Beaux Arts Magazine #391. Janvier 2017

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édito

par
Fabrice Bousteau

Culture :
le bilan mou de Hollande
Dans le bilan de son quinquennat qu’a dressé le président de la République,
jeudi 1er décembre, avant d’annoncer qu’il renonçait à se représenter à l’élection
présidentielle, la culture était aux abonnés absents. Rien d’étonnant à cela !
Peu féru d’art ni même de littérature ou de cinéma, François Hollande a en efet
commencé son mandat en déniant ses engagements. Après avoir garanti en jan-
vier 2012, pendant la campagne présidentielle, que «le budget de la culture serait
entièrement sanctuarisé», il l’a en réalité réduit de 6 % dès les deux premières
années de son quinquennat. Une première dans l’histoire de la Ve République.
Sa ministre de la Culture d’alors, Aurélie Filippetti, a eu beau afrmer, études à
l’appui, que «le secteur de la culture et de la création représente 1, 3 million d’em-
plois, soit le double du secteur de l’automobile, avec une croissance supérieure
à celle de l’ensemble de l’économie française», rien n’y a fait. Et ce n’est pas
l’annonce récente d’un budget 2017 en augmentation, permettant sur le papier
d’afcher fnalement une hausse de 1,7 % sur toute la durée du quinquennat, qui
sufra à efacer ce péché originel… On aura, pour le moins, la tentation de rele-
ver que tout cela arrive un peu tard et que ce rattrapage ne fait pas une politique
culturelle. Car comment concevoir une telle action sans vision présidentielle,
le tout en changeant trois fois de ministre en cinq ans ? Force est de constater
qu’il ne restera aucune grande réforme ni aucun grand projet dans le secteur cultu-
rel. Pire encore, les deux engagements majeurs du candidat Hollande n’ont pas
été tenus : Hadopi (la loi «inopérable» de Sarkozy sur le piratage Internet en
matière de création) est toujours là ; et, malgré la promesse de développer l’ensei-
gnement artistique et l’accès à la culture pour tous les enfants, le programme
Hollande demeure inférieur au plan Tasca-Lang de… 2000 ! Au crédit du Prési-
dent, il faut cependant reconnaître que les fondamentaux ont été préservés
– notamment avec le vote feuve de l’étrange loi «Création» –, voire relativement
bien gérés. Mais cela ne suft pas. Notre nation, considérée dans le monde entier
comme un modèle culturel, mérite bien davantage. Les candidats à la présiden-
tielle devront donc clairement afrmer leur vision de la politique culturelle de
demain, celle qui aura des répercussions majeures sur l’emploi et l’économie, mais
surtout celle qui portera nos valeurs, notre identité nationale et internationale.

Beaux Arts 5
Sommaire N° 391 • janvier 2017

Le journal Le magazine Le guide


10 Vu • Arrêt sur images 109 Musées & centres d’art
46LES 60 MEILLEuRES 110 Les 4 infos à retenir
16 Ils font l’actu
111 Le Grand Siècle en grande pompe
Mathias Ary Jan, coup de jeune
chez les antiquaires
ExPOSITIONS DE 2017 112 Les expositions incontournables
126 Week-end arty
18 L’essentiel de l’actualité en France
66 Exposition à Grenoble Porto, la ville où se déguste l’art
Polémique autour du Caravage
Les courbes cosmiques et parisiennes 128 Galeries
de Toulouse
de Kandinsky Les 5 expositions à ne pas manquer
20 Wim Delvoye tutoie les étoiles
74 Tendance 132 Marché de l’art
22 Sur la planète
Le retour du gothique ou l’art du macabre Art Basel Miami calme et sans saveur
24 La France se pose en leader de la défense
du patrimoine en péril 80 Portfolio 134 Les salons du mois de janvier
La Bhagavadgita, le livre 136 Adjugé !
26 Architecture
des splendeurs infnies 140 Calendrier des expositions
Le Musée national d’Estonie s’envole
28 Occupez la place ! 86 Rétrospective au musée d’Orsay 146 Les Aventures de l’art de Willem
Frédéric Bazille, dandy mélancolique
30 Design
Martino Gamper, le DJ du design 92 Exposition à la Maison rouge
32 Signé Jean Nouvel Hervé Di Rosa, super-héros
de l’art modeste
34 Cinéart
Comment Mapplethorpe s’est inventé 98 Entretien avec Laurence Engel
(sa vie sexuelle) «La BnF est la conscience de ce que En couverture
36 Revue de médias veut dire un esprit libre» Johannes Vermeer La Jeune Fille à la perle
Fric-frac au musée 104 Événement : Lascaux IV Ce sera l’un des événements de 2017 : l’exposition

38 Livres Existe-t-il un art préhistorique ? consacrée à Vermeer et son entourage par le Louvre,
à partir du 22 février. soit la présentation de 12 des
Entretien avec Alain Jaubert : 35 tableaux absolument authentifés du maître de la peinture
«Chez Turner, le sublime mène à l’obscène» hollandaise. alors, comme la Jeune Fille à la perle du
40 Je pisse donc je suis mauritshuis de La haye ne sera pas du voyage, Beaux arts
42 Philo magazine vous la sert sur un plateau doré en guise de
Et si le style était une question vitale ? couverture. À savourer en plus de la soixantaine d’autres
expositions qui composent notre menu 2017, assorties
44 La chronique de Nicolas Bourriaud d’un forilège de mets divers et variés !
De quoi Bernard Buffet est-il le nom ? Vers 1665, huile sur toile, 44,5 x 39 cm.

L’AFRIQUE
DES ROUTES
Exposition 31 / 01 / 17 au 12 / 11 / 17
Vu par
Florelle Guillaume

Jeff Koons Bouquet of Tulips, 2016


Illustration 3D de l’œuvre in situ, bronze polychrome, acier inoxydable et aluminium poli, haut. 10,4 m.

Pour la beauté du geste


Jeff Koons, un ami qui nous veut du bien ? À l’initiative de l’am- où la tulipomanie engendra la première bulle spéculative de
bassadrice des États-Unis, l’artiste superstar a voulu montrer l’histoire. Une feur de luxe en somme, s’épanouissant parfai-
sa solidarité avec la France, suite aux attentats du 13 novembre tement dans l’univers de Jeff Koons, dont la délicate attention
2015, en nous offrant une œuvre. Il l’a donc dit avec des feurs, n’a pas manqué de faire rougir la France. Un brin encombrante
des tulipes géantes brandies comme le ferait un enfant. «Les (33 tonnes), sa sculpture en bronze et aluminium poli sera
feurs symbolisent la vie», commente l’Américain avec cette implantée entre le Palais de Tokyo et le musée d’Art moderne
candeur qu’il cultive volontiers. Dans le langage des feurs, la de la Ville de Paris. Plus de trois millions d’euros seraient
tulipe est associée à la gaîté et à l’amour. Ajoutons que son nécessaires pour couvrir les frais de production et d’installa-
nom vient du turc tulipan qui signife turban, qu’elle fut prisée tion… Mais rassurons le contribuable : de généreux mécènes
des sultans avant d’être introduite au XVIe siècle en Hollande, devraient s’en acquitter.

10 Beaux Arts
Les expositions en 2017
THE COLOR LINE, Les artistes africains-américains et la ségrégation (Jusqu’au 15 / 01 / 17) Arts vivants, Conférences,
PLUMES, Visions de l’Amérique précolombienne (jusqu’au 29 / 01 / 17) Université populaire,
ÉCLECTIQUE, Une collection du XXIe siècle (jusqu’au 02 / 04 / 17) Colloques scientifiques…
DU JOURDAIN AU CONGO, Art et christianisme en Afrique centrale (jusqu’au 02 / 04 / 17)
L’AFRIQUE DES ROUTES (31 / 01 / 17 – 12 / 11 / 17)
PICASSO PRIMITIF (28 / 03 / 17 – 23 / 07 / 17)
LA PIERRE SACRÉE DES MAORIS (23 / 05 / 17 – 01 / 10 / 17)
UNE FENÊTRE SUR LES CONFLUENCES (07 / 03 / 17 – 21 / 05 / 17)
MAYA REVIVAL (20 / 06 / 17 – 08 / 10 / 17)
LES FORÊTS NATALES, Arts de l’Afrique équatoriale atlantique (03 / 10 / 17 – 28 / 01 / 18)
GÉNÉRATION RIVET (14 / 11 / 17 – 28 / 01 / 18)
AVANT LES INCAS (14 / 11 / 17 – 01 / 04 / 18)
www.quaibranly.fr
Masque cimier © musée du quai Branly - Jacques Chirac, DR
Vu par
Vincent Bernière

Gotlib Dessin de couverture de l’album Inédits, 2015

Gotlib, fn d’esprit
Un peu comme Astérix et le général de Gaulle, il est celui qui nonsense anglais des Monty Python et de l’esprit fran-
a dit «non !», quittant Pilote, la Rubrique-à-brac et Goscinny, chouillard, il reçoit le Grand Prix de la ville d’Angoulême en
son mentor, pour aller fonder l’Écho des savanes avec Man- 1991, après avoir déridé les zygomatiques de plusieurs géné-
dryka et Bretécher. C’est dans l’Écho que les premières flles rations. Pour autant, Gotlib était passablement dépressif et
de la bande dessinée française, certes à poil, frent leur appa- il avait posé défnitivement ses crayons depuis longtemps.
rition en couverture. Et puis en 1975, Marcel Gottlieb, dit En 1942, la police française lui avait ôté son papa, qui dis-
Gotlib, s’en va fonder Fluide glacial. Parfaite synthèse de paraîtra quelques années plus tard en déportation. On ne
l’humour juif new-yorkais de Harvey Kurtzman dans Mad, du peut pas rire de tout.

12 Beaux Arts
Vu par
Marie Darrieussecq

yung cheng lin Inside Out, 2016

Ceci est mon corps


C’est simple : vous mettez des hanches où il y avait des Yung Cheng Lin. Connue aussi sous le nom de «3cm», cette
épaules, un bras où il y avait une jambe, quatre pieds où il artiste taïwanaise explore le féminin sous la peau, sous le
en faudrait deux, et vous suivez le mouvement de ces poil, sous le sexe parfois, à l’aide de pinces à linge, de fls,
membres nouveaux. Ici, ce double corps féminin semble un de dentelles, de fnes coulées de lait ou de sang. Elle a
oméga sur pattes, prêt à faire tournoyer ses jupes. Le tout quelque chose de la photographe américaine, morte à
par la grâce de procédés photographiques qui n’étonnent 22 ans, Francesca Woodman, mais joyeuse et en couleurs,
plus personne, mais qui ont beaucoup de charme chez qui se ferait plaisir d’une façon toute personnelle.

14 Beaux Arts
Ils font l’actu par Armelle Malvoisin

Mathias ary Jan


coup de Jeune
chez Les antiquaires
Ce marchand de peintures orientalistes
de 45 ans a été élu pour une durée
de trois ans à la présidence du Syndicat
national des antiquaires. Il sera le pilote
de la nouvelle «Biennale Paris»,
en septembre 2017 au Grand Palais.

L es quadras ont pris le pouvoir au Syndicat


national des antiquaires (SNA). Le
22 novembre, une équipe de jeunes antiquaires
a été élue au conseil d’administration. Après
deux mandats en tant que trésorier «avec un
engagement total», Mathias Ary Jan a succédé à
Dominique Chevalier à la présidence du SNA.
À 45 ans, il en devient le plus jeune président de
son histoire. «Ma seule ambition est de conti-
nuer de nourrir une dynamique et un renouveau
qui ont été portés de manière exceptionnelle
par Dominique Chevalier, et dont les résultats
furent salués par tous lors de la dernière édition
de la Biennale. Mon élection est un renouvelle-
ment dans la continuité», a-t-il déclaré. Sa
mission première sera de faire de la biennale des
antiquaires, rebaptisée «Biennale Paris», un
événement annuel qualitatif et attractif.

Une biennale désormais annUelle


Petit-fls et fls d’architectes, Mathias Ary Jan d’art des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles encore l’arrivée du milliardaire américain
est un autodidacte qui s’est toujours passionné Benjamin Steinitz comme vice-président (avec Christopher Forbes, propriétaire du magazine
pour l’art. Son activité marchande débute en Anisabelle Berès, qui conserve son poste de vice- Forbes, à la présidence de la Biennale Paris, à la
1997. Il se tourne très vite vers la peinture euro- présidente) ; Corinne Kevorkian (art d’Orient et suite de l’ancien patron du Louvre Henri
péenne du XIXe siècle et s’installe au Louvre de l’islam) et Fabien Mathivet (Art déco) au Loyrette. Cet amoureux de la France avait dis-
des Antiquaires en 2000. Six ans plus tard, il secrétariat général ; Éric Coatalem (tableaux persé sa collection familiale d’objets Napo-
ouvre une galerie dans le VIIIe arrondissement anciens) et Olivier Delvaille (mobilier XVIIIe) léon III pour près de 3  M€ en mars, à Fontaine-
parisien et se spécialise dans les tableaux orien- à la trésorerie. Tous planchent sur la première bleau, chez le commissaire-priseur Jean-Pierre
talistes et de la Belle Époque, une niche qu’il édition annuelle de la Biennale Paris, du 12 au Osenat. Le SNA espère que Forbes fera revenir
défend avec ferveur. Parallèlement, il s’éprend 18 septembre 2017 au Grand Palais. Une bien- à la Biennale Paris les collectionneurs améri-
du travail de Félix Ziem, peintre de marine et nale qui affiche deux jours d’exposition en cains, qui boudent la France depuis la vague d’at-
paysagiste, dont il devient l’expert après avoir moins : «Nous avons voulu un format plus court, tentats. En attendant, l’Américain a convié
fondé l’association Félix Ziem en 2009. à l’anglo-saxonne. Cela représentera une éco- Mathias Ary Jan à un congrès de chefs d’entre-
Membre du SNA depuis une douzaine d’an- nomie substantielle pour tout le monde, car le prise organisé par son magazine du 29 novembre
nées, il a participé à la Biennale pour la première Grand Palais coûte cher», explique-t-on. «Notre au 1er décembre dernier à Jakarta (Indonésie).
fois en 2012. Au bureau du SNA, Mathias Ary souhait est de faire revenir des exposants de la Une sorte de Davos asiatique. Histoire de
Jan est épaulé par des confrères de la même haute joaillerie, en veillant à l’harmonie générale booster le nouveau jeune patron du SNA, qui
génération : le spécialiste en mobilier et objets du salon», souligne Mathias Ary Jan. Notons prend son rôle très à cœur.

16 Beaux Arts
L’essentiel France pages réalisées par Françoise-Aline Blain

Up
CamiLLe morineau
Polémique auTour On lui doit les expositions «Niki de
Saint Phalle» au Grand Palais, ainsi

du CaravaGe de Toulouse
que «Roy Lichtenstein» ou encore
«Gerhard Richter – Panorama» au
Centre Pompidou. L’ex-conservatrice
Découvert il y a deux ans dans le grenier d’une maison de la région toulousaine, Judith du musée national d’Art moderne
prend la suite de l’Italienne
et Holopherne, un tableau de grand format présumé de Caravage fait toujours polémique.
Chiara Parisi à la Monnaie de Paris.
La toile est exposée jusqu’au 5 février à la Pinacothèque de Brera, à Milan, aux côtés
d’œuvres incontestées de l’artiste. Problème : le cartel de l’exposition l’attribue au maître
Xavier rey
italien, assorti d’un astérisque qui renvoie à une note «plus nuancée» dans le catalogue.
Directeur des collections du musée
Cette attribution «était la condition du prêt mais ne refète pas nécessairement la posi- d’Orsay depuis 2013, il pilotera les
tion offcielle du musée», selon la direction. Critiquant cette décision, un membre du musées de Marseille à partir de février.
conseil consultatif du musée, l’historien de l’art Giovanni Agosti, a donné sa démission. Ce normalien de 34 ans a assuré
En attendant, des analyses, dont on attend toujours les résultats, ont été effectuées par le commissariat de «Degas et le nu»
le Centre de recherche et de restauration des musées de France. À suivre. ou «Masculin / Masculin». Son chantier
principal sera de réorganiser le réseau
http://pinacotecabrera.org des musées de la Ville.

Laurent SaLomé
Depuis mars 2011, il était directeur
scientifque de la Réunion des
musées nationaux, en charge de
la programmation des expositions de
la RMN-Grand Palais. Il est nommé
directeur général de l’établissement
public du musée et du domaine de
Versailles. Il succède à Béatrix Saule.

anne mény-Horn
La directrice des opérations
de l’agence France-Muséums (créée
en 2007 pour mettre en œuvre
le projet du Louvre Abu Dhabi)
prend la tête de l’institution.
Elle sera secondée depuis Paris
par Marie-Anne Ginoux, nommée
directrice générale adjointe.

auréLien Lemonier
Architecte de formation et jusqu’ici
conservateur au Centre Pompidou,
il a été choisi pour diriger le musée
de l’Histoire de l’immigration,
installé au palais de la Porte dorée,
à Paris.
attribué à Michelangelo Merisi da caravaggio, dit caravage Judith et Holopherne, 1606-1607

à Grenoble, la Tour PerreT va êTre resTaurée Downyoungjune HaHm


Elle est fermée au public depuis cinquante-six ans pour des raisons de sécurité. Construite en 1924 Accusé de harcèlement sexuel,
par les frères Auguste & Gustave Perret, la première tour en béton armé d’Europe (95 m de haut pour le conservateur en chef du Ilmin
1 680 tonnes), classée monument historique en 1998, est en piteux état. Engagée dans une démarche Museum of Art de Séoul a donné
de labellisation «ville d’art et d’histoire», Grenoble va la réhabiliter. «L’idée est de réintégrer le monument sa démission. Après la photographe
dans une vraie démarche culturelle, patrimoniale et urbaine», a déclaré Éric Piolle, maire EELV de la ville. Soma Kim, plusieurs victimes ont pris
Le projet de réhabilitation, qui s’étendra sur environ cinq ans, est estimé à 8 M€. L’État participerait la parole pour dénoncer ses gestes
à hauteur de 2 M€. Le département de l’Isère et la région Auvergne-Rhône-Alpes devraient également déplacés. Youngjune Hahm a annoncé
prendre part aux subventions. Une souscription publique sera par ailleurs lancée en cours d’année. qu’il allait suivre une thérapie.

18 Beaux Arts
L’essentiel France
le chIffre
500 000 € C’est la somme que
le musée du Louvre espère réunir d’ici au 31 janvier,
via un appel aux dons, pour lancer le chantier de
rénovation de la chapelle du mastaba d’Akhethétep,
wIm à l’automne 2017. www.tousmecenes.fr

delvoye
tutoIe la france restItue
un taBleau spolIÉ
les ÉtoIles Le tableau a été retrouvé par les Alliés dans
les mines de sel d’Altaussee, près de Salzbourg
L’artiste belge Wim Delvoye a été (Autriche), avec des milliers d’autres œuvres.
retenu pour réaliser l’hommage à l’as- Un portrait famand du XVIe siècle dont les époux
tronome François Arago, qui a joué un Hertha & Henry Bromberg, juifs allemands, avaient
rôle majeur dans l’histoire de l’École été contraints de se séparer en 1938 alors qu’ils
polytechnique et dans celle de l’Ob- fuyaient les nazis. La France vient de le restituer
servatoire de Paris. Cette statue en aux petits-enfants du couple. Portrait d’un homme
à la fourrure, attribué au Flamand Joos Van Cleve,
bronze tourbillonnante, de 2,5 m de
était depuis janvier 1960 en dépôt au musée des
haut, viendra remplacer celle qui
Beaux-Arts de Chambéry, sous le code MNR 387
avait été érigée en 1894 grâce à une (Musées Nationaux Récupération), dans l’attente
souscription publique, puis fondue en de l’identifcation de son propriétaire.
1942 par les Allemands et jamais
remplacée. Elle sera installée dans le
jardin de l’Observatoire sur le méri- les audI talents awards
dien de Paris, le 7 juin à l’occasion de exposent leurs laurÉats
la célébration des 350 ans de l’insti-
Le constructeur automobile a lancé il y a dix ans
tution, à quelques mètres seulement
un programme de mécénat innovant, les Audi Talents
de son emplacement initial. Awards, pour soutenir la création française dans
https://arsarago.polytechnique.org des domaines aussi variés que l’art contemporain,
le design, le court-métrage ou la musique. Parmi la
quarantaine d’artistes récompensés, citons Cyprien
WiM DElvoyE
Gaillard, Neil Beloufa, Felipe Ribon ou encore le duo
Maquette du projet Hommage à Arago
Raphaël Pluvinage & Marion Pinaffo. Pour célébrer
cet engagement, Audi expose ses lauréats jusqu’au
10 mai dans un lieu éphémère en plein Marais.
«Bertrand Dezoteux (lauréat 2015) – En attendant Mars»
du 11 janvier au 5 février • galerie Audi Talents
23, rue du Roi de Sicile • 75004 Paris • 01 76 54 16 23
www.auditalentsawards.fr

sauvons la petIte BIBlIothèque ronde de clamart !


Le bras de fer continue autour de la Petite Bibliothèque ronde de Clamart (92). Construit en 1965 Il a dIt…
dans le quartier populaire de la Plaine, ce bâtiment classé monument historique est à destination
des enfants. Le territoire Vallée Sud-Grand Paris a annoncé son intention de la rénover, sans en avoir
«Nous faisons ce qui nous plaît.
référé à la Drac (Direction régionale des affaires culturelles). L’association qui gère les lieux refuse Demain, nous pourrions décider de
de déménager et conteste le caractère urgent de cette fermeture. Elle craint de ne pouvoir garder faire une exposition Vermeer. […]
la gestion de la bibliothèque une fois la rénovation achevée. «Les travaux n’ont pas été planifés. Nous ne sommes pas dans un carcan
Il n’y a eu aucune concertation, aucun appel d’offres ni aucun plan de fnancement. Mais les palissades
sont là et dénaturent complètement les lieux», estime le collectif de soutien. Une chose est sûre,
administrativo-juridique.»
la collectivité a lancé une action en justice pour obtenir l’expulsion de l’association. Seule avancée Bernard arnault, président de la fondation
positive, le ministère de la Culture a renouvelé sa subvention à l’association. Une pétition en ligne Louis Vuitton, in le Figaro du 17 octobre.
a déjà récolté plus de 5 000 signatures. www.change.org

20 Beaux Arts
Jean-Luc Verna
MAC

Portrait de Jean-Luc Verna, 2016. Avec intervention rouge à lèvres


de Jean-Luc Verna. Photo © Marian Adreani.
— Vous n’êtes pas
VAL
un peu beaucoup maquillé ?
Musée

— Non
d’ar t
du Val contempora
-de-M in
arne

22 oct. 16 — 26 févr. 17
Rétrospective
Place de la Libération — Vitry-sur-Seine (94)
www.macval.fr
Sur la planète par Françoise-Aline Blain

états-unis roumanie
Les emoticons au moma Bucarest récupère
En 1999, de petits pictogrammes pixellisés illustrant toute une gamme un Brancusi
d’expressions du visage ou de phénomènes météorologiques 10 M€. C’est la somme que va devoir
apparaissaient dans les téléphones portables japonais. Dix-sept ans débourser la Roumanie – l’un des
plus tard, les emoticons (emoji, en japonais) font leur entrée dans pays les plus pauvres de l’Union
les collections du MoMA de New York, offerts par l’entreprise Nippon européenne – pour acquérir une
Telegraph and Telephone. Mises au point par le graphiste japonais sculpture en pierre de Brancusi, après
Shigetaka Kurita, ces 176 images de 12 x 12 pixels vont désormais l’échec d’une souscription publique
côtoyer les chefs-d’œuvre de Van Gogh et de Picasso. www.moma.org lancée en mars dernier. Taillée en
1907, la Sagesse de la terre avait été
vendue par l’artiste à un ami roumain,
Gheorghe Romascu. Confsquée
en 1957 par le régime de Ceausescu,
elle avait été rendue à la famille
du collectionneur en 2012, au terme
de nombreux procès. La sculpture sera
exposée au musée national d’Art de
Roumanie, à Bucarest, puis entamera
une tournée à travers le pays.
Constantin BranCusi La Sagesse de la terre, 1907

Jordanie Grèce
L’arcHéoLoGie atHènes ouvre enfin
a encore parLé son premier musée
Un tombeau de la période hellénistique a d’art contemporain
été découvert dans la ville de Beït Ras, Le projet aura mis près de vingt ans à voir
au nord du pays, lors de travaux le jour. Le 31 octobre, le musée national
d’extension du réseau de traitement des d’Art contemporain d’Athènes (EMST)
eaux usées. L’une des deux chambres a ouvert ses portes au public, après
funéraires taillées dans le basalte de nombreuses péripéties liées en partie
est décorée de gravures représentant à la crise fnancière. Installé dans une
deux têtes de lion et est ornée de ancienne brasserie dont la réhabilitation
fresques fgurant des scènes a coûté 37 M$, l’EMST, livré en 2014, était
mythologiques peintes à l’huile. Si resté fermé depuis. En guise d’exposition
certains éléments ont souffert de inaugurale, «Urgent Conversations:
l’érosion, la majeure partie est restée Athens-Antwerp», sous le commissariat
intacte, ce qui permet d’avoir un aperçu de Bart De Baere et Katerina Koskina
des rites funéraires de l’époque. (jusqu’au 29 janvier). L’institution a aussi
été chargée du pavillon grec de la
57e édition de la biennale de Venise
(artiste, George Drivas). www.emst.gr
cHine
anseLm kiefer
s’oppose
à sa rétrospective Japon
À l’occasion de sa rétrospective Hokusai sanctifié à tokyo
en Chine qui se tient actuellement
sans son autorisation, l’artiste allemand C’est la première fois que l’archipel nippon
Anselm Kiefer rappelle : «Tout au long consacre un musée à l’un de ses plus grands
de ma carrière, j’ai été extrêmement artistes, Katsushika Hokusai (1760-1849).
impliqué dans mes expositions Dessiné par l’architecte japonaise Kazuyo Sejima,
internationales et c’est avec frustration lauréate en 2010 du prix Pritzker, le musée
et un profond regret que j’apprends – magnifque bâtiment recouvert de plaques
que les organisateurs de ma première d’aluminium – a été inauguré le 22 novembre
monographie en Chine ont jugé bon dans le quartier de Sumida, à Tokyo, près
de m’exclure du processus.» Organisée du lieu où naquit l’artiste. Parmi les pièces
à la Central Academy of Fine Arts, phares de la collection de plus de 1 500 œuvres,
à Pékin, l’exposition présente 87 œuvres un rouleau de sept mètres de long baptisé
de l’artiste, jusqu’au 8 janvier. Sumidagawa Ryogan Keshiki Zukan, récemment
http://museum.cafa.com.cn redécouvert et que l’on croyait défnitivement perdu
depuis près d’un siècle. http://hokusai-museum.jp

22 Beaux Arts
Sur la planète par Françoise-Aline Blain

La France se pose en Leader


de La déFense du patrImoIne en pérIL
Un fonds international,
dont la France sera
le premier contributeur,
va être lancé pour
préserver, dans les pays
en guerre, des sites
appartenant au patrimoine
mondial de l’humanité.
Et pour contrecarrer
le trafc d’œuvres fnançant
les groupes terroristes.

Vue, en 2009, du Krak des chevaliers,


un château construit par l’ordre
des Hospitaliers de saint-Jean
de Jérusalem au temps des croisades,
dans la région de Homs, en syrie.

I ls avaient un but, ils y sont parvenus. Les 2 et


3 décembre, une quarantaine d’États – mais
sans représentants ofciels syriens, qui n’avaient
le 26 mai, lors du G7 au Japon. Reprenant en
partie les propositions du rapport remis par
Jean-Luc Martinez, président du musée du
annoncé leur volonté de participer au fnance-
ment de ce fonds, sans toutefois en préciser le
montant. Certains pays, comme la Bosnie-
pas été invités – et d’institutions, privées et Louvre, il s’agit pour le chef de l’État français de Herzégovine et le Sénégal, sont disposés à faire
publiques, se sont engagés à sauvegarder le patri- mobiliser autour d’une initiative voulue comme partie du réseau de refuges, mais d’autres,
moine en temps de guerre, à l’initiative de la «le pendant culturel de la lutte menée contre le comme l’Égypte ou la Grèce, ont exprimé des
France et des Émirats arabes unis, lors d’une terrorisme sur les plans militaire et politique». réserves à ce sujet. Cette création d’un «réseau
conférence organisée à Abu Dhabi en marge international de zones refuges» des trésors en
d’un déplacement ofciel de François Hollande. Une cagnotte de 100 millions de dollars péril se heurte notamment à des questions de
Il y avait urgence après la multiplication des Ce «plan Marshall» pour la protection du patri- souveraineté. L’initiative laisse également
destructions patrimoniales en Afghanistan, en moine établit donc la création d’un nouveau sceptiques les experts du patrimoine culturel.
Irak, en Libye, en Syrie, au Yémen ou encore au fonds international, géré par l’Unesco et installé En tout cas, ces biens ne pourraient être dépla-
Mali. Selon l’Unesco, 55 sites sur 1 052 dans le à Genève, avec une contribution initiale de la cés qu’à la demande des gouvernements concer-
monde fgurent actuellement sur la liste du patri- France à hauteur de 30 M$ (27,8 M€), l’objectif nés et ce, de manière temporaire. Pour réaliser
moine mondial «en péril». À la veille de la confé- étant de collecter au moins 100 M$ (92,8 M€). ces diférents projets, le Conseil de sécurité des
rence, cinq prix Nobel, dont la Birmane Aung Son objet sera «de fnancer des actions préven- Nations unies sera sollicité, avec, à terme,
San Suu Kyi et l’écrivain turc Orhan Pamuk, tives ou d’urgence, de lutter contre le trafc illi- l’adoption d’une résolution pour fixer des
avaient exhorté les participants à prendre leurs cite de biens culturels, ainsi que de participer à normes en matière de protection du patrimoine.
responsabilités face à un déf historique, rappe- la restauration de biens culturels endommagés». Une «conférence de suivi» sera organisée dans le
lant que «le temps n’est plus aux indignations Pour rappel, le trafc d’œuvres d’art s’élèverait à courant de l’année pour évaluer la mise en œuvre
impuissantes». La tenue de cette conférence plusieurs milliards d’euros et représenterait des premiers projets.
internationale sur la protection des œuvres d’art jusqu’à 20 % des ressources de Daech, selon le
menacées par le terrorisme, orchestrée par Jack rapport du président du Louvre. Des États, Pour en savoir plus sur les sites menacés
Lang, avait été proposée par François Hollande comme les monarchies du Golfe et la Chine, ont http://archeologie.culture.fr/proche-orient

24 Beaux Arts
Architecture par Philippe Trétiack

le mUsée nATionAl D’esTonie s’envole


Une équipe française a bâti le musée sur l’ancien aérodrome soviétique de Tartu, deuxième ville du pays : un coup de force
architectural et une ode majestueuse à l’aviation, d’une élégance folle, salués par le Grand Prix Afex. Décollage immédiat.

«H eade mõtete linn», la devise de Tartu,


deuxième ville d’Estonie, est promet-
teuse car elle signife «la ville des bonnes idées».
paysage comme une sculpture d’arte povera,
une installation de land art XXL. Elle s’inscrit
dans le prolongement du tarmac de l’ancien
visant 370 000 visiteurs par an (le tiers de la popu-
lation du pays), les organisateurs voient gros.
Certes, le musée se veut une référence du monde
En était-ce une que d’installer, en 1909, le musée aérodrome où les Soviétiques camouflaient fnno-ougrien, entendez non seulement esto-
national non pas dans la capitale, Tallinn, mais leurs escadrilles. Prenant tout le monde à nien mais encore fnnois, hongrois, carélien…
185 kilomètres plus au sud ? La question pèse de contre-pied, oubliant le terrain initialement Ces cousins viendront-ils ? Mystère. Reste que,
tout son poids aujourd’hui. Car, forte de cette dévolu au musée, nos architectes ont opté pour en mesure d’expiation d’un bâtiment efrayant
implantation historique, la ville a lancé en 2005 ce coup de force architectural, osant rappeler à de contemporanéité peut-être, la scénographie
un concours pour édifer un nouveau musée tous qu’un musée national devait aussi se intérieure est revenue à une équipe estonienne.
national sur le même site. Annoncée dans des souvenir de ses pires moments, l’occupation Le résultat est une catastrophe. Toute la puis-
revues obscures, la compétition a attiré soviétique par exemple. Avec sa casquette de sance du bâtiment, son aspect de tunnel en sif-
108  équipes. Pour finir, Tartu a inauguré le métal en porte-à-faux inspirée d’une aile fet débouchant sur le tarmac qui le prolonge à
29 septembre dernier un magnifque bâtiment d’avion, puis son long tunnel de 70 m de large, l’infni est réduit à néant par un bric-à-brac
de 350 m de long, conçu par une équipe fran- de 9 m de haut à un point et de 3 à l’autre, cette pseudo-traditionnel horrifque. Seul espoir : qu’à
çaise. En vérité, l’agence Dan Dorell, Lina box voit son plafond descendre en pente douce terme, tout ce bastringue soit jeté aux orties.
Ghotmeh & Tsuyoshi Tane (DGT) est de son vers le tarmac, tel l’Antonov plongeant vers la On redécouvrira alors l’édifce, toujours percep-
époque. Ses trois associés sont respectivement piste. À l’intérieur, d’autres boîtes abritent tible de l’extérieur pour ce qu’il est, une ode
israélo-italien, libano-française et japonais. Ce bibliothèque, vestiaire, salles de réunion… Là majestueuse à l’aviation, au trait minimaliste et
cosmopolitisme leur a sans doute permis de encore, les architectes ont osé proposer plus à l’imagination d’une jeune équipe prometteuse.
bousculer avec une élégance et une audace folles que ce que le concours exigeait. Le jury en a été Le bâtiment a par ailleurs reçu le Grand Prix
leurs concurrents et le jury. Aujourd’hui, une stupéfait et séduit. Tartu dispose désormais Afex 2016, couronnant une réalisation française
boîte de métal, de verre et de béton balafre le d’une machine exemplaire. Seulement voilà, en hors de nos frontières. C’est balte et c’est bath !

26 Beaux Arts
www.rhone.fr 04 74 53 74 01
Architecture
sinuosités Zen
Taipei World Trade CenTer Square
Taiwan • Toyo Ito • 2011
la place du World Trade center de Taipei, à Taiwan,
se présente comme un jardin zen. Très graphique, elle
emprunte au monde végétal, une référence majeure
dans le travail de l’architecte Toyo Ito. le motif foral qui
dessine les différentes allées de promenade, les bancs
publics et les bassins est rehaussé par de vastes parcelles
de pelouse. cette approche ornementale et minimaliste
s’apparente à l’aménagement d’un jardin d’agrément.

Occupez la place !
parce qu’elles sont de plus en plus le théâtre d’usages inédits, les places publiques se métamorphosent. lieux de circulation
et de rassemblement, elles forment de nouveaux paysages urbains ouverts à toutes les improvisations… et tous les mirages.

terrain volant la place d’Israël, à copenhague, ressemble, selon ses concepteurs, à un immense tapis volant. Semblable métaphore
évoque l’idée une dalle souple marquée par des découpes et des plis permettant d’installer une large typologie d’équipements :
iSrael Square terrain multisport au centre, mini-skate park, aire de jeux ou de repos, gradins… Si l’option choisie pour le traitement du site
Copenhague (Danemark) est minérale, les quelques arbres qui jalonnent l’esplanade se font plus présents à l’approche du parc principal de la ville afn
Cobe + Sweco Architects • 2014 de rendre lisible ce lien urbain entre la ville construite au nord et le paysage naturel au sud.

28 Beaux Arts
par Céline Saraiva

une île dans l’île


Plaza de esPaña Santa Cruz de Tenerife • îles Canaries (Espagne) • Herzog & De Meuron • 2008
La Plaza de España, à Santa Cruz de Tenerife, est nourrie de références au contexte environnant. Au centre, le bassin minéral
circulaire évoque un morceau de plage. Il est agrémenté d’un jet d’eau dont la hauteur varie en fonction des marées.
La présence du motif géométrique noir révèle le tracé des ruines d’un château situé sur la parcelle. Autour du bassin, les
deux pavillons apparaissent comme des irruptions rocheuses. Sur l’un deux, un mur végétal, conçu par Patrick Blanc,
renforce la dimension naturelle souhaitée par les architectes Herzog & de Meuron.

Beaux Arts 29
Design par Claire Fayolle

vue de l’exposition «old Furniture – New Faces» à la chapelle Saint-Louis des Gobelins.

Martino GaMper, le dJ du desiGn


Connu pour mixer styles, matières et couleurs dans des réappropriations d’objets parfois iconiques, Martino Gamper s’est saisi
de meubles déclassés du Mobilier national pour créer des pièces uniques stupéfantes. À découvrir dans la chapelle des Gobelins.

