L'approche Haute Intensité de Main-D'oeuvre (Himo) : Une Opportunité Pour Madagascar. Essai de Cadrage

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L'approche à haute intensité

de main-d'oeuvre (himo) :
une opportunité pour Madagascar.
Essai de cadrage
macro-économique *

Mireille RAZAFINDRAKOTO
Economie
de Madagascar
François ROUBAUD
N° 1
Décembre 1996

Confrontées à un phénomène massif de pauvreté et


L'approche
à haute intensité d'appauvrissement de la population, les autorités
de main-d'oeuvre malgaches sont aujourd'hui contraintes de faire face, en
(himo)
cherchant à optimiser l'impact de l'intervention publique.
Ireille Rozofindrokoto
Cette étude se propose de mesurer l'impact des projets
Frcnçoïs Roubaud
HIJo.I0 sur l'économie malgache au cours des années les
plus récentes, et d'étudier les effets différenciés des
100 technologies HIMO et HIEQ (à haute intensité en
équipement) sur les principales variables économiques
(production, consommation, emploi, finances publiques,
commerce extérieur). Un modèle macro-économique ad hoc
a été élaboré pour la réalisation de ces simulations. Ce
travail exploratoire incite à plaider enfaveur de l'extension
des projets HIMO dans la programmation des
investissements publics.

* Mireille Razafindrakoto et François Roubaud


sont économistes à l'üRSTüM
* Cette étude a été réalisée à la demande
du Bureau International du Travail (BIT)
dans le cadre de son programme HIMü à Madagascar
est engagée depuis plusieurs décennies dans un

M
ADAGASCAR
processus économique involutif que le discours incantatoire sur
l'extraordinaire potentiel du pays n'a jamais réussi à enrayer.
Cette inexorable régression ne semble pas avoir été affectée par les
changements de régimes politiques, aux options économiques les plus
divergentes, qui se sont succédés depuis l'indépendance: de la première
République aux options post-coloniales, à la troisième qui affiche une tendance
libérale prononcée, en passant par près de 20 ans de «socialisme» et
d'économie dirigée sous la seconde République(l). Ceux qui ont voulu voir
dans l'échec malgache l'empreinte des choix erronés d'une économie
administrée se trouvent démentis par les performances récentes de
Madagascar.

En effet, Madagascar représente le cas paradoxal d'un pays qui a entrepris


depuis plus d'une décennie un nombre considérable de réformes institutionnelles Economie
visant à mettre en place une économie de marché (libéralisation du commerce de Madagascar
et des prix et des importations, privatisation, mise en place d'un marché inter- N"1
Décembre 1996
bancaire des devises et flottement de la monnaie, création d'un régime de zqne
franche et appel aux capitaux étrangers), au point de devenir un temps un
exemple aux yeux des institutions de Bretton Woods, sans que cela ait lm effet L'approche
àhaute intensité
durable sur la croissance économique. de main-d'oeuvre
(himo)

Confrontées à un phénomnène massifde pauvreté et d'appauvrissement


Mireille RazafJndrakol(
de la population, les autorités sont aujourd'hui contraintes de faire face, en
François Roubaud
cherchant à optimiser l'impact de l'intervention publique. Leur marge de
manoeuvre est d'autant plus étroite que les ressources de l'Etat sont rares, et 101
le budget en situation de déficit chronique. Dans ce contexte d'urgence, où
des,arbitrages sévères en matière de dépenses publiques sont incontournables,
l'option des projets à haute intensité de main-d'oeuvre (HIMO) se présente
comme une solution a priori séduisante. Encore convient-il d'apprécier, au
delà des pétitions de principe, quels sont leurs atouts réels par rapport à
d'autres alternatives, et ce qu'on est en droit d'en attendre d'un point de vue
macro-économique sur le développement potentiel du pays.

1) En fait, la relation entre régime pol itique et système économique est complexe et marquée par deS"
changements radicaux Il convient de distinguer des sous-périodes dans la chronologie de chaque République.
Ainsi pour la seconde, à la première phase "d'enthousiasme socialiste" et de montée en puissance du secteur
public, qui culmine avec les années "d'mvestissement à outrance" (1979-1981), a succédé une seconde
phase de désengagement de l'Etat, de dérégulation et d'ajustement structurel mené avec l'appui des bailleurs
de fonds
Dans la première partie nous brosserons un cadrage succinct de la situation
macro-économique récente de Madagascar qui permettra de faire le point
sur les contraintes qui entravent la croissance du pays, pour nous centrer
dans la deuxième sur la situation et les principaux problèmes rencontrés sur
le marché du travail. Ce détour est nécessaire, dans la mesure où les projets
HIMü font de la valorisation des ressources humaines locales leur avantage
comparatifcentral. La présentation des principales caractéristiques des projets
HIMü et de leur mise en oeuvre fera l'objet de la troisième partie. Enfin, la
quatrième partie sera consacrée à l'étude de l'impact macro-économique de
ces projets sur les variables clefs: emplois, revenus, solde extérieur, finances
publiques. Nous mettrons en oeuvre un modèle macro-économique qui nous
pennettra de simuler un certain nombre de politiques économiques alternatives
et leurs conséquences sur la trajectoire du pays.

Economie
de Madagascar
N° 1 Evolution récente de la situation
Décembre 1996
macro-économique du pays
L'approche
à haute Intensité
de main-cJ'oeuvre
(hlmo)
Le secteur réel
Mireille Razafindrakoto
Fran,ois Roubaud
Après une esquisse de reprise à la fin des années 80, suite aux mesures de
102 stabilisation et d'ajustement structurel entreprises depuis le début de la
décennie, un certain nombre d'événements politiques de grande ampleur (grève
générale en 1991, mise en place d'un gouvernement de transition puis des
institutions de la 3ème République) est venu compromettre le mouvement
amorcé. Force est de constater qu'aujourd'hui, le pays n'a toujours pas
retrouvé le chemin de la -:roissance durable.

L'évolution du PIB montre clairement la stagnation actuelle. Après une


chute marquée en 1991.le PIB a baissé de 6,1 % cette année là, la croissance
enregistrée depuis lors est redevenue positive. Mais, elle a toujours été
inférieure à 2%, soit un taux qui se situe en deçà de l'accroissement
démographique (2,8% l'an). En 1995, le PIB n'a toujours pas atteint son
niveau de 1990.
Toutes les composantes du PIB ont été affectée par cette atonie, bien qu'à
des degrés divers. Ce sont bien sûr les dépenses publiques, consommation et
surtout investissement public, qui sont les plus durement touchées. Sur les 6
dernières années, de 1990 à 1995, le taux de croissance annuel moyen de la
consommation publ ique aura été de -2,5%, tandis que l'investissement public
a reculé de -8,7% par an.

Plus généralement, la dynamique de l'investissement reste un problème


majeur pour Madagascar. Même si une ébauche de recomposition en faveur
des investissements privés semble se faire jour, le taux d'investissement est
excessivement faible (11,5% du PIB en 1995), et encore majoritairement
public, même si on retrouve aujourd'hui une quasi-parité entre investissements
public et privé, alors que la part du public avait atteint les trois quarts des
investissements en 1993 (2). Ce sous-investissement chronique est largement
imputable à la faiblesse de l'épargne intérieure.
Economie
de Madagascar
Enfin, la situation du commerce extérieur est sombre, les importations W1
augmentant trois fois plus vite que les exportations sur moyenne période, Décembre 1996
creusant le déficit commercial.
L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre
(himo)

Tableau 1 Mireille RazaFindrakutu,


Evolution des composantes du PIB 1990-1995 Françuls Roubaud

103
% 1990 ,,,. 1992 1993 l>,.
'" 1'~'/"
nu (lU). pn\ du mlllnht)
Importation
>,
44,1
-0,>
-20,0
l,'
0,6 "
13,9
","
0,4
',"
1,4
",>
6.1
J.<.:xportatlon5 -9,U Z. 0,5 5,_ lU, 3,5 1.9
Consommalion 1,1 -0,8 -2.5 2,1 0,2 2,3 1,5
Publique -'2,7 -9,1 0,6 -1,5 -4,3 1,6 -2,5
Privée 9,1 0,1 -2,8 3,2 0,6 '2,3 2,0
Investissement 28,0 -56,6 45,4 8,1 -14,3 5,6 ·3,8
Public -17,3 ~3~,6 34,3 9,9 -28,2 -2,1 -8,1
Privé 1467 -77,1 74,8 6,3 15,0 15,8 120
1 1

Source /NSTAT. Comptes Nationaux. nos propres calculs

2) Encore convienl-il de noter que l'investissement privé inclullaFBCF-logement de5111énages


Dynamique des prix et du taux de change

Le 9 mai 1994, les autorités malgaches ont décidé le flottement de la


monnaie, après plus d'une décennie de dévaluation à répétition. Très
rapidement, le franc malgache s'est déprécié, et le taux de change, qui se
maintenait autour de 350 Fmg/Ff depuis le début de l'année 1992, est
passé en quelques mois à 700 Fmg, puis a atteint un pic en août 1995,
avec 945 Fmg, pour se stabiliser légèrement en dessous de 800 Fmg depuis
la fin 1995.

