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VI
I S B N 978-92-2-227756-8
Conférence
internationale
du Travail
103e session, 2014
BIT
ILC.103/VI
Rapport VI
Les désignations utilisées dans les publications du BIT, qui sont conformes à la pratique des Nations Unies, et la
présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part du Bureau international du Travail aucune prise de
position quant au statut juridique de tel ou tel pays, zone ou territoire, ou de ses autorités, ni quant au tracé de ses
frontières.
La mention ou la non-mention de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel produit ou procédé commercial
n’implique de la part du Bureau international du Travail aucune appréciation favorable ou défavorable.
Les publications du Bureau international du Travail peuvent être obtenues dans les principales librairies ou auprès
des bureaux locaux du BIT. On peut aussi se les procurer directement, de même qu’un catalogue ou une liste des
nouvelles publications, à l’adresse suivante: Publications du BIT, Bureau international du Travail,
CH-1211 Genève 22, Suisse, ou par e-mail: pubvente@ilo.org ou par notre site Web: www.ilo.org/publns.
Page
Abréviations ..................................................................................................................... v
Introduction ...................................................................................................................... 1
ILC.103/VI iii
Abréviations
ILC.103/VI v
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
vi ILC.103/VI
Introduction
1. Six ans après le début de la crise financière et économique mondiale en 2008, les
marchés du travail restent profondément déstabilisés dans de nombreux pays, le déficit
d’emplois s’est aggravé au niveau mondial, et le monde voit se profiler une reprise
économique atone et inégale en 2014, et probablement au-delà. Dans ces conditions,
l’intégration de 404 millions de nouveaux arrivants sur le marché du travail durant les
dix prochaines années et la nécessité de trouver des emplois décents et productifs pour
les 202 millions de chômeurs existants représentent un énorme défi. La reprise et le
développement durables exigent des stratégies de croissance et un cadre politique
cohérents, proactifs et inclusifs, axés sur l’emploi, tant aux niveaux mondial que national,
dans les économies industrialisées comme dans les pays émergents et en développement.
2. Cela étant, la deuxième discussion récurrente sur l’emploi à la 103e session de la
Conférence internationale du Travail (CIT) en 2014 représente pour les mandants
tripartites de l’OIT l’occasion de procéder à un examen critique des mesures prises dans
les Etats Membres et par le Bureau afin d’évaluer l’efficacité des actions menées à ce
jour et d’examiner les choix pour l’avenir.
3. La première discussion récurrente sur l’emploi à la Conférence de 2010 a inauguré
le cycle de débats sur les objectifs stratégiques de l’OIT adoptés dans le cadre de la
Déclaration de l’OIT de 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable.
Cette session s’est tenue un an après l’adoption du Pacte mondial pour l’emploi en 2009,
alors que la communauté internationale engageait des actions coordonnées pour éviter
une aggravation de la récession, soutenir la reprise économique et renforcer les marchés
du travail. Cette deuxième discussion récurrente sur l’emploi intervient quatre ans après
le premier débat, dans un contexte marqué par le ralentissement de l’économie mondiale,
les mesures d’austérité fiscale et budgétaire adoptées dans de nombreux pays et les
incertitudes auxquelles font face les entreprises, autant de facteurs qui restreignent les
possibilités d’investissement et entravent les mesures proactives qui permettraient
d’affronter les dimensions structurelles et cycliques de la crise de l’emploi.
4. Rédigé par le Bureau sur la base des orientations données par le Conseil
d’administration du BIT à sa 317e session 1 , ce rapport comprend trois parties. Le
chapitre 1 analyse d’abord l’impact de la crise mondiale persistante sur les tendances de
l’économie et de l’emploi dans divers pays et régions. Les réponses politiques à la crise
et les discussions sur leur efficacité sont commentées dans la section 1.1.2. Au-delà de la
crise elle-même, la section 1.2 analyse six tendances mondiales et les facteurs structurels
de changement, et leurs profondes répercussions sur les fondements conceptuels de la
prochaine génération de politiques de l’emploi.
1
BIT: Rapport soumis au titre de la discussion récurrente sur l’emploi (2014), Conseil d’administration,
317e session, Genève, 2013, document GB.317/POL/1, http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---
relconf/documents/meetingdocument/wcms_204997.pdf.
ILC.103/VI 1
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
5. Le chapitre 2 décrit les mesures prises, essentiellement par le Bureau, pour donner
suite à la résolution adoptée en 2010 lors de la première discussion récurrente sur
l’emploi, qui couvrent les domaines de première importance identifiés par la CIT et
approuvés par le Conseil d’administration à sa 309e session en novembre 2010 2. Pour
être efficaces et profiter au plus grand nombre, les politiques de l’emploi doivent
conjuguer, dans un cadre cohérent adapté aux différentes conjonctures, un large éventail
de mesures et de politiques touchant tant la demande que l’offre de main-d’œuvre et
favorisant l’intermédiation des institutions du marché du travail. L’analyse présentée ici
est donc fondée sur la nature indissociable et solidaire des quatre objectifs stratégiques
de l’OIT, énoncés dans la Déclaration de 2008 sur la justice sociale pour une
mondialisation équitable. Ce deuxième examen périodique de l’objectif d’emploi est
enrichi par les discussions récurrentes sur la protection sociale (2011), les principes et
droits fondamentaux au travail (2012) et le dialogue social (2013) et leurs conclusions
respectives, qui ont mis en évidence les synergies avec les politiques de l’emploi.
6. Compte tenu des contraintes d’espace et de l’ampleur des sujets abordés, ce rapport
se doit d’être succinct et sélectif et se borne à donner quelques exemples de pays, sur la
période 2010-2013. Les données fondamentales sur le mandat et les politiques relatives à
l’objectif stratégique de l’emploi, notamment l’Agenda mondial pour l’emploi de 2003
et le Pacte mondial pour l’emploi, ont été abondamment traitées dans le rapport rédigé
pour la première discussion récurrente sur l’emploi en 2010 et ne seront pas répétées ici.
On s’attend également à ce que les mandants de l’OIT alimentent le débat en fournissant
des informations reflétant la diversité et la richesse des réalités nationales et en faisant
part de leur expérience dans le cadre des politiques d’emploi adoptées pour mettre en
œuvre les conclusions de la résolution de 2010.
7. Le chapitre 3 conclut en examinant les voies d’action possibles, notamment dans le
contexte de la réforme interne engagée par le Directeur général et des domaines de
première importance énoncés dans le programme et budget pour 2014-15.
2
BIT: Suite donnée à l’adoption de la résolution concernant la discussion récurrente sur l’emploi, Conseil
d’administration, 309e session, Genève, nov. 2010, document GB.309/3/1, http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/
public/---ed_norm/---relconf/documents/meetingdocument/wcms_146285.pdf.
2 ILC.103/VI
Chapitre 1
1
Toutes les estimations de croissance sont tirées de la base de données sur les Perspectives de l’économie
mondiale. Voir également FMI: Perspectives de l’économie mondiale: Espoirs, réalités, risques (Washington,
DC, 2013).
ILC.103/VI 3
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
12. A la fin de 2013, l’incertitude subsistait sur les perspectives de reprise forte et
soutenue. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que la production mondiale
pourrait croître de 2,9 pour cent en 2013 à 3,6 pour cent en 2014, sans pour autant
exclure totalement les risques de baisse.
13. La croissance molle et persistante des économies avancées et le ralentissement de
la croissance en Chine (qui réoriente sa stratégie vers la croissance interne) donnent à
penser que la conjoncture économique mondiale sera moins favorable à la croissance des
exportations et des investissements directs étrangers (IDE). Les exportateurs de produits
de base peuvent s’attendre à une baisse des prix. L’accès aux marchés internationaux des
capitaux risque également de se restreindre en raison de l’augmentation des taux
d’intérêt due aux politiques de resserrement monétaire dans les pays avancés. Les pays à
faible revenu pourraient voir l’aide publique au développement (APD) et les autres
sources d’assistance se tarir si l’atonie des économies avancées se prolonge.
14. On peut également craindre un essoufflement de la dynamique économique qui a
permis à l’Afrique d’enregistrer la deuxième plus forte croissance régionale au monde.
Si la faiblesse de la croissance mondiale entraîne sur ce continent une baisse des recettes
tirées des exportations de produits de base, une réduction du volume d’exportations
d’autres biens, ainsi qu’une diminution des recettes du tourisme, de l’APD, des IDE et
des fonds envoyés par les travailleurs émigrés, la mutation structurelle rapide des
économies africaines dépendra de plus en plus de la croissance intérieure 2.
15. Dans la région Asie-Pacifique, la croissance est estimée à 6 pour cent en 2013, soit
nettement moins que durant la période précédant la crise 3, en grande partie à cause du
ralentissement en Chine et en Inde 4.
16. En Amérique latine et dans les Caraïbes, la croissance en 2013-2017 sera
probablement inférieure de presque un point de pourcentage à la période 2003-2007, en
raison de la baisse de la croissance mondiale. Cette région devrait connaître une baisse
du prix réel des produits de base, un recul des échanges commerciaux et de la
consommation privée, et une forte réduction dans la croissance des investissements. Les
soldes budgétaires se sont détériorés et restent beaucoup plus faibles qu’avant la crise
financière 5.
17. Le désordre de l’économie mondiale depuis 2010 a eu de profondes répercussions
sur les marchés du travail du monde entier. Déjà affaiblis par la baisse de la demande
globale, ils ont subi dans de nombreux pays l’impact supplémentaire des programmes
d’austérité budgétaire. La baisse de confiance et l’incertitude accrue entravent les grands
investissements et la création rapide d’emplois. Le sentiment d’incertitude, la faiblesse
des flux d’investissement et la baisse des gains de productivité se conjuguent pour
2
Banque africaine de développement (BAD), Organisation pour la coopération et le développement économiques
(OCDE), Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et Commission économique des Nations
Unies pour l’Afrique (UNECA): Perspectives économiques en Afrique 2013: transformation structurelle et
ressources naturelles (Paris, 2013).
3
Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique (CESAP): Economic and
social survey of Asia and the Pacific 2013: Forward-looking macroeconomic policies for inclusive and
sustainable development (Bangkok, 2013).
4
Banque asiatique de développement (BAsD): Asian Development Outlook 2013: Asia’s energy challenge
(Manille, 2013); BIT: Asia–Pacific labour market update (Genève, 2013).
5
Banque interaméricaine de développement (BID): 2013 Latin American and Caribbean macroeconomic report
(New York, 2013).
4 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
Graphique 1.1. Taux de chômage par région, 2010-2013, et projections pour 2015
13
12
11
10
Taux de chômage (%)
3
2010 2011 2012 2013 2014p 2015p
Monde Economies développées et Union européenne
Europe centrale et du Sud-Est (hors UE) et CEI Asie de l’Est
Asie du Sud-Est et Pacifique Asie du Sud
Amérique latine et Caraïbes Moyen-Orient
Afrique du Nord Afrique subsaharienne
p = projections.
Source: BIT: Trends Econometric Models, oct. 2013.
19. A la fin de 2013, 202 millions de personnes dans le monde étaient sans emploi.
Malgré le léger redressement de la croissance de la production prévu pour 2013-14, le
nombre de chômeurs dans le monde devrait augmenter de 4,2 millions en 2014 et de
3 millions en 2015 7.
20. Dans les économies avancées, les taux de disparition d’emplois ont récemment
repris leur progression, après une brève stabilisation en 2010. Ce groupe de pays
représente moins de 16 pour cent de la main-d’œuvre mondiale, mais la moitié de
l’augmentation totale du chômage (31,8 millions) depuis le début de la crise en 2008.
21. Le recul du ratio global emploi/population durant la crise est surtout dû à la baisse
du taux de participation à la population active, les travailleurs découragés par la pénurie
d’emplois quittant le marché du travail. En 2013, le ratio global emploi/population était
de 59,6 pour cent, bien en deçà des niveaux d’avant la crise. Le plus fort repli au niveau
régional s’est produit dans les économies développées et l’Union européenne (UE), où il
a chuté de 57,0 pour cent à 54,8 pour cent entre 2007 et 2013.
6
BIT: Tendances mondiales de l’emploi 2013: Surmonter une nouvelle crise de l’emploi (Genève, 2013).
7
BIT: Tendances mondiales de l’emploi 2014: vers une reprise sans emplois? (Genève, 2014).
ILC.103/VI 5
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
22. Malgré la baisse du taux de participation à la population active, on estime que cette
dernière comptera 404 millions de personnes de plus d’ici à 2024: il faudra donc créer
plus de 600 millions d’emplois dans le monde pour accueillir les personnes actuellement
au chômage et les nouveaux arrivants sur le marché du travail 8.
Premières victimes de la crise: les jeunes
23. La crise a eu un impact disproportionné sur les jeunes: ils sont de plus en plus
vulnérables face à la hausse du chômage; ceux qui trouvent du travail occupent des
emplois de moins bonne qualité; ils souffrent plus des inégalités sur le marché du travail;
la transition entre la sortie de l’école et le travail est plus longue et précaire; et le
décalage s’accroît entre leurs compétences et les besoins du marché du travail. L’écart
entre les aspirations et les capacités des jeunes et les possibilités d’emploi s’est creusé.
24. Globalement, les jeunes restent trois fois plus susceptibles de chômer que les
adultes (voir tableau 1.1), multiple qui s’élève à près de six en Asie du Sud-Est et dans le
Pacifique. Après un pic de 12,9 pour cent en 2009-10, le taux de chômage des jeunes a
légèrement diminué au niveau mondial, mais a ensuite repris sa progression, atteignant
13,1 pour cent en 2013 (voir tableau 1.1 et graphique 1.2). Cette tendance ne devrait pas
évoluer sensiblement d’ici à 2018, avec des projections de 13,2 pour cent 9. Globalement,
les jeunes femmes ont un taux de chômage supérieur à celui des jeunes hommes (13,5 et
12,8 pour cent respectivement en 2013), écart particulièrement marqué dans certaines
régions, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
Tableau 1.1. Indicateurs clés du marché du travail, jeunes, monde et régions, 2010 et 2013
8
BIT: Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2013: Une génération menacée (Genève, 2013).
9
BIT: Tendances mondiales de l’emploi 2014: vers une reprise sans emplois?, op. cit.
6 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
Graphique 1.2. Taux de chômage des jeunes, total, hommes et femmes, 2007-2012,
projections jusqu’en 2018
14,0
13,8
13,5
13,5
Taux de chômage des jeunes (%)
13,1 13,2
13,1 13,1
13,0 12,9
12,7
12,8 12,8
12,5 12,7
12,4
11,9
12,0
11,6
11,5
11,4
11,0
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014p 2015p 2016p 2017p 2018p
p = projections.
Source: BIT: Trends Econometric Models, oct. 2013.
25. Comme l’indiquent plusieurs rapports du BIT, le chômage des jeunes n’est que la
partie émergée de l’iceberg 10. Dans les pays à revenu élevé, de plus en plus de jeunes
sont contraints d’accepter un emploi temporaire, à temps partiel, voire les deux 11. Dans
les pays moins développés, le défi n’est pas seulement de créer des emplois pour les
jeunes mais aussi d’en améliorer la qualité. Dans ces pays, une forte proportion de jeunes
qui travaillent est sous-employée ou occupée dans l’économie informelle. Les résultats
d’enquêtes récemment menées par le BIT sur la transition de l’école au monde du travail
dans plusieurs pays à revenu faible et intermédiaire montrent qu’en moyenne six jeunes
travailleurs sur dix dans les pays en développement perçoivent un salaire inférieur à la
moyenne nationale; dans une même proportion, ils n’ont pas de contrat de travail 12.
Environ 80 pour cent des jeunes travailleurs des pays d’Afrique subsaharienne couverts
par l’enquête travaillaient dans l’économie informelle 13.
Hausse du chômage de longue durée
26. Le chômage de longue durée 14, sujet peu étudié à ce jour 15, progresse dans la
plupart des pays de l’OCDE. Si les longues périodes de chômage étaient la norme dans
10
Voir, par exemple, BIT: La crise de l’emploi des jeunes: Il est temps d’agir, Rapport V, Conférence
internationale du Travail, 101e session, Genève, 2012, http://www.ilo.org/ilc/ILCSessions/101stSession/reports
/reports-submitted/WCMS_176539/lang--fr/index.htm.
11
BIT: Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2013: Une génération menacée, op. cit.
12
Les résultats des enquêtes sur la transition de l’école au travail sont disponibles à: www.ilo.org/w4y.
13
BIT: Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2013: Une génération menacée, op. cit.
14
Le chômage de longue durée est défini comme une période de plus de six mois sans emploi, ou de plus d’un an.
Le texte indique clairement la durée à laquelle il renvoie.
15
Parmi les recherches récemment commandées par le Bureau, voir R. Ghayad: The great recession and
long-term unemployment (Genève, BIT, à paraître); et M. Hengge: Long-term unemployment across OECD
countries (Genève, BIT, à paraître).
ILC.103/VI 7
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
de nombreux pays de l’OCDE, même avant la crise (voir graphique 1.3), ce phénomène
a toujours été rare aux Etats-Unis. Pourtant, entre 2007 et le premier trimestre de 2011,
la proportion du nombre de chômeurs aux Etats-Unis restés sans emploi pendant plus de
six mois a progressé de 17 à 44 pour cent. Ce taux reste toutefois inférieur à celui de
nombreux pays européens, même durant la période précédant la crise: en 2007, plus de
60 pour cent des chômeurs dans plusieurs pays (Allemagne, Belgique, Espagne, Estonie,
Grèce, Hongrie, Pologne, Portugal, Slovaquie et République tchèque) ont connu une
période de chômage supérieure à six mois. Bien que le taux de chômage aux Etats-Unis
ait lentement diminué après le pic de la crise, le nombre moyen de mois de chômage a
poursuivi sa progression; en 2012, la durée moyenne du chômage y était d’environ neuf
mois, soit une augmentation de 140 pour cent par rapport à son niveau d’avant la
récession de 2007. Dans les pays de l’OCDE, la durée moyenne du chômage est passée
de huit à dix mois entre 2007 et 2012.
Graphique 1.3. Chômage selon la durée, en pourcentage du nombre total de chômeurs, 2007 et 2012
100 %
13,5
18,2
Incidence du chômage en fonction de la durée (%)
90 %
80 %
21,4
70 % 24,5
60 %
16
50 % 15,8
40 % 14,8
12,8
30 %
20 %
34,3
28,6
10 %
0%
2007 2012
Un an et plus Entre six mois et un an Entre trois et six mois Entre un et trois mois Moins d’un mois
27. Les données sur le chômage de longue durée ne sont pas systématiquement
analysées en dehors des pays de l’OCDE. D’après les informations disponibles, ce
phénomène ne semble pas important en Asie. En Afrique du Nord, les taux se situent
autour de 10 pour cent. Dans certains pays d’Europe de l’Est (ex-République yougoslave
de Macédoine et Monténégro), ils dépassent 15 pour cent, mais sont beaucoup plus
faibles dans les autres pays de la région (environ 5 pour cent). Comme le chômage en
général, le chômage de longue durée touche partout les femmes et les jeunes de façon
disproportionnée et aggrave encore la vulnérabilité des groupes déjà défavorisés sur le
marché du travail.
28. Il importe de bien cerner la nature du chômage de longue durée. S’il est structurel
– par exemple, en raison de l’inadéquation accrue des compétences ou de la distribution
géographique déséquilibrée entre les travailleurs et les emplois vacants –, plusieurs
possibilités s’offrent. Les dispositifs de profilage des demandeurs d’emploi et ceux qui
facilitent la transition de l’école au monde du travail peuvent contribuer à aider les
8 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
personnes les plus susceptibles d’être victimes de ce type de chômage. Les mesures de
formation développées en collaboration avec les partenaires sociaux peuvent prévenir
l’érosion des compétences. De même, les initiatives de création directe d’emplois aident
les chômeurs à préserver leurs qualifications et à maintenir des liens avec le marché du
travail et les réseaux sociaux. Les règlements qui interdisent la discrimination contre les
chômeurs de longue durée contribuent également à réduire cette forme de chômage.
Cependant, selon de nombreuses organisations internationales, dont le BIT 16 , et
d’éminents économistes et décideurs politiques 17 , les forts taux de chômage et le
chômage de longue durée, notamment dans les économies avancées, sont en grande
partie de nature cyclique et reflètent une demande globale insuffisante. Les politiques
stimulant la demande peuvent dès lors s’avérer utiles; elles doivent souvent
s’accompagner de mesures macroéconomiques efficaces, telles les dépenses
anticycliques et les dispositions fiscales.