I nstitution héritière du Garde-Meuble de la


Couronne, le Mobilier national, qui a pour
mission de meubler les bâtiments ofciels de la
2004 et 2007, et la performance If Gio Only
Knew, exécutée à la foire Design Miami/Basel
en 2007. Du premier projet, imaginé à l’instinct,
ter. Juliette Pollet se dit ainsi «frappée de voir à
quel point Martino Gamper a su se saisir du
contexte, de ce que représente le Mobilier
République française, est installé depuis 1937 sans commande, à partir de sièges collectés dans national, cette institution pluricentenaire». «Il a
dans un bâtiment signé Auguste Perret, sur les la rue, il explique qu’il a beaucoup appris – sur fait quelque chose de très royal, poursuit-elle, en
anciens jardins de la manufacture des Gobelins. l’assise, le mélange de matériaux, le mixage des choisissant des matières comme le velours, le
Contrastant avec l’emblématique édifice de styles : «Des idées développées à l’époque me pigment “bleu royal” employé pour teinter la
béton, l’ancienne chapelle des lissiers, construite servent encore aujourd’hui.» Le second relève laine, des ornements en laiton et métal dorés
en 1723, s’est muée en novembre dernier en ate- d’un sens aigu de la provocation. Avec la compli- prélevés sur la lustrerie, et en utilisant les com-
lier de production. Venus de Londres, Martino cité de la galerie milanaise Nilufar, le designer a pétences des ateliers de tapisserie et de tein-
Gamper et son équipe y ont fabriqué des pièces élaboré en direct des pièces à partir de portes, ture.» En une semaine, six pièces, intégrant
uniques destinées à la collection design et arts panneaux et têtes de lit de l’hôtel Parco dei Prin- toutes du textile – un élément que le designer
décoratifs du Fonds national d’art contempo- cipi, œuvre totale de l’Italien Gio Ponti conçue souhaitait particulièrement travailler –, ont vu
rain. Sa responsable, la conservatrice Juliette à Sorrente, en 1962. Toucher à un architecte le jour. Un secrétaire, une grande armoire, trois
Pollet, a invité le Britannique à les concevoir à phare était sa façon de livrer un commentaire sur étagères et une chaise avec tiroir composent
partir d’objets usuels déclassés – meubles remi- la foire qui laissait alors peu de place aux galeries «Old Furniture – New Faces», nom de cette
sés destinés à la vente, luminaires et pendules défendant des designers émergents, leur préfé- réjouissante commande du Centre national des
hors d’usage, coupons de textiles… issus du rant celles spécialisées dans les pièces histo- arts plastiques, en partenariat avec le Mobilier
Mobilier national. Elle estime que, parmi les riques. Les observateurs ont pu constater son national. Avec elle, Martino Gamper entre enfn
designers, il «est l’un de ceux qui se confrontent habileté – adolescent, il a été apprenti dans une dans une collection publique française.
le plus intelligemment à la profusion des objets fabrique de meubles – à créer et fabriquer en un
À voir
dans le monde et prennent position par rapport seul et même mouvement. Chez lui, le dessin est
«old Furniture – New Faces» jusqu’au 8 janvier
à cette question». davantage une façon de jeter des idées sur le Mobilier national • chapelle Saint-Louis des Gobelins
Martino Gamper s’est fait connaître il y a dix ans papier qu’une méthode pour fxer une forme. La 42, avenue des Gobelins • 75013 Paris • 01 44 08 53 49
avec deux projets : «100 Chairs», conçu entre part d’improvisation fnit toujours par l’empor- www.mobiliernational.culture.gouv.fr

30 Beaux Arts
Design
signé jean nouvel
Fait rare pour un architecte contemporain,
Jean Nouvel a vu éditer plus de cent de ses
meubles et objets depuis 1987. À l’honneur aux
Arts décoratifs, ceux-ci s’enrichissent de
quelques luminaires et deux tapis en marbre
spécialement conçus pour l’occasion. Jean
Nouvel a eu la bonne idée de déployer l’expo-
sition non seulement dans l’espace dédié au
graphisme et à la publicité – dont il a signé la
rénovation en 1998 – mais aussi les collections
permanentes, afn d’ofrir une déambulation
physique et mentale entre la tradition mobi-
lière (du Moyen-Âge au XVIIIe siècle) et ses
propres recherches, fondées sur «l’élémenta-
rité». Parmi les pièces les plus récentes, sont
révélées les banquettes du futur Louvre Abu «LAd Line» • PoLtronA FrAu • 2016
Dhabi et une collection pour Roche Bobois lan- Cette banquette appartient à la collection d’assises conçues par jean nouvel pour le louvre abu Dhabi. Celle-ci
cée en novembre dernier. Et il n’est pas interdit se caractérise par un équilibre entre masse et ligne, le volume des pièces étant rythmé par une succession de fnes lamelles
de s’asseoir sur certaines des créations… de cuir moulées (2 cm). le principe constructif de modules encastrables permet de créer des objets de grande longueur.
Hors commerce

l’exposition
«Jean nouvel – Mes meubles d’architecte / sens et essence»
jusqu’au 12 février • Les Arts décoratifs
107, rue de Rivoli • 75001 Paris • 01 44 55 57 50
www.lesartsdecoratifs.fr • Catalogue : coéd. Flammarion /
Les Arts décoratifs • 272 p. • 49 €

«Equilibrist» • Artemide • 2014


«objet-signe ludique», cette lampe de table
à deux têtes semble chercher son équilibre :
les sources de lumière, qui tournent sur elles-
mêmes et autour d’un axe vertical, jouent
les acrobates. en aluminium et acier, ce très «SAint JAmeS» • Ligne roSet • 1990
élégant luminaire est avant tout un excellent réédition en 2011
«objet de compagnie», selon jean nouvel. la silhouette sympathique de cette chaise
660 € • h. 65 cm • www.artemide.com à accoudoirs a été dessinée à l’origine pour
l’hôtel-restaurant saint james – classé
au patrimoine du XXe siècle par le ministère
de la Culture –, situé à Bouliac (gironde). elle
est «d’une grande simplicité, tout en exprimant
par sa forme l’idée d’un grand confort, comme
une invitation à s’asseoir pour bien manger».
À partir de 907 € • 80 x 66 x 81 cm
www.ligne-roset.com

32 Beaux Arts
par Claire Fayolle

«Boîte à outils» • GaGosian GalleRy & GaleRie PatRick seGuin • 2011


À la fois coffre de rangement, banc ou table, cette réinterprétation
de la caisse à outils fait partie des premiers objets dessinés par
l’architecte en 1987, à l’occasion d’une carte blanche du VIA (Valorisation
de l’Innovation en Ameublement). Restée à l’état de prototype, elle verra
fnalement le jour près de vingt-cinq ans plus tard en édition limitée.
À partir de 70 000 € • édition limitée à 6 ex. • 63 x 65 x 120 cm 
(fermé) • www.gagosian.com • www.patrickseguin.com

«Li–Da» • Roche BoBois • 2016


Pour sa première collaboration avec la marque française
Roche Bobois, Jean Nouvel se confronte à l’archétype de
la table à manger chinoise à plateau tournant. Il propose
un modèle laqué bicolore, «symbole familial de la rencontre
d’une architecte chinoise et d’un architecte français».
5 481 € • diam. 150 ou 180 cm • h. 75 cm 
www.roche-bobois.com

«the MaRtell aMBeR laMP»


MaRtell • 2010
Exposée dans le département
du Moyen Âge des Arts
décoratifs, cette lumineuse
bulle en verre souffé, oscillant
imperceptiblement au bout
d’une canne télescopique
de 3,50 m de haut, exprime
l’«éclat ambré, chaud et profond»
du cognac Martell, pour
lequel elle a été conçue.
Édition limitée à 
50 exemplaires à usage 
non commercial 

«Modèle a» • coll. «tRiPtyques» • GaGosian GalleRy & GaleRie PatRick seGuin • 2014
Pour Jean Nouvel, ce grand miroir coloré à trois volets, présenté dans les collections
du XVIIe siècle du musée, est un «créateur de mystère».
À partir de 70 000 € • édition limitée à 6 ex. • 140 x 280 cm (ouvert) 
www.gagosian.com • www.patrickseguin.com

Beaux Arts 33
CinéArt par Jacques Morice

En salles
un conte animé par la grâce
le fond est sombre, très cruel : l’histoire, inspirée d’un
conte des frères Grimm, est celle d’une jeune flle privée
de ses mains que son père meunier vend au diable
contre une rivière d’or. la forme, elle, est lumineuse,
aérée, épurée – grâce minimaliste du trait, transparence
des couleurs. c’est une merveille de flm dessiné,
pour adultes comme pour enfants.
La Jeune Fille sans mains de sébastien laudenbach
En salles depuis le 14 décembre

robert mapplethorpe Ken Moody et Robert Sherman, 1984

comment mapplethorpe «neruda», l’anti-biopic


s’est inventé (sa vie sexuelle) Banni dans son pays parce que communiste, le poète
chilien pablo neruda part en cavale à la fn des années
un documentaire fascinant retrace la vie et l’œuvre du photographe américain, 1940. un drôle de fic (Gael García Bernal), envieux, tenace
mondialement connu pour ses feurs érotiques et corps à corps troublants. et pathétique, se lance à sa recherche. aux antipodes du
biopic convenu, Neruda de pablo larraín (Santiago 73, post

D es feurs, des visages, des corps sculpturaux.


Des pénis surtout, à foison, au repos, en
érection. Blancs, noirs. Des organes masculins
Puis il y a la rencontre avec Patti Smith, leur
encouragement mutuel, la conviction qu’ils sont
faits pour créer. Ils baignent dans l’underground
mortem, El Club) est une fantasmagorie stimulante sur la
création et l’incertitude mystérieuse entre histoire et fction.
Neruda de pablo larraín En salles le 4 janvier
jusqu’au vertige, exhibés, brandis, déguisés, new-yorkais des années 1970, avec ses lieux
portraiturés comme des personnes. À l’heure de mythiques (Chelsea Hotel, Max’s Kansas City,
YouPorn, tout cela devrait paraître banal, sauf
qu’ici la sexualité gay est érigée au rang d’œuvre
Mineshaft). L’ange démoniaque, tête de satyre,
commence par des Polaroid et s’essaye au collage.
Sortie DVD
d’art, non sans humour parfois. Elle était une
obsession vitale et mortifère, intime et artis-
Plus tard, les motifs sexuels (SM, fétichistes…) se
rapprochent des messes noires, de la martyro-
guy ribes, peintre virtuose et voyou
tique, du photographe américain, dont le geste logie, de la peinture sacrée. Le flm montre bien personnage gouailleur, Guy ribes est digne d’une série
pionnier, cru et léché, est retracé de manière cap- le rôle déterminant joué par Mapplethorpe pour noire. sa vie tient tout autant du roman : faussaire hors
du commun qui ne copie jamais mais peint «à la manière
tivante dans Mapplethorpe: Look at the Pictures. sortir la photographie de sa relégation et com-
de», cet artiste atypique a été condamné à trois ans
Fenton Bailey et Randy Barbato, ses deux ment les années 1980 ne furent qu’accélération, de prison, dont deux avec sursis.
auteurs, ont eu le privilège d’avoir un accès illi- concurrence de diva avec Warhol, dépense fré- un DvD sort pour tous ceux
mité à ses œuvres et de recueillir énormément de nétique à tout point de vue (dans la création et la qui n’auraient pas vu en salles
témoignages des amants, amis, galeristes, frère baise), reconnaissance et malédiction. C’est en ce documentaire truculent
et sœur de l’artiste. Le flm remonte jusqu’à l’en- roi ravagé, entouré de fdèles, qu’il meurt du sida, sur le savoir-faire de ce faussaire
fance, dans un quartier résidentiel du Queens, à à 42 ans, en 1989. hors pair.
New York. On apprend que le père, ingénieur, Un vrai faussaire
pratique la photographie, genre d’abord méprisé Mapplethorpe: Look at the Pictures de Jean-luc léon (2015)
par celui qui fait alors des études d’art à Brooklyn. de Fenton Bailey & randy Barbato En salles le 21 décembre éd. Pretty Pictures • 16,35 €

34 Beaux Arts
« LE PORTRAIT D’UN FAUSSAIRE DE GÉNIE. »
LE MONDE
« GUY RIBES, UN TALENT RECONNU JUSQU’AU TRIBUNAL ! »
LE PARISIEN
« UN FLIBUSTIER DU PINCEAU ! »
LES INROCKUPTIBLES

Guy Ribes nous livre les secrets


de fabrication de ses «balourds »
contant, avec une gouaille de marlou,
une vie de fambe, de plaisir
et d’arnaques.
ACTUELLEMENT
EN DVD ET EN VOD
inclus un livret de 20 pages
Télévision, radio par Florelle Guillaume & Charlotte Ullmann

À regarder et aussi…
EnquêtE sur l’orEillE
gAuche lA plus célÈbre

fric-frac L’oreille mutilée de Van Gogh a fait


couler beaucoup d’encre. Pourquoi ?
comment ? Pour qui ? À toutes ces

au musée questions, Bernadette murphy a consacré


sept années de sa vie. ce documentaire
suit son enquête, minutieuse et
Ce n’est pas nouveau, les rocambolesques vols passionnée, à arles, amsterdam et Paris.
d’œuvres d’art ont toujours fasciné. France 2 a eu la au-delà du mystère de cette oreille
gauche tailladée, l’américaine apporte
bonne idée d’y consacrer une série documentaire,
un éclairage nouveau sur la période
dans le même esprit que l’une de ses émissions arlésienne du peintre.
célèbres, Faites entrer l’accusé. Et la recette fonc-
Arte «van Gogh – l’énigme
tionne plutôt bien. Intitulée Trésors volés, la série
de l’oreille coupée» samedi 14 janvier
se penche sur huit grandes afaires (seuls quatre de à 20 h 50 • 90 min
ces épisodes ont été programmés pour l’instant)
sélectionnées à partir de l’ouvrage de référence de «À vos PincEaux !»
Nathaniel Herzberg le Musée invisible (éd. Toucan). ArriVe enfin
Y sont retracés, entre autres, l’histoire poignante d’un garçon de 13 ans tombé un offcier de police c’est fnalement mardi 27 décembre
amoureux d’un tableau de Rembrandt et qui, quinze ans plus tard, en commandite au musée d’art moderne que sera lancé le premier épisode de
de la Ville de Paris
le vol au musée de Draguignan ; l’énigme jamais résolue d’un panneau du retable le 20 mai 2010, au lendemain
«À vos pinceaux !», la nouvelle émission
de l’Agneau mystique dérobé en 1934 dans la cathédrale de Gand ; ou, plus récem- du vol de cinq tableaux.
de téléréalité arty conçue par france 2.
ment, le vol spectaculaire de cinq chefs-d’œuvre du musée d’Art moderne de la soit un concours en quatre actes
qui permettra de désigner, parmi dix
Ville de Paris (MAMVP). Chaque épisode, présenté par Olivier Picasso, relate
candidats, le meilleur peintre amateur
précisément et clairement les faits avant de recueillir les récits des témoins, vic- de l’année. La compétition, jalonnée
times et enquêteurs. Pour bien s’ancrer dans le genre de l’enquête, la mise en scène chaque semaine d’épreuves telles
n’hésite pas à jouer avec les codes du polar : lumières froides, reconstitutions, que la peinture de marine, de paysage
musique d’ambiance... Si tous ces efets de style peu subtils prêtent parfois à sou- ou de portrait, est animée par marianne
rire, la série impressionne par la qualité de ses témoignages. Pour la première fois, James et un jury constitué par Bruno
Fabrice Hergott, directeur du MAMVP, s’exprime sur l’humiliant cambriolage de Vannacci et fabrice Bousteau, directeur
son musée. On trouve aussi l’émouvante confdence de l’auteur du vol passionnel de la rédaction de Beaux arts magazine.
du Rembrandt, Patrick Vialaneix, quelque temps avant son décès en janvier 2016. FrancE 2 «trésors volés», alors, à vos écrans ! s.F.
les quatre premiers FrancE 2 «À vos pinceaux !»
Ou encore, le récit touchant de ce vieil homme qui retrouva par hasard une sculp- épisodes les 22 chaque mardi du 27 décembre
ture volée de Picasso dans une mairie du Val-d’Oise ! Un aspect humain et parfois et 28 décembre à 22 h 30 au 17 janvier à 20 h 55 • 110 min
trivial qui constitue incontestablement le sel de cette série. 40 min chacun

À écouter
«AffAires sensibles» lascaux, saison 4 ¡ ViVA fridA ! vassily KanDinsKy,
sur écrAn La nouvelle réplique de la grotte de Lascaux On ne se lasse pas de frida Kahlo ni de sa vie un ApAtride à pAris
Présentée par fabrice Drouelle, l’excellente vient d’ouvrir [lire p. 104]. L’occasion de romanesque. france culture profte La fermeture par les nazis de l’école du Bauhaus
émission de france inter est disponible revenir en quatre épisodes sur ces fresques de l’exposition «mexique (1900-1950)» de Berlin, dans laquelle Kandinsky enseignait,
sur smartphones et tablettes. six histoires pariétales, vestiges d’une civilisation de près en ce moment au Grand Palais pour rediffuser provoqua, en 1933, l’exil du peintre à Paris.
sont disponibles, non pas sous la forme de 20 000 ans. cette série documentaire ce feuilleton qui vous emmènera dans le frédéric Taddeï reçoit dans son «social club»
d’un podcast mais présentées comme s’attardera sur la manière insolite dont mexique de la première moitié du XXe siècle. Guy Tosatto, directeur du musée de Grenoble
une BD numérique que le lecteur fait défler les grottes ont été découvertes, qu’il s’agisse Plusieurs fois frôlée par la mort, l’artiste a vécu qui consacre, jusqu’au 29 janvier, une exposition
sur son écran. La navigation est très fuide, de Lascaux, chauvet ou cussac. ainsi que une grande partie de sa vie emprisonnée aux années parisiennes de l’artiste, les dix
la technologie intuitive disparaît au sur les différents problèmes liés à leur dans un cercueil de plâtre. un récit à la première dernières de sa vie [lire p. 66]. autour du micro,
proft du récit des faits divers. sordide conservation. enfn, sera évoquée l’infuence personne aux sonorités envoûtantes. ils évoqueront cette ultime période du peintre
mais passionnant. des dessins sur les artistes du XXe siècle. frAnce culture «Des ailes de mouette allemand, déchu de sa nationalité car jugé
Gratuit • disponible sur smartphones, frAnce culture série documentaire noire – Portrait en miroir de Frida Kahlo» «dégénéré», et devenu citoyen français en 1939.
tablettes et sur le site «lascaux saison 4 – un art mort et enterré» du 12 au 16 décembre, de 20 h 30 EuroPE 1 «social club»
affaires-sensibles.franceinter.fr > Podcasts du 12 au 15 décembre • 60 min à 20 h 55 • disponible en podcast > Podcast du 8 décembre • 120 min

36 Beaux Arts
René Gruau / oeuvres originales

E x p o s i t i o n - Ve n t e 3 d é c e m b r e 2 0 1 6 a u 4 f é v r i e r 2 0 1 7

Renseignements : a.pentc hef f@gmail.com

Catalogue d’exposition en vente sur le site de la librairie d’ar t Le Puits aux Livres : www.lepuitsauxlivres.com
Livres

«Chez Turner,
le sublime mène
à l’obscène»
Auteur de la série d’émissions «Palettes», qui a fait parler les œuvres d’art à la télévision, Alain Jaubert
est réalisateur et écrivain. Il vient de publier un essai passionnant sur l’histoire singulière des dessins érotiques
de Turner (1775-1851), longtemps cachés par de pudibonds Britanniques… Entretien.

Comment vous êtes-vous intéressé à ces carnets Turner toute la pureté de sa légende. Lui-même rend compte qu’ils ne fgurent que très rarement
dits «secrets» de Turner ? avait d’ailleurs un rapport particulier à la sexua- des femmes prenant la pose. Turner agit plutôt
En 2010, à l’occasion de l’une des premières lité : il aurait été traumatisé par sa nuit de noce en voyeur et c’est immédiatement perceptible.
grandes expositions françaises Turner, au Grand et en aurait gardé un dégoût de la chair, ce qui D’ailleurs, dès qu’il a eu l’âge légal, il a fréquenté
Palais, je lui ai consacré un documentaire très pourrait expliquer cette attitude. Toutefois, les salles de nu. Or ces dessins montrent, y com-
classique. J’ai donc tout lu sur le peintre et je suis malgré la destruction de cet œuvre érotique, on pris lorsqu’il est devenu plus tard professeur à la
tombé sur les articles de Ian Warrel, conserva- se rend compte que tout n’est pas si pur chez Royal Academy, qu’il ne se plaçait jamais à l’en-
teur à la Tate, consacrés à ces erotica. J’en Turner et qu’il nourrit une vraie fascination droit habituel, face au modèle, mais plutôt de
connaissais certes la légende depuis longtemps : pour l’horreur, le mal, la violence, le morbide ! manière décalée, dans l’axe des cuisses, toujours
celle du poète, artiste et critique d’art John Il suft de regarder des tableaux tels que le avec un peu de perversion. Ce voyeurisme est
Ruskin, exécuteur testamentaire du legs Turner, Négrier, dans lequel les esclaves sont jetés par- une constante.
brûlant en 1858 des centaines de dessins et de dessus bord, ou encore ses batailles, Waterloo ou
tableaux érotiques qui l’avaient horrifé. Sauf Trafalgar, avec leurs océans de cadavres. Ce sont Est-ce la principale caractéristique
que demeure une question : l’a-t-il vraiment fait ? des tableaux terribles. de ces dessins érotiques ?
Car 108 dessins pornographiques ont été épar- Sa fascination pour l’érotisme se heurte à un
gnés et soigneusement annotés de cette men- Quelle place occupent ces erotica dans son œuvre ? pendant : Turner semble avoir horreur du visage.
tion : «conservé seulement comme preuve de Il faut noter l’emplacement de ces dessins éro- On dirait que la physionomie lui fait peur. Or, si
dérèglement mental». Ruskin est d’ailleurs tou- tiques à l’intérieur des diférents carnets. La plu- l’on observe son autoportrait jeune – le seul –, il
jours resté évasif sur la manière dont il a procédé. part sont faits au hasard du chemin. Prenez par est manifeste qu’il sait peindre un visage. Pour-
D’où ce doute. En 2010, j’ai donc écrit un court exemple cette aquarelle exécutée en Suisse, et tant, il ne le fera que très rarement. Par contre,
essai sur ce sujet, confé aux éditeurs Adam Biro fgurant deux (ou trois) personnages dans un ce qui est perceptible, c’est sa manière de «phy-
et Stéphane Cohen. Puis le projet s’est arrêté car même lit. Elle a tout d’une scène prise sur le vif. siologiser» le paysage. Avec Courbet, on a sou-
nous avions l’idée d’une exposition qui n’a pas pu D’autres, en revanche, semblent relever du pur vent fait ce type de rapprochement – peut-être
voir le jour. Et Stéphane Cohen, qui avait entre- fantasme. D’autres encore ressemblent à des même un peu arbitraire – entre son obsession
temps créé sa propre maison d’édition, a fni par exercices. Tout cela demeure très énigmatique. pour la source de la Loue et l’Origine du monde.
le publier en lui donnant cette ampleur. Ce qui est intéressant, c’est de savoir pourquoi Chez Turner, il existe une liaison très forte entre
un artiste réalise des dessins érotiques. Après la le sublime et l’obscène. Le sublime, c’est le ver-
Pourquoi Ruskin a-t-il détruit ces dessins ? mort de Turner, on a pu lire diverses interpréta- tige ressenti face aux forces brutes de la nature,
Il l’a lui-même raconté de son vivant à plusieurs tions : il serait allé tous les vendredis au bordel la beauté sauvage d’un paysage. L’obscène, c’est
de ses proches puis, près de trente ans plus tard, car il allait percevoir le loyer d’une taverne dans une façon de voir le monde comme un corps. Le
à l’écrivain Frank Harris. Cela peut nous sem- la station balnéaire de Margate, dont il était pro- monde naît alors d’une sorte d’épreuve, d’ordalie.
bler scandaleux mais ce n’était pas le cas de son priétaire. Or, lorsque l’on observe dans le détail Turner n’est pas le seul à avoir cette démarche ;
vivant. En pleine époque victorienne pudi- ces dessins, qui vont du simple grafti à l’aca- au même moment, Blake ou Friedrich font de
bonde, John Ruskin voulait rendre à son «dieu» démie en passant par des scènes sur le vif, on se même. Mais il aime se placer dans des situations

38 Beaux Arts
propos recueillis par Sophie Flouquet

William Turner Études de fgures érotiques, vers 1805

extrêmes – il raconte qu’il se serait fait ligoter au regard est toujours panoptique, il s’intéresse à des dessins érotiques ou libertins, Carrache,
mât d’un bateau pour vivre une tempête – voire la perspective, aux structures du paysage. Ses Füssli, Géricault ou même Léonard… On peut
dans des situations de crainte, un peu enfantine, carnets de croquis sont en quelque sorte son dire que, depuis Pompéi et même la Préhistoire,
devant le corps de la femme. Ces deux choses «grappin» inconscient sur le monde. Par ailleurs, c’est un fot continu. Turner n’était pas juste un
sont conjointes. Il s’agit d’une forme d’ap­ il y consigne aussi de nombreuses notes, sur les pervers marginal. Ce qui est exceptionnel, c’est
proche panthéiste, d’une conception de la terre couleurs, les lumières. Ses carnets lui servent à cette correspondance très étroite entre ses
comme un corps. Cela pourrait être résumé rendre compte d’une expérience et, de retour obsessions paysagistes et érotiques. Ou com­
dans un dessin de montagne, où la caverne est dans l’atelier, il n’en tire que quelques images, ment le sublime nous mène à l’obscène.
dessinée comme un vagin vers lequel s’approche ensuite recomposées.
un énorme pénis.
Ces dessins ont-ils été divulgués de son vivant ?
Il serait donc guidé par une démarche Non, de son vivant, Turner n’a jamais rien divul­
expérimentale ? gué. Longtemps, c’est son père, chez qui il avait
Turner nourrit toujours un double rapport à ce commencé à exposer dans sa vitrine de barbier,
qu’il voit. Lorsqu’il se déplace, il agit en dessi­ qui s’est occupé de tout. Il gérait ses afaires et
nant comme un photographe et semble tirer en repassait même ses chemises. Après la mort de
rafale. Il aurait pu inventer le cinéma ! En tout celui­ci, Turner est resté très négligent. Tout
cas, il le fait dans sa tête. Turner est un grand s’est accumulé dans l’atelier, une centaine de
marcheur, il se déplace énormément, a l’ob­ tableaux inachevés, 182 esquisses à l’huile,
session de tout voir et de changer de paysage 10 000 aquarelles ou dessins sur feuilles volantes. À lire
constamment. Par exemple, dans une seule Et 280 carnets, car il dessinait tout le temps. Cela J. M.W. Turner – Les Carnets secrets par Alain Jaubert
journée de descente de la Moselle, il réalise pas nourrissait sa pensée. Mais il ne faut pas aller éd. Cohen & Cohen • 290 p. • 65 €
moins de 150 dessins, ne se contentant jamais trop loin dans la sanctifcation de ces dessins. Turner’s Secret Sketches par Ian Warrell
de ce qui est dans son champ de vision. Son De nombreux peintres ont également produit éd. Tate • 144 p. (épuisé)

Beaux Arts 39
Livres
JE PISSE DonC JE SUIS
Depuis le début du XVIIe siècle, il urine au vu et
au su de tous les Bruxellois avec un air à la fois
amusé et satisfait. La célèbre statuette en bronze
du Manneken-Pis est devenue le symbole de l’hu-
mour belge et une fgure si populaire que même les
Japonais en possèdent une réplique. Depuis 1985,
il a aussi un pendant féminin, la Jeanneke-Pis,
commandée par un restaurateur qui voulait réta-
blir l’égalité homme-femme ! Et puis il y a tous les
Figures pissantes autres, tous ces pisseurs que l’histoire de l’art n’a
(1280-2014) pu empêcher de se soulager sur les ruines antiques,
par Jean-Claude dans les marges des manuscrits, du haut des fon-
Lebensztejn
taines baroques ou dans les recoins de grandes
éd. Macula
164 p. • 26 € toiles de maîtres tels que Michel-Ange, Titien
et Rubens. L’écrivain et critique Jean-Claude
Lebensztejn les a tous réunis dans cet essai original et érudit, qui s’ouvre
avec les fgures de petits Amours rondouillards moqueurs destinés à
donner un peu de piquant aux tableaux religieux de la Renaissance. «Tout
en faisant rire, explique Lebensztejn, le jet d’urine est chargé de vertus Sophy RICKETT Pissing Woman (Test), 1994
propitiatoires» et fgurait ainsi au revers de nombreux plateaux où l’on
servait à boire aux femmes en couches de Florence. Le pisseur gagne que Robert Mapplethorpe sublimait la golden shower (le fameux jet de
ensuite les scènes de genre et son apparition se multiplie. Sous la forme, pisse sur le corps ou dans la bouche) dans des photographies noir & blanc
cette fois, d’un homme trivial, souvent ivre, dont la pratique de l’excré- esthétisantes ultra-soignées. Et ce, une vingtaine d’années après que les
tion est joyeuse et sans gêne, qu’il se trouve en pleine rue ou au bordel. actionnistes viennois eurent déjà donné le ton lors de performances où
Au fl du temps, la fgure du pisseur va perdre en innocence pour gagner ils soulageaient leur vessie en public et dix ans après que Warhol eut peint
en érotisme et en agressivité. Si bien que les XXe et XXIe siècles, nous avec son urine dans sa série Oxidation. Les mâles n’ont pas le monopole
dit l’auteur, «allaient ofrir une vision renouvelée et brutale de la miction, de la pratique et les femmes aussi s’en sont donné à cœur joie, comme
un déferlement de provocations urinaires appelées à s’amplifer à la dans les photographies de Sophy Rickett montrant une délicate jeune
manière d’un orage qui va tout dévaster sur son passage». Andres Serrano femme qui projette un impressionnant jet d’urine contre un mur. Warhol
n’hésitait pas en 1987 à plonger un crucifx dans un bain de pipi, tandis et ses condisciples n’ont qu’à bien se tenir. Daphné Bétard

le fantôme de malévitch ceci n’est pas une Bd la vie en rouge


Vingt-six ans après la sortie Charles Singullier porte bien C’est LA couleur par
de sa première monographie sur son nom : il mène une vie banale excellence, celle de la vie
Malévitch, l’icône de l’avant-garde d’employé modèle. Jusqu’au jour et du sang, du pouvoir,
russe et son Carré noir sur où il dégote sur le marché aux du sexe et de l’amour. «Parler
fond blanc questionnent encore puces des Marolles, à Bruxelles, de la couleur rouge, c’est
Jean-Claude Marcadé. La vie du un chapeau melon noir… presque un pléonasme»,
père du suprématisme, trop opaque À peine l’a-t-il posé sur sa tête résume l’historien Michel
au temps de la perestroïka, s’était éclaircie suite à la chute qu’il est d’atteint d’hallucinations tout droit sorties de l’œuvre Pastoureau, spécialiste du sujet, qui, après le noir, le vert et
de l’URSS en 1991. L’historien de l’art a, depuis, poursuivi son de René Magritte. Et voici le lecteur de cette BD délirante le bleu, publie un quatrième opus retraçant l’histoire de la
travail au cœur des archives de Moscou et Saint-Pétersbourg, plongé dans l’univers surréaliste du plus célèbre des peintres première teinte que les hommes ont su fabriquer (à partir de
mais aussi dans de nombreux musées de provinces russes, belges, dont le héros doit percer le mystère pour que cesse la feur de garance). Des grottes préhistoriques aux symphonies
jusque-là inaccessibles. Il en a exhumé des documents révélant la terrible farce. Une balade poétique non dénuée d’humour, chromatiques de Rothko, des tombes égyptiennes aux vitraux
de nouvelles facettes de l’artiste. À découvrir dans ce dernier qui interroge sur le sens des mots et des images, mais aussi des églises, des blasons du Moyen Âge au drapeau soviétique,
opus richement illustré. Julie Watier Le Borgne leur pouvoir de transcender le réel. Lucie Jillier il nous dit tout sur le plus puissant des pigments. D. B.
Malévitch par Jean-Claude Marcadé Magritte – Ceci n’est pas une biographie par Thomas Campis Rouge – Histoire d’une couleur par Michel Pastoureau
éd. Hazan • 320 p. • 99 € & Zabus éd. Le Lombard • 64 p. • 14,99 € éd. Seuil • 216 p. • 39 €

40 Beaux Arts
Philo par François Cusset

et si le style
était uNe
questioN
vitale ?
Non, être une bête de style n’est pas
forcément un signe ostensible de
narcissisme. De Nietzsche à Pasolini,
une universitaire démontre même
que le style est avant tout une «forme
de vie» singulièrement collective.
Mieux : un terrain de jeux politique.

Q
ui juge les manières bling-bling de
Trump moins graves que ses projets
ultraréactionnaires n’a simplement
rien compris. Le style n’est ni une broutille, ni un
ornement, c’est la force (et la forme) même de la
vie. Être écrivain, prévenait Rousseau dans le Le couple Eva & Adele, alias «les jumelles hermaphrodites de l’art», lors de l’inauguration de leur exposition
«You Are My Biggest Inspiration», à voir au musée d’Art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 26 février.
préambule de ses Confessions, c’est «prendre son
parti sur le style comme sur les choses». Et être
artiste, pourrait-on ajouter, c’est éprouver à Marielle Macé part de Pier Paolo Pasolini, de sa tences. On peut tirer sa réfexion vers le champ
même son corps et son travail que, dans les rage contre la confscation capitaliste et télévi- de l’art, où l’ironie ofensive de Duchamp, la
formes, «il y va de la vie». Dans les deux cas, c’est suelle des «modes d’être populaires», pour arra- densité perceptive de Cézanne et l’interpella-
entrer, selon Marielle Macé dans son essai consa- cher cette question du style à ceux qui d’ordi- tion contre-publicitaire de Barbara Kruger
cré aux styles et à leurs enjeux politiques et exis- naire en ont le monopole : les médias et les sont toutes les trois des styles porteurs d’enjeux
tentiels, «en lutte contre toutes les façons, y com- gourous de la mode, les consultants et les réseaux cruciaux. Mais à condition de rester en deçà de
pris savantes, d’être inattentif au “comment”». sociaux, et même les dandys, résistants du style l’art exposé, fétichisé, associé aux noms propres
Savante, cette directrice de recherche au CNRS depuis l’aube de la modernité, qui font de ce comme à des icônes : car si le style n’est pas
l’est, mais en convoquant côte à côte, au service «phrasé de l’existence», de ce «grain stylistique qu’une question individuelle ou si chaque être
de cette énigme du «comment», des philosophes de toute vie», une afaire de distinction. Alors humain est une «bête de style», c’est en fait, dans
(de Nietzsche à Michel Foucault), des socio- qu’avec le style, comme l’afrme le chemine- les termes de Macé, qu’un «style n’est pas une
logues (de Georg Simmel à Pierre Bourdieu) et ment de ce livre en trois étapes, il s’agit non seu- chose mais […] sa façon singulière de s’élancer,
des écrivains – le Ponge des objets, le Balzac de lement de distinction mais aussi de modalité qui l’excède». Le style, donc, «s’ouvre au par-
la Théorie de la démarche, le Proust et le Flaubert (donc de puissance de vie) et d’individuation tage, au commun», et par là «aussi bien à l’expro-
d’une littérature devenue la question même du (donc de cohérence). priation» – enjeu collectif, terrain de lutte, en
style. Faire de ce «comment», du rapport entre L’approche est d’une grande élégance, érudite somme, et pas seulement ce
la vie et les formes qu’on lui choisit, une question et toujours singulière, comme dans cette façon repli sur soi narcissique et
vitale, un motif de colère, un engagement com- qu’a l’auteur de regarder diverger sur ces ques- oublieux qu’en font les
plet, tel pourrait être leur credo commun. C’est tions les penseurs pour mieux en faire son miel. cyniques et les cabinets de
aussi le souci nouveau, par rapport à leurs aînés Et s’il est essentiel de se réapproprier cette force tendance.
marxistes, des jeunes révolutionnaires d’Occupy du style, de la reprendre aux marchands et aux
Wall Street ou de Notre-Dame-des-Landes en idéologues, c’est que s’y jouent la valeur de nos Styles – Critique de nos formes
occupant durablement l’espace public, en inven- vies, le rayonnement des invisibles ou des de vie par Marielle Macé
tant un ton, en se façonnant des vies en rupture. «babioles et futilités» logées au cœur de nos exis- éd. Gallimard • 356 p • 22 €

42 Beaux Arts
La chronique de Nicolas Bourriaud

Bernard
Buffet
Les Clowns
musiciens
La Cantatrice,
1991

de quoi bernard buffet est-il le nom ?


Pourquoi le musée d’art moderne de la Ville de Paris a-t-il donc consacré une rétrospective au petit maître mondain ?
Cette tentative de réhabilitation navrante laisse présager le pire. À quand une exposition botero ou toffoli ?

C ertains jours, on peut se montrer nos­


talgique des polémiques artistiques qui
secouaient encore la presse au siècle dernier,
puissant Tofoli ou encore les subtiles composi­
tions de Fernando Botero pourraient ainsi
donner l’occasion de nouvelles relectures de
œuvre de Buffet peut piquer notre intérêt
lorsqu’elle fonctionne comme un élément dans
sa démonstration. Mais ici étalé, tout pur, sur des
quand des points de vue argumentés et des l’histoire de l’art du XXe siècle ; mais l’on pour­ kilomètres de cimaises, Bufet tourne à l’aigre au
visions de l’art se combattaient par le verbe. Les rait sans doute davantage parler de révision­ bout de quelques mètres : reste un jus jaunâtre
lieux d’exposition étaient alors associés à des nisme, voire d’une restauration. Une exposition et sale. Illustrateur à succès, le peintre a inventé
sensibilités artistiques identifables. Mais les au musée du Luxembourg décrit encore une imagerie dont la qualité majeure aura été
critères esthétiques, et les valeurs qui les accom­ Fantin­Latour comme un artiste «révolution­ d’être reconnaissable de loin. Roi du poncif, il
pagnaient, semblent aujourd’hui relégués au naire», «pierre angulaire de la peinture de la aura passé à la moulinette de son trait raide et
second plan par un critère unique : la rentabilité. seconde moitié du XIXe siècle», rien de moins. systématique le moindre sujet lui tombant sous
L’art sera «bankable» ou ne sera pas. Dans la Je sais que c’est de bonne guerre, mais il ne faut la main, du moment que c’était un lieu commun.
présentation de la rétrospective Bernard Bufet quand même pas pousser. Certains artistes ne développent qu’une seule
au musée d’Art moderne de la Ville de Paris idée ; Bufet, lui, n’atteindra même pas ce niveau.
(MAMVP), nous apprenons ainsi que cet artiste reste un jus jaunâtre et sale Il se contentera d’être l’homme d’un seul trait,
est «considéré comme l’un des peintres français À propos de rhétorique, mon estimé collègue sec, noirâtre et pesant, répété inlassablement
les plus célèbres du XXe siècle, mais également Éric Troncy s’est fendu d’un texte dans le cata­ dans des chromos déshydratés d’une laideur telle
l’un des plus discutés». Que certains «consi­ logue de l’exposition Bernard Bufet, mais, pour qu’ils en arrivent à échapper au mauvais goût :
dèrent» qu’il soit célèbre, on en conviendra ; et à une fois, il ne me convainc pas. Je voyais où il n’est pas Picabia qui veut. L’œuvre de Bufet
l’ère de la téléréalité, ça suft largement. Mais voulait en venir avec sa stratégie de réhabilita­ exalte le goût moyen, sans jamais atteindre l’ex­
discuté par qui ? Nous pourrions suggérer au tion de l’artiste qui apparaissait régulièrement trême du laid. L’afaire est sérieuse : en efet, de
MAMVP, qui tente de nous persuader de la dans ses expositions, telle une touche de Vache quoi Bufet est­il le nom, dans le contexte actuel ?
pertinence de cette rétrospective avec des qui rit faisant irruption dans un plat gastrono­ Car céder sur les valeurs esthétiques, s’avouer
arguments historiques, quelques pistes pour de mique : elle relevait d’une problématique du vaincu dans la «guerre du goût» chère à Philippe
futures réhabilitations : l’immense Carzou, le goût, plus que d’un argument esthétique. Une Sollers, c’est déjà abdiquer politiquement.

44 Beaux Arts
en couverture

Fernand Léger
Les Grands Plongeurs noirs [détail]
1944, huile sur toile, 189 x 221 cm.

