Éditorial

LA PLACE DES RITUELS DANS LE PROCESSUS DU DEUIL

Pierre Reboul

Presses universitaires de Grenoble | « Jusqu’à la mort accompagner la vie »

2020/1 N° 140 | pages 5 à 7

ISSN 0768-6625
ISBN 9782706146718
DOI 10.3917/jalmalv.140.0005
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-jusqu-a-la-mort-accompagner-la-vie-2020-1-page-5.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
© Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 05/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 81.164.70.216)

© Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 05/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 81.164.70.216)

Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Grenoble.
© Presses universitaires de Grenoble. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

 ÉDITORIAL

LA PLACE DES RITUELS DANS LE PROCESSUS DU DEUIL

✹✹PIERRE REBOUL, COMITÉ DE RÉDACTION, GRENOBLE

Q u’ils soient conventionnels et formels ou spontanés et nova-

teurs, les rituels accompagnant le mort jouent-ils un rôle
dans le déroulement du deuil des survivants ? Le deuil est-il
© Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 05/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 81.164.70.216)

© Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 05/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 81.164.70.216)

affecté, et de quelle façon, par la modification contemporaine de
certains des rituels accomplis ? C’est là le sujet que nous souhai-
tons aborder dans le présent numéro. Ceci en élargissant les
rituels funéraires proprement dits aux différents rituels péri-
phériques tels que ceux du souvenir ou de la commémoration.
Rappelons que les mots rite et rituel sont fréquemment utilisés
indifféremment. L’un et l’autre définissent des actes codifiés et
répétitifs. Par rapport au rite qui constitue parfois une conduite
privée et individuelle, on attribue souvent au mot rituel une
dimension symbolique et un cadre collectif.
Certes, lors d’un décès, le rituel a gardé toute sa fonction :
mettre en gestes et en paroles une quête de sens, formaliser un
ensemble de conduites et d’actes pour accompagner la séparation
et le passage du statut de vivant à celui de mort. Louis Vincent
Thomas nous le rappelle : « Le rituel ne prend en compte qu’un
seul destinataire : l’homme vivant, individu ou communauté ; sa
fonction est de guérir ou de prévenir, fonction qui revêt d’ailleurs
de nombreux visages : déculpabiliser, réconforter, revitaliser. […]
Ce rituel de mort serait en réalité un rituel de vie. »1

1. Louis-Vincent Thomas, Rites de mort. Pour la paix des vivants, Éditions Fayard, 1985.

REVUE JALMALV N° 140 ✹ MARS 2020

9782706146718_JALMALV-n140_BAT.indd 5 13/02/2020 11:46

 6 QUE FAIRE DE NOS MORTS POUR QUE LA VIE CONTINUE ?

Néanmoins, il semble que les dernières décennies aient vu

apparaître en France une certaine modification des conduites
rituelles en matière funéraire. Aux invariants des cérémonies
comme du mode d’ensevelissement est venu s’ajouter, parfois
se substituer, un ensemble de nouvelles pratiques tant en ce qui
concerne la façon d’accompagner les premiers instants du deuil
que de faire disparaître le corps du défunt (et nous pensons
essentiellement ici à la crémation). Ces changements, nous nous
sommes attachés ici à en rechercher les motifs et en décrire les
conséquences. À nous interroger sur l’impact que ces nouvelles
pratiques peuvent éventuellement avoir sur le deuil des proches.
Pour cela, il nous est apparu que plusieurs directions de recherche
nous étaient offertes et les contributrices et contributeurs au
© Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 05/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 81.164.70.216)

© Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 05/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 81.164.70.216)

présent numéro, dans leur diversité, se sont attachés à nous
les présenter.
LES DERNIÈRES VOLONTÉS DU DÉFUNT
Le choix du devenir de son propre corps, ses directives sur
la conduite de la cérémonie, les composantes de son contrat
obsèques, les références religieuses à mettre en œuvre, la répar-
tition de ses objets chéris… Autant d’initiatives personnelles
susceptibles de déloger les vivants de leur place de « porteurs
et décideurs de rites », de négliger leurs besoins.
LA SOCIABILITÉ DE LA CÉRÉMONIE, LES MANIFESTATIONS
DE L’ÉMOTION INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE
Une importante évolution de l’expression des émotions semble
s’être produite dans notre société. Autrefois encadrée et dictée
par les rites, la cérémonie funéraire a pris de nos jours un tout
autre caractère, beaucoup plus individuel et profane : la teneur
des prises de paroles, la diversité des intervenants, le retrait des
symboles religieux, la présence de photos ou diaporamas, le
caractère intime des musiques proposées, autant d’inventions
se répercutant diversement sur l’intensité ou le caractère des
émotions suscitées chez les participants.

9782706146718_JALMALV-n140_BAT.indd 6 13/02/2020 11:46

 Éditorial 7

L’EXTENSION DE LA CRÉMATION
Avec cette évolution se posent les questions relatives au lieu de
dépôt des cendres ou à l’absence de lieu. Que faisons-nous des
morts ? Quelle place nouvelle attribuons-nous au cimetière, aux
tombes de famille, à une histoire post mortem lisible, à l’existence
d’un lieu du souvenir d’une certaine stabilité. Optons-nous pour
un effacement de ce lieu ? De quelle manière le droit s’est-il
emparé des nombreuses et nouvelles questions soulevées par
la crémation. L’existence d’un lieu de recueillement ou d’un
lieu du souvenir favorise-t‑elle la traversée du deuil ? Quel est
l’impact du devenir des cendres, conservées ou dispersées dans
un lieu investi de sens ?
© Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 05/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 81.164.70.216)

© Presses universitaires de Grenoble | Téléchargé le 05/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 81.164.70.216)

RITUELS D’AUTREFOIS, RITUELS D’AUJOURD’HUI
Quelles évolutions ces rituels ont-ils connues ? Le travail du
deuil s’en ressent-il ? Pourquoi le rituel plus ou moins figé depuis
des siècles est-il conservé par certains (musulmans, juifs, catho-
liques traditionalistes) ou, au contraire profondément réaménagé
par d’autres ? En quoi certains rituels ne répondent plus aux
attentes de certains de nos contemporains ? Les entreprises de
pompes funèbres sont-elles devenues des « faiseurs de rituels »
alors que ce rôle était essentiellement dévolu aux religions ?
L’extension des droits des vivants est-elle en cause ? À quoi
correspondent le sentiment de la justesse de la cérémonie, la
notion d’« obsèques réussies » ? Et, lorsque le rituel risque de
manquer, comment suppléer à ce manque – Et c’est toute l’action
d’associations telles que Mort de rue ou Mort sans toi(t) ?

Autant de questions, de pistes et de registres différents qui

permettront à chacun d’entre nous de mesurer combien la
traversée du deuil, c’est-à‑dire la nécessité pour les survivants
d’opérer les remaniements nécessaires à la poursuite de la vie,
pourra ou pas être facilitée par le caractère du rituel mis en œuvre.

REVUE JALMALV N° 140 ✹ MARS 2020

9782706146718_JALMALV-n140_BAT.indd 7 13/02/2020 11:46