29. Les régimes de prestations de chômage contribuent notablement à alléger les
difficultés financières des demandeurs d’emploi et de leur famille, et leur facilitent la
recherche d’un emploi correspondant à leurs qualifications. Les données disponibles ne
corroborent pas la thèse selon laquelle des prestations généreuses allongent la durée du
chômage 18 . Néanmoins, plusieurs pays de l’OCDE imposent maintenant certaines
obligations aux prestataires et conditionnent l’octroi des prestations à leur participation à
diverses mesures d’activation: rechercher un emploi, améliorer leurs qualifications,
accepter des offres d’emploi, etc. En règle générale, il convient de rechercher une
approche équilibrée entre les mesures de protection et d’activation, de manière à
satisfaire tant les exigences d’équité que d’efficacité. Il conviendrait également
d’approfondir les recherches sur les réponses politiques efficaces pour remédier à la
hausse du chômage de longue durée.
Le phénomène des travailleurs pauvres
30. Dans de nombreux pays en développement, une proportion importante des
travailleurs ne perçoit pas une rémunération suffisante pour satisfaire ses besoins de base.
A l’heure actuelle, quelque 375 millions de travailleurs et leur famille vivent dans
l’extrême pauvreté (revenu quotidien par membre du foyer inférieur à 1,25 dollar des
Etats-Unis), et environ 464 millions de travailleurs ont régulièrement des difficultés à
satisfaire leurs besoins fondamentaux. La crise économique mondiale a contribué à
infléchir le rythme de réduction de la pauvreté au travail 19.
31. En Europe centrale et du Sud-Est, la pauvreté au travail a fortement diminué au
cours des années deux mille, avant de stagner au début de la crise en 2009. Actuellement,
3,6 pour cent des travailleurs de cette région sont considérés comme moyennement ou
extrêmement pauvres, le foyer disposant d’un revenu quotidien de moins de 2 dollars E.-U.
par personne. Ce taux devrait tomber à 2,8 pour cent en 2018.
32. Dans certains pays d’Amérique latine et des Caraïbes, le nombre de travailleurs
pauvres a considérablement chuté durant la dernière décennie. Entre 2000 et 2013, la
proportion de travailleurs vivant avec moins de 2 dollars E.-U. par jour est passée de 16 à
moins de 7 pour cent. Au cours de la même période, la proportion de travailleurs en
16
Par exemple FMI: Labour market policies and IMF advice in advanced economies during the great recession
(Washington, DC, 2013).
17
Par exemple Janet Yellen, Présidente du Federal Reserve Board des Etats-Unis.
18
R. Ghayad: The great recession and long-term unemployment (Genève, BIT, à paraître).
19
ONU: Objectifs du Millénaire pour le développement: Rapport de 2013 (New York, 2013).
ILC.103/VI 9
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
10 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
Tendances salariales
37. La croissance du salaire réel moyen a chuté ou ralenti dans de nombreux pays
développés depuis le début de la crise. Globalement, après une croissance de 0,6 pour
cent en 2010, les salaires réels moyens dans ce groupe de pays ont diminué de 0,5 pour
cent en 2011, pour se stabiliser autour d’une croissance nulle en 2012 21 . Comme le
montre le graphique 1.4, il existe des écarts entre les pays de la zone euro qui ont mis en
œuvre des programmes d’austérité et procédé à une «dévaluation interne» au moyen de
baisses des prix et de réductions salariales, plutôt qu’en dévaluant la monnaie; la chute
des salaires réels y a parfois été draconienne, comme en Grèce, où ils ont globalement
fléchi de 15 pour cent en 2010 et 2011. Ces tendances ont suscité certaines
préoccupations quant aux effets de la stagnation des salaires sur la consommation des
ménages et la demande globale 22 . Les salaires réels ont toutefois augmenté en
Allemagne et aux Etats-Unis. En Europe de l’Est et dans la Communauté d’Etats
indépendants (CEI), la crise a provoqué une baisse des salaires en 2009, puis ils ont
repris leur progression, par exemple 27 pour cent dans la Fédération de Russie (voir
graphique 1.4).
Graphique 1.4. Tendances des salaires réels moyens, pays choisis, 2007-2012 (indice: 2007 = 100)
170
160
150
Indice des salaires réels
140
130
120
110
100
90
2007 2008 2009 2010 2011 2012
* = estimation.
Source: BIT: Base de données mondiale sur les salaires.
38. Dans les pays émergents et en développement, la croissance des salaires réels a été
contrastée: plus élevée en Asie de l’Est (marquée par la croissance rapide des salaires
réels en Chine et par une diminution considérable du nombre de travailleurs pauvres,
comme mentionné ci-dessus); plus modeste en Afrique, en Amérique latine et dans les
Caraïbes. Le graphique 1.4 montre que, durant toute la période 2007-2012, les salaires
21
BIT: Rapport mondial sur les salaires 2012/13: Salaires et croissance équitable (Genève, 2013).
22
Ibid.
ILC.103/VI 11
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
réels moyens ont augmenté au Brésil, en Afrique du Sud et en Chine (18, 21 et 61 pour
cent, respectivement). La croissance réelle des salaires dans les économies émergentes et
en développement aurait été encore plus marquante si elle avait suivi la courbe des gains
de productivité.
L’emploi informel
39. L’emploi informel reste un défi majeur sur les marchés du travail, notamment dans
les pays en développement. Une récente compilation de statistiques sur ce sujet pour
47 pays et territoires montre qu’en moyenne plus de 40 pour cent des emplois non
agricoles dans les pays en développement sont de nature informelle 23.
40. Les mesures de l’emploi informel exprimées en pourcentage de l’emploi total non
agricole excluent le grand nombre de travailleurs du secteur agricole informel,
notamment dans les pays à faible revenu, où le travail dans l’agriculture reste le dernier
recours pour de nombreuses personnes 24.
41. Ces dernières années, la progression vers la formalisation a été lente, en partie à
cause du faible nombre d’emplois formels créés durant, et après, la crise 25.
42. L’emploi informel a néanmoins régressé dans certains pays d’Amérique latine 26,
tels l’Argentine et le Brésil 27, grâce à la mise en œuvre d’un ensemble de politiques.
Malgré cette évolution positive, l’emploi informel demeure à des niveaux élevés dans de
nombreux pays de la région; dans certains pays (Etat plurinational de Bolivie,
El Salvador, Honduras et Pérou), il représente les deux tiers de l’emploi total non
agricole (voir graphiques 1.5 a) et 1.5 b)). Une enquête réalisée par le BIT auprès des
ménages dans cinq pays (Colombie, Equateur, Mexique, Panama et Pérou) montre que,
pendant la crise, le nombre d’emplois du secteur formel a diminué, et la proportion des
emplois informels indépendants dans les activités non agricoles a augmenté de près de
3 pour cent 28.
23
BIT et Women in Informal Employment: Globalizing and Organizing (WIEGO): Women and men in the
informal economy: A statistical picture (Genève, BIT, 2013).
24
BIT: La transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, Rapport V(1), Conférence internationale
du Travail, 103e session, Genève, 2013; OCDE-Sahel and West Africa Club (SWAC) secretariat: «Informal
economy and food security», West African Futures (no 6, nov. 2011).
25
BIT: Rapport sur le travail dans le monde 2012: De meilleurs emplois pour une économie meilleure.
26
BIT: La transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, op. cit.
27
Banque mondiale: Rapport sur le développement dans le monde 2013: Emplois (Washington, DC, 2013).
28
BIT: Panorama Laboral 2010. América Latina y el Caribe (Lima, 2010).
12 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
Graphique 1.5 a). Emploi informel hors du secteur informel, activités non agricoles,
pays choisis, par sexe, dernière année disponible (en pourcentage)
100
90
80
70
60
50
Pourcentage
40
30
20
10
Femmes Hommes
* Employés seulement.
Source: BIT: Département de statistique.
Graphique 1.5 b). Emploi dans le secteur informel, activités non agricoles, pays choisis,
par sexe, dernière année disponible (en pourcentage)
90
80
70
60
Pourcentage
50
40
30
20
10
Femmes Hommes
ILC.103/VI 13
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
43. Dans toutes les régions, les jeunes et les femmes sont surreprésentés dans le secteur
informel 29. En Amérique latine, six jeunes salariés sur dix n’ont pu trouver qu’un emploi
informel 30; en Fédération de Russie, où l’emploi informel est faible, 50,9 pour cent des
nouveaux arrivants sur le marché du travail occupent un emploi de ce type. En Arménie et
en Egypte, 64,2 et 91,1 pour cent, respectivement, des jeunes occupent un emploi informel.
Il s’agit souvent d’un travail peu qualifié, avec de mauvaises conditions de travail, offrant
très peu de perspectives d’amélioration des compétences et des qualifications 31.
44. Dans plus des deux tiers des pays couverts par une enquête récente du BIT, les femmes
sont proportionnellement surreprésentées dans les emplois informels non agricoles 32.
45. Les facteurs expliquant la hausse ou la baisse de l’informalité sont complexes et
spécifiques à chaque pays (voir section 2.7). Le rythme et la vigueur de la reprise
économique sont au nombre des raisons expliquant pourquoi l’emploi informel a
progressé dans certains pays et régressé ailleurs 33 . Dans six des pays où l’emploi
informel a reculé, les taux d’emploi ont augmenté mais, dans d’autres, l’informalité a
augmenté malgré la croissance économique et la progression de l’emploi 34.
46. Il ressort clairement de certains des exemples ci-dessus, et de nombreuses données
empiriques, qu’une économie informelle importante peut exister parallèlement à une
croissance soutenue, ce qui se vérifie non seulement dans les pays en développement,
mais aussi dans les pays à revenu intermédiaire, notamment en Asie 35.
47. La meilleure réponse aux défis de la formalisation est une conjugaison de
politiques, qui ciblent les causes spécifiques de l’informalité en fonction du contexte
national (voir section 2.7).
Précarité de l’emploi
48. La précarité de l’emploi est une question cruciale dans de nombreux pays,
développés comme en développement. Bien qu’il soit impossible d’en donner une
définition universelle, on s’entend néanmoins pour dire que cette notion comprend à la
fois une dimension objective et subjective 36 . La précarité objective découle des
caractéristiques de l’emploi et est généralement associée au travail temporaire ou à
temps partiel contraint (tels les contrats à court terme ou une réduction imposée du temps
de travail) et aux heures supplémentaires subies. En revanche, la précarité subjective est
davantage liée aux perceptions individuelles, y compris la crainte de perdre son emploi 37.
29
BIT: Rapport sur le travail dans le monde 2012: De meilleurs emplois pour une économie meilleure, op. cit.
30
BIT: Panorama Laboral 2011. América Latina y el Caribe (Lima, 2011).
31
BIT: Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2013: Une génération menacée, op. cit.
32
BIT: Employment and gender differences in the informal economy (Genève, 2012), http://unstats.un.org/
unsd/gender/Jordan_Mar2012/Presentations/Panel%201.b/Panel%201.b_1_ILO_informal%20employment%20Jo
rdan%202012.pdf.
33
BIT: Rapport sur le travail dans le monde 2012: De meilleurs emplois pour une économie meilleure, op. cit.
34
BIT: Statistical update on employment in the informal economy (Genève, 2012).
35
F. Lapeyre et A. Lemaître: Politiques publiques et pratiques de l’économie informelle en Afrique
subsaharienne (Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, à paraître).
36
H. De Witte: «Job insecurity: Review of the international literature on definitions, prevalence, antecedents and
consequences», SA Journal of Industrial Psychology (2005, 31(4)), pp. 1-6; L. Greenhalgh et Z. Rosenblatt:
«Evolution of Research on Job Insecurity», International Studies of Management and Organization (2010, 40(1)),
pp. 6-19. Voir également E. Lozza et coll.: «Temporary employment, job insecurity and their extraorganizational
outcome», Economic and Industrial Democracy (2013, 34(1)), pp. 89-105.
37
D. Bustillo et P. Pedraza: «Determinants of job insecurity in five European countries», European Journal of
Industrial Relations (2010, 16(1)), pp. 5-20.
14 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
49. Compte tenu de la situation catastrophique des marchés du travail et des tendances
de l’emploi décrites ci-dessus, on ne se surprendra pas que la précarité de l’emploi, tant
subjective qu’objective, soit demeurée élevée depuis 2010. La prévalence et les
caractéristiques de cette insécurité diffèrent sensiblement d’un pays à l’autre, mais une
constante demeure dans tous les pays: elle touche les femmes, les jeunes et les autres
groupes vulnérables de manière disproportionnée 38.
50. On constate une persistance de niveaux élevés de précarité objective dans les pays
développés 39. Tant le niveau d’emploi temporaire contraint (défini comme l’incapacité
des travailleurs occupant un emploi à durée déterminée à trouver un emploi permanent 40)
que l’emploi à temps partiel contraint (défini comme l’incapacité des travailleurs qui
préféreraient un travail à temps plein d’en trouver un) constituent un problème majeur
depuis le début de la crise économique mondiale 41. Comme le montre le graphique 1.6,
le travail à temps partiel contraint a augmenté dans presque tous les pays européens. En
Espagne, en 2010, 56,2 pour cent des travailleurs et 49,8 pour cent des travailleuses à
temps partiel occupaient un emploi de ce type parce qu’ils ne pouvaient pas trouver un
emploi à temps plein 42.
Graphique 1.6. Tendances du travail à temps partiel, volontaire et contraint, durant la crise (2007-2011)
Norvège
Royaume-Uni
Suède
Finlande
Slovaquie
Slovénie
Roumanie
Portugal
Pologne
Autriche
Pays-Bas
Malte
Hongrie
Luxembourg
Lithuanie
Lettonie
Chypre
Italie
France
Espagne
Grèce
Irlande
Estonie
Allemagne
Danemark
Rép. tchèque
Bulgarie
Belgique
UE 27
-5 0 5 10 15 20 25 30
Points de pourcentage
Emploi à temps partiel involontaire Emploi à temps partiel
Note: L’emploi à temps partiel, volontaire et contraint, est calculé en fonction du pourcentage de personnes employées à temps
partiel, volontairement et involontairement.
Source: Eurostat: 2013.
38
BIT: Tendances mondiales de l’emploi 2012: Prévenir une aggravation de la crise de l’emploi (Genève, 2012).
39
BIT: Rapport sur le travail dans le monde 2013: Restaurer le tissu économique et social (Genève, 2013).
40
Ibid.
41
J. Messenger et J. Ray: The “deconstruction” of part-time work (Genève, BIT, 2013), p. 5.
42
C. Fagan et coll.: In search of good quality part-time employment: An international review (Genève, BIT,
à paraître).
ILC.103/VI 15
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
51. Même dans les pays développés où la croissance de l’emploi est repartie, la part de
l’emploi à temps partiel et temporaire contraint a augmenté. Ce phénomène se vérifie
dans un tiers (pour l’emploi temporaire contraint) et dans la moitié (pour l’emploi à
temps partiel contraint) des marchés du travail qui ont réalisé les meilleurs taux d’emploi
global 43. En Hongrie, par exemple, la hausse de 0,5 pour cent du taux d’emploi entre
2010 et 2011 s’est accompagnée d’une augmentation de 4,2 pour cent de l’emploi à
temps partiel contraint 44.
52. Dans les économies avancées, les femmes souffrent de manière disproportionnée
de la précarité de l’emploi objective. En Italie, par exemple, si l’on ajoutait les chiffres
du sous-emploi à ceux du chômage total, leur taux de chômage progresserait de 3,2 pour
cent, et celui des hommes de 2,2 pour cent 45.
53. Le travail à temps partiel «marginal» a également progressé depuis la crise. Il s’agit
d’un phénomène complexe, mais qui présente habituellement les caractéristiques suivantes:
des horaires de travail très courts (généralement quinze heures par semaine ou moins); des
postes de travail de durée très variable; et des horaires et une durée du travail imprévisibles.
On peut citer à titre d’exemple: le «travail à la demande» (catégorie spéciale de
«mini-emplois» en Allemagne; les contrats dits «zero-hours» au Royaume-Uni; et l’emploi
occasionnel en Australie. Compte tenu de la grande vulnérabilité inhérente à ce type
d’arrangements, le travail à temps partiel marginal mériterait un examen attentif 46.
54. La précarité de l’emploi subjective s’est également accrue depuis la crise dans la
plupart des pays de l’Union européenne 47. Il ressort du tableau 1.3 que la Slovénie a connu
la plus forte variation de la précarité de l’emploi ressentie entre 2007 et 2012 (24,9 pour
cent), suivie par la Grèce et Chypre (22,4 pour cent) et l’Irlande (12,5 pour cent).
43
BIT: Rapport sur le travail dans le monde 2013: Restaurer le tissu économique et social, op. cit.
44
Ibid.
45
BIT: Tendances mondiales de l’emploi des femmes 2012 (Genève, 2012).
46
J. Messenger et P. Wallot: The diversity of “marginal” part-time employment, BIT, Mémoire de projet de
recherche (Genève, 2013).
47
Données extraites de European Social Survey (ESS): ESS-5 2010 Documentation Report, édition 2.0
(Bruxelles, 2012), et de Eurofound: Enquêtes européennes sur la qualité de vie (Bruxelles, 2012).
16 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
55. La précarité de l’emploi atteint également des niveaux élevés dans les économies
émergentes et les pays en développement, où l’informalité et la pauvreté au travail sont
plus répandues, ce qui, par définition, accentue la précarité et la vulnérabilité des
personnes concernées.
56. En outre, certains pays en développement connaissent une augmentation de
l’emploi temporaire et à temps partiel contraint, semblable à celle observée dans les pays
développés. Par exemple, 11,5 pour cent des travailleurs en Indonésie en 2011, et
environ 20 pour cent aux Philippines en 2013, ont déclaré qu’ils préféreraient travailler
plus, pourcentages en progression par rapport aux années précédentes. En 2012,
11,2 pour cent des jeunes Egyptiens âgés de 15 à 29 ans occupaient un emploi autonome
dont ils se disaient insatisfaits ou un emploi temporaire contraint, chiffre là aussi en
progression par rapport aux années antérieures.
57. La précarité de l’emploi a de nombreuses répercussions négatives, tant pour les
personnes directement concernées que pour la société 48, car elle nuit gravement à leur
bien-être et à leur santé physique et psychologique 49. Elle a aussi des effets délétères en
milieu de travail, notamment une faible motivation, de mauvaises relations
professionnelles, l’absentéisme et l’insatisfaction au travail 50.
58. Plus généralement, la précarité de l’emploi entrave les perspectives sociales à long
terme (se marier, fonder une famille) 51 et influe sur les comportements de consommation
(acheter une maison, investir dans l’éducation des enfants). Des recherches récentes
prouvent que ce phénomène incite également les travailleurs à épargner davantage et tend
à réduire la consommation des autres membres de la famille 52.
59. La précarité de l’emploi exerce une pression financière supplémentaire sur les
systèmes de sécurité sociale, car les travailleurs occupant un emploi à temps partiel ou
48
E. Lozza et coll.: 2013, op. cit., p. 90.
49
N. De Cuyper et coll.: «Objective threat of unemployment and situational uncertainty during a restructuring:
Associations with perceived job insecurity and strain», Journal of Business and Psychology (2010, 25(1)),
pp. 75-85.
50
T. Staufenbiel et C. König: «A model for the effects of job insecurity on performance, turnover intention, and
absenteeism», Journal of Occupational and Organizational Psychology (2010, 83(1)), pp. 101-117.
51
E. Lozza et coll.: 2013, op. cit.
52
M. Klemm: The impact of job insecurity on the saving behavior of German households (DIW Berlin, 2010),
pp. 1-26.
ILC.103/VI 17
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
4
Points de pourcentage
-2
-4
Economies Economies Economies Economie
avancées émergentes en développement mondiale
2000-2007 2007-2012
Note: L’investissement total désigne la formation brute de capital fixe par les secteurs public et privé. Moyennes pondérées sur la
base du PIB de 2011, en pouvoir d’achat constant.
Source: Rapport sur le travail dans le monde 2013; voir note 39.
