Gorshkov, Yakoushkova - Géologie Générale - Mir - 1967

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G. GORCIIKOV ET A. YAKOUCHOVA

GÉOLOGIE GÉNÉRALE

ÉDITIONS MIR
MOSCOU 1967
CDU 551.1/4 (075.8)=40

Traduit du russe par


Valentin Polonski

Copyright by les Editions Mir


U.R.S.S. 19R7
PREMIÈRE PARTIE

Problèmes généraux
Définitions et divisions de la géologie

La géologie (du grec yt) — terre, ^ôyoç — parole, doctrine) est


la science qui a pour objet l ’étude de la composition, de la structure
et de l ’évolution de la Terre, ainsi que des processus s ’y déroulant,
au sein de ses enveloppes gazeuse, liquide et rocheuse. Le globe ter­
restre possède plusieurs enveloppes.
L'atmosphère (du grec axp.6ç — vapeur et oqmpa — sphère)
est une enveloppe dense constituée en grande partie d ’azote et
d ’oxygène, ainsi que d ’une faible quantité de vapeur d ’eau, d ’an­
hydride carbonique et de certains gaz nobles, surtout d ’argon.
h'hydrosphère (du grec vôtoç — eau) est l ’enveloppe liquide qui
comprend toutes les eaux naturelles (océans, mers, lacs et cours
d ’eau) couvrant plus de 70% de la surface terrestre et les eaux
souterraines remplissant les roches.
La lithosphère (du grec Xiftoç — pierre) est l ’enveloppe rocheuse
qui constitue la croûte extérieure solide de la Terre. La lithosphère
est composée de roches telles le granité, le basalte, le grès ou le calcai­
re. Les roches sont des corps complexes formés de minéraux, corps
plus simples quant à leur composition chimique et à leur structure
physique. Parmi les minéraux citons le quartz, le feldspath et le mica
qui entrent dans la composition du granité, ou bien le calcite qui est
le constituant de base du calcaire et du marbre. Les minéraux à leur
tour sont composés de différents éléments chimiques. Ce sont « des
corps naturels aux propriétés physiques et chimiques bien détermi­
nées qui ont été élaborés au sein de l ’écorce terrestre sous l ’action de
phénomènes physiques et chimiques sans l ’intervention de l ’homme »
(N. Smolianinov).
La biosphère (du grec pioç — vie) est l ’enveloppe dans laquelle
s ’est développée la vie organique. Cette enveloppe comprend l ’atmos­
phère, l ’hydrosphère et la partie supérieure de la lithosphère où elle
joue un rôle notable dans les diverses transformations et modifica­
tions dont les parties superficielles de la Terre sont le siège. Les orga­
nismes vivants désagrègent et transforment les roches et les minéraux
déjà formés et contribuent ainsi à la production de combinaisons et de
minéraux nouveaux; d ’autre part, ils fournissent des matériaux
7
dont l’accumulation donne les roches organiques comme les calcaires,
la gaize, la craie, la houille, etc.
L’interpénétration et l ’interaction de toutes ces enveloppes rè­
glent en grande partie la marche des phénomènes complexes qui se
déroulent à la surface de la Terre.
La lithosphère est l ’objet d ’étude principal de la géologie. Poui
comprendre son arrangement, le déroulement des processus dont elle
est le siège et l ’histoire de son évolution il faut étudier ses différents
aspects. Aussi divise-t-on la géologie en plusieurs branches particu­
lières, dont
1) celles qui sont consacrées à l ’étude des substances constituant
la Terre (réunies sous le terme de « géochimie ») ;
2) celles qui s ’intéressent aux processus se déroulant au sein de la
Terre (géologie dynamique) ;
3) celles qui traitent de l'évolution du globe terrestre (géologie
historique) ;
4) celles qui sont consacrées aux applications pratiques des res­
sources du sous-sol (géologie appliquée).
La cristallographie, la minéralogie, la pétrographie, la litholo­
gie et la géochimie proprement dite sont des sciences qu’on assimile
ordinairement à la géochimie au sens large de l'expression.
La cristallographie (du grec >cp6aTaM,oç — cristal) est la science
des cristaux, de leur forme extérieure et de leur structure interne.
Les minéraux sont pour la plupart des corps cristallins ; c'est pour­
quoi il est très important d ’étudier leur forme et les lois qui président
à leur élaboration.
La minéralogie étudie les minéraux. Ce sont des corps naturels
chimiquement homogènes ; leur composition chimique et les pro­
priétés physiques sont déterminées par divers processus géolo­
giques se déroulant dans la Terre. On distingue actuellement plus
de 2 000 minéraux. La minéralogie s ’intéresse à la composition
chimique des minéraux, à leur structure, leurs propriétés physiques,
leurs conditions de gisement, leurs rapports mutuels et leur
genèse.
La pétrographie (du grec Ji£xpa — pierre) a pour objet l ’étude
des roches. Les roches sont constituées de différents minéraux. La
pétrographie étudie la composition minéralogique et chimique des
roches, leurs propriétés, les rapports qui existent entre les diverses
roches, les modifications qu’elles subissent, leur genèse, ainsi que les
lois de leur formation et de leur distribution.
La géochimie étudie les éléments chimiques qui constituent le globe
terrestre, leur distribution et leur migration. C’est une science de syn­
thèse par rapport à la minéralogie et à la pétrographie, car les miné­
raux et les roches ne constituent qu’une étape dans la vie des élé­
ments chimiques. La géochimie s ’intéresse aux atomes, la minéralo­
gie, aux assemblages d ’atomes (minéraux) et la pétrographie, aux
assemblages de minéraux (roches).
b
La géologie dynamique est la science des phénomènes qui se dérou­
lent dans la lithosphère et à sa surface. Suivant la nature de l ’éner­
gie on distingue une dynamique interne et une dynamique externe.
Les processus internes conditionnent les mouvements de l ’écorce
terrestre, les tremblements de terre et les éruptions volcaniques. La
partie correspondante de la géologie dynamique se subdivise respecti­
vement en tectonique (du grec textoùv — charpentier), science qui
étudie la disposition des roches, les mouvements de l ’écorce terrestre
et les déformations qu’ils provoquent. L ’étude des magmas se consa­
cre à leur composition et aux phénomènes dont ils sont le siège. La
vulcanologie, science des volcans, en fait partie. La séismologie (du
grec oeiopa — choc) est la science qui étudie les tremblements de
terre. De nos jours, la séismologie physique est devenue une science
mathématique, alors que la séismogéologie proprement dite est restée
du ressort de la géologie dynamique. L 'étude des métamorphismes
(du grec pera — succession, popqnr] — forme) permet d’établir les
changements que subissent les roches dans les couches profondes de
la Terre sous l ’action des températures et des pressions élevées.
Il faut rattacher à la géodynamique les recherches sur la constitu­
tion interne du globe, sur la composition, les propriétés physiques et
la structure interne de ses différentes enveloppes et de son
noyau.
Les phénomènes déclenchés par les facteurs externes dépendent
étroitement de la vie et de l ’évolution des mers, des cours d ’eau, des
eaux souterraines, etc. Ils sont surtout associés à l ’activité de l ’a t­
mosphère et de l ’hydrosphère et leur action sur la lithosphère. C’est
l ’énergie solaire qui est, en définitive, à l ’origine de tous les phéno­
mènes de la géodynamique externe. Cette partie de la géologie dyna­
mique se subdivise en :
étude des processus d ’altération sur place, c’est-à-dire des modi­
fications des roches à la surface terrestre sous l ’action des agents phy­
siques, chimiques et organiques :
hydrologie,
potamologie, étude de l ’action géologique des eaux courantes
superficielles,
hydrogéologie, qui étudie l ’action des eaux souterraines sur
les roches,
océanographie qui s ’occupe de l’action géologique des océans
et des mers ,
glaciologie et cryologie qui étudient l ’action géologique de la glace,
étude de l ’action éolienne sur les roches,
limnologie, science des marais et des lacs.
La géologie historique étudie l ’histoire de l ’évolution de l ’écorce
terrestre et de la vie organique. Elle se divise à son tour en plusieurs
branches :
la stratigraphie, étude des roches et de leur succession au cours
des âges ;
l ’étude du faciès, c’est-à-dire des propriétés des roches sédimen-
taires et des conditions de leur genèse ;
la paléontologie qui s ’occupe des organismes fossiles animaux et
végétaux ;
la paléogéographie qui étudie les milieux physiographiques du
passé ;
la géologie historique proprement dite est surtout consacrée aux
lois régissant l ’évolution de l ’écorce terrestre et à la succession des
événements dont la Terre a été le siège.
On appelle géologie appliquée l ’ensemble des sciences dont l ’objet
est l ’étude du sous-sol en vue des avantages pratiques qu’on peut
en retirer. Elle est constituée de deux branches principales dont
l ’une étudie les minéraux utiles et l ’autre, les conditions techniques de
la construction de bâtiments et d ’autres ouvrages d ’art, etc.
Avant de découvrir un gisement il faut entreprendre des travaux
de recherche, puis procéder à la reconnaissance du gîte ; ces deux acti­
vités constituent l ’objet de la prospection géologique. L ’étude des
minéraux utiles est poursuivie dans trois directions selon la nature
du gisement : gisement métallique, minerais non métallifères et
combustibles minéraux.
La géologie technique a pour tâche d ’établir les propriétés des
terrains et de déterminer les conditions de construction, dans un mi­
lieu géologique donné, de bâtiments, routes, ponts, barrages, ca­
naux, etc.
L ’activité pratique de l ’homme et la nécessité d ’utiliser les res­
sources naturelles ont d ’abord engendré, puis stimulé les connaissan­
ces géologiques.
Dans le présent cours on étudiera principalement la branche de la
géologie qui s ’appelle géologie dynamique.
CHAPITRE PREMIER

Forme et dimension de la Terre

La question de la forme et des dimensions de la Terre a de tous


temps préoccupé les hommes, car il s ’agit du corps céleste sur lequel
ils ont toujours vécu et continuent à vivre et travailler aujourd’hui.
La vérité est apparue lentement, progressivement, à la suite d ’une
longue lutte contre toutes sortes de superstitions, y compris les
préjugés religieux. De nos jours, on est pleinement autorisé à dire
qu’en première approximation la Terre est sphérique et qu'extérieu­
rement elle s ’identifie à toutes les planètes du système solaire.
11 s ’avère que toutes les déductions, même tirées de la solution des
problèmes les plus astucieux, qui tiennent compte des données
actuelles sur la forme et les dimensions de la Terre sont justes ;
aucun doute n ’est donc plus permis sur ce point.
Dans ce chapitre il serait opportun de donner une réponse som­
maire à deux questions relatives au problème de la forme de la
Terre :
1) quels sont les procédés qui permettent d ’établir sa forme et
ses dimensions,
2) quels sont les résultats numériques obtenus par ces procédés.
En posant la première question, il faut supposer connue la
réponse à une autre question : quelle forme pouvait avoir la Terre
dans la période initiale de son évolution, au moment où elle est
devenue planète, c’est-à-dire un corps céleste isolé faisant partie du
système solaire? 11 faut admettre ensuite que cette forme n ’a pas
changé sensiblement depuis.
Ainsi, faut-il répondre à la question : quelle forme a dû prendre la
Terre en étant soit à l ’état fluide et visqueux, soit à l ’état plastique
et en tournant sur son axe à une vitesse angulaire constante ? Il faut
aussi ajouter que toutes les particules de la masse terrestre (indé­
pendamment de leur état liquide ou solide) s ’attiraient suivant la
loi de la gravitation universelle de Newton. Ainsi, chaque particule
en rotation était soumise à l ’action de deux forces: celle de Yattrac-
tion réciproque des particules et celle de la force centrifuge, ces deux
forces étant en principe opposées. En définitive, chaque particule
subissait l ’action de la résultante de ces forces. Cette résultante
porte le nom de pesanteur.
tl
Quelle forme avait donc la Terre en révolution alors que chacun
de ses points était soumis à la pesanteur? Isaac Newton (1643-1727)
a établi le premier que, dans ces conditions, la Terre a dû adopter la
forme d ’un sphéroïde {ellipsoïde de révolution) aplati aux pôles.
Par la suite les géodésistes, les géophysiciens et les astronomes
se sont beaucoup attachés à cette question et l ’ont résolue avec une
grande précision. Ce problème de la forme du globe terrestre est en
rapport avec un grand nombre de problèmes d ’astrophysique et
notamment celui des figures d ’équilibre des liquides en rotation qui
a été examiné en détail par l ’éminent mathématicien russe A. Lia-
pounov.
Imaginons une masse fluide dont les particules ne sont soumises
qu’à la force d ’attraction réciproque (suivant la loi de Newton) et
qui tourne sur son axe en engendrant une force centrifuge. On peut
établir alors quelles seront les formes qu’adoptera la masse considé-
rée suivant la vitesse de rotation. Plus elle est grande, plus le corps
s ’aplatit aux pôles.
Si la vitesse angulaire to = 0, c’est-à-dire si le corps n ’est pas en
rotation, il prend la forme d ’une sphère.
Quand on observe l ’inégalité
0,1871 < * — < 0,2247,

où K est la constante de l ’attraction terrestre (égale à 6,67 • 10"8


CGS) et p la densité, il n ’y a de figures stables que celles qui corres­
pondent à la notion d ’un ellipsoïde de révolution ; il ne peut y avoir
que deux ellipsoïdes de ce genre.
Enfin, lorsque
K ^2 ;ip
- > 0 ,2 2 4 7

il n ’y a pas de figures d’équilibre et le corps céleste se dispersera


dans l ’espace par suite d ’une trop grande force centrifuge.
Les calculs basés sur ces formules montrent que la forme de la
Terre est très proche de la figure d ’équilibre idéale obtenue avec
les rapports existant réellement entre la vitesse angulaire cd de
la Terre et la densité p. Si l ’on voulait rompre les liens qui à l ’équa­
teur rattachent les objets à la Terre, il faut que la force centrifuge,
orientée dans le sens opposé au centre, devienne égale à celle d ’at­
traction, orientée vers le centre; pour y parvenir, on devrait faire
tourner la Terre 16 fois plus vite qu’elle ne le fait actuellement
(un tour en 1 h 25 mn).
En partant de considérations théoriques, V. Magnitski a calculé
quel devrait être l ’aplatissement (a0), si la Terre se trouvait dans
des conditions d ’équilibre hydrostatique. Il a trouvé a 0 = 1 : 297,6,
c’est-à-dire le chiffre qui correspond (compte tenu des erreurs admis­
sibles) à celui obtenu pour a par des mesures d ’arcs de méridiens.
12
Cela signifie qu'effectivement la Terre se trouve à l'état d ’équilibre
hydrostatique ; les dimensions des montagnes et des autres dénivel­
lations et irrégularités dans la répartition des masses sont des gran­
deurs relativement si faibles, qu’elles sortent des limites de la
précision des calculs.
Ainsi, du point de vue géométrique la Terre peut être assimilée
à un ellipsoïde de révolution ou à un sphéroïde engendré par deux
forces agissant à l ’intérieur de ce corps, l ’attraction et la force
centrifuge; à la surface du
globe leur action commune
produit la pesanteur.
Sur la fig. 1 NOS est l'axe
de rotation du sphéroïde ; le
cercle WABECDW, Véqua­
teur ; l ’arcNKBS , le méridien
du point K de la surface ter­
restre; l ’angle KLB formé par
la normale KM à la surface
du sphéroïde et le plan de
l’équateur est la latitude qp
du point K. Les latitudes sont
comptées de 0 à 90°, de l ’équa­
teur au pôle Nord pour les
latitudes boréales et de l ’équa­ Fig. 1. Ellipsoïde de révolution: a —
teur au pôle Sud pour les la­ demi-axe équatorial ; b — demi-axe po­
titudes australes. laire
Si N A S est pris pour méri­
dien d'origine, l ’angle dièdre N A S —NBS défini par l ’arc A B de
l’équateur sera la longitude h du point K. Les longitudes sont oc­
cidentales ou orientales suivant que le point K se trouve à l’Ouest,
ou à l ’Est du premier méridien.
La latitude <p et la longitude X sont les coordonnées géodésiques
du point K. On a convenu de prendre pour premier méridien ou méri­
dien d ’origine celui qui passe par Greenwich (banlieue de Londres).
La droite WOE égale à 2a qui passe par le centre O de la Terre
s ’appelle l'axe équatorial du sphéroïde terrestre. La droite NOS =
- 2b est son axe polaire. Les grandeurs a = et b = sont
les demi-axes équatorial et polaire. Les grandeurs a et b sont les
éléments du sphéroïde terrestre. Si on les connaît, on peut établir la
forme et la dimension de ce dernier, ainsi que sa surface et son
volume.
En effet, la forme extérieure de l ’ellipsoïde de révolution, c’est-
à-dire la position sur sa surface d ’un point quelconque aux coordon­
nées x , y , z, peut être définie par l ’équation :
*2+ y2 , -2 .
Si a = 6, on a une sphère ; quand a >» 6, la forme obtenue ne
sera pas une sphère et elle en différera d ’autant plus que l ’aplatis­
sement dans le sens de l ’axe polaire sera plus grand. La grandeur
ü —b
a = —— est une caractéristique de la forme du sphéroïde terres­
tre, c ’est Y aplatissement du sphéroïde.
Ainsi, en connaissant a et b ou a et a, c’est-à-dire les rayons
équatorial et polaire ou le rayon équatorial a et l’aplatissement a, on
peut établir la forme et les dimensions de la Terre. Dans ce but, on
recourt à deux procédés principaux :
1) La méthode géométrique ou géodésique qui permet de trouver
a et b ou bien a et a d ’après la longueur des arcs méridiens ou des
parallèles. La formule donnant ces arcs comporte les grandeurs a et 6,
la latitude ou la longitude des extrémités de l ’arc mesuré et certains
coefficients numériques. Donc, si l ’on connaît la mesure de diffé­
rents arcs ainsi que les coordonnées géodésiques de leurs extrémités,
on peut obtenir les équations nécessaires et calculer facilement les
grandeurs recherchées.
2) La méthode dynamique (ou physique), fondée sur la connais­
sance de la répartition sur la Terre de l ’intensité de la pesanteur.
Pour l ’appliquer, il faut mesurer la pesanteur en de nombreux points
de la surface du globe. On parvient ainsi à obtenir par des calculs
assez simples la grandeur de l ’aplatissement a.
La forme de la Terre peut être aussi déterminée par d ’autres
procédés.
Les savants qui se sont attachés dans le passé et s ’attachent de
nos jours à résoudre ce problème sont nombreux dans divers pays.
En U.R.S.S., on a utilisé jusqu’en 1946 les grandeurs a et b établies
en 1841 par le savant allemand F. Bessel en partant de la mesure
de l ’arc de méridien de 1° : a = 6 377 397 m ; b = 6 356 079 m;
^ _a — b __ l
a ~ a 29972 •

Rappelons que les calculs d ’Isaac Newton donnaient pour


l’aplatissement a = 1 : 231.
Si l ’on connaît les grandeurs a et b, la méthode géodésique permet
de résoudre le problème inverse, celui du calcul, par exemple, de la
longueur du quart de méridien qui va de l ’équateur au pôle. En uti­
lisant les grandeurs de Bessel, on trouve que cette longueur est de
10 000 856 m.
En 1910, le savant américain J. F. Hayford a proposé des valeurs
quelque peu différentes : a = 6 378 388 m ; b = 6 356 912 m ;
a = 1 : 297. En 1924, au Congrès de l ’Union géodésique internatio­
nale les caractéristiques de Hayford furent adoptées comme grandeurs
internationales.
Peu après, on procéda aussi en U.R.S.S. à l ’examen des rensei­
gnements nouvellement acquis. Un savant de Moscou, F. Krassovski,
14
publia en 1936 des chiffres nouveaux relatifs aux dimensions de
l ’ellipsoïde terrestre. Ce travail fut poursuivi par A. Izotov (Centre
de recherche géodésique. de photographie aérienne et de cartographie).
Le sphéroïde de F. Krassovski est caractérisé par les grandeurs sui­
vantes : a = 6 378 245 m ; b = 6 356 863 m ; a = 1 : 298,3.
Le Conseil des ministres a décidé en 1946 qu’en U.R.S.S. ils
seraient obligatoires pour les travaux géodésiques, topographiques,
cartographiques, etc.
En examinant les grandeurs a et b on voit que le rayon polaire
est plus court que celui de l ’équateur d ’environ 21 km. Cet aplatis­
sement est dû à la rotation de la Terre sur son axe ; il est très
petit.
Pour un globe scolaire ordinaire, la différence entre les diamè­
tres équatorial et polaire n ’est que de 0,5 mm, c’est-à-dire qu’elle
est pratiquement imperceptible.
Si l ’on connaît a et b, on peut calculer la surface et le volume de
la Terre. Sa surface est égale à environ 510 millions de km2, alors
que son volume est d ’environ 1 • 1012 km3. La longueur du méridien
est de 40 008,6 km, celle de l ’équateur, de 40 075,7 km, celle de
l ’arc de 1° à la latitude <p = 45°, de 111 109,713 m.
Les déductions et les calculs cités partent de l ’idée que la Terre
est un sphéroïde (ou un ellipsoïde à deux axes). Ce n ’est qu’une
première approximation ; en fait, la surface terrestre est beaucoup
plus compliquée que la surface régulière d ’un sphéroïde théorique.
C’est pourquoi, en voulant préciser davantage la forme de la Terre,
on est obligé de définir cette figure comme la forme d ’un corps dont
l ’aspect et les dimensions se rapprochent le plus de la planète réelle.
Ce corps a reçu le nom de géoïde. Il est limité par une surface imagi­
naire définie par la direction de la pesanteur qui lui est toujours
perpendiculaire.
L ’intensité de la pesanteur (c’est-à-dire l ’accélération d ’un corps
due à l ’action de l ’attraction terrestre, compte tenu de la force cen­
trifuge) varie (quoique très peu) selon la région considérée. Ces écarts
ont pour cause une force centrifuge différente, ainsi que des irrégula­
rités dans la répartition des masses dans les parties supérieures de la
Terre. Si la distribution des roches suivait rigoureusement la pesan­
teur (c’est-à-dire si ces roches se comportaient comme un corps flui­
de), la surface terrestre serait partout perpendiculaire à la direction
de la pesanteur et correspondrait à ce qu’on appelle une surface de
niveau ; dans ce cas, le sphéroïde coïnciderait avec le géoïde. Les
dénivellations (dues aux montagnes, cuvettes océaniques, etc.) font
que la surface de niveau, c’est-à-dire celle du géoïde, s ’écarte quelque
peu de celle du sphéroïde. Le géoïde correspond mieux que le sphéroï­
de à la forme réelle de la Terre avec tous ses reliefs et dépressions.
Vu l ’insignifiance du relief de toutes les terres émergées par rapport
aux dimensions de la planète, on peut de plein droit identifier sa
figure réelle très compliquée avec celle de la surface des océans
15
prolongée par la pensée sous les continents. C’est ainsi qu’on obtient
le géoïde. Pour établir sa forme, on calcule la distance entre quelques
points de la surface océanique et les points correspondants de la
surface du sphéroïde terrestre dont les éléments ont été adoptés. La
surface que les distances trouvées permettent de construire est juste­
ment celle que l ’on cherche. Ce problème ne peut être résolu jusqu’à
présent que dans ses grandes lignes. De nombreux calculs ont montré
quo les écarts maximaux entre les points correspondants du sphé­
roïde et du géoïde ne dépassaient pas 150 m et que par endroits la
surface du sphéroïde passait sous celle du géoïde, alors que dans
d’autres c’était l ’inverse.
L ’étude de la figure de la Terre a également montré que les hémi­
sphères Sud et Nord sont asymétriques par rapport à l ’équateur ;
ce fait a été prouvé pour la première fois par A. Ivanov, puis con­
firmé par I. Jongolovitch et par le géodésien S. Toropine. Ce dernier
a obtenu une différence des demi-petits axes (rayons polaires) bn —
6„ = 242 m; en d ’autres termes, le pôle Sud est plus près de l ’équa­
teur que le pôle Nord.
En conclusion indiquons que ces dernières années on a établi
que la vitesse de rotation de la Terre sur son axe n ’était pas uniforme.
Sa vitesse angulaire varie suivant trois modes :
1) les variations séculaires (ralentissement),
2) les fluctuations ou variations irrégulières et
3) les variations saisonnières.
Le ralentissement séculaire est généralement expliqué par l ’in­
fluence des marées lunaires et solaires. N. Pariiski a démontré qu’il
existe aussi une accélération séculaire de grandeur inférieure à la
variation précédente (Ao> : cù = + 1,4 • 10"8) qui s’explique proba­
blement par la modification de la distribution des masses au sein de
la Terre.
Les fluctuations, variations irrégulières, se suivent avec des inter­
valles de 10 à 30 ans et plus ; leur grandeur est en valeur numérique
de l ’ordre de 4,0 • 10~8 (en 1898, 1920, etc.). Elles ne peuvent égale­
ment pas être expliquées par les phénomènes qui se déroulent à la
surface de la Terre ou dans l ’espace cosmique. Il suffit de signaler que
pour les provoquer, il faudrait que plus d ’un million de météorites
d’un million de tonnes chacune tombent sur la surface terrestre
suivant une tangente au grand cercle de l ’équateur ou qu’un haut
plateau de l ’ordre du Tibet soit réduit jusqu’au niveau de la mer.
Donc, il faut supposer que, dans ce cas-là aussi, la cause du phénomè­
ne doit être recherchée dans les profondeurs de la Terre. Pour obtenir
l’effet observé, il suffit que dans une couche de 180 m d ’épaisseur
seulement se trouvant à 80 km de la surface la densité change de
0.1 g/cm3 par suite d ’une cristallisation ou d ’autres phénomènes.
Enfin, les variations saisonnières dont la période dure un an ou
six mois sont déterminées par une rotation de la Terre plus
rapide en août qu’au printemps: l ’écart entre la durée du jour
Irt
en août el en mars est d ’environ 0,0025 s (ce qui correspond à
Ao) :co = 2,9-10-8). La cause de ces modifications réside probablement
dans les variations saisonnières de la circulation atmosphérique
(d’après N. Pariiski).
Dans l ’ensemble les variations indiquées ont augmenté la durée
du jour depuis l ’ère Archéozoïque, c’est-à-dire en 2 • 10® ans de
4 heures environ.
L ’étude de l ’irrégularité de la rotation de la Terre a une importan­
ce capitale; elle concerne d ’une part l ’astronomie (problème de la
mesure du temps) et, d ’autre part, la géologie.

2 -9 2 7
CHAPITRE 2

L’âge de la Terre

Jusqu’à présent on se servait souvent en géologie de la notion


d'âge relatif des roches, mais ces deux ou trois dernières décennies on
est parvenu également à aborder la question de la détermination de
la durée absolue des temps géologiques. Il faut croire que les métho­
des qui permettent d ’établir l ’âge absolu des roches viendront au
premier plan bien que dans la pratique la chronologie géologique
relative soit assez commode et gardera longtemps son importance.

§ 1. Chronologie géologique relative


La tâche consiste à diviser suivant leur âge respectif toute la
série des formations sédimentaires ou des complexes de roches
éruptives qui leur sont associées et à déterminer ainsi la succession
des événements en dressant une chronologie géologique. L ’étude et la
description des couches ou strates, des conditions de leur formation,
de leur succession, des animaux et des plantes qu’elles ont fossili­
sées font l ’objet de la stratigraphie.
Il est assez simple d ’établir l ’âge relatif des roches pour un lieu
donné. Par exemple, si une rive escarpée met à nu des calcaires
recouverts par des argiles qui reposent elles-mêmes sous des sables,
il est évident que les calcaires sont plus anciens que les argiles, et
que celles-ci sont antérieures aux sables. Dans ce cas, il importe de
déterminer l'ordre d ’accumulation et les conditions de la formation
des sédiments. La méthode qui permet d ’établir l ’âge des roches en
étudiant les couches et leurs rapports mutuels, ainsi que la succession
des événements dans le temps, s ’appelle méthode stratigraphique.
On peut aussi confronter les roches et établir leur âge relatif en
partant de leur composition. Pourtant, cette méthode n ’est valable
que pour de petits secteurs (pour des points proches les uns des
autres) et devient peu sûre si la distance entre les coupes du terrain
est grande. Plusieurs roches dont la composition est la même peuvent
être d ’âge différent; d ’autre part, des couches du même âge peuvent
être de nature différente (argiles en un lieu, calcaires en un autre),
fait qui témoigne des conditions de formation différentes.
18
C’est pourquoi l'âge relatif des roches est établi le plus sûrement
par la méthode paléontologique.
Les roches sédimentaires qui composent la partie supérieure de
l’écorce terrestre renferment souvent des restes de divers organismes
qui ont vécu à des époques géologiques révolues, se sont pétrifiés
avec le temps et ont été fossilisés durant la sédimentation. Les par­
ties résistantes des organismes (coquilles, carapaces, os) sont les
mieux conservées. Les parties du corps moins consistantes sont
ordinairement détruites et ne laissent pas de traces, tandis que les
cellules du squelette sont remplacées partiellement ou complètement
par des substances minérales, surtout par de calcite ou de silice.
Les conditions créées dans les bassins marins favorisent le mieux
la fossilisation des organismes, alors que dans les dépôts continentaux
on trouve surtout des restes de végétaux et de rares accumulations
d ’os d’animaux terrestres.
L ’étude détaillée de la flore et de la faune fossiles permet de
déterminer les voies suivies par le monde organique dans son évolu­
tion depuis un passé lointain jusqu’à l ’époque actuelle. On peut
comparer les restes de végétaux et d'animaux dans diverses roches
et d ’établir ainsi leur âge relatif.
Au cours de l ’histoire géologique, le monde organique s ’est
transformé considérablement depuis des organismes primitifs fos­
silisés dans les couches les plus anciennes de l ’écorce terrestre jus­
qu’aux animaux et aux plantes d ’une organisation évoluée qui datent
des dépôts récents. Chaque complexe de roches fournit des fossiles
appartenant à des classes, familles, genres et espèces différents.
Leur importance pour l ’établissement de l ’âge relatif des roches varie
selon les cas. Certaines espèces d ’animaux se sont perpétuées à travers
des millions d ’années sans changements appréciables et leur présence
peut être décelée dans les couches de roches de tous les âges. D’autres
ont eu une vie éphémère. Certains genres et espèces se sont succédés
rapidement sur des espaces assez vastes. Ce sont justement ces orga­
nismes appelés fossiles caractéristiques qui sont décisifs quand il
s ’agit d ’établir l ’âge relatif des roches. A chaque complexe dérochés
du même âge correspond un groupe de fossiles caractéristiques qui se
distinguent par les traits suivants :
1) extension limitée dans le sens vertical conditionnée par des
modifications fréquentes et une faible durée des espèces;
2) extension sur des aires importantes;
3) profusion des individus rendant leur présence dans les roches
très fréquente ;
4) bonne conservation qui permet de les déceler facilement.
Sur la base des données sur les fossiles, la composition et la
succession des couches de roches établies par de nombreuses coupes de
l’écorce terrestre on peut dresser un tableau stratigraphique unique
où tous les dépôts sont indiquées dans un ordre bien déterminé.
Une échelle des temps géologiques a été établie d ’après ce tableau,
2* 19
présentant les époques de l ’histoire de la Terre. Dans cette chrono­
logie, les sédiments de la partie superficielle connue de l ’écorce
terrestre sont répartis en cinq groupes (les plus grandes séries) aux­
quels correspondent quant à la durée les grandes ères :
Sédim ents (sé rie) Tem ps géologiques (ère)
Caïnozoïque Calnozoïque (ère de la vie ré­
cente)
Mésozoïque Mésozoïque (ère de la vie
moyenne)
Paléozoïque Paléozoïque (ère de la vie an­
cienne)
Protérozoïque (Algonkien) Protérozoïque (ère de la vie
très ancienne)
Archéozoïque Archéozoïque (ère de la vie
primitive)

Les groupes (ou séries) se divisent à leur tour en systèmes, ces


derniers en sous-systèmes (ou groupes) et ceux-ci en étages ; quant à
la durée, chaque système correspond à une période, chaque sous-
système à une époque et chaque étage à un âge (voir tableau 1).
Voici l ’histoire de cette synthèse. En 1822, O. d ’Halloy a défini
le Crétacé, alors qu’au même moment W. Conybeare et W. Phillips
délimitaient le Carbonifère. Quelques années plus tard, I. Des­
noyers a dégagé l ’Anthropogène (Quaternaire) et A. Brogniart, le
Jurassique. En 1833, Ch. Lyell a déterminé le Tertiaire (qu’on divi­
se aujourd’hui en systèmes Paléogène et Néogène) et une année plus
tard F. Albert, le Trias. En 1835, R. Murchison a donné le nom de
Silurien aux couches qu’il a étudiées, alors qu’en 1836 A. Sedgwick
a défini le Cambrien. En 1839, ces deux derniers auteurs ont déter­
miné le Dévonien et dans les années 1840, G. Helmersen et R. Mur­
chison le Permien.
Le terme d ’ère « Paléozoïque» a été proposé par Sedgwick en 1838
et ceux d ’ères « Mésozoïque » et « Caïnozoïque », par Phillips en 1840.
La plupart des systèmes doivent leurs noms aux localités où ils
ont été pour la première fois décelés et décrits ou bien à la composi­
tion de leurs dépôts. Ainsi, par exemple, le terme de Cambrien pro­
vient de la dénomination ancienne du Pays de Galles en Angleterre,
le Silurien, de l ’ancienne tribu celtique des Silures, le Dévonien, du
nom du comté de Devonshire en Angleterre. Le Carbonifère est ainsi
nommé parce que des gisements de houille y sont renfermés; la
dénomination du Permien provient de l ’ancien gouvernement de Perm
où les sédiments de ce système sont très étendus. Le Trias porte ce
nom parce que ses sédiments en Europe se subdivisent distinctement
en trois groupes; le Jurassique tire son nom du système de monta­
gnes du Jura ; le Crétacé se distingue par des sédiments épais de craie
blanche. Les subdivisions des sédiments du groupe Caïnozoïque
reflètent l ’évolution du monde organique. Les dépôts du Paléogène
contiennent des vertébrés qui ont complètement disparus, alors que
20
Tableau 1
Chronologie géologique

E res (groupes) P ériodes (systèm es) Epoques (sous-systèm es)


Durée en
Biosphère m illio n s
D énom ination D ésignation D énom ination D ésignation D énom ination Désigna­ d ’années
tio n

Quaternaire (Q) Epoque récente Ap* Au début, appari­


Anthropogène (Ap) tion de l ’Hom­
me.
Anthropogène Ap3 Développement de
supérieur Ja flore et de la
faune actuelles. 1
Anthropogène Ap2 Apogée des Mam­
moyen mifères, des Oi­
Anthropogène A pi seaux, des Pois­
inférieur sons, des Insec­
tes

Néogène1 N Pliocène ^ n2 Apogée des Angio­


Miocène Ni spermes.
Apparition et
développement
Calnozolque Cz Extension des Mammifères
des Angiosper­ proches des for­
mes mes actuelles.
Développement du 25
Singe Homoïde.
Parmi les Inver­
tébrés : Gasté­
ropodes et La­
mellibranches
(Mollusques à
coquille bivalve)

Paléogène1 Pg Oligocène Pg3 Apogée des Pri­


Eocene Pg2 maires.
Paléocène Pgi Invertébrés: Fora-
minifères, Num- 45
mulites. Gasté­
ropodes et La­
mellibranches

Crétacé Cr Crétacé supérieur Cr2 Apogée des reptiles. Apparition 70


Crétacé inférieur Cr, des Angiospermes.
A Dans la deuxième moitié extinc­
tion des Reptiles, des Ammoni­
tes et de presque tous les
Bélemnites
Mz Jurassique J Jurassique supé­
Mésozoïque h Extension des Règne des Repti­
les sur la terre,
rieur (Malm) Ammonites
Jurassique moyen et des Bé­ dans les eaux et 45
(Dogger) i lemnites dans l'air
Jurassique infé­ Apparition des
Développement Oiseaux
rieur (Lias) des Cyca-
dées, des Co­
Trias T Néotrias t3 nifères, des Apparition des 40
Mésotrias To Ginkgoacées Mammifères
Eotrias t;

Permien P Néopermien p» Apparition et développement des 45


Eopermien p; Conifères et des Cycadées pen­
dant que la flore du Carboni­
fère diminue.
Evolution des Reptiles.
Invertébrés: extension des Am-
monoïdes (Cératites), des Bra-
chiopodes

Carbonifère C Carbonifère supé­ c3 Végétation d’arbres très abon­


rieur dante.
Carbonifère Co Lycopodées: Lépidodendrons et
moyen Sigillaires;
Carbonifère infé­ C, Eauisétales: Calamites, Cordaïtes. 50
rieur Développement des Amphibies.
Apparition des Insectes.
Invertébrés: Brachiopodes, Fora-
minifères, développement des
Goniatites, des Echinodermes

Dévonien D Dévonien supé­ D3 Domination des Psilophytalcs et


rieur apparition des ancêtres des
Dévonien moyen g* Fougères. Apogée des Poissons
Dévonien infé­ D, cuirassés. Apparition des Am­
rieur phibies Stégocéphales. 80
Parmi les Invertébrés, l ’extension
des Brachiopodes et des Coraux.
Mollusques Céphalopodes. Go­
niatites.

Paléozoïque Pz Silurien S Silurien supé­ S2 Continuation de l’extension des 20


rieur Psilophytalcs
Silurien inférieur S,

Invertébrés: nouveaux groupes de


O OO

Ordovicien 0 Ordovicien supé­


P) Cl «4

rieur Trilobites, les Graptolites, les


Ordovicien moyen Céphalopodes, les Brachiopodes,
Ordovicien infé­ nombreux Coraliens, Polypes, 60
rieur Bryozoaires, etc.
Premiers Poissons cuirassés

Cambrien Cm Cambrien supé­ Cm3 Développement des Algues et des


rieur (Olénidien Bactéries.
Cambrien Cm2 Apparition des plantes terrestres
moyen (Parado- primitives: Psylophytalcs.
xidien) 90
Cambrien infé­ Cm, Parmi les Invertébrés les plus
rieur (Olénelli- caractéristiques sont les Trilo­
dien) bites et les Archaeocyatbus

Précambrien IV Rifain, Précambrien supérieur bleu Algues et Bactéries. Vestiges des Environ 600
(Infracambrien) Protérozoïque II Invertébrés mal conserves.

Précambrien III Protérozoïque, Protérozoïque I Environ 700

Précambrien II Traces des formes organiques pri­ Environ 800


(Archéen) maires

Précambrien I Environ 800


(Catarchéen)

1 Le Néogène et le Paléogène sont souvent réunis sous le terme commun de Tertiaire (Tr.).
les fossiles des vertébrés du Néogène se rapprochent quant à leur
constitution des organismes actuels. L ’Anthropogène désigne la
période contemporaine au cours de laquelle s ’est produit l ’événe­
ment capital de l ’évolution du monde organique, celui de l ’appari­
tion de l ’homme (du grec av0Qû)jtoç — homme).
A côté de cette classification stratigrapliique internationale ou
utilise fréquemment des classifications stratigraphiques locales :
séries, suites, zones, etc., qui permettent d ’étudier la structure géolo­
gique de chaque région, d ’en établir la succession des événements
géologiques, de dresser des cartes géologiques détaillées.
Nous donnons ci-dessous le tableau des subdivisions proposées par
l’Institut de recherche géologique de Léningrad en 1954 (tableau 2).

Tableau 2
Correspondance entre les échelles stratigraphiques générales et locales

Echelles e t su b d iv isio n s D ivisions s tra tlç ra -


locales phlques H iérarchie des tem ps

Echelle générale (inter­ Groupe (série) Ere


nationale) Système Période
Section (sous-système) Epoque

Echelle relative à une Etage Age


province Zone Temps (hemera)

Echelle régionale Série, complexe, sous- Temps (pour chaque di­


complexe vision)

Subdivisions locales Sous-groupe, sous-systè­ Temps (pour chaque di­


me, sous-section, sous- vision); biochron(unité
étage, sous-zone, cou­ de temps biologique)
ches, zone locale, ni­
veau, biozone

En étudiant une coupe de terrains, ainsi que la faune et la flore


qu’ils ont fossilisées de haut en bas, c’est-à-dire depuis les plus an­
ciennes jusqu’aux plus récentes (celles de l’Anthropogène), on peut
obtenir tous les renseignements nécessaires sur l ’évolution de telle ou
telle région et la succession des événements géologiques correspon­
dants. Une coupe de ce genre est ordinairement représentée sous forme
d ’une colonne stratigraphique sur laquelle on marque les données
fournies par l’étude des déchaussements naturels des carrières et des
carottes 1 obtenues par forage.
Examinons en guise d ’exemple une série stratigraphique des envi­
rons de Moscou (fig. 2).
Les collines et les vallées des environs de Moscou ont un soubas­
sement de calcaires clairs résistants qui ont donné à la ville ancienne
son épithète de «biélokamennala» (de «pierre blanche»). Par endroits,
dans les vallées les calcaires affleurent à la surface ou dans les car­
rières, et notamment dans le lit de la rivière Pakhra près du village

Fig. 2. Série stratigraphique et profil des dépôts aux environs


de Moscou:Cz — calcaires carbonifères; i j — argiles noires et
sables jurassiques; Crî*c—C?pt — sables du Crétacé; Ap?1 —
moraine (dépôts glaciaires^ quaternaire; Apal — sables al-
uviaux

Bolchoï Yam (fig. 3). A en juger par les fossiles qu’ils contiennent:
coquilles de Brachiopodes (Choristites mosquensis, fig. 4, A ), ou
squelettes de Chetetides (Chaetetes radians), etc. Ils appartiennent
au Carbonifère (C) (voir fig. 5).
Au-dessus reposent les argiles noires visqueuses avec des coquil­
les de mollusques Céphalopodes: Ammonites (Cardioseras alter-
nans, Craspedites nodiger, Perisphinctes nikitini, Virgatites virga-
tus) (fig. 4, B), et Bélemnites (fig. 4, C). D’après les données re­
cueillies, ce sont des argiles jurassiques (J) d ’origine marine. Quant
aux sédiments permiens (P) et triassiques (T), s ’intercalant entre le
Carbonifère et le Jurassique, ils n ’existent pas dans les environs
de Moscou.
La période suivante, celle du Crétacé, ou plutôt de son époque
inférieure (Crj), est largement représentée dans cette région par des
sables glauconifères bruns et verts à faune marine (Cr^0) et des sables
quartzeux clairs (Cra,,<) présents notamment à la base des Monts
Lénine ; l ’étage Aptien (Cr®p<) renferme quelquefois des empreintes de
plantes. Les environs de Moscou ne recèlent pas de sédiments rela-

1 Une carotte est un échantillon en forme de colonne de roches extraites


du sous-sol par forage dans leur succession naturelle.
22
tifs au Paléogène (Pg) et au Néogène (N) ; les plus récents, ceux de
l’Anthropogène, sont très répandus: ce sont les sables et les galets
des cours d ’eau actuels, les argiles à blocaux laissés par les glaciers
anciens ainsi que les dépôts d ’argile et de sable interglaciaires.
La coupe géologique nous montre que l ’histoire des environs de
Moscou du Carbonifère à l ’époque récente a été très riche en événe­
ments. Cette région a été le théâtre de nombreuses transgressions

Fi)?. 3. Calcaires carbonifères, carrière des environs du village Bolchoî Yam


sur la Pakhra

(envahissements des continents par la mer) aux Carbonifère, Juras­


sique et Crétacé, accompagnées de sédimentation marine, et ensuite
de régressions. Après le retrait de la mer le sol du territoire des envi­
rons de Moscou a été soumis à l ’action de nombreuses forces destruc­
trices : le vent, l ’eau, la glace, etc. Comme de nos jours, il se formait
alors à la surface des terres, des cours d ’eau, qui sont des agents
géologiques très puissants. Ils tranchaient et taillaient la surface du
sol, évacuant un volume énorme de débris et de matériaux dissous
vers les bassins marins anciens où ils se déposaient de nouveau sous
forme de sédiments. Dans la région de Moscou, les conditions conti­
nentales ont duré un temps particulièrement long, entre le Carboni­
fère et le Jurassique (85 millions d ’années) et après le Crétacé supé­
rieur, quand la mer s ’est retirée définitivement. L ’Anthropogène
a été marqué ici par un déferlement de glaciers puissants en provenan-
23
ce de Scandinavie qui ont laissé après eux des dépôts de blocs
erratiques, d ’argiles à blocaux et de limons.
Chaque temps géologique est identifié par sa faune et sa flore.
Ce sont les ères qui diffèrent le plus par la composition du monde
organique, les périodes présentent moins de différence et les épo-

Fig. 4. Animaux fossiles: A — coquille de Brachiopode Choristites mos-


quensls datant du Carbonifère; B — coquille d’un mollusque Céphalo­
pode, l ’Ammonite du Jurassique; C — partie de la coquille appelée
rostre d’un Bélemnite, mollusque Céphalopode datant au Jurassique

ques encore moins. Plus les unités stratigraphiques sont faibles et


moins les organismes fossiles se différencient.
On peut dégager dans l ’histoire de l ’évolution du monde animal
plusieurs groupes d ’organismes (fig. 5) particulièrement importants
pour 1’établissement de l ’âge relatif des roches.
Les sédiments des périodes du début du Primaire (Cambrien
(Cm), Ordovicien (O) et Silurien (S) ont fossilisé de nombreux inver­
tébrés : Brachiopodes; Tétracoralliaires, Tabulés, Bryozoaires, Cystoï-
des. Méduses, Vers, etc. Mais l ’extension des Trilobites a été parti­
culièrement grande ; ce sont donc les fossiles caractéristiques de ces
24
Fig. 5. Schéma de l ’évolution du monde animal et végétal
périodes. Leur apogée correspond au Silurien (un grand nombre
d'espèces), après quoi ils déclinent pour disparaître vers la fin du
Paléozoïque.
Au Cambrien, les fossiles caractéristiques sont constitués par
un autre groupe d’animaux intermédiaires entre les Eponges et les
Cœlentérés mais qui forme un type à part portant le nom d ’Archæ-
ocyathus. Pour l'Ordovicien et le Silurien les fossiles caractéristi­
ques sont les Graptolithes qui laissent de légères empreintes sur les
plaques minces des schistes argileux. En même temps apparaissent
les mollusques Céphalopodes (Nautiloïdes) ; certains d ’entre eux,
les Orthocères par exemple, avaient une coquille longicône ou or-
thocône et atteignaient de grandes dimensions.
Les périodes postérieures du Primaire ont pour fossiles caracté­
ristiques les Brachiopodes dont les genres Productus et Spirifère
ont le plus d ’importance. Les Céphalopodes continuent leur évolu­
tion. Les coquilles orthocônes des Orthocères sont remplacées par
des coquilles en spirales du groupe ancien de l ’ordre extinct des
Ammonoïdes appartenant à la classe des Céphalopodes, les Goniatites
(d’après le caractère de la ligne de suture qui reproduit la forme des
cloisons entre les parois de la coquille).
D ’autres groupes d ’animaux connaissent aussi une extension
très large: les grands Foraminifères, les Hydrozoaires (Chetetides),
les Tétracoralliaires, les Tabulés, les Goniatites, les Clyménies, les
Crinoïdes (Lys de mer) les Blastoîdes, les Bryozoaires, les Ostraco-
des. Vers la fin du Permien, les Goniatites sont remplacées par les
Cératites dont la ligne de suture est plus compliquée.
La naissance et l ’évolution des Vertébrés au Primaire présente
un certain intérêt. Les formes primitives de cette classe, les Agnathes
(Cyclostomes) apparurent dès l ’Ordovicien ou le Silurien. Le Dévo­
nien (D) est marqué par les premiers poissons qui prirent rapidement
une place importante parmi la faune marine. Un peu plus tard, au
Carbonifère (C) certaines espèces de poissons devinrent amphibies.
Enfin, au Permien (P) les Vertébrés se sont perfectionnés en donnant
naissance aux reptiles.
Notons que les insectes datent à peu près du milieu du Primaire;
le nombre de leurs formes s ’étant constamment accru, ils occupent
actuellement sous ce rapport la première place parmi toutes les
autres classes d ’animaux.
La faune du Secondaire se distingue de celle du Primaire. Au
Trias (T) les Cératites atteignent leur apogée, puis sont remplacés
par les Ammonites à ligne de suture encore plus compliquée. Une
nouvelle classe de Céphalopodes, celle des Bélemnites apparues dès
le Carbonifère, connaît une large extension. Au Jurassique (J) l ’im­
portance des Ammonites et des Bélemnites devient très grande
(fig. 3, B , 3, C). Dans cette période, les espèces d'Ammonites étaient
très nombreuses et très variées. Dans les sédiments du Crétacé (Cr)
on a trouvé des spéciments géants ayant jusqu’à 2 m de diamètre.
26
Par la suite leur nombre diminue pour s'éteindre vers la fin du
Secondaire. De la classe si riche des Nautiloïdes à coquille en spira­
le il n ’est resté jusqu’à nos jours que le Nautilus qui vit dans les mers
tropicales. Le Crétacé (Cr) a été également l ’époque de l ’extension
des Foraminifères, organismes élémentaires qui, par endroits, for­
ment des dépôts épais de craie blanche. L ’événement important du
Secondaire a été le remplacement de Tétracoralliaires, faune carac­
téristique du Primaire, par les Hexacoralliaires.