Cette décision, qui correspond à une dévaluation de fait, a été motivée


par deux raisons principales. D'une part, la libéralisation du marché des
changes s'inscrit dans le cadre de la politique de transition vers l'économie
de marché. D'autre part, il faut y voir la marque de l'ajustement structurel,
Economie
pour lequel la dévaluation constitue un instrument privilégié de
de Madagascar
N° 1 restauration de la compétitivité de l'économie. à travers la manipulation
Décembre 1996 des prix relatifs en faveur des biens échangeables.

L'approche Si une dévaluation semblait effectivement nécessaire, dans la mesure


à haute intensité
oe main-d'oeuvre où entre mars 1991 et mars 1994, le taux de change réel s'était apprécié
(hima) de près de 50%, le flottement s'est immédiatement traduit par une
bulle inflationniste. L'inflation s'est fortement accélérée pour atteindre
Mireille Rozolindrakoto des niveaux jamais enregistrés à Madagascar, avec plus de 60% à la fin
François Rouboud 1994. Depuis lors, l'inflation régresse lentement (30% en glissement
104
annuel en mars 1996), mais à un rythme insuffisant en regard des niveaux
de l'inflation mondiale. Depuis quelques mois, la stabilisation du taux de
change et le maintien de la dérive des prix présagent mal de l'avenir,
puisque le taux de change réel est en passe de rejoindre son niveau antérieur
au flottement.

Sur plus longue période, la course-poursuite destructrice entre


prix et taux de change n'a pas réussi à déformer sensiblement la structure
des prix relatifs, et aujourd 'hui, le taux de change réel a retrouvé son
niveau antérieur à la dévaluation de 1987.
Graphique 1
Inflation et taux de change 1981-1995

)00 r---------~---------~---~--___,

::::-0 __

Source: INSTAT. BCM, INSEE. nos propres calculs. TCRB . taux change réel bilatéral entre Madagascar
et la France. son principal partenaire commercial. c'est à dire évolutIOn du taux de change nominal comgé
du différentiel d'inflation entre les deux pays. Economie
de Madagascar
N"1
Décembre 1996

Finalement, la dépréciation du taux de change n'a pas eu l'effet attendu


sur la dynamisation du commerce extérieur. L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre
(himo)

Le secteur extérieur Mireille ll.azatindrakolo.


François ll.oubaud

Pour des raisons aussi bien externes (baisse persistante des termes de
\
105
l'échange) qu'internes (instabilité politique, manque de crédibilité des autorités
en matière de réformes économiques), le redressement tant attendu des
comptes extérieurs de Madagascar n'a toujours pas eu lieu.

L'amélioration des exportations observée en 1994 ne semble avoir été


que passagère, et essentiellement due à des facteurs exogènes comme le
relèvement des prix du café sur le marché mondial. Le seul facteur positif
provient de la montée en puissance des exportations non traditionnelles,
marquant une ébauche de diversification.

La balance commerciale, qui était globalement équilibrée dans la seconde


moitié des années 80, redevient largement déficitaire à partir de 1990, année
la plus noire, sans que l'on observe une tendance claire à la réduction du
déficit depuis 1992, malgré l'importante dévaluation du Fmg. En 1995, le
déficit commercial atteint près de 100 millions de DTS. Comme la balance
des services et la balance des capitaux sont structurellement déficitaires et
ne cessent de se dégrader, la balance courante et la balance globale suivent la
même évolution négative.

TallJCau2
Evolution de la balance des paiements 1990-1995
en m1lhons de DIS I~~O 19~1 I~n 1993 19~4 19~5 19MW95
mporlalion 417,5 321.7 3303 365,0 375,2 427,8 372.9
xportation 234,1 243,9 230,1 237,9 294,0 330,0 261.7
~alance commerdale -183,4 -77,8 -100,2 -127,1 -81.2 -97,8 -111.2
alance globale -208,4 -171,0 -131,8 -190,2' -245,1 -184,2 -205,1
pette e'\.téneure 2700,5 2783,3 2956.7 2992,9
dont arriérés 617,8 812.2 1057.1 1301.4

Economie Source INSTAT, Comptes Nationaux


de Madagascar
N"1
Décembre 1996
Les finances publiques
L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre
(himo) Ce contexte général récessif se traduit par une grave crise des finances
publiques. Ses principales caractéristiques sont les suivantes:
Mireille Razafindrakoto - du côté des recettes, une incapacité croissante à lever l'impôt. La pression
François Roubaud fiscale en pourcentage du PIB est inférieure à 10%, soit une proportion largement
inférieure à celle enregistrée dans les pays équivalents d'Afrique sub-saharienne.
106
De plus elle va en s'amenuisant au fil des années;
- du côté des dépenses, une augmentation rapide des intérêts de la
dette extérieure, qui se traduit par une accumulation massive d'arriérés de
paiement. Les ponctions opérées sur les autres dépenses publiques (personnel,
fonctionnement, investissement) ont été insuffisantes pour réduire sensiblement
le poids des dépenses dans le PIB. De plus, elles remettent en question la
capacité administrative de la fonction publique malgache;

Finalement, si une légère amélioration a pu être obtenue sur le front du


solde primaire (hors dons et intérêts de la dette), il restait encore largement
déficitaire en 1994 avec -3,5% du PIB. Par contre, le déficit global (base
engagement) ne cesse de se creuser pour atteindre -8,6% du PIB en 1994, En
1995, les chiffres préliminaires semblent annoncer une légère amélioration:
quasi équilibre du solde p~jmaire, déficit global revenu à -6%.
Tableau 3
Evolution des finances publiques 1990-1995
':-'0 du PIB 199U 1991 1992 1993 1994 1995
Recelles lolales (y.c.dons) 16.3 10.8 13,5 13,4 10,9 12,2
donl recelles fiscales 9,4 6,8 8,7 8,2 7,3 8,3
Dépenses lolales 17,0 16.4 20,0 20.6 19,5 17,8
dont inlérêl de la delle 1.0 1,1 1,4 3,2 5.1 4.9
Déficit primaire 0,3 -4,4 -5,2 -4,0 -3.5 -0,7
Déficil global (base cng) -0.7 -5.5 -6,6 -7,2 -8.6 -5,7

Source' INSTAT, Compte Nationaux

Une régression inexorable des niveaux de vie


sur longue période

Finalement sur longue période, les changements radicaux de la politique


économique n'ont pas réussi à enrayer la chute continue du niveau de vie des Economie
de Madagascar
ménages. qui atteint aujourd' hui son point le plus bas depuis l'indépendance. W1
Aujourd 'hui, la majorité des malgaches n'a jamais connu de période durable Décembre 1996
de croissance du revenu. Le graphique 1 illustre clairement l'ampleur de
cette dynamique récessive. Entre 1960 et 1995, le PIB par habitant a chuté L'approche
·de 36,8%, et la consommation privée de 46,8% ; soit un taux de croissance à haute intensité
de main-d'oeuvre
moyen de -1,8% par an. Si l'on considère la sous-période 1971-1995, 1971 (himo)
représentant l'année la plus faste, la baisse de la consommation privée par
tête atteint même 50,3%. De plus, à de rares exceptions près (1968-1971, Mireille Razafindrakolo.
]979-1980), la chute a été continue. François Roubaud

107
Graphique 2
Evolution du PIB et de la consommation privée par habitant
1960-1995
(aux prix de 1984 ; base 100 = 1960)

'10, ; -.-

Ë':: :-,-'-"-'-~=~

ISO: • _~ _ __ _ _ __ __~

111 1 Il' 1 , 1 1 11 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1111 11 11 11 1


Pli 9 9 9 J '9 !il 9'J 9 9 9 9 9 9 9 9 9 SI 9 9 9 Il 9 Il 9 9 , \1 SI il , Il Il
6 6 6 6 ~ 6 15 6 6 8 1 7 1 7 7 1 1 1 7 1 li B B 8 8 B 8 8 8 B II Il , 9 D Il
o 1 2 J 4 li 6 7 B 9 0 , 2 1 ~ li 6 7 8 !il 0 , 2 J 4 5 6 T 8 Il 0 , 2 3 4 6

F'JBllete _ _ Conlomm.llonprl~eeltele

Source INSTAT. calculs MADIO.


Une étude récente de la Banque Mondiale montre qu'en 1993/1994,75%
de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, c'est à dire qu'ils
perçoivent un revenu insuffisant pour satisfaire leurs besoins nutritionnels
minimaux. Ils n'étaient que 43% dans les années 60. Celle-ci sévit à tous les
niveaux. De plus, la situation s'est encore dégradée au cours des deux dernières
années. Il faut voir dans l'évolution réc<::nte l'impact de la non indexation des
salaires sur les prix comme le montre le tableau 4, même si le gros de la
chute des salaires réels a eu lieu au cours des années 80. Depuis 1990, le
taux de croissance des salaires a été inférieur à l'inflation, et s'est
accompagné d'un resserrement de la grille sal&riale, les dernières
augmentations accordées en 1994 et 1995 ayant été dégressives.

