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de l’agriculture urbaine
en Afrique francophone
Enjeux, concepts et méthodes
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Développement durable
de l’agriculture urbaine
en Afrique francophone
Enjeux, concepts et méthodes
Olanrewaju B. Smith, Paule Moustier,
Luc J.A. Mougeot et Abdou Fall, éditeurs
Centre de coopération internationale
en recherche agronomique pour le développement
Le Crdi, Centre de recherches pour le développement international, est une société d’Etat créée par le
Parlement du Canada en 1970 pour aider les pays en développement à trouver, par la recherche
scientifique et l’utilisation du savoir, des solutions viables aux problèmes sociaux, économiques, et
environnementaux auxquels ils font face. L’appui du Crdi sert en particulier à consolider la capacité de
recherche locale afin d’appuyer les politiques et les technologies susceptibles de contribuer à
l’édification, dans les pays du Sud, de sociétés plus saines, plus équitables et plus prospères.
BP 8500, Ottawa (Ontario) Canada K1G 3H9
pub@idrc.ca / http://www.crdi.ca
ISBN 1-55250-134-5
Cet ouvrage a bénéficié d’une subvention du ministère français des Affaires étrangères.
Couverture
Périmètres maraîchers à Dakar, Sénégal (© I. Vagneron/Cirad)
Etal de légumes sur le marché de Thiaroye à Dakar, Sénégal
(© I. Vagneron/Cirad)
Elevage d’ovins en stabulation, Sénégal (© R. Lancelot/Cirad)
Sommaire
Avant-propos
Cet ouvrage est le fruit des travaux de quatre institutions, qui se sont associées pour
capitaliser et diffuser leurs méthodes de diagnostic et d’intervention en agriculture
urbaine : le Crdi (Centre de recherches pour le développement international), au
Canada, le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique
pour le développement) et le ministère des Affaires étrangères, en France, l’Isra
(Institut sénégalais de recherches agricoles), au Sénégal.
Le Crdi est actif depuis les années 1990 dans le domaine de l’agriculture urbaine
grâce à son programme Agriculture urbaine/Cities Feeding People. Ses recherches
visent trois domaines principaux : les systèmes de production en espace réduit à
destination des agriculteurs urbains à faibles revenus ; le traitement et la réutilisation
des eaux résiduaires ; le développement des instruments stratégiques et politiques
qui favorisent l’activité des producteurs. Outre les travaux localisés dans des pays
africains et latino-américains, le Crdi s’engage dans des activités à caractère
régional, comme le réseau Aguila (Latin American Network on Urban Agriculture), qui
permet d’échanger des expériences entre pays latino-américains, et celui mis en
place en 2000 pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. En 1997, le Crdi a mis sur pied
un programme de bourses pour financer des travaux de recherche appliquée sur
l’agriculture urbaine, au niveau de la maîtrise et du doctorat (AGROPOLIS).
Parallèlement à ce programme, le Crdi a décidé d’organiser un atelier annuel sur les
méthodes de recherche-développement appliquées à l’agriculture urbaine, chaque
année dans une région du monde différente, en partenariat avec des institutions du
Nord et du Sud. L’Afrique de l’Ouest et du Centre a été retenue pour le premier
atelier, et le Crdi a souhaité associer le Cirad et l’Isra à son organisation.
Au Cirad, des travaux originaux se sont développés depuis une dizaine d’années sur
les systèmes de production et d’approvisionnement alimentaires urbains, en
particulier pour les produits maraîchers et animaux. Un premier bilan en a été dressé,
en avril 1998, lors d’un colloque du Cirad et du Coraf (Conseil des responsables de
recherche agronomique en Afrique de l’Ouest et du Centre). Ces travaux portent sur
l’identification, la caractérisation et le diagnostic des exploitations (économie,
agronomie, zootechnie), sur les référentiels technico-économiques pour une
intensification raisonnée des systèmes de production (agronomie, zootechnie), sur le
suivi et l’animation de filières et marchés (économie), sur le recyclage des déchets
animaux et domestiques pour l’agriculture et sur l’intégration de l’agriculture à la
planification urbaine, en partenariat avec l’Ensp (Ecole nationale supérieure du
paysage). En Afrique, le Cirad intervient principalement au Sénégal, en partenariat
avec l’Isra et des opérateurs privés, et au Cameroun, en partenariat avec l’Irad
(Institut de recherche agricole pour le développe-
Le ministère français des Affaires étrangères compte parmi ses priorités, dans le
domaine agricole, le renforcement de la sécurité alimentaire des pays du Sud. C’est
à ce titre qu’il s’intéresse depuis quelques années à l’agriculture urbaine et élabore
des propositions pour une meilleure efficacité des projets dans ce domaine. Ces
propositions mettent l’accent sur la recherche-développement, la formation,
l’organisation des producteurs et l’accès au crédit et au foncier. Le ministère a, par
ailleurs, approuvé le financement d’un projet régional sur l’agriculture périurbaine au
Cameroun, au Sénégal et au Bénin, coordonné par le Cirad à partir de 2004.
Depuis une dizaine d’années, les travaux réalisés soulignent le rôle majeur de
l’agriculture urbaine dans l’approvisionnement des villes, la création d’emplois et la
préservation de l’environnement urbain. Mais les outils de diagnostic des problèmes
de cette agriculture et les moyens d’intervention pour y répondre font défaut aux
chercheurs, décideurs et agents de développement, traditionnellement tournés vers
les zones rurales, ainsi qu’aux spécialistes de la gestion urbaine, peu familiers du
monde agricole. L’agriculture urbaine est en effet plus complexe que l’agriculture
rurale, parce qu’elle est plus mobile dans l’espace et dans le temps et que ses
productions sont plus risquées. Pour saisir cette complexité, il est nécessaire
d’articuler plusieurs disciplines : la géographie, l’urbanisme, l’agronomie, la
zootechnie, les sciences de l’environnement, l’économie, la sociologie.
Centre que l’ouvrage a été conçu. Son objectif premier est de rendre accessibles aux
chercheurs et aux praticiens du développement des approches et des outils adaptés
aux problèmes de l’agriculture urbaine en Afrique de l’Ouest et du Centre, mais aussi
de diffuser des méthodes pour gérer à la fois les espaces agricoles en ville et les
filières des produits de l’agriculture urbaine. Il s’adresse aux étudiants, experts,
chercheurs et responsables, issus de centres de recherche, d’universités et
d’organisations non gouvernementales, impliqués dans divers domaines de
l’agriculture urbaine : gestion du foncier, développement des filières maraîchères ou
animales, recyclage des déchets. Il a servi de support pédagogique à un atelier sur
l’agriculture urbaine1 et s’est enrichi des réactions et échanges qui ont eu lieu au
cours de cette manifestation.
Chaque chapitre de l’ouvrage est rédigé par un binôme constitué de cadres africains
et français, issus d’organisations gouvernementales et non gouvernementales, qui
ont une expérience reconnue en recherche-développement dans les différents
secteurs de l’agriculture urbaine.
• La gestion concertée et durable des filières animales urbaines, Abdou Fall et Maty
Ba Diao (zootechniciens, Isra, Dakar), Aimé Nianogo (zootechnicien, Inera, Institut
de l’environnement et des recherches agricoles, Ouagadougou) et Denis Bastianelli
(spécialiste de l’élevage, Cirad, Montpellier).
Paule Moustier
Olanrewaju B. Smith
1. Cet atelier a rassemblé, du 5 au 24 juin 2000 à Dakar, seize participants de dix pays de la
sous-région : Mali, Burkina, Niger, Tchad, Bénin, Togo, Cameroun, Gabon, Congo, Sénégal.
Introduction
Divers facteurs poussent les productions agricoles urbaines à accroître leur part dans
l’approvisionnement alimentaire des villes de cette région. Depuis une dizaine
d’années, l’agriculture urbaine est reconnue comme un enjeu majeur en termes
d’approvisionnement des villes, d’emploi et de gestion de l’environnement urbain
(Undp, 1996). Cependant, les outils de diagnostic des problèmes de cette agriculture
et les moyens d’intervention pour son développement durable font défaut aux
chercheurs, décideurs et agents du développement, traditionnellement tournés vers
les zones rurales, et aux spécialistes de la gestion urbaine, peu familiers du monde
agricole.
de certaines pratiques culturales. Le jeu des contraintes et des atouts est complexe.
Les risques par rapport à l’environnement et au marché sont nombreux.
L’ouvrage a pour objectif de familiariser le lecteur avec les approches et les outils
appliqués aux problèmes posés par le développement de l’agriculture urbaine. Il
s’inscrit dans une démarche de recherche-développement : améliorer la rigueur
scientifique des diagnostics (recherche) et privilégier les interventions concrètes
visant à maintenir ou à transformer les systèmes pour répondre à la demande des
acteurs concernés à court, moyen et long terme (développement durable).
Il est issu des travaux d’un atelier, qui a été l’occasion à la fois de présentations à
caractère didactique et de discussions sur les projets de recherche-développement
des participants. Grâce à la diversité des origines des participants et intervenants,
l’atelier a permis de développer des échanges de questionnements et d’expériences
dans une perspective de réseau.
Les problématiques
de l’agriculture urbaine
L’ouvrage comprend cinq chapitres. Le premier présente des définitions et des
concepts sur l’agriculture urbaine et ses dynamiques. Il montre en quoi l’agriculture
urbaine pose des questions différentes de l’agriculture rurale. Il expose, en
particulier, les spécificités de l’agriculture urbaine, la pluralité des approches qui s’y
rapportent, la multiplicité de ses fonctions, ses impacts et ses facteurs de
changement. Il met en relation l’intérêt récent de la communauté scientifique pour
l’agriculture urbaine avec l’urbanisation en Afrique, le développement des flux entre
la ville et l’agriculture, ainsi que les politiques de décentralisation. Il souligne la
diversité des définitions de la ville et de l’agriculture urbaine et périurbaine, ainsi que
leurs points de convergence, car toutes mettent l’accent sur les interactions entre la
ville et l’agriculture. Ces interactions sont caractérisées, en mettant en avant la
compétition pour l’accès aux ressources foncières ainsi que les pollutions urbaines et
agricoles. Ce chapitre illustre également la prise en compte de différentes
catégories et échelles dans des typologies et présente les disciplines qui se sont
intéressées à l’agriculture urbaine, notamment, l’économie spatiale et institutionnelle.
Enfin, il décrit la diversité des fonctions et des impacts de l’agriculture urbaine, ainsi
que les principaux paramètres de son évolution dans le temps, en soulignant la non-
linéarité de la dynamique de l’agriculture urbaine.
Deux chapitres sont centrés sur la place de l’agriculture urbaine dans son
environnement physique et administratif immédiat : le deuxième, sur la place de
l’agriculture dans la planification urbaine, et le cinquième, sur l’utilisation des déchets
urbains par l’agriculture urbaine.
Le chapitre 3 concerne la gestion des filières maraîchères. L’accent y est mis sur les
fonctions productives du maraîchage, c’est-à-dire la fourniture de produits
alimentaires, d’emploi et de revenus. La question de la durabilité de ces filières
résulte des multiples contraintes exercées par le milieu urbain, notamment la
contrainte foncière et les pollutions. Etant donnée la diversité des acteurs et des
intérêts en jeu, la concertation est la condition essentielle d’une meilleure réponse du
maraîchage urbain aux objectifs de revenus et d’alimentation, auxquels ce secteur
répond. La forte liaison du maraîchage urbain et la relative spécialisation des
activités de production justifient une approche par filière pour répondre à ces
problèmes. Des méthodes pratiques
l’irrigation des cultures. Toutefois, la présence d’éléments contaminants tels que les
métaux lourds et les pathogènes constitue un frein au recyclage direct des effluents
liquides dans l’agriculture. Pour les déchets solides, des techniques de traitement
telles que la méthanisation et le compostage permettent de disposer d’un coproduit
de qualité : le compost. Pour les effluents liquides, il existe des techniques de
collecte et de traitement adaptées, telles que le réseau à petit diamètre et le
lagunage. Le recyclage agricole des rejets urbains ne sera envisageable à grande
échelle que si, à l’échelon gouvernemental, des décisions politiques sont prises pour
éduquer et impliquer les populations, mais aussi pour sensibiliser les services publics
aux nouvelles relations possibles entre la ville et l’activité agricole.
Peu d’attention est portée aux pollutions et aux prédations de l’agriculture sur le
milieu urbain mais beaucoup aux pollutions engendrées par les activités non
agricoles qui affectent les activités agricoles ou ses produits. Par exemple, la qualité
de l’eau épandue conditionne le choix de la spéculation tout comme la qualité
sanitaire requise de la spéculation conditionne le choix du traitement exigé de l’eau
usée pour son irrigation. Les boues peuvent provoquer le colmatage physique par
des matières en suspension, le colmatage biologique par le développement végétatif
d’algues, le colmatage chimique par défloculation des argiles par le sodium
échangeable. Les eaux usées et excréta posent des problèmes sanitaires :
concentration d’agents pathogènes, maladies diarrhéiques et parasites intestinaux.
La faible biodégradabilité et le pouvoir de concentration des polychlorobiphényles
(PCB) dans certains tissus végétaux restreignent leur utilisation. La présence de
matières organiques et minérales, de métaux lourds et d’organismes pathogènes
impose des précautions ou des traitements : séparation physique ou traitement
primaire (séparation des éléments solides de la phase liquide) par décantation ou
flottation, transformations biologiques secondaires, corrections chimiques ou
désinfection tertiaire. Les sous-produits sont les boues, qui elles-mêmes subissent
des traitements préalables à leur évacuation finale (épaississement, déshydratation)
pour éviter leur putréfaction et réduire leur volume.
Dans tous les cas, l’analyse du risque attribuable et du risque relatif doit occuper une
plus grande place dans l’évaluation des dangers qu’entraînent certaines pratiques
agricoles urbaines pour la santé publique ou dans l’appréciation des risques que
l’environnement urbain fait courir à la qualité des produits agricoles.
Sur le plan macroéconomique, il y a encore peu d’études sur l’impact des politiques
économiques nationales ou sous-régionales sur la compétitivité des produits en
milieu urbain : certaines politiques peuvent affecter l’importation d’intrants en même
temps qu’elles favorisent l’exportation de produits. Par exemple, l’élevage urbain, en
général plus intensif qu’en milieu rural, peut être fortement dépendant d’aliments
importés (son principal coût d’exploitation). En général, on ignore la nature des taxes
sur les produits exportés et des droits de douane sur les intrants importés, ainsi que
leurs impacts sur le développement des filières.
Sur le plan local, quel est le poids de facteurs au coût d’opportunité proche de zéro
— par exemple les terres marécageuses utilisées en maraîchage — dans le
développement, la rentabilité et la durabilité de certaines pratiques agricoles
urbaines, sachant que dans des économies de marché imparfaites
les relations entre les acteurs conditionnent de façon critique l’accès aux ressources,
aux intrants et aux débouchés? Sur le plan des bénéfices, y a-t-il des externalités
autres que purement économiques qui puissent expliquer qu’une agriculture urbaine,
à l’origine fortement stimulée par une situation de crise, ne se résorbe pas, ou
beaucoup moins que prévu, une fois cette crise passée?
pourraient varier selon la culture locale, la densité de l’habitat dans l’un ou l’autre
secteur de la ville, le zonage prédominant, les espaces disponibles en concession et
les conditions d’exploitation. Les spécialistes de l’agriculture et ceux de la ville
doivent travailler avec les municipalités pour élaborer des réglementations mieux
raisonnées techniquement, plus acceptables culturellement et plus opérationnelles.
Autre exemple, la mise en marché des produits de l’agriculture urbaine est moins
concentrée dans l’espace urbain : le repérage des flux de ses produits et les
spécificités des marchés (taille, fréquence, spécialisation) pourraient induire un
aménagement du territoire plus réceptif à l’intégration de l’agriculture urbaine au
système d’approvisionnement alimentaire urbain. Une cartographie spatiale et
temporelle des échanges de rejets organiques et leur emploi dans les productions
agricoles urbaines permettraient également de réutiliser plus efficacement ces rejets
dans l’agriculture urbaine et de mieux intégrer l’agriculture urbaine à l’écologie de la
ville.
Références bibliographiques
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Undp (United Nations Development Program), 1996. Urban agriculture: food, jobs and
sustainable cities. New York, Etats-Unis, Undp, 302 p.
1. Les dynamiques
de l’agriculture urbaine :
caractérisation et évaluation
Compte tenu de ces observations, Pélissier (2000) prévoit, dans les dix prochaines
années, une intégration toujours plus forte des lois du marché dans les agricultures
rurales (commercialisation, intensification), l’urbanisation des campagnes
(augmentation du nombre de villes dans toutes les régions) et la ruralisation des
villes (développement de l’agriculture urbaine).
Mais les villes, si denses soient-elles, ne sont pas des continuums d’espaces bâtis
contigus. L’enveloppe urbaine, ou périmètre urbain, englobe un certain nombre
d’espaces urbains extérieurs et d’espaces non urbains intérieurs.
3. While there is not yet a universally agreed-upon definition, urban and peri-urban
agriculture—referred to jointly in this paper as UPA, except in the cases where a
clear distinction must be made—is perceived as agricultural practices within and
around cities which compete for resources (land, water, energy, labor) that could also
serve other purposes to satisfy the requirements of the urban population. Important
sectors of UPA include horticulture, livestock and milk production, aquaculture, and
forestry (Fao, 1999).
et pour laquelle il existe une alternative entre usage agricole et urbain non agricole
des ressources ; l’alternative ouvre sur des concurrences, mais également sur des
complémentarités entre ces usages :
– foncier bâti et foncier agricole ;
– eau destinée aux besoins des villes et eau d’irrigation ;
– travail non agricole et travail agricole ;
– déchets ménagers et industriels et intrants agricoles ;
– coexistence en ville d’une multiplicité de savoir-faire dus à des migrations,
cohabitation d’activités agricoles et urbaines génératrices d’externalités négatives
(vols, nuisances) et positives (espaces verts) (Moustier et Mbaye, 1999).