Fig. 6. Diplodocus, reptile herbivore du groupe des Dinosauriens datant


du Jurassique

Le Secondaire, surtout le Trias et le Jurassique furent le théâtre


du développement impétueux des animaux faisant partie d ’une gran­
de classe de Vertébrés, celle des Reptiles apparus dès la fin du Pri­
maire. Leur apogée correspond au Jurassique pendant lequel ils
envahirent la terre, l ’eau et l ’air. Parmi les reptiles terrestres il
y avait à l ’époque des Dinosauriens géants (fig. 6) dont certains
spécimens avaient 20 m de long et 5 m de haut. Les Ichthyosaures
étaient des rapaces marins terribles qui mesuraient environ 12 m
de longueur. Pendant cette période apparurent les Ptérosauriens qui
se déplaçaient dans l ’air à l ’aide d ’ailes dont l ’envergure atteignait
16 m chez certains spécimens. A la fin du Crétacé, ces reptiles dispa­
rurent brutalement et cédèrent la place aux Mammifères et aux
Oiseaux. I
Parmi les Invertébrés les plus répandus au Paléogène et au
Néogène (ère Cainozoïque) citons les Mollusques bivalves et les
Gastéropodes dont de nombreuses espèces sont caractéristiques. Au
27
Paléogène un rôle capital est joué par les Orbitoïdes et les organis­
mes élémentaires, les Foraminifères, mais surtout par les Nummulites
ayant la forme de petites pièces de monnaies qui par endroits ont
formé des dépôts épais de calcaires. Les Mammifères dominent
à l ’époque sur la Terre et se développent rapidement.
Les premiers Singes Anthropoïdes datent aussi de cette période.
Enfin, l ’Anthropogène est marqué par l ’apparition de l ’Homme.
L ’évolution des plantes a été tout aussi longue et compliquée.
Les plus anciennes furent les algues apparues dans les eaux des mers
ante-cambriennes. Au Silurien les Psilophytales viennent pour la
première fois se fixer sur la terre. La flore du Dévonien et du Carbo­
nifère est déjà très riche; elle est représentée surtout par les Lyco-
podinées, les Equisétales et les Fougères, c’est-à-dire par les plantes
à spores, géantes. Les Gymnospermes apparaissent au Carbonifère :
Cordaïtes, Conifères, Ginkgoacées, etc. Enfin, les Angiospermes à
fleurs, les plus complexes, constituant un pas en avant dans l ’évo­
lution des plantes, apparaissent au Crétacé et atteignent leur apogée
durant l ’ère Caïnozoïque, en particulier pendant l ’Anthropogène.
Comme nous venons de le voir, l ’histoire géologique connaît
des modifications brutales et multiples dans la composition du mon­
de organique: certains organismes apparaissent et d ’autres dispa­
raissent. Ce fut le cas, par exemple, vers la fin du Silurien quand les
Trilobites, certains Brachiopodes, les Tétracoralliaires, les Grap-
tolithes et d ’autres organismes décrûrent brusquement en nombre. Le
changement dans la faune et la flore fut encore plus grand à la fin
du Primaire quand disparurent de nombreuses espèces des groupes
très répandus au Dévonien, au Carbonifère et au Permien. Il en
a été de même vers la fin du Crétacé qui a été marquée par l ’extinc­
tion des Ammonites et des Bélemnites, de certaines familles de Pro­
tozoaires et de Ptérosauriens, tandis que le nombre des reptiles
terrestres diminuait brutalement. Enfin, un autre renouveau de la
faune se produisit vers la fin du Paléogène. Ces modifications dans
la composition de la faune ne peuvent être expliquées que par des
changements dans les conditions physico-géographiques résultant de
mouvements orogéniques puissants. Or, de tels mouvements se sont
justement produits au Silurien, à la fin du Primaire, à la fin du Cré­
tacé, à la fin du Paléogène et du Néogène.
Ainsi, l ’étude de la faune et de la flore fossiles permet non seule­
ment d ’identifier l ’âge des dépôts, mais aussi de se faire une idée des
conditions physico-géographiques qui ont existé aux époques depuis
longtemps révolues.
Quels sont les critères suivant lesquels se détermine la classifica­
tion stratigraphique et la hiérarchie chronologique (ou l ’histoire
géologique) qui lui correspond établie au tableau 1 ? Ils sont nom­
breux. C’est d ’abord la composition de la faune et de la flore fossiles.
Chaque période possède une faune et une flore caractéristiques; les
différences observées sont suffisantes pour établir l ’appartenance des
28
dépôts possédant un certain complexe de fossiles à tels ou tels sérié,
système, sous-système (ou groupe), etc.
Il faut ensuite tenir compte des traits particuliers de la sédi­
mentation et de la destruction parallèle des roches qui sont aussi des
critères importants. Certes, à toutes les époques les limons, le sable,
les débris d'organismes se sont déposés dans les mers et ont formés
par la suite l ’argile, le grès, le calcaire; mais chaque période était
pourtant caractérisée sous ce rapport par des traits particuliers.
C’est pourquoi les données lithologiques (sur la composition des
roches sédimentaires) peuvent, au même titre que les éléments paléon-
tologiques, servir de critères aux divisions stratigraphiques.
L ’étude des changements paléogéographiques, c’est-à-dire de la
répartition dans le passé des mers et des continents, du relief terres­
tre et sous-marin, des modifications du climat, etc., fournit de
même des renseignements importants. Chaque époque est caractérisée
par son milieu physico-géographique dont les modifications brutales
permettent justement de diviser l ’histoire de la Terre en ères, pério­
des, etc. Une étude détaillée des séries sédimentaires recrée avec une
grande précision l ’ambiance physico-géographique des temps révolus.
Il convient également de tenir compte de la nature, de l ’ampleur
et des autres particularités des mouvements de l ’écorce terrestre ayant
entraîné des perturbations à telle ou telle période. Ces mouvements
sont appelés tectoniques. Ils sont à 1 origine des plis, fractures et au­
tres dérangements de la stratification normale des roches sédimentai­
res, ainsi que des chaînes de montagnes et de divers accidents du
relief, des phénomènes volcaniques, des tremblements de terre et
d ’autres manifestations de la vie interne du globe. Chaque période
est caractérisée par des mouvements tectoniques ayant un rythme
particulier et pouvant donc aussi être utilisés pour déterminer tel­
les ou telles divisions chronologiques.
Enfin, les renseignements sur l ’activité volcanique (ou, dans un
sens plus large, magmatique) d ’une période donnée, le degré de méta­
morphisme, c’est-à-dire des changements que les roches subissent
sous l ’action des températures ou des pressions élevées, sont égale­
ment utilisés pour établir les divisions plus ou moins détaillées des
temps géologiques.
Telles sont les méthodes principales employées pour définir les
unités de l ’échelle stratigraphique et chronologique.
Pour venir à bout de cette tâche il suffit d’étudier toute la série
des roches de la région considérée en allant de bas en haut, des ter­
rains les plus anciens aux plus jeunes, anthropogènes.

§ 2. Chronologie géologique absolue


Il s ’ensuit de l ’exposé ci-dessus que le recours à la chronologie
relative ne présente pas de difficultés. Pourtant, il importe quand
même de connaître l ’âge absolu des roches, le temps géologique
29
absolu, et cela non seulement pour des buts pratiques. Pour résoudre
nombre de problèmes théoriques de la géologie il est nécessaire de pos­
séder des données exactes sur le temps écoulé depuis tel ou tel événe­
ment dans l'histoire de la Terre. Or, comment faut-il procéder pour
calculer cette durée?
Imaginons le procédé suivant: supposons que l'on connaisse
Vépaisseur d ’une série sédimentaire ainsi que la vitesse de la sédi­
mentation, c'est-à-dire l ’épaisseur de la couche qui correspond à un
certain intervalle de temps, à une année, par exemple. Il est facile
alors de calculer le temps nécessaire pour l ’accumulation de toute la
série considérée. Des tentatives de ce genre sont connues. Ainsi,
J. Murray supposait que les cours d ’eau transportent chaque année
vers la mer près de 16 km3 de matériaux solides, ce qui correspond en
moyenne à 0,11 mm de dépôt par an sur le fond. Si l ’épaisseur totale
des roches sédimentaires de toutes les séries est d ’environ 150 km,
on en déduit que leur accumulation dans les mers a duré 1,5 • 10° ans.
D’autres calculs du même genre donnent un chiffre tout à fait dif­
férent: 70 • 10# ans (Ch. D. Walcott).
L ’analyse de toutes les données ainsi obtenues permet de conclure
que depuis le début du Cambrien il s ’est écoulé plusieurs centaines de
millions d ’années.
On peut également procéder d ’une autre manière. On sait que
l ’eau de l ’océan contient une grande quantité de sels et surtout du
sel gemme (chlorure de sodium NaCl). La plus grande partie de ces
sels est, sans doute, apportée par les cours d ’eaux qui érodent les
roches. On connaît la quantité de sels amenée chaque année par les
cours d ’eau; certes, les chiffres ne sont pas très précis, mais ils
permettent d ’établir un ordre de grandeur. Connaissant la teneur
actuelle en sels de l ’eau océanique, on peut calculer le temps mis
pour l ’atteindre ; or, elle est d ’environ 3,5% de toute la masse d ’eau.
L ’erreur essentielle peut résulter ici du fait que nous ne tenons pas
compte du sel accumulé dans les roches en place et qui se sont dépo­
sées dans les mers en instance de dessèchement des périodes révolues
mais qui entrent dans le bilan global de la circulation des sels. Les
calculs effectués suivant cette méthode évaluent de 0,3 à 1,5 mil­
liard d ’années la durée du temps écoulé depuis le début du
Primaire.
Une méthode originale et suffisamment précise pour établir
l ’âge absolu a été élaborée lors de l ’étude des dépôts glaciaires de
l ’Anthropogène (Quaternaire). Dans le complexe de dépôts divers
laissés par les glaces continentales qui couvraient dans un passé
récent de larges étendues du Nord de l ’Europe on rencontre des argi­
les fines à stratification régulière (fig. 7). Les argiles très fines succè­
dent chaque fois à des argiles plus grossières et même à des sables
fins. On estime que ces argiles dites rubanées se sont accumulées au
fond des lacs formés par la fonte des glaces ; les couches fines se dépo­
sant en hiver, et les couches plus grossières, en été. Ainsi, le nombre
30
des couches accouplées dans la série glaciaire correspond au nombre
d ’années qu’a duré leur accumulation. Il s’est avéré que depuis le
début de la sédimentation des argiles feuilletées dans l ’Europe du
Nord il s ’est écoulé environ 16 500 ans. La glaciation Valdaïenne
(Würm) qui a laissé des moraines puissantes (plateau du Valdaï)
a débuté il y a 90 000 ans; la glaciation Dnieprienne (Riss), dont
l ’extention a été la plus massive, car le front glaciaire a atteint les

Fig. 7. Affleurement des argiles rubanées, dépôts des lacs glaciaires de la


fin de la glaciation zyriannienne (Antropogène supérieur). Rivière Synia,
bassin du fleuve Petchora

cours inférieurs du Dniepr et du Don actuels, date de 200 000 ans;


depuis le début de la glaciation Likhvinienne (Mindel) il s ’est écoulé
450 000 ans. En comparant les diverses estimations on arrive à la
conclusion que la période anthropogène peut être évaluée à environ
un million d ’années.
D’autres tentatives ont été faites pour déterminer l ’âge absolu
de la Terre en calculant la contraction de la surface terrestre par
suite du refroidissement, ou bien la vitesse de l ’érosion chimique 1,
ou encore la vitesse de l ’accumulation des calcaires ou des dépôts
littoraux, etc.
Tout ingénieux et divers que soient ces procédés, ils sont cepen­
dant loin d ’être précis et ne donnent pas généralement de résul-

1 L’érosion est l'ensemble des phénomènes de destruction des roches à la


surface terrestre et d’évacuation des débris vers les zones déprimées.
31
lats assez surs pour l ’élaboration d ’une chronologie géologique
absolue.
Une solution radicale a été proposée par les physiciens et les
géochimistes.

§ 3. Détermination de l’âge des roches


par l’étude de la radio-activité
Ordinairement les roches contiennent une certaine quantité,
ne serait-ce que la plus infime, d ’éléments radio-actifs comme l ’ura­
nium (U), le radium (Ra), le thorium (Th), le potassium (K) et de
leurs isotopes1. Avec le temps ces éléments se désintègrent sponta­
nément en se transformant en d ’autres éléments comme le plomb
(Pb) et l ’hélium (He) suivant, par exemple, le schéma suivant:
U235 —> Pb207, U238—> Pb206, Th232 —>Pb2oa.
Les facteurs externes n ’influent pas sur le déroulement du phé­
nomène. Dans la plupart des cas sa durée est très grande. Ainsi,la
moitié des atomes de thorium qui l ’ont constitué au moment initial
se décomposent en 1,4 • 107 ans; la moitié des atomes d’uranium,
en 7 • 103 ans. Une analyse minutieuse de la composition d ’une
roche permet d ’établir le nombre d ’atomes de plomb ou d ’hélium
apparus depuis sa formation ainsi que la quantité de l ’élément
radio-actif non encore décomposé et de calculer sur cette base
l’âge de la roche en question.
«Pour définir l ’âge géologique absolu on peut recourir à tout
phénomène se déroulant soit à une vitesse constante, soit à une vites­
se variant au cours de l ’existence de la croûte terrestre d’une façon
bien déterminée, mais à la condition que sa vitesse actuelle soit
connue et qu’on puisse définir quantitativement les modifications
provoquées depuis son début», écrivait dès 1935 V. Khlopine, spécia­
liste éminent de radiochimie. Il n ’y a que la désintégration radio­
active qui répond à ces conditions. En effet, les connaissances physi­
ques actuelles, fondées sur les données expérimentales, permettent de
considérer que pratiquement, pendant tout le temps géologique, la
vitesse de la décomposition spontanée a été constante (compte tenu
de la précision des observations) ; les produits terminaux de la décom­
position (plomb, hélium) restent aussi pratiquement stables; la
précision des constantes radio-actives est suffisante pour l ’établis­
sement de l ’âge géologique (I. Starik, 1954).
Prenons un exemple. Supposons que l ’analyse a permis de déce­
ler qu’un minéral contient 8,7 g d ’uranium et 1,125 g de plomb.
Autrefois, ce plomb était de l ’uranium; à l ’époque son poids n ’était

1 Les isotopes sont les variétés d'un élément chimique qui se distinguent
par leur poids atomique (Pb206, Pb20", Pb208) et donc par certaines propriétés,
notamment la radio-activité.
32
pas 1,125 g, mais d ’autant de fois plus grand qu’un atome d ’uranium
est plus lourd qu’un atome de plomb, c’est-à-dire de 238/206
fois, d ’où
238
1,125 x 2Ô6 = 1,3.
Donc, 1,125 g de plomb se sont formés à partir de 1,3 g d ’uranium ;
la quantité initiale d ’uranium était de 10 g, alors qu’il n ’en reste
que 8,7, soit 87%. On sait que 1 g de plomb se forme à partir de
100 g d’uranium en 79 • 10® ans. Donc, notre minéral a environ un
milliard d ’années (t = 1,3 X 79 • 10® » 1 • 10® ans).
A. Holmes a proposé la formule approximative suivante :
7-220-10«Pb
U-f-0,58Pb" anSî

où U et Pb sont les quantités d ’uranium et de plomb trouvées dans


le minéral ; et t le temps recherché.
Ces derniers temps on recourt en U.R.S.S. à la méthode de l'argon
basée sur le fait que la radio-activité transforme l ’isotope du potas­
sium de poids atomique 40 en gaz argon du même poids atomique.
En établissant la teneur des roches à minéraux de potassium en iso­
topes correspondants d ’argon et de potassium on peut trouver l ’âge
Ar^®
de ces roches d ’après le rapport - j ^ - .
On a proposé aussi la méthode du rubidium-strontium et cer­
taines autres encore.
Pour dater les roches récentes formées au cours des dernières
étapes de l ’histoire géologique on recourt à la méthode du radiocar-
bone. L ’atmosphère contient des isotopes radio-actifs du carbone
C11 dont la demi-période de désintégration est de 5 568 ans. Leur
apparition est due à l ’action des rayons cosmiques sur l ’atmosphère,
dans laquelle les neutrons formés entrent en réaction avec l ’isotope
de l ’azote NM pour donner un isotope radio-actif du carbone. Ce der­
nier est absorbé par les plantes avec l ’acide carbonique. Tant que
la plante vit, son rapport entre le carbone radio-actif et celui qui
ne l ’est pas ne change pas. Quand elle meurt, la quantité du radio-
carbone diminue par suite de la désintégration. Pour établir l ’âge
de la roche il faut trouver la quantité du radiocarbone contenu dans
les plantes qu’elle a fossilisées. Quand on connaît la demi-période
du radiocarbone et sa quantité actuelle, on peut calculer le temps
écoulé depuis la mort des plantes et dater ainsi la roche qui les con­
tient. Ce procédé est surtout prometteur pour l ’étude des dépôts
quaternaires et des fouilles archéologiques ou même les recherches
historiques. En guise d ’exemple on peut citer la détermination
de l ’âge d ’un morceau de bois du pont du bateau mortuaire de Sé-
sostris III : 3 621 ans; d ’un morceau de bois d’un cercueil de la pé­
riode des Ptolémées d ’Egypte : 2190 ans, etc. Ces chiffres ne sont
pas très exacts, car la précision du procédé ne dépasse pas encore
200 ans, mais son intérêt est tout de même incontestable.
Les méthodes basées sur la décomposition radio-active ont per­
mis de dater les roches les plus anciennes. Ainsi, on a trouvé que
l ’âge de certaines roches ante-cambriennes de la presqu’île de Kola
est de 1850-10e ans, celui de certaines roches du massif cristallin
d ’Ukraine, de 1950-10® ans, celui de roches cristallines du Caucase
de 300 •10® ans ; certains minéraux sud-africains comptent 2,7 • 109 ans,
et peut-être même 3,2-10® ans. Enfin, l ’analyse isotopique de plu­
sieurs minéraux de plomb (galène) a conduit A. Holmes à conclure
que la consolidation de l ’écorce terrestre a commencé il y a environ
3,4-10® ans. Le minéral le plus ancien de ceux qui ont été étudiés
jusqu’à présent est la monazite des filons pegmatitiques de Rhodésie;
d ’après la méthode du plomb elle date d ’environ 2600-10® ans.
L ’emploi de diverses méthodes dont la plus importante est celle
de la décomposition spontanée de certains éléments a permis d ’éta­
blir une échelle approximative de la chronologie absolue, c’est-à-dire
de déterminer la durée des ères et des périodes en millions d ’années.
Ces renseignements sont donnés au tableau 1. L ’Archéozoîque (Ar-
chéen) a probablement débuté il y a près de 2 milliards d ’années.
L’âge de l’écorce terrestre doit être de 3 à 4 milliards d’années
(I. Starik). La Terre comme planète est sans doute encore plus vieil­
le. Les calculs effectués par la même méthode et complétés par des
considérations cosmogoniques donnent de 3 à 6 milliards d ’années.
L ’homme peut difficilement se représenter une durée aussi grande.
Il est curieux de noter sous ce rapport que l ’âge du Soleil est de
5-1013 ans (50 billions d ’années), alors que la vie d ’une étoile moyen­
ne (y compris le Soleil) est de 2-1015 ans (2 milliards de millions
d ’années). Au début du X IX e siècle, Jean Lamarck, le grand
naturaliste français, écrivait que pour la Nature le temps n ’a pas
d ’importance; il est toujours à sa disposition et est pour elle
illimité.
Il faut croire que, le temps aidant, nous pourrons utiliser large­
ment la méthode de détermination de l ’âge absolu des roches, ce
qui rendra bien plus facile la recherche géologique et permettra de
préciser les résultats obtenus.

§ 4. Les phénomènes géologiques


Pendant toute son existence, la Terre a subi une longue série
de modifications. Au fond, elle n ’a jamais été telle qu’elle fut au
moment précédent. Elle se modifie d ’une façon continue. Tout chan­
ge, sa composition, son état physique, son aspect extérieur, sa posi­
tion dans l ’espace et ses liens avec les autres partenaires du sys­
tème solaire.
Il est difficile de dire quels ont été les changements pendant la
phase initiale de son évolution, c'est-à-dire durant la période de
34
sa formation comme planète. C’est un problème qui concerne davan­
tage la cosmogonie que la géologie. Ce qui est certain, c’est que
cette période a connu des processus très compliqués tels que la con­
densation de la matière et l ’élaboration de la forme de la Terre,
qui est un ellipsoïde de révolution.
L ’histoire postérieure de la Terre a été déterminée par les inter­
actions et les modifications des forces qui continuent à agir au sein
du globe et que nous pouvons étudier avec une précision plus ou
moins grande. Parmi ces forces il y a Vattraction entre les particu­
les qui forment le globe terrestre ainsi que les liaisons gravitation­
nelles agissant entre la Terre, la Lune, le Soleil et les planètes; les
forces centrifuges, produites par la rotation de la Terre sur son axe
et régies par les changements de la vitesse de cette rotation ; les
forces engendrées par la modification de la chaleur interne, c’est-
à-dire de la température à l ’intérieur de la Terre; les forces ayant
pour origine les transformations chimiques au sein du globe et le
changement de l ’état à'agrégation de la matière du fait des tempé~
ratures et des pressions élevées ; enfin, les forces dues aux facteurs
externes, surtout au Soleil qui agit sur les masses d ’eau et d ’air et
conditionne ainsi leurs mouvements.
En examinant les modifications provoquées par ces forces on
peut les classer conventionnellement en deux groupes.
Dans le premier on mettra toutes celles qui se déroulent au sein
du globe et qui dépendent peu des facteurs extérieurs. On les rap­
porte à la branche de la géologie qui s ’appelle géodynamique inter­
ne. Les phénomènes internes sont à l ’origine de la naissance et de
l’évolution des continents, des cuvettes océaniques et des chaînes
de montagnes. Ils sont également responsables du volcanisme et
des autres manifestations magmatiques, des mouvements de l ’écor­
ce terrestre, des dislocations plicatives et de rupture et des autres
déformations de l ’écorce, ainsi que des mouvements oscillatoires.
Le métamorphisme, terme qui traduit les changements dans la com­
position et la structure des roches, y est aussi relié. Les tremblements
de terre sont également déclenchés par ces forces. Les phénomènes
internes sont très variés et très compliqués ; ils sont intimement
liés les uns aux autres, et pour comprendre les lois qui les régissent,
il faut les étudier sous tous leurs aspects.
Les modifications du deuxième groupe sont dues surtout aux
facteurs agissant de l'extérieur sur le globe et qui se manifestent
à sa surface. Ce sont les déplacements continus de l ’air et des eaux,
la circulation de l ’eau dans l ’atmosphère, à la surface et dans le
sous-sol, les transformations physiques et chimiques de la matière
sous l ’action des processus d ’altération, la destruction, le transport
et l ’accumulation nouvelle des roches, l ’activité biologique des
organismes, etc. Tous ces phénomènes sont rassemblés sous le terme
de la géodynamique externe. Il est commode de les classer suivant
leur importance et le rôle des divers agents extérieurs en processus
3* 35
d'altération, actions du vent, des eaux courantes superficielles et
souterraines, des lacs et des marais, des glaciers, des mers et des
océans.
Les phénomènes externes constituent un tout très compliqué
de modifications mutuellement liées. On ne peut procéder à l'étude
de l ’une de ces forcessans s ’intéresser aux autres. Seule leur analyse
commune permet de comprendre le tableau des variations de l ’en­
semble et d ’établir les lois qui les régissent.
Ces considérations concernent également l ’ensemble des phéno­
mènes dont la Terre est le théâtre, qu’ils soient externes ou internes.
Ces phénomènes sont liés les uns aux autres, se conditionnent réci­
proquement et reflètent toute la complexité, la diversité, mais
aussi l ’unité des forces en action au sein de la Terre. Il est impossi­
ble d ’examiner les phénomènes externes, par exemple, sans étudier
les phénomènes internes. Ainsi, le relief d ’un pays de montagnes
est, d ’une part, déterminé par la puissance et la vitesse des mouve­
ments de l ’écorce terrestre qui se traduisent par des soulèvements
et des déformations de certains secteurs de l’écorce; mais, en même
temps, il est conditionné par l ’intensité et l ’orientation au lieu con­
sidéré des facteurs externes, comme l ’altération, les eaux courantes,
le vent et la glace. Du jeu des facteurs internes et externes, de leurs
interactions et actions contraires résulte la complexité du modelé
des régions de montagnes. Les variations des rapports entre ces
forces internes et externes sont à la base de la diversité de la struc­
ture de l ’écorce terrestre et de la forme de sa surface.
Une autre illustration de l ’unité des phénomènes externes et
internes peut être fournie par les glaciations continentales. On sait
que l ’axe de la Terre change continuellement de position, bien que
très lentement; la situation des régions polaires varie donc aussi,
et il en est de même des continents. Le climat ne reste pas non plus
inchangé, il devient tantôt froid, tantôt chaud. Dans certaines condi­
tions le concours des circonstances peut être tel qu’une région de la
zone tempérée se retrouve dans la zone polaire et c’est le déclenchement
de la glaciation. Le sol se couvre d ’une couche de glace épaisse de
plusieurs kilomètres. Le poids de cette glace est une charge supplé­
mentaire qui déprime le secteur considéré de l’écorce terrestre.
Par la suite, avec la fonte des glaces cette surcharge disparaît, la
partie de l ’écorce allégée « se soulève » et tend à reprendre sa posi­
tion antérieure. C’est actuellement le cas de la péninsule Scan­
dinave.
Des exemples de ce genre peuvent être multipliés à loisir. Ils
illustrent tous le fait que les phénomènes internes et externes cons­
tituent un tout et que c’est seulement leur étude commune qui peut
être vraiment fructueuse.
En procédant à l ’étude des phénomènes externes et internes, il
faut absolument envisager la Terre dans son évolution continue
et orientée du simple au complexe dans son développement déterminé
36
par la lutte des contraires inhérente à chaque objet, qui se manifeste
par des transformations progressives, invisibles, faisant passer l’objet,
dès qu’une certaine limite est atteinte, à un nouvel état qualitatif;
dans un développement qui reflète l ’interaction de l'objet géologique
donné et du milieu qui l ’entoure. Ce n ’est qu’ainsi qu’il convient
d’étudier chaque phénomène, suivant les impératifs de la dialec­
tique.
Dans ce contexte on comprend donc que la délimitation rigou­
reuse des phénomènes externes et internes n ’est que conventionnel­
le, et n ’est adoptée que pour simplifier l ’exposé des problèmes très
complexes. Elle peut être admise lorsqu’il s ’agit d ’analyser des
questions particulières, mais elle ne doit pas voiler l ’essentiel qui
est l'unité organique de tous les phénomènes dont la Terre est le siège,
qu'ils soient internes ou externes, l'unité qui constitue le principe
fondamental de l'évolution du globe terrestre.
Un principe qui a reçu le nom d'actualisme a acquis une impor­
tance particulière pour l ’étude des phénomènes géologiques anciens.
11 se résume par la formule très brève: « Le présent est la clé du
passé ». En d ’autres termes les phénomènes géologiques actuels
peuvent être utilisés pour expliquer les phénomènes analogues du
passé. Ceci est valable jusqu’à un certain point, mais le fait que
la Terre est le siège de transformations ininterrompues conditionne,
avec le temps, les modifications de l ’environnement géologique réel
ainsi que les phénomènes géologiques eux-mêmes. Le principe
d ’actualisme a donc des limites et si l’on y recourt sans réserve, on
ne peut aboutir qu’à de graves erreurs.
DEUXIÈME PARTIE

Géodynamique externe
CHAPITRE 3

Notions essentielles sur Tatmosphère

Les processus géologiques qui se déroulent à la surface de la Ter­


re sont étroitement liés à l ’atmosphère, enveloppe gazeuse qui est
extérieure aux géosphères.
Sa limite inférieure est la surface de la lithosphère et de l ’hydro­
sphère, bien que, de fait, l ’air remplisse les vides, petits ou grands,
de la lithosphère et soit dissout dans l ’eau des mers et des océans.
L ’atmosphère est un mélange de divers gaz dont la composition
et la proportion varient avec l ’altitude. Près du sol, l ’air est com­
posé surtout d ’azote (environ 78 %) et d ’oxygène (environ 21 %).
La proportion des autres gaz ne dépasse pas 1 %, dont 0,93% de
A et 0,03 % de COo- Avec l ’altitude on enregistre une réduction
de la proportion de l ’oxygène et une augmentation de celle de l ’azo­
te. A une altitude de 80 ou 100 km on note la présence d ’hélium et
d ’hydrogène, alors que la quantité des gaz lourds (argon et anhy­
dride carbonique) diminue sensiblement. Pourtant, l ’air à toutes
les altitudes est surtout composé d ’azote et d ’oxygène, fait qui
s ’explique par un brassage continu de l ’air.
On distingue dans l ’atmosphère trois couches concentriques:
la troposphère (« constamment agitée ») contiguë à la lithosphère,
la stratosphère (« stratifiée ») qui se trouve au-dessus et, enfin,
l ’ionosphère, la couche extérieure. Pour la géologie ce sont les cou­
ches inférieures de l ’atmosphère (la troposphère) qui ont le plus d ’im­
portance
Troposphère. Son épaisseur moyenne est de 10 à 11 kilomètres.
Au-dessus de l ’équateur elle est d ’environ 17 km et au-dessus des
pôles de 8 km.
La troposphère est caractérisée par une teneur variable en va­
peur d ’eau, une mobilité des masses d ’air dans les sens vertical et
horizontal, une décroissance progressive de la température avec
l ’altitude à raison de 0,5-0,6° par 100 mètres; c’est pourquoi au-des­
sus de l ’équateur à la limite supérieure de la troposphère elle atteint
—80° ; la température des parties supérieures de la troposphère est
en moyenne de —55°.
La vapeur d'eau contenue dans la troposphère s ’y trouve en
quantité variable : tantôt elle se condense pour former des précipi-
41
tâtions, pluie ou neige, tantôt elle disparaît presque totale­
ment.
On distingue l ’humidité de l ’air absolue et l ’humidité relative;
l ’humidité absolue désigne la tension de la vapeur d ’eau à un moment
donné, alors que l'humidité relative est le rapport entre la tension
observée réellement à un moment donné et celle qui est nécessaire
pour saturer le même volume à la même température. L ’humidité
absolue nous est fournie par la hauteur en millimètres de la colonne
de mercure. La quantité de vapeur d ’eau se trouvant dans l ’air
varie fortement avec la température. A 0°, 1 m3 d ’air peut conte­
nir 4,8 g de vapeur d ’eau, à 30°, cette quantité peut atteindre 30,4 g.
Ainsi, plus la température de l ’air est élevée et plus la quantité de
vapeur d ’eau qu’il peut absorber est grande.
L ’humidité absolue est maximale dans les pays équatoriaux
(20 mm et plus), elle est la plus faible dans les déserts et dans les
régions de grands froids. Ainsi, dans le Nord-Est de la Sibérie elle
tombe parfois à 0,03 mm. L ’humidité absolue est plus forte à la
saison chaude, alors que l ’humidité relative l ’est, au contraire,
à la saison froide.
Composition de l'air. Parmi les gaz entrant dans la composition
de l ’air c’est l ’oxygène qui a le plus d ’importance pour la vie orga­
nique. Les écarts de la normale du taux d ’oxygène ont un effet
néfaste sur un être vivant; s ’il s ’accroît, l ’oxydation (combustion)
est accélérée, s ’il diminue, ce processus se ralentit et l ’organisme
ressent un manque d ’air. On suppose que l ’oxygène libre de l ’air
vient en grande partie de l ’activité vitale des plantes vertes qui
par photosynthèse décomposent le gaz carbonique en carbone, neces­
saire à la plante, et en oxygène qui se dégage librement dans l ’air.
L ’azote joue dans ce cas le rôle de dissolvant d ’oxygène alors que
pour l ’organisme il constitue un milieu neutre.
La teneur de l ’air en gaz carbonique varie dans des proportions
plus grandes que celles en oxygène et en azote.
Le gaz carbonique est fourni par les volcans, les sources miné­
rales, la combustion des substances contenant du carbone, la décom­
position des organismes, la respiration, etc. C’est le plus lourd des
composants de l ’air; la quantité d ’anhydride carbonique est donc
toujours beaucoup plus grande dans les couches inférieures de la tro­
posphère que dans ses couches supérieures. La répartition géogra­
phique de l ’anhydride carbonique dépend aussi des conditions loca­
les. Au-dessus des océans, dans les régions polaires et là où la densité
de la population est faible, l ’air contient peu d ’anhydride carbo­
nique. Près des volcans en activité, dans les villes et les régions
industrielles sa quantité est parfois double de la normale.
Le gaz carbonique joue un rôle très important. Il constitue l ’ali­
ment principal des plantes à chlorophylle, il est un régulateur de
la température, car il laisse facilement passer les rayons lumineux
venant du Soleil et il retient la chaleur en la renvoyant lentement.
42
Si l ’anhydride carbonique venait à disparaître de l ’air, la tempéra­
ture moyenne annuelle de la Terre décroîtrait. Au contraire, si sa
quantité doublait par rapport à sa teneur actuelle, la température
s’élèverait de 4°.
L’atmosphère contient aussi de la vapeur d ’eau produite par
l’évaporation superficielle des mers et des continents. La vapeur
d’eau est d ’une grande importance: en se condensant elle forme des
nuages et des précipitations, ses transformations sont accompagnées
d’une absorption ou d ’un dégagement massifs de chaleur. E t en
conséquence, tous ces phénomènes se répercutent sur les phénomènes
dynamiques.
L ’oxygène, l ’anhydride carbonique et l ’eau sont les agents prin­
cipaux de l ’altération chimique des roches, ils provoquent l ’oxyda­
tion, l ’hydratation, la dissolution, etc., phénomènes couramment
observés à la surface terrestre.
L ’air contient toujours une certaine quantité de poussière dont
l’origine est très variée. La poussière soulevée dans l ’air peut être
produite par la déflation qui arrache à la surface terrestre de petites
particules de matières minérales; elle peut être due à la dispersion
par le vent des embruns qui laissent dans l ’air après évaporation
des particules de chlorure de sodium. La poussière peut aussi prove­
nir de la combustion du bois, du charbon, etc., ou de l ’impact des
météorites ou, enfin, des éruptions volcaniques. 1 cm3 d ’air con­
tient environ 250 000 grains infimes de poussière. Leur présence
diminue la transparence de l ’air et affaiblit l ’énergie des rayons
solaires qui traversent l ’atmosphère pour venir atteindre la surface
terrestre. Ces grains infimes constituent également des centres de con­
densation de la vapeur d ’eau et contribuent ainsi à la formation des
brouillards, des nuages et enfin des précipitations atmosphériques.
La quantité de grains de poussière diminue brusquement avec l ’al­
titude. C’est l ’air circulant au contact de la Terre qui en est le plus
chargé.
Mouvements de l ’air. L ’atmosphère subit l ’action directe des
radiations solaires. L’énergie de ces dernières est plus ou moins absor­
bée par toutes les géosphères, dont l ’atmosphère, la chaleur solaire
se transformant ainsi en énergie thermique. La transformation de
l’énergie est un phénomène compliqué qui est déterminé sur la Terre
par plusieurs facteurs à caractère général ou local. Parmi eux l ’ob­
liquité des rayons solaires exerce une influence importante sur les
phénomènes thermiques; elle dépend de la forme de la Terre et de
sa rotation sur elle-même, ainsi que de la position du globe sur son
orbite. La répartition de la chaleur dans l ’atmosphère conditionne
les mouvements de l ’air qui contribuent à l ’échange de chaleur
entre les hautes et les basses latitudes (déplacements horizontaux)
et entre les couches supérieures et inférieures de la troposphère
(déplacements verticaux). Le déplacement de l ’air à la surface de
la Terre doit être expliqué surtout par les différences de pression
43
atmosphérique. L ’air se déplace d ’une pression élevée vers une pres­
sion plus basse. La pression à son tour est conditionnée par la
température. Donc, les masses d ’air sont soumises à des forces tou­
jours renouvellées qui entretiennent continuellement le mouvement.
Des causes multiples contribuent au maintien de la différence de
pression atmosphérique en divers points du globe, il en résulte un
mouvement constant des masses d ’air dont l ’intensité dépend du
gradient de pression atmosphérique.
On sait que la pression exercée par une colonne d ’air sur la sur­
face terrestre est équilibrée par une colonne de mercure de même
diamètre, d ’une hauteur de 760 mm au niveau de la mer et à 45° de
latitude. C’est la pression atmosphérique normale. Elle décroît
avec l ’altitude, puisqu’elle est exercée par une colonne à masse
d ’air plus faible. Jusqu’à l ’altitude de 100 m, la pression tombe
d ’environ 1 mm tous les 11 mètres, et à 2 000 m, tous les 15 m. La pres­
sion à ces niveaux est respectivement de 600 et 300 mm.
La pression de l ’air est exprimée en bars (1 bar = 1 000 000 de
dynes par cm2 et correspond à 750,1 mm de la colonne de mercure)
ou en millibars (0,001 bar).
La répartition de la pression atmosphérique à un moment donné
est représentée sur une carte géographique par des lignes appelées
isobares reliant les points de même pression.
Les différences de pression atmosphérique sont dues surtout
à réchauffement inégal de la surface terrestre. En se réchauffant
l ’air se dilate, le poids de l ’unité de son volume diminue et il tend
à s ’arracher de la surface terrestre. Mais une fois parvenu à une
giande altitude, l ’air se refroidit, devient plus lourd et redescent
vers la surface terrestre. C’est ainsi que prend naissance la circula­
tion atmosphérique verticale qui ne dépasse pas 17 km (altitude maxi­
male de la troposphère). Simultanément il se produit un mouve­
ment d ’air dans le sens horizontal, des régions à haute pression vers
celles à basse pression. Ce mouvement est d ’autant plus rapide que
la différence de pression est plus grande. L ’air, quand il se déplace
dans le sens horizontal, s ’étend généralement sur de grandes distan­
ces; si des obstacles (chaînes de montagnes, par exemple) se dres­
sent sur son chemin, ils entraînent des mouvements verticaux.
Le mécanisme général de la circulation atmosphérique est très
complexe. Il est influencé par la forme de la Terre, sa rotation sur
elle-même, son mouvement de translation autour du Soleil, la répar­
tition des terres et des mers, le relief et d ’autres facteurs.
L ’observation de la répartition géographique des vents permet
d ’enregistrer une certaine zonalité. Dans la région de l ’équateur
où dominent les hautes températures et les basses pressions, ce sont
les déplacements ascendants qui prédominent. C’est la zone des cal­
mes équatoriaux caractérisée par l ’absence de vents. La différence
de pression entre les zones équatoriale et subtropicale (maximum
subtropical) est à l ’origine d ’un mouvement d ’air continu qui va
44
de la région subtropicale à l ’équateur et qui est connu sous le nom
d'alizé. Dans l ’hémisphère Nord, les alizés soufflent non pas du
Nord au Sud mais du Nord-Est au Sud-Ouest et dans l ’hémisphère
Sud, ils soufflent du Sud-Est au Nord-Ouest et non du Sud au Nord ;
ce phénomène résulte de la rotation terrestre.
Il existe des vents contraires, dits contre-alizés. Ils naissent
à 2,5-3 km d ’altitude, là où l’air chaud en provenance de l ’équateur
est contraint de s ’écouler vers le Nord et le Sud. Dans l’hémisphère
Nord la rotation de la Terre dévie les contre-alizés à droite, et dans
l’hémisphère Sud, à gauche.
Outre les alizés et les contre-alizés particulièrement réguliers
on connaît des vents périodiques: moussons, brises et vents des
vallées et des montagnes.
Les moussons sont provoquées par le fait de la différence de tem­
pérature saisonnière entre les continents et les bassins océaniques.
Quand en hiver le sol est très refroidi, les moussons soufflent de la
Terre vers la mer, en été, il se produit l ’inverse. Un régime typique
de moussons se rencontre en Inde, dans les îles de l ’archipel Malais,
en Afrique orientale, en Australie, etc.
Les brises apparaissent sur les rives des mers, des lacs et des
grands fleuves par suite de réchauffement différent du sol et de
l’eau. Le jour, quand le sol se réchauffe plus que l ’eau, la pression
de l’air au-dessus diminue et le vent souffle de la mer vers la terre
(brise de mer). La nuit, au contraire, le vent souffle de la terre vers
la mer (brise de terre). Les brises se manifestent sur les côtes des
mers Baltique, Caspienne, Noire, etc.
Il convient aussi de mentionner les brises des vallées et des mon­
tagnes qui le jour soufflent des vallées vers les montagnes fortement
réchauffées, et la nuit descendent des montagnes vers les vallées ou
les dépressions plus chaudes.
Il existe aussi des mouvements d ’air cyclonaux (cyclones et anti­
cyclones) caractérisés par le mouvement giratoire d ’énormes masses
d ’air. Dans les cyclones les masses d ’air se meuvent dans le sens
opposé aux aiguilles d ’une montre autour d ’un centre qui se déplace
également et où la pression est minimale. Dans les anticyclones, les
masses d ’air tournent dans le sens des aiguilles d ’une montre et la
pression atteint son maximum au centre. Ainsi, dans les cyclones
la pression croît du centre vers la périphérie, alors que dans les
anticyclones c ’est le mouvement contraire qui s ’observe (fig. 8).
Souvent les cyclones se déplacent à une grande vitesse. Un cyclone
qui atteint 50 à 70 m/s (de 190 à 260 km/h) provoque en passant
au-dessus de la mer de violents remous et déplace d ’énormes masses
d ’eau. Ainsi, les cyclones venant de l ’Ouest et passant au-dessus du
golfe de Finlande produisent dans la partie orientale du golfe un
remous d ’exhaussement qui arrête l ’eau de la Néva ou même lui fait
rebrousser chemin ; il en résulte parfois des inondations. Depuis 1703,
époque de la fondation de Saint-Pétersbourg, actuellement Lénin-
45
grad, jusqu’à nos jours on a enregistré dans cette ville plus de 300 inon­
dations. Les plus dévastatrices se sont produites en 1777, quand
le niveau de l ’eau est monté de 3,3 m, en 1824 (3,88 m) et en 1924
(3,82 m). Pendant ces inondations l ’eau a recouvert jusqu’à 65 km2
de la superficie de la ville. Une de ces inondations est décrite par
Pouchkine dans Le cavalier de bronze.
Dans la zone tropicale, le vent très violent des cyclones est capa­
ble de soulever dans l ’air et de transporter à des distances notables
II
t \
Nord Nord
N-E S -0

/ £ Sf ^ 0
Ouest ç» \ ( Basse
/. \ ^ Est
^ v ''+j>resstori\ Æ lV v \ H aute.
«O \ pression X. A

— v )
y y **
S-0 N-E
Sud Sud

Fig. 8. Schéma d’un cyclone (I) et d’un anticyclone (II) dans l ’hémisphère
Nord

des objets assez lourds. Ainsi, en 1831 à la Barbade un morceau de


plomb de 65 kg a été projeté à 500 m, un autre morceau de plomb
d ’environ 180 kg a été déplacé à une distance moindre. En 1870,
sur la même île, un ouragan a détruit un fortin de pierre ; de lourds
canons, des gens et du bétail ont été projetés à de grandes distances.
En 1935, il a fait dérailler en Floride six wagons de voyageurs.
Dans la zone tempérée, les cyclones se déplacent à des vitesses
moindres, mais là aussi leur force est parfois très grande. Un jour
une «pluie» étrange tomba pendant un fort orage accompagné d ’ouragan
et de grêle dans les environs du village Méchtchéry (région de la ville
de Gorki) : c ’était des pièces d ’argent, des kopecks des X IIe-XVIe
siècles. Le cyclone était sans doute passé au-dessus d ’un trésor
enfoui près de la surface et il 'avait entraîné les pièces d ’argent
légères (d’après S. Kalesnik).
Parfois de violents ouragans ont causé beaucoup de dégâts dans
les environs de Moscou en endommageant des édifices et des forêts.
Ainsi, par exemple, l ’ouragan de 1958 dévasta près de la station
Skhodnia une zone large de 1 km environ et longue de plusieurs kilo­
mètres; de gros arbres furent fauchés, certains arrachés, plusieurs
maisons furent endommagées, des toits emportés, etc. (fig. 9).
46
Précipitations atmosphériques. La condensation de la vapeur
d ’eau atmosphérique autour des germes de condensation que cons­
tituent les grains de poussière, se déplaçant dans la troposphère
aboutit à la formation de nuages. Si les gouttelettes d ’eau formant
les nuages sont de même dimension, de même charge, de même tem-

Fig. 9. Aux environs de la station Skhodnia après le passage d’un ouragan

pérature et se déplacent identiquement, le nuage ne se résoud pas en


pluie. Mais si l ’une de ces conditions varie, l ’équilibre est rompu et
la précipitation se déclenche.
La quantité d ’eau tombée pendant une certaine période est
mesurée par l ’épaisseur (en millimètres) de la couche d ’eau que les
précipitations forment sur la surface terrestre en supposant que l ’eau
ne s ’infiltre pas dans le sol, ne s ’évapore pas et ne s ’écoule pas vers
les zones déprimées. Ainsi pour Moscou, la «hauteur des précipita­
tions» est de 586 mm, c’est-à-dire que l ’eau tombée pendant toute
l ’année recouvrirait la ville d ’une couche de 586 mm d ’épaisseur.
La répartition des précipitations à la surface de la Terre est
très irrégulière. Dans certaines régions il en tombe très peu, notam­
ment dans le désert proche de la mer d ’Aral, où certaines années
la pluie ne tombe presque jamais, la somme annuelle des précipita­
tions ne dépassant pas 150-200 mm. Le désert de Thar (Inde) est aussi
très pauvre en précipitations: les masses d ’air le traversent du Sud
au Nord en se dirigeant de l ’océan vers les montagnes sans l ’arroser
par des pluies. Mais les mêmes masses d ’air après avoir atteint les
47
versants exposés au vent des piémonts de l ’Himalaya déversent un
volume d’eau considérable. Dans le bassin de l ’Indus la somme annuel­
le des précipitations dépasse 12 500 mm. Or, ces contrastes sont
observés en des points distants seulement de quelques 400 km.
Sur le territoire de l ’U.R.S.S. la distribution des précipitations
est régie par les lois générales suivantes. Le littoral de la Baltique
est très humide. Vers l ’Oural et la dépression Caspienne, la hauteur
des précipitations annuelles diminue progressivement de 700 mm pour
le littoral baltique jusqu’à 200 mm pour la Caspienne. Sur la côte
de la mer Noire, la somme annuelle dépasse par endroits 2 000 mm,
mais à l ’intérieur de la dépression Caspienne (Koura-Araksinskala),
elle tombe à 150-200 mm. Les cyclones charrient de grandes masses
d ’air humide de l ’océan Pacifique jusqu’au littoral de l ’Extrême-
Orient russe. Là, ces masses butent contre l’obstacle formé par les
chaînes de montagnes, se déchargent rapidement de leur eau et plus
loin, dans la Sibérie orientale, les précipitations deviennent déjà ra­
res, à peu près autant que l ’on en enregistre dans les déserts de l ’Asie
centrale. Ainsi, au voisinage de la mer d ’Aral et dans la région de
Verkhoîansk la quantité des précipitations est à peu près la même,
bien que les climats de ces deux régions se différencient notablement.
La température de l ’air, la pression, l ’humidité absolue et l ’hu­
midité relative varient assez vite dans un endroit donné et durant
une période déterminée. Cet ensemble de conditions temporaires
de l ’atmosphère porte le nom de temps. Le temps, c’est l ’état des
facteurs climatiques d ’un point donné à un moment donné. Au
même moment et en divers endroits, le temps peut être très diffé­
rent. Souvent au même endroit il change en quelques heures. Mais
si, au contraire, on considère l ’état moyen des facteurs climatiques
pendant plusieurs années, on obtient la notion de climat ; le climat
d ’un point de la surface terrestre est l ’ensemble des phénomènes
météorologiques se succédant en corrélation avec les conditions
géographiques et dont l ’expression concrète est le régime du temps
moyen observé pendant plusieurs années. Les climats sont plus
stables que le temps, mais ils varient aussi bien que la période de
cette variation soit beaucoup plus longue.
Les facteurs principaux qui caractérisent un climat sont: latitude
géographique, distribution des eaux et des terres, relief, propriétés
des masses d ’air dominant localement, couverture végétale et,
enfin, activité de l ’homme qui modifie cette couverture et les sols,
qui construit de grandes villes, crée des réservoirs d ’eau et transfor­
me la nature. Les zones climatiques principales du globe sont les zones
équatoriale, tropicale, subtropicale, tempérée, froide ou polaire.
Les mouvements de l ’atmosphère dans les couches inférieures
exercent une action notable sur le déroulement des phénomènes
géologiques dans la zone superficielle de l ’écorce terrestre. Les
agents atmosphériques sont parfois des facteurs décisifs de l ’alté­
ration des roches et de la transformation du relief.
CHAPITRE 4

Processus d’altération

§ 1. Notions générales sur l'altération des roches


On appelle altération sur place l ’ensemble des phénomènes de
désagrégation mécanique et de décomposition chimique des miné­
raux et des roches dus aux variations de la température, à l ’action
des eaux, de l ’oxygène, de l ’anhydride carbonique et des organismes.
Les roches de la partie superficielle de l ’écorce terrestre étant en inter­
action constante avec l ’atmosphère, l ’hydrosphère et la biosphère,
subissent diverses modifications notables dans leur composition
et leur état. La grande majorité des roches a été formée dans des
conditions thermodynamiques spécifiques, au sein de la Terre, dans
des zones d ’activité du magma et des processus métamorphiques,
ou bien au fond de la mer. Une fois remontées à la surface, les roches
se retrouvent dans un environnement physique et chimique nouveau,
deviennent instables et commencent à se désagréger sous l ’action de
divers facteurs. Ces modifications subies par les roches présentent de
grandes différences. Dans certains cas, il y a fragmentation en débris
de diverses grandeurs ou même désagrégation de la roche en minéraux
qui la composent. Parfois, l ’action des agents chimiques modifie
radicalement la nature des roches et des minéraux et contribue
ainsi à la formation de minéraux se distinguant radicalement des
précédents. Suivant les facteurs qui agissent sur les roches et ies
résultats de cette action, les processus d ’altération peuvent être
classés schématiquement en deux groupes :
1) processus de désagrégation physique;
2) action chimique.
Ces deux formes d ’altération des roches sont étroitement associées,
elles agissent ensemble et simultanément et ce n ’est que l ’intensité
de leur action qui varie. Cette dernière dépend du climat, du relief,
de la durée de l ’action, de la nature des roches, etc.

