MODELES DE DEVELOPPEMENT DU CAMEROUN - Article Final PDF
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Enjeux de la SND 30
RÉSUMÉ
Cette étude fait une analyse sur la pertinence des modèles de développement du
Cameroun adoptés depuis le temps des plans quinquennaux jusqu’au DSCE, et offre une vue
perspective en termes d’amélioration du modèle développement déjà proposé par la nouvelle
stratégie de développement du Cameroun sur la période 2020-2030 en abrégée SND 30.
Pour rappel, le Cameroun dans le cadre da vision prospective de développement
ambitionne d’être émergent à l’horizon 2035 à travers l’industrialisation. Cette vision triphasée
a débuté en 2009 par la mise en œuvre de la stratégie pour la croissance et l’emploi qui devait
mettre en place en les préalables incitatives pour le secteur privé en vue de permettre
l’industrialisation, notamment à travers de gros projets structurants. Parvenu au terme de la
mise en œuvre cette stratégie (2019), il est fort de constater que les résultats économiques et
sociales se peinent à se faire ressentir malgré toute la batterie d’investissements déployée.
D’où la nécessité de marquer un temps d’arrêt pour questionner véritablement le modèle
que prend le Cameroun depuis de nombreuses années, ceci d’autant plus que le pays s’apprête
à entrer dans la deuxième phase de cette vision (SND 30) basée sur l’industrialisation, d’où
l’intérêt de cette étude qui se veut de mécaniser le modèle proposé dans cette stratégie sur la
base des faits historiques.
En utilisant une méthodologie empirico-inductive basée sur une exploration
documentaire (articles, ouvrages, thèses, mémoires, rapports…), notre étude montre que sur la
base des faits théoriques révélant les points faibles de ces précédentes stratégies, la nouvelle
stratégie devrait avoir 06 points déclencheurs : (i) un marché intérieur développé, (ii) une
production locale soutenue, (iii) un capital humain renforcé (iv) une compétitivité extérieure
améliorée, (v) un environnement naturel mieux préservé et (vi) une bonne gouvernance.
Ces points doivent être mis en concert afin d’assurer véritablement le décollage
économique (take-off rostovien) du pays au regard des orientations fondamentales que formule
cette nouvelle stratégie.
Mots Clés : Développement économique, Modèles de planification économique.
Classification JEL: O11, O12, O21.
1Ingénieur Statisticien Economiste PhD student, Université de Dschang, dans le domaine de la macroéconomie.
Courriel : arnongambo@yahoo.fr
2
PhD student, Université de Yaoundé 1, dans le domaine de l’histoire de la pensée économique.
Courriel : ottounsimlapierrechristian@yahoo.com
INTRODUCTION
Durant ces soixante (60) dernières décennies, le Cameroun a connu des transformations
politiques et socioéconomiques d’une ampleur importante. Dans le domaine politique, la
transformation la plus remarquable est sans aucun doute le processus de transition de
« l’autoritarisme » vers la démocratie dans les années 90. Sur le champ socioéconomique, le
pays s’est illustré par la mise en œuvre de divers modèles de développement économique visant
à promouvoir le bien-être de ses populations et à lutter contre le sous-développement. En effet,
au lendemain de l’indépendance l er
janvier 19603, l’Etat camerounais s’est proposé de
promouvoir le développement économique et sociale de la nation avec une action tournée sur
un rôle d’orientation. Il a été successivement, et parfois en même temps, « planificateur » et
« dirigiste », « développeur », « protecteur », et « régulateur ». Mais la déflagration de la crise
économique dans les années 80, marquée par les restructurations économiques des programmes
d’ajustement structurel a profondément modifié la place de l’Etat dans organisation du système
économique. Avec pour paradigme dominant « moins d'État plus de marché »4, l’on est passé
de l’Etat gendarme ayant une forte emprise sur l'économie à l 'État modeste.
3
Il est important de relever que la date du 1er janvier 1960, consacre la célébration de l’indépendance du Cameroun
sous administration française. A ce propos lire : Daniel Abwa, Cameroun : Histoire d’un nationalisme, Yaoundé,
Clé, 2010 ; Commissaires et hauts commissaires de la France au Cameroun. Ces hommes qui ont façonné
politiquement le Cameroun, Yaoundé, PUACAC, 2000 (deuxième édition) ; Jean-François Bayart, L’Etat au
Cameroun, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1979 ; Ndam Njoya, Le Cameroun
dans les relations internationales, Paris, Librairie générale de droit et jurisprudence, 1976 ; Victor Julius Ngoh,
Cameroun 1884-1985. Cent ans d’histoire, Yaoundé, CEPER, 1990 ; Engelbert Mveng, histoire du Cameroun,
Tome II, Yaoundé, CEPER, 1985 ; Joseph Marie Zang-Atangana, Les forces politiques au Cameroun réunifié,
tome III, Paris, l’Harmattan, 1989 et Marie Irène Ngapeth Biyong, Cameroun, combat pour l’indépendance, Paris,
l’Harmattan, 2008.
4
MINEPAT 2
insatisfaisants sur la pauvreté, a conduit à la révision du DSRP facilitée par l’allégement de la
dette extérieure de 2006.
Dès cet instant le pays envisagera sérieusement de transcender son statut de pays moins
avancé pour devenir un pays émergent à l’horizon 2035, c’est-à-dire un pays « performeur »
adossé sur une croissance expansionniste portée par des structures de transformation dans le
label s’intègre au marché international.
Cependant la revue des politiques du DSCE menée en 2018 a relevé quelques insuffisances
quant à la pertinence de son modèle de développement (à priori de type keynésien et fondé sur
les investissements dans le capital physique) en outre :
Ces projets structurants n’ont pas suffisamment catalysé les investissements privés
compromettant de ce fait l’un des principaux objectifs du DSCE qui était de faire du secteur
privé le moteur de la croissance économique, ayant la capacité à générer les emplois pour
absorber une main d’œuvre locale sous-employée. Du coup, la courroie de transmission qui
MINEPAT 3
devait permettre de réduire le chômage (notamment des jeunes) et augmenter les revenus des
ménages a été rompue.