7. Urban agriculture is farming and related activities that take place within the purview
of urban authorities . . .[where urban authorities are] the panoply of laws and
regulations regarding land use and tenurial rights, use of water, the environment,
etc., that have been established and are operated by urban and municipal
authorities. Urban agriculture takes place within certain boundaries which may extend
quite far from an urban centre, while peri-urban agriculture takes place beyond that
often geographically precise boundary, although its own outer boundary may be less
well defined (Aldington, 1997).
aux modes traditionnels de type lignager (sur l’accès au foncier en Afrique, voir
Verdier et Rochegude, 1986). En milieu urbain et périurbain, la terre devient un enjeu
monétaire, en premier lieu parce qu’elle peut porter des bâtiments ou des
équipements lucratifs. En milieu urbain, l’achat d’une parcelle pour la construction de
logements qui seront loués est généralement plus rentable que l’exploitation du
même terrain à des fins agricoles. Le coût du terrain est ainsi dissocié de la
rentabilité de l’activité agricole.
Des exemples de monétarisation des terres sont donnés par Swindell (1988) : « In
1967-1968, Goddard et al. (1971) found that 19 and 29% of land had been acquired
by purchase in the periphery of Sokoto. Near Kano, Hill (1977) estimated that 44 per
cent of the land of rich farmers had been purchased ». A Brazzaville, en 1986, une
parcelle de 400 m2 valait 200 000 à 300 000 FCfa dans le quartier de Madibou, en
1988, la même parcelle valait entre 400 000 et 500 000 FCfa (Moustier, 1995).
La concurrence pour le foncier entre usages agricoles et non agricoles affecte tous
les types de terrain, car même les terrains marécageux peuvent être drainés en vue
d’être construits, et la bonne terre agricole peut avoir favorisé le développement
d’infrastructures de desserte, qui attirent l’immobilier (Moustier et Pagès, 1997).
1984). D’autres motifs sont également évoqués pour justifier des mesures parfois
extrêmes. C’est le cas de Bafoussam, dans l’ouest du Cameroun, où, sous prétexte
d’hygiène, le maire a fait couper le maïs et saisir tous les animaux domestiques (Cta,
1991 ; Moustier et Pagès, 1997).
Les pollutions non agricoles en ville correspondent aux pollutions liées aux activités
industrielles, aux égouts et aux déchets domestiques et industriels. Ces pollutions
affectent l’air, l’eau et le sol. Elles sont responsables des concentrations en métaux
lourds et en agents microbiologiques pathogènes.
Les déchets de plastiques et les débris de verre dans les déchets domestiques et
industriels sont également des facteurs de nuisance.
Les pollutions agricoles sont liées aux apports d’engrais (concentration de nitrates),
aux pesticides et aux déchets et effluents d’élevage.
Les pollutions engendrées par les activités urbaines, agricoles et non agricoles,
entraînent des risques sanitaires pour les produits. A Hanoi, des métaux lourds ont
été détectés dans les produits cultivés dans des eaux et des sols contaminés par les
pollutions urbaines ou des déchets recyclés : des excès de plomb ont été décelés
dans les étangs piscicoles, par exemple (Le Thi Nham et al., 1995). A Bangkok, il
existe des données sur les problèmes posés à l’agriculture par la pollution de l’eau
(Vagneron et al., 2003). Les producteurs peuvent aussi être directement affectés par
la pulvérisation des pesticides ainsi que par le contact avec des eaux polluées (cas
de cécité recensés à Hanoi). Enfin, l’utilisation mal raisonnée des pesticides et des
engrais peut contribuer à la pollution des nappes phréatiques. En Afrique, les études
sur ce type de problème sont peu nombreuses. Il existe cependant des travaux sur la
contamination des légumes par les eaux usées (voir le chapitre 5).
Le vol des produits ou des bêtes sur les parcelles est un problème couramment cité
par les agriculteurs urbains. La divagation des animaux peut occasionner des dégâts
sur les parcelles cultivées. Les élevages urbains peuvent provoquer des nuisances :
fumier, odeurs, bruits, etc. La proximité de bas-fonds cultivés est parfois considérée
par les citadins comme source d’insalubrité et de paludisme, souvent sans
fondement.
La perception réciproque
Comment les citadins perçoivent-ils l’agriculture dans leur ville : comme une source
de nuisances ou, au contraire, comme un bienfait pour leur environnement?
Comment les agriculteurs perçoivent-ils l’environnement urbain : comme une gêne
pour leurs activités agricoles ou plutôt comme un
atout? Ces questions sont fondamentales car de leurs réponses dépend la capacité
des agriculteurs de voir relayées leurs revendications par les acteurs de la ville. Ce
sujet a été étudié par des chercheurs de l’Ensp pour des agriculteurs de villes
françaises, canadiennes et tunisiennes (Mouez, 1999 ; Donadieu et Fleury, 1997). Ils
montrent que les perceptions de part et d’autre seraient plus positives si les pratiques
agricoles des exploitants périurbains étaient mieux connues des citadins. C’est un
sujet à approfondir pour l’Afrique subsaharienne.
Exemple de typologies
Pour chaque groupe d’unités d’analyse retenues, une liste de variables de
caractérisation est élaborée, ces variables pouvant être corrélées. Nous reprenons ici
l’exemple de la typologie des systèmes de production présents dans l’agriculture
urbaine des Niayes au Sénégal (Fall, 2000). Les variables suivantes ont été retenues
:
– les sites écologiques de production ;
– le type de production : arboriculture, maraîchage, céréaliculture, floriculture ;
– la taille des exploitations ;
– les spéculations les plus fréquentes ;
– la destination des productions
– les régimes fonciers ;
– les techniques d’exploitation : itinéraires techniques, mode d’irrigation ;
– les acteurs sociaux impliqués.
Les échelles
La caractérisation de l’agriculture urbaine peut être réalisée à plusieurs échelles
complémentaires. En termes d’unités d’analyse, on peut considérer les ménages, les
exploitations, les systèmes de production. En termes d’espace, on peut considérer
un site écologique, un quartier, un espace administratif.
L’économie spatiale
Le modèle de Von Thünen concerne l’effet de la distance sur l’utilisation des sols. Il
est résumé ici à partir des textes originaux (Huriot, 1994). Von Thünen (1783-1850)
était un exploitant agricole allemand. La première traduction française, partielle, de
son ouvrage L’Etat isolé date de 1851. L’ouvrage de Huriot (1994) rassemble les
textes essentiels de cet ouvrage traduits en français. Le modèle de Von Thünen
repose sur un certain nombre d’hypothèses. Il considère une ville dont l’arrière-pays
est une plaine homogène séparée du reste du monde par un désert. Le cultivateur
fait des choix de culture rationnels en terme de rentabilité. Ce modèle répond à la
question suivante : comment le cultivateur choisit-il ses systèmes de culture en
fonction de la distance de son exploitation à la ville? Sa principale conclusion est que
ce choix est déterminé par la part du coût de transport du produit dans la valeur
marchande du produit. Ainsi, les produits de grand poids par rapport à leur valeur,
représentant des frais de transport élevés, sont cultivés près de la ville. C’est
également le cas des produits très altérables, consommés à l’état frais, comme la
salade et le lait. Avec la proximité de la ville, la jachère disparaît et l’agriculture utilise
plus d’engrais acheté en ville. Le modèle offre toujours une certaine pertinence pour
les agricultures tropicales, où les infrastructures de transport sont peu développées.
Ainsi, dans les études de cas citées par Moustier (1998), plus des trois quarts des
flux de légumes-feuilles proviennent de zones situées à moins de 30 km de la ville.
Gockowski (1988) a appliqué le modèle au cas de Yaoundé, au Cameroun, Kumar
(1986) à celui d’Amritsar, en Inde. Quand le coût de transport devient négligeable par
rapport à la valeur marchande du produit, comme c’est le cas dans les pays
occidentaux, l’apport du modèle est limité.
En milieu urbain, les logiques de territoire semblent moins marquées qu’en milieu
rural, les savoir-faire se côtoient sans s’échanger avec facilité, la cohé-
sion sociale est moins forte. L’espace de l’agriculture urbaine est-il un territoire?
C’est un sujet de recherche à approfondir (Bomkondé, 1999 ; Fleury et Moustier,
1999).
gique fait référence à la préservation des ressources naturelles de base utilisées par
l’exploitation ou affectées par les ressources agricoles (Robin, 2000).
n’avait pas augmenté entre 1989 et 1996 du fait de la restriction du pouvoir d’achat
des consommateurs. A Madagascar, le développement des infrastructures de
transport reliant la ville à sa plaine, en sus de la pression foncière urbaine, a conduit
à la régression de l’agriculture urbaine et du périurbain dans les années 1950 au
profit des productions rurales (Douessin, 1974). A l’heure actuelle, la production
maraîchère intra-urbaine se limite à une centaine de producteurs de cresson, sur des
parcelles d’une centaine de mètres carrés. Cependant, le périurbain proche (20 km
des limites de la ville) approvisionne toujours le marché des légumes-feuilles. Au
Congo, les perturbations du chemin de fer de 1992 et 1993 ont incité des
producteurs du sud du pays à se déplacer dans les environs de Pointe-Noire pour
cultiver (expérience d’un groupement de producteurs de Loutété). Si dans certaines
villes, des organisations publiques, des groupements de producteurs et des
associations de commerçants ont permis un maintien et un développement
harmonieux de l’agriculture urbaine (cas de Brazzaville et de Bissau), dans d’autres
situations (Dakar, Pointe-Noire), l’absence de régulation institutionnelle a conduit à
des situations de crises, de conflits et de tensions sociales (pour l’accès à l’eau et à
la terre surtout), dommageables à l’approvisionnement des consommateurs. Ces
comparaisons soulignent les conséquences négatives d’un laisser-faire. Il ne s’agit
pas de créer ex nihilo ou de conserver de manière figée des activités qui se
développent et s’adaptent avec une grande souplesse, mais plutôt d’accompagner
les dynamiques existantes en s’inspirant des expériences réussies (Moustier, 1998).
Références bibliographiques
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2. La place de l’agriculture
urbaine dans les dispositifs
institutionnels
et la planification
Dans son introduction, ce chapitre esquisse une réflexion sur la place de l’agriculture
urbaine dans le développement des villes. La première partie présente ensuite les
méthodes de planification urbaine susceptibles d’améliorer le développement durable
de l’agriculture urbaine par sa prise en compte effective dans le contexte du
développement socio-économique local. Ces méthodes reposent sur l’implication de
tous les acteurs du secteur dans l’élaboration des politiques, sur l’identification des
problèmes majeurs et leur hiérarchisation et sur le choix des solutions appropriées
pour les résoudre. La seconde partie applique ces principes généraux. Elle resitue
d’abord la question de l’agriculture dans le contexte urbain, en précisant les enjeux et
les dynamiques urbaines et en examinant le caractère durable de cette agriculture.
Puis elle aborde les conditions spécifiques pour que l’agriculture urbaine trouve sa
place dans les documents d’urbanisme : identifier une zone agricole et en définir les
règles de fonctionnement. La conclusion du chapitre souligne la nécessité de
l’innovation juridique dans le domaine de l’agriculture urbaine.
L’agriculture urbaine
dans le développement des villes
Les termes de référence du Réseau francophone pour l’agriculture urbaine en
Afrique de l’Ouest et du Centre (Rfau/Aoc), mis en place par le Crdi, rappellent que
cette agriculture contribue à plusieurs titres à la gestion de la ville :
– en participant à l’approvisionnement, surtout en produit frais ;
– en créant des emplois et des revenus, qui contribuent à l’équilibre social ;
– en améliorant l’environnement par une gestion spécifique des déchets ;
– en occupant des terrains qui font office de coupures vertes dans le tissu urbain et
en participant ainsi à l’aménagement des espaces verts et à l’amélioration de la
qualité de l’air.
Mais le plus important est sans doute que, dans le diagnostic des politiques
publiques et dans la mise en œuvre des processus de planification, la concertation
entre acteurs n’est souvent pas de mise. En effet, les populations les plus
concernées par l’agriculture urbaine ne sont que peu représentées auprès du pouvoir
urbain, qui privilégie d’autres groupes sociaux et d’autres enjeux. La planification
mise en œuvre ces dernières décennies dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et
du Centre, traduction de la stratégie globale de développement, n’a guère tenu
compte de l’agriculture urbaine, malgré tous ses avantages sociaux, économiques et
environnementaux. Les conséquences en sont, d’une part, que les problèmes des
acteurs sont négligés ou mal pris en compte avec pour corollaire que les solutions
préconisées ne rencontrent pas l’adhésion, d’autre part, que le développement
accuse un retard et que les ressources de la planification se perdent, d’autant plus
que le constat de l’échec arrive avec quelques années de retard et qu’il faut alors
recommencer tout le processus.
La méthodologie de la planification
Les organismes de développement ont instauré depuis quelques années des
méthodes d’approche des problèmes, qui mettent l’accent sur la concertation et la
participation des acteurs, notamment communautaires. Elles peuvent ainsi conduire
à reformuler les politiques publiques et à mieux les appliquer. Par la prise en compte
des problématiques exprimées par les acteurs eux-mêmes, elles permettent
d’améliorer le secteur et facilitent l’accès aux ressources nécessaires. Elles peuvent
être utilisées dans le cadre de l’agriculture urbaine pour son insertion véritable dans
la définition, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques centrées sur
différents secteurs d’activité.
L’évolution de la planification
La planification classique
L’analyse détaillée de cette procédure ainsi que les résultats obtenus, dans divers
cas et à l’échelle mondiale, ont révélé les limites du schéma de planification
classique. C’est pourquoi une nouvelle génération de méthodes de planification a été
développée.
La planification stratégique
Ces nouvelles méthodes de planification s’appuient sur des outils simples et souples,
compris et acceptés de l’ensemble des acteurs, y compris les bénéficiaires. Elles
mettent l’accent sur l’implication de tous les acteurs dès le début du processus,
aspect fondamental pour la réussite de l’exercice. Cette rupture avec les procédures
classiques a donc consacré l’émergence de la planification dite stratégique
concertée (tableau 5).
La consultation de ville
• La consultation de ville. La consultation de ville est une réunion organisée par les
initiateurs de l’exercice de planification stratégique. Elle a trois objectifs principaux :
la validation du profil environnemental ; l’identification des problématiques
environnementales prioritaires ; la mise en place des groupes de travail thématiques,
dont le nombre sera fonction des problématiques identifiées. L’organisation d’une
consultation de ville suppose
• Les problèmes prioritaires. L’objectif est de concentrer les efforts sur des problèmes
prioritaires, dont les conséquences sont néfastes, et d’affecter les ressources
limitées disponibles à leur résolution. Sont considérés comme problèmes prioritaires
les problèmes intersectoriels, à long terme, récurrents, qui affectent de nombreux ou
de vastes espaces géographiques. Les critères de sélection sont la gravité des
conséquences sanitaires, l’importance de la perte de productivité urbaine, l’influence
sur la consommation non durable des ressources et les impacts irréversibles. Le
nombre de problèmes prioritaires doit être limité, notamment par rapport aux
disponibilités financières.
• La formulation de stratégies. C’est lors de cette étape que sont examinées les
options stratégiques : les stratégies passées et présentes sont analysées avant
d’entreprendre les actions sur le terrain. La mobilisation de groupes de travail sur une
durée raisonnable, avec des réunions espacées et flexibles, doit permettre de définir
ces plans d’action municipale en fonction des besoins et des possibilités de
financement. Cela suppose d’identifier et de contacter les guichets de financement
disponibles sur le plan national, par l’intermédiaire de la municipalité et d’un comité
de pilotage, reconnu officiellement, chargé de la coordination et des orientations
stratégiques de l’exercice. Il est possible d’envoyer des consultants de manière
ponctuelle, pour recueillir certaines informations et analyser certains aspects clés,
afin d’alimenter la réflexion des groupes de travail. Les groupes de travail assu-
rent le passage des plans d’action municipale conçus sous forme de fiches par
activité en documents de projet. Le succès de cette étape dépend de la maîtrise des
procédures et des mécanismes d’accès aux fonds des guichets de financement.
Les partenaires du projet doivent amener la municipalité à faire siens des projets
d’investissement et à les inscrire dans le budget municipal avec sa participation en
nature ou en espèces. Une phase dite de postconsultation donne lieu à la mise en
œuvre concrète des projets d’investissement. La mise en œuvre des plans d’action
doit être fondée sur un processus de validation communautaire en deux étapes.
Dans la première, il s’agit de lancer, auprès des communautés ciblées, un diagnostic
participatif par la méthode accélérée de recherche participative, le focus group ou la
stakeholders analysis. La seconde étape consiste à organiser des forums
communautaires pour restituer les résultats de la méthode accélérée de recherche
participative ainsi que les conclusions des groupes de travail qui auront fait l’objet de
plusieurs échanges. L’objectif assigné à la validation communautaire est de tester
l’acceptabilité sociale des plans d’action municipale.
• Le lancement et l’évaluation. C’est une période initiale qui peut durer neuf mois et
comprend les activités suivantes :
– identification et mobilisation des participants et partenaires du projet ;
– familiarisation des partenaires du projet avec les concepts du processus de
planification et de gestion de l’environnement et les approches « cité durable » ;
– préparation d’un profil environnemental et identification préliminaire des problèmes
environnementaux prioritaires ;
– identification des ressources, outils et informations disponibles et élaboration d’un
système d’information géographique et d’un système d’information de gestion
environnementale (environment management information system, Emis)
spécialement adapté aux besoins de la ville ;
– organisation et tenue d’une consultation de ville ;
– installation des groupes de travail par thème prioritaire.
• La stratégie et le plan d’action. Cette phase peut durer de quinze mois à deux ans.
C’est une période d’analyse, de discussion et de négociation intenses dans les
groupes de travail. Le nombre, l’objectif et le statut des membres dans ces groupes
changent et évoluent au fil du projet. Les groupes de travail restent l’aspect principal
du Programme cité durable. Chaque problème prioritaire identifié est défini et détaillé
pour atteindre un consensus sur les stratégies appropriées à mettre en œuvre pour
le traiter. A partir de ces stratégies, des plans d’action sont préparés puis soumis aux
organisations et aux groupes impliqués dans leur mise en œuvre. Il est souhaitable
que de petits projets de démonstration soient entrepris pour tester les approches
développées : quelques actions du plan peuvent être ainsi transcrites en projet.
Toutes ces activités doivent être menées graduellement, de façon pragmatique et
coopérative. Il est aussi possible de conduire des opérations visant à renforcer les
capacités institutionnelles et à développer les ressources humaines.
