Regards Pluriels: La Question Éducative Au Burkina Faso
Regards Pluriels: La Question Éducative Au Burkina Faso
Regards Pluriels: La Question Éducative Au Burkina Faso
Maxime Compaoré
(Institut des sciences des sociétés - INSS)
Marie-France Lange
(Institut de recherche pour le développement - IRD)
Marc Pilon
(IRD, en accueil à l'Institut supérieur des sciences de la population -
ISSP)
ISBN: 978-2-9520054-2-5
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Sommaire
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Préface
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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PRÉFACE
depuis le milieu des années 80 et, plus exactement, depuis la réforme avortée
de 1979-1984, qui avait vu l'introduction des langues nationales et du travail
manuel dans l'éducation de base.
Le Centre de Documentation et de Perfectionnement Pédagogique
(CDPP) qui avait été le fer de lance de la réflexion pédagogique pour le pri-
maire jusqu'au milieu des anné~s 70 avait cédé la place à l'Institut National
d'Éducation (INE). Celui-ci avait amplifié le mouvement d'élargissement
amorcé par le CDPP pour inclure dans ses recherches pédagogiques le secon-
daire, plus précisément certaines disciplines comme le français, l'angl~is,
l'histoire-géographie et les mathématiques. Le milieu des années 70 fut aussi
l'époque où l'on avait (re) mis en place un Conseil supérieur de l'éducation
nationale regroupant les principaux responsables et acteurs du système édu-
catif et chargé de donner les grandes orientations pour le développement et
l'amélioration ·du système comprenant alors essentiellement les deux pre-
miers niveaux, le troisième étant très embryonnaire sur le sol national.
Depuis la quasi-d~onnexion du premier niveau du système éducatif à la
faveur du PAS éducationnel du début des années 90, la dynamique des années
70 s'est estompée. L'éducation de base et l'alphabétisation se sont pratique-
ment repliées sur elles-mêmes aussi bien en termes de focus de recherche-
action qu'en termes de ressources humaines. Les structures nées de la
restructuration de l'INE ne se préoccupèrent plus que d'encadrement et de
perfectionnement pédagogiques assurés par les inspecteurs de l'enseigne-
ment primaire ou d'alphabétisation en langues nationales assurée par d'an-
ciens instituteurs initiés à la transcription des langues, avec l'appui individuel
et sporadique de quelques linguistes universitaires.
L'Institut des Sciences de l'Education (INSE) créé en 1985 s'était assigné
la double mission de formation et de recherche en éducation. Mais jusqu'à
présent, cette dernière mission a été mise en veilleuse au profit de la première
élargie entre-temps à la formation du personnel d'encadrement du primaire.
Ce long rappel historique des « politiques » officielles de recherche
en éducation pour éclairer davantage la pertinence du thème du colloque et
montrer aussi les limites d'une recherche non ancrée dans une politique glo-
bale et prospective de développement du système éducatif. Comme chacun ~
sait, à l'exception très remarquable de celle court-circuitée de 1979-1984, les
réformes éducatives au Burkina Faso, en particulier celle relative à l'éduca-
tion rurale ainsi que celles de différents projets éducation de la Banque mon- .
diale, des écoles satellites ont été d'inspiration exogène (études de faisabilité,
programmation, évaluation) et n'ont pas donné lieu'à une capitalisation d'ex-
périences ni à un renforcement des capacités de chercheurs nationaux.
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PRÉFACE
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PRÉFACE
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Introduction générale
Maxime COMPAORÉ*,
Marc PILON**
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2 Ilboudo E., Compaoré M. el al., Revue de l'analyse sectorielle en éducation au Burkina Faso,
1994-1999, GTASE/UNESCO, 2001, ISOp.
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
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18
INTRODUCTION GÉNÉRALE
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
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Première partie
État des lieux de l'éducation
au Burkina Faso
ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
Introduction
Le Burkina Faso compte parmi les pays ayant des taux de scolarisation les
plus bas au monde. En 2002, selon l'annuaire statistique de la Direction des
études et de la planification (DEP) du Ministère de l'enseignement de base et
de l'alphabétisation (MEBA), le taux brut de scolarisation était de 47,5 %.
Face à ce faible taux de scolarisation et à sa lente évolution depuis 1960,
l'Etat et les partenaires au développement tentent ensemble de trouver des
solutions durables.
L'école burkinabè concentre depuis plusieurs années trois maux qui ont
une grande influence sur les ambitions de développement du pays. Il s'agit de
la faiblesse du taux de scolarisation, de la médiocrité des rendements internes
et externes, de l'insuffisance des capacités de gestion, d'administration et de
planification du système éducatif. En outre, le système se caractérise par son
iniquité et sa sélectivité. L'entrée en vigueur du Programme décennal de
développement de l'éducation de base (PDDEB) en 2001 vise à combattre
tous ces maux qui assaillent le système éducatif bukinabè.
Depuis plus d'une quarantaine d'années, l'Etat burkinabè est confronté
aux questions d'accroissement des capacités d'accueil en raison de la pres-
sion de la demande en éducation. Le Plan d'ajustement structurel (PAS) en
1991, tout comme la dévaluation du franc CFA en 1994 ont eu une inciden-
ce sur l'expansion de la scolarisation, notamment aux niveaux secondaire et
supérieur.
En dépit de la constance des efforts déployés depuis lors, on constate
qu'un nombre encore important des enfants de la tranche d'âge de 7-12 ans
n'ont toujours pas accès à l'école. L'enseignement secondaire enregistre en
2002 moins de 13 % de taux brut de scolarisation, tandis qu'au supérieur
celui-ci est plus que catastrophique, moins de 1 %.
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ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
progression de 5,6 points l'an. Comme explication avancée pour cette chute
de la population scolaire, il faut se référer à la grave crise économique qui a
frappé le Burkina à partir de 1965 conduisant celui-ci à prendre des mesures
drastiques concernant le train de vie de l'Etat l .
Cette politique d'austérité a conduit à l'élaboration d'un plan cadre de
développement en 1967. Celui-ci stipulait que : « dans les circonstances
actuelles, en raison de la limitation très stricte des ressources humaines et
financières que la nation peut consacrer à son enseignement, l'éducation est
un bien coûteux et rarè dont tout le monde ne peut disposer selon ses propres
moyens ou ses propres désirs. C'est pourquoi, la planification de l'éducation
doit porter sur l'ensemble du système éducatif et relier son développement
aux besoins et objectifs du pays sur le plan économique et social. La crois-
sance démographique conjuguée avec la soif montante d'instruction pousse
des effectifs de plus en plus nombreux vers les portes des écoles. Dans l'im-
possibilité de les recevoir tous, il faut s'organiser pour sélectionner les
meilleurs éléments et en accueillir le plus grand nombre ».Selon Compaoré
N.D.F. (1997: 152),« à la lumière d'une telle politique sélective, il n'est pas
étonnant que les effectifs et les taux de scolarisation soient aussi faibles pour
le Burkina ».11 est bon de souligner que le système scolaire connaissait déjà
des difficultés d'expansion tant au primaire qu'au secondaire et que les
concours d'entrée en seconde et en sixième ont été instaurés depuis cette
période pour limiter le nombre de ceux qui seront accueillis dans le niveau
secondaire.
A la fin de la décennie 1960-1970, une crise mondiale (Coombs,1968)
frappe l'éducation tant au niveau des pays développés que de ceux sous-
développés comme le Burkina Faso. En tennes de stratégie de sortie de crise, le
Burkina Faso va s'engager dans une réfonne de son système éducatif. Ainsi, la
décennie 1970-1980 est marquée par une remise en cause générale du système
éducatif burkinabè avec la conviction qu'il ne saurait se développer sans une
refonte des programmes, des méthodes d'enseignement et une révision des
modes et des sources de financement de l'éducation. Cette décennie sera donc
marquée par une réfonne du système éducatif. Initiée, à partir de 1972, elle ne
sera mise en application qu'à partir de 1979 dans des écoles expérimentales.
Entre autres objectifs, l'on prévoyait dans cette réfonne de :
- démocratiser le savoir en entreprenant l'éducation des masses par la scola-
risation et l'alphabétisation en vue d'atteindre 50 % (1977-1987) de taux de
scolarisation au niveau de l'enseignement élémentaire de base pour les
deux sexes;
1 Cette période fut appelée la « garangose » du nom du Ministre des finances de l'époque.
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2 Organe dirigeant du Burkina Faso de 1983 à 1987, sous le Président Thomas SANKARA.
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ÉTAT DES LIEUX DE l'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
A partir des années 1990, la recherche des solutions appropriées pour l'at-
teinte de l'éducation universelle conduira les autorités politiques burkinabé à
élaborer, en lien avec les partenaires de l'éducation, deux plans dans le sec-
teur de l'éducation. Il s'agit:
- du Plan décennal de l'enseignement post-primaire 1996-2005 qui vise 25 %
de taux de scolarisation au secondaire à l'orée 2005 (pendant qu'en 2001,
ce taux de scolarisation n'était que de 11 ,90 %) ;
- du Programme décennal de développement de l'éducation de base
(PDDEB) 2001-2010 qui prévoit à tennes un taux de scolarisation de 70 %
au primaire et un taux d'alphabétisation de 40 %.
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l Le groupe pédagogique désigne 'In groupe d'élèves d'un même niveau recevant dans un
même lieu et au même moment l'enseignement d'un maître.
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ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
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Double flux Multigrades Flux simple
Groupes pédagogiques
Les établissements
A l'instar des salles de classes et des groupes pédagogiques, le nombre
des établissements a connu une croissance régulière, passant de 411 en 1961
à 5389 en 2001. Le rayon d'action moyen d'une école qui était de 14,6 km
en 1961 est tombé à 4 km en 2001. Il convient cependant de souligner qu'à
cette même date (2001) dans les provinces à faible densité telles que la
Kompienga, l'Oudalan, la Komandjoari, la Tapoa, le Yagha, le Sourn et le
Gourma, le rayon moyen d'action d'une école était encore élevé, variant
entre 10 et 6,1 km 2 •
Le graphique n° 2 qui présente l'évolution du nombre d'établissements
fait apparaître une longue période de stagnation qui va jusqu'en 1981. C'est
après cette année que le rythme d'ouverture des écoles s'accélère pour se
maintenir jusqu'en 2001.
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1960-1982 1983-1987 1988-1990 1991-2001
Périodes
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ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
Tableau II. Evolution des effectifs scolaires selon le statut des établisse-
ments de 1997 à 2001.
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ÉTAT DES L1EU)( DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
Le personnel enseignant
Nombre et qualification du personnel enseignant
Depuis 1991, date de mise en œuvre du programme d'ajustement structu-
rel, l'enseignement de base a bénéficié d'un régime favorable en ce qui
concerne le recrutement de son personnel enseignant. Parallèlement au recru-
tement régulier du personnel enseignant, le nombre des écoles de formation
professionnelle des enseignants du primaire a également connu une augmen-
tation passant de deux en 1997 à cinq en 2001. Il en a résulté une améliora-
tion de la qualification du personnel dont 87,6 % en 2001 étaient titulaires
d'un titre de capacité. Le corps numériquement le plus important était celui
des instituteurs adjoints certifiés qui totalisait 54 % des effectifs du person-
nel enseignant.
Le taux d'encadrement des élèves
Le taux d'encadrement des élèves varie d'un groupe pédagogique à
l'autre. Ainsi en 2001, pour le double flux on dénombrait 54 élèves en
moyenne par groupe pédagogique, équivalant à un ratio d'un enseignant pour
108 élèves.
Dans le cas du multigrade, l'effectif moyen par groupe pédagogique était
de 20 élèves, correspondant à un ratio de 40 élèves par enseignant.
Le simple flux totalisait un effectif moyen de 46 élèves par enseignant. La
formule du double flux semble de ce fait la plus rentable du point de vue de
la capacité d'accueil des effectifs scolaires. Il est alors à espérer que ces gains
d'effectifs ne se réalisent pas au détriment de la qualité des apprentissages
scolaires.
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Période décennale
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Années universitaires
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Une autre constatation est que les effectifs s'étiolent de la 1re année à la
7< année, ce qui va davantage jouer sur les effectifs des filles.
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• Source DEPIMESSRS.
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Conclusion
L'analyse de l'évolution de la scolarisation au Burkina Faso a fait ressor-
tir le grand nombre de stratégies, d'innovations et de formules éducatives
alternatives mises en place depuis plus de 40 ans pour répondre aux besoins
éducatifs des populations. En dépit des efforts déployés, le constat suivant se
dégage:
-les composantes du système éducatif évoluent à des rythmes différents.
Des signes de dysfonctionnement sont déjà perceptibles avec l'engorgement
des classes de CM2 au primaire et de celles de 6< au secondaire.
Ce constat qui menace l'équilibre et la stabilité du système contraste avec
la politique éducative poursuivie actuellement qui ne prévoit pas de mesu-
re pour le réajustement de l'équilibre du système ;
-la couverture éducative est faible et s'aggrave au fur et à mesure que l'on
va du premier niveau vers les niveaux supérieurs. Le niveau de scolarisa-
tion auquel se situe le Burkina Faso amène à le classer parmi les pays les
moins scolarisés de la planète ;
- la qualité et la performance du système laissent à désirer. En effet, le maté-
riel pédagogique est insuffisant, la qualification des enseignants est plutôt
faible et leur nombre est dérisoire au secondaire et au supérieur. Le ratio
élève par classe au secondaire tourne autour de cent élèves ;
-l'équité en matière d'accès à l'éducation selon le sexe, le lieu de résidence
et l'origine sociale n'est pas encore une réalité, malgré la politique volon-
tariste mise en place en faveur notamment de l'éducation des filles et des
femmes, avec le soutien de certains programmes.
Le défi que le système doit relever est de parvenir à réaliser les objectifs
de l'EPT et des üMD et de fournir à l'économie nationale les cadres compé-
tents dont elle a besoin pour son développement.
Bibligraphie
COOMBS P., 1968. La crise mondiale de l'Education, PUF, Paris.
COMPAORÉ F., 1997. Discours politique et inadaptation de l'école au Burkina
Faso. Thèse de Doctorat Unique, Université de Paris 8,527 p.
DEPIMESSRS, 1996. L'éducation Post-Primaire, Stratégies, Politiques et
Programmes, Service de la documentation, Ouagadougou, 109 p.
DEP!MESSRS, Annuaires statistiques, 92-93. Service des statistiques de la carte
scolaire et de la documentation, Ouagadougou.
DEP/MESSRS, Annuaires statistiques, 95, 96, 97, 98, 99, 200(). Service des sta-
tistiques de la carte scolaire et de la documentation, Ouagadougou.
DEP/SG/MESSRS, données globales sur les enseignements secondaire et supérieur,
année 2001-2002.
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ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
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L'alphabétisation et l'éducation
non formelle au Burkina Faso : état des lieux
Anatole NIAMEOGO*
Introduction
L'Éducation non formelle (ENF) en général et l'alphabétisation en parti-
culier ne sont pas seulement les parents pauvres du système éducatif; elles
sont les moins connues parce qu'ayant fait l'objet de peu d'intérêt de la part
des chercheurs et des planificateurs de l'Éducation.
Au Burkina Faso, la Loi d'Orientation de l'Éducation du 9 mai 1996 en
son chapitre II, article 18 définit l'éducation non formelle comme suit :
« l'Éducation non formelle concerne toutes les activités d'éducation et de for-
mation structurées et organisées dans un cadre non scolaire et s'adressant à
toute personne désireuse de recevoir une formation spécifique dans une struc-
ture non scolaire ».
Auparavant, P. COOBS (1968) avait défini l'éducation non formelle
comme « un ensemble anarchique ou confus d'activités non scolaires d'édu-
cation et de formation» 1 et en 1983 comme « toute activité organisée et sys-
tématique se situant en dehors du système éducatif traditionnel et visant à
offrir certains types d'enseignement à des groupes déterminés de la popula-
tion d'adultes comme d'enfants »2. Définie de cette façon on voit bien que
l'éducation non formelle que l'on se borne souvent à limiter à la seule alpha-
bétisation recouvre un domaine très vaste dans lequel l'alphabétisation n'est
qu'un des éléments constitutifs.
Nous avons retenu quelques études réalisées ces cinq dernières années et
qui visent à faire connaître l'éducation non formelle, un sous-système éduca-
tif appelé à se développer dans la perspective de l'Éducation pour tous (EPT)
en 2015. Il s'agit de:
- l'état des lieux de l'édllcation non formelle réalisé par l'Association pour la
promotion de l'éducation non formelle (APENF) en 1999 ;
- répertoire des opérateurs réalisé en 2002 par l'INA (INEBNF) ;
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
] Conformément aux conclusions du Forum mondial sur l'Éducation de Dakar tenu en avril
2000, l'EPT devrait être une réalité en 2015.
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ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
Il ressort de ce tableau qui fait le point des institutions qui ont répondu à
cette question relative à l'ancienneté que 72 % (soit 155 sur un total de 215)
ont été mises en place entre 1990 et 1997, 16 % des institutions ont vu le jour
entre 1980 et 1989, tandis que 12 % ont été créées avant 1980.
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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ÉTAT DES LIEUX DE l'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
Le financement
Notre enquête s'est également intéressée aux budgets des institutions et à
leurs sources de financement. C'est un domaine très sensible et très peu de
structures acceptent mettre à la disposition des chercheurs les informations
sur leurs ressources. Ainsi par exemple, 252 institutions sur les 400
(soit 62 % ~e l'échantillon) ont fourni des données sur leur budget annuel.
Le montant total des budgets pour la campagne 1995-1996 s'est élevé
à 5 449000000 de F CFA soit en moyenne 21 062000 F CFA par institution.
Les montants dépensés en moyenne par institution, pour la même année,
sont de 19014000 F CFA pour les 252 institutions. Les montants dépensés
représentent donc environ 89 % des montants acquis soit 4 825 000 000 F CFA.
Si l'on s'intéresse au coût unitaire des formations, les 238 institutions qui ont
répondu à l'enquête, soit 60 % de l'échantillon, ont eu à dépenser
3694000 000 F CFA pour former 355 593 bénéficiaires. Ce qui revient à dire
que chaque personne formée aurait coûté Il 009 F CFA. En ce qui concerne
les sources de financement, il ressort de nos investigations que le finance-
ment des activités d'éducation non formelle provient des bénéficiaires pour
5 % des ressources propres des institutions pour 32 % et de l'appui extérieur
pour 63 %.
Les résultats
En termes de résultats pour la campagne 1995-1996, à savoir la campagne
qui a précédé l'étude, on a enregistré 43 223 personnes formées en alphabé-
tisation initiale (AI), Il 283 en formation complémentaire de base (FCB) et
24 826 dans les différentes formations techniques spécifiques (FfS). Les
bénéficiaires étaient de la tranche d'âge de 15 ans et plus et on dénombrait
53 % d'hommes et 47 % de femmes.
L'état des lieux complété d'ailleurs par une étude d'impact de l'alphabéti-
sation ciblée sur 15 des 400 institutions recensées atteste les effets bénéfiques
des différentes formations. Les effets bénéfiques sont le changement positif
du comportement, l'amélioration des conditions de vie, de la gestion des acti-
vités économiques, des revenus et de la santé, les meilleures applications des
techniques culturales et le dynamisme des organisations paysannes.
L'étude sur l'état des lieux a ainsi permis de répertorier 19 résultats qualita-
tifs dont les plus importants sont présentés dans le tableau ci-dessous.
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Boucle du Balé 1 5 1 7
Mouhoun Banwa 1 0 6 7
Kossi 0 1 2 3
Mouhoun 0 0 6 6
Nayala 0 0 2 2
Sourou 0 1 3 4
Total 2 7 20 29
2 Cascades Comoé 2 3 4 9
Léraba 0 1 2 3
Total 2 4 6 12
3 Centre Kadiogo 0 24 6 30
Total 0 21 6 30
4 Centre-Est Koulpelogo 1 0 5 6
Kouritenga 1 5 1 7
Total 2 6 14 22
5 Centre-Ouest Bulkiemdé 0 1 11 12
Sanguié 0 0 10 10
Sissili 0 0 7 7
Ziro 0 0 2 2
Total 0 1 30 31
6 Centre-Nord Barn 1 1 8 10
Narnentenga O, 1 3 4
Sanmatenga 2 6 13 21
Total 3 8 24 35
7 Centre-Sud Bazèga 0 2 12 14
Nahouri 0 4 2 6
Zoundwéogo 1 0 3 4
Total 1 6 17 24
, L'opérateur prestataire de service est un opérateur dont les missions consistent exclusivement
à apporter un appui technique aux autres opérateurs dans la réalisation de leurs programmes
d'alphabétisation et d'éducation non formelle.
6 L'opérateur bénéficiaire et prestataire de service est un opérateur ouvrant des centres et
terrain.
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LA QUESnON ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
8 Est Gounna 0 6 4 10
Gnagna 0 7 3 10
Kornandjari 0 1 1 2
Tapoa 0 9 1 10
Total 0 25 11 36
9 Hauts- Houet 0 1 4 5
bassins Kénédougou 0 2 3 5
Tuy 0 1 0 1
Total 0 4 7 11
10 Nord Lorurn 0 0 14 14
Passoré 0 0 14 14
Yatenga 0 0 21 21
Zondorna 0 0 Il Il
Total 0 0 60 60
Il Plateau Ganzougou 1 3 4 8
central Kourwéogo 0 3 6 9
Oubritenga 0 6 14 20
Total 1 12 24 37
12 Sahel Oudalan 1 2 3 6
Séno 0 6 10 16
Sourn 0 0 4 4
.
Yagha 0 0 1 1
Total 1 8 18 27
13 Sud-Ouest Bougouriba 1 0 5 6
loba 0 1 4 5
Nournbiel 0 0 4 7
Poni 0 0 7 7
Total 1 1 20 22
Total général 14 106 256 376
Les statistiques indiquent une inégale répartition des opérateurs dans les
régions. On totalise ainsi 60 opérateurs au Nord contre seulement Il dans les
Hauts-Bassins. A ces disparités régionales s'ajoute la fragilité du mouvement
associatif pour la promotion de l'éducation non formelle dans la plupart des
provinces où l'aide extérieure est peu présente. Six provinces (Yagha, Tuy,
Komandjari, Ziro, Léraba, Nayala) enregistrent entre 1 et 3 opérateurs dont
le dynamisme n'augure pas de leur participation accrue à l'atteinte des objec-
tifs du PDDEB en dehors d'un appui conséquent.
Un regroupement du potentiel des opérateurs actifs dans le sous-secteur
avec les zones prioritaires d'intervention du PDDEB laisse entrevoir l'urgen-
ce de la mise en œuvre d'un dispositif de planification efficiente. Cela doit
62
ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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ÉTAT DES LIEUX DE L'ËDUCATION AU BURKINA FASO
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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ÉTAT DES LIEUX DE L'ÉDUCATION AU BURKINA FASO
Conclusion
Nous retenons qu'il est très difficile d'établir un état des lieux complet et
exhaustif de l'éducation non formelle au Burkina Faso, Notre contribution a
été plus orientée vers une présentation des initiatives en cours. De ce fait,
nous confirmons que l'évolution de l'alphabétisation et de l'éducation non
formelle au Burkina Faso, ces dernières années, a connu une accélération du
fait d'une meilleure organisation du sous-secteur et d'une meilleure implica-
tion des différents acteurs,
'II s'agit notamment de la faiblesse des ressources, du retard de leur mise à disposition ou leur
irrégularité, de la non réalisation d'un~ étude du milieu. de l'utilisation de formateurs non quali-
fiés dans les centres d'alphabétisation, de l'impossibilité de payer le matériel didactique adapté.
de la faiblesse du suivi et de la supervision. de l'utilisation de programmes inadaptés. etc,
67
LA QUESTION ËDUCATIVE AU B'JRKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Bibliographie
APENF/ADEA., L'état des lieux de l'éducation non formelle au Burkina Faso, 1999,
68 p.
COOMBS P., La crise mondiale de l'éducation, PUF, Paris, 1968.
COOMBS P., Attaching rural poverty : How non formel education can help. Cité par
BHOLA H.S., « L'éducation non formelle en perspective » in UNESCO,
Perspectives, Revue trimestrielle de l'éducation, Vol. XIII, Numéro 1, 1983.
DIAGNE A.W., NIAMEOGO A., OUOBA, « La stratégie de renforcement des
capacités des opérateurs en éducation non formelle », MEBAJFONAENF, Août
2002,51 p.
DIAGNE A. W., Le développement de l'éducation non formelle au Burkina Fr.so à
travers la stratégie du faire-faire, PENF, juin 2001, 50 p.
MEBA, Le programme Décennal de Développement de l'Éducation de Base
(PDDEB) 2000-2009, 1999,97 p.
MEBA, Le répertoire des opérateurs en alphabétisation et en éducation non formelle,
INEBNF (ex INA), juin 2002,450 p.
NIAMEOGO A. T., Etude-bilan de l'alphabétisation au Burkina Faso, UNESCO,
2001,92 p.
68
Deuxième partie
Éducation et société
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Stéphanie BAUX*
71
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
72
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
73
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
arguant que les enfants dans ce type de classe ont un enseignement dévalué
puisqu'ils ont un volume horaire réduit. Cette méthode est d'autant plus mal
perçue par les familles les plus démunies qu'elle s'inscrit en contradiction
avec un système de pensée relevant d'une culture du travail où l'effort four-
ni est en rapport direct avec la réussite. Ainsi, les parents ont tendance à
considérer l'efficacité d'une école en fonction de la quantité de travail
demandé aux élèves. Les écoles privées l'ont bien compris et développent,
surtout dans les classes d'examen, des cours supplémentaires de préparation.