46 Beaux Arts
Les 60 meiLLeures
expositions
à voir en 2017
vermeer Au louvre et rodin Au grAnd pAlAis, yves klein à
Bruxelles et les soviets à l’AttAque de londres et de
new  york… l’AnnÉe 2017 semBle Avoir exAucÉ le vœu le
plus cher de fernAnd lÉger, Bientôt honorÉ d’une rÉtros-
pective Au centre pompidou-metz : que le BeAu soit pArtout !
par daphné bétard, armelle fémelat, Sophie flouquet,
emmanuelle lequeux & natacha nataf

Beaux Arts 47
PARIS / MUSÉE DU LOUVRE
Du 22 FÉvrIer Au 22 MAI

Vermeer, l’intégrale
(ou presque)
D’ordinaire, seuls deux tableaux de Vermeer du Siècle d’or qui s’épanouit simultanément à gée dans l’art hollandais du XVIIe siècle, les
sont présentés au Louvre : la Dentellière et Utrecht, Leyde, Delft et Amsterdam. Aux anti- expositions «Chefs-d’œuvre de la collection
l’Astronome. Mais à partir du 22 février ils seront podes du génie solitaire fantasmé par le roman- Leiden» et «La Hollande au Siècle d’or» présen-
douze, soit un tiers de l’œuvre identifé. Orga- tisme finissant, le «sphinx de Delft» (ainsi tées au même moment dans l’aile Sully et la
nisée en partenariat avec la National Gallery surnommé par le critique d’art Théophile rotonde Sully du musée du Louvre.
of Art de Washington et la National Gallery of Thoré-Bürger) apparaîtra aux côtés de ses Armelle Fémelat
Ireland (Dublin), l’exposition parisienne ne rivaux, les autres grands maîtres de ces scènes «Vermeer et les maîtres de la peinture de genre»
sera pas monographique pour autant, bien au de la vie quotidienne que furent Gérard Dou, www.louvre.fr ✶ Hors-série Beaux Arts éditions
contraire ! Son propos est d’insérer l’homme Gerard ter Borch, Jan Steen, Pieter de Hooch, > Ci-dessus : L’Astronome ou l’Astrologue, 1668
dans la société de son temps et son œuvre dans Gabriel Metsu, Frans Van Mieris et Caspar Et aussi : «Chefs-d’œuvre de la collection Leiden»
le contexte foisonnant de la peinture de genre Netscher. Idéales pour poursuivre cette plon- «La Hollande au Siècle d’or» • www.louvre.fr

48 Beaux Arts
Art ancien
PARIS / MUSÉE D’ORSAY
Du 14 mars au 25 juin

Paysages
métaphysiques
«Quel mortel, quel être doué de la faculté de sentir, ne
préfère pas au jour fatigant la douce lumière de la nuit
avec ses couleurs, ses rayons, ses vagues fottantes qui se
répandent partout.» Il suft de lire les Hymnes à la nuit du
poète romantique Novalis pour se souvenir combien le
rapport à l’Univers et au cosmos fut, au XIXe siècle, plus
mystique que jamais. Dans ce vaste mouvement philo-
sophique, les peintres jouent les rôles d’intermédiaires,
entre une nature ineffable, transcendante, et l’être
humain en quête d’une spiritualité nouvelle. Pour évo-
quer ce désir de fusion dans un grand tout qui s’empara
du siècle de toutes les révolutions, Orsay réunit les plus
illuminés des paysagistes : Gauguin, Maurice Denis,
Monet, Hodler, Klimt, Munch ou Van Gogh. Et rappelle
combien, avec le cataclysme de la Première Guerre mon-
diale, cette recherche fut brutalement interrompue.
Pour renaître aujourd’hui ? Emmanuelle Lequeux
«Au-delà des étoiles – Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky»
www.musee-orsay.fr ✶ Hors-série Beaux Arts éditions
> Ci-contre : Maurice Denis, Procession sous les arbres, 1893

PARIS / MUSÉE MARMOTTAN MONET


& MUSÉE DU LUXEMBOURG
Du 23 FÉVriEr au 2 juiLLET
& Du 16 mars au 9 juiLLET

Pissarro sème l’anarchie dans Paris


Ami de Monet, maître de Cézanne et Gauguin, je fus l’un des
pères de l’impressionnisme et l’un de ses membres les plus
actifs et les plus engagés avant de me tourner vers le division-
nisme des jeunes générations. Qui suis-je ? Camille Pissarro
(1830-1903), le peintre français dont on a eu un peu trop ten-
dance à minimiser le rôle de pionnier dans l’histoire de l’art
moderne, fait son grand retour au musée Marmottan Monet,
qui retrace l’ensemble de sa carrière, et au musée du Luxem-
bourg, où sont évoquées les vingt dernières années de sa vie
dans le village d’Éragny (Oise). Une période plus anarchiste
et bucolique que jamais. Daphné Bétard
«Pissarro – Le premier des impressionnistes» • www.marmottan.fr
«Pissarro à Éragny – L’anarchie et la nature»
www.museeduluxembourg.fr ✶ Hors-série Beaux Arts éditions
> Ci-contre : Le Pont-Neuf, après-midi, soleil, 1901

Beaux Arts 49
LENS / LOUVRE-LENS
DU 22 MARS AU 26 JUIN

Tout sur les frères Le Nain


«Les Le Nain ont mille défauts, et ce sont de confrères, comme l’illustre magistralement leur ayant eu lieu en… 1978, au Grand Palais. Le parti
grands peintres qu’on ne peut oublier quand on célèbre Famille de paysans dans un intérieur (1640). pris de l’accrochage, qui réunit les trois quarts
les a vus une fois.» Ainsi s’exprimait leur «redé- Or si les Le Nain connurent la notoriété de leur de leurs tableaux, s’annonce également original,
couvreur», le critique d’art Jules Champfeury vivant, au point d’inspirer maints imitateurs, ils avec un regroupement des œuvres par facture,
(1821-1889), dans l’un de ses nombreux textes tombèrent ensuite dans les abysses de l’oubli, afn de révéler la singularité de chacun. Sur-
consacrés à cette fratrie de peintres (Antoine, devenant l’une des grandes énigmes de la pein- prises en perspective… Sophie Flouquet
Louis et Mathieu) du XVIIe siècle originaire ture française – comme Georges de La Tour. «Les frères Le Nain» • www.louvrelens.fr
– tout comme lui – de Laon, en Picardie. Qui Autant dire que la réouverture du dossier > Ci-dessus : Antoine ou Louis Le Nain, La Forge, XVIIe siècle
furent les auteurs d’une œuvre atypique, tran- annoncée à Lens est attendue de pied ferme par
chant avec l’art de cour de certains de leurs les amateurs, leur dernière grande exposition

50 Beaux Arts
Art ancien
Et aussi…
PARIS / PETIT PALAIS
DE 21 MARS Au 16 juILLET

Perles baroques
des églises de Paris
Elles recèlent des chefs-d’œuvre parfois
insoupçonnés, ces nombreuses églises
que compte Paris. Les grands tableaux
d’autel du XVIIIe siècle, qui viennent
PARIS / GRAND PALAIS & MUSÉE RODIN de faire l’objet d’une vaste campagne
Du 22 MARS Au 31 juILLET & Du 14 MARS Au 22 OCTOBRE de restauration, ont été décrochés
pour être réunis de manière exceptionnelle

Rodin, l’empreinte d’un géant dans une scénographie spectaculaire


au Petit Palais. Baroque à souhait ! S. F.
«Le baroque des Lumières
En novembre 1917, le plus grand sculpteur français disparaissait, laissant derrière lui une œuvre Chefs-d’œuvre des églises parisiennes»
monumentale, d’une force expressive inégalée, et un musée qu’il avait pu ouvrir après avoir légué www.petitpalais.paris.fr
son fonds à l’État français. À l’occasion du centenaire de sa mort, c’est le Grand Palais qui ofre à
Rodin ses espaces (célébration par ailleurs prolongée dans de très nombreux musées en région LES BAUX-DE-PROVENCE /
CARRIèRES DE LUMIèRES
– Morlaix, Calais, Aix-les-Bains… – et à l’étranger), en mettant l’accent sur son incessante capacité
Du 4 MARS Au 7 jANVIER 2018
de renouvellement, son goût permanent de l’expérimentation, mais aussi l’infuence considérable
qu’il eut et a encore sur les artistes. Pour preuve, le musée Rodin accueille Anselm Kiefer, qui s’est Le show multimédia
inspiré de l’ouvrage de Rodin, les Cathédrales, pour créer une série de pièces inédites, mises en regard de trois ténors du XVIe siècle
avec des plâtres du maître. Choc de titans annoncé. S. F. Plongée dans le détail de l’œuvre débridée
«Rodin – L’exposition du centenaire» • www.grandpalais.fr ✶ Hors-série Beaux Arts éditions de trois monstres de la peinture ancienne,
«Kiefer / Rodin – Cathédrales» • www.rodin100.org Bosch, Brueghel et Arcimboldo, dans un
> Ci-dessus : Jules Richard, Rodin dans son atelier, début du XXe siècle spectacle son et lumière saisissant. S. F.
«Bosch, Brueghel, Arcimboldo
Du fantastique au merveilleux»
PARIS / MUSÉE D’ART ET D’HISTOIRE DU JUDAÏSME www.carrieres-lumieres.com
Du 8 MARS Au 16 juILLET ✶ Hors-série Beaux Arts éditions

Portrait du Golem en super-héros kabbalistique GIVERNY / MUSÉE


DES IMPRESSIONNISMES
Du 24 MARS Au 2 juILLET

Mi-talmudique, mi-folklorique, le Golem est une Peintres et musiciens


créature d’argile douée d’une force extraordinaire, au diapason
mais sur laquelle trois-quatre lettres hébraïques ont
pouvoir de vie et de mort… Très populaire à Prague, Une histoire de la musique au XIXe siècle
ce monstre rudimentaire et protecteur, qui fnira, tout en images, avec Manet, Degas,
bien sûr, par se rebeller contre son créateur Renoir, Morisot, Whistler ou Bonnard
(l’homme !), fascine les maîtres de la kabbale à partir en guest stars. Ou comment la pratique
du XVe siècle. Est-il un avatar d’Adam «le glébeux», musicale fut intimement liée à l’histoire
animé du soufe humain ? Au XXe siècle, propulsé des impressionnistes. S. F.
par la littérature et le cinéma bien au-delà des cercles «Tintamarre ! Instruments de musique
mystiques juifs, le Golem entre défnitivement dans dans l’art (1860-1910)» • www.mdig.fr
la légende. Une exposition pleine d’amulettes, de
robots et des vers magiques de Jorge Luis Borges
rend hommage à l’ancêtre commun de Superman,
Hulk et Frankenstein, en réunissant autour de lui
ses démiurges les plus célèbres. À l’afche : Julien
Duvivier, Niki de Saint Phalle, Christian Boltanski,
Amos Gitaï… Culte ! Natacha Nataf
«Golems – Avatars d’une légende d’argile» • www.mahj.org
> Ci-contre : Karel Dvorák, Le Golem et Rabbi Loew
près de Prague, vers 1950

Beaux Arts 51
en couverture

Et aussi…

PARIS / MUSÉE DU LOUVRE


Du 22 FÉvrIer Au 22 MAI

Valentin, un Caravage français ?


Le début de l’année 2017 sera riche en redécouvertes puisque le Louvre annonce mettre en lumière un PARIS / MUSÉE JACQUEMART-ANDRÉ
caravagesque bien connu mais rarement présenté pour son seul art : Valentin de Boulogne (1591-1632). Du 3 MArS Au 10 JuILLet
Inscrit dans le sillage du maître du clair-obscur, le peintre français (dont l’essentiel de la carrière se déroula
à Rome où il mourut prématurément après un bain d’ivresse dans une fontaine glacée) sut apporter sa Zurbarán et Rothko dans une
touche personnelle à cette veine «vériste», lui adjoignant une certaine mélancolie. Et fut collectionné collection qui défe le temps
par les plus grands, des cardinaux romains à Louis XIV. S. F. Voilà une collectionneuse compulsive
«Valentin de Boulogne – Réinventer Caravage» • www.louvre.fr > Ci-dessus : Les Tricheurs, vers 1615-1618 encore méconnue en France.
Pour la première fois, la femme d’affaires
espagnole Alicia Koplowitz dévoile
PARIS / MUSÉE DU QUAI BRANLY
au public parisien 52 œuvres
Du 31 JAnvIer Au 12 noveMbre
de sa collection, placée sous le signe
de l’éclectisme et de la féminité. S. F.
L’Afrique, berceau «De Zurbarán à Rothko – Collection
Alicia Koplowitz / Grupo Omega Capital»

des échanges humains www.musee-jacquemart-andre.com


> Ci-dessus : Francisco de Zurbarán, Vierge
à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste, vers 1659
✶ Petit Journal de l’exposition

Qu’elles soient fuviales, terrestres ou maritimes,


commerciales, migratoires ou coloniales, parfois PARIS / ÉCOLE NATIONALE
SUPÉRIEURE DES BEAUX-ARTS
même spirituelles, les «routes» d’Afrique qu’em-
Du 24 FÉvrIer Au 20 AvrIL
prunte le musée du quai Branly mettent en
lumière la richesse des nombreux échanges Les Beaux-Arts fêtent
(d’œuvres, d’objets et d’idées) qui nourrissent le leurs 200 ans
continent et ses voisins depuis sept millénaires. Tout au long de l’année 2017, l’École
La variété des pièces sélectionnées (gravures nationale supérieure des beaux-arts
rupestres de l’oued Djerat du Sahara, porcelaines fête ses deux siècles d’existence, avec,
chinoises de Madagascar, objets rituels candom- pour commencer, deux propositions
blés d’Amérique du Sud, œuvres contemporaines témoignant des confrontations idéologiques
de Yinka Shonibare…) montre comment le ber- ayant agité l’art aux XIXe et XXe siècles.
ceau de l’humanité, pourvoyeur d’or et de Pour «Manifesto», série de 13 vidéos
matières premières pour les autres continents, n’a synchronisées, Julian Rosefeldt met
en scène Cate Blanchett dans des
jamais vécu dans l’isolement mais s’inscrit dans
monologues tirés de manifestes d’avant-
une histoire globale du monde. Un parcours
garde. La seconde exposition retrace
conçu pour lutter contre les préjugés et enterrer une histoire de la pensée républicaine,
définitivement les stéréotypes renvoyant à de David à Victor Hugo. D. B.
l’image, par exemple, d’un continent fermé. D. B.
«Manifesto» et «L’école de la République
«L’Afrique des routes» • www.quaibranly.fr D’Antigone à Marianne dans les collections
✶ Hors-série Beaux Arts éditions > Ci-contre : des Beaux-Arts de Paris»
Statue féminine, Côte d’Ivoire, non datée www.beauxartsparis.com
Art moderne

PARIS / MUSÉE MAILLOL


DU 2 MARS AU 23 JUILLET

Les chefs-dÕÏuvre retrouvŽs


de la collection Rosenberg
Il fut l’un des plus grands marchands de la pre- Henry Kahnweiler, établirent clairement une plement portées disparues ou objet de litiges
mière moitié du XXe siècle. Un collectionneur fliation entre Cézanne et Picasso. Pour la pre- quant à leur restitution. Fruit d’un travail
et galeriste passionné qui, fortune faite avec les mière fois en Europe, et après une étape à Liège d’historiens mais aussi de l’engagement de la
impressionnistes et postimpressionnistes, à l’automne dernier, une exposition est consa- petite-flle et biographe de Paul Rosenberg,
découvrit Picasso, Braque, Léger et Matisse, crée à ce grand «passeur d’art», dont la galerie Anne Sinclair, instigatrice de l’événement. S. F.
mais fut contraint de s’exiler à New York en parisienne, sise au 21 rue de la Boétie, aimanta «21, rue La Boétie – Picasso, Matisse, Braque, Léger…»
1940, après avoir été déchu de sa nationalité les avant-gardes. Pour cela, il aura fallu mener www.21ruelaboetie.com ✶ Petit Journal de l’exposition
française. Pour tous les historiens de l’art, Paul une longue bataille pour rassembler les œuvres > Ci-dessus : Pablo Picasso, Nature morte à la cruche, 1937
Rosenberg (1881-1959) demeure un jalon de la spoliées par les nazis, dispersées à travers le
modernité. L’un de ceux qui, avec Daniel- monde et dont certaines sont encore tout sim-

Beaux Arts 53
en couverture

Et aussi…
LIBOURNE / CHAPELLE DU CARMEL
Du 13 MAI Au 19 AoÛt

Miró, artiste préhistorique


Montrer que le langage poétique
et spontané de Miró, l’un des artistes
les plus inventifs du XXe siècle, doit
beaucoup aux dessins d’enfant et aux
œuvres préhistoriques, tel est le parti
pris du musée de Libourne, qui dévoile
des dessins grand format très rarement
montrés, car d’une grande fragilité. D. B.
«Joan Miró – Entre âge de pierre et enfance»
www.ville-libourne.fr

METZ / CENTRE POMPIDOU-METZ


Du 20 MAI Au 30 octoBre

Fernand Léger : ÉVIAN / PALAIS LUMIÈRE


Du 11 FÉvrIer Au 28 MAI

liberté, égalité, congés payés Le bonheur selon Dufy


Glorifé pour sa Fée électricité,
vaste décoration créée pour l’Exposition
«Quand je vois un tableau de Léger, je suis content», disait Apollinaire. Alors, il faut se réjouir de universelle de 1937, Raoul Dufy
l’exposition que Metz consacre à Fernand Léger (1881-1955). Une centaine d’œuvres dressent le (1877-1953) a fait des incursions dans
portrait d’un artiste prodigieux, à la fois théoricien de l’art, enseignant, peintre engagé du côté des l’impressionnisme et le fauvisme sans
travailleurs, touche-à-tout (il s’essaya à la céramique, la tapisserie, le vitrail), passionné par l’archi- jamais vraiment y adhérer, préférant tracer
tecture, le cirque, le théâtre, le cinéma et la poésie. Dans un style contrasté et puissant, reconnais- sa route en solo dans un style plein de
sable au premier coup d’œil, Léger dit sa fascination pour l’univers industriel, celui des usines, des fougue et de vie. Évian célèbre les multiples
machines et des mécaniciens, le «seul intéressant», estimait-il dans les années 1920. Mais, chez lui, talents de celui que le critique Pierre
Courthion défnissait dès 1925 comme
la réalité du monde est avant tout humaine. Léger glorife la liberté, l’égalité, la fraternité et les
le «roi de la fantaisie». D. B.
congés payés. Et les personnages de ses grandes compositions fguratives des années 1930 célèbrent
surtout les joies d’un repos bien mérité. D. B. «Raoul Dufy – Le bonheur de vivre»
http://ville-evian.fr/fr/culture/palais-lumiere
«Fernand Léger – Le beau est partout !» • www.centrepompidou-metz.fr ✶ Hors-série Beaux Arts éditions > Ci-dessus : Raoul Dufy & André Groult,
> Ci-dessus : Les Deux Femmes debout, 1922 Paravent du mobilier de la série Paris, 1933

54 Beaux Arts
Art moderne
Et aussi…
LE FRANÇOIS (MARTINIQUE) /
FONDATION CLÉMENT
DU 22 JANVIER AU 16 AVRIL

Abstractions faites
à Paris après 1945
Insaisissable et plurielle, lyrique, informelle,
tachiste ou gestuelle, la peinture abstraite
née à Paris au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale traduit l’envie des artistes
de repartir à zéro dans un rapport direct
et instinctif au matériau. La fondation
Clément en fait la démonstration avec Jean
Dubuffet, Olivier Debré, Georges Mathieu,
Hans Hartung ou Pierre Soulages. D. B.
«Le geste et la matière
Une abstraction autre (Paris, 1945-1965)»
www.fondation-clement.org
ROUBAIX / LA PISCINE
PARIS / MUSÉE DE L’ORANGERIE
DU 1er AVRIL AU 11 JUIN
DU 4 AVRIL AU 21 AOÛT

Éloge de la palette seventies Des Monet, Matisse, Cézanne


Dans l’immédiat après-guerre, la couleur devient un outil de
et Pollock japonais
construction de l’environnement, utilisé dans les domaines de l’ar- À l’occasion de sa fermeture pour travaux
chitecture, du design et du graphisme. C’est dans ce cadre que la de rénovation et d’extension, le musée
profession de colorisme-conseil voit le jour. Elle ne cessera d’étendre Bridgestone de Tokyo, établissement
son champ d’intervention dans les années 1970. La Piscine réunit fondé par une famille de riches industriels
les œuvres hétéroclites de ses plus éminents représentants. D. B. japonais en 1952, a accepté de prêter
quelques-unes de ses plus belles pièces
«Éloge de la couleur» • www.roubaix-lapiscine.com > Ci-dessus : au musée de l’Orangerie. Soit des Monet,
Jean-Philippe Lenclos, Auditorium – Perspective intérieure défnitive, 1967
Renoir, Caillebotte, Cézanne, Matisse
et Picasso, ainsi que des abstraits, tels
Jackson Pollock et Kazuo Shiraga. D. B.
«Chefs-d’œuvre du Bridgestone Museum
of Art de Tokyo» • www.musee-orangerie.fr

PARIS / MUSÉE PICASSO & MUSÉE DU QUAI BRANLY PARIS / MUSÉE D’ART MODERNE
DU 21 MARS AU 3 SEPTEMBRE & DU 28 MARS AU 23 JUILLET DE LA VILLE DE PARIS
ROUEN / MUSÉE DES BEAUX-ARTS, MUSÉE DE LA CÉRAMIQUE DU 24 FÉVRIER AU 20 AOÛT
& MUSÉE LE SECQ DES TOURNELLES
DU 1er AVRIL AU 11 SEPTEMBRE
Karel Appel,
spontanément régressif
Picasso sous infuence russe, africaine et normande Enfn une rétrospective digne de
ce nom pour le membre fondateur de
Comme il n’a jamais fait les choses à moitié, Picasso est triplement à l’afche en 2017. l’irrévérencieux groupe CoBrA (créé à Paris
D’abord à Paris, au musée Picasso, qui revient sur les années 1917-1935, passées avec sa en 1948 et dissous en 1951), dont
première femme, Olga Khokhlova, danseuse des Ballets russes et sujet de quelques- le credo était «la spontanéité irrationnelle».
unes de ses plus belles toiles. Au Quai Branly ensuite, où ses œuvres sont confrontées Inspirés par les dessins d’enfant et toute
à celles d’artistes africains, océaniens et amérindiens. Enfn, dans trois musées rouen- forme d’art non formaté, le Néerlandais
nais qui font renaître, le temps d’une saison, l’atelier de sculpture qu’il avait installé Karel Appel (1921-2006) et ses copains
dans le château de Boisgeloup, en Normandie. D. B. Corneille ou Asger Jorn se fchent
«Olga Picasso» • www.museepicassoparis.fr ✶ Hors-série Beaux Arts éditions des classifcations traditionnelles
«Picasso primitif» • www.quaibranly.fr ✶ Hors-série Beaux Arts éditions et prônent la pluridisciplinarité d’œuvres
«Saison Picasso à Rouen» • http://mbarouen.fr • http://museedelaceramique.fr collectives et internationales. D. B.
http://museelesecqdestournelles.fr
> Ci-contre (à voir au musée du quai Branly) : Femme enceinte, 1949 «Karel Appel» • www.mam.paris.fr

Beaux Arts 55
en couverture

METZ / CENTRE POMPIDOU-METZ


Du 18 MArS Au 28 AoÛt
PARIS / GRAND PALAIS
Du 15 MArS Au 24 JuILLet

Édens
mutants
Il faut cultiver son jardin, nous enseignait
Voltaire dans Candide. Les artistes l’ont entendu,
qui se sont passionnés pour ce territoire impré-
visible qu’est toute parcelle cultivée. Aire de
repos des sens, espace intime où converser avec
l’Univers, le jardin est examiné au Centre
Pompidou-Metz comme un lieu de mutation,
investi par les maniéristes et les surréalistes, mais
aussi les artistes contemporains. Pierre Huyghe
et Philippe Parreno répondent ainsi aux anciens
à la main verte, Pierre Bonnard, Claude Monet,
Georgia O’Keefe et Diego Rivera en tête, dans
une scénographie biomorphique qui promet de
rendre la balade particulièrement étonnante. Et
puisque c’est décidément le printemps, le Grand
Palais à Paris se penche lui aussi sur la question,
de façon plus classique : de la création du premier
jardin botanique à Padoue en 1545 au «jardin
planétaire» du paysagiste Gilles Clément, mille
graines sont lancées au vent. E. L.
«Printemps cosmique – Le jardin des métamorphoses»
www.centrepompidou-metz.fr
«Jardins» • www.grandpalais.fr
> Ci-dessus (à voir au Centre Pompidou-Metz) :
Ernesto Neto, Flower Crystal Power, 2014

STRASBOURG / AUBETTE 1928 & MUSéE D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN


JuSqu’Au 30 AvrIL

Revivre les utopies


Alors que les utopies semblent tomber comme des mouches, Strasbourg pose un
regard bienvenu sur les avant-gardes de l’entre-deux-guerres. Dans le merveilleux
décor de l’Aubette, salle de bal réalisée en 1928 par Theo Van Doesburg, Jean Arp et
Sophie Taeuber-Arp, elle invite dix artistes contemporains à explorer cette notion,
quitte à la détourner ou la dévaluer. Bertrand Lamarche, Cyprien Gaillard, Haegue
Yang, Anri Sala, Farah Atassi relisent ainsi les racines de notre modernité, avec notam-
ment deux œuvres spécialement conçues pour l’exposition, signées Xavier Veilhan
et Ryan Gander. Et s’il était temps d’«utoper» à nouveau ? E. L.
«Hétérotopies – Des avant-gardes dans l’art contemporain»
www.musees.strasbourg.eu > Ci-contre : Farah Atassi, Métronomes, 2016

56 Beaux Arts
Art contemporain
paris / fondation
louis vuitton / la villette
& institut du monde arabe
du 28 mars au 21 mai
Et aussi…
& du 13 avril au 30 juillet

Paris aux couleurs


de l’Afrique
L’Afrique n’a jamais été autant à l’hon-
neur : après le succès remporté par les
deux nouvelles foires qui promeuvent
ses artistes, 1 :54 à Londres et Akaa à
Paris, voilà venu le temps des musées.
La fondation Louis Vuitton expose
quelques œuvres de l’immense collec-
tion de Jean Pigozzi, qui, parmi les pre-
miers et grâce à l’intermédiaire d’An-
dré Magnin, s’est intéressé à Chéri
Samba et Frédéric Bruly Bouabré, le Havre
Romuald Hazoumè et Seydou Keïta. du 27 mai au 5 NOvemBre
Autour d’un focus sur l’Afrique du Sud, la fondation dévoile également ses toutes récentes acquisitions,
dont le secret est encore précieusement gardé. À l’autre bout de Paris, la Villette se met elle aussi à l’heure
On n’a pas tous les jours 500 ans
africaine avec le festival 100 % Afriques – musique, danse, mode et gastronomie. Lancée par la galeriste Place à la fête et à la création ! Pour
Dominique Fiat et orchestrée par Simon Njami, une exposition donne le la, avec marchés et juke-box, son 500e anniversaire, la ville du Havre
performances et déclamations. Enfn, à l’Institut du monde arabe, c’est sous l’angle de l’islam que sera a passé commande à des artistes
exploré le continent, de Dakar à Zanzibar, de Tombouctou à Harar, à travers plus de 200 œuvres. E. L. réputés pour leurs interventions dans
l’espace public, tels Vincent Lamouroux,
«Une collection africaine» • www.fondationlouisvuitton.fr Chiharu Shiota ou Julien Berthier,
Festival 100 % Afriques • https://lavillette.com
«Trésors de l’islam en Afrique – Treize siècles d’histoire» • www.imarabe.org et organise pléthore d’expositions dans
> Ci-dessus (à voir à la Villette et à l’Institut du monde arabe) : Aida Muluneh, City Life, 2016 ses lieux culturels : Claude Monet face
à Pierre & Gilles au MuMa et des œuvres
d’art numérique au Tetris. D. B.
paris / fondation Cartier
du 19 avril à OctOBre «Un été au Havre» • www.uneteauhavre2017.fr
> Ci-dessus : esquisse de l’installation
de Lang/Baumann

Un tigre dans mon obturateur


paris / palais de toKYo
C’est l’histoire de deux révolutions du 3 FÉvrier au 8 mai
sœurs : à ma gauche, la photographie ; à Amor ex machina
ma droite, l’automobile. Deux instru-
Que proposer après la lame de fond Tino
ments essentiels à la survie du surhomme
Sehgal ? Le Palais de Tokyo tente comme
moderne, deux façons de lire le monde. toujours de se réinventer. C’est un de
À travers 400 images produites par ses nouveaux curateurs, Yoann Gourmel,
80 photographes, d’hier et d’aujourd’hui, qui se charge de la grande exposition
mais aussi de nombreux extraits de flms, thématique du printemps. Interrogeant
la fondation Cartier nous convie à un les pouvoirs magiques que nous conférons
long road-movie. Destination finale ? parfois à l’objet, ce parcours essaimé de
Inconnue, bien sûr. Mais l’objectif est différentes «zones affectives» se construit
de comprendre comment la voiture a autour des œuvres de Pedro Barateiro,
façonné le regard sur le monde des Isabelle Cornaro, Marie Lund ou Michael
E. Smith. En parallèle, Abraham Poincheval
artistes. Mais aussi à la cerner, bien sûr,
fait encore des siennes : après avoir
comme objet de fantasmes. Pour ponc-
vécu dans le corps d’un ours et passé
tuer le parcours, les délicieux et fan- une semaine en stylite, que va-t-il encore
tasques bolides inventés par Alain Bublex, qui est certainement le seul plasticien à avoir un passé de inventer ? Réponse en février. E. L.
designer automobile. Bref, une exposition à savourer à tombeau ouvert. E. L.
«Sous le regard de machines pleines d’amour
«Autophoto» • www.fondation.cartier.com > Ci-dessus : Andrew Bush, Woman Waiting to Proceed South et de grâce» & «Abraham Poincheval»
at Sunset and Highland Boulevards, Los Angeles, at Approximately 11:59 a.m. One Day in February 1997, 1997 www.palaisdetokyo.com

Beaux Arts 57
en couverture

PARIS / LA MAISON ROUGE


Du 24 février au 21 mai

Génération
post-68
Quels enfants nous a légués Mai 1968 ? Et statu quo du modèle politique, qui nous mène complices racontent à leur manière, toujours
comment les avons-nous traités ? C’est une jusqu’au triste aujourd’hui. Quel impact les très singulière, la construction d’un «esprit fran-
cartographie subjective et critique de cet héri- cultures populaires alors en pleine explosion çais», fait d’irrévérences. Mais ils entendent sur-
tage que nous proposent les commissaires (cinéma, rock, BD, télévision, graphisme...) tout, en pleine campagne pour la présidentielle,
Guillaume Désanges et François Piron. Sur deux eurent-elles sur les savoirs dominants, le théâtre, éclairer ainsi diféremment notre présent. E.L.
décennies, 1970 et 1980, ils évoquent ce double la philosophie ou les arts plastiques ? De pam-
«L’esprit français – Contre-cultures en France (1969-1989)»
soufe paradoxal qui emporta la France : d’un phlets en contestations anarchistes, de combat www.lamaisonrouge.org
côté, une libération tous azimuts ; de l’autre, un féministe en éruption des radios libres, les deux > Ci-dessus : Jacques Monory, Jacques n°6, 1973

MAC LYON Du 15 marS au 15 JuiLLet


CARRÉ D’ART DE NÎMES
Du 7 avriL au 17 Septembre

Lyon et Nîmes, usines à rêves américains


Los Angeles, une fction ? Aucune ville ne s’est construite autour de tant de fantasmes
universels, tant de récits partagés. D’ailleurs, existe-t-elle vraiment ? Trente-quatre
artistes, réunis au MAC Lyon, tentent de nous en persuader : les historiques, qui ont
contribué à la construction du mythe, comme John Baldessari ou Larry Bell, mais éga-
lement leurs turbulents élèves, de Trecartin & Fitch à Alex Israel. Pour compléter ce
portrait de la ville de quartz, le catalogue publie les récits de plus de 80 auteurs. Pendant
ce temps, le Carré d’art de Nîmes fle, lui, vers la côte Est, période 1960-1980. Que se
passait-il au quotidien dans cette grande fabrique de l’esthétique minimaliste ? Nîmes
évoque en musique cette scène passionnante, en rappelant combien ses piliers, Donald
Judd, Sol LeWitt ou Dan Flavin, ont été infuencés par leurs consœurs chorégraphes,
de Lucinda Childs à Yvonne Rainer. Vous regardiez ? Eh bien, dansez maintenant ! E. L.
«Los Angeles – Une fction» • www.mac-lyon.com
«A Different Way to Move – Minimalismes, New York (1960-1980)» • www.carreartmusee.com
> Ci-contre : Kenneth Anger, Inauguration of the Pleasure Dome, 1954-1978

58 Beaux Arts
Art contemporain
TOURS / CeNTRe De CRéATION CONTeMPORAINe OlIVIeR DeBRé
à partir du 11 mars Et aussi…
Tours archi-contemporain BORDeAUX / FRAC AQUITAINe
du 19 JaNViEr au 20 mai
Le CCC (Centre de création
contemporaine) de Tours est Comics trip
depuis toujours un centre d’art Depuis le pop art, on le sait, la BD a une
ouvert à toutes les expérimenta- infuence indéniable sur l’art contemporain.
tions et toutes les émergences. Et Le Frac de Bordeaux évoque ces mille
ce, malgré un bâtiment plutôt complicités, en partenariat avec la Cité
ingrat. Nous sommes donc très de la BD d’Angoulême. Bertrand Lavier qui
heureux d’annoncer qu’après fait entrer Mickey dans la réalité, Philippe
trente-cinq ans de bons et loyaux Parreno qui fait des bulles, Raymond
services, le CCC se métamor- Pettibon et ses lignes pas très claires….
phose pour devenir le CCC OD. C’est un dialogue sur trois générations,
OD, pour Olivier Debré (1920- des années 1980 à aujourd’hui. E. L.
1999), représentant majeur de
«BD Factory» • www.frac-aquitaine.net
l’abstraction lyrique, dont il
intègre désormais le fonds historique. Il gagne surtout un nouvel espace, fambant neuf, signé par l’agence
portugaise Aires Mateus : soit 4 500 m2, avec une nef de 15 mètres de haut, une vaste galerie et une black PARIS / MUSée D’ART MODeRNe
box pour la vidéo. Sans oublier auditorium, librairie, café, et une immense Chambre d’huile de Per Barclay, du 18 mai au 5 NOVEmBrE
que le public sera invité à traverser. Et en guise d’exposition inaugurale ? Hommage à la fgure de Debré Un bijou d’exposition
voyageur, et cap sur la Norvège, d’où une jeune génération d’artistes arrive pour ouvrir le ban. E. L.
Après avoir remis à la mode le tissage
www.cccod.fr ✶ Hors-série Beaux Arts éditions > Ci-dessus : le nouveau bâtiment du CCOD réalisé par Aires Mateus dans l’art, le musée d’Art moderne de
la Ville de Paris se penche sur l’orfèvrerie,
vue par les plasticiens. On peut être
surpris du nombre de ceux qui se sont
DIJON / le CONSORTIUM risqués à la parure, et de leur nom aussi :
à partir du 18 mars l’exposition dévoile bagues, tours de cou
et bracelets de Meret Oppenheim, Man Ray,
Champagne pour le pionnier des centres d’art ! Calder, Dalí, Picasso, jusqu’aux plutôt
punks Fabrice Gygi ou Thomas Hirschhorn.
Quarante ans ! Respect pour le plus âgé des centres d’art de France. Pionnier dijonnais, le Consortium est Elle les met en écho avec les créations
né la même année que le Centre Pompidou (où il a d’ailleurs célébré ses 20 ans…). Fondé par quelques hur- ravissantes de Lalique ou d’Anni Albers,
luberlus, dont Xavier Douroux et Franck Gautherot, toujours à sa tête, il est devenu un modèle alors même mais aussi de bijoutiers contemporains,
qu’il n’en avait pas. Après avoir commencé dans une manufacture abandonnée, le voilà doté d’une belle voire de grandes maisons, et même
architecture de verre de Shigeru Ban (auteur du Centre Pompidou-Metz), et d’une solide collection, qui d’anonymes, version rap, SM ou
en fait un spécimen unique dans les centres d’art. Le New York Times l’a même récemment repéré comme amérindienne. Bref, «Medusa» devrait
un des lieux de défrichage les plus importants d’Europe : n’est-ce pas là qu’ont commencé Cindy Sherman briller de tous ses feux, sans négliger
et Richard Prince, de là qu’ont émergé Philippe Parreno et Pierre Huyghe ? On ne sait pas encore comment ceux de la pensée. E. L.
le Consortium va fêter ses 40 ans. Mais il est dans la feur de l’âge, plus puissant que jamais. E. L. «Medusa – Bijoux et tabous»
«Truchements – Les 40 ans du Consortium» • http://leconsortium.fr > Frank Stella, Polombe, 1994 www.mam.paris.fr

SAINT-NAZAIRe / le lIFe
du 13 JaNViEr au 26 mars
Harun Farocki refait le match
Voilà la base sous-marine transformée
en terrain de jeux. Mais de jeux intelligents !
S’y déploie l’une des dernières et plus
magistrales installations vidéo de feu
Harun Farocki : douze écrans, qui donnent
douze versions d’un même match. Jeu
vidéo, caméra de surveillance, transmission
télé : tous les régimes d’images sont
convoqués, pour un examen panoptique
de nos loisirs. Terriblement effcace ! E. L.
«Harun Farocki – Deep Play»
http://grandcafe-saintnazaire.fr

Beaux Arts 59
en couverture

PARIS / CENTRE POMPIDOU


Du 26 AvrIL Au 14 AoÛt

Walker Evans : triste Amérique


C’est l’une de ces aventures que seuls les pays geant quinze reporters de dresser un portrait nymes fatigués saisis dans le métro à ses
en crise savent susciter : celle de quinze photo- des États-Unis en pleine Grande Dépression, métayers au bord du désespoir, on comprend
graphes lancés dans l’Amérique profonde des de 1935 à 1943. Parmi eux, le mythique Walker combien cette exposition, hommage à l’un des
années 1930. En réponse à la détresse née du Evans. Il n’a jamais quitté New York avant de photographes les plus inspirants du siècle passé,
krach de 1929, le Président Roosevelt imagine plonger dans la misère des Blancs de l’Alabama, fera un écho puissant à l’actualité… E. L.
son New Deal. La Farm Security Administra- ou de se prendre de plein fouet le racisme du
tion, ou FSA, fait partie de cette «nouvelle Mississippi. Evans donne un visage à l’Amé-
donne». Et, de manière inattendue, va révolu- rique paumée de l’entre-deux-guerres. Pas si «Walker Evans» • www.centrepompidou.fr
tionner l’histoire de la photographie, en char- loin de celle de Donald Trump ? De ses ano- > Ci-dessus : Westchester, New York, Farmhouse, 1931

60 Beaux Arts
Photographie
Les festivals

PARIS / Jeu De PAuMe


DU 14 FÉvriEr AU 28 MAi

Éli Lotar, photographe du rêve et de la violence


On le connaît surtout pour sa série sur les abattoirs de la Villette, entrée dans l’histoire des avant-gardes
grâce à sa publication dans la revue Documents de Georges Bataille. Mais ce proche de Roger Vitrac,
d’Antonin Artaud, des frères Prévert et d’Alberto Giacometti participa aussi à d’autres belles aventures de
l’entre-deux-guerres, comme l’exposition fondatrice «Fotografe der Gegenwart», à Essen, en 1929. Il est
grand temps de redécouvrir Eliazar Lotar Teodorescu, venu de Roumanie pour inventer la photographie GRAND PARIS
Avril
moderniste aux côtés de Germaine Krull ou de Jacques-André Boifard, et ses clichés qui nous mènent
de villes oniriques aux taudis d’Aubervilliers après guerre, en passant par les maquis d’Espagne. E. L. Le Mois de la photo s’agrandit
«Éli Lotar» • www.jeudepaume.org > Ci-dessus : Sans titre, 1931 Le Grand Paris existe bel et bien,
puisqu’il a désormais son Mois de la
photo ! De Saint-Denis à Nogent-sur-
Marne et Nanterre, toute la banlieue
PARIS / Le BAL
célèbre l’image. Avec Doisneau,
DU 6 JANviEr AU 9 Avril
bien sûr, mais aussi Yann Morvan

Zones d’ombre ou Véronique Ellena. E. L.