§ 2. Processus de désagrégation physique


La désagrégation des roches a des causes diverses, pourtant le
rôle décisif appartient aux forces qui provoquent le déplacement
mécanique des particules. Ce mouvement détruit la cohésion des
4—927 49
parties constituantes des roches. Le mode de désagrégation diffère
selon la nature du facteur qui agit. Quelquefois, le mouvement se
produit au sein de la roche-même, sans action mécanique venant
de l ’extérieur, par exemple lors du changement de volume des par­
ties composant la roche, dû aux variations de température. C’est
alors la désagrégation thermique. Dans d ’autres cas, la fragmentation
des roches se produit sous l ’action mécanique des agents extérieurs:

Fig. 10. Désagrégation des roches et leur desquamation

éclatement provoqué par le gel de l ’eau, croissance des cristaux,


extension du réseau radiculaire des arbres, etc.; ce phénomène est
appelé désagrégation mécanique.
La désagrégation thermique est un des phénomènes les plus
courants; elle résulte des variations de température, c’est-à-dire
du réchauffement ou du refroidissement inégal des roches. Quand la
température varie, les grains de minéraux qui constituent les roches
se dilatent ou se contractent. Comme la chaleur ne pénètre que len­
tement à l ’intérieur de la roche, les parties formant son enveloppe se
dilatent plus vite que les parties centrales. Le même phénomène se
produit lors du refroidissement. La contraction des roches pendant
la nuit est dirigée de la surface vers l'intérieur et agit simultanément
avec la dilatation déclenchée par l ’insolation diurne contribuant
ainsi à l ’accentuation de la désagrégation. Telle est l ’origine de la
fissuration parallèle à la surface extérieure des roches et de l ’écail-
lement (desquamation) de ces dernières (fig. 10).
50
Les roches peuvent avoir une composition minérale hétérogène-
ou homogène. Les roches hétérogènes sont évidemment les plu»
susceptibles d ’être atteintes par la désagrégation thermique. Les-
divers minéraux qui les composent ont un coefficient de dilatation
différent (tableau 3), c’est pourquoi les variations de température
produisent des déformations inégales.
Tableau 3
Coefficient de dilatation
de certains minéraux
(d’après Clarke)

Coefficient
Minéral de dila tatio n

Quartz 0,000310
Orthose 0,000170
Amphibole 0,000284
Calcite 0,000200

Le coefficient de dilatation linéaire varie même pour un minéral


donné suivant la direction choisie dans le cristal pour les mesures.
Quand l ’action des variations de température est prolongée,
la différence entre les coefficients de dilatation de divers minéraux
provoque la rupture de la cohésion entre les grains et la roche se
fissure et se fragmente. Le même phénomène est observé dans les
roches homogènes (marbre, quartzite, calcaire, grès) où il est dû
à l ’anisotropie des cristaux qui les composent. i
Tableau 4

Coefficient
Minéral de dila ta tio n
linéaire

Calcite || L3 20 25,6 X 10-6


Calcite _L L3 20 55 X 10~«
Quartz || L3 20 7,5 X 10-e
Quartz J_ L3 20 13,7 X 10“°

Le coefficient de dilatation linéaire des cristaux de quartz et de


calcite dans le sens perpendiculaire à l ’axe de symétrie L3 est presque
le double de celui mesuré dans le sens parallèle à cet axe (tableau 4).
Les variations de température créent donc des contraintes locales
même dans une roche homogène qui provoquent au bout d ’un certain
temps la désagrégation.
4* 54
La différence de couleur des roches influe aussi sur l'intensité de la
désagrégation thermique. Les roches soumises à l'insolation se
réchauffent beaucoup plus fort que l ’air qui les entoure, mais ce
sont les roches et les minéraux de couleur sombre qui s'échauffent
le plus. C’est pourquoi les roches bigarrées se désagrègent plus vite
que les roches unicolores.
La dimension des grains du minéral joue également un certain
rôle dans la vitesse du processus de désagrégation qui est d ’autant
plus rapide que le grain est gros.
La désagrégation thermique est principalement influencée par les
variations diurnes de température qui produisent un effet maximal.
Les variations saisonnières ont une influence bien moindre.
La désagrégation thermique est observée dans presque toutes
les zones climatiques, mais elle est particulièrement intense dans
les régions où l ’on enregistre des écarts brutaux de température, ou
l'air est très sec et qui sont presque ou totalement dépourvues de
couverture végétale adoucissant ordinairement les variations de tempé­
rature dans le sol.
L ’insolation 1 se manifeste avec une intensité particulière dans
les déserts caractérisés par les précipitations atmosphériques infimes
(pas plus de 200-250 mm/an), une nébulosité très faible, des varia­
tions de température brutales, atteignant souvent en 24 heures
une amplitude d ’environ 40-50°C et plus, et un déficit d ’humidité
énorme. L ’humidité relative peut tomber en été à 10% et parfois
même à 2-3%. Dans ces conditions, les rayons solaires échauffent
les roches jusqu’à des températures dépassant de beaucoup celles
de l'air, alors que la nuit elles subissent un très fort refroidissement.
Ainsi, dans les Kara-Koum au climat continental très prononcé, dans
la journée en plein été, quand la température de l ’air atteint environ
40°C, le sable du sol est porté à 70-80°C, alors que pendant la nuit
il se refroidit jusqu’à —10°C et même parfois moins.
Selon l ’expression de l ’académicien V. Obroutchev, la partie
méridionale de l ’Asie centrale, où abondent les sables mobiles et
les déserts rocheux devient les jours d ’été sans vent un véritable
« fourneau incandescent». La surface des roches est chauffée à 60-70°C
et il est impossible de tenir dans la main certains débris de roche.
Sous un climat sec et chaud un autre agent de désagrégation des
roches est constitué par les pluies qui, quoique rares, tombent sous
forme d ’averses. Le brusque refroidissement qu’elles provoquent
produit une contraction inégale des minéraux des roches qui se frag­
mentent en blocs.
La désagrégation thermique est aussi très intense sur les versants
abrupts des hautes montagnes où l ’air est plus limpide et l ’insolation
beaucoup plus forte que dans les dépressions voisines. Les frag-
1 Insolation: exposition de la surface terrestre aux rayons du Soleil; c'est
la quantité de chaleur et de lumière que reçoit une unité de surface en une unité
de temps.
52
ments de roches sont facilement entraînés par gravitation le long
de la pente des versants qui restant nus sont de nouveau attaqués
par les agents de destruction.
Il se forme ainsi au pied des
versants des êboulis de pierrail­
les qui sont parfois très éten­
dus et très épais (fig. 11, A
et 11, B); par endroits ils
forment des chaos de blocs.
Les matériaux provenant
de la désagrégation des roches
en place qui ont glissé au pied
du versant du fait de la pesan­
teur s'appellent colluvion. La
destruction des roches et l ’éva­
cuation des débris vers les zo­
nes déprimées s ’appelle érosion
(dénudation); on comprend A

Fig. H . A — schéma d’un cône d’éboulis et structure d’un talus


d'éboulis; B — éboulis de pierrailles

également sous ce terme l ’activité destructrice des fleuves, de la


mer, du vent et d ’autres facteurs externes, c’est-à-dire l ’ensemble
des processus de destruction et d ’évacuation.
L ’altération sur place est accélérée si les roches sont très fis­
surées. Les joints ou fissures peuvent être soit d ’origine primaire
53
■et alors ils sont liés à la genèse des roches, soit de provenance secon­
daire, et sont dus aux mouvements tectoniques ou à d ’autres causes
étrangères au processus d ’altération des roches. Parmi les joints
primaires citons pour les roches sédiraentaires les fissures de strati­
fication qui séparent une couche de l ’autre ; pour les roches magma­
tiques ou ignées, les thermoclases dus à la réduction du volume lors

Fig. 12. Formations prismatiques de basalte

du refroidissement. Chaque roche a un système de fissuration parti­


culier. Ainsi, les basaltes sont caractérisés par des formations prisma­
tiques (fig. 12) ; les granités, par un empilement en oreillers (fig. 13) ;
certaines diabases, par une décomposition en boules (fig. 14). Dans
des roches ignées jeunes n ’ayant pas subi d ’altération le faisceau
de fissure est difficile à discerner, les roches formant des massifs
continus. Le processus d ’altération se déclenchant on voit apparaître
un système de joints qui détermine la trame de fragmentation en
blocs qui, par la suite, sous l ’action des variations de température,
subissent un amenuisement plus poussé.
Le processus d ’altération de la roche élargit progressivement
les fentes de dislocation tectonique et les fissures de stratification
jusqu’à la fragmentation de la roche en blocs isolés. Plus le fais­
ceau de joints est serré, plus la désagrégation de la roche est rapide.
54
Fig. 13. Empilement en oreillers de granité
La désagrégation mécanique des roches est due à l ’action des
agents extérieurs: gel de l ’eau, croissance des racines des plantes,
cristallisation des sels, etc. L ’eau est un agent de destruction parti­
culièrement puissant. Quand, infiltrée dans les fissures et les pores
des roches, elle gèle, son volume augmente de 10 à 11% en engendrant
une pression énorme sur les parois atteignant des centaines de kilo­
grammes par cm2. Cette force peut facilement vaincre la résistance
à la rupture des roches qui éclatent en débris. Ce phénomène porte
le nom de gélivation. Il peut avoir lieu quand : 1) la roche possède

Fig. l'i. Décomposition en boules

des pores et des fissures ; 2) ceux-ci contiennent de l ’eau et 3) la tem­


pérature est au-dessous de 0°. Cette action cryergique est plus intense
quand la température oscille fréquemment autour du point de con­
gélation de l ’eau, ce qui est le cas dans les régions polaires et subpolai­
res ainsi que dans les régions de montagne, surtout au-dessus de la
limite des neiges persistantes. On y trouve souvent de vastes espaces
couverts de débris de roches non triés : « champs de pierres », « coulées
de pierres», etc., dus à l ’action cryergique.
La cristallisation des sels dans les interstices capillaires favorise
aussi la fragmentation des roches. Ce phénomène est bien observé
sous un climat aride ; l ’eau des capillaires sous l ’effet de l ’insolation
diurne est rappelée vers la surface où elle s ’évapore, alors que les
sels qui y sont contenus cristallisent. La croissance des cristaux
développe une poussée de cristallisation dans les capillaires qui en
s ’élargissant rompent l ’intégrité de la roche et provoquent ainsi
sa désagrégation.
Les racines des arbres exercent une action analogue. A mesure que
l ’arbre grandit, les racines croissent, engendrent une pression sur
56
les parois des joints (en agissant comme des coins) et fragmentent les
massifs rocheux en blocs et en pierraille. Les racines mortes gonflées
par l'eau de pluie contribuent aussi à l ’élargissement des brèches.

Fig. 15. Désagrégation mécanique des roches par les


racines des arbres

La participation des plantes à la désagrégation mécanique des roches


est enregistrée dans presque toutes les zones climatiques (fig. 15).
Un grand travail mécanique est effectué en outre par les animaux
fouisseurs.
§ 3. Action chimique
Comme il a déjà été dit la désagrégation physique est toujours
accompagnée d ’une altération chimique. Plus les roches sont frag­
mentées par les processus physiques et plus les actions chimiques
57
sont intenses, car la surface spécifique des roches augmente notable­
ment et accélère les réactions. L ’altération chimique est le résultat
de l ’interaction des roches qui forment la partie extérieure de la
lithosphère avec les éléments actifs de l ’atmosphère, de l ’hydrosphè­
re et de la biosphère. L'oxygène, l ’eau, l ’anhydride carbonique
et les acides organiques sont les substances chimiquement les plus
actives et c ’est leur action sur les roches qui constitue l ’essentiel de
l ’altération chimique. Les processus auxquels sont soumises les roches
sous l ’effet de ces agents chimiques se ramènent aux actions princi­
pales suivantes : 1) oxydation ; 2) hydratation ; 3) dissolution ; 4) hy­
drolyse.
L’oxydation des minéraux et des roches en milieu naturel est
due à la présence d ’oxygène actif libre qui agit ordinairement en pré­
sence de l ’eau. On sait que la teneur de l ’air en oxygène est de 21 %,
tandis que celle de l ’air dissous dans l ’eau (à raison de 3% du volume
d ’eau) est de 30 à 35%. Ce gaz est un agent chimique très actif.
L ’oxydation est plus intense quand ce sont des éléments à valences
multiples qui sont en jeu. Ces éléments viennent à la surface sous
forme des protoxydes ; c’est le cas surtout du fer, très répandu dans
la Terre. Les combinaisons de fer à valence inférieure se transfor­
ment en combinaisons à valence supérieure avec formation d ’hydra­
tes d ’oxyde de fer.
L’interaction de l ’oxygène et de l ’eau avec les sulfures formés
en milieu réducteur est un exemple caractéristique des phénomènes
d ’oxydation se déroulant dans la zone d ’altération. En présence de
l ’oxygène de l ’air et de l ’eau, les sulfures deviennent instables et
sont remplacés progressivement par des sulfates, des carbonates et des
oxydes.
Le déroulement de cette réaction peut être représenté schémati­
quement de la façon suivante :
FeSo + n 0 2-j- mH^O —> FeS04—> Fe2(S04)3—->Fe^^EU O .
1
p y r i te
l
llm onite

D ’abord, on obtient le sulfate de protoxyde de fer (FeS04) qui,


l ’oxydation se poursuivant, devient du sulfate d ’oxyde de fer
[Fe2(S04)l3. Ce dernier, étant aussi instable, se transforme sous
l ’action de l ’oxygène et de l ’eau en hydroxyde de fer (limonite).
Telle est la voie suivie par la pyrite pour aboutir à la limonite
qui, dans les conditions existant à la surface de la Terre, est la
plus stable des combinaisons du fer.
De nombreux gisements de sulfures ont leur partie supérieure
oxydée de couleur brune (chapeau de fer); c’est une hématite brune
résultant de l ’oxydation des sulfures.
Les phénomènes d ’oxydation se produisent dans presque tous
les minéraux ferro-magnésiens qui font partie des groupes méta- et
58
■orthosilicates (augite, amphibole, olivine, etc.). Ces minéraux
sont toujours composés en partie de protoxyde de fer qui s ’oxyde
rapidement et qui recouvre les minéraux d ’une croûte brune.
Des roches sédimentaires comme les sables, les grès, les argiles,
les marnes, comportant des inclusions ferrugineuses, sont souvent
colorées en brun ou en ocre, fait qui témoigne de l ’oxydation et de
la transformation de ces minéraux en hydroxydes de fer.
L’altération chimique en liaison avec l ’oxydation n’agit que
dans les limites d ’extension de l ’oxygène libre ou, comme on dit
souvent, de la « couche oxygénique» et est déterminée par la teneur
on oxygène du milieu donné appelé potentiel d'oxydo-reduction (po­
tentiel rédox). Ce dernier dépend de la composition des roches, de
leurs porosité et fissurité, de la profondeur du gisement, du régime
•de circulation des eaux et des gaz, etc.
L ’oxygène pénètre à des profondeurs différentes dans la partie
supérieure de la lithosphère. Par endroits ces profondeurs sont infi­
mes, et l ’oxygène reste proche de la surface, c ’est le cas par exemple
des tourbières ou des régions à pergélisols ; dans d ’autres la pro­
fondeur atteinte par l ’oxygène dépasse 1 km et plus. On considère
généralement que l ’oxygène peut descendre légèrement au-dessous
de la nappe phréatique et atteindre à peu près le niveau principal
de la circulation souterraine en contact avec les exutoires d ’eau
{mers, fleuves, rigoles d ’érosion).
La teneur en oxygène actif qui détermine la capacité d ’oxydation
du milieu (potentiel d ’oxydo-réduction) varie suivant la région con­
sidérée. Tout cela complique le processus d ’altération des roches.
L’hydratation consiste dans l ’absorption de l ’eau par les miné­
raux. L’eau absorbée ne peut être libérée que lorsque le minéral
se désagrège complètement, ce qui ne se produit qu’à une tempé­
rature élevée (400°C et plus).
Un exemple connu d ’hydratation dans les conditions naturelles
est fourni par la transformation de l ’anhydrite en gypse suivant
la réaction :
CaS04+ 2H20 - CaS04•2H20.
Telle est la voie suivie lors de la formation de certains gisements
de gypse.
L’hydratation de l ’anhydride produit toujours une augmenta­
tion brutale de volume, d ’où une pression notable exercée sur les
roches encaissantes et des perturbations locales au sein des assises
de l ’anhydrito-gypse. Dans ce cas, l ’action chimique aboutissant
à la formation de minéraux nouveaux, plus stables dans la zone
superficielle, est associée au processus mécanique déclenché par
l ’augmentation du volume des masses qui participent à la ré­
action.
Un autre exemple est donné par l ’hydratation de l ’hématite
(Fe20 3) qui, lors de sa venue à la surface, se transforme rapidement
59
en une combinaison plus stable, la limonite
Fe20 8-j- bHjO —> Fe203 nH 20 .
lim onite

L ’hydratation est observée aussi dans les silicates et les alumi­


ne-silicates, minéraux de composition et de structure plus complexes.
La dissolution et l ’hydrolyse ont lieu lorsque l ’eau et l ’anhydrite-
carbonique exercent une action commune sur la roche.
L ’eau est un agent chimique puissant, car elle est toujours plus
ou moins dissociée en ions H ' et OH7. Les ions d ’hydrogène jouent
sous ce rapport le rôle principal. Plus leur concentration est élevée*
plus l ’eau est dissociée, et plus leur rôle d ’agent d ’altération est fort.
Le niveau de la dissociation de l ’eau, et donc celui de la con­
centration des ions d ’hydrogène, augmente avec la température.
Quand celle-ci s ’élève de 0 à 30°C, la dissociation passe du simple
au double.
Si l ’eau contient de l ’anhydride carbonique libre, son pouvoir
de dissociation s ’élève considérablement de 300 fois et plus quand
elle en est saturée.
La dissolution complète des minéraux par l ’eau peut être observée
dans les bancs de sel, de gypse, dans les calcaires, les dolomies et
à un moindre degré, dans les marnes. Dans ces roches se forment
des cavités et des cavernes karstiques (voir la description du karst
dans le chapitre « Action géologique des eaux souterraines»).
Quand l ’eau dissout les haloïdes, les sulfates et les carbonates*
le minéral lui-même passe dans la solution et peut être libéré de-
nouveau si les conditions se modifient. Ainsi, l ’eau enrichie par
l ’anhydride carbonique dissout les calcaires, mais en passant dans
un milieu naturel caractérisé par d ’autres conditions de température
et de pression, elle donne avec une facilité relative un précipité sous
forme de dépôt de carbonate de chaux.
L ’eau et l ’anhydride carbonique participent non seulement aux
phénomènes de la dissolution, mais aussi à ceux plus complexes de
l ’hydrolyse, qui consiste dans la décomposition des minéraux et dans
l ’élimination de certains éléments. L ’hydrolyse conduit à un réar­
rangement du réseau cristallin du minéral dont la composition en
ions a été modifiée et peut même entraîner la destruction complète
de celui-ci.
En guise d ’exemple on peut citer la décomposition des silicates
(des feldspaths notamment, minéraux les plus répandus dans les
roches ignées). Ils se décomposent suivant le schéma:
K[AlSi30 8l + mC02-{- wH20 = Al^OHJgfSiiOjo} -f- Si02nH20 -f- K.2C03.

orthosc k a o lin geysérlte (opale)

Pour les autres alumino-silicates le déroulement de la réaction


suit un processus identique. Le trait caractéristique de cette réaction
GO
est l'élimination complète des cations K, Na, Ca qui, en intera­
gissant avec l ’anhydride carbonique, forment des solutions vraies
que constituent les carbonates et les bicarbonates qui sont en fin
de compte emportées par les eaux superficielles loin du lieu de leur
formation.
Lors de la décomposition du minéral primaire, la silice est
partiellement éliminée par l ’anhydride carbonique et passe dans
la solution ; une partie de la quantité dissoute est entraînée par les
cours d ’eau, ce qui est confirmé par la présence d ’environ 11%
de SiÛ 2 dans les dépôts solides des eaux fluviales. La majeure partie
de la silice passe assez vite à l ’état colloïdal et se dépose sur place
sous forme d ’opale ou de collogel de silice hydratée. Enfin, une
partie de SiÛ2 reste encore liée au kaolin. C’est ainsi que l ’altération
des roches ignées et métamorphiques riches en alumino-silicates
{granités, gneiss, porphyres quartzeux, etc.) a donné naissance aux
gisements de kaolin.
Bien que le kaolin soit un minéral assez stable dans les condi­
tions de la surface terrestre, il ne constitue pas toujours l’aboutisse­
ment de l ’hydrolyse des alumino-silicates. Si les conditions sont
favorables, c’est-à-dire si l ’humidité et la quantité d ’anhydride
carbonique sont suffisantes et si la température est assez élevée, la
réaction se poursuit. Le phénomène est fort bien observé dans les
pays tropicaux et subtropicaux. Les liens entre l ’aluminium et la
silice se relâchent et le kaolin se décompose totalement en donnant
surtout des hydroxydes d ’aluminium (composants de la bauxite)
et de silice, qui sont les substances les plus stables de la partie
superficielle de la croûte terrestre et qui forment par endroits des
masses importantes. En gros, le phénomène de la décomposition
des feldspaths sous l ’action de H 20 et de CO2 peut être représenté
par le schéma suivant:
—> opale
—> bauxite
, Minéraux intermediaires —> carbonates
Feldspaths —=► , , kaolin et bicarbonates
surtout micas hydrates
solubles
de K, Na, Ca

Les minéraux ferro-magnésiens qui sont des ortho- et desméta-


silicates (olivine, amphibole, augite) constituant près de 15% du
volume des roches cristallines, se décomposent plus énergiquement
que les alumino-silicates, surtout les feldspaths. C’est pourquoi les
roches basiques et ultra-basiques sont plus facilement altérées et
leur surface est souvent recouverte d ’épais amas de produits se
trouvant à divers niveaux de décomposition.
Là aussi l ’eau et l ’anhydride carbonique contribuent à l ’élimi­
nation des cations et à la formation des carbonates solubles de Ca
et de Mg. Le fer bivalent, qui entre dans la composition de ces
minéraux, passe de l ’état de protoxyde à celui d ’oxyde en formant
61
des hydroxydes de fer (limonite) qui s ’accumulent sous l ’aspect
d ’amas de résidus d ’altération. Lors de la décomposition du minéral
primaire, la silice est entraînée partiellement dans la solution, alors
qu'après l ’altération, sa plus grande partie se dépose sur place sous
forme de collogel de silice hydraté (opale).
La décomposition des minéraux ferro-magnésiens jusqu’aux
sols résiduels mentionnés plus haut s ’accompagne de la formation
de plusieurs minéraux intermédiaires comme la montmorillonite,
la beidellite ferrugineuse, les chlorites, etc., où le Si et le Fe consti­
tuent des composants notables.
Le schéma de la décomposition des minéraux ferro-magnésiens
peut être représenté de la façon suivante :
Minéraux ferro-magné- —> opale
sicns (divine, amphibo­ Minéraux intermédiaires —> limonite
le, augite, etc.) + eau-f- (montmorillonite et bei­ —> sels solubles
-f anhydride carbonique dellite ferrugineuse, etc.) de Ca, Mg, par­
tiellement de Fe

On voit donc que la décomposition des ortho et métasilicates-


se déroule identiquement à celle des alumino-silicates. Dans les deux
cas, l ’aboutissement de l ’action chimique est la formation de com­
binaisons les plus stables à la surface de la Terre ayant la composition
la plus simple: les hydrates de Al, Fe et Si.
La concentration élevée des hydroxydes de Al, de Fe et de Si
dans les produits de la décomposition des roches résulte surtout
de leur faible aptitude à donner des combinaisons solubles. Leur
formation et leur accumulation en quantités notables à l ’endroit
de la décomposition n ’est possible que dans certaines conditions,
notamment sous le climat chaud et humide des régions tropicales
et subtropicales, et quand la durée du phénomène se mesure à l ’échel­
le des temps géologique. Sous un climat humide mais tempéré,
même si le phénomène dure assez longtemps, il est peu probable
qu’on puisse observer une décomposition complète des silicates et
h fortiori des alumino-silicates avec formation de silice hydratée,
d ’aluminium et de fer. Sous un tel climat ce sont des minéraux
argileux du type kaolinite, montmorillonite, etc.,qui s ’accumulent
surtout à la surface des roches.
Dans les déserts et les régions subdésertiques les terrains rocheux
sont souvent recouverts de croûtes brillantes noires ou brunes compo­
sées surtout d’oxydes de fer et de manganèse et connues sous le nom
de vernis du désert. Leur formation est liée au phénomène d ’insola­
tion et à la présence d ’eau dans la partie superficielle des roches.
Ces dernières sont chauffées par les rayons solaires et l ’eau s ’évapore
progressivement, alors que les sels dissous restent dans les pores.
La capillarité attire à la surface de nouvelles quantités d ’eau qui
s ’évaporent en laissant des sels. Ainsi, une croûte riche en sels de
1 à 2 mm d ’épaisseur se constitue à la surface de la roche.
02
§ 4. Rôle des organismes dans l'altération chimique
Les organismes jouent un rôle important dans la décomposition
chimique des minéraux et des roches. C’est l ’académicien soviétique
V. Vernadski qui traita pour la première fois du problème du rôle
géologique des organismes dans toute son ampleur. Il a introduit
la notion de matière vivante en tant qu’agent géologique permanent
et s ’est attaché particulièrement aux rapports entre les organismes
et les autres agents extérieurs de la désagrégation et de la décompo­
sition des roches.
Les idées énoncées par Vernadski ont été développées par l ’aca­
démicien B. Polynov qui soulignait le rôle important des organismes
comme agent d ’altération des roches en considérant de nombreux
produits de décomposition comme le résultat d ’une activité bio­
logique.
L’enveloppe terrestre dans laquelle vivent les organismes porte
le nom de biosphère. Elle comprend une partie de la troposphère,
de la lithosphère et tout l ’océan. La limite inférieure de la biosphère
des continents varie suivant les auteurs. V. Vernadski croyait qu’elle
se situait au-dessus de la zone des vapeurs d ’eau chaudes et où
la température ne descend pas au-dessous de 100°. Pourtant, plusieurs
chercheurs parmi lesquels B. Polynov tendent à limiter la biosphère
à une profondeur bien inférieure, la réduisant à quelques dizaines
de mètres ; ils considèrent en effet que les micro-organismes décou­
verts dans les couches pétrolifères et houillères, au-delà de 1 km de
profondeur, n ’ont qu’une importance locale, n ’étant qu’un phéno­
mène fortuit.
L ’altération conditionnée par l ’activité vitale des plantes et des
animaux est fonction avant tout de la quantité des organismes peu­
plant les diverses zones. Elle est maximale dans les parties supé­
rieures de l ’hydrosphère et au contact de la lithosphère et de
l ’atmosphère et elle diminue assez brusquement dans le sens
vertical. Les plantes vertes ne peuvent vivre que sous les rayons
du Soleil et ne pénètrent dans la lithosphère que par leurs racines.
Leur action sur les roches ne s ’étend donc qu’à une faible profon­
deur. Quant aux micro-organismes multiples et variés, ils peuvent
pénétrer à une profondeur plus grande (plus de 20 m).
Le rôle des organismes dans l ’altération chimique consiste à
puiser les divers éléments de la roche à l ’état de décomposition et
à éliminer pendant leur activité biochimique des substances variées
y compris des acides humiques formés par la putréfaction des débris
organiques (fig. 16).
Les plantes, en pénétrant par leurs racines dans les joints et
les pores des roches, exercent sur ces dernières non seulement
une action mécanique mais aussi une action chimique en les
attaquant par les acides que dégagent les extrémités des radicelles.
En même temps, en se nourrissant, les plantes enlèvent aux roches
63
leurs divers éléments minéraux (K, Ca, S i0 2, Mg, Na, P, S, Al,
Fe, etc.).
La destruction des roches commence dès l ’apparition à leur
surface des premiers micro-organismes dont le rôle important dans
l ’altération des roches a été signalé il y a longtemps par l ’académi­
cien A. Vinogradov, puis confirmé par les travaux expérimentaux
de B. Polynov et de ses élèves. Les micro-organismes sont les premiers
agents de l ’action biologique sur les roches, ce sont eux qui pré­
parent le substratum assurant le développement ultérieur de la

Fig. 16. Lichens à la surface des roches nues

végétation qui, à son tour, contribue à activer la désagrégation des


roches. Sous ce rapport on peut établir une certaine succession
dans le peuplement des roches.
Les microbes et les algues vertes apparaissent d ’abord en désagré­
geant les roches, ils préparent le terrain à la flore microbienne
(diatomées, champignons inférieurs), puis aux plantes litbophiles,
lichens et mousses.
Cette flore primitive prépare l ’occupation ultérieure des roches
par les plantes supérieures et la faune associée. L’analyse des cendres
des plantes lithophiles et, à plus forte raison, des plantes supérieu­
res, montre qu’elles renferment toujours parmi leurs composants,
de la silice et de l ’alumine. On peut en conclure que même les plan­
tes lithophiles primaires détruisent les liens solides existant entre
la silice et l ’alumine dans les réseaux structuraux des alumino-
silicates.
«4
L’action destructrice très énergique des plantes sur les roches
a été mise en évidence par l ’observation du comportement des
cultures sur des plaques polies de marbre, de granité, de grès, de
mica, etc.
Les acides bumiques engendrés par la décomposition et la pu­
tréfaction des détritus contribuent aussi à la désagrégation des sili­
cates et des alumino-silicates et en éliminent les cations. Ce sont des
colloïdes très mobiles qui par leur présence élèvent la mobilité des
éléments comme l ’aluminium et le fer trivalent. En général, les
combinaisons de fer trivalent et d ’aluminium sont précipitées sans
difficultés (par suite de leur faible mobilité) et en cas de présence
d’acides humiques elles peuvent être emportées dans des solutions en
quantités notables loin de l ’emplacement de la roche attaquée.
Ajoutons encore l ’importance de la production par les organismes
des produits gazeux comme O et C02, dont l ’action destructrice
sur les roches a été signalée plus haut.
Un volume considérable d ’oxygène libre, agent chimique très
actif sur les continents et dans les couches superficielles des eaux
océaniques, est produit par la végétation autotrophe. Presque toute
la terre ferme est couverte de plantes vertes qui vivent aussi dans
les couches superficielles des mers jusqu’aux profondeurs qu’attei­
gnent les rayons solaires. C’est là que s ’accomplit la réaction fonda­
mentale de la biosphère, la photosynthèse de la matière organique
effectuée au sein des grains de chlorophylle des plantes vertes qui
consiste à produire des hydrocarbures à partir du gaz carbonique et
de l ’eau en dégageant de l ’oxygène qui se diffuse sur des vastes
espaces dans l ’air et dans l ’eau.
Il existe d ’autres réactions qui peuvent s ’accompagner d ’un
dégagement d ’oxygène (réduction, action des rayons ultraviolets
sur la vapeur d ’eau et éventuellement sur l ’anhydride carbonique
dans les couches supérieures de l ’atmosphère, action radio-active sur
l ’eau, etc.); toutefois, leur importance est infime par rapport à la
photosynthèse. C’est pourquoi V. Vemadski considérait que la
quasi totalité de l ’oxygène libre de l ’atmosphère était le produit de
l ’activité biologique.
Le gaz carbonique (C02) est fourni par des sources diverses. Il
gagne l'atmosphère à partir des volcans et des fissures profondes
(régions volcaniques), des émanations de gaz souterrains, des eaux
de l ’hydrosphère. Il faut également souligner l’importance de cette
source inépuisable de C 02 que constitue sur de vastes étendues de
terre ferme la matière organique. Le gaz carbonique se forme à la
suite de la combustion et de la putréfaction de cette matière
organique, et il est également produit par la respiration des
organismes.
Tout ce qui précède témoigne de l ’importance des organismes
et de leurs détritus dans le processus de l ’altération chimique des
roches.
5—927 65
§ 5. Phases et zonalité du processus d’altération
L ’altération des roches donne naissance à deux groupes de pro­
duits: 1) terrains de transport et 2) sols résiduels ; les premiers sont
emportés ou déplacés à des distances variables alors que les seconds
demeurent sur place.
Les sols résiduels ou produits de décomposition non déplacés
constituent une formation continentale nommée éluvion.
Sa composition varie suivant la phase d ’altération considérée.
B. Polynov, I. Guinzbourg et d ’autres chercheurs ont montré que
l ’altération s ’effectue par phases auxquelles correspondent des pro­
duits d ’altération bien déterminés.
La succession des phases d ’altération se distingue particulière­
ment bien dans les roches ignées. B. Polynov a déterminé quatre
phases principales d ’altération des roches: 1) altération détritique %
2) altération sialique 1 avec calcification ; 3) altération sialique 1 acide ;
4) allitisation.
La première phase, l 'altération détritique, est caractérisée par
la prédominance de la désagrégation mécanique qui accumule les
débris de roches de diverses grandeurs. La composition minéralogi­
que durant cette phase ne varie pas ou subit des changements infimes.
Ce type d ’éluvion est très répandu dans les pays de montagne
jeune, dans les régions polaires et dans les déserts. Sous un climat
humide et chaud cette phase est très courte et, l ’altération chimique
y étant plus importante que la désagrégation mécanique, la compo­
sition minéralogique des roches est modifiée.
La deuxième phase, l ’altération sialique avec calcification, est
le stade initial de l ’altération chimique qui commence par la décom­
position des alumino-silicates et des silicates avec élimination des
cations. Les métaux alcalins et alcalino-terreux qui passent dans la
solution conditionnent la réaction alcaline du milieu.
Dans ces conditions, il y a formation de minéraux argileux inter­
médiaires appartenant au groupe des montmorillonites et, en partie
au groupe des hydromicas. C’est à ce stade que le sel CaC03 peu
soluble s ’accumule dans le sol ; il est produit par l ’interaction du
calcium libéré pendant l ’altération avec l ’anhydride carbonique
des solutions du sol. L ’éluvion enrichie par le carbonate de chaux
est dite calcifiée ; on la rencontre le plus souvent sous un climat
continental sec, sur des affleurements de roches ignées et métamor­
phiques.
La troisième phase, l ’altération sialique acide, est caractérisée
par la continuation du lessivage des cations, l ’évacuation partielle
de S i0 2 et la transformation du milieu alcalin en milieu acide. On
observe la décomposition des minéraux intermédiaires tels que les
montmorillonites et les hydromicas formés pendant la deuxième
1 Le terme t sialique » provient des éléments Si et Al qui constituent
une partie importante des composants minéraux formés pendant cette phase.
66
phase. Dans les conditions ainsi créées il se forme de nouveaux miné­
raux argileux appartenant au groupe kaolinique. La plus grande
partie du calcium passant dans la solution est lessivée du sol. C'est
pourquoi l ’éluvion des roches ignées ne contient pas d ’accumu­
lations de CaC03. Les phénomènes de lessivage du CaC03 et partiel­
lement du SiÛ 2 sont les plus accentués sous les climats humides et
chauds où les précipitations atmosphériques très fortes assurent un
lavage intense du sol.
Dans ces conditions, la deuxième phase d ’altération est très
courte et peu marquée.
La quatrième phase, Vallitisation, se caractérise par une décom­
position encore plus poussée des minéraux argileux qui aboutit à
A b

1 v •*- \ ' v
-V . •» V*i •> > y
^3
p -H

**
7

Fig. 17. Schéma de l'altération des granités dans les


conditions d’un climat humide (A) et sec (B) : 1 —laté­
rite ; 2 —kaolin et gibbsitc ; 3 — kaolin ; 4 — monmo-
rillonite ; 5 — hydromicas; 6 — débris de granité; 7 —gra­
nité non altéré

la formation de combinaisons simples les plus stables à la surface


de la Terre: les hydroxydes d ’aluminium, de fer et de silicium qui
ont l ’aspect de minéraux colloïdaux typiques (constituants essen­
tiels de la bauxite, minerai de fer, opale, etc.).
L ’éluvion produite durant cette phase est dite allitique, car il
s’y accumule de grandes quantités d ’hydroxydes d ’aluminium. Elle
est surtout répandue sous le climat humide et chaud des tropiques
et des subtropiques où elle est très épaisse. Sous ces latitudes l ’élu-
vion est rouge vif à cause de la présence des hydroxydes de fer ;
c’est pourquoi on lui donne le nom de latérite (de later, brique).
Les cuirasses latéritiques très anciennes sont souvent associées à
des gisements de minerais de fer et même quelquefois de bauxite.
L’étude des phases de l ’altération montre toute la complexité
de ce phénomène qui varie suivant les zones climatiques quant à
sa durée et ses résultats. Ainsi, dans les régions désertiques, l ’altéra­
tion se limite le plus souvent à la phase détritique, parfois elle se
poursuit jusqu’à la phase de décomposition sialique avec calcifica­
tion, tandis que sous un climat humide subtropical l ’altération
atteint la dernière phase, d ’allitisation. Cette diversité dans le dé-
5* 67
roulement du processus d ’altération sous des climats différents est
schématisée sur les fig. 17 et 18.
‘ Souvent le processus d ’altération exerce une action sélective,
surtout quand il s ’attaque à des roches d ’une dureté différente. Celles
3 1 2 5 6

Fig. 18. Vieille régolite recouvrant les granités de l’Oural:


1— kaolin ; 2 — hydromicas ; 3 —arène ; 4 —calcaire ; 5 —quartzi-
te; 6 — marchalite; 7 — schiste; 8 — granité
qui sont moins résistantes se désagrègent plus vite et donnent naissan­
ce à une éluvion plus épaisse que les roches dures. C’est pourquoi
la limite inférieure de l ’éluvion est très irrégulière. Parfois, il se
forme dans la roche en place atta­
quée par l ’altération des trous pro­
fonds de plusieurs dizaines de mètres
remplis de produits de désagréga­
tion. La différence de résistance des
roches s ’exprime dans le modelé du
terrain. Les roches plus compactes
et plus résistantes sont dégagées,
mises en saillies, alors que les roches
de moindre consistance occupent les
dépressions du terrain. Quelquefois,
des remplissages de roches compactes
se détachent au-dessus de la surface
en formant des murs massifs appe­
lés dykes. Si des minéraux utiles
sont associés à ces roches filonien-
nes, leur recherche est facilitée,
Fig. 19. Limite inférieure de l’élu- car l ’altération les a mis en relief.
vion. Il se forme des trous profonds D ’autre part, si le filon lui-même
aux endroits où la roche est fissurée a été attaqué, les minéraux qui le
constituent se décomposent en élé­
ments triés suivant leur dureté, leur densité relative et la grosseur
de leurs grains. Ces processus peuvent aboutir à l ’enrichissement
des produits de désagrégation par tel ou tel minéral utile.
La désagrégation des roches homogènes est également sélective
notamment lorsque leur fissuration est différente. Aux endroits où
la roche est la plus fissurée, il se forme des trous (fig. 19) de diffé­
rentes dimensions.
68
§ 6. Manteau de débris superficiel
La partie externe de la lithosphère formée de dépôts meubles,
produits non déplacés de la désagrégation des roches sous-jacentes
est appelée manteau de débris superficiel (régolite).
Son épaisseur varie de fractions de mètre à 100 m et plus, sui­
vant :
1) les conditions climatiques;
2) le relief;
3) la nature, l ’intensité et la durée de l ’altération;
4) la composition des roches attaquées. Le manteau de débris
superficiel atteint son épaisseur maximale sous les tropiques et les
subtropiques, sur les roches ignées, c’est-à-dire dans les régions
à température et humidité élevées où croît une végétation luxuriante
productrice d ’oxygène et d ’anhydride carbonique.
Il faut noter que certains chercheurs attribuent à l ’expression
«manteau de débris» un sens plus large, désignant ainsi toute la
partie de la lithosphère qui se trouve au-dessus de la nappe phréa­
tique, car c’est la zone où les conditions sont les plus favorables à
l ’altération; les roches y sont périodiquement humectées par les
eaux atmosphériques d ’infiltration, tandis que dans les pores et
les vides de ces roches circule un air enrichi d ’anhydride carbonique,
combinaison chimiquement très active. Pourtant, la conception de
B. Polynov est, sans doute, plus juste: il différencie le manteau
de débris formé par les résidus meubles de la roche de la zone d ’al­
tération, c’est-à-dire de la partie de la lithosphère où sont réali­
sées les conditions de l ’altération et où les agents (air atmosphérique,
eau, etc.) exercent leur action sur les roches.
L ’étude du manteau de débris présente un grand intérêt théo­
rique et pratique. Les formations de débris superficielles anciennes
ou récentes occupent de vastes territoires et atteignent par endroits
de grandes épaisseurs. A partir de la composition de l ’éluvion on
peut reconstituer l ’évolution des roches, établir les diverses phases
de l ’altération ainsi que les conditions climatiques qui les ont sus­
citées, etc.
L ’altération est un processus universel de la géodynamique
externe, elle est la cause principale de la formation de matériaux
détritiques et des substances solubles entrant dans la composition
des roches sédimentaires.
Les produits de désagrégation peuvent se déplacer sous l ’effet
de la pesanteur ou d ’autres forces (précipitations atmosphériques,
ruissellement, cours d ’eau, glaciers, vent). Le rôle des cours d ’eau
est particulièrement important sous ce rapport.
Le manteau de débris est la partie de la lithosphère dans laquelle
s ’organise la circulation souterraine et où se forment les roches et
les minéraux nouveaux. C’est sur le manteau de débris que l ’homme
travaille à la construction de grands ouvrages hydrauliques, de
69
canaux, d ’entreprises industrielles, de routes et de chemins de fer,
etc. Il constitue la réserve naturelle de minéraux utiles (fer, manga­
nèse, aluminium, nickel, plomb et zinc, argiles réfractaires, etc.).
Les dépôts éluviaux dont les roches sous-jacentes contiennent du
platine, de l ’or ou des diamants, sont enrichis en métal et se trans­
forment en éluvions aurifères, platinifères, diamantifères, etc.
Dans la couche supérieure du manteau de débris il se forme égale­
ment un autre corps naturel qui porte le nom de sol.
D ’autre part, l ’altération est un facteur important du modelé
du terrain. Toutefois, dans l ’orientation générale du phénomène
aboutissant à l ’aplanissement et au nivellement du relief, un rôle
important revient au facteur temps. Plus la durée de l ’altération
et de l ’évacuation des produits de désagrégation est grande, plus
l ’effet résultant est considérable.
Tout ce qui précède montre l ’importance dans la nature du phé­
nomène d ’altération et souligne le grand intérêt que présente l ’étude
du manteau de débris superficiel pour le géologue et le géomorpholo­
gue, l ’hydrogéologue et l ’ingénieur-géologue, le géochimiste et
le pédologue, ainsi que pour les spécialistes s ’intéressant aux miné­
raux utiles.

§ 7. Les sols et leur formation


Les phénomènes de formation des sols sont étroitement liés
aux processus d ’altération se déroulant dans la partie la plus externe
de l ’écorce terrestre. Les notions fondamentales sur les sols et leur
formation ont été formulées par les savants russes éminents V. Dokou-
tchaïev, P. Kostytchev, etc. Les notions de sol et de fertilité du
sol sont inséparables. Le sol occupe une place bien déterminée à
la surface de la terre : c’est la partie meuble de la couche supérieure
du manteau de débris, riche en organismes vivants et surtout en plan­
tes. Il est le résultat de l ’action simultanée de deux processus,
l ’altération des roches et la formation des sols proprement dite.
Le sol comporte donc deux composantes essentielles : a) la matière
minérale meuble et b) les matières organiques.
Formation des sols. Plusieurs facteurs contribuent à l ’élaboration
des sols. V. Dokoutchaïev en distingue cinq :
1) la roche-mère sur laquelle le sol se développe ;
2) les organismes végétaux et animaux ;
3) le climat;
4) l ’âge;
5) le relief.
Mais le facteur dominant de ce processus complexe est l ’action
biologique, surtout celle de la végétation. C’est pourquoi la formation
des sols est la plus intense dans la zone d'action des systèmes radi­
culaires et de circulation des substances élaborées durant l ’activité
vitale des organismes.
70
La plus grande partie de la matière organique du sol est cons­
tituée par les restes des plantes vertes à chlorophylle (Angiospermes,
•Gymnospermes et Ptéridophytes). Les résidus des racines jouent
aussi sous ce rapport un rôle important, surtout dans les régions
où prédominent les espèces herbacées.
L ’activité biochimique des plantes consiste dans le fait que, d ’une
part, elles retirent de la roche-mère les matières minérales et l'eau,
éléments nutritifs indispensables, et que d ’autre part, elles accumu­
lent dans le sol en mourant de la matière organique. Ainsi, la nature
•est le théâtre d’un mouvement ininterrompu de matières depuis
les plantes vers le sol, mais des matières de qualité différente.
La matière organique morte est ensuite décomposée en subissant
une série de transformations biochimiques complexes. La faune
variée vivant dans le sol prend également part à cette décomposition.
Les animaux fouisseurs effectuent un grand travail mécanique.
Us ameublissent le sol, contribuant au mélange des particules miné­
rales avec les débris transformés des végétaux et assurant à l ’air
e t à l ’eau un accès plus facile. Les phénomènes chimiques sont ainsi
intensifiés et la décomposition de la matière organique accélérée.
Une autre source de modifications biochimiques est la consommation
par les animaux de débris végétaux. Toutefois, le rôle principal
•dans ces transformations revient aux différents organismes micro­
scopiques (bactéries et champignons) qui vivent en grand nombre
•dans l ’air, l ’eau et le sol dans les conditions les plus diverses.
La décomposition de la substance organique aboutit à deux
types de combinaisons : combinaisons simples (C02, H20 , NH3)
•et nitrates, sulfates, etc. (par suite de la minéralisation) et combi­
naisons nouvelles, plus stables. Cet ensemble relativement stable
de composés organiques de couleur brune ou noire, qui s ’accumule
dans le sol après la décomposition biochimique des substances
organiques primitives par les micro-organismes, porte le nom d'hu­
mus. C’est le facteur essentiel de la fertilité des sols. Une décompo­
sition rapide et totale des restes organiques fournit seulement des
corps simples (minéralisation complète), alors que l ’humus ne
s ’accumule que si la décomposition est incomplète (humification).
L ’intensité de la décomposition est régie entre autres par la
température, l ’humidité, l ’aération des sols, les conditions chimi­
ques du milieu. 85 à 90% de l ’humus sont constitués par les matières
humiques (combinaisons spécifiques à micelles ou agrégats comple­
xes de molécules) composées de l ’humine, insoluble dans les alcalis
•et des acides solubles, humique et fulvique (crénique et apocrénique).
Le reste est formé par des albumines, des hydrocarbures, des acides
organiques, des graisses, de la cire, des résines et d ’autres composés
-organiques faisant partie des tissus végétaux et animaux, et des
produits de leur décomposition.
La qualité et la quantité de l ’humus dépendent des formes végé­
tales qui lui ont donné naissance et de la nature des phénomènes
biochimiques. Nous touchons là au problème du rôle du climat dans
le processus de formation des sols. Les précipitations atmosphéri­
ques et la température jouent sous ce rapport un rôle capital, car
elles conditionnent l ’intensité de l ’altération qui fournit la partie
minérale du sol et président au développement de telle ou telle
couverture végétale.
L’eau est aussi un facteur très important de l ’évolution du
profil du sol, car elle fait passer dans la solution une partie des
substances composant le sol. Les matières dissoutes peuvent être
entraînées vers le bas par l ’eau puis si en chemin les conditions
sont favorables, passer de nouveau à l ’état solide par cristallisation
ou coagulation. Elles peuvent également remonter vers la surface
par capillarité. C’est ainsi que certains horizons sont graduellement
appauvris en matières dissoutes, tandis que d ’autres en sont enrichis.
Quand le mouvement des matières est dirigé essentiellement
vers le bas, on distingue dans le profil du sol plusieurs horizons
génétiques, le plus souvent trois :
1) Ai — d'accumulation humique, couche superficielle où, malgré
le lessivage, le phénomène dominant est l ’accumulation de l ’humus;
2) Ao — éluvial (horizon de lessivage) sous-jacent au précédent
et caractérisé surtout par l ’entraînement des matières vers le bas;
3) B — illuvial, aboutissement du transport des matières condui­
sant à l ’accumulation des substances lavées des horizons supérieurs.
L ’horizon illuvial repose sur la roche qui n ’est pas altérée par
le processus de formation des sols. Elle est généralement appelée
roche-mère (parce qu’elle est à la base de l ’élaboration de la partie
minérale du sol) ; on la désigne par le symbole C.
Ces horizons varient plus ou moins nettement dans les diffé­
rents types de sols suivant le degré de l ’évolution du sol et les par­
ticularités de sa composition.