Au niveau des familles enquêtées, les critiques proférées à l'encontre
du système scolaire concernent aussi l'absentéisnJ~ des enseignants que leur
pluriactivité qui les empêchent de se consacrer à leurs tâches éducatives et le
harcèlement par les fondateurs des écoles privées des parents d'élèves qui
tardent à payer. De leur côté, les enseignants, même s'ils admettent les diffi-
cultés financières de nombreux ménages ouagalais, ont souvent une percep-
tion déficitaire du comportement des familles qu'ils jugent laxistes,
désinvoltes, non disponibles et non présentes dans la scolarisation de leurs
enfants. Suivant les interlocuteurs, le discours met plutôt l'accent sur les
causes objectives (manque de disponibilité, soucis financiers, etc.) ou
subjectives (insouciance, mauvaise volonté, choix de priorités non rationnels,
alcoolisme, etc.). Au contraire, beaucoup de ménages affirment se sacrifier,
notamment au niveau financier pour la scolarité de leurs enfants et soutien-
nent qu'ils sont le plus présents possible à l'école. Mais certains pères
avouent également que la honte, liée au dénuement et à l'analphabétisme les
empêche parfois d'aller voir les enseignants surtout quand ils ne peuvent
s'acquitter des frais de scolarité dans les délais. C'est aussi pour cette raison
que les parents se montrent globalement peu critiques à l'égard du système
scolaire et de son fonctionnement, dévoilant ainsi leur sentiment d'infériorité
face aux lettrés et à la puissance emblématique de l'école en tant qu'organe de
transmission d'un modèle culturel dominant.
L'ensemble de ces discours montre la diversité des représentations liée au
fonctionnement de l'école à Ouagadougou. Leur confrontation permet
d'illustrer une partie des problèmes de l'activité scolaire dans la capitale et
révèle que les auteurs se renvoient les responsabilités. Elle souligne égale-
ment les déficits de communication entre les décideurs des politiques éduca-
tives et le personnel enseignant d'une part et d'autre part entre ce personnel
enseignant et les parents d'élèves, stigmatisant par-là les relations difficiles
entre analphabètes et gens instruits. Mais si les différents acteurs rencontrés
n'ont pas les mêmes conceptions du fonctionnement du système et qu'il en
résulte des tensions entre eux, tous s'accordent à penser que la scolarisation
des enfants est aujourd'hui indispensable.
74
,,
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
75
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
76
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
2 Il est, à ce titre, intéressant de constater comment le métier d'enseignant est valorisé pour les
familles que nous avons interrogées, alors que de l'autre côté, les instituteurs se plaignent de
la perte de reconnaissance de leur profession qui s'inscrit en parallèle de la dégradation de
leurs conditions de vie.
1 En ce qui concerne les acteurs de l'offre, seul J'inspecteur et un membre des PTF ont rejeté
77
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
4 Le SNEA-B veut réhabiliter les travaux, in Le Pays n02459 du mardi 4 septembre 2001.
, Les familles semblent, au contraire, construire leurs schémas représentatifs sur l'école sans
prendre en compte son fonctionnement inégalitaire ou en la légitimant. Les représentations
que l'on peut qualifier d' « aliénantes» selon l'expression de Michel Gilly (1989) ne remet-
tent pas en cause la sélectivité du système: elles attribuent aux enfants ou à Dieu les raisons
de l'échec. Seul un père interrogé a accusé le système de freiner la progression des enfants
au cours des cycles par l'introduction de barrières économiques. surtout dans le secondaire:
« l'école empêche les pauvres de réussir », dit-il.
78
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
79
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
société mais les valeurs diffèrent selon l'interlocuteur. Pour certains, l'école est
un produit de la colonisation. Elle va donc à l'encontre des valeurs sociales
séculaires. Ainsi, l'école amène l'individualisme quand la société tradition-
nelle est fondée sur la solidarité et la communauté, elle entraîne le rejet des
travaux agricoles et manuels alors que le pays est essentiellement rural, etc.
Pour d'autres, l'école véhicule une éthique que la société, décomposée, a
perdu; mais certains admettent que c'est l'école qui forme les technocrates
corrompus. École et société sont donc intimement liées, elles s'influencent
mutuellement que ce soit positivement ou négativement. Trois niveaux de
discours ressortent des entretiens auprès des familles. Pour certains, l'éduca-
tion scolaire et les valeurs transmises à l'école sont en accord avec celles
inculquées au sein de la cellule familiale. Pour d'autres, le champ des savoirs
est, surtout en milieu urbain, stigmatisé par le savoir scolaire. Les valeurs de
la famille et de l'éducation parentale sont alors complètement dénigrées. Les
parents analphabètes semblent être en rejet de leur éducation qui n'apprend
plus rien aux enfants alors que l'école ouvre de nombreuses perspectives rejet
qu'ils légitiment par le fait que les enfants ne les écoutent plus. D'un autre
côté, plusieurs parents pensent que les éducations scolaire et familiale sont
complémentaires et qu'ils ont un rôle à jouer dans l'école même si on leur
refuse ce droit. Certains pères et mères considèrent que l'école alphabétise
mais n'éduque pas. C'est à eux que revient alors l'essentiel de la transmis-
sion des savoirs et des valeurs sociales. Ainsi l'éducation des enfants procé-
derait d'une alchimie complexe entre savoirs «modernes », symbolisant le
progrès et l'avenir, transmis par l'école, et savoirs « traditionnels », garants
des valeurs sociales et morales ancestrales, indispensables à la définition de
l'identité.
La diversité des discours souligne le laborieux travail de syncrétisme qui
se construit petit à petit entre des systèmes de pensées et de construction
sociale hétérogènes, voire antagonistes et la lutte des différents champs des
savoirs pour trouver leur place. « En extrayant la formation des jeunes acteurs
sociaux de l'immédiateté des situations pratiques, en les arrachant à leurs
ethnismes, elle crée les conditions de conquête d'une certaine distance à
soi-même et engage la genèse de nouvelles formes d'individualités. »
(DE QUEIROZ, 1995, p. 121). Si l'éveil et l'ouverture d'esprit que transmet
l'école sont plébiscités, il peut aussi faire peur car il donne la possibilité aux
enfants de remettre en cause l'ordre établi. Certains comportements refl"œnt
alors ces oppositions, c'est notamment le cas de la scolarisation des filles.
L'importance de celle-ci est quasiment unanimement reconnue dans les
discours par l'ensemble des personnes interrogées. Mais, si peu de parents
avouent ouvertement des pratiques discriminantes à l'égard des filles.
80
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
quête exploratoire mais aussi par certains écoliers, preuve que c'est l'école même qui véhi-
cule et reproduit les valeurs sociales.
81
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PlURIELS
82
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Conclusion
Comme nous avons essayé de le montrer tout au long de cet exposé, l'éco-
le à Ouagadougou « s'institue» : les parents sont de plus en plus conscients
de l'importance de la scolarisation des enfants pour leur pennettre de s'inté-
grer socialement et de s'insérer plus tard dans le marché du travail. Même si
les familles connaissent la crise de l'emploi à l'heure actuelle, elles fixent
beaucoup d'espoir dans l'école pour préparer leurs enfants à un avenir
meilleur. De leur côté, les jeunes scolarisés gardent tous le rêve de devenir un
jour «employés de bureau ». La plupart des parents interrogés lors de notre
enquête étaient analphabètes, ils avaient donc une représentation du système
très symbolique fondée sur le prestige des gens lettrés mais ignoraient tout
des mécanismes scolaires et du fondement profondément inégalitaire du sys-
tème. Peut-on alors envisager cette institutionnalisation comme un phénomène
irréversible? Une mère d'élèves rencontrée dans un quartier non loti qui avait
été à l'école jusqu'en classe de troisième, se plaignait de n'avoir jamais pu
utiliser son bagage scolaire pour améliorer sa situation économique difficile.
Elle se trouvait en rejet de la scolarisation arguant qu'elle ne lui avait été
d'aucun secours pour s'intégrer dans le marché du travail. Ses enfants ne fré-
quentaient un établissement scolaire que par la volonté de son mari. Cet
exemple reflète la fragilité de la situation actuelle : quelles pratiques et
quelles représentations auront les déçus du système scolaire, devenus à leur
tour parents quand il sera question d'inscrire leurs enfants à l'école? « C'est
au moment où l'école finit par sunnonter les méfiances populaires et obtenir
leur adhésion qu'elle trompe dans bien des cas leurs attentes, soit en ne trans-
mettant pas ce que les parents désirent et de la façon dont ils le désirent, soit
en mettant l'élève en situation d'échec, soit encore en décernant un diplôme
dévalorisé» (DE QUEIROZ, 1995, p. 121). Les déscolarisés (PROTEAU,
1999) ou les diplômés au chômage révèlent une nouvelle fonne d'exclusion
ou de marginalisation sociale qui posent le problème de la pérennité de
l'institutionnalisation de l'école, basée sur son pouvoir d'intégration sociale.
Les changements actuels des représentations relatifs à l'école s'inscrivent
donc dans d'autres systèmes généraux de représentations sociales en cours
qui tendent à établir un syncrétisme entre différents savoirs et différentes cul-
tures. Le système scolaire, au cœur de ses transfonnations complexes, ne
semble pas avoir encore trouvé sa place.
83
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Bibliographie
ABRIC J-C., 1994. « Pratiques sociales, représentations sociales », in Pratiques
sociales et représentations, Paris, ed. PUF, p. 217-238.
DE QUEIROZ J-M., 1995. L'école et ses sociologies, Paris, ed. Nathan Université,
126 p.
GERARD E., 1998. « Femmes, instruction et développement au Burkina Faso,
Incertitudes africaines », in Lange M-F. (dir), L'école et les filles en Afrique, Paris,
ed. Karthala, p. 197-218.
GERARD E., 1999. « Être instruit en tout cas, discours et représentations du fait
scolaire en milieu urbain au Burkina Faso », in Autrepart, na Il ,Paris, p.lOl-1I4.
GERARD E., 2001. « La demande d'éducation en Afrique: approche sociolo-
gique », in PILON M., YARO Y. (dir)., La demande d'éducation en Afrique, État des
connaissances et perspectives de recherche, ed. UEPA, nO l, pp 69-70.
KABORE 1., LAIREZ T., PILON M., 1999. « Genre et scolarisation au Burkina
Faso: une approche statistique exploratoire », Séminaire international du CICRED
Stratégies éducatives, familles et dynamiques démographiques, Ouagadougou, 15-19
novembre 1999, 19 p.
KABORE 1., KOBIANE J-F., PILON M., SANOU F., SANOU S., 2001. « Le
Burkina Faso, Politiques éducatives et système éducatif actuel », in PILON M.,
YARO Y. (dir)., La demande d'éducation en Afrique, état des connaissances et pers-
pectives de recherche, ed. UEPA, p. 99-116.
KAIL B., 1999. « Liens entre enjeux et pratiques de scolarisation à Bamako », in
GERARD E. (dir), Les cahiers de l'ARES Les enjeux de l'éducation et des savoirs
au Sud, n l, mai, p. 101-115.
O
ORFALI B., 2000. « Les représentations sociales: un concept essentiel et une théo-
rie fondamentale en sciences humaines et sociales », in L'année Sociologique, vol
50,no 1,Paris,p.235-254.
MEBA., 2000. Plan décennal de l'éducation de base (PDDEB) 2000/2009.
MEBAlPAEB., 2001. Annuaire statistique de l'enseignement de base 1997-2000,
Cd-Rom.
PROTEAU L., 1999. « Image sociale des déscolarisés dans la presse ivoirienne »,
in GERARD E. (dir), Les cahiers de l'ARES Les enjeux de l'éducation et des savoirs
au Sud, n l, mai, Paris, p. 19-32.
O
84
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Anselme YARü *
Introduction
Depuis les « appels à réorientations » pour une éducation de base pour
tous issus de la Conférence de 10mtien en Thailande, en 1990, des aménage-
ments et des réformes ont été mis en œuvre au sein du système éducatif bur-
kinabè. Les efforts se situent sur le plan du développement quantitatif et
qualitatif, à travers l'objectif de l'accroissement du taux de scolarisation et
l'amélioration de l'efficacité du système éducatif, tant interne qu'externe. Au-
delà des objectifs de 10mtien, les réalités scolaires de ce pays réclamaient des
initiatives et des stratégies. C'est ainsi qu'ont été adoptés ou développés les
systèmes du double flux et du multigrade, la pédagogie de grands groupes et
l'enseignement bilingue français-langues nationales. Parallèlement à ces
innovations, ont été déployées plusieurs autres interventions comme celles
observables du côté des populations, au nom d'un partenariat de l'État avec
la société civile. Dans les tendances actuelles, une adhésion plus forte des
communautés à la scolarisation est en effet recherchée. La participation des
communautés devrait être plus intense et se diversifier en portant sur le finan-
cement (main-d'œuvre, équipement des élèves et des écoles) et sur le fonc-
tionnement de l'école (sa vie quotidienne) ou sur l'éducation (appui aux
maîtres dans certains enseignements, suivi de la scolarité des élèves). En fait,
la politique éducative s'appuie sur les communautés dont on espère que la
participation soit à la hauteur des attentes.
À vrai dire, il paraît bien que pour une période plus ou moins longue le
choix soit déjà effectué et que tout devienne désormais une question de mise
en œuvre (MEBA, 1999a). Dans ce contexte, se pose la question des préa-
lables nécessaires à la réussite d'une telle politique. Au regard de la situation,
on note que ceux-ci relèvent des ressources économiques des populations, de
leur niveau d'instruction et des manières dont l'école est appréhendée.
85
LA QUESTION ~DUCAnVE AU BURKINA FASO: REGARDS PlURIELS
Sur ce dernier point, sans conteste, les rapports des communautés à l'éco-
le restent un thème à explorer. Les connaissances demeurent insuffisantes,
notamment en milieu rural. En outre, à l'instar des autres phénomènes
sociaux, l'objet est de nature dynamique: il s'agit de prendre en compte et
d'analyser la demande d'éducation en Afrique comme préconisé dans un
ouvrage récent (pILON et YARO (dir), 2(01). La connaissance des repré-
sentations de l'école par les individus ou les communautés est primordiale à
cette approche: partir des représentations de l'école permet en effet de mettre
en bmière certains aspects de la demande d'éducation. Ce contexte nous a
conduit à étudier l'évolution de la perception de l'école puis la représentation
du coût de l'école à Tiodié (YARO, 1998 ; 1999). La présente recherche tente
ainsi d'évaluer les rapports des parents d'élèves à l'école primaire classique
dans des milieux différents, urbain et rural. Comment les parents apprécient-
ils la présence de l'école dans leur localité ? Quels sont les problèmes de
l'école? Quels sont les souhaits des parents pour l'école? Quels sont leurs
« choix scolaires » ? Quelles sont les demandes de formation pour adultes ?
Ces adultes désirent-ils apprendre leur propre langue ou le français, ou bien
les deux langues ?
Les enquêtes menées pour répondre à ces questions reposent sur un ques-
tionnaire comportant des questions fermées et ouvertes. Elles ont eu lieu de
décembre 1999 à janvier 2000 à Koudougou' (chef-lieu de la Province du
Boulkiemdé), à Kyon2 (chef-lieu du département de Kyon, Province du
Sanguié) et à Tiodié3 (province du Sanguié). Ces localités du Centre-Ouest
du pays se situent dans un périmètre rapproché (distance maximum d'envi-
ron 68 km). L'ethnie Moaga est fortement représentée à Koudougou tandis
que les Lyèla sont majoritaires à Kyon et les Nuna à Tiodié.
Koudougou est une ville peuplée d'animistes, de chrétiens et de musul-
mans. Les chrétiens sont majoritaires dans la bourgade de Kyon où les habi-
tants sont également presque tous animistes à l'exception de quelques
musulmans'. Tiodié est un village d'animistes qui « subit» une christianisa-
tion tardive (par rapport à d'autres villages ou régions du pays) depuis
les années 1985. Koudougou possède de nombreuses écoles classiques, plus
importantes en nombre que les écoles coraniques ou franco-arabes ou
medersas. On enregistre deux écoles classiques à Kyon, une Ecole satellite (ES),
86
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
, Les ES et les CEBNF sont des innovations pédagogiques bilingues. Les premières accueillent
des enfants en âge de scolarisation tandis que les secondes se chargent de jeunes non scola-
risés ou déscolarisés. Quant aux CPAF, on y alphabétise des adultes dans leur langue.
• Ici, la famille est la plus petite unité de parenté et de résidence manifestant une solidarité,
notamment pour l'éducation des enfants.
7 C'est surtout à Koudougou que nous avons un peu enquêté au grand marché.
87
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
88
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Tableau III. Niveau de formation atteint par les femmes et les hommes.
Femmes % Hommes % Total %
89
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
90
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Tableau VIT. Voyages effectués à l'étranger par les femmes et les hommes.
a voyagé Koudougou Réf. Kyon Réf. Tiodié Réf. Total Réf.
Hommes 29,6% 81 50% 52 65,50% 58 46,10% 191
Femmes 5,30% 19 20,80% 48 38,10% 42 24,80% 109
Total 25% 100 36% 100 54% 100 38,30% 300
Tableau VITI. Les répertoires linguistiques des femmes et des hommes (%).
Koudougou Kyon Tiodié Total
F H F H F H F H F+H
Monolingues 31,6 46,9 75 46,2 47,6 37,9 56,9 44 48,7
Bilingues 68,4 53,1 25 53,8 52,4 62,1 43,1 56 51,3
Tableau IV. Nombre de langues parlées par les femmes et les hommes.
Koudougou Kyon Tiodié Total Total
Pratiques F H F H F H F H F+H
1 langue 6 38 36 24 20 22 62 84 146
2 langues 7 35 10 15 9 15 26 65 91
3 langues 5 5 2 9 10 14 17 28 45
4 langues 1 2 0 4 3 7 4 13 17
5 langues 01 0000 011
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Total 33 25 8 22,7
Accès à l'information
Les familles possèdent plus de postes de radio que de téléviseurs. Elles
n'ont presque pas de livres (tous genres confondus). La possession de ces
biens « culturels» diminue du milieu urbain au milieu rural. En plus de la
radio nationale et des quatre radios internationales (RFI, BBC, Africa nOl et
VOA), il y des radios privées dans les milieux urbains et semi-urbains qui
ciblent les campagnes du pays. Les stations émettent en plusieurs langues.
Médium exclusif sur les chaînes internationales, le français est la langue la
plus utilisée à la radio nationale du Burkina Faso. Viennent ensuite le mooré,
le jula et le fulfuldé, considérés comme les langues nationales les plus impor-
tantes. D'autres langues du pays (gulmancema, dagara, lyèlé, san, nuni. .. )
n'ont, chacune, que quelques heures d'audience un jour par semaine.
Toutefois, les radios privées de Koudougou, qui touchent Kyon et Tiodié,
émettent en plusieurs langues dont le lyèlé, l'un des principaux véhicules de
communication. Mais dans quelles langues les parents suivent les émissions?
Les principales langues dans lesquelles les parents suivent les émissions
radiophoniques sont respectivement le mooré, le français, le lyèlé, le nuni et le
jula. Mais par localité, ils le font généralement dans la langue ethnique, souvent
langue première (langue la plus parlée) pour bien comprendre les messages.
Plus de la moitié des parents écoutent la radio mais avec une fréquence
plus grande chez les hommes. Au niveau des analphabètes en ville ou au vil-
lage, la culture féminine de la radio est peu développée. Toutefois, les radios
privées du genre communautaire, associatif ou confessionnel en germination
en zone semi-urbaine (ou rurale) font espérer des changements: elles ciblent
les femmes et tentent de favoriser leur accès aux postes radio (exemples de
« Radio Gaoua »et la« Voix du paysan »). En outre, plus le milieu est rural,
moins la radio est écoutée. Dans les villages, les parents arrivent à obtenir des
postes radio mais n'ont souvent pas les moyens d'acheter des piles 12 •
" En dehors de panneaux solaires très sporadiques, il n'y a pas d'électricité dans les cam-
pagnes du pays.
92
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Représentations de l'école
Premier contact avec l'école
L'école a été ouverte depuis 1913 à Koudougou (COMPAORÉ, 1995), en
1955 à Kyon et, récemment, en 1983 à Tiodié. Aucun parent n'a déclaré avoir
connu Koudougou sans école. Quatorze parents ont déclaré avoir vu Kyon
sans école contre cent parents pour Tiodié. À Tiodié, les femmes (de notre
échantillon) originaires d'autres villages sont toutes nées avant l'ouverture de
l'école. Toutefois, la précocité des mariages explique aussi qu'elles ont
connu le village san aucune structure éducative fofmelle '4 .
Le premier contact des populations de Koudougou avec l'école a eu lieu
en 1913. À Kyon comme à Tiodié, ce fut en1929-1930 et les enfants recrutés
devaient aller à l'école régionale de Koudougou. Partout, l'école était perçue
à ses débuts comme un « événement malheureux dans lequel les Blancs attra-
paient les enfants »15. Elle a troublé les populations du fait des conditions de
vie de la période coloniale, du caractère forcé de la scolarisation et du fait
aussi que l'enfant devait quitter sa région (Tiodié et Kyon) et sa famille. A
cause de cette vision de l'école, on avait peur, on cachait ses enfants, on s'in-
terrogeait sur l'événement. À Koudougou, les inquiétudes se sont dissipées
assez tôt, grâce à une meilleure compréhension de l'institution scolaire. De
même, à Kyon, elles se dissipent lorsque l'école s'ouvre dans le village.
À Tiodié, l'ouverture d'une école à Pouni en 1952 et à Zawara l6 en 1955 a
suscité des changements dans les attitudes des villageois vis-à-vis de l'école.
Partout, les inquiétudes ont progressivement évolué vers l'adoption de l'éco-
le, mais selon des processus différents ,1.
IJ La télévision, les journaux et les livres sont quasiment absents des milieux ruraux.
14 Un CER a été ouvert en 1968 dans le village puis substitué par la suite par un CFJA en 1974
(fermé en 1976). Il Y avait donc des parents nés au moment où l'un ou l'autre centre fonc-
tionnait ou qui, à l'époque, avaient déjà grandi au point de pouvoir se rendre compte de leur
environnement. Mais la question ne portait que sur l'école primaire, pionnière dans les autres
localités.
"C'est ainsi que l'on peut résumer les propos de nos « témoins ».
" Pouni et Zawara sont des villages avoisinant Tiodié.
17 À Koudougou et à Kyon, les missions chrétiennes ont joué un grand rôle.
94
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Représentations actuelles
Pour cerner les représentations actuelles de l'école, nous avons procédé à
une analyse thématique des réponses aux questions posées. Ainsi par
exemple, les parents reconnaissent quasiment à l'unanimité que la présence
de l'école dans leur localité ou leur quartier est un fait positif (les pourcen-
tages sont calculés à partir de l'ensemble de parents touchés dans chaque
localité, donc 100 parents). Dans tous les milieux, ils considèrent que l'éco-
le permet une ouverture sur la vie moderne, procure des chances pour une
réussite professionnelle et facilite la scolarisation. L'assistance que les scola-
risés, devenus salariés (fonctionnaires, travailleurs dans les ONG,
ouvriers ... ) apportent à leur famille ainsi que la contribution de l'école au
développement de la localité sont plus ressenties en campagne l8 •
Tableau XIV. La présence de l'école dans la localité est positive: motifs des
parents.
Mais les rapports des parents à l'école ne sont pas seulement positifs.
D'après un chef de ménage à Koudougou, « on n'enseigne pas les bons
comportements aux élèves, les effectifs sont pléthoriques, l'entrée des désco-
larisés dans la vie active est un cauchemar pour les parents. Actuellement, je
suis en mauvais termes avec un de mes fils qui a été exclu en classe de qua-
trième. J'ai voulu l'initier au commerce mais il a refusé. Il préfère être oisif.
D'ailleurs, il me volait ». Ainsi, les aspects négatifs de l'école ont aussi été
mentionnés par les parents (tableau XV).
18 Les scolarisés qui ont « réussi » agissent dans le cadre d'associations qu'ils ont créées pour
des motivations politiques ou individuellement de manière apolitique.
95
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Bien que l'école soit considérée comme tout à fait bénéfique, il n'en
demeure pas moins que les parents émettent des critiques. Les insatisfactions
des parents s'expliquent principalement par le fait que l'école est chère (four-
nitures, vêtements, frais de scolarité ...), les échecs sont excessifs, enfin, par
le manque de débouchés pour les diplômés. La difficile intégration des ex-
étudiants dans la vie active déplaît encore plus en ville qu'en campagne. La
mauvaise prestation des enseignants, les sureffectifs et le manque de cantine
s'affichent également sur le tableau des insuffisances, mais en second rang.
Ainsi, il apparaît que l'offre scolaire n'est vraiment pas conforme aux
demandes familiales d'éducation.
En somme, l'école est source de bien, mais aussi de mal. Elle ne tient pas
ses promesses, ne répond plus aux espoirs. Mais du fait de son caractère
indispensable (le passage par l'école demeure la condition pour s'approprier
les pouvoirs économique, social et politique), on peut conclure avec Gérard
Etienne que «critiquer l'école ne saurait s'accompagner du refus d'instruire
ses enfants» (GÉRARD, 1999a: 107).
96
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
97
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Koudougou
100%
90%
80%
70%
60% CJamais scolarisés
50% • Déscolarisés
40% • Scolarisés
30%
20%
10%
0%
Garçons Filles
Kyon
100%
90% -
80%
70%
60% - o Jamais scolarisés
50% - • Déscolarisés
40% • Scolarisés
30% -
20%
10%
0% -
Garçons Filles
Tiodié
100%
90%
80%
70%
60% o Jamais SCOlariSéSJ
50% • Déscolarisés
40% - • Scolarisés
30% -
20%
10% -
0% -
Garçons Filles
98
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Comme on pouvait s'y attendre, les taux de scolarisation sont plus forts
en ville qu'en campagne. De même, des disparités persistent entre les
genres 21 • Dans ce contexte, nous avons essayé de comprendre comment les
familles réagissent par rapport à la scolarisation, pourquoi certains ménages
scolarisent soit tous leurs enfants, soit quelques-uns, soit aucun.