Mois de la photo du Grand Paris

du XXe siècle www.moisdelaphotodugrandparis.com


> Ci-dessus : Erwin Blumenfeld, A Shake
in Young Fashion, variante de la couverture
C’est une œuvre traversée par l’histoire. du Vogue US daté du 1er août 1953
Mais plutôt que les coups d’éclat, Stéphane
PARIS / ceNtquAtRe
Duroy en explore les zones d’ombre, les
DU 21 JANviEr AU 5 MArS
ellipses, les mémoires négligées, de la
guerre de 1914-1918 à la Shoah, jusqu’à la Place aux jeunes !
chute du mur de Berlin. Mais c’est sur- Idéal pour découvrir la toute nouvelle
tout son exploration du continent nord- génération de producteurs d’images.
américain qu’évoque cet hiver le Bal. Sélectionnés cette année par
Pendant trente ans, le photographe a Hercules Papaioannou, directeur
fouillé les recoins du rêve américain, et il du musée de la Photographie
y a déniché plus de mélancolie que de de Thessalonique, parrain de l’édition
paillettes. Autour du livre qu’il en a tiré, 2017, et José-Manuel Gonçalves,
intitulé Unknown, il conçoit une vaste ins- directeur du Centquatre, 47 jeunes
tallation où il démantèle et épuise son photographes européens viennent
propre opus, comme pour en regretter a en mettre plein la vue. Nouveauté
posteriori la pauvreté. Un acte d’humilité cette année : la galerie en ligne
et de réinvention. À noter également au www.galerie-circulations.com propose
Bal, fin avril, un hommage à l’agence des photographies signées et numérotées
Magnum, qui fête ses 70 ans. E. L. à partir de 200 €, dont les bénéfces
«Stéphane Duroy – Again and Again» • www.le-bal.fr seront reversés à l’association Fetart,
> Ci-contre : Stéphane Duroy, extrait du catalogue afn de faire perdurer le festival. E. L.
Unknown – Tentative d’épuisement d’un livre, 2016
Circulation(s)
www.festival-circulations.com

Beaux Arts 61
Société
Et aussi…
PARIS / MUSÉE DE L’HISTOIRE
DE L’IMMIGRATION
DU 28 mARs à sEpTEmbRE

Quand la France
avait l’accent italien
De la seconde moitié du XIXe siècle jusque
dans les années 1960, les Italiens furent
les étrangers les plus nombreux à choisir
PARIS / PHILHARMONIE
la France comme nouvelle patrie. Le musée
DU 4 AVRIL AU 20 AOÛT
de la Porte dorée raconte l’histoire de
cette immigration à travers des documents

Kingston, capitale d’époque, articles de presse, photos,


vidéos, et les œuvres de Giovanni

des good vibes Boldini, Gino Severini, Alberto Magnelli


ou Mario Tozzi. D. B.
«Ciao Italia !» • www.histoire-immigration.fr
Elle a beau être une île minuscule, elle fait danser toute la
planète ! À Kingston s’est inventé le reggae, mais aussi le PARIS / PALAIS GALLIERA
remix, le dub et le sound system… Au-delà des Wailers et D’AVRIL à AOÛT
de Bob Marley, voyage dans cet archipel de rythmes, au
cœur des studios les plus mythiques. Get up, stand up, un
Dalidarama
beau slogan pour le printemps ! E. L. Des robes new look ultraglamour des
débuts – lorsque miss Égypte 1954
«Jamaica, Jamaica !» • http://philharmoniedeparis.fr s’appelait encore Iolanda Gigliotti –
> Ci-dessus : Beth Lesser, Nitty Gritty devant le Jammy Studio LILLE / PALAIS DES BEAUX-ARTS
à Kingston, Jamaïque, 1985 DU 8 AVRIL AU 16 JUILLET aux fourreaux lamés des années disco,
la diva Dalida s’est autorisé tous les
L’exposition trois étoiles excès. Le Palais Galliera nous ouvre les
portes de son incroyable dressing. N. N.
Chaque année, le Palais des beaux-arts de «Dalida» • www.palaisgalliera.paris.fr
Lille s’ofre un invité de prestige, qui peut
mettre sens dessus dessous le musée.
Après le duo electro Air et le dessinateur PARIS / FONDATION EDF
Zep, place au chef trois étoiles Alain DU 1er mARs AU 27 AOÛT
Passard. Ce passionné de nature et de jar- Pourquoi les jeux vidéo
dins a trouvé dans la collection des échos
à son savoureux quotidien. Il les fait rendent marteau
partager, en une symphonie de sens. E. L. Il fait partie des
industries culturelles les
«Open Museum #4 – Alain Passard»
www.pba-lille.fr > Ci-dessus : Alain Passard, plus lucratives et séduit
Asperges à la verticale, non daté la planète entière, toutes
générations confondues.
Le jeu vidéo s’expose
PARIS / MUSÉE BOURDELLE
à la fondation EDF, qui
DE mARs à JUILLET
retrace son incroyable

Sa majesté Balenciaga ascension depuis


quarante-cinq ans
et montre comment
Dior l’appelait «notre maître à tous». Dans le cadre de sa «Saison il a envahi les champs du cinéma,
espagnole», le Palais Galliera rend hommage hors les murs au prince de la télévision, du sport, et même
de l’épure Balenciaga. Écoutez ses tafetas bouillonnants et ses de l’art. D. B.
drapés à la Zurbarán, brodés de perles de jais : on y entend ces sons
noirs qui, en Espagne, donnent toute son épaisseur au silence. N. N. «Game – Une histoire du jeu vidéo»
www.fondation.edf.com
«Balenciaga – L’œuvre au noir» • www.bourdelle.paris.fr > Ci-dessus : Nintendo, Game Boy,
> Ci-contre : Cristóbal Balenciaga, Robe «Eisa», 1950 première édition, 1989
à l’étranger

PAYS-BAS
TouTe l’année

Stijl et encore !
De Stijl, voilà un centenaire bien portant ! Tout et Van Doesburg, les grands-parents, mais saison : le Gemeentemuseum de La Haye
a commencé en 1917, à Leyde, par un simple également leurs petits-enfants, Hella Jongerius dévoile plus de 300 trésors mondrianesques,
magazine, qui peu à peu a donné naissance à ou Maarten Baas, tous ces jeunes designers qui dont il est le grand gardien, en juin. De Stijl, plus
l’une des avant-gardes les plus forissantes du ont été à si bonne école. Utrecht, Eindhoven, que jamais à la mode ! E. L.
siècle passé. Les Pays-Bas fêtent donc comme Tilburg : dès le printemps, ils envahissent tout
www.gemeentemuseum.nl/mondriaan2017
il se doit l’anniversaire du mouvement, en le plat pays, de maisons d’architectes classées > Ci-dessus : Piet Mondrian, Victory Boogie Woogie,
réunissant toute la famille : Mondrian, Rietveld à l’Unesco en musées méconnus. Clou de la 1942-1944

Beaux Arts 63
en couverture

VENISE / PALAZZO GRASSI & PUNTA DELLA DOGANA


À PArtIr Du 9 AvrIL

Damien Hirst
sur les deux rives
du Grand Canal
C’est la première fois qu’un seul
et même artiste envahira les deux
sites vénitiens de la collection
François Pinault. Enfant terrible
de la génération des Young Bri-
tish Artists, Damien Hirst s’ofre
donc le Palazzo Grassi et la
Punta della Dogana, en pleine AMSTERDAM / HERMITAGE
biennale de Venise. Pas mal, pour Du 4 FÉvrIer Au 17 SePteMBre
un come-back… Car malgré sa
rétrospective un peu ratée qui ft
le tour du monde en 2012, le scan-
Les derniers feux des Romanov
daleux s’était fait un brin plus Voilà un siècle que la révolution russe a balayé la dynastie des Roma-
discret : plus de requin scié en nov, détentrice du trône impérial russe pendant trois cents ans. Deux
deux, plus d’agneau plongé dans cent cinquante œuvres des collections publiques russes, œuvres d’art
le formol, plus de restaurant (dont les célèbres œufs de Fabergé) mais aussi objets plus intimes et
documents d’archives, viennent rappeler l’histoire et le train de vie
ouvert en grande pompe. Pein-
fastueux de cette famille de boyards qui atteignit les sommets. Non
tures à pois ou armoires à pharmacie, boîtes à papillon ou crâne en diamant,
sans éclairer le public sur les ferments de troubles politiques et sociaux
que va-t-il donc montrer sur la lagune ? Le secret est bien gardé sur cette expo- qui allaient annoncer la révolution et la chute tragique de Nicolas II,
sition qui devrait faire le bilan de dix ans de travail d’un artiste partageant assassiné avec tous ses proches sur ordre de Lénine, en 1918. S. F.
avec François Pinault une même obsession pour la mort. E. L.
«1917 – Les Romanov et la révolution» • www.hermitage.nl
«Damien Hirst» • www.palazzograssi.it.fr > Ci-dessus : Damien Hirst photographié > Ci-dessus : la famille du tsar Nicolas II, Olga, Marie, Nicolas,
dans un bac à formol à la White Cube Gallery de Londres Alexandra, Anastasia, Alexei et Tatiana, en 1914

L’année de toutes les biennales


ATHÈNES NEW YORK QUéBEC VENISE
Du 8 AvrIL Au 16 JuILLet Du 17 MArS Au 11 JuIn Du 18 FÉvrIer Au 14 MAI Du 13 MAI Au 26 noveMBre

La plus politique La plus angoissée La plus joyeuse La plus excitante


Grande première : Documenta, Quelle place pour l’individu, et l’artiste, Après la contestation, thème de la Cocorico ? C’est une Française qui se
la mythique exposition quinquennale en ces temps de turbulences ? précédente édition, c’est «l’art de la joie» retrouve aux manettes de la 57e biennale
allemande, se délocalise en partie Comme en miroir de la nouvelle qu’explore cette 8e Manif d’art, avec de Venise. En intitulant son projet
hors de Kassel. Elle a choisi Athènes, Amérique de Donald Trump, le Whitney une exposition phare orchestrée par «Viva Arte Viva», Christine Macel
terre de crise et de renaissance, Museum inaugure sa première biennale la Française Alexia Fabre et présentée (une des pointures du Centre Pompidou)
pour examiner avec les artistes en son nouveau bâtiment de Chelsea au musée national des Beaux-Arts dit bien toute l’énergie qu’elle veut
le futur incertain de l’Europe autour d’une question terriblement du Québec. Celle-ci a choisi d’en faire conférer à cette giga-exposition,
et du monde. Ouverture deux mois actuelle. Parmi les 63 artistes invités, un véritable «projet de vie» qui réunira pour l’instant complètement secrète.
avant le grand raout de Kassel qui, Larry Bell, Éric Baudelaire, Jordan plasticiens canadiens et étrangers, On connaît en revanche le joli
lui, commencera le 10 juin. E. L. Wolfson ou encore le collectif Occupy dont un important contingent d’artistes programme des pavillons, avec
www.documenta14.de Museum. En point de mire, cette venus de l’Hexagone, tels que Clément Xavier Veilhan pour la France, Mark
question : «Qui sommes-nous en tant Cogitore ou Christian Bolstanski. S. F. Bradford pour les États-Unis, ou
que nation ?» E. L. Jordi Colomer pour l’Espagne. E. L.
www.manifdart.org
http://whitney.org www.labiennale.org

64 Beaux Arts
à l’étranger
BOZAR / BRUXELLES
DU 23 FÉVRIER AU 4 JUIN (pol bURy)
DU 29 MARS AU 20 AoÛT (yVES klEIN)
Et aussi…
Tout ce que vous avez toujours voulu BâLE / FONDATION BEYELER
savoir sur les sixties DU 22 JANVIER AU 28 MAI

Monet sous la lumière suisse


L’art cinétique ne doit pas tout à l’Amérique latine ! On
Quel plus bel écrin que la fondation
oublie trop souvent que l’un de ses fondateurs, Pol Bury, était
Beyeler, dans la campagne verdoyante
belge. Très vite, il s’est dépris de l’infuence de Magritte et
de Riehen, près de Bâle, pour montrer
CoBrA, pour se passionner pour le mouvement, de Paris à
toute la splendeur de Monet ?
New York. Bozar présente ses tableaux illusionnistes et mouvants, tels des organismes animés de vie. Pleins
À l’occasion de ses 20 ans, l’institution
feux sur les années 1960 avec, en parallèle, une rétrospective d’un autre pionnier, Yves Klein. Au-delà de ses
privée suisse propose un parcours
fameuses Anthropométries et autres Monochromes IKB, elle promet de dévoiler des pièces rares et jamais
monographique, des plus classiques
exposées de ce maître du spirituel dans l’art. Smells like sixties spirit ! E. L.
mais aussi des plus lumineux, du maître
«Pol Bury» & «Yves Klein» • www.bozar.be > Ci-dessus : Harry Shunk & János Kender, Yves Klein, Saut dans le vide, 1960 de l’impressionnisme. S. F.
«Claude Monet» • www.fondationbeyeler.ch

LONDRES / TATE MODERN


DU 15 FÉVRIER AU 11 JUIN

Imprévisible Tillmans
Est-ce encore de la photographie ?
Depuis le début des années 1990,
le trublion allemand Wolfgang Tillmans,
qui s’était d’abord fait connaître par
un journal de bord un peu trash
de sa génération X, a poussé le médium
dans tous ses retranchements. Images
réalisées sans appareil, abstractions
numériques, photographies érigées
au rang de sculptures… Tillmans mêle
tous les genres dans des accrochages
le plus souvent bluffants. E. L.
«Wolfgang Tillmans» • www.tate.org.uk

LONDRES / NATIONAL GALLERY


DU 15 MARS AU 25 JUIN

Michel-Ange et son ami


LONDRES / ROYAL ACADEMY OF ARTS DU 11 FÉVRIER AU 17 AVRIl de trente ans
NEW YORK / MUSEUM OF MODERN ART JUSQU’AU 12 MARS Le premier est un monstre sacré.
Le second n’est connu que des

1917, à l’heure des soviets spécialistes. Pourtant, Michel-Ange


et Sebastiano del Piombo ont entretenu
une longue relation amicalo-
1917, le fond de l’air est rouge. Cent ans après, que retenir de la révolution russe ? Londres et New York professionnelle de près de trente ans.
C’est en 1511 qu’ils se rencontrent,
se mettent à l’heure des soviets, pour évoquer les rêves des artistes qui soutinrent la révolution anti-
alors que le premier travaille encore au
tsariste. Un nouvel art pour un peuple nouveau : Malevitch, Rodtchenko et l’ensemble des construc-
plafond de la chapelle Sixtine, à Rome.
tivistes donnèrent toute leur énergie à cette utopie naissante, avant de déchanter rapidement avec Le jeune Vénitien, rival de Raphaël,
l’avènement réactionnaire du réalisme socialiste. Alors que la Royal Academy de Londres dresse un deviendra son protégé mais aussi l’un
portrait de la société soviétique – du cinéma d’Eisenstein à la reconstitution d’un appartement com- de ses très rares amis. En témoigne
munautaire –, le MoMA de New York évoque des acteurs moins connus de cette esthétique nouvelle, notamment une littérature épistolaire
comme Alexandra Exter, Lyubov Popova ou Olga Rozanova, sans négliger la poésie, l’architecture ou nourrie, intime et émouvante. S. F.
le design de cette avant-garde fauchée dans la feur de l’âge par Staline. E. L. «Michelangelo & Sebastiano»
«Revolution – Russian Art (1917-1932)» • www.royalacademy.org.uk www.nationalgallery.org.uk
«A Revolutionary Impulse – The Rise of the Russian Avant-Garde» • www.moma.org
> Ci-dessus (à voir à Londres) : Boris Mikhailovich Kustodiev, Bolchevik, 1920

Beaux Arts 65
exposition / musée de grenoble / jusqu’au 29 janvier

les courbes
cosmiques
et parisiennes
de kandinsky
déchu de sA nAtionAlité AllemAnde, chAssé du BAuhAus et tAxé d’Artiste dégénéré pAr les
nAzis, VAssily KAndinsKy (1866-1944) trouVA refuge à pAris en 1934. le musée de grenoBle
reVient sur cette dernière période, étrAngement Assez méconnue, du peintre ABstrAit.
par Daphné BétarD
Courbe dominante
«Aujourd’hui, un point en dit parfois
en peinture plus qu’une fgure
humaine. Une verticale associée
à une horizontale produit un son
presque dramatique. Le contact
de l’angle aigu d’un triangle avec
un cercle n’a pas d’effet moindre
que celui du doigt de Dieu avec
le doigt d’Adam chez Michel-Ange.»
Ainsi faut-il comprendre l’œuvre
de Kandinsky.
1936, huile sur toile, 130 x 195 cm.
exposition / KandinsKy

B
PaGe ci-conTre
erlin, août 1933 : Vassily Kandinsky peint Développe-
Bleu de ciel
ment en brun, des parallélépipèdes sombres encadrant,
des fgurines festives,
tels les panneaux d’une porte coulissante, un espace
semblables à des jouets,
fottent dans un ciel
clair où des triangles et croissants de lune colorés se tiennent
lumineux. inutile de les uns sur les autres en un équilibre précaire. Dit autrement,
chercher ici un point une menace brune qui se rapproche et qu’il faut fuir, pendant
de repère, il faut laisser qu’il en est encore temps, en empruntant l’interstice lumineux
l’œil divaguer et se perdre au cœur de l’image… Développement en brun est le dernier
dans ce ballet aérien. tableau réalisé par l’artiste d’origine russe dans son pays
1940, huile sur toile,
100 x 73 cm.
d’adoption, l’Allemagne, où les nazis viennent d’accéder au
pouvoir. Le Bauhaus, cette école-laboratoire réunissant des
peintres, designers et architectes efrontément libres et à
laquelle Kandinsky a activement participé, a été dissous en
juillet. Juste après qu’il en a été renvoyé sans ménagement, lui
l’artiste bientôt cité comme exemple de cet art dit «dégénéré»
ci-dessous
Développement en brun
que le national-socialisme fustige. Ses tableaux sont décro-
Trait d’union entre
chés des musées et galeries. Vassily et sa femme Nina doivent
le Bauhaus et Paris quitter le pays de toute urgence. Ils choisissent Paris, où il a
où l’artiste assouplit son déjà exposé, en 1929 à la galerie Zak puis en 1930 à la galerie
vocabulaire géométrique, de France. Et c’est ainsi qu’après la période rigoureuse du Bau-
ce tableau a été choisi haus (que l’artiste qualifait lui-même de «froide»), Kandinsky
pour inaugurer le parcours va, à Paris, adopter une facture plus libre, plus spontanée, pour Kandinsky photographié par Hannes Beckmann
du musée de Grenoble.
donner naissance à un univers grouillant de vie, coloré et entre 1933 et 1935.
1933, huile sur toile,
101 x 102,5 cm. joyeux, malgré la chape de plomb s’étant abattue sur l’Europe.

Le musée de Grenoble propose aujourd’hui de redécouvrir


ces années parisiennes souvent boudées par des critiques et
historiens d’art mal à l’aise avec un style hybride indéchif-
frable, qui n’a plus le caractère novateur de ses débuts.
L’arrivée à Paris fut difcile pour Kandinsky. Célébré en Alle-
magne, l’artiste est peu connu en France, à l’exception d’une
poignée d’initiés comme André Breton ou Marcel Duchamp,
lequel admire sa faculté à «transcrire directement la pensée
sur la toile». L’inventeur des ready-made aide les Kandinsky à
trouver un appartement à Neuilly-sur-Seine et à s’acclimater
à cette capitale où l’on ne jure que par Picasso et les surréa-
listes, où l’on se méfe de l’art abstrait, en ignorant superbe-
ment que Kandinsky en est l’un des pionniers. Son ouvrage
fondateur Du spirituel dans l’art n’a d’ailleurs toujours pas été
traduit en français. Kandinsky ne se reconnaît pas dans le
groupe Cercle et Carré fondé par Joaquín Torres García, qui
réunit Léger, Arp, Sophie Taeuber et Mondrian, et pratique,
selon lui, une abstraction trop éloignée du monde sensible.
Ni chez les surréalistes, dont il aime la liberté créative mais
ne supporte pas le dogmatisme, estimant en prime que leurs
œuvres manquent de force.
Apatride, isolé, l’artiste doit donc repartir de zéro à l’âge de
68 ans. Totalement découragé, il est incapable de peindre
pendant les premiers mois de son installation. Puis, il parvient
à reprendre ses esprits et ses pinceaux, aménageant son salon
en atelier. Les toiles qui voient le jour sont radicalement
nouvelles. Adieu la raideur géométrique du Bauhaus,

une menace brune qui se rapproche et qu’il faut fuir, Kandinsky exalte la souplesse de la ligne courbe. Il en explore
les multiples possibilités pour donner naissance à des formes
pendant qu’il en est encore temps, en empruntant biomorphiques semblables à de minuscules cellules observées
au microscope. D’autres évoquent plutôt l’immensité du
l’interstice lumineux au cœur de l’image… cosmos, vu cette fois à travers une lunette astronomique, où

68 Beaux Arts
Beaux Arts 69
exposition / KandinsKy

gravitent d’improbables planètes et satellites. Son imagina-


tion doit ainsi beaucoup aux avancées de la recherche scien-
NiNa parlera daNs soN jourNal
tifque, que Kandinsky suit de près depuis son tout jeune âge,
mais aussi (bien qu’il s’en défende) à ses jeunes amis Jean Arp
d’uNe «Nouvelle jeuNesse» pour évoquer
et Joan Miró. Comme eux, l’artiste crée des fgures en mou- cette période parisieNNe, et l’artiste
vement dans des compositions qui semblent aussi régéné-
rantes pour l’artiste qu’elles sont galvanisantes pour les spec-
lui-même affirmera : «il y a daNs mes
tateurs. Nina parlera plus tard dans son journal d’une
«nouvelle jeunesse» pour évoquer cette période parisienne,
tableaux uN acquiescemeNt à la vie.»
et l’artiste lui-même afrmera haut et fort dans le premier
numéro de la revue XXe siècle : «Il y a dans mes tableaux un
acquiescement à la vie.» Pour Sophie Bernard, commissaire
de l’exposition, «Kandinsky veut faire une abstraction qui
soit l’incarnation de la vie même, en opposition à une abs- vie propre efective, agissante et créatrice.» C’est ce que le
traction désincarnée. Il préfère d’ailleurs au terme d’art abs- public parisien a pu constater dès 1934, quand Kandinsky
trait celui d’art concret.» Car, l’artiste en est convaincu, «avec expose dans les locaux de la revue Cahiers d’art créée par
le temps, on démontrera à coup sûr nettement que l’art “abs- Christian & Yvonne Zervos. Chez Jeanne Bucher aussi, qui
Une fête intime
trait” n’exclut pas la liaison avec la nature, mais qu’au l’aide à s’afrmer sur la scène culturelle française et interna-
Depuis ses débuts,
contraire cette liaison est plus grande et plus intime que ce tionale. Ses peintures voyagent à Stockholm, Londres,
le peintre croit en la vie ne fut le cas dans les derniers temps». Los  Angeles et New York où Alfred Barr, directeur du
autonome des images. Kandinsky est resté fdèle à l’approche sensible et spirituelle MoMA, lors de la fameuse exposition «Cubism and Abstract
Ici, les formes semblent de ses débuts, à cette idée que l’artiste doit suivre son intui- Art» (1936), salue le tournant «organique» qu’a pris son
suivre leur propre logique tion profonde et ses émotions individuelles (ce qu’il nomme œuvre. L’année suivante, c’est la consécration avec une
dans une ambiance sa «nécessité intérieure») plutôt que la logique, et ce afn de rétrospective à la Kunsthalle de Berne. Pour le Jeu de paume,
onirique et étrange
faire «vibrer l’âme humaine». Comme le résumait très juste- l’État français se décide enfn à acquérir l’un de ses tableaux
à souhait.
ment le critique d’art et éditeur Christian Zervos, «ses en 1939 – année de sa naturalisation française –, Composi-
1942, tempera sur carton,
49,2 x 49,6 cm. œuvres sont vécues autant que pensées. La pensée y vit sa tion IX, larges bandes de couleurs franches sur lesquelles
s’anime une multitude de petits organismes déjantés.
Lorsque la guerre éclate et que Paris est occupé, ses compo-
sitions se font de plus en plus cosmiques, hautes en couleur,
euphorisantes, comme s’il refusait de voir le conflit.
Kandinsky a renoncé à émigrer aux États-Unis, malgré l’in-
sistance de son ancien collègue du Bauhaus Josef Albers,
devenu professeur au Black Mountain College. Pas mainte-
nant, alors que son travail commence enfn à être reconnu
en France. Il préfère vivre reclus et s’enfermer dans son
cocon de Neuilly. S’agit-il d’une forme de dénégation ? D’un
optimisme aveugle ? Pour Guy Tosatto, directeur du musée
de Grenoble et co-commissaire de l’exposition, c’est surtout
«une façon de résister au désespoir ; la promesse d’un autre
temps qui s’ouvrira sur un ciel plus radieux». À l’image de son
Bleu de ciel (1940), constellation féerique où planent de drôles
de cerfs-volants bariolés aux formes enfantines et festives.
Ou d’Actions variées (1941), des cotillons, ballons de bau-
druche et éclats de couleurs pastel, dans une ambiance de
carnaval. Quant à Une fête intime (1942), toile au titre éloquent,
elle incarne au mieux le monde intérieur dans lequel s’était
réfugié l’artiste. Mais la réalité fnira par le rattraper. À court
de matériel, Kandinsky doit désormais peindre sur de petits

Mouvement I
Les formes se superposent, se pénètrent,
se fractionnent et se démultiplient dans cet espace
cosmique infni. À n’en pas douter, il s’agit d’une des
toiles les plus éblouissantes de la période parisienne.
1935, huile sur toile, 116 x 89 cm.

70 Beaux Arts
exposition / KandinsKy

Accord réciproque
«Chaque tableau de
Kandinsky est un univers
réel, complet, c’est-à-dire
concret, renfermé en
lui-même et se suffsant
à lui-même : un univers qui,
tout comme l’univers non
artistique, l’uni-totalité
des choses réelles, n’est
qu’en soi, que par soi
et que pour soi», écrivait
le neveu de l’artiste,
le philosophe Alexandre
Kojève.
1942, huile et Ripolin
sur toile, 114 x 146 cm.

formats, carnets de notes, cartons photographiques et autres Domela et Nicolas de Staël. Il meurt moins d’un an plus tard
supports de fortune ; puis en 1943, il lui faut se réfugier à d’une attaque cérébrale, à l’âge de 78  ans. À son chevet,
Rochefort-en-Yvelines quand l’ouest parisien est bombardé. conformément à la tradition russe, Nina a accroché deux
Mais surtout Kandinsky est très afecté par la mort d’Oskar tableaux, Mouvement I, merveilleuse galaxie colorée où gra-
Schlemmer, ancien compagnon du Bauhaus [lire ci-contre], vitent des sphères architecturales peintes en 1935, et Accord
et celle de son amie Sophie Taeuber. La peinture s’assombrit, réciproque, sa dernière grande composition où deux
se fait moins enthousiaste, plus mélancolique. Les titres ensembles géométriques aux formes anguleuses se refer-
aussi. Bleu de ciel a cédé la place à Ténèbres. Épuisé, Kandinsky ment sur des petits cercles regroupés au cœur de l’image.
participe à sa dernière exposition parisienne à la galerie Leurs interprétations sont infnies et chacun peut y projeter
Jeanne Bucher, en janvier 1944, en compagnie de César ses propres émotions. n

un 150e anniversaire fêtÉ à grenoble, à bâle… «Kandinsky – Les années parisiennes (1933-1944)»
jusqu’au 29 janvier • musée de Grenoble • 5, place Lavalette
C’est en 2009, en visitant la rétrospective Kandinsky Le peintre est aussi à l’honneur à Bâle, à la fondation 38000 Grenoble • 04 76 63 44 44 • www.museedegrenoble.fr
Beyeler, qui retrace ses débuts et l’aventure Catalogue sous la dir. de Sophie Bernard • coéd. Somogy /
du Centre Pompidou (qui conserve avec le Lenbachhaus
Musée de Grenoble • 288 p. • 28 €
de Munich et le Guggenheim de New York la majeure du Cavalier bleu (Der Blaue Reiter). Ou comment
«Kandinsky, Marc & Der Blaue Reiter» jusqu’au 22 janvier
partie des œuvres de l’artiste grâce au legs effectué une poignée d’artistes (Kandinsky et Franz Marc fondation Beyeler • Baselstrasse 101 • Riehen / Bâle (Suisse)
par sa veuve Nina en 1976, suivi de celui du fonds en tête, accompagnés de Gabriele Münter, Marianne +41 61 645 97 004 • www.fondationbeyeler.ch
d’atelier en 1980), que le directeur du musée von Werefkin, Alexej von Jawlensky ou August Macke)
de Grenoble Guy Tosatto eut l’idée de consacrer une ont, entre 1908 et 1914 à Munich, exploré de
exposition à la période parisienne de l’artiste, à son nouveaux champs artistiques pour libérer la peinture … et en librairie
goût trop peu abordée. Fait de rapprochements subtils des contraintes de la représentation illusionniste. Kandinsky – Sa vie par Brigitte Hermann
et pertinents, l’accrochage montre comment Kandinsky Divers ouvrages viennent également de sortir à éd. Hazan • 304 p. • 15,30 €
met à plat toutes ses périodes de création passées l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de Kandinsky par Philippe Sers • éd. Hazan • 340 p. • 250 ill. • 65 €
pour inventer, par la grâce d’un vocabulaire plastique celui qui considérait que «la création d’une œuvre, Kandinsky, secret – L’énigme du premier tableau abstrait
inédit, un monde vivant. c’est la création d’un monde». par Andréi Nakov • éd. Les Presses du réel • 382 p. • 24 €

72 Beaux Arts
oskar schlemmer,
l’alter ego
délirant
«Je suis trop moderne pour peindre des toiles.
La crise de l’art me tenaille. Je soufre l’angoisse
plus que je ne peins ! Théâtre ! Musique ! Ma pas-
sion !» écrit fougueusement Oskar Schlemmer
dans son journal en 1925. Théoricien, choré-
graphe, décorateur, peintre, sculpteur et dan-
seur, Oskar Schlemmer (1888-1943) se fit le
chantre de l’interdisciplinarité. Grand ami de
Kandinsky, il fut comme lui un pionnier : là où
son complice alla défricher les voies de l’abs-
traction picturale, Schlemmer, lui, inventa de
nouvelles formes d’expressions corporelles
qui, parallèlement à Dada au Cabaret Voltaire,
aboutiraient à la naissance de la performance.
Kandinsky et Schlemmer participèrent tous
deux à faire du Bauhaus ce haut lieu d’expéri-
mentation avant-gardiste, comme le montre la
grande exposition des Arts décoratifs, à Paris,
où leurs œuvres sont actuellement réunies,
mais aussi le Centre Pompidou-Metz dans une
première rétrospective française consacrée à
Schlemmer. Alternant dessins et lithographies,
le parcours présente ses sidérantes sculptures en
fl de fer et la série des costumes géniaux qu’il
mit au point pour son Ballet triadique (visible sur
YouTube) ainsi que des extraits flmés de ballets
délirants qu’on ne se lasse pas de regarder en
boucle. Où des fgures masquées aux membres
rembourrés ou dotés d’extensions matérielles
comme de longs bâtons, prennent possession
de l’espace en abolissant la frontière entre la
scène et le spectateur.

à voir
«Oskar Schlemmer – L’homme qui danse» jusqu’au 16 janvier
Centre Pompidou-Metz • 1, parvis des Droits de l’Homme
57000 Metz • 03 87 15 39 39 • www.centrepompidou-metz.fr
«L’esprit du Bauhaus» jusqu’au 26 février
musée des Arts décoratifs • 107, rue de Rivoli • 75001 Paris
01 44 55 57 50 • www.lesartsdecoratifs.fr

Le Ballet triadique –Séquence noire, l’Abstrait,


1920-1922 (œuvre détruite, réplique de 1985)
Pièce maîtresse de son Ballet triadique, ce costume incarne
«le triomphe de la forme pure abstraite». Il apparaît à la fn
de ce spectacle qui se déroule selon trois séquences colorées :
jaune burlesque, rose modéré et noir fantastique.

Danse de l’espace, 1927


Les formes chorégraphiques inédites inventées par Schlemmer
infuencent toujours la danse contemporaine.

Beaux Arts 73
Tendance

le retour
du gothique
ou l’art
du macabre

74 Beaux Arts
De frAnkenstein Aux vAmpires Du xxie siècle,
une formiDABle exposition genevoise retrAce
l’histoire De l’imAginAire gothique. voyAge Au
cœur D’un épouvAntABle mouvement, somBre
et trAnsgressif, qui revient hAnter les esprits.

Par Judicaël lavrador

Tony MaTelli
Old Enemy, New Victim
le gothique sait être hideux,
cruel et rebutant, avec la
participation de démons, de
spectres, de bêtes sauvages.
autant de créatures, réelles
ou fctives, qu’on a longtemps
tenues à l’écart d’un monde
raisonnable. Tony Matelli
met en scène, dans ce groupe
de sculptures, des singes
se comportant comme
des hommes. ou l’inverse.
Chassez le naturel…
2007, silicone, fbre de verre,
peinture, acier, poils de yack,
93 x 183 x 61 cm.

Beaux Arts 75
Tendance / le retour du gothIque ou l’art du macabre

Cameron Jamie
Untitled, série Michigan Spook House
Les Spook Houses sont de petits
théâtres des horreurs, improvisés par les américains
lors d’Halloween. Cameron Jamie leur a consacré
une série de photos. où les vampires, les sorcières à
verrues et les monstres de tout acabit ont le beau rôle.
et avec eux, une sorte de joyeuse catharsis collective
conjurant toutes les angoisses sociales et intimes.
2002, photographie.

I
l a fallu se frotter les yeux pour y croire. Que Annie Le Brun, explorant les paysages imagi- qui penche vers la transgression. Les artistes
l’imaginaire gothique, peuplé de spectres naires du roman noir, estime qu’il s’agit d’un contemporains ne sont pas les seuls à en
enchaînés, de ruines envahies par une végé- «moment capital dans l’histoire de la sensibilité reprendre les codes. Le succès populaire de
tation incontrôlable, de statues prenant soudain européenne : là prend naissance un mouvement Twilight ou de Lady Gaga participe de ce retour
vie, de portraits peints qui sortent de leur cadre, irrépressible qui va aller du grand refus roman- en veine d’un imaginaire noir, inquiet, pessi-
hante l’art contemporain contredit les allures tique à l’esprit de démoralisation véhiculé par miste dans une période de crise (des identités,
austères et cliniques héritées des avant-gardes Dada et le surréalisme, et qui n’a pas fni de du vivre-ensemble, du profane et du religieux)
modernes. Au lieu d’être mus par les déductions suspecter tous les lendemains qui chantent.» et dans un monde menacé de tomber en pous-
de la raison et de viser un futur radieux, une Elle avertit : «Imperceptiblement, le discours sière sous les feux du réchaufement climatique.
fopée d’artistes charrient aujourd’hui dans les sur le mal se transforme en discours noir, voix Dans l’éventail assez large de thèmes et motifs
salles blanches et aseptisées des lieux d’expo- longtemps indistincte, longtemps confuse, gothiques (la mort et les fantômes, la ruine et les
sition des idées noires, des créatures ambiguës transmettant non pas ce qui se dit mais ce qui se châteaux médiévaux, la chute des fgures incar-
et des paysages troubles, comme s’ils s’enfon- fomente au fond de l’Homme.» nant l’autorité et tenues au devoir de transmis-
çaient à nouveau dans ces cryptes et forêts sion, le surnaturel), les artistes en prélèvent
obscures que les auteurs de récits gothiques un train fantôme au musée certains plutôt que d’autres, avec une tonalité
visitaient en tremblant à la fn du XVIIIe siècle. Si les artistes se risquent volontiers dans ces plus ou moins sérieuse ou parodique, avec une
Les pionniers du genre, Horace Walpole et son ténèbres, c’est d’abord parce que leur travail traduction plus ou moins littérale de son esthé-
Château d’Otrante, Ann Radclife et l’Italien ou le tend à rendre visible l’invisible. Et puis le tique et de ses atours. Mais il y a bien un vieux
Confessionnal des pénitents noirs (réunis avec gothique a cette propension à combiner ce qui fond gothique dans l’art d’aujourd’hui. Qu’on
d’autres dans l’anthologie Romans terrifants, est censé, selon l’ordre des choses et de la raison, trouve d’abord dans la forme labyrinthique et
publiée dans la collection Bouquins des éditions rester nettement séparé. La science et la folie, caverneuse que peuvent prendre les installa-
Robert Lafont), ont planté une graine de mau- les vivants et morts, le masculin et le féminin se tions de Mike Nelson ou de Gregor Schneider.
vaise herbe qui poussera un peu partout. Dans croisent et s’entrecroisent aussi dangereusement À la biennale de Venise, en 2001, ce dernier
les Châteaux de la subversion (éd.  Gallimard), que jouissivement. Le gothique est un genre aménageait un dédale de corridors et d’étroits

76 Beaux Arts
Ci-Contre
sturtevant
The House of Horrors
le gothique a une veine foraine et ludique.
C’est son côté mascarade. le train-fantôme
de sturtevant – dans lequel on a pu faire
un petit tour mémorable au musée d’art moderne
de la ville de Paris – l’incarne à merveille.
2010, installation.

GorDon matta-Clark
Splitting
Cette œuvre tranchante de matta-Clark
rejoue, pour de vrai cette fois,
la dernière scène, apocalyptique,
de la nouvelle d’edgar allan Poe,
la Chute de la maison Usher (1839).
1974, photographie d’époque
de la maison coupée par l’artiste.

escaliers conduisant à une cuisine, à une salle de


bains ou à un salon fort domestiques, mais où,
Au lieu d’être mus
derrière une porte ou pendus au plafond, des pAr lA rAison et de viser
cadavres pointaient leur visage blafard et leur
corps de mannequin inanimé. La visite de l’ex-
un futur rAdieux, une
position était celle d’une maison du crime ; le flopée d’Artistes chArrient
décor, celui d’un règlement de comptes en
famille. L’endroit n’était autre que la demeure
Aujourd’hui des idées
dont l’artiste hérita à la mort de son père en 1985 noires dAns les sAlles
et qu’il n’a eu de cesse de transformer en œuvre,
dans un exercice de deuil et de catharsis des
blAnches et Aseptisées
DaviD altmejD tensions familiales. des lieux d’exposition.
Le Grand Théâtre Dans le roman noir, les secrets qui, en remon-
théâtre : le mot revient tant lentement à la surface, minent la vie des découvre que la sœur de ce dernier a été enter-
sans cesse dès qu’on enfants sont pour la plupart des secrets de rée vivante. Et, avec elle, d’incestueux secrets.
aborde le gothique,
famille. Paul McCarthy ne s’y est pas trompé en Or, Madeline sortant de son caveau, la révéla-
qui se fait volontiers
extravagant. À l’image de intitulant Cultural Gothic un groupe très déran- tion du hideux secret fait s’écrouler la demeure.
ce corps dramatiquement geant de sculptures animées représentant un La violence rentrée de la vie domestique, en
perforé et habité par père près de son jeune fls, pendant que celui-ci même temps que le dénouement de la nouvelle
d’autres corps et d’autres a une relation avec une chèvre. Une scène détra- de Poe, est l’un des ressorts de la Splitting House
têtes (décapitées ?). quée sous des airs de normalité (chacun des pro- de Gordon Matta-Clark. En 1974, l’Américain
le gothique, au vrai, tagonistes ayant l’air convenable en tout point), fendait en deux un pavillon. La photographie
c’est le sentiment de la
qui rappelle les tourments des membres de la qui documente son geste évoque de manière
présence du double.
2016, technique mixte,
Maison Usher. Dans cette nouvelle d’Edgar Poe, frappante l’écroulement ou, selon le titre de
441,3 x 137,2 x 106,7 cm. le narrateur visite un ami par un soir d’orage et Poe, la Chute de la maison Usher.