§ 8. Sols zonaux de l’U.R.S.S.


Comme il a été indiqué plus haut, l ’élaboration des sols est
déterminée par tout un ensemble de facteurs dont l ’interaction
règle le processus de formation des sols. Les plus importants de ces
facteurs sont la végétation et le climat. Or, l ’action du climat se
manifeste surtout par l ’intermédiaire des végétaux. A mesure que
l ’on se déplace des pôles vers l ’équateur le climat et la végétation
changent progressivement en obéissant à certaines lois. Les sols
se transforment en conséquence et leurs types se répartissent en
zones très vastes qui se succèdent suivant les latitudes.
La loi de zonalité a été énoncée pour la première fois par V. Do-
koutchaîev à la fin du XIXe siècle et a joué un grand rôle dans
l ’établissement des principes régissant les phénomènes naturels
(altération des roches, genèse des eaux souterraines, processus de
formation des sols, etc.).
Dans les plaines les sols obéissent à une zonalité horizontale
(sols zonaux) (fig. 20), dans les régions de montagnes, à une zonalité
verticale (sols orogéniques), dans les deux cas la répartition corres­
pond à la modification du climat et de la végétation.

^ iïfM atign san n n *,,^ ........ * ~ l W00


r Sols .
400 Ichâtain?

ZOO

F ig . 20. S chém a d e la form ation d es so ls sur les territoires


de la p a r tie eu rop éen n e de l ’ U .R .S .S . (d ’ap rès Z ak harov).
L o is d ’é v o lu t io n : la h a u teu r d e p r é c ip ita tio n s a n n u e lle s
d im in u e d u N ord -O u est v e r s le S u d -E st, l ’év a p o ra tio n
a n n u e lle a u g m e n ta n t; la profondeur d e la n a p p e aq u ifère
e t la m in é r a lisa tio n d es eaux sou terrain es s ’a ccro issen t.
1 — le s siv a g e de l ’h u m u s; 2 — a ccu m u la tio n d e l ’h u m u s;
3 — le s siv a g e do R20 3, en cerclé — a c c u m u la tio n de R 20 3 ;
4 — lix iv ia tio n d e C a C 0 3, 5— lix iv ia t io n de CaSO,,. e n cerclé—
le s co n crétio n s d e C a C 0 3 ; 6 — le s siv a g e d e N aC l— N a2S 0 4 ;
7 — p r é c ip ita tio n d es se ls so lu b le s

Sur le territoire de l ’U.R.S.S. on relève plusieurs types de sols


dont la description est donnée ci-dessous 1.
1) Sols des toundras et des toundras boisées.
2) Podzols et sols podzoliques bruns sous végétation herbacée.
3) Sols gris forestiers et sols noirs dégradés (tchernozioms) des
steppes boisées.
4) Tchernozioms des steppes à Graminées.
5) Sols châtains et sols bruns des steppes subdésertiques.
6) Sols gris des steppes désertiques et des déserts.
7) Solonetz et solontchaks (groupes intrazonaux).
8) Sols rouges et jaunes des régions subtropicales humides.
Les sols des toundras et des toundras boisées s ’étendent sur une
bande longeant le littoral de l ’océan Glacial Arctique depuis la
presqu’île de Kola jusqu’au détroit de Béring et couvrent environ
7,6% de la superficie de l ’U.R.S.S.
La température moyenne annuelle dans la toundra de la partie
européenne de l ’U.R.S.S. est de —0,2 à —4,4°, dans la partie asiati­
que, de —9 à —14°, alors que la température moyenne de janvier est

1 Pour abréger l'exposé, certains types intermédiaires ont été regroupés


ou omis.
73-
de —40,9°. La saison où les froids ne sévissent pas ne dure que près
de trois mois seulement. La hauteur des précipitations ne dépasse
pas 250 à 300 mm/an ; pour de basses températures et une évapora­
tion faible cela suffit amplement pour saturer et même sursaturer
les roches superficielles, ce qui peut conduire à la formation des
marais. La toundra est caractérisée par l ’existence de pergélisols,
terrains gelés en permanence (ayant une température négative)
depuis des dizaines et des centaines de milliers d ’années. La végé­
tation de la toundra est composée de lichens (sur sol sableux et
pierreux), de mousses, de buissons nains (airelle des marais, raisins
d ’ours, faux mûrier).
A basse température la décomposition des débris végétaux est
très lente, ce qui favorise l ’accumulation de la tourbe.
Tous ces éléments contribuent à la création d ’un sol caractéris­
tique dont la teneur en humus, ordinairement acide semi-tourbeux,
varie de 1 à 3 %. L ’épaisseur des sols des toundras est en général
faible (20 à 30 cm).
Les podzols et les sols podzoliques bruns sous végétation herbacée
occupent la plus grande superficie de l ’U.R.S.S., plus de 50 % de
tout le territoire. C’est la zone des forêts s ’étendant au Sud de la
toundra et dont la limite méridionale d ’extension passe par Kiev
au Sud et par Sverdlovsk au Nord-Est. Les températures moyennes
annuelles de la partie européenne de cette zone varient de 7 à 0,8°.
alors que la moyenne de janvier est de —2,7 à —16,2°. La moyenne
annuelle des précipitations est de 500 à 600 mm/an avec un maxi­
mum en été.
Le caractère de la végétation change du Nord au Sud. Au Nord
■dominent les conifères (taïga), au Sud, les forêts mixtes (conifères
et feuillues). Dans les vallées des fleuves on rencontre par endroit
une végétation de prairies herbeuses ou de prairies marécageuses. La
podzolisation a lieu sous le couvert d ’une végétation forestière.
Comme on le sait, les forêts ne dépérissent pas tout à fait chaque
année. Le sol ne reçoit que les feuilles, les aiguilles, les brindilles
mortes formant la litière forestière qui est rapidement décomposée
par les champignons du sol. Les précipitations atmosphériques étant
supérieures à l ’évaporation (humidité excédentaire), un courant
d ’eau descendant s ’établit et les substances dissoutes sont évacuées
en profondeur. Les modifications chimiques complexes et le lavage
par l ’eau enrichissent les couches sous-jacentes en combinaisons
peu solubles de fer tri valent, de manganèse et d ’aluminium qui for­
ment un banc illuvial compact. Le processus de podzolisation enri­
chit constamment les horizons supérieurs de silice se présentant
sous forme d ’une masse amorphe et poudreuse qui donne aux podzols
leur teinte blanchâtre et conditionne l ’absence de structure nette.
La podzolisation conduit donc à une dégradation poussée de la
matière organique et des composants minéraux du sol. Dans les
podzols types, les horizons génétiques sont très nets: A0 — litière
74
forestière brune; A t — horizon d'accumulation humique brun ou
gris à faible teneur en humus (1 à 4 %) ; A2 — horizon éluvial pod-
zolizé blanchâtre ou grisâtre, formé surtout de grains de quartz fin ;
B — horizon illuvial, brun ou rouge par suite de l'accumulation des
combinaisons de fer, d ’aluminium et de manganèse lessivées à partir
des horizons supérieurs.
Les podzols sont peu fertiles et exigent un amendement spécial.
La formation des sols forestiers sous végétation herbeuse s ’effectue
lorsque prédominent les espèces herbacées qui, à la différence des
arbres, dépérissent chaque année au début de l ’hiver. Les matières
organiques accumulées pendant l ’été n ’ont pas le temps de se décom­
poser complètement et chaque année une partie notable des débris
organiques se conserve à l ’état peu décomposé.
Un humus amorphe s ’accumule progressivement dans la litière,
conditionnant la formation d ’une structure en mottes stable favo­
rable à la poussée des herbes. C’est ainsi que se développent dans cette
zone forestière les sols bruns sous végétation herbacée. Ils comportent
un horizon d ’accumulation humique dont le degré de développe­
ment est très variable.
Les sols gris forestiers sont associés à la zone des steppes boisées
-qui couvrent une large bande s ’étendant des hauteurs Volyno-
Podolskaîa et de la région du Dniestr en Ukraine, aux hauteurs
dominant la rive droite de la Volga, en passant par le bombement
de la Russie centrale et de la région de la Volga. A l ’Est de l ’Oural,
la steppe boisée occupe des grandes surfaces dans la dépression de
la Sibérie occidentale et dans certaines régions de la Sibérie orien­
tale.
Cette zone est caractérisée par l ’alternance des prairies ou des
steppes à Graminées et des forêts d ’arbres à feuilles caduques, ce qui
conditionne l ’hétérogénéité de la distribution des sols. Les sols gris
forestiers, qui s ’étendent sur plus de 3 % du territoire d e l’U.R.S.S.,
alternent avec des sols noirs décalcifiés et même avec les terres
fortes des tchernozioms; c’est le type intermédiaire entre les sols
podzoliques forestiers et les sols noirs (tchernozioms) des steppes.
Leur fertilité est plus élevée que celle des podzols, mais inférieure à
celle des tchernozioms types des steppes à Graminées.
Du point de vue de la mise en valeur agricole, la zone des steppes
boisées vient après la zone des sols noirs des steppes.
Les sols noirs (tchernozioms) des steppes à Graminées se distinguent
par leur grande fertilité; ils occupent une large bande d ’environ
1 430 000 km3 et dans les limites de la zone des steppes boisées,
ils s ’étendent sur près de 474 000 km3. Au total ils constituent
8,6 % du territoire de l ’U.R.S.S., soit plus de 48 % de la superficie
totale des tchernozioms dans le monde entier.
La zone des tchernozioms part de la dépression de la mer Noire,
passe par la ligne de partage des eaux du Don et d Donetz, les
parties méridionales des bombements de la Russie ce traie et de la
75
région de la Volga, puis se dirige vers Obchtchi Syrt, se prolongeant
vers la partie méridionale de la dépression de la Sibérie occidentale.
Les sols noirs très fertiles se rencontrent également sur les hau­
teurs de la région d ’Azov et dans la Ciscaucasie (Stavropol, Kouban).
Le relief de la zone steppique est surtout modelé en plaine ou en
terrain faiblement vallonné. Son climat est sec en général avec un
long été chaud. La somme des précipitations annuelles varie de
500 mm à l ’Ouest à 300 mm à l ’Est (Sibérie), et de 500 mm au Nord à
300-350 mm au Sud. Le maximum des précipitations est enregistré
en été. Comme l ’évaporation est intense, la quantité d ’eau infiltrée
dans le sol est faible, et ce n ’est que les substances les plus solubles
qui sont enlevées aux horizons supérieurs. Le sol est donc faiblement
lessivé et il contient beaucoup de substances minérales.
La végétation de la steppe est surtout constituée d ’espèces viva­
ces parmi lesquelles dominent les Graminées et les Légumineuses.
La matière organique accumulée par suite du dépérissement annuel
des parties aériennes des plantes et partiellement de leur système
radiculaire, subit des transformations biochimiques dues à l ’activité
des micro-organismes qui a lieu surtout en été.
Dans le sol des steppes, cette limitation de la durée des phéno­
mènes biochimiques est à l’origine de l ’accumulation des produits
d ’une décomposition incomplète des débris organiques. C’est pour­
quoi les tchernozioms sont si riches en humus qui leur donne leur
teinte noire. D ’après leur teneur en humus ces sols peuvent être
classés en pauvres (moins de 6 %), moyennement pourvus (7-9 %)
et riches en humus (plus de 10 %). La répartition de ces sous-types
de tchernozioms est déterminée par les particularités du climat
et la distribution des formes végétales.
Les tchernozioms types comportent trois horizons génétiques
principaux. A, B et C, qui passent progressivement de l ’un à l ’autre.
L ’horizon A dont l ’épaisseur dans les terres fortes atteint 55 à 60 cm
est noir, meuble, à structure granulaire très nette ; l ’horizon B épais
de 60 à 65 cm est gris-brun, d ’une structure grumeleuse. La fertilité de
ces sols explique l ’intensité de leur exploitation agricole en
U.R.S.S. La zone des sols à tchernoziom en effet est le grenier du
pays.
Les sols châtains et les sols bruns des steppes subdésertiques sont
les plus répandus au Sud-Est de la partie européenne de l ’U.R.S.S.
(régions de Volgograd, d ’Astrakhan, partiellement de Saratov et
de Rostov), dans la R.S.S. du Kazakhstan et dans la steppe de
Koulounda du territoire de l ’Altaï, dans l ’Obchtclii Syrt, dans la
dépression Caspienne à drainage aréique.
Ces régions de steppes sont caractérisées par un climat continental
chaud et sec. Les précipitations annuelles ne dépassent pas 250-
300 mm et tombent en grande partie en été. L ’intensité de l ’évapo­
ration atteint ici plus de 1 000 mm par an. La couche de neige est
peu épaisse et très instable. C’est la zone où soufflent également
76
des vents très forts, les soukhovéi qui dessèchent le sol et dépriment
la végétation. La décomposition de la matière organique et l'accu­
mulation de l ’humus dans le sol sont ici moins intenses que pour
les tchernozioms, d ’où une teinte brune ou châtain.
D’après leur teneur en humus et la couleur, les sols châtain
et brun peuvent être groupés en sous-types :
1) châtain foncé (4 à 5 % d ’humus) ;
2) châtain (3 à 4 %) ;
3) châtain clair (2 à 3 %) ;
4) brun (environ 2 %).
La teneur en humus est une caractéristique du degré de fertilité
de ces sols.
Les sols gris des steppes désertiques et des déserts. Ces sols sont
surtout répandus dans les régions subdésertiques et désertiques de
l ’Asie centrale. La superficie totale de cette zone est d ’environ
10 % du territoire de l ’U.R.S.S. Elle est caractérisée par de faibles
précipitations atmosphériques (100-150 mm/an) et par un été très
sec et chaud. La température moyenne de l ’air est de 13 à 17°, avec
un maximum d ’été de plus de 40°. L ’évaporation à la surface de
l ’eau peut atteindre 1 500 mm. La végétation de cette zone n ’est
pas continue et n ’est représentée que par des buissons isolés assez
espacés les uns des autres. Le processus de formation des sols est
très peu marqué. La teneur en humus ne dépasse pas 1 à 1,5 %.
L’horizon humique gris clair est de 10 à 16 cm.
Les solonetz et les solontchaks (sols salins) se situent dans les
régions au climat aride des zones déjà examinées.
Ces sols se caractérisent par une accumulation de grandes quanti­
tés de sels facilement solubles (sels de potassium, surtout chlorures,
sulfures et carbonates) soit près de la surface (solontchaks), soit à
une faible profondeur (20-50 cm) (solonetz).
Leur formation est étroitement liée à la salure des sols qui est
due surtout aux eaux souterraines et superficielles. Si le niveau des
eaux souterraines se trouve à une faible profondeur (jusqu’à 2-3 m),
elles remontent par capillarité près de la surface. Sous un climat
sec et chaud elles s ’évaporent intensément, les sels qui y sont dissous
restant dans le sol.
Les sols rouges et jaunes des régions subtropicales existent dans
le Sud de l ’U.R.S.S., en Crimée, sur la côte caucasienne de la mer
Noire où le climat est chaud et humide. La hauteur des précipitations
s ’élève ici de 2 500 à 3 000 mm par an et même atteint certaines
années 4 000 mm. La température moyenne annuelle est de 13,5
à 14,5°, la moyenne de janvier est de 5,5 à 7°; l ’hiver est donc prati­
quement inexistant. Ces conditions favorisent le développement
d ’une végétation subtropicale à arbres très abondante. La désagré­
gation des roches est particulièrement intense et elle dure toute
l ’année à la différence des zones de climat tempéré. Ces processus
aboutissent à la décomposition complète des silicates et des alumino-
77
silicates complexes et à l ’accumulation dans le manteau de débris
et dans le sol des sesquioxydes de fer et d ’aluminium, combinai­
sons qui donnent aux sols une teinte rouge caractéristique (brique,
ocre, parfois rouge vif).
Les sols jaunes, d ’après D. Vilenski, proviennent d ’une décom­
position très faible. Ils sont répandus dans la R.S.S.A. d ’Abkhazie
et sur la côte de la Caspienne, à Talych dans la R.S.S. d ’Azerbaïdjan.
Les sols rouges ont une grande importance pour l ’agriculture.
Après amendement par des engrais appropriés, ils deviennent très
fertiles. Sur la côte de la mer Noire on cultive des plantes subtropi­
cales: théier, agrumes (mandarines, oranges, citrons), des plantes
à parfums, etc.
Ainsi, sur le territoire de l ’Union Soviétique, la répartition des
sols en zones latitudinales se succédant graduellement du Nord
au Sud, constitue un phénomène régulier, reflétant suffisamment
bien les conditions naturelles de formation des sols correspondants
(climat, végétation, relief et autres facteurs).
CHAPITRE 5

Action géologique du vent

§ 1. Notions fondamentales
L ’activité du vent se manifeste dans diverses zones climatiquesr
mais surtout dans les zones arides, c ’est-à-dire celles où prédominent
les phénomènes suivants : 1) forte amplitude de la température diurne
conditionnant l ’intensité de la désagrégation mécanique; 2) pré­
cipitations peu abondantes (moins de 200-250 mm/an), rares et
irréguilières, en général sous forme d ’averses; 3) évaporation de
5 à 15 fois plus élevée que la quantité des précipitations; 4) végé­
tation rare ou totalement absente ; 5) vents fréquents et très forts
et 6) existence de matériau pouvant être déplacé par le vent. Ces
caractéristiques sont propres aux déserts et partiellement aux régions
subdésertiques qui couvrent plus de 20 % de la surface des con­
tinents. Les déserts occupent des étendues particulièrement vastes
en Asie, en Afrique et en Australie; par contre, ils sont beaucoup
moins importants en Europe et en Amérique.
L ’activité du vent se manifeste aussi sur les rivages de sable
des mers, des lacs et des fleuves (dans diverses zones climatiques)
lorsque la végétation est très clairsemée ou absente. A l ’intérieur des­
continents, dans les régions au climat humide, le sol est protégé
contre les variations brutales de température qui provoquent la
désagrégation mécanique, et contre le travail du vent, par une
couverture végétale continue et l ’action agglutinante de l ’eau.
L’érosion éolienne ne s ’exerce dans ce cas que sur des secteurs très
restreints.
L ’action du vent se manifeste par un ensemble de phénomènes:
déflation (ablation et dispersion), corrasion (usure par criblage),
transport et accumulation. Dans les conditions naturelles, toutes les
formes d ’action du vent sont étroitement liées, s ’exercent simul­
tanément et ne représentent au fond qu’un phénomène unique et
complexe. On peut signaler seulement la forme prédominante de
l ’action du vent dans telle ou telle région.
Les régions désertiques où le rôle capital revient à la déflation
se situent dans la partie d ’où soufflent les vents dominants. Elles-
voisinent avec les espaces couverts de sable dont le modelé résulte
de l ’action simultanée de la déflation et de l ’accumulation. Enfin,.
dans les zones périphériques où le vent est freiné ou s ’adoucit,
79-
domine le processus d ’accumulation. Dans tous les cas il y a
transport des particules.
Dans les Kara-Koum, d ’après l ’explorateur B. Fédorovitch, la
déflation est la plus importante dans la partie méridionale de la
région qui porte le nom de Kara-Koum Zaoungouzskié. Puis viennent
les Kara-Koum de dépressions avec un relief de dunes complexe
dont le modelé est déterminé d ’une part par la déflation des sables
depuis les cuvettes et les autres zones déprimées et, d ’autre part,
par l ’accumulation de ceux-ci sur les élévations de terrain. Dans
la partie méridionale des Kara-Koum prédominent les processus
d ’accumulation.
Toutes les formes d ’action du vent sont réunies sous la déno­
mination de « phénomènes éoliens ». On qualifie également d ’« éo­
liens » les sédiments résultant de l ’accumulation éolienne, ainsi que
les formes correspondantes du relief (barkhanes, dunes, monticules
de sable, etc.).
§ 2. Déflation
On nomme déflation le balayage ou l ’enlèvement par le vent
des particules de roches (du mot latin flatus qui signifie « souffle »).
Dans les régions désertiques les filets d ’air pénètrent dans toutes
les fissures des roches dures et balaient les produits meubles de la
désagrégation (fig. 21). C’est pourquoi les fissures sont ici presque
toujours béantes, à la différence des zones tempérées où elles sont
d ’habitude remplies de matériaux relativement humides et fins.
Ces ouvertures contribuent à l'intensification de la désagrégation
mécanique et à l ’ablation par le vent de nouvelles portions de maté­
riaux détritiques. L ’action commune de l'altération des roches et
du travail du vent élargit les fissures et donne aux rochers des for­
mes façonnées caractéristiques : tours, colonnes, obélisques. Si le
vent use la roche en s ’attaquant à des fissures horizontales, on
observe des rochers dits « branlants ».
Sur les pentes raides constituées par des roches de différente
résistance, la désagrégation mécanique et le travail du vent ont
un caractère sélectif. Des saillies ou des corniches correspondant
aux bancs durs alternent avec des alvéoles creusées dans les roches
tendres ou mal cimentées (fig. 22, 23). Parfois, ces alvéoles de défla­
tion pénètrent profondément dans la paroi abrupte de la roche
(fig. 24).
En 1906, l ’académicien V. Obroutchev découvrit au pied de la
chaîne de Kara-Arat dans la Djoungarie chinoise voisine du Kazakhs­
tan oriental toute une « ville éolienne » constituée par un enche­
vêtrement de formes les plus fantastiques ; cet ensemble a été dégagé
par la désagrégation aride, la déflation et la corrasion dans les grès
continentaux du Secondaire et les argiles panachées. Les noms que
leur a donnés V. Obroutchev (« Château du khan », « Tour ronde »,
« Monument », « Tour de la sorcière », « Enclume », «Sphinx »,
80
« Oiseau ») reflètent le caractère insolite de ces formes. « Nous
croyions, écrit Obroutchev, que nous nous trouvions parmi les ruines
d'une ville ancienne. Nous avions l ’impression de nous déplacer dans
des rues bordées de constructions massives de style oriental avec
des corniches et des colonnes, mais sans fenêtres. Tantôt une aiguille
pointait à plusieurs mètres au-dessus d ’un édifice; tantôt c’était
deux tours, l ’une un peu plus haute que l ’autre, surplombant un

Fig. 21. Formes dues à la désagrégation et à la déflation. Mont Démerdji


(C rim ée)

ensemble unique. Voici une colonne élancée couronnée d ’un entable­


ment ayant la forme de la tête d ’un lézard sur un corps de dinosaure.
Là, à l ’écart, une tour massive qui s ’amincit vers le haut et prend
l ’aspect d ’une tête couverte d ’un bonnet ou d ’une femme à genoux
portant une robe large. Voici le buste d ’un homme casqué. Plus
loin, des tours rondes de diverses grandeurs. En voici une près
d ’un sphinx placé sur un socle élevé... »
L. Berg a décrit les obélisques d ’une forme très particulière qu’il
a découverts dans les grès ferrugineux du littoral septentrional de
la mer d ’Aral; des formes analogues se rencontrent également dans
les régions des piémonts de l ’Asie centrale.
La déflation débarrasse peu à peu la surface des déserts couverts
de matériau détritique, des poussières et du sable et ne laisse sur
6—927 81
Fig. 22. Formes résultant de la désagrégation et de la déflation des
dépôts calcaires de Manguychlak

F ig . 2 3 . F orm es r é su lta n t d e la d é fla tio n e t d e la d ésagrégation d es


g rès ca lc a ir e s c o n stitu a n t le v e r sa n t m érid io n a l d u Tian-C han.
situ é au N ord d e la v i l l e d e K achgar
Fig 24. Alvéoles de déflation. Versant Sud-Est de l'Oust-Ourt
6*
place que de gros débris. C’est ainsi que le vent procède au tri (van­
nage) des matériaux et entraîne la formation d ’espaces couverts de
cailloux et de gravier.
Une forme de déflation originale se rencontre aussi dans les
déserts de sable où le vent forme des creux de déflation de diffé­
rentes profondeurs. Ce phénomène est causé par la structure
tourbillonnaire de l ’écoulement de l ’air et peut également s’expliquer
par les courants ascendants provoqués par la différence d ’échauffe-
ment des divers éléments de la surface.

§ 3. Transport
Dans les déserts de l ’Asie centrale soviétique ce sont les accu­
mulations de sable qui prédominent. Le sable est fourni surtout
par les dépôts anciens et récents de grands fleuves allogènes comme
î ’Amou-Daria et le Syr-Daria qui prennent leurs sources dans les
montagnes du Pamir et du Tian-Chan. En traversant le désert, le
cours de ces fleuves se ralentit par suite de l ’atténuation des pentes
et des pertes d ’eau importantes par infiltration et évaporation, ce
qui provoque un remblaiement intense. L ’alluvionnement est
si rapide que le fond de ces fleuves ne cesse de s ’exhausser. Ce phé­
nomène, ainsi que les variations notables du débit, provoque des
changements fréquents du cours et les fleuves se fraient des voies
nouvelles. En même temps, il se produit des migrations de déltas.
Sur de vastes étendues s ’accumulent ainsi des dépôts d ’alluvions
composés surtout de sable et de limon. ,Dans certaines zones du
désert on rencontre des sables d ’origine marine et des sables qui
proviennent d ’une longue désagrégation mécanique des roches en
place, mais leur importance paraît secondaire.
Dans les régions où la déflation prédomine, le vent transporte
les grains de poussière et les sables fins à de grandes distances et ne
laisse sur place que les débris grossiers. Les particules enlevées par
le vent sont déplacées en suspension ou bien traînées au sol. La
grandeur des grains transportés de l ’une ou l ’autre façon et la dis­
tance à laquelle ils sont déplacés dépendent de la force du vent :
quand sa vitesse est de 6,5 m/s, il transporte de la poussière et du
sable fin dont les grains ont jusqu’à 0,25 mm de diamètre; quand
elle atteint 10 m/s, le diamètre des grains soulevés par le vent peut
aller jusqu’à 1 mm, à 20 m/s sont entraînés les grains d ’un diamètre
de 4 à 5 mm ; lors des ouragans même des pierres de petite taille
sont déplacées. La distance à laquelle s ’effectue le transport varie
également. Les ouragans entraînent de grandes quantités de poussière
et même de sable fin, au-delà même des limites des régions désertiques.
La poussière enlevée aux déserts de l ’Afrique est transportée
par de forts alizés à des distances dépassant 2 000 et 2 500 km et
constitue par endroits un apport notable au sein des dépôts de
l ’Atlantique. En 1863, une pluie de poussière tomba sur les Canaries
84
dont la masse globale s ’élevait à 10 000 tonnes. D ’après A. Holmes,
les dunes locales sont ici formées de sable fin apporté par le vent
d’au-delà la mer. Quand soufflent les vents du Sud, la poussière
du Sahara est entraînée jusqu’à la Méditerranée et même plus loin.
En Italie on observe parfois des « pluies de sang » constituées de
poussière rouge transportée par les vents puissants.
On a noté des cas où la poussière venant du Sahara a atteint
l’Allemagne et les autres pays de l ’Europe occidentale.
Les habitants du Sud-Est des Kara-Koum, région limitrophe
de l ’U.R.S.S., connaissent bien le pouvoir de transport du vent
« afghanetz » venant d ’Afghanistan et apportant du sable et de la
poussière. Il souffle environ 40 à 50 fois par an et ne dure en géné­
ral qu’un ou deux jours, rarement plus. L ’afghanetz enlève au
territoire afghan des quantités énormes de sable et de poussière et
les transporte à travers le large Amou-Daria jusqu’aux Kara-Koum.
La quantité de sable et de poussière en suspension dans l ’air est
telle qu’on ne voit plus le Soleil, comme par temps gris. Les vitres
des fenêtres battues par le vent chargé de sable deviennent opaques
au bout d ’un temps relativement bref (deux ou trois ans).
L'afghanetz est engendré par la montée dans les couches supé­
rieures de l ’atmosphère des masses d ’air froid à densité plus forte
que celles d ’air chaud des déserts. Ces masses rencontrant l ’obstacle
constitué par les hautes montagnes du Kopet-Dag, du Parapamiz
et du Pamiro-Alaï ne peuvent le franchir et une fois réfléchies des­
cendent en suivant les versants. Pendant la descente à partir d ’une
altitude élevée, les masses d ’air s ’échauffent fortement et, en attei­
gnant les déserts de piémont, elles deviennent très sèches et très
chaudes.
La distance à laquelle est transporté le sable dépend non seule­
ment de la vitesse du vent, mais aussi de la force des courants ascen­
dants. Plus les grains de sable entraînés par ces courants s ’élèvent
haut, plus ils sont transportés loin dans le sens horizontal. Le plus
souvent le sable est traîné au sol, ou bien déplacé par bonds, c’est-
à-dire qu’il monte à une certaine hauteur, se déplace quelque peu
horizontalement et retombe pour rebondir de nouveau, etc.

§ 4. Accumulation éolienne dans les déserts


La déflation et le transport des particules se produisent en même
temps que l ’accumulation qui conditionne certaines formes de
relief et des types spécifiques de dépôts continentaux de caractère
éolien. Le modelé des déserts de sable est déterminé par de nombreux
facteurs: traits particuliers du relief initial, abondance du sable
sec et mobile, existence ou absence de la végétation, régime des
vents (persistance et force), etc.
Longtemps on a considéré que les barkhanes perpendiculaires
au vent et leurs combinaisons étaient les éléments caractéristiques
85
8 C
Dunes à dem i-fixées p a r Dunes litto r a le s
la végétation des d éserts (zo n es
extratropicaux su rto u t extradèsertigues)

F ig . 25. F orm es d 'a c c u m u la tio n é o lie n n e (é ta b lie s par B . F é d o r o v itc h ).


A . B a r k h a n e s (r e n c o n tr é e s e s s e n t i e l l e m e n t d a n s l e s d é s e r t s t r o p ic a u x ) . I. T y p es
d e s v e n ts alizés ( lo r s q u e s o u f f l e n t d e s v e n t s à d ir e c t io n p lu s ou m o in s c o n s ta n te ):
1 — b o u c lie r d e s a b l e ; 2 — b a r k h a n e e m b r y o n n a ir e ; 3 — b a r k h a n e s y m é t r iq u e en
fo r m e d e c r o is s a n t ; 4 — b a r k h a n e a s y m é t r i q u e ; 5 — c o r d o n s lo n g i t u d in a u x d e b a r k h a n e s;
6 — c h a în e s l o n g i t u d in a le s d e b a r k h a n e s g r o u p é e s . I I . T y p e s d e s v e n t s d e moussons
e t d e s brises (lo r s q u e s o u f f le n t d e s v e n t s c o n t r a ir e s ) : 1 — b a r k h a n e s j u m e l é e s ; 2 —
c h a în e s d e b ark h an es s im p le s ; 3 — b ark h an es g r o u p é e s; 4 — c h a în e s d e barkhanes
g r o u p é e s . I I I . T y p e s d e s vents de convection et d ’interférence (lo rsq u e so u ffle n t d e s ven ts
r é g u lie r s e t tr a n s v e r sa u x ): 1 — b ark h an es en c ir q u e ; 2 — b ark h an es en p yram id e;
3 — co rd o n s c r o isé s d e b ark h an es grou p ées.
B . Dunes à demi fixées par la végétation (formes rencontrées essentiellement
dans les déserts extratropicaux). I. Types des vents a l i z é s - . 1 — queues d’abri en arrière
des buissons; 2 — petits cordons, langues; 3 — cordons longitudinaux; 4 — chaînes de
grands cordons. II. Types des vents de m o u s s o n s et des b r i s e s : 1 — dépressions alignées
dans des champs de dunes (lorsque soufflent des vents de direction sensiblement cons­
tante) ; 2 — dépressions en fer à cheval ; 3 — dunes transversales en rateaux (lorsque
soufflent des vents très faibles à direction constante) ; 4 — cordons transversaux asymé­
triques. III. Types des v e n t s d e c o n v e c t i o n e t d ’i n t e r f é r e n c e : 1 — formes alvéolaires ; 2 —
grosses formations alvéolaires; 3 — dunes en pyramide; 4 — sables en mailles de filet.
C . D u n e s l i t t o r a l e s (zo n es e x tr a d é se r tiq u e s). I. T y p e s d e s v e n ts a l i z é s : 1 — cordon
l i t t o r a l ; 2 — d u n e s p a r a b o liq u e s; 3 — d u n es en U ; 4 — d u n e s lo n g itu d in a le s ju m e­
lé e s ; 5 — d u n e s p a ra b o liq u es c o m p le x e s. II . T y p e s d es v e n ts d e m o u s s o n s e t d e s b r i s e s :
1 — p e t i t e s d u n e s se m i-c ir c u la ir e s; 2 —r g ran d es d u n es se m i-c ir c u la ir e s; 3 — d u n es sem i-
c ir c u la ir e s c o m p le x e s. I I I . T y p e s d es v e n t s d e c o n v e c t i o n e t d ’i n t e r f é r e n c e : 1 — p etites
d u n e s c ir c u la ir e s is o lé e s ; 2 — g rou p es d e d u n es c ir c u la ir e s ; 3 — d u n es c irc u la ires com ­
p le x e s
'des déserts de sable et ce malgré la découverte dès la fin du siècle
dernier par V. Obroutchev et d ’autres explorateurs d ’un grand
.nombre de rides longitudinales à côté de formes transversales.
Il a fallu les études de plusieurs années d ’Aufrère au Sahara et de
Fédorovitch en Asie centrale, basées sur l ’analyse minutieuse des
photographies aériennes prises sur de vastes étendues désertiques,
pour une nouvelle compréhension du relief dunaire et des lois
présidant à sa formation. Ces lois dépendent exclusivement du régime
des vents, de la dynamique de l ’atmosphère et du mécanisme de la
circulation de l ’air. Toute la diversité du relief dunaire peut s ’expli­
quer par l ’écoulement en spirale des courants turbulents dirigés
soit verticalement (ascendance ou descendance, trombe), soit hori­
zontalement dans le sens du vent (tel un tire-bouchon autour de son
axe). Les courants turbulents sont fortement modifiés par les divers
obstacles se trouvant sur leur passage, surtout les chaînes de mon­
tagnes.
D’après B. Fédorovitch il existe plusieurs types de formes d ’accu­
mulation du sable déterminées par le régime des vents : 1) barkhanes;
2) cordons transversaux (chaînes de barkhanes) ; 3) cordons longi­
tudinaux de barkhanes; 4) accumulations de forme pyramidale;
5) dunes longitudinales; 6) crêtes réticulées; 7) dépressions alignées
dans des champs de dunes, etc.
Sur la fig. 25 on a groupé les formes essentielles du modelé de
l’accumulation éolienne en trois types zonaux :
1) les barkhanes qui se rencontrent surtout dans les déserts tropi­
caux ;
2) les sables à demi fixés (déserts non tropicaux) ;
3) les dunes littorales.
Chacun de ces types a ses propres formes de relief dunaire déter­
minées par le degré de développement des accumulations et le régi­
me des vents.
Barkhanes. On appelle ainsi d ’après un mot d ’origine turque
•des monticules de sable en forme de croissant, ordinairement asy­
métriques, disposés perpendiculairement au vent dominant (fig. 26).
Elles ont des branches (cornes) caractéristiques effilées dans la
direction du vent. Leur front au vent a une longue pente douce (10
à 15°), celui sous le vent, une pente courte et raide qui est déterminée
par le talus naturel d ’un sable sec, et ne dépasse pas 32-33°. A l ’inter­
section des deux versants, il se forme une crête étroite qui, vue en
plan. a une forme arquée.
Les barkhanes peuvent atteindre une hauteur de 1 à 15 m; par
•endroits elles montent jusqu’à 20 et même 30 m et plus (désert de
Libye) et leur diamètre s ’étend sur de 40 à 70 m, allant parfois
jusqu’à 140 m et plus. Le plus souvent, la naissance d ’une barkhane
commence par l ’apparition sur la surface unie du sable d ’une petite
boursouflure à pente douce ayant la forme d ’un bouclier ou d ’un
cordon allongé dans le sens perpendiculaire au vent. Quand le bou-
87
clier s'élève à 35 ou 40 cm, il engendre du côté sous le vent un mou­
vement tourbillonnaire de l ’air qui creuse un petit demi-entonnoir.
C'est déjà l ’embryon d'une barkhane. Celle-ci s ’accroît, devient
plus régulière et prend enfin une forme arquée rappelant un croissant.
Dans un désert il est rare de rencontrer une barkhane isolée de ce
genre (fig. 26) ; elles se forment surtout là où le sol est compact, a une
surface plane et est maigrement alimenté en sable. Ces conditions
sont remplies par les takyrs étendus à sol argileux dans les déserts
(fig. 27), et les champs de pierres ou de graviers.

Fig. 26. Barkhanes isolées et groupées. Région de Koun-Ouaz

Les cordons (chaînes de barkhanes transversales). Dans les déserts


de sable où les barkhanes reposent sur une couche de sable continue,
elles se rejoignent pour former des chaînes qui s ’allongent dans le
sens perpendiculaire aux vents dominants et rappellent ainsi des
vagues figées ; les pentes de ces chaînes sont aussi asymétriques que
celles des barkhanes isolées (fig. 28, A et B). Les chaînes de barkha­
nes ne se forment que sous des régimes de vents bien déterminés
dont le plus favorable est celui des vents contraires et de même
force qui peut être créé par exemple par les renversements saisonniers.
Les remaniements provoqués par le changement du vent aboutissent
à l ’accroissement des barkhanes dans le sens de la largeur et à leur
jonction. Les chaînes de barkhanes se forment lorsque le vent ren­
contre des montagnes ou lorsqu’un courant turbulent est freiné et,
de ce fait, se modifie, divers tourbillions apparaissent alors. Si le
vent contourne un obstacle, la direction des formes d ’accumulation
éolienne change immédiatement. L ’influence des reliefs sur les
courants d ’air varie suivant leur hauteur, leurs dimensions et la
88
pente des versants. Ainsi, du côté sous le vent les montagnes de
2 à 3 km d ’altitude continuent à exercer une influence sur une dis­
tance allant jusqu’à 100 km, c’est-à-dire de 30 à 50 lois plus grande
que la hauteur de l ’obstacle.
L ’effet est plus faible dans le cas d’un plateau dont les versants
sont à pentes douces régulières et non érodées. L ’action sur les vents
des hautes chaînes de montagnes aux versants abrupts est particuliè-

Fig. 27. Surface d’un takyr

rement perturbatrice. A leur approche les flux d ’air changent de


direction en donnant naissance à des formes dunaires perpendiculai­
res à la direction des vents dominants. Dans les régions littorales
balayées par les brises et les moussons les conditions de l ’accumu­
lation éolienne sont identiques.
La hauteur des plus grandes chaînes de barkhanes dans les déserts
de l ’U.R.S.S. peut atteindre jusqu’à 60 et 70 m et même quelquefois
jusqu’à 100 m en Asie centrale. L ’écartement des crêtes des chaînes
voisines est de 1 500 à 3 500 m, leur longueur varie de plusieurs
centaines de mètres à 10 ou 20 km. Les barkhanes isolées et les
chaînes se chevauchent l ’une l ’autre et forment des champs com­
pliqués.
En Asie centrale, dont les bassins d ’entremont et les hautes
crêtes freinent les grands vents, les hautes chaînes de barkhanes
(davanes) constituent souvent les formes dominantes du relief

Fig. 2S. A . Chaîne de barkhnnes et rides éoliennes à la surface d’un sable
nu. Aval de l’Amou-Daria. B . Chaînes de barkhanes dans le désert de Ta-
kla-Makan
■dunaire. Ces davanes sont particulièrement typiques du désert
Takla-Makan.
B. Fédorovitch, qui a étudié révolution des formes principales
des groupements de barkhanes, a classé celles-ci en cinq caté­
gories :
1) rides de sables (petits cordons asymétriques de 0,5 à 2,0 cm
de haut, séparées par des creux parallèles larges de 6 à 30 cm) ;
2) barkhanes de petite taille et chaînons de barkhanes hauts
de 1 à 3 m, avec une distance entre les crêtes de l ’ordre de 10 à 50 m ;
3) barkhanes normales et chaînes de barkhanes hautes de 2 à 7 m
avec un écartement des crêtes de 50 à 250 m ;
4) grandes barkhanes groupées et chaînes de barkhanes avec un
écartement entre les crêtes atteignant déjà 400 m ;
5) grandes chaînes de barkhanes groupées (davanes) qui attei­
gnent 60 à 75 et même 150 m de haut et dont les crêtes sont distantes
de 1,5 à 3,5 km (Turkménie occidentale, Takla-Makan).
Généralement, dans un massif de dunes, on rencontre des formes
de toutes les tailles (fig. 29).
Les barkhanes et leurs chaînes sont des formes mouvantes.
Quand les vents saisonniers de directions contraires ont la même
force, les barkhanes ne se déplacent pas, mais si le vent est plus
fort dans une direction que dans l ’autre, elles progressent sensible­
ment dans cette direction (en parcourant plusieurs mètres par an)
(fig. 30, A et B). Parfois, les sables mouvants recouvrent des maisons,
des jardins, des champs, etc. Ce phénomène peut être observé en
Turkménie, en Ouzbékistan, en Kara-Kalpakie, etc.
Les cordons longitudinaux de barkhanes. Dans les déserts tropicaux
où soufflent les vents alizés dont la direction est à peu près constante
(en Afrique du Nord, par exemple), on voit apparaître des accumu­
lations de sable très mobiles qui s ’étirent dans le sens du vent ou
de la résultante des vents. Au début, l ’une des cornes des barkhanes
est écourtée tandis que l ’autre s ’allonge, puis des cordons se forment
en alternant avec les barkhanes ou avec des cordons que chevauchent
des barkhanes; quand ces accumulations sont de grande dimension
et résultent d ’une longue évolution, elles s ’érigent en cordons pré­
sentant une section transversale demi-circulaire et portant des
barkhanes complexes (voir fig. 29).
Les accumulations de forme pyramidale se rencontrent dans cer­
taines régions d ’Asie centrale et d ’Afrique; leur extension est
relativement faible; elles sont dues à l ’interférence des masses
d ’air provoquée par les vents renversés qui ont été engendrés par les
barrières de montagnes.
Les dunes longitudinales (fig. 31, A et B). Ces formes sont très
répandues dans tous les déserts du monde. Elles apparaissent par­
tout où s ’établit un régime de vents dominants et où ces vents, ne
rencontrant aucun obstacle qui puisse les freiner, soufflent des
régions de pression maximale vers celles de pression minimale. Ce
91
déplacement horizontal s ’accompagne de mouvements ascendants
et descendants engendrés par un fort échauffement inégal de la
surface irrégulière des sables; d ’où l ’apparition des courants de

Fig. 29. Evolution des formes principales des dunes


mobiles qui proviennent de l’action aes vents subis­
sant un freinage (formes transversales, 5-7) et ne
le subissant pas (formes longitudinales, 8-10) : 1 —
nappe de barkhane (dune en forme de bouclier) ; 2 —
barkhane embryonnaire; 3 — barkhane jeune; 4 —
barkhane en forme de croissant ; 5 — barkhanes jume­
lées; 6 — chaîne de barkhanes; 7 — grande chaîne
de barkhanes groupées; 8 — groupe de barkhanes se
transformant en chaîne parallèle au vent ; 9 — chaîne
longitudinale de barkhanes aux crêtes obliques sur­
imposées; 10 — grande chaîne longitudinale aux
crêtes obliques complexes. (D’après B. Fédorovitch)

convection. Si le vent souffle suivant une direction constante, il


se forme suivant celle-ci de longs cordons symétriques assez étroits
et longs. Les couloirs qui les séparent peuvent être larges de 185
92
Fig. 30. A » Barkhanes déplacées. B . Barkhanes isolées et groupées
recouvrant un ancien système d’irrigation. Oasis de Tourtoukoul en
aval de l’Amou-Daria
Fig. 31. A . Cordons longitudinaux symétriques produits dans des sa­
bles nus par des vents dominants. Rara-Koum. B . Dunes de sables s’éti­
rant parallèlement aux vents dominants, à demi fixées par la végétation-
à 2 500 mètres. La hauteur des cordons varie sensiblement. Dans
les déserts de l ’Asie centrale on trouve outre des petites rides de
1 à 3 m de haut (alluvions récentes de l ’Amou-Daria), des cordons
qui s ’élèvent à 10-12 m.
Dans les régions telles que les Kara-Koum centraux où les sables
ont subi des remaniements prolongés (pendant tout le Quaternaire),
la hauteur des cordons atteint 30 m et même, dans les Kara-Koum
Zaoungouzskié où l ’activité éolienne dure depuis la fin du Néogène,
elle va jusqu’à 40-60 m. Mais c’est au Sahara que ces formes dunaires
sont particulièrement élevées; on y rencontre des chaînes s ’élevant
à plusieurs dizaines et même des centaines de mètres; les alizés
y soufflent constamment et les chaînes existent ici depuis un million
d’années.
Dans les déserts de l ’Asie centrale soviétique les faîtes de telles
chaînes sont souvent dénudées et leur surface est recouverte d ’une
stratification croisée de barkhanes engendrées par les tourbillons
d’air en contact avec le sable; par endroits les chaînes sont formées
de dunes à demi fixées par la végétation.
Un modelé en chaînes témoigne de l ’action prédominante du
vent. C’est une forme typique engendrée par les processus de défla­
tion et d ’accumulation. Le sable chassé des couloirs séparant les
chaînes est évacué jusqu’aux crêtes où il s ’accumule. Il convient
de souligner que presque tous les types de relief dunaire présentent,
en plus des dépressions évidées par déflation, des chaînes d ’accu­
mulation et d ’autres formes en relief.
Les crêtes réticulées (fig. 32) sont des formations composées qui
combinent de hauts cordons parallèles aux vents dominants et
de chaînons transversaux et bas qui les cloisonnent. Cette combi­
naison de formes différentes engendre une structure en crêtes réti­
culées présentant des creux de déflation (alvéoles) de 100 à 200 m
de diamètre séparés par des crêtes aiguës. Selon B. Fédorovitch, ces
formes sont caractéristiques des régions où dominent les vents con­
tinentaux auxquels s’ajoutent souvent des intmsions cyclonales dont
les vents sont capables de changer rapidement de direction. Ces
formations ainsi que les conditions propices à leur apparition sont
souvent observées dans les Kara-Koum et les Kyzyl-Koum. Les
crêtes réticulées ont une extension relativement faible. Elles se
rencontrent surtout dans les régions où dominent les courants ascen­
dants.
Les dépressions alignées dans des champs de dunes (fig. 33) pro­
viennent de l ’action des vents contraires dont un est plus efficace
soit par sa persistance, soit par sa force. Ces vents édifient des cor­
dons en fer à cheval qui ressemblent à des barkhanes et au centre
desquels se forme un creux. De même que pour les barkhanes, les
cornes de ces formations à demi fixées par la végétation sont orien­
tées dans la direction du vent.

