L'approche Haute Intensité de Main-D'oeuvre (Himo) : Une Opportunité Pour Madagascar. Essai de Cadrage
L'approche Haute Intensité de Main-D'oeuvre (Himo) : Une Opportunité Pour Madagascar. Essai de Cadrage
L'approche Haute Intensité de Main-D'oeuvre (Himo) : Une Opportunité Pour Madagascar. Essai de Cadrage
de main-d'oeuvre (himo) :
une opportunité pour Madagascar.
Essai de cadrage
macro-économique *
Mireille RAZAFINDRAKOTO
Economie
de Madagascar
François ROUBAUD
N° 1
Décembre 1996
M
ADAGASCAR
processus économique involutif que le discours incantatoire sur
l'extraordinaire potentiel du pays n'a jamais réussi à enrayer.
Cette inexorable régression ne semble pas avoir été affectée par les
changements de régimes politiques, aux options économiques les plus
divergentes, qui se sont succédés depuis l'indépendance: de la première
République aux options post-coloniales, à la troisième qui affiche une tendance
libérale prononcée, en passant par près de 20 ans de «socialisme» et
d'économie dirigée sous la seconde République(l). Ceux qui ont voulu voir
dans l'échec malgache l'empreinte des choix erronés d'une économie
administrée se trouvent démentis par les performances récentes de
Madagascar.
1) En fait, la relation entre régime pol itique et système économique est complexe et marquée par deS"
changements radicaux Il convient de distinguer des sous-périodes dans la chronologie de chaque République.
Ainsi pour la seconde, à la première phase "d'enthousiasme socialiste" et de montée en puissance du secteur
public, qui culmine avec les années "d'mvestissement à outrance" (1979-1981), a succédé une seconde
phase de désengagement de l'Etat, de dérégulation et d'ajustement structurel mené avec l'appui des bailleurs
de fonds
Dans la première partie nous brosserons un cadrage succinct de la situation
macro-économique récente de Madagascar qui permettra de faire le point
sur les contraintes qui entravent la croissance du pays, pour nous centrer
dans la deuxième sur la situation et les principaux problèmes rencontrés sur
le marché du travail. Ce détour est nécessaire, dans la mesure où les projets
HIMü font de la valorisation des ressources humaines locales leur avantage
comparatifcentral. La présentation des principales caractéristiques des projets
HIMü et de leur mise en oeuvre fera l'objet de la troisième partie. Enfin, la
quatrième partie sera consacrée à l'étude de l'impact macro-économique de
ces projets sur les variables clefs: emplois, revenus, solde extérieur, finances
publiques. Nous mettrons en oeuvre un modèle macro-économique qui nous
pennettra de simuler un certain nombre de politiques économiques alternatives
et leurs conséquences sur la trajectoire du pays.
Economie
de Madagascar
N° 1 Evolution récente de la situation
Décembre 1996
macro-économique du pays
L'approche
à haute Intensité
de main-cJ'oeuvre
(hlmo)
Le secteur réel
Mireille Razafindrakoto
Fran,ois Roubaud
Après une esquisse de reprise à la fin des années 80, suite aux mesures de
102 stabilisation et d'ajustement structurel entreprises depuis le début de la
décennie, un certain nombre d'événements politiques de grande ampleur (grève
générale en 1991, mise en place d'un gouvernement de transition puis des
institutions de la 3ème République) est venu compromettre le mouvement
amorcé. Force est de constater qu'aujourd'hui, le pays n'a toujours pas
retrouvé le chemin de la -:roissance durable.
103
% 1990 ,,,. 1992 1993 l>,.