Tableau 4
Evolution des prix et des salaires 1990-1995

Economie
de Madagascar Y. 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1989/95

W1 Dellateur du PIB 11,5 13.9 12.5 13,0 41,6 .,' ",b


Dénateur de la ('onso 11,5 14,3 12,9 13,2 39,9 47,4 22,4
Décembre 1996 Salaire mllllffinrn 8,5 15,6 0 0 32,7 72,3 19.2
Salaire fonctlOllnalre 9,7 14,6 0 0 34,4 54,3 17,3

L'approche Source INSTAT, Compte Nationaux. Direction de l'Emploi et de la Mam-d'Oeuvre. Les salaires sont des
à haute intensité
de main-d'oeuvre salaires nominaux. Pour le salaire mimmum. il s'agit des ouvriec~ spéCial isés (catégorie professionnelle:
(hlmo) OS3,JA) du Régime général, secteur non agricole du code du travail. Pour le salaire des fonctionnaires, il
s'agit aussi d'une catégorie intermédiaire (catégorie III. Indice stagiaire 500. niveau bac).

Mireille Rozofindrakoto
françols Rouboud

108 Le sous-emploi: la contrainte majeure sur le marché


du travail

L'état de la situation sur le marché du travail est un élément central du


diagnostic que l'on peut porter sur la mobilisation des ressources humaines
à Madagascar (main-d'oeuvre disponible, conditions d'emploi et de
rémunération), premier facteur utilisé par les projets HIMO.

En 1993/94 sur une population estimée de 12 300 000 personnes,


Madagascar comptait 6 300 000 actifs, soit un taux d'activité global de
67,3%. Malgré la récession qui touche le pays depuis un certain nombre
d'années, il n'y avait 115 000 chômeurs, correspondant à un taux de
chômage très faible de 1,8%. Ce résultat apparemment paradoxal s'explique
par l'absence d'indemnités chômage. Les personnes sans ressources qui
sont privées d'emploi et qui en recherchent un sont contraintes de travailler
pour obtenir un revenu, si minime soit-il. Dans un tel contexte, les tensions
sur le marché du travail se manifestent avant tout par une situation de sous-
emploi chronique.

Si l'on retient comme indicateur de sous-emploi visible, le fait de travailler


moins de 35 heures par semaine en moyenne, le taux de sous-emploi visible
touche 54% de la main-d'oeuvre. Ce trait est sans doute l'indicateur le
plus évident du sous-emploi massif du facteur travail à Madagascar, marquant
le profond désajustement entre offre et demande de travail, la première
s'expliquant principalement par le régime démographique, et la seconde par
le taux de croissance de l'économie.

Encore convient-il de préciser que le sous-emploi visible ne constitue


Economie
qu'une modalité à travers laquelle se manifeste le sous-emploi. Ainsi et
de Madagascar
paradoxalement, ['existence d'horaires de travail excessivement élevés peut N"1
elle aussi être synonyme de sous-emploi, lorsque cette charge horaire est Décembre 1996
rendue nécessaire par une productivité du travail anormalement faible. On
qualifie cette forme de sous-emploi de «sous-emploi invisible». En tout état L'approche
de cause, 19,2% de la main-d'oeuvre travaille plus de 48 heures par semaine à haute intensité
de main-d'oeuvre
et 5,6% plus de 60 heures. (himo)

On peut aborder le problème du sous-emploi invisible à travers l'analyse Mireille Razalindrakoto.

des revenus tirés de l'activité, qui est un élément central du diagnostic que François Roubaud

l'on peut porter sur le marché du travail et sur les conditions d'activité de la 109
main-d'oeuvre.

En premier lieu, le revenu mensuel moyen de l'emploi principal était


de 30000 Fmg en 1993/94, soit un montant très inférieur au salaire minimum
en vigueur (3). Le secteur primaire est celui qui offre les plus faibles
rémunérations (19000 Fmg, y compris l'auto-consommation valorisée au
prix du marché), tandis que ceux qui exercent des activités commerciales ou
travail\ent dans les services publics sont les mieux payés (resp. 106000 et
115 000 Fmg par mois).

3) Le salaire minimum mensuel d'embauche dans le secteur régi par le code du travail (régime général -
secteur non agricole)s'établissart à40490 Fmg en 1993 età 63 313 Fmg en 1994. pour la catégorie d'employés
la moins bien rémunérée (M 1. lA) Enjanvier 1995. le salaire mimmulll a été porté à III 550 Fmg.
En second lieu, on peut définir le sous-emploi invisible comme l'ensemble
des personnes qui perçoivent moins que le salaire minimum, soit dans des emplois
à faible productivité, si on fait l'hypothèse réaliste que rémunération ft productivité
sont liées. Dans ces conditions, le taux de sous-emploi invisible atteint 78%.
Si maintenant on combine les différents types de sous-emploi (visible, invisible
et chômage, qui en constitue la forme la extrême), on estime le taux de sous-
emploi global du facteur travail à 85% de la population active.

Tableau 5
Horaires, revenus et sous-emploi sur le marché du travail

r- - t..mp 01 prmclpa t.tlectl s Horaire hebdo Revenu moyen au\. de sous au' de sous au:\. lie sous
(-..:mdll\.::J'::[1..J~flCl) mensualisé emploI \Isible emploI IIlVislble emploI global
(en 1000) (rr'l1lllersFmg) ("1,,) ("/,,) (":,)

:')ectelll pllmlt.lre , U.H UUU .0,. 0',


Industrie 338000 37,4 '"
47
'>,b
32,3 60,3
>U,_
66,5
Commerce 2<9000 44,4 106 27,1 58,2 64,5
Economie SeHlce Public 164000 39,5 115 24,4 5,6 36,'-
de Madagascar Autres Services 353000 41,0 63 32,7 59,S 67,8

N° 1
Iota b J UUU 'U,' 'u '., ',0 H,>

Décembre 1996
Source EPM. calculs MADIü

L'approche
à haute intensIté
de main-d'oeuvre
(himo)
Ces résultats montrent clairement que les tensions sur le marché du travail
ne se manifestent pas fondamentalement par le chômage ouvert, mais par le
MIreille Razaflndrakoto
sous-emploi massif du facteur travail. Ce phénomène qui touche plus de
François Roubaud
huit actifs sur dix est un symptôme du gaspillage des ressources humaines à
110 Mad~gascar, et met en lumière l'opportunité des projets HIMü comme tàcteur
de développement du pays.

Objectifs et mise en oeuvre des projets "IMO


à Madagascar

Dans ce contexte global récessif, la lutte contre la pauvreté et


l'appauvrissement constitue l'enjeu majeur et l'objectif ultime de la po 1itique
économique. D'ores et déjà les autorités malgaches comme les bailleurs de
fonds ont fait leur cette priorité. Dans la mesure où la plupart des ménages,
et plus particulièrement les pauvres, tirent la plus grande partie de leurs
revenus de l'exercice d'une activité économique, la création d'emplois
productifs devient le vecteur central de la stratégie d'amélioration des
conditions de vie de la population. Les projets HrMO représentent un élément
important de réponse à ce défi.

La " philosophie " des projets HIMO

Les projets HIMO constituent un axe prioritaire des actions du BIT déjà
ancien. Dès la fin des années 70, le BIT a mis sur pied une série de projets
pilotes à haute intensité en main-d'oeuvre, suivant le principes des technologies
appropriées aux ressources des pays considérés, essentiellement dans le
domaine des travaux publics. Progressivement, ces programmes se sont
Economie
développés et aujourd'hui, la plupart de bailleurs de fonds sont convaincus
de Madagascar
de leur bien-fondé. Par exemple, la Banque Mondiale fait de plus en plus W1
appel à ce type de projet, dans le cadre de la mise en place de fi lets de Décembre 1996
sécurité aux programmes d' aj ustement structure!. Ces programmes permettent
en effet de résoudre partiellement le problème du ciblage des interventions en L'approche
faveur des catégories les plus pauvres de la population. à haute intensité
de mam-d'oeuvre
(himo)
Les principes de base des projecs HIMO sont assez simples. Partant du
constat que l'avantage comparatif des pays en développement réside dans Mireille Razafindrakolo.

l'abondance du premier facteur de production, à savoir le travail non qualifié, François Roubaud

il convient de privilégier les techniques de production les plus intenses en 111


main-d'oeuvre. Or, pour diverses raisons, dont en première ligne des choix
erronés de politique économique, Madagascar, comme beaucoup de PED, a
favorisé une stratégie de développement en faveur des branches les plus
capitalistiques, avec les résultats qu'on connaît.

Les projets HIMO ont donc pour objectif de maximiser l'emploi et les
revenus, aussi bien en zone rurale qu'en zone urbaine, tout en valorisant les
ressources locales, à travers la promotion de technologies fortement
consommatrices de travail. Si dans un premier temps, les questions de
redistribution étaient au centre de la problématique HIMO (procurer des
emplois et des revenus aux plus pauvres), progressivement l'impératif
d'efficacité et de rentabilité économiques est venu se greffer sur la composante
" équité ". Aujourd'hui, les promoteurs des technologies HIMO se font les
avocats d'une stratégie de développement autocentrée et reproductible
(durable, soutenable), renforçant les institutions et la capacité de gestion
locale, san'> remettre en question l'ouverture de l'économie.