95
Les monticules de sable (nebka) (fig. 34). Dans les Kara-Koum
et les Kyzyl-Koum, on rencontre parfois, outre les formes déjà
décrites, des tas de sable fixés par la végétation d'une hauteur
s ’élevant à 5 m, rarement à 8 m et d'une forme indéterminée. On
n ’y distingue pas de pentes sous le vent et au vent. Parfois, ces
monticules constituent des ensembles irréguliers ou des cordons
courts entourant des dépressions fermées.
. Comme l ’ont montré les explorateurs de l ’Asie centrale (V. Dou-
bianski notamment), les monticules de sable n ’apparaissent que

Fig. 32. Crêtes réticulées à demi fixées par la végétation. Kara-Koum

lorsque les sables ont été fixés par la végétation désertique qui possè­
de des propriétés spécifiques: croissance rapide en hauteur, racines
adventives multiples qui consolident la masse sablonneuse. Ces
formes sont particulièrement hautes près des buissons de tamaris.
Les dunes d'obstacles. Quand il y a peu de sable, celui-ci s ’accu­
mule près des obstacles isolés, surtout près des buissons n ’ayant
pas de racinas adventives; il se forme ainsi des dunes d ’abri, dont la
hauteur dépend de l ’espèce végétale mais ne dépasse pas un mètre.
Ces formes ont été décrites par V. Obroutchev. Elles sont particu­
lièrement fréquentes dans les plaines de piémont de l ’Asie centrale
96
où le sable et les poussières sont retenus par les buissons de carex et
de chardons.
Ainsi, le relief des déserts est caractérisé par des formes diverses
qui possèdent des variantes intermédiaires. Cette diversité est liée
aux régimes de vents différents qui dépendent du relief, du climat
et d ’autres facteurs (fig. 25). La plupart des complexes dunaires
proviennent de l ’action simultanée de la déflation, du transport, de
l’accumulation, du balayage du sable à partir des dépressions et de

Fig. 33. Dépressions alignées dans des champs de dunes à demi fixées
par la végétation. Kara-Koum

son dépôt sur les crêtes voisines. Parfois, les zones où le processus
de déflation domine se trouvent à une grande distance des zones
d ’accumulation. Ainsi, le long de la frontière méridionale des
Kara-Koum, surtout dans la partie ouest, c’est le phénomène d’accu­
mulation qui prédomine ; dans cette région les sables des Kara-
Koum envahissent l ’ancienne plaine de remblaiement.
Le transport et l'accumulation de poussière lœssique. Comme nous
l ’avons déjà souligné, lorsque les sables subissent un remaniement
de longue durée (un million d ’années et plus) d ’énormes quantités
de poussière sont emportées hors des déserts, parfois à de très
grandes distances. En se déposant dans les mers et les lacs, cette
poussière éolienne s ’est mélangée aux sédiments marins et la­
custres. Le transport de la poussière à de grandes distances
à partir du lieu de sa formation est lié non seulement à la force du
7—927 97
vent dans les couches basses, mais surtout aux puissants courants
ascendants qui soulèvent les grains de poussière à une grande hau­
teur. D’après les observations de B. Fédorovitch, dans les déserts de
l ’Asie centrale la poussière monte à 3 km, même lorsque la vitesse
du vent n ’est que 5 m/s.

Fig. 34. Monticules de sables (nebka)

Si les conditions sont favorables, la poussière transportée à partir


des zones de déflation se dépose et forme par endroits des couches
très épaisses. Une confirmation de ce phénomène nous est fournie
par l ’existence d ’accumulations importantes de poussière sur les
versants des montagnes y compris les plus hauts massifs du Tibet
et du Kouen-Louen.
Les observations de la station de géographie physique du Tian-
Chan (fig. 35) (Institut de géographie de l ’Académie des Sciences
de l ’U.R.S.S.) ont montré que la poussière éolienne se dépose con­
tinuellement sur les glaciers de montagnes à des altitudes de 5 000 m
et même plus. Ainsi donc, le processus d ’accumulation des poussières
est un fait bien réel, qui se produit aux endroits où la vitesse du
vent tombe sous l ’influence d ’obstacles ou par suite de l ’interaction
de vents d ’origines différentes.
Les tempêtes de poussière sont particulièrement fréquentes en
Asie centrale. A la frontière méridionale du désert Takla-Makan
le nombre de jours avec poussières est de 164 par an. Ces tempêtes
réduisent la visibilité à plusieurs centaines de mètres et parfois
même à 1 ou 2 m.
98
Les régions agricoles de l'Ouest aride des Etats-Unis connaissent
également des vents de poussière; dans ces régions, l ’exploitation
irrationnelle des sols a transformé de grandes étendues en terres
appauvries.

Fig. 35. Dépôts de lass sur les versants de Kouen-Louen

En U.R.S.S., des tempêtes de poussière sont parfois observées


dans la région des steppes arides du Kazakhstan du Nord, de la
Bachkirie, dans celles de la Volga inférieure et de Stavropol.

§ 5. Corrasion
La corrasion (du latin corradere — enlever en raclant) est le travail
d’usure (émoulage, polissage, ciselure) qui s ’exerce sur la roche nue
au moyen de grains durs portés par le vent. Lors de la déflation et
du transport le vent emporte non seulement les particules de pous­
sière fines, mais également des grains de sable et même, pendant les
fortes tempêtes, de petits débris de roches. Les poussières sont
alors soulevées très haut alors que les grains de sable s ’élèvent
à 3 m, rarement 8 ou 10 m. Dans les couches basses (1,5 à 2,0 m du
sol), la concentration du sable entraîné est maximale; c’est là que
la corrasion éolienne est la plus intense; les roches subissent un
polissage et un émoulage, leur surface se couvre de stries, de sillons
et même d ’encoches.
Le criblage intensif et répété des roches au ras du sol taille celles-
ci par sapement, ce qui provoque un amenuisement de cette partie
7* 99
Fig. 36. Formes dues à la déflation et à la corrasion. A. Forme en champignon
(Manguychlak). B. Relief résiduel en grès d’Apchéron rencontré dans les Kara-
Koum
des roches par rapport aux couches supérieures. Les poteaux télé­
graphiques, s’ils ne sont pas protégés, sont rapidement rongés par lè­
vent, ce qui témoigne de l ’intensité du phénomène.
Le sapement des roches par le vent est aussi facilité par la désa­
grégation mécanique qui détruit l ’homogénéité des roches. La
corrasion éolienne provoque la rupture des liens entre les particules
et contribue ainsi à l ’élimination rapide des produits de la désagré­
gation. Ainsi, de nouvelles parties de la roche intacte sont mises-
à nu et subissent à leur tour la désagrégation et la corrasion.

Fig. 37. Surface a alvéoles d’un porphyrite augitique. Ver­


sant méridional du Tian-Chan (Sin-Kiang)

La déflation, le transport, la corrasion et la désagrégation asso­


ciés aux influences lithologiques contribuent donc à la formation
dans les déserts de reliefs aux contours très particuliers. Certaines
roches présentent des entablements reposant sur un support rela­
tivement mince et court. Parfois, elles prennent l ’aspect de cham­
pignons (fig. 36, A et B). Quand les vents soufflent dans une direc­
tion constante, des niches et des petites cavernes se creusent au pied
des rochers. Sur les sols argileux des déserts les vents persistants
chargés de sable sont capables de creuser des sillons ou des rigoles
de 1 à 2 m et parfois 6 m de profondeur séparés par des crêtes. Dans
le Sin-Kiang (Chine) on donne à ces formes le nom de yardangs.
Attaquant des cailloux isolés se trouvant à ras du sol, des jets
de sable les décapent, les aiguisent et les polissent. Le phénomène
se déroule à peu près de la façon suivante : du côté du vent dominant
le débris de roche est progressivement décapé et aiguisé, ce qui aboutit
à la formation d ’une facette lisse. Si la direction du vent change ou
si le débris est retourné par un vent fort (pendant une tempête), il
est taillé en facette sur un autre côté. C’est ainsi que se forment les
101
cailloux façonnés : trièdres (dreikanters) ou polyèdres aux facettes
brillantes et polies et aux arêtes saillantes. Le nombre des facettes
et des arêtes dépend de la forme primitive du caillou et de la direc­
tion des vents. Dans les roches à résistance inégale le criblage par
grains de sable aboutit à la formation d'alvéoles qui font ressembler
les surfaces des roches aux cellules d ’un nid d'abeilles (fig. 37).

§ 6. Accumulation éolienne du littoral marin,


des bords des lacs et des rivières
L'action du vent se manifeste non seulement dans les déserts,
mais aussi dans certaines régions des zones plus humides. Les con­
ditions nécessaires à la formation de dunes dans ces régions sont:
1) l ’existence de sables mobiles en quantité suffisante;
2) l ’absence presque totale de végétation;
3) des vents forts.
Ces conditions sont réalisées en premier lieu dans la zone littorale
des mers où le sable est accumulé par les vagues sur la plage en
quantité notable ; il en est de même pour les rives ensablées des lacs
et, quelquefois, les plaines alluviales et les anciennes terrasses des
fleuves.
Les vents de mer dominants sur le littoral entraînent facilement
les grains de sable sec et les transportent vers l ’intérieur du conti­
nent. Les touffes d ’herbes et les accidents du relief jouent le rôle
d ’obstacle et retiennent le sable qui s ’accumule en monticules
rudimentaires. En s ’accroissant, ces monticules forment eux-mêmes
un obstacle autour duquel se rassemble le sable. Par la suite, ces
dunes isolées en fusionnant forment des cordons ou des chaînes.
Les formes étirées des régions côtières s’appellent dunes littorales
et s ’opposent aux dunes intérieures, barkhanes et chaînes de sable des
régions désertiques. Les auteurs soviétiques d ’ouvrages de géologie
ou de géographie donnent au mot « dune » des sens différents. Ainsi
I. Chtchoukine appelle dunes toutes les formes d ’accumulation
éolienne aussi bien des déserts que des régions littorales. Les barkha­
nes qui constituent une forme d ’accumulation propre aux déserts
sont considérées par cet auteur comme une catégorie particulière
de dunes. Par contre, un autre groupe de savants (I. Mouchkétov,
S. Kalesnik, etc.) n’appelle dune que les accumulations éoliennes des
bords des mers, des lacs et des fleuves.
Les dunes littorales se disposent perpendiculairement aux vents
dominants (fig. 38), mais à mesure qu’elles progressent vers l ’inté­
rieur des terres, elles s’allongent, le plus souvent dans le sens du
vent. Une fois formée sur la rive, si elle n ’est pas fixée par la végé­
tation, la dune ne reste pas en place et poussée par le vent, se
déplace vers l ’intérieur des terres. Ce mouvement s’explique par le
fait que le vent chasse le sable du côté au vent et le transporte
par-dessus la crête sur le versant sous le vent. A mesure que la dune
102
s'éloigne du rivage, une autre apparaît, puis une troisième, etc.
Il se forme ainsi plusieurs chaînes de dunes se succédant.
La vitesse de déplacement des dunes littorales varie de quelques
fractions de mètre à 20 m par an. Ces formes d ’accumulation éolienne
peuvent envahir les forêts, les champs et même les villages. Les
anciennes dunes sont souvent caractérisées par un relief en monti­
cules confus produit d ’un remaniement ultérieur par le vent et d ’un
développement irrégulier de la végétation. Des creux de déflation
séparent dans ce relief des buttes isolées ou des cordons écourtés.

Fig. 38. Dunes du littoral de la mer Baltique

Parfois, ces dunes littorales prennent une forme recourbée, par


exemple, quand les bords de la dune sont menacés de fixation par la
végétation ; les grains de sable sont alors mieux retenus qu’au
milieu de la dune. La partie la plus élevée et sujette à un rema­
niement ininterrompu se déplace progressivement, ce qui aboutit
à la formation de dunes arquées ou paraboliques dont la pente sous
le vent est convexe et raide, alors que du côté au vent elle est douce
{fig. 39 et 25). L ’évolution ultérieure peut donner des dunes en
V ou, si la crête est percée, des traînées parallèles au vent.
Par endroits, il se forme des champs confus de dunes concentri­
ques qui atteignent des dimensions considérables. C’est au bord
des mers et des océans que les dunes sont les plus grandes. Celles
de la côte basse et sableuse de l ’Atlantique en France ont l ’aspect
de digues naturelles dont la hauteur atteint 100 m et plus. Certaines
103
dunes isolées de la côte africaine s ’élèvent également à cette hau­
teur.
En U.R.S.S. les dunes se rencontrent sur les côtes de la Baltique
et du golfe de Finlande où elles atteignent 20-25 m. Les dunes de
la région de Kaliningrad sont très connues ; elles couvrent le cordon
littoral qui sépare la baie Kourskaîa de la mer. Sur les côtes de la
Lettonie les dunes, très répandues, ont une hauteur de 10 à 20 m.
Près de Sestroretsk (golfe de Finlande) elles s ’élèvent à 24 m. On en
trouve également dans les vallées des fleuves (sables Aliochkovskié
sur le Dniepr, sables Artchadinskié et Tsimlianskié sur le Don).
S. Korjouïev signale de grandes étendues de dunes dans la vallée

Fig. 39. Dunes paraboliques

de la Léna, où elles se dressent parfois à 20 et 30 m, la hauteur


moyenne restant de l ’ordre de 10 à 15 m.
Aux latitudes tempérées les dunes continentales sont générale­
ment développées dans les régions de glaciations anciennes (plaines
fluvio-glaciaires ou sandres). L ’Allemagne du Nord, la Pologne,
la Biélorussie, la région de Mécbtchéra et d ’autres régions de la
partie européenne de l ’U.R.S.S., ainsi que la dépression de la Sibé­
rie occidentale et la Iakoutie possèdent aussi de telles formes.

§ 7. Caractéristiques des accumulations éoliennes


Les accumulations éoliennes comprennent les sables éoliens qui
constituent les différentes formes du relief dunaire des régions dé­
sertiques et des rives des mers, des lacs et des fleuves d ’autres zones
climatiques, ainsi que les lœss et les limons lœssiques.
Les sables éoliens se distinguent des autres sédiments terrestres
par plusieurs traits caractéristiques dont le plus important est leur
stratification croisée et irrégulière à l ’inclinaison tantôt faible,
tantôt forte et aux orientations variées témoignant des multiples
remaniements de formes dus aux modifications du régime des vents.
Les dépôts éoliens se différencient également par une granularité
relativement fine : les diamètres des grains sont ordinairement de
0.05 à 0,25 mm. Ces dépôts ne contiennent presque pas de poussière,
car elle a été évacuée par le vent. D’autre part, leurs grains de sable
ont une forme bien arrondie, ce qui résulte du transport prolongé par
le vent. Parfois, ces grains sont bien polis.
Dans la composition des dépôts ce sont les sables quartzeux qui
dominent, mais on trouve souvent aussi des sables feldspathiques
qui s ’accumulent et ne se décomposent pas, car dans les déserts l ’alté­
ration chimique n ’attaque presque pas les roches. Pendant les dépla­
cements continus, les minéraux fissiles (mica, etc.) sont usés, réduits
en débris et emportés par le vent. L’épaisseur des accumulations de
sable atteint dans les déserts plusieurs dizaines de mètres.
Les lœss. La poussière transportée par le vent se dépose dans les
zones périphériques des déserts, les steppes limitrophes et les versants
des montagnes. Les accumulations de particules très fines apportées
par le vent constituent le lœss, type génétique très particulier de
sédiments terrestres. C’est une roche jaune clair ou jaune paille, lé­
gère et macroporeuse. Elle est composée pour plus de la moitié de
grains de poussière de 0,05 à 0,01 mm et d ’une notable quantité de
grains encore plus fins allant de 0,01 à 0,005 mm.
Le lœss est caractérisé par l ’absence de stratification, une divi­
sion en colonne, un riche contenu en combinaisons carbonatées, l ’exis­
tence de concrétions calcaires d ’une forme bizarre qu’on appelle
poupées de lœss et la présence d ’un système de canaux verticaux
laissés par les racines de plantes disparues. Dans les affleurements
naturels et les carrières le lœss forme des parois verticales (fig. 40).
L’épaisseur du lœss varie de quelques mètres à 100 m, rarement plus.
Cependant, dans la Chine du Nord, l ’épaisseur du lœss et des roches
lœssiques sous-jacentes du Pliocène dépasse 250 m.
Les lœss typiques sont connus, entre autres, en Chine, en Asie
centrale, dans les régions semi-désertiques des Etats de l ’Ouest de
l ’Amérique du Nord. En Europe occidentale et surtout en Allemagne
centrale ainsi que dans les steppes du Sud de l’U.R.S.S. on trouve
des roches appelées limons lœssiques qui présentent beaucoup de
points communs avec le vrai lœss. Elles sont poreuses, carbonatées,
homogènes, elles comportent des canaux verticaux et ce n ’est que
par endroits qu’on observe une hétérogénéité dans leur composition.
L’origine des lœss et des limons lœssiques n ’a pas encore été
élucidée. Il existe plusieurs hypothèses : éolienne, torrentielle, allu­
viale, diluviale, éluviale, etc. Les discussions ont été particulière­
ment intenses quand il s ’est agi de l ’origine du lœss et des limons
lœssiques dans le Midi de la partie européenne de l ’U.R.S.S. (Ukrai­
ne), c’est-à-dire au Sud de l ’extension maximale de la dernière gla­
ciation quaternaire. Plusieurs chercheurs optent actuellement pour
l ’hypothèse éolienne selon laquelle l ’air froid qui s ’accumulait pen­
dant la glaciation continentale au-dessus des masses énormes de glace
engendrait un anticyclone glaciaire. La différence de pression au-des­
sus et au-delà du glacier provoquait un déplacement d ’air du centre
de la calotte glaciaire vers la périphérie. En descendant, les masses
d ’air s ’échauffaient de 1° tous les 100 m et. en arrivant dans les
lus
régions préglaciaires, elles devenaient au ras du sol chaudes et sèches ;
c ’est ce qu’on appelle les fœhns glaciaires (d’après Voïéikov et Tout-
kovski). Ces vents dispersaient les accumulations morainiques du
front des glaciers et les autres dépôts meubles des régions préglaciai­
res. Ils emportaient et déposaient loin des glaciers une poussière très

Fig. 40. Parois verticales des lœss rencontrés près de la ville de Siang-
than (R.P.C.)

fine dont les accumulations ont formé le lœss. L’hypothèse éolienne


explique bien l ’étalement en couche des formations lœssiques dans
le Sud de l ’U.R.S.S., c’est-à-dire leur accumulation en forme de banc
continu dans les interfluves, sur leurs versants et les terrasses cycli­
ques anciennes.
Pourtant, il se peut que dans certains cas le lœss se soit formé autre­
ment, sous l ’action des cours d ’eau par exemple, thèse que soutiennent
actuellement plusieurs explorateurs de l ’Asie centrale. Puisqu’­
une fois déposée la poussière éolienne subit l ’action des précipitations
atmosphériques et des eaux courantes, il est évident qu’à côté des
formations de lœss éolien non remanié, il existe de nombreux dé­
pôts lœssiques ayant une origine torrentielle, diluviale et alluviale.
Ainsi, l ’étude de la provenance du lœss doit être envisagée sous deux
aspects : 1) provenance du matériau et modes de son accumulation ;
2) conditions du dépôt de ce matériau.
Outre les accumulations éoliennes directement liées à l ’activité
du vent, on trouve dans les zones désertiques des sédiments de lacs
salins et de lagunes constitués de divers sels : sels potassiques, sels
106
sulfatés (gypse, mirabilite), chlorure de sodium, de dépôts des cônes
de déjection des torrents, de dépôts argileux tapissant les couloirs
entre les chaînes de dunes et les dépressions de terrain (takyrs).
Dans certaines régions désertiques l'exsudation des solutions
aqueuses provoque la formation à la surface de croûtes concrétion-
nées. En Afrique, ces croûtes constituées de carbonates cimentent les
sables en les transformant en une cuirasse de grès de 1 à 2 m d ’épais­
seur. En Asie centrale (surtout là où la roche est calcaire), une croûte
de gypse poreux se forme, recouvrant une partie de l ’Oustiourt.
Les takyrs (voir fig. 27) sont des étendues à sol argileux presque
planes dont la superficie varie de quelques mètres à plusieurs kilo­
mètres carrés. Ils se situent dans les dépressions isolées entre les cor­
dons de dunes ainsi que dans les déserts rocheux ; leur forme est tan­
tôt arrondie, tantôt allongée. Des cours d ’eau éphémères apportent
des débris très fins dans ces cuvettes à partir des hauteurs voisines.
Les grains les plus fins atteignant le centre de la dépression s ’y
déposent en formant la couche argileuse de takyr. En séchant, l ’argile
devient très compacte et très dure. Les fers à cheval n ’y laissent
presque pas de traces, et les coups qu’ils portent font un bruit sec.
Une fois séchées, ces argiles se fissurent et la surface du sol se frag­
mente en dalles polygonales (de 4, 5 ou 6 côtés) dont le diamètre at­
teint 7 à 12 cm (fig. 27). Dans les déserts, les takyrs contiennent
souvent de l ’eau douce, parfois en quantité infime, car leur sur­
face argileuse imperméable à l ’eau retient les précipitations atmo­
sphériques. Pour préserver cette eau de l ’évaporation on creuse
des rigoles spéciales qui l ’évacuent à la périphérie du takyr vers
des puits forés dans le sable; l ’eau douce pénètre dans le sol en
formant une lentille à la surface des eaux de fonds salées. Cette
nappe d ’eau douce est ensuite utilisée par la population locale.
En U.R.S.S. les plus grands takyrs se trouvent dans les régions
limitrophes des plaines de piémont du Kopet-Dag; leur formation
est liée à l ’activité des torrents. Il en existe également près du cours
inférieur de l ’Amou-Daria (ancien delta Sarykamychskaïa).
Parfois, l ’eau apporte dans les dépressions non seulement des
particules argileuses, mais aussi des sels lessivés des roches. Après
évaporation, la surface de la dépression se couvre d ’efflorescences
blanches constituées par des sels qui transforment progressivement
le takyr en solontchak. Ces sols salins peuvent également se former
quand la nappe des eaux souterraines saturée de sels n ’est pas très
profonde et que l ’eau, remontant par les capillaires à la surface,
s ’évapore en y déposant les sels.
On voit donc que l ’action intensive de facteurs tels que la
désagrégation des roches, la déflation, le transport et l ’accumula­
tion éoliens, joints à l ’activité des cours d ’eau éphémères et des
torrents contribuent à la formation dans les déserts de cinq types
de paysage : désert rocheux, désert sableux, désert argileux, désert
salé, désert à sols gypso-magnésiens.
107
CHAPITRE 6

Action géologique des eaux courantes

§ 1. Ruissellement et travail des cours d’eau irréguliers


Les eaux des précipitations atmosphériques en atteignant le sol
se répartissent différemment. Une partie s ’infiltre en profondeur et
alimente les réserves d ’eau souterraine, une autre retourne dans l ’at­
mosphère grâce à l ’évaporation, la troisième enfin s ’écoule le long
de la surface.
Dans l ’ensemble des phénomènes de la dynamique externe, l ’ac­
tion des eaux courantes est avec les processus d ’altération sur place,
celle qui affecte les plus grands espaces de la surface terrestre. Les
ravins et les cours d ’eau couvrent la surface de la Terre d ’un réseau
serré. Le rôle des cours d ’eaux est particulièrement important.
«On dit souvent artères fluviales pour désigner les cours d ’eau,
écrivait l ’académicien A. Pavlov, et ceci par analogie avec le
corps humain dont les organes sont alimentés et irrigués par des
artères.»
Nous commencerons l ’étude du développement et de la forma­
tion des cours d ’eau et de leurs vallées par l ’examen de l ’écoulement
superficiel ; dans ce but, nous examinerons d ’abord les formes mineu­
res du relief élaboré par les cours d ’eau irréguliers.
La durée d ’un cours d ’eau s ’étend sur un temps assez important;
c’est pourquoi, une vie humaine est insuffisante pour permettre de
remarquer quelque changement dans son développement. Il en est
tout autrement des ravins et des rigoles creusés par les cours d ’eau
irréguliers qui, pour ainsi dire, jouent le rôle de petits modèles
naturels; ils se développent sous nos yeux en un temps relative­
ment bref.
L ’action géologique des eaux de ruissellement dépend de la masse
d ’eau écoulée et de la vitesse de l ’écoulement qui est fonction de la
pente. Plus la masse et la vitesse de l ’eau sont grandes, plus le
travail effectué est intense. Celui-ci peut être subdivisé en : 1) abla­
tion ; 2) creusement (érosion), 3) évacuation des produits d ’ablation
et d ’érosion (transport) et A) dépôt des produits déplacés (accu­
mulation).

108
RUISSELLEMENT

L ’écoulement des eaux météoriques peut prendre la forme de


filets diffus dont l’enchevêtrement couvre d ’un réseau serré les
versants ou bien se concentrer en courants puissants se déplaçant
suivant certaines lignes (rigoles, ravins, vallées).
Dans le premier cas, les eaux de pluie et de fonte de la neige
ruissellent en se répartissant plus ou moins régulièrement sur toute
la surface du versant. La force vive
des petits filets étant faible, ils ne
peuvent entraîner que les débris fins
■de la désagrégation des roches. Au pied
des versants, la pente devenant plus
douce et la vitesse du courant dimi­
nuant, ces débris fins se déposent. Il
s ’accumule ainsi sur les versants un d’unFig. 41. Schéma de la formation
dépôt déluvial: 1 — al­
manteau de dépôts assez épais, de cons­ lure initiale du versant; 2 —
titution essentiellement limoneuse pente réduite par le ruisselle­
<fig. 41). ment diffus; 3 — déluvion
Ce processus d ’ablation dû au ruis­
sellement diffus des eaux de pluie et de fonte de la neige est dit
déluvial (du latin deluo — laver), les dépôts ainsi formés s ’appelant
déluvion. L ’ablation du matériau des parties à grandes pentes et
son dépôt sur les pentes plus douces tendent à adoucir le versant.

{FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DES RAVINS

Un ruissellement uniforme ne pourrait avoir lieu que sur des


versants absolument plans. Or, la surface des versants présente tou­
jours des irrégularités, des secteurs déprimés de diverses dimensions.
Les filets d ’eau en arrivant dans ces dépressions fusionnent pour
former des filets plus puissants. Par la suite, l ’écoulement s ’effec­
tue suivant la déclivité de la dépression. Comme sa puissance est
déjà plus grande, le filet attaque le versant, l ’use rapidement et
forme une rigole. Pendant les fortes pluies ou la fonte des neiges, les
précipitations atmosphériques se concentrent dans cette rigole qui
se creuse et s ’élargit, en remontant suivant la pente (fig. 42). C’est
l ’ébauche du ravinement ou de l ’érosion, phénomène observé sur
les pentes labourées, dans les tronçons en pente des routes de terre
battue, partout où des rigoles artificielles ou naturelles épousent
le versant.
Le temps aidant les rigoles se transforment en ravins qui sont
■des chenaux plus profonds et plus allongés (fig. 43). A la différence
de la rigole initiale, le ravin progresse au-delà des versants des
vallées et gagne des secteurs toujours nouveaux de l ’espace des inter-
fluves. En amont d ’un ravin en progression il existe souvent une
rupture de pente assez forte qui, pendant les pluies, engendre une
109
Fig. 42. Rigoles sculptées par l’érosion sur un versant

Fig. 43. Ravin en évolution


chute d ’eau attaquant énergiquement le lit du ravin dont les parois
s’écroulent et qui remonte la pente. En d ’autres termes, le ravin
croît en régressant gagnant ainsi des secteurs toujours nouveaux.
En même temps son lit se creuse et s ’élargit sur toute sa longueur.
Les eaux des précipitations atmosphériques affluent vers le
ravin de tous les côtés et les rigoles le rejoignant se transforment

Fig. 44. Schéma montrant l ’évolution d’un ravin 04) et mesures em­
ployées pour lutter contre le ravinement (B)

progressivement en ravelines latérales. Par la suite, ces ramifications


évoluent de la même façon que le ravin principal (fig. 44).
Les modalités du ravinement ont été étudiées par V. Dokou-
tchaïev, A. Pavlov, P. Kostytchev et, ces dernières décennies, par
S. Sobolev.
D’après ce dernier, on peut distinguer quatre phases dans l ’évolu­
tion d ’un ravin.
La première est la formation d ’une rigole dans laquelle se ras­
semblent les eaux de fonte et de pluie. Sa profondeur ne dépasse pas
0,5 m et son profil longitudinal épouse le relief; il est souvent
caractérisé par une alternance de petits seuils et de fosses qui sont
particulièrement bien mis en relief dans les roches litées.
La deuxième phase commence avec l ’apparition d ’une forte
rupture de pente ou d ’une chute. Le ravin croît vers l ’interfluve
à mesure que les parois de la chute s ’éboulent en amont. La hauteur
de la chute peut atteindre 2 à 10 m, plus rarement 12 à 15 m. La pro­
fondeur des ravins dans ce cas est de 25 à 30 m (régions de la Volga,
du Dniepr, bassin de la Desna, etc.). Leur profil longitudinal est1
111
indépendant de celui du versant sur lequel ils se sont développés.
Le lit a une pente forte et très irrégulière, ce qui conditionne un
creusement énergique tout le long du ravin. A ce stade, le ravin
débouche dans la vallée par un ressaut ou une forte pente.
La troisième phase débute quand l'aval du ravin atteint le
niveau de la vallée ou d ’une autre dépression dans laquelle il débou­
che. Le profil du lit se régularise et le ravin s’élargit; en aval il se
forme des talus d ’éboulis ordinairement instables qui sont sapés à la
base et reçoivent d ’en haut des débris fournis par l ’éboulement.
La quatrième phase est celle du ralentissement de l ’activité
du ravin. Le creusement s ’atténue, le ressaut d ’amont est aplani, le
ravin n ’évolue plus dans le sens de la longueur. Les versants,
après avoir acquis le profil d ’équilibre d ’un talus naturel, sont sou­
mis à des éboulements continus et se couvrent de végétation. Le
fond du ravin se tapisse d ’un amas de débris.
Si le ravin descend jusqu’au niveau des eaux souterraines, il
apparaît un cours d ’eau permanent. Celui-ci poursuit le façonnement
du ravin, qui se creuse, s ’élargit, s ’allonge et se transforme progres­
sivement en une vallée fluviale.
Telles sont les formes qui évoluent sous l ’effet de l ’érosion, d ’une
simple rigole creusée dans un versant, jusqu’à une grande vallée
fluviale.
Chaque cours d ’eau (ou chaque ravin) a une source et une embou­
chure, endroit où il débauche dans une plaine ou se jette dans une
mer, un lac ou un fleuve. Le niveau du bassin dans lequel débouche
le ravin s ’appelle niveau de base.

TRAVAIL DES COURS D'EA U IRRÉGULIERS

Les rigoles et les ravelines creusant les versants escarpés des


montagnes se transforment rapidement en lits profonds qui débou­
chent sur des plaines de piémont. D’habitude, ces lits sont à sec ou
presque. Mais pendant les averses ou la fonte des neiges qui couvrent
les cimes des montagnes, ils se remplissent d ’eau qui descend impé­
tueusement le long du versant. Dans son mouvement rapide le tor­
rent entraîne une masse importante de sable et de pierraille; il
peut même déplacer de gros blocs, augmentant ainsi considérable­
ment son action destructive. En débouchant dans la plaine de pié­
mont le courant se ralentit brusquement, le torrent se répand dans
la plaine et dépose tous les matériaux qu’il a charriés. C’est ainsi
que se constitue le cône de déjection (fig. 45). Les matériaux s ’y dépo­
sent suivant la grosseur des grains : les gros débris près de la monta­
gne, les graviers plus loin dans la plaine, puis le sable et, enfin, les
grains de poussière fine, en bordure du cône, là où l ’eau ne se dépla­
ce presque plus. Les dépôts des cours d ’eau irréguliers dans la zone
du cône de déjection forment des accumulations d ’un type généti­
que particulier et portent le nom de dépôts torrentiels.
112
Fig. 45. Cône de déjection d'un torrent:
/ — ancien cône de déjection; 2 — cône de déjection récent s'enfonçant
dans l ’ancien

8 -9 2 7
Le niveau de base d ’un torrent se situe au pied des montagnes
à l'endroit où celui-ci débouche dans la plaine et où dominent les
processus d ’accumulation.
xaJ ; " ; m Les observations montrent que
les torrents s ’allongent en remon­
tant à partir du niveau de base ;
ce phénomène porte le nom d ’éro-
I sion remontante ou régressive.
: : Chaque année ils allongent leur
i 1 cours, gagnant des secteurs tou­
: • !i U jours nouveaux des versants.
Yy!t L ’extension du lit principal s ’ac­
/ v \ \ ! :V compagne du développement de
rigoles latérales pour lesquelles
le lit principal est à son tour un
niveau de base.
Un torrent typique comporte
trois parties bien distinctes :
Fig. 46. Schéma d’un torrent: 1) le bassin de réception, où
A — profil longitudinal ; B —
plan: I — bassin de réception; II — les eaux se rassemblent en sui­
canal d’écoulement; I I I — cône de vant un réseau de rigoles et de
déjection sillons ;
2) le canal d ’écoulement, où
les eaux concentrées dans un lit principal se dirigent vers la zo­
ne d ’épandage; c’est la partie où dominent l ’érosion et le trans­
port des débris;

Fig. 47. Produits de déjections d’un sil, Tian-Chan central


3) la zone d ’épandage (cône de déjection) qui se trouve dans la
plaine de piémont ; là, le torrent ayant quitté les montagnes, sa vites­
se diminue sensiblement et toute la charge de matériaux se dépose
sur place (fig. 46).
Sels et mourrés. Dans les vallons et les vallées de montagnes on
voit apparaître parfois des coulées de boue et de pierres animées
d’une grande vitesse et possédant une puissance destructrice énorme.
Elles sont dues soit à la fonte rapide des neiges, soit à de très fortes
averses. Ces coulées de boue et de pierre s’appellent sel ou sil en
Asie centrale et au Caucase et mourré dans les Alpes (fig. 47). Parfois,
leur action est proprement dévastatrice. 11 en fut ainsi, par exemple,
quand le 8 juillet 1921 un sel énorme envahit brusquement la ville
d’Alma-Ata. Des rues entières furent recouvertes de boue et des
pierres, de nombreux édifices furent détruits, on compta de nombreu­
ses victimes. La force vive de la coulée fut si grande que même
des blocs de plusieurs tonnes furent entraînés.

§ 2. Notions générales sur les cours d’eau


Les cours d ’eau jouent un rôle énorme dans la vie économique
des peuples.
Les premiers établissements humains ont été intimement liés
aux cours d ’eau, et c’est autour des artères fluviales que se sont
développées les civilisations anciennes.
Les villages et les villes se sont installés principalement au bord
des cours d ’eau, les capitales de nombreux pays se trouvent sur de
grands fleuves. La Volga à elle seule traverse 12 centres régionaux
et industriels de l ’U.R.S.S.
Les embouchures des fleuves ont eu une importance particulière.
L’homme a commencé à les exploiter il y a plusieurs millénaires.
Dès l ’Antiquité ont été peuplées les régions des deltas de Yang-tseu-
kiang, du Gange, du Nil, du Tigre, de l ’Amou-Daria, riches en terres
fertiles; c’est ici que l ’agriculture irriguée est apparue il y a
5 000 ans.
Les fleuves sont très utiles sous de nombreux rapports en tant
que : sources principales de ravitaillement en eau ; fournisseurs princi­
paux d'eau utilisée dans l'irrigation ; voies de communications commo­
des et peu onéreuses; source de grande quantité d'énergie bon marché',
réserve de richesses poissonnières.
Chaque cours d ’eau se distingue par: 1) son débit; 2) sa hauteur
d ’eau; 3) sa vitesse d ’écoulement. Tous ces éléments varient suivant
les saisons ainsi que d ’une année à l ’autre. Leur modification cons­
titue le régime du fleuve.
Le débit et la hauteur d ’eau d ’un cours d ’eau dépendent de son
alimentation et des fluctuations de celle-ci. L ’alimentation des cours
d’eau s ’effectue à partir des eaux de surface et des eaux souterraines.
8* 115
0 'après leur mode d ’alimentation dominant, les cours d ’eau sont
classés en plusieurs groupes :
I. Cours d ’eau à alimentation essentiellement neigeuse (par
exemple, les cours d ’eau de la partie européenne de l ’U.R.S.S.).
Pour un grand nombre d ’entre eux, l ’écoulement de printemps grossi
par la fonte des neiges constitue de 50 à 70% de l ’écoulement annuel.
Ce groupe comprend de nombreux cours d ’eau de l ’hémisphère boré­
al. En plus de l ’eau de fonte des neiges, ces fleuves reçoivent égale­
ment celle des pluies d ’automne et de printemps.
II. Cours d ’eau à alimentation essentiellement glaciaire. Ce
groupe comprend notamment les cours d ’eau d ’Asie centrale qui
descendent des hautes montagnes couvertes de glaciers, tels l ’Amou-
Daria, le Tarim, le Syr-Daria, etc. La majeure partie de leur cours
passant par des régions désertiques à climat aride où les précipita­
tions sont infimes et l ’évaporation intense, ils ne reçoivent pas
d’alimentation subsidiaire en chemin, mais perdent, au contraire,
beaucoup d ’eau par évaporation et infiltration. C’est pourquoi
nombre d ’entre eux n ’atteignent pas la mer et tarissent dans les
sables du désert (Tchou, Mourgab, etc.).
III. Les cours d ’eau à alimentation essentiellement pluviale. Ce
groupe comprend les cours d ’eau traversant les régions pauvres en
neige mais qui ont en revanche de fortes pluies d ’été et d ’automne;
ainsi, en Extrême-Orient, la neige ne contribue que pour 20% seule­
ment aux précipitations annuelles, alors que 80% sont fournies par
les pluies. Dans ce groupe on compte des grands fleuves, tels l ’Amazo­
ne à qui la fonte des neiges des montagnes ne donne que le centième
de son débit, le Congo, le Nil, l ’Orénoque, l ’Amour, etc. Les
rivières de France et de certains autres pays d ’Europe sont alimentées
également par les pluies persistantes d ’automne et d ’hiver.
IV. Cours d ’eau à alimentation mixte ; par exemple de nombreuses
rivières du Caucase, certains fleuves de l'Inde, de l ’Asie centrale
(ce type d ’alimentation est très répandu).
L 'alimentation par les eaux souterraines est observée dans tous les
cours d ’eau, mais elle est surtout importante quand la vallée
est remblayée par des dépôts meubles et épais. Dans ce cas, quand
le niveau d ’eau dans le fleuve monte sensiblement, les dépôts
se saturent d ’eau qui s ’infiltre à travers les pores. Lors de la baisse
du niveau, cette eau souterraine afflue vers la rivière. Quand celle-ci
est à son niveau le plus bas ou quand elle est prise par les glaces,
elle est surtout alimentée par les eaux souterraines. Les cours d ’eau
du Nord de l ’U.R.S.S. reçoivent 30% de leur eau par les eaux souter­
raines, ceux de la zone moyenne, de 10 à 20%, et ceux du Sud du
pays de 5 à 10%.
Au cours de l ’année, le régime des cours d ’eau change suivant le
mode et l ’abondance de l ’alimentation. Prenons, en guise d ’exemple,
les fleuves de plaine de la partie européenne de l ’U.R.S.S. Comme
on l ’a déjà dit, ils sont surtout alimentés par la fonte des neiges et
116
partiellement par les pluies. Pendant 4 à 5 mois environ ces fleuves
sont pris par les glaces. La plupart d ’entre eux est gelée dès fin
d’octobre ou vers la première moitié de novembre; la débâcle
commence en mars ou au début d ’avril. Au printemps, avec le dégel,
les fleuves reçoivent l ’eau de fonte des neiges. Un peu plus tard
c’est le début de la débâcle. L ’abondance de l ’eau fournie par la
fonte des neiges, qui s ’écoule de l ’aire de drainage (bassin d ’alimen­
tation) dans le fleuve, provoque une montée de l ’eau rapide et bruta­
le. Le fleuve sort de ses berges et recouvre les vastes étendues de la
plaine inondable. Le niveau monte pendant de 20 à 25 jours et même
parfois un mois, atteignant ordinairement un maximum en mai,
puis commence la décrue qui dure de 40 à 60 jours. Vers la fin de
l’été, le niveau d ’eau du fleuve est à son minimum.
La période où le débit du fleuve atteint son minimum et où le
niveau est le plus bas s ’appelle étiage.
L ’époque de l ’augmentation brutale du débit et de la montée du
niveau d ’un fleuve grossi par la fonte des neiges hivernales est nom­
mée période de grande crue. La hauteur d ’eau et la durée de la crue
dépendent de nombreux facteurs :
1) type de temps en hiver et en été ;
2) épaisseur et compacité de la neige;
3) quantité et intensité des précipitations de printemps;
4) temps mis par le flot de la crue pour s ’étaler sur les diverses
parties du bassin ;
5) superficie et relief du bassin, etc.
Les positions correspondantes du niveau sont dénommées haute
eau (période des crues) et basses eaux (niveau d ’étiage).
Les crues ordinaires sont provoquées par des pluies persistantes
et abondantes. Ces crues ne sont pas très importantes pour les riviè­
res de plaine de la partie européenne de l ’U.R.S.S. Un exemple des
variations annuelles du débit et du niveau d ’un cours d ’eau, ainsi
que la part des divers types d ’alimentation nous est fourni par
l’hydrogramme de la Volga, près delà ville de Kamychine (fig. 4S, A).
Le régime des rivières d ’influence surtout pluviale (rivières
d ’Extrême-Orient russe), se distingue sensiblement du régime
des cours d ’eau de la partie européenne de l ’U.R.S.S. Leur débit
et leur niveau atteignent un maximum dans la deuxième moitié de
l’été et au début de l ’automne (fig. 48, B ), au moment où tombent
des pluies particulièrement fortes.
Les rivières à alimentation mixte ont des niveaux et des débits
maximaux pendant les mois d ’été, époque des pluies et de fonte des
glaciers dans les montagnes (fig. 48, C).
Les hauts niveaux des rivières d ’influence glaciaire (Amou-Daria,
Syr-Daria) correspondent aussi aux mois chauds de l ’été. Cette
particularité du régime des cours d ’eau traversant les déserts permet
l ’utilisation de grandes quantités d ’eau pour l ’irrigation pendant
les mois les plus secs.
117
Les diagrammes de la fig. 48 indiquent les rapports approximatifs
des divers types d'alimentation qui varient parfois en fonction des
conditions du milieu. Ainsi, l ’alimentation souterraine des rivières
pendant les grandes crues dépend des conditions hydrogéologiques et,
en particulier, du niveau de la
nappe aquifère et de ses rapports
avec la rivière. D’après B. Kou-
déline, plusieurs types d ’alimen­
tation souterraine sont possibles.
1. La rivière en entier coule
dans des argiles imperméables,
Si Mois alors que le niveau des eaux
souterraines se trouve plus haut,
sans communiquer avec elle.
Dans ce cas, pendant la crue,
l’alimentation souterraine s’effec­
tue comme il est indiqué sur
£?] Mois la fig. 49, A .
2. La rivière a son lit dans
les sables perméables, et les eaux
souterraines communiquent avec
elle. Pendant la crue, le niveau
de la rivière monte rapidement
et l ’eau s ’infiltre en partie dans
les sables secs (fig. 49, B). C’est
alors la rivière qui alimente la
S] Mois nappe aquifère et non pas l ’in­
verse.
Fig, 48. Hydrogramme des cours
3. Deux nappes aquifères se
d’eau. Modes d’alimentation : 1 — sou­ trouvent près du lit de la rivière,
terraine ; 2 — nivale; 3 — glaciaire; l ’une au-dessus, l ’autre au-des­
4 — pluviale sous, séparées par des couches de
terrains imperméables ; la nappe
inférieure communique avec la rivière et la supérieure non. Dans
ce cas, l ’alimentation se fait suivant le schéma des fig. 49, A et 49, B.
La hauteur d'eau absolue dans une rivière varie suivant le
volume des précipitations atmosphériques. Le tableau 5 donne les
hauteurs maximales de quelques rivières enregistrées ces 50 derniè­
res années.
Pendant une grande crue le débit d ’une rivière est supérieur de
5 à 20fois environ à celui d e l’étiage. Pour la Moskova, il l ’est de 20
ou 30 fois et même de 100 dans les années humides.
La vitesse d ’un cours d ’eau est fonction de la masse d ’eau, de la
pente et des inégalités du lit qui caractérisent l ’écoulement.
Le courant fluvial est en général turbulent (désordonné, tourbil­
lonnaire) ; autrement dit, la vitesse en chaque point du courant
varie constamment en grandeur et en direction (est soumise à des
118
pulsations). Dans une rivière rapide le mouvement turbulent engen­
dre des tourbillons (remous). La turbulence du courant produit un
brassage de toute la masse d ’eau du fond jusqu’à la surface.
Tableau 5

H au teu r m a x i­
m ale au-dessus
Cours d'eau de ré tla g e Année
d ’été, m

Oka, près de Kalouga 18 1908


Volga, près des Jigouli 17 1926
Nijniaîa Toungouska à 30 km de l'em-
bouchure 32 1937
Yang-tsé-Kiang dans le défilé en
amont d'Itchan 40 1931

Un courant fluvial n ’est laminaire (en filets d ’eau) que sur des
secteurs isolés en pente douce où la vitesse est très faible.
La vitesse moyenne d ’une rivière est donnée par la formule de
Ghézy : v = C Y R I, où C est le coefficient qui dépend surtout du
nappes aquifères nappes aquifères A lim entation
sans communication en communication so u te rra in e
Schéma avec la r iv iè re la) avec la riv iè re (b) m ixte ( a*b)
de l'alim entation
so u terra in e
des cours d'eau

Ç, ms/s Ç, mJ/ s Ç. mJ/s


Schéma montrant
le rapport en tre
les alimentations
su perficielle
e t souterraine

1:- • '-• 'J I I li WMd IIH H I15 \— H g


Fig. 49. Représentation schématique des types d’alimentation souterraine
des cours d’eau (d’après B. Koudéline) : 1 — terrains aquifères; 2 — argi­
les imperméables; 3 — alimentation superficielle; 4 — alimentation
souterraine à partir des nappes aquifères sans communication avec la
rivière ; 5 — alimentation souterraine a partir des nappes aquifères en
communication avec la rivière ; 6 — niveau de la nappe aquifère ;
BE — basses eaux de la rivière; HE — hautes eaux de la rivière

frottement (rugosité des parois et du fond du lit), i?, le rayon hydrau­


lique de la rivière, c’est-à-dire le quotient de la surface de la « section
mouillée» par son périmètre (pour une rivière large de faible pro­
fondeur, R est voisin de la profondeur moyenne), et / , la pente de
la surface de la rivière par unité de longueur.
119
La vitesse moyenne des rivières de plaine calmes et de grandeur
relativement faible (Oka, Moskova, etc.) est de 0,5 à 0,6 m /s; les
grands fleuves (Volga, Dniepr) coulent à une vitesse de 1 m/s et
plus, et les cours d ’eau de montagnes, de 3,5 à 5,0 m/s et davantage.
Cette vitesse du courant varie en fonction du temps et de l ’espace
sous l ’action de divers facteurs.