Réussite professionnelle 17 9 12 38
Pour les parents qui scolarisent tous leurs enfants, l'école est perçue
comme une nécessité ou comme apportant de nombreux avantages. Comme
dans les autres formes de scolarisation, nous n'évoquons que les justifica-
tions pertinentes. Notons également que quelques chefs de ménages n'ont pas
pu expliciter leurs argumentations ou n'en avaient pas vraiment.
Tableau XIX. Les raisons de la scolarisation évoquées par les parents ayant
scolarisé une partie de leurs enfants.
Koudougou Kyon Tiodié Total
Manque de moyens 14 19 39 76
Trois raisons principales sont évoquées par les parents qui ne scolarisent
pas tous leurs enfants: le manque de moyens, les échecs scolaires et la néces-
sité de garder des enfants à la maison comme main-d'œuvre. Les mêmes
motifs sont évoqués par les parents qui ne parviennent à scolariser aucun
enfant (cela se produit surtout en campagne).
" Dans le Sanguié, le taux net de scolarisation des filles de 7-12 ans en 1999 était de 33,8 %
contre 43,3 % pour les garçons, soit un taux net de 38,8 %. Dans le Boulkiemdé, on enre-
gistre à la même période des taux de 29,7 % (filles), 44,7 % (garçons) et 37,4 % (total).
Quant au taux national, il est de 32,5 % : 26,8 % pour les filles et 37,9 % pour les garçons
(MEBA,1999b).
" Permet une ouverture sur le monde, la réussite professionnelle et sociale, procure des «apti-
tudes pratiques».
99
LA QUESTION ËDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Tableau XX. Les raisons de la scolarisation évoquées par les parents ayant
scolarisé aucun enfant.
Koudougou Kyon Tiodié Total
Manque de moyens o 10 10 20
Travail des enfants o 3 5 8
Parmi les raisons évoquées par les parents n'ayant scolarisé aucun enfant,
il yale manque de moyens pour supporter le coût de la mise à l'école. Ici se
trouve posé le problème de la contribution demandée aux parents d'élèves.
La mise à l'école représente également pour certains parents une sorte de
manque à gagner, puisque l'enfant qu'on envoie à l'école représente une
force de travail en moins dans la famille. Il n'est donc pas rare de voir cer-
tains parents refuser de scolariser leurs enfants afin de mieux les utiliser dans
les travaux domestiques.
En campagne, on admet que l'école est destinée aux enfants des deux
sexes, mais certains préjugés demeurent quant aux différences entre les
genres 23 • Ainsi, la scolarisation des enfants résulte de choix comme de
contraintes. Mais notamment en campagne, « la plupart [des parents]
n'avaient pas de « programme » ou de tactique précise de scolarisation dans
le temps. Leur stratégie avait davantage les contours d'une démarche
conjoncturelle, induite par des événements ponctuels aléatoires, que ceux
d'un projet éducatif précis et fixe» (GÉRARD, 1995, p. 605).
23 Mais avec la politique pour la promotion de la scolarisation des femmes, des réajustements
s'opèrent résolument.
100
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Les femmes souhaitent apprendre à lire et à écrire dans leur langue davan-
tage que les hommes, notamment en milieu rural. Mais une chose est de sou-
haiter apprendre, une autre est de pouvoir le faire. Ceux qui veulent maîtriser
leur langue à l'écrit, en nombre réduit, ont cité deux obstacles majeurs 24 •
24 Installés en milieu rural depuis 1990, la majorité des CPAF ne fonctionnaient plus norma-
lement au moment de nos enquêtes, essentiellement pour des questions financières. Celui
de Tiodié a fini par fermer en 1998, mais à Kyon, véritable cité d'alphabétisation où chaque
quartier a son CPAF, les centres s'ouvrent toujours. En campagne, des époux croient qu'aller
dans les centres de formation peut favoriser des aventures amoureuses et s'en inquiètent.
101
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Les parents qui ne désirent pas maîtriser leur langue à l'écrit avancent
deux raisons principales. À cause de leur âge, ils trouvent qu'apprendre à lire
et à écrire dans leur langue ne leur servirait à rien ou, pour quelques-uns,
qu'ils n'ont plus les facultés intellectuelles que requiert un tel apprentissage.
En plus, ils estiment que leurs activités absorbent leur temps.
Dans les trois localités étudiées, les populations perçoivent les langues
comme complémentaires. Que ce soit dans leur propre idiome ou en français,
moins de la moitié des parents souhaitent apprendre à lire et à écrire, mais les
desiderata vont plus au français. Les taux sont plus élevés chez les femmes
pour la simple raison qu'elles sont moins âgées. Elles ont 42,6 ans comme
moyenne d'âge contre 51,2 ans pour les hommes.
102
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
" Il s'est avéré que la plupart de ceux qui ne désiraient pas maîtriser les langues nationales à
l'écrit ne trouvaient pas d'intérêts à ces dernières. Ce sont donc ceux qui souhaitent
apprendre les langues nationales qui mentionnent des avantages.
"Facilités de communication, meilleure intégration à la vie du village (participer à des
réunions sur l'école, être en rapport avec les institutions intervenant pour le développement
du village ...).
27 Exclusions non fondées ou absurdes du point de vue des parents.
103
LA QUESTION ËOUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Conclusion
Les représentations de l'école dépendent des infrastructures mises en
place (implantation, fonctionnement), des résultats obtenus et des contraintes
économiques des parents: les régulateurs sont internes et externes. Elles sont
donc forgées par le contexte social (limité à l'environnement immédiat ou
allant au-delà) et débordent largement ainsi du simple fait scolaire (LANGE,
1998 ; GÉRARD 1999b), montrant que l'école est imbriquée aux faits
sociaux: elle agit positivement ou négativement sur la société, est sociale-
ment inconvenante, insuffisante selon les besoins collectifs exprimés.
Les perceptions sont comparables d'un milieu à l'autre, mais des diffé-
rences existent sur les arguments ou les souhaits. Les sensibilités varient et
cela d'autant plus que les exigences d'une communauté envers l'école vont
de pair avec la durée de son expérience scolaire. Dans cette région du
Burkina Faso, l'école est perçue positivement, mais elle présente des insuffi-
sances et des inadaptations par rapport aux aspirations parentales (inadéqua-
tions entre offre et demande), d'où les contradictions dans les discours que
nous avons recueillis. A la fois l'école est désirée, mais elle est aussi critiquée
et elle ne répond pas toujours aux attentes des parents.
104
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Bibliographie
BARRETEAU Daniel, 1999. Les écoles de Téra au Niger. Choix des parents et poli-
tique scolaire, Les Cahiers ARES n° l, IRD, Bondy, p. 83-99.
BATIANA André et CAÏTUCOLI, 1992. Aspects du multilinguisme au Burkina
Faso, Sciences Humaines et Sociales, Série A, Annales de l'Université de
Ouagadougou, p. 173-191.
COMPAORÉ Maxime, 1995. L'École en Haute-Volta: une analyse de l'évolution
de l'enseignement primaire de 1947 à 1970, Université Paris VIl / Denis Diderot,
Thèse de Doctorat, 415 p.
GÉRARD Étienne, 1995. Jeux et enjeux scolaires au Mali: le poids des stratégies
éducatives des populations dans le fonctionnement et l'évolution de l'école publique,
Les stratégies éducatives en Afrique subsaharienne (M.-F. Lange et J.Y. Martin éd.),
Cahiers des Sciences Humaines, vol. 31, n° 3, p. 595-615.
GÉRARD Étienne, 1999a. Être instruit, en tout cas. Représentations du fait scolai-
're en milieu urbain (B urkina Faso), Variations, Autrepart / Cahiers des Sciences
Humaines, Nouvelle série n° Il, pp.lOl-114.
GÉRARD Étienne (ed.), 1999b. Les Cahiers ARES n° 1, IRD, Bondy, 179 p.
INSD, 2000. Recensement général de la population et de l'habitation, 10-20
décembre 1996. Fichiers des villages du Burkina Faso, Ouagadougou, 315 p.
LANGE Marie·France, 1998. L'école au Togo. Processus de scolarisation et insti-
tution de l'école en Afrique, Paris, Karthala, 337 p.
,., À Tiodié, l'adoption de l'école se manifeste aussi à travers son rattachement au « va-demè»
«daba productrice », fétiche de la production agricole. On peut lui demander de favoriser la
réussite d'un élève: faire l'école, c'est cultiver, mais l'inverse n'est pas dit.
105
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
106
ÉDUCATION ET socrËTÉ
Afsata PARÉ/KABORÉ*
Introduction
A l'heure où les politiques de développement des pays africains insistent
sur la réduction de la pauvreté, l'éducation doit être organisée de manière à
pouvoir répondre adéquatement et efficacement aux exigences de cette fina-
lité. On devrait ainsi poursuivre des objectifs de quantité dans le sens d'une
démocratisation absolue d'une éducation de base et des objectifs de qualité
visant à munir les populations des habitudes comportementales favorables à
l'établissement des bases préalables à tout développement. Cela revient non
seulement à promouvoir une éducation pragmatique à court et moyen terme,
mais également à former des techniciens et décideurs capables d'une bonne
gestion des questions complexes du développement, capables d'anticiper les
problèmes et de planifier des solutions optimales à cet effet. Le renforcement
des capacités institutionnelles et des populations en termes de connaissances
de qualification, de compétence est importante et se doit d'être global.
S'interroger sur la question du renforcement des capacités en vue du
développement suppose que l'on s'intéresse à la fois aux systèmes d'éduca-
tion formelle, non formelle et informelle capables de favoriser une prise de
conscience et l'adoption de comportements propices au développement. Y a-
t-il un intérêt manifeste à cet égard dans les politiques éducatives et les pro-
jets de développement? Cette volonté est-elle soutenue par un investissement
à la hauteur des ambitions?
La problématique même du renforcement des capacités tant des popula-
tions que des institutions sera d'abord envisagée, puis ce renforcement sera
vu sous l'angle de la scolarisation d'une part et d'autre part sous l'angle de
l'apport des projets et programmes de développement.
107
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
108
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
109
LA QUESnON ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
1Marc PILON et Yacouba YARO (2001). La demande d'éducation en Afrique, état des
connaissances et perspectives de recherche. Réseau sur la famille et la scolarisation en
Afrique (FASAF). Union pour l'étude de la population africaine (VEPA).
'HAQ, K. Unicef. 1993. Discours prononcé à la Conférence Panafricaine sur l'Éducation des
filles, Ouagadougou, 28 mars - 2 avril 1993.
110
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
111
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
112
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
113
LA QUESTION ~DUCAT/VE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
114
ÉDUCATION ET SOCIÉTË
plus direct sur les conditions de vie de la famille que celles de l'homme
(HAQ, 1993). Nous n'allons toutefois pas nous centrer sur cette question par-
ticulière parce que notre propos est plus général.
En réalité donc, lorsqu'on observe le montage des projets et programmes
de développement (PNGT, PRPC, PAMER, ... ), toutes prévoient dans leurs
objectifs le renforcement des capacités tant des populations que des institu-
tions centrales, déconcentrées ou décentralisées. C'est dire qu'il est unani-
mement reconnu que rien d'efficace et de durable n'est possible sans une
bonne qualification des ressources humaines. A cet égard, on peut dire, en
référence au constat de Edouard V. K. JAYCOX ci-dessus cité, que les choses
ont sans doute positivement changé depuis lors. Même si nous ne pouvons
rien affIrmer sur la manière dont ces volets sont gérés, on constate que des
lignes budgétaires plus ou moins importantes sont généralement consacrées
pour des actions de formation, d'encadrement, de sensibilisation, etc.
Il convient cependant de regarder les choses de très près pour se
convaincre que du chemin reste à faire en vue d'une valorisation franche du
renforcement d~s capacités humaines dans le cadre de la gestion du dévelop-
pement. En effet, il arrive que les budgets alloués à ces volets soient en deçà
des besoins du terrain et bien en deçà des objectifs qui lui sont assignés ou
encore parfois dilués dans l'exécution des autres volets desdits projets d'une
manière telle qu'à l'exécution, la prise en compte des formations se fait de
façon mitigée. La volonté affichée au niveau financier dont nous avons fait
cas plus haut n'existe franchement dans les projets de développement que
lorsque ceux-ci sont consacrés exclusivement au renforcement des capacités
des ressources humaines (cas des projets éducation ou encore du PAICBILCP
à la base). Dès lors que l'on a affaire à un projet plus global de développe-
ment avec un volet formation, l'assurance que la portion du budget qui lui est
consacrée soit à la hauteur de l'importance qui lui est explicitement reconnue
n'est pas du tout garantie comme en témoigne l'exemple ci-dessous.
Un des nombreux projets de lutte contre la pauvreté intervient dans une
quinzaine de communes du Burkina Faso en s'appuyant sur le processus de
décentralisation qu'il essaye de renforcer. Ce projet accorde une grande place
au renforcement des capacités que ce soit des populations ou des institutions,
notamment communales.
Dans sa composante renforcement des capacités des populations, le projet
insiste sur les activités d'IEC / plaidoyer dans chacune des communes cibles
avec de grandes ambitions. Ces campagnes d'IEC ont pour but de mobiliser
les populations en vue du développement participatif et s'articulent autour des
quatre principaux problèmes de population renvoyant aux plaidoyers suivants :
- IEClPlaidoyer population-développement, lutte contre la pauvreté, méthode
participative;
115
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
116
ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ
Conclusion
En matière de renforcement et de qualification des ressources humaines,
si un changement positif est perceptible dans le montage de projets et pro-
grammes de développement, notamment par la reconnaissance de l'impor-
tance de cette question et par les efforts dans l'allocation de ressources
budgétaires, du chemin reste à faire pour la mise à disposition de fonds à la
hauteur des objectifs définis. Cela est d'autant important que c'est dans le
cadre des projets et programmes de développement que l'opportunité est
effectivement offerte de lier directement l'éducation et la formation au déve-
loppement ; c'est là que l'agencement éducation/développement devrait
s'opérer de manière plus pertinente et plus efficiente.
Suite aux efforts faits par les bailleurs et les opérateurs pour prendre en
compte la question du renforcement des capacités des ressources humaines,
un effort supplémentaire doit être fait pour que ce secteur soit budgétisé à la
hauteur de l'importance qui lui est unanimement reconnue. De cette manière
et avec la qualification des ressources humaines par le biais du système édu-
catif formel ou non formel, le Burkina Faso pourra récupérer la responsabili-
té de la conception et de la gestion de son développement. C'est à ce prix et
pour aller dans le même sens que JAYCOX (1992), que le pays disposerait
117
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Bibliographie
Burkina Faso, 1998. Les textes d'orientation de la décentralisation (TOD) du
Burkina Faso, Ouagadougou, 128 p.
Ministère de l'économie et des fmances, 2003. Structures et actions économiques,
les projets rattachés aux ministères sur le plan économique et social, les grandes
réalisations, perspectives, 2002-2003, Ouagadougou, 288 p.
Fonds africain de développement (FAD), 1998. Rapport d'évaluation, Programme
de réduction de la pauvreté au niveau communal. Ouagadougou, 58 p.
Gouvernement du Burkina Faso, 2001. Cadre stratégique de lutte contre la
pauvreté. Ouagadougou, 90 p.
HAQ, K. Unicef. 1993. Discours prononcé à la Conférence Panafricaine sur
l'Éducation des filles, Ouagadougou, 28 mars - 2 avril 1993.
JAYCOX Edouard V. K., 1992. Les défis du développement de l'Afrique. Banque
Mondiale, USA, 226 p.
KING, E. M. and HILL, M. A., 1991. Women Education in Developing Countries :
Barries, Benefits and Policy. John Hopkins University Press, World Bank, 354 p.
PILON Marc et YARO Yacouba (2001). La demande d'éducation en Afrique, état
des connaissances et perspectives de recherche. Réseau sur la famille et la scolarisa-
tion en Afrique (FASAF). Union pour l'étude de la population africaine (UEPA),
Dakar, 221 p.
118
Troisième partie
Accès à la scolarisation :
déterminants et disparités
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Jean-François KOBIANÉ*
Introduction 1
1 Ce texte reprend quelques uns des principaux résultats d'une thèse de doctorat soutenue en
août 2002 à l'Institut de démographie de l'Université catholique de Louvain (Belgique).
2 Pour l'année 2000, J'annuaire statistique du Ministère de l'enseignement de base et de
l'alphabétisation donne un taux net de scolarisation au primaire de 33 % pour les 7-12 ans.
121
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Éléments de méthodologie
Données
Les données utilisées proviennent de l'enquête prioritaire: étude sur les
conditions de vie des ménages au Burkina Faso» (EPI) réalisée entre
octobre 1994 et janvier 1995 par l'Institut National de la Statistique et de la
122
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
123
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Variables
Treize variables interviennent dans la présente étude : sept variables
démographiques (le sexe et le statut familial de l'enfant, le sexe et la situa-
tion matrimoniale du chef de ménage, la taille, la structure familiale et le pro-
fil démographique du ménage), deux variables économiques (le niveau de vie
du ménage et le mode de production) trois variables socio-cuiturelles
(le niveau d'instruction, la religion et l'ethnie du chef de ménage) et enfin
un indicateur de la disponibilité de l'offre scolaire, à savoir la distance
moyenne à l'école primaire la plus proche.
Il convient de donner quelques précisions d'ordre méthodologique sur la
construction de certains indicateurs: il s'agit du profil démographique du
ménage, du niveau de vie du ménage, du mode de production et de la distan-
ce moyenne à l'école primaire la plus proche4 •
Le profil démographique du ménage est un indicateur synthétique des carac-
téristiques démographiques du ménage: à partir des scores factoriels d'une
Analyse de Correspondances Multiples (ACM) appliquée à l'ensemble des
caractéristiques démographiques du ménage et du chef de ménage, nous avons
procédé à une classification des ménages en trois grands profils.
Le profil 1 est caractérisé par des ménages monogames de petite taille 5 , le pro-
fil 2 est celui des ménages élargis et de grande taille et enfin le profil 3 comprend
des ménages ayant des traits extrêmes : de très petite taille (moins de
6 personnes) ou de très grande taille (plus de 15 personnes). Ce profil 3 com-
prend une forte proportion de ménages monoparentaux dirigés par des femmes.
Le niveau de vie du ménage est un indicateur de pauvreté monétaire basée
sur les dépenses annuelles de consommation du ménage. Le choix des
dépenses de consommation se justifie par le fait que les dépenses totales du
ménage au cours d'une année sont une meilleure mesure du revenu perma-
nent du ménage que le revenu annuel lui-même, plus sujet à fluctuations et
plus difficile à obtenir de manière fiable (KOZEL, 1990 ; De VREYER, 1993 ;
RAVALLION, 1996). Nous avons opté pour une approche relative de la pau-
vreté, notamment celle basée sur les quintiles. Avec les quinti1es, les ménages
sont répartis en cinq classes regroupant chacune 20 % de l'effectif total : les
20 % en bas de l'échelle (1'" quintile ) correspondent à « l'extrême pauvreté»
alors que les 20 % en haut de l'échelle (5< quintile) sont considérés comme
étant « très riches» ou « très nantis ». Entre ces deux extrêmes, il y a les
« pauvres» (2< quintile) la classe intermédiaire (3< quintile) et les « riches»
(4< quintile) (KUSNIC et DA VANZO, 1982 ; GILLIS et al., 1990 ;
• Pour plus de détails sur la construction de ces indicateurs, voir KOBIANÉ (2002).
, Le ménage de petite taille est compris ici comme un ménage comptant moins de dix
personnes.
124
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DlËTERMINANTS ET DISPARlTlËS
Burkina Faso, 1996, KOBIANE, 1998 et 2002). Cependant, compte tenu des
contraintes de faibles effectifs lorsqu'on procède à des analyses plus fines par
milieu de résidence et suivant le sexe des enfants, nous avons finalement rete-
nu trois classes de statut économique : les « pauvres » (les 40 % en bas de
l'échelle de niveau de vie), la classe intermédiaire (les 20 % au centre de la dis-
tribution de niveau de vie) et les « nantis» (les 40 % au sommet de l'échelle).
Le mode de production est un indicateur construit à partir du type de pro-
fession, du statut dans la profession et de la possession ou non d'une entre-
prise familiale par le ménage. Compte tenu des différences rurales/urbaines
dans la structure de l'activité économique, les modalités de l'indicateur de
mode de production varient d'un milieu d'habitat à un autre.
La distance à l'école primaire a été construite à partir de deux questions
de la section 9 « accès aux services sociaux de base les plus proches » du
questionnaire de l'EP : « combien de temps faut-il pour se rendre au service
le plus proche? » et « par quel moyen? » (à pied, à bicyclette, à motocy-
clette, en automobile ou autre moyen). Moyennant quelques hypothèses sur
la distance moyenne qu'on pourrait parcourir en une heure par chacun des
moyens de déplacement, on obtient par la relation qui lie la vitesse à la dis-
tance et au temps la distribution de cette variable. Le tableau 1 confirme un
résultat déjà bien connu, celui de la concentration des infrastructures
scolaires en milieu urbain. En effet, en milieu rural, 65 % des enfants sont à
plus de 5 km d'une école primaire (24 % à 6-15 km et 41 % à plus de 15 km).
A l'opposé, 57 % des enfants dans les « autres villes» et 61 % à Ouagadougou
sont à une distance de moins de 2 km d'une école primaire.
Tableau I. Répartition des enfants de 6-14 ans suivant la distance moyenne qui
les sépare de l'école primaire la plus proche. Burkina Faso 1994-95.
125
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
126
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Principaux résultats
La présentation des résultats est structurée en trois parties: tout d'abord,
nous donnons une vision synoptique de l'importance de chaque variable
explicative, ensuite nous abordons les différences rurales/urbaines dans les
déterminants de la scolarisation pour les deux sexes réunis ; enfin, la troisiè-
me partie met l'accent sur les différences entre garçons et filles et leurs varia-
tions suivant le milieu d'habitat.
Hiérarchisation des variables suivant leur pouvoir explicatif
La hiérarchisation des variables suivant leur pouvoir de prédiction
(tableau II) met en évidence les variables les plus déterminantes ainsi que les
différences rurales/urbaines dans l'importance de chaque facteur. Les chiffres
en caractères gras dans le tableau II permettent d'identifier dans chaque
milieu d'habitat les variables les plus déterminantes, c'est-à-dire celles qui
occupent un rang inférieur à 6 (ce choix, bien qu'arbitraire, tient compte du
nombre total de variables qui interviennent dans les modèles).
127
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO : REGARDS PLURIELS
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ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Comme nous l'avons observé pour l'ensemble du pays, les variables éco-
nomiques demeurent des facteurs importants de la fréquentation scolaire quel
que soit le milieu d'habitat: le mode de production occupe le premier rang
dans les villes intermédiaires comme dans l'ensemble du pays, le deuxième
rang en milieu rural et le troisième rang dans la capitale. Mais les écarts de
scolarisation en fonction du mode. de production ont tendance à se rétrécir
avec l'urbanisation : ils sont particulièrement élevés en milieu rural. Par
ailleurs, le mode de production n'a pas la même signification d'un milieu à
un autre : si être agriculteur avec une entreprise familiale est une situation
favorable à la scolarisation des enfants en milieu agricole, par contre dans la
capitale qui présente des niveaux de scolarisation très élevés, la situation
d'enfant d'agriculteur est la moins favorable. Un enfant d'un agriculteur sans
entreprise familiale et un enfant d'agriculteur avec entreprise familiale, en
milieu rural, ont respectivement 2,3 et 3 fois plus de chance de fréquenter
l'école qu'un enfant d'éleveur. Mais dans les campagnes comme dans les
villes, c'est le salariat qui conduit à la meilleure scolarisation (tableau IV).
Quant au niveau de vie du ménage, son rôle augmente avec l'urbanisation
(6 e rang en milieu rural, 3e rang dans les « autres villes » et 1er rang à
Ouagadougou). Si la scolarisation croît avec l'urbanisation, on peut noter que le
développement de l'économie marchande consécutive au processus d'urbanisa-
tion s'accompagne aussi d'un renforcement des inégalités d'accès à l'école lié à
la classe sociale: alors qu'en milieu rural, un enfant d'un ménage nanti et un
enfant d'un ménage de la classe intermédiaire ont respectivement 40 % et 90 %
de chances en plus d'être scolarisés qu'un enfant de classe pauvre. Dans les
« autr~s villes », ces chiffres se situent respectiveme~t à 60 % et 120 % et à
Ouagadougou à 60 % et 180 %. Le rapport des chances de la classe des nantis
(écart par rapport à la classe des pauvres) passe de 1,9 en milieu rural à 2,2 dans
les autres villes et à 2,8 à Ouagadougou (tableau IV).
L'un des résultats classiques quant aux facteurs de la scolarisation est la
relation positive toujours observée entre le niveau d'instruction du chef de
ménage (ou des parents) et la scolarisation des enfants. Ce résultat qui se
confirme au niveau de l'ensemble du pays présente des spécificités en fonc-
tion du milieu d'habitat:
- l'instruction du chef de ménage ne joue pas dans les villes intermédiaires ;
-l'instruction est déterminante à Ouagadougou (elle occupe le 5e rang) et en
milieu rural où elle occupe le 7e rang) ;
- le caractère discriminant de l'instruction du chef de ménage n'est pas le
même en milieu rural et dans la capitale: en milieu rural, les chances de
scolarisation des enfants croissent avec le niveau d'instruction du chef de
ménage, avec toutefois un faible écart entre ceux qui ont le niveau primai-
re et ceux qui ont le niveau secondaire ou plus. À Ouagadougou, seuls les
130
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
131
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
132
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
133
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
134
Tableau V. Résultats du modèle logistique global par sexe (enfants de 6-14 ans).