Dans la suite afin de pouvoir éclaircir ce soupçon et en vue de rendre plus solide les
fondements de la nouvelle stratégie en début d’implémentation, il s’avère nécessaire de
manquer un temps d’arrêt sur le modèle de développement du Cameroun en vue de trouver un
mécanisme capable d’assembler de manière stratégique toutes les pièces du puzzle notées dans
cette nouvelle stratégie, qui une fois bien emboitées ne pourront que donner des résultats
satisfaisants en terme d’objectifs de développement durable.
C’est dans ce cadre que s’inscrit ce présent travail qui s’interroge sur la pertinence de
nos modèles de développements adoptés depuis le temps des plans quinquennaux jusqu’au
DSCE, et offre une vue perspective en termes d’amélioration du modèle développement déjà
proposé par la nouvelle stratégie.
Dans la suite de cette analyse, une revue de littérature est présentée (1), ensuite le
cadre méthodologique de l’étude (2), après les résultats (3) et enfin une dernière partie
conclut.
MINEPAT 4
I. REVUE DE LITTERATURE
✓ Approche orthodoxe
✓ Approche hétérodoxe
Cinq grandes théories de développement ont dominé la première période qui s’étale des
années 50 aux années 70 : la théorie des étapes de ROSTOW, la théorie dualiste de A. LEWIS,
la théorie du cercle vicieux de R. NURKSE, la théorie du big-push de ROSENSTEIN-RODAN
et l’ensemble théorique qu’on peut regrouper sous le courant structuraliste
Nous nous situons dans un contexte d’après-guerre et de guerre froide, les conditions
socio-économiques au cours de la décennie 50 et 60, étaient les suivantes :
Dans les pays industrialisés et ex puissances coloniales, c’est la période appelée « les
trente glorieuses » car c’est une période de forte croissance économique, de plein emploi, de
production et de consommation de masse. La productivité augmente à un rythme sans précédent
dans l’histoire et les sciences économiques sont dominées par les théories keynésiennes.
Dans les pays décolonisés, on constate la faiblesse voire l’absence de secteur industriel,
et une activité économique basée essentiellement sur l’exploitation des matières premières ou
la production agricole pour l’exportation. S’ajoute à cela dans de nombreux pays, des problèmes
de construction d’un Etat national et des instituions.
Deux théories de développement ont dominé cette période : la théorie des 5 étapes de W.
ROSTOW et la théorie du dualisme de LEWIS.
MINEPAT 5
Au début des années 70 et avec le début du constat d’échec des stratégies et politiques de
développement mises en place depuis 20 ans, on met en question les relations de domination
entre les pays développés et les pays sous-développés, notamment en ce qui concerne le marché
des matières premières, principales ressources pour les pays en voie de développés.
Pour ROSTOW, dans son ouvrage de 1960 « The stages of economic growth : a non-
communist manifesto », la croissance et le développement étaient des synonymes, et la vision
du développement était linéaire, et relevait du courant libéral.
Il postule que pour accéder au développement, toutes les sociétés doivent passer par un
processus universel d’évolution en cinq étapes centrées autour de la phase capitale du décollage
qui est caractérisée par une forte évolution de la capacité d’investissement. Ces cinq étapes sont
: la société traditionnelle, les conditions préalables au décollage, le décollage, le progrès vers la
maturité pour aboutir à un stade ultime de développement caractérisé par la consommation de
masse.
Mais peu à peu, certains économistes rompent avec cette manière de voir le
développement comme un retard de croissance dont principalement R. NUKSE (1953) suivi de
A. LEWIS (1963).
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Pour ces auteurs pionniers de l’économie de développement, la croissance ne serait pas
forcément un préalable pour sortir du sous-développement à cause des blocages ou obstacles
que rencontrent l’économie de pays en voie de développement dont notamment leurs structures
économiques héritées de la colonisation.
Ainsi l’économiste A. LEWIS postule pour la thèse du dualisme dans son livre « la
théorie de la croissance économique » de 1963.
En effet pour LEWIS, l’économie des pays en voie de développement se caractérise par
l’existence de deux secteurs : un secteur de subsistance (qui correspond au secteur agricole
traditionnel) et un secteur moderne orienté vers le profit (qui correspond aux activités
manufacturières). C’est la désarticulation entre ces deux secteurs qui serait la cause du sous-
développement.
MINEPAT 7
Ragnar NURSKE (1953) développe son analyse des cercles vicieux de la pauvreté et
du sous-développement.
La pauvreté se traduit par la faiblesse des revenus, donc une épargne réduite qui ne
permet pas l’accumulation de capital, d’autant plus que la pression démographique est forte du
fait d’une fécondité élevée ; la productivité restant basse, les revenus demeurent faibles. Les
revenus faibles se traduisent également par une demande solvable limitée qui n’incite pas à
investir, du fait du manque de débouchés.
Cependant que ce soit la théorie des 5 étapes de ROSTOW, celle du dualisme de LEWIS,
et du cercle vicieux de R. NURSKE, elles accordent un rôle essentiel à l’industrialisation et
associe le développement à la croissance économique et d’autre part la croissance économique
à l’investissement.
Quant à la relation entre investissement et croissance, elle découle des analyses post-
keynésiennes qui cherchent à identifier les taux d’épargne et d’investissement nécessaires à une
croissance auto-entretenue.
MINEPAT 8
3. Rupture de l’approche orthodoxe par l’approche hétérodoxe : le courant
structuraliste et dependatiste des années 70
Le courant structuraliste s’est construit à partir des travaux des chercheurs du CEPAL
(Commission Economique pour l’Amérique Latine, une agence des Nations Unies, crée en
1948) et son premier directeur R. PREBISCH. Ce courant a donné lieu à plusieurs théories, et
est considéré comme un des courants les plus importants des théories du développement, à
cause de la volonté de rompre avec les analyses précédentes, souvent linéaires, et anachronique.
De nombreux économistes du développement appartiennent à ce courant théorique et ont
contribué par leurs travaux à son enrichissement. On peut citer : MYRDAL, PERROUX et
HIRSCHMAN. Par ailleurs, les théories du courant structuraliste ont inspiré de nombreuses
stratégies de développement dans les années 50 et 60 notamment celle de substitution des
importations, non seulement dans les pays d’Amérique Latine mais aussi dans d’autres pays en
Afrique ou en Asie.