Le groupe consultatif est ensuite élargi pour former un groupe de travail bien
structuré avec des procédures opérationnelles formelles. Le groupe de travail n’est
pas organisé en fonction des institutions, des professions ou des disciplines. Ses
membres proviennent d’organisations et de groupes des secteurs public, privé et
communautaire pour assurer une participation active de tous les acteurs dont la
coopération est nécessaire. Les membres du groupe de travail doivent posséder
l’expertise ou l’information concernant la problématique pour traiter le problème et
pour développer des stratégies de gestion et des plans d’action. Ils doivent avoir des
responsabilités liées à cette problématique, c’est-à-dire contrôler les instruments de
gestion du problème, et porter un intérêt aux questions et aux stratégies
environnementales ainsi qu’aux plans d’actions.
Au fur et à mesure que les travaux du groupe de travail progressent (clarification des
problématiques, analyse des options, élaboration des stratégies et des plans
d’action), de nouveaux rôles et de nouvelles compétences peuvent s’avérer
nécessaires, ce qui conduit à identifier de nouveaux acteurs.
Les groupes de travail sont au centre de la mise en œuvre d’un projet du Programme
cité durable. Les groupes de travail sont normalement opérationnels juste après la
consultation de ville sur la base des travaux préparatoires à la consultation et durant
la consultation. Ils le restent tout au long de la mise en œuvre du processus de
planification et de gestion de l’environnement et sont la base de l’institutionnalisation
du projet à long terme.
pour l’agriculture urbaine en Afrique de l’Ouest et du Centre, abrité par l’Iagu. Des
études de cas et des profils sont élaborés sur la problématique foncière et la
réutilisation des eaux usées dans l’agriculture urbaine. Elles seront présentées lors
de la consultation de ville où le plan d’action sera élaboré avec la hiérarchisation des
actions à mettre en œuvre et leurs acteurs. La mobilisation des ressources, tant
locales qu’externes, est suivie par la mise en œuvre et le suivi-évaluation.
L’élaboration des plans locaux d’action environnementale (Plae) est aussi une
démarche efficace pour gérer l’environnement urbain. Ces plans combinent
l’évaluation des conditions environnementales locales sous forme d’audit et
l’identification des problèmes prioritaires, auxquels sont associés
• La journée de dialogue public. Elle est organisée pour identifier les problèmes
environnementaux et sensibiliser les populations à leur sujet. C’est l’occasion de
partager des expériences, de mettre au jour les conflits que peut soulever la gestion
de la ville, mais aussi de cerner les problèmes qui préoccupent le plus la population.
• L’atelier municipal de planification. Cet atelier est organisé pour clarifier le profil
environnemental de la ville, les causes et les conséquences des problèmes, leur
localisation, leurs solutions et les initiatives locales. Il s’agit :
– de rappeler les problèmes d’environnement ;
– de classer les problèmes selon leurs causes, leurs effets et les priorités ;
– de localiser les problèmes dans la ville ;
– de récapituler les expériences et les solutions locales ;
– de définir les objectifs importants ;
– d’identifier les actions prioritaires ;
– d’établir un plan programme.
regroupe tous les schémas, plans programmes et plans d’opération, est présenté aux
acteurs ayant participé aux différentes phases pour approbation.
• Code de l’hygiène
Enjeux : santé publique.
Impact sur l’agriculture périurbaine : restriction de l’emploi des eaux usées, effluents et
ordures ménagères en agriculture ; interdiction de la production alimentaire à partir des
déchets ou sur une zone polluée ou à risque ; interdiction de l’élevage domestique en
ville.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : supplément de coûts
en agriculture pour gérer la fertilité et l’irrigation ; nécessité d’autres systèmes
d’épuration des eaux usées ; pratiques clandestines ; élevages clandestins ; nonrespect
de la réglementation.
Illustration : livraison sans contrôles par les vidangeurs des eaux vannes aux
maraîchers de Dakar ; épidémie de choléra à Santiago du Chili ; détérioration des
réseaux d’approvisionnement en eau potable ; ovins, caprins et volailles élevés dans
beaucoup d’arrière-cours en Afrique de l’Ouest.
• Code rural
Enjeux : statut des agriculteurs ; valeur des baux agricoles.
Impact sur l’agriculture périurbaine : difficultés d’application de la pluriactivité de
l’agriculture périurbaine ; coût d’accès à la terre.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : limitation de la diversité des
revenus en agriculture ; clandestinité ; élimination des agriculteurs pauvres ; élimination
de l’agriculture.
Illustration : apparition de friches périurbaines.
• Code de l’urbanisme
Enjeux : mise à disposition de sols pour l’extension urbaine ; projet général public sur la
ville (schéma directeur) localisant les grandes affectations ; réglementation de l’habitat ;
localisation de l’habitat en zone favorable.
Impact sur l’agriculture périurbaine : réduction des surfaces cultivables en ville ; mise en
question de sa pérennité locale ; prévision éventuelle de sa relocalisation ; zonage
favorisant le développement de l’habitat sur les espaces d’agriculture urbaine ; zones
affectées à différents usages ; nuisances sur l’espace cultivé.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : incertitude pour agriculture
; conflits entre propriétaires, investisseurs et agriculteurs ; cohérence des choix
urbanistiques ; répartition des plus-values foncières à venir ; exercice de l’agriculture
sous le regard urbain.
Illustration : défaut d’investissement agricole.
• Fiscalité locale
Enjeux : ressource des collectivités (patentes, taxes foncières).
Impact sur l’agriculture périurbaine : accroissement des charges.
Impact sur les groupes d’acteurs et d’agents économiques : politique d’organisation par
le découpage administratif et le zonage.
Responsable de la sécurité générale des citoyens, l’Etat doit mettre en place les
conditions générales propres à une politique d’approvisionnement et de distribution
alimentaires. Les bassins de production de proximité offrent plus de garanties que les
importations ou les zones rurales éloignées, les systèmes logistiques risquant d’être
déstabilisés lors de crises géopolitiques. En corollaire, surtout si la surface cultivable
par habitant est faible (le seuil critique est de l’ordre de 0,3 ha par habitant), l’Etat
doit élaborer des règles de protection de l’espace cultivé, qui s’imposent à tout le
territoire, donc aux villes.
Ce problème de rareté se pose à l’échelle des villes : c’est en effet celle du territoire
vécu par les habitants et aussi celle de la planification opératoire (voir la première
partie). Compte tenu de la compétition entre projets de développement, il faut
d’abord que l’Etat définisse des règles du jeu intransgressibles et qu’il dispose des
moyens de faire respecter la loi.
Enfin, à l’échelle des ménages, l’approvisionnement alimentaire peut être assuré par
le marché ou par l’autoconsommation. L’approvisionnement hors marché concerne
soit des entités sociales autonomes (économie domaniale), soit des ménages qui ne
disposent pas des ressources monétaires d’accès au marché. Ils sont donc amenés
à produire leur propre consommation et ne peuvent le faire que s’ils disposent
d’accès aux ressources ad hoc, en premier lieu la terre et l’eau. A cette échelle
familiale, de nombreux pouvoirs politiques ont régulé l’accès à la terre des plus
pauvres3 ; de telles mesures ont été prises en Asie de Sud-Est après la crise
boursière de 1997.
3. Jadis, en Europe de l’Ouest, avec les terrains communaux et le droit de vaine pâture, de
glanage (après récolte des grains) et d’affouage (collecte de bois de chauffage), les pauvres
de la communauté paroissiale avaient accès à ces ressources (Fleury, 2001).
L’utilisation agricole des déchets urbains et des eaux usées exige une grande
vigilance, comme l’a montré le grave accident de Santiago du Chili en 1989, où une
épidémie de choléra s’était déclarée à partir de salades irriguées aux eaux usées
(Fleury, 2001). C’est un contexte particulièrement favorable au développement de
controverses à fondement idéologique, ce qui en rend l’approche plus difficile en
planification : c’est ainsi que l’agriculture sur les champs d’épandage d’eaux usées
est actuellement interdite dans presque toute l’Europe pour des raisons objectives
(métaux lourds), mais aussi largement subjectives (manger des déchets!).
La sécurisation environnementale
Selon les pays et les réglementations, ces processus seront acceptés ou non. En
Tunisie, par exemple, des implantations précaires (gourbivilles) se mettent sous la
protection du président pour transgresser le droit commun. Ailleurs, au contraire, le
pouvoir détruit périodiquement ces implantations (déguerpissement). Dans les pays
développés, le contexte politique ne permet plus le développement des bidonvilles,
remplacés par une urbanisation sommaire (Fleury, 2001).
L’intervention directe du pouvoir politique est vieille comme la ville, puisque la ville
est précisément le siège du pouvoir. Elle relève de trois domaines : l’affirmation de la
délimitation territoriale (régime fiscal et politique), l’accompagnement des grands
investissements et la mise en place de la représentation du pouvoir (urbanisme,
architecture). Cette dernière caractéristique est visible dans beaucoup de capitales et
constitue réellement un argument politique (Fleury, 2001), souvent invoqué contre
l’agriculture par les responsables municipaux qui veulent une ville propre et moderne
et qui pensent que l’agriculture en ville est archaïque. Les modalités d’intervention de
la puissance publique se traduisent surtout par des réglementations.
Comme l’a énoncé le premier chapitre, l’effet incontrôlé de la rente foncière est
d’engendrer la friche sociale, c’est-à-dire une solution de continuité entre des usages
organisés agricoles et les usages urbains. Les couronnes périurbaines sont par
essence mobiles : l’agriculture y est en permanence en situation de voir son espace
investi. Parfois, elles accueillent des fonctions
qui leur confèrent une protection, par exemple des résidences de loisir, mais le plus
souvent elles sont envahies par des activités urbaines nuisibles, de voisinage
désagréable, ou ouvertes à l’habitat précaire.
On peut remarquer qu’il existe d’autres systèmes régulateurs efficaces pour éviter la
friche sociale et assurer le maintien de l’état agricole organisé. C’est le cas du régime
français de tenure appelé fermage : en liant la redevance de bail au système de
production agricole, il la déconnecte de la valeur foncière, le terrain reste cultivé tant
qu’il est cultivable, c’est-à-dire tant que son lien matériel à l’espace agricole est
assuré.
La proportion d’habitants qui n’ont pas accès au marché est devenue assez forte
pour provoquer dans les grandes villes une crise urbaine. Leurs besoins alimentaires
sont trop forts pour qu’ils prennent beaucoup de précautions de droit : la friche
sociale et les terrains insalubres ont ainsi trouvé preneur. De fait, l’usage illégal des
friches agricoles sociales est toléré6. Ce n’est pas tant l’usage en soi que craignent
les spéculateurs fonciers que la légitimation d’un droit ; il relève de l’Etat d’assurer la
durabilité de la ville en développant des dispositifs ad hoc en faveur de l’habitat
social7. C’est précisément l’enjeu de la planification que de projeter sur la ville
d’autres règles et d’autres formes.
La conception des villes oscille entre deux pôles d’organisation spatiale, la ville
horizontale et la ville verticale, distinctes au premier abord par la densité de
population et la forme du bâti.
La première est faite d’une multitude de maisons individuelles avec jardin, faciles à
construire, qui ont généralement la faveur des habitants. Elle engendre des coûts
d’infrastructure, provoque une pollution liée à la circulation automobile et consomme
beaucoup de surface. Elle n’est pas propice à une vie sociale développée mais
favorise l’intimité familiale, et les jardins sont le lieu de pratiques agricoles souvent
très recherchées. La structuration spatiale de la ville est surtout définie par le réseau
interurbain et intra-urbain des voies, ferrées ou routières. Même dans le cas où
l’espace vert est très privatif, on commence à admettre l’utilité de coupures vertes,
qui cassent la monotonie de la ville et accèdent au rang d’équipement structurant.
A l’opposé, la ville à forte densité privilégie les immeubles de grande hauteur, qui
libèrent au sol de vastes surfaces non bâties disponibles pour des espaces verts. Les
atouts environnementaux sont nombreux : réduction des coûts et des nuisances liés
à la circulation, meilleur partage de la lumière, abaissement des coûts grâce à
l’industrialisation de la fabrication de la ville, collecte et traitement des déchets. Ce
choix a souvent été fait pour répondre aux grandes crises de logement, comme en
France dans l’après-guerre et dans la période de forte immigration, où les pouvoirs
publics ont assumé la direction de l’urbanisation. Les habitants en apprécient
certains aspects (simplification des tâches, sécurité, proximité), mais regrettent
l’excès de vie collective par rapport à la vie familiale. Si l’urbanisme est bien maîtrisé,
cette forme libère de vastes espaces au sol. Dans le passé, ils ont plutôt été dédiés à
des espaces verts publics, conçus comme un service collectif.
La ville durable doit assurer des conditions de vie meilleures à tous ses habitants et
leur permettre de participer aux décisions collectives. Les espaces ouverts en sont
l’un des éléments clés. L’agriculture peut les occuper, mais est-elle en soi durable?
tiquent n’est pas stable. La population immigrante, qui en est souvent actrice, vit
l’insertion dans un autre milieu culturel, voire dans une autre civilisation, celle de la
ville. Même déterminé par la nécessité économique, le changement est souvent
irréversible, sauf quand l’application du droit le contrôle étroitement (contrats de
travail très stricts, interdiction de l’immigration familiale). La population locale à faible
revenu peut aussi rêver d’améliorer sa situation.
Dans cette conception, l’agriculture urbaine alimentaire pourrait n’être que transitoire,
aux pas de temps ordinaires de l’évolution socio-économique. Elle aurait alors
vocation à rester marginale, au double sens de la localisation aux marges de la cité
et de sa faible importance. Sa pratique peut donc s’interpréter comme un moyen de
faciliter ce passage, notamment sur le plan de l’économie familiale. Il s’agit alors
moins de la maintenir que de réduire sa nécessité, soit de façon malthusienne, en
limitant l’afflux d’autres populations, soit par une politique active de développement
social.
8. Les marais intra-urbains de Bourges (France) ont été proposés au classement de site
comme patrimoine technologique agricole parce que l’ensemble de l’aménagement comme
espace maraîcher a été conçu au XVIIe siècle. Ils sont actuellement très vivants et repris
comme jardins familiaux ; certains se sont alors demandé s’il fallait, dans le classement,
proscrire l’usage en jardin d’agrément. . . (Fleury, 2001).
On voit ainsi se profiler un vaste projet unificateur entre les différents pays,
développés ou non, une clé de reconnaissance : l’espace de l’agriculture urbaine,
comme gage de paix sociale et de qualité paysagère. La justification de l’agriculture
se transforme, mais son espace devient une valeur forte pour une autre territorialité
urbaine. Le principal déterminant de son évolution serait alors le niveau de vie, en
interaction probable avec les références culturelles locales.
Le projet dans les documents d’urbanisme
Les documents d’urbanisme, en particulier les schémas directeurs d’agglomération et
leurs traductions locales (plan d’occupation des sols), matérialisent ces choix. Ils sont
cependant généralement mal adaptés à l’agriculture, l’espace agricole étant une
terre inconnue pour l’urbanisme traditionnel car la ville s’est développée sur les
espaces périphériques sans considérer leur état socio-économique comme un
système de contrainte. C’est d’autant plus vrai que, du moins en France, les
initiatives illégales de construction ne sont guère réprimées et, le cas échéant, ne
font jamais l’objet d’une astreinte pour une remise en l’état antérieur. Autrement dit,
la récente prise en compte des espaces agricoles dans la planification n’est due qu’à
l’émergence de nouvelles préoccupations et de nouveaux rapports sociaux9. C’est
donc une
approche intégrée espace-temps qu’il faut envisager, parce que c’est la dimension
de l’agriculture.
Cependant, l’agriculture rurale classique reste souvent présente aux portes des
villes, avec des systèmes agricoles ou d’élevage. Les conditions sont plus difficiles,
mais les propriétaires utilisent la plus-value foncière pour financer le redéploiement
de leur exploitation vers l’extérieur, selon un mécanisme de délocalisation. Cette
agriculture périurbaine est d’autant plus importante que le développement des
transports favorise le découplage entre les bassins de production et de
consommation10.
Quel que soit son niveau d’intensification économique, l’agriculture a besoin d’une
sécurité spatiale durable, parce que ses infrastructures ne sont
10. C’est un paradoxe mal compris des urbanistes qui, comme ils manquent de références
en matière agricole, considéraient comme une évidence la ceinture verte agricole
d’approvisionnement (Fleury, 2001).
que peu ou pas déplaçables. Certaines sont bien visibles et, partant, bien identifiées
par les aménageurs, comme les bâtiments techniques. Mais ce n’est pas le cas des
infrastructures commerciales et industrielles de l’agro-alimentaire, peu visibles et mal
identifiées à l’extérieur du métier agricole.
11. C’est au XIVe siècle qu’à Paris la libre divagation des porcs a été interdite (Fleury, 2001).
De même que pour le sol, l’ensemble de ces exigences se décline sur un pas de
temps long, parce qu’elles impliquent des processus écologiques et sociaux lents.
Cela ne signifie pas nécessairement que l’agriculture doit se maintenir indéfiniment in
situ, mais que, si son déplacement est nécessaire, il faudra en prendre le temps afin
que les conditions de son déplacement soient satisfaisantes.
Les structures territoriales des villes sont souvent anciennes et très diversifiées. Or,
la gestion intégrée des espaces selon le concept territorial d’agriculture urbaine
implique que les espaces agricole et bâti relèvent de la même autorité publique.
C’est une condition nécessaire bien que non suffisante12.
L’aire urbaine, constat géographique des territoires vécus, devient peu à peu la base
matérielle pour formuler un projet cohérent de territoire, parce qu’elle prend en
compte l’ensemble des pratiques de la société sur l’espace ouvert périurbain et l’aire
nécessaire d’extension urbaine. Tant que cette unité n’est pas réalisée par la fusion
des collectivités locales en une entité plus vaste, la ville-centre s’autorise souvent à
reporter sans organisation ses externalités négatives sur sa périphérie13. Cette
échelle, généralement nouvelle et donc sans expertise locale approfondie, permet
une réexploration locale du territoire afin de mieux répondre à des questions mal
résolues par les politiques publiques actuelles. Ainsi, on peut penser aux supports
spatiaux de la biodiversité, où les espaces abandonnés reprennent un sens, et aux
lieux d’insertion de pratiques sociales spontanées, de type agriculture urbaine et
autres (nomades, déchets, etc.).