'" 1'~'/"
nu (lU). pn\ du mlllnht)
Importation
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","
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',"
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",>
6.1
J.<.:xportatlon5 -9,U Z. 0,5 5,_ lU, 3,5 1.9
Consommalion 1,1 -0,8 -2.5 2,1 0,2 2,3 1,5
Publique -'2,7 -9,1 0,6 -1,5 -4,3 1,6 -2,5
Privée 9,1 0,1 -2,8 3,2 0,6 '2,3 2,0
Investissement 28,0 -56,6 45,4 8,1 -14,3 5,6 ·3,8
Public -17,3 ~3~,6 34,3 9,9 -28,2 -2,1 -8,1
Privé 1467 -77,1 74,8 6,3 15,0 15,8 120
1 1
)00 r---------~---------~---~--___,
::::-0 __
Source: INSTAT. BCM, INSEE. nos propres calculs. TCRB . taux change réel bilatéral entre Madagascar
et la France. son principal partenaire commercial. c'est à dire évolutIOn du taux de change nominal comgé
du différentiel d'inflation entre les deux pays. Economie
de Madagascar
N"1
Décembre 1996
Pour des raisons aussi bien externes (baisse persistante des termes de
\
105
l'échange) qu'internes (instabilité politique, manque de crédibilité des autorités
en matière de réformes économiques), le redressement tant attendu des
comptes extérieurs de Madagascar n'a toujours pas eu lieu.
TallJCau2
Evolution de la balance des paiements 1990-1995
en m1lhons de DIS I~~O 19~1 I~n 1993 19~4 19~5 19MW95
mporlalion 417,5 321.7 3303 365,0 375,2 427,8 372.9
xportation 234,1 243,9 230,1 237,9 294,0 330,0 261.7
~alance commerdale -183,4 -77,8 -100,2 -127,1 -81.2 -97,8 -111.2
alance globale -208,4 -171,0 -131,8 -190,2' -245,1 -184,2 -205,1
pette e'\.téneure 2700,5 2783,3 2956.7 2992,9
dont arriérés 617,8 812.2 1057.1 1301.4
107
Graphique 2
Evolution du PIB et de la consommation privée par habitant
1960-1995
(aux prix de 1984 ; base 100 = 1960)
'10, ; -.-
Ë':: :-,-'-"-'-~=~
ISO: • _~ _ __ _ _ __ __~
F'JBllete _ _ Conlomm.llonprl~eeltele
Tableau 4
Evolution des prix et des salaires 1990-1995
Economie
de Madagascar Y. 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1989/95
L'approche Source INSTAT, Compte Nationaux. Direction de l'Emploi et de la Mam-d'Oeuvre. Les salaires sont des
à haute intensité
de main-d'oeuvre salaires nominaux. Pour le salaire mimmum. il s'agit des ouvriec~ spéCial isés (catégorie professionnelle:
(hlmo) OS3,JA) du Régime général, secteur non agricole du code du travail. Pour le salaire des fonctionnaires, il
s'agit aussi d'une catégorie intermédiaire (catégorie III. Indice stagiaire 500. niveau bac).
Mireille Rozofindrakoto
françols Rouboud
des revenus tirés de l'activité, qui est un élément central du diagnostic que François Roubaud
l'on peut porter sur le marché du travail et sur les conditions d'activité de la 109
main-d'oeuvre.
3) Le salaire minimum mensuel d'embauche dans le secteur régi par le code du travail (régime général -
secteur non agricole)s'établissart à40490 Fmg en 1993 età 63 313 Fmg en 1994. pour la catégorie d'employés
la moins bien rémunérée (M 1. lA) Enjanvier 1995. le salaire mimmulll a été porté à III 550 Fmg.
En second lieu, on peut définir le sous-emploi invisible comme l'ensemble
des personnes qui perçoivent moins que le salaire minimum, soit dans des emplois
à faible productivité, si on fait l'hypothèse réaliste que rémunération ft productivité
sont liées. Dans ces conditions, le taux de sous-emploi invisible atteint 78%.
Si maintenant on combine les différents types de sous-emploi (visible, invisible
et chômage, qui en constitue la forme la extrême), on estime le taux de sous-
emploi global du facteur travail à 85% de la population active.
Tableau 5
Horaires, revenus et sous-emploi sur le marché du travail
r- - t..mp 01 prmclpa t.tlectl s Horaire hebdo Revenu moyen au\. de sous au' de sous au:\. lie sous
(-..:mdll\.::J'::[1..J~flCl) mensualisé emploI \Isible emploI IIlVislble emploI global
(en 1000) (rr'l1lllersFmg) ("1,,) ("/,,) (":,)
N° 1
Iota b J UUU 'U,' 'u '., ',0 H,>
Décembre 1996
Source EPM. calculs MADIü
L'approche
à haute intensIté
de main-d'oeuvre
(himo)
Ces résultats montrent clairement que les tensions sur le marché du travail
ne se manifestent pas fondamentalement par le chômage ouvert, mais par le
MIreille Razaflndrakoto
sous-emploi massif du facteur travail. Ce phénomène qui touche plus de
François Roubaud
huit actifs sur dix est un symptôme du gaspillage des ressources humaines à
110 Mad~gascar, et met en lumière l'opportunité des projets HIMü comme tàcteur
de développement du pays.