Les projets HIMO à Madagascar au cours


des années récentes

Il est difficile de quantifier précisément l'importance des projets HIMO


dans un pays en général, et à Madagascar en particulier. D'une part, la
définition même de ce type de projets n'est pas standardisée, et d'autre part
les données ne sont pas centralisées. Cette lacune est d'ailleurs
systématiquement dénoncée par ceux qui cherchent à analyser l'impact des
projets HIMO. Le recensement et la mise en banque de données des principales
Economie
caractéristiques de ces projets est tout aussi systématiquement recommandée.
de Madagascar
W1
Décembre 1996 Les données partielles que nous avons pu rassembler concernent les années
1990-1995(4). Il ne s'agit sans doute pas d'un bilan exhaustif dans la mesure
L'approche où seules les grandes agences des bailleurs de fonds ont été sollicitées. Or, un
à haute intensité
de main-d'oeuvre nombre important de projets mis en oeuvre par les ONG répondent aussi aux
(himo) critères HIMO. De plus, les projets" vivres contre travail ", comme ceux
réalisés par le PAM ou HIMO-urbain n'ont pas été comptabilisés.
Mireille Razafjndrakoro
François Roubaud Sur cette période, 7 projets d'infrastructures urbaines et rurales de type
112
HIMü ont été identifiés, regroupant les principaux bailleurs de fonds
(NORAD, Banque Mondiale, Coopération Suisse, Nations Unies, Union
Européenne). Ils concernent des opérations routières (construction ou
réhabilitation), de construction de marchés, d'écoles, de postes de santé, ou
de travaux de micro-hydrauliques (puits, canaux, etc.).

Le montant cumulé des différents projets recensés est de 145 milliards


de Fmg depuis 1990, dont 70 milliards en 1995. Si l'on rapporte ce chiffre
à la somme des investissements publics sur la période 1990-1995, soit 2976
milliards de Fmg, on note que les projets HIMO n'en constituent qu'une part

4) Nous remercions M Marc V AN IMSCIIOOT d'aVOir bien voulu nous communiquer ces données
minime, avec 4,9%. Il existe donc une marge de manoeuvre assez large pour
accroître la proportion des projets de ce type dans les dépenses publiques. Enfin,
mis en regard du PIB, les projets HIMO ne représentent que 0,3% du pm.

Les caractéristiques techniques montrent que la part moyenne des coûts


de main-d'oeuvre est de 26% du coût total, et ils varient de 20% à 35%. Il
semble que la part réservée à la main-d'oeuvre soit plus élevée à la campagne
(environ 30%) qu'à la ville (environ 20%). L'estimation grossière du nombre
d'emplois créés que nous avons effectuée, en dé.ilatant les coûts salariaux
par le taux de salaire minimum, conduit à une approximation légèrement
inférieur à 10500000 d'hommes*jours, entre 1990 et 1995.

Il faut voir dans ce chiffre une borne supérieure au nombre d'emplois


véritablement créés, car tous les coûts salariaux ne sont pas exclusivement
distribués sous fonne de salaire, et tous les employés ne sont pas rémunérés au
Economie
salaire minimum. Convertis en équivalent" emploi annuel à plein temps",
de Madagascar
on obtient un chiffre de 40 500 emplois sur 6 ans, soit 6750 emplois directs N°1
par an en moyenne entre 1990 et 1995 (5). De plus, si l'on tient compte du fait Décembre 1996
que la durée des contrats HIMû est d'environ 3 à 4 mois, le nombre de personnes
touchées directement par ces projets est de l'ordre de 120 à 150000. L'approche
à haute inlensité
de main-d'oeuvre
Tableau 6 (himo)
Les projets HIMO à Madagascar entre 1990 et 1995
Mirel/le Razafindratolo.
,pc d'.ura. r"dun:~ t:r..,lk: Mun Ani d6:'1 1 \.Qi.d'nI~l. t.mplolluftl
l'lODI du rrvjet tI'.ethlté mil•••..,.... d'onnn: FrançoIs Roubaud
jlj"
( ...m".....br...' (~)
Il<o_........ ~)
.- nJ L~IIU-Kout... ~ -1'IiDU'f1" ",nlie' .~n" n .....' ~'7.
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1.- f'rul:nmrnc Clldn: - Inr....ll"UC'tun: _ _1e 1991-1!)~ JU69.6.&~ l!li-I.
".
d~ O....""'1il.n '1oc.11:
l'''1-11I'BI1I

J.- FlD (B"b"U~ \l''nd ....'


·lnr....ll"UC'tun: prvdurmlE
· Inr",'dnartun:. _bIoaae

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....
,, ,,
613,655
1741,_
JO-W,ZIf1
1J699,2J6
15'"1.
JO'"!.
25'"1.
H'"I.
'"91'
JI.

...
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- Inr"..lnxh.lre producthe 5.121,82.8 15-/. l"

,,....
-lnr"'1na.lUre. _h1vnllle 776I,U" JCI~.
- Pnlh:dlon 1:"\ IIVI1IWftILTI' 6lU~"
.. - AGETlPA (B\I) - Inrr."rvrture urhaln... 199"-1995 ..6 ..3Z,OOII zoe;•
~.- PASAGE (8\1)
6.- Mk:rv·re.UIa'1on ''''0)
• Ruutel ru...k.
• Inf....lnxtuR' Mld.1e
·Inf...,tna.tuft.o prvdlA·the
- Inr"ntnxtun.- .&.: d..-h1ocaae
1991)-19~

1987-199"
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21:38,18"
1:861.58"
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.
157J

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I67Z

'99
7.- Clll'Iltl ik O'h.... - lnfnutruch.lre prvd...tu e 1991-199~ 1:7800~ICIlI J~·I. 171:7
(C'"'.......IIo.. :Io.....l
lit. m"-m> ••>,.,,,., '" . ."..,
Source: Divers projets. nos propres calculs Les emplois créés correspondent à des estimation sur la base du
salaire minimum. saufpour le projet" canal de Dabara ,. où l'on disposait d'une estimation en hommes*jours.

5) Ce chiffre n'inclut pas les emplois" indirects .. créés, c'est à dire les emplois résultant des revenus
distribués par les projets HIMO. essentiellement à travers le surplus de consommation des ménages qu'ils
ont gén.:ré Ces montants seront estimés dans la quatrième partie.
En 1995, où l'on dispose d'infonnations plus précises, les 70 milliards de
projets HIMO ont généré 3 500 000 hommes*jours de travail, soit 13 600
" emplois annuels équivalentplein temps ". Ces résultats montrent la montée en
puissance des projets HIMO au cours des années les plus récentes, particulièrement
depuis 1994, avec la mise en place des programmes FID et AGETIP A.

Il est ~lair donc, que compte tenu du fait que plus de 250.000 personnes
arrivent chaque année sur le marché du travail, la contribution des projets
HIMO à la création d'emplois, sans être négligeable (on peut l'estimer à
5,4%), n'en est pas moins limitée, à l'échelle du pays. Cependant, son poids
ne doit pas être sous-estimé. En premier lieu, près de 80% des nouveaux
arrivants sur le marché du travail trouvent à s'employer dans le secteur
primaire. Si l'on rapporte les emplois générés par les projets HIMO aux
45.000 emplois non agricole créés chaque année dans les secteurs secondaire
et tertiaire, le ratio atteint 30%. En second lieu, il ne s'agit que des emplois
Economie
directs (pour les emplois indirects, voir ci-dessous). Enfin, comparé au total
de Madagascar
N°1 des emplois en zone franche par exemple (17.000, en 1994 (6», la capacité de
Décembre 1996 création d'emplois HIMO est loin d'être secondaire.

L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre Avantages comparés des projets HIMO et HIEQ
(himo) à Madagascar

Mireille lI.azafindrakolo
François lI.oubaud La comparaison des coûts des projets HIMO et HIEQ pose de sérieux
114 problèmes méthodologiques. En effet, celle-ci n'a pas de sens au niveau macro-
économique, à cause de l'extrême hétérogénéité des projets, dont les
technologies ne sont pas toujours substituables. D'une part, il n'existe pas
de référent commun, permettant de déterminer des coûts unitaires. D'autre
part, la comparaison au niveau agrégé est sensible au biais de composition.

Au niveau micro-économique, pour mener à bien la comparaison, il


faudrait disposer d'informations concernant deux projets rigoureusement
lidentiques, dont la seule différence proviendrait du choix de la technologie
retenue. Or, un tel cas de figure ne se présente jamais dans la réalité. Aussi

6) RAZAFlNDRAKOTO M., ROUBAUD F ," Le secteur mdustrielformel à Madagascar' caractérIStiques,


performances. perspectives. Recensementmdustriel. exercice 1994. premiers résultats ". MADIO, 1996.
Madagascar,64p De plus. les entreprises franches créées en 1994 ont généré moms de 1500 emplois.
nous avons choisi de restreindre l'analyse aux seuls projets routiers, qui
présentent l'avantage de fournir un produit relativement homogène, que l'on
peut synthétiser en un nombre de kilomètres réalisés. Un important travail de
collecte et de mise en cohérence des principales données concernant 8 contrats
routiers réalisés en 1995 à Madagascar a été effectué (7). Ces projets ont été
classés en trois catégories suivant la technologie utilisée: HIMO, HIEQ, et
une classe intermédiaire combinant les deux techniques, appelée HIMO-FIlEQ.
On trouvera dans le tableau 10 les spécificités de chacune d'entre elles (date
de réalisation, longueur et degré de difficulté en fonction du type de terrain
rencontré).

