Feuilletage 2116
Feuilletage 2116
Feuilletage 2116
Histoire
des idées
politiques
2 500 ans de débats et controverses en Occident
Nouvelle édition
Image de couverture : © Alex Williamson
D epuis qu’elle est devenue une discipline scientifique à la fin du xixe s., l’his-
toire n’a cessé d’être jalonnée de controverses sur la meilleure manière de
comprendre les expériences du passé. L’étude historique des idées n’a pas échappé
à ce bouillonnement des connaissances. Elle puise des origines lointaines dans
des travaux précurseurs menés au xixe s., comme ceux de Victor Cousin, Eugène
Lerminier et Hippolyte Taine en France, ou Wilhelm Dilthey en Allemagne. Elle
connaît des développements au début du xxe s., dans des ouvrages d’historiens, de
philosophes et d’essayistes étudiant les transformations de la pensée européenne
comme Paul Hazard, Lucien Febvre ou Étienne Gilson. L’histoire des idées ne s’ins-
talle toutefois comme un domaine de recherche qu’entre les années 1920 et 1940,
avec Friedrich Meinecke, Karl Mannheim et Hans Baron en Allemagne, Robin
George Collingwood en Angleterre, et surtout Arthur O. Lovejoy aux États-Unis,
fondateur en 1940 du Journal of The History of Ideas dont la publication, après la
guerre, contribue à l’autonomisation de la discipline au sein des études historiques.
L’histoire des idées politiques s’intéresse tout particulièrement à l’évolution
des savoirs portant sur l’organisation des sociétés et le gouvernement des popula-
tions. Elle étudie les activités intellectuelles, la formation des traditions de pensée,
l’essor des théories et des concepts, mais aussi toutes les connaissances générales
abordant les dimensions politiques de la vie en société : le bon gouvernement, le
bien commun, la justice et la paix, les règles de la vie commune, ou encore du
destin collectif de la société. L’histoire des idées politiques tente de comprendre les
différentes manières de penser la vie en commun au fil des siècles, ce qui couvre
un large spectre allant des grands systèmes de pensée interrogeant les mystères
de l’existence (Dieu, l’univers, la nature, l’âme, les principes de la connaissance)
jusqu’aux écrits juridiques ou politiques cherchant à fixer le fonctionnement des
institutions de gouvernement (l’art de gouverner, le domaine de la loi, la distribu-
tion du pouvoir, les principes de règlement des conflits, les droits et obligations des
gouvernés). Si elle s’est longtemps confondue avec l’histoire de la philosophie poli-
tique, l’histoire des idées s’est progressivement ouverte à de multiples « objets »
et ne se concentre plus exclusivement sur les productions savantes. Elle intègre
aujourd’hui l’étude des idéologies, des mythes, des discours, des représentations
culturelles et des conceptions ordinaires du politique.
Histoire des idées politiques
4
Qu’est-ce que l’histoire des idées politiques ?
5
Histoire des idées politiques
1980), les théoriciens politiques ont ainsi joué un rôle important dans l’essor des
réflexions sur les droits des minorités (femmes, communauté noire, minorités
sexuelles et de genre).
6
Qu’est-ce que l’histoire des idées politiques ?
7
Histoire des idées politiques
8
Qu’est-ce que l’histoire des idées politiques ?
sur des supports non textuels (œuvres romanesques, cinéma, créations théâtrales,
correspondance privée, journaux intimes, slogans des manifestations, rumeurs
politiques, échanges sur les réseaux sociaux). L’histoire sociale des idées rejoint
ici l’histoire des mentalités pour explorer les modes d’expression populaire du
politique, loin des lieux de consécration de la pensée intellectuelle que sont, par
exemple, les cercles philosophiques et les universités.
S’inspirant des renouvellements historiographiques les plus récents, ce livre
assume pleinement l’idée que l’histoire de la pensée politique ne peut se borner au
seul commentaire des œuvres canoniques de la pensée politique. On insiste ici sur
la nécessité d’étudier l’évolution des idées politiques dans les contextes intellectuels
et sociaux spécifiques où elles naissent et circulent, sans considérer qu’elles suivent
un cheminement continu et linéaire.