Rapports de chances (é)
Burkina Faso Rural Autres villes Ouagadougou
Variables G (S SS4) F (S 306) G (6 653) F (6 032) G(l137) F (1 134) G (l OS4) F(l140)
I. Sexe du chef de ménage [0,02]** [0,03]** [0,00] [0,02]* [0,00) [0,00] [0,00] [0,00]
1. Homme MR MR MR MR MR MR MR MR
2. Femme 1,6** 1,7** 1,1 1,7* 1,9 1,5 1,4 1,4 >
()
II. Situation matrimoniale du chef de ménage [0,00] [0,04]*** [0,00] [0,00) [0,00) [0,00] ()
[0,00] [0,09]*** m·
1. Monogame MR MR MR MR MR MR MR MR CIl
2. Polygame 1,0 0,7*** 1,1 0,9 1,1 O,S O,S 0,4*** >-
3. Veuf/veuve O,S 0,7* O,S 0,7 0,7 0,7 O,S 0,3** S; ,"'
CIl
4. Célibataire 0,9 0,7 O,S O,S I,S O,S 0,7 0,7 ()
III. Caractère nucléaire ou élargi du ménage [0,031*** [D,DO] [0,02]* [0,00] [0,00] [0,00] [0,00] [0,00] 0
S;
1. Nucléaire MR MR MR MR MR MR MR MR ::0
2. Élargi 1,3*** 1,1 1,2** 1,1 1,2 1,1 1,2 1,1 U:i
>
--i
3. Autre 1,0 1,1 0,9 O,S 0,5 1,0 {1,6} {1,4}
Ô
...... IV. Taille du ménage [0,02]* [0,02]* [0,00] [D,DO] [0,00] [0,00] [0,00) [0,00] z
W 1. <= 5 personnes MR MR MR MR MR MR MR MR --Cl
(JI
2. 6-7 personnes 1,2 1,2 1,1 1,2 1,0 1,2 1,6 1,1 m·
--i
3. S-9 personnes 1,5*** 1,3** 1,2 1,2 2,1 1,3 2,3** 1,5 m
::0
4. 10-11 personnes 1,3* 1,4** 1,1 1,3 1,9 1,5 2,1* 1,7 s::
S. 12-15 personnes 1,2 1,6*** 1,0 1,4 1,6 I,S 2,0 1,9 Z
>
6. >= 16 personnes 1,3 1,3 1,2 1,2 1,4 1,3 1,9 1,5 ~
CIl
V. Profil démographique du ménage [0,00] [0,02]** [0,01] [0,00] [0,03] [O,OS]** [0,00] . [0,06]***
m
1. Profil démographique 1 MR MR MR MR MR MR MR MR --i
2. Profil démographique 2 1,1 1,1 1,2 1,0 0,6 1,0 1,1 2,6** Cl
U:i
3. Profil démographique 3 1,0 1,5** 1,0 1,2 1,0 2,4** 1,4 2,1*
VII. Statut familial de l'enfant [0,03]*** [0,09]*** [0,03]*· [0,03]·· [0,00] [D,II]··· [0,14]··* [0,29]·**
"
>
::0
1. Enfant du chef de ménage =i
MR MR MR MR MR MR MR MR m
CIl
2. Autre parent 1,1 0,5*** 1,2* 1,0 1,1 0,4·*· 0,5*· 0,1··*
3. Non apparenté 0,4*** 0,2·** 0,4· 0,2·* {3,6} {0,4} {0,3***} {D,OS···}
VIII. Niveau de vie du ménage [0,07]*** [0,07]*** [0,09]*·· [0,12]··· [0,09]··* [0,09)**· [O,IS]··· [0,09]··*
1. Pauvres MR MR MR MR MR MR MR MR
2. Classe interm. 1,3*** 1,2** 1,4··* 1,5·*· 1,4 I,S*· 2,2·*· 1,2
3. Nantis 1,7*** 1,6**· I,S**· 2,2*·* 2,4·*· 2,1·** 5,1··* 2,2·**
Tableau V (suite)
IX. Mode de production [0.19]**· [0.21]··· [0.12]··· [0.12]··· [0.17]··· [O.IS]··· [0.13]··· [0,08].·.
1. Éleveur MR MR MR MR MR (ME) MR (ME) MR (Agri.) MR (Agri.)
2. Agriculteur sans une entreprise familiale 2,5 2.8 2.3 2.1 0.9 (ASE) 2.0···ASE 2.4··Comm. 1.4 Comm.
3. Agriculteur ayant une entreprise familiale 3,3· 2.9 3,2· 2,7 1.9· (IAE) 2,2·· (IAE) 1,1 Au!. ind. 1,5 Au!. ind.
4. Autre indépendant 8.1·** 9.1··· 6.4··· S.9·· 0,9 (ISE) I,S (ISE) 3.1··· Sala. 2,5··· Sala. ç-
S. Salarié 24.7·** 18,S··· 23.1··· 17.2··· 4.4···Salar. S.4··· Sala. \,5 (ASP) 2,3·· (ASP) ac
6. Autre statut dans la profes. (rent.. retraités ... ) S.3·** 6,4**· 3.1· 2L_ _ 2J·· (ASP) 2.4··· ASP rO.13]··· m
X. NIveaud'instruction du chef de ménage [0.06]··· [0.OS1··· - [0.04]··'-[0.02]· [0.00] [0,00] [0,00] - -[0.08]· ~
1. Aucun MR MR MR MR MR MR MR MR Ô
2. Primaire 1,5·** 1.6**· 1,5··· 1.4· 0.7 1,0 1,2 1.1 z
3. Secondaire ou plus 1,9··· ~O·**_ _ ~-"- _ _ 1~ _ 0.9 1,1 1,3 2,0··· m-
a
XI. Religion du chef de ménage [0.09]*** [0,09] [0.10]*·* [0.12]··· [0.10] [O,OS]· [0.04]· [0,00] c(')
1. Musulmane MR MR MR MR MR MR MR MR ~
2. Chrétienne 1,5*** 1,4"*· 1.6·" I.S.. •• 1,3 I.S· I.S" 1.1 :<
m
3. Autre 0.6*'" 0,5*" 0.7.... _ _O~.. ~ _ _ L3 0,7 {0,5} {2,S}
»
XII. Ethnie du chef de ménage [0,12]·.. • [O.OS]··· [0,12]··· [0,09].... • [0.00] [0.00) - [0.00]-[0,00] c
... 1. Peulh MR MR MR MR MR (Peul) MR (Peul) lJJ
C
W 2. Lobi 0,9 1.8 0.8 2.1 3,2 (Senou.) 0.8 (Senou.) MR (Mossi) MR (Mossi) :Il
Ol 3. Gourmantché
4. Dioula
1,7**
2.1**
2,1 **
1,9*
1.6·
1,3
2,5···
1,5
2,1 Gourou 1.3 (Gourou.) I.S (Bissa) 1,0 (Bissa)
2.0· (Mossi) 1.3 (Mossi) 1.9 (Gourou.) 1.7 (Gourou.)
"»Z
S. Mossi 3,4*·* 2,9*·" 3.4.... • 3,3··· 1,4 (Bissa) 1.7 (Bissa) 1.0 (Autelh.) 0.9 (Aul eth.) ~
6. Senoufo S.O**· 2.7*·· 3.7··· 3.0·· 3.1·" (Bobo) 1,5 (Bobo) ~
7. Dagari 2.S·** 2.3·· 3.0·· 4,2..•• 1,6 (Sarno) 1.7 (Sarno)
8. Bissa 3,2*·* 3.4*·" 3.1 .... • 4.0··.. 1.4 (Auteth.)O.S (Autelh.) :Il
m
9. Bobo 4.2*** 2.6*·· 3,6·..• 3,1 .. •• Ci>
10. Samo 3,7*** 4.2**· 3.9··.. 6.0·.. • »
:Il
Il. Gourounsi S.2*"* 4.8*·· S,3·..• 6.9··· a
CIl
12. Autres ethnies 2.3*** 2.6... • 2,4··· 3,4··.. "tl
r
XIII. Distance à l'école la plus proche [0.14]*** [O.IS]· ..• [0.12]··· [0;12] ..•• - - [0.00] [0.00] [0.00] -[0.00] C
1. < 2 km MR MR MR MR MR MR MR MR :Il
2. 2-S km 0,8** O.S*· 0.9 O.S 1.1 1.0 1.1 0,8
m
3. 6-IS km 0.6*** 0,5*·· 0.7..•• 0.7··· 0.8 O.S 0.6 0.9
!il
4. > IS km O~*-*-"-_ ~.l""-"- _ _O~·~ _ Q,4~· {0,5} {0.6} {2.8} {1,2}
Pouvoir de prédiction (48,22) (S9,34) (49.82) (69.92) - (S0;40) (37.S6) (SS.76) (49,82)
Note: [... ] : Coefficient de corrélation partielle r; MR : Modalité de référence. (... ) : Pouvoir de prédiction du modèle; Seuil de signification: .... : 1 0/"" ; ... : 1 % ; • : S %
; {... } : Faible effectif « 30). AAE = Agriculteur Avec Entreprise; ASE = Agriculteur Sans Entreprise ;IAE = Indépendant Avec Entreprise; ISE = Indépendant Sans
Entreprise; ASP = Autre Statut dans la Profession.
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
-le profil démographique est légèrement déterminant chez les filles (relation
d'intensité faible) et n'est pas du tout déterminant chez les garçons: une
fille appartenant au profil 3 (groupe comprenant des ménages de taille
extrême et dans lequel se retrouvent, en grande partie, les ménages mono-
parentaux dirigés essentiellement par des femmes) a 50 % de chances en
plus d'être scolarisée qu'une fille du profil démographique 1 (ménages
monogames et de petite taille) ; les garçons, eux, ont des chances identiques
quel que soit le profil démographique du ménage (tableau V). La présence
de femmes chefs de ménage dans le profil 3 expliquerait cette meilleure
scolarisation des filles par rapport au profil 1 ;
- le statut familial est plus déterminant chez les filles (relation d'intensité
moyenne) que chez les garçons (relation faible) : chez les garçons, les
chances de scolarisation des fils du chef de ménage et des « autres parents»
sont égales, seuls les garçons non apparentés au chef de ménage présentent
un risque nettement plus faible de fréquenter l'école par rapport aux fils du
chef de ménage. Mais chez les filles, plus l'enfant est « éloigné» du chef
de ménage, en termes de parenté, moins ces chances d'être aux études sont
grandes: une fille d'un « autre parent» a 50 % de chances en moins de fré-
quenter l'école qu'une fille du chef de ménage, rapport qui est de
80 % lorsque la fille n'est pas apparentée au chef de ménage (tableau V) ;
-l'ethnie du chef de ménage est plus déterminante chez les garçons (relation
forte) que chez les filles (relation d'intensité moyenne) : en effet, les rap-
ports de chances observés dans les différents groupes ethniques sont géné-
ralement plus élevés chez les garçons que chez les filles, ce qui signifie que
l'ethnie est plus discriminante chez les premiers que chez les secondes.
Étant donné que ce sont les garçons qui profitent en premier lieu de l'in-
vestissement scolaire, c'est chez eux qu'on observe plus les différences
ethniques en matière de scolarisation. Le modèle portant sur les seuls
enfants du chef de ménage révèle un certain nombre de résultats qui
n'apparaissent pas dans le modèle sur l'ensemble des enfants:
- le statut de femme chef de ménage profite plus aux filles du chef de ména-
ge (relation d'intensité faible) qu'aux garçons (pouvoir de prédiction très
faible et non significatif) : une fille d'une femme chef de ménage voit ses
chances de fréquenter l'école multipliées par presque 2 par rapport à une
fille d'un homme chef de ménage, ce rapport de chances étant de 1,4 chez
les fils ;
- un ménage de grande taille offre plus de chances aux fils du chef de ména-
ge de fréquenter l'école, alors qu'il n'est pas déterminant chez les filles.
Ce résultat est en conformité avec celui observé précédemment quant à
l'effet du caractère nucléaire ou élargi du ménage, puisque nous avons vu
qu'un ménage élargi profitait plus aux garçons qu'aux filles en termes de
scolarisation. Les résultats au niveau de l'ensemble du pays, quoique fort
137
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO : REGARDS PLURIELS
138
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
explicatif se renforce davantage: alors que dans les « autres villes », les
chances de scolarisation des garçons « d'autres parents » et des fils du chef
de ménage sont identiques, dans la capitale un garçon d'un « autre parent»
a 50 % de chances en moins de fréquenter l'école qu'un fils du chef de
ménage. Chez les filles, le rapport de chances des « autres parents» passe
de 0,4 dans les villes intermédiaires à 0,1 dans la capitale;
- le profil démographique est plutôt déterminant chez les filles en milieu
urbain: en milieu rural, quel que soit le sexe de l'enfant, le profil démo-
graphique du ménage n'est ni déterminant, ni discriminant. Par contre, dans
les « autres villes» comme à Ouagadougou, le profil démographique est
plus déterminant chez les filles que chez les garçons. Un résultat demeure
constant aussi bien dans les villes intermédiaires que dans les capitales :
une fille du profil démographique 3 (présence de femmes chefs de ménage)
a deux fois la chance de fréquenter l'école qu'une fille du profil démogra-
phique 1 (ménages monogames de petite taille) ;
- le niveau de vie est légèrement plus déterminant chez les filles en milieu
rural et, au contraire, plus déterminant chez les garçons dans la capitale: en
milieu rural, le niveau de vie est légèrement plus déterminant et discrimi-
nant chez les filles que chez les garçons. Dans les « autres villes », le pou-
voir explicatif du niveau de vie est le même chez les filles et chez les
garçons. Dans la capitale, on observe, contrairement à la campagne, que le
profil de pauvreté du ménage est plus déterminant et plus discriminant chez
les garçons que chez les filles. La relation positive entre le niveau de vie et
la scolarisation des enfants apparaît nettement chez les garçons, alors que
chez les filles l'écart de scolarisation entre la classe intermédiaire et la clas-
se des pauvres n'est pas significative.
- le mode de production est légèrement plus déterminant chez les garçons
dans la capitale: en milieu rural et dans les villes intermédiaires, le mode
de production a le même pouvoir explicatif chez les garçons et les filles.
Mais dans la capitale on note un pouvoir explicatif du mode de production
plus élevé chez les garçons. Un résultat mérite d'être mentionné: si les
chances de scolarisation des filles de commerçant et des filles d'agriculteur
dans la capitale sont peu différentes, par contre, un garçon dont le chef de
ménage est commerçant a 2,4 fois la chance de fréquenter l'école qu'un
garçon dont le chef de ménage est agriculteur ;
-l'instruction du chef de ménage est légèrement plus déterminante chez les
garçons en milieu rural, alors qu'elle est particulièrement déterminante
chez les filles de la capitale: dans la capitale, l'instruction du chef de
ménage n'est pas du tout déterminante chez les garçons, alors qu'elle pré-
sente une relation d'intensité moyenne dans le modèle sur l'ensemble des
enfants et de forte intensité dans le modèle portant sur les enfants du chef
de ménage. Les rapports de chances indiquent qu'en réalité il n'y a pas de
139
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Conclusion
L'un des principaux enseignements de cette recherche est que la transforma-
tion des modes de production conduit à une amélioration substantielle des taux
de scolarisation au Burkina Faso. Quel que soit le milieu d'habitat, le salariat est
de loin le mode de production le plus associé à une meilleure scolarisation des
enfants. L'implication des ménages dans des activités non agricoles, particuliè-
rement en milieu rural, est un moyen d'accroître les niveaux de scolarisation.
L'amélioration du niveau de vie s'accompagne non seulement d'un
accroissement du niveau de scolarisation des enfants, mais aussi d'une dimi-
nution de la discrimination sexuelle. L'effet de la pauvreté monétaire est
certes plus important en milieu urbain, mais en milieu rural la contrainte
financière apparaît aussi comme un facteur important de non scolarisation.
La pauvreté en milieu rural ainsi que ses effets sur la scolarisation des enfants
est une piste de recherche à approfondir.
Les variables culturelles, particulièrement l'ethnie et la religion, sont
apparues très discriminantes en milieu rural et montrent ainsi l'importance du
facteur historique dans les niveaux de scolarisation observés de nos jours
dans certains groupes sociaux. Le processus d'urbanisation est un facteur de
changement qui contribue à réduire l'influence des facteurs socio-culturels.
Mais compte tenu du faible niveau d'urbanisation du pays, le facteur culturel
continuera à peser encore longtemps dans les inégalités de scolarisation.
Le développement quantitatif de l'offre, particulièrement en milieu rural,
apparaît nécessaire comme le montre le rôle important joué par la distance
moyenne à l'école la plus proche. Son effet, contrairement à ce qu'on aurait
140
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
pu attendre, a la même importance chez les filles que chez les garçons.
Si d'une manière générale, la distance à l'école n'est discriminante qu'au-
delà de 5 km, pour les filles du chef de ménage (résultats non présentés ici),
elle l'est déjà pour une distance supérieure à 2 km. Comme cela ressort de la
littérature, la distance à l'école serait donc plus discriminante pour les filles.
Mais, il faudrait aller au-delà du seul aspect quantitatif de l'offre pour
prendre en compte l'aspect qualitatif. La disponibilité de l'école est une
chose, son fonctionnement en est une autre. Il est donc utile d'étudier davan-
tage l'effet des différentes composantes de l'offre sur les stratégies scolaires
des ménages et des familles.
D'une manière générale, les variables démographiques jouent un rôle
relativement faible, mais certains résultats importants sont à souligner: la
propension des femmes chefs de ménage à scolariser les enfants plus que les
hommes, résultat observé ailleurs en Afrique sub-saharienne et qui apparaît
très nettement dans les analyses portant sur les enfants du chef de ménage.
Ce sont surtout les filles qui profitent de ce statut de femme chef de
ménage: l'autonomisation des femmes, par l'acquisition de certains statuts
de pouvoir est sans doute un processus qui contribuera à une réduction
importante des inégalités sexuelles. Mais cette association entre le statut de
femme chef de ménage et une meilleure scolarisation mérite des investiga-
tions plus approfondies.
Les résultats de cette recherche ont certaines implications dans le
domaine de l'action:
-la différence des résultats suivant le milieu d'habitat implique une approche
différenciée de la question de la sous-scolarisation des enfants en général
et des filles en particulier entre la campagne et la ville. Au sein même du
milieu rural, des politiques régionales, tenant compte des spécificités éco-
nomiques et culturelles, seraient très probablement à même d'aboutir à des
résultats probants en termes d'augmentation des taux de scolarisation ;
-l'importance du mode de production comme l'un des facteurs déterminants
de la scolarisation signifie que l'amélioration des niveaux de scolarisation
doit être accompagnée d'une politique générale de transformation des
structures de production. Comment espérer en effet une transformation
structurelle du mode de production agricole actuel, fortement demandeur
de main-d'œuvre enfantine, vers un mode moins demandeur et rentable
économiquement à même d'entraîner une meilleure scolarisation sans asso-
cier l'ensemble des institutions impliquées dans le développement rural;
-la pertinence d'une politique de lutte contre la pauvreté, notamment
l'objectif d'une « amélioration de l'accès des pauvres aux services sociaux
de base », semble réelle dans la mesure où, que ce soit en milieu urbain ou
en milieu rural, les ressources économiques du ménage sont apparues
141
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Bibliographie
ADJIBADE Awa, 1989. Étude sociologique sur la scolarisation des jeunes filles au
Burkina Faso. Provinces de la Bougouriba, du Gourma, du Houet, du Sanmantenga,
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BANQUE MONDIALE, 1995. Priorities and Strategies for Education. A World
Bank Review, Washington, 173 p.
BURKINA FASO/Institut National de la Statistique et de la Démographie, 1996.
Le profil de pauvreté au Burkina Faso. Première édition, Ouagadougou, 170 p.
CALDWELL John C., 1980. « Mass Education as a Determinant of the Timing of
Fertility Decline », Population and Development Review, Vol. 6, N° 2, p. 225-255.
CEPED·UEPA-UNESCO, 1999. Guide d'exploitation et d'analyse des données de
recensements et d'enquêtes en matière de scolarisation, Les documents et manuels
du CEPED, W 9, 103 p.
DACRER Michèle, 1977. Haute Volta: l'inégalité d'accès à l'éducation des
femmes et des jeunes filles, UNESCO, Paris.
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DELMAS-SOULIE Françoise, 1981. Education et scolarisation en Haute-Volta,
accès des filles et des femmes à l'instruction scolaire depuis les indépendances,
Ouagadougou, 119 p.
DE VREYER Philippe, 1993.« Une analyse économétrique de la demande d'édu-
cation en Côte-d'1voire », Revue d'économie du développement, Vol. 3, p. 51-79.
GÉRARD Étienne, 1998.« Femmes, instruction et développement au Burkina Faso.
Incertitudes africaines », in : Marie-France LANGE (éd.), L'école et les filles en
Afrique. Scolarisation sous conditions, Éditions Karthala, Paris, p. 197-220.
142
ACCÈS A LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
143
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
144
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Marc PILON*
Introduction
Globalement privilégiée en matière de santé et d'éducation (par rapport
au reste du pays) et donc considérée comme non prioritaire par le Plan
Décennal de Développement de l'Éducation de base (PDDEB),
Ouagadougou présente néanmoins d'importantes disparités et des pr0blèmes
1·,
spécifiques ; le système éducatif y présente des dysfonctionnements et des
insuffisances avec un processus de privatisation qui n'est pas sans consé-
quence sur l'accès à l'éducation. Dans un contexte d'urbanisation croissante,
de mise en place du processus de décentralisation et en l'absence d'une
politique sociale efficace et équitable, cette situation générerait immanqua-
blement des situations de plus en plus difficiles. Mieux vaudrait anticiper. ..
ce qui nécessite d'avoir une connaissance adéquate de la situation qui prévaut
dans la capitale.
Or, la question éducative à Ouagadougou a jusqu'à ce jour peu retenu
l'attention à la fois des décideurs et des chercheurs (KABORÉ et al., 2001).
Un réel besoin de connaissance existe donc tant du côté de l'offre éducative
que de la demande d'éducation.
Nous présentons ici quelques uns des résultats issus d'une étude qui s'ins-
crit dans le cadre du projet d'Observatoire de population, santé, éducation et
habitat à Ouagadougou, conduit par l'UERD (BAUX et al., 2002)1. Après
avoir exposé les sources de données utilisées, l'objectif est ici, par-delà la
présentation de la situation générale qui prévaut dans la capitale, de mettre en
lumière quelques formes de disparités intra-urbaines à Ouagadougou, tant du
côté de l'offre scolaire que du côté de la demande (en termes de fréquenta-
tion scolaire).
1 Il s'agit d'un programme de recherche, d'action et de plaidoyer dont les objectifs sont
d'identifier, de mesurer et d'étudier les iniquités en santé, éducation et habitat à
Ouagadougou, et de concevoir et tester des stratégies pour les réduire. Pour être efficientes,
de telles stratégies doivent s'insérer dans une analyse rigoureuse des dynamiques sociales,
économiques et démographiques spécifiques aux milieux urbain et périurbain. L'étude citée
a été réalisée grâce à un financement de j'ONG DIAKONIA.
145
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
2 Ces analyses sont issues d'une collaboration avec Idrissa Kaboré de l'Institut National de la
Statistique et de la Démographie (INSD).
146
ACCÈS A LA SCOlARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
147
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
148
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
%du plwe
60 .
160000
EGoles Total
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1997 1998 1999 2000 2001 1997 1998 1999 2000 2001
149
LA QUESTION ËDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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150
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
151
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
152
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÈTERMINANTS ET DISPARITÉS
60
40
20
o
Enfants du CM Autres enfants Ensemble
ml Garçons ml Filles
Figure 2. Taux de scolarisation (7-12 ans) selon le statut familial et le sexe des
enfants ; Ouagadougou, recensement de 1996.
153
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
- une plus faible scolarisation des« autres enfants », très marquée pour les
filles.
L'analyse de la fréquentation scolaire selon le niveau d'instruction et la
catégorie socio-professionnelle du chef de ménage confirme bien l'importan-
ce de ces deux variables pour la scolarisation (figures 3 et 4) :
-la fréquentation scolaire augmente avec le niveau d'instruction du chef de
ménage;
- elle est plus élevée dans les catégories socio-professionnelles qui apparais-
sent les plus favorisées économiquement.
Mais on observe dans le même temps la forte sous-scolarisation qui
touche les jeunes filles autres que celles du chef de ménage et qui
s'observe particulièrement dans les ménages les plus instruits et/ou les plus
« aisés ». C'est précisément dans ces ménages que l'on trouve les plus
fortes proportions de jeunes filles autres parentes qui sont avant tout
accueillies, non pas pour être scolarisées, mais pour aider aux travaux
domestiques notamment ... Ainsi« le travail des unes permet la scolarisa-
tion des autres» (POIRIER et al.,19).
100
mAucun
80 ocr
mCE
60 .CM
o Sec 1er cycle
40
II1II Sec 2nd cycle
20 • Supérieur
Figure 3. Pourcentage d'enfants de 7-12 ans scolarisés selon le sexe des enfants et
le niveau d'instruction du chef de ménage ; Ouagadougou, recensement
de 1996.
154
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
%
100 ...........................................................•..........•.......•....•...................•..
ml Garçons Il Filles
80
60
40
20
Figure 4. Pourcentage d'enfants de 7-12 ans scolarisés selon le sexe des enfants et
la catégorie socio-professionnelle du chef de ménage ; Ouagadougou,
recensement de 1996.
155
'LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Tableau II. Répartition des élèves selon leur origine sociale, par type
d'école privée, en 2001 ; Ouagadougou
Origine sociale Franco-arabe Medersa Catholique Laïque Protestante
Cultivateur 32,5 35,3 Il,5 19,1 21,7
Éleveur 5,0 5,8 0,1 0,8 0,7
Salariés 5,5 8,2 44,9 36,2 31,5
Artisan 3,7 3,1 3,9 2,3 2,2
Commerçant 25,3 28,3 14,1 15,1 11,9
Ouvrier 7,6 15,0 7,8 6,8 7,2
Retraité 3,6 0,8 2,8 2,9 3,1
Autre Il,6 1,4 10,0 14,8 17,3
Indéterminé 5,2 2,1 4,8 2,0 4,4
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
Effectif 2910 621 2581 39468 9946
156
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
54.4-65
65-70
70-75
75-82.1
Carte 4. Pourcentage d' enfants de 7-12 ans « jamais scolarisés »par secteur à
Ouagadougou en 1996.