Selon l’analyse néoclassique, le mouvement international des facteurs de production
permet la meilleure allocation de ces facteurs, ce qui conduit à la croissance. Mais selon les
structuralistes, les termes d’échanges sont défavorables aux pays sous-développés, et les
échanges internationaux tendent à aggraver les déséquilibres des économies dans les pays sous-
développés, et ceci à cause des différences structurelles entre les économies du centre et celles
de la périphérie. Si, dans les pays développés, les gains de productivité conduisent à une
distribution des revenus, ils ne produisent pas les mêmes effets dans les pays en voie de
développés, à cause de facteurs structurels (situation monopolistique, excès de travail).
Par ailleurs, R. PREBISCH constate dans ses travaux, une dégradation des termes de
l’échange (c'est à dire les prix relatifs) entre les produits primaires exportés par les pays en voie
de développés et les produits manufacturés importés par ces derniers. Il explique cette
dégradation par les structures différentes dans les deux groupes de pays : « les produits
primaires sont confrontés à une demande faiblement élastique par rapport aux prix, qui
augmentent très lentement voire pas du tout. D’un autre côté, beaucoup de produits primaires
exportés par les pays en développement ont une régulation de l’offre assez rigide, et réagissant
lentement aux chutes de prix, provoquant une situation de surproduction tendancielle constante
à l’échelle mondiale. ».
MINEPAT 9
Ainsi, pour sortir de cette situation de sous-développement, que la division internationale
du travail et le commerce international ne font qu’aggraver, il faut mettre en place un processus
d’industrialisation impulsé par l’Etat, étant donné les problèmes structurels de l’appareil de
production. Cette prise de position en faveur de l’interventionnisme étatique a pour objet de
permettre à celui-ci d’accélérer la croissance en stimulant les structures et de lutter contre
l’extraversion afin de parvenir à un développement autocentré.
Ceci dit, malgré le rôle central attribué à l’Etat dans le processus de développement et
d’industrialisation, il semble que les structuralistes ont insisté sur le rôle du secteur privé «
compte tenu des défaillances du marché (la présence de distorsions structurelles), la
responsabilité du processus de développement devait être assumée par l’Etat qui, par son
intervention, devait initier la création d’une capacité industrielle locale compétitive favorable à
l’émergence d’initiatives privées » (EHRHARAT, 2004).
MINEPAT 10
Nous pouvons ainsi constater que le courant structuraliste est un des courants les plus
importants dans l’économie du développement et que ses apports ont largement contribué à
l’enrichissement théorique de ce dernier.
Il est évident aussi que ce courant s’est constitué en dehors de l’orthodoxie économique,
autrement dit en dehors de la pensée libérale et néoclassique, en s’opposant à cette dernière sur
deux points principaux :
Étant donné les spécificités structurelles de l’appareil de production dans les pays sous-
développés, les mécanismes du marché ne peuvent pas fonctionner correctement pour
orienter le processus de développement et d’industrialisation, d’où l’importance de
l’intervention de l’Etat.
Étant donné la division internationale du travail, l’insertion des pays en voie de
développement dans le marché international et le développement des exportations, ne peut
pas être un facteur de développement.
MINEPAT 11
conséquent la demande des fonds. Les banques se sont trouvées ainsi avec un excédent de
liquidités notamment en dollars, ce qui les a poussés à faciliter les prêts aux pays en voie de
développement à des taux d'intérêt faibles (voire négatifs) et les prix des matières premières
semblent garantir les capacités pour rembourser, ces derniers ont eu recours à ces prêts pour
pallier le déficit de leur budget (FAO, 1990).
Cependant avec la politique monétaire restrictive des Etats Unis (hausse des taux
d’intérêt) menée après, et simultanément avec la baisse des cours des matières premières, les
pays en voie de développement vont se trouver dans une situation d’endettement très
importante.
Ainsi, vers la fin des années 70, dans les pays développés, où les politiques économiques
étaient inspirées de la théorie keynésienne, comme dans les pays en voie développement où les
politiques économiques étaient inspirées des théories structuralistes, les conditions
économiques offrent aux économistes néolibéraux un terrain favorable au développement de
leur théorie.
Durant les années 80, le libéralisme économique va être la doctrine économique
dominante dans les pays développés notamment aux Etats Unis et en Angleterre.5 Toujours au
cours de la même période, la théorie néoclassique devient la nouvelle orthodoxie dans le
domaine de l’économie du développement. Elle va être adoptée par les institutions de Bretton
Woods6, dans ce qu’on a appelé « le consensus de Washington ».
On voit donc se dessiner un « package » de politiques macroéconomiques qui seront
mises en place pratiquement dans tous les pays en voie développés au cours des années 80. Ces
politiques ont été nommées « politiques de réforme » ou « politiques d’ajustement structurel ».
5
aux Etats Unis sous la présidence de R. Reagan, et en Angleterre sous le gouvernement de Mme Teacher
(premier ministre).
6
Les institutions de Bretton Woods : un ensemble d’institutions internationales mises en place au
lendemain de la seconde guerre mondiale, comprenant le Fonds Monétaire International (FMI) et la
Banque Mondiale.
MINEPAT 12
La liberté est, bien entendu, le concept central qui permet d’avoir une société idéale
d’après les libéraux. C’est surtout la liberté des individus qui est la base de toutes les libertés.
Pour Friedman, l’individu est l’élément fondamental de la société, et les individus n’entrent en
contact que pour échanger des biens et des produits en toute liberté. La liberté économique,
celle d’échanger et de choisir les biens, est la première des libertés. Seul le marché peut garantir
cette liberté en coordonnant les actions des individus de manière impersonnelle, et toute
intervention est considérée comme atteinte à la liberté fondamentale, la liberté de choix.
Les institutions économiques existent bien sûr, comme les entreprises par exemple, elles
doivent être privées et ayant l’objectif d’améliorer la coordination entre les individus. Les
néolibéraux, comme les néoclassiques appliquent un individualisme méthodologique :
l’individu est un être rationnel et toute action de sa part donne lieu à un calcul économique
rationnel qui va lui permettre de maximiser son utilité, et les choix des individus ne sont guidés
que par leur préférence et leur intérêt, autrement dit, ils ne sont pas influencés par
l’environnement.
Cette analyse nourrit la réflexion sur le rôle de l’Etat dans la pensée néolibérale, qui affirme
que la société ne peut pas exister sans Etat, mais délimite bien les fonctions de ce dernier.
