence c/ Entreprise Assureurs Conseils Services, Bamba Ahmed Karamoko sur les
vois d'exécution en général, CCJA, 3e ch., n° 157, 27-10-2016 : Daouda Keita c/ Moussa Kante,
Abdoulaye Kante, Ohadata J-17-97 ; CCJA, 2e ch., n° 146, 11-8-2016 : Boubakar Hann c/ Ousmane
Balde et 6 autres, Ohadata J-17-86 ; CCJA, 1e ch., n° 218, 23-11-2017 : Union Provinciale des
Producteurs Semenciers du Bazèga c/ Union Régionale des Producteurs Semenciers du Centre Sud),
dans le cadre d'une saisie immobilière (CCJA, 1 e ch., n° 170, 27-7-2017 : Sani Al Hadj Ousmane c/
Sté Générale Tchad ; CCJA, 1e ch., n° 190, 25-10-2018 : Sté SOGAD BTP c/ ORABANK GABON,
indiquant que le sursis prévu à l'article 16 du Traité n'était pas applicable en l'espèce) ;
- Compétence du juge de l'exécution (CCJA, 2e ch., n° 131, 18-5-2017 : 1) Sté Armement Safmarine
Container lines NV, 2) Sté Maersk Line Agency Cameroun SA c/ Sté des Etablissements Momkam) ;
- Sûretés : La juridiction nationale de cassation qui a statué sur un pourvoi dans une affaire soulevant
manifestement des questions relatives à l'application d'un Acte uniforme (en l'espèce l'AUS) malgré le
déclinatoire de sa compétence a méconnu la compétence de la CCJA et exposé sa décision à
l'annulation conformément aux dispositions de l'article 18 du Traité relatif à l'OHADA, même si les
moyens de cassation [présentés devant la juridiction nationale de cassation] sont « tirés de l'omission
de statuer et du défaut de base légale » (CCJA, 3e ch., n° 050, 1-3-2018 : Sté GTA-C2A/IARDT c/ Sté
Afriland First Bank, SGI Togo SA, Sté SITEL).

Obs. : la solution principale posée par cet arrêt n'est pas nouvelle. Cependant, c'est la première fois que la CCJA précise
que l'omission de statuer et le défaut de base légale peuvent également donner lieu à l'annulation d'une décision rendue
par une juridiction suprême nationale au mépris de sa compétence. En effet, certains plaideurs qui portent encore des
affaires soulevant des questions relatives à un Acte uniforme ou un texte de l'OHADA devant une juridiction nationale de
cassation essaient de justifier leur stratégie procédurale en invoquant des moyens qui seraient fondés sur des questions
en dehors des Actes uniformes, telles que des dispositions de droit interne (Code de procédure civile dans la plupart des
cas). La CCJA a pourtant une position claire et constante qui consiste à retenir sa compétence exclusive même en cas de
pourvois mixtes, le critère essentiel étant une affaire soulevant des questions relatives à l'application d'un Acte uniforme ou
autre texte de l'OHADA. A part la question principale du litige, qui relevait de l'AUS, la position de la CCJA est justifiée en
l'espèce dès lors que l'omission de statuer et le défaut de base légale, qui sont prévus par l'article 28 bis du Règlement de
procédure de la CCJA relativement aux moyens de cassation devant la CCJA, constituent indiscutablement aussi des «
questions relatives à l'application d'un texte de l'OHADA » (en l'occurrence le Règlement de procédure de la CCJA) ; la
compétence exclusive de la CCJA était donc justifiée.

V. Décisions n'ayant pas annulé l'arrêt de la juridiction nationale de cassation

A. Décision non rendue par une juridiction nationale de cassation et/ ou ne relevant pas de la
législation OHADA

1° Ordonnance non rendue par une juridiction statuant en cassation


La CCJA est incompétente lorsqu'il s'avère que l'ordonnance dont le requérant demande l'annulation,
en application de l'article 18 du Traité OHADA, n'a pas été rendue par une juridiction statuant en
cassation et n'a pas statué sur une demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie
conservatoire comme prévu à l'article 49 de l'AUPSRVE. Il en est ainsi même si le requérant a soulevé
l'incompétence du Président de la juridiction suprême nationale lors de l'audience de référé qui a
abouti à l'Ordonnance dont l'annulation est demandée (CCJA, 1 e ch., n° 20, 25-3-2010 : Me K.-O. c/
S.O.P.I.M., Juris-Ohada, n° 3/2010, juill.-sept., p. 13, Ohadata J-11-64).