Les projets HIMO constituent un axe prioritaire des actions du BIT déjà
ancien. Dès la fin des années 70, le BIT a mis sur pied une série de projets
pilotes à haute intensité en main-d'oeuvre, suivant le principes des technologies
appropriées aux ressources des pays considérés, essentiellement dans le
domaine des travaux publics. Progressivement, ces programmes se sont
Economie
développés et aujourd'hui, la plupart de bailleurs de fonds sont convaincus
de Madagascar
de leur bien-fondé. Par exemple, la Banque Mondiale fait de plus en plus W1
appel à ce type de projet, dans le cadre de la mise en place de fi lets de Décembre 1996
sécurité aux programmes d' aj ustement structure!. Ces programmes permettent
en effet de résoudre partiellement le problème du ciblage des interventions en L'approche
faveur des catégories les plus pauvres de la population. à haute intensité
de mam-d'oeuvre
(himo)
Les principes de base des projecs HIMO sont assez simples. Partant du
constat que l'avantage comparatif des pays en développement réside dans Mireille Razafindrakolo.
l'abondance du premier facteur de production, à savoir le travail non qualifié, François Roubaud
Les projets HIMO ont donc pour objectif de maximiser l'emploi et les
revenus, aussi bien en zone rurale qu'en zone urbaine, tout en valorisant les
ressources locales, à travers la promotion de technologies fortement
consommatrices de travail. Si dans un premier temps, les questions de
redistribution étaient au centre de la problématique HIMO (procurer des
emplois et des revenus aux plus pauvres), progressivement l'impératif
d'efficacité et de rentabilité économiques est venu se greffer sur la composante
" équité ". Aujourd'hui, les promoteurs des technologies HIMO se font les
avocats d'une stratégie de développement autocentrée et reproductible
(durable, soutenable), renforçant les institutions et la capacité de gestion
locale, san'> remettre en question l'ouverture de l'économie.
4) Nous remercions M Marc V AN IMSCIIOOT d'aVOir bien voulu nous communiquer ces données
minime, avec 4,9%. Il existe donc une marge de manoeuvre assez large pour
accroître la proportion des projets de ce type dans les dépenses publiques. Enfin,
mis en regard du PIB, les projets HIMO ne représentent que 0,3% du pm.
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lit. m"-m> ••>,.,,,., '" . ."..,
Source: Divers projets. nos propres calculs Les emplois créés correspondent à des estimation sur la base du
salaire minimum. saufpour le projet" canal de Dabara ,. où l'on disposait d'une estimation en hommes*jours.
5) Ce chiffre n'inclut pas les emplois" indirects .. créés, c'est à dire les emplois résultant des revenus
distribués par les projets HIMO. essentiellement à travers le surplus de consommation des ménages qu'ils
ont gén.:ré Ces montants seront estimés dans la quatrième partie.
En 1995, où l'on dispose d'infonnations plus précises, les 70 milliards de
projets HIMO ont généré 3 500 000 hommes*jours de travail, soit 13 600
" emplois annuels équivalentplein temps ". Ces résultats montrent la montée en
puissance des projets HIMO au cours des années les plus récentes, particulièrement
depuis 1994, avec la mise en place des programmes FID et AGETIP A.