Les villes ont besoin de se projeter à long terme, parce que la réalisation des
grandes infrastructures est longue et implique des investissements considérables. Un
schéma directeur oriente l’aménagement à vingt ans, encore que les capacités de
prévision soient limitées14. Ce pas de temps rejoint d’ailleurs celui de l’agriculture.
Les villes-centres et les collectivités périphériques ont un effort important à faire pour
se réunir dans un projet agricole commun (intercommunalité de projet).
12. Par exemple, la ville de Rome est, malgré ses 2 millions d’habitants, la plus grande
commune agricole d’Europe ; elle comprend 800 km2 d’espace agricole, mais n’a pas pour
autant de politique agri-urbaine (Fleury, 2001).
13. A Montpellier même, le district (14 communes), qui considère comme réserve foncière
une large partie de l’espace ouvert, est toujours à la recherche de la localisation de l’usine
de traitement de ses déchets. Le passage en communauté d’agglomération (41 communes
prévues) permettra de mieux traiter un tel problème (Fleury, 2001).
14. On constate en effet que les prévisions de croissance urbaine des années 1960 étaient
souvent erronées, parce que les hypothèses sur lesquelles elles étaient bâties ont été
invalidées (Fleury, 2001).
Les documents d’urbanisme doivent être assez ouverts pour permettre l’installation
de l’agriculture, dans différents cas de figures d’occupation durable en milieu peu
constructible (zones inondables, pentes très fortes) comme en milieu construit
(agriculture hors sol). Ils doivent s’intéresser explicitement à la multifonctionnalité de
l’espace (gestion durable d’espace produit par une autre activité). Ils traduisent ainsi
la volonté collective d’implanter l’agriculture urbaine.
L’eau est presque toujours une question cruciale (sauf dans les zones inondables à
nappe phréatique pérenne), d’autant plus que l’agriculture, qui la transforme en
vapeur, la consomme, alors que la plupart des utilisations citadines la dégradent en
eaux usées. L’exploitation de la nappe phréatique — le maraîchage est l’exploitation
d’un marais, c’est-à-dire d’une zone marécageuse aménagée (Fleury, 2001) — doit
être coordonnée à l’échelle de la zone agricole et reconnue en droit pour que
l’aménagement général ne prive pas l’agriculture de l’eau (voir l’évolution dans les
Niayes dakaroises). Plus généralement, il s’agit d’inscrire l’agriculture comme partie
prenante légitime dans les ressources en eau locales.
La facilité d’accès est très importante, car les circulations agricoles, même limitées
aux déplacements d’animaux de bât ou de charrettes à bras, se font à des vitesses
et des encombrements très différents de la circulation générale. L’accès aux zones
agricoles doit donc être spécifiquement prévu, en relation avec les zones d’habitat.
Au sein même des zones agricoles la desserte des emprises individuelles doit être
également pensée. Parallèlement la sécurité
des productions doit être assurée et donc sa surveillance, le vol (produits, outils)
étant souvent un problème majeur.
Sur la question des déchets (voir le chapitre 5), l’usage agricole doit être sécurisé par
rapport aux risques du recyclage. A cette condition, l’agriculture devient un élément
central de l’organisation des systèmes d’assainissement et donc le partenaire d’une
composante importante de la politique de planification.
Enfin, les relations entre l’agriculture urbaine et l’agriculture rurale doivent être
maintenues, car ces deux agricultures ont des besoins semblables en matière
d’encadrement technique et de recherche agronomique, par exemple. Ces relations
sont physiques (circulation des matériels et des approvisionnements) et
immatérielles (circulation des informations).
Enfin, l’implantation hors sol de l’agriculture dans le bâti classique devrait faire l’objet
de réglementations spécifiques de construction et donner naissance à des formes
architecturales originales.
La place du paysage
Dans cet esprit, les citoyens ne doivent pas s’en tenir à des évaluations négatives :
une agriculture utilisant les déchets, pratiquée en partie par des étrangers à la ville
souvent pauvres et localisée dans des espaces sans usage urbain. Une telle
représentation ne peut que légitimer la volonté d’éliminer l’agriculture urbaine. Au
contraire, il est important de construire des images positives, fondées sur les effets
bénéfiques de l’agriculture périurbaine sur la qualité de la ville tant sur le plan de
l’environnement et du paysage que de l’insertion ou de la réinsertion sociale (Fleury,
2001). Les citoyens prendront mieux conscience que l’autonomie alimentaire des
nouveaux venus est un gage de paix sociale.
Dès que la puissance publique attend de l’espace cultivé une production spécifique
(souvent dite immatérielle), elle est prête à s’engager dans une définition
contractuelle avec les acteurs de cette production. Même si la situation des pays en
développement n’est pas favorable aux engagements financiers, elle permet
d’imaginer de multiples formes de troc juridique.
Dans la plupart des pays, un statut particulier, écrit ou non, souvent ancré dans le
droit coutumier, définit le droit spécifique de l’agriculteur et ses rapports au sol et à la
société (Fleury, 2001). Le statut de l’agriculteur urbain doit prendre en compte un
autre contexte : autres rapports au sol, diversité sociale, multiactivité, etc. Il est donc
indispensable de rédiger un code de l’agriculture urbaine.
alimentaire, d’insertion sociale, etc. C’est ce qui lui confère le droit à un espace
garanti.
Conclusion
L’agriculture n’avait pas sa place en ville, où elle était considérée comme marginale
et provisoire. Alors que certaines composantes sociales cherchent en permanence à
la maintenir ou à la réintroduire, d’autres tendent à l’éliminer, parfois de bonne foi (au
nom de la modernité de la ville, entre autres), souvent au nom d’intérêts particuliers
(le prélèvement de la rente foncière).
Pour introduire la société dans son ensemble et sa diversité dans la définition des
orientations de la politique de la ville, il est nécessaire de substituer la planification
stratégique aux méthodes habituelles de planification. La planification stratégique
doit favoriser la réécriture de certaines parties du code de l’urbanisme à la lumière de
pratiques sociales reconnues comme légitimes et refonder ainsi le droit à la ville.
Les villes devraient alors apparaître comme plus habitables et donc plus durables.
Plus habitables, parce qu’une fraction de leur population se trouvera légitimée dans
sa présence et que l’agriculture permet d’introduire, à bon compte, la nature dans la
ville. Plus durables, parce que l’équité reste le fondement le plus sûr de la paix
sociale, établie sur la reconnaissance réciproque de la légitimité des groupes
constitutifs de la société urbaine.
L’agriculture urbaine ne peut plus gérer seule son devenir, elle doit s’engager à
répondre aux attentes urbaines. Le principe de réciprocité doit s’appliquer : à partir
du moment où la ville lui assure la durabilité, elle doit s’astreindre à accepter la
négociation avec les autres acteurs.
Références bibliographiques
Bryant C.R., Johnston T.R.R., 1992. Agriculture in the city’s countryside. Londres, Royaume-
Uni, Belhaven Press.
Dubois-Taine G., Chalas Y., 1997. La ville émergente. La Tour d’Aigues, France, Editions de
l’Aube.
Larcher G., 1998. Les terroirs urbains et paysagers, pour un nouvel équilibre des espaces
périurbains. Paris, France, Librairie du Sénat.
3. La gestion concertée
et durable des filières
maraîchères urbaines
Dans le chapitre précédent, nous avons vu que, pour pérenniser les activités
agricoles en ville, il est indispensable de les prendre en compte dans les politiques
de développement urbain. En effet, le maintien de l’agriculture en ville ne s’inscrit pas
« naturellement » dans les objectifs prioritaires des gestionnaires de la ville, qui
visent plutôt le développement de l’habitat, objectif défavorable au maintien de
l’agriculture dans l’espace urbain. C’est en faisant prévaloir les diverses fonctions de
l’agriculture urbaine et sa contribution à des objectifs politiques — emploi et création
de revenus, alimentation, coupures vertes et gestion des déchets —, que les
gestionnaires politiques peuvent être amenés à protéger l’agriculture de la ville de sa
substitution par le bâti ou, au moins, à accompagner ses déplacements par des
mesures financières et réglementaires. Ainsi, les rapports de l’agriculture à la ville
doivent être considérés à la fois en termes de fonctions productives ou matérielles
(production d’aliments et de revenus) et dans leurs fonctions non productives, de
gestion de l’environnement et du cadre de vie.
Pourquoi le maraîchage?
Dans les études menées en Afrique, le maraîchage apparaît comme la principale
activité de l’agriculture urbaine. Cette situation tient à plusieurs facteurs :
– la proximité de la ville, qui entraîne une spécialisation des systèmes de production
dans les cultures à haute valeur ajoutée ou périssables (voir le chapitre 1) ;
– les exigences variables en capital et en expertise de ces productions, qui les
rendent accessibles à des populations aux ressources diverses — ces exigences
sont faibles pour les légumes-feuilles, qui peuvent être cultivés près des maisons
avec des ressources exclusivement locales, elles sont plus élevées pour des
systèmes intensifiés à base de variétés importées ;
– les cycles courts des cultures maraîchères, moins de trois mois, qui sont adaptés
au caractère précaire des activités en milieu urbain et au manque de ressources
financières de certaines populations urbaines ;
– l’adéquation des légumes à l’alimentation en milieu urbain, où ils permettent de
diversifier les régimes alimentaires ;
– les faibles exigences en capital de départ du commerce de légumes frais.
jouant sur les complémentarités entre ces deux types d’agriculture (Moustier, 1996).
A Bangui, comme à Bissau, la part des champs villageois dans l’approvisionnement
en tomate passe de 40 % à 50 % entre la saison sèche et la saison des pluies
(David, 1992 ; David et Moustier, 1993). L’accès à des terrains non inondables est
plus aisé en milieu rural, d’où une possibilité de relais en saison des pluies. Pour
Nouakchott, Margiotta (1997) indique également une complémentarité saisonnière
entre agriculture urbaine et agriculture rurale, avec des flux en provenance du milieu
rural qui restent beaucoup plus importants que ceux de l’agriculture urbaine (20 000
tonnes et 6 000 tonnes respectivement), mais une période d’approvisionnement plus
longue pour l’agriculture urbaine que pour l’agriculture rurale (9 mois sur 12 au lieu
de 3 mois sur 12). Ces études montrent en outre que les activités de maraîchage
permettent d’y nourrir une famille toute l’année (mais seulement 4 mois à Bissau).
Mis à part le cas des femmes cultivatrices des champs vivriers où sont produits des
légumes indigènes comme le gombo ou, à l’autre extrême, celui des entrepreneurs
capitalistes pluriactifs, qui combinent tout un portefeuille d’activités agricoles
(maraîchage, élevage, pisciculture, arboriculture), le maraîchage commercial est
typiquement le fait de citadins peu qualifiés, qui en tirent l’essentiel de leurs revenus,
même s’ils peuvent les compléter par d’autres sources (activité du conjoint, petit
commerce, etc.). Cette relative spécialisation correspond à la sélection de
productions qui offrent des avantages comparatifs par rapport à celles des zones
rurales, mais aussi au savoir-faire technique que requiert le maraîchage.
Ces contraintes et ces atouts confèrent aux cultures maraîchères en zone urbaine
des caractéristiques qui les différencient de celles des zones éloignées des villes.
Les légumes les plus périssables, comme les légumes-feuilles, sont majoritairement
fournis par les zones les plus proches des villes, à la différence des légumes secs
comme l’oignon ou le haricot. Les systèmes de production urbains ont une forte
valeur ajoutée à l’hectare et sont intensifiés (par rapport à l’eau et aux intrants). On y
observe une forte différenciation en fonction de la taille des parcelles, du niveau
d’intrants, du type de légumes et des sources de revenus extra-agricoles. Les
producteurs spécialisés sont motivés par des revenus réguliers et cumulent les
fonctions de production et de commerce.
Le diagnostic de la consommation
Le diagnostic de la consommation permet de préciser la place des légumes dans les
pratiques de consommation et les déterminants des choix des consommateurs. Ces
deux volets doivent s’appuyer sur des éléments de typologie des ménages et des
produits.
Les typologies
• La typologie des produits. A partir d’une liste de légumes présents sur les marchés,
on peut établir une typologie des produits selon les critères suivants :
– les légumes les plus importants dans les rations ou ceux pour lesquels les
consommateurs souhaitent le plus une amélioration de l’approvision-nement ;
– les légumes qui fournissent le plus de revenus aux exploitations maraîchères.
La place des légumes dans la consommation doit être analysée selon plusieurs
critères : quantités, valeurs nutritionnelles, fréquences de consommation, dépenses
occasionnées, mais aussi statut particulier des légumes dans les repas — des
légumes peuvent être employés en faible quantité mais être indispensables aux
sauces. L’importance dans la consommation peut d’autre part ne concerner qu’un
groupe d’individus dans le ménage, par exemple les enfants.
laitue ou la carotte, est plus sensible au revenu du ménage. Ces informations sont
parfois disponibles dans les enquêtes budget-consommation ou doivent être
complétées par des enquêtes spécifiques sur un échantillon de ménages.
Les prix des légumes font l’objet de très fortes variations saisonnières. Il est
important de connaître les réactions des consommateurs à ces variations. S’ils y sont
très sensibles et réduisent fortement les quantités consommées, une action de
développement de l’offre en légumes permet un bon écoulement des produits par les
producteurs et les commerçants et une amélioration du bien-être du consommateur.
Pour analyser la variation de la consommation par rapport aux prix, on peut suivre
son évolution pendant deux périodes de l’année, l’une de prix élevés et l’autre de prix
bas. Cette étude peut être complétée par le suivi des quantités consommées à
chacune des périodes considérées. Le problème qui se pose est que tous les
légumes ne sont pas disponibles en même temps, d’où l’intérêt de limiter le suivi à
quelques légumes pour l’analyse. Cette étude doit permettre de connaître :
– la sensibilité des consommateurs aux variations de prix et donc, les effets
escomptés d’actions permettant d’abaisser les prix à certaines saisons, pour certains
produits ;
– les stratégies de report d’un légume à l’autre selon les disponibilités respectives,
qui peuvent conduire à favoriser la diversité des espèces disponibles sur les
marchés.
L’analyse repose sur un suivi des prix effectué sur des points de vente au détail
représentatifs de leur diversité, à une fréquence rapprochée, au moins mensuelle. Il
faut rappeler ici les difficultés et les dangers des enquêtes sur les prix : un prix n’a de
sens que s’il est bien spécifié dans le temps et dans l’espace (type de marché), pour
un produit défini en terme de qualité et une quantité précise. Si l’on dispose de
données sur une longue période — par exemple les quantités consommées et les
prix, relevés chaque mois pendant trois ans pour un échantillon représentatif de
ménages —, on pourra procéder à une analyse économétrique de l’élasticité-prix de
la consommation.
La gastronomie africaine intègre surtout des produits que la ménagère est à peu près
sûre de trouver à tout moment sur le marché. Les produits disponibles
Le repérage des flux vise à déterminer l’origine des produits approvisionnant les
consommateurs finaux (lieux de production locale, origine des produits importés) et à
reconstituer les flux entre lieux de production et lieux de consommation. Le repérage
doit aboutir à localiser sur une carte des lieux de production et de vente en gros et au
détail ainsi que des infrastructures de stockage et de transformation et des voies de
communication. On trace les
flux des produits entre ces différents espaces, en distinguant les flux d’origine
urbaine, périurbaine, rurale, régionale et internationale.
Pour estimer le poids relatif des différentes origines dans l’approvisionnement des
consommateurs urbains, on utilise un indicateur indirect, le pourcentage de
détaillantes commercialisant les produits de différentes origines. En effet, tous les
produits commercialisés de l’agriculture urbaine passent par un stade de vente au
détail alors que le stade de vente en gros n’est pas systématique. Par ailleurs, les
détaillantes connaissent généralement la zone de production des produits
commercialisés. Ces données sont obtenues par enquête sur un échantillon
représentatif de détaillantes, interrogées à différentes périodes de l’année pour
prendre en compte les variations saisonnières.
La part de jardins situés dans la ville et dans sa périphérie proche dans
l’approvisionnement en légumes feuilles est de 80 % pour Brazzaville, de 100 % pour
Bangui et de 90 % pour Bissau et Antananarivo. Le reste de l’approvisionnement est
assuré par train ou par camion pour des zones plus éloignées (Moustier et David,
1997). Pour les autres légumes, les zones rurales jouent un rôle important dans
l’approvisionnement, même pour un produit périssable comme la tomate. La part des
champs villageois, situés à plus de 50 km du centre urbain, dans l’approvisionnement
en tomate est de 80 % à Brazzaville, de 60 % à Bangui et de 50 % à Bissau (ces
pourcentages concernent à la fois la tomate sauce et la tomate européenne). Mais la
part de l’agriculture urbaine augmente en saison sèche du fait d’un recours à
l’irrigation, alors que l’agriculture rurale est surtout pluviale.
Les marchés sont les lieux d’échange les plus caractéristiques. Cependant,
beaucoup de transactions sont réalisées en dehors des places de marché :
directement sur les lieux de production, dans les entrepôts, près des gares, aux
points de stationnement des camions. On peut classer les marchés selon la
régularité des transactions : les marchés spontanés, les marchés périodiques, les
marchés permanents. On peut aussi les classer selon la place qu’ils occupent dans
la chaîne d’approvisionnement :
– les marchés de détail sont les lieux d’approvisionnement des consommateurs. On
distingue les marchés de détail selon la nature de la clientèle (marché populaire ou
marché à clientèle aisée) dans la mesure où l’assortiment des produits disponibles,
leur qualité et leur prix sont intimement liés au pouvoir d’achat des consommateurs
qui s’y approvisionnent ;
– les marchés de gros sont les lieux de transactions des producteurs-grossistes et
des grossistes-détaillants. On distingue les marchés de production (transactions
producteurs-grossistes dominantes), les carreaux (transactions producteurs-
détaillants), les marchés de redistribution (transactions grossistes collecteurs-
grossistes-distributeurs ou grossistes-détaillants).
Il est important de connaître les critères de choix des fournisseurs par les
commerçants, tout particulièrement lorsqu’ils s’adressent à des fournisseurs de
produits importés pour savoir comment augmenter la part de marché des productions
locales. Ces critères peuvent être les suivants :
– le lien de parenté ou la connaissance de longue date, qui établit une relation de
confiance et garantit la régularité de l’approvisionnement et la qualité des produits ;
– les prix avantageux par rapport à d’autres sources ;
– une qualité supérieure, par exemple une durée de conservation plus longue ;
– la possibilité d’acheter les quantités nécessaires ;
– des conditions de paiement avantageuses (paiement différé, crédit) ;
– la possibilité d’acheter d’autres produits que les légumes.