Beaux Arts 77
Dans les espaces d’exposition ou en plein air, Il arrive que le gothique ouvre la boîte de GreGory Crewdson
Rachel Whiteread aime à implanter une ou plu- Pandore et révèle, avec jubilation, sa laideur Untitled (Ophelia), série Twilight
sieurs maisons qui étoufent le feu des désirs de pour mieux en rire. C’est son côté carnava- Corps fottants et livides dans des décors ordinaires de
pavillons de banlieue cossus : Gregory Crewdson,
leurs habitants. Volumes pleins, en ciment ou en lesque, son côté danse macabre. Cameron
bien avant la mode des revenants dans les séries télé,
plâtre, elles sont les moules, l’empreinte de Jamie, dans les années 2000, mena un long pro- a remis à fot l’idée que l’univers domestique est un
pièces de maison de l’époque victorienne, avec jet autour des représentations grotesques du tombeau rempli d’âmes déchues.
leur cheminée et leurs larges fenêtres. Les sculp- diable au cours de rituels populaires et folklo- 2001, photographie.
tures, souvent intitulées Ghost, sont des négatifs riques aux États-Unis ou en Autriche. L’artiste
d’habitations rendues inhabitables. Mais aussi américain livra une série de photographies
des monuments massifs (des pierres tombales documentant les Spook Houses, ces maisons Kranky Klaus, consista à flmer le cortège sata-
XXL) retournant l’intérieur (la vie intérieure) hantées ou décorées comme telles au moment nique, déflant chaque année (le 6 décembre)
vers l’extérieur, sans rendre rien pourtant plus d’Halloween par des gens qui se griment eux- dans un village près de Salzbourg, et à reproduire
pénétrable, plus transparent. mêmes en morts-vivants. Un autre projet, les efgies du diable qui y sont tracées.
Loin de cette démarche anthropologique, les
fgures d’êtres mutants ou hypnotiques (reje-
les figures d’êtres mutants ou hypnotiques tons lointains du Frankenstein de Mary Shelley
ou de l’Ève future de Villiers de l’Isle-Adam,
des frères chapman ou de matthew monahan incarnent hérauts du genre fantastique, voire de la
un gothique coloré et psychédélique, facétieux science-fction), laissées en liberté par Francis
Upritchard, David Altmejd, Tony Matelli, sans
mais pas moins rétif aux bonnes mœurs. oublier les frères Jake & Dinos Chapman ou

78 Beaux Arts
Ci-dessous à gAuChe
JAke & diNos ChApMAN
Vue de l’exposition «Back to the End of the
Mike NelsoN Beginning of the End again»
I, Imposter Chez les frères Chapman, le pire du gothique se teinte
Avec Mike Nelson, de politique. la guerre et ses atrocités, les rituels des
l’espace d’exposition sociétés secrètes racistes sont mis en scène sous des
devient une crypte, un atours horrifques.
souterrain, un labyrinthe 2016, galerie Kamel Mennour, Paris.
où le plus diffcile
n’est plus de réussir Ci-dessous

à y entrer (à cause Portrait de Jean-luc Verna


des fles d’attente), Jean-luc Verna a cette fbre gothique qui lui vient de la
mais d’en sortir. diva punk siouxsie, de la véhémence baroque, de la
2011, vue de l’installation beauté tatouée et percée, de la vie, de la mort, de
au Pavillon britannique l’androgynie, du désir d’échapper à la norme, au genre.
de la biennale de Venise. 2016, photographie.

Matthew Monahan, incarnent un gothique de Jean-Luc Verna (à voir jusqu’au 26 février au


coloré et psychédélique, ludique et régressif, Mac  Val de Vitry-sur-Seine) ou «Le voyage frankenstein revient sur
facétieux mais pas moins rétif aux bonnes intérieur» (conçue par Alexis Vaillant en 2006 sa terre natale, le lac léman
mœurs. Ce que le genre est de toute façon. S’il à la fondation EDF), ou encore The House of
plaît autant aux adolescents qui se mettent du Horrors d’Elaine Sturtevant, une pièce en forme Au prétexte que c’est à Genève, sur les rives
du lac Léman, que Mary Shelley donna naissance
noir aux lèvres, cultivent un teint pâle et mor- de train fantôme entrée dans la collection du
à Frankenstein il y a deux cents ans, puis qu’en 1819,
bide, digne d’un vampire, et surtout une allure musée d’Art moderne de la Ville de Paris, se
John Polidori, médecin personnel et compagnon
androgyne, c’est parce que le gothique est le plongent dans une obscurité savamment de voyage de Lord Byron, écrivit The Vampyre,
genre de l’indéfnition. Ni homme ni femme, ni orchestrée. Toutes placent (ou plaçaient) leurs court récit ouvrant la porte des ténèbres à Bram Stoker
riche ni pauvre, le goth refuse de grandir, de s’ins- œuvres sous la lumière obscure des clairs de et à son Dracula, le musée Rath convoque une
taller, d’appartenir à une classe plutôt qu’à une lune, des éclairs rougeoyants ou des crépuscules ténébreuse assemblée témoignant de la présence
autre, de travailler (48 heures ou 35 heures par incendiaires. sourde mais insistante de l’imaginaire gothique dans
semaine), d’être un bourgeois établi ou un entre- Le gothique, autant que ses thèmes, ses morts- l’art du XVIIIe siècle (avec une série d’estampes de
preneur qui réussit. vivants, ses stigmates ou ses blessures, apporte Goya) à nos jours (à travers, par exemple, les tableaux
aussi ceci : une manière excitante de toucher le de l’Américaine Dana Schutz). On ne peut que se
antisocial spectateur au tréfonds de son âme, de ses réjouir de cette lugubre initiative, reliant par un fl rouge
Tous ces héros fin-de-siècle et décadents (sang) l’art contemporain à l’art romantique.
secrets, de ses tourments en le plongeant dans
«Le retour des ténèbres – L’imaginaire gothique
exècrent la réussite sociale, voire la vie sociale. ses plus intimes hantises et dans ses fantasmes depuis Frankenstein» jusqu’au 19 mars • musée Rath
Ils préfèrent se retirer à l’écart du monde, dans les plus sombres. L’art comme miroir noir, où Place Neuve • Genève (Suisse) • +41 22 418 33 40
l’ombre plutôt que dans la lumière. C’est pour- l’on se découvre si corrompu, puis si innocent, http://institutions.ville-geneve.ch/fr/mah
quoi des expositions, comme la monographie mais jamais seul dans cet état-là. n

Beaux Arts 79
portfolio

la Bhagavadgita
le livre des splendeurs infinies
le plus grAnd texte de l’hindouisme n’AvAit jAmAis été illustré in extenso. une édi-
trice frAnçAise l’A fAit : diAne de selliers, qui vient de redouBler lA BeAuté de cette
épopée mystique en lA sertissAnt de joyAux de lA peinture clAssique indienne. suBlime.
par natacha nataf

C
œur battant du Mahabharata, épopée traduction. Cristallisant tout le sel de la religion
monumentale composée autour du védique (hindouisme ancien), le dialogue mys-
IIe siècle avant notre ère, la Bhagavad- tique engagé avec Krishna le Bienheureux
gita, ou «Chant du bienheureux», est l’un des mènera peu à peu Arjuna sur la voie de l’ascèse
textes les plus sacrés de l’hindouisme. C’est aussi et du yoga – le détachement dans l’action prôné page de droite

l’œuvre littéraire indienne la plus traduite et la par Krishna se dit en sanskrit karmayoga. Indif- Visvarupa
plus lue au monde. Que chante-t-elle ? L’histoire férent au bénéfce de ses actes (déterminant le Visvarupa est le nom donné à cette manifestation
d’Arjuna, un prince guerrier de la famille royale cycle des renaissances), le vaillant archer porte cosmique hallucinante du corps de Krishna, qui apparaît
des Pandava, ravagé à l’idée de livrer bataille au enfn un regard égal sur toutes choses. Il a écouté au chant Xi de la Bhagavadgita : «regarde ici le monde,
du vivant à l’inanimé, qu’une seule partie de mon corps
clan des Karauva, ses proches parents. Par l’enseignement secret de son ami Krishna et est
contient tout entier. découvre là tout ce que tu désires
chance, son cocher et ami proche n’est autre que à nouveau prêt à combattre. «Me voici debout, voir. […] Je te donne la vision divine : admire ma souveraine
Krishna, qui va se révéler à lui sous la forme sou- libéré de mes doutes. Je ferai ce que tu as dit», puissance.» grouillante mais strictement hiérarchisée,
veraine du dieu Vishnu – garant de la stabilité du conclut vaillamment celui qui deviendra le noble cette représentation rajasthani de l’omniforme entremêle
monde – pour lui rappeler qu’il ne peut se sous- héros du Mahabharata. La Bhagavadgita est des divinités et êtres célestes dans la partie haute
traire à son devoir. En l’exhortant à ne jamais l’histoire de cette révolution intérieure. «La Gita de son corps immense, jusqu’au ventre où fgure Vishnu
«plus s’attacher à rien ni personne» s’il veut deve- n’est pas seulement ma Bible et mon Coran, elle étendu sur le serpent d’Éternité [lire page suivante].
animaux, hommes, végétaux et démons occupent,
nir maître de sa pensée et honorer sa caste. «Il est plus encore : elle est ma mère», disait Gandhi.
en s’imbriquant, tout l’espace de ses jambes, et l’on
ne s’agit pas de renoncer à agir, mais d’agir dans Et le père de la nation indienne d’ajouter : «Que reconnaît, brandis dans chaque main, les attributs
le renoncement», explique dans son introduc- la Gita vous soit une mine de diamants, comme de Vishnu, dieu suprême dont Krishna se révèle l’avatar :
tion Marc Ballanfat, professeur de philosophie elle l’a été pour moi ; qu’elle soit toujours votre la feur de lotus, la conque le disque et la massue.
indienne à Paris-IV et auteur de cette très belle guide et amie sur le chemin de la vie.» n école du Rajasthan, vers 1850, gouache et or sur papier.

80 Beaux Arts
portfolio / la Bhagavadgita

«je suis le goût de l’eau. la lumiÈre de la lune et du soleil.


la syllaBe des savoirs sacrÉs. […] la force du fort sans
la violence du dÉsir ni de la passion.» chant Vii

Vishnu reposant sur le serpent Ananta


Dans une longue litanie de splendeurs dont il est la source
inépuisable, Krishna cite au chant X : «Je suis le désir
d’engendrer, le Vasuki des serpents, l’Ananta des cobras,
le Varuna des êtres aquatiques…» Cette délicate miniature
illustre l’Ananta (le «Sans fn») des cobras : un serpent
à mille têtes sur lequel repose Vishnu, dieu reconnaissable
à sa peau bleue, ses quatre bras, sa tiare dorée, et sa
divine épouse Lakshmi, incarnant la Beauté, à ses pieds.
Avec Brahma et Shiva, Vishnu est l’un des trois dieux
suprêmes de l’hindouisme : le garant de la stabilité
de l’Univers qui, dans son sommeil, pense les prochaines
ères cosmiques. L’Ananta, dit aussi Serpent vestige,
veille ici jalousement sur son repos, en se déployant
à la manière d’un dais. Pour renforcer cette impression
enveloppante, le peintre a choisi de placer la scène dans
un cercle ovoïde évoquant l’œuf d’or, matrice de l’Univers
fottant sur les eaux primordiales.
école pahari, Guler ou Kangra, vers 1770-1775,
gouache et or sur papier.

PAge De Droite

Cinq ascètes
Chef-d’œuvre de la peinture moghole, ce portrait
de groupe met en scène cinq ascètes méditant en silence
à l’écart de la ville, sous de délicates frondaisons.
Le corps nu, recouvert des cendres rituelles, et le regard
absent, comme tourné vers lui-même, ils semblent
indifférents au feu qui s’éteint. L’un d’eux, au centre,
est assis sur une peau d’antilope, enveloppé par une
incroyable chevelure, qu’il n’a jamais coupée à l’instar
de ses ongles, pareils à des griffes. ils ont renoncé à tout
et ne possèdent rien, sinon un rosaire, une gourde,
un vase à eau lustrale, une conque… Attribut de Vishnu,
cette dernière, venue des eaux primordiales, évoque
l’origine du monde par sa spirale interne, et le son qu’elle
produit n’est autre que la syllabe sacrée Aum. «Un bonheur
sans égal comble l’ascète à l’esprit apaisé ; la passion
s’est éteinte, toute tache s’en est allée : il vit en l’absolu»,
lit-on au chant Vi de la Bhagavadgita.
école moghole, page de l’album de Saint-Pétersbourg attribué
à Govardhan, vers 1630, gouache et or sur papier.

82 Beaux Arts
Beaux Arts 83
portfolio / la Bhagavadgita

Krishna conduit le char d’Arjuna


Fait rare, Krishna apparaît ici simultanément
en cocher et en avatar de Vishnu, doté de quatre bras
et de divins attributs. il accompagne son ami, le prince
guerrier Arjuna, qui doit livrer bataille contre les Karauva,
ses cousins, armé de l’arc gandiva. Cette arme infaillible
est l’œuvre de Brahma, dieu créateur de l’Univers.
Mais une autre divinité majeure l’escorte : Hanuman,
le dieu singe, qui fgure sur la bannière de la famille royale
pandava. Cette peinture fait se croiser les deux plus
grandes épopées indiennes puisque Hanuman est
le compagnon fdèle de rama dans le Ramayana, l’autre
récit fondateur de l’hindouisme : surpuissant, le dieu singe
y déplace une montagne aux mille herbes médicinales
afn de porter secours à rama et les siens dans le combat
titanesque qui les attend. On la voit ici dépasser du cadre
de l’image, comme un signe protecteur.
école pahari, Bilaspur, vers 1700-1720, gouache et or
sur papier.

«fais de toi-même
ton appui.
et dompte alors,
guerrier au Bras
puissant, ce
redoutaBle ennemi
qui prend la forme
du désir.» chant iii

pAge de drOiTe

La Ganga suit le char de Bhagiratha


«Je suis le crocodile monstrueux au milieu des poissons ;
de tous les feuves, c’est moi le gange. Je suis l’origine
des mondes, leur durée et leur fn.» Ordonnateur du temps
le fruit d’une extraordinaire recherche et germe du futur, Krishna ne connaît pas de terme
à ses splendeurs divines. La preuve avec cette saisissante
Diane de Selliers n’édite qu’un livre par an, mais c’est à chaque fois un chef-d’œuvre. image de la ganga – ou gange céleste –, enfn libérée
Le principe est simple : illustrer les plus grands textes de la littérature, antique, du chignon d’ascète de Shiva (troisième dieu suprême ;
médiévale ou moderne, par les plus grands peintres. L’iconographie de ce nouvel opus celui, régénérateur, de la fn des temps) qui entravait
a nécessité pas moins de deux années de recherche. Issues de collections privées son cours. Le feuve sacré se déverse sur Terre, charriant
et de musées du monde entier, les 92 peintures (du XVIe au XIXe siècle) qui l’illustrent dans ses fots purifcateurs une infnité de créatures.
ont été réunies par Amina Taha-Hussein Okada, conservatrice générale au musée Témoins de ce prodige, des rsi (sages voyants mythiques)
Guimet. Laquelle a non seulement relevé cet incroyable déf, mais a décrypté aussi joignent leurs mains en signe d’hommage. Le char qui
chaque image dans des commentaires clairs et érudits, absolument passionnants. précède les méandres du feuve n’est pas celui d’Arjuna,
La Bhagavadgita illustrée par la peinture indienne traduit du sanskrit et annoté par Marc Ballanfat, mais celui d’un héros du Ramayana qui libéra le gange
textes par M. Ballanfat & A. Taha-Hussein Okada • éd. Diane de Selliers • 336 p. • 195 € pour laver les crimes de ses ancêtres.
Inde méridionale, Mysore, vers 1825, gouache et or sur papier.

84 Beaux Arts
Beaux Arts 85
exposition / musée d’Orsay / jusqu’au 5 mars

frédéric bazille
dandy mélancOlique
peu connAissAient ce peintre à lA vie Brève qui pourtAnt frÉ-
quentA Monet, renoir, ZolA… rêvAnt coMMe eux d’un Art
rÉsoluMent Moderne. s’AdonnAnt à lA peinture de plein Air.
suscitAnt lA polÉMique Au sAlon de 1870 Avec une scène d’été
Aux hoMMes à deMi nus. sAns conteste, une (re)dÉcouverte !
par daphné bétard

i
l a contribué à l’émergence de l’impression- protestante montpelliéraine) qui choisit de
nisme, soutenu Monet, inspiré Cézanne, devenir peintre contre l’avis de ses parents.
mais il a pourtant bien failli tomber dans Tout a commencé chez Alfred Bruyas, mécène
l’oubli. Mort tragiquement à l’aube de ses 29 ans et collectionneur, voisin et ami de la famille
lors de la guerre franco-prussienne, Frédéric Bazille. Dans son hôtel particulier, le jeune Fré-
Bazille (1841-1870) n’a pas eu le temps de s’épa- déric découvre, ébahi, les œuvres de Delacroix
nouir dans la grande aventure de la peinture et de Courbet dont il grave à jamais dans sa
moderne, sur laquelle son ombre continue de mémoire la Rencontre (tableau désormais intitulé
planer tel un lointain souvenir. Sans le recon- Bonjour, monsieur Courbet), où des fgures réalistes
naître, vous avez forcément remarqué son élé- ont été intégrées au paysage. C’est décidé, il sera
gante silhouette de dandy mélancolique dans artiste. Prétextant un doctorat de médecine
les expositions parisiennes à l’afche – c’est lui, (qu’il abandonne assez vite), il quitte son Mont-
le grand gaillard en pantalon à carreaux domi- pellier natal pour gagner la capitale en 1862. Il y
nant d’une tête ses camarades Zola, Renoir et rencontre le Tout-Paris culturel, Baudelaire,
Monet dans le fameux portrait de Fantin- Verlaine, Zola, Nadar, Fantin-Latour et aussi
Latour Un atelier aux Batignolles présenté au Manet. Il intègre l’atelier de Charles Gleyre, rue
musée du Luxembourg ; c’est encore lui étendu de Vaugirard, où il rencontre de jeunes étudiants
de tout son long au premier plan du Déjeuner qui comme lui rêvent d’une peinture radicale-
sur l’herbe de Monet, toile inachevée dont l’es- ment nouvelle, libérée des carcans de l’acadé-
quisse conservée compte parmi les chefs- misme du Salon et des Beaux-Arts. Ils ont qua-
d’œuvre de la collection Chtchoukine révélée siment le même âge, s’appellent Renoir, Sisley,
actuellement à la fondation Vuitton. Monet, Edmond Maître. Avec ses amis, Bazille
Souvent relégué dans l’ombre de ses camarades, part sur les traces des peintres de Barbizon
Bazille apparaît enfn en pleine lumière dans pour s’adonner à la peinture de plein air. Puis
une rétrospective qui insiste sur le caractère sur celles de Boudin, le long des côtes nor-
novateur de son œuvre. Et retrace l’itinéraire mandes, où Monet réalise quantité de paysages
non d’un artiste bohème mais d’un enfant gâté, que Frédéric admire et accroche dans le petit
fls de bonne famille (issue de la bourgeoisie atelier qu’ils vont louer un temps ensemble.

Scène d’été
L’artiste a planté son chevalet en pleine nature, au bord du Lez, pour capter sur le vif l’atmosphère d’une chaude
journée d’été. L’attention portée à restituer les sensations de l’air, les effets de la lumière ou de l’eau sur les corps,
fait davantage appel aux sens du spectateur qu’à son intellect. C’est une des grandes forces de Bazille.
1869-1870, huile sur toile, 160 x 160,7 cm.

86 Beaux Arts
exposition / frédéric bazille

Autoportrait à la palette Bazille commence à travailler sur le motif, avec


Concentré, le peintre jette un regard de biais non au spectateur une première réussite, la Robe rose, toile pour
que nous sommes mais à un miroir réféchissant son image laquelle il fait poser sa cousine Thérèse de dos
afn d’être le plus précis, le plus juste possible. Une façon
sur l’une des terrasses du domaine de Méric, la
élégante de reprendre à son compte le fameux autoportrait
d’artiste, exercice qui s’est répandu depuis le XVIIe siècle.
résidence d’été de la famille dominant le village
1865, huile sur toile, 108,9 x 71,1 cm. de Castelnau. Une harmonie de roses orangés
traduit la douceur d’une fn de journée d’où
émane un sentiment de calme et d’étrangeté.
CI-dessoUs
L’Atelier de Bazille, dit l’Atelier de la rue La Condamine Mais si Monet se montre prolixe, Bazille, lui, est
La bande à Bazille au grand complet : edmond Maître un peu trop dilettante. Grand mélomane, il ne
au piano, Manet, facilement identifable grâce à sa barbe rate pas une sortie à l’Opéra, dans les salles de
rousse, en compagnie de Zacharie Astruc, parle au grand concert et théâtres parisiens. Et bientôt son ami
Bazille (peint ici par Manet), palette à la main, tandis lui reproche de se disperser. Il est temps, main-
que Renoir (avec qui il partage l’atelier) et Monet discutent tenant que ses parents ont accepté sa carrière de
à gauche du côté de l’escalier. peintre, de passer à la vitesse supérieure et de se
1869-1870, huile sur toile, 98 x 128,5 cm.
confronter à l’épreuve du jury. C’est ainsi que,
pour sa première participation au Salon en 1866,
il expose une Nature morte aux poissons, de facture
libre, qui fait peu de vagues alors que triomphe
Monet avec sa Dame à la robe verte. Bazille n’a pas
dit son dernier mot et poursuit ses recherches.
Lors de son séjour au mas de Méric, il se lance
dans une toile grand format qu’il achèvera dans

88 Beaux Arts
Jeune femme aux pivoines
L’identité du modèle (probablement le même que pour son tableau intitulé la Toilette, où il ne jouait qu’un second rôle) n’est pas connue, mais son regard grave et déterminé est, lui, inoubliable.
Hésitant entre la scène de genre et le portrait, Bazille apporte un soin particulier aux détails, multipliant les variétés de feurs, preuve de sa maîtrise technique de la peinture à l’huile.
Printemps 1870, huile sur toile, 60 x 75 cm.

son nouvel atelier de la rue La Condamine, les efets et contrastes de la lumière, la plénitude maîtrisée, elle entraîne l’œil du spectateur
aux Batignolles. Considéré comme son chef- de l’atmosphère. Ce qui n’échappe pas à Zola. Le depuis la robe claire du modèle féminin installé
d’œuvre, la Réunion de famille est accepté au Salon célèbre écrivain et critique estime que la pein- à l’ombre jusqu’au point d’eau pour le perdre
de 1868, alors que les paysages de Monet sont, ture de Bazille «témoigne d’un vif amour de la au loin dans la lumière éblouissante du village
cette fois, refusés car trop audacieux. Il s’agit vérité», ajoutant : «On voit que le peintre aime aux tons ocre. Au Salon, Puvis de Chavannes
d’un tableau panoramique, à la mise en scène son temps, comme Claude Monet, et qu’il pense et Berthe Morisot le trouvent merveilleux,
photographique un peu figée, dans lequel qu’on peut être artiste en peignant une redin- mais, une fois de plus, Bazille ne déclenche pas
chaque fgure est traitée comme un portrait à gote.» Mis à part ce commentaire encourageant, les passions. Il lui faut attendre l’édition sui-
part entière, dont un autoportrait ajouté au der- le tableau est peu remarqué. Qu’importe ! vante, celle de 1869 où il présente Scène d’été,
nier moment au second plan. Excepté son père Requinqué par cette première reconnaissance, dans laquelle se baignent, se reposent ou s’en-
qui regarde au loin et deux cousins absorbés Bazille se rend en été 1868 à Méric, où son travail traînent à la lutte en pleine nature des person-
ailleurs, tous les yeux sont rivés sur le spectateur s’avère des plus féconds. Il réalise le Pêcheur à nages masculins à moitié nus.
de l’œuvre ou, si l’on adopte le point de vue de l’épervier, un homme nu ofrant au regard ses Dans ce grand format carré jouant des contrastes
l’artiste, sur l’auteur du tableau en personne, fesses rebondies et musclées, ainsi que la beau- entre l’ombre et la lumière, les maillots de bain
comme si ses modèles l’interrogeaient de coup plus sage mais non moins troublante rayés apportent des touches de couleurs vives
concert sur la fnalité de son art. Mais la force de Vue de village. Sorte de remake de la Robe rose, contrastées et transforment le traditionnel nu
l’œuvre tient surtout à sa propension à traduire dans une version cependant beaucoup plus académique en une fgure moderne. Il ne fait

Beaux Arts 89
exposition / frédéric bazille

Portraits de la famille, dit la Réunion de famille œuvre», ajoute-t-il. Ce tableau a donné en efet
La propriété à Méric, ses allées de pins, ses terrasses dominant beaucoup de fil à retordre au peintre, qui
le village, ont inspiré au peintre ses tableaux les plus oniriques. explique dans une lettre à Edmond Maître dialogue entre bazille,
L’artiste s’est ajouté au milieu des siens au dernier moment,
l’avoir conçu dans la douleur et être «dans un cÉzanne, monet, courbet…
comme s’il se sentait à l’étroit au sein de cette famille opulente,
enrichie grâce à l’exploitation terrienne et la fnance.
moment de découragement profond». Sa peine Pour retracer la brève mais prometteuse carrière
1867-1868, huile sur toile, 152 x 230 cm. n’aura pas été vaine. Au Salon de 1870, le tableau de Frédéric Bazille, le musée d’Orsay (après le
suscite une avalanche de commentaires – posi- musée Fabre de Montpellier, où l’exposition fut d’abord
tifs ou négatifs, mais surtout excessifs – faisant présentée) fait dialoguer ses œuvres avec celles
page de droite
du jeune homme l’un des peintres les plus pro- de ses contemporains (Puvis de Chavannes, Cézanne),
La Tireuse de cartes
metteurs de cette nouvelle tendance avant- ses amis (Manet, Monet, Renoir, Sisley, Fantin-Latour)
absorbée par son activité, elle ne nous prête pas la moindre et inspirateurs (Delacroix et Courbet), selon des
gardiste de l’art qui a le vent en poupe. «Je suis
attention. La Tireuse de cartes témoigne du goût prononcé rapprochements subtils qui permettent de comprendre
de Bazille pour les cadrages serrés, les contrastes entre
lancé et tout ce que j’exposerai dorénavant sera
les enjeux plastiques de l’époque. S’il faut saluer
ombre et lumière dessinant les formes, les mises en scène regardé», confe-t-il à son frère Marc. Il n’en
le remarquable travail de restauration des œuvres,
simples et silencieuses, où le temps semble suspendu. aura pas le temps. il est toutefois regrettable que les commissaires
Vers 1869-1870, huile sur toile, 61 x 46 cm. Un mois après qu’a éclaté la guerre franco- n’aient pas inclus (au moins dans le catalogue)
prussienne, en août, Bazille choisit soudaine- les recherches menées par Michel Schulman, expert
ment de s’engager dans le corps des zouaves, le de l’artiste et auteur de son catalogue raisonné,
aucun doute, Cézanne s’en est inspiré pour plus exposé – les raisons précises de ses moti- qui a apporté nombre de précisions essentielles
concevoir sa série de baigneurs, souligne Paul vations demeurent mystérieuses. Ses amis ten- sur le corpus de son œuvre et propose d’attribuer
Perrin, l’un des commissaires de la manifesta- tent de l’en dissuader, en vain. «Pour moi, je suis à Bazille quelques nouveaux travaux, notamment
tion. Selon lui, c’est «une des œuvres les plus per- bien sûr de ne pas être tué ; j’ai trop de choses à un très séduisant (et convaincant) portrait de Verlaine.
sonnelles de l’artiste», une «ode à la gloire d’un faire dans la vie», déclare-t-il la veille de son pre- «Frédéric Bazille (1841-1870) – La jeunesse
de l’impressionnisme» jusqu’au 5 mars
hédonisme homosocial, sinon homoérotique». mier et dernier assaut. Frédéric Bazille meurt musée d’Orsay • 1, rue de la Légion d’Honneur
«Et c’est sans doute parce qu’elle est un aveu trop sous le coup des balles allemandes sans avoir pu 75007 Paris • www.musee-orsay.fr
évident de ses désirs profonds de liberté que fêter son vingt-neuvième anniversaire. La pre- Catalogue • éd. Flammarion • 304 p. • 45 €
✶ Hors-série Beaux Arts éditions • 66 p. • 9,50 €
Bazille s’entrave lui-même d’une contraignante mière exposition impressionniste dont il avait
discipline formelle sans équivalent dans son rêvé aura lieu quatre années plus tard. Sans lui. n

90 Beaux Arts
Beaux Arts 91
exposition / la Maison Rouge / jusqu’au 22 janvier

92 Beaux Arts
hervé di rosa
super-héros
de l’art modeste
le peintre, BiBeronné Aux comics, Au rock et Au
punk, compile depuis toujours des oBjets «sAns
grAnde vAleur mArchAnde mAis À forte plus-
vAlue émotionnelle». une collection vAgABonde
À l’imAge de son Art, protéiforme et prolifé-
rAnt, dont lA mAison rouge fAit le portrAit.

Par vincent bernière

Mafalda, La Chose, Pikachu, Dora l’exploratrice, Géo Trouvetou, Homer Simpson,


Monsieur Patate, le Marsupilami et consorts, toutes fgurines de la culture populaire
collectionnées depuis quarante ans par Hervé Di Rosa.
exposition / Hervé DI rosa

16 expositions en une salle de la maison rouge, ou la réunion en images de l’histoire du musée




➊ logo du miam d’étienne robial


➋ copie d’une peinture de picabia
➌ dessin de milan kunc
➍ tapisserie Elvis de donald paterson
➎ détournement d’affche de cinéma par guy brunet
➏ stephan, aldo et patricia biascamano
➐ affche peinte à la main au ghana
➑ prix miam miam glouglou
➒ vins sélectionnés avec étiquettes d’artistes

I
l y a comme un petit goût de revanche dans peint dans les sous-sols de la Maison rouge. sait. On est ambigus, on est superfciels, on n’est
l’exposition «Plus jamais seul – Hervé Di Rosa Di Rosa sait aussi l’importance de la documen- pas.» À l’époque, son père travaille à la SNCF et
et les arts modestes» présentée à la Maison tation. Depuis ses débuts, son œuvre a donné sa mère est femme de ménage. Le jeune homme
rouge, à Paris. Sa base-line est révélatrice à plus lieu à la publication de plus de 150 ouvrages. a grandi dans le Quartier Haut, avec les autres
d’un titre. Comme les groupes de rock, les jour- Quel autre artiste français vivant pourrait en familles d’immigrés italiens. Pour un garçon qui
naux alternatifs et les révolutions, Di Rosa a dire autant ? Reste que sa peinture fut souvent n’a pas accès à l’art de son temps – la décentrali-
toujours fonctionné en bande. Il vit depuis son vilipendée. Le magazine ArtPress qualifait son sation n’a pas encore fait son œuvre, Beaubourg
enfance entouré de tous ses amis : Tif et Tondu, travail de «pipicacaboudin» en 1982. Catherine n’existe pas, Paris est à dix heures de train –, la
Malabar, maître Yoda, les Shadocks, la Vache qui Millet, trente-cinq ans plus tard, écrit, dans un seule possibilité de voir des images, c’est de se
rit, et Peter Parker. Alan Moore, le Groland : «Si numéro spécial, que «les Arts modestes, ce plonger dans les journaux, Spirou, Tintin et Pif.
je lis une bio de Tony Blair, à la fn je ne sais tou- concept souple et vagabondant imaginé par Plus tard, Di Rosa en fera la matrice de son art
jours pas qui c’est. Mais je vis avec Hannibal Di Rosa […], marque une étape importante de dans un geste pictural maintes fois commenté :
Lecter et le magicien d’Oz.» Comme le scénariste l’histoire de l’art moderne et contemporain». la Figuration libre. Il voit pour la première fois
anglais, Hervé Di Rosa sait bien que l’histoire de Di Rosa, un artiste conceptuel ? Pas vraiment. une œuvre originale, un collage de Matisse inti-
l’art est une fction. Aujourd’hui, Di Rosa et les Les choses sont à la fois plus simples et plus com- tulé la Tristesse du roi, l’année de l’ouverture du
arts modestes sont partout. L’underground et pliquées. Flash-back. Centre Pompidou, en 1978, tandis qu’il entre aux
la pop culture ont renversé les arts ofciels. Arts-Déco de Paris. Très vite, Di Rosa casse la
Hergé est au Grand Palais et Walt Disney au il croise basquiat et haring à new york baraque. Invité à New York, il croise Basquiat et
musée de l’Art ludique. L’artiste savoure-t-il ce Sète, 1977. Di Rosa pose pour un journal local Haring, expose chez Blackston, Tony Shafrazi
retournement de situation ? Pas vraiment. avec ses amis punks (dont Robert Combas et et Sydney Janis. Aucun autre plasticien français
Di Rosa sait bien où se niche l’incarnation, lui Gilles Tandy, le futur chanteur des Olivensteins). n’aura d’exposition personnelle dans ces trois
qui tire sa légitimité d’une culture esthétique Le jeune homme, alors âgé de 18 ans, se fait appe- galeries majeures des années 1980 et 1990. Mais,
extraordinaire issue notamment d’une gigan- ler Plastic Lizard : «On est des crétins ; on est des premier problème, les institutions américaines
tesque bibliothèque transformée en papier petits cons, des pourris. On est laids, mais on le ne suivent pas. Trop vite, trop jeune ? Di Rosa

94 Beaux Arts
inteRnAtionAl Des ARts moDestes De sÈte, ouVeRt en 2000 PAR HeRVé Di RosA et BeRnARD BelluC.


➍ ➏

➊ Piano à tricoter de michel Gondry


➐ ➋ le flm My Winnipeg de Guy maddin
➌ sculpture en bois représentant
➊ Cory Aquino par les artisans de Bagio
➍ Romeo lee (petit tableau)
et manuel ocampo (grand tableau)
➎ Perfecto de l’exposition «Fan Club»
➏ Beauty Is Too Quick,
➐ peinture de Curro Gonzalez
➐ sculpture en papier mâché
➌ de motohiro Hayakama
➑ Peinture de Pépé Vigne
➒ Dessin de tourlonias

est limite ostracisé à la fn de la décennie 1980 modeste – fgurines, afches, jouets, enseignes, sont pas contraires à l’art contemporain. Je ne
par les tenants de l’art ofciel. Les mêmes qui art naïf, art brut… – et les confronter à leur pra- cherche pas à faire croire aux gens qu’un jouet
défensdaient dans les années 1970 l’art minimal tique artistique. L’exposition présentée à la en plastique est plus important que Claude
et Support/Surface. Maison rouge s’inscrit dans cette démarche. Au Lévêque. Mais si on n’a pas d’autre référence, on
En 1987, Di Rosa crée avec son frère Richard la point qu’on se demande parfois, au détour des peut mieux comprendre l’art contemporain
Dirosarl, fabrique de produits dérivés. Nouvel centaines de pièces qui sont accrochées, non pas grâce à la culture populaire.»
échec : Di Rosa voulait faire des jouets rigolos et si c’est de l’art mais si c’est du Di Rosa ou non.
il se retrouve à vendre des tee-shirts pour payer C’est un gigantesque autoportrait tronqué. Il un musée à lui tout seul
les charges. Aujourd’hui, le moindre jouet de la existe des dizaines de caisses de jouets archivées De fait, ses collections sont exceptionnelles.
Dirosarl s’arrache à prix d’or sur eBay et Uniqlo dont le fls de l’artiste, Vincent Di Rosa, critique Il y aurait cinq ou six expositions à faire outre
propose des tee-shirts à l’efgie de Keith Haring. de cinéma, a patiemment fait l’inventaire durant celle-ci. Par exemple, dans la salle du Tour du
L’artiste fuit le parisianisme et entame son «tour des mois. Mais dans l’exposition seules quelques monde, une ou deux pièces sont montrées par
du monde», fort aujourd’hui de 19 étapes et qui dizaines de fgurines de Docteur Fatalis, Thor, pays alors qu’il en existe parfois des dizaines.
semble ne pas avoir de fn. L’idée, c’est de se le Joker, Gros Minet ou du pape en personne Di Rosa : «Des séries comme les peintures avec
confronter artistiquement aux pratiques artisa- côtoient la Dirosapocalypse, une toile géante de les métaux, il y en a 100 ! Mes séries érotiques sur
nales locales. Une sorte de world art, au moment 1984, dans un agencement esthétiquement par- carton du début ne sont pas là. Il y a tout dans
où la world music fait recette. Avec l’aide de fait. À côté, d’autres super-héros conditionnés cette expo, mais en même temps il n’y a rien.
Jean Seisser, son âme damnée, Di Rosa fait pro- de la marque DC Comics forment au mur des Tout reste à faire sur mon travail.» Un travail de
duire des pièces issues de son univers : laques robots pixellisés. C’est sans doute la salle la plus tri ? Pas tout à fait. Car, bien qu’Hervé Di Rosa
du Vietnam, sculptures Bamoun du Cameroun, cohérente de l’exposition. Pour le néophyte, cela soit un musée à lui tout seul, c’est surtout un
enseignes du Ghana, terres cuites mexicaines… peut efectivement expliquer la peinture de excellent peintre. La preuve, en fn de parcours,
En 2000, il ouvre à Sète le musée international Di Rosa. Mais pour l’amateur éclairé, cette col- avec les toiles suspendues aux cimaises qui ont
des Arts modestes (Miam) avec l’artiste Bernard lection intacte est inestimable et extrêmement peu à voir avec le Di Rosa des débuts. Formelle-
Belluc. L’objet : recueillir des collections d’art pointue. Selon Di Rosa, «les arts modestes ne ment, elles ne sont pas en prise directe avec les

Beaux Arts 95
exposition / Hervé Di rosa

ci-contre à gauche
Découverte de l’art modeste
Le territoire des arts modestes vu par
hervé Di rosa. aux confns de l’art populaire,
des beaux-arts, de l’art contemporain
et de la décoration, son emplacement
est assez central. à noter, au nord, une terre
inconnue et qui reste à découvrir.
2007, papier peint, dimensions variables.

ci-contre à Droite
La Vie des pauvres
une partie de cette installation fut présentée
à la fête de l’Humanité.
1993, encre de Chine sur papier,
dimensions variables

en méDaiLLon
hervé di rosa réalise spécialement pour
l’exposition à la Maison rouge le sol pavé
de la Vie des pauvres.

en bas, De gauche à Droite


La Petite Sirène (2010)
Grand jardin sous-marin (2010)
Globale sous-marine grotesque (non daté)
L’espace sous-marin de l’exposition présente
plusieurs acryliques sur toile qui semblent
voguer dans le grand bleu. hervé Di rosa
s’y révèle un excellent technicien des couleurs,
doublé d’un poète des sentiments.

arts modestes mais ressembleraient plutôt à un Les collections du Miam et de Di  Rosa
David Hockney sous infuence. Ce sont des vues entrent parfaitement dans l’agenda de la fon-
de Tel-Aviv, Miami et Paris réalisées entre 2005 dation Antoine de Galbert, qui gère la Maison
patchwork immersif
et 2010. Et là, tout d’un coup, on comprend rouge, après les expositions consacrées à celles Des centaines de pièces d’art modeste,
que Di Rosa est un plasticien qui, non content de Jean-Jacques Lebel et Arnulf Rainer. Elles de l’enseigne de coiffeur africain aux robots
de savoir manier les couleurs primaires avec sont utiles pour comprendre l’homme, sinon japonais en passant par un extraordinaire
énergie, est aussi capable de rendre compte de l’artiste. Mais, surtout, elles révèlent combien vélotaxi philippin, côtoient certaines œuvres
emblématiques de Di Rosa. Deux thématiques
la nature des choses avec une grande subtilité. Di Rosa est un grand plasticien. Tout se passe
fortes essaiment dans l’exposition : les véhicules
Dans la Vie des pauvres, une fresque de panneaux comme s’il avait tout fait pour que, en remon-
et les scènes sous-marines. Le reste est un
fguratifs en noir et blanc formant un long cor- tant aux confns de la pop culture, on décortique patchwork indéfnissable et cohérent qui consacre
ridor sombre, on s’aperçoit également qu’il use sa pratique afn de mieux comprendre ses inten- une aventure esthétique et humaine entamée
à la perfection des teintes charbonneuses tions esthétiques. D’habitude, c’est le rôle d’un il y a près de quarante ans et qui s’inscrit dans
propres à cette technique, à l’instar d’un Frans appareil critique d’y pourvoir. Seulement, celui- la longue tradition des collections d’artistes.
Masereel ou d’un Otto Nückel. ci n’existe pas encore. Di Rosa s’est donc chargé «Plus jamais seul – Hervé Di Rosa et les Arts modestes»
lui-même de nous le transmettre visuellement. jusqu’au 22 janvier • la Maison rouge • 10, bd de la Bastille
l’inventeur d’une contre-histoire 75012 Paris • 01 40 01 08 81 • www.lamaisonrouge.org
Selon Antoine de Galbert, il est «l’inventeur
Et aussi : «Hervé Di Rosa– Images et peintures»
Nous reviennent alors à l’esprit ces mots de d’une contre-histoire qui ébranle les certitudes jusqu’au 14 janvier • galerie Louis Carré & Cie
Jean Dubufet de 1961 cités par Dorothée de ceux qui l’écrivent trop tôt». Résultat : le 10, avenue de Messine • 75008 Paris • 01 45 62 57 07
Charles dans le catalogue de l’exposition : «Le lézard en plastique s’est retrouvé en vitrine. Mais www.louiscarre.fr
vrai art est toujours là où on ne l’attend pas.» c’est pour mieux retourner dans son atelier. n

96 Beaux Arts
entretien

Laurence engeL
présidente de la BiBliothèque nationale de France

«La BnF
est la conscience
de ce que veut dire
un esprit libre»

À L’HEURE DU TOUT-DIGITAL, À QUOI PEUT ENCORE SERVIR LA BNF AVEC SES CENTAINES DE KILOMÈTRES
DE RAYONNAGES ? TOUT SIMPLEMENT À ÊTRE UN CONSERVATOIRE DE L’HISTOIRE CULTURELLE ET UN
OUTIL DÉMOCRATIQUE, RÉPOND SA PRÉSIDENTE, ALORS QUE L’INSTITUTION RÉNOVE SON SITE PATRI-
MONIAL, RUE DE RICHELIEU, À PARIS, ET POURSUIT SON ExTRAORDINAIRE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE.

propos recueillis par FaBrice Bousteau & armelle Fémelat • portrait léa crespi pour Beaux arts magazine

98 Beaux Arts
Beaux Arts 99
entretien / laurence engel

La BnF
en ChiFFres
26 milliards de fchiers
dans les archives du web.
40 millions de
documents conservés.
370 000 manuscrits
(150 000 d’Occident
et 220 000 d’Orient).
800 000 cartes et plans.
4 millions de documents
numérisés pour la
bibliothèque numérique
de la BnF, Gallica.
4,4 millions de sites
web moissonnés en 2015.
80 000 livres par an
déposés au titre du dépôt
légal.
400 km linéaires
de rayonnages pour le site
François Mitterrand.
70 km linéaires
de rayonnages pour le site
Richelieu.
32 millions de visites
par an pour les services
en ligne.
Comment défniriez-vous la Bibliothèque nationale grand concepteur architectural Henri Labrouste puis de
de France ? Jean-Louis Pascal, qui se voient confer la restructuration Plus de 1 million
C’est l’institution culturelle par excellence et l’une des totale du site et l’aménagement de salles publiques de de visiteurs «physiques»
plus anciennes. Fruit de la vision de quelques rois qui ont par an.
lecture, les célèbres salles Labrouste et Ovale. C’est une
décidé de conserver l’histoire littéraire et intellectuelle étape importante : avec Labrouste, la Bibliothèque natio-
de leur pays, elle incarne cette idée extraordinaire de nale fait son entrée dans la modernité. Enfn, en 1988,
transmission des savoirs, de la pensée et de la culture fran- François Mitterrand propose la création d’une biblio-
çaises. Tout a commencé en 1368, quand Charles V a créé thèque d’un «genre entièrement nouveau», annonçant la
une bibliothèque royale pour conserver ses manuscrits. révolution numérique en même temps que la construc-
Louis XI l’a pérennisée en la rendant héréditaire et Fran- tion d’un second site parisien. Cette nouvelle biblio-
çois Ier a créé le dépôt légal en 1537, enjoignant les impri- thèque se voulait ouverte à un public plus large, au-delà
meurs de déposer dans sa «librairie» tout livre mis en vente des chercheurs, avec des collections plus accessibles,
dans le royaume. Une telle profondeur historique est grâce notamment à une politique de numérisation, qui
unique en Europe ! Mais la BnF, c’est aussi, tout simple- se concrétisera dans les années 1990 et 2000. Et
ment, un établissement dans lequel les lecteurs se sentent aujourd’hui, nous arrivons à une nouvelle étape, avec la
bien, comme dans un lieu familier. rénovation du site historique Richelieu [lire p. 103].