Il est ~lair donc, que compte tenu du fait que plus de 250.000 personnes
arrivent chaque année sur le marché du travail, la contribution des projets
HIMO à la création d'emplois, sans être négligeable (on peut l'estimer à
5,4%), n'en est pas moins limitée, à l'échelle du pays. Cependant, son poids
ne doit pas être sous-estimé. En premier lieu, près de 80% des nouveaux
arrivants sur le marché du travail trouvent à s'employer dans le secteur
primaire. Si l'on rapporte les emplois générés par les projets HIMO aux
45.000 emplois non agricole créés chaque année dans les secteurs secondaire
et tertiaire, le ratio atteint 30%. En second lieu, il ne s'agit que des emplois
Economie
directs (pour les emplois indirects, voir ci-dessous). Enfin, comparé au total
de Madagascar
N°1 des emplois en zone franche par exemple (17.000, en 1994 (6», la capacité de
Décembre 1996 création d'emplois HIMO est loin d'être secondaire.
L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre Avantages comparés des projets HIMO et HIEQ
(himo) à Madagascar
Mireille lI.azafindrakolo
François lI.oubaud La comparaison des coûts des projets HIMO et HIEQ pose de sérieux
114 problèmes méthodologiques. En effet, celle-ci n'a pas de sens au niveau macro-
économique, à cause de l'extrême hétérogénéité des projets, dont les
technologies ne sont pas toujours substituables. D'une part, il n'existe pas
de référent commun, permettant de déterminer des coûts unitaires. D'autre
part, la comparaison au niveau agrégé est sensible au biais de composition.
Tableau 7
Coûts financiers comparés des projets routiers HIMû 'ft HIEQ
en 1995
HIMU HI......
Economie
% tu.",. 1 CAYU',., CAYU'A' lAVA'" "U CAYl>A1U IAYU>A1U 1 CAYU'A' de Madagascar
ROUTE D D lui Ml )01"0 DLot FI
u,'M5 L,IH W1
1 uate a'acnevement .,., .", 1'" p.~ cnaUl: cnUlur\
''', ''', ''', Décembre 1996
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Longueur (k.m) 8,3 6,2 10,8 ~8,0 15,6 20,0 8,8 1~,7
Degrê de difficulté
10 539
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lU
16564
L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre
505 1816 386 432
Nombre de km par mois 1,60 2,32 3,27 2,67 7,80 5,0 2,51 4,90 (himo)
Source. F OLIVIER, CTP HIMO-ROUTES
MireIlle Ralafindrakoro.
François ROI/baud
115
Malgré l'hétérogénéité des réalisations prises individuellement, les
différences essentielles entre les deux types de projets, HIMO et HlEQ,
apparaissent clairement:
7) NOliS remercions M Franco OLIVIER. CTP du projet HI MO-ROUTE. d'avOir bien voulu nOlis
communiquer ces données
HIEQ, et se chiffrait même à plus de 230 millions dans le cas du marché
CAPUSAID-Lot M3. Les projets HIMO-HIEQ occupent une position
intermédiaire, avec un coüt moyen au kilomètre variant de 50 à 100 millions
de Fmg. Même si les différents projets ne sont pas parfaitement comparables,
l'écart est tellement grand qu'on peut conclure de façon robuste à l'avantage
des projets HIMO ;
Par contre, la lenteur des travaux doit être mise au passif des
projets IDMO, puisqu'en un mois ils fournissent 1,6 km de route, contre 3
Economie
pour les projets HIMO-HIEQ, et 4 à 5 pour les projets HIEQ. En fait, cette
de Madagascar
W1 caractéristique négative doit être nuancée. D'une part, parce qu'à Madagascar,
Décembre 1996 les goulots d'étranglement aux importations, notamment d'équipement ou de
pièces de rechange, pénalisent plus fortement les projets HIEQ. D'autre part,
L'approche l'approche HIMO peut potentiellement accroître ses cadences de réalisation,
à haute intensité
de main-d'oeuvre
à condition de multiplier le nombre d'équipes utilisées. Evidemment, cette
(himo) solution demande un effort important de coordination des chantiers.
MIreille Razafindrakolo Si maintenant on analyse la structure relative des coüts des différents
François Roubaud types de projets, deux paramètres caractéristiques permettent de distinguer
116 sans ambiguïté les coûts et les coefficients techniques des deux types de
projets:
- la part des coûts salariaux est en moyenne trois à six fois plus
importante dans les projets HIMO. Elle est de l'ordre de 30% pour les
projets HIMO, alors qu'elle n'atteint que 5 à 10% pour les projets HIEQ.