Il est fréquent que les commerçants, faute d’autres sources de revenus que la vente
des légumes, adoptent des stratégies antirisque, par exemple :
– la diversification des produits commercialisés ;
– le choix des produits dont l’approvisionnement et l’écoulement sont les plus sûrs ;
– la limitation du fonds de roulement et du capital investi ;
– le stockage ou la transformation des produits.
Les stratégies des commerçants visent à satisfaire leurs intérêts. Ces intérêts offrent
à la fois des points de convergence et des points de divergence avec ceux des
autres acteurs de la filière, comme les producteurs, en particulier du fait des tensions
qui existent autour de la formation des prix.
La formation des prix des légumes entraîne celle des revenus dans les filières. Elle
dépend étroitement des pouvoirs de négociation entre vendeurs et acheteurs, c’est-
à-dire de la capacité relative des différents acteurs à obtenir des conditions
avantageuses au cours d’une transaction commerciale. Ces conditions peuvent avoir
trait au prix, aux quantités, à la qualité, au délai de paiement, au lieu et au moment
de la transaction. D’une manière générale, plus les pouvoirs de négociation sont
concentrés entre les mains de certains acteurs, plus les rémunérations sont
inégalement réparties et moins les ajustements entre l’offre et la demande sont
fluides. Aussi, lorsqu’un changement dans la consommation se produit, il est possible
qu’il soit mal répercuté sur la production.
Cependant, ces conditions idéales ne sont jamais réunies et sont difficiles à mettre
en œuvre. Il est en particulier impossible d’obtenir une information juste sur l’état
futur de la production et de la consommation. Les marchés africains sont tous en
situation de concurrence imparfaite.
Il est difficile de mesurer directement les pouvoirs de négociation mais il existe des
indicateurs indirects :
– la distribution des moyens, par exemple, le commerçant ou le producteur peut
exploiter le besoin de trésorerie de son partenaire. Celui-ci sera obligé de vendre ou
d’acheter dans des conditions de marché défavorables alors qu’il aurait pu attendre
un prix plus élevé si sa situation monétaire n’était pas tendue ;
– dans les filières des légumes, la distribution du capital « stockage » et « transport »
est déterminante pour comprendre les pouvoirs de négociation ;
– dans les filières des produits stabilisés (oignon, pomme de terre et concentré de
tomate), ce capital est typiquement concentré entre les mains des grossistes, qui
sont les points clés de fixation des prix et volumes ;
– dans les filières de produits frais, c’est le maillon du transport qui est le plus
déterminant. Dans l’agriculture périurbaine, où les légumes peuvent être distribués à
pied, en bus et en taxi, les pouvoirs de capital « transport » et ceux de négociation
sont assez équilibrés. En revanche, dans les zones rurales, un grossiste collecteur
peut représenter un point de blocage des volumes et de la fixation des prix s’il
contrôle le maillon du transport.
Les variations de prix dans le temps et dans l’espace reflètent l’état de l’offre et de la
demande ainsi que la qualité de l’information des différents acheteurs et vendeurs
sur cet état. Par exemple, un commerçant peut demander à un producteur de vendre
ses produits à un prix plus bas que d’ordinaire en arguant du fait que les
consommateurs réduisent leurs achats en raison de problèmes budgétaires. Pour
conserver son revenu ou ne pas trop le voir baisser, le commerçant doit bénéficier
d’un prix à l’achat minimal. Cependant, le producteur est parfois incapable de vérifier
l’information sur la consommation que lui transmet le commerçant, à cause de
difficultés de liaisons avec la ville ou de manque de temps. Le producteur n’ayant pu
vérifier l’information, le commerçant peut alors exploiter ce défaut d’information en
achetant des denrées à un prix minimal.
Les analyses économiques de la formation des prix et des revenus dans les filières
doivent s’appuyer sur le suivi des comptes de résultats (charges-produits) des
différents acteurs, à intervalle régulier pour tenir compte des variations saisonnières
(Duruflé et al., 1995).
Les acheteurs et les vendeurs sont souvent liés par des relations de longue durée,
qui ont permis d’instaurer la confiance et d’établir des engagements réciproques. Ces
engagements prennent différentes formes :
– la garantie de priorité d’achat ou de vente entre les partenaires du contrat, qui
permet d’écouler plus rapidement un produit et limite les risques de mévente ;
– la fourniture d’intrants par le commerçant au producteur (cas du Sénégal) ou
l’octroi par le producteur d’un délai de paiement au commerçant (cas de Brazzaville) ;
– la fourniture d’intrants par le commerçant au producteur dans le cas où le
producteur serait limité en terme de trésorerie avant la campagne (cas du Sénégal).
Les résultats de l’observatoire sont diffusés à deux types d’opérateurs : Agricongo et,
d’une manière générale, les organismes pouvant intervenir dans le domaine du
développement maraîcher pour mieux connaître les périodes de baisse de l’offre et
ses facteurs explicatifs et apporter les solutions ; les professionnels de la filière,
essentiellement les producteurs de légumes et les commerçants.
Ces destinataires n’ont pas les mêmes exigences de rapidité de l’information, ce qui
implique des modes de diffusion différents. L’information pour le premier type
d’opérateur est transmise, tous les deux mois, grâce à un bulletin de quelques
pages, qui fournit les informations de base sur l’état des filières sous forme de
tableaux ou de graphiques et les commente (tendances des prix, quantité par
origine, compte des agents de la filière, tendances de consommation) ; deux fois par
an, par des rapports qui détaillent les informations sur la saison passée et, une fois
par an, par un document de synthèse. L’information pour le deuxième type
d’opérateur est diffusée lors d’une journée d’information, qui a lieu deux fois par an,
au début de chaque saison, et qui permet aux producteurs et aux commerçants de
se concerter pour approvisionner plus régulièrement le marché.
Un travail préliminaire avec les acteurs de la filière est réalisé par les responsables
de l’observatoire économique afin de recenser les thèmes importants qui seront
développés au cours de la journée. En dehors de ces thèmes sont aussi présentés le
bilan de la saison écoulée et la préparation de la saison à venir.
L’accès au foncier
Les agriculteurs urbains cultivent pour la plupart des terrains sur lesquels ils n’ont
pas de maîtrise foncière. L’accès au foncier est la contrainte majeure dans de
nombreux pays (Congo, Cameroun, Guinée-Bissau. . .) et l’une des sources de
différenciation des systèmes de production et des revenus. La culture choisie est
généralement d’autant plus risquée que la surface foncière est élevée (légumes de
type européen, légumes-feuilles traditionnels).
Le climat
Une différenciation climatique peut être établie selon la zone géographique : Afrique
tropicalo-équatoriale (longue saison humide) et Afrique soudanosahélienne (longue
saison sèche). La contrainte climatique majeure est la concentration et l’intensité des
pluies pendant quatre à six mois de l’année. Ces pluies occasionnent des dégâts
physiques (inondations, érosions, destruction des pépinières) et parasitaires
(maladies fongiques et bactériennes particulièrement) importants (Moustier et
Essang, 1996). Par ailleurs, en fin de saison sèche, les cultures et les pépinières
souffrent du manque d’eau. Ces contraintes, qui empêchent une mise en valeur
permanente des parcelles, peuvent être levées, d’une part, en ayant recours à
l’irrigation, d’autre part, en utilisant des abris et un paillage en saison des pluies ou
encore en choisissant, quand cela est possible, des terrains non inondables. Ces
terrains sont plus disponibles en zone périurbaine qu’en ville. En saison sèche, seuls
les cultivateurs de plein champ disposant de terrains près de cours d’eau ont recours
à l’arrosage compte tenu de la force de travail qu’il requiert (rareté des équipements
d’irrigation). Ces contraintes naturelles expliquent en grande partie la saisonnalité de
l’approvisionnement urbain et la nature des légumes urbains.
L’Afrique tropicale se caractérise par une forte production de légumes-feuilles en
plein champ pendant la saison des pluies, tandis que les jardins maraîchers de
saison sèche avec une production de légumes tempérés (carottes, tomates,
aubergines) sont caractéristiques de l’Afrique sahélienne.
La pression parasitaire
nique, mais aussi et surtout par leur mode de gestion de la fertilité (jachère, crue,
fumure organique, engrais minéral).
Le calendrier cultural
A Bangui, sur les terrains de polyculture vivrière situés autour de la ville, pour des
raisons avant tout alimentaires, le producteur combine sur son champ vivrier
plusieurs cycles de manioc décalés dans le temps (David, 1992). Le cycle agricole
commence en janvier, en saison sèche, par la défriche d’un hectare environ. Les
terrains sont emblavés en légumes et maïs après les pluies de mars. Le bouturage
du manioc a lieu en juillet-août. Le producteur associe trois variétés de manioc —
une de six mois, une de dix mois et une d’un an — afin d’étaler les récoltes. Les
feuilles des trois variétés sont vendues sur les marchés. La principale période de
récolte des légumes va de mai à août. Les agriculteurs bénéficiant d’un terrain situé
le long d’un cours d’eau cultivent des légumes en saison sèche, cette fois en
monoculture. Aucun intrant n’est apporté aux cultures. En ville, les jardins urbains
combinent toute une gamme de légumes selon la longueur de leur cycle, leur degré
de risque à la production et à la vente. Les jardins sont toutefois dominés par la
tomate et les légumes de type tempéré, qui représentent le tiers des planches. Les
semences des légumes tempérés sont achetées alors que celles des légumes locaux
sont produites par les maraîchers. Plus de 80 % d’entre eux utilisent des engrais, du
fumier et des pesticides et arrosent systématiquement leurs planches, ce qui permet
une culture de saison sèche. En saison des pluies, les cultures sont fortement
exposées aux dégâts physiques et phytosanitaires liés aux précipitations.
d’autres activités : récolte de la noix de cajou, commerce. A partir de juin, les femmes
reviennent au maraîchage en cherchant un autre terrain non inondable, le plus
souvent éloigné de la ville. Elles cultivent généralement des légumes locaux car ils
sont moins chers à produire, plus faciles à cultiver et moins sujets au vol : oseille de
Guinée, piment, gombo, aubergine amère. Le coefficient d’intensification cultural est
de 1,5 pour une année. Cette intensification est une réponse à la pression foncière et
à la réduction des surfaces disponibles.
L’itinéraire technique
La durabilité des systèmes de culture peut être évaluée par le suivi d’indicateurs
d’impact sur certains paramètres environnementaux. Le choix des indicateurs
dépend du niveau de durabilité auquel on s’intéresse : durabilité de la parcelle
cultivée ou durabilité de l’activité maraîchère.
Le milieu physique (sol, eau) est défini par les variables suivantes :
– le taux de nitrates dans les eaux ;
– le taux de métaux lourds dans le sol (lié aux boues d’épuration) ;
– les résidus de pesticides en sortie de parcelle ;
– le pH, la capacité d’échange cationique (CEC), la conductivité du sol ;
– la compacité.
L’autosubsistance alimentaire
Des enquêtes menées à la fin des années 1980 à Bamako, Nairobi, Dar es Salam,
Bangkok et La Paz montrent que les ménages urbains pauvres consacrent entre 60
et 90 % de leurs revenus à l’alimentation (Mougeot, 1993). En 1990, les ménages de
la plupart des grandes villes des pays en développement dépensaient plus de la
moitié de leur revenu moyen en nourriture. Selon Hussain (1990), la proportion de la
population urbaine vivant au-dessous du seuil de pauvreté devrait atteindre 57 % en
l’an 2000, alors qu’elle était d’un tiers en 1988.
Dans les zones tropicales humides, où les racines et les tubercules sont les aliments
énergétiques dominants, les légumes sont la principale source de protéines à
moindre coût. Dans les zones de savane sèche, le manque de légumes est l’une des
causes du déficit en vitamine A et en carotène (Okigbo, 1990). C’est ainsi qu’en
Afrique centrale les feuilles de manioc sont riches en
Les jardins maraîchers permettent ainsi aux ménages les plus défavorisés de
s’alimenter en légumes frais et d’améliorer la valeur des repas en protéines et en
vitamines, tout en réalisant des économies (Jacobi et al., 2000 ; Mougeot, 2000).
La commercialisation de la production
tés). L’activité maraîchère est alors la source principale de revenus dans le ménage.
Les légumes de cycle long (tomates, courgettes, aubergines violettes), dont la
production et la commercialisation sont risquées, dominent pour les niveaux de
surface et de capital importants (plus de 1 000 m2). Une activité préalable salariée
(anciens fonctionnaires) a permis d’acquérir le foncier et l’outillage par voie
monétaire. A Abidjan, la plante la plus cultivée est la laitue : plus de 72 % des
producteurs en font. Elle est suivie de l’oignon-feuille (38 % de l’effectif), des
légumes-feuilles (18 %), puis du haricot vert, du chou et du concombre. Le type de
plante cultivée traduit l’objectif de gains monétaires des producteurs.
Le rôle social
Selon Yappi Affou (1999), les maraîchers sont majoritairement en âge d’assumer des
responsabilités familiales. Ainsi, les maraîchers de Bouaké et d’Abidjan, en Côte
d’Ivoire, sont mariés pour la plupart (70 % des cas) et ont en moyenne 6 enfants à
charge à Bouaké et 3 à Abidjan. Cette situation les pousse à exercer une activité
rémunératrice comme le maraîchage.
Kintomo et al. (1999) à Ibadan, au Nigeria, évaluent le temps de travail entre 3 000 et
10 000 heures par hectare pour un cycle de culture de huit mois comprenant la
préparation du terrain, la construction des canaux de drainage, la préparation des
planches et la conduite de la culture.
A Katmandou au Népal, en zone tropicale humide, Jansen et al. (1994) estiment que
l’exploitation d’un hectare de cultures légumières demande 600 jours par an de main-
d’œuvre familiale, contre 300 jours pour un hectare en système rizicole intensif
(main-d’œuvre essentiellement salariée).
mique (Gie), coopératives ou fédérations pour mieux défendre leurs intérêts sont
également perceptibles.
Les variables observées dans les systèmes de production sont les suivantes :
– la taille et le statut du foncier ;
– l’âge et le sexe de l’exploitant ;
– la taille de la famille ;
– la nature de la main-d’œuvre ;
– le niveau du capital ;
– le mode de commercialisation ;
– le recours à l’achat d’intrants : semences, engrais, pesticides ;
– le type d’arrosage : manuel à partir de puits et céanes, gravitaire à partir de
pompage et tuyaux ;
– le type de matière organique utilisé : fumier d’élevage, drêches de brasserie,
ordures ménagères, composts ;
– le type de légume cultivé : légumes-feuilles de cycle court (moins d’un mois),
légumes-feuilles de cycle long ; légumes africains ; légumes tempérés ;
– la disponibilité de l’appui technique.
D’autres auteurs ont proposé des typologies similaires en utilisant la taille des
parcelles comme premier facteur de différenciation des systèmes de culture et des
revenus des exploitants : Torreilles (1989) à Brazzaville, David (1992) à Bangui,
David et Moustier (1993) à Bissau, Jansen et al. (1994) à Katmandou, Mbaye et
Moustier (2000) à Dakar, Bakker et al. (2000) à Dar es Salam. Plus les parcelles sont
importantes, plus les maraîchers sont prêts à utiliser de nouvelles variétés, des
intrants agricoles et des équipements appropriés.
• Le jardin de case, que sa faible dimension met plus ou moins à l’abri d’une
opération immobilière, où la production est très variée et fait appel à des techniques
le plus souvent traditionnelles. Ce type d’exploitation
permet d’assurer une certaine subsistance pour les ménages les plus défavorisés.
Villien (1987) signale que 99 % des ménages de Bangui subviennent en partie à
leurs besoins en légumes et en condiments grâce à leurs jardins de case. La
production s’insère plutôt dans un circuit de troc ou de marché local que de grand
commerce. Ces jardins ont aussi l’avantage de maintenir un savoir-faire, un lien avec
les racines rurales, et de préserver la biodiversité végétale.
• La parcelle de taille plus importante, à la limite du bâti ou dans les interstices, dont
l’avenir immédiat est compromis par l’immobilier. Deux situations s’y rencontrent. Soit
le producteur est engagé dans une course à la productivité sans aucun souci de
durabilité écologique, donc dans une logique d’intensification (rotation rapide,
diversification des espèces et des variétés, utilisation d’intrants). Soit le producteur,
ou plutôt le propriétaire, est dans une position d’attente spéculative et réduit au
maximum ses coûts de production. Dans les deux cas, la durabilité, tout au moins
celle de la parcelle, est compromise par l’urbanisation, mais aussi par les stratégies
d’intensification de l’un, de laisser-aller de l’autre.
• La parcelle la plus éloignée, sur laquelle la menace est plus lointaine, qui est mieux
gérée dans une perspective de durabilité à moyen terme. Elle se trouve en zone
périurbaine à la limite de la zone rurale. L’innovation étant plus audacieuse dans les
jardins maraîchers hautement intensifs, il serait opportun de mettre davantage en
contact les maraîchers des villes qui travaillent sur des parcelles compromises par
l’urbanisation avec ceux qui sont sur des terres plus éloignées et moins menacées.
C’est dans cet environnement que l’expérimentation et l’introduction de nouvelles
techniques seraient les plus utiles.
• Enfin, l’agriculture qui participe d’un plan d’urbanisme et dont l’avenir est planifié.
Elle devrait être davantage prise en compte par les autorités administratives. Cette
agriculture permet de maintenir une activité agricole qui peut alors avoir d’autres
rôles que celui de nourrir la ville : lutter contre la pauvreté, fournir des emplois,
organiser le paysage. Le maraîchage peut représenter une activité de repli dans un
contexte d’emploi précaire : il requiert peu de capital de départ, mais exige une force
de travail et une préparation de l’installation. Citons le projet de ceinture verte autour
de Bangui (Deshayes, 1992) et le programme de ceinture maraîchère de Brazzaville
(Belantsi et Torreilles, 1999).