Quelles furent les différentes phases de son développement ? Quelles sont les missions d’une telle institution?
Après l’instauration du dépôt légal, quelques autres La vocation patrimoniale est première. Il s’agit de consti-
grands moments frappent l’esprit. La création d’un tuer une collection nationale massive, et de veiller à la fois
musée des Monnaies, médailles et antiques sous à sa conservation et à sa communication. Notre ambition
Louis XIV : il s’agit du premier musée constitué à partir est de rassembler les savoirs pour aujourd’hui et pour
d’une collection royale, et qui est transféré par Colbert, demain, en appréhendant les productions éditoriales
avec l’ensemble de la bibliothèque royale, dans deux sous toutes leurs formes. Au-delà des livres et des manus-
hôtels particuliers de la rue Vivienne. L’ensemble évolue crits, nos collections comptent non seulement des mon-
ensuite au gré de l’accroissement des collections, jusqu’à naies, médailles et antiques, mais aussi des partitions de
l’intervention, dans la seconde moitié du XIXe siècle, du musique et des costumes, et tout ce qui est imprimé ou

100 Beaux Arts


édité – estampes, cartes et plans, photographies, jeux
vidéo… –, y compris sur le web ! La notion de patrimoine,
quand on la saisit au moment même de sa constitution,
est donc étroitement liée à la création contemporaine.
En résumé, la BnF est un conservatoire de l’histoire cultu-
relle en France. En cela, déjà, elle est un outil de la démo-
cratie. Et la conscience de ce que veut dire un esprit libre.

L’un des slogans affchés sur le parvis de la BnF François Mitterrand


pose la question : «Êtes-vous déjà entré dans une encyclopédie ?»…
Oui, c’est une invitation ! Tous les savoirs du monde sont
accessibles dans une bibliothèque : il faut juste s’en saisir.
Il y a certes, aujourd’hui, une forme d’évidence à cet accès
à l’information – elle s’appelle Google. Il ne s’agit pas de
concurrencer Google mais de faire prendre conscience
au public qu’il existe une autre possibilité, désintéressée,
et ofrant une diversité inouïe. Là est, selon moi, l’enjeu
majeur. La vraie bataille dans le champ numérique est
celle du référencement. Et la BnF a évidemment des
atouts forts, puisque l’organisation des savoirs, c’est,
depuis toujours, son métier. La BnF, c’est le numérique
avant le numérique : on utilise le même langage. Mettre
les savoirs en fchiers, indexer, référencer… Et ce travail
se fait aujourd’hui dans toutes les bibliothèques natio-
nales de par le monde en développant des moteurs de
recherche, des méthodes de fouilles de données, de
reconnaissance visuelle et sonore… La BnF, pionnière en
la matière, collabore avec des laboratoires de recherche
pour se maintenir au meilleur niveau.

Après des années de polémique, quelle est la position actuelle


de la BnF vis-à-vis de Google ?
Google est certes extrêmement performant, mais ses
objectifs sont commerciaux. La BnF, elle, n’a pas d’autre
but que la transmission des savoirs. Pour nous, être fort,
se distinguer, c’est permettre à chacun de ne pas s’enfer-
mer dans un monde uniforme. La polémique, portée par
Jean-Noël Jeanneney [président de la BnF de 2002 à
2007], avait pour objectif de faire admettre par les pou-
voirs publics que, pour préserver une forme d’autonomie
intellectuelle, il ne fallait pas remettre au seul Google les
clefs de ces savoirs. Et que c’était là la responsabilité de
Page de gauche
l’État. Mon prédécesseur, Bruno Racine, a enclenché sur tout moment – ou de manière volontariste, notamment
Cette salle est l’œuvre de l’architecte
cette base une politique de numérisation de masse. S’il Henri Labrouste. Classée monument pour réagir à l’actualité – ce qui fut fait, par exemple, au
n’y a plus désormais de polémique, l’enjeu reste le même historique depuis 1983, elle a été moment des attentats. Ce travail nous permet d’avoir une
et suppose un investissement toujours aussi important. totalement restaurée, mobilier compris, profondeur historique du web : c’est vital pour la
pour accueillir la bibliothèque de l’Institut
Il doit simplement prendre la forme d’une nouvelle national d’histoire de l’art. recherche.
étape : celle que j’appelle la bataille du référencement.
ci-dessus La mémoire numérique est relativement fragile et peut faire l’objet
Surnommée le «paradis ovale», cette salle d’une attaque cyberterroriste. Bénéfciez-vous d’un double système
Comment fonctionne le dépôt légal du web, qui semble fou et impossible
de lecture tapissée de livres a été conçue
si l’on pense par exemple aux milliers de journaux numériques ? Est-il par Jean-Louis Pascal dès 1897 et achevée d’archivage numérique et de services particuliers à cet effet ?
activé nuit et jour, à chaque minute ? en 1936. Verrières, mobilier, boiseries La cybercriminalité vise plutôt le secteur industriel…
Nous venons de fêter les 20 ans des archives du web. Oui, sculptées, peintures, mosaïques et dorures Mais le cyberterrorisme pourrait, bien sûr, chercher à
vont faire l’objet d’une rénovation complète.
c’était une idée folle ; mais c’était, là encore, cette détruire les traces de notre mémoire collective, comme
conscience que nous ne devons pas laisser s’échapper une cela se produit, loin de nos démocraties, contre des
partie importante de notre histoire. Et ça fonctionne ! Par bibliothèques physiques. Plus généralement, la conser-
moissonnage automatisé – avec des robots préprogram- vation des archives et des documents numériques n’est
més pour enregistrer ce qui, sur le Net, peut disparaître à pas plus simple que la conservation des collections maté-

Beaux Arts 101


entretien / laurence engel

ci-dessus
rielles. Et impose donc une même attention. Avec un Lorsque François Mitterrand annonce dans le même
Dans l’axe de l’enflade du vestibule
aspect inédit : non seulement les supports sont fragiles Labrouste, une préfguration du futur temps la dématérialisation de la BnF et son agrandisse-
mais, en plus, les outils de lecture disparaissent rapide- escalier conçu par Bruno Gaudin. ment, il projette en fait l’institution vers ce qu’elle est
ment, rendant les archives illisibles. Le système d’archi- La restauration a redonné tout leur éclat aujourd’hui, trente ans après, à un moment où l’on
aux lambris de pierre des murs et au
vage numérique de la BnF, ultraperfectionné, est donc dallage du sol en marbre clair, décor constate un retour au monde physique, revendiqué même
dupliqué en trois exemplaires pour parer au risque de des- antiquisant en souvenir des vestiges chez les acteurs du numérique, l’expression d’un besoin
truction ; et il est vivant, pour réactualiser en permanence de Pompéi et des tombeaux étrusques. de matérialité. Je crois donc profondément à l’utilité des
sa capacité à lire les documents, quel que soit leur support salles de lecture : nous avons besoin d’espaces de travail,
page de droite
d’origine. Peu d’institutions le font. Ce vestibule qui donne sur la rue calmes, confortables et bien équipés. Mais nous nous y
de Richelieu via la cour d’honneur comportons diféremment. Une évolution qui remet à
Quelle sera la BnF de demain ? a été construit par Labrouste en 1867, l’honneur la fonction de sociabilité des bibliothèques.
en avant-cour de la salle de lecture
Cette question est celle des usages : à quoi et à qui sert la monumentale. Plusieurs fois remanié, C’est dans cette perspective qu’il faut penser la rénova-
BnF ? Il faut partir des missions fondamentales et voir en il a été restauré et doté d’un lustre tion de Richelieu.
quoi elles s’incarnent dans des formes nouvelles. Côté signé Bruno Gaudin & Virginie Brégal.
numérique, la question du référencement devient vitale. Justement, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le site Richelieu
Mais, au-delà, il faut repenser l’articulation entre cette en 2017, et ce qu’il sera en 2020, lorsque les travaux seront achevés ?
ofre dématérialisée et ce que fait la BnF dans le monde La rénovation du site historique de la BnF est un événe-
matériel. L’enjeu pour l’avenir est, j’en suis convaincue, ment en soi. Parce que les bâtiments recèlent des trésors
de donner une visibilité plus grande à ce que produit la architecturaux et artistiques peu connus. C’est d’abord
BnF sur le plan culturel – sa programmation, ses expo- l’avènement d’un nouvel espace public, inscrit dans la
sitions, ses conférences. J’y travaille avec les équipes : ces ville. L’ancien quadrilatère fermé sur lui-même s’est trans-
propositions, qui sont autant d’invitations non seulement formé en passage ouvert au cœur du Vieux Paris, en pleine
à découvrir un artiste, un auteur, mais aussi à mieux com- cohérence avec le quartier. Ce bâtiment magnifque va
prendre notre monde, doivent être reçues comme une pouvoir se visiter tout au long de l’année et devenir un lieu
évidence. Il faut par ailleurs prendre la mesure de l’évolu- de promenade. Ensuite, Richelieu sera le théâtre d’une
tion des usages dans les espaces de la bibliothèque. ofre culturelle totalement inédite. La salle Ovale, endroit

102 Beaux Arts


magique et originellement destiné à tous les lecteurs,
deviendra une salle ouverte à tous. Et si la dimension
patrimoniale de la programmation prendra toute sa
mesure en 2020 avec l’ouverture d’un musée et d’une gale-
rie d’exposition qui permettront de voir les collections
nationales dans toute leur diversité, une partie des trésors
de la BnF pourra être admirée dès 2017 : à Richelieu pour
les Arts du spectacle, et dans une programmation hors les
murs que nous allons lancer à la rentrée pour les autres
départements. Enfin, Richelieu reste le lieu de la
recherche, et amplife même cette dimension : en rassem-
blant la BnF, la bibliothèque de l’Institut national d’his-
toire de l’art et celle de l’École nationale des Chartes [pré-
parant aux métiers de la conservation du patrimoine
écrit], Richelieu devient dès maintenant un pôle majeur
de la recherche en histoire, en histoire du patrimoine et
en histoire des arts. Nous y construirons une nouvelle
relation avec les chercheurs et les étudiants, qui trouve-
ront là un véritable campus.

La nécessité de prévoir d’autres espaces de stockage fait-elle partie des


objectifs prioritaires de votre mandat, au vu de l’accroissement massif
et exponentiel des collections ?
Le dépôt légal, c’est 80 000 ouvrages qui entrent chaque
année dans les collections. Sans compter les revues, la
presse... Le site François Mitterrand et les réserves asso-
ciées de Bussy-Saint-Georges, en région parisienne, ont
été inaugurés il y a vingt ans. Celles-ci ont été conçues
pour répondre aux besoins de la BnF pour un quart de
siècle : nous y sommes presque ! La question des espaces
de stockage est donc bien un enjeu majeur pour les toutes
prochaines années. C’est une question technique mais
elle est arrimée à un devoir puissant, celui que François 1er Le site RicheLieu fait peau neuve
a le premier exprimé en France avec l’invention du dépôt Les débuts des travaux de rénovation avaient fait grand bruit, en 2010, et provoqué
légal : nous devons fèrement revendiquer cet héritage, une levée de boucliers. En cause : la fermeture annoncée du musée des Monnaies, médailles
parce qu’il conditionne la préservation de la mémoire et antiques, et la destruction de l’escalier d’honneur de Jean-Louis Pascal, inscrit à l’Inventaire
intellectuelle. des monuments historiques en 1983. Diffcile de savoir si l’importante mobilisation
en faveur de la sauvegarde de ce musée a été déterminante, toujours est-il qu’il est en pleine
Qu’est-ce qui vous a étonnée ou émue en arrivant à la BnF ? régénération. Il ouvrira le parcours muséal proposé au premier étage à partir de 2020,
Un objet en particulier ? incluant la salle de Luynes, celle des Colonnes et la galerie Mazarine. Quant à «l’affaire de
l’escalier», après moult rebondissements, elle a été défnitivement tranchée le 20 novembre
Moins étonnée qu’émue ! Car pour être étonnée, il aurait
2013 par la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti : l’escalier
fallu que je ne m’attende pas à la dimension grandiose de
de Pascal sera détruit et remplacé par celui en métal, en pierre et en verre de l’Atelier
la BnF, dans ses collections comme dans les compétences Bruno Gaudin. Ce chantier majeur du ministère, qui le fnance à hauteur de 80 %, est chiffré
qu’elle réunit. Mais émue, oui. La visite de tel ou tel dépar- à 232 millions d’euros. Les 20 % restants sont assurés par le ministère de l’Enseignement
tement est l’occasion, à chaque fois, d’une sorte de ver- supérieur, auxquels s’ajoutent les 20 millions collectés par la BnF sur ses fonds propres
tige : un petit bout d’humanité, d’histoire, de sens, de sen- et grâce au mécénat.
timent. Y compris là où je m’y attendais le moins, faute Dans le Monde du 6 mars 2010, l’ex-président Bruno Racine se réjouissait de «la chance
d’avoir pris la mesure de ce que pouvait représenter, par historique de traiter la BnF dans sa totalité pour la première fois. Non pas d’opérer des
exemple, une monnaie en termes artistiques et histo- modifcations partielles, mais de penser cet ensemble comme un tout […] et de transformer
riques. Quant aux manuscrits, c’est un précipité d’émo- ce lieu peu ouvert, réservé à une élite.» L’ambition affchée de moderniser ce site patrimonial
tions ! Les épreuves des Fleurs du mal, par exemple : l’atten- et de l’ouvrir au grand public prend toute son ampleur avec la rénovation pensée par
Bruno Gaudin à partir de l’été 2007. Ouverture, distribution et transversalité sont les
tion amoureuse de Baudelaire au choix d’une orthographe
maîtres-mots de sa proposition architecturale. Restaurée sous la houlette de l’architecte
(«se méfer de l’orthographe moderne…») ou les quelques
en chef des monuments historiques Jean-François Lagneau, la somptueuse salle Labrouste
mots de l’éditeur, impatient d’avoir de ses nouvelles : compte parmi les espaces qui viennent de rouvrir. De même le Magasin central, l’émouvante
«Voilà trop de semaines que j’attends vos corrections»… salle des Manuscrits, et la nouvelle salle de lecture des Arts du spectacle, créée par l’agence
C’est un pur moment de bonheur. Et c’est aussi pour cela de Bruno Gaudin. De plus, la rotonde des Arts du spectacle expose désormais des pièces
qu’il faut le partager en montrant ces collections ! n phares du fonds dédié. Mais pour la salle Ovale, les espaces muséaux, le café et la librairie
installés à proximité du jardin Vivienne, il faudra attendre 2020 !
événement / lascaux IV

exIste-t-Il un art
préhIstorIque?
depuis les premières découvertes d’Art pAriétAl, le sujet fAit déBAt : nos Ancêtres ont-ils créé
ces chefs-d’œuvre pour céléBrer des rites chAmAniques ou comme Artistes en quête de BeAuté ?
éléments de réponse à l’heure où s’ouvre une mAgistrAle réplique de lA grotte de lAscAux.
par Jean-paul Jouary, philosophe et essayiste

104 Beaux Arts


Dans le diverticule axial, un boyau de 30 mètres de long orné sur ses deux parois, les artistes préhistoriques ont dessiné à même la
calcite blanche, juchés sur des échafaudages. livrant un somptueux et fabuleux bestiaire, ici un équidé de type asiatique et une vache.

Q
uiconque a visité une grotte ornée ou un clamer qu’au Louvre, par exemple, il y ait équi-
fac-similé comme on en a construit à valence esthétique entre la Sainte Anne de
Chauvet ou Lascaux, quiconque a vu les Léonard de Vinci et le logo des toilettes. Si, dans
innombrables reproductions photographiques une grotte ornée, des points rouges isolés ou
des œuvres, ressent comme une évidence aveu- insérés dans des fgurations peuvent participer
glante cette émotion que seuls peuvent procu- à l’esthétique de l’ensemble, en revanche ces
rer les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art. De signes comme ceux que l’on trouve par millions
Pablo Picasso à Nicolas de Staël et de Joan Miró gravés dans la pierre des cavernes ont-ils la
à Antoni Tàpies, des centaines de peintres et même portée que les chevaux de Lascaux, les
sculpteurs du XXe siècle ont immédiatement bisons d’Altamira ou les lionnes de Chauvet ?
reconnu leurs auteurs comme étant des leurs.
Pourtant, de très nombreux préhistoriens un art «inventÉ» au XXe siÈcle
refusent de considérer qu’il y ait un art paléoli- Par-delà les débats et réfexions théoriques qui
thique, préférant parler de rituels chamaniques, ont permis de dépasser les conceptions méta-
de récits, voire de concepts. Il ne manque pas physiques anciennes de l’art, l’histoire de celui-
non plus de discours refusant plus généralement ci se poursuit : il existe des artistes qui peignent
l’idée de création artistique sous prétexte que et sculptent, inventent des dispositifs, com-
la conscience de la spécifcité de l’art n’apparaît posent et écrivent, interprètent et exposent, et
qu’à la fn du XVIIIe siècle, ou afrmant que, parmi eux quelques-uns dont les œuvres pro-
depuis le milieu du XXe siècle, tout peut être voquent des sentiments spécifques, des modi-
considéré comme de l’art si on le déclare comme fcations du goût tout aussi spécifques, et dont
Prouesse de technologie et de savoir-faire, le nouveau tel. Et la référence à l’urinoir de Duchamp joue on pourra observer ensuite un sillage d’in-
fac-similé de lascaux plonge le visiteur en immersion
totale dans cette cathédrale de l’art préhistorique. en la matière le rôle d’argument d’autorité indis- fuences diverses. Si le regard du spectateur est
ici, la salle dite des taureaux, l’une des plus cutable, oubliant au passage que Duchamp fut constitutif des œuvres, celles-ci construisent
imposantes de l’art pariétal avec sa cavalcade de aussi l’auteur du Processus créatif dont le contenu avec le temps nos propres regards. Est-ce le cas
bovidés mais aussi ses 17 chevaux, ses 11 vaches…
et la toute première licorne de l’histoire de l’art. est loin d’être aussi sommaire. À supposer que pour celles créées au paléolithique supérieur ?
tout puisse être considéré comme œuvre artis- De toute évidence, elles sont entrées dans le
tique, il faudrait admettre que l’on puisse pro- mouvement moderne et contemporain de l’art.

Beaux Arts 105


ÉvÉnement / lascaux IV

grands singes. Cet être a choisi une pierre, a tapé


visibles dans la nef, ces deux bisons noirs dessus avec une autre pierre, sous un angle par-
sont un chef-d’œuvre pictural, jouant
avec les aspérités et la déclivité de la paroi ticulier, avec une force précise, avec dans son
pour accentuer la dramaturgie et le mouvement esprit embryonnaire une certaine image de ce
des fgures. adossés, les bisons semblent opérer qu’il voulait faire exister. J’ai faim donc je dois
un mouvement de fuite après le combat.
couper, donc j’ai besoin d’un tranchant, donc je
tape, je tape encore, avec une pierre puis avec du
bois solide, afn que mon outil ne se casse pas.
Sans la pensée, cet objet n’existerait pas. Sans
doute cet artisan lointain a-t-il éprouvé un sen-
timent de satisfaction en voyant hors de lui une
chose qui, jusque-là, avait existé en lui sous
forme d’idée ou d’image. Des outils de pierre,
on en trouve par millions, la terre doit en receler
peut-être des milliards d’autres, comme autant
d’indices des intentions passées, de plus en plus
complexes, liées à une maîtrise croissante.

à chaque artiste son style


Au cours du temps, ces outils présentent des
régularités, des symétries, des formes de plus
en plus pures, des teintes visiblement choisies
Encore une fois, c’est en ce sens qu’il existe leur ? On a dû l’admettre depuis très longtemps, qui manifestent à la fois des intentions et plai-
deux arts du XXe siècle : celui des artistes du ces outils témoignent d’un souci et d’un plaisir sirs nouveaux. Notre espèce n’a pas encore
XXe siècle, et celui que l’on découvre au cours qui dépassent la seule sphère de l’utilitaire et émergé de l’évolution que, déjà, les Néander-
du XXe siècle et qui nous vient de ce lointain de l’efficacité. Pour les façonner, a-t-il fallu taliens collectionnent des objets, fabriquent
passé. L’art paléolithique continuera donc moins d’habileté et d’ingéniosité que celles dont des bijoux, enterrent et colorent leurs morts.
d’imprégner les créations de demain, et c’est témoignent les gravures, les peintures et les On sait aussi que 176 000 ans avant nous, dans
en ce sens que l’on peut parler à leur sujet de sculptures paléolithiques ? Moins d’intention- la grotte de Bruniquel, dans le Quercy, ils ont
«futur antérieur». nalité ? Lorsqu’on a dans la main l’un de ces outils volontairement coupé des stalagmites à la base
préhistoriques, on ressent efectivement une pour les disposer en cercle, dans une salle à
concevoir des outils pour mieux peindre réelle émotion : cette pierre tire sa forme d’une 300 mètres sous terre. Sans doute ont-ils aussi
Mais pourquoi donc réserver un sort particulier intention, c’est de l’humain dans la matière. teinté leur corps. Mais pas de trace certaine
à ces productions de l’activité humaine, alors L’être qui l’a créé n’était pas encore semblable à d’une activité esthétique séparée, pas d’œuvre
que leur apparition est devancée par plusieurs nous, son espèce fait partie de celles, nom- proprement artistique, sculptée, gravée ou
millions d’années de fabrication d’outils dont breuses, qui ont disparu, mais il n’en était pas peinte. Peut-être leurs premiers supports
beaucoup étonnent par leur forme et leur cou- moins déjà diférent de toutes les espèces de étaient-ils périssables. Peut-être en découvrira-

Lascaux, quatrième du nom


Fini les fles d’attente interminables dans la petite ville de
Montignac pour réserver sa visite dans la réplique de la grotte
de Lascaux. Désormais, et depuis le 15 décembre, c’est dans
un bâtiment monumental, mais glissé subtilement dans
le paysage par les architectes du cabinet norvégien Snøhetta,
que le public pourra découvrir une nouvelle réplique de Lascaux,
déplacée au pied de la colline où fut découverte en 1940
la grotte originelle (fermée depuis 1963). Outre cette cathédrale
de l’art préhistorique, recréée au millimètre près par l’Atelier
Centre international de l’art pariétal 24290 Montignac • 05 53 51 95 03 • www.lascaux.fr
des fac-similés du Périgord – et qui n’accueillera pas plus ✶ Hors-série Beaux Arts éditions • 68 p. • 9,50 €
de 30 personnes à la fois pour préserver une certaine intimité –, ✶ Le Futur antérieur – L’art moderne face à l’art des cavernes
le visiteur trouvera également dans ce Centre international par Jean-Paul Jouary • Beaux Arts éditions • 192 p. • 35 €
de l’art pariétal un espace d’interprétation, mais aussi
À lire également, deux beaux livres de photographie sur l’art pariétal :
une exposition d’œuvres d’artistes inspirés par l’art rupestre
Chauvet – Pont-d’Arc – L’inappropriable par Raphaël Dallaporta
(Miró, Picasso…) dans la Galerie de l’imaginaire (conçue éd. Xavier Barral • 2 vol. • 280 p. & 40 p. • 45 €
par Jean-Paul Jouary). De quoi mieux gérer le fux des quelque Mémoire rupestre – Les roches gravées du massif de Fontainebleau
400 000 visiteurs annuels annoncés. S. F. photos d’Emmanuel Breteau • texte de Jean Rouaud • éd. Xavier Barral • 176 p. • 35 €

106 Beaux Arts


c’est dans le puits, un espace de la grotte diffcilement accessible, que se trouve la seule fguration humaine de lascaux, un homme allongé, en érection,
sous la menace d’un bison et à proximité d’un étrange oiseau. le mystère demeure sur le sens à donner à cette scène, fascinante, vieille de 19 000 ans.

t-on un jour, et cela prouvera qu’ils en étaient manifestent des styles de représentation et des y sommes peu à peu parvenus. Cela signiferait
capables, mais qu’ils n’ont jamais donné à l’art constantes symboliques qui renvoient à la sub- que ce n’est pas parce que nous sommes devenus
la place extraordinaire que lui accorderont nos jectivité de leurs auteurs. À présent, ce qui est humains que nous avons inventé l’art, mais parce
ancêtres directs, les Homo sapiens sapiens. Ceux- perceptible au-delà des humains, dans la que nos ancêtres ont créé l’art qu’ils se sont créés
là gravent déjà des formes géométriques dans matière, c’est la vie intérieure elle-même des comme humains. En même temps, les œuvres
de l’ocre, comme à Blombos, en Afrique du sujets, leurs émotions, leurs plaisirs, leurs d’art paléolithiques, quel qu’en soit le «sens»
Sud, il y a 75 000 ans. croyances sans doute et leurs craintes. Les sujets vécu, sont avant tout des œuvres d’art.
On connaît la suite : des millions de gravures, s’impriment dans les objets et peuvent ainsi Pour toutes ces raisons, il y a bien un art paléo-
d’objets sculptés, de peintures fguratives ou voir face à eux ce qu’ils sont à l’intérieur d’eux- lithique et, pour les mêmes raisons, tout n’est
non, sur les cinq continents, d’une qualité tech- mêmes. C’est ce type de plaisir et de goût qui pas «art» dans les grottes ornées. En dépit de la
nique et d’une créativité esthétique déjà remar- naît avec l’art, et qui demeure irréductible à difculté quant à savoir parfois si des points, des
quables il y a environ 35 000 ans, comme en toute autre activité humaine. mains positives ou négatives, des traits, des
témoigne la grotte Chauvet. Sans doute en petits schémas, ressortissent ou non de l’«art»,
découvrira-t-on de plus anciennes, au Proche- des hommes devenus créateurs, certaines œuvres en relèvent de toute évidence,
Orient, ou en Asie, ou en Europe, et pourquoi ou l’inverse ? tandis que d’autres signes qui peut-être n’en rele-
pas en Afrique australe, en trouvera-t-on d’aussi Dans la réalisation comme dans une éventuelle vaient pas fnissent par en faire partie en raison
sublimes qu’à Lascaux. contemplation, ces ancêtres sentaient ces du regard porté sur eux. Surtout si ce regard est
Dès lors, pourquoi faire un sort à part à ces œuvres, et il est peu probable qu’ils aient pu alors celui d’un peintre comme Miró, par exemple,
œuvres ? Pour plusieurs raisons. Parce qu’elles distinguer clairement ce qui diférenciait ce qui s’en emparera pour créer ses propres toiles.
requièrent une extraordinaire préméditation «senti» des formes de raisonnement ou de Du coup, l’art paléolithique est pleinement et
dans la préparation des charbons, du support, croyance auxquelles ils commençaient à accéder. incontestablement artistique par la vertu de ce
du lieu, des couleurs parfois. Parce qu’elles se Aussi doit-on plutôt leur attribuer un «senti-cru- qu’il va inspirer aux artistes de la modernité. On
détachent de toute pratique immédiatement pensé» indissociable, à l’intérieur duquel on peut donc afrmer que l’art du XXe siècle nous
utilitaire, même si elles ont été probablement pourra plus tard spécifer, comme nous le fai- permet de regarder l’art paléolithique pour ce
vécues dans le cadre d’une activité symbolique sons, ce que signifent «croire», «sentir», «pen- qu’il est, et qu’ainsi cet art de nos ancêtres loin-
«utile» de type magique. Parce que, surtout, elles ser». C’est probablement à travers l’art que nous tains est devenu un art du XXe siècle. n

Beaux Arts 107


Le guide
Musées Week-end Galeries Marché de l’art
En France et à l’étranger, le meilleur du mois de janvier.

david B. Portrait de mon frère, 2015


> À voir du 7 janvier au 18 février à la galerie Anne Barrault, Paris.

Beaux Arts 109


musées  & centres d’art

les 4 infos à retenir par Françoise-Aline Blain

3 L’institut du monde arabe prend


ses quartiers à tourcoing
L’institution parisienne vient d’inaugurer une petite partie des espaces de sa future
antenne à Tourcoing, ancienne piscine municipale, qui doit accueillir d’ici à 2019
GustAve CAilleBotte Le Pont de l’Europe, 1876-1877 des expositions, conférences, rencontres, spectacles et cours d’arabe. En attendant

1
le concours d’architecte pour la réhabilitation globale des lieux (estimée à
Joyeux anniversaire, orsay ! dix millions d’euros), les quelques salles rénovées donnent un avant-goût du projet,
soit une centaine d’œuvres issues des collections d’art moderne et contemporain
1986-2016, le musée d’Orsay fête ses 30 ans. Pour l’occasion, 43 prêts
de l’IMA (d’habitude confnées dans ses réserves), enrichies par des pièces
exceptionnels, consentis par de nombreux musées parmi lesquels le Kimbell Art
historiques prêtées par le département des arts de l’islam du Louvre. D. B.
Museum de Fort Worth (le Pont de l’Europe de Caillebotte) ou la National
Gallery of Victoria de Melbourne (Gasometers at Clichy de Signac), sont présentés
au cœur des collections permanentes (jusqu’à fn janvier). Dans la foulée,
la création d’un centre d’études des Nabis et du symbolisme a été confrmée, suite
aux donations de Marlene et Spencer Hays, et de Zeïneb et Jean-Pierre Marcie-
Rivière. Guy Cogeval, l’actuel directeur du musée, quittera ses fonctions le 15 mars
pour en prendre la direction. www.musee-orsay.fr

2 à brétigny, un centre d’art


renaît de ses cendres
Après presque deux ans de fermeture, le CAC de Brétigny a rouvert ses portes
le 19 novembre dans un espace rénové. Attenant au théâtre, le CAC est
le seul centre d’art contemporain conventionné du département de l’Essonne.
La nouvelle directrice, Céline Poulin, qui a notamment été chargée des publics
au Crédac d’Ivry, entend proposer «une réfexion sur l’art, mais qui ne sera pas
limitée à l’espace du lieu», et miser sur des projets en co-création ou les
pratiques amateurs… En ouverture, une exposition collective : «Jump», «un chant
de distorsion, avec des voix multiples» à découvrir jusqu’au 22 janvier.
http://cacbretigny.com/jump/jump-1.html vitrine «le négoce et l’or noir au Xviiie siècle».

4 Le château des ducs de bretagne


face à L’histoire
Dix ans après son ouverture, le musée d’Histoire de Nantes installé au sein
du Château des ducs de Bretagne inaugure de nouvelles salles consacrées
au XXe siècle, particulièrement aux deux Guerres Mondiales. Le parcours présente
300 objets inédits, acquis en partie lors d’une grande campagne de collecte
menée dans la ville. Une opération tellement fructueuse que l’institution a décidé
de réitérer l’expérience sur les thèmes, cette fois, de l’enfance et du rock.
vue de l’exposition inaugurale «Jump». www.chateaunantes.fr

110 Beaux Arts


Le musée du mois
Paris musée du louvre

Vue de la salle du cycle de la Vie de saint Bruno par Eustache Lesueur.


En médaillon, la salle des grande batailles de Charles Le Brun.