Dans le cadre d’une société libre basée sur la liberté de choix des individus, l’Etat doit :
Assurer le respect des règles de fonctionnement de l’économie ;
Assurer le respect des droits de propriété privée ;
Assumer certaines fonctions pour la gestion des biens publics.
En dehors de ces fonctions, l’Etat peut éventuellement intervenir en cas de conflit ou pour
la protection de certaines catégories (enfants, vieillards), mais toute intervention de l’Etat doit
préalablement être étudiée pour s’assurer qu’elle ne risque pas d’entraver la liberté de choix des
individus ou la liberté du marché.
MINEPAT 13
C- DES ANNEES 90 A NOS JOURS
1. Contexte des années 90 : le renouveau théorique sur l’hétérodoxie
Depuis le milieu des années 90, on constate un renouveau des théories du
développement. Après une période d’immobilisme et de doute, les études empiriques et les
recherches sur le développement connaissent un nouveau dynamisme.
La mondialisation ;
L’ampleur des échanges et la rapidité avec laquelle ils se font grâce aux nouvelles
technologies de l’information et des communications, sont jugées de nature
fondamentalement différente de ce que les êtres humains ont connu de toute l’histoire.
L’échec des politiques d’ajustement structurel (PAS), ou la décennie perdue du
développement ;
L’échec des PAS ainsi que leurs conséquences désastreuses ont été démontrées et
reconnues au moins en partie, par les initiateurs de ces PAS eux-mêmes. Cet échec a conduit
à revoir le rôle de l’Etat et des institutions publiques, à comprendre les limites des
mécanismes du marché et à réfléchir sur les liens entre croissance et redistribution.
La problématique environnementale (pollution, épuisement des ressources, qualité
de vie, qualité et sécurité alimentaire) ;
MINEPAT 14
Directement ou indirectement, ces tensions, qui se traduisent parfois par des conflits violents,
obligent les chercheurs à revoir les modèles théoriques pour mieux tenir compte de la réalité,
car souvent elles expriment les frustrations issues des échecs des modèles et des politiques de
développement d’une part, et de l’accroissement des inégalités d’autre part.
a. La théorie néostructuraliste
Le courant structuraliste a inspiré les politiques de développement mises en place dans
la plupart des pays décolonisés, politiques basées sur l’industrialisation (industrialisation par
substitution d’importation) et une intervention forte de l’Etat dans l’activité économique.
Avec l’échec de ces politiques de développement, la montée du courant libéral (consensus de
Washington) et les PAS, le courant structuraliste s’est trouvé marginalisé.
Mais le changement de contexte avec l’échec des PAS et leurs conséquences souvent
désastreuses, ont encouragé les recherches des structuralistes d’un nouveau modèle de
développement. Ces travaux sont connus sous le nom du néostructuralisme.
Les néostructuralistes, très critiques à l’égard des politiques d’ajustement structurel, ont aussi
critiqué certains aspects de la théorie de leurs prédécesseurs.
L’orientation de leurs travaux va dans le sens d’un dépassement nécessaire du faux
dilemme « Etat/marché ». Tout en rappelant les problèmes de distorsions endogènes des
structures de production dans les pays en voie développement, et en reconnaissant les risques
qu’engendre une expansion de l’Etat sans limite, ils affirment qu’il existe une relation de
complémentarité ou d’attraction (pulling-in) entre l’investissement public et l’investissement
privé en ce sens que l’investissement public crée l’environnement économique propice sans
lequel l’investissement privé ne pourrait se réaliser.
Les néostructuralistes soutiennent, par ailleurs, que la stagnation économique et les
pressions inflationnistes peuvent être engendrées par des réductions sans discernement dans
les dépenses gouvernementales en infrastructures économiques et sociales car elles
MINEPAT 15
accroissent les coûts de production du secteur privé et, de ce fait, elles affaiblissent la
profitabilité et l’investissement privé.
Dans cette perspective, les néostructuralistes accordent à l’Etat deux fonctions prioritaires :
Les premiers travaux d’économie institutionnelle remontent à la fin du XIX siècle aux
Etats Unis, avec les travaux d’économistes comme VEBLEN, CLARK et COMMONS, dans
un contexte où la théorie de l’évolution et le darwinisme avait une forte influence.
Plus tard, ce sont des économistes comme Ronald COASE, Douglass NORTH et Oliver
WILLIAMSON qui ont contribué par leurs travaux à la construction de la nouvelle économie
institutionnelle (NEI).
MINEPAT 16
dans la théorie néoclassique, mais a l’ambition de l’élargir pour pouvoir traiter des questions
ignorées par cette dernière (NORTH, 1997).
La question centrale de la NEI est d’analyser et d’expliquer l’influence et le rôle des
institutions dans l’efficacité économique. Toutefois la question de la rationalité des agents est le
point de divergence entre la théorie néoclassique et la NEI. En effet, la théorie néoclassique
adopte l’hypothèse de l’individu qui possède une rationalité substantielle lui permettant de traiter
les informations et opérer ses choix de manière à maximiser son utilité. Les institutionnalistes,
en revanche, s’appuient sur l’hypothèse de la rationalité limitée de H. SIMON qui constate que :
l’individu ne peut pas obtenir toutes les informations avant de procéder aux choix, et
par conséquent, l’information est incomplète
même s’il arrive à obtenir les informations, l’individu n’a pas la capacité mentale de
traiter toutes les informations disponibles
Il s’agit alors de rationalité limitée ou procédurale, c’est-à-dire que l’individu va prendre ces
décisions en fonction des informations disponibles et du niveau d’incertitude. Cette incertitude
concerne surtout le comportement et les choix des autres agents économiques, et c’est pour
réduire cette incertitude que les institutions existent (NORTH, 1997).
Derrière les discussions portant sur les rapports entre croissance et environnement, le
courant de l’écodéveloppement voit un faux débat qui cache celui d’autres antagonismes plus
fondamentaux : ceux des inégalités sociales dans et entre pays. Apparu dans les années 1970 au
sein des Nations Unies, le concept d’écodéveloppement a été élaboré à la suite de vifs débats
opposant experts et responsables politiques du Nord et du Sud sur le thème développement et
environnement. Il sera ensuite repris à Cocoyoc au Mexique en 1974, lors du symposium
PNUE/CNUCED portant sur les modes de développement et l’utilisation des ressources
MINEPAT 17
naturelles. Cette perspective rompt avec la vision économique dominante qui fait de la
croissance économique le déroulement normal de l’histoire des sociétés.