Une telle approche doit être complétée par l’évaluation des groupes d’exploitations
selon leurs poids respectifs sur le marché, en terme d’effectif, de valeur et de
diversité. Bien que plusieurs typologies d’exploitants soient connues, très peu de
travaux sur la caractérisation des performances technico-économiques des
exploitations agricoles à vocation maraîchère ont été réalisés.
L’un des enjeux pour la recherche est d’identifier les conditions de durabilité des
systèmes de production à base de maraîchage dans un environnement urbain en
constante évolution afin de proposer des systèmes reproductibles, viables et
durables.
L’accès au foncier est le premier facteur de différenciation des revenus. C’est aussi
le facteur qui détermine la capacité à prendre des risques, en particulier pour
produire en saison des pluies. Pour faciliter l’accès à un terrain non inondable,
l’appui aux producteurs peut prendre la forme d’une aide juridique ou d’un
accompagnement de la recherche de terrains adaptés au maraîchage.
L’amélioration de l’accès aux semences passe par les réseaux existants. Pour les
maraîchers qui produisent une partie de leurs semences, un appui à la sélection des
semences est préconisé. Un catalogue de variétés recommandées peut être diffusé
auprès des vendeurs d’intrants et des producteurs (D’Arondel de Hayes et Moustier,
1994). Ainsi, au Sénégal, un catalogue des variétés recommandées a été rédigé par
le Cdh (Centre de développement de l’horticulture) de l’Isra avec le concours de la
Fao (Cdh, 1996). Il mérite d’être largement diffusé. Les échanges variétaux entre
zones agroécologiques similaires doivent être facilités. Afin de protéger ce potentiel
d’échange, une conservation des espèces indigènes s’avère indispensable. Une
collaboration avec les institutions internationales de recherche telles que l’Avrdc
(Asian Vegetable Research and Development Center) est à explorer dans le cadre
d’échanges de semences maraîchères (légumes-fruits, légumes-feuilles). La création
de l’Afsta (Association africaine du commerce des semences), en mars 2000, devrait
contribuer à promouvoir l’utilisation de variétés améliorées et de semences de qualité
en Afrique (http://www.wordseed.org/afsta.htm/). Il convient de signaler l’expérience
très intéressante de production de plants-mottes à partir des déchets organiques de
l’abattoir de Thiès, au Sénégal, qui assurent une meilleure résistance de la plante
aux dégâts physiques et phytosanitaires de saison des pluies (Farinet et Copin,
1994).
espèces sont la tomate, l’oignon, le chou pommé, le haricot vert, le melon, la patate
douce et la pomme de terre. Malgré des efforts considérables pour produire des
variétés africaines, la gamme est encore largement couverte par du matériel végétal
du Nord.
Quelques variétés créées ou sélectionnées en Afrique
Tomate : Xina, Romitel, Rotella (Sénégal) ; Farako-Ba, Farako-Ba x Pelican, 8SC x
R14-6-40, 8SC x R15-14-42 (Burkina) ; Tropiva n. 3 (Cap-Vert).
Oignon : Violet de Galmi, Violet de Soumarana (Niger), Yaakar (Sénégal).
Gombo : Pop 12, Puso (Sénégal).
Jaxatu : Keur Mbir Ndaw, L10, L18 (Sénégal).
Patate douce : Ndargu, Louga 5, clone 2, clone 27, clone 29 (Sénégal).
Oseille de Guinée : Koor, Vimto (Sénégal).
Les légumes-feuilles indigènes, très importants pour les citadins, ont fait l’objet de
peu de recherches. La précieuse diversité génétique des espèces locales mérite une
attention particulière : tomate et gombo ouest-africain (Abelmoschus cailliei),
aubergine amère (Solanum aethiopicum), amarante (Amaranthus spp.), morelle
(Solanum nigrum, S. scabrum, S. macrocarpum) et Corchorus spp. Cette biodiversité
végétale se maintient surtout dans les jardins maraîchers.
La demande des producteurs en appui et en conseils est forte compte tenu de leur
faible niveau de formation professionnelle. Une marge de progrès en intensification
est encore possible en aidant les producteurs à maîtriser les
Les systèmes pour être durables doivent aussi s’appuyer sur un environnement
institutionnel favorable : garantie foncière (qui favorise les investissements), accès au
crédit, reconnaissance du rôle de l’agriculture urbaine par les autorités
administratives.
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4. La gestion concertée
et durable des filières
animales urbaines
Ce chapitre vise à préparer les lecteurs à la pluralité des approches des filières
animales et à la complexité des dynamiques qui s’y rattachent. Il
Les enjeux
Le développement des villes ne s’est pas accompagné de la marginalisation des
activités d’élevage dans les espaces urbains et périurbains en Afrique de l’Ouest. Au
contraire, on constate une expansion de l’élevage de bovins, d’ovins et de volailles
en zone urbaine et périurbaine à la faveur de la croissance des villes. En effet, le
développement des filières avicole et laitière autour des grandes villes africaines a
été remarquable au cours des dernières décennies. L’urbanisation et les problèmes
qu’elle pose pour l’entretien des animaux n’ont pas dissuadé les citadins des villes
africaines d’élever des animaux dans leurs maisons, l’élevage des moutons à Dakar
en est un exemple parfait. Cette dynamique reflète les multiples bénéfices liés aux
filières animales urbaines, notamment la formation de revenus, la création d’emploi,
l’approvisionnement des villes, la sécurité alimentaire et l’amélioration de
l’environnement et du cadre de vie. Malgré cela, la légitimité urbaine de l’élevage
reste encore à conquérir pour amener les gestionnaires politiques à prendre en
compte les activités d’élevage dans la planification urbaine.
Les activités de production, de transformation et de commercialisation dans les
filières d’élevage urbain offrent des possibilités d’emploi pour une part importante de
la population en situation de chômage chronique et de ruraux en migration
saisonnière. L’un des enjeux des productions animales urbaines est de fournir un
revenu aux multiples acteurs qui interviennent dans ces filières, en particulier les
pauvres des villes et des campagnes, qui peuvent grâce à ces activités assurer leurs
moyens d’existence et leur bien-être social. Enfin, les filières animales urbaines
intensives représentent une forme d’épargne lorsqu’elles sont menées à petite
échelle. Elles constituent aussi une véritable opportunité d’investissement et de
création de richesse pour certains opérateurs économiques des villes qui ont
accumulé un capital financier dans d’autres secteurs économiques.
La gestion des déchets constitue un sérieux défi pour les gestionnaires et les
habitants des villes. L’assainissement des villes par la valorisation des déchets
domestiques pour l’alimentation animale constitue avec les loisirs deux fonctions
spécifiques de l’élevage qui participent à l’amélioration du cadre de vie dans les
espaces urbains.
Les impacts
L’impact des filières animales urbaines peut être positif ou négatif. Dans le domaine
des effets bénéfiques, outre les fonctions productives (formation de revenus, création
d’emplois, sécurité alimentaire) et non productives (assainissement, loisirs) déjà
mentionnées, les formes intensives de production animale dans les espaces urbains
et périurbains sont plus efficientes en matière d’utilisation des ressources et plus
productives que les productions rurales. Elles limitent ainsi la pression sur les
ressources naturelles qui seraient nécessaires pour satisfaire la demande en
produits animaux à partir des systèmes extensifs. De plus, ces systèmes intensifs,
fondés sur une alimentation concentrée, sont moins polluants pour l’atmosphère car
ils produisent moins de méthane que les systèmes extensifs utilisant plus de
fourrages grossiers. Ils reposent souvent sur la production de fourrages, qui
augmente la quantité de matière organique susceptible d’être recyclée pour
maintenir et restaurer la fertilité des sols dans les espaces périurbains.
Les impacts négatifs de l’élevage urbain sont les plus visibles et suscitent souvent
une perception défavorable de la part des habitants de la ville. Il s’agit
essentiellement :
– des nuisances causées par les animaux (bruits, accidents) et leurs déjections
(odeurs) ;
– la concentration des déchets animaux, qui polluent les eaux de surface et
favorisent la contamination des eaux souterraines ;
– les risques sanitaires pour les producteurs et la population consommatrice de
produits animaux potentiellement contaminés par des agents pathogènes (risque
plus grand de zoonoses) ou par des métaux lourds ;
– la divagation des animaux, qui peut engendrer une dégradation des espaces verts
dans les villes.
Les contraintes
• Le manque d’espace. Les filières animales urbaines se situent dans des espaces
où elles sont en concurrence avec l’usage des terres pour l’habitat. La contrainte
foncière qui caractérise ces espaces conduit à des systèmes de production fondés
essentiellement sur le confinement des animaux dans des habitats exigus, favorables
au développement d’une pathologie microbienne et parasitaire spécifique. Ce
manque d’espace s’oppose aussi à la production fourragère indispensable à une
production animale améliorée.
• Le coût de l’eau. Dans bien des cas — dans les Niayes de la zone de Dakar au
Sénégal, par exemple — l’eau est devenue une denrée rare en raison de sa
surexploitation et de la sécheresse, ce qui en fait un facteur de production
relativement cher pour des activités agricoles.
• Les risques liés à l’utilisation des médicaments. En milieu urbain, les intrants
vétérinaires sont distribués dans un contexte non normalisé, peu soucieux des
risques pour la santé publique. Les règles d’utilisation des médicaments, en
particulier les délais avant la consommation des produits, sont rarement respectées.
La proximité entre les unités de production périurbaines et les marchés de
consommation aggrave cette situation. Dans ce domaine, les produits ruraux sont
considérés comme plus sains que les produits urbains.
Compétitivité des filières animales urbaines : le cas du lait au Sénégal
La fiscalité des produits laitiers importés a connu des évolutions importantes pour la
filière. Tous les produits laitiers importés font l’objet d’une taxation douanière, qui
contribue à hausser leur prix final. Ainsi, jusqu’en 1994, la principale taxe appliquée sur
les produits laitiers était la valeur mercuriale ou la « mercuriale sociale », dont le
montant variait avec le type de produit. Pour le lait en poudre, son montant était de 60
FCfa/kg. Elle a été supprimée en 1994 et remplacée par une taxe valeur facture Caf
(coût assurance fret) de 29,6 %. Cette réforme de la fiscalité des produits laitiers a eu
pour conséquence une augmentation de 14 % des frais de dédouanement et une
hausse substantielle du prix final. Ce prix s’est aussi trouvé majoré, en 1994, du fait de
la dévaluation du franc Cfa, ce qui semblait favorable à la production laitière locale.
Cependant, depuis 1999, la tarification douanière a été modifiée suivant les dispositions
arrêtées par l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine). Le système
harmonisé mis en place distingue deux catégories d’acteur : les importateurs ordinaires
(les particuliers) et les industries de transformation. Les premiers doivent s’acquitter
d’une taxe de 26 % environ contre 5 % pour les industriels. Les produits laitiers issus de
la transformation de la poudre de lait importée par les industriels de Dakar deviennent
relativement moins chers que ceux provenant des fermes laitières de la zone de Dakar.
En se référant aux avantages accordés aux producteurs européens dans le cadre de la
Politique agricole commune, une taxe d’au moins 30 % devrait être appliquée sur tout
produit laitier étranger importé pour une consommation finale afin d’augmenter
directement la compétitivité du lait local.
Compétitivité des filières animales urbaines :
le cas des produits avicoles au Sénégal
Jusqu’en 1998, les prix relativement élevés des produits avicoles sur le marché
sénégalais s’expliquaient par la protection tarifaire. Mais les droits de douane, qui
étaient de 55 % avant avril 1998, sont passés à 30 % pour se stabiliser à 25 % en 1999
puis à 20 % en 2000. Pour le poulet de chair sénégalais, la concurrence internationale
risque de rester très forte dans un contexte où les morceaux de découpe provenant des
Etats-Unis, d’Europe et du Brésil sont très bon marché. (Cheikh Ly, Eismv, comm.
pers.)
Les exploitations agricoles ne sont ni isolées les unes des autres, ni isolées de
l’environnement socio-économique lié au type de produit qu’elles élaborent. Les
modalités d’approvisionnement en intrants, les débouchés des produits, les
éventuels concurrents industriels, les structures d’encadrement des exploitations,
tout cela constitue un réseau, avec ses relations et ses flux. L’étude de filière permet
de définir les contraintes et les atouts que les éleveurs doivent prendre en compte,
ainsi que le champ des possibles. La caractérisation des systèmes de production
permet d’analyser les possibilités de développement, ou de meilleure reproductibilité,
des élevages et les conditions d’une meilleure adéquation entre les élevages et le
reste de la filière.
Dans ce chapitre, nous croisons donc deux démarches : une démarche verticale de
type filière pour étudier les relations entre les différents acteurs autour d’un même
produit (l’exemple de la filière avicole au Burkina sera analysé) et une démarche
transversale d’analyse des systèmes de production.
Les concepts
Le concept de système d’élevage
La caractérisation de l’exploitation des animaux repose sur la description du système
d’élevage. Ces deux termes définissent « l’ensemble des techniques et des pratiques
mises en œuvre par une communauté pour exploiter dans un espace donné des
ressources végétales par des animaux dans des conditions compatibles avec ses
objectifs et avec les conditions du milieu » (Lhoste, 1986).
Le système d’élevage inclut donc les animaux (espèces, races, catégories), l’espace
(hors sol ou non et sa gestion) et l’éleveur (motivations, stratégies, caractéristiques
socio-économiques). Il s’intègre dans la notion plus large de système de production
agricole.
• L’exploitation
Caractéristiques structurelles de l’exploitation :
– surface, accès à l’eau, à l’électricité, utilisation de l’espace ;
– bâtiments, matériels d’élevage ;
– distance par rapport au marché ou aux axes de communication ;
– main-d’œuvre familiale et salariée.
• L’éleveur
Description socio-économique :
– âge, niveau d’études de l’éleveur ;
– famille : composition, activités ;
– origine : citadine ou rurale ;
– ethnie.
Activités :
– agricoles ;
– autres ;
– présence sur l’exploitation.
La typologie des systèmes d’élevage est un préalable à leur étude mais constitue
rarement une fin en soi. Elle peut ensuite servir de base à des recherches plus
poussées concernant le fonctionnement et les performances techniques et
économiques des différents types identifiés, l’évolution des exploitations à partir des
trajectoires observées, la pérennité des exploitations et les moyens d’action pour
améliorer certains systèmes. Ce système de classification est illustré par l’étude de
cas sur la typologie des élevages avicoles périurbains au Sénégal (p. 123). D’autres
critères, le revenu par exemple, peuvent être utilisés pour caractériser la
consommation en milieu urbain (voir les études de cas sur la consommation de
viande, de lait et de produits laitiers, à Dakar, et sur la filière de production d’œufs, à
Ouagadougou, p. 124-128).
La typologie des élevages avicoles
périurbains au Sénégal
L’exemple des élevages avicoles périurbains au Sénégal (Arbelot et al., 1997) illustre
l’élaboration d’une typologie. La typologie est une étape importante dans l’analyse des
systèmes de production. Elle doit permettre par la suite d’analyser le fonctionnement et
les performances des différents types d’élevage, de choisir des modes d’intervention
appropriés et de suivre les conséquences des interventions sur l’évolution des
systèmes d’élevage.
La typologie des exploitations avicoles a été réalisée sur un échantillon de 174 élevages
: 33 en zone intra-urbaine et 141 en zone périurbaine (exploitations le long des axes
routiers partant de Dakar sur un rayon de 50 km). Les critères définis pour décrire les
élevages sont indiqués dans le tableau 9. A partir de variables continues (âge de
l’exploitation, surface), des classes ont été constituées de façon à avoir des effectifs de
classe de même ordre de grandeur.
L’analyse factorielle des correspondances multiples et la classification hiérarchique
ascendante sur les variables qualitatives ont permis d’identifier trois grands groupes
d’aviculteurs, qui sont ensuite décrits sur la base de leurs caractéristiques communes
(tableau 10).
On peut tirer de cette étude quelques conclusions générales. La demande en œufs est
porteuse et ne crée pas de concurrence horizontale forte entre les producteurs. Le fait
qu’il y ait relativement peu de revendeurs contribue à réguler le marché : la tromperie
sur la qualité, qui pourrait apparaître sur un marché urbain peu réglementé, est
inexistante car les vendeurs d’œufs de mauvaise qualité seraient rapidement identifiés
et disqualifiés dans ce marché relativement fermé.
Il existe plusieurs types de producteur et de revendeur, et donc plusieurs souscircuits
de commercialisation, avec une prédominance de gros producteurs — gros revendeur
(assurance d’écoulement) et producteur moyen — et reven-
deurs moyens (maximisation du profit ou difficultés d’approvisionnement et
d’écoulement), avec quelques opérateurs ayant des stratégies atypiques (intégration
des deux maillons par la vente directe, par exemple). La figure 3 montre les liaisons qui
peuvent exister entre les acteurs au sein de la filière des gros producteurs.
Le partage de la valeur ajoutée est relativement équitable, avec une bonne
rémunération des producteurs, ce qui montre que le rapport de force leur est
globalement favorable.
Pour analyser les rapports de force, l’hypothèse utilisée est celle qui s’attache au risque
lié au caractère périssable du produit (risque de pertes) et, à l’opposé, à l’intérêt qu’il y a
à prendre une part importante du marché (concurrence douce). Le caractère périssable
des produits incite les acteurs à établir des relations de confiance entre production et
commerce. Plus les volumes sont élevés, plus ces relations confinent au contrat
implicite ou explicite car les risques sont importants.
Deux exploitations visitées (voir les encadrés ci-dessous) dans la zone périurbaine
de Dakar illustrent bien la diversité des situations. La première est spécialisée dans
la production laitière intensive, la seconde comprend des productions animales (lait,
poulet de chair, volaille de loisir, mouton) et végétales (maraîchage et arboriculture
fruitière). L’une des caractéristiques principales de l’élevage périurbain est la
fourniture de produits à cycles courts : lait, œufs, viande de volailles et de petits
ruminants. Ces filières font l’objet depuis quelques années de nombreuses initiatives
privées ou publiques. Elles utilisent beaucoup d’intrants et sont très monétarisées.
Elles participent à des degrés divers à l’approvisionnement de la ville de Dakar en
produits animaux.
Le concept de filière
Le concept de filière est un outil qui permet d’identifier les modes de coordination des
échanges, l’efficacité des formes d’organisation des marchés et leur durabilité. Le fait
d’isoler les relations techniques et économiques liées à un produit permet d’étudier
divers aspects, dont nous donnons quelques exemples.