61. Les investissements directs étrangers, qui avaient repris en 2010 et 2011 après la
crise, sont retombés au point mort en 2012, chutant de 18 pour cent par rapport à l’année
précédente et régressant à un niveau inférieur à celui d’avant la crise. En 2013, les flux
d’investissement ont stagné dans les économies développées, mais légèrement augmenté
dans les économies en développement 54. Cette stagnation peut être attribuée aux faiblesses
structurelles du système financier mondial, à la croissance atone dans l’UE et à la volatilité
politique dans certains domaines déterminants pour la confiance des investisseurs.
62. Le secteur privé est le principal moteur de la création d’emplois et la source de près
de neuf emplois sur dix dans le monde 55, sans variations significatives selon la région ou
53
BIT: New developments in work-sharing in middle income countries, TRAVAIL Policy Brief No. 2 (Genève,
2010), p. 4.
54
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED): World Investment Report
2013: Global value chains: Investment and trade for development (Genève, 2013); Banque mondiale:
Perspectives économiques mondiales, janv. 2014; CNUCED: Global Investment Trends Monitor, no 15,
janv. 2014.
55
Banque mondiale: Rapport sur le développement dans le monde 2013: Emplois, op. cit.
18 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
le niveau de développement 56. Ces emplois sont essentiellement le fait des petites et
moyennes entreprises (PME), qui en créent les deux tiers. Toutefois, la création nette
d’emplois par les PME est encore plus importante que leur contribution globale à
l’emploi: en moyenne, elles créent 68 pour cent de tous les nouveaux emplois dans les
pays du G20, proportion encore plus élevée dans les pays en développement, soit
90 pour cent 57.
63. L’impact de la crise varie selon le type et la taille de l’entreprise. Les données
concernant l’Europe montrent qu’entre 2008 et 2010 le nombre d’emplois dans les PME
a diminué en moyenne de 2,4 pour cent par an, contre 1 pour cent dans les grandes
entreprises 58 . Les microentreprises et les PME de l’économie informelle ont été
touchées aussi durement par la crise que celles de l’économie formelle, mais ont moins
bénéficié des mesures anticrise prises par les autorités. Fait intéressant, les coopératives
semblent avoir moins souffert 59.
64. Les jeunes pousses (start-up) sont une source particulièrement importante de
nouveaux emplois. Au plus fort de la crise, les taux de création d’emplois dans ces
entreprises ont brusquement chuté dans tous les pays de l’OCDE pour lesquels on dispose
de données. Ils ont repris leur progression au deuxième trimestre de 2009 et presque atteint
leur niveau d’avant la crise, mais cette dynamique semble s’être figée depuis le dernier
trimestre de 2011, en particulier dans la zone euro et aux Etats-Unis, notamment en raison
de l’accès limité au financement et du resserrement des conditions de crédit 60.
65. Les données sur les faillites sont difficilement comparables, en raison des
divergences dans les législations nationales; toutefois, celles concernant l’Australie et le
Royaume-Uni corroborent globalement les informations faisant état d’une progression
des créations et des disparitions d’entreprises, avec des taux de faillite légèrement plus
élevés au cours des dernières années. Les taux de faillite aux Etats-Unis sont bien en
deçà des sommets atteints au pic de la crise et ont fortement baissé durant les dernières
années. En Norvège et en France, ils se sont récemment stabilisés approximativement au
niveau d’avant la crise 61.
56
BAD: Stratégie de développement du secteur privé du Groupe de la Banque africaine de développement
2012-2017 (Abidjan, 2012); Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC):
Panorama Social de América Latina 2009 (Santiago, 2010).
57
BIT et Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ): Is small still beautiful? Literature review of
recent empirical evidence on the contribution of SMEs to employment creation (Genève et Eschborn, 2013).
58
J. De Kok et coll.: Do SMEs create more and better jobs? (Zoetermeer, 2011).
59
BIT: En quoi les coopératives sont-elles concernées par le Cadre de développement de l’après-2015 et les
objectifs de développement durable (Genève, 2013).
60
OCDE: Panorama de l’entrepreneuriat 2013 (Paris, 2013).
61
OCDE: Indicateurs avancés de l’entreprenariat (ISIC4), OCDE StatExtracts: http://stats.oecd.org/Index.
aspx?lang=fr&SubSessionId=a374933e-dffb-4ab8-943a-673712915304&themetreeid=10.
62
G20: Déclaration des dirigeants du G20, Sommet de Londres, 2 avril 2009.
ILC.103/VI 19
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
conjuguant des réductions d’impôts et une augmentation des dépenses 63, complétés par
des politiques monétaires et d’autres mesures connexes visant à stimuler la demande de
main-d’œuvre. Les pays à revenu élevé ont accordé la priorité aux mesures
d’assouplissement du crédit, tandis que les pays à revenu faible ou moyen ont privilégié
la création directe d’emplois et les mesures incitatives du même ordre.
67. S’agissant de l’offre, les pays à tous les niveaux de revenu ont priorisé les mesures
de formation et d’amélioration des compétences; les pays à revenu élevé avaient
cependant plus de ressources pour apporter leur soutien aux jeunes pendant la crise.
68. Le soutien aux entreprises, notamment aux PME, est l’une des cinq mesures
majeures prises pour stimuler la demande de main-d’œuvre, les autres étant la création
directe d’emplois, l’assouplissement du crédit, les subventions aux employeurs pour le
maintien des emplois et la baisse des coûts de main-d’œuvre non salariaux.
69. Lors du Sommet de Toronto en juin 2010, les dirigeants du G20 ont déclaré: «Les
économies avancées se sont engagées à mettre en place des plans budgétaires qui auront
pour effet de réduire d’au moins de moitié les déficits d’ici à 2013, et de stabiliser ou de
réduire les ratios de la dette publique au PIB d’ici à 2016.» Cette déclaration était fondée
sur une hypothèse, à savoir que la reprise mondiale était bien engagée et que les mesures
de relance budgétaire constituaient la stratégie appropriée pour sortir de la crise par le
haut 64.
Encadré 1.1
Le Pacte mondial pour l’emploi
Le Pacte mondial pour l’emploi, adopté par la CIT en juin 2009, comporte un
ensemble de politiques que les pays, avec le soutien des institutions régionales et
internationales, peuvent adopter pour favoriser la reprise économique et l’emploi,
protéger les personnes et rééquilibrer les politiques de manière à assurer un
processus de croissance plus durable et inclusif, et une mondialisation plus équitable.
Les éléments clés de la stratégie du BIT pour encourager les mandants à
appliquer le Pacte mondial pour l’emploi comprennent notamment: l’assistance
technique; la recherche et l’analyse; le partage des connaissances; le renforcement
des capacités; et le dialogue international en matière de politiques.
Certains pays ont demandé au BIT de les aider à mettre le Pacte en œuvre de
manière intégrée. Le BIT a développé à cette fin une application intégrée de diagnostic
des politiques d’intervention de crise (Global Jobs Pact country scans). Dès décembre
2011, des analyses ont été publiées pour plusieurs pays (Afrique du Sud, Argentine,
Bulgarie, El Salvador, Indonésie, Jordanie et Mongolie), et des modèles de dialogue
politique national mis au point dans ces pays sur la base de ces analyses, afin de
renforcer l’ensemble des réponses politiques à la crise. Quatre pays ont adopté des
feuilles de route ou d’autres formes de plans d’action, l’exemple le plus notable étant le
Pacte indonésien pour l’emploi.
Un examen de ces applications intégrées du Pacte mondial pour l’emploi, effectué
à la fin de 2011, montre que, malgré certains retards, l’analyse, le dialogue entre l’OIT
et ses mandants, ainsi que le dialogue social basé sur les feuilles de route et le
renforcement des capacités, ont eu un impact positif sur les consultations et les
politiques de relance nationales.
63
BIT et Banque mondiale: Inventaire des politiques mises en place en réponse à la crise financière et
économique, Rapport de synthèse conjoint (Genève et Washington, DC, 2012). Ce rapport porte sur un
échantillon de 77 pays, dont 22 d’Europe et d’Asie centrale. Pour une analyse détaillée par pays, voir:
http://www.ilo.org/dyn/crisis-inventory/f?p=17030:2:64638399110160789::NO.
64
G20: Déclaration du Sommet du G20 de Toronto, Toronto, 26-27 juin 2010, http://www.g20.utoronto.ca/2010/
g20_declaration_fr.pdf.
20 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
65
FMI: Labour market policies and IMF advice in advanced economies during the great recession, op. cit., p. 14.
66
A. Alesina: Fiscal adjustments: Lessons from recent history, rapport de conférence, Réunion de l’Ecofin,
Madrid, 15 avril 2010 (Harvard University).
67
C. Reinhart et K. Rogoff: «Growth in a time of debt», American Economic Review (2010, 100(2)), pp. 573-578.
68
T. Herndon, M. Ash et R. Pollin: Does high public debt consistently stifle economic growth? A critique of
Reinhart and Rogoff, Political Economy Research Institute, Working Paper No. 322 (Amherst, University of
Massachusetts, 2013).
69
O. Blanchard et D. Leigh: Growth forecast errors and fiscal multipliers, IMF Working Paper 13/1
(Washington, DC, 2013). Voir également D. Holland et J. Portes: «Self-defeating austerity?», National Institute
of Economic Review (2012, 11(1)).
ILC.103/VI 21
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
70
M. Woodford: Methods of policy accommodation at the interest-rate lower bound, Mémoire rédigé pour le
Jackson Hole Symposium «The Changing Policy Landscape», 31 août-1er septembre 2012.
71
Par exemple B. De Long et L. Summers: Fiscal policy in a depressed economy, Brookings Paper on Economic
Activity, printemps 2012, pp. 233-298. Ces auteurs ont élaboré un modèle étayant formellement cette «thèse de
l’autofinancement».
72
New York Times: «Japan’s central bank votes to maintain stimulus plans», 5 sept. 2013, http://www.nytimes.
com/2013/09/06/business/global/central-bank-says-japans-economy-is-recovering.html.
22 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
80. Si les mesures macroéconomiques ont été au centre du débat sur les réponses à la
crise, elles ne sont en aucun cas la seule politique majeure du point de vue de l’emploi.
On a pu constater des divergences importantes entre les pays en ce qui concerne l’accent
mis sur les politiques actives du marché du travail, les politiques et les subventions
salariales, les dispositifs de partage du travail et le dialogue social.
81. Certains pays ont augmenté les budgets consacrés aux politiques actives de
l’emploi afin d’essayer d’endiguer la hausse du chômage de longue durée et du chômage
des jeunes. Comme on l’a déjà mentionné, ces politiques contribuent aussi à prévenir
significativement l’effet d’hystérèse.
82. Il est intéressant de noter que, même dans les pays qui ont privilégié les politiques
d’austérité budgétaire, les mesures prises ciblaient notamment l’emploi des jeunes 73.
83. Plusieurs pays ont mis en place des dispositifs de partage du travail et de
subventions salariales dans le cadre de leurs programmes de relance. Ces mesures
contribuent à la croissance de l’emploi, tant directement grâce à leur effet incitatif
qu’indirectement, puisque ces emplois supplémentaires stimulent la demande globale.
Elles se sont révélées particulièrement efficaces en Allemagne, où la réduction de la
durée du travail mise en œuvre grâce à la coopération entre les partenaires sociaux a aidé
les entreprises à maintenir leur activité et les travailleurs à conserver leur emploi.
84. Dans les pays développés, les décideurs ont eu largement recours aux régimes de
salaire minimum pour améliorer la sécurité du revenu des travailleurs les plus
vulnérables, depuis le début de la crise jusqu’en 2009; toutefois, ces dernières années, le
salaire minimum n’a le plus souvent été augmenté que pour compenser l’inflation,
généralement dans le but de maintenir les taux d’emploi (voir graphique 1.8). Les
mécanismes de salaire minimum sont également employés dans la plupart des économies
émergentes et en développement, mais les prestations servies restent inférieures au seuil
de pauvreté ou au niveau de subsistance des ménages dans de nombreux pays 74.
73
Le Département des politiques de l’emploi du BIT recueille régulièrement des données sur les politiques de
l’emploi des jeunes afin d’analyser les tendances de la politique de l’emploi des jeunes dans le monde.
74
BIT: Etude d’ensemble 2014 (Instruments relatifs à la fixation des salaires minima) (Genève, 2013).
ILC.103/VI 23
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
10
6
Pourcentage
-2
Note: Base: moyenne non pondérée des taux de croissance estimés des salaires minima, réels et nominaux, dans 26 pays
développés.
Source: BIT: Base de données mondiale sur les salaires.
75
G20: Déclaration des dirigeants du G20, Sommet de Saint-Pétersbourg, 5-6 sept. 2013.
24 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
76
Banque mondiale: Base de données des Indicateurs du développement dans le monde, 2013.
77
Ibid.
78
CNUCED: Trade and Development Report, 2013 (New York et Genève, 2013).
ILC.103/VI 25
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
92. Pour les observateurs optimistes, cette nouvelle donne économique mondiale
alimentera fortement la croissance et la création d’emplois, et l’expansion économique
mondiale permettra à un nombre croissant de pays en développement de rejoindre ceux
dont le revenu par habitant augmente plus rapidement que celui des pays avancés.
93. Plus réservés, d’autres chercheurs soulignent toutefois qu’à ce jour seuls quelques
pays en développement ont rapidement atteint le stade de l’industrialisation grâce à
l’expansion de leurs exportations, ou capté une part des emplois du secteur international
des services. Dans le même ordre d’idées, les investissements directs étrangers (IDE) et
les autres flux financiers se sont fortement concentrés sur un nombre restreint de pays à
l’économie florissante. Par exemple, en 2012, neuf des 20 pays bénéficiaires d’IDE
étaient des économies en développement, mais ces fonds ont été majoritairement investis
en Chine et au Brésil, aucun des 20 premiers pays récipiendaires n’appartenant au
continent africain 79.
94. Globalement, il a été très difficile de maintenir une croissance élevée depuis
plusieurs décennies. Très peu de pays ont connu une croissance annuelle par habitant
supérieure à 4,5 pour cent pendant trois décennies ou plus depuis 1950, à savoir certains
pays d’Europe méridionale, ceux qui ont connu un boom minier et les «tigres asiatiques».
Plusieurs pays à revenu moyen d’Asie, dont la Chine, se retrouvent bloqués dans ce qu’il
est convenu de nommer le «piège du revenu intermédiaire» et éprouvent des difficultés à
gravir l’échelle des revenus élevés.
95. Dans le même ordre d’idées, la reprise de la croissance en Afrique est
impressionnante: non seulement elle s’est accélérée dans les années deux mille mais, en
2012, le continent a capté une part accrue des flux d’IDE alors que ceux-ci baissaient
globalement 80 . Néanmoins, sur le long terme, cette reprise compense simplement la
longue période de baisse des taux moyens de croissance entre 1980 et le milieu des
années quatre-vingt-dix – ce qu’on appelle les «décennies perdues» non seulement pour
l’Afrique, mais aussi pour tous les pays en développement 81.
96. A ce jour, relativement peu de pays en développement ont réussi à engager un
processus de mutation structurelle productive, tiré par le secteur secondaire et l’évolution
technologique. La République de Corée, Taïwan (Chine) et Hong-kong (Chine) sont
souvent citées comme des exemples de la réussite des pays en développement à cet égard
ayant réussi leur mutation, passant du simple assemblage d’intrants importés au plus haut
niveau de développement industriel; certaines de leurs entreprises, devenues des acteurs
majeurs au niveau mondial, ont développé leurs propres marques et des produits originaux.
Ces pays ont également mis en place des chaînes d’approvisionnement régionales qui ont
permis aux pays asiatiques à faible revenu de pénétrer le secteur secondaire.
97. Il importe de souligner que leur réussite est due en partie à la distribution des gains
de productivité aux travailleurs (augmentations salariales et réduction de la durée du
travail) durant leur vie professionnelle, compensant ainsi les suppressions d’emplois
induites par les mutations technologiques. Ces facteurs de progression sont désormais
moins sensibles, la part des salaires dans le revenu national baissant dans de nombreux
pays, parallèlement à l’affaiblissement des institutions du marché du travail et à la
79
CNUCED: World Investment Report 2013: Global value chains – Investment and trade for development
(New York et Genève, 2013), p. xiv.
80
Ibid.
81
W. Easterly: «The lost decades: Developing countries’ stagnation in spite of policy reform 1980–1998»,
Journal of Economic Growth (2001, 6(2)), pp. 135-157.
26 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
70
60
50
Pourcentage
40
30
20
10
0
Europe centrale Asie de l’Est Asie du Sud-Est Asie du Sud Amérique latine Moyen-Orient Afrique du Nord Afrique
et du Sud-Est et Pacifique et Caraïbes subsaharienne
(hors UE) et CEI
1991 Agriculture 2013 Agriculture 1991 Industrie 2013 Industrie 1991 Secteur tertiaire 2013 Secteur tertiaire
82
R. Wade: «After the crisis: Industrial policy and the developmental state in low-income countries», Global
Policy (2010, 1(2)), p. 152.
ILC.103/VI 27
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
83
D. Rodrik: «The perils of premature deindustrialization», Project Syndicate, 11 oct. 2013.
84
CNUCED: World Investment Report 2013: Global value chains – Investment and trade for development.
85
McKinsey: Africa at work: Job creation and inclusive growth (2012), p. 2.
86
Ibid., p. 3.
87
Ce sera un thème important de la discussion du domaine de première importance sur le travail décent dans
l’économie rurale.
88
C. Hidalgo: Discovering Southern and East Africa’s industrial opportunities, Economic Policy Paper Series
2011, The German Marshall Fund of the United States (Washington, DC, 2011).
89
I. Islam et D. Kucera: Beyond macroeconomic stability: Structural transformation and inclusive development
(Genève, BIT et Palgrave Macmillan, 2014), chap. 5; P.N. Junankar: Is there a trade-off between employment and
productivity?, IZA Discussion Paper No. 7717 (nov. 2013).
28 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
90
K. Dervis: «Convergence, interdependence and divergence», Finance and Development (49(3), sept. 2012).
91
D. Rodrik: The future of convergence, Faculty Research Working Paper Series RWP11-033 (Boston, Havard
University, 2011).
92
BIT: Emploi et protection sociale dans le nouveau contexte démographique, Rapport IV, Conférence
internationale du Travail, 102e session, Genève, 2013.
ILC.103/VI 29
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
9
1,38 1,51
1,27
8 1,13
0,98
0,84
0,72
7 0,60
0,52
Population (milliards)
0,47
6 0,42
5 5,9
5,6 5,7 5,8
5,2 5,4
4,8 5,0
4 4,2 4,5
3,9
1 1,8 1,8 1,8 1,9 1,9 1,9 1,9 1,9 1,9 1,9 1,9
0
2000 2005 2010 2015p 2020p 2025p 2030p 2035p 2040p 2045p 2050p
p = projections.
Source: Nations Unies: Perspectives de la population mondiale, 2010.
116. Les tendances du vieillissement de la population touchent tous les pays, mais avec
une acuité et des échéances différentes.
117. Compte tenu de la croissance démographique et des courbes de vieillissement,
404 millions de personnes rejoindront la population active d’ici une décennie. Cette
croissance devrait être particulièrement marquée dans les pays en développement, tandis
que la population en âge de travailler stagnera, voire diminuera, dans de nombreux pays
développés.
30 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
118. Cette nouvelle donne démographique et son impact sur les marchés du travail
auront de profondes répercussions sur les flux migratoires. On estime aujourd’hui à
105 millions le nombre de migrants économiquement actifs. La migration pour l’emploi
est de plus en plus considérée comme un volet important des politiques de l’emploi dans
les pays d’origine et de destination. Conjugué aux risques de pénurie de main-d’œuvre et
de qualifications, le vieillissement de la population est susceptible d’accentuer la
demande de travailleurs migrants dans certains secteurs économiques clés, tels ceux de
la santé et des soins à la personne.
119. Globalement, la proportion de personnes qui ne sont pas en âge de travailler par
rapport aux autres (aussi appelé ratio de dépendance économique) augmentera à partir de
2015 (voir graphique 1.11). En 2050, pour quatre personnes en âge de travailler, six
personnes dépendront de leurs revenus. Les pays qui enregistrent une inflexion de la
baisse démographique bénéficient d’un «dividende démographique» potentiel, dont les
pays en développement pourraient tirer avantage en adoptant des politiques adéquates.