Fig. 50. Section mouillée de la Volga près de Saratov. Répartition des


vitesses du courant à l ’époque des hautes eaux

Les vitesses minimales sont observées à l ’étiage, les maximales


pendant les grandes crues où elles augmentent de deux à trois fois
et plus par rapport à celles de l ’étiage (tableau 6).
Tableau 6

Vitesse moyenne, m/s


Type de cours d’eau
grande crue étlagc

Grands fleuves de plaine (Volga,


Dniepr) 1,7-2,5 0,8-1
Rivières de plaine de dimensions
moyennes (Oka, Moskova) 1,5-2,0 0,6-0,5
Petites rivières de plaine 1,2-1,5 0,5-0,4
Petites rivières de montagne 5.0 1,0
Petites rivières à régime mixte semi-
montagneux (Koura) 3,0 1,5

Le tableau 6 fournit des moyennes pour toute la section du cou­


rant. En fait, près des berges la vitesse est plus faible qu’au milieu
du courant où le lit est plus profond ; de même, près du fond, la vites­
se est moindre que dans la partie supérieure du courant.
La répartition des vitesses dans la section mouillée de la Volga
près de Saratov à l ’époque des grandes crues est représentée sur la
120
fig. 50. En été, dans cette section suivant le talweg, la vitesse est
de 0,4-0,5 m/s, dans les autres parties elle est inférieure.
La vitesse varie aussi suivant la partie du cours considérée : là
où les berges se resserrent, elle est plus grande que le long des biefs,
secteurs profonds et élargis de la rivière.

§ 3. Travail des cours d’eau


La capacité d ’une rivière à effectuer un travail peut être appelée
force vive ou puissance. Cette puissance est proportionnelle à la
masse d ’eau (rn) et au carré de la vitesse (v) :

Plus il y a d ’eau dans la rivière et plus la vitesse est grande, plus le


travail effectué par la rivière est important.
Ce travail comporte les éléments suivants : 1) érosion (creusement);
2) évacuation (transport) des matériaux fournis par l ’érosion et la
désagrégation ; 3) dépôt (accumulation) en cours de route des maté­
riaux déplacés.
Suivant le rapport entre la puissance (P) et la charge (C) qu’elle
entraîne le travail de la rivière varie. Trois cas sont possibles :
1) P > C — c’est l ’érosion qui prédomine;
2) P = C — il y a équilibre entre l ’érosion et l ’accumulation;
3) P <C C — l ’accumulation est plus importante que l ’érosion.
Pour un même cours d ’eau ce rapport change d ’un endroit
à l ’autre.

érosion

Au début, quand une rivière commence à façonner son cours,


c’est l ’érosion qui prédomine. On distingue Y érosion verticale qui
excave le fond et Y érosion latérale qui élargit le lit. Ces deux formes
d’érosion agissent en même temps et leurs manifestations peuvent
toujours être décelées, mais l ’érosion verticale est plus importante
que l ’érosion latérale au début de la vie d ’un cours d ’eau, tandis
que par la suite c’est l ’inverse. Les blocs, le gravier, le sable, char­
riés par le cours d ’eau augmentent notablement son action érosive
en usant et en nivelant la surface du lit.
Le niveau de base d ’une rivière est le niveau du bassin de récep­
tion dans lequel elle se déverse. «Ce niveau est l ’un des seuils qui
déterminent la pente» (Makkavéev, 1957) et, par conséquent, le tra­
vail de la rivière. Il faut signaler à ce propos les tentatives de révi­
sion delà notion de «niveau de base » entreprises ces derniers temps,
car on a remarqué à maintes reprises que le courant fluvial conti­
nue au-dessous de ce niveau (au fond de la mer) parfois à des distan­
ces assez grandes. Certains chercheurs estiment possible de prendre
121
comme niveau de base la surface du fond du bassin de réception au
niveau de laquelle la rivière perd sa force vive et ne peut plus appro­
fondir son lit.
Le cours d ’eau régularise son lit en partant du niveau de base
suivant la loi de l ’érosion remontante ou régressive. Imaginons une
surface (AB) (fig. 51) sur laquelle coule une rivière. Supposons que
cette surface ait une pente plus ou moins régulière, mais assez forte.
Au point a2se concentrent les filets isolés, au point a t la rivière reçoit
des cours d ’eau secondaires déjà importants, et au point a, les plus
gros affluents. B est le niveau de base.
Si la pente reste constante, l ’intensité de l ’érosion est déterminée
par la masse d ’eau existant à l ’endroit correspondant. Dans le cas
considéré elle est maximale dans le secteur du cours inférieur (aB).

Fig. 51. Elaboration par une rivière du


profil d’équilibre (d’après A. Pavlov)

C’est pourquoi avec le temps, le lit dans ce secteur prend la forme


abB. Dans le secteur ab la pente s ’accentue, la vitesse du courant
augmente et le creusement du lit s ’accélère au-dessus du point a.
L’approfondissement du secteur a-at donne au fond du lit la forme
axbjbB. Le creusement est donc accru au-dessus du point a t et ainsi
de suite. En définitive, la rivière approfondit sa vallée qui deviendra
plus régularisée qu’initialement et le fond du lit prendra la forme
de la courbe AbJjJbB (habituellement concave) qui dans le cours
inférieur tend vers l ’horizontale. La vitesse du courant diminue for­
tement et le processus d ’érosion est atténué. Cette courbe régulière
s’appelle profil régularisé de la rivière ou profil d'équilibre. A l’embou­
chure le profil d ’équilibre est proche de son niveau de base.
Cet exemple est assez schématique, puisque les conditions de
l ’évolution sont supposées idéales : pente régulière et homogénéité des
roches attaquées par l'érosion. Le plus souvent, il n ’en est pas ainsi
dans la nature. La pente le long de laquelle s ’écoule la rivière est d ’ha­
bitude très irrégulière et les roches qui la constituent sont de nature
lithologique différente et de résistance inégale. Lorsqu’il y a alternance
des roches tendres et dures, le courant s ’enfonce plus facilement dans
les roches peu résistantes alors que les roches dures freinent le creu­
sement du lit et forment des rapides. Les célèbres rapides du cours
moyen du Dniepr sont dus aux affleurements de roches cristallines
très résistantes au milieu des sédiments meubles de sable argileux.
122
Lorsqu’on 1932 on construisit le barrage du Dniéproguès, les rapides
qui entravaient énormément la navigation furent recouverts par les
eaux du bassin de retenue.
Les rivières Volkhov, Narva, Msta, Angara, Vitime, etc., compor­
tent, eux aussi, des rapides.
La formation des rapides n ’est pas obligatoirement due à la
présence de roches résistantes. Souvent, ce sont des restes du relief
initial qui existait avant l ’apparition du cours d ’eau. Parfois, ils pro­
viennent de l ’activité d ’un glacier disparu. Les rapides provoquent un
changement brutal de la vitesse du courant et de son activité érosive.
Si le cours d'eau rencontre des ruptures de pentes abruptes, il se
forme des chutes. Les cataractes de grands fleuves étonnent par
l’énorme masse d ’eau qui tombe verticalement, leur largeur dépas­
sant de beaucoup leur hauteur. Dans les montagnes, on rencontre,
au contraire, des cascades dont la hauteur de chute est de beaucoup
supérieure à la largeur du filet d ’eau. Le célèbre cataracte du Niagara
de 50 m de haut est un exemple de chute du premier type. Après le
recul des glaciers du Labrador, la rivière Niagara qui prend sa source
au lac Erié se dirigea vers le lac Ontario en rencontrant sur son passa­
ge un escarpement préglaciaire très abrupt. La chute s ’est formée
à cet emplacement.
L’observation des chutes a permis de se faire une idée de la force
destructrice de l ’eau tombant verticalement ainsi que de l ’évolu­
tion originale de la portion du lit en amont du seuil.
L ’eau tombant avec une grande force excave le fond au pied de
la chute et engendre des tourbillons complexes. Certains filets d ’eau
descendent le courant, d ’autres se dirigent dans le sens inverse vers le
pied de la chute. Par un travail de sape l ’eau creuse une niche qui
s’élargit progressivement jusqu’à ce que la partie supérieure du seuil
de la chute, qui surplombe la niche, s ’écroule. L ’eau continue alors son
travail de sape ; l ’escarpement est détruit peu à peu et la chute remon­
te vers l ’amont. La vitesse du recul de la chute est fonction de la
masse d ’eau qui y passe. Ainsi, les observations effectuées de 1342
à 1911, ont permis de constater dans la partie canadienne de la
chute du Niagara un recul de l ’ordre de 1,2 m par an.
On compte aussi parmi les plus grandes chutes celle de Jerzop
dans les Ghâtes occidentales (Inde) qui tombe à pic d ’une hauteur
de 249 m. Sa force destructive est particulièrement grande à l ’époque
des moussons lorsque la masse d ’eau augmente considérablement.
Pendant la saison sèche, son débit devient beaucoup plus faible.
11 existe aussi une grande cataracte sur le fleuve Zambèze en
Afrique australe: les chutes Victoria; elles sont presque deux fois
plus larges que celle du Niagara (1 600 m) et leur hauteur est d ’en­
viron 130 m.
Dans les régions montagneuses de l ’U.R.S.S. on trouve égale­
ment de nombreuses chutes (Crimée, Caucase, chaîne Guissarski.
Tian-Chan, etc.).
123
Les débris de roche parfois très gros qui tapissent le fond du lit
au pied de la chute contribuent à l ’approfondissement de celui-ci.
L ’eau en tombant entraîne ces débris dans le tourbillon qui leur
communique un mouvement giratoire ; ils forent alors dans le fond
de la rivière des cavités arrondies faisant penser à des puits verticaux
ou à des marmites énormes. On appelle ces cavités marmites de géants.
Ainsi, les chutes contribuent à l ’approfondissement du lit.
La présence dans le lit de la rivière de barres et de seuils exerce-
une influence sur l ’élaboration du profil d ’équilibre (fig. 52).
Imaginons un cours d ’eau dont le relief du fond comporte un seuil.

D
T
D

Fig. 52. Phases d’évolution et du recul d’un seuil: D — roches dures,


résistantes; T — roches tendres, facilement érodables (d’après Arthur
Holmes)

C’est lui qui déterminera l ’évolution du cours d ’eau et l ’élaboration


du profil d ’équilibre vers l ’amont jusqu’à son usure totale par le
courant; ce n ’est qu’alors que l ’élaboration du profil d ’équilibre
sera fonction du niveau de base. Les seuils de ce genre constituent
des niveaux de base locaux. De même, des niveaux de base locaux
peuvent se créer à la confluence d ’un cours d ’eau avec un grand af­
fluent, lors du refoulement du courant par les alluvions de ce dernier
ou du fait de l ’édification d ’ouvrages hydrauliques. Ainsi, le barrage
du Dniéproguès constitue le niveau de base de la partie du Dniepr
située en amont, tandis que la mer Noire est le niveau de base de la
partie en aval. Nous voyons donc que la régularisation du profil met
en jeu tout un système de niveaux de base locaux et non seulement
le niveau de base général.

TRANSPORT DES DÉBRIS

Le pouvoir d ’érosion d ’une rivière s ’accroît considérablement


lorsqu’elle charrie une grande masse de particules solides (graviers,
sable) qui usent et érodent les roches du fond.
Le transport des matériaux par le courant se fait de diverses
manières :
a) par traction ou roulement des débris sur le fond ;
b) en suspension des grains fins ou troubles;
c) à l ’état de solution.
La charge d ’un courant est maximale aux périodes de hautes
eaux et de crue.
124
Les recherches hydrologiques ont montré que la composition
de la charge solide et son importance par rapport aux matières en
solution changent suivant la nature du cours d ’eau (tableau 7).
Tableau 7

Charge de fond

Type des cours


d’eau composition teneur en Composition Part des matiè­
% par de la tur- res en solu­
rapport bidité tion en % par
à la tur- rapport à la
bidité turoidité

Torrents à Galets surtout 30-40 % Sable et grains 10-30% -,pour les


alimentation à calibre cours d’eau
glaciaire plus fin de faible
puissance jus­
qu’à 50 %
Grandes riviè­ Grains de sa­ 10 % Grains de Jusqu’à 70 %
res de plai­ ble surtout diamètre
ne < 0 ,1 cm

Pour avoir une idée du pouvoir de transport d ’un cours d ’eau,


il suffit de donner quelques exemples. Ainsi, l ’Amou-Daria charrie
chaque année jusqu’à l ’embouchure environ 570 millions de tonnes
de troubles; le Yang-tséu-Kiang, 2 532 millions de tonnes; le Danu­
be, 82,1 ; la Volga, 19 ; le Rhin, 4. Ces quantités dépendent de fac­
teurs tels que la vitesse du courant, la nature géologique des roches
composant les berges, la puissance du cours d ’eau, etc. On peut
donner les chiffres suivantes:
une vitesse de 0,3 m/s permet de transporter du sable fin
» » » 0,6 m/s » » » du gros sable
» » » 1 » » » » du gravier fin
» » » 1,2 > » » » des galets de la
grosseur d’un œuf
» » » 2 » » » » des galets jusqu'à
10 cm de diamètre
» • » 2,4 » » > » des galets jusqu’à
20 cm

Le poids des débris traînés sur le fond est proportionnel à la


puissance 6 de la vitesse. Ceci explique la différence entre le calibre
des débris entraînés par les rivières de plaine et de montagne. Si la
vitesse des rivières de plaine est prise égale à 1, celle des rivières
de montagne est exprimée par le chiffre 3, alors que le poids des
matériaux que ces dernières charrient est 729 fois supérieur à celui
des débris transportés par les rivières de plaine.
125
Comme le montre le tableau 7, tous les cours d ’eau transportent,
en plus de la charge solide, des matières en solution dont le volume
est particulièrement important dans les grands fleuves de plaine
où elles constituent jusqu’à 60 ou 70% des turbidités. N. Strakhov
classe en trois groupes les substances transportées par les cours
d ’eau :
1) sels facilement solubles (NaCl, KC1, MgS04, CaS04) qui sont
toujours présents dans les eaux fluviales sous forme de solutions
vraies; dans les cours d ’eau des climats humides, ils constituent une
faible partie de la charge, alors que dans ceux des régions arides,
leur rôle est capital (Missouri, Arkansas, etc.) ;
2) carbonates des métaux alcalins et alcalino-terreux (CaC03,
MgC03, Na2C03) ; les eaux fluviales contiennent surtout du CaC03;
3) combinaisons de Fe, Mn, P en quantité généralement faible,
parfois des traces seulement.
Seules les substances du premier groupe sont transportées exclusi­
vement sous forme de solution. Les autres combinaisons peuvent être
déplacées soit en solution, soit en suspension, notamment les matiè­
res organiques. Le mode de transport est déterminé par la dissolu­
bilité des constituants de la charge. Ainsi, la silice dont la solubilité
est très faible, est déplacée surtout sous forme de troubles.

ACCUMULATION (REMBLAIMENT)

L ’érosion et le transport des matériaux sont accompagnés de


l'accumulation de ces derniers. Tous les cours d ’eau sans exception
charrient des débris et les déposent à l ’occasion. Dès le premier
stade du développement du cours d ’eau, lorsque les processus d ’éro­
sion et de transport prédominent nettement sur l ’accumulation, on
peut trouver tout de même des secteurs où les matériaux charriés
par la rivière se déposent. Au début, ces alluvionnements sont insta­
bles et quand la masse d ’eau et la vitesse augmentent (hautes eaux
ou crues), ils peuvent être de nouveau entraînés dans le sens du cou­
rant. A mesure que s ’élabore le profil d ’équilibre, les alluvions du
lit deviennent de plus en plus stables.
Les accumulations de débris de roches dans les vallées fluviales
s ’appellent alluvions (du latin al — vers et luere — laver).

§ 4. Vallées et rivières, forme et évolution


Suivant la phase de l ’évolution d ’un cours d ’eau son profil
transversal change.
Dans une rivière au niveau de base très bas c ’est le creusement
qui l ’emporte et qui aboutit rapidement à la formation d ’une vallée
profonde aux flancs abrupts. Le profil de cette vallée à cette phase de
développement correspond à la définition du canon (vallée en gorge)
(fig. 53) ou vallée en V. Le fond d ’une telle vallée est entièrement
126
Fig. 53. Vallée en forme de cation (rivière IsfalramsaT)
couvert par l'eau. L ’alluvionnement est alors instable, et les débris
sont charriés vers l ’aval, surtout aux périodes de hautes eaux.
A mesure que le lit se régularise, l'érosion latérale s ’intensifie
et la vallée s'élargit. Dans certaines parties la vallée devient plus
large et un alluvionnement commence aux secteurs concaves des
tournants du lit en donnant lieu à des atterrissements. Ces dépôts

Fig. 54. Schéma de révolution de la plaine alluviale dans une vallée


d’érosion (d’après E. Chantser) : sections transversales de la vallée
correspondant aux trois phases successives de son évolution (I, II, III).
1 — position antérieure ae la berge affouillée ; 2 — sens de la migration
du lit; 3 — niveau d’étiage; 4 — niveau des hautes eaux; 5 — dépôts
alluviaux du chenal d’écoulement; 6 — limons de débordement; 7 — dé­
pôts de versants ; l — lit d’étiage ; b — berge haute ; A tt — atterrissement
de bordure; P — plaine alluviale

fluviatiles se combinent de différentes manières aux débris descen­


dant des versants de la vallée. Comme le montre la fig. 54, cette
phase correspond à la formation d ’une vallée en auge. L ’évolution
ultérieure de la vallée est liée au processus de formation des méan­
dres et aux oscillations latérales du lit.
Le cours des rivières est ordinairement sinueux, ce qui est dû
à des causes diverses : irrégularités du relief initial, variations dans
la composition et la structure des roches, conditions hydrodynami­
ques de l ’écoulement. Ce sont ces dernières qui jouent le rôle essen­
tiel ; turbulence du mouvement de l ’eau, apparition de tourbillons
se déplaçant avec le courant et déterminés par la pente, débit et
transport des alluvions.
128
Les études hydrodynamiques montrent que «dans chaque courant
fluvial même laminaire... la répartition des vitesses a un caractère
tourbillonnaire, phénomène qui, à lui seul, suffit à créer des condi­
tions favorables à l ’affouillement local tantôt de la rive droite,
tantôt de la rive gauche», et aboutit donc à élaborer un lit «sinueux»
(Vélikanov, 1948).
La force d ’inertie fait que chaque goutte d ’eau tend à se déplacer
en ligne droite et c’est pourquoi, lorsque le lit décrit une courbe,
l’eau se précipite vers la rive concave où elle acquiert une vitesse

7 -------- »~2
Fig. 55. Schéma montrant l ’action des courants de fond transver­
saux et la formation d’un lobe de sable: 1 — sens du courant;
2 — courants de fond transversaux; a — atterrissement de bordure

maximale. Là le lit s ’approfondit sensiblement, la rive est affouil-


lée, devient abrupte et recule progressivement en accentuant la
courbure des boucles, ce qui aboutit à un élargissement de la vallée.
En même temps, les courants de fond qui se déplacent transversale­
ment de la rive concave vers la rive convexe provoquent un allu-
vionnement. Ces courants de fond entraînant du limon, du sable, du
gravier et des galets les déposent sur la rive convexe. Le lit du fleuve
se déplace peu à peu dans le sens de la rive concave (fig. 54, I I ,
II I et fig. 55), alors que la rive opposée se transforme en un lobe de
plus en plus étranglé construit ordinairement de sable. Cette étendue
dénudée formée de sable ou de gravier et des galets n ’est en somme
qu’une forme dérivée de l ’atterrissement de bordure du cours d ’eau.
Les eaux du courant en buttant contre la rive concave sont détour­
nées en aval vers la rive opposée qu’elles minent à leur tour, et
ainsi de suite. La vallée vue d ’en haut se présente sous la forme
d ’une alternance de lobes et de versants concaves affouillés (fig. 56).
9-927 129
Quand les lobes développés à partir de ces atterrissements devien­
nent suffisamment étendus, ils ne sont recouverts par l ’eau dans
leurs parties les plus éloignées qu’à l ’époque des hautes eaux. C’est
alors que commence la formation de la plaine alluviale ou inondable,
c’est-à-dire de la partie de la vallée que l ’eau ne recouvre que pendant
la période des hautes eaux.
Du fait de la migration des méandres dans le sens latéral et vers
l ’aval (fig. 57, A) la plupart des lobes initiaux constitués par la roche
en place sont rongés; une large vallée en auge alluvial se forme
(fig. 54, III).
Le lit de la rivière (la plus basse partie du terrain où elle coule)
occupe dans une telle vallée un espace relativement restreint, alors

Fig. 56. Alternance des lobes et des versants


concaves de la vallée

que la vallée elle-même atteint des dimensions considérables. Ainsi,


dans les régions de plaines, la vallée est parfois large de 10 à 15 km
et même plus. Dans ce cas, la rivière coule sur des étendues énormes
de la plaine inondable, dans ses propres alluvions, en formant des
boucles de dimensions et d ’aspect très différents. Ces boucles ont
été appelées méandres d ’après le nom du fleuve Méandre en Asie
Mineure.
Ainsi, dans l ’élaboration d ’une large vallée alluviale les méan­
dres jouent un rôle important. En s ’amplifiant progressivement, ils
forment souvent des boucles à col relativement étroit.
A l ’époque des crues, c ’est-à-dire au moment où la puissance du
courant augmente, ce col peut être sectionné et le courant s ’ouvre un
chenal direct. Le lit délaissé de la boucle ainsi recoupée se transfor­
me en un lac en forme de croissant, ou bien est progressivement enva­
hi par la végétation, s ’envase et devient un marais dont seule la
forme en arc indique l ’origine (fig. 57, B). Ces lacs croissants qui
sont d ’anciens méandres abandonnés portent le nom de bras morts
130
ou faux-bras. Presque toutes les vallées de rivières de plaine possèdent
sur la surface de leur basse terrasse des bras morts de forme et de di­
mensions différentes, qui compliquent le relief de la plaine inondable.

A B
Fig. 57. A. Déplacement progressif des méandres à mesure qu’ils
s’accroissent (Emile Haug Traité de géologie): a — phase initiale;
b — positions successives des phases postérieures. B. Schéma de la
formation d’un bras mort

La formation de bras morts par un brusque recoupement des


méandres et le raccourcissement du cours peut se dérouler à l ’échelle
humaine. Des faits de ce genre ont été observés dans les vallées du
Don, de l ’Oka, du Dniepr, etc.

STRUCTURE DE LA PLAINE INONDABLE

A première vue la surface de la plaine inondable paraît absolu­


ment plane. Mais en y regardant de plus près, on découvre divers
éléments de formes mineures, c’est-à-dire des accidents de relief
de l ’ordre de quelques mètres (fig. 58).
Dans le relief de la plaine inondable on peut nettement distin­
guer la partie du bourrelet alluvial qui borde le lit de la rivière et
s’élève à plusieurs mètres au-dessus du niveau général ; elle est
constituée le plus souvent de sables. Ce bourrelet est appelé digue
naturelle. Sa formation est liée aux modifications de la puissance et
de la vitesse du courant dans la zone de débordement de la rivière.
Chaque fois que celle-ci sort de ses berges, sa vitesse diminue sur le
bord du lit et les grains de gros calibre, le sable surtout, se déposent
au fond. C’est ainsi que se forme la digue naturelle qui borde parfois
la rivière sur des grandes distances. Au-delà du bourrelet alluvial
s’étend la partie centrale de la plaine inondable qui est parsemée
d ’une multitude de bras morts et de nappes d ’eau délaissés, coupés
du chenal principal et transformés en lacs ou remblayés par des
9* 131
Fig. 58. Plaine inondable dans le cours inférieur d'une rivière de plaine (d’après
une photo aérienne) : 1 — lit de la rivière; 2 — méandre du lit de la riviere;
3 — début du recoupement du méandre; 4 — phase terminale du recoupement
(bras mort); 5 — méandre délaissé rempli d'eau

alluvions. La plupart de ces faux-bras ont des formes bien accusées


et sont souvent bordés par des restes de digues naturelles. Les diva­
gations de la rivière sur la plaine inondable peuvent entraîner la
formation de bourrelets arqués que séparent des gouttières.
Enfin, dans certains cas, on peut dégager une partie basse qui
comprend la zone la plus déprimée de la plaine inondable contiguë
au versant rocheux de la vallée ou à une ancienne terrasse. Parfois, les
émergences des eaux souterraines ou un écoulement des eaux de fonte
des neiges utilisent cette dénivellation pour former un cours d ’eau
tributaire de la rivière principale.
132
Fig. 59. Terrasses de glissement formées sur la berge de Houang-Ho

Le talus escarpé de la plaine inondable comporte parfois des


petites terrasses de glissement formées par les flots lors des dé­
crues (fig. 59).
Nature des dépôts alluviaux. Chaque plaine inondable bien
développée permet de dégager les dépôts alluviaux du chenal d ’écou­
lement et les dépôts de débordement. Les dépôts du courant fluvial
forment le soubassement de la plaine inondable. C’est la conséquence
du déplacement latéral du cours d ’eau qui suit la rive concave en
régression. Les schémas I et II de la fig. 54 représentent les premiè­
res étapes de la formation de la plaine inondable à partir d ’un
atterrissement. La vallée s ’élargissant, les conditions de l ’alluvion-
nement dans le lit et sur l ’atterrissement se modifient. L’eau ne
recouvre l ’atterrissement que pendant les hautes eaux; l ’épaisseur
de la couche d ’eau et la vitesse du courant sont de beaucoup infé­
rieures à celles du lit.
L ’eau qui recouvre cet embryon de plaine inondable (atterris­
sement), se déplace lentement et ne gêne pas le développement de la
végétation (prés, landes, bois). Les plantes à leur tour freinent les
eaux de crues et réduisent leur vitesse, ce qui favorise le dépôt des
grains fins se trouvant en suspension.
C’est ainsi qu’au-dessus des dépôts alluviaux de l ’atterrisse­
ment primaire une alluvion ou limon de débordement s ’accumule
(fig. 54, III).
133
Fig. GO. Rapport entre les dépôts du lit du cours d'eau et les dépôts de
débordement tel qu’il apparaît dans la terrasse de Sourkhan sur la rivière
Chirabad: a — dépôts du lit; b — dépôts de débordement

Fig- 61. Stratification oblique des sables alluviaux


Caractères des dépôts alluviaux. Les dépôts courants fluviaux
et les dépôts de débordement présentent des différences de
constitution, de faciès. Le faciès du courant fluvial se caractérise
surtout par des sables à grains variés mélangés à des graviers bien
roulés et des galets. Parfois, graviers et galets forment un lit très
mince à la base de la plaine inondable. Les dépôts de débordement
sont au contraire constitués pour l ’essentiel de limons sableux ou
argileux (fig. 60).

J 6 Z 5 9 6 1 3 74 8
Fig. 62. Schéma montrant la structure d’une vallée de rivière de plaine
(dessin de N. Kostenko): 1 — dépôts du chenal d’écoulement; 2 — dépôts
de débordement; 3 — dépôts des nappes d’eau dormantes; 4 — dépôts
de versants; 5 — lit de la rivière; 6 — plaine inondable; 7 — bras morts
se couvrant de végétation; 8 — terrasse fluviale; 9 — cordons littoraux

Les dépôts alluviaux sont également marqués par la stratifi­


cation qui peut être horizontale, oblique ou croisée (fig. 61).
Outre les deux types de dépôts mentionnés, il faut distinguer le
dépôt des nappes d'eau dormantes d ’un faciès particulier qui s ’accu­
mule dans les lits morts résultant d ’un recoupement des boucles de
la rivière et qui présente certains traits spécifiques. Il est surtout
constitué de limons argileux et sableux de couleur sombre, bitumi­
neux, ressemblant aux sédiments lacustres et contenant des limnées.
Parfois, à la base de ces dépôts on rencontre des lits de sable témoi­
gnant de la liaison entre le tronçon recoupé et le cours d ’eau au début
de sa formation. A l ’époque des crues, le bras mort est envahi par
les eaux qui y charrient les dépôts de fond, et ce n ’est que par la sui­
te qu’il se transforme en lac. Dans une section transversale de la
plaine inondable on voit nettement les dépôts de bras morts en forme
de lentilles distinctes, recouvertes parfois de dépôts de débordement.
135
Les schémas'des fig.^54 et 62 établis pour les rivières de plaine
mettent bien en évidence le rapport qui existe entre les trois types
de dépôts alluviaux (du chenal d'écoulement, de débordement et des
nappes d ’eau dormantes).
Il n ’en est pas de même pour les cours d ’eau de montagne qui se
différencient avant tout de ceux de plaine par la vitesse plus forte
de leur courant. La grande vitesse du courant engendre dans ces cours
d ’eau un système compliqué de remous et de tourbillons bien visi­
bles à l ’époque des crues. Dans ces conditions, les grains de sable et
d ’argile ne se déposent pas au fond et sont évacués vers l ’embou­
chure. Seuls les gros débris, surtout les graviers roulés, se déposent
dans la vallée. Les dépôts de débordement ou de nappes d ’eau dor­
mantes sont alors pratiquement absents ou ont une épaisseur très
faible.

TERRASSES FLUVIALES

Le type de vallée à auge alluviale peut se compliquer par des


terrasses en nombre plus ou moins grand. Chacune d ’entre elles
représente une certaine étape dans l ’évolution du cours d ’eau et
correspond à une ancienne plaine inondable qui a été creusée par la
rivière lorsque les conditions se sont modifiées. Supposons qu’au
début le cours d'eau se trouvait au niveau a-at à partir duquel il
a élaboré une vallée alluviale (fig. 63). Ensuite, les conditions s ’étant
modifiées (abaissement du niveau de base par exemple) une reprise
de l ’érosion a abouti au creusement par la rivière du fond de la vallée
antérieure, dont il ne subsiste que des restes sous forme de terrasses
et à l ’élaboration d ’un nouveau niveau de la vallée b-bt. Puis un
nouvel abaissement du niveau de base (ou une élévation du terrain)
entraîne le creusement de la vallée ainsi que la formation d ’un
nouveau lit et de la plaine inondable actuelle. La terrasse la plus
élevée est donc la plus ancienne, et la plus basse est la plus récente.
Habituellement, on numérote les terrasses à partir du bas, des plus
récentes vers les plus anciennes, la première terrasse étant celle qui
se trouve immédiatement au-dessus de la plaine inondable. Chaque
terrasse comporte les éléments suivants: escarpement (ou talus)y
pied du talus, rebord, surface supérieure et entrecroisement des terras­
ses (fig. 63).
Les terrasses se différencient sensiblement par leur structure. On
en distingue habituellement trois types:
1) terrasses d'érosion ou de sapement latéral (terrasses rocheuses) ;
2) terrasses d'accumulation ou construites ;
3) terrasses à fond rocheux recouvert d ’alluvions.
On désigne par terrasses d ’érosion les terrasses dont la surface
supérieure et l ’escarpement sont formés par les roches en place et qui
ne sont pas recouvertes par des alluvions. Cette structure témoigne
d ’une modification du régime au stade initial de l ’évolution de la
136
rivière correspondant à la phase du creusement, alors que l ’alluvion-
□ement ne se produisait pas ou très peu. Les terrasses d'accumula­
tion ont, au contraire, leur escarpement et leur surface supérieure
constitués de dépôts alluviaux, ce qui témoigne d ’une évolution
prolongée pendant laquelle la rivière a pu former sa plaine alluviale
et la creuser ensuite de nouveau en laissant une terrasse. Enfin, les
terrasses à fond rocheux recouvert d ’alluvions reposent sur une roche

Fig. 63. Terrasses fluviales et leurs éléments:


P — plaine inondable ; I — première terrasse ; II — deu­
xième terrasse; 1 — entrecroisement des terrasses;
2 — surface de terrasse ; 3 — rebord ; 4 — escarpe­
ment de terrasse

en place qui s ’élève au-dessus du plan d ’eau, la partie supérieure de


l’escarpement et la surface de la terrasse étant au contraire formées
par des alluvions.
L ’extension des divers types de terrasses d ’une vallée donnée et
leurs rapports mutuels sont fonction de l ’évolution des régions traver­
sées par la rivière. Une vallée fluviale peut comporter plusieurs ter­
rasses (fig. 64).
Les causes de la formation des terrasses peuvent être :
1) les mouvements récents de l ’écorce terrestre qui se sont pro­
duits au Quaternaire et qui ont souvent provoqué des modifications
du profil d ’équilibre;
2) l ’augmentation de la masse d ’eau écoulée du fait de la modi­
fication du climat;
3) la variation de la quantité des matériaux charriés par la
rivière.
Les mouvements récents de l ’écorce terrestre ont été sans doute
décisifs sous ce rapport.
La formation des anciennes terrasses longitudinales est condition­
née soit par un abaissement du niveau de base, soit par un soulè­
vement uniforme de la région où coule la rivière. Dans les deux cas,
la pente du fond du lit est accentuée, ce qui a pour conséquence
immédiate un renforcement de l ’érosion. Suivant l ’ampleur du
soulèvement et le nouveau rapport entre le niveau de base et la
source, la rivière s ’enfonce partiellement dans son alluvion, traverse
137
toute la couverture alluviale jusqu’à la roche en place et même
parfois s ’attaque au soubassement rocheux.
La rivière se comporte d ’une façon tout à fait différente si le
niveau de base monte. Dans ce cas son cours inférieur est submergé
et il se forme une côte à liman (l’embouchure du cours d ’eau se dépla­
ce vers l ’amont de la vallée à l ’intérieur du liman). L ’élévation du
niveau de base réduit la pente, la vitesse diminue et l ’intensité
de l ’érosion s ’atténue. L ’alluvionnement s ’accentue et l ’ancienne
plaine inondable, formée lorsque le niveau de base était plus bas,

Fig. 6-1. Allure d’une vallée fluviale: A — dans le cours supérieur; B — dans
les cours moyen et inférieur; C — au voisinage de l ’embouchure; 1 — chenal
d’écoulement; 2 — plaine inondable; 3 — terrasses fluviales; 4 — rebord
du soubassement rocheux de la vallée (dessin de N. Kostenko)

non seulement n ’est pas détruite mais peut être même fossilisée
sous une nouvelle couche alluviale accumulée dans des conditions
différentes.
L ’étude des alluvions des terrasses anciennes présente un grand
intérêt. La nature des dépôts alluviaux, le rapport entre les diffé­
rents faciès, le nombre de terrasses et les variations de leur hauteur
le long de la rivière permettent de se faire une idée de l ’évolution de
la région, de reconstituer la succession et le caractère des mouvements
récents de l ’écorce terrestre, de discerner les particularités climati­
ques, etc. La hauteur relative des terrasses et leur altitude absolue
au-dessus du fond de la vallée, la profondeur du creusement de la
vallée aux divers stades de son évolution révèlent l ’amplitude des
mouvements verticaux.
138
L’élude des répercussions des mouvements récents sur la mor­
phologie des vallées fluviales a aussi une grande importance pratique
notamment pour la reconnaissance des séries pétrolifères, décelables
par les déformations de la surface des terrasses et par les variations
de leur hauteur. Les soulèvements récents se répercutent également
sur l ’organisation du réseau hydrographique. Dès que la pente varie
quelque peu, l ’écoulement de l ’eau se modifie. En s ’approchant de
la partie de l ’écorce terrestre qui subit un soulèvement, la rivière est
brutalement déviée ou bien se divise en deux bras. Sur le bombement
ainsi formé on voit apparaître de petites rigoles creusées par le
ruissellement des eaux de surface et dirigées radialement à partir
du centre du soulèvement; ce phénomène est facilement repérable
sur les photographies aériennes.
L’étude des alluvions a également un intérêt pratique. On peut
dire que les terrasses fluviales constituent des réserves naturelles de
minéraux utiles. On y rencontre la plupart des minerais alluviaux :
or, platine, diamants, etc. De nombreux ouvrages d ’art, ponts, bar­
rages, centrales hydrauliques sont souvent édifiés sur des dépôts
alluviaux. De plus, la nature de ces derniers a plusieurs fois permis
de déceler les soulèvements récents de l ’écorce terrestre. Voilà
pourquoi il est utile de connaître les structures particulières des
terrasses fluviales.

EMBOUCHURES

L’embouchure des fleuves est la zone’ des interactions complexes


entre les eaux douces et les eaux des mers; le régime fluvial s ’y
transforme en régime marin.
Les embouchures se forment sous l ’influence de nombreux facteurs :
1) le débit d ’eau et ses modifications dans le temps;
2) la quantité et la nature de la charge transportée par le cours
d ’eau :
3) la salinité de l ’eau marine;
4) les courants marins;
5) les courants de marée (flots et jusants), etc.
Les divers modes d ’interaction entre les fleuves et les mers abou­
tissent à la formation d ’embouchures de types différents. On distin­
gue cependant deux types principaux : les deltas et les estuaires.
D’après N. Samoïlov (1952), une embouchure est constituée par
les éléments suivants (fig. 65), dont la formation dépend de l ’action
dominante soit du fleuve, soit de la mer:
1) zone du cours d ’eau proche de l ’embouchure où la mer n ’exer­
ce aucune action;
2) zone de l ’embouchure proprement dite (estuaire ou delta);
3) rivage extérieur avec barres dues aux apports du fleuve;
4) zone de la mer dont les eaux sont fortement adoucies lors
des crues.
139
Un delta est en somme le cône de déjection des matériaux apportés
par un fleuve dont les accumulations progressent continuellement
vers la mer. Cette expression fut employée pour la première fois pour
désigner la zone d ’épandage du Nil qui a la forme de la lettre
grecque A.
Lorsque le fleuve atteint la mer, sa vitesse diminue. Alors une
quantité importante de matériaux traînés sur le fond ou transportés
en suspension se déposent, car sous l ’effet de la coagulation provoquée
par le contact de l ’eau douce avec
l ’eau salée les troubles de l ’eau
fluviale se déposent au fond.
Ainsi se forme un large cône
alluvial dont la base, s ’élargissant
constamment, est du côté de la mer.
Si la mer est peu profonde, le lit
du fleuve est vite remblayé par les
dépôts qui ne livrent plus passage
à toute l ’eau fluviale. Le niveau
du fleuve s ’élève et le fleuve est
comme soulevé par ses propres dé­
pôts ; en cherchant une issue, il
perce ses berges et bifurque. Ainsi,
à l ’embouchure se forme un réseau de
chenaux appelés bras. Cet ensemble
de bras qui diffluent constitue un
e -S* g \des auBTxn»ione au cours d'eau trait caractéristique de la zone
^ g £ j du neuve a tten an t à la m e r.
f i-! ^ — Zone de l'embouchure— \
d ’embouchure. Le delta change de
forme à chaque crue. Il s ’élargit,
Fig. 65. Division d’une embou­ s ’exhausse et s ’allonge vers la mer.
chure de fleuve (d’après N. Sa- C’est ainsi que se forment les vastes
moïlov) plaines deltaïques, variétés de côte
alluviale. Les deltas soudés du
Houang-Ho, et du Yang-tséu-kiang constituent la bande de dépôts
deltaïques la plus étendue dans le monde. La longueur de leur plaine
commune atteint 1 100 km et la largeur, 300 à 400 km. Si l ’on tient
compte du prolongement sous-marin, la largeur est de 500 km et la
superficie globale s ’élève à 500000 km2, presque celle de la Caspienne.
La plaine deltaïque formée par le Brahmapoutre, le Gange et le
Mahanadi qui les rejoint au Sud-Ouest, est à peu près du même ordre
de grandeur. Elle s ’étire sur 700 km le long du littoral du golfe du
Bengale. La superficie des parties émergée et immergée atteint
150 000 km2. Le delta du Mississipi est long de 320 km et large de
300 km. La superficie du delta du Nil est de 35 000 km2, de celui
de la Volga, 18 000 km2, du Tigre et de l ’Euphrate, 48 000 km2, de
l ’Amou-Daria, environ 10 000 km3.
La progression du delta en largeur et vers la mer n ’est pas conti­
nue. D ’après les estimations de M. Klénova, le delta de la Volga
140
s’accroît en moyenne de 170 m par an (fig. 66) ; toutefois, ces derniè­
res années l ’abaissement du niveau de la mer Caspienne a entraîné
une avancée de 500 m par an. De 1847 à 1889 le delta du Syr-Daria
a progressé en moyenne de 164 ra par an. Celui de la Koura s ’accroît
à raison de 175-300 m par an, celui du Térek de 100 m.
Les deltas sont caractérisés par de fréquentes migrations du lit.
Depuis 1852, le bras principal du delta du Houang-Ho passe au nord
de la presqu’île de Chan-Tong, alors qu’auparavant il suivait un

Fig. 66. Progression du delta de la Volga

bras méridional du delta et, en contournant cette presqu’île au


sud, se jetait dans la mer à 480 km de son embouchure actuelle.
L ’altitude infime et la surface aplanie du delta du Houang-Ho sont
la cause de ces changements brusques de l ’écoulement du fleuve
qui s ’accompagnent d ’inondations terribles.
En approchant de la mer, le Mississipi coule dans des chenaux
(bayous) profonds et étirés en forme de doigts (delta en patte d ’oie).
L’embouchure d ’un de ces bayous se déplace en moyenne chaque
année de 75 m vers le golfe du Mexique. Dans la région du delta on
observe un lent mouvement de subsidence qui est cependant compen­
sé par l ’accumulation: l ’exhaussement du lit par alluvionnement
141
et la subsidence éprouvée par l ’écorce terrestre s ’équilibrent. C’est
pourquoi les dépôts deltaïques sont ici très épais (d’après les données
de forage, jusqu’à 600 m). Le delta du Nil progresse également vers la
mer, mais lentement, car pendant presque 1 000 km le fleuve coule
dans le désert et il perd beaucoup d ’eau; c’est pourquoi il dépose
une grande partie des débris qu’il charrie près du sommet du delta.
La progression lente du delta a également pour cause la subsidence
dont la vitesse est dans cette région supérieure à celle de l ’exhaus­
sement du fond par alluvionnement. Le delta est donc envahi par
la mer.
Le delta du Pô s ’accroît en moyenne de 12 m par an. La ville
Adria située actuellement à 22,5 km de la rive, était un port mari­
time il y a 1 800 ans.
Il n ’a fallu que 900 ans pour constituer le delta de la
Né va.
Les dimensions des deltas et la vitesse de leur progression témoi­
gnent du volume des matériaux charriés par les fleuves jusqu’à la
mer à partir de leurs bassins-versants, ainsi que du régime du bassin
marin dans lequel ils se jettent. Les conditions les plus favorables
à la formation des deltas sont:
1) une faible profondeur de la mer à l ’endroit où se jette le
fleuve ;
2) une charge de débris importante ;
3) une mer sans marées et sans courants puissants capables
d ’emporter les alluvions en haute mer ou loin des embouchures.
Dépôts deltaïques. Les deltas des fleuves de plaine sont surtout
constitués de sables et d ’argiles, tandis que ceux des fleuves de mon­
tagne contiennent parfois du gravier. Dès que les matières trans­
portées en solution parviennent au delta, elles s ’y déposent; ces
matières, surtout colloïdales, se coagulent sous forme de flocons au
contact de l ’eau salée (sels de Ca, Fe, Si, Al, etc.). C’est ainsi que
durant les époques géologiques se sont accumulées les couches d ’oxyde
de fer qui ont donné les gisements d ’hématites brunes actuelle­
ment exploitées. Dans les embouchures des fleuves on observe de
même la floculation des colloïdes organiques. L ’accumulation de la
matière organique disséminée parmi les vases et sa fossilisation
ultérieure peut aboutir à la formation de gisement de pétrole et de
gaz naturel. Dans le delta du Mississipi la pression du gaz fossilisé
dans les couches deltaïques provoque périodiquement des éjections
de vase ou d ’eau qui rappellent des « volcans de boue ».
Les nombreuses nappes d ’eau dormantes dispersées à la surface
des deltas et qui sont des lacs fermés provenant de recoupements de
bras abandonnés sont remblayées par les dépôts déjà mentionnés et
par les dépôts lacustres surtout argileux et riches en matières
organiques. De nombreux bras abandonnés se transforment en
marais, puis en tourbières qui, avec le temps, deviennent des
couches de houille.
142
Le complexe des dépôts deltaïques comprend aussi des sédiments
marins.
Ainsi, les deltas sont formés par des dépôts de nature très dif­
férente: dépôts alluviaux laissés par les fleuves, dépôts argileux
des eaux stagnantes du delta qui renferment souvent une part
importante de matière organique, dépôts des tourbières et sédiments
marins des mers plates. Tous ces dépôts subissent des modifications
notables dans le sens horizontal et dans le sens vertical par suite
des migrations fréquentes des bras qui conditionnent le transport et
l ’accumulation des dépôts fluviatiles et par suite la formation des
a

Fig. G7. Profil schématique des dépôts deltaïques:


a — couches supérieures émergées; b — couches supé­
rieures immergées; c — couches frontales obliques;
d — couches basales. L’échelle verticale est grossie
plusieurs fois (d’après M. Chvétsov)

lacs et de diverses dépressions où s’entassent les argiles et la tourbe


apparaissant dans les séries géologiques. Celles-ci peuvent également
renfermer des minéraux utiles (pétrole, houille, minerai de fer,
tourbe).
Les dépôts deltaïques présentent un profil caractéristique en
quatre couches (fig. 67) :
1) une partie émergée constituée surtout de dépôts fluviatiles,
lacustres et de marais;
2) une partie immergée supérieure, sous-marine, à strates hori­
zontales, renfermant surtout des alluvions déposées au-dessous du
niveau de la mer;
3) une partie centrale, à stratification inclinée constituée par des
dépôts accumulés sur une pente assez forte et remaniés par le défer­
lement et les courants de vagues ;
4) une partie sous-marine inférieure formée pour l ’essentiel de
matériau colloïdal apporté par le fleuve mais précipité déjà dans
l’eau marine.
Ce schéma de l ’arrangement des dépôts est souvent modifié,
surtout par des mouvements du sol à caractère ondulatoire (affais­
sement suivi de soulèvement) qui rompent l ’équilibre établi entre la
terre et la mer. Le trait caractéristique des dépôts deltaïques est
leur stratification oblique.
Deltas fossilisés. On sait que les cours d ’eau existaient sur la
Terre bien avant le Quaternaire. A chaque période de mouvements
143
tectoniques sont apparues des montagnes, des plaines émergeant des
mers, un ruissellement superficiel s ’est organisé en donnant naissan­
ce à des fleuves qui ont entraîné la formation des deltas.

Fig. 68. Embouchure de l ’iénisséi (d’après


N. Samoïlov)

L’étude détaillée de diverses séries géologiques de l ’U.R.S.S.


a permis de dégager des vestiges de deltas anciens fossilisés. Ainsi,
les séries houillères des bassins de Moscou et de Kizel sont vraisem­
blablement des formations deltaïques du Carbonifère inférieur.
144
Les riches assises pétrolifères de la presqu’île d ’Apchéron consti­
tuées par une alternance de sables et d ’argiles peuvent également
être considérées comme des dépôts deltaïques.
Estuaires. Tous les fleuves ne forment pas de delta. Beaucoup
d’entre eux aboutissent à de grands golfes qui s ’élargissent progres­
sivement en embouchures évasées en forme d ’entonnoir, les estuaires.
Parmi les fleuves qui ont des estuaires citons l ’Amazone, le Saint-
Laurent, la Tamise, la Seine, l ’Elbe, etc. En U.R.S.S. nous trouvons
l’Ob, l ’Iénisséi, etc.
Les conditions favorables à la formation d ’un estuaire se créent
là où la mer a des marées et où les courants circulent près des côtes,
alors que l ’alluvionnement du fleuve est faible. Un grand rôle re­
vient aussi aux mouvements de subsidence.
Pendant la marée haute le courant de flot remonte très loin dans
l’embouchure; quant au jusant il en sort sous forme d ’un puissant
courant renforçant celui du fleuve. Dans ces conditions, les débris
charriés par le fleuve sont évacués vers la mer et entraînés par les
courants littoraux.
La puissance des courants de jusant est bien connue ; les hydrau-
liciens l ’utilisent pour approfondir les embouchures et éliminer les
alluvions.
Les mouvements de subsidence contribuent également à la for­
mation des estuaires, s ’ils ne sont pas compensés par un alluvion-
nement comme les deltas qui se trouvent dans les mêmes conditions,
la mer remonte alors le cours inférieur du fleuve et forme un estuai­
re (fig. 68).
L’estuaire de la Seine (long de 35 km et large environ de 10 km)
s’est formé dans des conditions hydrodynamiques complexes : marées
très fortes et courants de vagues puissants engendrés par des vents
violents surtout de direction Nord-Ouest, affaissement du littoral
Nord-Ouest de la France de l ’ordre de 2 à 3 m par siècle. Des condi­
tions analogues existent à l ’embouchure de la Tamise ainsi qu’à cel­
les de plusieurs autres fleuves du littoral atlantique de l ’Europe.