• Les comptes des acteurs impliqués dans cette filière. On peut ainsi voir le bénéfice
financier qu’ils tirent de leur participation à la filière. En agrégeant l’information sur
les acteurs, on peut étudier la répartition de la valeur ajoutée le long de la filière, ce
qui fournit des indications sur la position relative des acteurs. Dans le contexte des
productions animales, les producteurs sont souvent dominés par les acteurs du
marché, sauf dans certains cas particuliers de sous-production chronique (voir
l’étude sur la filière de production d’œufs à Ouagadougou, p. 126) ou conjoncturelle
(augmentation de la demande au moment des fêtes).
• Les relations entre les agents : existence de formes de contractualisation explicite
ou implicite entre les producteurs et l’aval. Ces contrats méritent souvent d’être
étudiés car ils montrent bien les jeux de pouvoir entre les acteurs. Les produits
périssables sont particulièrement concernés par ce type de relations puisque les
producteurs peuvent accepter des conditions économiquement peu favorables mais
qui limitent le risque de perte de produits.
Les variables exogènes influent fortement sur le système d’élevage : prix des
animaux et des produits animaux, prix des intrants, variables climatologiques.
Quel que soit le type d’enquête, il faut se poser les questions suivantes :
– Quel est l’objectif de l’enquête?
– Les types de données à recueillir sont-ils en adéquation avec cet objectif?
– Les méthodes de collecte sont-elles adaptées aux circonstances et au type de
données recherchées?
– Les avantages de l’enquête en justifient-ils le coût?
Les enquêtes, quel que soit le soin apporté à leur réalisation, ne fournissent qu’une
photographie plus ou moins détaillée de systèmes d’élevage souvent très complexes
et en évolution permanente. Elles servent à situer le problème, mais ne sont jamais
assez précises pour permettre de tirer des conclusions définitives concernant le
fonctionnement d’un système d’élevage. Pour l’analyser en détail, il est
indispensable de procéder à des suivis sur de longues périodes.
Le suivi peut être global et aboutir à une connaissance assez fine des systèmes
d’élevage en suivant leur évolution sur plusieurs cycles. Il peut être partiel et ne
s’intéresser qu’à un aspect du système d’élevage : la production laitière, la mortalité
des jeunes, le niveau d’infestation glossinaire. Le suivi est une procédure exigeante.
Le protocole doit être rigoureux et négocié en fonction des intérêts réciproques de
l’éleveur et du technicien.
Pour le suivi en milieu urbain et périurbain, plusieurs facteurs doivent être considérés
: le repérage des élevages en ville (souvent difficile) ; la distance entre les élevages ;
la coopération des propriétaires ; la prise en charge des coûts et les avantages
réciproques ; la conduite des troupeaux (gestion technique, valorisation des
productions) ; la présence d’autres activités agricoles, commerçantes ou autres ; le
niveau d’instruction des interlocuteurs ; l’importance des investissements (bâtiments,
matériel).
Plusieurs logiciels informatiques ont été mis au point pour le suivi des troupeaux.
Parmi les logiciels utilisés en Afrique, on peut citer :
– Panurge, conçu par le Cirad et l’Isra (Faugère et Faugère, 1993). C’est l’un des
logiciels de gestion, d’analyse et d’interprétation de données zootechniques les plus
connus en Afrique de l’Ouest francophone ;
– Laser, logiciel d’aide au suivi des élevages de ruminants, a été développé par le
Cirad, pour remplacer Panurge. Il permet une saisie normalisée des données
relatives au suivi de troupeaux (Juanès et Lancelot, 1999) ;
– Lims (livestock information management system), logiciel de gestion de données, a
été mis au point par l’Ilri, International Livestock Research Institute (Ilri, 1992).
L’impact positif de la filière animale urbaine concerne aussi bien les éleveurs que la
communauté urbaine en général. La filière animale procure aux producteurs un
revenu, un emploi, un statut social, que ce soit une activité marginale (production de
quelques animaux pour l’autoconsommation) ou l’activité principale du foyer. Les
enjeux sont pour les éleveurs de sécuriser leur production et d’améliorer leurs
conditions de vie ou d’activité : clarification du statut de l’élevage urbain, amélioration
de l’efficacité technique, circuits de vente. Pour la communauté urbaine, la filière
animale améliore la disponibilité en produits animaux — et donc en protéines de
qualité. Elle génère aussi un chiffre d’affaire (emplois, activités). D’autres fonctions
déjà évoquées, comme l’utilisation des déchets végétaux, peuvent être locale-ment
significatives.
La démographie
an. L’extension de la ville éloigne les ressources qui restaient à proximité (espace
disponible, fourrages). L’évolution démographique est qualitative, car la croissance
des villes n’est plus uniquement le fait de l’exode rural : elle est également due à la
croissance endogène des villes, et la proportion des citadins vrais, nés en ville,
augmente. Le facteur démographique est essentiel lorsqu’on parle d’amélioration de
l’élevage périurbain, car le simple maintien de l’activité, dans un contexte qui change,
qui s’urbanise, peut déjà être difficile.
L’éloignement des citadins de leurs racines rurales joue, en revanche, un double rôle
: d’un côté, l’ancrage des pratiques d’élevage est moins fort et les techniques
traditionnelles sont moins maîtrisées, d’un autre côté, les éleveurs sont plus réceptifs
aux innovations techniques et à l’adaptation de leur activité à l’environnement urbain.
La disponibilité en main-d’œuvre
En ville, la main-d’œuvre disponible est importante du fait, notamment, d’un fort taux
de chômage et de la présence d’employés, principalement des fonctionnaires, qui
ont le temps de mener une activité secondaire. Ces ressources humaines sont
essentielles pour les productions animales.
La disponibilité en capitaux
La disponibilité en capitaux pour l’élevage dépend du milieu. Elle peut être forte chez
les employés, les fonctionnaires et les commerçants, et les inciter à investir dans une
activité annexe à caractère spéculatif : c’est le cas de beaucoup d’élevages avicoles
et de certains grands élevages laitiers. Cette situation peut induire une fragilité de
l’élevage si les capitaux disparaissent. A l’inverse, certains élevages se font
quasiment sans capitaux : c’est souvent le cas des petits élevages urbains de
moutons, qui peuvent être le résultat d’une épargne plus ou moins longue. Ces
élevages, qui ne sont pas liés à des capitaux exogènes, sont moins fragiles, mais ils
peuvent avoir du mal à surmonter un épisode catastrophique (mortalité).
En ville, où le revenu moyen est élevé, il existe une classe moyenne qui consomme
plus de viande. La demande y est donc supérieure. En outre, les échanges sont plus
monétarisés, ce qui peut favoriser l’intensification des productions puisque les
intrants doivent généralement être achetés.
sont complémentaires et ne doivent donc pas être vues comme des alternatives
s’excluant mutuellement.
L’intensification de l’élevage
La diversification ou la spécialisation
L’intégration
La grille d’analyse
La grille d’analyse des stratégies d’amélioration des filières animales présentée ci-
dessous peut être utilisée pour construire des hypothèses sur les tendances et
l’avenir des systèmes d’élevage périurbains.
L’organisation et la promotion
de l’élevage périurbain
Les conditions de développement de l’élevage
Il est donc nécessaire de mener des recherches qui tiennent compte des réalités
économiques locales afin de mettre au point des rations adaptées à une faible teneur
en fourrages et d’identifier les cultures les mieux adaptées aux contraintes :
disponibilité en terres, en eau, en travail, qualité et coût des transports.
L’intégration élevage-horticulture
Pour bien choisir les investissements et les techniques adaptées, il est nécessaire de
disposer de conseils. Ces conseils sont fondés sur des connaissances scientifiques
et techniques. Celles-ci doivent être à la base de l’élaboration de référentiels
technico-économiques, qui s’appuient sur un contrôle des performances techniques
et financières des exploitations.
Les particularités du contexte périurbain doivent être prises en compte car elles
conditionnent la réponse technique à apporter : taille des exploitations souvent très
différente du standard rural, main-d’œuvre souvent pluriactive, capitaux parfois
exogènes à l’agriculture
sationnelles, dont l’adoption permettra aux acteurs de rendre cette filière viable,
techniquement et financièrement, et durable.
Les interfaces entre acteurs et détenteurs d’enjeux, qui leur permettent de participer
à la création et à la diffusion des innovations, sont en mesure de faciliter la prise en
charge des demandes diverses et donc d’améliorer l’adéquation entre la recherche
et la demande de ses clients. Cette démarche participative de la recherche-
développement en agriculture urbaine assure la prise en compte efficace de
questions posées par l’élevage urbain, mais aussi de l’agriculture urbaine en général,
qui ne peuvent pas être traitées dans le cadre des filières.
Conclusion
Malgré leur spécificité, les systèmes et les filières d’élevage peuvent contribuer à la
dynamique globale des agricultures périurbaines et aux équilibres qu’elles doivent
trouver au sein du développement de la ville.
Références bibliographiques
Arbelot B., Foucher H., Dayon J.F., Missouhou A., 1997. Typologie des aviculteurs dans la
zone du Cap-Vert au Sénégal. Revue d’élevage et de médecine vétérinaire des pays
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mission à Ouagadougou. Montpellier, France, Cirad, 38 p.
Faugère O., Faugère B., 1993. Suivi individuel dans les systèmes d’élevage traditionnel : les
logiciels en élevage, Panurge. Montpellier, France, Cirad, Isra, 339 p.
Juanès X., Lancelot R., 1999. Laser, logiciel d’aide au suivi des élevages de ruminants.
Montpellier, France, Cirad.
Lhoste P., Dollé V., Rousseau J., Soltner D., 1993. Zootechnie des régions chaudes : les
systèmes d’élevage. Paris, France, ministère de la Coopération, Cirad, Manuels et précis
d’élevage, 288 p.
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Montpellier, France, Ensam, Eismv, Cirad, 51 p.
Morvan Y., 1985. L’analyse de filière. Paris, France, Esc, Economica, 147 p.
Nos sociétés ont en effet développé à l’extrême un modèle économique fondé sur la
relation entre producteur et consommateur, sans se préoccuper de la gestion des
rejets. Une approche pragmatique, bien que partielle, de cette problématique
consiste à favoriser le recyclage d’une partie des rejets urbains dans l’agriculture
selon des méthodes et des normes acceptables. C’est l’objectif d’un programme
mené, dans sa première phase, par le World Engineering, la Banque mondiale, des
acteurs du secteur privé et des organisations non gouvernementales. Nous nous
inspirons en particulier du premier rapport de ce programme (Sanio et al., 1998) pour
décrire le concept de base du recyclage agricole.
On constate actuellement qu’il n’y a pas de lien entre la gestion des rejets du secteur
urbain et l’agriculture (figure 4). D’un côté, les villes produisent de grandes quantités
de rejets, riches en eau, en matière organique et en minéraux, qui sont soit rejetés
directement dans les espaces libres,
les fleuves et les océans, soit éliminés par enfouissement dans les décharges, par
incinération ou par traitement en station d’épuration. De l’autre côté, l’agriculture,
notamment l’agriculture urbaine contrainte à l’intensification, consomme de grandes
quantités de fertilisants (souvent importés) et d’eau puisée dans les ressources en
eau potable (réseaux, fleuves, nappes). Une nouvelle stratégie (figure 5) pourrait, au
contraire, viser à créer (ou recréer) des liens entre la gestion des rejets urbains et
l’agriculture, sans remettre en cause le mode de développement industriel et
économique des villes. Cette stratégie repose sur des techniques de traitement des
déchets et effluents, qui doivent aboutir à des coproduits facilement utilisables par
l’agriculteur, sans dangers pour sa santé et pour la qualité de ses productions, et
réduire au minimum les impacts sur le milieu naturel.
Figure 4. Situation actuelle : absence
de liens entre rejets urbains et
agriculture.
Les déchets
Aucune classification des déchets n’est parfaite et les différentes catégories peuvent
se recouper. Les déchets sont classés suivant leur origine ou suivant la nature du
danger qu’ils font courir à l’homme ou à son environnement. Pour ce qui est du
recyclage en vue d’une valorisation agricole, nous nous limiterons à la description
des déchets urbains, industriels et agricoles :
– déchets urbains, dont l’élimination est prise en charge par les communes, soit
directement, soit par l’intermédiaire de contrats de fermage avec des sociétés
spécialisées ;
– déchets industriels, produits par les entreprises industrielles, commerciales et
artisanales, dont l’élimination incombe généralement à ces établissements ;
– déchets agricoles, produits par les exploitations agricoles, les élevages ou les
industries agro-alimentaires artisanales.
Les déchets des ménages sont liés à l’activité domestique, ils comprennent les
ordures ménagères au sens strict, les encombrants et les déchets de jardinage, ou
déchets verts. Seuls les ordures ménagères et les déchets verts sont susceptibles
d’être valorisés en agriculture après un traitement adéquat. Dans les villes des pays
en développement, la production d’ordures ménagères est très variable selon les
auteurs et serait en moyenne de l’ordre de 0,75 kg par habitant et par jour avec de
fortes disparités entre les quartiers d’habitat spontané (0,3 kg par habitant et par jour)
et les quartiers de standing (1,4 kg par habitant et par jour). La composition des
ordures ménagères étant très hétérogène, il faut regrouper les constituants en
catégories physiques homogènes. La classification détaillée comporte dix catégories,
mais une classification
simplifiée en cinq catégories peut être utilisée en vue d’une première typologie :
– matières fines inférieures à 20 mm ;
– matières combustibles (chiffons, plastiques, os, bois) ;
– matières inertes (métaux, verres, porcelaine, faïence) ;
– matières fermentescibles (restes de végétaux, viandes) ;
– papiers, cartons (combustibles ou fermentescibles).
Il existe peu de références sur la composition des ordures ménagères dans les pays
en développement (tableau 14), mais les matières fermentescibles en constituent
une part importante : 40 à 50 % contre seulement 25 % en Europe. C’est leur
principal intérêt pour un recyclage agricole. Ce taux a cependant tendance à baisser
du fait de l’évolution des habitudes de consommation.
Les déchets industriels correspondent à l’ensemble des déchets produits par les
entreprises industrielles, commerciales et artisanales, dont l’élimination incombe
normalement à celles-ci. Ces déchets regroupent des catégories très différentes du
fait de leur variété, de leur origine et de leur quantité. Les déchets industriels sont
souvent considérés comme dangereux ou toxiques, parfois à tort. Pour simplifier, ils
peuvent être regroupés en trois catégories :
– les déchets banals, qui peuvent être éliminés dans les mêmes conditions que les
ordures ménagères. Ce sont essentiellement les papiers, cartons, plastiques, bois,
verres et fermentescibles ;
– les déchets inertes, qui sont constitués pour leur presque totalité par des déblais et
gravats de démolition ainsi que par des résidus minéraux d’extraction et de
fabrication de matériaux de construction ;
– les déchets spéciaux, qui correspondent aux autres déchets industriels et peuvent
occasionner des nuisances. Il est important, sur le plan pratique, d’établir qu’un
déchet est spécial, car cela détermine le type de traitement à entreprendre. Dans la
catégorie des déchets spéciaux sont inclus les déchets dangereux et les déchets
toxiques. A l’initiative du Pnue (Programme des Nations unies pour l’environnement),
la Convention de Bâle portant sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des
déchets dangereux a été adoptée le 22 mars 1989 par 104 pays. Les principes de
cette Convention se réfèrent aux travaux antérieurs de l’Ocde (Organisation de
coopération et de développement économique), qui a établi un système de
classification, le Code international d’identification des déchets (Ciid).
Les effluents
Les activités humaines produisent une grande variété de déchets, dont beaucoup
sont entraînés par l’eau, qui doit alors être traitée avant d’être rejetée dans le milieu.
L’eau chargée de convoyer ces déchets est qualifiée d’eau usée. Les eaux usées
proviennent principalement de quatre sources :
– les eaux usées domestiques rejetées par les ménages ;
– les eaux usées industrielles ;
– les eaux de pluie et de ruissellement dans les villes ;
– les eaux de ruissellement dans les zones agricoles.
Ces eaux usées sont acheminées loin des habitations par un ensemble de
canalisations. Selon que cet ensemble évacue séparément ou non les eaux usées
domestiques, les eaux usées industrielles et les eaux de ruissellement, on parle,
pour la ville, de réseau séparatif, unitaire ou mixte.
L’intérêt croissant porté à la qualité de l’eau, dans ses multiples usages, a conduit à
définir pour les eaux usées tant domestiques qu’industrielles un certain nombre de
paramètres spécifiques.
• Les paramètres chimiques. Les paramètres chimiques déterminés dans les eaux
résiduaires urbaines ne présentent pas tous une égale importance pour leur
traitement ultérieur. Par ordre d’importance croissante, on peut les classer de la
façon suivante :
– les demandes en oxygène, DBO5 (demande biologique en oxygène sur 5 jours),
DCO (demande chimique en oxygène) ;
– les nutriments, principalement l’azote et le phosphore, facteurs d’eutrophisation ;
– les autres constituants chimiques (sels, détergents, pesticides, métaux lourds).
• Les paramètres biologiques. Les eaux usées évacuent les matières fécales et les
urines des populations. Elles sont chargées en germes communs habituels de
l’homme et en germes pathogènes en provenance de porteurs sains ou de malades.
Les micro-organismes pathogènes présents dans les eaux usées se classent en
quatre groupes :
– les bactéries pathogènes, essentiellement des entérobactéries : salmonelles
(fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, toxi-infection), shigelles (bacilles dysentériques),
colibacilles ;
– les virus, représentés par les entérovirus (poliovirus, coxsachie A et B et
échovirus), les réovirus, les adénovirus (affections respiratoires), les rotavirus
(diarrhées du jeune sujet), le virus de l’hépatite A ;
– les parasites : œufs des vers (ténia, ascaris), kystes d’amibes et de giardia ;
– les champignons, encore mal connus.
Il est difficile de mettre en évidence les agents pathogènes en raison de leur faible
nombre dans les eaux usées : les techniques de recherche et de dénombrement
sont souvent complexes, longues et fastidieuses. La pratique courante de contrôle et
de surveillance est de rechercher dans le milieu des
Pour une habitation, il existe deux types d’eau à évacuer : les eaux usées
ménagères, ou eaux grises, et les eaux vannes, ou eaux noires. Les eaux
ménagères proviennent de la cuisine, de la salle de bains (baignoire, douche,
lavabo, bidet) et de la buanderie. Les eaux vannes sont essentiellement les eaux des
WC. Elles présentent une charge bactériologique très élevée caractérisée par les
germes de la flore intestinale, de l’ordre de 10 milliards de germes tests pour 100 ml.