2° Litige relatif à la propriété d'un immeuble


Il n'y a pas lieu d'annuler l'arrêt rendu par une juridiction suprême nationale dès lors qu'il a tranché un
litige relatif à la propriété d'un immeuble conformément au droit national et que le problème juridique
fondamental ayant été ainsi résolu, il ne se pose plus de question relative à l'application d'un Acte
uniforme (CCJA, Ass. Plén., n° 008, 4-2-2014 : SAPI SCI c/ Sté ARNO SARL, Ohadata J-15-99).

3° Irrecevabilité manifeste du recours contre la décision d'une section administrative d'une


cour d'une juridiction suprême nationale
Il résulte de l'article 14 du Traité relatif à l'OHADA que les décisions des juridictions des Etats parties
susceptibles d'être attaquées par la voie du pourvoi en cassation sont celles rendues par les
juridictions d'appel ou celles insusceptibles d'appel rendues par les juridictions du premier degré des
Etats parties statuant légalement en premier et dernier ressort. Contre les décisions rendues par les
hautes juridictions nationales statuant en cassation, le législateur OHADA n'a prévu que le recours en
annulation dans les conditions édictées à l'article 18 dudit traité. En l'espèce, le pourvoi est
manifestement irrecevable dès lors que la décision dont pourvoi a été rendue par la section
administrative d'une cour suprême d'une Etat partie, haute juridiction dont les décisions sont
insusceptibles de recours, à l'exception du recours en annulation prévue par l'article 18 du Traité
susvisé (CCJA, 2e ch., n° 130, 7-6-2018 : West African Investment Corporation dite WAIC-SA devenue
Tiger Industrie Mali c/ Etat du Mali, Banque Malienne de Solidarité SA).

4° Irrecevabilité manifeste du pourvoi en cassation formé en lieu et place du recours en


annulation qui aurait dû être formé
Il résulte des dispositions de l'article 14 al. 3 et 4 du Traité OHADA que les décisions des juridictions
des Etats parties susceptibles d'être attaquées par la voie du pourvoi en cassation sont celles rendues
par les juridictions d'appel ou celles insusceptibles d'appel rendues par les juridictions du premier
degré des Etats parties statuant légalement en premier et dernier ressort. Contre les décisions
rendues par les hautes juridictions nationales statuant en cassation, le législateur OHADA n'a prévu
que le recours en annulation dans les conditions édictées par l'article 18 dudit Traité. En l'espèce, la
décision faisant l'objet du pourvoi, sur le fondement de l'article 14 al. 3 et 4 du Traité, ayant été rendue
par une cour suprême nationale, haute juridiction dont les décisions sont insusceptibles de recours, à
l'exception du recours en annulation prévue par l'article 18 du Traité susvisé, le recours en cassation
est manifestement irrecevable (CCJA, 2e ch., n° 030, 8-2-2018 : Bayor Kélani c/ Dosseh-Adjanon
Daniel, Henry Yaovi Gbone).

Obs. : il est déjà arrivé que la CCJA « casse » la décision d'une juridiction nationale de cassation au lieu de la déclarer «
nulle et non avenue » (CCJA, 2e ch., n° 017, 27-2-2014 : SORO TCHOHONA et KOUAME KAN BLAISE c/ Collège IRIS II
et ZOHE Raymonde, Ohadata J-15-108). En effet, même si les deux procédures ont un résultat équivalent, elles sont
différentes, la cassation régie par l'art. 14 du Traité concernant en principe les décisions rendues par les juridictions de
fond ou en dernier ressort et le « recours en annulation » concernant les décisions rendues par les juridictions nationales
suprêmes ou de cassation selon l'art. 18 du Traité. Les parties sont donc encouragées à préciser le type de recours
qu'elles introduisent dans chaque cas. En ce qui la concerne, il serait souhaitable que la cour demeure constante en
n'utilisant pas invariablement, comme ce fut le cas en l'espèce, la cassation et l'annulation.

5° Irrecevabilité du recours concernant la liquidation d'une astreinte


Le recours fondé sur l'article 18 du Traité est irrecevable lorsqu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier
que la requérante a soulevé l'incompétence préalable de la juridiction nationale de cassation devant
elle et qu'en outre, l'arrêt entrepris a été rendu en matière de liquidation d'une astreinte dont la Cour
de cassation, saisie du fond de l'affaire, a, par arrêt de son premier président, ordonné le sursis à
l'exécution en attendant la décision au fond. Une telle matière, non régie par aucun Acte uniforme,
échappe à la compétence de la Cour de céans et il convient donc, en application de l'article 32-2 du
Règlement de procédure de la CCJA, de déclarer ledit recours en annulation manifestement
irrecevable comme n'étant pas conforme aux prescriptions de l'article 18 du Traité précité (CCJA, 2 e
ch., n° 262, 13-12-2018 : Sté 2JTH Gabon c/ Ecobank Gabon).