L’un des pionniers de ce courant est Ignacy Sachs (1980), pour l’économiste l’importance
de la croissance réside dans ses modalités et dans l’usage qui est fait de son produit, elle peut
alors donner lieu au développement ou au « maldéveloppement » qui se caractérise par de fortes
inégalités sociales et le gaspillage des ressources.
Parvenu au terme cette revue de littérature, nus notons que l’histoire de l’économie de
développement connait des épisodes alternés entre orthodoxie et hétérodoxie, pour autant au
final on remarque qu’il n y a pas de recette consensuelle en matière de développement, en effet
le sous-développement reste d’actualité dans nos économies contemporaines notamment celle
du Cameroun qui s’apprête à entrer dans une nouvelle phase de son développement, ainsi
l’intérêt de cette revue de voir si le nouveau paradigme de développement du pays s’inscrit dans
une approche orthodoxe ou hétérodoxe.
MINEPAT 18
II- CADRE METHODOLOGIQUE
On distingue alors :
MINEPAT 19
dépendantistes (Samir Amin) et de la théorie structuraliste du développement (François
Perroux)7 qui légitiment le rôle de la puissance publique dans la régulation sociopolitique du
développement.
7
Selon le courant dépendantiste, qui mette en avant les relations d'exploitation entre « centre » et « périphérie »,
le blocage des pays du tiers monde est lié aux échanges inégaux. Pour Samir Amin, les économies en
développement sont intégrées dans un processus de domination par les anciennes métropoles, porteur de
distorsions et conduisant à des désarticulations internes. C’est pourquoi l'État a pour rôle de promouvoir un
développement autocentré, un contrôle du capital étranger et la constitution d'écrans vis-à-vis du marché mondial.
Selon le courant structuraliste, de François Perroux, les économies en développement se caractérisent par des
rigidités, des blocages structurels et des goulets d'étranglement. Dès lors, les prix du marché ne peuvent jouer le
rôle d'ajustement des variables. En raison des asymétries internationales, la base de l'accumulation doit se faire par
des politiques actives de l'État. L'inflation n'est pas considérée comme un phénomène monétaire mais liée aux
rigidités structurelles. Les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre des séquences d'investissement exerçant des
effets d'entraînement et construire de nouveaux avantages comparatifs. Lire : Économie et sociologie du
développement, « Stratégies et soutenabilité du développement », Module 2 / Partie 3, p. 3.
MINEPAT 20
III- RESULTATS
A. LA PLANIFICATION QUINQUENNALE
1. Enjeux et contexte
L’effondrement des empires coloniaux a fait apparaitre sur la scène internationale un groupe de
pays qualifié de tiers monde8. Dans un contexte international dominé par la guerre froide
(conflit idéologique opposant le bloc capitaliste au le bloc communiste), la plupart de ces pays
conscient de leur identité et de leur système social qui différaient aussi bien du système
capitaliste que celui du communisme, ont opté pour un système économique et sociale
correspondant à leurs spécificités historiques et structurelles. Il est important de noter qu’en
1960, le Cameroun est un jeune Etat et comme tous les pays en voie de développement à cette
époque, le pays souffre d’une faible dotation des facteurs de production qui se caractérise par
un capital humain peu formé, la quasi-inexistence de support technologique et un capital
physique embryonnaire incapable de favoriser l’émergence de structures de transformation. Par
ailleurs, la structure économique du pays semble être conçue pour les besoins exclusifs de la
puissance coloniale c’est-à-dire une économie de rente, spécialisée dans l’exportation des
matières premières. Dans ce contexte, la planification se présente comme la voie royale
permettant de réaliser les objectifs de développement du pays.
Pour le gouvernement camerounais, les plans sont des instruments techniques aux mains
de l’Etat dont la mise en œuvre obéit à une stratégie d'indépendance économique devant rythmé
le changement des structures socio-économiques internes, la rupture avec la dépendance
commerciale et financière extérieure, la réallocation volontariste du surplus vers les secteurs
productifs d'import-substitution et d'exportation, et la mobilisation des forces paysannes et
ouvrière.
8
Expression due à Alfred Sauvy qui, par analogie avec le Tiers-Etat de l’ancien Régime dominé par la noblesse
et le clergé, désigne les pays en voie de développement réunis à la première conférence des pays non alignés à
Bandoeng en 1955. Ce sont donc les pays qui n’appartiennent pas aux deux blocs dominants : le bloc occidental
capitaliste libéral, emmené par les Etats-Unis et le bloc de l’est, communiste soviétique dominé par l’URSS. Lire
Ahmed Silem et al., Lexique d’économie, Paris, Dolloz, 1989, p. 540.
MINEPAT 21
2. Identification et pertinence du modèle : Mix approche orthodoxe et hétérodoxe
MINEPAT 22
nombreux penseurs9 comme un vecteur de l'impérialisme capitaliste. Il se caractérise par
l’émergence d’un secteur industriel domestique constitué essentiellement d’entreprises
publiques et parapubliques, et de quelques acteurs locaux.
Pour ce qui est de l’approche extraverti camerounaise, elle a été suivie par une
spécialisation dans les produits primaires (matières premières tels que le pétrole, produits
agricoles comme le cacao, le café ou encore le coton).
Mais la réussite de cette stratégie hybride s'est avérée très aléatoire du fait de la volatilité
des cours mondiaux des produits primaires ainsi que le risque d'une spécialisation dans une
monoculture.
9
Analyses néo-marxistes inspirées des écrits de Rosa Luxembourg, ou encore de l'échange inégal de Arghiri
Emmanuel.
10
Sylvie Brunel, « Les difficultés du Cameroun : fin d'un modèle ou crise de croissance ? », in L'information
géographique, volume 67, n°1, 2003. pp. 134-142. ; lire en ligne sur le site :
doi https://doi.org/10.3406/ingeo.2003.286 ou https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-
0093_2003_hos_67_1_2864, consulté le 19 septembre 2020
MINEPAT 23
extérieure du fait des technologies nécessaires à la mise en œuvre des projets industriels et des
produits agricoles que le système productif national a délaissés et qu'il faut donc importer. Cette
dépendance se caractérise par une balance courante de plus en plus déficitaire pour la plupart
de l’Etat, des dévaluations subies en réponse à la détérioration des termes de l’échange ainsi
qu'une crise de la dette dans les années 1980 et donc la nécessité de recourir à l'aide des
organismes internationaux de crédit, ce qui va inaugurer une nouvelle ère des stratégies de
développement.