Le Grand Siècle en grande pompe


Première évidence qui saute aux yeux en péné- quelque 250 tableaux concernés. L’occasion n’ont pas été encadrés sous verre (pratique qui
trant dans les derniers espaces rénovés du aussi de repenser leur présentation, selon un se multiplie dans les musées et crée une dis-
Louvre : le Grand Siècle est une période qui accrochage subtil qui a su trouver le juste équi- tance avec le visiteur). D’autres tableaux et
porte bien son nom. Désignant le XVIIe fran- libre pour évoquer cette période où les com- artistes moins connus sont remis en valeur,
çais, elle fut aussi intense sur le plan historique mandes royales et religieuses stimulent la créa- comme Jacques Stella, François Perrier ou
(marquée par les règnes de Louis XIII et de tion sans tomber dans la grandiloquence. Face Jacques Linard. Gloire artistique incontestée
Louis XIV) qu’artistique, en témoignent les à la Cour carrée du Louvre, les œuvres de de ce Grand Siècle et incarnation à lui seul de
grands formats de Le Sueur ou de Le Brun, Le Brun, Laurent de La Hyre, Antoine Coypel, ce classicisme français qui s’épanouit, Nicolas
désormais présentés sur des cimaises gris Nicolas Tournier, Philippe de Champaigne se Poussin n’a pas encore bénéfcié de cette cam-
ardoise ou grège pour le premier, rouge grenat déploient de tout leur long, tandis que des pagne de rénovation. La majorité de ses toiles
pour le second. Les équipes du musée ne se sont espaces scindés en plusieurs parties donnent à (notamment l’hypnotique série des Quatre
évidemment pas contentées de repeindre les voir des peintures plus confdentielles, notam- Saisons), ainsi que les paysages de son ami
murs, pendant les six années de fermeture, de ment une petite galerie envoûtante de natures Le Lorrain, se trouvent dans des salles situées
la dizaine de salles concernées, au deuxième mortes où les gaufrettes de Lubin Baugin et les dans l’aile Richelieu. Cette dernière tranche de
étage de l’aile Sully. Ils ont modernisé des cerises de Louise Moillon rivalisent d’habileté. travaux doit se dérouler courant 2017, année où
espaces ne répondant plus aux normes de À peine le temps de retrouver ses esprits que le XVIIe siècle sera décidément à l’honneur au
sécurité et d’accessibilité (au programme des voici les Georges de La Tour, le Tricheur, la Made- Louvre, à Lens cette fois, avec la très attendue
réjouissances : climatisation, ascenseurs, esca- leine, le Saint-Joseph charpentier, vedettes incon- exposition sur les frères Le Nain. Daphné Bétard
liers, porte coupe-feu et toilettes), et dépous- testées de la collection. Ils s’admirent d’autant
siéré, voire restauré si besoin il y avait, les mieux que, comme l’ensemble des œuvres, ils Musée du Louvre • 01 40 20 53 17 • www.louvre.fr

Beaux Arts 111


musées / expositions

MALiCk siDiBé Nuit de Noël, 1965 HAns HArtung T1963-R38, 1963 Louis siLVestre Guerrier en cours de modelage, 1898

Paris musée de l’Histoire landerneau Fonds Paris


de l’immigration Hélène & édouard leclerc musée Bourdelle
Jusqu’au 8 janvier Jusqu’au 17 avril Jusqu’au 29 janvier

Agnès b., une collection Hartung et les lois sept années de


généreuse et engagée de l’attraction lyrique monumentale gestation
«La guerre, c’est entre la pub et la météo» : L’abstraction lyrique reste mal-aimée. Alors, Ni noir, ni blanc… Le monument aux morts que
constat terrible et lapidaire, qui enflamme rien de mieux que ce dialogue entre Hans Bourdelle dessine en 1895 pour Montauban, sa
les consciences. Cette assertion de l’artiste Hartung et ses comparses pour rappeler sa ville natale, est à la fois funèbre et optimiste : il
Antoinette Ohannessian est l’un des cœurs vivacité et sa grande singularité comparées aux se souvient de la terrible défaite de Sedan, en
battants de la collection agnès b., dévoilée au écoles américaines d’après-guerre. À partir du 1870, mais porte aussi les espoirs de la Troisième
musée de l’Immigration. On y verra combien fonds exceptionnel de la fondation Hartung- République qui en est née. Noires et blanches,
la créatrice de mode refuse toute frivolité Bergman d’Antibes, enrichi de prêts d’enver- en revanche, les remarquables photographies
quand elle pose son regard sur le monde. Enga- gure qui permettent de confronter l’École de qui entourent la longue gestation de cette
gée au quotidien dans un Sarajevo en guerre, Paris aux géants new-yorkais, de Gottlieb à sculpture monumentale, sept ans de réfexion
militante pour le droit des réfugiés, elle dévoile De Kooning, Landerneau évoque cet hiver ces et d’acharnement sur la matière. Elles per-
ici un visage plein d’amour, grâce au commis- maîtres aux gestes amples et libres. En majesté, mettent de connaître toutes les étapes de ce
sariat de Sam Stourdzé qui a opéré une sélection les toiles d’Hartung, au talent constamment chef-d’œuvre dévoilé en 1902, dans le scandale,
dans sa collection, aussi riche que singulière. renouvelé et à l’incessante créativité. Jusqu’à la à Paris, avant de rejoindre la ville qui l’a com-
Comment se construit une identité ? La ques- fn de sa vie, il chercha des techniques inusitées, mandé. Sculptures de terre, plâtre et bronze :
tion se lève, des silhouettes perdues de Djamel peignant avec des branchages ou des rouleaux s’y met en scène l’âpreté de la guerre autant que
Tatah aux collages fourmillants de Roman à lithographie, pulvérisant, grattant ou pulsant le désir de renaissance de la nation, érotisé par
Cieslewicz. De Claude Lévêque à Annette sans relâche. Quant à ses comparses français ? Bourdelle sans complaisance. Le rôle funéraire
Messager, de Malick Sidibé à John Giorno, le L’énergie de Georges Mathieu, les expériences est, lui, relégué au socle de granit, sur lequel
parcours culmine avec une superbe maquette de Simon Hantaï et l’énigmatique calligraphie sont gravés les noms des victimes. Mais ces
de Bodys Isek Kingelez, ville de tous les fan- de Jean Degottex sont mises en résonance avec guerriers vaillants et corps hurlants, dont le
tasmes futuristes de l’Afrique, et surtout ce mot quelques peintres contemporains, comme jeune artiste Olivier Dollinger livre ici une
grifonné par l’abbé Pierre, dont agnès b. était Sigmar Polke ou Gérard Traquandi. Les nou- vision poétique sous forme de vidéo, sont aussi
proche : «Et les autres ?» Emmanuelle Lequeux veaux lyriques ? E.L. prémonitoires du sale siècle qui s’annonce. E. L.
«Vivre – Collection agnès b.» «Hans Hartung et les peintres lyriques» «De bruit et de fureur – Bourdelle sculpteur
293, avenue Daumesnil • 75012 Paris • 01 53 59 58 60 Aux Capucins • 29800 Landerneau et photographe» • 18, rue Antoine Bourdelle • 75015 Paris
www.histoire-immigration.fr 02 29 62 47 78 • www.fonds-culturel-leclerc.fr 01 49 54 73 73 • www.bourdelle.paris.fr

112 Beaux Arts


muséEs / Expositions
Vélizy-Villacoublay Micro onde du 14 janvier au 18 mars

patrick Corillon explore l’infniment petit


On pourrait l’écouter, des heures durant, nous leux Belge n’avait pas exposé dans un centre dans un espace d’exposition ? Quel rayonne-
raconter ses histoires. Elles commencent dans d’art français. Le voilà de retour au Micro Onde ment peuvent bien produire des minuscules
notre monde, pour fnir dans le sien : un univers de Vélizy : à la fois centre d’art et salle de spec- poussières qui font l’aura d’une œuvre ? L’ins-
légèrement absurde, un brin désuet, portée tacle, soit le lieu idéal pour accueillir ses fan- pecteur Corillon mène l’enquête au cœur de cet
surtout par une infnie poésie. Patrick Corillon tasques tribulations (il donnera deux confé- infiniment petit, et infiniment important,
est un délicieux raconteur, talent qu’il applique rences-spectacles en janvier et mars). Il y qu’est l’œuvre d’art. E.L.
dans le champ des arts plastiques depuis plus de dévoile objets, vidéos et dessins, autour d’une
«Patrick corillon – Le degré zéro des images»
vingt ans, et plus récemment dans celui du de ces questions que seul lui pourrait se poser : 8 bis, avenue Louis Breguet • 78140 Vélizy-Villacoublay
spectacle. Cela faisait bien dix ans que le fabu- de quoi est chargé l’air que nous respirons 01 78 74 38 60 • www.londe.fr

Patrick coriLLon Notre mémoire des lieux, 2016

Les succès et les échecs Chiffres au 1er décembre 2016 (source : musées)

nombre Cumul
Expositions Lieux d’entrées des
par jour entrées
AnALysE
Picasso / Giacometti Musée Picasso,
2 552 130 200
Encore un succès en vue pour le musée parisien. Sur les bases de «Picasso – Sculptures» (345 000 visiteurs
Du 4 octobre au 5 février Paris à l’été 2016), qui reste l’une des plus importantes fréquentations du lieu depuis son ouverture en 1985.
Mexique – Renaissances Grand Palais,
2 300 115 000
Une belle entrée en matière pour le Mexique. Pour rappel, l’exposition sur Haïti
Du 5 octobre au 23 janvier Paris de l’hiver 2015 avait attiré 69 149 visiteurs.

Sorolla Musée des Impressionnismes,


906 105 123
Après la collection Clark, «Sorolla» est la deuxième meilleure exposition
Du 14 juillet au 6 novembre Giverny de seconde partie de saison pour le musée de Giverny.

Chagall Fonds Hélène & Édouard Leclerc


1 240 160 000
Le fonds Leclerc poursuit sur sa lancée avec cette exposition qui a battu tous les records de fréquentation.
Du 26 juin au 1er novembre pour la Culture, Landerneau Objectif affché de l’institution : un million de visiteurs à l’horizon 2020.

114 Beaux Arts


DU 19/11/2016
AU 12/03/2017
MUSÉE DES URSULINES
71000 MÂCON

Un livre de Sylvie Bonnot, associant


photographies en noir et blanc pour le
voyage en Transsibérien, séquences
en couleur pour la mégapole tokyoïte
et aquarelles abstraites, accompagne
l’exposition (212 p., 29 €). Un livret est
offert à chaque visiteur par le Forum Vies
Mobiles, think tank de la mobilité.

Info : 03 85 39 90 38 Parade, Tokyo, 2014-2016 © S. Bonnot

PUBLIC
À L’ŒUVRE
REG’ARTS DÉCALÉS

10.11.2016 > 11.02.2017


AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS
DE CHARLEROI
www.publicaloeuvre.be

AVEC LE SOUTIEN DE Grete Stern,


L’ASBL LES AMIS DES MUSÉES Allemagne/Argentine, 1904-1999,
ca 1951. Collection Musée de la
DE LA VILLE DE CHARLEROI Photographie © Grete Stern
musées / expositions
Paris BiBliothèque-musée de l’oPéra Jusqu’au 5 mars

Léon Bakst
ou l’invention du
spectacle total
«Dites mille choses à Bakst que j’admire profondément,
ne connaissant rien de plus beau que Shéhérazade», écrit Marcel
Proust à son ancien amant, le compositeur Reynaldo Hahn, en
1911. Paris est encore sous le choc de Cléopâtre et Shéhérazade,
les deux premières créations des Ballets russes. La fascination
est telle que les élégantes troquent corsets et diadèmes contre
tuniques persanes et plumes d’aigrette, «tout un terrible attirail
des Mille et Une Nuits», s’amuse Cocteau. L’homme par qui
cette mode scandaleuse arrive est Léon Bakst. Élève de
Gérôme et maître de Chagall, il vient de dépasser les rêves
orientalistes de ses aînés en inventant un spectacle pictural
total : un tableau vivant dont les danseurs sont les éléments
mouvants. Auteur des décors, des costumes et parfois même
du livret, ce génial coloriste exalte la sensualité d’une Ida
Rubinstein et d’un Vaslav Nijinski dans des compositions chro-
matiques exubérantes. Le public, que l’archevêché de Paris
menace d’excommunication, voyage dans des forêts de lilas,
des îles sauvages, des palais sulfureux, vers des terres toujours
plus archaïques et modernes. La tension érotique culminera
en 1912 avec l’Après-midi d’un faune. Elle est encore palpable à
l’Opéra Garnier, où la Bibliothèque nationale de France expose
les gouaches, costumes, dessins et photos de ces sublimes fêtes
païennes. Frissons garantis. Natacha Nataf
LéoN BAkSt Costume pour une bacchante dans Narcisse
Couverture du Programme offciel des Ballets russes, théâtre du Châtelet, juin 1911
«Bakst – Des Ballets russes à la haute couture» • Palais Garnier • angle des rues Scribe et Auber • 75009 Paris • 01 53 79 37 40 • www.bnf.fr
Et aussi : «Designing Dreams – A Celebration of Leon Bakst» jusqu’au 15 janvier • NMNM-Villa Sauber • Monaco • +377 98 98 91 26 • www.nmnm.mc

saint-Paul-de-Vence Fondation maeght Jusqu’au 5 mars

Pascal Pinaud
plus solaire que jamais
De Marseille à Saint-Paul-de-Vence, cet hiver, c’est lui le roi de la Côte ! Le Niçois
Pascal Pinaud s’ofre trois expositions sur son terrain de jeux préféré. L’expo-
sition du Frac Paca, à Marseille, ouvrira plus tard, à l’été. L’occasion idéale pour
prendre la mesure de son talent facétieux et explorateur. Du château de Mouans-
Sartoux, ce peintre usant de techniques inattendues fait œuvre d’art total, opé-
rant un vertigineux brouillage des pistes (entre artisanat, design, brocante et art
«noble») dans une série de pièces qui se la joue domestique. La fondation Maeght,
elle, met l’accent sur ses infnies expériences de matières et de formes : tôles
réalisées à la laque industrielle chez un carrossier, toiles efectuées à partir de
tissus d’ameublement, collages de cire et faïence, jusqu’à un arbre sculpté avec
des centaines de fèves de galettes des rois. Le roi de la Côte, on vous dit ! E.L.

«Pascal Pinaud» • 623, chemin des Gardettes • 06570 Saint-Paul-de-Vence • 04 93 32 81 63 • www.fondation-maeght.com PASCAL PiNAuD
Et aussi : Espace de l’art concret • château de Mouans • 06370 Mouans-Sartoux • 04 93 75 71 50 • www.espacedelartconcret.fr Sans titre, 2008

116 Beaux Arts


musées / expositions
Tours ChâTeau de Tours Jusqu’au 28 mai
Et aussi… par Stéphanie Pioda

Dans l’œil de la Pologne Louvres • Archéologie en Pays de France


C’est la Pologne de Lech Walesa et d’un Jean- Même si le titre de l’exposition semble faire un clin
Paul II pas encore pape qui se dévoile ici. Celle d’œil à la Rome de Fellini, on y découvre la manière
dont les Gaulois ont adopté les modes de vie
de paysans pieux, d’enfants tout à leurs jeux
«à la romaine», dans le nord de leur territoire. Et de
miséreux et de couples aux bottes crottées. Un
rappeler que, s’il y a eu Alésia, les témoignages
pays dans un temps arrêté… Zofa Rydet en a archéologiques nous racontent autre chose qu’un
saisi tous les visages. À partir de 1978, la divorce entre les deux mondes. Les élites gauloises
photographe, alors âgée de 67 ans, part pour se romanisent, tout en conservant certaines
un grand tour dans les régions de Podhale, de traditions autochtones. Leurs villas en sont le refet.
Haute-Silésie et de la ville de Suwałki. Elle en «La Dolce Villa – Vivre à la romaine dans les
revient avec quelque 20 000 photographies, campagnes du nord de la Gaule» jusqu’au 21 mai
56, rue de Paris • 95380 Louvres • 01 34 09 01 02
véritable répertoire sociologique, comme elle http://archea.roissypaysdefrance.fr
intitulera ce fascinant corpus. Très exposé en
Pologne (l’Église s’en servit même pour sa pro- NogeNt-sur-MArNe • Maison d’art B.Anthonioz
pagande anti-communiste), il reste peu connu Denis Roche est un photographe de l’intime qui a
en France. À l’initiative du Jeu de paume, questionné la notion de déplacement et le rapport à
l’occasion de découvrir à travers 300 tirages l’acte photographique. L’exposition tire son titre d’un
de ce fonds récemment numérisé l’œuvre des chapitres de son livre la Disparition des lucioles,
immense de cet August Sander version fémi- duquel vient la cinquantaine de photographies
nine d’après-guerre. E. L. commentées de sa main. Roche exprime aussi,
en réponse à la Chambre claire de Roland Barthes,
«Zofa Rydet – Répertoire (1978-1900)»
25, avenue André Malraux • 37000 Tours
l’importance pour lui de «raconter les circonstances
02 47 21 61 95 • www.jeudepaume.org qui précèdent l’acte photographique lui-même»,
«précisément le seul commentaire esthétique réel
Zofa Rydet photographiée par Jerzy Wołasewicz. qu’on puisse apporter à l’image qui suivra».
«Denis Roche – Aller et retour dans la chambre
blanche» jusqu’au 29 janvier • 16, rue Charles VII
sérignan Musée régional d’arT ConTeMporain 94130 Nogent-sur-Marne • 01 48 71 90 07
Jusqu’au 19 février http://maba.fnagp.fr

roANNe • Musée Joseph Déchelette


Tonitruantes abstractions L’exposition dévoile l’univers délicieusement
loufoque du designer décorateur Mattia Bonetti,
Qui dit abstrait ne dit pas forcément taciturne ! Les monochromes fourmillent souvent de mille déjà présenté l’été dernier au musée des
récits, et les valses géométriques de rumeurs en tout genre. L’exposition «Flatland» s’est chargée Beaux-Arts de Carcassonne. Les 34 meubles,
de traquer les héros et héroïnes de ce plat pays de l’abstraction. Bien sûr, il n’est pas question de accompagnés d’une quarantaine de dessins
le nier, le genre abstrait est né d’un désir de se débarrasser d’un fatras de mythes et symboles, pour préparatoires et d’une trentaine de maquettes,
ne parler que de lui-même ; ou, en tout cas, de ce nouveau monde en deux dimensions qu’est la sont autant de facettes de son univers créatif,
peinture moderniste. Mais la nouvelle génération de peintres abstraits donne beaucoup à raconter riche, libre, aux inspirations multiples.
à ses tableaux : chez Wilfrid Almendra, c’est l’évocation de la banlieue domestique, transcendée ; «Mattia Bonetti» jusqu’au 10 février
22, rue Anatole France • 42300 Roanne
chez Simon Boudvin, comme une vie secrète, organique ; chez Jugnet + Clairet, un portrait 04 77 23 68 77 • www.aggloroanne.fr
caustique de l’Amérique où ils
se sont exilés. En tous les cas, rueil-MAlMAisoN • Atelier grognard
ces formes n’ont de taiseuses Aborder l’histoire de l’art, non pas par la succession
que les apparences, chargées des mouvements artistiques, mais à travers un
de la joie d’une Karina Bisch thème qui s’est imposé dans la seconde moitié
ou du pouvoir hypnotique du XIXe et la première du XXe siècle. La banlieue
d’un Philippe Decrauzat. apparaît sous le pinceau des artistes dès lors que
Alors, filez à Sérignan la peinture de plein air naît avec un Corot, mais
recueillir ces contes des mille aussi lorsque le développement du chemin de fer
et une abstractions ! E.L. ouvre les portes de la capitale, en même temps
que les Français goûtent aux loisirs. Cadre idyllique
«Flatland – Abstractions narratives» un temps, les artistes s’en emparent pour développer
146, avenue de la Plage une critique sociale, et la palette s’assombrit.
34410 Sérignan «Peindre la banlieue – De Corot à Vlaminck
http://mrac.languedocroussillon.fr (1850-1950)» jusqu’au 10 avril • 6, avenue du
Château de Malmaison • 92500 Rueil-Malmaison
SoNIA KACeN Loulou, 2014 01 47 14 11 63 • www.mairie-rueilmalmaison.fr

118 Beaux Arts


14 JANVIER >> 9 AVRIL 2017
Centre d'Art Contemporain de la MATMUT
musées / expositions à l’étranger
mAdrid musée du PrAdo
jusqu’au 19 février

Fenêtres
de réfexion
Eh non, il n’a pas fallu attendre le XXe siècle
pour que la peinture réféchisse sur elle-même !
Bien avant l’avènement de la modernité, l’art s’est
tourné vers le concept tout autant que vers l’af-
fect. C’est cette passionnante naissance de «l’idée
d’art» que retrace le Prado, à travers une centaine
de toiles appartenant principalement aux collec-
tions royales. Quel dialogue l’espace pictural
entretient-il avec l’espace réel ? Quelles révolu-
tions ont engendré les diférentes théories esthé-
tiques ? La contrée de Velázquez est mieux placée
que quiconque pour y répondre : depuis la mise en
abyme du peintre dans les Ménines jusqu’à la mise
en scène de la peinture même dans ses Fileuses, le
portraitiste de Philippe IV est l’exemple suprême
de cette «métapeinture», Michel Foucault l’a assez
démontré. Mais le Prado en appelle aussi à Titien,
au Bernin ou à Goya, pour faire mentir le ridicule
dicton qui dit «bête comme un peintre». E. L.
«Metapintura» • Paseo del Prado • Madrid
+913 30 28 00 • www.museodelprado.es

PErE BorrELL dEL Caso


Escapando de la crítica, 1874

AmsterdAm rijksmuseum jusqu’au 8 janvier

Hercules segers, admiré de Rembrandt


C’est l’un des grands inconnus du Siècle d’or hollandais. D’Hercules Segers
nous sont parvenues quelques magnifques toiles et de nombreuses gra-
vures, genre dont il fut un pionnier, développant même une technique
couleur à l’aide de peinture à l’huile. Mais qui se cache derrière ces énig-
matiques paysages de montagne, ces bleus crépuscules si lointains ? On
sait que Rembrandt l’admirait, il possédait même huit de ses peintures.
En en rassemblant une vingtaine, ainsi qu’une centaine d’estampes, impri-
mées sur papier d’Extrême-Orient (là encore, Segers fut précurseur), le
Rijksmuseum tente de lever l’énigme, autant que faire se peut. Où a-t-il
bien pu voyager, pour revenir riche de ces panoramas étrangers aux
Pays-Bas ? Aucune archive n’en témoigne. Mais les recherches récentes
ont permis en revanche de comprendre les raisons de sa disparition pré-
maturée. En parallèle à l’exposition du Rijksmuseum, la maison de Rem-
brandt évoque, quant à elle, son infuence sur les plus grands graveurs
modernes, à commencer par Max Ernst. Car il fallut attendre le XXe siècle
pour retrouver une telle sophistication dans l’art de la gravure. E.L.
«Hercules Segers» • Museumstraat 1 • Amsterdam
+31 900 0745 • www.rijksmuseum.nl HErCuLEs sEgErs Maisons dans une vallée fuviale, vers 1625

120 Beaux Arts


du côté du patrimoine

Muzéo
«Rendre l’art accessible à tous»,
c’est la démarche de cette jeune
entreprise parisienne fondée
en 2004. L’idée, aussi originale
qu’innovante, permet de créer
chez soi un décor personnalisé
avec des abat-jours, coussins
et autres objets reproduisant
des chefs-d’œuvre muséaux.

Les 10 ans du LabeL epv


(entreprises du patrimoine vivant)
Reconnaître le caractère patrimonial des savoir-faire d’excellence,
élever au rang d’héritage culturel des gestes à préserver : tel est l’enjeu du label
Entreprises du Patrimoine Vivant, créé il y a tout juste dix ans.
Une démarche qui apparaît comme une évolution des mentalités en France,
suite à l’impulsion donnée par l’Unesco en 2003 en faveur de la sauvegarde
du patrimoine culturel immatériel.
puiforcat
L’histoire de la maison Puiforcat ,
née en 1820, est celle d’une dynastie
de dix générations qui a transformé
un atelier de coutellerie parisien
en prestigieuse marque d’orfèvrerie
dont le poinçon est devenu mythique.
Aujourd’hui, quinze artistes se partagent
ce savoir-faire virtuose pour réaliser
les trois répertoires stylistiques
au catalogue : classique, Art déco
et contemporain.

L’
initiative du label EPV détenir un patrimoine économique spécifque
revient à Renaud Dutreil (équipements, documentations, marques,
Les ePV
– alors secrétaire d’État des brevets, portefeuille clientèle) ; mettre en en chiffres
PME – après avoir décou- œuvre un savoir-faire rare ou de haute techni-
vert ce que représentent les cité ; bénéfcier d’une notoriété confrmée ou 62 000 emplois
Trésors vivants au Japon.
Amoureux du patrimoine
d’un solide ancrage territorial. Ainsi, sur plus
de 3 millions d’entreprises en France, seules
14 milliards d’euros
de chifres d’afaires (CA)
et des métiers d’art, il crée 1 375 sont labellisées EPV. Parmi celles-ci, des
cumulés
ce label national par la loi du 2 août 2005 pour maisons de luxe de plus de 3 000 salariés
soutenir des entreprises aux savoir-faire arti- comme des petites structures représentées 1 375 entreprises
sanaux ou industriels d’excellence. «Nous par- par un seul artisan (65 % emploient moins de labellisées
tageons tous la même philosophie», confrme 20 personnes). Chanel et Hermès y côtoient
Stéphane Parrain, de la société Jourdant, ainsi la Maison du pastel ou la maroquinerie 38 % ont un CA supérieur
fabricant d’outillage agricole. Rappelons Pierre Cotte. Et la palette des métiers est large : à 1,7 million d’euros
qu’il s’agit d’un projet mené par le ministère fondeur de cloches ou brodeur, facteur d’or- 24,8 % ont été créées
de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, gues ou traiteur, architecte ou mécanicien de avant 1900
et non par celui de la Culture et de la précision, tapissier ou restaurateur d’art…
Communication, ce qui explique la nature Tous s’accordent à dire que ce label constitue 21,6 % ont été fondées
des trois critères à remplir pour être éligible : une véritable reconnaissance par les pairs, entre 1900 et 1950
du côté du patrimoine • Les 10 ans du LabeL epV

contrairement à Origine France Garantie qui, rement à l’étranger où il rassure et représente


lui, est payant (délivré par le Bureau Veritas cet art de vivre à la française qui fait tant rêver.
Certifcation) et n’a pas le même niveau de Agathe Djelalian, de l’Institut supérieur des
rigueur. «Entre 50 % et 100 % du prix de revient métiers, en témoigne : «Lorsque les parfums
unitaire est français et le produit prend ses Caron ont organisé une conférence de presse
caractéristiques essentielles en France», en Asie, toutes les questions concernaient le
afrme le site Originefrancegarantie.fr. label et il était presque impossible pour la
marque de présenter ses parfums !» Certes,
beaucoup d’entreprises EPV sont déjà très
Un label plus connu actives à l’international – à l’image de Château
à l’étranger qu’en France ! Haut-Bailly (85 % des 180 000 bouteilles de vin
Les bénéfces ? Une visibilité, des avantages produites sont exportées) –, mais Stéphane
fscaux légers (un crédit d’impôt création Parrain a pu quand même constater une
de 15 %, une majoration du crédit d’impôt hausse de la fréquentation de son site Internet
apprentissage porté à 2 200 € par apprenti et après sa participation à l’Exposition univer-
par an), l’accès à des salons internationaux à selle de Milan en 2015, et une augmentation
des prix intéressants, un accompagnement de demandes de devis, particulièrement en
pour l’export… Difcile de mesurer avec pré- Afrique. En ce qui concerne l’aide à la forma-
la Botte Gardiane cision l’impact de ce label en France, contrai- tion, Christian Chassagnon, de la maison
Créées à l’origine pour les gardians (cavaliers
chargés de surveiller les taureaux et chevaux
camarguais), ces bottes, d’une solidité
à toute épreuve, sont reconnaissables à leur tige
droite et leur montage mixte. L’atelier, dans
le Gard, produit 15 000 paires par an.

Pastels Girault
Fondée en 1780 à Paris, à l’âge d’or du pastel,
cette maison a fourni dès ses débuts le «prince des
pastellistes», Quentin de La Tour. Trois semaines
de travail sont nécessaires avant l’achèvement total
d’un bâton : l’empâtement et le broyage pour obtenir
une homogénéité de texture et de couleur, le toilage
et la mise sous presse pour exsuder l’eau et produire
des planches, le flage pour réaliser de parfaits bâtons,
la coupe et le marquage manuel au poinçon pour
la référence de la teinte et la signature de fabrique.

à lire
Innovation et
savoir-faire français
46 Entreprises
du Patrimoine Vivant
✶ Beaux arts éditions
100 p. • 12 €
Vittorio serio
Vittorio Serio se défnit comme l’un des derniers dinosaures du quartier du Faubourg Saint-Antoine à Paris.
Attaché au savoir-faire et aux techniques des anciens ébénistes, il s’oriente vers la création de pièce uniques.
Rémy Garnier, estime que «c’est un point
important, mais pas primordial : nous forme-
rions des apprentis même si nous n’avions pas
cette aide». Car il n’existe plus de cursus pour
l’un des métiers piliers de sa société : la serru-
rerie d’art. Pour transmettre ce savoir-faire et
assurer sa pérennité, l’entreprise s’est tournée
vers des Compagnons, monteurs ou armu-
riers, qu’elle forme pendant trois à cinq ans.
Beaucoup d’autres métiers sont devenus rares
– citons les doreurs sur cuir, les écaillistes, les
éventaillistes, les graveurs sur cristal, les cor-
setiers, les lunetiers, les tourneurs sur bois, les
plumassiers…
L’atout de nombreuses maisons se trouve dans
leurs archives, devenues historiques, un
répertoire de formes et de modèles qui consti-
tue une véritable force commerciale. Et
comme le rappellent aussi bien Jean Delisle
(bronzier d’art) que Jean-Baptiste
Drachkovitch, président de Langlois-Martin
(fabricant de paillettes), tous les modèles PhiliPPe Tournaire
peuvent être adaptés pour du sur-mesure. Ce L’iconique collection «Alchimie» est la signature de la maison Tournaire, réunissant carré, triangle et rond,
dernier en possède plus de 5 000, créés depuis que l’on retrouve ici dans ce collier en or blanc avec des pierres de couleur, des diamants et une opale.
1869, dont de nombreuses formes fantaisie
courtisées tant par des maisons de couture
comme Yves Saint Laurent et Louis Vuitton
que par les plus grands brodeurs parisiens.

Les artisans d’art version 2.0


La seule façon de maintenir l’activité est
d’innover et de se positionner sur le haut de
gamme – d’où le profl des clients : institution-
nels, palaces… La tannerie Pechdo, à Millau, a
ainsi inventé un cuir «Easy Touch», qui per-
met de surfer sur un écran tactile sans ôter ses
gants. La société Tissage des Roziers (Rhônes-
Alpes) a, quant à elle, créé «Velver», un velours
de verre tissé sur ses métiers Jacquard, intégré
dans les combinaisons des spationautes !
Toutefois, si certains métiers sont voués à la
disparition par manque de candidats à la suc-
cession, les ivoiriers, eux, sont condamnés à
l’extinction. Un arrêté du 16 août 2016, porté
par les ministres de l’Environnement et de
l’Agriculture, interdit non seulement le
commerce d’ivoire d’éléphant et de corne de
rhinocéros sur le territoire national (rien de
nouveau par rapport à la convention CITES
sur le commerce international des espèces de
faune et de fore sauvages menacées d’extinc-
tion, signée en 1973), mais aussi leur transfor-
mation, quelle que soit leur ancienneté. Ainsi
les ivoiriers, qui pouvaient jusqu’à présent tra-
vailler sur des stocks constitués avant 1975, se
voient-ils priver de l’essence même de leur
métier. Au-delà de ce cas unique, le label EPV
reste un atout pour le rayonnement de l’art de
vivre à la française, qui séduit l’univers du luxe
J.l CoqueT, CréaTeur PorCelainier
à travers le monde. Stéphanie Pioda Sous la direction artistique de Christian Le Page et de Catherine Badaire depuis 2004,
la manufacture produit plus de 200 000 pièces par an. Celles-ci sont afnées à la main
puis passent à la première cuisson pendant seize heures à une température maximale de 980°
www.patrimoine-vivant.com qui les rend poreuses. Après un bain d’émail, elles subissent une seconde cuisson «grand feu»
pendant vingt-trois heures à 1 400 °C. Elles sont alors prêtes à être décorées.
week-end
arty

À l’embouchure du feuve Douro, la Ribeira est un quartier où il fait bon fâner. Conçue par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas,
la Casa da Música a des allures de diamant brut.

Porto, la ville où se déguste l’art


Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, la deuxième ville du Portugal, qui a donné naissance à deux prix Pritzker
d’architecture, s’est dotée de galeries, de musées et de boutiques design dans ses quartiers historiques. Visite guidée.

D e mémoire de gardien de musée, on


n’avait jamais vu ça ! Depuis l’ouverture,
le 1er octobre dernier, de l’exposition «Joan
position de gauche et les milieux culturels se
lancèrent dans une bataille politico-judiciaire.
Face à la polémique, Christie’s renonça à la
rayon de soleil suft à réveiller cette cité de
granit, si chère au cœur du cinéaste Manoel
de Oliveira. Ancrée sur le feuve Douro, la
Miró – Matérialité et métamorphose» à la vente. Arrivée au pouvoir en novembre 2015, ville, élue capitale européenne de la culture
Casa de Serralves (jusqu’au 28 janvier), une la gauche décide de conserver ce trésor patri- en 2001, a changé de peau, conservant toute-
villa Art déco située dans le parc de la fonda- monial. Reste à lui trouver un lieu d’accueil fois son caractère pittoresque.
tion Serralves, une fle ininterrompue de visi- «défnitif» : ce sera la Casa de Serralves, réha- Pour goûter ce renouveau, on s’enfonce dans
teurs se presse pour découvrir ces œuvres bilitée pour l’occasion par le célèbre archi- le quartier historique de la Ribeira, un dédale
jamais présentées au public. Il faut dire que la tecte portuan Álvaro Siza Vieira, lauréat du de ruelles escarpées classé au patrimoine
collection a bien failli quitter le pays. Fin 2013, Pritzker Prize en 1992 et concepteur du mondial de l’Unesco depuis 1996. Rua das
au plus fort de la crise économique, le Premier musée d’art contemporain Serralves en 1999, Flores se cache le Museu da Misericórdia
ministre Pedro Passos Coelho (Parti social- une épure de marbre et de granit dans un (MMIPO) qui a rouvert ses portes il y a un an,
démocrate, centre droit) décidait de vendre cadre à couper le soufe… entièrement rénové. Élu musée de l’année
chez Christie’s, à Londres, 85 tableaux, des- Pour qui est allé à Porto il y a dix ou vingt ans, 2016, le MMIPO conserve une très belle col-
sins, tapisseries et sculptures de l’artiste cata- la métamorphose est spectaculaire. Galeries lection d’art ancien, des XVe-XVIIe siècles.
lan, estimés à plus de 34,7 millions d’euros. branchées, musées et boutiques design, Il s’ouvre depuis peu à l’art contemporain
Une collection dont l’État était devenu pro- architectures contemporaines, chantiers grâce à un partenariat de trois ans noué avec
priétaire en 2008 lors de la nationalisation de culturels : une frénésie créative s’est emparée la fondation Serralves. Premier projet : une
la banque BPN. Pour contrer le projet, l’op- de la deuxième ville du pays. Hors saison, un installation de l’artiste portugais Pedro

126 Beaux Arts


par Françoise-Aline Blain

Musées & centres d’Art


Casa da Música Avenida da Boavista, 604-610
+351 220 120 210 • www.casadamusica.com
Centro Português de Fotografa Campo Mártires da Pátria
+351 220 046 300 • http://www.cpf.pt
Museu de Arte Contemporânea de Serralves Rua D. João de
Castro, 210 • +351 226 156 500 • www.serralves.pt
Museu da Misericórdia do Porto (MMIPO) Rua das Flores,
15 • +351 220 906 960 • www.mmipo.pt
Museo Soares dos Reis Rua de Dom Manuel II, 44
+ 351 223 393 770 • www.museusoaresdosreis.pt
Palácio das Artes Largo de São Domingos, 16-22
+351 222 023 876 • www.fjuventude.pt/pt/
menu/44/palacio-das-artes.aspx
Uma Certa Falta de Coerência Rua dos Caldeireiros, 77
+351 919 272 115
http://acertainlackofcoherence.blogspot.fr
> Et aussi : Núcleo de Arte da Oliva À 40 km au sud
de Porto, un musée consacré à l’art brut
Rua da Fundição, 240 • São João da Madeira
+351 256 004 100 • http://olivacreativefactory.com

GAleries
Galeria Fernando Santos Rua Miguel Bombarda, 526
+ 351 226 061 090 • www.galeriafernandosantos.com
Galeria Pedro Oliveira Calçada de Monchique, 3
+351 222 007 131 • www.galeriapedrooliveira.com
Galeria Quadrado Azul Rua Miguel Bombarda, 553
Dans le parc de la fondation Serralves, la Casa de Serralves est une sublime villa Art déco +351 226 097 313 • www.quadradoazul.pt
commandée dans les années 1930 par le comte Carlos Alberto Cabral.
Hôtels
L’InterContinental Porto-Palacio das Cardosas
Cabrita Reis, One Floor, One Floor Plan découvrir la génération montante d’artistes L’un des plus beaux hôtels de la ville, installé dans
(jusqu’au 22 janvier) présentée dans le hall du portugais : João Louro, Ana Santos, Vera un monastère du XVIIIe siècle superbement rénové.
musée. À deux pas, le Palácio das Artes, amé- Mota… Mais Porto est aussi un concentré À partir de 150 € la chambre double.
nagé par la Fundação da Juventude dans d’architectures contemporaines. Élève puis > Praça da Liberdade 25 • +351 220 035 600
www.intercontinental.com/porto
l’ancien monastère de São Domingos, sou- collaborateur d’Álvaro Siza Vieira, Eduardo
Rosa et Al Déco design et accueil parfait pour ce
tient les jeunes créateurs. Le bâtiment abrite Souto de Moura, à qui l’on doit l’embléma- petit hôtel de 6 suites en plein cœur du quartier arty.
désormais des expositions, des résidences tique Casa das Artes et de nombreuses sta- Joli jardin à l’arrière. De 87 à 187 € environ.
d’artistes mais aussi des boutiques de design tions de métro de la ville, a d’ailleurs remporté > Rua do Rosário, 233 • +351 916 000 081
et le restaurant Dop du chef Rui Paula. En à son tour le Pritzker Prize en 2011. Dans le www.rosaetal.pt
remontant vers la gare de São Bento, dans quartier de Boavista, la Casa da Música de
restAurAnts
une petite rue cachée, Uma Certa Falta de Rem Koolhaas (2005), cœur de la scène cultu-
Coerência («Un certain manque de cohé- relle de Porto, a tout d’un ovni égaré. Casa de Chá da Boa Nova À 13 km au nord, l’étonnante
maison à fanc de falaise imaginée par Álvaro Siza
rence»), un artist-run space créé en 2008 par Non loin, sur les hauteurs du quartier chic de
Vieira (1963), et reconnue patrimoine national,
André Sousa et Mauro Cerqueira, est vite Foz de Douro, la Casa do Cinema, dont les est aujourd’hui un restaurant gastronomique emmené
devenu un incontournable du quartier. baies vitrées font immanquablement penser à par le chef Rui Paula. Magique. De 80 à 120 €.
Portés par des initiatives privées, ces lieux l’objectif d’une caméra, a été construite par > Avenida da Liberdade • Leça da Palmeira
culturels donnent un nouveau soufe à la ville. Souto de Moura en 2003 pour Manoel de Oli- + 351 229 940 066 • http://ruipaula.com
Maus Hábitos Bar-restaurant alternatif situé
Car Porto n’est pas qu’une ville-musée. Elle veira. Elle vient d’être rachetée 1,58 M€ par
au dernier étage d’un garage. Patio à ciel ouvert.
cultive aussi un esprit créatif et underground. Sindika Dokolo. Le gendre du président de Expositions et concerts en prime.
Au nord-ouest, le quartier méconnu de l’Angola, qui possède la plus grande collection > Rua Passos Manuel, 178 • +351 937 202 918
Massarelos, situé au pied du pont Arrábida, d’art africain contemporain, entend faire du www.maushabitos.com
s’est transformé en refuge arty. Concept bâtiment «un espace de réfexion et d’appren- Restaurante DOP Carpaccio de poulpe, Francesinha
stores alternatifs, galeries d’art contemporain tissage pour les jeunes artistes» et le siège euro- sandwich… Logé dans le Palácio das Artes,
au cœur du centre historique, l’un des meilleurs
(Quadrado Azul, Fernando Santos) et bou- péen de sa fondation créée en 2003 à Luanda. restaurants de la ville. Menu déjeuner à 20 € !
tiques arty feurissent dans les rues Miguel De quoi faire vibrer un peu plus la cité de gra- > Largo de São Domingos, 18
Bombarda et Rosário. Une belle occasion de nit, nouvel épicentre de la culture lusophone. +351 222 014 313 • http://ruipaula.com

Beaux Arts 127


galeries par Emmanuelle Lequeux

les 5 expositions du mois

1 Galerie anne Barrault


david B. rêve son frère
C’est l’un des auteurs de BD les plus singuliers de l’époque actuelle.
Dans l’Ascension du Haut Mal, ses planches firtent magnifquement avec
la gravure sur bois, l’inconscient le plus primitif, la sombre enluminure.
Elles sont surtout pleines d’émotion. Quant aux dessins que David B.
réalise de manière autonome, ils fourmillent tout autant de détails
stupéfants. La galerie dévoile ici des portraits du frère de l’auteur,
cet enfant épileptique qui est au cœur de la saga du Haut Mal. «J’ai suivi
au cours des années la façon dont la maladie et ses conséquences
ont marqué et transformé son corps et son visage. Les blessures dues
aux chutes, puis les cicatrices, les dents et les cheveux qui tombent,
la prise de poids à cause du manque d’exercice, le casque bleu qu’il a
porté un temps pour éviter les chocs, les plaies et les bosses, la
moustache, les cheveux longs, le crâne rasé, les lunettes cassées et
rafstolées», explique l’artiste. Les autres dessins tournent autour de
l’image du Roi du Monde, tel que l’a imaginé l’ésotérique métaphysicien
René Guénon au début du XXe siècle, livre qui a été pour David B. comme
une échappatoire durant l’enfance. Chacun d’eux est un monde en soi.
«David B. – Mon frère et le Roi du Monde»
du 7 janvier au 18 février • 51, rue des Archives • 75003 Paris
09 51 70 02 43 • www.galerieannebarrault.com