157
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO : REGARDS PLURIELS
Conclusion
Sur le plan scolaire, la capitale est sans conteste globalement privilégiée
par rapport au reste du pays. Mais les disparités, les inégalités y sont sans
doute plus accentuées qu'ailleurs. L'analyse secondaire des données du
recensement de 1996 a permis de caractériser le profil socio-démographique
de la population de Ouagadougou et de mettre en lumière ses variations et
spécificités intra-urbaines avec une opposition schématique entre le centre et
la périphérie. Les modalités de la dynamique démographique de la ville font
que les zones périphériques se caractérisent par une population plus jeune et
concentrent ainsi la majorité des enfants en âge scolaire ; ces mêmes zones
sont habitées par des ménages vivant encore souvent de l'agriculture, avec de
faibles revenus et présentant un niveau élevé d'analphabétisme.
De son côté, l'analyse des statistiques scolaires révèle la très inégale
répartition spatiale de l'offre scolaire au sein de la capitale. Le déficit est
patent dans les zones périphériques et particulièrement dans le non loti où
l'État ne construit pas d'écoles. On voit se dessiner un paysage scolaire spa-
tialement et socialement différencié : un secteur public (le moins coûteux)
pour les moins nantis ; un secteur privé pluriel, ici destiné aux plus nantis
pour les écoles les plus coûteuses, là fréquenté par les enfants des familles les
plus pauvres ou encore en raison d'un choix religieux (pour les écoles fran-
co-arabes et medersa). Dans les zones périphériques, faute d'écoles publiques,
l'alternative est souvent entre ne pas pouvoir scolariser ses enfants (le coût des
écoles privées étant trop élevé) ou faire parcourir quotidiennement une longue
distance aux enfants, avec tous les risques que cela entraîne.
On observe alors « logiquement » de fortes disparités, sociales et spa-
tiales, dans la fréquentation scolaire au détriment des plus pauvres et des
zones périphériques. Et c'est dans ces zones les plus peuplées que l'on ren-
contre les plus fortes proportions et les plus gros effectifs d'enfants, soit
n'ayant jamais été scolarisés (et qui à partir de 9 ans ne pourront plus l'être),
soit ayant quitté l'école précocement (sans même achever le primaire) : que
font-ils ? quel peut être leur avenir dans la capitale ? Ces enfants constituent
assurément une population à risque, en regard notamment du phénomène des
« enfants de la rue », en termes de« marginalisation sociale ». Cette situa-
tion pose des problèmes spécifiques au milieu urbain dont il conviendrait de
mesurer toutes les conséquences, tant au niveau individuel, familial que
sociétal. Dans la logique du Plan Décennal de Développement de l'Éducation
de Base, la capitale sera sans doute« servie» en dernier. S'il est compré-
hensible de mettre 'ln accent particulier sur les provinces les plus faiblement
scolarisées, on aurait tort de se désintéresser de la situation qui prévaut dans
la capitale, d'en ignorer les particularités et d'en sous-estimer les consé-
quences.
158
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Bibliographie
BAUX S., KABORÉ 1., LOKPO K., PILON M. (coordonné par PILON M.),
2002. Étude exploratoire de l'offre et de la demande d'éducation à Ouagadougou,
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KABORÉ 1., KOBIANÉ J.-F., PILON M., SANOU F., SANOU S., 2001.
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mémoire de maîtrise de géographie, Université de Paris X-Nanterre, 120 p.
159
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Frédérique BOURSIN·
Introduction
L'Afrique est particulièrement affectée par l'existence du travail des
enfants. Selon le Bureau International du Travail (BIT), 41 % des enfants
sont économiquement actifs, dont 26,3 % concerne les 10-14 ans, la propor-
tion la plus élevée au niveau mondial. Au Burkina Faso, la proportion d'en-
fants travailleurs s'élève à 51 % pour ceux âgés de 10 à 14 ans. Après le M~li,
le Burkina Faso fait partie des pays de la sous-région les plus touchés par le
phénomène..
S'il est certain que le travail des enfants en Afrique n'est pas un phéno-
mène nouveau, ce qui est nouveau en revanche, ce sont les formes que pren-
nent actuellement le travail des enfants et particulièrement les situations
d'exploitation et de trafic des enfants à des fins économiques et/ou sexuelles.
Ce constat ne nous autorise pas, bien évidemment, à banaliser le travail des
enfants sous d'autres formes, mais il nous permet de focaliser notre attention
sur les pires formes de travail des enfants et d'opérer une distinction entre les
tâches autorisées qui relèvent d'une expérience intéressante ou d'un appren-
tissage couplé avec les études et celles interdites qui conduisent à l'exploita-
tion économique et aux mauvais traitements causés aux enfants.
Cette préoccupation s'est récemment concrétisée au niveau mondial à tra-
vers l'élaboration d'un nouvel instrument international relatif aux droits de
l'homme, la convention n0182, sur les pires formes de travail des enfants.
Cette convention renvoie aux formes de travail qui entravent l'éducation,
l'épanouissement physique, mental et social de l'enfant. Elle a pour cible des
pratiques telles que: l'esclavage; le travail forcé; la traite; l'utilisation des
enfants à des fins de prostitution ou à des fins pornographiques et les diverses
formes de travail dangereux ou qui s'exercent dans des conditions d'exploi-
tation.
Après la convention nO 138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi qui
s'inscrit dans une perspective à plus long terme quant à son application en
faveur de 'l'abolition du travail des enfants, la convention nO 182 s'inscrit
dans une perspective à court terme et demande aux gouvernements qui l'ont
161
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
ratifiée de se concentrer dans l'immédiat sur les pires formes de travail des
enfants qui sont moralement inacceptables quelles que soient les circons-
tances et quel que soit le degré de développement du pays. Cette nouvelle
convention a été ratifiée par le Burkina Faso le 25 mai 2001.
Après avoir défini les concepts d'enfant, d'exploitation du travail et de
trafic des enfants, nous brosserons la situation du travail et du trafic des
enfants au Burkina Faso à partir des statistiques officielles disponibles.
Sur la base des études existantes, nous retracerons l'évolution du travail des
enfants, caractérisée par le passage de la socialisation par le travail à
l'exploitation économique et au trafic des enfants. Un accent particulier sera
mis sur la permanence de pratiques traditionnelles propres au statut et au rôle
de l'enfant dans la société, mais qui s'exercent désormais dans un contexte
économique, social, géographique en pleine mutation, générant des déra-
pages, des détournements qui sont préjudiciables aux enfants. Nous exami-
nerons enfin la manière dont le Burkina Faso li traduit son engagement en
faveur de l'abolition du travail des enfants, y compris dans ses pires formes.
162
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
163
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
La première étude porte sur la situation du travail des enfants. Elle a été
réalisée en 1998 par le programme IPECIBIT et elle a porté sur 2 000 enfants
travailleurs répartis dans les secteurs suivants :
-l'agriculture et l'élevage dans le Sud-ouest (région de Bobo-Dioulasso)
-l'orpaillage (Nord) ;
- les métiers à risque dans le secteur informel à Ouagadougou
-les petites filles domestiques à Ouagadougou.
Les résultats de cette étude confirment la situation d'exploitation des
enfants au travail dans ces différents domaines d'activité. Les activités
menées empêchent toute forme de scolarisation, puisque 76 % des enfants ne
vont pas à l'école, soit qu'ils n'y soient jamais allés, soit qu'ils aient été
déscolarisés. Par ailleurs, l'effort physique requis dépasse largement les
forces de l'enfant, puisque près de 54 % ont évoqué la grande pénibilité
de leur travail. Cette pénibilité est accentuée par les horaires de travail exces-
sifs : 34 % travaillent entre 6 et 10 heures par jour et 55,6 % plus. de
10 heures par jour. Enfin, la rémunération est sans rapport avec l'intensité du
travail ou carrément inexistante dans près de 70 % des cas.
On peut donc retenir que le bien-être physique, mental et social de l'en-
fant est compromis par un travail pénible et non rémunéré qui s'effectue sans
un minimum de protection, l'exposant ainsi à de graves dangers et qui de sur-
croît, n'offre que très peu d'opportunités d'apprentissage compromettant
ainsi son avenir social.
La seconde étude a été réalisée en mai 2000, toujours sur l'initiative du
programme IPEClBIT, sur la situation plus précise du trafic des enfants au
Burkina Faso.
Deux formes de trafic y sont présentées et qui concernent des enfants âgés
de 10 à 18 ans : le trafic interne qui semble prédominant et qui concerne des
déplacements d'enfants à l'intérieur du pays et le trafic transfrontalier qui
concerne des déplacements d'enfants d'un pays à l'autre.
Les situations liées au trafic interne renvoient aux situations suivantes: le
« louage d'enfants» dans l'agriculture ou dans le secteur des mines et des
carrières et de l'élevage ; le placement ou le« confiage »de domestiques et
d'aides familiaux, notamment auprès de familles urbaines; et dans une
moindre mesure, le trafic à des fins d'exploitation sexuelle.
En ce qui concerne le trafic transfrontalier, le Burkina est apparu à travers
cette étude du BIT comme un pays récepteur de main-d'œuvre enfantine, un
pays fournisseur de main-d'œuvre enfantine et enfin, un pays de transit de
164
ACCÈS A LA SCOLARISATION : DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
main-d'œuvre enfantine. Les résultats de cette étude ont été confInnés par
ceux du projet conjoint MASSN 1 / UNICEF de lutte contre le trafIc des
enfants exécuté dans 10 régions du Burkina depuis juin 2001 et qui fait appa-
raître l'ampleur et les manifestations suivantes du phénomène.
Ainsi, entre juin 2001 et octobre 2004, 1 356 enfants ont été interceptés
par les comités de vigilance et de surveillance de lutte contre le trafIc des
enfants installés dans 33 provinces du pays (tableau 1). Les garçons demeu-
rent globalement plus exposés, mais de fortes disparités existent selon les
régions et la forme du trafIc.
165
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
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LA auESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
176
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Conclusion
La mise au travail précoce des enfants, le confiage des enfants ou encore
la migration de travail des adolescents sont autant de pratiques qui visent
l'éducation des enfants, leur formation, la recherche de leur bien-être et de leur
insertion en général dans la société. Elles représentent des alternatives à une
autre forme d'éducation ou de formation, plus conventionnelle, mais qui n'est
pas accessible à tous les enfants. Cependant, dans un contexte marqué par la
pauvreté des populations, le relâchement des filets de sécurité communau-
taires et l'influence de nouveaux modes de vie, notamment urbains, ces pra-
tiques peuvent devenir dangereuses et être détournées de leur vocation initiale
pour devenir des cadres favorables à l'exploitation et au trafic des enfants.
177
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
TI a ainsi été relevé que le travail précoce de l'enfant, ayant pour but
initial sa socialisation, n'est plus toujours encadré et protégé par la famille.
De même, le « confiage » des enfants,· considéré comme un moyen
d'améliorer leur éducation ou de favoriser leur insertion peut devenir dans
certains cas un masque à l'exploitation et au trafic des enfants. La mise en
évidence du détournement de ces pratiques à des fins d'exploitation et de tra-
fic des enfants représente une étape significative dans le processus de pro-
tection et de promotion des droits de l'enfant au Burkina Faso. Si l'Etat et ses
partenaires s'organisent déjà pour endiguer ce fléau, il est néanmoins néces-
saire de s'attaquer également aux situations qui favorisent au départ la vul-
nérabilité de l'enfant dans la société burkinabé. La circulation des enfants en
général dans la société (sous ses multiples formes), souvent motivée par Wl
objectif d'éducation et/ou de formation, mérite de faire l'objet d'études
approfondies, tant qualitatives que quantitatives, car elle concerne une fran-
ge importante de la jeunesse burkinabé.
Bibliographie
BADINI A., 1994. NaI"tre et grandir chez les Mossi traditionnels, Découverte du
Burkina, SEPIA-ADDB, Paris-Ouagadougou, 207 p.
BONNET M., 1993. Le travail des enfants en Afrique, Revue internationale du tra-
vail, vo1.l32, 1993, W3, p. 411-430. _
BOURSIN F., 1996. Les enfants du compromis, entre logiques de survie et logiques
communautaires: le cas des enfants et jeunes des rues à Ouagadougou, Mémoire de
DEA, Université des sciences et technologies de Lille, département de sociologie,
123 p.
BOURSIN F., ZOUNGRANA J.-B., TOURE O., 2000. Rapport d'évaluation
externe du projet d'Action Educative en Milieu Ouvert, UNICEF, Ouagadougou,
-: Burkina Faso, 82 p.
BRISSET C., 2000. Le travail des enfants, problèmes politiques et sociaux. La
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DABIRE B., 2001. « Le confiage des enfants : alternative à une transition de
crise? », In Gendreau F. (sous la direction de) Les transitions démographiques des
pays du sud, Aupelf-uref, Editions Esterm, Paris, p. 407-421.
GODARD P., 2001. « Contre le travail des enfants », DESMARET, Strasbourg,
214 p.
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PASCALIS M.-A., 1992. « Jeunesse et encadrement au Burkina Faso », in Les
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H.D'Almeida-Potor, F.Guitart, L'Harmattan, Paris, p. 231-241.
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ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
MANIER B., 2003. Le travail des enfants dans le monde, Editions La Découverte,
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BITIMETSS, 1998. Enquête nationale sur le travail des enfants au Burkina Faso,
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BITIMETSS, Mai 2000. Le trafic des enfants au Burkina Faso, Rapport d'étude,
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METSS, 2001. Rapport d'exécution du programme IPEC Burkina Faso (Biennum
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MYERS et BOYDEN J., 1998. Le travail des enfants: promouvoir l'intérêt supé-
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POIRIER J., BAYA B., ZOUNGRANA C., 1996. Travail des enfants et division
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UNICEF, 2001. « La lutte contre les pires formes de travail des enfants », in
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179
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANl'S ET DISPARITÉS
Yacouba YARO·
Introduction
De toutes les parties du monde, l'Afriq'l:le sub-saharienne paye surtout le
tribut le plus lourd à la pandémie du VIHIsida où elle constitue aujourd'hui
la première cause de mortalité (UNAIDS, 2001 ; KELLY, 2002 ; PNUD,
2002). Elle freine la plupart des efforts de développement entrepris dans les
pays africains, elle réduit fortement l'espoir d'atteindre les objectifs fixés
en matière de développement, de bien-être social et de prospérité écono-
mique (UNICEF, 1999 ; GACHUHI, 1999). En somme le VIH/sida pose un
défi phénoménal aux actions actuelles et futures quel que soit le domaine.
C'est notamment le cas pour le Burkina Faso l'un des pays les plus affectés
de l'Afrique de l'Ouest après la Côte d'Ivoire et le pays sahélien le plus frap-
pé par la pandémie du VlHlsida.
La pandémie du VlHlsida pose un grand défi par rapport à des irlstitutions
sociales comme la famille et l'école. Ses effets concernent à la fois l'of:flre et
la demande scolaire. Nous nous proposons ici de faire un état des lieux
concernant les effets de la pandémie dans le domaine de l'éducation au
Burkina Faso. Après un rappel de l'ampleur du VIH/sida en Afrique et au
Burkina Faso, nous verrons de quelle manière, sur la base des informations
disponibles, se trouvent affectés le système scolaire, notamment au niveau
des enseignants et la demande scolaire au niveau des enfants et des
familles ; nous évoquerons aussi le rôle que peut jouer l'école elle-même
dans. la lutte contre le VIH/sida et les initiatives entreprises par le monde
associatif.
181
LA OUESllON ËOUCATlVE AU 8URKINA FASO: REGARDS PWRIELS
182
ACCÈS À LA SCOlARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
183
LA QUESTION ÉDUCA1WE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
National de Lutte contre le Sida et les IST. De nos jours le taux de séropréva-
lence suscite de nombreux questionnements. n est important de souligner que
la lecture des indicateurs, quel que soit leur tendance à la baisse, ne signifie pas
une baisse systématique des effets déjà induits par le Sida sm la population
générale. En tout état de cause, que ce soit les indicateurs des sites sentinelles
ou ceux issus de l'EDS 2003, ils appellent à une interprétation prudente.
En réalité, ces indicateurs à la baisse montrent la situation des nouvelles
infections au sein de la population globale. En clair, ces tallX montrent que si
l'infection à Vlli concernait plus de 7 % de la population au début des années
1990-2000, de nos jours, elle est entre 2 et 3 % ; un tel taux indique, tout de
même une pandémie généralisée au sein de la population. Il est donc impor-
tant de distinguer d'une part l'effet déjà induit par cette pandémie avec son
lot de personnes déjà infectées, avec d'autre part une apparition en baisse des
nouveaux cas.
Le Burkina Faso figure panni les quatre pays les plus infectés de l'Afrique
de l'Ouest qui sont la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Togo.
Le tableau ci-dessous indique le nombre de cas de Sida notifiés depuis
1986 jusqu'au 30 juin 2004.
184
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
1 Ministère de la Santé, Centre Muraz, Projet VIH et IST en milieu rural, ûrbain et sectoriel
(VIRUS), Rapport final provisoire, 15 janvier 2005.
185
LA QUESTION l':DUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PlURIELS
186
ACCÈS À LA SCOlARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
187
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
188
ACCÈS À LA SCOlARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
de la famille dans ces zones enquêtées. Le plus souvent, les enfants sont
accueillis pour plusieurs raisons : 39,5 % parce qu'ils étaient otphelins ; 26 %
pour la scolarisation ; 28,7 % pour les travaux domestiques et 5 % pour une for-
mation religieuse islamique et moins de 1 % pour d'autres raisons non précises.
Ces raisons doivent être comprises comme des facteurs d'analyse impor-
tants dans la recomposition familiale, si l'on sait que les raisons qui sous-
tendaient le confiage des enfants relevaient plus de raisons domestiques ou
scolaires que la perte d'un ou des parents. Il faut aussi rappeler que
l'Initiative Privée Communautaire (IPC), lors de son enquête en 2001, avait
également trouvé les mêmes résultats pour ce qui est de l'importance numé-
rique des orphelins dans les ménages.
L'analyse de ces indicateurs permet d'observer que l'importance numé-
rique des orphelins dans les ménages est un élément important pour apprécier
l'étendue dévastatrice du VIHlsida dans les communautés étudiées. Il est fort
probable que la s~tuation observée dans ces quatre provinces soit quasiment
identique dans une grande majorité des provinces du pays. Avec ces indica-
teurs, on peut supposer que les orphelins sont accueillis dans des ménages qui
sont proches.
Les résultats de l'enquête montrent que les enfants sont accueillis dans des
ménages aux profils différents. Ainsi, les oncles/tantes (33 %) et les grands
parents (32 %) sont les premiers accueillants des orphelins. Ce constat rejoint
des analyses antérieures menées en Côte d'Ivoire par Sylvie Delcroix et
Agnès Guillaume (1998). Le plus surprenant est que dans ces communautés
rurales, il existe 19 % des veuves qui déclarent prendre en charge les orphe-
lins. Est-ce un indicateur de tendance confirmant la disparition du lévirat ?
Tout pourrait le laisser penser. De toutes les façons, les indicateurs soulignent
que le premier cercle d'accueil des orphelins reste la famille, étant donné que
dans ces communautés les amis qui ont en charge des orphelins ne représen-
tent que 1 % des accueillants. Il faut cependant noter que 5 % des orphelins
ont déclaré se prendre directement en charge.
En tout état de cause, dans cette partie du Burkina, les choses ont évolué si
l'on considère qu'auparavant il n'existait pas, d'un point de vue social, de
veuves ou d'orphelins. En effet, avant que le VIHlsida n'entraîne de plus en
plus la disparition de la pratique du lévirat, les veuves étaient remariées à des
frères du défunt afin de pouvoir conserver les orphelins dans le cadre familial
et surtout de pouvoir convenablement les prendre en charge en leur offrant les .
mêmes conditions comme si leur père était vivant (Le PALEC, 1995 ~
DANZIGER, 1994). Par ce procédé de perpétuation des liens familiaux, les
orphelins ne sont pas spécifiquement reconnus comme tels dans la commu-
nauté car ils sont réintégrés dans le circuit de la grande famille et considérés
comme des enfants biologiques de l'héritier de la veuve.
189
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
190
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DIITERMINANTS ET DISPARI"ftS
On observe que pour l'ensemble des quatre provinces, les enquêtés dési-
gnent en premier lieu la famille nucléaire comme le cadre idéal d'accueil.
La grande famille (famille élargie) est en revanche citée bien après les ONG
et l'Etat. Ces données ont le mérite de montrer que les populations ont pris
conscience que mises à part les familles nucléaires, il importe de recourir aux
personnes morales comme les ONG ou l'Etat pour aider à la prise en charge
des besoins fondamentaux des enfants. Cette tendance pourrait dénoter le fait
que désormais la prise en charge des orphelins dépasse le cadre de la famille.
L'école au service de la lutte contre le VIII/SIDA pour sa propre
survie
Conscients de l'effet néfaste et destructeur de cette pandémie sur le sec-
teur de l'éducation, les agents du ministère de l'éducation se sont réunis à
Bobo-Dioulasso en février 2002 pour élaborer leur plan sectoriel de lutte
contre le VIHIsida et soumis au Conseil National de Lutte contre le Vlli/sida
et les infections sexuellement transmissibles (CNLS/IST). Dans ce plan
sectoriel, est mentionné l'objectif de réduire considérablement l'effet du
VIHIsida au sein de l'institution scolaire en faisant de l'école non seulement
un lieu de dispensation du savoir mais aussi un cadre de sensibilisation
et d'éducation à la base en vue de promouvoir des comportements positifs
pour juguler la pandémie du VIHIsida dans notre pays. Le plan sectoriel a le
mérite de mettre l'emphase sur les enseignants comme étant les premiers
acteurs de cette lutte contre le VIHlsida. Toutefois, faut-il voir en cela une
mission actuelle assignée à l'école comme un instrument de lutte contre la pan-
démie du VIHIsida ? Demande-t-on encore à l'institution scolaire burkinabé
de nouvelles missions comme cela l'a été à plusieurs reprises ? En effet, faut-il
rappeler que cette école fut au lendemain des indépendances le creuset pour « la
création de la Nation », ensuite le bastion« du développement des idéaux révo-
lutionnaires »puis, au début des années 1990, l'instrument privilégié pour aider
à l'implantation des idéaux et des pratiques démocratiques ?
En tout état de cause, le défi est important et les enseignants qui consti-
tuent un maillon du développement social et économique devraient effecti-
vement trouver un rôle prioritaire à jouer dans la lutte contre le VIH/sida.
Sinon ce sont des efforts de plusieurs années qui pourraient être anéantis.
Rôle des ONG et des associations de prise en charge et de lutte
contre le VIHIsida dans la demande scolaire au Burkina
De nombreuses associations et organisations non gouvernementales
inscrivent la prise en charge des besoins fondamentaux, dont prioritairement
l'éducation des OEY comme une nouvelle piste pour l'action humanitaire.
Au-delà de cette action, il faut y voir une demande scolaire institutionnelle et
associative qui viserait à confronter ou à suppléer la demande des ménages.
191
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Conclusion
Le VIHJsida agit de manière importante sur le système scolaire dans sa
globalité. Au niveau de l'offre scolaire, la pandémie du VIHIsida pourrait
remettre en cause tous les plans de développement et les objectifs scolaires
fixés à moyen et long terme. En effet, au regard du fait de l'évolution de la
pandémie au sein du monde scolaire qui touche de plein fouet de nombreux
enseignants et dont les conséquences sont la mortalité élevée en leur sein ou
l'incapacité de ceux qui sont malades à assurer convenablement l'encadre-
ment des élèves, l'école burkinabé pourrait se retrouver dans une situation
délicate. Unl- telle perspective devrait amener les autorités à adopter des stra-
tégies salutaires pour l'école au Burkina.
Un pays comme le Burkina Faso qui fait partie des pays où le taux de séro-
prévalence est élevé pourrait voir ses efforts de promotion scolaire
passés et actuels anéantis. Certes conscient que cette pandémie est un véritable
192
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Bibliographie
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195
ACCÉS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Komla LOKPO*
Introduction
La crise qui secoue les systèmes éducatifs est presque générale à tous
les pays africains. Les possibilités pour les gouvernements de faire face
aux besoins ont largement diminué. Au Burkina Faso, les solutions aux
problèmes éducatifs se sont davantage focalisées sur la création de nou-
veaux collèges et lycées, l'augmentation des classes et des bâtiments afin
de permettre à chaque enfant de trouver une place à l'école. Par contre,
les effets des conditions socio-économiques des familles sur les pratiques
scolaires ne sont pas pris notamment en charge et l'intérêt pour l'amélio-
ration des conditions de vie des enfants dans leur milieu est quasi absent
des politiq ues d'éducation.
Placer son enfant auprès d'un parent dans une famille d'accueil est une pra-
tique sociale assez répandue dans la ville de Ouagadougou. On sait qu'un grand
nombre d'élèves n'ont pas leurs parents résidant à Ouagadougou : mais com-
ment vivent-ils et dans quelles conditions s'effectue la fréquentation scolaire?
Cette communication (qui présente les résultats d'une étude menée dans le
cadre d'un mémoire de maîtrise en sociologie en 1998) traite de la situation des
élèves vivant dans les familles d'accueil dans le cadre de leur scolarité.
Aborder le rapport des élèves à l'école sous l'angle des conditions
environnementales conduit logiquement à introduire la problématique du
tutorat comme relais entre la famille d'origine et l'école et ses incidences
sur les performances académiques. La famille « tutorale » qui peut se
définir comme une société restreinte est aussi un groupe majeur fondé sur
l'autorité du tuteur. Les pouvoirs économique, culturel et moral reviennent
au tuteur et il est appelé à gérer le quotidien de ses membres et à mettre
l'élève accueilli dans des conditions favorables à sa réussite scolaire.