Tableau 7
Coûts financiers comparés des projets routiers HIMû 'ft HIEQ
en 1995

HIMU HI......
Economie
% tu.",. 1 CAYU',., CAYU'A' lAVA'" "U CAYl>A1U IAYU>A1U 1 CAYU'A' de Madagascar
ROUTE D D lui Ml )01"0 DLot FI
u,'M5 L,IH W1
1 uate a'acnevement .,., .", 1'" p.~ cnaUl: cnUlur\
''', ''', ''', Décembre 1996
J.n~ iJ'e,"u.l.Ibun
Longueur (k.m) 8,3 6,2 10,8 ~8,0 15,6 20,0 8,8 1~,7
Degrê de difficulté

1 Lout au kffilhof"'lV-\ nulllon~Fm~)


Coûtaukm(h<lf'STVA lJ~)
Homme-jour par km
..
mllnt.gneu\

10 539
2400
tcr"lIn
pl"
lUI
23 896
718
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Il 281
IU1'111np11l1

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25717
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22515
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l('rnllnllhu

l~~

55442
1 174
, .111)nne

lU
16564
L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre
505 1816 386 432
Nombre de km par mois 1,60 2,32 3,27 2,67 7,80 5,0 2,51 4,90 (himo)
Source. F OLIVIER, CTP HIMO-ROUTES
MireIlle Ralafindrakoro.
François ROI/baud

115
Malgré l'hétérogénéité des réalisations prises individuellement, les
différences essentielles entre les deux types de projets, HIMO et HlEQ,
apparaissent clairement:

- en premier lieu, le coût au kilomètre des projets HIMû est largement


inférieur à celui des projets HIEQ. En 1995, il était inférieur à 45 millions
de Fmg pour le projet HIMO-ROUTE, soit 10 500 US$ au taux de change
en vigueur, mais il dépassait 100 millions de Fmg pour les différents projets

7) NOliS remercions M Franco OLIVIER. CTP du projet HI MO-ROUTE. d'avOir bien voulu nOlis
communiquer ces données
HIEQ, et se chiffrait même à plus de 230 millions dans le cas du marché
CAPUSAID-Lot M3. Les projets HIMO-HIEQ occupent une position
intermédiaire, avec un coüt moyen au kilomètre variant de 50 à 100 millions
de Fmg. Même si les différents projets ne sont pas parfaitement comparables,
l'écart est tellement grand qu'on peut conclure de façon robuste à l'avantage
des projets HIMO ;

- en second lieu, même à un coût inférieur au km, les projets HIMO


maximisent le nombre d'emplois créés. RIMO-ROUTES a mobilisé 2.400
hommes*jours au km (h*jlkm), tandis que ses homologues HIEQ se sont
contentés de 360 à 1.200 h*j/km (à l'exception du projet CAVAGI avec 1.800
h*j/km), et environ 600 h*jlkm pour les projets HIMO-HIEQ.

Par contre, la lenteur des travaux doit être mise au passif des
projets IDMO, puisqu'en un mois ils fournissent 1,6 km de route, contre 3
Economie
pour les projets HIMO-HIEQ, et 4 à 5 pour les projets HIEQ. En fait, cette
de Madagascar
W1 caractéristique négative doit être nuancée. D'une part, parce qu'à Madagascar,
Décembre 1996 les goulots d'étranglement aux importations, notamment d'équipement ou de
pièces de rechange, pénalisent plus fortement les projets HIEQ. D'autre part,
L'approche l'approche HIMO peut potentiellement accroître ses cadences de réalisation,
à haute intensité
de main-d'oeuvre
à condition de multiplier le nombre d'équipes utilisées. Evidemment, cette
(himo) solution demande un effort important de coordination des chantiers.

MIreille Razafindrakolo Si maintenant on analyse la structure relative des coüts des différents
François Roubaud types de projets, deux paramètres caractéristiques permettent de distinguer
116 sans ambiguïté les coûts et les coefficients techniques des deux types de
projets:

- la part des coûts salariaux est en moyenne trois à six fois plus
importante dans les projets HIMO. Elle est de l'ordre de 30% pour les
projets HIMO, alors qu'elle n'atteint que 5 à 10% pour les projets HIEQ.
Cet état de fait n'est que la traduction des choix technologiques des deux
types de projets, pro-travail d'un côté et pro-capital de l'autre:

- les projets HIEQ sont de plus grands consommateurs de devises que leurs
homologues HlMO. Ainsi, la part des coûts locaux des projets HIMO est
d'environ 40%, alors qu'elle varie de 6 à 25% pour les projets IDEQ. Ce
résultat est le reflet d'un usage plus intense en travail et en consommations
intermédiaires d'origine locale pour les premiers, tandis que les seconds sont plus
gourmands en équipements importés, pour lesquels il n'existe pas d'offre locale.
Il est intéressant de noter qu'en comparaison avec d'autres travaux sur la
structure des coûts des projets HIMO dans d'autres pays d'Afrique sub-
saharienne (Ghana, Rwanda, etc.), la part des coûts de main-d'oeuvre est
beaucoup plus faible à Madagascar: entre 25% et 30% ici, contre 50% à
60% ailleurs (8). Par contre, la part relative des coûts salariaux HIEQ/HIMO
reste du même ordre de grandeur, de 1 à 4 ou 5. Ce résultat surprenant
s'explique en partie par la faiblesse des niveaux de rémunération à Madagascar
(notamment par rapport aux pays de la zone franc), mais surtout et plus
probablement, par un mode de calcul différent de l'amortissement du capital.

Tableau 8
Distribution comparée des coûts HIMO et HIEQ

. "'MU
n ..."
""'U-"I~'"
LAYU....W LAYU>AlU LAVALI ru>
"'~
LAYU>AW
... LAYU>AIU LA...,>AIU

j\1Rm·d 'oeuv.'e
ROUTE
lM
LlfMt;

"
,,.
LulF4
11,.> 0,' -,
LulMI
-,.
1111 Ml Lui FI
',- Economie
EqUipement 37,0 61,4 41,8 42,3 85,1 61,2 60,0 37,4
Consommation intel"médmire 31,8 18,5 38,6 46,1 10.0 21,3 27,7 50,. de Madagascar
-locale 10,4 2,0 20,6 10,7 0,9 7,0 7,3 Il,J W1
- Importée 21,4 16,5 18,0 35,4 Q,I 14,3 20.4 38.8
Outillage et divers 1,4 10,2 Il,8 0,3 0,0 10,8 5,5 4,9 Décembre 1996
_1. Iuu 100
Locaux. 01,_ H,.>
IUU
4U,O
IUO
ZZ,.> .,.
lUU lUII

zo,'
11111
!Y,'
IUU
Z.,.
Importés 58,4 77,7 59,6 77,7 94,2 75,S 80,5 76,2
L'approche
01. IUU lUU IUU lUU IUU IUU lUU IUU
à haute intensité
Source: F OLIVIER, CTP !-lIMa-ROUTES de main-d'oeuvre
(himo)

Mireille Razanndrakolo.
Si l'on transforme les coûts salariaux en nombre d'emplois crees,
François Roubaud
l'avantage en faveur des projets HIMO est encore plus massif, dans la mesure
où le coût unitaire du travail y est inférieur (part relative de la main-d'oeuvre 117
qualifiée plus faible, rémunération inférieure à poste égal, tout en respectant
le salaire minimum). Ce état de fait doit être interprété comme un point
positifdans la mesure où les projets HIMO se fixent non seulement un objectif
d'efficacité, mais aussi un impératif d'équité. Or, la faiblesse de la
rémunération assure que les populations bénéficiaires de ce type de projets
sont effectivement les plus démunies. Celles dont le salaire de réservation
est supérieur au salaire minimum ne cherchent pas à y participer.

8) Voir par exemple MARTENS B,. " Etude comparée de l'efftcaCl/é économique des lechniques à
houle rntenslté de marn-d'oeuvre et à haute mlenslté d'éqUIpement pOlir la construction de l'Outes
secondatres au Rwanda ", BIT. Etudes et débats, Genève, 1991.61 p. BIT, " PolitIque d'lnvesllssement
etutdisatlOn rntenslve des ressources locales' perspeC/lves pour la créatIOn d'emploIS el l'économie de
deVises dans les pays de la ~one CFA ", Genève, 1994, 36p + annexes DRN-SYNERGIE. "EClILO
Study 0/1 Struclural Ad;lIStment and Employmentll1 Ghana ", EC/ILO, 1993. 74p
En résumé et au vu des seuls coûts financiers unitaires, les projets HIMO
présentent trois avantages comparatifs sur leurs homologues HIEQ : leurs
coûts unitaires sont inférieurs de 30% à 80%, ils génèrent de 2 à 5 fois plus
d'emplois, et enfin ils économisent 30% des devises consommées par les
projets HIEQ.