9
Histoire des idées politiques
10
Qu’est-ce que l’histoire des idées politiques ?
la nouvelle société. Depuis les années 1960, le combat intellectuel pour les droits
des minorités et la défense de l’environnement est mené par des intellectuel(le)s-
militant(e)s engagé(e)s dans les luttes sociales. Aussi aurait-on bien tort d’associer
systématiquement le savant-philosophe à la figure socratique du sage éloigné des
contingences du monde, vivant dans l’éloignement et l’indépendance qu’exige la
discipline de l’esprit. La réflexion sur le politique ne consiste pas toujours en une
recherche libre de la justice universelle ou des critères du « bon gouvernement ».
Bien au contraire, elle met souvent l’érudition au service d’une institution, d’un
chef, d’une caste, d’un parti ou d’une cause.
Ensuite, les idées politiques ont une utilité immédiate pour les gouvernements en
place, comme pour les prétendants au pouvoir. Les dirigeants politiques recourent
fréquemment aux connaissances savantes dans la conduite de l’action gouvernemen-
tale. Cela est vrai dans les sociétés démocratiques où le pouvoir est redevable de ses
actions devant les électeurs. Mais cela est aussi le cas dans les systèmes autoritaires.
Le pouvoir arbitraire ne repose jamais, en effet, sur l’usage permanent de la violence.
Les despotes cherchent toujours des principes de légitimité susceptibles d’atténuer
le caractère brutal de leur domination. Ils recourent à l’idéologie pour modeler les
consciences et rendre le pouvoir acceptable. En ce sens, les idées politiques ne sont
pas seulement des énoncés servant à fixer un horizon éthique à la politique. Elles
sont des armes discursives utilisées dans les luttes politiques, que ce soit pour renfor-
cer un pouvoir en place ou pour le contester.
Enfin, l’ambition des penseurs politiques est généralement de répondre aux
problèmes de leur temps. Leurs réflexions sont la plupart du temps motivées par la
volonté d’interroger une situation politique ou sociale considérée comme injuste,
instable ou dangereuse. Elles s’inscrivent également dans un contexte intellectuel
et langagier qui fait que leurs façons de penser, d’argumenter et d’évaluer ne sont
pas dissociables des concepts et des énoncés qui dominent le monde savant à un
moment donné. La pensée des théoriciens du pouvoir s’inscrit toujours dans l’ex-
périence sociale et politique de leur temps. C’est parce que Marsile de Padoue et
Guillaume d’Ockham sont heurtés par l’ambition du pape d’édifier une monarchie
pontificale qu’ils formulent leurs thèses sur l’autonomie du pouvoir temporel.
Machiavel rédige Le Prince pour mieux condamner les violences et les désordres
dans les cités italiennes du xvie s. Hobbes élabore, de son exil, la doctrine du
Léviathan à la suite des guerres civiles qui ont déchiré l’Angleterre au milieu du
xviie s. Locke décide de rendre publics ses deux Traités du gouvernement civil au
moment où le royaume d’Angleterre engage sa seconde révolution (1688-1689),
tout comme Burke bâtit ses thèses conservatrices en réaction directe à la violence
révolutionnaire de 1789.
En étudiant les relations entre le savoir et le pouvoir, l’histoire des idées poli-
tiques ne conduit pas à réduire les œuvres philosophiques, les grands concepts,
les principes moraux ou juridiques au rang de simples produits de l’histoire. Elle
s’intéresse néanmoins à l’intention des penseurs politiques et aux conventions
qu’ils suivent pour bâtir leur œuvre. Elle permet également de comprendre l’in-
fluence du savoir dans la construction des institutions modernes, tout en montrant
que les idées politiques s’inscrivent toujours dans l’expérience sociale, intellectuelle
et linguistique d’une époque.
11
Histoire des idées politiques
bibliographie
Pour aller plus loin
Ball Terence, “Conceptual History and The History of Political Thought”, in Hampsher-
Monk Iain, Tilmans Karin et Van Vree Frank, History of Concepts: Comparative Perspectives,
Amsterdam University Press, 1998.