Sur le plan exogène, le contexte de la crise internationale des années 80, qui se traduit par
une fluctuation descendante de la valeur du dollar en 1986, conduit inexorablement à une
détérioration des termes d’échanges sur le marché international. Cette situation entraine une
tendance durable à la baisse des cours du sucre, du café, du tabac, du cuivre et fluctuations
erratiques des cours du coton, du cacao et de l'arachide. Une telle conjoncture allait avoir des
conséquences dévastatrices pour le pays qui se caractériseront par : la dégradation de la balance
de paiement, le déficit budgétaire récurrent, recul des importations et diminution des
11
Pierre Jacquemot Marc Raffinot, La nouvelle politique économique en Afrique, Paris, EDICEF, 1993, p. 15.
12
Ibid., p. 21.
MINEPAT 24
investissements étatiques. Ainsi, pour la seule année budgétaire 1986-87, les pertes enregistrées
au niveau des recettes d’exportation au Cameroun seront estimées à 525 milliards de F CFA13.
En effet, Après avoir connu l'euphorie des modèles de développement des années 60,
rythmé par la planification quinquennale, l’économie du Cameroun tombe brutalement dans
une tragique récession qui entraine le discrédit des plans quinquennaux.
13
Jean-Joël Aerts et al., L'économie camerounaise un espoir évanoui, Paris, Éditions Karthala, 2000, p. 48.
14
Jean-Joël Aerts et al., L'économie camerounaise un espoir évanoui, p. 51.
MINEPAT 25
À la fin des années 1970, le paradigme dominant est renversé, dans un contexte
d'endettement permanent des pays du Tiers-Monde. L'économie de marché, l'ouverture
économique et la discipline macroéconomique deviennent les principes dominants. L’idée de
base des PAS repose sur le « consensus de Washington », base sur le courant néoclassique lui-
même structuré par l’économiste américain Williamson. Dans l’esprit de ce dernier, seul le
marché constituerait le meilleur moyen de résoudre les problèmes économiques des pays tant
développés qu’en développement et qui, de ce fait, seront contraints de déréglementer à
l’intérieur afin de laisser faire l’initiative privée à la place de l’Etat et ouvrir largement leurs
portes à l’extérieur. Dans cette perspective néolibérale, l’économie doit devenir plus flexible et
plus compétitive de manière à pouvoir entretenir une croissance à long terme car le déficit
d'épargne est comblé par l'investissement extérieur et le commerce extérieur.
De manière opérationnelle, dix impératifs définissent une « bonne politique » selon les
PAS : 1. discipline budgétaire ; 2. réorientation des dépenses publiques vers la croissance ; 3.
réformes fiscales ; 4. libéralisation du taux d'intérêt ; 5. taux de change compétitif ; 6.
libéralisation commerciale ; 7. attraction des IDE ; 8. privatisation des entreprises publiques ;
9. déréglementation ; 10. droit de propriété, fondés sur le monétarisme et la nouvelle économie
classique, ces principes donnent lieu aux politiques de stabilisation et d'ajustement structurel.
Qualifiés de « thérapie de choc » par Joseph Stiglitz, ces plans mis en œuvre dans de
nombreux pays en développement durant les années 1980 sont pour la majorité des échecs. En
effet, leur brutalité provoque la déstabilisation des économies via l'hyperinflation ou
l'appauvrissement d'une part importante de la population qui souffre du retrait de l'Etat au profit
de la régulation marchande.
Face à la dégradation des conditions de vies des populations, on relève un retour sur les
préoccupations sociales, notamment avec une nouvelle politique des dépenses accordant la
priorité aux secteurs Éducation, Santé, Développement rural, infrastructure de base, et la mise
en œuvre d’un plan d’action visant l’amélioration de la dépense publique. C’est l’ère de
l’opérationnalisation de l’Initiative en faveur des Pays pauvres et très endettés (PPTE) pour la
lutte contre la pauvreté, dont la stratégie se décline dans le Document Stratégique de Réduction
de la Pauvreté (DSRP).
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C. Le DRSP
Le DSRP est né dans le cadre de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE, HIPC
Heavily Indebted Poor Countries en anglais). En effet, l’Initiative PPTE est une initiative qui
vise à assister les pays les plus pauvres du monde en rendant leurs dettes internationales
« soutenables ». Au cours de la seconde moitié de la dernière décennie, les Institutions
financières sont préoccupées de préparer la suite de l'ajustement structurel. Il est question de
préparer à la fois un nouveau cadre conceptuel de développement et un nouvel outil financier.
MINEPAT 27
instrument de travail de la Banque mondiale avec les pays pauvres. Le CDF s'attaque
principalement à deux faiblesses des précédents programmes d'ajustement :
- il a une vocation globale permettant de traiter tous les secteurs et non pas de se cantonner
aux réformes de type macroéconomique ;
- il est destiné, de par son champ étendu et son caractère multi-acteurs, à devenir
l'instrument de coordination entre les bailleurs de fonds par excellence, et plus
généralement entre tous les acteurs (gouvernement, société civile, secteur privé,
partenaires financiers).15
Presque dans le même temps que se développe le CDF, les services de la Banque
mondiale développement et présentent également en septembre 1999, l'idée d'un cadre
stratégique de partenariat centré sur la lutte contre la pauvreté. C'est finalement cet instrument,
le DSRP, à la fois plus opérationnel et plus « moderne », qui est retenu comme suite à
l'ajustement structurel. Et c'est ainsi que le DSRP s'est imposé comme base de tous les accords
au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC).
En déclinant une stratégie de lutte contre la pauvreté, le DSRP renferme en lui les rouages
des principaux modèles de développement des années 90 : la théorie néostructuraliste du
développement et les théories de l’école anglo-saxonne de l’institutionnalisme qui reposent sur
le concept de la bonne gouvernance institutionnelle comme facteur stimulant l’expansion de la
croissance.
15
Sosthène Hervé Mouafo Ngatom, « L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun: une analyse
sociologique » Université de Yaoundé I, DEA en sociologie, 2007, p. 32.