Tableau 9
Salaires journaliers comparés des projets routiers HIMO et HIEQ
en 1995
Fmg
ROUTE LnlM5 L"IF~ LI(MI Inl M3 Lot FI
.1 304 0 103
Chd d'~qUlpe 9091 16152 11 000 13 688 13 256 15344 14720 16000
Chd dt (han'Ier 13 636 26304 18334 20532 17208 24488 18560 22 000

Source: F, OLIVIER, CTP HIMO-ROUTES, Pour les projet HJMO-HIEQ, le salaire de la mam-d'oeuvre
comprend les charges sociales et les heures supplémentaires. Pour les projets HJMO, le salaire de la main-
d'oeuvre correspond au salaire mimmum pour une semaine de 40 heures
Economie
de Madagascar
N°1
Décembre 1996

De plus, la politique engagée de restauration de la compétitivité de


L'approche l'économIe m,algache, à travers la maîtrise des coûts et des prix intérieurs et
à haute intensité
de main-d'oeuvre la dépréciation du taux de change effectif réel rendra de plus en plus rentable
(himo)
les projets HIMO au cours des années à venir.
MIreIlle Rozorindrokolo

fronçols Rouboud

118 Impacts macro-économiques réels et


potentiels des projets "IMO

Dans le chapitre précédent, nous avons mis en évidence les bénéfices


directs que procurent les projets HIMO en termes de création d'emplois sur
leurs concurrents HIEQ. Cependant, cette approche est partielle, et par
conséquent trompeuse. On a par exemple mis à l'actif des projets HIMO le
fait qu'ils permettent d'économiser des devises. Mais, rien n'indique qu'in
fine ils génèrent une amélioration de la balance commerciale. En effet, tout
dépend des propensions à consommer des biens importés des agents qui
perçoivent les revenus des différents types de projets. La même incertitude
existe sur l'effet différencié des deux types de projets sur les finances
publiques, le taux d'investissement ou la croissance.
Un pays comme Madagascar, dont les ressources publiques sont rares,
doit chercher à maximiser l'impact macro-économique de sa politique de
dépenses publiques. C'est ce que nous chercherons à quantifier dans cette
partie.

Pour ce faire nous avons construit un modèle macro-économique


simple de l'économie malgache qui permet de simuler l'impact des projets
HIMO/HIEQ sur l'ensemble de l'économie (9). Il s'agit d'un modèle de type
" input-output", comprenant un tableau entrée-sortie, dans lequel est
incorporée la composante de demande nécessaire au calcul de l'effet
multiplicateur généré par les dépenses publiques. Ce modèle a été calibré sur
l'année 1995, de façon à reproduire l'équilibre macro-économique dè cette
année là. Il est donc de facture" keynesiano-léontieff" et à prix fixes. Cette
caractéristique se justifie dans la mesure où l'on cherche à mesurer l'impact
de court terme de l'investissement public, et où le montant des politiques
simulées est trop faible pour exercer une pression sensible sur les prix. Economie
de Madagascar
N°1
Par contre, il ne prend pas en compte l'externalité positive induite Décembre 1996
par le résultat du projet lui-même. Par exemple, on peut imaginer que la
construction/réhabilitation d'un réseau de routes rurales dans une région de L'approche
culture de rente (vanille, café, etc.) aura un impact positif sur la production à haute intensité
de main-d'oeuvre
et les exportations, soit en faisant sauter les goulots d'étranglement que (himo)
constitue l'enclavement de la zone sur la mise à disposition de l'offre réelle,
soit en rendant plus compétitifle prix frontière des produits exportés (réduction MlreJlle RazatlndrallOlo.

des coûts de transport), facteur d'accroissement des parts de marché. Le François Roubaud

même mécanisme peut jouer pour les cultures vivrières, avec un effet positif 119
sur l'offre locale commercialisée, et la réduction des importations (de riz par
exemple). Enfin, l'amélioration du réseau de déssertes rurales, en favorisant
le pouvoir de négociation des producteurs face aux collecteurs, est un puissant
facteur de réduction de la brèche prix de production - prix à la consommation,
et donc d'augmentation de l'offre.

Ces externalités positives ne concernent pas seulement les projets


routiers ruraux, mais l'ensemble des projets d'infrastructures: construction
d'ouvrage de micro-hydraulique, de marchés (approvisionnement), d'écoles
ou de postes de santé (productivité du travail). La non prise en compte dans

9) Pour une présentation du modèle. voir en annexe


le modèle de ces extern~lités, qui techniquement devraient se traduire par
l'introduction de fonctions de production à rendement croissant, induit une
sous-estimation des effets macro-économiques réels des projets réalisés. En
revanche, elle n'influe pas sur la comparaison des deux types de projets
HIMO et HIEQ, si l'on suppose, ce qui semble raisonnable, que l'externalité
est la même dans les deux cas.

L'impact des projets HIMO sur l'économie en 1995.

Pour évaluer l'impact des projèts HIMO à Madagascar en 1995, nous


sommes partis des données du tableau 9. Il permettait de chiffrer le montant
total à 145 milliards de Fmg sur la période 1990-1995. En 1995, cette somme
se montait à 70 milliards de Fmg, dont plus de la moitié pour l' AGETIPA
Economie
(37 milliards) et 40% (27,5 milliards) pour le FID.
de Madagascar
N° 1
Décembre 1996 Les résultats obtenus à partir du modèle sont résumés dans le tableau 13.
Plus qu'une mesure précise de l'impact des projets HIMO, la simulation
L'approche permet d'évaluer l'ampleur des retombées positives et négatives en fournissant
à haute intensité des ordres de grandeur. Mais elle met surtout en évidence l'importance des
de main-d'oeuvre
(himo) effets d'entraînement du projet sur l'ensemble de l'économie malgache (hors
externalités).
Mireille Razalindralrolo
François Roubaud En tenant com pte de la distribution des coûts des projets HIMO, les
120
dépenses en salaires, les dépenses locales (consommation intermédiaire et
outillage), les dépenses importées (consommation intermédiaire et
investissement que l'on suppose non substituables par des produits locaux)
liées aux projets, sont les principales variables exogènes du modèle, avec le
montant des dépenses publiques. Les données micro-économiques du projet
sont ainsi directement introduites dans le modèle.

Concernant les recettes fiscales, trois taxes ont été prises en compte:
la taxe sur les biens et services (TVA), la taxe à l'importation et l'impôt sur les
revenus. Les taux de taxation considérés sont les taux apparents obtenus en
rapportant les recettes effectives au volume taxable. Ce choix permet d'une
part de" caler" le modèle, et d'autre part d'obtenir des résultats plus réalistes,
qui tiennent compte des difficu ltés de l'Etat à faire rentrer les recettes fiscales.
Ainsi, en rapportant l'ensemble des taxes à l'importation au montant total des
importations, un taux de l'ordre de 15% a été retenu pour les produits importés.
Tableau 10
Impact macro-économique des projets HIMO en 1995
(en milliards de Fmg)

ype ', . Kevenu Lonsom LmplOIS 1IJepense. KeCettes mpor-


d'impact de. -rnAhon créés pubhque publ. Cations

DU nuu'tn~ 1 ARncu lur ScnlC4 .....


ménages •
Direct 34.3 4.9 0 0 J9,2 16,1 13,2 IZ UIU 7U,U 5,1 JU,3
Indirect 0.2 3,2 14.4 24,1 41,9 51,7 43,0 22 550 0,0 4,3 15,7
Total J',5 3, ",, H, 31, ."',3 5.,2 J' '.U 7U,U 9,' '.,'
Source Calculs MADIü

Ainsi, en admettant les hypothèses du modèle, la réalisation des projets


RIMO aurait permis une hausse du PIB de 81 milliards de Fmg, soit une
croissance équivalent à 0,7% du PIB. Si ces projets ont occasionné une
augmentation des dépenses publiques de 70 milliards, ils ont par ailleurs Economie
entraîné 9 mi Il iards de rentrées fiscales, résultant de la hausse des revenus et de Madagascar
N° 1
des importations. Mais les recettes obtenues couvrent moins de 15% des Décembre 1996
dépenses, le déficit public se creuse ainsi de 60 milliards de Fmg.
Conformément à l'effet attendu, le nombre conséquent d'em plois créés mérite
L'approche
d'être souligné (35000), ce qui permet une croissance des revenus des ménages à haute intensité
et de leur consommation de 0,5%. de main-{j'oeuvre
(himo)

Il est cependant intéressant de noter que l'ampleur des effets indirects est Mireille Razafindrakoro.
de mànière générale plus importante que celle des effets directs des projets françois Roubaud
HIMO. Les revenus directs distribués à la main-d'oeuvre créent en effet une
demande supplémentaire, qui va elle-même générer de nouveaux revenus, des 121
demandes, et ainsi de suite. Si les impacts directs se calculent assez aisément à
partir des caractéristiques du projet, l'estimation des impacts macro-
économiques globaux ou «effets indirects» nécessite le recours à la modélisation
des principaux mécanismes macro-économiques, en tenant compte du poids
des différentes composantes de l'offre (Agriculture/lndustrieIBTP/Service) et
de la demande (consommation 1investissement et contenu local ou importé).

On constate alors que, si les projets HIMO ont fourni directement aux
ménages des revenus salariaux se montant à 16 milliards de Fmg en 1995, la
demande engendrée par ces derniers, à laquelle s'est ajoutée les dépenses en
consommations intermédiaires locales du projet, a permis de générer des
revenus supplémentaires équivalent à 52 milliards de Fmg. L'impact indirect
sur les revenus des ménages est ainsi 3,3 fois supérieur à l'effet direct. lIen
est de même pour la consommation. En plus des emplois créés directement
par les projets HIMO (que l'on peut estimer à 12 000), 22 500 emplois
supplémentaires ont été créés grâce aux effets d'entraînement en oeuvre.