80
70
60
50
Pourcentage
32,4
40 60,1 32,7
56,2 33,3
53,6 51,5 34,0
48,0 36,5 35,1
43,7 40,8 39,1 37,9
30
20
23,8 25,7
10 20,2 22,2
16,0 17,9
12,5 14,3
10,1 9,9 10,2 10,6 10,9 11,3 11,6
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015p 2020p 2025p 2030p 2035p 2040p 2045p 2050p
Ratio de dépendance économique, personnes âgées Ratio de dépendance économique, jeunes
p = projections.
Source: Nations Unies: Perspectives de la population mondiale, 2010.
120. Le dividende démographique ne produit pas ses effets automatiquement, mais est
tributaire des institutions et des politiques, notamment de celles qui maximisent
activement la création d’emplois productifs. Un taux de chômage élevé des jeunes, des
emplois de mauvaise qualité et un faible taux de participation à la population active
– caractéristiques présentes dans de nombreux pays africains et asiatiques aujourd’hui –
sapent les avantages que procure une population active proportionnellement plus forte.
121. Inversement, le vieillissement de la population constitue le principal défi
démographique dans la plupart des pays développés. Toutefois, certains pays en
développement sont déjà touchés par ce phénomène. Avec l’augmentation du taux de
dépendance des personnes âgées, le financement de la protection sociale – notamment
les soins de santé et les retraites – devient plus difficile. Les pénuries de main-d’œuvre et
de qualifications risquent également d’entraver la croissance.
ILC.103/VI 31
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
122. La résolution adoptée par la CIT en 2013 soulignait que, pour relever ce défi
démographique, les mandants tripartites devront élaborer un ensemble innovant de
politiques tenant compte de l’interdépendance de plusieurs facteurs: évolution
démographique, emploi, migrations de travail, protection sociale et développement
économique. Ces politiques devraient notamment promouvoir l’emploi des jeunes,
prévenir et combattre la discrimination fondée sur l’âge, promouvoir l’égalité
femmes-hommes, prendre en compte la situation des travailleurs handicapés, éradiquer
le travail des enfants et gérer les migrations de main-d’œuvre. Toutes ces politiques
doivent être conçues dans une perspective de long terme couvrant le cycle de vie 93.
123. L’amélioration de la participation des groupes sous-représentés à la population
active est un aspect essentiel des réponses politiques qui s’imposent en cette matière.
Pour ce faire, les autorités doivent impérativement adopter des mesures favorisant les
emplois de bonne qualité, de nature à appuyer l’équilibre entre le travail et la vie
familiale, y compris la garde des enfants, les établissements pour personnes âgées, la
protection de la maternité et le travail à temps partiel librement choisi. En matière de
formation, il est capital d’adopter des approches intégrées et cohérentes, tenant compte
des besoins du marché du travail et des possibilités de perfectionnement professionnel
tout au long de la vie active.
124. Les pouvoirs publics doivent établir et maintenir des régimes de sécurité sociale
complets, adéquats et durables tenant compte du nouveau contexte démographique, et
mettre en place des socles de protection sociale garantissant à tous un accès aux soins de
santé essentiels et la garantie d’un revenu de base, leur vie durant 94.
125. Le dialogue social est essentiel pour relever les défis nés de la nouvelle donne
démographique et y trouver des réponses efficaces, équitables et durables.
126. Le plan de suivi adopté par le Conseil d’administration en novembre 2013 a
identifié les mesures que le BIT pourrait prendre pour soutenir l’action des mandants de
l’OIT, dans la perspective de l’emploi intégré et de la protection sociale 95.
1.2.3. Les inégalités et leurs conséquences
127. Les inégalités de revenus se sont creusées au niveau mondial (voir graphique 1.12) 96,
tant en ce qui concerne la répartition du revenu entre les individus ou les ménages que la
part relative des bénéfices et de la masse salariale dans le revenu national.
128. Les inégalités de revenus (mesurées par le coefficient de Gini) se sont globalement
creusées dans les pays à revenu élevé durant les trois dernières décennies, la valeur
médiane progressant de 28,7 à 30,1 entre 1980 et 2005; en revanche, l’écart s’est
amenuisé dans les pays à revenu faible ou moyen, où elle a reculé de 43,0 à 39,8 sur la
même période. Toutefois, ces chiffres montrent aussi que, globalement, les niveaux
d’inégalité sont nettement plus élevés dans les pays en développement que dans les pays
développés.
93
BIT: Résolution concernant l’emploi et la protection sociale dans le nouveau contexte démographique,
Conférence internationale du Travail, 102e session, Genève, 2013.
94
BIT: Recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012, Conférence internationale du Travail,
101e session, Genève, 2012.
95
BIT: Questions découlant des travaux de la Conférence internationale du Travail à sa 102 e session: Suivi de la
résolution concernant l’emploi et la protection sociale dans le nouveau contexte démographique, Conseil
d’administration, 319e session, Genève, oct. 2013, document GB.319/INS/3/3.
96
J. Berg: Labour market institutions and inequality: Building social justice in the 21st century (Cheltenham et
Genève, à paraître).
32 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
129. La courbe des inégalités de revenus diffère selon les régions. On peut observer une
légère tendance à la baisse entre 1980 et 2005 pour l’Asie orientale, le Pacifique, le
Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne. En
revanche, les écarts de revenus ont augmenté en Europe, en Asie centrale, en Amérique
latine et dans les Caraïbes 97.
130. Les données sur les revenus très élevés montrent également, dans certains pays à
revenu faible ou intermédiaire, une tendance à la hausse de la tranche supérieure (1 pour
cent) du revenu national (voir graphique 1.13).
Note: La mesure utilisée est la comparaison du coefficient de Gini pour la première année entre 1990 et 1995, et la dernière année
entre 2005 et 2010, pour lesquelles des données existent. En raison du manque de données pour les pays africains, on a employé
une définition moins stricte pour les années et les pays suivants: Burkina Faso: 1994 et 2003; Cameroun: 1990 et 2002; République
centrafricaine: 1992 et 2003; Côte d’Ivoire: 1990 et 2002; Gambie: 1992 et 2003; Mauritanie: 1990 et 2000; Mozambique: 1996
et 2005; Nigéria: 1990 et 2004; République-Unie de Tanzanie: 1990 et 2001.
Source: F. Solt: «Standardizing the World Income Inequality Database», Social Science Quarterly (90(2)), pp. 231-242; Standardized
World Income Inequality Database, version 3.1, déc. 2011.
97
Evolution des valeurs médianes du coefficient de Gini entre 1980 et 2005 dans toutes les régions: Asie
orientale et Pacifique (–2,2); Europe et Asie centrale (+7,1); Amérique latine et Caraïbes (+2,6); Moyen-Orient et
Afrique du Nord (–2,3); Asie du Sud (–2,1); Afrique subsaharienne (–2,5).
ILC.103/VI 33
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
Graphique 1.13. Proportion du revenu national, 1 pour cent supérieur, pays à revenu faible
ou intermédiaire, 1980-2009
20
18
16
14
Pourcentage
12
10
0
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008
Source: F. Alvaredo, A.B. Atkinson, T. Piketty et E. Saez: The World Top Incomes Database, 2012, http://g-mond.parisschoolof
economics.eu/topincomes.
131. Même avant la dernière crise, la part respective du travail et du capital dans le
revenu national suscitait des préoccupations croissantes. Le Rapport mondial sur les
salaires 2012/13 du BIT fait état d’un recul de la part du travail dans le revenu national
de 26 pays développés, qui est passée de 75 pour cent en moyenne à la fin des années
soixante-dix à environ 65 pour cent dans les années précédant la crise (voir
graphique 1.14 a)). Elle a également baissé dans 16 pays en développement et émergents,
passant de 62 pour cent du revenu national dans les années quatre-vingt-dix à 58 pour
cent sur la même période (voir graphique 1.14 b)) 98 , tendances qui confirment les
conclusions d’études antérieures 99.
98
BIT: Rapport mondial sur les salaires 2012/13: Salaires et croissance équitable.
99
OCDE: Rapport sur le travail dans le monde 2012 (Paris, 2012).
34 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
Graphique 1.14 a). Part pondérée des revenus du travail dans les pays avancés, 1970-2010
80
78
76
74
Pourcentage
72
70
68
66
64
62
60
Note: ADV = Moyenne non pondérée pour les 16 pays à revenu élevé de l’OCDE.
Source: E. Stockhammer: Why have wage shares fallen? A panel analysis of the determinants of functional income distribution, Série
Conditions de travail et d’emploi no 35 (Genève, BIT, 2012); Commission européenne: Annual Macro-Economic Database.
Graphique 1.14 b). Part pondérée des revenus du travail, économies en développement
et émergentes, 1970-2007
75
70
65
Pourcentage
60
55
50
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
DVP3: République de Corée, Mexique et Turquie; DVP5: Chine, République de Corée, Kenya, Mexique et Turquie; DVP16: Afrique
du Sud, Argentine, Brésil, Chili, Chine, République de Corée, Costa Rica, Kenya, Mexique, Namibie, Oman, Panama, Pérou,
Fédération de Russie, Thaïlande et Turquie (moyennes non pondérées).
Source: Voir source du graphique 1.14 a).
ILC.103/VI 35
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
132. Le déclin de la part du travail dans le revenu national est lié à l’écart croissant entre
le taux de croissance du salaire moyen et celui des gains de productivité (voir
graphique 1.15). Dans les pays développés, l’augmentation de la productivité du travail a
été plus de deux fois supérieure à celle du salaire moyen depuis 1999 100. Toutefois, ces
données sont fortement influencées par les tendances constatées dans certains grands
pays, comme les Etats-Unis, l’Allemagne et le Japon, et ne valent pas nécessairement
pour d’autres pays. Certaines données empiriques attribuent ce déclin à plusieurs
facteurs, y compris les progrès technologiques, la mondialisation, l’influence croissante
des marchés financiers sur l’économie réelle et la baisse du taux de syndicalisation.
Graphique 1.15. Evolution des salaires réels et de la productivité, économies développées,
1999-2011
116
114
112
Indice: 1999 = 100
110
108
106
104
102
100
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Source: BIT: Base de données mondiale sur les salaires et Trends Econometric Models, mars 2012.
133. Cette baisse mondiale de la part du travail dans le revenu national s’est accompagnée
d’un creusement des inégalités salariales. Selon le Rapport mondial de 2013 sur les
salaires, l’écart entre les 10 pour cent supérieurs et inférieurs des salariés s’est creusé dans
23 pays sur 31; la proportion de travailleurs faiblement rémunérés (moins de deux tiers du
salaire médian) a également augmenté dans 25 pays sur 37; et la rémunération de la
tranche supérieure de 1 pour cent a progressé sur la même période. Particulièrement
marqué aux Etats-Unis, ce phénomène s’observe également à des degrés divers au Japon,
aux Pays-Bas, au Canada, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni – mais pas en Suède,
en Finlande ou en Australie 101.
134. Des recherches récemment menées par le FMI et d’autres institutions montrent que
les politiques d’austérité dans les pays de l’OCDE ont généralement eu des effets
distributifs importants, creusé les inégalités, fait augmenter le chômage et fait baisser la
part des salaires dans le revenu national. Les données disponibles suggèrent également
100
BIT: Rapport mondial sur les salaires 2012/13: Salaires et croissance équitable, op. cit.
101
F. Alvaredo, A.B. Atkinson, T. Piketty et E. Saez: The World Top Incomes Database, 2012, http://g-mond.
parisschoolofeconomics.eu/topincomes.
36 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
que les mesures de stabilisation basées sur une compression des dépenses ont eu, en
moyenne, un effet distributif supérieur aux dispositifs fondés sur l’impôt 102.
135. Au-delà des répercussions de cette montée des inégalités sur la justice et la
cohésion sociales, le lien entre l’accroissement des inégalités et l’emploi présente de
multiples facettes, qui justifieraient des recherches plus poussées sur les politiques en
cette matière. De fortes inégalités réduisent la demande globale et la consommation des
ménages, et entravent encore plus les possibilités de création d’emplois. La propension à
consommer étant plus élevée sur les salaires que sur les revenus d’investissement, le
déclin de la part des salaires dans le revenu national fait mécaniquement baisser la
demande. L’augmentation des investissements grâce aux bénéfices supplémentaires
réalisés ou la croissance des exportations résultant d’une baisse des coûts de
main-d’œuvre peuvent théoriquement compenser cette tendance; toutefois, comme on l’a
déjà mentionné, ce rééquilibrage ne s’est pas produit partout dans la pratique 103.
136. L’inégalité est également liée aux modèles de croissance. L’augmentation de
l’emploi à haute intensité de main-d’œuvre dans les secteurs économiques dynamiques
contribue fortement à l’accélération de la croissance et à la réduction de la pauvreté, sans
l’inconvénient du creusement des inégalités de revenus.
137. Plusieurs types de mesures permettent de s’attaquer aux inégalités de revenus et du
marché du travail, notamment les politiques de création d’emplois de bonne qualité et de
réduction de l’emploi informel, qu’il est possible de conjuguer avec d’autres initiatives,
tels les dépenses publiques ciblant les groupes vulnérables, les politiques salariales
(notamment un régime de salaire minimum protégeant les salariés contre les
rémunérations trop faibles) et les socles nationaux de protection sociale: tous ces
éléments constituent les fondements d’un système national de sécurité sociale.
1.2.4. Inégalités femmes-hommes sur le marché du travail
138. Bien que des progrès aient été accomplis à cet égard durant les dernières décennies,
les marchés du travail du monde entier restent caractérisés par de profondes inégalités
entre les femmes et les hommes. Dans toutes les régions et la quasi-totalité des pays, le
taux de participation des femmes à la population active est beaucoup plus faible que celui
des hommes, et les emplois qu’elles occupent restent souvent moins bien rémunérés et
moins sûrs, avec un statut inférieur à ceux de leurs collègues masculins.
139. Globalement, en 2013, 49,1 pour cent des travailleuses et 46,9 pour cent des
travailleurs occupaient un emploi vulnérable, écart global relativement faible qui masque
toutefois des écarts beaucoup plus importants en Afrique du Nord (24,5 pour cent), au
Moyen-Orient (9,5 pour cent) et en Afrique subsaharienne (15 pour cent) 104.
140. La ségrégation professionnelle selon le genre persiste à travers le monde, même si
elle a régressé dans de nombreux pays, en partie en raison du recul relatif des écarts
concernant le capital humain, notamment en matière d’éducation 105.
102
L. Agnello et R. Sousa: How do banking crises impact on income inequality?, document de travail 30/2011
(Unité de la recherche sur les politiques économiques, Université de Minho); L. Ball, D. Furceri, D. Leigh
et P. Loungani: The distributional effects of fiscal consolidation, IMF Working Paper WP/13/151 (Washington,
DC, 2013); J. Woo, E. Bova, T. Kinda et S. Zhang: Distributional consequences of fiscal consolidation and the
role of fiscal policy: What do the data say?, IMF Working Paper WP/13/195 (2013).
103
BIT: The global crisis: Causes, responses and challenges (Genève, 2011).
104
BIT: Tendances mondiales de l’emploi des femmes 2012, op. cit.
105
T. Sparreboom: Gender equality, part-time work and segregation, document présenté au 73e Forum sur le
travail décent, Genève, BIT, 2013 (reprographié).
ILC.103/VI 37
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
141. Il existe également des écarts significatifs entre les femmes et les hommes dans la
composition sectorielle de l’emploi. Globalement, 49,4 pour cent des travailleuses avaient
un emploi dans le secteur tertiaire en 2013, pourcentage qui était de 42,3 pour cent chez les
hommes. Cette même année, 26,7 pour cent des hommes et 17,4 pour cent des femmes
travaillaient dans l’industrie; 31,0 pour cent des hommes et 33,2 pour cent des femmes
travaillaient dans l’agriculture. Toutefois, la part du travail agricole dans l’emploi total des
femmes était beaucoup plus élevée en Asie du Sud (23,9 pour cent), au Moyen-Orient
(13,1 pour cent) et en Afrique du Nord (12,4 pour cent), régions où le taux d’emploi des
femmes dans son ensemble est nettement inférieur à celui des hommes 106. En Asie du Sud,
la part de l’agriculture dans l’emploi des femmes a baissé en 1992 de 76,4 à 64,8 pour cent
en 2013, mais a diminué presque deux fois plus dans le cas des hommes (de 56,4 à
40,9 pour cent) durant la même période. Les femmes sont généralement reléguées dans les
travaux agricoles, ce qui explique leur pauvreté persistante.
142. La mondialisation accrue a permis aux femmes des pays en développement d’obtenir
un emploi rémunéré par divers canaux; bon nombre d’entre elles travaillent maintenant
dans les zones franches d’exportation, dans l’agriculture destinée à l’exportation et, de plus
en plus, comme travailleuses migrantes autonomes. Cependant, ces emplois ne sont pas
toujours sûrs, ni de bonne qualité. Durant la crise récente, un grand nombre de
travailleuses mal payées, occupant un emploi dans le secteur manufacturier orienté vers
l’exportation dans des pays en développement, ont été victimes de licenciement. Etant
donné leurs perspectives d’emploi limitées, elles intègrent généralement l’économie
informelle, où elles sont encore moins bien payées et protégées 107.
143. Comme on l’a déjà mentionné, dans une grande majorité de pays, les femmes sont
surreprésentées dans l’économie informelle, notamment hors secteur agricole 108 . Cela
explique en partie pourquoi plus de femmes que d’hommes subissent la pauvreté au travail
et sont plus vulnérables, notamment en temps de crise et de guerre civile, ou lors des
catastrophes naturelles 109 . Partout dans le monde, plus d’hommes que de femmes
bénéficient d’une couverture sociale.
144. Dans plusieurs pays en développement pauvres, notamment en Afrique
subsaharienne, les femmes subissent de manière disproportionnée les conséquences de la
pandémie du VIH/sida.
145. La pauvreté persistante et les possibilités d’emploi limitées poussent un nombre
croissant de femmes à migrer vers les villes, ou à émigrer. La plupart des femmes qui
émigrent pour travailler occupent des emplois de statut inférieur, comme le travail
domestique. On relève une tendance alarmante de l’exploitation, des abus et de la violence
contre les femmes et les enfants migrants, en particulier la traite aux fins de travail
106
BIT: Tendances mondiales de l’emploi 2014: vers une reprise sans emplois?, op. cit.
107
N. Otobe: Global economic crisis, gender and employment: The impact and policy response, Employment
Working Paper No. 74 (Genève, BIT, 2011); BIT et Banque asiatique de développement (BAsD): Women and
labour markets in Asia: Rebalancing for gender equality, 2011.
108
BIT: Statistical update on employment in the informal economy (Genève, 2012); Travail décent et économie
informelle, Rapport VI, Conférence internationale du Travail, 90 e session, Genève, 2002; M. Carr, M.A. Chen et
J. Tate: «Globalization and home-based workers», Feminist Economics (2000, 6(3)), pp. 123-142; M. Chen,
J. Sebstad et L. O’Connell: «Counting the invisible workforce: The case of home-based workers», World
Development (1999, 27(3)), pp. 603-610.
109
G. Hemmings-Gapihan: «Climate change, subsistence farming, food security and poverty: The consequences
of agricultural policies on women and men farmers in Burkina Faso and Côte d’Ivoire», Africa Policy Journal,
IV (Boston, Harvard University, 2008).
38 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
domestique et dans l’industrie du sexe 110 . Des quelque 53,6 millions de travailleurs
domestiques recensés dans le monde en 2010, 83 pour cent étaient des femmes, en grande
partie des travailleuses émigrées 111 . Plus de la moitié des travailleurs domestiques ne
bénéficient pas d’une limitation de la durée du travail hebdomadaire; plus de deux sur cinq
n’ont pas droit au salaire minimum; et plus d’un tiers n’ont pas droit à des congés de
maternité 112.
146. La transition démographique commentée à la section 1.2.2 touche particulièrement
les femmes. Le nombre de femmes âgées confrontées au risque de pauvreté est en
augmentation, notamment dans les pays qui n’ont pas établi de régime minimum de
retraite. Les femmes sont également les principales pourvoyeuses des services de garde
d’enfants et de soins à la personne, rémunérés et non rémunérés 113; dans de nombreux
pays en développement, le travail domestique et le travail de soins non rémunérés limitent
sérieusement leurs possibilités d’accéder à un emploi salarié. Les données sur l’emploi du
temps indiquent qu’en Afrique et en Asie environ 80 pour cent du travail au foyer non
rémunéré est exécuté par les femmes.