Or, la famille du tuteur en tant que groupe social crée un type de relations
particulières liées aux systèmes de valeurs, aux normes, aux croyances ...
qui définissent la vision du monde du tuteur qui oriente les rapports au sein
197
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
198
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
15 %, soit 20 tueurs. Tandis que les élèves et les tuteurs ont été soumis aux
questionnaires, des entretiens individuels ont été menés auprès des personnes
ressources (proviseurs, directeurs et fondateurs d'école, directrice de l'enfan-
ce du Ministère de l'action sociale et de la famille).
Ces deux instruments d'observation ont été conçus sur la base de deux
types de variables. Il s'agit de variables classiques, qualitatives et quanti-
tatives (le sexe, la religion, l'ethnie et l'âge) et de variables spécifiques
liées au phénomène observé (niveau de revenu du tuteur, profession du
tuteur, profession du père, profession de la mère, lieu de résidence du père
et de la mère, l'habitat et le cadre de vie de la famille d'accueil, quartier
de résidence du tuteur, niveau d'étude du tuteur, diplôme du tuteur, situa-
tion matrimoniale du tuteur, relations interpersonnelles du tuteur, l'am-
biance du milieu de vie, relations personnelles de l'élève avec le tuteur,
nombre de personnes à charge du tuteur, relations de l'élève avec l'entou- .
rage immédiat, relations de l'élève avec les autres élèves, relation de
l'élève avec les enseignants, la classe par rapport à la durée de scolarisa-
tion, le classement de l'élève, redoublement, abandons, exclusion).
Dans cette étude, nous proposons de définir le tuteur (ou tutrice) comme
toute personne physique, différente des parents géniteurs, chargée de pro-
téger et de soutenir un« mineur non émancipé )), de gérer ses biens et de
pourvoir à ses besoins. Un tuteur se singularise des parents géniteurs car il
peut ne pas considérer la protection du mineur comme une « obligation
morale )) en s'occupant moins de lui que ne le feraient les parents biolo-
giques. Par cette définition précise, nous excluons des élèves bénéficiant
d'aides matérielles d'une autorité morale ou des élèves assistés matérielle-
ment ou financièrement de parents ou amis, mais qui ne sont pas directe-
ment sous leur contrôle. Sont également exclus des élèves vivant en
location à moins que le propriétaire de l'habitation n'ait un « droit )) de
surveillance sur ceux-ci.
Les tuteurs, au regard de la place occupée dans la société en fonction de
leur profession, peuvent être regroupés en catégories socioprofessionnelles
(CSP) suivantes : CSP 1 = agriculteurs et éleveurs ; CSP 2 = ouvrier
(manœuvres, plantons, chauffeurs, magasiniers, gens de maison, travailleurs
=
migrants vers les pays voisins) ; CSP 3 artisans urbains (tailleurs, sou-
deurs, bouchers, menuisiers disposant souvent d'une entreprise gérée sur la
base familiale ou avec un salariat très limité-l, 2 ou 3 employés-) ;
CSP 4 =grands commerçants, fonctions libérales ; CSP 5 = fonctionnaires
et militaires ou bureaucrates. Les résultats de l'analyse des données de
l'enquête sont les suivants.
199
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
60%
54,5%
50% -
40% -,-.
-;!!..
0
c
Q) 30%
c
0
t 20% 14,3 % 16 %
0
a.
- • 1 1
....
0
•
0.. 10% 6,3% 5,3%
3,6%
0%
CSP1 CSP2 CSP3 CSP4 CSP5 Autres
Catégories socio-professionnelles
200
ACCÈS A LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
40% 37,5%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
CPS1 CPS2 CPS3 CPS4 CPS5 Autres
201
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
202
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
Tableau II. Répartition des élèves selon l'importance des relations avec les
tuteurs et les résultats scolaires.
Résultats
Relations Succès Échec Total
Bonnes 41 (53,9) 35 (46,1) 76 (67,9)
Pas bonnes ou Mauvaises 13 (36,1) 23 (63,9) 36 (32,1)
Total 54 (48,2) 58(51,8) 112 (100)
Source: Données d'enquête/avril-mai 1998. X2 =5,08 dl =2 P =0,05
40 élèves sur 112, soit une proportion non négligeable de 35,7 % affir-
ment avoir des rèlations particulièrement difficiles avec les épouses de leur
tuteur et 8 élèves sur 112 (7,2 %) affirment être l'objet de critiques et de
mépris de la part d'autres membres de la famille d'accueil.
Quelques exemples de propos recueillis :
- « Je suis une fille de 14 ans. Je suis en classe de 4'. et je vis avec
mon oncle paternel. L'épouse de mon tuteur ne me considère pas
comme ses propres enfants, elle me déteste, elle me fait savoir que je
ne suis pas chez moi ici .. d'attendre quand je vais me marier. Mon
tuteur aussi me menace, il me disait queje vais « chier» dans la mai-
son si je ne faisais pas attention )).
- « Je suis un garçon de 18 ans. Je suis en 3'. Je vis depuis 3 ans avec
mon cousin et safemme. L'épouse de mon tuteur ne veut pas me voir
de ses yeux. Elle emboîte le pas à son mari .. elle demande au tuteur
de me renvoyer. Elle lui dit des choses que je n'ai pas faites )).
Un peu plus de la moitié des élèves déclarant être« mal à l'aise» chez leur
tuteur présentent une fréquence de redoublements de l'ordre de 64,9 %
contre 45,5 % des élèves se sentant « à l'aise» dans leur famille d'accueil.
Le Khi-deux calculé, comparé à celui lu sur la table de R. A. FISHER (4,3 pour
1 degré de liberté) atteste un lien significatif. Le tutorat comme pratique sociale
et expression d'une forme de solidarité communautaire permet d'accueillir
l'élève et de garantir un certain soutien. Néanmoins, celui-ci pourrait avoir une
situation précaire puisque personne ne peut arbitrer les relations avec la famille
d'accueil et influer sur les prises de décisions concernant le rôle et la fonction
de l'élève, ce qui peut être préjudiciable à ses résultats scolaires.
• Les difficultés de concilier les travaux domestiques et l'appren-
tissage scolaire sont susceptibles de freiner la réussite, surtout
pour les filles qui doivent jouer le rôle de« domestiques ~
La presque totalité des élèves des deux sexes font des travaux domestiques
de différents ordres, les filles (94,2 %) davantage que les garçons (86,9 %).
Si pour certains la conjugaison des tâches domestiques et l'apprentissage
203
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Conclusion
L'enquête montre clairement que plus de la moitié des élèves rencontrés
sont issus de familles économiquement défavorisées et de parents cultiva-
teurs, démunis, avec un revenu fortement tributaire de la nature et des aléas
climatiques. Ces agriculteurs n'ont pas un revenu régulier comme c'est le cas
des fonctionnaires, ce qui les oblige parfois à placer leurs enfants auprès
d'autres parents quelquefois avec transfert des charges scolaires.
L'analyse cumulative qui a pris en compte le nombre total de redouble-
ments par élève pendant le cursus scolaire montre que les élèves ayant des
tuteurs supposés déshérités (agriculteurs/éleveurs, ouvriers et retraités) sont
les plus exposés aux échecs scolaires. Ceci s'explique par un manque de
moyens qui traduit l'incapacité des tuteurs, se situant au sein des couches
sociales défavorisées, à offrir aux enfants de bonnes conditions d'études.
Ainsi, l'échec scolaire peut être mis en rapport avec les mauvaises conditions
de travail et donc avec l'origine sociale en ce sens que la capacité ou l'inca-
pacité de la prise en charge de la scolarité de l'élève est fonction de la caté-
gorie socioprofessionnelle du tuteur. Mais la volonté du tuteur de s'occuper
véritablement de l'enfant qui lui est confié intervient aussi comme un facteur
déterminant des rapports interpersonnels et du succès scolaire.
La situation socio-économique des élèves sous tutorat et son impact sur
leur rendement scolaire procède donc d'une combinaison de facteurs
multiples qui interviennent en interaction. Les quelques résultats présentés ici
204
ACCÈS À LA SCOLARISATION: DÉTERMINANTS ET DISPARITÉS
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205
Quatrième partie:
Langues et éducation
.'! .
LANGUES ET ÉDUCATION
Introduction
Au Burkina Faso où l'on compte une soixantaine de langues « nationales »,
l'acquisition, la pratique et la maîtrise de la langue française sont primor-
diales pour les scolaires: bien que langue seconde pour la grande majorité, le
français est la langue officielle du pays, la langue d'enseignement et de tra-
vail. Pourtant, en dépit des initiatives développées dans le système éducatif,
on mentionne fréquemment la faiblesse des niveaux, le problème étant que
l'on ne connaît ~ffectivement que fort peu de choses sur les niveaux de
maîtrise du français par les scolaires.
La mesure de ces niveaux de compétence des élèves en français (CM2, 3',
Terminale), ainsi que l'identification des déterminants de l'échec scolaire
étaient précisément l'objectif principal de la thèse d'Anselme Yaro (2004)1.
Plusieurs questions se posaient alors : quels sont, effectivement et objec-
tivement, les niveaux de compétence en français des scolaires au Burkina
Faso ? Comment ces niveaux sont-ils échelonnés selon les degrés de scola-
risation et les milieüx ? A quel niveau d'étude peut-on dire qu'un élève est
véritablement « francophone» ? Une telle étude, basée sur un test reconnu
intemationalement, devrait permettre de comparer nos résultats avec ceux
que l'on pourrait obtenir partout ailleurs dans le monde: en banlieue pari-
sienne, au fin fond de la campagne française, aux Antilles, à Madagascar, au
Maghreb ... Il serait, en effet, extrêmement important « d'étalonner» nos
résultats en les comparant à des situations différentes dans d'autres pays
'. « francophones ».
Pour des raisons évidentes de limitation, nous exposons ici nos résultats de
façon concentrée. Après une brève introduction où nous expliquerons notre
méthodologie, nous distinguerons les différentes compétences:
la compréhension orale, la compréhension écrite, la production orale, la pro-
duction écrite. Une synthèse permettra de situer, de manière globale, les niveaux
de compétence en français des scolaires. Des leçons pourraient en être tirées de
manière à renforcer le système éducatif en l'adaptant au mieux aux acquis.
1 L'étude présentée ici reprend certains des principaux résultats de cette thèse.
209
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
210
LANGUES ET ÉDUCATION
La compréhension orale
Bien que les compétences individuelles soient caractérisées par une cer-
taine homogénéité (95 % de moyennes supérieures à 8/10), leur degré de
concentration est fonction des niveaux d'étude: il progresse du CM2 à la ter-
minale et notamment du CM2 à la troisième. Quant aux performances elles-
mêmes, elles évoluent dans le même sens. Elles progressent sensiblement
d'un niveau de scolarisation à l'autre, bien qu'il y ait peu de différence entre
la 3" et la terminale. La compréhension d'un français oral fondamental est
acquise depuis le CM2 : 87,5 % pour les CM2, 100 % pour les troisièmes et
les terminales.
211
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
La compréhension écrite
Les niveaux des scolaires progressent considérablement du CM2
(6,5/10 en moyenne) à la troisième (9,5/10 en moyenne), niveau à partir
duquel les progrès ne sont plus très sensibles (9,5/10 en terminale).
Par ailleurs, les compétences, très hétérogènes en CM2, paraissent concen-
trées en troisième et plus encore en terminale. Au secondaire, se développent
les capacités pour une compréhension écrite de base : 30 % des élèves de
CM2 atteignent le SMIC contre 95,7 % en troisième et 100 % en terminale.
Une comparaison des différentes zones fait apparaître une forte hétérogé-
néité des compétences et une hiérarchisation assez nette entre le milieu rural
et le milieu non rural. Les compétences en compréhension écrite sont
acquises par la moitié des scolaires en zone rurale (50 % à Pouni-Zawara-
Zamo), les scores étant inférieurs aux zones semi-urbaines (61,4 % à
Koudougou-Réo ; 66,3 % à Fada N' Gourma) et urbaine (68,9 % à
Ouagadougou).
La production orale
Les compétences progressent du CM2 à la terminale en passant par la
troisième. La concentration des performances suit les degrés de scolarisation :
très dispersées au CM2, les performances sont plus homogènes en troisième
et encore plus en terminale. L'acquisition de la production d'un français' oral
212
LANGUES ET ÉDUCATION
9 8 7 6 5 4 3 2 SMIC Moyenne
CM2 o 12,1 16,4 35,7 22,1 9,3 2,9 1,4 12,1 6,1
3' 8,8 37,5 37,5 12,5 3,8 o o o 46,3 7,9
Terminale 18,3 60 18,3 3,3 o o o o 78,3 8,4
Moyenne 6,4 29,6 22,9 22,1 12,1 4,6 1,4 0,7 36 7,0
En règle générale, les niveaux sont très hétérogènes. Mais on observe une
certaine hiérarchisation des perfonnances selon les milieux : les moyennes
progressent lorsque l'on passe du contexte rural aux contextes semi-urbain et
urbain. Si l'on ne considère que les moyennes générales, il apparaît que la
production d'un français oral de base n'est acquise dans aucun milieu
(17,5 % à Pouni-Zamo-Zawara ; 25 % à Koudougou-Réo ; 37,5 % à Fada
N'Gourma ; 40 % à Ouagadougou).
9 8 7 6 5 4 3 2 SMIC Moyenne
Pouni 0 17,5 37,5 15 20 7,5 2,5 0 17,5 6,9
Koudougou 2,5 22,5 23,8 26,3 12,5 8,8 3,8 0 25 7,2
Fada 12,5 25 16,3 28,8 12,5 2,5 o 2,5 37,5 7,5
Ouagadougou 7,5 32,5 25 Il,25 15 7,5 1,25 0 40 7,6
Moyenne 6,4 25,4 23,9 21,1 14,3 6,4 1,8 0,7 31,8 7,0
La production écrite
Les compétences sont en relation avec les niveaux d'étude: elles se déve-
loppent très sensiblement du CM2 (moyenne de 5,6/10) à la troisième
(7,1/10), seuil à partir duquel leur évolution devient moins sensible
(7,8/10 en tenninale). Elles manifestent une certaine homogénéité en
tenninale tandis qu'en troisième et au CM2, elles sont très hétérogènes.
Au primaire, les élèves sont très loin d'avoir acquis des compétences pour
une production écrite minimale (2,9 % des élèves atteignent le SMIC).
213
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
214
LANGUES ET ÉDUCATION
215
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
10 9,1
8 7
0
Pouni Koudougou Fada Ouagadougou
Dans toutes les zones et pour tous les niveaux de scolarisation, les perfor-
mances sont meilleures à l'oral qu'à l'écrit, en compréhension qu'en
production.
Dans tous les milieux, les performances de base sont effectives en com-
préhension et notamment à l'oral. En revanche, la production d'un français
oral de base ne paraît peu acquise qu'en zone urbaine. Ailleurs, une telle apti-
tude ne concerne qu'une minorité.
216
LANGUES ET ÉDUCATION
Tableau IX. Résultats sur les niveaux de français selon le niveau d'étude.
Classe 9 8 7 6 5 4 SMIC Moyenne
CM2 0 12,9 30 31,4 19,3 6,4 12,9 6,7
Troisième 16,3 68,8 15 0 0 0 85,1 8,5
Terminale 50 50 0 0 0 0 100 9
Moyenne 15,4 36,8 19,3 15,7 9,6 3,2 52,2 7,7
Une certaine hiérarchie s'établit entre les milieux, les niveaux progressant
sensiblement du milieu rural au milieu urbain. En zone urbaine, les franco-
phones confirmés représentent une proportion légèrement supérieure à la
moyenne (56,3 % à Ouagadougou).
Conclusion
Tout d'abord, comme nous l'avons expliqué précédemment, la faiblesse des
résultats nous a conduit à estimer que le seuil de 8,75 (sur 10) ou de 350
(sur 400) devait être revu à la baisse afin qu'il colle mieux au niveau du « fran-
çais de base» du Burkina Faso. Nous l'avons donc abaissé à 8/10, soit 320/400.
, La nature du test et surtout son niveau de difficulté ne permettent pas de mesurer très préci-
sément les progrès réalisés entre la troisième et la terminale. Il paraa"t, en revanche, bien
approprié pour évaluer les différences entre les CM2 et les troisièmes.
217
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
En d'autres termes, dans l'espace francophone, il nous semble que des sujets
ont une maîtrise de la langue leur assurant des capacités de communication
sur un registre « de base », « commun» ou « standard », même s'ils
n'obtiennent pas le nombre de points requis initialement par le test pour être
reconnus comme de « vrais francophones »3.
Dans le contexte du Burkina Faso, nous sommes arrivés à la conclusion
que la compréhension orale est acquise au CM2, la compréhension écrite et
la production orale en troisième et la production écrite en terminale. Les pro-
grès sont bien nets du CM2 à la troisième et vérifiables également de la troi-
sième à la terminale. En somme, on peut dire que le SMIC (avec le seuil que
nous avons fixé) correspond bien au niveau atteint par une majorité des
élèves de troisième; peu d'élèves de CM2 atteignent ce niveau tandis que la
totalité des lycéens en terminale dépassent ce seuil. Il y a donc à relativiser
les jugements sur les niveaux des élèves. Les capacités de communication
dans un « français minimal » seraient limitées à l'école primaire. Mais au
secondaire, les élèves finissent par être détenteurs d'un « français de base»
et cela s'observe nettement à partir de la troisième. Une majorité d'entre eux
entre alors dans le cercle des « francophones confirmés ».
Pour comprendre ce « retard» des élèves à atteindre le SMIC francopho-
ne, il faut rappeler la situation du Burkina Faso et de nombreux pays africains
(Niger, Mali, Sénégal, Tchad... ), où les taux de scolarisation sont encore très
faibles. La pratique du français est loin d'être généralisée comme c'est le cas,
par exemple, dans des pays comme le Cameroun (surtout la partie méridio-
nale) ou le Gabon. Parmi les déterminants de l'échec scolaire, il ne faut pas
oublier l'absence de bain linguistique (notamment en milieu rural) et le fait
que les élèves doivent tout apprendre d'une langue « étrangère» dans des
conditions pour le moins défavorables (manque de livres et supports didac-
tiques, effectifs pléthoriques ... ). La progression (quantitative) de la scolari-
sation devrait entraîner une extension de la pratique du français et par la suite,
une amélioration des niveaux de compétence.
Il serait fort intéressant de comparer les résultats obtenus au Burkina Faso
avec des données provenant d'autres pays et situations où le français est une
langue étrangère ou une langue seconde (autres pays « francophones »
africains ou maghrébins, Madagascar, Haïti ...). Il serait, du reste, tout aussi
utile de disposer d'une évaluation similaire en France (en milieu rural, dans
les banlieues des grandes villes avec un fort pourcentage d'immigrés ou dans
les départements d'outre-mer, par exemple en Martinique et en Guyane).
Par comparaison, on pourrait alors mieux apprécier ce qui relève de la spéci-
ficité de la situation des différents pays.
218
LANGUES ET ÉDUCATION
Dans les tableaux de moyennes par classes, on aura observé certains che-
vauchements : des élèves de CM2 obtiennent parfois de meilleurs résultats
que des élèves de 3e , ou bien des élèves de 3< parviennent à se hisser au
niveau des tenninales. Ceci est observé dans les résultats de types de compé-
tences mais non pas au niveau de la synthèse générale, où la hiérarchie
scolaire est bien respectée. L'hétérogénéité des compétences, notamment en
CM2, doit être mise en relation avec le fait que le passage d'une classe à une
autre est en principe automatique dans le primaire4 (du moins pour les CPI,
CEl et CMI) quel que soit le niveau des élèves; par ailleurs, on n'accepte
qu'un nombre limité de redoublements dans les autres classes. On peut en
conclure qu'il y a certainement un manque de moyens et de techniques péda-
gogiques appropriées pennettant d'équilibrer les niveaux.
Le saut très important observé entre les niveaux des CM2 et des 3e peut
trouver d'autres explications:
-le niveau de difficulté du test pennet effectivement de bien mesurer les
niveaux de cette tranche de scolarisés;
- il y a une réelle progression entre les moyennes générales obtenues par les
élèves de CM2 et par les élèves de 3< ;
-la très forte sélection opérée à l'entrée en 6< (seulement 10 % environ des
élèves du CM2 passent dans le secondaire) explique que le niveau moyen
de compétence des élèves en 6e soit déjà nettement meilleur que celui des
CM2 (cela resterait à démontrer en effectuant des tests auprès des élèves
de 6<).
Les résultats que nous avons obtenus ont montré très clairement que les
compétences étaient plus affinnées à l'oral qu'à l'écrit d'une part et davanta-
ge en compréhension qu'en production d'autre part. Il paraît assez logique
que l'acquisition d'une langue secondaire ou d'une langue « étrangère»
suive cette progression: de l'oral à l'écrit et de la compréhension à la pro-
duction. Mais il faut tout de même souligner un éventuel biais relatif à la
quantité et la complexité des questions posées et des critères retenus dans le
test. Pour être jugé compétent en production écrite, il faut satisfaire à un
grand nombre de conditions et pouvoir produire une quantité importante de
textes (phrases, mots, etc.) : c'est la condition première pour obtenir de bons
résultats. Il semble donc que ce test d'évaluation mette la barre très haut en
matière d'écrit et de production. Selon le test d'Abidjan, les « vrais» franco-
phones doivent être des lettrés. Dans ce jeu, les jeunes élèves de CM2 du
Burkina Faso ne sont pas favorisés : ils écrivent très peu et ils commencent
seulement à maîtriser, oralement, la langue officielle.
• Depuis la mise en œuvre du PDDEB, le passage est en principe automatique (pas de redou-
blement) au CPI, CEl et CMl, et le redoublement limité dans les autres classes.
219
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
220
LANGUES ET ÉDUCATION
Bibliographie
BARRETEAU D. (éd.), 1998. Système éducatif et multilinguisme au Burkina Faso.
Recueil d'articles, Ouagadougou, ORSTOM.
BARRETEAU D., BATIANA A. et YARO A., 1999. Évaluation des niveaux des
élèves des écoles satellites, Ouagadougou, IRD - Université de Ouagadougou,
AREB,48 p.
CHAUDENSON R. (dir.), 1997. L'évaluation des compétences linguistiques en
français. Le test d'Abidjan, Paris, CIRELFA - ACCT, Didier Érudition, 206 p.
LEMÉTAYER L.-G., 1999. Le français au Burkina Faso. Évaluation des compé-
tences en français des scolaires, Mémoire de DEA de Linguistique générale appli-
quée, Université Paris V - René Descartes, 74 p.
YARO A., 2004. Le français des scolaires au Burkina Faso: niveaux de compé-
tences et déterminants de l'échec scolaire (sous la direction de N. Nikièma et D.
Barreteau), Université de Ouagadougou, Département de Linguistique, 602 p.
221
LANGUES ET ÉDUCATION
, Le présent texte est une version résumée d'un rapport d'étude disponible sous le même titre
en multigraphiée de 42 pages. Il constitue l'étape actuelle de nos réflexions sur la place et
le rôle de l'arabe dans le système éducatif burkinabè. D'autres recherches sont envisagées
afin de répondre aux questions restées en suspend tel le rôle des confréries, la politique de
l'Etat ainsi que le système maraboutique et leurs influences sur ces écoles.
223
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
2 Ces données chiffrées proviennent des rapports de techniciens que nous avons rencontrés
au ministère en charge de ('enseignement.
224
LANGUES ET ÉDUCATION
Objectifs de l'étude
En nous penchant sur le système d'enseignement de l'arabe au Burkina
Faso lors de discussions et de rencontres informelles, nous avons évoqué de
nombreuses difficultés'. Au fur et à mesure que les cadres de discussion se
multipliaient, il nous a paru nécessaire de formaliser nos points de vue à
travers des réflexions soutenues par des arguments scientifiquement élaborés.
C'est donc à cet effet que nous avons initié la présente étude afin de
proposer des voies pouvant contribuer à la promotion de l'enseignement de
la langue arabe au Burkina Faso.
Cet objectif fondamental a pour corollaire un certain nombre d'objectifs
spécifiques parmi lesquels nous pouvons évoquer les points ci-dessous:
- la mise à la disposition de la communauté scientifique et des pédagogues
des données scientifiques sur l'état de l'enseignement de l'arabe au
Burkina Faso;
-la fourniture d'aide à des millions de jeunes qui vont dans ces écoles en fai-
sant en sorte qu'ils trouvent un espoir dans la formation et des raisons
d'aller vers ces écoles ;
-la contribution à jeter les bases d'un enseignement égalitaire qui participe
à la formation intellectuelle de la jeunesse ;
- le renforcement de la capacité de l'offre scolaire du pays qui est en deçà des
espérances depuis l'indépendance.
'Ces travaux de recherche ont un caractère purement personnel. Il ne s'agit ni d'une étude
commanditée, ni de travaux de recherche financés par un organisme quelconque.
225
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO : REGARDS PLURIELS
Méthodologie
Nous situant dans le cadre de l'analyse sociolinguistique, les présentes
recherches en politique linguistique s'inscrivent dans la recherche d'une
meilleure gestion des ressources culturelles et linguistiques dispûnibles.
La présente étude sur l'état de l'enseignement de l'arabe au Burkina Faso est
le résultat de travaux de recherche documentaire, d'enquêtes de terrain et de
séries d'entretiens.
Les enquêtes menées dans le cadre de la présente étude ont été conduites
par un questionnaire guide ad-hoc.