§ 5. Systèmes fluviaux et leur évolution


Chaque réseau fluvial comporte un collecteur ou rivière principa­
le et des cours d ’eau de premier, deuxième, troisième ordres nommés
affluents. Ainsi, dans le réseau fluvial de la Volga, l ’Oka et la Kama
qui se jettent directement dans la Volga sont des cours d ’eau de
premier ordre; la Moskova, la Biélaïa, la Tchoussovaïa, la Viatka,
tributaires de ces affluents, appartiennent aux cours d ’eau de deu­
xième ordre; la Rouza, l ’Istra, l ’Oufa, la Sylva sont des affluents
de troisième ordre, etc.
Toute la région à partir de laquelle l ’eau se concentre dans la
rivière principale et ses affluents s ’appelle aire d'alimentation ou
bassin-versant. Elle peut atteindre une vaste superficie. Ainsi,
10—927 145
pour l ’Ob elle est de 3 354000 km2
t le Mississipi, de 3 250000 km2
» la Léna 2 712 308 km2
» l ’Iénisséi 2 240 487 km2
» l'Amour 2 050 000 km2
* la Volga 1 460 000 km2
» l'Amou-Daria 351 300 km2

Les réseaux fluviaux sont séparés entre eux par des lignes de
partage des eaux: lignes d'intersection de deux versants ou inter-
fluves séparant deux versants.
On distingue ordinairement les lignes de partage conséquentes
et subséquentes. Les lignes de partage conséquentes sont celles qui
séparent deux bassins-versants à pentes opposées, par exemple cel­
le qui sépare les fleuves du versant orienté vers le Nord (Dvina du
Nord, Pétchora) des fleuves du versant orienté vers le Sud (Volga,
Don, Dniepr). Les lignes de partage subséquentes séparent les riviè­
res voisines coulant sur un même versant. Les lignes de partage ont
un tracé irrégulier en zigzag, ce qui s'explique par les variations de
l'intensité de l ’érosion régressive. Les lignes de partage se déplacent
progressivement dans un sens ou dans l ’autre. On peut dire que
l ’évolution des réseaux hydrographiques est une lutte constante pour
les lignes de partage; ce sont les cours d ’eau les plus puissants qui
triomphent. Il est rare de rencontrer deux rivières descendant en
sens opposés en suivant deux pentes symétriques. Ordinairement, les
pentes sont asymétriques et présentent des déclivités diverses, ce qui
conditionne les différences dans le rythme d'érosion. La rivière au
niveau de base le plus bas qui descend d ’un versant raide creuse celui-
ci plus énergiquement que la rivière qui suit une pente douce et dont
le niveau de base est plus élevé. Sous l ’influence de l ’érosion régres­
sive la ligne de partage se déplace constamment vers la rivière à
pente douce jusqu’au moment où la rivière conquérante s’approche de
sa concurrente, détourne son cours supérieur en le décapitant et dévie
ses eaux vers son propre bassin. C’est ainsi que le réseau du Rhin
a décapité par capture les affluents du Danube. Le déplacement
des lignes de partage et le phénomène de capture s ’observent dans
les régions de montagnes à chaînes asymétriques. Ainsi, le versant
des Cordillères de l ’Amérique du Nord tourné vers l ’océan Pacifi­
que est très raide, tandis que celui qui descend vers l ’Est, du côté
de l ’océan Atlantique, est au contraire en pente douce, ce qui contri­
bue au succès de la lutte pour l ’aire de drainage des fleuves du bas­
sin du Pacifique.
Parmi les nombreux exemples de capture on peut citer celui de
l ’Aragva par le Térek dans le Caucase.
Une représentation schématique du phénomène de capture est
donnée à la fig. 69 ; les points A et B indiquent la position des ni­
veaux de base des rivières de versants opposés. Les points at, a2.
146
a3, etc., bu b2, b3, etc., donnent les positions successives des têtes
des rivières qui ont reculé sous l ’influence de l ’érosion régressive.
Le déplacement des lignes de partage ne concerne pas seulement
les lignes de partage conséquentes mais aussi les interfluves subsé­
quents qui séparent les vallées fluviales de même versant, notamment
lorsque l ’aire de drainage d ’une rivière, et donc son débit, est plus
grande que celle d ’une concurrente. Cette rivière et ses affluents
plus avantagés s ’approfondissent plus vite que les cours d ’eau

Fig. 69. Migration de la ligne de partage des eaux:


a4 ; az ; a3; a4 ; 6, ; bz ; b3 — positions successives des têtes
de rivières se déplaçant sous l’influence de l’érosion
régressive

voisins. Les affluents puissants qui coulent à des niveaux plus bas
peuvent s ’approcher du cours supérieur de la rivière voisine et cap­
turer ses eaux (fig. 70).
Plusieurs réseaux, dont celui que nous allons examiner, témoi­
gnent d ’une pareille évolution.
La rivière Pinéga, actuellement tributaire de la Dvina du Nord,
formait auparavant un seul cours d ’eau avec la rivière Kouloï qui
se jette dans le golfe de Mesen (fig. 71). La Dvina du Nord qui est
proche avait une puissance et une aire de drainage beaucoup plus
grandes. Un de ses affluents qui la rejoint près de Kholmogory,
a reculé sa tête par un creusement énergique et a atteint la Pinéga
à l’emplacement même de la ville de Pinéga. E tant donné la position
plus basse de cet affluent, les eaux de la Pinéga s’y sont engagées,
tandis que le courant inférieur de la Pinéga décapité s’est réduit
à une rivière relativement petite qui porte actuellement le nom de
Kouloï. Ainsi, un cours d ’eau puissant peut, en utilisant la progres­
sion de ses tributaires, repousser de flanc les lignes de partage et
conquérir, par capture des rivières voisines, une vaste aire de draina­
ge. Le processus de capture des cours d ’eau d ’un même versant est
très fréquent dans les montagnes; il aboutit à la formation d ’un
réseau hydrographique rectangulaire. Ce phénomène est particuliè­
rement courant dans les régions à structures monoclinales présentant
une alternance de roches à résistance variable. Dans les régions de
plaine, les réseaux fluviaux ont, au contraire, un aspect ramifié
(dendritique, arborescent).
La capture d ’une rivière par une autre se manifeste souvent par
les caractères morphologiques suivants :
10* 147
1) existence d ’un coude bien encaissé;
2) sous-adaptation de la rivière décapitée privée de la plus gran­
de partie de son aire de drainage aux dimensions de la vallée élabo­
rée lorsqu’elle était plus puissante;
3) apparition d ’une vallée morte creusée par la rivière capturée
et s ’étendant de l ’endroit de la capture jusqu’à la tête du cours d ’eau
décapité (a-aK de la fig. 70).

Fig. 70. Schéma de la capture d’une rivière:


I. Situation antérieure à la capture. II. Après la
capture. a-ax — vallée morte (ancien lit de la
rivière)

Le chevelu fluvial est plus ou moins dense suivant la région du


globe considérée, les facteurs déterminants étant: climat, relief,
nature et mode de gisement des roches. Les conditions climatiques
ont une importance capitale, surtout les précipitations (quantité,
nature et distribution suivant les saisons) et la température de
l ’air. Dans les zones humides caractérisées par des précipitations
atmosphériques abondantes et une température relativement modé­
rée, l ’eau météorique alimente un ruissellement superficiel intense
qui contribue au développement d ’un réseau hydrographique très
148
serré. Il en est tout autrement dans les zones désertiques où les
précipitations, très irrégulières, sont faibles (à peine 150-200 mm par
an), et ou la température élevée et la sécheresse extrême de l ’air

Fiç. 71. Capture de la Kouloï par la Pinépa (Iributairc de la Dvina


du Nord)

conditionnent une évaporation importante (1 000-1 500 mm par an).


Dans ces conditions, de vastes étendues peuvent être totalement dé­
pourvues d ’écoulement pérennial. Les déserts ne sont traversés que par
des fleuves abondamment alimentés avant qu’ils ne les atteingnent,
tels le Syr-Daria et l ’Amou-Daria.
14U
CHAPITRE 7

Action géologique des eaux souterraines

On appelle eaux souterraines toutes les eaux qui remplissent les


pores et les vides des roches au-dessous du sol. Elles sont très abon­
dantes dans l ’écorce terrestre et leur étude est essentielle quand on
veut résoudre des problèmes tels que :
1) l ’alimentation en eau des grandes agglomérations et des
entreprises industrielles ;
2) l ’édification d ’ouvrages bydrotechniques et industriels;
3) la mise en œuvre de travaux de bonification;
4) l ’exploitation de centres balnéaires, etc.
L ’action géologique des eaux souterraines est considérable. Elle
est à l ’origine des phénomènes karstiques dans les roches solubles
(calcaires, dolomies, gypses, etc.) et des glissements de masses de
terrain sur les versants des fleuves, des ravins et des mers. Les eaux
souterraines, leur origine, leur répartition, leur mouvement, leurs
modifications qualitatives et quantitatives et leur action géologique
sont étudiés par une science spéciale, Vhydrogéologie, l ’une des bran­
ches de la géologie.

§ 1. Perméabilité des roches


La perméabilité des roches, c’est-à-dire leur capacité de laisser
passer l ’eau joue un rôle capital dans l ’accumulation des eaux
souterraines. Là où dominent les argiles, les précipitations atmos­
phériques restent à la surface et s’évaporent, alors que dans les ré­
gions formées par des sables elles s ’infiltrent assez vite dans le sol.
Cette infiltration est encore plus rapide dans les graviers. Sa vitesse
est conditionnée par les différentes perméabilités des roches qui
permettent de classer les roches en trois groupes :
1) roches perméables : sables, graviers, galets, grès fissurés, cal­
caires, conglomérats et autres terrains rocheux ;
2) roches de perméabilité moyenne: limons sableux, argiles
sableuses, lœss, tourbes non décomposées, etc. ;
3) roches imperméables ou réfractaires à l ’eau: argiles, limons
argileux, tourbes bien décomposées, roches cristallines massives et
roches sédimentaires cimentées non fissurées.
150
La perméabilité des roches est conditionnée soit par le fait que
la roche est friable, constituée de grains non cimentés (sable, gravier)
et l'eau peut alors s ’infiltrer à travers les interstices (pores) entre
les grains, soit par le fait que la roche, bien que compacte et cimen­
tée (granité, calcaire) est fissurée et présente des joints (diaclases) où
l’eau peut se déplacer.

C_____
A
D

Fig. 72. Caractéristiques de9 terrains imperméables;


A — roches poreuses; B — roches fissurées; C — dimen­
sions des joints; D — dimension et compacité des grains
dans les roches poreuses. 1 — terrains imperméables;
2 — terrains saturés d’eau (dessin de N. Kostenko)

La porosité s’exprime par le rapport entre l ’espace vide des pores


d’un échantillon de roche et le volume total de celui-ci :

ou en pour cent: P = - y -100%, où p est la porosité de la roche;


Vp — le volume de l ’espace vide des pores de l ’échantillon ; et V —
le volume total de l ’échantillon. Il convient de noter qu’une grande
valeur de la porosité ne correspond pas toujours à la libre pénétra­
tion de l ’eau. Ainsi, la porosité des argiles est assez grande, jusqu’à
50-60%, mais pratiquement elles ne sont pas perméables, ce qui s ’ex­
plique par le fait que leurs pores ont des diamètres très petits (sub­
capillaires) et que, pour se_déplacer, l ’eau doit surmonter la résistan-
151
co énorme de la tension superficielle. Par contre, les sables ordinaires
dont la porosité moyenne est de 30 à 35% sont perméables. Plus
les grains formant une roche détritique friable sont gros, plus la per­
méabilité de cette roche est grande. La porosité moyenne des galets
mélangés à du sable grossier est de 20% ; c ’est pourtant un terrain
dont la perméabilité est très grande. Donc, la perméabilité des roches
détritiques meubles dépend non seulement du nombre de pores, mais
aussi des dimensions et de la forme des grains qui composent la roche
et du degré de leur agrégation. La fig. 72 donne des exemples de poro­
sité de roches suivant le degré d ’agrégation des grains et les dimen­
sions des fissures.
La perméabilité des roches fissurées dépend de la dimension et de
la nature des vides formés par les diaclases. Si les eaux souterraines
se déplacent dans les pores des roches meubles, on les appelle eaux
de porosité; si elles circulent dans les fissures, on les nomme eaux
de fractures, etc. Mais si les roches comportent, en plus des fissures,
des cavités karstiques et des galeries souterraines, les eaux qui s ’y
circulent s ’appellent eaux de cavernes.

§ 2. Etats de l’eau contenue dans les roches


Les recherches de A. Lébédev ont permis d ’établir que l ’eau se
trouve dans les terrains sous plusieurs états.
1. L'eau solide sous forme de glace apparaît dans les roches lorsque
leur température descend au-dessous de 0°. Elle est particulièrement
fréquente dans les vastes étendues de la partie septentrionale de la
Sibérie et de l ’Alaska, où les sols sont perpétuellement gelés (pergé-
lisols, merzlota, tjale, permafrost).
2. La vapeur d'eau contenue dans l ’air qui remplit les vides des
pores et des joints des terrains.
3. L'eau hygroscopique qui entoure les grains de roche d ’une pelli­
cule unimoléculaire mince ; elle est retenue fortement à la surface
des grains par les forces d ’adhésion moléculaire et électrique. Cette
eau ne peut être éliminée que par un échauffement d ’au moins 105
ou 110°.
4. L'eau pelliculaire qui adhère aux particules solides par-dessus
l ’eau hygroscopique en formant une pellicule d ’une épaisseur de plu­
sieurs couches de molécules. Elle peut se déplacer d ’une particule
à l ’autre sans obéir à la force de pesanteur. Si l ’épaisseur des pellicu­
les de grains voisins diffère, l ’eau se déplace lentement de la pelli­
cule la plus épaisse vers celle qui l ’est moins jusqu’à ce qu’il y ait
égalisation.
5. L'eau capillaire qui remplit partiellement ou complètement
les pores et les joints fins des terrains où elle est maintenue par la
force de tension superficielle. Cette eau monte par les capillaires à
partir de la nappe aquifère. Plus le grain de la roche est fin, plus le
diamètre des pores est petit et pLus la hauteur d ’ascension capillaire
152
est grande. Dans un sol limoneux cette hauteur peut atteindre 2 m
et plus, dans les sables grossiers elle n ’est que de quelques centimè­
tres.
Outre les catégories mentionnées, l ’eau fixée peut se trouver dans
les minéraux à l ’état d ’eau de cristallisation, par exemple dans le
gypse (CaS04•2H 20 ), la limonite (2Fe20 3*3H20), la mirabilite
(Na2SO4*10H2O), etc. Cette eau peut être éliminée des minéraux
par échauffement.
6. L ’eau gravifique (ou libre) qui remplit tous les interstices des
roches et se déplace librement sous l ’action de la pesanteur.

§ 3. Origine des eaux souterraines


Suivant leur origine les eaux souterraines peuvent être classées
en plusieurs types :
1) eaux d ’infiltration;
2) eaux de condensation;
3) eaux relictes et
4) eaux juvéniles (ou magmatiques).
Les eaux souterraines d'infiltration pénètrent dans le sous-sol
par infiltration des précipitations atmosphériques. Comme on le sait,
à la surface du globe s ’effectue une circulation permanente de l ’eau.
Dans ce cycle interviennent les eaux atmosphériques, les eaux super­
ficielles et les eaux souterraines. L ’eau des mers et des fleuves, en
s’évaporant sous l ’influence de la chaleur solaire, sature l ’air de ses
vapeurs. En se déplaçant, les masses d ’air transportent ces vapeurs
au-dessus des continents et, quand les conditions sont favorables,
celles-ci se condensent et tombent sur la. surface de la Terre sous forme
de précipitations atmosphériques. Une partie ruisselle le long des
versants, s ’organise en rigoles et rivières qui portent leurs eaux jus­
qu’aux mers et aux océans; une autre s ’évapore de la surface de la
Terre; la troisième s ’infiltre dans le sol et constitue les eaux souter­
raines. Ces dernières s ’écoulent à leur tour vers les rivières et les
mers (fig. 73). La modification qualitative et quantitative pendant
ia pluie de l ’eau dans les puits confirme cette origine des eaux souter­
raines (infiltration). On peut donc considérer que l ’infiltration est
la source principale de la reconstitution des réserves en eaux souter­
raines.
Les eaux souterraines de condensation. Certains phénomènes obser­
vés dans quelques zones climatiques, les déserts par exemple, ne
sont pas expliqués par la théorie de l ’infiltration. Quand les pré­
cipitations sont faibles et irrégulières (absence de pluie pendant plu­
sieurs mois) et que l ’évaporation est très intense, les réserves d ’eau
souterraine ne peuvent se renouveler par infiltration. Or, il existe
partout dans les déserts, à une certaine profondeur, une couche de
roches humides ou une accumulation d ’eau souterraine.
153
En 1877, l'hydrologiste allemand Otto Volger formula la théo­
rie selon laquelle l ’origine des eaux souterraines peut s ’expliquer
par la condensation. D’après lui, l ’air chaud chargé de vapeurs d ’eau,
en pénétrant dans les roches plus froides, leur fournit une partie de
son eau par condensation. L ’auteur attribuait à sa théorie un caractè-

Fig. 73. Circulation de l ’eau dans la nature: P — précipitations; E — éva­


poration ; R — ruissellement ; I — infiltration ; S — écoulement souterrain
(dessin de N. Kostenko)

re universel et niait la possibilité de constitution d ’eaux souterraines


par infiltration des précipitations atmosphériques : aucune goutte
ne tire son origine de l ’eau de pluie.
La théorie de Volger ne fut pas confirmée par l ’expérience et était
en contradiction avec les conceptions acquises sur la vitesse des échan­
ges d ’air, entre l ’atmosphère et les couches déshydratées de la partie
supérieure de la lithosphère; c ’est pourquoi elle fut vivement criti­
quée.
La théorie de la condensation des eaux souterraines a été reprise
sur une base absolument nouvelle par un savant russe, l ’agronome
A. Lébédev qui réalisa dans les années 1907-1911 des expériences
brillantes en étudiant l ’humidité des terrains et les mouvements dont
sont animées les diverses catégories d ’eau.
A. Lébédev constata qu’il existait un certain équilibre entre
l ’état hydraulique de l ’atmosphère et de la lithosphère. L ’atmosphè­
re ainsi que l ’air remplissant les interstices du sol et des roches con­
tiennent de la vapeur d ’eau. Or, celle-ci peut se déplacer par suite de
l ’existence des différences de tension. Le mouvement a lieu de l ’en­
droit où la tension est plus élevée vers celui où elle est plus faible.
Si la tension est plus forte dans l ’atmosphère que dans les vides des
interstices du sol et des roches, la vapeur d ’eau passe de l ’air dans le
sol. Lorsqu’elle pénètre dans un milieu de basses températures, pro­
pres au sol et aux roches, elle commence à se condenser et à passer
154
à l’état liquide : c ’est un phénomène analogue à celui que l ’on observe
avec la rosée lors du brusque passage des températures du jour à
celles de la nuit. Il se forme ainsi une certaine quantité d ’eau qui
constitue une réserve importante pour les régions arides.
L ’accumulation de l ’eau dans le sol par condensation explique
pourquoi les plantes continuent de vivre malgré l ’absence prolongée
de pluie. Bien que la surface du sol soit alors très sèche, elles reçoi­
vent l ’eau de condensation accumulée dans les couches profondes,
ce qui contribue à leur conservation.
La condensation se produit également sous d ’autres climats (tem­
pérés et humides), mais son rôle dans la formation des réserves en eau
souterraine est bien inférieur à celui de l ’infiltration des précipita­
tions atmosphériques. A. Lébédev a toujours considéré qu’en plus
de la condensation un rôle très important revenait à l ’infiltration.
Les eaux relictes sont des eaux de bassins marins, lacustres et flu­
viaux qui se sont conservées dans les dépôts correspondants, même
après que ceux-ci se soient transformés en roches. Comme les bassins
marins jouent un grand rôle dans la formation des roches sédimentai-
res, arrêtons-nous plus en détail sur les eaux relictes d ’origine mari-
oe. Les eaux marines peuvent participer à la formation des eaux
souterraines soit en se conservant dans les sédiments accumulés au
fond de la mer, soit en s ’infiltrant à partir des bassins marins dans
les sédiments déjà déposés. D ’où la classification des eaux d ’origine
marine en deux types (d’après G. Kamenski) :
1. Eaux syngénétiques (du grec crvv— ensemble; yeveaiç—
origine, naissance, création) ou incluses. L ’eau et les sels qui y sont
dissous imbibent les dépôts meubles s ’accumulant au fond des bassins
marins. Du fait de la sédimentation postérieure et de la diagenèse
l’eau est partiellement éliminée, une partie subsistant cependant.
Cette eau résiduelle constitue les eaux souterraines incluses (con-
nées), c’est-à-dire celles qui sont enfermées dans leurs gîtes originels.
2. Eaux épigêniques (du grec e rti— sur; yeveaiç— naissance,
origine, création) ou de déshydratation. Ce sont les eaux qui ont péné­
tré à partir des bassins marins dans les roches déjà formées.
Ces eaux relictes peuvent se conserver si elles sont fossilisées sous
des couches imperméables de grande épaisseur. C’est pourquoi on les
appelle «fossiles». Mais, ordinairement, sous l ’influence de divers
facteurs, ces eaux d ’origine marine, lacustre ou fluviale subissent
de profondes modifications. Parfois, elles se mélangent aux eaux
d'origines différentes ou bien sont totalement remplacées par les
eaux d ’infiltration.
Les eaux juvéniles. Il existe de nombreuses émergences d ’eaux
souterraines dans les régions d ’activité volcanique actuelle ou récen­
te, eaux dont la température est élevée et qui contiennent en solution
des combinaisons chimiques et des gaz qu’on ne rencontre pas habi­
tuellement dans les conditions superficielles. Pour expliquer ce phé­
nomène, le géologue autrichien E. Suess proposa en 1902 la théorie
155
des eaux « juvéniles» d ’après laquelle ces eaux peuvent se former
à partir des émanations gazeuses que le magma dégage en abondance
lors de son refroidissement. En pénétrant dans une zone de tempé­
rature plus basse, les vapeurs d ’eau se condensent, passent à l ’état de
gouttes et constituent ainsi un type génétique particulier d ’eaux
souterraines.
Pourtant, une étude détaillée des sources thermales à eau très
chaude, réalisée par des hydrauliciens soviétiques (A. Ovtchinnikov,
E. Makarenko, etc.) dans diverses régions montagneuses d e l’U.R.S.S..
a montré que dans les parties superficielles de l ’écorce terrestre on ne
rencontre pas d’eaux juvéniles pures dans le sens que leur attribuait
E. Suess. Les émanations gazeuses et les vapeurs d ’eau dégagées lors
du refroidissement du magma remontent en suivant les joints et les
fractures de l ’écorce terrestre, rencontrent les eaux d ’infiltration
ordinaires auxquelles elles se mélangent avant d ’atteindre la surface.
En outre, si les conditions sont favorables, les eaux d ’infiltration
peuvent descendre à une grande profondeur, là où régnent les tempé­
ratures élevées, une fois échauffées elles acquièrent les propriétés
des eaux juvéniles.

§ 4. Classification des eaux, souterraines


On peut classer les eaux souterraines selon différents critères :
origine, conditions de gisement, propriétés hydrauliques, composition
chimique, âge, etc. Il existe de nombreux systèmes de classification.
La classification des eaux souterraines d ’après leur origine a été
donnée plus haut. Les conditions de gisement permettent de dégager
trois types principaux: table d ’eau perchée (verhovodka), eaux de
fond et eaux captives sous pression (eaux artésiennes). Parfois, on
distingue aussi des eaux captives non artésiennes.

TABLE D ’EAU PERCHÉE OU NAPPE SUSPENDUE

On appelle table d'eau perchée les eaux souterraines qui gisent à


une faible profondeur dans la zone d ’aération. La table d ’eau perchée
se distingue surtout des eaux de fond par son mode de gisement proche
de la surface (là où s ’infiltrent les précipitations atmosphériques)
ainsi que par son extension plus limitée. Elle s ’accumule à la surface
de petites lentilles ou de couches de roches imperméables ou de perméa­
bilité notoirement inférieure, tels par exemple les lentilles moraini-
ques des dépôts fluvio-glaciaires, les horizons pédologiques contenus
dans les limons lœssiques, les lentilles argileuses dans les alluvions
sableuses, etc. (fig. 74). L ’épaisseur de la table d ’eau (0,5-1, rarement
2-3 m) et son niveau varient notablement suivant des fluctuations
climatiques. Son épaisseur est maximale au printemps. Parfois, lorsque
les précipitations sont faibles, la nappe perchée disparaît complète-
156
ment. On trouve dans les régions de steppes du Sud-Est de la partie
européenne de l ’U.R.S.S. de nombreuses nappes de ce genre, surtout

Fig. 74. Eaux de fond et nappe perchée: I — zone


d’aération; II — zone de saturation (eaux de fond);
III — soubassement imperméable; IV — zone d’ascen­
sion capillaire ; V — nappe perchée ; 1 — sable ; 2 —
sable aquifère; 3 — argile; 4 — limon argileux; 5 —
source; 6 — sens de l ’écoulement des eaux de fond;
7 — surface ou niveau de la nappe aquifère

sous les cuvettes et les autres zones déprimées formées à la surface


des limons lœssiques. La population locale les utilise comme source
d’alimentation en eau.

BAUX DE FOND

Les eaux de fond ont une grande extension. Ce sont les eaux de la
première nappe aquifère perénne à partir de la surface qui reposent
sur la première couche imperméable plus ou moins étendue. Elles
s’accumulent soit dans les roches meubles, poreuses, des formations
quaternaires et antéquaternaires, soit dans les terrains durs mais
fissurés. L’absence de toit imperméable leur permet de recevoir
l’eau par toute leur surface; en d ’autres termes, la région d ’alimenta­
tion des eaux de fond coïncide avec celle de leur extension.
Il faut distinguer dans les eaux de fond la surface supérieure ou
plan d ’eau et le soubassement étanche, terrain imperméable sous-
jacent à la nappe aquifère (voir fig. 74). Le terrain où s ’accumule
l’eau s’appelle couche ou nappe aquifère. L ’épaisseur d ’une nappe
aquifère est la distance entre la surface du plan d ’eau et le soubas­
sement imperméable. Les eaux de fond ne subissent que l ’action
de la pression atmosphérique, elles sont donc libres. Le niveau d ’eau
atteint par les puits et les forages conserve la cote qu’il avait dans
la nappe aquifère avant l ’ouverture et ne monte pas. Une frange capil­
laire borde au-dessus la nappe de fond ; dans cette frange les pores
de la roche ne sont remplis que partiellement par l ’eau qui remonte
par les capillaires.
157
MOUVEMENT DES EAUX DE FOND

Il est rare que la surface des eaux de fond soit horizontale. Ordi­
nairement, elle suit de près, en l'atténuant, le relief du sol et est
manifestement inclinée vers les parties déprimées du terrain. Il en
est ainsi parce que les eaux de fond sont toujours en mouvement. Leur
écoulement s'effectue sous l ’action de la pesanteur dans la direction
des ravins, des rivières, des mers et des autres dépressions topogra­
phiques où elles émergent sous forme de sources qui assurent leur
décharge ou drainage. Ces zones d ’émergence des eaux souterraines
s ’appellent zones de décharge. Les eaux de fond cheminent le long des
pores et des fissures en formant de petits
rpgj tnrr iP) filets isolés parallèles. Ce mouvement est
•...u»:.- dit laminaire. La vitesse des eaux souter-
a raines dépend de la perméabilité des ter­
rains et de la pente de la surface de la
nappe aquifère. Cette dépendance est ex­
primée par la formule :
Fig. 75. Eaux de fond tra­
versant un bassin d’eau
souterraine ; aa — surface de où v est la vitesse du courant ; K, la cons­
la nappe aquifère ; bb — ligne
de séparation entre l ’écoule­tante de perméabilité de la roche (coef­
ment de la nappe et le bas­ ficient de perméabilité) ; h, la différence
sin souterrain ; 1 — sable ; de niveaux d ’eau en deux points consi­
2 — sable aquifère ; 3 — dérés et l, la distance séparant ces deux
limon
points. Ordinairement, le rapport y s ’ap­
pelle pente hydraulique de la surface de la nappe aquifère ou gra­
dient de charge et on le désigne par la lettre i. En remplaçant dans
la formule cette grandeur on obtient v = Ki. La vitesse d ’écoule­
ment des eaux de fond est relativement faible par rapport à celle
des rivières. Dans les sables fins et homogènes elle est de 1 à 5 m
par jour ; dans les sables grossiers et les graviers, de 15 à 20 m par
jour ; dans les galets et les calcaires karstifiés très fissurés elle peut
atteindre 100 m par jour et même plus.
Parfois, les eaux de fond en remplissant les creux de la couche
imperméable forment des bassins à plan d ’eau horizontal ou presque.
Souvent un écoulement d ’eau de fond se combine avec un bassin
d ’eau souterraine (fig. 75).
Régime des eaux de fond. Le régime des eaux de fond, c’est-à-
dire leur niveau, leur quantité et leur qualité, se modifie, car elles
sont très sensibles aux conditions hydrométéorologiques extérieures,
étant en liaison hydraulique la plus étroite avec les eaux superficiel­
les. Dès que les conditions d ’alimentation changent, le régime des
eaux de fond est perturbé. Les facteurs essentiels sont à cet égard
les conditions climatiques, principalement le volume des précipita­
tions atmosphériques. Aux années de précipitations abondantes, le
158
niveau des eaux de fond monte et il descend pendant les années de
faibles précipitations. Parfois, les variations du niveau ont un carac­
tère nettement saisonnier et peuvent atteindre plusieurs mètres au
cours d'une année. Certaines couches pendant ces variations se rem­
plissent d'eau et se tarissent alternativement. Ainsi, la partie super­
ficielle comprise entre la surface terrestre et la base imperméable
se divise nettement en trois zones:
1) zone d'aération ou de descente continue qui se situe au-dessus du
niveau supérieur des eaux de fond et s'établit après une longue pério-
Ligne d e p a r ta g e des
eaux su p erficielles.

Fig. 76. Allure du gisement et de l'écoulement des eaux de fond dans


la zone d ’un interfluve: 1 — sable; 2 — limon; 3 — niveau de basse
eau de la nappe aquifère; 4 — niveau de hautes eaux de la nappe
aquifère

de de précipitations; elle n'est jamais remplie d ’eau entièrement


et les précipitations ne font que la traverser en s'infiltrant dans les
zones sous-jacentes ;
2 ) zone intermédiaire ou d ’échange qui occupe l ’espace entre le
niveau de hautes eaux (y compris la zone d ’ascension capillaire) et le
niveau de basses eaux correspondant aux saisons sèches. Cette zone
est tantôt humide, tantôt asséchée ;
3) zone de saturation totale et continue entre le niveau de basses
eaux et la base imperméable (fig. 76). Les modifications du niveau
des eaux influent sur le débit des sources et la qualité de l ’eau.
Le régime des eaux de fond a une grande importance pratique pour
la solution de nombreux problèmes de l ’économie nationale; c’est
pourquoi on attache une grande importance à son étude. Pour alimen­
ter une agglomération en eau, il faut connaître le niveau inférieur
des variations de la nappe au-dessous duquel il faut procéder au
captage et forer les puits sinon ceux-ci s’assèchent durant les an­
nées maigres. Ces questions doivent être abordées d ’un point de vue
différent lorsqu’il s’agit de l ’exécution d ’ouvrages d ’art; il faut
alors établir avec précision les montées éventuelles du niveau d ’eau.
150
Toute conclusion tirée sur l ’action des eaux sur les fondations doit
tenir compte du niveau le plus élevé qu’elles ont atteint dans la ré­
gion considérée. Toute recherche sur les eaux souterraines doit obliga­
toirement comporter une étude de leur régime ; il faut effectuer des
observations, dans des stations fixes et pendant de longues années,
du niveau des eaux de fond, de leur température, du volume des pré­
cipitations et de la température de l ’air, ainsi que des variations du
niveau des bassins et cours d ’eau superficiels avec lesquels les nappes
de fond sont généralement en communication. Il existe actuellement
en U.R.S.S. dans diverses régions du pays des stations d ’E tat spé­
ciales destinées à étudier le régime. En outre, de nombreux services
administratifs possèdent leurs propres stations.

NAPPES CAPTIVES NON ARTÉSIENNES

On distingue parfois un type particulier d ’eaux souterraines:


les eaux captives non artésiennes qui ne se différencient des eaux

Fig. 77. Allure des nappes captives non artésiennes:


1 — terrains imperméables; 2 — terrains perméables;
3 — eaux de fond ; 4 — nappe captive non artésienne ;
5 — zone d’alimentation

de fond libres que par le fait qu’elles se trouvent entre deux couches
imperméables (fig. 77). Elles s’alimentent non pas par toute la sur­
face d ’extension de la couche aquifère, mais seulement par l ’af­
fleurement de la nappe (a). Ordinairement, ces eaux se rencontrent
dans les régions au relief disloqué et se disposent au-dessus du niveau
de base du réseau hydrographique local. Elles ne remplissent pas
toute la couche aquifère, ne contactent pas le toit imperméable et
leur surface supérieure est libre. Souvent elles émergent en sources
sur les versants des ravins et des rivières, surtout si la base imperméa­
ble est en pente. Ainsi, ces nappes captives sont des eaux courantes
dont l ’écoulement est identique à celui des eaux de fond descendantes
sollicitées par la pesanteur.
160
NAPPES CAPTIVES SOUS PRESSION OU EAUX ARTÉSIENNES

Les nappes captives artésiennes se forment dans des structures


appropriées, le plus souvent dans les structures synclinales (fig. 78)
et monoclinales. Dans le premier cas, la nappe aquifère comprise
entre deux couches imperméables est en fond de bateau. L'alimenta­
tion de la nappe est alors assurée par les affleurements du terrain aqui­
fère (fig. 78 et 79). L ’eau en pénétrant dans les couches perméables
se dirige vers le centre du fond du bateau et remplit tout le terrain

Fig. 78. Allure de la nappe artésienne: 1 — zone d’alimentation; 2 —


nappe aquifère ; 3 — couches imperméables ; 4 — source déversante ; 5 — sour­
ce d’où l ’eau captive ne se déverse pas; 6 — surface piézométrique des eaux
captives (dessin de N. Kostenko)

aquifère, étant sous pression hydrostatique. Si l ’on creuse des puits


ou si l ’on fore des trous jusqu’à la couche aquifère, l ’eau monte à
un niveau assez élevé. Il arrive même, lorsque le puits est creusé
en contrebas d ’un relief, que l ’eau se déverse à la surface en formant
un puits jaillissant (puits 4, fig. 78) ; parfois, elle se stabilise à une
certaine distance de la surface (puits 5). La montée de l ’eau dans
les puits varie et dépend du niveau de la zone d ’alimentation qui
détermine la poussée de l ’eau, c’est-à-dire la hauteur à laquelle peut
s’élever en cet endroit l ’eau sous pression. On l ’appelle niveau pié­
zométrique. Il s’agit de ne pas confondre les termes de niveau et de
charge. Le niveau piézométrique est ordinairement exprimé par sa
cote absolue au-dessus du niveau de la mer, alors que la pression
hydrostatique ou charge, mesurée en mètres, est la hauteur de la colon­
ne d ’eau qui s ’élève au-dessus du toit de la couche aquifère jusqu’au
niveau piézométrique.
Les points d’affleurement de la nappe captive jaillissante de nom­
breuses structures géologiques ont des cotes différentes. Dans ce cas,
les différentes parties des terrains encaissants ne sont pas caracté­
risées par les mêmes conditions hydrogéologiques. Le niveau d ’affleu­
rement supérieur assure l ’alimentation de la nappe captive (zone
d’alimentation); le niveau inférieur sert d ’exutoire aux eaux capti­
ves sous forme de sources, c’est-à-dire facilite leur décharge (zone
il 927 161
de décharge). L ’espace entre les zones d ’alimentation et de décharge
s ’appelle zone sous pression (fig. 79, I).
Dans un pendage monoclinal, surtout s ’il y a alternance répétée
des roches perméables et imperméables, l ’eau souterraine peut éga­
lement se trouver sous pression hydrostatique (fig. 79, II). L ’eau
pénètre dans les roches perméables à partir de la zone d ’alimentation
et s ’écoule en suivant la pente des couches jusqu’aux argiles qui
l ’arrêtent. Elle s ’accumule donc dans la nappe aquifère, sous pres­
sion hydrostatique. Si l ’on atteint cette nappe par un puits, elle sera

Fig. 79. Coupe d ’un bassin artésien disposé dans une


cuvette synclinale (/) et dans des roches à structure
monoclinaïe (II): a — zone d’alimentation; b — zone
sous pression ; c — zone de décharge ; //j et H2 — char­
ges; E — épaisseur de la nappe artésienne (les fléchettes
indiquent le sens de l’écoulement des eaux captives);
1 — terrains aquifères; 2 — terrains imperméables; 3 —
niveau piézométrique

sous pression et l ’eau s ’élèvera jusqu'au niveau de la zone d ’alimen­


tation. Les eaux jaillissantes de ce genre peuvent s ’accumuler éga­
lement dans les régions de structures faillées quand la base imperméa­
ble de la nappe aquifère coïncide avec le plan de faille.
Lorsqu’il y a alternance de couches perméables et imperméa­
bles, on est en présence des structures qui peuvent contenir plu­
sieurs nappes jaillissantes.

§ 5. Bassins artésiens
Les complexes géologiques d ’étendue plus ou moins grande dans
les terrains desquels sont encaissées des nappes captives jaillissantes
s ’appellent bassins artésiens. Ils renferment généralement de grandes
162
réserves d ’eau de bonne qualité largement utilisée dans les villes
en vue de l ’alimentation humaine et à des fins industrielles. Dans
plusieurs grandes villes, les nappes captives constituent une des
sources principales du ravitaillement en eau. Sur le territoire de
l ’U.R.S.S. il y a plusieurs grands bassins artésiens associés aux
affaissements en cuvette de l ’écorce terrestre, ainsi qu’aux structu­
res monoclinales formées de terrains alternativement perméables et
étanches.
Le bassin artésien de Moscou est le plus connu ; son rôle est capital
pour le ravitaillement en eau des villes et villages du centre de la

Fig. 80. Coupe schématique de la cuvette du Dniepr et Donetz: 1 — sable;


2 — argile ; 3 — craie et marne ; 4 — argile avec du sable ; 5 — roches
cristallines

partie européenne de l ’U.R.S.S. La nappe captive est renfermée ici


dans les calcaires fissurés et les dolomies du Carbonifère. Dans le
centre de la dépression de Moscou l ’épaisseur de toute la série carbo­
nifère atteint 150-320 mètres et même 400 m dans le Nord-Est. Les
eaux captives sont associées ici aux sédiments des trois sous-systè­
mes : Carbonifère inférieur, moyen et supérieur, en formant trois
nappes isolées l ’une de l ’autre par des couches argileuses. L ’eau de
ces nappes est de bonne qualité et elle est largement utilisée à Mos­
cou et dans de nombreuses localités en vue de l ’alimentation humaine.
Les zones où s ’alimentent ces nappes se trouvent à l ’Ouest, au Sud-
Ouest et au Sud du bassin artésien.
Les couches dévoniennes plus profondes du bassin artésien de
Moscou renferment également des nappes captives, mais leurs eaux
11* 163
sont fortement minéralisées (teneur élevée en sels) et impropres à
l’alimentation.
Le bassin artésien associé à la cuvette de Dniepr et Donetz (ou
Nord-Ukrainienne) offre un autre exemple ; la cuvette, étirée dans
la direction Ouest-Nord-Ouest est remblayée de sédiments jurassi­
ques, crétacés et tertiaires (fig. 80). Dans sa partie centrale, elle ferme
plusieurs nappes captives associées aux sables jurassiques, cénoma­
niens et aux assises de marnes crayeuses du Crétacé supérieur, ainsi
qu’à deux nappes dans les sables paléogènes. La zone d ’alimentation
est située sur les marges relevés du Nord et du Nord-Est du bassin,
alors que la zone de décharge se trouve dans la vallée du Dniepr.
Les conditions particulièrement favorables de l ’alimentation et de
l ’écoulement des eaux souterraines de ce bassin permettent une accu­
mulation abondante d ’eau de très bonne qualité qui est utilisée
par de nombreuses villes parmi lesquelles les grandes agglomérations
de l ’Ukraine: Kiev. Kharkov, Poltava.

§ 6. Sources
Les exutoires naturels des eaux souterraines à la surface s ’appel­
lent sources. Ces sources sont généralement localisées dans les vallées
des rivières, les ravins ou les vallons qui recoupent les nappes aquifè­
res. Les exutoires d ’eau souterraine se présentent dans des conditions
très variées suivant la nature lithologique des terrains aquifères
(roches poreuses ou fissurées), le degré de dénudation des versants,
la disposition des roches, etc. L’eau peut suinter librement à l ’état
diffus au contact avec une couche imperméable, parfois sur une sur­
face assez grande (c’est le plus souvent le cas des roches poreuses).
Par endroits, elle sort en un filet unique assez puissant (cas des ro­
ches poreuses et surtout fissurées), enfin, elle peut déborder de l ’exu­
toire en formant une source jaillissante.
Si les versants d ’une vallée ou d ’un ravin sont couverts de collu-
vions, ces dernières entravent la concentration des eaux et celles-ci
se fraient un chemin sous la couche colluviale. Lorsque l ’épaisseur
de la couche superficielle est faible, celle-ci est progressivement
humectée par l ’eau souterraine. Le versant devient humide sur une
étendue assez vaste et se transforme souvent en marécage.
A chaque type d ’eau souterraine (eau de fond ou eau artésienne)
décrit plus haut correspond un exutoire particulier qui caractérise
la venue au jour des eaux. Les sources alimentées par les eaux de fond
et par la table d ’eau perchée sont dites descendantes; celles qui pro­
viennent des eaux captives sont appelées ascendantes. Les exutoires
descendants correspondant à la sortie des eaux de la nappe perchée
sont parmi les plus instables. Les sources descendantes par lesquelles
émergent les eaux de fond ont au contraire un débit plus constant
bien que celui-ci et la qualité des eaux soient sujettes aux variations
saisonnières des conditions hydrométéorologiques.
164
Le débit des sources varie également dans de larges limites suivant
le régime d ’alimentation et le degré de perméabilité des terrains
aquifères. Les gros débits s ’observent dans les exutoires correspon­
dant aux sables grossiers, aux graviers et aux calcaires karstifiés
très fissurés. Les sources qui émergent des cavernes et des galeries
karstiques peuvent parfois avoir un débit tel qu’elles peuvent engen­
drer des ruisseaux et même de petites rivières. Ces exutoires se ren­
contrent en Crimée (Iaïla), dans le Caucase, dans la région de Lénin­
grad, etc.
Les sources ascendantes sont les sorties naturelles des nappes
captives. Elles se caractérisent par un régime plus ou moins stable,
c’est-à-dire présentant une pression, un débit, une composition chi­
mique et une température à peu près constants. Elles sont associées
aux zones de décharge des bassins artésiens et apparaissent souvent
dans les régions à structure faillée. L’étude des sources des eaux souter­
raines et de leur régime (modification du débit et de la qualité de
l ’eau) est très importante, car elle permet d ’établir le bilan hydrau­
lique des eaux souterraines de chaque région. Sous ce terme on désigne
le volume d ’eau se trouvant dans un secteur déterminé et ses varia­
tions quantitatives. Ce bilan hydraulique comprend un- terme positif
(apport d’eau) et un terme négatif (perte d ’eau).
L ’apport d ’eau est assuré par l ’infiltration des précipitations
atmosphériques, la condensation des vapeurs d ’eau et l ’infiltration
de l ’eau de condensation, l ’infiltration des eaux des rivières et des
bassins superficiels.
Les pertes d ’eau résultent des décharges aux sources, de l ’alimenta­
tion souterraine des bassins superficiels, de l ’évaporation par les
capillaires, de l ’évaporation par transpiration des plantes, des cap­
tages réalisés par l ’homme pour satisfaire ses besoins en eau.
En établissant le bilan des eaux souterraines il faut tenir compte
de tous ces éléments d ’apport et de pertes en eau.

§ 7. Composition chimique des eaux souterraines


Les eaux naturelles sont de très bons dissolvants. Même la pluie,
qui peut être assimilée à de l ’eau distillée, n ’est pas absolument pure,
car en tombant des nuages, elle absorbe en chemin la poussière se
trouvant en suspension dans l ’air et des gaz, atteignant ainsi la sur­
face en ayant déjà subi une certaine minéralisation. E t ceci est
valable à plus forte raison pour les eaux souterraines. En traversant
les roches de constitutions différentes elles entrent en interaction
avec le milieu ambiant et modifient leurs propriétés et leur composi­
tion. Certaines roches ou les intrusions qu'elles contiennent subis­
sent une lixiviation les eaux souterraines s ’enrichissant en sels miné­
raux. En outre, la composition chimique des eaux souterraines
dépend des conditions de genèse (eaux marines, d ’infiltration, juvé­
niles, etc.) et des transformations ultérieures.
165
La quantité de matière dissoute dans les eaux naturelles est très
variable, des eaux presque distillées (à teneur en divers éléments
inférieure à des fractions de pour cent) jusqu’aux saumures saturées
totalement. La somme de toutes les substances dissoutes dans une
eau souterraine est appelée ordinaire-
mentminéralisation globale de l ’eau.
Suivant leur minéralisation, V. Ver-
nadski subdivise toutes les eaux natu­
A lcalinité relles en quatre grandes classes.
1. Eaux douces à minéralisation glo­
bale inférieure à 1 g/ 1 .
2. Eaux faiblement salées et saumâ­
tres, à minéralisation globale de 1 à
1 0 g/ 1 .
Dureté
3. Eaux salées, à minéralisation glo­
bale de 1 0 a 50 g/ 1 .
4. Saumures (eaux très minéralisées),
à minéralisation globale de 50 à 300 g/1.
Cette classification souligne l ’am­
S a lin ité pleur des variations de la minéralisation
Fig. 81. Eléments dont la
de l ’eau, de dizaines de milligramme jus­
combinaison détermine les qu’à des centaines de grammes par litre.
propriétés principales de On utilise de préférence pour l ’ali­
l ’eau mentation humaine les eaux douces dont
la minéralisation est inférieure à 1 g /1 ;
en cas de besoin on peut utiliser également les eaux faiblement
salées (contenant jusqu’à 2-3 g/1 de sels). Les eaux à minéralisation
plus élevée sont pratiquement inutilisables pour l ’alimentation.
Les eaux souterraines contiennent divers éléments chimiques en
quantités infimes pour la plupart. Les composantes principales sont
les ions de CI', SO", HCO,, N a \ Ca*\ Mg*\ parfois, en quantités
plus appréciables, NH4, Fe” et Mn" ainsi que des gaz, C 02, 0 2 et
plus rarement H 2S.
Les diverses combinaisons de ces éléments déterminent les pro­
priétés principales de l ’eau (fig. 81), son alcalinité, sa salinité et
sa dureté.
Ainsi, une forte concentration d ’ions Na* et Cl' donne à l ’eau
un goût salé, alors qu’une grande teneur en ions Na’ et HCO 3 lui
confère des propriétés alcalines.
On a proposé plusieurs classifications établies suivant la teneur
en anions et cations principaux indiqués ci-dessus. Ainsi, O. Alékine
répartit les eaux en trois classes d ’après l ’anion dominant: eaux
bicarbonatées (HCOj + CO^, sulfatées (SO][) et chlorurées (Cl'),
chaque classe comprenant trois groupes suivant le cation dominant.
Ainsi, les eaux bicarbonatées peuvent être calciques, magnésiques ou
potassiques. Ces groupes à leur tour se subdivisent en types, suivant
les rapports existant entre les ions.
166
§ 8. Eaux minérales
Ainsi, toute eau naturelle est plus ou moins minéralisée, c’est-
à-dire qu’elle contient une certaine quantité de substances minérales
sous forme de sels ou de gaz. Toute eau naturelle peut donc être
appelée minérale. Cependant, on donne généralement le nom d ’eaux
minérales aux eaux dont les constituants sont utiles pour la santé,
qui possèdent des propriétés physico-chimiques bien déterminées
et exercent une action physiologique spéciale sur l ’organisme humain.
Leurs propriétés thérapeutiques proviennent de la minéralisation,
de la présence des gaz et des principes spécifiques : fer, arsenic, ra­
dium, brome, iode, etc., relativement rares dans les eaux souterraines
ordinaires. D ’autre part, de nombreuses sources minérales sont ca­
ractérisées par une température élevée qui ne se rencontre pas dans
les eaux souterraines de la zone superficielle.
D’après leurs températures, les eaux minérales peuvent être
classées en froides (température inférieure à 20°), tièdes (de 20 à 37°) ;
chaudes (de 37 à 42°) ou très chaudes (température supérieure à 42°).
Parmi les types les plus connus on peut citer:
1. Les eaux bicarbonatées contenant du gaz carbonique, par exem­
ple les Narzans froids de Kislovodsk, les eaux bicarbonatées chaudes
du type Slavianovskaïa (Jéléznovodsk), les eaux de Karlovy Vary
(Tchécoslovaquie), etc.
2. Les eaux sulfureuses et sulfideuses (Matsesta, Taïga dans le
Caucase, eaux minérales Serguiévskié dans la région de la Volga).
3. Les eaux radio-actives contenant une émanation de radium
(radon) ou des sels de radium (Tskhaltoubo en Géorgie et Biélokouri-
kha dans l ’Altaï).
Quelle est l ’origine des eaux minérales et d ’où tirent-elles leurs
constituants gazeux et autres principes médicinaux?
Si l ’on observe la répartition des sources minérales en Union
Soviétique, on voit qu’elles sont particulièrement nombreuses dans
les régions de montagnes jeunes formées surtout durant le Tertiaire
et en partie au Quaternaire et où les mouvements tectoniques se font
encore sentir aujourd’hui (Caucase, Transcaucasie, Pamir, Kam­
tchatka, Kouriles, etc.). Certaines de ces régions (Kamtchatka, Kouri­
les) sont encore le siège d ’une activité volcanique intense; d ’autres
(Caucase, etc.) l ’étaient récemment. Les processus d ’orogenèse se
sont ici accompagnés de dislocations tectoniques (ruptures et frac­
tures) .
Cette distribution n ’est pas un phénomène fortuit. Certaines
sources minérales sont certainement en liaison avec les parties pro­
fondes de l ’écorce terrestre d ’où proviennent leur chaleur et leurs
constituants gazeux.
Ainsi, les sources bicarbonatées à fort facteur gazeux abondent
surtout dans les régions à intrusions magmatiques récentes. On sup­
pose que dans les zones de contact avec ces intrusions où les tempé-
167
ratures atteignent environ 400°, les roches carbonatées métamorphisées
dégagent en abondance du C0 2 qui, en remontant les failles, se mé­
lange aux eaux souterraines des zones supérieures.
Les eaux radio-actives se trouvent au voisinage des roches intru­
sives acides (granité, etc.) riches en éléments radio-actifs. Le passage
du radon dans la solution s'accompagne de la désintégration des
principes radio-actifs contenus dans la roche. Certaines eaux à radon
sont des eaux de fond gisant au-dessus des masses intrusives acides.
Les eaux sulfureuses se forment dans les roches sédimentaires
riches en substances organiques. Celles qui ont une forte concentra­
tion abondent surtout près des gîtes pétrolifères.