DAviD B. Portrait du Roi du Monde, série Portraits du Roi du Monde


et portraits de mon frère, 2015

Galerie
2 Patrice triGano
lemaître du lettrisme
Il est le dernier géant du lettrisme. Mais, à 90 ans,
le poète Maurice Lemaître n’est pas encore reconnu
à sa juste mesure. D’où cette exposition, qui rassemble
des œuvres presque oubliées de cet enragé de la
littérature, qui explora aussi bien la danse que le
théâtre ou le cinéma. De typographies explosées en
calligraphies à la machine à écrire, cet anar complice
d’Isidore Isou (qui aura droit à sa rétrospective en
2018 à Pompidou) a toute sa vie tenté de revivifer
la lettre autant que l’esprit. La preuve ici avec
quelques pièces que nul n’a vues depuis des
décennies, à commencer par sa sculpture Édition
spéciale ou l’œuvre-roman Double Exclamation
schizophrénique. À compléter par sa première
monographie, parue aux éditions de la Différence.
«Maurice Lemaître – 90 ans au-delà du déclic»
jusqu’au 28 janvier • 4 bis, rue des Beaux-Arts MAuRice LeMAîtRe Chronique d’un amour, 1971
75006 Paris • 01 46 34 15 01
www.galeriepatricetrigano.com

128 Beaux Arts


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galeries / les expositions du mois
Et aussi… par Stéphanie Pioda

3 Galerie SerouSSi
fiGureS féminineS
PARIS • Galerie Mathias Coullaud
David LaChapelle et Pierre & Gilles sont les héritiers
De nus fantasmatiques en garçons manqués, la galerie de l’esthétique érotique de James Bidgood, l’auteur
Natalie Seroussi a remporté un joli succès à la dernière du mythique flm Pink Narcissus en 1971. Sa signature ?
Fiac avec son accrochage «La femme visible». Elle Des éphèbes nus dans des décors aux tons roses et bleus
le prolonge dans son propre espace, où la femme se que l’on retrouve un peu passés sur les 25 Polaroid
décline sous mille visages : démantelée par Hans Bellmer de 1963 présentés par la galerie. Tous proviennent
— dont une poupée défe de son étrange beauté deux de l’atelier new-yorkais de l’artiste. «Ces photographies
mannequins plus «traditionnels» en vitrine —, mécanisée sont troublantes car cette esthétique qui était
par Man Ray, libérée par Esther Ferrer, maquillée révolutionnaire, scandaleuse, gay et subversive il y a
comme un camion par Elaine Sturtevant, qui simule cinquante-trois ans se retrouve aujourd’hui dans
un visage de Martial Raysse en amusant vis-à-vis avec l’imagerie populaire», s’amuse le galeriste.
un vrai Raysse à la bouche de néon. Des années 1930 «James Bidgood» du 6 janvier au 4 mars
aux années 1970, du politique au cyborg, pas besoin 12, rue de Picardie • 75003
de se demander où sont les femmes : elles sont là. 01 71 20 90 41 • www.mathias-coullaud.com
«La femme visible» jusqu’au 14 janvier • 34, rue de Seine
75006 Paris • 01 46 34 05 84 • www.natalieseroussi.com
PARIS • Galerie Wallworks
MARTIAL RAySSE La France orange, 1963 Le Parnasse est en ébullition : Athéna pleure, Atlas
a des airs de Robinson Crusoé maintenant à bout de bras
une planète en train de s’effondrer, Charon commence
Galerie loevenbruck
4 bruno peinado, come-back pop
à fondre dans ses Enfers, Zeus est un mutant, fruit du
croisement entre Chewbacca et un guitariste de hard rock…
POES revisite les récits antiques et mythologiques, cernant
Il a fait un très joli come-back l’été dernier, avec une exposition folle au Mrac de Sérignan, après quelques
les héros de son large trait noir tout en les animant
années de discrétion. Porté par l’espoir d’un Bob Dylan qui chante The Times They Are A Changing, cette
de ses couleurs impertinentes. Une pirouette pour évoquer
exposition se veut havre de résistance à tous les replis identitaires. Formes ouvertes, couleurs mêlées, œuvres
notre époque non sans humour.
jamais arrêtées… Bruno Peinado a toujours milité pour le «vivre- et le faire-ensemble». Jusqu’à travailler
«POES – Vestiges de l’amour» jusqu’au 21 janvier
avec ses flles toutes jeunes, auteurs avec lui de sculptures qui décoiffent. Et qu’il mêle à ses toiles roses 4, rue Martel • 75010 • 09 54 30 29 51
et/ou grises, ces deux couleurs méprisées, dans un accrochage qui fourmille de références aux minimalistes www.galerie-wallworks.com
comme à Supports/Surfaces. Bref, c’est doux comme une pop song, mais ça accompagne longtemps
et ça redonne de l’espoir.
«Bruno Peinado – The Times They Are A Changing» jusqu’au 20 janvier • 6, rue Jacques Callot • 75006 Paris
Bruxelles • Galerie Lazarew
01 53 10 85 68 • http://loevenbruck.com Il est Ukrainien, n’a que 22 ans, et déjà l’étoffe d’un
génie. Sergey Kononov ne fait aucune concession face
à cette jeunesse qu’il dépeint, et pourtant, on ne peut
qu’être fasciné par cette beauté innervée de violence.
Alors, pourquoi ce choix du titre «Rouge» pour l’exposition ?
«Pour moi, c’est le sang qui coule à travers tout le corps,
c’est la pulsion animale de la vie, la force omniprésente
«Joël Stein et le GRAV» du physique qui domine toute autre forme d’expression,
jusqu’au 21 janvier telle que celles de l’âme, du spirituel ou de la pensée.»
108, rue Vieille du Temple
75003 Paris
Avec une force inouïe.
01 40 27 05 55 «Sergey Kononov – Rouge II» jusqu’au 7 janvier
www.xippas.com 66, place du Jeu de balle (Vossenplein)
+32 484 15 59 68 • www.galerie-lazarew.fr
JOëL STEIn
Proposition, 1958, refait en 1974
Bruxelles • Patrick Derom Gallery
Automne 2014. Fabienne Verdier est reçue en résidence
à la Juilliard School, à New York. Le but ? Créer une

5
rencontre artistique avec le pianiste Philip Lasser, la soprano
Galerie XippaS joël Stein en trompe-l’œil Edith Wiens, le chef d’orchestre William Christie, le
violoncelliste Darrett Adkins et les jazzmen Kenny Barron
Alors qu’à Miami les Américains s’esbaudissent de l’immense richesse de l’œuvre de Julio Le Parc, exposé
et Ray Drummond. La peintre a donné des contours
pour la première fois aux États-Unis au Pérez Art Museum, la galerie Xippas met en lumière l’un de ses complices,
aux sonorités, aux accords, aux harmonies sans s’enfermer
Joël Stein. Ensemble, dans les années 1960, ils ont créé le Groupe de Recherche d’Art Visuel (GRAV), avec
dans l’illustration littérale des sons. La clé, pour elle, est
François Morellet ou Jean-Pierre Vasarely, dit Yvaral. Une aventure magnifque, mais longtemps oubliée. Tous
d’avoir lâché prise et laissé son corps agir, portée par
infuencés par l’art concret autant que par le cinétisme naissant de Victor Vasarely, ils s’amusent à déjouer
une énergie qu’elle n’avait encore jamais expérimentée.
l’œil à coups de mille stimulations rétiniennes et réenchantent l’abstraction froide, sans jamais sombrer dans
«Fabienne Verdier – Soundscapes
le lyrisme de leurs pairs d’après-guerre. Ainsi le visiteur devient-il grâce à eux un Homo ludens, homme jouant, The Juilliard Experiment» jusqu’au 11 février
concept que Stein théorise, misant tout sur «la surprise, le geste, la provocation». Entouré d’œuvres d’Horacio 1, rue aux Laines • +32 25 14 08 82
Garcia-Rossi, Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino et Yvaral, il palpite à nouveau. www.patrickderomgallery.com

130 Beaux Arts


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marché
Vue de l’exposition «The Future is Our Only Goal»
de la galerie zurichoise Gmurzynska.

ART BASEL MIAMI


Une édition calme et sans saveur
La succursale américaine de la foire d’art contemporain de Bâle n’a plus le dynamisme de ses débuts.
Mais, cocorico, les Français y ont été très remarqués !

L e temps de la fête est-il révolu ? Miami


semblait en tout cas bien calme, en cette
fn novembre. La foire Art Basel aurait-elle
Allemands, même si ceux-ci se faisaient
remarquer par leur forte activité sur la foire.
conséquence naturelle de sa magnifque rétro-
spective au Pérez Art Museum de Miami.
L’organisation de la foire vient d’ailleurs de
vieilli ? Malgré le chantier actuel d’agrandisse- globale et standardisée lancer un nouveau concept, celui d’Art Basel
ment du Convention Center, les 269 galeries L’ensemble s’est assagi, donc (malgré l’hom- City, et Buenos Aires s’est portée candidate
invitées composaient un show de haut niveau, mage à paillettes remarqué de la fameuse pour être la première à briguer ce titre. Il s’agit
et les plus prescripteurs des amateurs d’art de drag-queen Lady Bunny à David Bowie pour de mettre l’accent sur une ville à la forte densité
la planète répondaient présents comme tou- l’ouverture) et peut-être un peu standardisé : culturelle, pour créer des synergies autour d’un
jours. Mais il y avait moins de frénésie, et on regrette tous ces artistes d’Amérique latine événement annuel qui attirerait tous les VIP
moins de légèreté. Il faut dire que les vents qu’Art Basel Miami en ses premières années fdèles à Bâle et à Miami. Une sorte de label
n’étaient guère favorables : à l’incertitude permettait de découvrir. Le continent latino d’excellence, qui pourrait bientôt s’étendre sur
engendrée par l’élection de Donald Trump, est toujours là, bien sûr, mais dans sa version chaque continent. La globalisation est en route !
s’ajoutaient le virus Zika qui, semble-t-il, a plus courue. Les acheteurs brésiliens font un C’est d’ailleurs une esthétique plus globalisée
effrayé nombre de collectionneurs, et les retour en force, tandis que l’artiste Julio Le Parc qui se met en scène à Miami, où Américains,
grèves de la Lufthansa qui ont retenu quelques fait un tabac chez Perrotin et Nara Roesler, Espagnols, Colombiens et Français côtoient

132 Beaux Arts


par Emmanuelle Lequeux

vue de l’installation de toilet Paper (Maurizio Cattelan & Pierpaolo Ferrari) Matthias BitzEr Window, 2016
sur le stand de la fondation bâloise Beyeler. Galleria Francesca Minini, Milan

désormais des galeries venues d’Inde, du Japon piégeuse (on le verra au Palais de Tokyo au prin-
ou de Chine, pour asseoir le succès que ces temps). Beauté ténue, également, du dialogue
dernières rencontrent à Art Basel Hong Kong, entre Maria Loboda et Cristián Silva chez
dont les collectionneurs asiatiques ont désor- Maisterravalbuena. Le secteur «Positions»,
mais eux aussi de plus en plus tendance à faire censé faire découvrir de jeunes talents à travers
un détour par la Floride. Dans le secteur géné- un solo show, s’avérait, lui, très décevant. Preuve
ral, quelques stands sortaient du lot. À com- de vieillissement à nouveau ? C’était du côté de
mencer par celui des Mexicains d’OMR, qui «Survey», réservé aux historiques, que se
tournait au manifeste anti-Trump. «Notre plus nichaient quelques-unes des plus belles propo-
grand voisin a fait ce choix, nous ne pouvions sitions. Les délicates sculptures en mouvement
rester silencieux, clame la galerie. Ce stand, de George Rickey enchantaient chez Maxwell
c’est un peu notre île des réfugiés.» Cerné de Davidson, autant que les autels gitans de l’Afro-
rideaux de Guillaume Leblon, attisé par les Américaine Betye Saar chez Roberts & Tilton,
visages de Miriam Cahn, le stand de Jocelyn ou les Villeglé chez les Vallois, qui eux aussi ont
Wolf était tout aussi bien composé (ce qui lui su séduire les Américains. La France aurait-elle
a valu un joli succès). Idem, dans un genre plus le vent en poupe ? Sur la vingtaine de projets
historique, avec la galerie Gmurzynska, de dans l’espace public proposés devant le Bass
Zurich, qui ressuscitait efcacement la révolu- Museum, autour d’un totem revigorant du
tion russe de 1917. En tout cas, ses artistes. Suisse Ugo Rondinone, quatre jeunes Français
Dédié à des œuvres inédites, le secteur «Nova» étaient invités : Camille Henrot, Davide Balula,
Jonathan horovitz Does She Have a Good Body? No. réservait aussi de jolies surprises, comme le Jean-Marie Appriou et Éric Baudart. Soit 20 % :
Does She Have a Fat Ass? Absolutely, 2016 Japonais Taro Izumi chez Take Ninagawa, qui la France aurait renoué avec la croissance, et on
Sadie Coles Gallery, Londres crée une installation vidéo aussi charmante que ne nous aurait rien dit ?

Beaux Arts 133


marché / Salons par Lucie Delubac

Genève • Art Genève du 26 Au 29 jAnvier

Tout schuss !
Créé il y a six ans, le salon Art Genève
a non seulement trouvé immédiatement
sa place dans le calendrier des grandes
foires d’art contemporain, mais il a
très rapidement conquis les galeries
internationales et la clientèle suisse
ainsi que les collectionneurs européens
proftant de la saison de ski. Avec
80 exposants triés sur le volet,
dont les galeries Gagosian, Templon
et Obadia qui reviennent chaque année,
ce salon se distingue par sa taille
humaine, sa qualité d’exposition, son
organisation impeccable et sa clientèle
de collectionneurs avisés au fort
pouvoir d’achat. Sa force d’attractivité
est telle qu’on l’appelle «le petit
Art Basel», en référence à la fameuse
foire qui se tient chaque année
à Bâle en juin. Après un premier essai
très réussi, la galerie parisienne
Zlotowski revient avec une sélection
d’œuvres de Jean Dubuffet, François
Morellet et Le Corbusier. Deuxième
GreGOrY CreWdsOn Woman at Window participation également pour la galerie Tornabuoni avec ses artistes italiens des années 1950 à 1970 :
2014, photographie couleur numérique, 95,3 x 127 cm. Alberto Burri, Enrico Castellani, Lucio Fontana, Dadamaino… Le marchand, installé à Paris, a déjà un bon réseau
Galerie Templon, Paris-Bruxelles de collectionneurs suisses grâce à sa galerie de Crans-Montana. D’autres vont tenter l’aventure genevoise
Autour de 63 000 € pour la première fois, tels Georges-Phillipe & Nathalie Vallois avec quelques pièces des Nouveaux Réalistes
(dont le Suisse Jean Tinguely) à côté d’une programmation contemporaine regroupant Gilles Barbier, Peybak,
Art Genève • Palexpo Richard Jackson ou encore Taro Izumi, lequel sera exposé au Palais de Tokyo en 2017. Nouvelle venue
route François Peyrot 30 • le Grand-saconnex également, la galerie Mitterrand va montrer un ensemble historique d’art optique et cinétique face à des œuvres
www.artgeneve.ch récentes d’Allan McCollum et de Carlos Cruz-Diez.

Bruxelles • BrAFA (Brussels Antiques & Fine Arts FAir) du 21 Au 29 jAnvier

Chic et éclectique
La Brussels Antiques & Fine Arts Fair (Brafa) revient chaque année, pour le plus grand bonheur des amateurs.
Avec le temps, cette foire d’art et d’antiquités qui réunit 132 exposants internationaux a su développer ses exigences
de qualité dans plusieurs spécialités, notamment l’art tribal, l’archéologie ou encore la bande dessinée. Parmi
les nouveaux exposants, la Belgian Fine Comic Strip Gallery, venue de Rombach (Luxembourg), présente un show
entièrement dédié à Hergé, «ce qui représente dix ans de préparation», précise Bernard Soetens, directeur de la galerie
et spécialiste de l’École belge de BD. Il a ainsi réuni un support publicitaire de 1968 consistant en un dessin original
du professeur Tournesol avec chapeau melon et parapluie, en hommage à Magritte ; le crayonné d’une planche
de Tintin au Tibet ; une mise en couleurs de 1952 représentant Tintin
dans la pirogue extraite de l’Oreille cassée ; ou encore le tapuscrit
de On a marché sur la Lune, avec des corrections manuscrites.
La galeriste belge Anne Autegarden fait son retour
après plusieurs années d’absence : «À l’époque, on était
peu à faire des arts décoratifs du XXe siècle. Aujourd’hui,
je constate que la foire a joliment progressé», souligne-t-elle.
Elle montrera du design italien des années 1950,
à l’instar d’un spectaculaire et sculptural meuble gainé
de parchemin par Valzania. Mais aussi un ensemble d’assises
des années 1950-1960 par Robsjohn-Gibbings, t. H. rOBsjOHn-GiBBinGs Méridienne
dont un rare modèle de méridienne aux pieds en laiton. Vers 1955, acajou avec piétement en laiton,
édition Widdicomb, 84 x 167 x 67 cm.

Brafa • tour & taxis • avenue du Port 86 C Galerie Anne Autegarden, Bruxelles

Bruxelles • www.brafa.be Autour de 40 000 €

134 Beaux Arts


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MUSÉE

Design contemporain

LILLE GRAND PALAIS


2>5 MARS 2017
Musée Joseph Déchelette
ROANNE

BILLET TERIE Rejoignez-nous !


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marché / adjugé ! par Lucie Delubac

HERGÉ On a marché sur la Lune


drouot • paris 7 et 8 novembre
1953, encre de Chine
et gouache pour la planche no 26
de cet album publié en 1954
aux éditions Casterman, 50 x 35 cm

1,55 M€
Estimation :
700 000 à 900 000 €

artCuriaL • paris 19 novembre

Objectif Lune réussi pour la BD


L’intemporel et universel Tintin, dont les aventures ont traversé le XXe siècle,
caracole toujours en tête des ventes de bandes dessinées, séduisant
les différentes générations de collectionneurs. À Paris, chez Christie’s
le 19 novembre, la planche originale n° 59 de l’album On a marché sur la Lune
a presque doublé son estimation basse pour atteindre 602 500 €. Le même jour
chez Artcurial, la planche n° 26 du même album s’est envolée à 1,55 M€,
soit le record mondial pour une planche simple (une page) de BD aux enchères.
La plus-value entre les deux planches ? Les héros (Tintin, Milou, le capitaine
Haddock et le professeur Tournesol) fguraient sur la planche vendue chez
Artcurial et non sur celle de Christie’s.

de baeCQue & assoCiÉs • drouot • paris 18 novembre


ANNE-LOUIS GIRODET Portrait de madame Augustine Bertin de Veaux
1809, huile sur toile, 119 x 99 cm
Doré acrobate
447 360 € Estimation : 400 000 à 600 000 € Les bronzes de Gustave Doré
sont particulièrement rares
sur le marché. Pas étonnant que
L’adieu à Villepreux cette spectaculaire sculpture
fgurant une Pyramide humaine,
Un morceau du patrimoine français s’est envolé, dispersé aux enchères les 7
encore appelée les Acrobates,
et 8 novembre à Drouot : les collections du château de Villepreux, près de Versailles.
ait suscité l’intérêt des
Le domaine de Villepreux est acheté en 1607 par un ingénieur fontainier du roi
collectionneurs. L’artiste, qui,
qui y fait construire son château. Un siècle plus tard, Villepreux est érigé en comté
dès son plus jeune âge, excellait
par Louis XIV, puis cédé à Louis XV. Madame de Pompadour y séjourna. Louis XVI
dans tous les champs artistiques
cède le château à son architecte François Heurtier. Vendu deux fois au tournant
(dessin, peinture, gravure,
du XVIIIe siècle, il est transféré en 1826 par le jeu des successions et des mariages
chanson, danse, violon et
aux Bertin de Veaux, grande famille qui dirigea notamment le Journal des débats.
acrobaties), aborda la sculpture
Resté dans la descendance depuis, il fut fréquenté par l’élite artistique
à 45 ans. Exposée au musée
et intellectuelle, dont Chateaubriand. Poids de la succession oblige, les actuelles
d’Orsay lors de la rétrospective
héritières, les sœurs de Saint Seine, ont livré à l’encan son contenu : du mobilier XIXe,
Gustave Doré, cette épreuve
des tableaux dont une galerie de portraits de famille par Girodet, des dessins,
(la 5e connue) a atteint un prix
des sculptures, ainsi que la bibliothèque du château. Le tout pour moins de 4 M€.
record pour une sculpture de
Beaucoup d’œuvres ont été acquises par des marchands étrangers, tel ce portrait
l’artiste en ventes publiques.
d’Augustine Bertin de Veaux par Girodet que le peintre exposa au Salon de 1809
avec six autres portraits féminins et celui de Chateaubriand. On peut regretter
que l’État ait laissé partir cet ensemble sans bouger. Aucune œuvre n’avait été
classée monument historique ou même trésor national. Aucun musée national GUSTAVE DORÉ
n’a acheté ou préempté lors de la vente aux enchères. Seules trois œuvres La Pyramide humaine ou Les Acrobates
ont rejoint des institutions : un grand tableau d’Henri Lehmann, parti au musée Fabre 1880, bronze à patine brune,
59 x 11,5 x 10,5 cm
de Montpellier pour 100 000 €, le Portrait de Louis François Bertin par Laneuville
et un dessin de Girodet, préemptés par la Maison de Chateaubriand (domaine 250 000 €
départemental de la Vallée-aux-Loups) respectivement pour 14 000 € et 23 000 €. Estimation : 60 000 à 80 000 €

136 Beaux Arts


marché / adjugé ! par Lucie Delubac

SOTHEBY’S • NEW YORK 14 NOVEMBRE

FRANK AUERBACH Tête de Gerda Boehm


1965, huile sur carton, 44,5 x 37 cm.

4,4 M€ Estimation : 350 000 à 590 000 €

SOTHEBY’S • LONDRES 10 NOVEMBRE


EDVARD MUNCH Filles sur le pont 1902, huile sur toile, 101 x 102,5 cm. 51 M€ Estimation : 47 M€
Enchères record pour
Une icône de Munch
les fétiches de Bowie La vente du soir d’art moderne et impressionniste orchestrée par Sotheby’s à New York en novembre dernier
Immense succès pour la collection de David Bowie a totalisé 148 M€. Trente-quatre lots sur les 42 proposés ont trouvé preneurs. Un tableau a réalisé à lui seul
(disparu en janvier 2016) dispersée à Londres un tiers du chiffre d’affaires de la vente : Filles sur le pont [ill. ci-dessus] de l’artiste symboliste norvégien
chez Sotheby’s. En dix jours d’exposition, la maison Edvard Munch, adjugé 51 M€. Un seul enchérisseur et un seul coup de marteau ont réglé le sort de cette
de ventes a accueilli près de 40 000 visiteurs, icône artistique, estimée à un si haut prix (garanti, c’est-à-dire qu’un acheteur s’était engagé à l’acquérir pour
aussi bien des fans que des collectionneurs d’art. cette somme) que cela a découragé toute compétition. Ce résultat constitue la deuxième meilleure enchère
La vente de prestige du 10 novembre rassemblait pour l’artiste, derrière une version du célèbre Cri vendue 90,5 M€ en 2012, toujours à New York chez
le meilleur de la collection du chanteur, soit 47 œuvres Sotheby’s. Les précédents propriétaires des Filles sur le pont ont tiré un bon proft de l’œuvre, puisqu’elle
d’art du XXe siècle qui ont attiré des amateurs de s’était vendue aux enchères pour 6 M€ en 1996 et 20 M€ en 2008.
46 pays : 765 enchérisseurs s’étaient enregistrés pour
cet événement, «du jamais vu pour une vente du soir
à Londres», selon Sotheby’s. Toutes les œuvres CHRISTIE’S • NEW YORK 16 NOVEMBRE
ont été vendues pour un total de 28 M€, le double
de l’estimation haute. Air Power, peint par Basquiat Monet, une Meule au sommet
en 1984, a grimpé à 8,3 M€, alors qu’il était estimé La vente de prestige d’art impressionniste et moderne chez Christie’s à New York a rapporté 229 M€
au mieux 4 M€. Bowie, qui avait incarné en 1996 avec 39 œuvres vendues. Le clou de la soirée est revenu à un tableau impressionniste de Monet représentant
Andy Warhol dans le flm Basquiat de Julian Schnabel, une Meule [ill. ci-dessous] dont le prix a grimpé à 75,7 M€, après une belle bataille d’enchères de 15 minutes.
avait été un proche de l’artiste new-yorkais. Ce résultat a pulvérisé le précédent record pour l’artiste de 52 M€, atteint par le Bassin aux nymphŽas (1919)
Douze records mondiaux ont été enregistrés au cours en 2008 à Londres chez Christie’s. Cette Meule de Monet fait partie d’une série de 25 tableaux que le peintre
de cette vente principalement consacrée à la a exécutés sur le même sujet entre 1890 et 1891
peinture britannique. L’enchère la plus remarquable depuis sa maison de Giverny en Normandie, dans
a couronné un tableau de Frank Auerbach, T•te des conditions différentes d’atmosphère et de lumière
de Gerda Boehm [ill. ci-dessus], œuvre fétiche pour faisant varier les effets chromatiques. Et c’est l’une
Bowie qui, selon les jours, lui apportait une dimension des rares en mains privées. La majorité d’entre elles
spirituelle face à son angoisse du moment ou, est conservée dans de grandes institutions, à l’instar
au contraire, «un incroyable sentiment de triomphe». du musée d’Orsay, du Metropolitan Museum of Art
En 2001, l’œuvre avait été prêtée par Bowie de New York, de l’Art Institute de Chicago ou encore
à la Royal Academy de Londres, à l’occasion d’une de la National Gallery of Scotland.
rétrospective Auerbach. Durant dix longues minutes,
CLAUDE MONET Meule 1891, huile sur toile, 72,7 x 92,1 cm.
huit enchérisseurs se sont disputé le Auerbach,
qui s’est envolé au prix record de 4,4 M€. 75,7 M€ Estimation : 45 M€

138 Beaux Arts


calendrier des expositions
derniers jours ! vous avez encore le temps…
îLE-DE-FrancE îLE-DE-FrancE Fondation Louis Vuitton MiCro onde Musée de MontMartre
8, avenue du Mahatma Gandhi • 75116 8 bis, avenue Louis Bréguet • 78140 12, rue Cortot • 75018
muséEs muséEs 01 40 69 96 00 • fondationlouisvuitton.fr Vélizy-Villacoublay • 01 78 74 39 17 01 49 25 89 39 • museedemontmartre.fr
& cEntrEs D’art & cEntrEs D’art daniel buren – L’observatoire patrick Corillon bernard buffet – intimement
de la lumière Jusqu’en 2017 Le degré zéro des images Jusqu’au 5 mars
Fondation Cartier Les arts déCoratiFs ✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS Du 14 janvier au 18 mars
261, bd Raspail • 75014 • 01 42 18 56 50 107, rue de Rivoli • 75001 icônes de l’art moderne – La collection Musée de L’orangerie
fondation.cartier.com 01 44 55 57 50 • lesartsdecoratifs.fr Chtchoukine Jusqu’au 20 février Musée d’art Moderne Place de la Concorde • 75001
Le grand orchestre des animaux roger tallon Jusqu’au 8 janvier ✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS de La ViLLe de paris 01 44 77 80 07 • musee-orangerie.fr
Jusqu’au 8 janvier Jean nouvel Jusqu’au 12 février 11, avenue du Président Wilson • 75116 La peinture américaine des années 1930
L’esprit du bauhaus Jusqu’au 26 février frac île‑de‑france • le plateau 01 53 67 40 00 • mam.paris.fr Jusqu’au 30 janvier
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12, rue Boissy d’Anglas • 75008 tenue correcte exigée Jusqu’au 23 avril 01 76 21 13 41 fraciledefrance.com philippe decrauzat Jusqu’au 15 janvier Musée d’orsay
01 53 30 88 00 strange days Du 19 janvier au 16 avril Marc riboud Jusqu’au 15 janvier 1, rue de la Légion d’Honneur • 75007
fondation-entreprise-ricard.com ateLier grognard Carl andre Jusqu’au 12 février 01 40 49 48 14 • musee-orsay.fr
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11, quai de Conti • 75006 sites éternels Jusqu’au 9 janvier Jusqu’au 29 janvier 01 85 56 00 36 • museepicassoparis.fr
01 40 46 56 66 • monnaiedeparis.fr bibLiothèque-Musée de L’opéra hergé Jusqu’au 15 janvier picasso / giacometti Jusqu’au 5 février
Maurizio Cattelan Jusqu’au 8 janvier Palais Garnier • angle des rues Scribe ✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS Musée CernusChi
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13, avenue du Président Wilson • 75116 il était plusieurs fois Jusqu’au 19 février institut du Monde arabe en allemagne Jusqu’au 12 février du Jourdain au CongoJusqu’au 2 avril
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tino sehgal Jusqu’au 18 décembre 01 40 51 38 38 • imarabe.org Jusqu’au 12 février Musée rodin
Centre poMpidou des trésors à porter – bijoux et parures Miguel branco – black deer 77, rue de Varenne • 75007
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01 44 78 12 33 • centrepompidou.fr biskra, reine du désert Jusqu’au 22 janvier L’enfer selon rodin Jusqu’au 22 janvier
gaLerie MarteL-greiner rené Magritte – La trahison des images aventuriers des mers – de sindbad Musée de CLuny
6, rue de Beaune • 75007 Jusqu’au 23 janvier à Marco polo Jusqu’au 26 février 6, place Paul Painlevé • 75005 Musée de La Vie roMantique
01 84 05 62 49 • martel-greiner.fr ✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS 01 53 73 78 00 • musee-moyenage.fr 16, rue Chaptal • 75009
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kollektsia ! Jusqu’au 27 mars soulèvements Jusqu’au 15 janvier Musée JaCqueMart-andré Musée Zadkine
Besançon Cy twombly Jusqu’au 24 avril 158, boulevard Haussmann • 75008 100 bis, rue d’Assas • 75006
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2, passage des Arts • 25000 Place André Thomé et Jacqueline musee-jacquemart-andre.com destins/dessins de guerre
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Jusqu’au 30 décembre chateau-de-vincennes.fr nathalie gyatso Du 3 au 28 janvier paLais gaLLiera
Zevs – noir éclair Jusqu’au 29 janvier Musée du LouVre 10, avenue Pierre Ier de Serbie • 75116
Les Baux-de-Provence MaC VaL Quai du Louvre • 75001 01 56 52 86 00 • palaisgalliera.paris.fr
Carrières de LuMières Cité de L’arChiteCture Place de la Libération • 94400 Vitry- 01 40 20 53 17 • louvre.fr anatomie d’une collection, 2e partie
Route de Maillane • 13520 et du patriMoine sur-Seine • 01 43 91 64 20 • macval.fr geste baroque Jusqu’au 16 janvier Jusqu’au 12 février
04 90 54 47 37 • carrieres-lumieres.com 1, place du Trocadéro • 75116 L’effet Vertigo Jusqu’au 28 février un suédois à paris – La collection
Chagall – songes d’une nuit d’été 01 58 51 52 00 • citechaillot.fr Jean-Luc Verna Jusqu’au 26 février tessin Jusqu’au 16 janvier petit paLais
Jusqu’au 8 janvier tous à la plage Jusqu’au 12 février Morgane tschiember Jusqu’au 5 mars Corps en mouvement Jusqu’au 3 juillet Avenue Winston Churchill • 75008
✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS 01 53 43 40 00 • petitpalais.paris.fr
éCoLe nationaLe supérieure Maison d’art Musée du LuxeMbourg oscar Wilde – L’impertinent absolu
Lourmarin des beaux-arts bernard anthonioZ 19, rue de Vaugirard • 75006 Jusqu’au 15 janvier
912 arty gaLLery 14, rue Bonaparte • 75006 16, rue Charles VII • 94130 • 01 40 13 62 00 • museeduluxembourg.fr L’art de la paix Jusqu’au15 janvier
4, rue du Grand Pré • 84160 01 47 03 50 00 • beauxartsparis.com Nogent-sur-Marne • 01 48 71 90 07 Fantin-Latour – À feur de peau kehinde Wiley Jusqu’au 15 janvier
09 81 35 88 40 • 912artygallery.com pompéi à travers le regard maba.fnagp.fr Jusqu’au 12 février
soulmates Jusqu’au 31 décembre des artistes français du xixe siècle denis roche Jusqu’au 29 janvier ✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS phiLharMonie de paris
Jusqu’au 13 janvier 221, avenue Jean Jaurès • 75019
Tours La Maison rouge Musée MaiLLoL 01 44 84 44 84 • philharmoniedeparis.fr
Musée des beaux-arts espaCe daLí 10, boulevard de la Bastille • 75012 61, rue de Grenelle • 75007 Ludwig van – Le mythe beethoven
18, place François Sicard • 37000 11, rue Poulbot • 75018 01 40 01 08 81 • lamaisonrouge.org 01 42 22 59 58 • museemaillol.com Jusqu’au 29 janvier
02 47 05 68 73 • mba.tours.fr 01 42 64 40 10 • daliparis.com plus jamais seul – hervé di rosa ben – tout est art ? Jusqu’au 15 janvier ✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS
Martin de tours Jusqu’au 8 janvier Joann sfar / salvador dalí Jusqu’au 31 mars et les arts modestes Jusqu’au 22 janvier ✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS
gaLEriEs
viLLeneuve-d’ascq La FerMe du buisson Maison de ViCtor hugo Musée MarMottan Monet
LaM Allée de la Ferme • 77186 Noisiel 6, place des Vosges • 75004 2, rue Louis Boilly • 75016 gaLerie 1900-2000
1, allée du Musée • 59650 01 64 62 77 00 • lafermedubuisson.com 01 42 72 10 16 01 44 96 50 33 • marmottan.fr 8, rue Bonaparte • 75006
03 20 19 68 68 • musee-lam.fr Chantal akerman – Maniac shadows maisonsvictorhugo.paris.fr hodler, Monet, Munch – peindre 01 43 25 84 20 • galerie1900-2000.com
Luc tuymans Jusqu’au 8 janvier Jusqu’au 19 février La pente de la rêverie Jusqu’au 23 avril l’impossible Jusqu’au 22 janvier the tête gallery Jusqu’au 14 janvier

140 Beaux Arts


calendrier des expositions
vous avez encore le temps…
GALERIE AnnE BARRAULt GALERIE pERRotIn corTe mUSéE DES ConFLUEnCES trésors enluminés de normandie
51, rue des Archives • 75003 76, rue de Turenne • 75003 FRAC CoRSE 86, quai Perrache • 69002 JusquÕau 19 mars
09 51 70 02 43 • galerieannebarrault.com 01 42 16 79 79 • perrotin.com La Citadelle • 20250 04 28 38 11 90 • museedesconfuences.fr
David B. Du 7 janvier au 18 fŽvrier pieter Vermeersch 04 20 03 95 33 • corse.fr Corps rebelles JusquÕau 5 mars mUSéE DES BEAUx-ARtS
Du 7 janvier au 18 fŽvrier Hakima El Djoudi JusquÕau 31 mars Esplanade Marcel Duchamp • 76000
GALERIE AVAnt-SCènE mArseIlle 02 35 71 28 40 • mbarouen.fr
4, place de l’Odéon • 75006 GALERIE tHADDAEUS RopAC dIjon mUCEm Le temps des collections V
01 46 33 12 40 • avantscene.fr 7, rue Debelleyme • 75003 LE ConSoRtIUm 7, promenade Robert Laffont • 13002 JusquÕau 21 mai
Créations poétiques des artistes 01 42 72 99 00 • ropac.net 37, rue de Longvic • 21000 04 84 35 13 13 • mucem.org
de la galerie pour les 30 ans Rauschenberg JusquÕau 14 janvier 03 80 68 45 55 • leconsortium.fr Albanie – 1 207 km Est JusquÕau 2 janvier sAInT-nAZAIre
d’Avant-Scène JusquÕau 31 janvier 69, av. du Général Leclerc • 93500 Pantin Fictions JusquÕau 8 janvier Café In JusquÕau 23 janvier LIFE
01 55 89 01 10 • ropac.net Rodney Graham / David Hominal / Base des sous-marins • Alvéole 14
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10, rue Notre-Dame de Lorette • 75009 69, avenue de Haïfa • 13008 02 40 00 41 68
01 45 26 40 54 • galeriedetais.fr GALERIE xIppAS douchy-les-mInes 04 91 25 01 07 • culture.marseille.fr lelifesaintnazaire.wordpress.com
Christophe Cartier JusquÕau 14 janvier 108, rue Vieille du Temple • 75003 CEntRE RéGIonAL théo mercier JusquÕau 29 janvier Harun Farocki Du 13 janvier au 26 mars
01 40 27 05 55 • xippas.com DE LA pHotoGRApHIE
GALERIE DUmontEIL Joël Stein et le GRAV JusquÕau 21 janvier DU noRD-pAS-DE-CALAIS mUSéE CAntInI sAInT-pAul-de-vence
38, rue de l’Université • 75007 Place des Nations • 59282 19, rue Grignan • 13006 FonDAtIon mAEGHt
01 42 61 23 38 • sculpturesworld.com régions 03 27 43 56 50 • crp.photo 04 91 54 77 75 • culture.marseille.fr 623, chemin des Gardettes • 06570
Rubén Fuentes JusquÕau 31 janvier maxime Brygo JusquÕau 5 fŽvrier Le rêve JusquÕau 22 janvier 04 93 32 81 63 • fondation-maeght.com
AIX-en-provence pascal pinaud JusquÕau 5 mars
GALERIE GAGoSIAn CAUmont CEntRE D’ARt grenoBle meTZ
4, rue de Ponthieu • 75008 3, rue Joseph Cabassol • 13100 mUSéE DE GREnoBLE CEntRE pompIDoU-mEtz sérIgnAn
01 75 00 05 92 • gagosian.com 04 42 20 70 01 • caumont-centredart.com 5, place Lavalette • 38000 1, parvis des Droits de l’Homme • 57000 mUSéE RéGIonAL
Cy twombly – orpheus JusquÕau 18 fŽvrier marilyn – I Wanna Be Loved By You 04 76 63 44 44 • museedegrenoble.fr 03 87 15 39 39 • centrepompidou-metz.fr D’ARt ContEmpoRAIn
JusquÕau 1er mai ✶ HORS-SéRIE BEAUX ARTS kandinsky – Les années parisiennes Entre deux horizons – Avant-gardes 146, avenue de la Plage • 34410
GALERIE GEoRGES-pHILIppE (1933-1944) JusquÕau 29 janvier allemandes et françaises 04 67 32 33 05
& nAtHALIE VALLoIS AmIlly du Saarlandmuseum JusquÕau 16 janvier mrac.languedocroussillon.fr
33 et 36, rue de Seine • 75006 LES tAnnERIES lAnderneAu oskar Schlemmer – L’homme qui danse Andrea Büttner JusquÕau 19 fŽvrier
01 46 34 61 07 • galerie-vallois.com 234, rue des Ponts • 45200 FonDS HéLènE & éDoUARD LECLERC JusquÕau 16 janvier Flatland – Abstractions narratives #1
peybak Du 13 janvier au 26 fŽvrier 02 38 85 28 50 • lestanneries.fr poUR LA CULtURE Un musée imaginé JusquÕau 19 fŽvrier
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6, rue du Pont de Lodi • 75006 Urs Fischer JusquÕau 29 janvier Chemin Hébert • 38700 03 69 77 66 47 • kunsthallemulhouse.com
01 56 24 03 63 • kamelmennour.com 04 76 42 97 35 • musee-hebert.fr Encoding the Urban – Régionale 17 sTrAsBourg
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BD Factory Du 19 janvier au 20 mai 99, rue Paul Bert • 62300 5, place du Général Gouraud • 51100 JusquÕau 26 mars
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3, rue du Cloître Saint-Merri • 75004 InStItUt CULtUREL L’histoire commence en mésopotamie Gigantesque ! JusquÕau 31 mai dans l’art contemporain JusquÕau 30 avril
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«La collection» au Centre national du graphisme-Le Signe à Chaumont.
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