Le questionnaire comporte les volets suivants :
- au premier point ou état civil de l'enquêté, nous examinons son âge, son
environnement sociolinguistique à travers son lieu de naissance, de rési-
dence, le niveau d'instruction et les langues en présence dans son environ-
nement scolaire. Dans cette première partie du questionnaire, nous
espérons dresser le background de l'enquêté afin de comprendre son profil
qui viendra en deuxième point ;
- ensuite, suivra donc le volet sur le profil de l'eI)<luêté qui prend en compte
les langues d'enseignement, les connaissances linguistiques, les difficultés
et avantages de l'enquêté en rapport avec son apprentissage de l'arabe ;
- en troisième point de notre questionnaire, nous amenons l'enquêté à se pro-
jeter dans son environnement, à juger ses propres attitudes sociolinguis-
tiques. Devant la difficulté qu'il a à faire parler de lui-même, nous avons
adopté la stratégie qui consiste à parler de soi à travers les impressions qu'il
a des autres.
Quant aux entretiens, les plus importants sont ceux menés avec les
responsables techniques des commissions et services en charge de l'ensei-
gnement de l'arabe au niveau des deux ministères qui gèrent l'éducation au
Burkina Faso·. Nous pouvons citer entre autres personnes rencontrées à cet
effet Monsieur Koïta FIaS et Monsieur Koussé Tahirou6 • Nous avons égale-
ment rencontré quelques responsables d'établissements d'enseignement
arabe ainsi que des enseignants avec qui nous avons eu des échanges
fructueux.
226
LANGUES ET ÉDUCATION
227
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO : REGARDS PLURIELS
Nous avons tenu cependant à ce que les deux types d'écoles soient
représentés d'une façon équilibrée. A cet effet, nous avons obtenu en tout
42 % pour les écoles coraniques et 58 % pour les écoles franco-arabes.
Cette proportion est loin de refléter la réalité de répartition de ces écoles au
Burkina Faso car nombre d'écoles coraniques ne sont pas officiellement
enregistrées.
228
LANGUES ET ÉDUCATION
Les destinations les plus évoquées sont la Côte d'Ivoire qui réunit plus de
50 % des voyages. Notons tout de même que les quelques rares personnes,
soit 3 % de l'ensemble de notre population cible ont voyagé vers les pays
arabes. Il s'agit essentiellement des enseignants qui ont été dans ces pays
pour des raisons d'études universitaires.
Caractéristiques sociolinguistiques
Bien que tous ont déclaré qu'ils parlent toujours leur langue première,
5 résidents de Bobo-Dioulasso ont pour pratique courante le dioula qui est
désormais la langue déclarée la mieux parlée. Cette mutation qui s'explique
par les voyages permet de comprendre comment les enquêtés changent sou-
vent de langue ou de répertoire linguistique.
En dehors de leur langue première, nos enquêtés parlent assez bien
d'autres langues du pays. Nous avons recueilli à cet effet les langues sui-
vantes : bambara, dioula, fulfulde, gulmanceman, moore, marka, bisa, san,
zarma, haousa, yoruba ... Le nombre restreint de langues nationales parlées à
diverses fréquences par les enquêtés du système d'enseignement arabe
s'explique par le fait que cet enseignement étant considéré comme foncière-
ment lié à l'islam, les populations non islamisées n'y envoient leurs enfants
qu'au cas où ils n'ont pas d'autres offres scolaires à leur portée.
Quel que soit le degré de connaissance déclaré de l'une ou l'autre langue,
nous pouvons la considérer comme faisant partie des répertoires linguistiques
des enquêtés.
Ainsi, pour ceux dont les réponses nous ont permis de dresser le portrait,
nous pouvons dégager les caractéristiques suivantes :
- une présence assez remarquable de l'arabe dont la présence sur la scène
sociolinguistique burkinabé est très peu importante ;
-le dioula et le moore restent les deux langues dominantes du pays. La pre-
mière assure la fonction véhiculaire à l'Ouest et la seconde est la langue
démographiquement la plus importante du pays avec une présence très
marquée dans le centre ;
- la faible proportion des langues grégaires comme le marka et le bissa. Cette
proportion peut s'expliquer par deux raisons : d'abord, les minorités lin-
guistiques sont pour la plupart sous la domination du dioula à l'Ouest.
Ensuite, les zones de minorité linguistique en dehors de ce foyer du dioula
ont été très peu touchées par l'islam qui reste le principal support de la
langue arabe au Burkina Faso;
-lefulfulde est rarement une langue seconde, par conséquent, il reste essen-
tiellement la langue première de ceux chez qui il fait partie du répertoire
linguistique ;
229
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
230
LANGUES ET ÉDUCATION
langues enseignées
45,9%
• arabe
• arabe, français
33.9%'-
lJ arabe, français, anqlai
Les écoles dites« franço-arabes» occupent les deux autres catégories car
c'est dans ces écoles que le français est enseigné comme matière de même
que l'anglais pour les élèves qui arrivent au cycle des lycées et collèges.
Un fait non moins important révélé par cette étude est l'exclusion des
langues nationales dans ce système éducatif. Tout comme l'enseignement
en français, les écoles d'enseignement en langue arabe ne prennent pas
en compte les langues nationales. Par conséquent, ces enseignements sont
fondés sur la « méthode directe » répétitive pour mieux implanter les sons
et les structures de la langue cible.
En outre, tout comme dans les écoles en français, les élèves et les ensei-
gnants baignent dans un environnement sociolinguistique qui reste marqué
par la forte présence des langues nationales. En effet, si les langues d'ensei-
gnement dominent les situations de communication dans les salles de classe,
la cour de récréation demeure sous l'emprise des langues nationales qui sont
les plus utilisées. A cet effet, le tableau ci-dessous nous permet de voir les
langues et les pratiques langagières dans les écoles d'enseignement arabe au
Burkina Faso.
Il ressort de la présente approche des aspects très curieux dans les pra-
tiques langagières en milieu scolaire arabe. En effet, les points suivants
retiennent l'attention :
231
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
.dioula
langues parlées à ('école
.moore
o fulfulde
o arabe, français
1%
• arabe, français, anglais, moone,
fulfulde
• arabe, français, dioula
CJ arabe, moore
3%
• arabe, moore, fulfulde
• diou/a, moore
8%
• dioula, moore, fulfulde
1% • dioula, bissa
12%
• dioula, da fin
o morre, fulfufde
- il n'y a pas d'usage exclusif de l'arabe chez les élèves comme chez les
enseignants, En d'autres termes, s'il arrive que certains n'utilisent que ou
le moore (19 %), ou le dioula (1 %) ou encore soit lefulfulde (2 %) à l'éco-
le, ce cas n'est pas envisageable pour l'arabe. Cette langue qui est pourtant
enseignée dans ces écoles partage le champ de communication avec
d'autres langues ;
- les langues nationales les plus fréquemment utilisées demeurent les langues
dominantes que nous avons retenues au départ de l'étude ;
- bien que l'anglais soit une langue d'enseig~ement, il est absent des pra-
tiques langagières.
Ces pratiques sont déclarées aussi bien par les élèves que par les ensei-
gnants. Mais, dans le souci de comprendre les pratiques des différentes caté-
gories, nous allons les analyser de façon séparée, En effet, les pratiques
232
LANGUES ET ÉDUCATION
Dbissa
Darabe, français
.arabe, dioula
.arabe, moore
233
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Ces pratiques relevées chez Jes élèves démontrent que ces derniers n'ont
pas des attitudes conduisant à une implantation sérieuse de la langue arabe au
Burkina Faso. En effet, comment comprendre que la langue d'enseignement
n'est pas utilisée fréquemment et de façon exclusive par ceux qui sont sup-
posés en être les principaux agents de l'expansion. Si les élèves des écoles
d'enseignement arabe ont une attitude sociolinguistique qui constitue une
entrave à la didactique de leur médium, nous pensons qu'il faut rechercher
les causes dans les pratiques des enseignants de ces écoles. En d'autres
termes, il s'agit de voir en quoi les pratiques des enseignants peuvent-elles
influencer celles des élèves.
Il ressort des travaux que nous avons menés que tout comme chez les
élèves, les enseignants ne parlent pas beaucoup l'arabe. En effet, seulement
3 % ont déclaré qu'ils parlent exclusivement cette langue. Dans ce contexte
nous n'avons que des pratiques bilingues courantes comme l'arabe-français,
l'arabe-langue nationale. L'anglais n'est pas présent chez les enseignants que
nous avons rencontrés.
Il non repondu
langues parlées avec les enseignants
• arabe
o dioula
1% 9% o moore
10%
1% • fulfulde
3%~
;~1)Jl
1%
~ bissa
3%
2%
180 • arabe, français
• dioula, moore
234
LANGUES ET ÉDUCATION
235
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
236
LANGUES ET ÉDUCATION
237
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
tration sont souvent offusqués par des propos malveillants tenus à leur
encontre.
Au niveau des écoles
La désorganisation générale fait que chaque école a son programme qui
le plus souvent n'est même pas consigné dans l'organisation générale de
l'école. Ainsi, l'enseignant responsable de son cours ne reçoit ni directives
ni documentation pédagogique devant l'aider dans son travail. L'absence
d'un programme d'enseignement harmonisé et cohérent accentue l'isole-
ment des enseignants: ni les programmes, ni les diplômes délivrés par les
uns ne sont reconnus par les autres. A titre d'exemple, une enquête menée
par le Service de l'enseignement primaire privée a montré qu'il existe au
Burkina Faso 15 diplômes du BEPC, 7 du BAC. Il faut reconnaître qu'il
est difficile de gérer autant de diplômes dans un même système à l'échelle
d'un pays. Notons aussi la sous-information des personnes et des structures
qui créent et gèrent ces écoles. Les fondateurs de ces écoles ne connaissent
ni les conditions ni les dispositions réglementaires en matière de création
et de gestion d'une école. Tout se passe comme s'il suffisait d'avoir des
salles, des enseignants et des élèves pour avoir une école.
Par conséquent les fondateurs n'ont pas d'autorisation d'ouvrir et les
enseignants n'ont pas d'autorisation d'enseigner.
Au plan du fonctionnement
De nombreux fondateurs n'ont ni la capacité de diriger, ni de créer et pro-
mouvoir une structure éducative. Ainsi, l'absence de capacité de gestion
administrative en conformité avec les aspirations et les besoins de l'Etat est
patente. Nombre de ces écoles n'ont ni comptabilité, ni comité de gestion à
même de penser une politique de promotion amenant l'école à se projeter
vers l'avenir. Enfin, il y a une désarticulation culturelle avec les structures de
l'Etat au point que les fonctionnaires paraissent non pas comme des agents
devant les promouvoir mais plutôt comme des obstacles institutionnels.
Au plan matériel
La pauvreté matérielle de certains fondateurs surtout dans les écoles cora-
niques : nombre de ces écoles sont en réalité des « boîtes à mendicité» pour
assurer la survie du maître coranique et de sa famille. Notons aussi le manque
de formation des enseignants et des directeurs d'école surtout dans le domai-
ne de la gestion des charges administratives et l'insuffisance de documents
didactiques faisant en sorte que le coran reste l'unique document pédago-
gique dans nombre d'écoles coraniques.
Suite à cette analyse des difficultés de l'enseignement de l'arabe au
238
LANGUES ET ÉDUCATION
Burkina Faso, nous pensons qu'il est nécessaire de mettre en œuvre les
dispositions suivantes :
- création d'un organe d'appui et de coordination des études et de l'ensei-
gnement de l'arabe ;
- mise en place d'une structure de formation et d'encadrement du personnel
enseignant et administratif ;
- création d'un centre de formation pédagogique à l'attention des enseignants ;
- élaboration de programmes de formation intégrant le besoin d'emploi et de
formation professionnelle ;
- reconnaissance officielle des programmes, des structures de formation et
d'enseignement en arabe ;
- harmonisation des programmes de formation ;
- organisation d'un cadre de concertation qui devra répondre d'une seule
voix au nom de toutes les écoles d'enseignement arabe au Burkina Faso.
Pour faciliter la mise en œuvre de ces dispositions, le Ministère de
l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation (MEBA) pourrait organiser un
forum où il sera discuté un plan stratégique devant contribuer à appuyer
l'enseignement de l'arabe au Burkina Faso. La solution qui consiste à noyer des
problèmes aussi importants dans un plan national nous semble une fuite en
avant. Il est temps de regarder avec plus d'attention le problème spécifique
des établissements d'enseignement arabe qui ne sont pas des établissements
d'enseignement ordinaires. Si l'exclusion politique dont ces écoles sont l'objet
n'a pas pu porter atteinte au flux de plus en plus important d'enfants qui vont
vers ces structures, il appartient à l'Etat de rechercher les pistes permettant de
tirer une meilleure partie de ces écoles.
Au-delà des préoccupations d'ordre purement pédagogiques, les écoles
d'enseignement arabe devront faire l'objet de beaucoup plus d'attention.
Le manque d'encadrement des structures d'Etat et l'influence des grands
courants musulmans ne doivent pas contribuer à maintenir un pan aussi
important d'enfants dans des ghettos. Si les écoles coraniques n'ont que le
Coran comme outil pédagogique, elles ont tout de même formé et continuent
de former des hommes qui prennent en compte leur destin, du moins, à leur
façon. Si les écoles medersa contribuent à rehausser les statistiques scolaires
pour le plaisir de quelques bureaucrates en quête de chiffres, leurs élèves ne
trouvent pas de débouchés. Ces écoles ne font que se reproduire elles-mêmes
car les débouchés qui s'offrent jusqu'à présent à ses sortants sont des postes
d'enseignant dans les mêmes écoles. Si l'administration coloniale a récupéré
et refonné les écoles d'enseignement arabe, c'est parce qu'elles devaient ser-
vir la cause française tout en restant sous-surveillance. Nous pensons que
l'administration burkinabé devra faire en sorte que ces écoles répondent à la
239
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
philosophie de l'Etat tout en formant des hommes et des femmes proches des
aspirations de leur milieu.
Bibliographie
AUDOUIN J. et DENIEL R., 1978. L'islam en Haute-VoUa, à l'époque coloniale,
l'Harmattan, Paris, INADES-Formation, Abidjan, 129 pages.
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240
lANGUES ET ÉDUCATION
241
LANGUES ET ÉDUCATION
Issa DIALLO'
Introduction
Depuis des décennies, le Burkina Faso lutte contre l'analphabétisme qui,
en 1993, touchait 83 %1 de sa population. Deux années après, le Rapport
mondial sur l'éducation faisait état d'un taux d'analphabétisme de 75~ %
chez les hommes et de 90,8 % chez les femmes 2 •
Le fulfulde, deuxième langue démographiquement la plus importante du
Burkina Faso et parlée par plus de 10 % de la population, est une des langues
d'alphabétisation. Dans les provinces du pays où il est la langue la plus par-
lée, le taux d'alphabétisation en langues nationales est faible : 1,7 % dans la
province du Sourn contre l ,0 % dans le Séno3 •
De nos jours, une longue littérature explique la faiblesse du taux d' alphabé-
tisation au Burkina Faso. Pour notre part, nous constaterons que les alphabétisés
des milieux fulaphones deviennent, quelques années après, des analphabètes, ce
qui participe, à un second niveau, à une autre baisse du taux d'alphabétisation et
pose le problème même de la pérennité de l'alphabétisation.
Pour une alphabétisation durable en milieu fulaphone, nous nous sommes
intéressés à l'analphabétisme de retour chez les fulaphones. Nous avons
mené des recherches documentaires sur l'alphabétisation, effectué des suivis,
appuis et évaluations des auditeurs de centres d'alphabétisation fulaphones
pendant quatre campagnes, puis administré des tests de niveau à d'anciens
alphabétiseurs et alphabétisés .
243
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
244
LANGUES ET ÉDUCATION
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
6 Les données du tableau des campagnes 199511996, 1996/1997,1997/1998 sont tirées res-
pectivement des 16<, 17< et 18< séminaire national de bilan et de programmation des activités
d'alphabétisation au Burkina Faso. Les données des campagnes 1998/1999,199912000 sont
tirées respectivement des Journées Nationales des Statistiques de l'Alphabétisation et de
l'Education Non Formelle au Burkina Faso de 2000 & 2001.
246
LANGUES ET ÉDUCATION
, Les données du tableau des campagnes 199511996, 1996/1997, 199711998 sont tirées res-
pectivement des 16', 17' et 18' séminaire national de bilan et de programmation des activités
d'alphabétisation au Burkina Faso. Les données des campagnes 1998/1999, 1999/2000 sont
tirées respectivement des Journées Nationales des Statistiques de l'Alphabétisation et de
l'Education Non Formelle au Burkina Faso de 2000 & 2001.
247
LA QUESTION ËDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
248
LANGUES ET ÉDUCATION
nationales8 au Burkina Faso, lefulfulde n'en compte que 5,5 (1P. Mieux, sur
l'ensemble des alphabétisés du pays, toutes langues confondues, seulement
0,7 % le sont en fulfulde 10 , langue par ailleurs parlée dans les ménages
par 10 % de la population du pays.
Sur le plan villageois, le bouche à oreille est encore d'actualité dans les
milieux fulaphones. Un ordre transmis oralement par un homme ou une
femme jouissant d'une certaine notoriété a plus de chance d'être exécuté ou
pris au sérieux que celui écrit enfulfulde et transmis sous pli fermé. En effet,
le système de communication en milieu fulaphone est complexe et différent
de celui de l'Occident. Dans ce milieu, envoyer une lettre pour transmettre un
message à un oncle ou à un grand frère ressemblerait parfois à de la provo-
cation. Il faut plutôt effectuer soi-même le déplacement ou trouver un inter-
médiaire : tout est fonction de l'importance accordée au destinataire et non
au message lui-même. Dans un tel système de communication, les acquis de
l'alphabétisation ne tardent pas, par défaut de réactualisation, à se perdre.
Dans un environnement comme celui du Burkina Faso, les acquis de
l'alphabétisation enfulfulde ne sauraient donc résister aux pratiques relevant
plutôt du cadre de l'oralité. Une alphabétisation qui se veut durable devrait
en tenir compte et favoriser l'émergence d'une culture de l'écrit.
La culture de l'écrit
Pour être durable, l'alphabétisation en milieu fui aphone doit veiller à pré-
server et à renforcer ses acquis de base par la promotion d'une culture de
l'écrit. En effet, après un maximum de 497 heures de cours Il , les néo-
alphabétisés ne sont pas suffisamment outillés en lecture et en écriture.
Or, l'absence d'ouvrages de lecture et le manque de motivation en matière de
lecture et d'écriture exposent inexorablement les néo-alphabétisés à un anal-
phabétisme de retour. En effet, ils ne recherchent guère les rares documents
existants enfulfulde pour entretenir leur acquis, à plus forte raison écrire eux-
mêmes des textes à lire.
Dès lors, il est impérieux de travailler à une consolidation permanente des
acquis en lecture et en écriture. Pour ce faire, il convient d'envisager une
fourniture conséquente en ouvrages de lecture et en tout autre support indis-
pensable à l'émergence d'un environnement lettré en milieu fulaphone.
burkinabè.
" Il s'agit de la somme des heures de cours en AI et en FeB. Rares sont ceux Qui font les
497 heures de cours.
249
LA OUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Conclusion
L'analphabète s'adapte généralement très mal à la vie moderne et à la vie
technique du fait de son isolement par rapport aux sources d'information.
Son alphabétisation devient une condition essentielle pour une meilleure par-
ticipation au développement national. Cette alphabétisation, contrairement à
ce que l'on observe en milieu fulaphone et peut-être même sur l'ensemble du
pays, doit être envisagée sous l'angle de la durabilité. Pour cela, les cam-
pagnes d'alphabétisation doivent - si l'on sait que seulement 0,7 % de la
population du Burkina est alphabétisée enfulfulde - tenir compte de la puis-
sance de l'oralité. Aussi, les acteurs de l'alphabétisation doivent-ils orienter
leurs actions de manière à favoriser l'émergence d'une culture de l'écrit et
d'un environnement lettré. Conférer aufulfulde le statut de langue officielle
au Burkina Faso leur sera d'un grand apport.
Bibliographie
DGINA. Etude des actions convergentes pour atteindre un taux d'alphabétisation de
40 % d'ici l'an 2009, Ouagadougou, sept. 1999.
DGINA. Rapport de l'évaluation des effets de l'alphabétisation sur les alphabétisés
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population de décembre 1985, in Les langues nationales dans les systèmes éducatifs
du Burkina Faso, IPB, Ouagadougou.
250
LANGUES ET ÉDUCATION
251
LANGUES ET ÉDUCATION
Abou NAPON*
Introduction
Le Burkina Faso fait partie de la catégorie des pays francophones possé-
dant, en plus du français comme langue officielle, des langues locales.
Comme toutes les ex-colonies françaises, le Burkina Faso a subi la politique
linguistique de la puissance colonisatrice pendant plusieurs années. Cette
politique linguistique reflétait une conception unitaire de la nation qui ne
pouvait tolérer les différences culturelles. L'impérialisme culturel français
reproduisait en fait la politique menée en métropole visant à nier, puis à
éliminer toutes les particularités linguistiques (LANGE M. F , 1991).
Les méthodes utilisées pour imposer le français comme seule langue
écrite officielle sont les mêmes que celles qui furent employées dans les pro-
vinces françaises.« En partant du présupposé de la supériorité du français on
provoque la marginalisation et l'infériorisation des autres langues auxquelles
on dénie jusqu'au nom de langues et qui sont désignées par les termes de dia-
lectes ou idiomes. Les locuteurs de ces dialectes sont alors en situation d'hu-
miliation permanente, en particulier au sein de l'école où l'utilisation du
signal rappelle que l'appartenance au monde des lettrés fait référence à un
univers linguistique non francophone» (LANGE M. F., 1991: 487).
La politique de la France en matière de langue était d'assurer la pérennité du
français à travers le monde et plus singulièrement dans ses colonies. A cet
effet, différentes méthodes ont été élaborées par des inspecteurs français tels
que MONOD et DAVESNE pour amener les élèves africains à« manier»
le français avec la même aisance que les petits écoliers de la métropole.
Au seuil des indépendances, l'on s'attendait à ce que les Etats africains
adoptent de nouvelles politiques en matière de langues afin d'affirmer leur
indépendance. En effet, toute indépendance véritable doit être politique,
économique et linguistique. Malheureusement, beaucoup de pays sont res-
tés dépendants du legs linguistique du colonisateur. C'est le cas du
Burkina Faso où le français a été et demeure l'unique véhicule de l'ensei-
gnement. L'argument utilisé pour justifier un tel choix est la multiplicité
253
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
des langues en contact au Burkina Faso. Quelle langue choisir sans léser les
autres langues nationales ? Le français de par sa neutralité, c'est-à-dire
langue d'aucun groupe ethnique burkinabè est donc le seul trait d'union entre
les différents groupes ethniques en présence sur le territoire burkinabé.
A ce sujet, il importe de souligner que le pays compte une soixantaine de
langues nationales. La prise de position en faveur de l'exclusivité du français
a eu également pour raison le fait que seule cette langue pouvait permettre
aux Burkinabé de s'ouvrir au monde extérieur et partant à la civilisation
occidentale.
Cette attitude des autorités burkinabé qui a consisté à nier les capacités
des langues nationales à véhiculer le savoir scientifique et la modernité, a
perduré jusqu'en 1972. A partir de cette date, les responsables du système
éducatif vont abandonner leur attitude de démission et se prononcer sur l'in-
troduction des langues nationales dans l'enseignement primaire. La première
expérience qui a duré de 1979-1984 a été interrompue sans aucune évaluation
officielle. Après cette expérimentation, il a fallu attendre les états généraux
de l'éducation à Koudougou en 1989 pour qu'on reparle de l'introduction des
langues nationales dans l'enseignement primaire. Mais, ce n'est qu'en 1998
que les langues nationales ont été réintroduites à titre expérimental dans les
écoles satellites et les écoles bilingues. Malgré cette volonté de l'Etat de pro-
mouvoir les langues nationales, force est de constater que les objectifs
escomptés n'ont jamais été atteints.
Il s'agit ici de décrire les problèmes sociolinguistiques qui entravent la
bonne application des différentes décisions en matière de promotion des
langues nationales au Burkina Faso. Notre travail, pour aboutir, s'est appuyé
sur une recherche documentaire et sur une enquête de terrain réalisée en 2001
sur la perception des écoles satellites et des écoles bilingues par les parents
d'élèves. Sur ce dernier point, nous avons rencontré des fonctionnaires et des
paysans pour recueillir leur point de vue sur la question de l'introduction des
langues nationales dans l'enseignement primaire.
254
LANGUES ET ÉDUCATION
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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lANGUES ET ÉDUCATION
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LA QUESTION ËDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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LANGUES ET ÉDUCATION
259
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
• "0 ,
260
LANGUES ET ÉDUCATION
modernes.
Un autre problème qui entrave l'introduction des langues nationales dans
l'enseignement est l'irrédentisme linguistique qui s'observe aussi bien chez
les intellectuels que chez les paysans. Nous entendons par irrédentisme lin-
guistique l'amour exagéré qu'une personne a pour sa langue maternelle.
Certains intellectuels et paysans se disent partisans de la promotion des
langues nationales mais dès que l'on arrive à la pratique, ils se montrent peu
enthousiastes à l'idée de voir leurs enfants apprendre une langue autre que la
leur. En effet, en raison du multilinguisme qui est un trait caractéristique du
Burkina Faso (une soixantaine de langues environ), le choix des langues à
enseigner est fait en fonction de leur poids démographique. Ce qui n'est pas
du goût de tout le monde. A ce sujet NIKIEMA N. (1993 : 134) affirme que
« le choix de telles ou telles langues pour telle(s) fonction(s) dans l'éduca-
tion (...) n'est pas une interdiction de s'intéresser aux autres langues, de les
écrire, de les enseigner, etc. L'Etat choisit seulement, compte tenu de ses
moyens, de s'investir dans un certain nombre de langues dont le poids démo-
graphique est tel qu'elles permettent d'atteindre le maximum de gens pos-
sibles ».