Cet état de fait n'est que la traduction des choix technologiques des deux
types de projets, pro-travail d'un côté et pro-capital de l'autre:
- les projets HIEQ sont de plus grands consommateurs de devises que leurs
homologues HlMO. Ainsi, la part des coûts locaux des projets HIMO est
d'environ 40%, alors qu'elle varie de 6 à 25% pour les projets IDEQ. Ce
résultat est le reflet d'un usage plus intense en travail et en consommations
intermédiaires d'origine locale pour les premiers, tandis que les seconds sont plus
gourmands en équipements importés, pour lesquels il n'existe pas d'offre locale.
Il est intéressant de noter qu'en comparaison avec d'autres travaux sur la
structure des coûts des projets HIMO dans d'autres pays d'Afrique sub-
saharienne (Ghana, Rwanda, etc.), la part des coûts de main-d'oeuvre est
beaucoup plus faible à Madagascar: entre 25% et 30% ici, contre 50% à
60% ailleurs (8). Par contre, la part relative des coûts salariaux HIEQ/HIMO
reste du même ordre de grandeur, de 1 à 4 ou 5. Ce résultat surprenant
s'explique en partie par la faiblesse des niveaux de rémunération à Madagascar
(notamment par rapport aux pays de la zone franc), mais surtout et plus
probablement, par un mode de calcul différent de l'amortissement du capital.
Tableau 8
Distribution comparée des coûts HIMO et HIEQ
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LAYU....W LAYU>AlU LAVALI ru>
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ROUTE
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11,.> 0,' -,
LulMI
-,.
1111 Ml Lui FI
',- Economie
EqUipement 37,0 61,4 41,8 42,3 85,1 61,2 60,0 37,4
Consommation intel"médmire 31,8 18,5 38,6 46,1 10.0 21,3 27,7 50,. de Madagascar
-locale 10,4 2,0 20,6 10,7 0,9 7,0 7,3 Il,J W1
- Importée 21,4 16,5 18,0 35,4 Q,I 14,3 20.4 38.8
Outillage et divers 1,4 10,2 Il,8 0,3 0,0 10,8 5,5 4,9 Décembre 1996
_1. Iuu 100
Locaux. 01,_ H,.>
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Importés 58,4 77,7 59,6 77,7 94,2 75,S 80,5 76,2
L'approche
01. IUU lUU IUU lUU IUU IUU lUU IUU
à haute intensité
Source: F OLIVIER, CTP !-lIMa-ROUTES de main-d'oeuvre
(himo)
Mireille Razanndrakolo.
Si l'on transforme les coûts salariaux en nombre d'emplois crees,
François Roubaud
l'avantage en faveur des projets HIMO est encore plus massif, dans la mesure
où le coût unitaire du travail y est inférieur (part relative de la main-d'oeuvre 117
qualifiée plus faible, rémunération inférieure à poste égal, tout en respectant
le salaire minimum). Ce état de fait doit être interprété comme un point
positifdans la mesure où les projets HIMO se fixent non seulement un objectif
d'efficacité, mais aussi un impératif d'équité. Or, la faiblesse de la
rémunération assure que les populations bénéficiaires de ce type de projets
sont effectivement les plus démunies. Celles dont le salaire de réservation
est supérieur au salaire minimum ne cherchent pas à y participer.
8) Voir par exemple MARTENS B,. " Etude comparée de l'efftcaCl/é économique des lechniques à
houle rntenslté de marn-d'oeuvre et à haute mlenslté d'éqUIpement pOlir la construction de l'Outes
secondatres au Rwanda ", BIT. Etudes et débats, Genève, 1991.61 p. BIT, " PolitIque d'lnvesllssement
etutdisatlOn rntenslve des ressources locales' perspeC/lves pour la créatIOn d'emploIS el l'économie de
deVises dans les pays de la ~one CFA ", Genève, 1994, 36p + annexes DRN-SYNERGIE. "EClILO
Study 0/1 Struclural Ad;lIStment and Employmentll1 Ghana ", EC/ILO, 1993. 74p
En résumé et au vu des seuls coûts financiers unitaires, les projets HIMO
présentent trois avantages comparatifs sur leurs homologues HIEQ : leurs
coûts unitaires sont inférieurs de 30% à 80%, ils génèrent de 2 à 5 fois plus
d'emplois, et enfin ils économisent 30% des devises consommées par les
projets HIEQ.