MINEPAT 28
sociale, il est nécessaire d’empêcher la pauvreté d’apparaître en donnant les moyens à chaque
individu de pouvoir s’adapter en permanence aux aléas du libéralisme, grâce à :
Ces mécanismes de régulation économique sont des leviers qui permettent de construire
un « capital social » (capital humain) capable de porter une croissance forte, inclusive et
durable. C’est pourquoi, pour le DSRP, lutte contre la pauvreté c’est : « mettre en place les
conditions d’une croissance économique soutenue et d’un redressement tangible du niveau de
vie des populations » 16autrement-dit promouvoir le développement.
Pour ce qui est du modèle institutionnaliste que renferme le DSRP, il met l'accent sur
l'environnement institutionnel et le renforcement de la gouvernance. D’après cette approche,
l’environnement institutionnel et la stabilité politique sont des vecteurs favorisant le processus
de développement car la croissance est compatible avec des politiques volontaristes combinées
avec le marché.
Les modèles des Nouveaux Pays Industrialisé des années 1970 et ceux des pays
émergents des années 1980, l’illustre parfaitement. La « bonne gouvernance » dans ces entités
étatiques qui a souvent pris la forme d’un « alignement des procédures à la vision », permet de
rassurer les investisseurs ou d’assurer une allocation efficace des ressources productives.
Cet exposé permet de comprendre les mobiles pour lesquels le DSRP prévoit de mettre
un accent sur l’amélioration du cadre institutionnel, de la gestion administrative et de la
gouvernance, dans lequel le gouvernement s’engage améliorer la gestion des affaires publiques
et à poursuivre les efforts pour éradiquer le phénomène de corruption.
16
MINEPAT, « Document de stratégie de réduction de la pauvreté », Avril 2003, p. II.
MINEPAT 29
d’absorber la demande nationale. Ainsi, le DSRP a certes compris l’importance d’éradiquer la
pauvreté, mais n’a pas mise en place un cadre favorable permettant d’encourager la
compétitivité des produits locaux sur le marché national qu’international. Pour finir, il faut noter
que le Cameroun ne disposait pas des mécanismes institutionnels suffisamment contraignants
pour implémenter effacement les reformes de bonne gouvernance.
D. Le DSCE
Face aux résultats mitigés du DSRP, le pays envisagera sérieusement de transcender son
statut de pays moins avancé pour devenir un pays émergent à l’horizon 2035, c’est-à-dire un
pays « performeur » adossé sur une croissance expansionniste portée par des structures de
transformation dans le label s’intègre au marché international.
1. Les objectifs
Le DSCE qui va couvrir les dix premières années de la vision à long terme sera centré
sur l’accélération de la croissance, la création d’emplois formels et la réduction de la pauvreté.
Il vise en conséquence :
MINEPAT 30
2. Identification et Pertinence du modèle : Approche orthodoxe (keynésien)
Il convient de rappeler que le DSCE est la première phase de mise en œuvre de la vision
2035 dont le but ultime est d’accélérer croissance économique du Cameroun. Le schéma ci-
dessous donne une vue synoptique du modèle de développement sur lequel se base le DSCE.
Figure 1 : Modèle de développement du DSCE
Source : Auteurs
Au regard du schéma ci-dessus il s’agit d’un modèle essentiellement basé sur le capital
physique à travers la réalisation des grands projets infrastructurels qui doivent constituer un
socle solide pour l’attraction des investissements tant intérieurs qu’extérieurs.
Concrètement cette grosse formation brute de capital fixe à travers la réalisation de ces
projets infrastructurels doit stimuler l’investissement privé car en effet le secteur privé doit
pouvoir être dans un cadre incitatif vu les infrastructures (routes, port, barrages, …) déjà mis
sur pied.
MINEPAT 31
supplémentaires sur la consommation future des ménages (processus de redistribution), par la
suite la demande potentielle sera en hausse.
Ces projets structurants n’ont pas suffisamment catalysé les investissements privés
compromettant de ce fait l’un des principaux objectifs du DSCE qui était de faire du secteur
privé le moteur de la croissance économique, ayant la capacité à générer les emplois pour
absorber une main d’œuvre locale sous-employée. Du coup, la courroie de transmission qui
devait permettre de réduire le chômage (notamment des jeunes) et augmenter les revenus des
ménages a été rompue.
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Dans le même sillage, ces infrastructures une fois réalisés ne peuvent pas permettre une
réaction immédiate du secteur privé. En effet un autre facteur à prendre en compte dans
l’attraction des investissements privés est la demande tant intérieure qu’extérieure. Ces projets
infrastructurels incitent le privé en ce sens qu’ils agissent sur la production, car ils contribuent
à la hausse de production des biens et services dans le secteur privé (car il y a une baisse des
couts de production). Mais si la demande ne suit pas l’offre proposée, les entreprises feront à
face des exercices déficitaires.
Dans un contexte national marqué par les assisses du « Grand Dialogue National »
convoquée le président de la République Paul Biya, pour examiner les voies et moyens de
répondre aux aspirations profondes des populations et renforcer l’unité nationale du pays, il faut
dire depuis quelques années, le Cameroun fait face des défis multiples notamment la persistance
des attaques du groupe terroriste « Boko haram » dans l’extrême Nord du pays, le conflit
irrédentiste et sécessionnistes dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la
résurgence du terrorisme des coupeurs de route dans la Adamaoua, et les assauts des groupes
armées centrafricaines dans la région de l’Est. En outre, l’on relève des vives tensions dans le
paysage politique du pays aminées par une opposition virulente.
Sur le plan international, les enjeux sont tout aussi importants. En effet, au lendemain de
la conférence de Paris sur le climat (la Cop 21), le débat sur le développement durable et la
préservation de l’environnement domine plus que jamais les discours sur le développement au
sein de la communauté internationale. Dans ce sillage, le Cameroun, comme bien d’autres pays,
MINEPAT 33
a signé les ODD (Objectifs du Développement Durable) en 2015 et s’est engagé à promouvoir
les conditions d’un développement responsable.