147. Sur le plan positif, une participation accrue des femmes à la population active
pourrait constituer une mesure politique importante pour remédier aux effets de l’évolution
démographique. Elle permettrait de compenser le déclin de la population en âge de
travailler résultant du vieillissement de la population, et de pallier l’augmentation indue du
taux de dépendance des personnes âgées. En Afrique du Sud, en Egypte et en Inde, par
exemple, le ratio de dépendance économique serait réduit pratiquement de moitié si le taux
d’activité des femmes augmentait à 90 pour cent de celui des hommes.
148. Le fardeau des responsabilités familiales reste une des causes profondes du faible
nombre de femmes occupant un emploi salarié, même dans les pays développés. Le coût
d’externalisation des travaux de ménage via l’embauche de personnel domestique, la garde
des enfants et l’achat d’aliments préparés absorbe une part importante du revenu potentiel.
149. L’offre de services de garderie abordables est une condition importante pour
augmenter le taux de participation des femmes à la population active, assurer l’égalité de
rémunération et leur ouvrir des perspectives de carrière.
150. Les écarts de rémunération femmes-hommes persistent. Le graphique 1.16 présente
la courbe de l’écart moyen de rémunération entre les femmes et les hommes entre
1999-2007 et 2008-2011, et illustre l’évolution de cet écart durant la crise pour tous les
pays où ces données existent. Les données montrent qu’il s’est résorbé pendant les années
de crise dans la plupart des pays, mais cela n’implique pas pour autant que la situation des
femmes s’est améliorée car ce recul peut s’expliquer par une détérioration relative de la
situation des hommes sur le marché du travail par rapport à celle des femmes. En 2009,
l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes s’est amenuisé en raison d’un
recul salarial de ces derniers, dû à la baisse de leur nombre d’heures de travail 114.
110
BIT: Preventing discrimination, exploitation and abuse of women migrant workers: An information guide,
Genève, 2003; F. Laczko et E. Gozdziak: «Data and research on human trafficking: A global survey»,
International Migration (Genève, Organisation internationale pour les migrations, 2005, 43(1/2)).
111
Par exemple, à Sri Lanka, la migration de main-d’œuvre féminine a augmenté au cours de la dernière
décennie, représentant près de la moitié du nombre total des départs de travailleurs migrants. En 2010, 86,36 pour
cent des travailleuses migrantes travaillaient comme domestiques (N. Otobe: Globalization, employment and
gender in the open economy of Sri Lanka, Employment Working Paper No. 138 (Genève, BIT, 2013)).
112
BIT: Domestic workers across the world: Global and regional statistics and the extent of legal protection
(Genève, 2013).
113
BIT: Emploi et protection sociale dans le nouveau contexte démographique, op. cit.
114
S. Anspal, L. Kraut et T. Rõõm: Sooline palgalõhe Eestis: empiiriline analuus [L’écart salarial entre les
femmes et les hommes: Analyse empirique], Centre estonien de recherche appliquée, Centre d’études politiques,
ministère des Affaires sociales, 2010.
ILC.103/VI 39
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
-12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8
Variation (%)
Source: BIT: Base de données mondiale sur les salaires.
151. Tous les pays devraient inscrire dans leur système juridique des règles intangibles
sur l’égalité femmes-hommes: c’est là une exigence fondamentale, qui peut s’inspirer
avec profit des normes de l’OIT en la matière.
40 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
115
BIT: Vers le centenaire de l’OIT: Réalités, renouveau et engagement tripartite, Rapport du Directeur général,
Rapport I(A), Conférence internationale du Travail ,102e session, Genève, 2013.
ILC.103/VI 41
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
116
J. Chateau, A. Saint-Martin et T. Manfredi: «Employment impacts of climate change mitigation policies in
OECD: A general-equilibrium perspective», OECD Environment Working Papers No. 32, Paris, 2011.
42 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
Graphique 1.17. Changements dans la composition sectorielle de l’emploi liés à une politique
ambitieuse d’atténuation des changements climatiques, pays de l’OCDE
50
Pourcentage d'écart par rapport au statu quo en 2030
40
30
20
10
-10
-20
-30
-40
-50
117
BIT: Recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012; Résolution concernant le
développement durable, le travail décent et les emplois verts, Conférence internationale du Travail, 102e session,
Genève, 2013.
118
BIT: Vers le centenaire de l’OIT: Réalités, renouveau et engagement tripartite, op. cit.
ILC.103/VI 43
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
du travail obsolètes; et creuser les inégalités salariales en raison de la prime payée pour
les qualifications recherchées.
165. Dans les pays développés et dans certains pays en développement, le problème de
l’inadéquation des compétences se traduit généralement par un phénomène de
«suréducation» ou de «surqualification», les années consacrées à l’éducation ou les
niveaux de qualification excédant les exigences du marché du travail. Dans ces pays, le
niveau de scolarité a constamment progressé durant les dernières décennies; dans l’UE,
la proportion de personnes très qualifiées (diplôme d’études postsecondaires) passera à
37 pour cent en 2020 119 . La crise économique risque d’aggraver cette tendance à la
surqualification, de nombreux jeunes choisissant de poursuivre leurs études en raison de
la pénurie d’emplois.
166. Globalement, l’élévation des niveaux de scolarité a de nombreuses répercussions.
Les jeunes faiblement qualifiés éprouvent des difficultés croissantes sur le marché du
travail, tandis que le faible nombre d’emplois disponibles exacerbe la concurrence entre
ceux qui possèdent un bon niveau d’instruction puisqu’on estime que l’offre de
qualifications plus poussées devrait augmenter plus vite que la demande de travailleurs
très qualifiés. En conséquence, les travailleurs seront peut-être plus enclins à accepter
des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés 120.
167. Bien que la surqualification puisse présenter certains atouts – emplois de meilleure
qualité, accroissement de la productivité des entreprises –, l’inadéquation des
qualifications entraîne une baisse du rendement de l’investissement dans l’éducation et
la formation, tant pour les individus que pour l’économie en général. L’expérience
montre que le phénomène de surqualification tend à perdurer au-delà des périodes de
crise et entraîne souvent une baisse de productivité, les travailleurs développant un
sentiment de frustration et de découragement professionnels en raison de l’obsolescence
de leurs compétences sous-utilisées 121 . En outre, les sociétés perdent les précieuses
compétences de ces jeunes travailleurs et renoncent aux gains de productivité qu’elles
auraient pu réaliser s’ils avaient été employés à leur juste niveau de qualification 122.
168. Le phénomène de surqualification peut aussi conduire à des pénuries dans certains
secteurs moins exigeants quant au niveau de compétence et de qualification
professionnelles 123 . Avérée dans les pays avancés, cette tendance s’est également
manifestée plus récemment dans les pays en développement; elle devrait se maintenir,
avec une pénurie attendue de 45 millions de travailleurs qualifiés dans les secteurs
secondaire et tertiaire à haute intensité de main-d’œuvre, dans les seuls pays en
développement, d’ici à 2020 124. En outre, si l’offre de personnes très qualifiées peut
paraître surabondante, la pénurie persiste à l’échelon mondial pour certaines
qualifications exigées dans les secteurs de la connaissance et de l’innovation: ingénieurs,
scientifiques et médecins.
119
Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop): Future skills supply and
demand in Europe: Forecast 2012, rapport de recherche no 26 (Luxembourg, 2012).
120
Ibid.
121
Cedefop: The skill matching challenge: Analysing skill mismatch and policy implications (Luxembourg,
2010).
122
BIT: Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2013: Une génération menacée (Genève, 2013). La moitié
des jeunes ne sont pas sûrs que leur diplôme postsecondaire ait amélioré leurs chances de trouver un emploi. Voir
McKinsey: Education to employment: Designing a system that works (2012).
123
ManpowerGroup: Talent shortage survey: Research results (Milwaukee, 2013); Cedefop: Future skills supply
and demand in Europe: Forecast 2012, op. cit.
124
McKinsey: The world at work: Jobs, pay and skills for 3.5 billion people (2012).
44 ILC.103/VI
Défis en matière d’emploi
169. Dans les pays en développement, le problème tient plus souvent aux faibles
niveaux d’instruction ou de qualification. Au Malawi, par exemple, 82 pour cent des
jeunes occupent un emploi exigeant un niveau d’éducation supérieur à celui qu’ils
possèdent; les chiffres correspondant au Cambodge et au Togo sont de 56 et 55 pour cent,
respectivement. Le niveau d’instruction insuffisant dans les pays à faible revenu se
traduit par de faibles gains de productivité et un potentiel limité de diversification
économique. La sous-qualification génère également une plus grande insatisfaction au
travail chez les jeunes par rapport à leurs homologues surqualifiés 125.
170. Les processus de mutation technologique axée sur les compétences, décrits ci-dessus,
ainsi que les transferts de technologie vers les pays en développement, accroissent la
demande pour les professions exigeant généralement moins de compétences manuelles
d’exécution et de plus en plus de compétences cognitives flexibles et d’aptitudes à la
polyvalence, et ce même dans les professions traditionnelles.
171. Le phénomène du chômage élevé parmi les personnes instruites se répand de plus
en plus dans les pays en développement, ce qui affecte le retour sur investissement dans
l’éducation et entraîne un gaspillage du capital humain qui pourrait être affecté à
l’emploi productif. En Afrique du Nord, le taux de chômage des personnes ayant un
niveau d’éducation postsecondaire est parmi les plus élevés au monde, soit, en 2010,
21,4 pour cent en Algérie, 18,9 pour cent en Egypte et 17,4 pour cent au Maroc. En
Algérie et en Egypte, ces taux sont plus élevés que pour les personnes ayant seulement
un niveau d’enseignement primaire ou secondaire 126 . Plusieurs raisons peuvent
expliquer ce décalage: faible création d’emplois de qualité dans le secteur privé formel;
importance de l’économie informelle; préférence des diplômés pour des emplois de
bonne qualité offrant une meilleure sécurité d’emploi (généralement dans le secteur
public).
172. La coexistence paradoxale des pénuries de main-d’œuvre et du chômage tend à
perdurer. La demande reste soutenue non seulement pour les professions exigeant des
études supérieures, mais aussi pour les techniciens, les opérateurs et les travailleurs, à
savoir les personnes qui ont fait des études ou suivi une formation technique ou
professionnelle 127. Selon certaines enquêtes récemment menées à l’échelle mondiale, 35 à
40 pour cent des employeurs interrogés éprouvent des difficultés à pourvoir les postes
vacants en raison de la pénurie de qualifications, soit le plus fort pourcentage
d’employeurs exprimant ce type de préoccupation depuis 2007 128.
173. Ces déséquilibres ont des causes multiples: défaillances diverses du marché liées à
l’asymétrie de l’information sur l’offre et la demande de travail; rigidités salariales;
mobilité géographique limitée; coûts de la formation; frais de déménagement; et choix
personnels de carrière ou de niveau de salaire. Les politiques publiques contribuent
également à l’inadéquation des compétences dans la mesure où certaines politiques
industrielles ou d’investissement peuvent générer une demande soudaine pour certaines
qualifications peu répandues. La qualité de l’éducation et de la formation jouant
également un rôle crucial à cet égard, il conviendrait de mettre en place de toute urgence
des mécanismes de contrôle de la qualité, tant pour la formation professionnelle que pour
l’enseignement général.
125
BIT: Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2013: Une génération menacée, op. cit.
126
Ibid.
127
Banque mondiale: Rapport sur le développement dans le monde 2013: Emplois, op. cit.
128
Manpower Group: Talent shortage survey: Research results, op. cit.; McKinsey: Education to employment:
Designing a system that works, op. cit.
ILC.103/VI 45
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
129
Banque mondiale: Rapport sur le développement dans le monde 2013: Emplois, op. cit.
130
BIT: Skills mismatch: Why does it occur and how to avoid it?, Skills for Employment Policy Brief (Genève,
à paraître).
46 ILC.103/VI
Chapitre 2
1
BIT: Résolution et conclusions concernant la discussion récurrente sur l’emploi, Conférence internationale du
Travail, 99e session, Genève, 2010.
2
BIT: La crise de l’emploi des jeunes: Appel à l’action, résolution et conclusions de la 101e session de la
Conférence internationale du Travail, Genève, 2012, http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_norm/---
relconf/documents/meetingdocument/wcms_187079.pdf.
3
http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:C122
4
BIT: Des politiques de l’emploi pour la justice sociale et une mondialisation équitable, Rapport VI, Conférence
internationale du Travail, 99e session, Genève, 2010, http://www.ilo.org/ilc/ILCSessions/99thSession/
reports/WCMS_140780/lang--fr/index.htm.
ILC.103/VI 47
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
ont adopté une politique nationale de l’emploi et fait ressortir des différences
intéressantes qui reflètent les divers contextes régionaux et nationaux.
183. En Afrique subsaharienne, de très nombreux pays ont mis en place une PNE
globale. La deuxième génération des stratégies de réduction de la pauvreté 5 met de plus
en plus l’accent sur l’importance de la création d’emplois productifs comme facteur
essentiel de croissance et de réduction durable de la pauvreté.
184. En Afrique du Nord, le Maroc et la Tunisie ont élaboré une PNE dès 2010,
délaissant les politiques actives du marché du travail – de portée limitée parce qu’elles
ciblaient les jeunes diplômés – pour adopter une politique plus globale visant les défis
multidimensionnels de l’emploi que connaît la région.
185. En Europe centrale et du Sud-Est (hors UE) et dans la CEI, plusieurs pays ont
adopté une politique nationale de l’emploi mettant l’accent sur plusieurs aspects:
promotion des programmes actifs du marché du travail (visant notamment les jeunes);
renforcement des services de l’emploi; amélioration de la gouvernance et du
fonctionnement du marché du travail; renforcement de la protection sociale pour les
chômeurs; mise en valeur du capital humain; et accompagnement actif des travailleurs
âgés. Les pays qui envisagent d’adhérer à l’UE doivent au préalable élaborer une
politique de l’emploi conforme à la Stratégie de l’emploi et au modèle social de l’Union.
186. De nombreux pays d’Asie ont préféré inscrire les objectifs en matière d’emploi
dans leur plan national de développement plutôt que de formuler expressément une
politique de l’emploi. Cette tendance s’infléchit actuellement, plusieurs d’entre eux
ayant commencé à élaborer formellement une politique de l’emploi (Cambodge,
Mongolie), ou adopté des instruments en cette matière (République de Corée, Fidji,
Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Sri Lanka, Viet Nam).
187. En Amérique latine, les défis de l’emploi des jeunes sont le plus souvent traités
dans le cadre de plans d’action dédiés. Certains pays de la région (tels l’Argentine et le
Brésil) ont également opté pour une approche globale de l’économie informelle afin
d’assurer la transition vers l’emploi formel.
188. Dans ses conclusions de 2010, la CIT a également souligné l’importance de fixer
des objectifs précis tant pour la quantité d’emplois que leur qualité. La moitié des PNE
répertoriées dans la base de données mentionnent des objectifs en la matière, mais il
s’agit le plus souvent de mesures quantitatives – le nombre d’emplois créés, l’emploi des
jeunes, ou les deux. Dans quelques cas cependant, la politique fixe également des
objectifs concernant l’amélioration de la qualité de l’emploi au moyen d’indicateurs tels
que le sous-emploi ou la pauvreté au travail.
189. Les politiques actives du marché du travail, le développement des compétences et
les mesures spéciales pour l’emploi des jeunes figurent en bonne place dans la plupart
des politiques nationales de l’emploi.
190. Les politiques attachent plus d’importance qu’auparavant au potentiel de création
d’emplois des secteurs productifs. Les liens entre l’emploi et les politiques
macroéconomiques sont mieux explicités dans environ un tiers des PNE analysées, et
5
Le FMI et la Banque mondiale ont lancé en 1999 des stratégies de réduction de la pauvreté, qu’ils considèrent
comme une condition préalable à l’allègement de la dette multilatérale dans le cadre du programme dit
«Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative». Ces stratégies sont maintenant le cadre convenu pour les
prêts consentis par les institutions financières internationales à de nombreux pays à faible revenu et définissent les
paramètres de base des plans-cadres orientant les politiques de développement dans ces pays. A ce jour, près de
70 pays ont intégré une stratégie de réduction de la pauvreté dans leur plan quinquennal de développement.
48 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
24
22
20
18
Nombre total de PNE
16
14
12
10
0
Politiques Dialogue Développement Politiques Politiques Sécurité Politiques Liberté
actives social des ressources sectorielles macro- sociale salariales syndicale
du marché humaines, économiques et négociation
du travail qualifications collective
professionnelles
et techniques
PNE mentionnant des mesures d’emploi PNE ne mentionnant pas de mesures d’emploi
Note: Pays compris dans l’échantillon: Bénin, Bosnie-Herzégovine, Burkina Faso, Cameroun, Chine, République de Corée, Côte d’Ivoire,
Espagne, Ghana, Honduras, Iraq, Jordanie, Libéria, Madagascar, République de Moldova, Mozambique, Népal, Ouganda, Fédération de Russie,
Sénégal, Serbie, Seychelles, Sri Lanka et République-Unie de Tanzanie. Ces pays ont été choisis en fonction de la qualité des informations
disponibles. Un plus grand nombre de pays sera couvert à l’avenir. Il importe de noter que l’information analysée est fondée sur les PNE et les
PND, à l’exclusion de tout autre instrument de politique.
Source: BIT: EmPol Gateway, 2013.
191. Seules quelques PNE font état des conditions d’emploi et de l’administration du
travail. Moins de la moitié d’entre elles mentionnent la politique salariale, la liberté
syndicale, la négociation collective ou la protection sociale.
192. Le lien entre l’emploi et la protection sociale est traité dans certaines PNE (par
exemple, Libéria 6 et Sri Lanka 7). Le projet conjoint BIT-UE «Améliorer la protection
sociale et promouvoir l’emploi» a permis d’élaborer des produits de haute qualité
(méthodes de conception d’une protection sociale intégrée) et des projets pilotes de
politique globale de l’emploi pour trois pays à faible revenu: Burkina Faso, Cambodge et
Honduras 8.
6
Libéria: National Employment Policy – Action Plan (2013–2017), ministère du Travail, 2013.
7
Sri Lanka: The National Human Resources and Employment Policy for Sri Lanka, Secretariat for Senior
Ministers, Colombo, 2012, http://www.nhrep.gov.lk.
8
Pour plus de détails, voir http://www.social-protection.org/gimi/gess/ShowProjectSpePage.do?pid=1175.
ILC.103/VI 49
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
193. Les données existantes démontrent que les objectifs et les stratégies d’emploi sont
mieux énoncés dans les PND élaborés récemment – souvent grâce aux conseils du BIT.
Seize des 24 PND examinés placent l’emploi au cœur de leurs objectifs globaux ou
stratégiques; 13 comportent un chapitre ou une section spécifique sur l’emploi, et
certains pays les inscrivent dans le titre même de leur PND, par exemple le Cameroun
(Stratégie de croissance et de l’emploi) ou le Togo (Stratégie de croissance accélérée et
de promotion de l’emploi).
194. Les partenaires sociaux sont de plus en plus souvent mentionnés – quoique pas
encore systématiquement – dans les instruments concernant l’élaboration et la mise en
œuvre des PND. L’expérience montre que leur participation améliore le processus de
planification des politiques de l’emploi 9.
195. Durant l’exercice budgétaire 2012-13, 63 pays ont demandé au BIT de les aider à
élaborer une politique nationale de l’emploi. Le Bureau offre des conseils techniques aux
mandants (renforcement des capacités, facilitation du dialogue social, outils stratégiques
personnalisés) dans le cadre d’une approche politique cyclique définie (voir tableau 2.1).
Ce travail est assuré et suivi par l’équipe des politiques de l’emploi mondial du BIT, qui
a des membres sur le terrain et au siège.
196. Le processus d’élaboration des politiques de l’emploi doit faire appel à tous les
acteurs concernés, y compris les divers ministères et la banque centrale du pays. Le BIT
peut jouer un rôle de facilitateur à cet égard, notamment en veillant à la continuité du
dialogue social tout au long du processus et en fournissant un support technique aux
gouvernements, aux employeurs et aux travailleurs afin qu’ils y participent activement
(voir, par exemple, le cas de Sri Lanka, encadré 2.1).