Les locuteurs des langues minoritaires acceptent difficilement cette réalité
pour des raisons de fidélité, d'appartenance et d'identité culturelle. A ce sujet
M. OUEDRAOGO (2002 : 13) dit que« ceux qui tenteraient de ne pas en tenir
compte courent le risque d'être taxés de traîtres par les autres membres de leur
groupe ethnique ». En plus de l'irrédentisme linguistique qui est un frein à
l'expansion du bilinguisme au Burkina Faso, il y a un phénomène de l'attache-
ment linguistique de la majorité des Burkinabé au français, langue de promotion
sociale du pays. Cette langue de par son statut de langue officielle est omnipré-
sente dans tous les domaines de la vie de la nation : économique, politique et
culturelle. Le français est donc un outil de travail, de communication, de pro-
motion sociale, bref, la langue à travers laquelle, on devient« quelqu'un ». Au
contraire du français, les langues nationales ne procurent aucun avantage socio-
économique à leurs locuteurs. Au regard de cette situation, les uns et les autres
sont réticents vis-à-vis de la promotion des langues nationales.
261
LA QUESTION ËDUCAnVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
262
LANGUES ET ÉDUCATION
les autorités politiques sur les dangers d'une mauvaise gestion des langues, ils
se doivent de créer un cadre de concertation pour échanger leurs expériences sur
les langues en contact. Ce n'est qu'à ce prix qu'ils pourront se mettre au-dessus
de la mêlée et apporter des arguments scientifiques sérieux à même de faciliter
l'introduction des langues nationales dans le système éducatif burkinabé.
Conclusion
L'examen de la place des langues nationales dans l'enseignement
primaire a révélé que l'Etat burkinabé ne joue pas le rôle qui aurait dû être le
sien dans la gestion des langues nationales et du français à l'école. En effet,
on note une faible implication des premiers responsables du système éduca-
tif burkinabè dans les débats concernant l'introduction des langues locales
dans le système formel. Toutes les expériences concernant l'utilisation des
langues sont l'œuvre d'ONG, d'Associations et d'institutions internationales.
Ce désengagement de l'Etat explique en partie les difficultés que rencontrent
les différentes expérimentations en cours au Burkina Faso.
L'on pourrait trouver des solutions aux obstacles qui entravent l'introduc-
tion des langues dans l'enseignement si l'Etat burkinabé avait une politique
linguistique claire qui tienne compte de la dynamique des langues en présen-
ce et des besoins linguistiques des populations. En effet, nous pensons à la
suite de CALVET L. J. (2001 : 10) que« les hommes ne sont pas au service
des langues, mais qu'à l'inverse celles-ci doivent servir les hommes ».
La mise en place d'une telle politique nécessiterait que l'Etat burkinabè
réponde aux questions : les langues nationales à l'école pourquoi ? les
langues nationales comment ?
Tant que les gouvernants n'auront pas de réponses à ces questions, le
risque que les langues nationales soient folklorisées une fois de plus est
grand. En effet, cette situation s'observe de plus en plus dans des pays qui
jusqu'alors étaient cités en exemple sur la base des expériences qu'ils avaient
réalisées (Ghana, Nigeria, Guinée, Mali, etc.).
Au Ghana, après plus de 40 ans d'utilisation des langues nationales dans
l'enseignement de base, le Ministre de l'éducation vient de remettre en cause
cet acquis en accusant les langues locales d'être à la base de la mauvaise
maîtrise de l'anglais par les élèves ghanéens. Ce revirement de situation au
Ghana doit inciter les Burkinabé à la prudence, car ceci est un témoignage
des difficultés qu'ont les Africains à trouver des remèdes« au mal qui mine
leurs pays », le complexe des langues nationales. « Le complexe des
langues nationales est le préjugé qui est ancré dans les esprits des Africains
eux-mêmes et qui veut que les langues africaines soient incapables de véhi-
culer le progrès et donc de susciter le développement d'une façon générale »
(BATIANA A., 1995 : 6).
263
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Bibliographie
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NAPON A., 2001. Le bilinguisme de transfert langues nationales / français dans les
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catifs en Afrique (pour que les langues africaines prennent les chemins de l'école),
non publié.
264
LANGUES ET ÉDUCATION
,
Etude comparative des écoles satellites 1999-2002
André BATIANA *
Introduction
Les écoles satellites, partie intégrante de l'école classique, ont été créées
au Burkina Faso en 1995 par le Ministère de l'Enseignement de Base
et de l'Alphabétisation (MEBA) avec l'appui de l'UNICEF. D'après le
« Document du projet » de la Direction des études et de la planification
(DEP, 1995), cinq objectifs leur étaient assignés : augmenter la couverture
~colaire ; réduire les disparités régionales ; réduire les disparités entre les
sexes ; rapprocher les écoles des domiciles ; améliorer la qualité de l'ensei-
gnement. L'originalité du projet résidait surtout dans ce dernier volet qui
devait consister en ce que l'enseignement allait se faire dans les langues natio-
nales les deux premières années, avec introduction progressive du français.
Les écoles satellites (ES) sont une expérimentation éducative qui, dans les
objectifs de départ, devrait donner jour à la « nouvelle école burkinabé de
demain ». De plus, elles sont en pleine croissance numérique. Au départ,
9 provinces abritaient 31 écoles satellites qui enseignaient dans 5 langues
nationales. En 2002, ce sont plus de 210 écoles satellites qui emploient
7 langues dans 18 provinces. La majeure partie de ces écoles se situe en
milieu rural ou périurbain. Les écoles satellites devaient, dans les principes
fondateurs du projet écoles satellites/centres d'éducation de base non
formelle, faire l'objet d'un suivi-évaluation permanent. Mais, au vu de
l'enjeu qu'elles représentent, celles- ci ont naturellement intégré la réflexion
du public (les parents comme les éducateurs et les chercheurs).
Dans ce contexte, plusieurs travaux ont été réalisés : enquête menée en 1998
parBARRETEAU, MÉTAYER et YARO A. ; évaluation en 1998 par uneéqui-
pe du MEBA (BARRYffRAORÉ et al., 1998) ; étude de YARO y. en 1999 ;
étude de NAPON et BENGALI en 2001, etc. Dans cette logique, une évaluation
a été réalisée par BARRETEAU, BATIANA et YARO en juin 1999 (donc en
fin d'année scolaire), afin d'élargir les bases de ces études. En mai 2002, dans
le cadre des évaluations périodiques prévues par le projet ES/CEBNF et du fait
de l'extension des écoles satellites (leur nombre a été multiplié par 7 de 1999 à
2002, où on compte plus de 210 ES), une évaluation a été commanditée par
l'UNICEF et conduite par BATIANA et KONÉ avec la participation de
YARO A. Les études couvrent ainsi plusieurs années et permettent de disposer
de la littérature pour appréhender l'évolution des ES, au moins de 1998 à 2002.
265
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO : REGARDS PLURIELS
Notre objectif ici est de nous pencher sur le thème à travers les années
1999 et 2002 qui sont en fait deux époques différentes marquant la brève his-
toire des écoles satellites.
Pour ce faire, nous nous appuyons sur l'évaluation des niveaux des élèves
des écoles satellites (BARRETEAU, BATIANA et YARO, 1999) et sur
l'évaluation des performances des élèves des écoles satellites (BATIANA et
KONÉ,2002).
En 1999, l'étude s'est fondée sur la totalité des écoles satellites (ES) ayant
des classes de CEl (31 écoles) et sur les « écoles-mères» (EM) correspon-
dantes (25 écoles ont répondu aux questionnaires).
Nous avons utilisé le même questionnaire que celui du MEBA. Les items
couvraient les connaissances en orthographe, vocabulaire, grammaire, conju-
gaison, arithmétique, géométrie et système métrique, autrement dit les outils
d'apprentissage essentiels de français et de mathématique. C'est pour cela
que nous l'avons appelé test général (TG). Cette étude s'était donné le prin-
cipe de ne pas opérer de sélection parmi les écoles satellites, de manière à
confirmer ou à infirmer l'évaluation précédente du MEBA dont les résultats
paraissaient quelque peu surprenants. Cette recherche portait exclusivement
sur les classes du CEl qui représentaient le niveau terminal des écoles satel-
lites, les élèves devant, théoriquement, passer dans les « écoles-mères »au
CE2. De plus, afin de corroborer les résultats, nous avons analysé et compa-
ré h..,,, Conl:lu,. :on de ce test général à deux autres séries de données : les
r
résultats d'ulle étude plus détaillée sur les niveaux de français, basée sur un
test de compétence en f ranyais (TCP) élaboré par l'équipe de Chaudenson
(1997) et que nous avons adapté au niveau du CEll ; un relevé des notes aux
compositions trimestrielles. Enfin, un questionnaire adressé aux directeurs
d'école visait à inventorier les déterminants des réussites et les causes des
échecs. Est-ce que les réussites des uns et les échecs des autres peuvent s'ex-
pliquer par des facteurs propres au fonctionnement de ces écoles ? L'objectif
final de cette étude était de tirer des conclusions sur la possibilité d'étendre ou
non le projet des écoles satellites et dans quelles conditions ou d'apporter des
éléments de manière à répondre à la question de l'avenir des écoles satellites.
En 2002, l'étude a porté sur un échantillon de 50 écoles satellites se
voulant représentatif au plan linguistique, géographique et chronologique
(ouverture en 1995,1996,1997,1998) ; et sur 30 «écoles-mères ».
Comme la précédente, cette deuxième évaluation a utilisé les mêmes
démarches d'enquêtes et d'analyse: TG, TCF, notes trimestrielles; compa-
raisons des différents résultats. Cependant, les épreuVes du test général ont
266
LANGUES ET ÉDUCATION
été changées suivant le niveau d'exécution des programmes dans les CEl
(mais le test reste le même), l'épreuve de production écrite a été supprimée
(par choix délibéré) ; enfin, en plus du questionnaire sollicitant l'opinion des
directeurs d'école, un autre a été soumis aux APE (Association des parents
d'élèves) de l'école classique tout comme aux CV (Comités villageois) des
écoles satellites. De façon spécifique, l'étude visait les objectifs suivants :
tester le niveau réel des élèves des écoles satellites en mathématiques et en
français ; identifier les difficultés rencontrées par les élèves ; identifier les
problèmes des enseignants dans l'exercice de leur fonction ; faire des sugges-
tions et recommandations pour l'amélioration du projet « écoles satellites ».
.
À terme, il s'agissait de justifier la poursuite du projet.
À partir de ces deux travaux, nous avons procédé à une analyse comparative
de leurs principales conclusions avec l'intention de répondre aux questions sui-
vantes: comment les. ES fonctionnent trois années après 1999?
Y a-t-il des changements ? Les conditions d'enseignement / apprentissage ou les
niveaux des élèves sont-ils les mêmes ? Quels sont les facteurs du changement?
Test général
En 1999, le test général (français et mathématique) a été administré dans
31 écoles satellites (ES) et 25 écoles classiques (EC). Il comportait les
épreuves suivantes: dictée, grammaire, conjugaison et vocabulaire, d'une
part ; opérations et problème, d'autre part. En 2002, le test général (français
et mathématique) a été administré dans 49 écoles satellites (une école ayant
fait défection) et 30 écoles classiques. Les résultats ont été ramenés à des
moyennes sur dix.
Comparaison entre les matières
Moyennes générales selon les matières en 1999
Dictée Gram- Conju- Voca- Opération Problème Moyenne
maire gaison bulaire génénérale
Ecoles satellites 5,2 5,4 4,7 5,8 7,6 5,7 5,7
Ecoles classiques 3,5 3,4 2,7 4,3 4,9 2';; 3,5
écarts 1,7 2 2 1,5 2,7 3,2 2,2
Les moyennes générales sont toujours supérieures dans les écoles satellites,
quelles que soient les matières. Les écarts les plus forts se situent en mathéma-
tiques, l'écart le plus faible apparaissant en vocabulaire et ~n français. Les écoles
satellites obtiennent des moyennes supérieures à 5/10 dans tous les domaines,
sauf en conjugaison. En revanche, les écoles classiques n'obtiennent la moyen-
ne générale dans aucun domaine, bien qu'elles s'en approchent pour les opéra-
tions (4,9/10). Qu'en est-il trois années plus tard?
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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LANGUES ET ÉDUCATION
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LA QUESTION ËDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Si les résultats au test général sont à eux seuls révélateurs, ils ne permet-
tent pas de mesurer la compétence des enfants en français. C'est pour cette
raison que la comparaison des deux types d'école s'est aussi étendue à cet
aspect.
Il faut tout d'abord noter que dans le tableau ci-dessus ne figurent pas les
moyennes en production écrite (PE). Cela est dû au fait que le test n'ayant
pas été bien administré par les enseignants dans toutes les écoles concernées,
les données n'étaient pas exploitables. On constate cependant que ces syn-
thèses montrent, contrairement à 1999, l'avance des écoles classiques sur les
écoles satellites. Dans les deux types d'écoles, on remarque que la compré-
hension orale dépasse la moyenne de 5110, même si les écoles classiques ont
obtenu une moyenne nettement supérieure aux écoles satellites.
270
LANGUES ET ÉDUCATION
La tendance générale qui se dégage est que les moyennes sont toujours
plus faibles à l'écrit qu'à l'oral. Les différences entre l'oral et l'écrit sont très
évidentes dans les écoles classiques.
Moyennes générales oral/écrit par type d'écoles en 2002
Oral Ecrit Moyennes
1
Les tests de compréhension ont donné de meilleurs résultats que les tests
de production. Cette situation est certainement imputable au fait que le fran-
çais est une langue seconde et que les méthodes d'enseignement ne poussent
pas spécialement à la production (surtout dans des contextes « spontanés »).
Les écoles satellites obtiennent partout des résultats légèrement supérieurs.
Moyennes générales en compréhension/production par type
d'écoles en 2002
Compréhension Production Moyennes
Ecoles satellites 4,8 3,7 4,4
Ecoles classiques 6,2 5,5 6
271
LA QUESTION ËDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Pourcentages en 2002
CO PO CE Moyennes
Ecoles satellites 71,7 36,8 27,4 45,3
Ecoles classiques 87~ 63,7 51,2 67,6
Ces synthèses confirment les résultats très similaires aux tableaux des
moyennes, car il ressort très nettement que les écoles satellites ont obtenu
des résultats plus faibles que les écoles classiques quel que soit l'aspect du
test considéré. Par ailleurs, on constate que les compétences des élèves
décroissent de la compréhension à la compétence écrite. Contrairement aux
tendances observées au test général (TG), trois années après 1999, c'est la
situation inverse au test de compréhension en français (TCF). Bien que
leurs moyennes générales se soient légèrement améliorées (de 4,1 à 4,4),
les écoles satellites demeurent moins performantes que les écoles
classiques où les scores se sont beaucoup plus rehaussés (de 3,8 à 6) ;
et cela est bien visible par domaine.
On constate dans un premier temps que les résultats se sont améliorés
par type de compétence (sauf en CO au niveau des écoles satellites).
Ensuite, dans les résultats de 1999, les notes en PE sont meilleures à celles
en PO ou en CE. Cela pourrait faire penser que les moyennes des écoles
satellites et des écoles classiques auraient été davantage élevées si les
performances en PE avaient été évaluées en 2002. Réciproquement,
l'absence de la PE aurait limité la hausse des moyennes. Il est donc diffi-
cile de trouver une explication (qui serait partielle) à cette croissance
globale des moyennes par le fait que les performances en PE n'ont pas été
testées dans la seconde étude. Les raisons se trouveraient plutôt ailleurs
(comme par exemple le cas où les items de CE venaient d'être vus en
classe avec le maître).
Que ce soit le test général ou le test de compétence en français, il s'agit
d'évaluations externes. Les résultats obtenus lors de ces tests auraient pu être
influencés par le fait que ce ne sont pas les enseignants qui ont composé
les items. C'est pour cette raison que l'objectivité de la comparaison
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LANGUES ET ÉDUCATION
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LANGUES ET ÉDUCATION
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LA QUESTION ËDUCATIVE; AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Parmi les facteurs favorables aux écoles satellites, on relève surtout le suivi
par les superviseurs auquel on peut ajouter la formation continue et le fait que
les effectifs sont plus réduits. La régularité des réunions des Associations de
parents d'élèves (APE), la plus grande disponibilité des enseignants et la
meilleure fréquentation scolaire semblent traduire une meilleure intégration de
l'école dans le milieu. L'implantation des écoles satellites se révèle un facteur
important (moindre distance de l'école par rapport à l'habitat).
Parmi les facteurs plus favorables aux écoles classiques, on note une
meilleure formation initiale des enseignants et la mise à disposition de plus
de manuels (mais la situation n'y est pas très reluisante non plus).
Le facteur de résidence des maîtres dans le village reste à interpréter.
Dans les écoles classiques, les maîtres sont rarement originaires du village.
Lorsqu'ils bénéficient d'un logement de fonction, ils résident évidemment sur
place. Mais ils vivent souvent en communauté ferryée, parfois sans essayer
d'apprendre la langue locale afin d'avoir des échanges avec la population.
En revanche, les enseignants des écoles satellites sont originaires de la région.
Ils n'ont pas de logement de fonction, si bien qu'ils n'habitent pas nécessaire-
ment tout près de l'école. Malgré cela, même s'ils habitent à quelque distance
de l'école, ils ont de meilleurs contacts avec la population.
Quant aux écoles classiques, les facteurs favorables sont l'accès au pro-
gramme à temps, la formation initiale des maîtres et la disponibilité des
manuels de calcul. On pourrait aussi souligner la plus grande stabilité des
enseignants qui ont un salaire plus régulier et plus conséquent.
276
LANGUES ET ÉDUCATION
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LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
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LANGUES ET ÉDUCATION
Si l'on examine les écarts entre les écoles satellites et les écoles
classiques, il apparaît très clairement que les préoccupations majeures des
écoles satellites sont les conditions de vie des enseignants et la formation
des maîtres ; vient ensuite le manque de documents et de matériel.
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· LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO : REGARDS PLURIELS
Pour simplifier, on peut dire que ce sont des problèmes structurels et maté-
riels qui se posent surtout dans les écoles satellites. Quant aux écoles clas-
siques, les principaux sujets de préoccupation sont le manque de
collaboration des parents, les problèmes de fréquentation scolaire et la moti-
vation des enseignants, soit plutôt des problèmes d'ordre relationnel.
Comparaison entre les facteurs de réussite et les causes
des échecs en 2002
Déterminants communs
Déterminants ES EC
RET RET ES-EC
Mise à disposition de documents,
manuels, matériel ; équipement des
élèves, équipement des écoles 24 16 40 6 12 18 22
Infrastructures 5 24 29 6 4 lO- 19
Motivation des enseignants 11 17 28 8 2 lO 18
Formation des enseignants 7 16 23 2 5 7 16
Fréquentation de l'école 7 9 16 2 2 4 12
Environnement physique 2 7 9 2 1 3 6
Alimentation 3 15 18 Il 2 13 5
Motivation des élèves 7 0 7 3 0 3 4
Santé des élèves o 3 3 o 1 1 2
Activités extra-scolaires o 2 2 o 1 1 1
Pratiques didactiques 2 516 9 4 13 -7
Selon les écarts qui résultent de cette comparaison, il apparaît très claire-
ment qu'en 2002 les préoccupations majeures des écoles satellites sont la dis-
ponibilité en manuels et l'équipement des élèves et des écoles. Vient ensuite
le manque d'infrastructures (bâtiments inachevés, logements des ensei-
gnants). La motivation des enseignants vient en troisième position, suivie de
la formation. Ce qui préoccupe le plus les écoles classiques, c'est l'inadapta-
tion des pratiques didactiques.
En somme, les mêmes problèmes d'ordre structurel et matériel persistent
dans les écoles satellites, mais avec une détérioration de la motivation des
enseignants. En effet, avant, malgré les mauvaises conditions d'enseigne-
ment, lès enseignants étaient motivés : la motivation a été citée uniquement
comme facteur de réussite à l'époque. Quant aux écoles classiques, les pro-
blèmes relationnels n'ont pas disparu, mais les enseignants sont aujourd'hui
plus sensibles aux difficultés didactiques.
2 Portent sur le respect des méthodologies et des programmes. En tant que raisons d'échec,
il s'agit de : difficultés dans l'exécution des programmes, concrétisation des leçons difficiles
à assurer, élèves passifs... .
280
LANGUES ET ÉDUCATION
Conclusion
La comparaison des deux évaluations est édifiante à plusieurs titres.
Dans un premier temps, on peut constater que dans l'ensemble les résultats
dans les écoles satellites sont plus satisfaisants que dans les écoles classiques.
Les atouts de cette innovation pédagogique ti~nnent en trois facteurs princi-
paux : l'utilisation de la langue première de l'enfant dans les premières
années de sa scolarisation, le fait que l'enseignant soit issu du même milieu
que l'enfant et la fréquence élevée du suivi pédagogique par les superviseurs.
En ce qui concerne l'utilisation des langues nationales à l'école, beaucoup
de pédagogues et de chercheurs ont attiré l'attention sur l'inadaptation de
l'école en Afrique noire du fait de l'utilisation des langues étrangères comme
langues de la scolarisation. Très peu de pays ont osé faire le pas en raison de
-l'opposition des intellectuels. Aux arguments qui prouvent qu'un enfant
apprend mieux et plus facilement dans sa langue, on a toujours brandi l'épou-
vantail de la multiplicité des langues, avec comme corollaire la menace d'une
remise en cause de l'unité nationale. L'expérience des écoles satellites vient
une fois de plus donner raison à ceux qui veulent une école intégrée au
milieu.
Le fait que l'enseignant soit issu du milieu où l'école est implantée est un
facteur favorisant. En effet, cela a une incidence importante sur le dévelop-
pement intellectuel et psycho-affectif de l'enfant. Il le connaît et ses parents
le connaissent. C'est différent d'avec les maîtres des écoles classiques qui,
bien qu'ils vivent dans le village, n'ont généralement pas de contact avec la
population. De même, l'enseignant se sent investi d'une mission, car les
enfants sont perçus plus comme des petits frères ou des neveux que comme
de simples écoliers. Enfin, le suivi pédagogique a ceci d'important que sa
régularité pennet de corriger, quand cela est nécessaire, les erreurs des
maîtres tout en constituant une fonnation pennanente et un encouragement
pour eux.
Dans un second temps, l'arbre ne devrait pas cacher la forêt. En trois ans
on a pu remarquer une baisse des perfonnances des écoles satellites. Cela se
produit alors que cette expérimentation bénéficie encore du soutien financier
et matériel de l'UNICEF. On peut craindre que, si ce soutien venait à cesser,
les écoles satellites ne connaissent d'énonnes difficultés qui pourraient com-
promettre jusqu'à leur existence. Cela pourrait servir d'argument à ceux qui
ne croient pas en la capacité des langues nationales à véhiculer le savoir
scientifique pour justifier leur réticence à ce système d'éducation.
Or, en parcourant les détenninants, le facteur linguistique a été cité aussi
bien par les enseignants que par les parents comme positif. La méthode
bilingue n'est donc pas en cause. Les causes des difficultés sont d'autres
281
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO; REGARDS PLURIELS
Références bibliographiques
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Formelle» dans le processus de décentralisation au Burkina Faso: Innovations péda-
gogiques et enjeux de développement », Les enjeux de l'éducation et des savoirs au
Sud (E. Gérard éd.), Bondy: IRD (Les Cahiers ARES n° 1), p. 75-84.
282
CONCLUSION GÉNÉRALE
Conclusion générale
283
LA QUESTION ÉDUCATIVE AU BURKINA FASO: REGARDS PLURIELS
Sur la base des débats tenus lors du colloque de 2002 et des travaux de
recherche présentés dans cet ouvrage, un certain nombre de thématiques res-
tent à aborder ou à approfondir, en regard des enjeux de l'éducation du
Burkina Faso; et particulièrement des objectifs du Plan Décennal de
Développement de l'Education de Base (PDDEB). On peut ainsi retenir les
points suivants:
- le fonctionnement et le rendement des classes à double flux : afin de véri-
fier si cette méthode pédagogique a des raisons d'être tant décriée ; et si
c'est le cas, fournir aux décideurs des données leur permettant de prendre
les mesures qui s'imposent. Les classes multigrades devraient aussi être
évaluées pour fournir une base potentielle permettant la mise en œuvre
éventuelle de formations en vue d'une amélioration de la pédagogie;
-l'enseignement privé, qu'il soit primaire ou secondaire, étant donné que la
tendance politique est à vouloir le développer : évaluer son rendement,
son efficacité (et à quel prix) et les répercussions sur la démocratisation du
système, en regard du processus de privatisation de l'éducation en milieu
urbain;
-la situation des enseignants : apporter plus d'informations sur les salaires
des enseignants, les pratiques pédagogiques, les conditions de logement,
les problèmes d'absence, etc. et apprécier leur impact sur les résultats sco-
laires ;
-la mauvaise gestion et la corruption dans le domaine de l'éducation : des
organismes comme le RENLAC fournissent certaines données, mais il fau-
drait les approfondir. Sachant que la corruption concerne autant les acteurs
de l'offre et de la demande scolaire, elle correspond donc à un phénomène
d'une grande ampleur qu'il convient d'observer;
-la demande d'éducation: si des études de plus en plus nombreuses pren-
nent en compte cette question, il convient de creuser ce thème, notamment
en ce qui concerne le financement de la scolarisation par les parents qui
se voient de plus en plus sollicitées, surtout à partir du secondaire.
Les familles sont-elles en mesure d'assumer ce financement, alors que la
pauvreté et la vulnérabilité s'accroissent ?
-les enseignements secondaire et supérieur : l'enseignement technique et
professionnel mériterait une attention particulière au moment où la profes-
sionnalisation de l'éducation est souhaitée par bon nombre d'acteurs de
l'éducation ;
-l'alphabétisation des adultes: son utilité, son efficacité, sa portée, son
harmonisation. Plus généralement, la question des langues nationales appa-
raît comme un thème pertinent de recherche qui pose une question de fond
sur l'éducation et le système éducatif, sur l'intégration de l'école à son
milieu. Pour cela, il est donc important de questionner le rôle de la
284
CONCLUSION GÉNÉRALE
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Imprimerie de l'Avenir du Burkina
Tél. 50370625
ISBN : 978-2-9520054-2-5