2. Formulation de la SND 30
Forte de ces atouts (une population jeune et dynamique, capable d’absorber avec grande
facilité des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour générer une
croissance économique durable, une structure physique idéale avec d’énormes potentialités
naturelles et un positionnement stratégique dans le golfe de guinée), le Cameroun a décidé de
mettre sur pied une nouveau cadre intégré de développement qui s’articule autour d’un
ensemble de stratégies macroéconomiques et sectorielles visant à accélérer la croissance et
acheminer le Cameroun vers la réalisation des ODD. Ainsi, la SND 30 s’organise en quatre (04)
piliers : la transformation structurelle de l’économie ; le développement du capital humain ; la
promotion de l’emploi et l’insertion économique ; la gouvernance et la gestion stratégique de
l’Etat.
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l’efficience de nos mécanismes de soutien à l’installation des jeunes, pour les rendre plus
cohérents et moins dispersés.
1. Orientations stratégiques
Mise en place les facilités pour l’émergence du secteur privé comme principal moteur de la
croissance économique et la réalisation des interventions ciblées dans des secteurs hautement
stratégiques, via le levier de la commande publique et l’accompagnement des champions
nationaux.
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2. Identification du modèle : Mix approche orthodoxe et hétérodoxe
Au regard des orientations faites dans la nouvelle soutenues les piliers présentés en
amont, on se retrouve dans une approche hybride (développement autocentré et extravertie).
On revient à peu près au modèle proposé par les plans quinquennaux cependant avec un
séquençage plutôt différent. En effet dans le modèle des plans quinquennaux, on avait plutôt
dans un premier temps plus du développement extraverti (exportations primaires) et dans un
deuxième temps plus du développement autocentrée (substitution des importations).
L’approche de la SND 30 est tout à l’inverse, le développement autocentré au début de la mise
en œuvre suivi du développement extraverti (exportations manufacturières).
C’est ce dosage que les pays d’Asie du Sud-Est tel que les NPI ont entrepris pour bien
s’insérer dans les chaines de valeur mondiale et être émergents.
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3. Formulation du mécanisme
Pour rappel, un point commun à noter concernant la substitution des importations ainsi
que la promotion des exportations est la remontée des filières, ces deux principes supposent une
remontée des filières de l’aval vers l’amont dans les chaines de valeur suivant l’ordre
technologie suivant :
Sur la base des faits historique, 6 points déclencheurs sont à prendre en compte :
Les 04 premiers points permettront d’agir sur l’offre et la demande des biens et services
(de plus en plus sophistiqués), soit un marché équilibré, les 02 derniers points étant transversaux
permettant d’assurer un bon équilibre sur ce marché.
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Figure 2 : Schéma simplifié
Source : Auteurs
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Figure 3 : Schéma macroéconomique
Source : Auteurs
✓ Les Ménages ;
✓ Les sociétés (financières et non financières) ;
✓ APU (administrations publiques) ;
✓ Reste du monde.
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Les variables économiques du modèle sont : (i) la consommation privée, (ii)
l’investissement privé, (iii) les dépenses publiques, (iv) la consommation intermédiaire, (v) les
exportations, (vi) les importations, (vii) les transferts nets entre l’APU et les agents
institutionnels résidents, (viii) les emprunts nets des agents institutionnels auprès du marché
financier (capacité ou besoin de financement).
Par la suite, nous définissons les étapes leviers à travers les points déclencheurs
identifiés plus haut :
Pour la formation professionnelle, on peut former une partie de la main d’œuvre déjà
disponible dans secteur primaire.
MINEPAT 40
Cette politique de soutien à l’offre local vise à réduire les couts de production, par la
suite l’offre local (P) s’accroit. Ainsi avec l’accroissement de l’offre local, la taxe fiscale des
entreprises destinée à l’Etat augmente également ainsi que leur épargne.
Avec l’accroissement de l’offre local (P), le revenu des facteurs des ménages augmente,
par ailleurs elle s’accompagne d’une politique de redistribution de l’Etat plus équitable, on
renforce ainsi le capital humain, ce qui a une incidence positive sur le revenu global des
ménages par ricochet sur la consommation privée (Cp) et leur épargne.
Le renforcement du capital humain soutien la demande intérieure ainsi que l’offre local.
En résultante de la hausse de l’épargne des agents résidents, il s’en suit l’amélioration de la
capacité de financement des agents résidents qui deviennent de moins en moins dépendants
financièrement de l’extérieur, ceci compense le financement extérieur des biens d’équipement.
4- Forte compétitivité
Jusque-là nous sommes dans un développement autocentré accès sur l’offre locale en
réaction au développement du marché intérieur, cependant les exportations sont très
importantes dans ce processus surtout si nous voulons faire la transition vers la fabrication des
biens et services de plus en plus sophistiqués. En effet pour la transition vers les produits de
moyenne technologie, il faudra importer de plus en plus les intrants (donc la consommation
intermédiaire), pour compenser cela, il faudra être compétitif sur le marché international des
biens et services de basse technologie pour faire rentrer les devises.
✓ Politique monétaire (pour agir sur les prix à l’exportation de ces biens) ;
✓ Formation professionnelle et progrès technique orienté à la fabrication des biens et
service de basse technologie destiné à l’exportation en vue de respecter les normes
extérieures ;
✓ Intégration régionale.
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✓ Relâchement progressif du protectionnisme éducateur en faveur de la concurrence
contrôlée donc l’Etat intervient de moins en moins sur le marché des biens et
services de basse technologie afin qu’ils soient concurrentiels ;
Ces actions ont pour but d’accroitre les exportations (X) permettant d’avoir les devises
nécessaires pour l’achat des intrants dont le pays ne dispose pas pour la fabrication des biens et
service de moyenne technologie.
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CONCLUSION
C’est dans ce cadre que s’inscrit ce présent travail qui s’interroge sur la pertinence des
modèles de développement du Cameroun adoptés depuis le temps des plans quinquennaux
jusqu’à la SND 30, et offre une vue perspective en termes d’amélioration du modèle
développement déjà proposé par la nouvelle stratégie.
Ainsi en termes de résultat, l’on retiendra que la SND 30 propose une approche hybride entre
développement autocentré et extravertie. Toutefois, il est important de préciser que la politique
de la promotion des exportations par la remontée des filières doit être l’axe central de la stratégie
d’industrialisation pour un Cameroun comme l’a fait les pays émergents d’Asie du Sud-Est.
Cependant cette promotion des exportations doit être accompagné par un bon dosage de
substitution des importations pour protéger les entreprises locales.
Ainsi, la formulation mécanique de cette stratégie repose sur six (06) points déclencheurs :
MINEPAT 43
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