Tableau 9
Salaires journaliers comparés des projets routiers HIMO et HIEQ
en 1995
Fmg
ROUTE LnlM5 L"IF~ LI(MI Inl M3 Lot FI
.1 304 0 103
Chd d'~qUlpe 9091 16152 11 000 13 688 13 256 15344 14720 16000
Chd dt (han'Ier 13 636 26304 18334 20532 17208 24488 18560 22 000
Source: F, OLIVIER, CTP HIMO-ROUTES, Pour les projet HJMO-HIEQ, le salaire de la mam-d'oeuvre
comprend les charges sociales et les heures supplémentaires. Pour les projets HJMO, le salaire de la main-
d'oeuvre correspond au salaire mimmum pour une semaine de 40 heures
Economie
de Madagascar
N°1
Décembre 1996
fronçols Rouboud
des coûts de transport), facteur d'accroissement des parts de marché. Le François Roubaud
même mécanisme peut jouer pour les cultures vivrières, avec un effet positif 119
sur l'offre locale commercialisée, et la réduction des importations (de riz par
exemple). Enfin, l'amélioration du réseau de déssertes rurales, en favorisant
le pouvoir de négociation des producteurs face aux collecteurs, est un puissant
facteur de réduction de la brèche prix de production - prix à la consommation,
et donc d'augmentation de l'offre.
Concernant les recettes fiscales, trois taxes ont été prises en compte:
la taxe sur les biens et services (TVA), la taxe à l'importation et l'impôt sur les
revenus. Les taux de taxation considérés sont les taux apparents obtenus en
rapportant les recettes effectives au volume taxable. Ce choix permet d'une
part de" caler" le modèle, et d'autre part d'obtenir des résultats plus réalistes,
qui tiennent compte des difficu ltés de l'Etat à faire rentrer les recettes fiscales.
Ainsi, en rapportant l'ensemble des taxes à l'importation au montant total des
importations, un taux de l'ordre de 15% a été retenu pour les produits importés.
Tableau 10
Impact macro-économique des projets HIMO en 1995
(en milliards de Fmg)
Il est cependant intéressant de noter que l'ampleur des effets indirects est Mireille Razafindrakoro.
de mànière générale plus importante que celle des effets directs des projets françois Roubaud
HIMO. Les revenus directs distribués à la main-d'oeuvre créent en effet une
demande supplémentaire, qui va elle-même générer de nouveaux revenus, des 121
demandes, et ainsi de suite. Si les impacts directs se calculent assez aisément à
partir des caractéristiques du projet, l'estimation des impacts macro-
économiques globaux ou «effets indirects» nécessite le recours à la modélisation
des principaux mécanismes macro-économiques, en tenant compte du poids
des différentes composantes de l'offre (Agriculture/lndustrieIBTP/Service) et
de la demande (consommation 1investissement et contenu local ou importé).
On constate alors que, si les projets HIMO ont fourni directement aux
ménages des revenus salariaux se montant à 16 milliards de Fmg en 1995, la
demande engendrée par ces derniers, à laquelle s'est ajoutée les dépenses en
consommations intermédiaires locales du projet, a permis de générer des
revenus supplémentaires équivalent à 52 milliards de Fmg. L'impact indirect
sur les revenus des ménages est ainsi 3,3 fois supérieur à l'effet direct. lIen
est de même pour la consommation. En plus des emplois créés directement
par les projets HIMO (que l'on peut estimer à 12 000), 22 500 emplois
supplémentaires ont été créés grâce aux effets d'entraînement en oeuvre.
Mireille Razafindra~o[o Un des objectifs de la présente étude était de quantifier les avantages
français Roubaud macro-économiques comparés de deux types de technologie utilisées. Nous
122 avons donc choisi de réal iser deux variantes, correspondant dans les deux
cas à un investissement public de 50 milliards de Fmg, réalisé soit sous
forme HIMO, soit sous forme HIEQ. Il peut s'agit soit d'une dépense
d'investissement additionnelle, soit d'une substitution entre les deux types
de technologies. Par ailleurs, la somme de 50 milliards s'inscrit bien dans
des ordres de grandeur réalistes, puisqu'elle représente environ 5% de
l'investissement public total, enveloppe pour laquelle il est raisonnable de
penser qu'une6ubstitution HIMOIHIEQ est envisageable.