9
BIT: Social partners and their engagement in National Development Plans: Lessons learnt from a decade of
implementation of poverty reduction strategies (Genève, 2011).
50 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
Encadré 2.1
Politique globale nationale de Sri Lanka
en matière de ressources humaines et d’emploi
Après trois décennies de conflit, le gouvernement sri-lankais a adopté en 2012
une Politique nationale en matière de ressources humaines et d’emploi sous les
auspices de la Présidence. L’instrument politique a été élaboré sur la base d’une série
de consultations nationales et régionales entre les partenaires sociaux et les parties
prenantes, avec l’assistance technique du BIT. Le gouvernement a mis en place des
mécanismes pour coordonner la mise en œuvre de la politique, dont un comité de
pilotage national présidé par le ministre d’Etat des Ressources humaines, qui
supervise cinq sous-comités chargés du suivi des cinq piliers de la politique. Les
principaux défis en matière d’emploi sont traités dans ce cadre politique global,
y compris: la politique macroéconomique; les compétences professionnelles et
l’employabilité; les stratégies sectorielles de développement; le développement des
PME; l’emploi informel; les salaires; la protection sociale; et le dialogue social.
Le gouvernement a également adopté en 2013 un plan de mise en œuvre de
cette politique qui en assure la cohérence et la coordination, conformément à son plan
décennal de développement. Il a établi des mécanismes de coordination et de
facilitation dans toutes les agences chargées de l’exécution de la politique, conçu un
mécanisme de suivi et d’évaluation et lancé une stratégie de mobilisation des
ressources.
197. Certaines idées maîtresses ressortent d’une analyse systématique, menée depuis
2010 10, sur les institutions tripartites efficaces au niveau national et leur contribution à la
formulation des politiques de l’emploi:
Il n’existe pas de modèle universel pour l’organisation du dialogue social sur la
politique de l’emploi: tout dépend du contexte.
Une politique de l’emploi bien pensée suppose un dialogue social efficace, appuyé
par des institutions adéquatement financées, inscrit dans un cadre juridique solide
et pleinement utilisé dans la pratique.
Les mécanismes consultatifs multipartites sur les questions liées à l’emploi se
limitent trop souvent aux structures tripartites traditionnelles. Il conviendrait
d’ouvrir les consultations aux ministères de l’économie et des finances et à d’autres
groupes, comme les petites entreprises de l’économie informelle, ainsi qu’aux
associations de jeunes et d’agriculteurs.
La volonté politique du gouvernement d’associer les partenaires sociaux (de la
phase préparatoire de la PNE jusqu’aux étapes du suivi et de l’évaluation) est un
facteur clé de réussite.
La participation des partenaires sociaux à la formulation des politiques de l’emploi
s’est généralement améliorée. Cependant, tous n’ont pas les mêmes capacités et
possibilités d’y apporter une contribution régulière et constructive.
Les partenaires sociaux à tous les niveaux (entreprise, niveaux local, sectoriel et
national) doivent être forts, compétents et proactifs et regrouper de nombreux
adhérents.
L’administration du travail doit être active et disposer d’un financement solide.
10
Ibid.; BIT: Towards more inclusive employment policy making: Process and role of stakeholders in Indonesia,
Nicaragua, Moldova and Uganda (Genève, 2012).
ILC.103/VI 51
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
Encadré 2.2
Approche sectorielle de la politique de l’emploi:
El Salvador
Désireux de corriger les déséquilibres et les inégalités socio-économiques de la
décennie précédente et suivant en cela les directives du Président, le gouvernement
d’El Salvador a élaboré en 2010 son premier programme national fondé sur le Pacte
mondial pour l’emploi, ce qui lui a permis d’accomplir des progrès substantiels au
moyen de consultations tripartites et d’inscrire la promotion de l’emploi en bonne place
sur l’agenda politique.
Des assises tripartites, tenues en juin 2011, ont permis d’adopter les priorités en
matière d’emploi. Les pouvoirs publics ont opté pour une approche sectorielle de la
promotion de l’emploi et organisé à l’intention des organisations de travailleurs et
d’employeurs des ateliers intrasectoriels sur les priorités politiques en cette matière.
Ces instances de dialogue ont permis aux travailleurs et aux employeurs de chaque
secteur d’activité d’identifier leurs principales priorités. En 2013, en partenariat avec le
Département des politiques de l’emploi du BIT, le ministère de l’Economie et la
Banque centrale sont convenus d’accorder plus d’importance au volet emploi dans leur
1
dispositif de comptabilité sociale . Parallèlement, le ministère des Travaux publics a
validé et mis en œuvre une méthodologie permettant d’évaluer le nombre d’emplois
créés grâce aux dépenses et aux investissements publics.
Dans le cadre de la Politique de diversification et de transformation productives
récemment approuvée, un dialogue s’est tenu dans six secteurs d’activité économique
essentiels pour la croissance économique et la création d’emplois: plastique, textile,
2
électronique, aéronautique, services aux entreprises et produits pharmaceutiques . La
formulation du plan de mise en œuvre et l’institutionnalisation du dialogue sectoriel
(basés sur un plan de travail et une stratégie de suivi et d’évaluation) garantissent que
les mesures axées sur l’emploi figurent en bonne place dans la politique.
1
Des séances de formation sur les multiplicateurs d’emploi et les secteurs créateurs d’emplois ont été
organisées à l’intention des partenaires de l’OIT, des instituts de recherche, des institutions publiques et des
universités. 2 Plus de 115 représentants des employeurs ont rencontré les institutions publiques lors de huit
ateliers sur la Politique de diversification et de transformation productives afin de s’assurer que les objectifs
d’emploi étaient intégrés à la politique.
52 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
Encadré 2.3
Privilégier l’emploi dans le plan de développement national:
la Fédération de Russie
Le Président de la Fédération de Russie a désigné la création d’emplois et les gains
de productivité comme principaux indicateurs du développement socio-économique du
pays. La création d’emplois et leur modernisation, privilégiant une économie fondée
sur l’innovation, sont un élément clé de la politique nationale, ce que reflète le
Programme de promotion de l’emploi approuvé par le gouvernement le 22 novembre
2012. Cet instrument de politique globale fixe trois objectifs: éviter les distorsions sur le
marché du travail; attirer des travailleurs étrangers pour combler la demande du
marché du travail; promouvoir le développement des qualifications, la sécurité et la
santé au travail, et la protection des droits des travailleurs. Les objectifs du programme
sont à la fois quantitatifs (taux de chômage) et qualitatifs (pourcentage de travailleurs
dont les conditions de travail doivent être améliorées).
1
Le programme a été élaboré avec l’appui technique du BIT , en consultation avec
les partenaires sociaux.
1
Notamment: examen des politiques sur l’emploi des jeunes et sur les principaux vecteurs de l’emploi
informel; traduction en russe et diffusion du Guide pour la formulation des politiques nationales de l’emploi
du BIT; participation des mandants tripartites de l’OIT au cours sur les politiques de l’emploi au Centre
international de formation de l’OIT; facilitation des consultations tripartites sur les grands thèmes de la
politique nationale de l’emploi.
Encadré 2.4
Coopération technique au soutien des politiques de l’emploi
1. Le projet APERP (Appui à la promotion de l’emploi et à la réduction de la
pauvreté), financé par la France, fait suite au Sommet extraordinaire des chefs
d’Etat africains, tenu à Ouagadougou en 2004, et aux recommandations du Pacte
mondial pour l’emploi (2009).
Ce projet aide certains pays africains francophones à élaborer une PNE et des
plans d’action globaux et intégrés, en leur apportant un soutien à chaque étape du
cycle politique, du diagnostic jusqu’à la mise en œuvre et à la budgétisation,
y compris le suivi.
Il prévoit un soutien spécifique et approfondi aux services publics de l’emploi
– éléments clés dans la mise en œuvre de ces politiques.
2. En 2012-13, un projet conjoint BIT/Agence suédoise du développement
international a permis de fournir un appui substantiel aux mandants dans dix pays
(Cambodge, Comores, El Salvador, Kirghizistan, Lesotho, Libéria, Malawi,
Mozambique, Oman et Sri Lanka) pour les aider à formuler une politique globale
de l’emploi conforme aux priorités fixées dans le PND.
Ce soutien était adapté aux besoins et demandes de chaque pays et comprenait
notamment: a) la recherche et le développement de connaissances permettant la
formulation de politiques de l’emploi; b) le dialogue et les actions de sensibilisation
concernant ces politiques; et c) le renforcement de la capacité des mandants à
participer à la formulation des politiques de l’emploi. Parallèlement, le projet a
permis la mise au point d’autres produits d’application plus générale puisqu’il
existe manifestement des liens entre la conception des outils de formulation des
politiques et les activités consultatives en cette matière. Les actions menées au
niveau des pays alimentent le développement de produits d’application générale
et, inversement, les outils et le matériel de formation conçus à des fins générales
trouvent application au niveau national.
ILC.103/VI 53
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
11
Atelier sur les politiques actives du marché du travail (PAMT) en Algérie, Mauritanie, Maroc et Tunisie,
Rabat, 10-13 juillet 2012, et Cours sur les politiques nationales de l’emploi pour les pays africains francophones,
Dakar, 15-29 avril 2013.
12
Rabat, 5-6 fév. 2013; Maputo, mars 2013; et Fidji, nov. 2012.
54 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
stratégie en élaborant une méthodologie permettant, à long terme, d’aider les pays tout
au long du cycle des politiques de l’emploi 13 . Le rapport formule certaines
recommandations, notamment: renforcer le fonds de connaissances grâce à la recherche
et aux analyses; promouvoir des dispositifs institutionnels efficaces, susceptibles
d’orienter la mise en œuvre des politiques nationales de l’emploi; répondre aux besoins
spécifiques de capacité des mandants; promouvoir l’intégration du volet emploi dans les
budgets nationaux; et établir des partenariats durables avec les autres acteurs
incontournables sur le plan international.
Améliorer les méthodes d’examen des politiques de l’emploi
207. Ces examens et diagnostics exhaustifs des politiques de l’emploi sont effectués à la
demande des gouvernements, le plus souvent lors de leur formulation ou de leur révision,
ou parallèlement au processus de planification du développement.
208. La Déclaration de 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable
soulignait l’importance de renforcer les examens des politiques en vue de leur mise en
œuvre effective. Elle suggérait d’effectuer des examens volontaires au moyen:
i) d’études réalisées de manière ad hoc et sur la base d’une coopération volontaire des
gouvernements et des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs
dans les pays concernés; ou
ii) d’autres types d’arrangements, tels que des examens par les pairs, que les Membres
intéressés pourraient souhaiter établir ou auxquels ils seraient disposés à participer
à titre volontaire 14.
209. Les mandants de l’OIT ont parfois demandé au Bureau d’analyser les mécanismes
existants pour l’examen systématique des politiques et d’évaluer leur applicabilité aux
dispositifs d’examen des politiques de l’emploi, notamment:
210. Examens au titre de l’article IV des Statuts du FMI 15: Lorsqu’un pays devient
membre du Fonds monétaire international, il s’engage à soumettre ses politiques
économiques et financières à l’examen de la communauté internationale. La surveillance
des pays est un processus continu, qui comprend de larges consultations régulières dites
«Consultations au titre de l’article IV» parce qu’elles sont exigées par l’article IV des
Statuts du FMI. Elles ont généralement lieu une fois par an. Les économistes du FMI
visitent le pays membre pour recueillir l’information et s’entretenir avec des
représentants du gouvernement et de la banque centrale et, fréquemment, avec des
investisseurs privés, des représentants syndicaux, des députés et des organisations de la
société civile. A son retour, la mission présente un rapport au Conseil d’administration
du FMI pour discussion. Le point de vue du conseil est ensuite résumé et transmis aux
autorités du pays concerné. Actuellement, neuf pays membres sur dix acceptent que
l’avis du conseil, qui résume le point de vue des fonctionnaires et du conseil, soit rendu
public; quatre pays membres sur cinq acceptent la publication du rapport lui-même 16.
13
BIT: Discussions sur les évaluations de haut niveau: Stratégies et programmes par pays de promotion du
travail décent, Conseil d’administration, 316e session, Genève, nov. 2012, document GB.316/PFA/7/2,
http://www.ilo.org/gb/GBSessions/GB316/pfa/WCMS_191361/lang--fr/index.htm.
14
Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, 2008.
15
FMI: Surveillance, http://www.imf.org/external/about/econsurv.htm.
16
FMI: IMF Article IV Staff Reports, http://www.imf.org/external/ns/cs.aspx?id=51; I. Islam, I. Ahmed, R. Roy
et R. Ramos: Macroeconomic policy advice and the Article IV consultations: A development perspective,
document de recherche no 2 (Genève, BIT, 2012).
ILC.103/VI 55
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
211. Examens des politiques commerciales par l’OMC 17: Pour assurer la transparence
de leurs règlements et politiques, les gouvernements doivent informer régulièrement
l’OMC et les autres membres de l’organisation de leurs mesures, politiques ou lois
commerciales. De plus, l’OMC examine régulièrement les politiques commerciales de
chaque pays dans le cadre d’un mécanisme de contrôle, dont tous les membres de
l’OMC font l’objet, selon une périodicité qui est fonction de leur part du commerce
mondial. Il s’agit essentiellement d’un mécanisme d’évaluation par les pairs, même si
une grande partie du travail est en fait accompli par le secrétariat de l’OMC. L’analyse
est effectuée par l’Organe d’examen des politiques commerciales, sur la base d’une
déclaration de politique générale du pays membre concerné et du rapport préparé par le
secrétariat de l’OMC. Ce dernier sollicite la coopération du pays membre pour rédiger
son rapport, mais reste entièrement responsable des faits présentés et des vues exprimées.
Le rapport du secrétariat et la déclaration de politique du pays membre sont publiés après
la réunion, ainsi que le procès-verbal de la réunion et les conclusions du président de
l’Organe d’examen des politiques commerciales.
212. Stratégie européenne pour l’emploi 18: Dans le cadre de la «méthode ouverte de
coordination», la Commission européenne a établi un cadre de travail permettant aux
pays membres de l’UE d’échanger des informations sur leurs politiques de l’emploi,
d’en discuter et de les coordonner. Ce cadre s’appuie sur les Lignes directrices pour
l’emploi proposées par la commission et approuvées par le Conseil de l’UE, qui
exposent les priorités communes et les objectifs des politiques nationales de l’emploi et
comportent les éléments annuels suivants:
Un rapport conjoint sur l’emploi, basé sur: a) une évaluation de la situation de
l’emploi en Europe; b) la mise en œuvre des Lignes directrices pour l’emploi; et
c) l’examen des projets de programmes nationaux de réforme par le Comité de
l’emploi. Ce rapport, qui fait partie de l’Enquête annuelle sur la croissance, est
publié par la commission et adopté par le Conseil de l’UE.
Le programme national de réforme de chaque gouvernement national, que la
commission analyse pour vérifier sa conformité avec la Stratégie Europe 2020.
Les recommandations formulées par la commission pour chaque pays sur la base
d’une évaluation de son programme national de réforme.
213. Processus de Bucarest, Rapports nationaux sur les politiques de l’emploi,
2004-2008 19: La Conférence ministérielle de l’Europe du Sud-Est consacrée à l’emploi,
qui s’est tenue à Bucarest en octobre 2003, a adopté une Déclaration appelant à la
coopération régionale pour relever les défis de l’emploi et améliorer substantiellement
les politiques nationales dans ce domaine. Le BIT et le Conseil de l’Europe ont été
invités à appuyer cette initiative, à donner des orientations en examinant les politiques en
vigueur dans la région, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et les
institutions du marché du travail, et à formuler leurs recommandations.
17
OMC: Examens des politiques commerciales: Introduction, http://www.wto.org/french/tratop_f/tpr_f/
tp_int_f.htm.
18
Commission européenne: Stratégie européenne pour l’emploi, http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=
101&langId=fr.
19
Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est: Initiative pour la cohésion sociale – Emploi, http://www.stability
pact.org/wt2/ISCemployment.asp.
56 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
214. Les ministres du Travail des pays du Pacte de stabilité ont approuvé et actualisé les
objectifs de cette coopération, dont les activités sont conçues et supervisées par un
comité permanent de haut niveau composé des directeurs généraux et de représentants
des services nationaux de l’emploi. Le Processus de Bucarest est devenu un point de
référence majeur pour l’élaboration des politiques de l’emploi en Europe du Sud-Est.
Approuvé dans les conclusions de la deuxième Conférence ministérielle, tenue à Sofia
en 2005, le processus met désormais davantage l’accent sur la cohérence des politiques
et le dialogue social.
215. Les services compétents de l’UE ont examiné la politique de l’emploi de sept pays
entre 2004 et 2008 20 , sur la base d’un rapport national produit par le ministère du
Travail en collaboration avec le service national de l’emploi, rédigé selon un schéma
préétabli. Après avoir analysé l’information présentée, le BIT et le Conseil de l’Europe
y ont ajouté leurs recommandations. Ces examens des politiques de l’emploi ont été
adoptés lors de conférences nationales tripartites, qui ont permis aux partenaires sociaux
de commenter et d’évaluer les conclusions et les recommandations. Ils ont également
servi de base aux discussions entre pairs d’autres pays du Pacte de stabilité, organisées
dans le cadre du processus de coopération sur l’emploi, lors des sessions du comité
permanent de haut niveau du Processus de Bucarest.
216. Examens par le Conseil d’administration du BIT: Durant une brève période
(2007-08), la Commission de l’emploi et de la politique sociale du Conseil
d’administration du BIT a procédé à quelques examens par pays dans le cadre de la mise
en œuvre de l’Agenda global pour l’emploi. Ce processus, qui a été appliqué à trois pays
(Burkina Faso, Pakistan et Viet Nam), comprenait un rapport du BIT et une présentation
par une délégation tripartite de chaque pays, dirigée par le ministre du Travail. Le BIT
y a mis fin lors de la crise économique et financière mondiale, privilégiant dès lors le
Pacte mondial pour l’emploi. Mis en œuvre dans sept pays (voir encadré 1.1), ce dernier
ne comporte toutefois pas un processus d’examen par les pairs en tant que tel.
217. L’examen par les pairs des politiques de l’emploi peut servir de forum d’échange
des bonnes pratiques pour renforcer les contacts entre les experts nationaux et
approfondir la compréhension mutuelle entre les pays. Pour être pérenne, un processus
de cet ordre suppose un cadre de référence convenu, un processus d’examen
systématique institutionnalisé et un mécanisme de suivi; il implique en outre un champ
d’application réaliste (l’expérience du processus d’examen des politiques de l’emploi des
pays du Pacte de stabilité donne à penser qu’on peut tout au plus examiner sérieusement
le dossier de deux pays chaque année).
2.2. Politiques macroéconomiques propices à l’emploi
218. Comme cela a été évoqué à la section 1.1.2, les politiques macroéconomiques et
leur impact sur les marchés du travail occupent le devant de la scène depuis la récession
mondiale de 2008-09 et la crise de la zone euro qu’elle a provoquée. La CIT de 2010 a
invité le Bureau à approfondir les connaissances sur les politiques macroéconomiques
propices à l’emploi, appel qu’elle a renouvelé en 2012 lors de la discussion sur l’emploi
des jeunes.
219. Le Bureau a répondu à cette invite par les mesures suivantes, qui ciblent
notamment les économies émergentes et en développement: i) rédaction et diffusion
d’analyses critiques des thèses macroéconomiques classiques, sur la base de données
20
Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, République de Moldova, Monténégro et ex-République
yougoslave de Macédoine.
ILC.103/VI 57
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
comparatives provenant de plusieurs pays; ii) études par pays des politiques
macroéconomiques et de leur effet, positif ou négatif, sur la création d’emplois durables
et productifs; iii) utilisation des résultats de ces études pour concevoir et formuler des
programmes de renforcement des capacités, destinés aux mandants et aux chercheurs
confirmés; iv) prestation de services techniques et consultatifs en matière de politiques
aux Etats Membres. Des avancées ont été réalisées dans ces quatre domaines.
220. Plusieurs études sur l’inflation, la stabilisation budgétaire et les conseils en matière
de politiques, réalisées dans le cadre des consultations au titre de l’article IV du FMI, ont
été validées lors d’ateliers techniques (y compris plusieurs présentations devant le FMI)
et publiées dans des revues spécialisées 21.