Bizière Jean-Maurice et Vayssière Pierre, Histoire et historiens, Paris, Hachette, 2012.
Bourdieu Pierre, « Les sciences sociales et la philosophie », Actes de la recherche en sciences
sociales, n° 47-48, 1983, p. 45-52.
Bourdieu Pierre, « La circulation internationale des idées », Actes de la recherche en sciences
sociales, n° 143, 2002, p. 3-8.
Braudel Fernand, Écrits sur l’histoire [1969], Paris, Flammarion, 2013.
Cadiou François, Colomb Clarisse, Lemonde Anne et Santamaria Yves, Comment se fait
l’histoire, Paris, La Découverte, 2011.
Camic Charles, Gross Neil, Lamont Michèle, Social Knowledge in The Making, Chicago, The
University of Chicago Press, 2011.
Certeau Michel (de), L’Écriture de l’histoire [1975], Paris, Gallimard, 2002.
Chartier Roger, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétudes, Paris, Albin
Michel, 2009.
Collins Randall, Sociology of Philosophy. A Global Theory of Intellectual Change, Harvard,
Harvard University Press, 1998.
Dosse François, La Marche des idées : histoire des intellectuels, histoire intellectuelle, Paris,
La Découverte, 2003.
Fabiani Jean-Louis, Qu’est-ce qu’un philosophe français ? La vie sociale des concepts (1880-
1980), Paris, Éditions de l’EHESS, 2010.
Furet François, L’Atelier de l’histoire [1982], Paris, Champs Flammarion, 2007.
Gaboriaux Chloé et Skornicki Arnault (dir.), Vers une histoire sociale des idées p olitiques,
Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2017.
Guibert Joël et Jumel Guy, La Socio-Histoire, Paris, Armand Colin, 2002.
Guilhaumou Jacques, « De l’histoire linguistique à l’histoire des usages conceptuels », Genèses,
n° 1 (38), 2000, p. 105-118.
Hauchecorne Mathieu et Matonti Frédérique (coord.), dossier « Actualité de l’histoire
sociale des idées politiques », Raisons politiques, n° 67 (3), 2017, p. 5-10.
Hayat Samuel et Weisben Julien, Introduction à la socio-histoire des idées politiques, Paris,
De Boeck Supérieur, 2020.
Jaume Lucien, « De la philosophie politique et de son usage dans l’histoire des idées », Le Ban-
quet, n° 17, 2002, p. 137-148.
Koselleck Reinhart, “Social History and Conceptual History”, International Journal of
Politics, Culture and Society, 2(3), 1989, p. 308-325.
Koselleck Reinhart, L’Expérience de l’histoire, Paris, Gallimard, 2011.
Le Goff Jacques, Histoire et mémoire, Paris, Folio Histoire, 1988.
Lovejoy Arthur O., Essays of History of Ideas, The Johns Hopkins Press, 1948.
Matonti Frédérique, « Plaidoyer pour une histoire sociale des idées », Revue d’histoire
moderne et contemporaine, n° 59-4 bis (5), 2012, p. 85-104.
Peschanski Denis, Pollak Michael et Rousso Henri (dir.), Histoire politique et sciences
sociales, Bruxelles, Complexe, 1991.
12
Qu’est-ce que l’histoire des idées politiques ?
Pocock John G. A., Political Thought and History: Essays on Theory and Method, Cambridge,
Cambridge University Press, 2009.
Prost Antoine, Douze Leçons sur l’histoire, Paris, Le Seuil, 2014.
Roche Daniel, « Histoire des idées, Histoire sociale : l’exemple français », Revue d’histoire
moderne et contemporaine, n° 59-4 bis (5), 2012, p. 9-28.
Rosanvallon Pierre, Pour une histoire conceptuelle du politique, Paris, Le Seuil, 2003.
Ruano-Borbalan Jean-Claude (coord.), L’Histoire aujourd’hui, Paris, Éditions Sciences Hu-
maines, 2007.