B. Incompétence de la CCJA pour une décision rendue par une autre juridiction communautaire
Le seul cas d'annulation par la CCJA d'une décision rendue par une juridiction nationale suprême ou
de cassation est celui de l'article 18 du Traité OHADA, qui ne concerne que les affaires portées à tort
devant les juridictions nationales de cassation et n'est en aucun cas applicable à celles jugées par les
juridictions communautaires, telles que la Cour de justice de la CEMAC en l'espèce. La CCJA est
donc incompétente (CCJA, 2e ch., n° 106, 30-12-2013 : Abel KOMENGUE-MALENZAPA c/ ECOBANK
CENTRAFRIQUE, Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC), Rec. jur. CCJA n° 20, vol. 1, janv.-
déc. 2013, p. 78-80, Ohadata J-15-79).

C. Recours devenu sans objet


Le recours en annulation de l'arrêt rendu par une juridiction nationale de cassation au mépris de la
compétence de la CCJA est devenu sans objet, lorsque l'arrêt dont l'annulation est poursuivie a
disparu de l'ordonnancement juridique du pays concerné, à la suite de l'arrêt de la juridiction nationale
de cassation qui a rabattu l'arrêt entrepris et renvoyé la cause et les parties devant sa deuxième
chambre civile et commerciale, qui à son tour s'est déclarée incompétente et a renvoyé l'affaire devant
la CCJA qui a définitivement statué sur l'affaire (CCJA, 3 e ch., n° 079, 30-3-2017 : SCP Hassan
Hachem et Fils c/ Souleymane Sow et 2 autres).

D. Autorité de la chose jugée


La cour d'appel qui a clairement spécifié que la question posée par l'article 197 al. 2 de l'AUDCG avait
déjà été tranchée par la juridiction nationale de cassation dans un précédent arrêt qui n'a pas été
déféré devant la CCJA, pour confirmer le rejet des exceptions et fins de non-recevoir, n'a pas violé les
dispositions visées et le pourvoi formé contre son arrêt doit être rejeté (CCJA, Ass. plén., n° 137, 11-
11-2014 : NILEDUTCH S.A c/ SATRAM S.A., Ohadata J-15-227).

Obs. : il convient de noter cependant que l'autorité de chose jugée n'a été reconnue en l'espèce qu'en l'absence d'une
saisine de la CCJA alors que le recours devant la juridiction nationale de cassation était pendant contre l'arrêt attaqué ; en
cas de saisine de la CCJA, la décision à intervenir de la juridiction nationale de cassation ne peut avoir l'autorité de chose
jugée en raison de la suspension de la procédure imposée par l'art. 18 du Traité. Sur ce point, voir sous les art. 16 et 20 :
CCJA, Ass. plén., n° 067, 29-4-2015 ; P n° 064/2007/PC du 16-7-2007 : 1) Sté Générale de Banques en Guinée dite
S.G.B.G, 2) Sté Générale France, 3) Sté Bayerische Hypo Und Vereinsbank AG c/ 1) El Hadj Boubacar Hann, 2) Sté Hann
et Compagnie, Ohadata J-16-67.

Est irrecevable d'office, pour autorité de la chose jugée, le pourvoi formé concurremment devant la
CCJA et une juridiction suprême nationale en cassation d'un même arrêt, dès lors que statuant par
arrêt contradictoire, la juridiction nationale a cassé et annulé la décision attaquée puis renvoyé les
parties, pour être fait droit, devant une cour d'appel, la cause ayant été ainsi tranchée à la demande
des parties, sans qu'elles aient soulevé l'incompétence de la juridiction suprême nationale (CCJA, 3 e
ch., n° 233, 14-12-2017 : Sté CHANAS Assurances c/ Louis Laughier, Jacqueline Casalegno ; CCJA,
2e ch., n° 043, 23-3-2017 : Sté Zhang Lotus Limited Sarl c/ NSIA Banque Côte d'Ivoire (Anciennement
BIAO Côte d'Ivoire, Ohadata J-17-190).

Code Ohada - Partie I TRAITE, REGLEMENTS ET DECISIONS - Titre III LE CONTENTIEUX RELATIF A
L'INTERPRETATION ET A L'APPLICATION DES ACTES UNIFORMES
(c) 2020 Editions Francis Lefebvre

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