221. Ces études révèlent qu’au moins jusqu’en 2011 les consultations au titre de
l’article IV ont essentiellement porté sur le contrôle de l’inflation et la stabilisation
budgétaire et ont quelque peu négligé la situation particulière des pays concernés et leurs
besoins essentiels en matière de développement et d’emploi. Le FMI en vient aux mêmes
conclusions dans son auto-évaluation des 30 consultations menées au titre de l’article IV
(Rapport de 2013 sur l’emploi et la croissance) 22 et s’efforce actuellement d’en élargir le
champ d’analyse en invitant ses fonctionnaires à intégrer les volets travail et emploi dans
leurs rapports 23.
222. Les résultats montrent également que la place centrale accordée à la stabilité dans
les thèses macroéconomiques classiques est fréquemment déconnectée des
préoccupations majeures en matière de développement, telles la création d’emplois, la
diversification économique et la réduction de la pauvreté. L’instabilité
macroéconomique extrême stérilise la croissance; en revanche, il n’est pas établi que le
retour à la stabilité la favorise ou la soutient à long terme, ou qu’il permet la création
d’emplois productifs et durables. Dans l’exercice de leur mandat, les responsables des
politiques macroéconomiques devraient adopter une approche mixte conciliant stabilité
macroéconomique et création d’emplois.
223. Le BIT a réalisé de nombreuses études par pays 24 , qui ont été discutées lors
d’ateliers techniques et d’où ont été tirés plusieurs enseignements majeurs d’ordre
politique, résumés au tableau 2.2. Comme on peut le voir, les thèses conventionnelles sur
la stabilité et la crédibilité macroéconomiques sont délaissées au profit d’autres
dimensions, par exemple: le rôle des politiques anticycliques pour lisser la volatilité
économique; les mesures incitatives favorisant l’inclusion financière; et la mobilisation
des ressources nationales dans une perspective «mixte», où les rôles respectifs de la
banque centrale, de l’autorité financière et du ministère des Finances sont dûment pris en
compte. S’agissant des politiques monétaire et fiscale, les banques centrales et les
autorités financières devraient favoriser un niveau élevé d’investissement, renforcer
l’inclusion financière, assurer l’accès au crédit et dégager des budgets pour les secteurs
prioritaires présentant un fort potentiel de création d’emplois de qualité. Les ministères
21
Pour une version actualisée de ces études, voir: I. Islam et D. Kucera: Beyond macroeconomic stability:
Structural transformation and inclusive development, introduction et chap. 1-3 (BIT et Palgrave Macmillan,
2014).
22
FMI: Jobs and growth: analytical and operational considerations for the Fund (Washington, DC, 2013).
23
FMI: A template for analyzing and projecting labor market indicators (Washington, DC, 2012).
24
Voir, par exemple, les documents de travail du BIT sur l’emploi: Argentine (n o 109), Bangladesh (no 92),
Jordanie (no 118), Malawi (no 93), Nigéria (no 107), Ouganda (no 91), Pérou (no 134), Sri Lanka (no 110) et
Turquie (no 108).
58 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
25
GNUD: Growth and employment in the post-2015 agenda: Messages from a global consultation, 2013, p. 27.
26
BIT: Rapport mondial sur les salaires 2012/13: Salaires et croissance équitable.
ILC.103/VI 59
Tableau 2.2. Dimensions de la gestion macroéconomique: de la stabilité aux mutations structurelles
60
27
BIT: 2010 Labour Overview: Latin America and the Caribbean, op. cit.
28
BIT et OMC: Making globalization socially sustainable (Genève, 2011).
29
BIT: Trade and employment: From myths to facts (Genève, 2011).
30
BIT et CNUCED: Shared harvests: Agriculture, trade and employment (Genève, 2013).
31
http://www.ilo.org/employment/areas/trade-and-employment/WCMS_181194
ILC.103/VI 61
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
62 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
240. Depuis 2010, le Centre international de formation dispense chaque année, à Turin
et ailleurs, des cours sur les échanges internationaux et le marché du travail ainsi que des
cours d’évaluation technique de l’impact de ces échanges sur l’emploi.
241. Comme on l’a déjà mentionné, les interventions sectorielles dans le cadre des
politiques de l’emploi commencent à susciter un vif intérêt 32.
242. Le BIT a élaboré et appliqué dans plusieurs pays une approche cohérente et
intégrée sur les stratégies sectorielles de promotion de l’emploi. Il a organisé une série
d’ateliers tripartites où ont été présentées des analyses quantitatives et qualitatives 33
pour donner aux décideurs les outils leur permettant de cibler les secteurs à forte
intensité de main-d’œuvre et d’évaluer le potentiel d’emplois des divers types de
politiques sectorielles.
243. En République démocratique du Congo (RDC), le Bureau a effectué une étude
sectorielle dans la province du Katanga au moyen d’une analyse empirique détaillée sur le
niveau et la nature des liens et des retombées entre les industries extractives, les
fournisseurs locaux et le marché du travail local. Conçue comme l’outil de base permettant
de formuler une politique sectorielle cohérente et intégrée, cette analyse a permis
d’organiser un atelier de coopération technique pour la promotion de l’emploi des jeunes.
244. La mise en œuvre réussie des stratégies sectorielles axées sur l’emploi productif
suppose un dialogue tripartite et une étroite collaboration entre les gouvernements et le
secteur privé. Les stratégies sectorielles bien conçues permettent de renforcer les capacités
de tous les intéressés et d’atteindre les objectifs recherchés: développement des
compétences, renforcement de la compétitivité des entreprises, amélioration générale de la
productivité et création d’emplois durables. En 2013, le BIT et l’Organisation
internationale des employeurs (OIE) ont organisé conjointement un colloque à Casablanca,
qui a réuni les présidents et directeurs exécutifs d’organisations d’employeurs de toute
l’Afrique et permis le lancement de l’African Employers’ Task Force on Employment. Plus
tôt cette même année, un atelier organisé à Johannesburg à l’intention des organisations
d’employeurs d’Afrique subsaharienne a insisté sur le rôle majeur de ces organisations
dans l’élaboration des dispositifs de développement des compétences.
245. Ces activités et de nombreux autres projets de recherche ont enrichi le débat
international sur les réformes structurelles, le développement économique et les
politiques industrielles et influencé les rapports d’orientation élaborés par d’autres
32
Le rapport (2012) sur l’Afrique du McKinsey Global Institute en constitue un bon exemple. Voir également les
travaux de Justin Lin (ancien économiste en chef de la Banque mondiale) sur la «nouvelle économie structurelle»,
selon qui les interventions politiques sectorielles devraient être fondées sur les règles du marché.
33
Pour certaines méthodes quantitatives et des documents connexes, voir: M. Bensaid et coll.: Evaluation des
emplois générés dans le cadre du DSCRP au Gabon, Secteur de l’emploi, document de travail no 80 (Genève,
BIT, 2011); G. Epstein et coll.: Employment, poverty and economic development in Madagascar:
A macroeconomic framework, Secteur de l’emploi, document de travail no 58 (Genève, BIT, 2010); et les études
de cas sur le secteur des fleurs coupées en Ethiopie et le secteur du café au Rwanda, BIT: Efficient growth,
employment and decent work in Africa: Time for a new vision (Pretoria, 2011).
Les méthodes qualitatives basées sur le dialogue et les enquêtes sociales comprennent notamment: O. Renard
et coll.: Filières porteuses et emploi des jeunes au Katanga (Genève, BIT, 2013); A. Mitra: Can industry be the
key to pro-poor growth? An exploratory analysis for India (New Delhi, BIT, 2013); Institute of Human
Development: Promoting employment and skills development in the manufacturing sector in India: Field study
(New Delhi, BIT, 2013); F. Lapeyre et coll.: Le modèle de croissance Katangais face à la crise financière
mondiale: Enjeux en termes d’emplois, Secteur de l’emploi, document de travail no 82 (Genève, BIT, 2011);
D’Achon et coll.: L’impact de la crise sur le secteur textile au Maroc: Quelles implications pour l’emploi
(Genève, BIT, 2010); et Chandararot et coll.: Rapid assessment of the impact of the financial crisis in Cambodia
(Bangkok, BIT, 2008).
ILC.103/VI 63
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
34
Par exemple: UNECA: Making the most of Africa’s commodities: Industrializing for growth, jobs and
economic transformation (Addis-Abeba, 2013); et Organisation des Nations Unies pour le développement
industriel (ONUDI): Industrial development report 2013: Sustaining employment growth – The role
of manufacturing and structural change (Vienne, 2013).
35
I. Nübler (Genève, BIT, à paraître).
36
J.M. Salazar-Xirinachs, I. Nübler et R. Kozul-Wright (Genève, BIT, à paraître).
37
BIT: Global Economic Linkages Model, Institut international d’études sociales.
38
BIT: Skills for green jobs: A global view (Genève, 2011).
39
BIT: Skills and occupational needs in green building (Genève, 2011); Skills and occupational needs
in renewable energy (Genève, 2011).
64 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
modèle économique plus écologique, par exemple en protégeant les travailleurs licenciés
durant leur recherche d’un nouvel emploi ou leur reconversion professionnelle.
250. Le troisième pilier de la stratégie consiste à placer le dialogue social au cœur de la
formulation des politiques. Etant donné que la transition vers un développement durable
et respectueux de l’environnement entraînera de profonds changements dans les
processus et les technologies de production ainsi qu’une redistribution des emplois, son
succès suppose une étroite coopération entre le gouvernement et les partenaires sociaux.
ILC.103/VI 65
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
254. Les conclusions des évaluations menées dans le cadre de la méthodologie précitée
(Un environnement propice aux entreprises durables) et les propositions de réforme qui en
découlent pourraient utilement contribuer aux politiques nationales de l’emploi appuyées
par le BIT, ainsi qu’à la synergie entre les politiques de l’emploi et les actions de
développement menées par le secteur privé, que certains pays encouragent d’ores et déjà.
255. Les entreprises multinationales jouent fréquemment un rôle majeur dans le
développement socio-économique des pays d’accueil, tant par les investissements directs
étrangers qu’elles y apportent que par leurs activités dans le pays, mais aussi par les liens
qu’elles établissent, en aval et en amont, avec les entreprises locales. La Déclaration de
principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale (Déclaration
sur les entreprises multinationales), qui prend acte de cette synergie et vise à maximiser
la contribution positive des entreprises multinationales, comporte notamment deux
sections distinctes, l’une entièrement consacrée à l’emploi et l’autre à la formation, qui
traitent des méthodes d’harmonisation des politiques et pratiques des entreprises
multinationales avec les politiques publiques en matière d’emploi et de formation.
256. Dans le cadre de ses activités relatives aux principes de la Déclaration sur les
entreprises multinationales, le Bureau a mené des recherches axées sur l’action concrète
auprès d’entreprises multinationales œuvrant dans les secteurs clés de trois pays africains
(Côte d’Ivoire, Libéria et Sierra Leone) pour identifier les possibilités et les obstacles à
l’embauche locale de jeunes travailleuses et travailleurs dans leurs sociétés et examiner
les perspectives d’intégration des PME locales dans leurs chaînes d’approvisionnement.
Le dialogue public-privé sur les conclusions tirées de ces recherches a débouché sur
certaines mesures collectives dans ce domaine.
257. Le Bureau gère également des programmes de renforcement des liens
commerciaux entre les entreprises multinationales et les fournisseurs locaux dans les
pays d’accueil afin de mieux contribuer localement à la création d’emplois et au
développement des compétences. De tels programmes sont actuellement appliqués dans
le secteur minier de plusieurs pays, dont le Brésil, la Colombie, le Pérou et la Zambie,
ainsi que la province du Katanga en RDC (parallèlement aux activités décrites au
paragraphe 246 ci-dessus).
258. En outre, les liens avec les entreprises multinationales contribuent notablement à
l’amélioration de la qualité de l’emploi dans les entreprises sous-traitantes. Un nombre
croissant d’entreprises multinationales imposent à leurs fournisseurs de stricts codes de
conduite, dont la plupart renvoient aux normes internationales du travail pertinentes,
notamment la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au
travail. Les entreprises multinationales peuvent ainsi promouvoir efficacement l’Agenda
du travail décent, par exemple en accompagnant le processus de formalisation dans le
respect des priorités et conditions nationales.
259. Une série complète de modules de formation sur l’entrepreneuriat et la gestion des
PME (Gérez mieux votre entreprise, GERME) – allant de l’orientation initiale pour les
sociétés en voie de constitution aux cours avancés de formation pour les entreprises
existantes – a été mise à la disposition des entreprises locales dans une centaine de pays.
Avec une taille critique de 2 millions de participants depuis 2010, le BIT reste l’un des
premiers prestataires de ce type de formation. Selon une récente étude de suivi 40, ces
activités auraient contribué à la création de quelque 1,2 million de nouveaux emplois.
40
BIT: Start and improve your business: Global Tracer Study 2011 – ILO’s business management training
programme (Genève, 2012).
66 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
ILC.103/VI 67
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
42
Cela suppose de rechercher la combinaison optimale d’intrants disponibles localement (main-d’œuvre,
matériaux, équipement et outils) et, dans toute la mesure possible, de faire appel aux acteurs locaux (PME
locales, sociétés de conseil et petits entrepreneurs) pour la conception et la réalisation des projets.
68 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
ILC.103/VI 69
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
44
BIT: Résolution concernant l’amélioration des aptitudes professionnelles pour stimuler la productivité, la
croissance de l’emploi et le développement, Conférence internationale du Travail, 97 e session, Genève, 2008.
45
La plate-forme est accessible depuis la page d’accueil du BIT et à l’adresse: http://www.skillsforemployment.org.
46
Au Sommet de Séoul en novembre 2010, les dirigeants du G20 ont publié un plan d’action pluriannuel sur le
développement, dont le pilier sur le développement des ressources humaines appelle le BIT à collaborer avec
l’OCDE, l’UNESCO et la Banque mondiale pour aider les pays à faible revenu, en s’appuyant sur la stratégie de
formation du G20, à développer «les compétences professionnelles répondant mieux aux besoins des employeurs
et du marché, dans le but d’attirer des investissements et de créer des emplois décents», http://www.g20.
utoronto.ca/2010/g20seoul-development.html.
70 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
47
BIT: Overview of apprenticeship systems and issues – ILO contribution to the G20 Task Force on Employment
(Genève, 2012); Key elements of quality apprenticeships (Genève, 2012); Case studies on social dialogue for
workplace learning: Europe, Costa Rica and Israel (Genève, 2012); BIT et OIE: Feasibility study for a global
business network on apprenticeship (Genève, 2013). Tous ces documents sont disponibles sur la plate-forme de
partage des connaissances.
48
H. Steedman: Overview of apprenticeship systems and issues: ILO contribution to the G20 Task Force on
Employment (Genève, BIT, 2012); M. Axmann et C. Hofmann: Overcoming the work-inexperience gap through
quality apprenticeships The ILO’s contribution (Genève, BIT, 2013).
49
H. Steedman: 2012, op. cit.; M. Axmann et C. Hofmann: 2013, op. cit.
50
Dans Feasibility study for a global business network on apprenticeship (Genève, BIT, 2013) et Key elements of
quality apprenticeships: A joint understanding of the B20 and L20, S. Gopauls soutient que les gouvernements,
les employeurs et les syndicats sont collectivement responsables du bon fonctionnement des systèmes
d’apprentissage.
ILC.103/VI 71
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
288. Le BIT a collaboré avec les mandants afin de démontrer la contribution du dialogue
social à l’amélioration de l’apprentissage informel. Ainsi, les participants à un atelier
régional d’échanges sur ce thème, tenu à Johannesburg en avril 2013, ont partagé leurs
expériences, se fondant sur le Guide de mise à niveau de l’apprentissage informel pour
valider le Skills Testing Guide by Small Business Associations 51.
51
BIT: Upgrading informal apprenticeship: A resource guide for Africa (Genève, 2012); Skills testing guide by
small business associations (Genève, 2013).
52
Voir, par exemple: F. Bertranou, L. Casanova et T. Lukin: La formalización laboral en Argentina: Avances
recientes y el camino por recorrer (Buenos Aires, BIT, 2013); M. Fortuny et J. Al Husseini: Labour market
policies and institutions: A synthesis report: The cases of Algeria, Jordan, Morocco, Syria and Turkey, document
de travail no 64 (Genève, BIT, 2011); G. Kanyenze et F. Lapeyre: Growth, employment and decent work in
Namibia: A situation analysis, document de travail no 81 (Genève, BIT, 2012); F. Lapeyre et A. Lemaître:
Politiques publiques et pratiques de l’économie informelle en Afrique subsaharienne, op. cit.; O. Koulaeva et
F. Lapeyre: Informal employment in CIS countries: Main trends and challenges (en russe) (Moscou, BIT, 2014).
53
BIT: Rapport du Directeur général – Sixième rapport supplémentaire: Rapport de la réunion tripartite
d’experts: Faciliter la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle (Genève, 16-20 septembre
2013), Conseil d’administration, 319e session, Genève, oct. 2013, document GB.319/INS/14/6; L’économie et le
travail décent: un guide de ressources sur les politiques, soutenir les transitions vers la formalité (Genève, 2013).
72 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
292. La transition vers l’économie formelle est de plus en plus considérée comme un
objectif central des politiques nationales de l’emploi. Plusieurs pays ont élaboré à cet
égard des approches novatrices, dont certaines ont été couronnées de succès, notamment
en Amérique latine (Argentine et Brésil), mais aussi dans d’autres pays (par exemple en
Mongolie). Toutefois, seuls quelques pays ont déjà adopté une approche globale et
intégrée en la matière.
293. L’approche du BIT (Prévenir l’informalité et promouvoir activement la transition vers
l’économie formelle), qui intègre plusieurs démarches dans un cadre politique cohérent
(résumé au graphique 2.2), a été endossée par la réunion tripartite d’experts mentionnée
ci-dessus, organisée pour préparer la discussion normative de la CIT de 2014 54.
STRATÉGIE INTÉGRÉE
Organisation, représentation et dialogue social
TRANSITION
VERS Egalité: genre, VIH/sida, ethnicité, race, caste,
LA FORMALITÉ âge, incapacité
294. Etant donné le regain d’intérêt manifesté par les décideurs politiques, les
partenaires sociaux et les praticiens du développement, qui souhaitent formuler des
politiques efficaces de formalisation de l’économie informelle, le Conseil
d’administration du BIT a décidé, lors de sa 317e session (mars 2013), d’inscrire à
l’ordre du jour de la CIT de 2014 une question normative sur la nécessité de faciliter
cette transition (action normative, procédure de double discussion) en vue de l’adoption
d’une recommandation 55. Cette discussion se fondera sur les conclusions de trois débats
54
BIT: L’économie et le travail décent: un guide de ressources sur les politiques, soutenir les transitions vers la
formalité, op. cit.
55
BIT: Ordre du jour de la Conférence internationale du Travail – Propositions pour l’ordre du jour de la
103e session (2014) et des sessions ultérieures de la Conférence, document GB.317/INS/2(Rev.), et Relevé des
décisions, Conseil d’administration, 317e session, Genève, mars 2013.
ILC.103/VI 73
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
56
BIT: Conclusions concernant le travail décent et l’économie informelle, Conférence internationale du Travail,
90e session, Genève, 2002, http://www.ilo.org/public/french/standards/relm/ilc/ilc90/pdf/pr-25res.pdf.
57
BIT: Decent work and the transition to formalization: Recent trends, policy debates and good practices, report
of the Tripartite Interregional Symposium on the Informal Economy: Enabling Transition to Formalization
(27–29 November 2007) (Genève, 2008).
58
BIT: Conclusions concernant la discussion récurrente sur les principes et droits fondamentaux au travail,
Conférence internationale du Travail, 101e session, Genève, 2012.
59
BIT: La transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, Rapport V(1), Conférence internationale
du Travail, 103e session, Genève, 2013.
60
Rapport supplémentaire du Directeur général (document GB.319/INS/14/6).
61
BIT: La crise de l’emploi des jeunes: Appel à l’action, op. cit.
74 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
Encadré 2.5
Les garanties-jeunes: une réponse à la crise
de l’emploi des jeunes?