L'importance de ces effets indirects résulte en fait essentiellement de deux


facteurs:
- la place prépondérante de la consommation dans le revenu des ménages
(forte propension à consommer) ;
- la relative faiblesse de la part des importations dans la consommation
des ménages malgaches (comparée en particulier au contenu en importation
des investissements).

Ainsi, les revenus distribués se transforment en majeure partie en


consommation, et donc en demande locale. Ils génèrent également des
importations supplémentaires qui viennent s'ajouter aux dépenses importées
Economie
du projet. Mais en regard de la valeur ajoutée locale qui a été créée, ces
de Madagascar
W1 importations induites restent limitées.
Décembre 1996

L'approche Simulation d'une politique de 50 milliards


à haute intensité
de main-d'oeuvre
d'investissement public : HIMO vs. HIEQ.
(himo)

Mireille Razafindra~o[o Un des objectifs de la présente étude était de quantifier les avantages
français Roubaud macro-économiques comparés de deux types de technologie utilisées. Nous
122 avons donc choisi de réal iser deux variantes, correspondant dans les deux
cas à un investissement public de 50 milliards de Fmg, réalisé soit sous
forme HIMO, soit sous forme HIEQ. Il peut s'agit soit d'une dépense
d'investissement additionnelle, soit d'une substitution entre les deux types
de technologies. Par ailleurs, la somme de 50 milliards s'inscrit bien dans
des ordres de grandeur réalistes, puisqu'elle représente environ 5% de
l'investissement public total, enveloppe pour laquelle il est raisonnable de
penser qu'une6ubstitution HIMOIHIEQ est envisageable.

Quoi qu'il en soit, le modèle étant linéaire, le montant du choc simulé n'a
aucune influence sur la nature des résultats obtenus. La différence
fondamentale entre les deux types de technologie, et leurs effets d'entraînement
sur l'économie résultent de la différence dans la structure de leurs coûts.
Nous avons construit deux structures archétypales à partir des données du
tableau Il, et qui sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Tableau Il
Structure stylisée des coûts des projets HIMO et HIEQ en 1995

Source: Calculs MADlü

Les résultats montrent clairement la supériorité de l'approche HIMO sur


l'approche HIEQ. Alors qu'un programme d'investissement public de 50
milliards de Fmg sous forme HIMO engendre une création de valeur ajoutée
de 58 milliards, elle n'est que de 34 milliards si on réalise des projets HIEQ.
L'impact différentiel des deux formes d'investissement est encore plus marqué Economie
sur le revenu, la consommation des ménages ou l'emploi. Il varie du simple de Madagascar
N°1
au double, selon qu'on adopte l'approche HIEQ ou HIMO. Décembre 1996

Le faible effet multiplicateur des projets HIEQ résulte essentiellement de


L'approche
l'importance des dépenses en produits importés (équipements). Une grande à haute intensité
partie des revenus vont ainsi directement à l'étranger, ce qui limite les effets de main-<l'oeuvre
(himo)
d'entraînement sur la production locale.
Mireille Razafindralrolo.
En revanche, les emplois créés directement lors de la réalisation des projets François Roubaud
HIMO génèrent des revenus, dépensés en grande partie localement, ce qui
induit un effet multiplicateur sur la production locale. Ainsi, même si une 123
part relativement importante des revenus vont in fine à l'étranger, elle a
permis de créer une valeur ajoutée locale et de générer des emplois.

Globalement, une politique de 50 milliards sous forme HIMO permet de


générer 25 000 emplois, alors qu'on n'en compte que 10 000 avec les
techniques HIEQ. De plus, il faut noter que les deux tiers de ces emplois
proviennent des effets multiplicateurs du projet. Cette proportion est plus
forte dans le cas HIEQ (de l'ordre des trois quarts), car la technologie utilisée
par le projet minimise les dépenses locales, tandis que l'effet induit s'aligne
sur la propension moyenne à importer de l'économie dans son ensemble.
Tableau 12
Impact macroéconomique d'un programme d'investissement public de
50 milliards

HIMU HI!!:l,1
en milliards de Fmg l'Ile' met 'UIAL !!:flet Lnet 'U'AL
direct Imdirecl direct indirect
ProdUit Inteneur Hrut : PlH 28,U! 3U,U '8,U 2U,U 14,1 34,1
Consommation 9,4, lU,7 40,1 2,5 15,3 17,8
Revenu des ménages Il,51 36,9 48,4 l,O 18,5 21,5
, uellCU UOIlC -'0,' +3,1 -43,. -",' +,' -",
Depenses pubhques -50,0 U,U -SO,O -50,0 O,U -50,0
Recettt"s publiques 3,6 3,1 6,7 4,7 1,4 6,1
Tau sur les ImporlalÎons 3,4 5,1 4,6 0,7 5,3
Taxe sur les hlens et services 0,1 1.71
0,9 1.0 0,1 0,4 0,5
Tau sur les rC\enus 0,\ 0,5 0,6 0,0 0,3 0,3
1 Mollance commerWl e -22,U -11,21 -33,2 -3U,U -4,8 -34,8
1 LreatlOll d'emplOI 8 '8U 16 12U 1 Z4 7UU 2 Z4U .'u lU 09U
1 IUU hp Icateur .,U, ,lU

Source Calculs MADlü, L ,elfet direct des projets SUT le PIE correspond à la partie des coûts du proJet
dépensée localement L'effet direct sur l'emploi correspond aux embauches" équivalent plein temps" des
Economie projets Le multiplicateur est calculé comme le rapport de la variation totale du PIB SUT la variation du PŒ
résultant de l'effet direct Le "vrai" multiplicateur rapporte la varIation finale du PIB à celle des dépenses
de Madagascar
pubhques La faiblesse des valeurs obtenues par cette méthode s'exphque par la place des importatIOns
N"1
Décembre 1996

Compte tenu de la part plus faible des dépenses en produits importés des
L'approche projets HIMO, il peut sembler étonnant de constater (à exportations
à haute intensité
de main-d'oeuvre constantes) une dégradation de la balance commerciale quasiment équivalente
(hirno)
à celle induite par les projets HIEQ. Ce résultat découle de l'ampleur des
effets indirects, Etant donné que toutes les composantes de la demande ont
Mireille Razafjndrakoto
un contenu en importation, toute demande supplémentaire (due à l'effet
FrançoIs Roubaud
multiplicateur) implique une hausse des importations. Ainsi, même si ex ante
124 l'augmentation des importations est plus faible dans le cas HIMO, la relative
dépendance de l'économie vis-à-vis de l'extérieur (aussi bien en termes
d'intrants, d'équipements que de biens de consommation) fait que la croissance
des revenus locaux entraîne une montée de la demande en biens im portés,

Les résultats obtenus en matière de finances publ iques, apparemment peu


sensibles au choix technique, relèvent du même phénomène. De façon
mécanique, que les projets HIEQ procurent plus de recettes fiscales que leurs
homologues HIMO, compte tenu de l'importance des taxes à l'importation,
Mais, les projets HIMO induisent également, à travers reffet multiplicateur,
un surcroît de recettes fiscales, provenant à la fois de l'augmentation des
importations, et des taxes sur les biens et services, issues de raccroissement
des revenus et cie la consommation,
CONCLUSION

Cette tentative de cadrage macro-économique des projets HIMü à


Madagascar a permis de mettre en évidence un certain nombre de résultats
importants. De plus, les difficultés rencontrées pour quantifier le phénomène
nous amènent à faire quelques suggestions en matière de suivi de ces projets.

En premier lieu, la voie des travaux à haute intensité de main-d'oeuvre


mérite une attention prioritaire de la part des autorités, notamment dans
la définition des politiques d'investissements publics. En effet, les projets
HIMü constituent un instrument privilégié pour répondre à la double priorité
des pouvoirs publics: retrouver le chemin d'une croissance économique rapide
orientée vers la réduction des inégalités, et par conséquent de la pauvreté.
Economie
L'appel massif des projets HIMü aux ressources locales (aussi bien humaines de Madagascar
que matérielles) cadre parfaitement avec le principal défi des années à venir N"1
pour l'économie malgache: la diminution du sous-emploi du facteur travail, Décembre 1996

aujourd'hui généralisé.
L'approche
à haute intensité
Les données collectées ont permis d'estimer que les projets de type HIMü de main-d'oeuvre
se sont montés à 145 milliards de Fmg entre 1990 et 1995, et ont généré plus (hlmo)
de 10 millions d'hommes*jours de travail, soir l'équivalent de 40500 emplois
Mireille Razafindralloto.
directs (annuels et à plein temps).
François Roubaud

Au vu des seuls coûts financiers unitaires, les projets HIMü présentent 125
trois avantages comparatifs sur leurs homologues à HIEQ : leurs coûts
unitaires sont inférieurs de 30% à 80%, ils génèrent de 2 à 5 fois plus
d'emplois, et enfin ils économisent 30% des devises consommées par les
projets HIEQ.