Quoi qu'il en soit, le modèle étant linéaire, le montant du choc simulé n'a
aucune influence sur la nature des résultats obtenus. La différence
fondamentale entre les deux types de technologie, et leurs effets d'entraînement
sur l'économie résultent de la différence dans la structure de leurs coûts.
Nous avons construit deux structures archétypales à partir des données du
tableau Il, et qui sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Tableau Il
Structure stylisée des coûts des projets HIMO et HIEQ en 1995
HIMU HI!!:l,1
en milliards de Fmg l'Ile' met 'UIAL !!:flet Lnet 'U'AL
direct Imdirecl direct indirect
ProdUit Inteneur Hrut : PlH 28,U! 3U,U '8,U 2U,U 14,1 34,1
Consommation 9,4, lU,7 40,1 2,5 15,3 17,8
Revenu des ménages Il,51 36,9 48,4 l,O 18,5 21,5
, uellCU UOIlC -'0,' +3,1 -43,. -",' +,' -",
Depenses pubhques -50,0 U,U -SO,O -50,0 O,U -50,0
Recettt"s publiques 3,6 3,1 6,7 4,7 1,4 6,1
Tau sur les ImporlalÎons 3,4 5,1 4,6 0,7 5,3
Taxe sur les hlens et services 0,1 1.71
0,9 1.0 0,1 0,4 0,5
Tau sur les rC\enus 0,\ 0,5 0,6 0,0 0,3 0,3
1 Mollance commerWl e -22,U -11,21 -33,2 -3U,U -4,8 -34,8
1 LreatlOll d'emplOI 8 '8U 16 12U 1 Z4 7UU 2 Z4U .'u lU 09U
1 IUU hp Icateur .,U, ,lU
Source Calculs MADlü, L ,elfet direct des projets SUT le PIE correspond à la partie des coûts du proJet
dépensée localement L'effet direct sur l'emploi correspond aux embauches" équivalent plein temps" des
Economie projets Le multiplicateur est calculé comme le rapport de la variation totale du PIB SUT la variation du PŒ
résultant de l'effet direct Le "vrai" multiplicateur rapporte la varIation finale du PIB à celle des dépenses
de Madagascar
pubhques La faiblesse des valeurs obtenues par cette méthode s'exphque par la place des importatIOns
N"1
Décembre 1996
Compte tenu de la part plus faible des dépenses en produits importés des
L'approche projets HIMO, il peut sembler étonnant de constater (à exportations
à haute intensité
de main-d'oeuvre constantes) une dégradation de la balance commerciale quasiment équivalente
(hirno)
à celle induite par les projets HIEQ. Ce résultat découle de l'ampleur des
effets indirects, Etant donné que toutes les composantes de la demande ont
Mireille Razafjndrakoto
un contenu en importation, toute demande supplémentaire (due à l'effet
FrançoIs Roubaud
multiplicateur) implique une hausse des importations. Ainsi, même si ex ante
124 l'augmentation des importations est plus faible dans le cas HIMO, la relative
dépendance de l'économie vis-à-vis de l'extérieur (aussi bien en termes
d'intrants, d'équipements que de biens de consommation) fait que la croissance
des revenus locaux entraîne une montée de la demande en biens im portés,
aujourd'hui généralisé.
L'approche
à haute intensité
Les données collectées ont permis d'estimer que les projets de type HIMü de main-d'oeuvre
se sont montés à 145 milliards de Fmg entre 1990 et 1995, et ont généré plus (hlmo)
de 10 millions d'hommes*jours de travail, soir l'équivalent de 40500 emplois
Mireille Razafindralloto.
directs (annuels et à plein temps).
François Roubaud
Au vu des seuls coûts financiers unitaires, les projets HIMü présentent 125
trois avantages comparatifs sur leurs homologues à HIEQ : leurs coûts
unitaires sont inférieurs de 30% à 80%, ils génèrent de 2 à 5 fois plus
d'emplois, et enfin ils économisent 30% des devises consommées par les
projets HIEQ.