On considère comme eau industrielle tout effluent qui ne peut être rejeté à l’égout en
raison de ses caractéristiques ou de son volume. Les eaux usées industrielles sont
caractérisées par leur diversité : il y a autant d’eaux usées industrielles que
d’industries.
La valorisation agricole
de la matière organique des déchets
La matière organique est d’une importance fondamentale pour la fertilité des sols, du
fait de ses effets physiques, chimiques et biologiques. Pour certains auteurs, la
matière organique, et plus particulièrement l’humus, serait un facteur de sécurité et
d’économie dans la production végétale. Le taux de matière organique d’un sol serait
l’un des indicateurs les plus sensibles de son évolution. Un sol cultivé vieillit
inéluctablement car, que la culture soit intensive ou non, les pertes par minéralisation
de matière organique sont toujours supérieures aux apports. Les méthodes, dites
modernes, de fertilisation et de travail du sol, conjuguées à une intensification parfois
mal maîtrisée (monoculture, abandon des jachères), accélèrent ce vieillissement.
L’apport de matière organique au sol revêt alors une dimension capitale. Son intérêt
se mesure cependant à long terme, selon son aptitude à se transformer en humus
(forme stable de cette transformation).
Outre l’amendement des sols cultivés, la matière organique peut être utilisée pour
remplacer le sol. Elle doit dans ce cas présenter des caractéristiques physico-
chimiques bien particulières, qui la rendent compatible avec la germination des
semences et les premiers stades de développement des plantes.
La matière organique
et les fertilisants dans les déchets
Pour les déchets urbains, après le tri des ordures ménagères, les matières
organiques recyclables en agriculture sont les fines, les fermentescibles, les papiers
et les cartons. Ces matières sont généralement pauvres en éléments fertilisants. S’ils
sont collectés séparément, les déchets verts permettent de produire une matière
organique de grande qualité pour l’agriculture et l’horticulture. Ils sont pauvres en
éléments fertilisants, notamment en azote. Les déchets d’assainissement, et plus
particulièrement les boues d’épuration, sont également susceptibles d’être recyclés
dans l’agriculture. Très peu de déchets industriels sont recyclables en agriculture.
Seule la matière organique issue du tri des déchets banals peut être recyclée dans
les mêmes conditions que les ordures ménagères. A l’exception des emballages en
plastique, des métaux et des déchets toxiques, presque tous les déchets agricoles et
ceux des petites industries alimentaires peuvent être recyclés dans l’agriculture.
Les matières animales sont riches en éléments fertilisants, alors que les débris
végétaux sont plutôt des précurseurs de l’humus. Leur mélange est donc intéressant
pour produire amendements et engrais organiques de qualité. Le tableau 15 donne
la teneur en matière sèche totale (MST), la teneur en matière organique (MO), le
rapport carbone/azote (C/N) et la teneur en éléments fertilisants — azote (N),
phosphate (P2O5), potasse (K2O) — de différents déchets bruts.
Le compost de déchets
Le compostage est avant tout le moyen de transformer les déchets pour mieux les
valoriser. Le compost obtenu est défini comme un coproduit du traitement de ces
déchets. Outre l’homogénéité du coproduit final par rapport au déchet ou mélange de
déchets initial, l’intérêt du compostage réside
Plusieurs études concernent le comportement des métaux dans les sols et l’eau du
sol, leur disponibilité et les modalités de leur passage dans les plantes et dans la
chaîne alimentaire. Leurs résultats ont permis de mettre au point des conseils et des
réglementations en matière d’apport d’éléments traces métalliques dans les sols via
le recyclage des déchets transformés ou non. On peut résumer ces
recommandations en trois points :
– il est indispensable de maintenir un pH du sol supérieur à 6 pour limiter la
disponibilité des métaux les plus mobiles, tels que le cadmium et le zinc ;
Les polluants organiques sont essentiellement des produits pétroliers, des solvants
de synthèse organique, des hydrocarbures polycycliques aromatiques (HPA), des
hydrocarbures polycycliques aromatiques chlorés (PCB) et des
Pour les micro-organismes pathogènes, les risques sanitaires majeurs sont liés aux
salmonelles (un groupe de bactéries), aux œufs de parasites (helminthes
pathogènes) et aux entérovirus. Les précautions sanitaires lors de l’utilisation
agricole des déchets, qu’ils soient traités ou non, offrent les meilleures garanties de
protection contre ces risques.
L’épandage des eaux résiduaires ne peut pas se pratiquer sur n’importe quel sol, ni
avec n’importe quelle culture. En dehors des aspects sanitaires liés à l’utilisation de
la récolte, la première qualité du système sol-culture est de permettre l’exportation ou
la réduction maximale des éléments polluants contenus dans l’eau épandue (Collin
et al., 1983). Les eaux utilisées sont d’origine urbaine, agricole ou industrielle et n’ont
subi aucun traitement d’épuration, tout au plus, une épuration primaire. Elles sont le
plus souvent fortement chargées et préférentiellement d’origine domestique car les
charges en métaux lourds des effluents industriels sont à éviter. Ainsi, n’importe
quelle eau usée n’est pas apte à l’épandage. Pour que cette procédure soit
applicable, il faut que l’effluent présente une composition favorable (absence de
substances toxiques, aptitude à la dégradation et à l’assimilation dans le sol,
absence de risque de perturbation de la structure du sol).
Par ailleurs, le sol destiné à l’épandage doit avoir un drainage naturel au moins
moyen à bon, sans excès, ce qui exclut à la fois les zones à tendance marécageuse
et les pentes trop fortes, égales ou supérieures à 10 %. La profondeur du sol doit
être de préférence de l’ordre du mètre : en dessous de 0,3 m, le sol est en principe
inapte à l’épandage des eaux résiduaires. La texture la plus adaptée correspond à
des sols limoneux ou limono-sableux.
Les boues soutirées des stations de traitement des eaux résiduaires sont riches en
matière organique et contiennent des doses non négligeables d’azote et de
phosphore. Leur valeur fertilisante est donc bien réelle. La composition moyenne
d’une boue est présentée dans le tableau 19 (Bechac et al., 1984).
L’épandage des boues sur les sols destinés à l’agriculture s’accompagne d’une
minéralisation de la matière organique avec la formation d’humus stable et la
libération progressive de composés minéraux ou gazeux. Par
opposition aux éléments minéraux provenant des engrais de synthèse, qui sont
directement utilisables, les éléments fertilisants des boues, qui se composent
d’éléments majeurs comme l’azote, le phosphate et la potasse et d’oligoéléments
(fer, manganèse, bore, amine, etc.), ont une disponibilité retardée et progressive. La
pratique de l’épandage devra donc tenir compte de cette donnée.
Tableau 19. Composition moyenne
d’une boue en pourcentage de la
matière sèche.
L’époque la plus favorable pour l’épandage dépend des conditions climatiques et des
disponibilités des cultures. Il est recommandé d’épandre les boues lorsque l’humidité
du sol est inférieure à la capacité de rétention en eau, en d’autres termes, lorsque
l’évapotranspiration est supérieure à la pluviométrie. Il est déconseillé d’épandre sur
un sol gelé ou sur une pente trop importante.
Le risque principal pour le sol lors de l’irrigation des cultures au moyen des
différentes techniques existantes est celui du colmatage. Il peut être d’origine
physique, biologique ou chimique. En règle générale, ce colmatage n’affecte que la
partie superficielle du sol (Collin et al., 1983). Le laboratoire de Riverside, aux Etats-
Unis, propose un diagramme pour déterminer les effets d’une eau sur le sol (Collin et
al., 1983). Pour remédier à ces phénomènes de colmatage, il est recommandé
d’effectuer fréquemment un travail du sol.
Les risques liés aux composés chimiques sont les mêmes, tant pour les eaux
d’épandage que pour les eaux d’irrigation, mais sont aggravés par le fait que les
concentrations dans les eaux brutes peuvent être plus élevées. Les concentrations
excessives, en dehors des métaux lourds, peuvent être le fait de composés non
toxiques, voire fertilisants, et entraîner une modification qualitative des végétaux
cultivés (Collin et al., 1983).
Concernant les risques sanitaires, des virus, des bactéries, des protozoaires et des
helminthes pathogènes passent dans les excréta des personnes infectées et se
retrouvent dans les eaux usées. Ils peuvent être transmis soit par voie orale (par la
consommation de légumes contaminés), soit par la peau (dans le cas des
ankylostomes et des schistosomes). Les eaux usées contiennent
Les nouvelles directives devraient donc indiquer une teneur en bactéries plus
réaliste, qui tienne compte à la fois des données épidémiologiques et du fait que les
risques d’infection bactérienne sont plus faibles qu’on ne le supposait auparavant.
Elles devraient également mentionner la teneur maximale en œufs d’helminthe en
tenant compte des observations épidémiologiques. La démarche épidémiologique
met aussi en évidence les groupes exposés aux risques d’infection associés à la
réutilisation des eaux usées. Il s’agit des ouvriers agricoles et des pisciculteurs, des
personnes qui manipulent les récoltes et des consommateurs, ainsi que des
personnes de passage ou vivant à proximité des champs ou des bassins où sont
utilisées des eaux usées. Cette
Par ailleurs, dans les programmes de réutilisation des eaux usées, il faut toujours
veiller à ne pas créer un habitat pour les vecteurs de maladies, comme les
moustiques ou les mollusques. Dans le passé, les champs d’épandage favorisaient
parfois la reproduction des moustiques de l’espèce Culex pipiens dans les eaux
polluées à faible courant et les bassins d’eau stagnante. Non seulement ils
constituent une nuisance, mais ils peuvent aussi transmettre la filariose
bancroftienne (Oms, 1989) dans la plupart des régions où cette maladie est
endémique. Des méthodes classiques de lutte contre le développement des vecteurs
devraient être appliquées en cas de besoin pour éviter la transmission des maladies
qu’ils propagent.
Il est important de signaler que, pour obtenir un compost de qualité, il faut presque
toujours une fermentation aérobie pour la maturation finale des résidus de digestion
anaérobie ou de fermentation alcoolique. En conséquence, le compostage, et plus
particulièrement sa phase finale de maturation, peut être considéré comme une
technique récurrente quel que soit le type de fermentation choisi au départ. Nous ne
traitons ici que la technique de compostage.
Le compostage
Principe général
Le compostage a évolué depuis une dizaine d’années vers une meilleure maîtrise
des conditions de fermentation car la question des nuisances engendrées par les
sites de compostage est devenue sensible. Ainsi, le compostage passif, qui consiste
à laisser un tas de déchets évoluer en l’état sans aucune intervention, n’est plus
d’actualité sauf pour des unités individuelles traitant de petites quantités. Les
procédés de compostage se distinguent essentiellement dans leurs phases de
latence et de fermentation chaude, par le mode d’aération et le niveau de contrôle
des différents paramètres. Il existe trois procédés de compostage : le compostage
extensif en andains retournés, le compostage intensif à aération forcée, le
compostage industriel en réacteur fermé (voir l’étude de cas sur la valorisation des
déchets d’abattoir au Sénégal, p. 163). Nous ne détaillons que le premier procédé et
nous évoquerons également un cas particulier de finition du compost : le lombri-
compostage.
Le compostage extensif en andains retournés est souvent utilisé dans les pays en
développement. L’oxygénation la plus efficace d’une masse en fermentation est
obtenue par un retournement périodique, qui assure une fermentation homogène.
Les déchets sont disposés en andains de section triangulaire (base 2 à 3 m ; hauteur
1,5 à 2 m ; longueur à la demande) sur une aire étanche. Ces andains sont retournés
manuellement ou mécaniquement à une certaine fréquence pour assurer l’apport
d’oxygène dans le milieu. Le facteur limitant de cette technique est la teneur en
oxygène dans la masse, qui retombe très rapidement après chaque retournement,
surtout au cours de la première phase de fermentation chaude. En pratique, la
fréquence et la qualité des retournements sont les paramètres clés de cette
technique. Pour la fraction organique des ordures ménagères sous climat chaud, on
admet une durée totale de latence et la fermentation chaude de 1,5 à 2 mois avec un
retournement des andains par semaine au cours du premier mois, puis un
retournement toutes les deux semaines le deuxième mois. A la suite de la
fermentation chaude, le précompost subit obligatoirement une maturation en tas
pendant au minimum 2 mois. En fonction des conditions locales et du débit de
déchets à composter, le retournement des andains peut s’effectuer manuellement ou
mécaniquement à l’aide d’équipements agricoles tels que les retourneurs d’andins.
Dans les deux cas, il faut prévoir un espace suffisant entre les andains pour leur
déplacement ou pour le passage du tracteur. A l’issue de la fermentation chaude en
andains, le compost poursuit sa maturation en tas, éventuellement retournés une fois
par mois. Les tas en maturation d’un âge supérieur à 2 mois tiennent lieu de
stockage avant un affinage par criblage et un éventuel conditionnement avant
utilisation.
Aucune filière de traitement ne peut véritablement traiter à elle seule la totalité des
ordures ménagères. Les solutions sont complexes et doivent nécessairement
préserver l’environnement : l’élimination des ordures ménagères passe par une
séparation de leurs principaux constituants et la mise en décharge doit être réservée
aux seuls déchets ultimes (les refus des différentes filières de traitement). Outre leur
hétérogénéité avec la présence de matières inertes sans valeur agronomique, les
ordures ménagères collectées par la voie classique peuvent être contaminées par
des éléments traces métalliques ou des polluants organiques. Il suffit d’un pot de
peinture mal fermé dans un tas d’ordures ménagères pour le rendre impropre à toute
valorisation agricole. Les techniques de production de compost ont d’abord cherché
à s’adapter en mettant en avant la méthode dite du « tri-compostage ». En Europe,
les techniciens ont misé sur la qualité du compost mais, au cours des années 1980,
l’image du compost d’ordures ménagères semble s’être irrémédiablement ternie.
Certains, considérant que l’évolution des techniques de tri avait atteint une limite
quant à la qualité du compost, préconisent soit d’abandonner cette filière, soit de ne
traiter que des produits sélectionnés à la collecte.
Dans les villes d’Afrique, nous avons vu que la fraction organique des ordures
ménagères recyclable en agriculture est constituée des fines, des fermentescibles et
des papiers et cartons souillés. Il existe deux solutions pour sélectionner cette
fraction organique : la collecte sélective ou les techniques de tri.
La collecte sélective
Le tri manuel n’est efficace que s’il est effectué sur des ordures ménagères brutes,
non broyées, ni dilacérées. Le produit défile sur un transporteur à faible vitesse
devant plusieurs personnes chargées d’éventrer les sacs puis de prélever le verre,
les métaux, les plastiques, les papiers et les cartons en état
afin de les évacuer. Les coûts d’équipement sont relativement bas et l’intérêt du tri
manuel dépend surtout du rapport entre le coût de la main-d’œuvre et la valeur
économique des matières récupérées.
Dès que la nécessité du traitement des eaux usées avant rejet s’est imposée, alors
qu’il n’existait encore aucun procédé physico-chimique ou biologique de traitement
intensif, le sol est apparu comme une solution assez intéressante (Bechac et al.,
1984). En effet, les premiers centimètres d’un sol consti-
Conclusion
La valorisation agricole des déchets agricoles et agro-industriels ne pose pas de
problèmes particuliers dès lors qu’ils sont traités sur place. En revanche, en matière
de collecte et de tri des ordures ménagères, il semble maintenant acquis que la
collecte sélective, et plus particulièrement le tri à la source, est la seule voie d’avenir.
Ce tri soulève une question essentielle dans les grandes villes des pays en
développement : dans les quartiers défavorisés, comment responsabiliser une
population par rapport à ses déchets alors que, chaque jour, sa principale
préoccupation est de se nourrir suffisamment et correctement? Il y a parfois une
distorsion flagrante entre le discours progressiste de certaines municipalités et
organisations non gouvernementales et la situation économique et sociale des
populations. Dans une telle situation, il nous semble que toute politique
d’assainissement devrait d’abord se traduire par des créations significatives
d’emplois pour la collecte, le tri et le traitement des ordures ménagères. La collecte
en amont et le recyclage des coproduits en aval peuvent être à l’origine de la
création de microentreprises mettant en œuvre des moyens de transport adaptés à la
trame urbaine (charrettes, camionnettes, camions).
Pour les effluents urbains, l’un des postes les plus coûteux est celui du système
d’évacuation et de transport. En effet, dans le cas d’un assainissement collectif, le
réseau d’évacuation doit acheminer les effluents sur de longues distances. Il doit
donc être suffisamment large pour éviter d’éventuels colmatages, ce qui a pour
conséquence d’augmenter les coûts. Un réseau de petit diamètre constitue une
alternative assez intéressante pour rendre l’assainissement accessible aux plus
démunis, mais il suppose l’intégration du procédé de traitement au sein des
habitations ou à proximité. Cette condition peut être à l’origine d’inconvénients tels
que la propagation de mauvaises odeurs ou la prolifération d’insectes et autres
vecteurs de maladies. Les travaux de recherche devraient s’orienter vers des
procédés qui tiennent compte de ce type de contrainte.
Certaines techniques peuvent créer une synergie entre traitement des déchets et des
effluents. Ainsi, le traitement des ordures ménagères par compostage requiert
souvent une phase d’humidification des tas : la mise à disposition d’une eau usée
traitée peut satisfaire ces besoins à moindre coût. Par ailleurs, le traitement des
effluents par lagunage peut conduire à la production de biomasse (macrophytes)
elle-même compostable.
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Farinet Jean-Luc, Cirad, département des cultures annuelles, TA 74/09, 34398 Montpellier
Cedex 5, France
Fleury André, Ensp, 10, rue du Maréchal Joffre, 78009 Versailles Cedex, France
Huat Joël, Cirad, département des productions fruitières et horticoles, TA 50/PS4, 34398
Montpellier Cedex 5, France
Mougeot Luc J.A., Crdi, 250, rue Albert, CP 8500 Ottawa, Ontario, Canada K1G 3H9,
Canada
Smith Olanrewaju B., Crdi, 250, rue Albert, CP 8500 Ottawa, Ontario, Canada K1G 3H9,
Canada