Skinner Quentin, Les Fondements de la pensée politique moderne [1978], Paris, Albin M ichel,
2001.
Skinner Quentin, La Vérité et l’historien, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012.
Skornicki Arnault et Tournadre Jérôme, La Nouvelle Histoire des idées politiques, Paris,
La Découverte, 2015.
Strauss Leo, « La philosophie politique et l’histoire », in Qu’est-ce que la philosophie politique ?
[1959], Paris, PUF, 2000.
Tully James (ed.), Meaning and Context: Quentin Skinner and his Critics, Princeton, Princeton
University Press, 1988.
Veyne Paul, Comment on écrit l’histoire. Essai d’épistémologie [1971], Paris, Le Seuil, 1996.
Vitry Alexandre (de) et Simonetta David (dir.), Histoire et historiens des idées. Figures,
méthodes, problèmes, Paris, Collège de France, 2020.
13
Disparition de la - – 1200
obscurs » XIIe civilisation mycénienne
« Siècles
– 900
- Homère
IXe
– 800
« archaïque »
VIIIe
Période
VIIe
– 600 - École de Milet
VIe Gouvernement de Solon à Athènes (v. 594) -
(Thalès, Anaximandre, Anaximène)
- Héraclite
« classique »
- Sénèque
100
Christianisation de l’Empire
- Marc Aurèle
Édit de Caracalla (212) - 200
- Ulpien, Paul (juriste)
IIIe Déclin de l'Empire
IVe Édit de Milan (313) - 300
Antiquité tardive
Bas-Empire
L’invention de la raison
politique
La quête du bon gouvernement
dans le monde antique
de la cité. Elle recourt pour cela à des catégories inédites, plus abstraites, permet-
tant de penser et d’organiser la vie de la communauté. Les Grecs inventent ainsi
de nombreuses notions politiques qui nous semblent aujourd’hui communes :
l’égalité, la citoyenneté, la liberté, le droit, la loi, la participation, l’équilibre des
pouvoirs, et bien sûr la démocratie. Quelques siècles plus tard, les Romains s’inspi-
reront largement de ces idées et les adapteront à leurs institutions.
La naissance de la raison bouleverse considérablement les sociétés antiques.
Portée au départ par la philosophie, elle affecte peu à peu l’ensemble de la
vie religieuse, sociale, culturelle et politique. Elle prend forme dans la vitalité
exceptionnelle des connaissances savantes, mais aussi dans la transformation des
mentalités et des modes de vie.
16
L’invention de la raison politique
L’apparition de la polis
et la naissance de la philosophie
Le second millénaire avant J.-C. est dominé par la civilisation mycénienne, du nom
de l’un de ses foyers les plus importants, Mycènes, dont le rayonnement s’étend
des côtes de la mer Égée jusqu’à la Crête. À son apogée entre le xve et le xiiie s.,
les Mycéniens s’organisent en puissantes royautés exerçant un contrôle rigoureux
sur l’ensemble des activités sociales. Ils forment une civilisation « palatiale » : la
vie sociale, religieuse, politique, économique, administrative et militaire s’organise
autour du palais. À Mycènes, à Tirynthe ou à Pylos, le souverain, l’anax, concentre
en sa personne toutes les formes de pouvoir : il exerce une surveillance étroite sur
les activités commerciales, conduit la guerre, rend la justice et dirige un système
administratif développé. Son autorité s’exerce sur un territoire assez vaste, consti-
tué de communautés rurales plus ou moins autonomes. L’anax doit composer
toutefois avec une aristocratie guerrière dirigée par de grandes familles (les génè)
et soumise à l’autorité locale des seigneurs (les basileia), vassaux du roi placés à la
tête d’un domaine. Sans pour autant être divinisé, le souverain assume également
un rôle religieux de premier ordre, alors même que la classe sacerdotale appa-
raît nombreuse et puissante. L’anax veille notamment à la bonne réalisation des
rituels et des célébrations données en l’honneur des dieux. Il constitue une figure
symbolique centrale à laquelle sont rattachées toutes les croyances et les pratiques
religieuses.