Pour conclure, nous attirons l'attention sur deux point importants qui
n'ont pas été mentionnés précédemment. D'une part, on a trop tendance à
circonscrire l'approche HIMû aux seuls travaux d'infrastructure, alors que
de nom breuses autres branches pourraient en bénéficier. Ainsi, la restauration
(cantines scolaires, hospitalières, ou administratives), la confection (unifonnes
en tout genre), l'industrie du meuble, la papeterie-édition ou encore les services
aux entreprises sont des candidats potentiels à ce type de projets. Une politique
active de sous-contractation, aujourd'hui ridiculement faible (10), permettrait
de dynamiser l'immense vivier des micro et petites entreprises (MPE),
principal créateur d'emplois au cours des dernières années (11), et qui constitue
le pi Jier d'une po1itique de promotion de l'initiative privée.
1~ immense majorité des cas, ces activités ne bénéficient d'aucune source alternative François Roubaud
10) L'enquête sur le secteur infonnel dans l'agglomération d'Antananarivo a montré qu'en 1995 à peine
3% du chiffre d'affaires du secteur infonnel provenait d'un contrat passé avec le secteur public, le BTP
représentant une exception dans ce domaine avec 27%. Voir MADlü, " Le secteur mformel dans
l'agglomération d'Antananarivo performances, msertion, perspecllves Enquête 1-2-3, premiers
résultats de la phase 2 ", 1995, Madagascar, 50p.
II) En 1995. 72% des emplois créés dans l'agglomération d'Antananarivo l'ont été par des entreprises de
10 personnes et moins, et plus de 60% par le secteur infonnel Voir MADlü" L'emploI, le chômage et les
conditIOns d'actIVIté dans l'agglomération d'Antananarivo Enquête 1-2-3, premiers résultats de la
phase 1 ". 1995. Madagascar. 32p Voir aussi. NAUDET 1.D..., Les petiteselllrepnses à Madagascar
le " mlssmg mlddle .. retrouvé ", MADIü. n09609/E. Madagascar, 1996. 19p
12) Voir MADlü... Le secteur triformeL dans l'agglomératIOn d'Antananarivo pe~rormances, insertion,
perspectIves " op Clt
13) MADlü... Le secteur triformel dans l'agglomératIOn d'Antanananvo performances, msertlOn,
perspectives " op cil
ANNEXE
Le modèle est basé sut un TES simplifié. Quatre branches ont été
distinguées: l'agriculture, l'industrie, les BTP, et les services. Du côté des
emplois, quatre composantes ont été dégagées: les consommations
intermédiaires des branches marchandes (CI), la consommation finale des
ménages, les investissements privés, et enfin les dépenses publiques (agrégeant
les investissements publics et les consommations intermédiaires de
l'administration).
Economie En l'absence de comptes nationaux pour l'année 1995, les sources utilisées
de Madagascar sont:
W1
Décembre 1996 -l'équilibre ressources-emplois élaboré par l'INSTAT;
-l'OGT (Opérations Générales du Trésor) ;
L'approche
-les données de différentes enquêtes (Enquête 1-2-3 sur l'emploi, le secteur
à haute intensité informel et la consommation du projet MADIO, le Recensement Industriel
de main-d'oeuvre
(himo) 1995 du projet MADIü, l'Enquête Permanente auprès des Ménages de
l'INSTAT) ;
Mlrej/le RazafjndraRoto - les comptes nationaux de 1984 ont également été uti lisés pour élaborer
FrançoIs Roubaud le TES. Les coefficients techniques déduits de ces comptes ont été adaptés
pO:lr avoir de façon approximative ceux de 1995.
128
RevNetmen = RevBrutmen*(l-taxrev)
Consotot = RevNetmen*propenscons
Economie
RevEtat = taxrev*RevBrutmen + taximp*(lmport + DEPIMPPROJ)
de Madagascar
+ taxcons*(Consoloc + Invprivloc + DEPLOCPROJ) N° 1
Décembre 1996
Gap de financement : .
Epargnext = Epargnmen +RevEtat - InvPrivtot - INVPUBtot L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre
(himo)
Mireille Razafindral1olo.
François Roubaud
129