Ces garanties offrent à tous les jeunes qui répondent à des critères préétablis
le droit à certaines mesures de soutien du marché du travail. Les pays nordiques ont
été les premiers à mettre en œuvre ces garanties dans les années quatre-vingt et
quatre-vingt-dix. Plus récemment, d’autres pays (par exemple l’Allemagne, l’Autriche
et la Pologne) ont lancé des programmes semblables.
L’objectif de ces garanties est de promouvoir l’insertion des jeunes dans le monde
du travail et de prévenir le chômage de longue durée et le découragement chez les
jeunes. Les données sur l’impact des garanties-jeunes sont parcellaires mais, selon une
évaluation du programme suédois effectuée en 2011, les jeunes chômeurs qui y ont
participé ont trouvé un emploi plus rapidement que les bénéficiaires d’autres mesures.
Selon une étude menée par le BIT, les garanties-jeunes peuvent contribuer à
réduire notablement les stigmates du chômage de longue durée. L’étude analyse en
détail les conditions requises pour le bon fonctionnement de ces garanties et leur coût
de mise en œuvre et expose les facteurs déterminants de succès: interventions ciblant
en temps utile les jeunes issus de milieux défavorisés; ressources humaines
adéquates; flexibilité du budget; service public de l’emploi et système de formation
solides. Le BIT estime que ces garanties peuvent être mises en œuvre moyennant un
coût annuel représentant entre 0,5 et 1,5 pour cent du PIB. L’octroi des garanties-
jeunes dans les pays dotés d’infrastructures moins développées et possédant moins
d’expérience devrait prendre en compte les ressources nécessaires pour renforcer la
capacité d’application de ces programmes.
Source: BIT: Les garanties-jeunes: une réponse à la crise de l’emploi des jeunes?, 2013, disponible
à l’adresse: www.ilo.org/youth.
ILC.103/VI 75
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
62
BIT: Suivi de la résolution – La crise de l’emploi des jeunes: Appel à l’action, Conseil d’administration,
316e session, Genève, nov. 2012, document GB.316/INS/5/2, http://www.ilo.org/gb/GBSessions/GB316/ins/
WCMS_191162/lang--fr/index.htm.
76 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
310. Dans le cadre du thème prioritaire («Ce qui fonctionne») du domaine de première
importance sur l’emploi des jeunes, le Bureau a développé des outils qui lui permettent
de mieux évaluer ses programmes et d’améliorer l’efficacité de ses interventions, en
portant une attention particulière aux analyses d’impact des programmes
d’entrepreneuriat.
311. Le Bureau a identifié les bonnes pratiques permettant d’appuyer l’élaboration des
politiques dans différents domaines, notamment les mesures qui associent les régimes de
protection sociale et les interventions sur le marché du travail concernant l’emploi et la
migration des jeunes. Il a enrichi sa base expérimentale de données sur les bonnes
pratiques grâce aux apports de plusieurs autres institutions et organisations et créé un
outil d’analyse et d’évaluation des bonnes pratiques pour comparer les informations
entre pays et régions.
312. Depuis 2012, le Bureau a dispensé des conseils aux gouvernements et aux
partenaires sociaux d’environ 40 pays – dont 15 ont bénéficié d’une aide plus soutenue –
afin de les aider à formuler et mettre en œuvre des politiques conformes à la résolution
de 2012: réformes institutionnelles, stratégies, plans d’action et programmes nationaux
assortis de délais. En février 2013, il a organisé une réunion des partenaires du
développement afin de mobiliser leur soutien et lui permettre d’étendre ses activités
consultatives à d’autres pays.
313. S’agissant du renforcement des capacités, le Bureau a conçu une série de supports
d’apprentissage sur divers sujets – analyse des informations sur le marché du travail des
jeunes, développement des programmes, systèmes de profilage permettant d’identifier
les lacunes chez les jeunes et de mieux cibler les interventions – et créé des outils
permettant d’améliorer les fonctions de suivi et d’évaluation au sein des établissements.
314. Le Centre international de formation de l’OIT a réexaminé ses programmes de
formation, sur place et à distance, pour prendre en compte la résolution de 2012. En
2013, il a dispensé le premier programme régional de formation destiné aux jeunes sur la
base du cadre politique global de la résolution.
315. Le Bureau a pris plusieurs mesures pour affirmer son rôle de chef de file dans ce
domaine et promouvoir la cohérence des initiatives d’emploi en faveur des jeunes au
sein des institutions multilatérales et régionales. Il a coordonné le volet emploi et
entrepreneuriat du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la jeunesse, lancé en
2013 pour promouvoir le travail décent des jeunes aux niveaux mondial, régional et
national. Il a renforcé ses partenariats avec la Banque mondiale et l’ONU au moyen
d’une série d’initiatives conjointes. Au niveau régional, il a conclu en septembre 2013 un
accord de coopération sur l’emploi des jeunes avec la Banque africaine de
développement, l’Union africaine et la Commission économique des Nations Unies pour
l’Afrique. En Amérique latine et dans les Caraïbes, il a conclu avec la Banque
interaméricaine de développement un protocole d’entente sur l’emploi des jeunes. Il a
renforcé sa collaboration avec la Commission européenne, notamment au moyen de
services consultatifs sur la mise en place des garanties-jeunes. Au niveau national, il a
renforcé les partenariats établis dans le cadre du système multilatéral, notamment par
une programmation conjointe en matière d’emploi des jeunes; en Zambie, par exemple,
il dirige la mise en œuvre du plan d’action global pour la jeunesse.
2.9. Action normative concernant l’objectif stratégique
de l’emploi
316. Les normes internationales du travail guident les gouvernements et les partenaires
sociaux pour l’adoption de mesures actives de promotion du travail décent. La
ILC.103/VI 77
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
Déclaration de 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable mentionne
la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964, comme l’un des instruments
clés de bonne gouvernance. Cette convention et la recommandation (n o 169) sur la
politique de l’emploi (dispositions complémentaires), 1984, ainsi que d’autres
instruments internationaux donnent des indications précises sur les politiques de l’emploi.
Les mesures prises pour mettre en œuvre la convention n o 122 sont commentées
ci-dessus à la section 2.1 sur les politiques nationales de l’emploi.
317. En septembre 2013, 108 pays avaient ratifié la convention n o 122 63, dont cinq
(Rwanda, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Suisse, Trinité-et-Tobago et Viet Nam) l’ont
fait depuis la CIT de 2010. Entre 2010 et 2013, le Bureau a organisé dans certains pays
africains francophones des ateliers sur le renforcement des capacités en rapport avec les
normes internationales du travail relatives à la promotion de l’emploi et rédigé un Guide
sur la politique de l’emploi et les normes internationales du travail 64.
318. L’application de la convention no 122 dans certains pays a fait l’objet de
discussions à plusieurs sessions de la Commission de l’application des normes de la
Conférence 65.
319. En septembre 2013, 89 pays avaient ratifié la convention (no 88) sur le service de
l’emploi, 1948, et 68 pays la convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources
humaines, 1975.
320. La discussion récurrente sur la protection sociale, tenue en 2011, a réaffirmé la
pertinence de la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum),
1952, et reconnu le plein emploi productif et décent comme la principale source de
revenus. La recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012,
reconnaît dans son préambule que le droit à la sécurité sociale est, avec la promotion de
l’emploi, une nécessité économique et sociale pour le développement et le progrès. Elle
invite également les Etats Membres à veiller à la cohérence des politiques publiques,
y compris celles de l’emploi et de la sécurité sociale.
321. La recommandation (no 189) sur la création d’emplois dans les petites et moyennes
entreprises, 1998, qui sert d’assise aux activités du BIT auprès des PME, offre des
conseils sur les politiques et les cadres juridiques, la culture d’entreprise, l’infrastructure
des services et le rôle des organisations d’employeurs et de travailleurs 66.
322. La Déclaration de l’OIT sur les entreprises multinationales fournit des orientations
importantes sur les PME et les chaînes d’approvisionnement.
63
BIT: Ratifications de la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964, http://www.ilo.org/dyn/
normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:11300:0::NO::P11300_INSTRUMENT_ID:312267.
64
BIT: Guide pour la formulation des politiques nationales de l’emploi (Genève, 2012).
65
BIT: Ratifications de la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964, op. cit.
66
Les instruments suivants sont également très pertinents: convention (n o 81) sur l’inspection du travail, 1947;
convention (no 94) sur les clauses de travail (contrats publics), 1949; convention (no 135), concernant les
représentants des travailleurs, 1971; convention (no 183) sur la protection de la maternité, 2000; recommandation
(no 195) sur la mise en valeur des ressources humaines, 2004; recommandation (no 198) sur la relation de travail,
2006.
78 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
67
S. Fukuda-Parr et A. Yemin: The power of numbers: A critical review of MDG targets for human development
and human rights (Boston, Harvard School of Public Health, 2013). Seuls deux indicateurs du marché du travail
sont inclus dans les OMD initiaux, à savoir: la part des femmes salariées dans le secteur non agricole (OMD 3,
«Promote gender equality and empower women») et le taux de chômage des 15-24 ans (OMD 8, «Develop a
global partnership for development»).
68
Taux de croissance du PIB par personne occupant un emploi; ratio emploi/population; pourcentage de la
population occupant un emploi touchant moins de 1,25 dollar E.-U. par jour (à parité de pouvoir d’achat);
proportion de personnes travaillant à leur compte et des travailleurs familiaux par rapport à l’emploi total. Voir
BIT: Guide pour les objectifs du Millénaire pour le développement: Indicateurs de l’emploi, deuxième édition
(Genève, 2013).
69
Nations Unies: My World 2015: L’enquête mondiale des Nations Unies pour un monde meilleur, 2013,
http://www.myworld2015.org/?page=results&lang=fr.
70
GNUD: A million voices: The world we want, 2013.
ILC.103/VI 79
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
71
Nations Unies: A new global partnership: Eradicate poverty and transform economies through sustainable
development, 2013; A life of dignity for all: Accelerating progress towards the Millennium Development Goals
and advancing the United Nations development agenda beyond 2015, 2013.
72
GNUD: Growth and employment in the post-2015 agenda: Messages from a global consultation (New York,
2013).
73
BIT: L’OIT salue les efforts du G20 pour stimuler la croissance et la création d’emplois, Moscou,
19 juillet 2013, http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_218047/lang--fr/index.htm.
80 ILC.103/VI
Mesures prises pour promouvoir le plein emploi, décent, productif et librement choisi
74
Communiqué des ministres des Finances et du Travail et de l’Emploi du G20, Moscou, 19 juillet 2013, p. 3,
http://www.ilo.org/global/publications/WCMS_218017.
75
Banque mondiale: Rapport sur le développement dans le monde 2013: Emplois; FMI: Jobs and growth:
analytical and operational considerations for the Fund; Société financière internationale: IFC jobs study:
Assessing private sector contributions to job creation and poverty reduction (Washington, DC, 2013).
76
http://www.ilo.org/public/french/employment/yen/index.htm
77
BIT et Banque mondiale: Joint synthesis report: Inventory of policy responses to the financial and economic
crisis (Genève et Washington, DC, 2013).
ILC.103/VI 81
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
339. Lancé à Oslo en septembre 2010, le partenariat BIT/FMI a donné lieu à des
activités conjointes dans divers pays, dont la Bulgarie, la République dominicaine et la
Zambie. Le FMI a également sollicité l’avis du BIT sur une nouvelle modélisation du
marché du travail, maintenant intégrée dans ses consultations au titre de l’article IV 78.
340. La contribution du BIT à l’évaluation des consultations au titre de l’article IV du
FMI (voir section 2.2) a influencé le rapport de 2013 de ce dernier sur l’emploi et la
croissance, qui contient une auto-évaluation des politiques macroéconomiques.
341. Dans le cadre d’autres initiatives prises récemment à l’échelon mondial – tel le
New Deal for Engagement in Fragile States –, les instances internationales s’efforcent
de formuler une réponse plus efficace aux défis uniques que rencontrent les Etats fragiles
ou touchés par un conflit. Le BIT participe directement aux travaux en cours pour la
mise sur pied de la Global Facility for employment creation in fragile situations,
initiative soutenue par le Groupe de la Banque mondiale, la Banque africaine de
développement (BAD), le PNUD, la Commission économique des Nations Unies pour
l’Afrique (CEA) et le Bureau d’appui des Nations Unies à la consolidation de la paix 79.
Certaines institutions régionales, telles la BAD, l’ASEAN, la BAsD et l’UE, ont conclu
ces dernières années des partenariats pour appuyer les politiques de l’emploi et l’emploi
des jeunes.
78
FMI: Les conseils du FMI sur les questions liées à l’emploi, 5 déc. 2013, http://www.imf.org/external/
np/exr/facts/fre/laborf.htm.
79
La Global Facility se fonde sur la politique de l’emploi des Nations Unies et sur le Rapport de la Banque
mondiale: Rapport sur le développement dans le monde 2011: Conflits, sécurité et développement (Washington,
DC, 2011).
82 ILC.103/VI
Chapitre 3
ILC.103/VI 83
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
346. Dans toutes les régions, des progrès substantiels ont été accomplis en ce qui
concerne l’adoption de politiques nationales de l’emploi, et notamment la place centrale
qu’elles occupent maintenant dans les plans de développement et les stratégies de
croissance au niveau national. Les pouvoirs publics doivent intensifier leurs efforts s’ils
veulent appliquer effectivement ces politiques, en assurer le suivi, évaluer leurs résultats,
les améliorer et les adapter en permanence, et les intégrer à leurs politiques budgétaires
et d’investissement.
347. La cohérence et la complémentarité entre les politiques macroéconomiques
propices à l’emploi et les interventions du même ordre sur le marché du travail
s’imposent, tant à long terme pour s’adapter aux réformes structurelles et remédier aux
problèmes de développement qu’à court terme pour aider les groupes défavorisés et
vulnérables à accéder à un travail décent, notamment les jeunes, les femmes, les
chômeurs de longue durée et les personnes occupant un emploi informel ou précaire.
Dans leur déclaration commune lors du Sommet de Saint-Pétersbourg en septembre
2013, les ministres des Finances et du Travail et de l’Emploi du G20 ont souligné le lien
entre les politiques macroéconomiques et les politiques du marché du travail.
348. Il est crucial d’inverser le déclin de l’investissement intérieur et des
investissements directs étrangers et d’accroître l’investissement productif – notamment
dans les infrastructures, dans l’agriculture, là où ce secteur représente une part
importante de l’emploi rural, et dans les branches dynamiques des secteurs secondaire et
tertiaire – pour créer des emplois, promouvoir la diversification économique et les
réformes structurelles et améliorer la productivité. Les banques régionales de
développement peuvent participer plus activement à cette dynamique en privilégiant
l’octroi de prêts pour les investissements à fort potentiel de création d’emplois.
349. Certains facteurs structurels de changement analysés à la section 1.2 offrent de
réelles perspectives de création d’emplois et d’investissement, par exemple la mutation
vers un modèle économique à faible empreinte de carbone et la demande accrue de
services à la personne en raison de l’évolution démographique. L’anticipation des
compétences nécessaires dans ces secteurs et l’investissement dans le développement de
ces nouvelles qualifications contribueront à réduire l’inadéquation de l’offre et de la
demande.
350. Il conviendra notamment de prendre des mesures, nombreuses et variées, pour
surmonter la crise sans précédent de l’emploi des jeunes. Certaines politiques se sont
révélées efficaces à cet égard dans la plupart des pays, tels les dispositifs d’activation
conditionnelle (dans les pays possédant les institutions et les capacités administratives
pour les mettre en œuvre) ou les grands programmes publics d’emploi novateurs.
Au-delà de leurs résultats immédiats (protection sociale et réduction de la pauvreté), ces
politiques ont un effet multiplicateur parce qu’elles stimulent la demande, la croissance
et les investissements, favorisent l’acquisition des compétences et ouvrent des
perspectives dans les milieux défavorisés.
351. Compte tenu du climat d’austérité généralisé, il est plus que jamais nécessaire de
mettre en place des mécanismes rigoureux de suivi et d’évaluation d’impact pour tous
ces programmes.
352. La transition vers l’économie formelle est en passe de devenir un objectif
prioritaire des politiques d’emploi et de protection sociale. Les approches innovantes,
multidimensionnelles, adaptées aux divers contextes, associant promotion de l’emploi et
de l’entrepreneuriat, protection sociale et respect des droits, donnent des résultats positifs
à cet égard. Le débat normatif sur ce sujet, qui se tiendra à la CIT de 2014 et se
84 ILC.103/VI
Résumé et action future
ILC.103/VI 85
Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
359. Le Bureau poursuivra sans discontinuer les mesures déjà prises pour donner suite à
l’appel à l’action de 2012, dans le cadre du domaine de première importance sur les
emplois et les qualifications pour les jeunes. Comme le montre le présent rapport,
l’analyse porte en priorité sur les mesures qui donnent des résultats positifs pour
l’emploi des jeunes, dans les cinq domaines visés par l’appel, tout en maintenant
l’équilibre entre les dispositifs d’offre, de demande et d’intermédiation. Les actions de
renforcement des capacités se multiplieront dans toutes les régions et les échanges
intrarégionaux seront facilités.
360. Les interventions dans le cadre du domaine de première importance sur la
productivité et les conditions de travail dans les PME visent à démontrer qu’il est
possible de réaliser de forts gains de productivité dans les PME en consacrant des
investissements aux travailleurs et en améliorant les conditions de travail, de manière à
accélérer la croissance économique et à la rendre plus durable. L’objectif est de proposer
cette démarche aux pays qui, en nombre croissant, adoptent des politiques et créent des
institutions propices au développement du secteur privé. Plusieurs politiques sont ici
concernées, notamment: le développement des compétences, la sécurité et la santé au
travail, les salaires et autres conditions de travail, la protection sociale et le cadre
réglementaire.
361. Le domaine de première importance sur la formalisation de l’économie informelle
ainsi que la discussion normative qui débutera à la CIT de 2014 et se poursuivra en 2015
permettront d’approfondir et d’affiner l’analyse des facteurs d’informalité dans les divers
contextes nationaux en fonction du stade de développement et d’identifier les
conjugaisons de politiques susceptibles de favoriser une transition tangible et durable
vers l’économie formelle. Les instruments politiques visant à renforcer la capacité des
mandants à réaliser la transition vers l’économie formelle seront un volet majeur de ce
domaine de première importance.
362. Les activités dans le cadre du domaine de première importance sur l’établissement
et l’extension des socles de protection sociale seront fondées sur les synergies entre la
protection sociale et la création d’emplois commentées dans le présent rapport, qui sont
un pilier essentiel de la réduction de la pauvreté et du développement durable.
363. Le domaine de première importance sur le travail décent dans l’économie rurale
ciblera les questions de revenus, la sécurité alimentaire et la résilience en zone rurale,
ainsi que le travail décent pour les travailleurs ruraux dans les chaînes
d’approvisionnement et les plantations.
364. Le domaine de première importance sur la protection des travailleurs contre les
formes de travail inacceptables et un meilleur respect des conditions de travail grâce à
l’action de l’inspection du travail concerne notamment des questions directement liées à
la promotion de l’emploi décent, productif et librement choisi.
365. Plusieurs initiatives énoncées dans le cadre des propositions du Centenaire
présentent un intérêt particulier: l’Initiative verte, l’Initiative sur la fin de la pauvreté,
l’Initiative sur les entreprises, l’Initiative sur les femmes au travail et l’Initiative sur
l’avenir du travail.
366. L’analyse présentée dans ce rapport et les travaux préparatoires du Bureau sur les
domaines de première importance mettent en lumière certaines lacunes importantes
quant aux connaissances et aux politiques dans les domaines suivants, notamment:
a) Le chômage structurel et de longue durée: La persistance de niveaux élevés de
chômage et l’augmentation du chômage de longue durée, y compris parmi les
jeunes, appellent de nouvelles analyses sur la nature structurelle de ces
phénomènes afin de mieux discerner la part relative des facteurs liés aux
qualifications et à l’âge et d’y apporter des réponses efficaces.
86 ILC.103/VI
Résumé et action future
ILC.103/VI 87
Chapitre 4
1
Voir les conclusions de la session de 2010 de la CIT à l’adresse: http://www.ilo.org/ilc/ILCSessions/
99thSession/texts/WCMS_143166/lang--fr/index.htm.
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Des politiques de l’emploi pour une reprise et un développement durables
90 ILC.103/VI