Au delà de ces chiffres, l'étude d'impact réalisée à partir d'un modèle


macro-économique ad hoc, conduit aux conclusions suivantes:
- en 1995, les 70 milliards de Fmg de dépenses d'investissement public
réalisées sous forme HIMü ont généré 35 000 emplois, dont près des deux
tiers de façon indirecte, à travers l'effet multiplicateur de dépense;
- sur la base des coûts moyens enregistrés sur les projets routiers
d'infrastructure rurale (les seuls pour lesquels nous avons pu obtenir des
données détaillées) le multipl icateur de dépense montre que les projets HIMü
" dominent" indiscutablement leurs homologues HIEQ. La simulation d'un
investissement supplémentaire de 50 milliards de Fmg, réalisé alternativement
sous fonne HIMû vs HIEQ, montre que le premier crée 2,5 fois plus d'emplois
que le second, en accroît d'autant plus le revenu comme la consommation des
ménages. En outre, cet impact plus favorable des projets HIMû ne se traduit
pas par une plus forte dégradation des finances publiques et de la balance
commerciale.

Ces résultats préliminaires montre que l'approche HIMû,jusqu'à


maintenant partiellement exploitée, est appelée àjouer un rôle majeur avec
la signature probable des accords entre Madagascar et les institutions de
Bretton Woods. En effet, ceux-ci vont se traduire par un afflux considérable
de capitaux étrangers (sous'fonne de dons ou de prêts à taux hautement
concessionnels), dont il conviendra de maximiser l'efficacité. Dans ce contexte,
deux suggestions peuvent être avancées concernant la programmation des
Economie
investissements publics (PIP) :
de Madagascar
N"1 - la sélection des projets approuvés doit prendre explicitement en
Décembre 1996 compte leurs effets d'entraînement sur l'économie dans son ensemble,
qui sont fonction de la technologie mise en oeuvre. En particulier, chaque
L'approche fois que cela est possible (c'est à dire lorsqu'il existe plusieurs alternatives
à haute intensité
de main-d'oeuvre en matière de combinaison productive), il convient de favoriser les projets
(himo) qui maximise le double objectifd'efficacité/équité de la politique économique;
-le type de modèle utilisé ici pourrait constituer un instrument d'aide
Mireille RazaFindrakolo à la décision pour le choix des projets. Pour ce faire, il mériterait d'être
François Roubaud affmé, à la fois pour mieux prendre en compte les comportements économiques
126
des acteurs et les effets réels des projets (structure des coûts, externalités
induites). De plus et pour lever la contrainte infonnationnelle que nous avons
rencontrée, une base de données doit être mise en place afin d'assurer le
recensement exhaustifdes projets, ainsi que leurs principales caractéristiques
économiques.

Pour conclure, nous attirons l'attention sur deux point importants qui
n'ont pas été mentionnés précédemment. D'une part, on a trop tendance à
circonscrire l'approche HIMû aux seuls travaux d'infrastructure, alors que
de nom breuses autres branches pourraient en bénéficier. Ainsi, la restauration
(cantines scolaires, hospitalières, ou administratives), la confection (unifonnes
en tout genre), l'industrie du meuble, la papeterie-édition ou encore les services
aux entreprises sont des candidats potentiels à ce type de projets. Une politique
active de sous-contractation, aujourd'hui ridiculement faible (10), permettrait
de dynamiser l'immense vivier des micro et petites entreprises (MPE),
principal créateur d'emplois au cours des dernières années (11), et qui constitue
le pi Jier d'une po1itique de promotion de l'initiative privée.

D'autre part, la généralisation des projets HIMO représente un


puissant levier pour renforcer la capacité institutionnelle de gestion des
MPE : apprentissage des procédures d'appel d'offre, adjudication de marchés,
respect des nonnes de qualité, des délais, etc. Elle peut même jouer en faveur
de la " formalisation" de l'informel, en J'incitant à contribuer à l'effort
fiscal de Ja nation, principale pierre d'achoppement de l'efficacité de la
politique publique à Madagascar.

En effet, une étude récente a pu montrer que l'ignorance mutuelle caractérisait


les relation entre l'Etat et le secteur infonnel, alors même que l'immense majorité
des opérateurs infonnels se montrait favorable à une collaboration plus étroite Economie
de Madagascar
avec la puissance publique (11). La passation de contrats publics en faveur des N"1
MPE pourrait être conditionnée à l'obligation d'enregistrement de ces unités Décembre 1996
de production (moyennant une simplification des procédures administratives
de légalisation) et au paiement de leurs obligations fiscales. L'approche
à haute intensité
de main.<J'oeuvre
Par ailleurs, les revenus distribués à la main-d'oeuvre dans le cadre des projets (himo)
HIMO, aussi faibles soient-ils, peuvent jouer un rôle non négligeable de
dynamisation des MPE, aussi urbaines qu'agricoles, dans la mesure où, dans MIreille Razafindralloto.

1~ immense majorité des cas, ces activités ne bénéficient d'aucune source alternative François Roubaud

defmancements (qu'elle soit fonnelle ou infonnelle). D'ailleurs, le manque d'accès 127


au crédit constitue la principale entrave à leur développementl 13).

10) L'enquête sur le secteur infonnel dans l'agglomération d'Antananarivo a montré qu'en 1995 à peine
3% du chiffre d'affaires du secteur infonnel provenait d'un contrat passé avec le secteur public, le BTP
représentant une exception dans ce domaine avec 27%. Voir MADlü, " Le secteur mformel dans
l'agglomération d'Antananarivo performances, msertion, perspecllves Enquête 1-2-3, premiers
résultats de la phase 2 ", 1995, Madagascar, 50p.
II) En 1995. 72% des emplois créés dans l'agglomération d'Antananarivo l'ont été par des entreprises de
10 personnes et moins, et plus de 60% par le secteur infonnel Voir MADlü" L'emploI, le chômage et les
conditIOns d'actIVIté dans l'agglomération d'Antananarivo Enquête 1-2-3, premiers résultats de la
phase 1 ". 1995. Madagascar. 32p Voir aussi. NAUDET 1.D..., Les petiteselllrepnses à Madagascar
le " mlssmg mlddle .. retrouvé ", MADIü. n09609/E. Madagascar, 1996. 19p
12) Voir MADlü... Le secteur triformeL dans l'agglomératIOn d'Antananarivo pe~rormances, insertion,
perspectIves " op Clt
13) MADlü... Le secteur triformel dans l'agglomératIOn d'Antanananvo performances, msertlOn,
perspectives " op cil
ANNEXE

Présentation du modèle macro-économique

Le modèle est basé sut un TES simplifié. Quatre branches ont été
distinguées: l'agriculture, l'industrie, les BTP, et les services. Du côté des
emplois, quatre composantes ont été dégagées: les consommations
intermédiaires des branches marchandes (CI), la consommation finale des
ménages, les investissements privés, et enfin les dépenses publiques (agrégeant
les investissements publics et les consommations intermédiaires de
l'administration).

Economie En l'absence de comptes nationaux pour l'année 1995, les sources utilisées
de Madagascar sont:
W1
Décembre 1996 -l'équilibre ressources-emplois élaboré par l'INSTAT;
-l'OGT (Opérations Générales du Trésor) ;
L'approche
-les données de différentes enquêtes (Enquête 1-2-3 sur l'emploi, le secteur
à haute intensité informel et la consommation du projet MADIO, le Recensement Industriel
de main-d'oeuvre
(himo) 1995 du projet MADIü, l'Enquête Permanente auprès des Ménages de
l'INSTAT) ;
Mlrej/le RazafjndraRoto - les comptes nationaux de 1984 ont également été uti lisés pour élaborer
FrançoIs Roubaud le TES. Les coefficients techniques déduits de ces comptes ont été adaptés
pO:lr avoir de façon approximative ceux de 1995.
128

Ces sources ont permis aussi bien l'élaboration du TES, et le calibrage


du modèle que l'estimation de certains paramètres.

La part des importations dans les différentes compos41ntes de la demande


(les consommations intermédiaires, consommation des ménages, les
investissements privés et publics) est supposée fixe. Les exportations sont
exogènes (déterminées hors du modèle).

Les dépenses de l'Etat sont également exogènes. Ses revenus sont


constitués des recettes fiscales résultant de la taxe sur les biens et services
(TVA), de la taxe à l'importation et de l'impôt sur les revenus, auxquelles
s'ajoutent d'autres recettes non fiscales que l'on suppose constantes.
Les principales équations du modèle:

RevBrutmen = (Consoloc + InvPrivloc + DEPLOCPROJ)*(l-taxcons)


+ InvPubloc
+ margimp*(Consoimp+InvPrivimp)*( l-taximp)
+ Export + REVPROJ

RevNetmen = RevBrutmen*(l-taxrev)

Consotot = RevNetmen*propenscons

Epargnmen = RevNetmen - Consotot

InvPrivtot = tauxInv*(PIB privé)

Economie
RevEtat = taxrev*RevBrutmen + taximp*(lmport + DEPIMPPROJ)
de Madagascar
+ taxcons*(Consoloc + Invprivloc + DEPLOCPROJ) N° 1
Décembre 1996
Gap de financement : .
Epargnext = Epargnmen +RevEtat - InvPrivtot - INVPUBtot L'approche
à haute intensité
de main-d'oeuvre
(himo)

Mireille Razafindral1olo.
François Roubaud

129

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