La religion des Grecs n’a ni doctrine révélée, ni livre sacré, ni Église, ni spécia-
listes des questions divines, ni dogme. La spiritualité antique est bien plus une
pensée allégorique formée par l’ensemble des mythologies et des hymnes héroïques
relatant l’origine du monde et la vie des dieux, ce que l’on appelle les « théogo-
nies ». Elle prend la forme du mythe, c’est-à-dire d’un récit narratif évoquant un
univers imaginaire. Elle est surtout omniprésente dans le monde des Achéens (du
nom de la plus ancienne des familles grecques) qui s’épanouit au second millénaire.
Dans ce monde, la réflexion sur le pouvoir est indissociable des représentations
religieuses. L’ensemble des activités sociales et politiques, placées sous l’autorité
de l’anax, trouvent des explications allégoriques dans les mythes. La plupart de ces
mythes rappellent les fondations de l’ordre cosmique et justifient la hiérarchie des
puissances par l’évocation des victoires remportées, dans le monde primordial, par
un héros ou un dieu sur ses adversaires. Aux ixe et viiie s., les poésies « épiques »
d’Homère (l’Iliade et l’Odyssée) et de Hésiode (Théogonies) retracent bien l’imagi-
naire religieux de la période mycénienne.
17
Histoire des idées politiques
conservent leur pouvoir et leur prestige. Elles dominent les communautés rurales.
Mais la disparition de la figure centrale de l’anax, et avec elle l’effondrement
du système palatial, ont des conséquences majeures.
18
L’invention de la raison politique
19
Histoire des idées politiques
20
L’invention de la raison politique
21
Histoire des idées politiques
22
L’invention de la raison politique
23
Histoire des idées politiques
24
L’invention de la raison politique
25
Histoire des idées politiques
du temps. Le cosmos suit des lois qui lui sont propres. L’esprit humain, grâce à la
connaissance, se borne à en déchiffrer les énigmes.
La raison antique, si elle est le privilège des hommes libres, n’est donc ni instru-
mentale, ni expérimentale. Elle encourage la recherche de la vertu et la quête du
bien commun, en misant sur les mérites de la pensée argumentée et du débat
contradictoire. Elle ne cherche pas à donner une explication complète de l’évolu-
tion du monde, encore moins à le transformer. Elle est donc une raison proprement
politique, soucieuse d’agir sur la conduite de soi et la vie de la cité ; elle n’est pas
une raison universelle cherchant à maîtriser la nature par la science et la technique.
Prenant appui sur la philosophie, elle produit très vite des effets sur les conceptions
de la vie politique : en permettant l’émergence du débat public et de l’idée d’égalité,
elle crée la possibilité de l’expérience démocratique.
26
L’invention de la raison politique
cette période, les philosophes jouent un rôle décisif aux côtés des grands réforma-
teurs. Ils participent à la dissémination des nouvelles connaissances.
Le nouveau langage de la philosophie valorise la démonstration logique, la
recherche de l’équilibre et l’éthique de la discussion. Il influence ainsi intensément
la transformation interne des cités. La Grèce entre dans une nouvelle ère politique
où la conduite des affaires publiques recourt de plus en plus aux lois communes,
c’est-à-dire aux procédures et règles stables dégagées par la raison.
27
Histoire des idées politiques
28
L’invention de la raison politique
La naissance du citoyen
L’histoire de la Grèce antique n’est pas celle d’un long fleuve qui aurait conduit une
civilisation du despotisme royal à la démocratie vertueuse. Les institutions poli-
tiques varient amplement d’une cité à l’autre et, entre le vie et le ive s., la plupart
d’entre elles sont régulièrement en proie aux révoltes et aux coups d’État. L’histoire
des cités est en fait celle d’une succession instable de régimes politiques alternant
les expériences démocratiques, les régimes tyranniques et les tentatives de restau-
ration aristocratique. Toutefois, dans plusieurs cités, l’expérience de la citoyenneté
et l’instauration de la démocratie populaire sont des innovations si fortes qu’elles
caractérisent, pour de nombreux historiens, la période classique.
29
Histoire des idées politiques
30