§ 9. Le karst
Dans leur mouvement, les eaux souterraines effectuent un travail
géologique complexe. Il faut d'abord mentionner le phénomène du
karst et les glissements.
Le phénomène du karst consiste dans le lessivage des roches fis­
surées et solubles par des eaux souterraines et superficielles en mou­
vement, action qui aboutit à la formation de dépressions fermées
d ’aspect caractéristique à la surface et de cavernes et de galeries en
profondeur. Le mot « karst » servant d'appellation au phénomène n ’en
suggère pas le processus ; il tire son origine de la dénomination du
plateau calcaire de Karst près de Trieste, où les phénomènes mention­
nés ont reçu un grand développement et où ils ont été étudiés pour la
première fois.
Parmi les roches solubles il faut citer le sel gemme, le gypse,
l ’anhydrite, les calcaires, les dolomies, les marnes qui subissent
d ’intenses processus karstiques. C’est le sel gemme (NaCl) qui est
le plus soluble, les roches carbonatées comme les calcaires et les dolo­
mies l ’étant moins.
Comme on l ’a déjà indiqué plus haut, les eaux souterraines con­
tiennent toujours une quantité plus ou moins grande de sels et de gaz
dissous. Donc, l ’eau qui agit sur les roches n ’est pas une eau chimi­
quement pure mais une solution de sels complexe dont la concentra­
tion est en perpétuelle variation. Or, la présence de sels et d ’acide
carbonique dans l ’eau accroît notablement l ’action dissolvante de
celle-ci sur les roches. Ainsi, il se dissout davantage de calcaires et de
dolomies dans de l ’eau contenant du gaz carbonique que dans de l ’eau
chimiquement pure. Par exemple, un litre d ’eau distillée dissout
11.5 mg deCaC03, mais lorsqu’elle contient jusqu’à 1 mg/1 d ’acide
carbonique, la quantité de calcite dissous passe à 50-60 mg/1.
La présence de NaCl dans les eaux souterraines élève de 2,5 à
3.5 fois la dissolubilité du gypse (suivant la teneur en NaCl), alors
qu’une addition de sulfate de magnésium réduit sa dissolubilité
à zéro, etc.
168
L’interaction des solutions naturelles complexes que forment
les eaux souterraines avec les roches fissurées et solubles donne diver­
ses formes karstiques. Les roches carbonatées, calcaires et les dolo­
mies sont très répandues dans de nombreux pays, alors que le gypse et
le sel gemme couvrent des surfaces beaucoup plus restreintes en for­
mant souvent des lentilles isolées ou des intercalations entre des ro­
ches argileuses. C’est pourquoi le phénomène du karst dans les couches
épaisses de calcaires et de dolomies est mieux étudié. La grande diver­
sité du karst se manifeste dans toute son ampleur à la surface des
calcaires dénudés des régions du Sud de l ’U.R.S.S.

TOPOGRAPHIE KARSTIQUE SUPERFICIELLE

Les lapiés (ou rascles) sont des formes de relief karstiques qui se
développent à la surface d ’une roche soluble. Ce sont des formes en
creux très diverses qui rappellent des sillons étroits, de petites rigo-

Fig. 82. Les lapiés

les, des cannelures, des tranchées, des trous, etc., dont la profondeur
varie de plusieurs centimètres jusqu’à 1, rarement 2 mètres. Elles
sont disposées tantôt plus ou moins parallèlement dans le sens de la
pente qui a alors l ’allure d ’une surface travaillée par une herse géan­
te, tantôt d ’une façon irrégulière avec des ramifications qui souvent
fusionnent (fig. 82). Les lapiés sont surtout le fait de l ’action dis­
solvante des eaux atmosphériques qui attaquent les parois des fis-
169
sures dans les roches massives, mais aussi de l ’érosion mécanique.
En circulant dans les joints et les fissures, l ’eau dissout, corrode et
évacue les grains de calcaires, contribuant ainsi à l ’élargissement
des diaclases. C’est de cette façon que l ’eau, en pénétrant dans les
interstices les plus fins, accomplit peu à peu un travail de destruction
et les transforme en ouvertures béantes et en dépressions.
L ’ensemble de ces ciselures porte le nom de lapiés et la surface
des roches solubles qui en est couverte, est appelée champ de
lapiés.
Les ponors ou gouffres absorbants. Le phénomène karstique ne se
limite pas à la formation des lapiés, ceux-ci pouvant, au contraire,
être considérés comme les éléments les plus simples du relief karsti­
que. On appelle ponors les ouvertures verticales dans lesquelles s ’en­
gouffre l ’eau superficielle. Ils se forment au croisement des grandes
fissures ou à l ’endroit où celles-ci s ’élargissent, se prolongeant en
profondeur dans les massifs karstiques et offrant à l ’eau les voies les
plus faciles à la circulation. Les conduits qui s ’y forment s ’agrandis­
sent très vite en profondeur et en largeur et se transforment en che­
naux d ’écoulement qui collectent et évacuent l ’eau superficielle.
Les ponors isolés se rencontrent assez rarement ; le plus souvent ils
se combinent à d ’autres formes karstiques.
Les niches. Aux affleurements des roches solubles il se forme sou­
vent des niches de dimensions diverses qui résultent d ’un lessivage
intense par les eaux souterraines émergeant sur une pente ainsi que
des processus d ’altération. Le développement des niches est souvent
provoqué par des plans de stratification.
Les dépressions fermées ou entonnoirs (dôlines et avens) sont les
formes karstiques les plus répandues. Elles se rencontrent en grande
quantité dans les diverses zones climatiques: sur les côtes méditer­
ranéennes et celles de la mer Noire, dans les régions de Léningrad et
d ’Arkhangelsk, dans le bassin d ’Angara-Iénisséi, en Extrême-Orient
sibérien et dans l ’Oural. Ces dépressions karstiques ont des formes
diverses, tantôt ce sont de véritables puits aux parois assez raides,
tantôt des écuelles ou des soucoupes avec des pentes douces et de
faible profondeur (fig. 83). Leur diamètre dans la plupart des cas
varie de 1 à 50 m, atteignant parfois 100 m et plus. Leur profondeur
dépasse rarement 15 à 20 m. Souvent, on observe au fond de ces enton­
noirs des ponors par lesquels les eaux superficielles rassemblées
dans la dépression sont entraînées en profondeur.
Dans les régions où la karstification est très poussée la multipli­
cation de ces formes en entonnoir donne à la surface un aspect alvé­
olé. Ainsi, certains secteurs de Iaïla en Crimée comptent jusqu’à 50
et même 80 dôlines par kilomètre carré, alors que dans le bassin houil-
ler de Kizel (versant occidental de l ’Oural) on en enregistre de 30 à
120. Les entonnoirs karstiques peuvent résulter de l ’action dissol­
vante de l ’eau ou se former par approfondissement et élargissement
progressif des fractures. Le développement de ces dépressions en enton-
170
noirs peut être accéléré par l ’action érosive des eaux superficielles
et par le processus d ’altération des roches.
Les dépressions fermées peuvent également provenir d ’un effon­
drement du plafond des cavités karstiques, phénomène qui est observé
assez souvent dans les contrées où les calcaires, gypses et autres roches
solubles sont recouverts d ’une couche suffisamment épaisse de roches
argilo-sableuses insolubles. Dans ces conditions, le phénomène kars­
tique n ’a lieu qu’en profondeur où se développent les cavités de

Fig. 83. Entonnoir karstique

formes diverses (grottes, galeries, etc.) dont les voûtes subsistent


pendant un certain temps. L ’évolution de ces cavités se poursuivant,
une rupture de l ’équilibre des roches formant la voûte peut en résul­
ter, rupture qui déclenche un effondrement quelquefois sur une gran­
de échelle. Les dépressions karstiques provenant d ’un effondrement
se rencontrent dans les régions de Toula, d ’Ivanovo, de Léningrad, de
Perm, en Tatarie, dans l ’Oural, etc.
Les entonnoirs karstiques forment à la surface tantôt des aligne­
ments, tantôt des groupements irréguliers. La disposition linéaire
témoigne vraisemblablement de l ’existence de grosses fractures
d ’origine tectonique le long desquelles se sont concentrés les proces­
sus karstiques les plus intenses. Parfois, un semblable alignement
de formes karstiques s ’organise au-dessus d ’une caverne souterraine.
Les actions simultanées de dissolution et d ’érosion peuvent abou­
tir, dans le cas d ’une disposition linéaire des entonnoirs, à un mode-
171
lé de ravins génétiquement liés aux phénomènes du karst et à l ’éro­
sion normale.
Grandes dépressions fermées (uvalas et poljë). L ’évolution ulté­
rieure des phénomènes karstiques aboutit à l ’élaboration de formes
plus vastes et complexes, les uvalas et les poljés qui atteignent par­
fois des dimensions importantes. Ils peuvent se former par élargis­
sement et coalescence de nombreuses dôlines ou par effondrement du
plafond de grandes cavernes karstiques. Souvent, ces formes sont
conditionnées par la tectonique et ont en réalité une origine à la
fois karstique et tectonique, résultant non seulement de l ’action
dissolvante de l ’eau mais aussi de l ’érosion mécanique. Quelquefois,
le fond des uvalas et des poljés est parsemé de dôlines à ponors qui
sont autant de points d ’absorption d ’eau (fig. 84, A et B). La hauteur
des parois atteint des dizaines et même des centaines de mètres.
Les uvalas et les poljés sont nombreux en Crimée, dans le Caucase
et sur le plateau karstique de Yougoslavie.
Exsurgences et résurgences. L ’engouffrement des rivières et l ’assè­
chement périodique des lacs sont aussi dus aux phénomènes karsti­
ques. Des exsurgences et résurgences ont été constatés dans nom­
bre de régions et de zones climatiques.
On sait depuis longtemps que près d ’Immendingen les eaux du
cours supérieur du Danube s ’engouffrent dans les ponors en de telles
quantités qu’en été, quand le niveau du fleuve est bas, certaines
parties du lit restent asséchées. Des recherches effectuées dans cette
région ont permis d ’établir que sur 12,5 km le Danube coule sous
terre en suivant des chenaux karstiques, puis vient à la surface par
une grosse exsurgence qui donne naissance au fleuve.
A. Krouber a décrit la rivière Sououk-Sou en Crimée. Sur 4 km
elle coule à la surface, puis elle disparaît sous terre et ne ressort que
par la résurgence de la grotte de Kharanlyk-Khoba. Une autre riviè­
re, l ’Ouzen, qui porte d ’abord le nom de Sououk-Sou apparaît aux
confins du Sud-Est de la vallée Baïdarskaïa, mais elle disparaît
bientôt en laissant une vallée sèche parsemée de gravier et de galets.
Après sa résurgence sous forme d ’une grosse source qui se trouve
174 m plus bas que la source de la Sououk-Sou la rivière porte le nom de
Tchornaîa. Donc, sur les 10 km environ que la rivière parcourt sous
terre la pente du lit souterrain reste très élevée (15 à 17 m de dénivel­
lation par km au moins). De nombreuses rivières de ce genre existent
dans le Caucase, sur le plateau d ’Oufa, sur le versant occidental de
l ’Oural, dans les districts d ’Ouglovka, de Borovitchi, de Tikhvin,
dans les régions de Léningrad, de Smolensk, etc. Souvent, leur nature
apparaît dans la toponymie locale: Ponyrétka, Ponikla, Ponyrié,
Nyrok, etc. (noms formés avec la racine « nyriat » qui veut dire
en russe « plonger »).
Les lacs s ’asséchant périodiquement et dont le régime est réglé
par les phénomènes karstiques présentent aussi un grand intérêt.
Un groupe de lacs de ce genre (Chimozéro, Dolgozéro, GriaznoTé,
172
Fig. SA. A. Dôline dans la dépression de Bechketné (d’après A. Krouber).
B. Une dépression karstique sur le mont Aï-I’étri
Kanozéro, Oundozéro, etc.), décrit par V. Koulikovski, est situé
sur l ’interfluve Onejsko-Biélozerski. Le fond de ces lacs est parsemé
de dôlines et de ponors qui absorbent périodiquement leurs eaux,
les entraînant en profondeur. Parmi les lacs périodiquement à sec
on peut citer le lac Siamgo dans la région d ’Ivanovo, le lac Droujin-
skoïé, au Nord de Biélozersk, les lacs Borovskoîé, SoukhoTé, Yam-
noîé, Gorodno, Medvedko dans les districts de Lubytino et deBorovi-
tchi de la région de Léningrad, les lacs de la région de Gorki, etc.

Fig. 85. Formes caractéristiques dues au karst : « Forêt de pierres »


dans la province du Yunnan

L ’observation systématique de certains lacs montre que la baisse


de leur niveau et parfois leur assèchement ont pour cause une dimi­
nution brusque des précipitations atmosphériques dans les années
sèches et, par suite, une baisse du niveau des eaux souterraines.

CAVITÉS KARSTIQUES

A côté des formes superficielles on distingue dans un massif kars­


tique un grand nombre de cavités aux formes les plus diverses.
On y observe des conduits tubulaires ou coudés ainsi que des galeries
ou des cavernes horizontales. Ces dernières ont été bien étudiées.
Elles apparaissent ordinairement au niveau des nappes karstiques
offrant les conditions les plus favorables à leur développement. Les
cavernes forment un réseau de galeries plus ou moins horizontales
présentant tantôt des ramifications irrégulières réunies par des pas-
174
sages étroits, tantôt des élargissements brusques débouchant dans
des salles énormes ou des grottes, tantôt des rétrécissements aboutis­
sant à des boyaux étranglés parfois infranchissables. En coupe plane,
les cavités souterraines ont un tracé en zigzags; en profil elles pré­
sentent des descentes brusques par gradins. Ce tracé irrégulier et
fantasque peut s'expliquer par la complexité du réseau des diaclases
traversant les roches et, même, par l ’hétérogénéité de ces dernières.
Le fond des cavernes karstiques comporte parfois des cours d ’eau

Fig. 86. Stalactites et stalagmites dans la caverne de Macoha (Tchécoslovaquie)

ou de petits lacs; l ’action chimique (corrosion) s ’accompagne alors


d ’une corrasion (érosion mécanique). Au fond des cavernes il se
forme par endroits des dépôts de débris tombant des voûtes lors des
effondrements ou formant les résidus insolubles de la décomposition
des roches solubles. Dans les cavernes l ’infiltration des eaux superfi­
cielles donne lieu de dépôt de carbonate de calcium formant au pla­
fond des pendants ou pendeloques, des stalactites et sur le plancher
des formes ascendantes, les stalagmites (fig. 8 6 ). Ces formes sont dues
à l ’eau qui s ’infiltre lentement à travers les joints par gouttes isolées
qui restent suspendues quelque temps au plafond de la grotte. Une
partie du carbonate de calcium contenu dans la goutte a le temps de
donner un précipité avant de tomber. Goutte à goutte, en suintant
le long du plafond et des parois de la caverne, de petits dépôts de
calcite se forment et, en s ’accumulant, donnent des stalactites.
Une partie de ces gouttes tombe sur le plancher où le reste de carbo­
nate de calcium est précipité, ce qui entraîne la formation des stalag-
175
mites. Certaines cavernes sont dépourvues de ces concrétions de
calcite, mais, par contre, contiennent de la glace en permanence.
Liaison hydraulique des cavités karstiques avec le niveau de base.
Si le massif karstique est traversé par une rivière, le niveau des eaux
karstiques est presque toujours en liaison avec le niveau de celle-ci.
Ordinairement, la rivière draine les eaux karstiques. La montée de
l'eau dans la rivière accroît le niveau des eaux souterraines dans les
parties contiguës du massif karstique et inversement, la baisse de
l ’eau dans la rivière se traduit par une descente du niveau des eaux
souterraines. L’ouverture des galeries est généralement disposée
sur les versants, près du plan d’eau de la rivière. Il s’établit ainsi
une liaison étroite entre les galeries, leur disposition et le niveau
de base. Parfois, les galeries karstiques se disposent en plusieurs éta­
ges superposés dont certains présentent des liaisons avec les ancien­
nes plaines alluviales (terrasses). Ce fait témoigne de l’identité des
causes réglant l’évolution de la rivière et les phénomènes karstiques.
Il s’agit des mouvements oscillatoires de l’écorce terrestre. Lorsque
le niveau de base baisse, la rivière s’encaisse dans sa vallée alluviale
en formant une terrasse et prend une position nouvelle de cote plus
basse; le niveau des eaux karstiques s’abaisse, lui aussi, jusqu’à
l’établissement d’un équilibre nouveau (rivière — eaux karstiques).
L’ancienne galerie s’assèche et constitue l’étage supérieur; au-
dessous, une nouvelle galerie se crée.
En U.R.S.S. on rencontre des cavernes karstiques en Crimée,
dans le Caucase, dans la région de l’Oural, dans l’Altaï, etc. On en
trouve également en Yougoslavie, en Italie, en France, en Amérique
et dans d’autres pays.
La plus grande est la caverne du Mammouth située sur le plateau
Kentucky en Amérique. A. Holmes a établi que les calcaires caver-
naux du plateau Kentucky comptent plus de 60000 entonnoirs karsti­
ques et des centaines de cavités y compris la Grande caverne du
Mammouth dont le réseau ininterrompu de galeries s’étend sur plus
de 48 km (sans tenir compte des bifurcations).
La plus célèbre des cavernes de l’U.R.S.S. est la Koungourskaïa
qui se trouve près de la ville de Koungour sur la rive droite de la
Sylva. Elle s’est formée dans des couches de gypse s’encaissant entre
les calcaires et les dolomies (fig. 87). C’est un labyrinthe de galeries
ramifiées dont la longueur totale est de 4,6 km et qui compte plus
de trente lacs de différentes dimensions (200 m-, et de 4 à 6 m de
profondeur pour le plus grand). Le niveau d ’eau des lacs dépend
directement du niveau de la Sylva. La caverne est caractérisée par des
formations de glace qui subsistent toute l ’année dans les parties situées
près de la sortie et par une structure étagée. G. Maximovitch a éta­
bli que certains étages de cette caverne présentent des liaisons avec
les terrasses de la Sylva.
Toutefois, cet étagement des galeries ainsi que leur liaison avec
les terrasses ne sont pas toujours observés, surtout dans les régions
17b
de soulèvements intenses et récents où la vitesse de l ’érosion est
plus grande que celle de l ’évolution karstique. Lorsque l’érosion
devance ainsi le karst les cavernes karstiques ne présentent aucun
lien avec les terrasses.
Parfois, au-dessous des galeries karstiques horizontales se situe
un réseau de chenaux complexes formant des siphons où circulent

les eaux souterraines profondes. Lorsque la zone d ’alimentation


de ces eaux est très élevée, alors que la zone de décharge est basse,
l’eau se déplace dans les galeries à une grande vitesse, accélérant les
phénomènes karstiques et entraînant l ’apparition d ’exsurgence
de sources karstiques puissantes. Ainsi, dans la région de Gagra
(U.R.S.S.) une dénivellation entre les zones d ’alimentation et de
décharge de près de 1 0 0 0 m provoque au niveau de la mer l ’exsur-
gence dans des calcaires très karstifiés d ’une rivière souterraine et
12—927 177
l'apparition de plusieurs sources ascendantes au fond de la mer. Ces
exsurgences de fond de mer jaillissant sous haute pression existent
aussi dans l ’Adriatique et dans d ’autres régions; on les appelle sou­
vent sources « sous-marines ».

VARIÉTÉS DE KARST

L ’évolution du karst et la succession des diverses formes karsti­


ques dépendent du climat, du mode de gisement des roches solubles,
de la présence d ’une couverture superficielle, du degré de fissuration.
On distingue deux types principaux de karst.
1. Karst de la zone méditerranéenne ou nu. On le trouve en Crimée,
dans le Caucase et dans les régions méditerranéennes. L ’évolution
du karst dépend ici surtout des précipitations atmosphériques qui
tombent sous forme d ’averses en se chargeant et en évacuant de la
surface tous les débris meubles, résidus de la dissolution des roches
attaquées par le karst. Aussi le massif karstique reste-t-il constam­
ment à nu et est-il soumis à l ’action ininterrompue des facteurs atmos­
phériques. Les phénomènes karstiques sont dans ce cas très intenses
et toute la variété de formes karstiques, superficielles et souterraines,
peut être observée : lapiés, ponors, dépressions fermées (dôlines,
avens, uvalas, poljés), exsurgences, résurgences, cavernes, etc.
2. Karst de la zone tempérée humide ou couvert. Il se rencontre
dans les régions au climat tempéré, par exemple dans la partie euro­
péenne de l ’U.R.S.S., dans l ’Oural, en Sibérie, régions où la répar­
tition des précipitations atmosphériques est plus régulière. Les mas­
sifs karstiques ne sont alors pas dénudés et les facteurs atmosphéri­
ques ne peuvent exercer sur eux une action directe. En outre, dans
nombre de régions, ils sont recouverts d ’une épaisse couche de dé­
pôts glaciaires ou fluvio-glaciaires. Les phénomènes karstiques ne
s ’observent que sous une couche de formations meubles et un grand
nombre de formes karstiques sont donc absentes. Il n ’y a pas ici de
lapiés, d ’uvalas ou de poljés. La forme karstique la plus répandue
est la petite dépression fermée en entonnoir (dôline ou aven) avec par­
fois un ponor au fond. On y rencontre des vallons karstiques ainsi
que des exsurgences et des résurgences de rivières ou des lacs s ’assé­
chant périodiquement.
Un type particulier présente le karst « argileux » qui se développe
dans les roches marneuses ou argilo-sableuses à interstratifications
gypseuses dans lesquelles le processus d ’ablation exerce une action
aussi importante que la lixiviation.
Dans les régions recouvertes de lœss et de limons lœssiques le
modelé superficiel présente des formes analogues à celles du karst
typique : entonnoirs de tassement, dépressions fermées, etc. Ce relief
est surtout propre à un climat sec, lorsque les lœss et les limons lœs­
siques contiennent des sels solubles. La circulation de l ’eau souter­
raine y exerce une double action : d ’une part, lixiviation et lessivage
178
des sels solubles, d'autre part, évacuation mécanique des grains fins
de la roche. Ceci aboutit à un ameublissement de la roche, puis les
cavités se forment qui provoquent un tassement de la couche supé­
rieure avec formation en surface de dépressions d'affaissement. Com­
me on le voit, ce processus est différent de celui du karst typique
s’observant dans les calcaires, les gypses et les autres roches solubles.
C'est pourquoi le terme « karst » ne peut être employé ici que sous
une certaine réserve. Ce processus porte souvent le nom de karstifi­
cation par inféroflux.

IMPORTANCE PRATIQUE DE L'ÉTUDE DU KARST

L’étude du karst est d’une grande utilité pour nombre de pro­


blèmes intéressant l ’économie nationale. Par exemple, si l ’on ne
tient pas compte du phénomène karstique lors de l ’installation
d’une ligne de chemin de fer, des déformations des voies ferrées
peuvent se produire.
Lors de l ’exploitation des gisements de minerais utiles il est impor­
tant d ’apprécier exactement les venues abondantes d ’eaux de
cavernes karstiques afin de prévenir l ’inondation des mines. L ’afflux
de l ’eau dans les puits de mines atteint parfois dans les régions karsti­
ques 4 000-5 000 m3 /h.
Lors de la construction des ouvrages hydrauliques, les chenaux
karstiques souterrains peuvent être la cause de fuites dans les bassins
de barrage. Des fuites de ce genre ont été enregistrées lors de l ’édifi­
cation d ’ouvrages hydrauliques en Espagne, en France, en Italie.
Pour les prévenir il convient d ’étudier minutieusement les phé­
nomènes karstiques afin de pouvoir prévoir exactement les modifi­
cations ultérieures et les mesures à prendre pour lutter contre le karst.
L’étude du karst est également indispensable pour satisfaire les
besoins en eau des grandes agglomérations urbaines et des entreprises
industrielles.
§ 10. Glissements
Les divers déplacements de débris des roches le long des pentes
raides des versants de ravins, des vallées de cours d ’eau, des berges
de lacs et de mers sont en rapport avec l ’activité des eaux souterrai­
nes et superficielles. La nature et l ’ampleur de ces mouvements va­
rient. On distingue :
1. Les faibles déplacements n ’entraînant que la partie superficiel­
le, la couche arable et une partie de la roche altérée sous-jacente qui,
sous l ’effet d ’une surimbibition, commencent à se déplacer vers le
bas. Ce mouvement est appelé creeping ou reptation (oplyvni).
2. Les mouvements de masses entraînant des paquets de terrains
divers composant les versants sur une grande profondeur. Ces dépla­
cements sont les glissements proprement dits.
12* 179
3. Les déplacements brusques de masses importantes de terrains
avec basculement en sens contraire delà pente et division en paquets
s ’appellent éboulements. C'est surtout dans les régions de jeunes
montagnes que ces déplacements prennent la plus grande ampleur.
Dans ces régions l ’eau effectue un travail de préparation en réduisant
l’adhérence des roches et en rendant possible leur déplacement.
2 1

Versant
en place
; Partie des mouvements de masse

Entrainement de dépôts
par reptation ou creeping
Bourrelet
de refoulement
B
Allumons du fond
de la vallée

Blocs entiers
entraînés par Partie détritique du glissement
le glissement Zones des brèches
de friction

Fig. 88. A. Schéma d’un versant de glissement simple : 1 — forme initiale


de la pente; 2 — versant en place; 3 — corps d’éboulement ; 4 — surface de
glissement; 5 — ligne de glissement; 6 — niche d’arrachement; 7 — pied
d’éboulement; 8 — source. B. Schéma d’un glissement complexe

Souvent, un éboulement brusque a pour cause un tremblement de


terre. Ce phénomène atteint parfois des dimensions énormes. Ainsi,
en 1911, dans le Pamir, un éboulement fit basculer de 7 à 8 milliards
de tonnes de terrains qui barrèrent une rivière -et formèrent le làc
Sarezskoïé long d ’environ 80 km. Le barrage ainsi formé avait 600 m
de haut, était long de 2 km et large (à la base) d ’environ 5 km.
Les glissements proprement dits sont les plus intéressants ; ils
sont très fréquents et présentent parfois un danger pour les agglomé­
rations, les chemins de fer, etc. Les glissements de masses importantes
qui entraînent des terrains sur une grande profondeur modifient
sensiblement le tracé des versants en leur communiquant un profil
180
caractéristique. Un cas élémentaire de versant de glissement est repré­
senté sur la iig. 8 8 , A . En pointillé est indiquée la pente abrupte
avant le glissement. Après celui-ci la pente a pris un autre aspect
représenté en trait plein. Dans tous les versants de glissement on peut
distinguer divers éléments. La trajectoire suivant laquelle la masse
des roches se détache du versant et glisse, porte le nom de surface
de glissement. Elle présente souvent des traces de polissage et des
stries dues au frottement des roches pendant leur glissement. Ces
surfaces polies sont souvent appelées miroirs de glissement. La mas­
se des terrains déplacés qui arrive au bas du versant porte le nom de
corps d'ëboulement ou loupe de glissement. La partie élevée abrupte
du versant au-dessus du corps d ’éboulement s ’appelle niche d'arra­
chement ou de départ. En section transversale le corps d ’éboulement
présente ordinairement un gradin ou une terrasse, souvent basculée
du côté de la partie non perturbée du versant et qui s ’appelle surface
d'arrachement ou banquette. Cette surface a le plus souvent des bour­
relets irréguliers, mais parfois elle est plus ou moins aplanie. La
ligne de contact du corps d ’éboulement avec la niche de décollement
se manifestant parfois par un abaissement du relief s ’appelle ligne
de glissement. Le point où la surface de glissement s ’engage sur la pen­
te du versant porte le nom de pied d'ëboulement. Suivant la nature
des roches et l ’ampleur du glissement, il peut se situer à des niveaux
divers. Le plus souvent il coïncide avec le pied du versant, mais
parfois il se trouve plus haut et même quelquefois plus bas que celui-
ci, descendant même au-dessous du niveau de la rivière ou de
la mer.
Il arrive souvent que le corps d’éboulement ait l’aspect de plusieurs
blocs de terrains ayant glissé sous l ’effet de la pesanteur (fig. 8 8 , B).
Chaque bloc conserve la succession originelle des couches qui ne
sont que basculées vers la partie non perturbée du versant. C’est,
d ’après A. Pavlov, la partie des mouvements de masses du glisse­
ment (celle engendrée par le poids des roches).
Dans la partie inférieure du glissement, les roches déplacées sont
écrasées sous la pression des blocs supérieurs. C’est la partie détri­
tique du glissement (accumulée par la poussée des blocs ayant subi
un arrachement dans la partie supérieure). Parfois, la pression des
masses éboulées est telle qu’il se forme dans les terrains en place
des bourrelets de refoulement. Les glissements de cette ampleur pré­
sentent des brèches de friction le long des trajectoires de glisse­
ment.
De grands glissements créent des cirques immenses ou plutôt
des demi-cirques qui pénètrent profondément dans la rive (fig. 89).
Ils alternent avec des secteurs plus résistants du versant qui consti­
tuent des semblants de caps appelés crêtes de glissement.
Ordinairement, le glissement est signalé par l ’apparition d ’une
ou de plusieurs crevasses du sol en arc de cercle en amont du versant
(fig. 90). Ces fentes d'arrachement s ’élargissent progressivement et
181
la partie détachée du versant commence à glisser. En plus de ce relief
particulier un glissement se décèle à des signes tels que les arbres

Fig. 89. A. Cirque de glissement sur la rive droite du cours moyen de la


Volga. B. Glissements en Crimée près de la ville de 'Siméiz: route dé­
placée

inclinés par rapport à la surface de la masse déplacée. Un glissement


fait pencher les troncs des arbres qui prennent des positions diverses,
se courbent, deviennent par endroits fêlés comme au parc de Fili à
182
Moscou ou sur la rive méridionale de la Crimée. Ces arbres
sont appelés arbres penchants (« piany liess », ce qui veut dire
en russe « forêt ivre »).

Fig. 90. Fentes d’arrachement signalant un glissement

CAUSE UES GLISSEMENTS

L’étude des régions sujettes aux glissements a montré que ceux-


ci peuvent être provoqués par des facteurs multiples : raideur des
berges, structure géologique, conditions d ’émergence des eaux souter­
raines, variations du niveau d ’eau des rivières et des lacs. Dans chaque
cas particulier les facteurs entrant en jeu peuvent être différents.
Parmi ceux-ci on note :
1 . L ’affouillement de la berge par la rivière ou l ’abrasion par la
mer. La pente d ’une rive intensément affouillée s ’accentue rapide­
ment, les tensions augmentent et la rendent instable.
2. La corrosion et la corrasion de sous-écoulement provoquées par
le mouvement des eaux souterraines dans la couche aquifère. En
émergeant sur une pente les eaux souterraines charrient des débris
fins enlevés à la couche aquifère et diverses substances chimiques en
solution (fig. 91). Si l ’évacuation des débris dure longtemps, la cou­
che aquifère s ’ameublit et devient moins résistante, ne pouvant plus
soutenir les terrains des parties supérieures du versant qui commen­
cent à glisser. Cette évacuation des produits de l ’érosion mécanique
et chimique (débris fins de roches et substances dissoutes) aboutis­
sant à l ’ameublissement de la couche aquifère s ’appelle érosion de
183
sous-écoulement (les savants soviétiques emploient le terme de suf­
fosion).
3. La modification de la cohésion des roches argileuses formant
le versant par suite des processus d ’altération et de l ’action des eaux
souterraines ou superficielles. Lorsque l ’argile affleure sur un versant,
elle est attaquée par divers facteurs extérieurs, s ’altère, se dessèche
progressivement et se fissure. Les actions périodiques des eaux sont

Fig. 91. Erosion de sous-écoulement attaquant une carrière de sable


présentant une couche aquifère

particulièrement efficaces, car lorsque l 'humectation et le dessè­


chement alternent, l ’argile perd toute sa compacité. Dès qu’elle
est saturée d ’eau, l ’argile ainsi érodée devient plastique ou fluente
et commence à glisser le long du versant en entraînant d ’autres
roches.
4. La pression hydrodynamique exercée sur le versant par les
eaux souterraines. Celles-ci, en s ’écoulant vers la zone de décharge,
peuvent créer une forte pression hydrodynamique dans la couche
aquifère près de leur émergence, pression qui aboutit souvent à un
refoulement de la partie de la couche aquifère contiguë au versant
et qui provoque un brusque glissement de tout le versant. Les auteurs
furent témoins d ’un éboulement de ce genre en visitant un canal
récemment construit. Les conditions d ’exploitation de celui-ci exi­
geaient un vidange rapide qui fut exécuté en quelques jours. Les
eaux souterraines étant en communication hydraulique avec les
eaux du canal exercèrent alors sur ses berges une pression énorme.
184
Il eu résulta sur près de 100 m un glissement des berges dont les
débris tombèrent dans le canal. Des conditions similaires peuvent se
créer lors de la baisse de niveau rapide dans les rivières en communi­
cation hydraulique avec les eaux souterraines.
Dans certaines régions, les glissements sont favorisés par les
conditions structurales, et tout particulièrement par le pendage des
couches (argiles par exemple), et des lignes de faille conforme au ver­
sant des rivières ou des côtes marines. Les déplacements s ’effectuent
surtout le long des plans de stratifications ou de failles qui prédéter­
minent en quelque sorte le déclenchement des glissements.

DISTRIBUTION ET VARIÉTÉS DES GLISSEMENTS EN U.R.S.S.

Une des régions de l ’U.R.S.S. où les glissements sont les plus


fréquents est celle de la Volga. Les glissements s ’observent ici sur des
territoires considérables et ils ont provoqué de nombreuses destruc­
tions dans les villes et les localités importantes. Les glissements
sont particulièrement nombreux dans le cours moyen et inférieur
de la Volga, à partir de la confluence de la Volga avec la Kama, vers
l ’aval. Des villes comme Gorki, Vassilsoursk, Senguiléi, Oulianovsk,
la station Batraki, Volsk, Saratov, etc., se trouvant sur la rive droite
de la Volga connaissent depuis longtemps des glissements contre
lesquels on prend des mesures de protection exigeant des dépenses
énormes. La ville d ’Oulianovsk peut être citée comme exemple de
région à glissements typiques. Depuis la fondation de la ville (1648)
les documents historiques font état d ’au moins 25 glissements. Le
plus violent fut enregistré en 1915. Il entraîna dans les flots un pan
de la berge du fleuve long de 1,5 km et large de 400 à 600 m. Un
embranchement de la ligne ferroviaire Moscou-Kazan fut tordu et,
par endroits, s ’abaissa de 1,5 m et fut déplacé de 10 m ; l ’estacade
d’un pont qu’on construisait en travers de la Volga fut détruite.
La voie ferrée fut endommagée nombre de fois dans la région de la
station Batraki (Coteau de Batraki). Des glissements se produisirent
également près des cimenteries de Senguiléi et de Volsk. Les glis­
sements de Saratov sont fort connus ; parfois ils eurent une ampleur
catastrophique et provoquèrent la destruction de nombreux édifices.
Ainsi, 300 maisons furent détruites en 1884.
Les glissements dans la région de la Volga sont de types très
variés et ont des causes diverses. Presque tout au long de son cours
la Volga affouille intensément sa rive droite. Cette érosion latérale
rend les versants instables, d ’autant plus que par endroits ils sont
formés de couches alternées d ’argile et de sable aquifères, ce qui
favorise l ’érosion de sous-écoulement, contribue à l ’apparition d ’une
pression hydrodynamique, modifie la consistance des argiles, etc.
On rencontre souvent ici des glissements qui entraînent les ter­
rains sur une grande profondeur et ne forment qu'un seul étage ; ils
s’étendent sur des dizaines et même des centaines de mètres. Le
185
corps d ’éboulement peut avoir une structure compliquée. Parfois,
il est constitué de plusieurs banquettes qui sont toutes limitées par une
surface de glissement. L ’épaisseur des dépôts de glissement varie
de quelques mètres à 30 m et plus (près d'Oulianovsk).

Fig. 92. A. Glissement du type coulée de boue. B. Loupes de glissement et


blocs éboulés d’âges divers

On observe également ici des glissements superposés, c ’est-à-dire


formés sur un même versant à des niveaux différents. L ’étage infé­
rieur correspond à l ’affouillement par les eaux de la rivière et à
l ’émergence des eaux souterraines contenues dans les sables de la
couche aquifère inférieure. Le deuxième étage peut être dû à l ’érosion
de sous-écoulement des eaux émergeant d ’une couche aquifère supé­
rieure. C’est ainsi que dans les terrains à structure géologique appro-
186
priée et possédant plusieurs niveaux aquifères on peut rencontrer
des glissements étagés.
Dans la région de la Volga, en Crimée et dans d'autres régions,
on observe parfois des déplacements de terrains appelés coulée de boue.
Le mécanisme de ce phénomène est le suivant : lorsque les terrains
ameublis sont saturés d'eau, ils deviennent fluents et commencent à
glisser lentement endormant une coulée (fig. 92, A). L ’âge des glis­
sements dans la région de la Volga varie du Quaternaire inférieur à
l’époque récente, ce qui concorde avec les péripéties de l ’évolution
de la vallée de la Volga.
Une autre grande région à glissements est la côte de la mer Noire.
On connaît,depuis longtemps les glissements énormes delà région
d’Odessa et ceux de la côte méridionale de la Crimée (fig. 92, B),
du Caucase, surtout dans le secteur Sotchi — Soukhoumi. Ils sont
dus à des facteurs différents : abrasion marine attaquant la rive et
les dépôts d ’éboulis, eaux souterraines émergeant à des niveaux
différents, processus intense d ’altération de la roche en place et accu­
mulation sur les versants de couches épaisses de débris, conditions
structurales particulières à la région. Là aussi, de même que dans la
région de la Volga, les glissements sont de type et d ’âge différents.
Il convient de noter le rôle important joué par le‘niveau de base et ses
variations dans l ’évolution des glissements. G. Zolotarev et d ’autres
chercheurs indiquent qu’en Crimée et parfois dans le Caucase, la
surface de glissements anciens descend à 2 0 et parfois même à 60 m
au-dessous du niveau de la mer. Des glissements se sont également
produits dans les vallées du Dniepr (près de Kiev), de l ’Oka, de la
Pétchora, en aval de la Kama, sur la Moskova, etc.

I.UTTE CONTRE LES GLISSEMENTS

La lutte contre les glissements est poursuivie suivant des procé­


dés divers établis en conformité avec les causes qui les ont provoqués.
Parfois, on adoucit la pente du versant en le nivelant. D ’autres fois,
on aménage au pied du versant des soutènements en béton reposant
sur la roche en place non disloquée, et l ’on remplit l ’espace entre le
soutènement et le versant de gros sable et de gravier bien filtrants.
Ce remplissage permet de capter et de détourner les eaux souterraines
arrivant du versant et éliminer ainsi la pression qu’elles créent. Pour
protéger les rives intensément affouillées par les cours d ’eau et la
mer on construit des barrages permettant de diriger le courant, des
brise-lames, etc. Là où les glissements sont surtout dus aux eaux
superficielles ruisselant sur le versant ou aux eaux souterraines, on
les capte et on les dévie pour qu’elles n ’atteignent pas le versant.
L’ensemble de ces mesures concerne les travaux de drainage qui con­
sistent en l ’aménagement des tranchées (pour drainer les eaux super­
ficielles) et des galeries souterraines d ’où l ’eau est pompée puis
évacuée hors des limites du secteur menacé.
187
CHAPITRE 8

Action géologique des glaciers

Les glaciers effectuent un grand travail aussi bien destructif que


constructif. Leur activité contribue à la modification du relief, au
déplacement d ’un énorme volume de débris et à l ’accumulation de
divers dépôts.
§ 1. Notion de ligne des neiges
Les glaciers sont dus surtout à l ’accumulation de neige et à sa
transformation ultérieure. La neige s ’observe dans diverses zones
climatiques, mais elle ne peut se conserver pendant un temps suffisam­
ment long que sous certaines conditions. Sous des moyennes latitudes
la neige s ’accumule en hiver, alors qu’en été, quand la température
s ’élève, elle disparaît complètement. Aux latitudes polaires et sur
les hautes montagnes où la température est presque toujours basse,
la chaleur de l ’été est insuffisante pour la fusion totale de la neige
accumulée en hiver; la couche de neige se conserve et s ’accroît
d ’année en année. Pourtant, pour former un domaine de neiges persis­
tantes l ’existence d ’une température basse ne suffit pas; il faut
que la quantité de neige tombée soit suffisante.
Donc, Vaccumulation et la conservation permanente d'une couver­
ture de neige épaisse ne sont possibles que lorsque la température des­
cend au-dessous de zéro et que la neige tombe en grande quantité, c'est
justement ce que l'on observe dans les pays froids aux hautes latitudes
et sur les montagnes à une certaine altitude.
On sait que la température baisse non seulement à mesure qu’on
se déplace de l ’équateur vers le pôle, mais aussi en s ’élevant en alti­
tude, d ’ailleurs beaucoup plus rapidement. Tous les 100 m la tem­
pérature baisse en moyenne de 0,5 à 0,6°. C’est pourquoi la couver­
ture de neige persiste à des altitudes différentes suivant la latitude.
La position hypsométrique des neiges est la plus basse dans les ré­
gions polaires et la plus élevée sous les tropiques.
La limite inférieure des neiges, ou la ligne au-dessous de laquelle
la neige fond en été alors qu’elle se conserve au-dessus, porte le nom
de ligne ou de limite des neiges. C’est la zone où s’établit une sorte
d ’équilibre entre l ’alimentation et la déperdition en neige. L ’accu­
mulation n ’est possible qu’au-dessus de la ligne des neiges persis-
188
tantes. Cette limite descend à son niveau le plus bas, celui de l ’océan,
dans l ’Antarctide, où l ’été est inexistant et où même la température
des mois les plus chauds est inférieure à zéro. Dans les régions polai­
res boréales elle s ’approche aussi du niveau de la mer (Groenland du
Nord-Est: 0 m, archipel de François-Joseph: 70-100 m). A mesure
qu’on se déplace des régions polaires vers l ’équateur, la ligne des
neiges s ’élève et atteint une altitude maximale dans les montagnes
des zones tropicales. Dans le Groenland méridional elle est de 900 m,
dans la Norvège méridionale et l ’Alaska méridionale, de 1 500 m ;
dans les Alpes, en moyenne de 2 700-2 800 m ; dans le Caucase, de
2 700-3 600 m ; dans les montagnes de l ’Asie centrale, de 3 000-
5 500 m; dans l'Himalaya, le Tibet et les montagnes de l ’Afrique
équatoriale, de 4 800-6 000 m, et dans les Andes (en Argentine, à 29°
de latitude sud), de 6 400 m.
Les variations du climat et du relief régissent le niveau de la
ligne des neiges non seulement dans les montagnes de latitudes dif­
férentes, mais aussi à l ’intérieur d ’un même pays. Dans ce cas,
c ’est la structure des régions montagneuses, la disposition mutuelle
des chaînes et l ’exposition des versants qui se manifestent. Les vents
humides arrivant sur les montagnes déposent la plus grande partie
des eaux qu’ils transportent sur les premières chaînes ou les avant-
monts et atteignent les parties centrales des montagnes quelque
peu asséchés. C’est pourquoi la ligne des neiges descend plus bas sur
les chaînes extérieures que dans la partie centrale des montagnes;
la différence de cote peut être importante, de 500 à 800 m pour les
Alpes, de 1 600 à 2 000 pour l ’Asie centrale. Dans le Caucase, la
position de la ligne des neiges varie également suivant l ’humidité
de l ’air. De l ’Ouest à l ’Est, à mesure que la sécheresse de l ’air
s’élève, l ’altitude.des neiges persistantes monte de 2 700 m (à l ’ouest
de Maroukh) jusqu’à 3 600 m (région de Chakh-Dag).
L’exposition des versants exerce aussi une influence sur le
niveau de la ligne des neiges. Si le versant est exposé au Nord, cette
ligne est plus basse, sur les versants exposés au Sud, elle est plus
élevée ; la différence peut atteindre 500 m et plus. La forme actuelle
de la limite des neiges est schématisée à la fig. 93. La courbe montre
que ses pointes correspondent non pas à l ’équateur, mais à la zone
sèche des basses latitudes, ce qui s ’explique par la différence d ’humi­
dité de l ’air et donc de volume des précipitations atmosphériques.
La ligne des neiges ne reste pas immuable, elle varie suivant les
conditions climatiques. Lorsque la couche de neige augmente, la
ligne descend ; lorsque l ’alimentation en neige diminue et que le
climat s’adoucit, elle remonte. L’amplitude de ces variations peut
osciller de quelques mètres à des centaines de mètres (700 m dans
les Andes du Chili).
S. Kalesnik a proposé d ’introduire aussi la notion de ligne des
neiges supérieure. Il se base sur le fait que la température baisse
à mesure que l ’on s ’élève en altitude (c’est une des conditions de
189
l ’accumulation de la neige), alors que simultanément la teneur en
vapeur d ’eau diminue. A une certaine hauteur les conditions ne sont
plus favorables à la formation d ’une couverture de neige. Si des
montagnes atteignaient cette altitude, leurs sommets ne seraient pas
enneigés. La neige formerait alors une sorte de ceinture sur les
montagnes, au-dessus et au-dessous de laquelle la surface serait

km 6 0 N Can E Cap S 0 6km

Fig. 93. Schéma représentant la distribution de la hau­


teur de la ligne des neiges sur le globe terrestre (d’après
S. Kalesnik). E — équateur; Can — tropique du Cancer;
Cap — tropique du Capricorne ; S et N — cercles polaires
austral et boréal ; courbe 0 0 — niveau de la mer

libre de neige. Cette ceinture, entre les limites inférieure réelle et


supérieure virtuelle, a été appelée xionosphère.
On distingue aussi la ligne des neiges orographique qui passe
beaucoup plus bas que la limite de la xionosphère. C’est la limite
inférieure de toutes les taches de neige persistantes (flaques de neige)
dans les creux et sur les ubacs. La persistance de la neige est condi­
tionnée ici par les particularités du relief combinées à l ’exposition
du versant.
§ 2. Formation des glaciers
L ’accumulation de couches de neige épaisses et leur transforma­
tion en glace ne dépend pas seulement des facteurs climatiques,
mais aussi du relief. Dans les régions montagneuses les formes les
plus favorables sont les cuvettes en amphithéâtre des parties hautes
des montagnes, les sommets arrondis à pente douce et les surfaces
aplanies. Ces formes topographiques constituent le plus souvent les
zones d ’alimentation des glaciers.
La neige tombe à la surface sous forme de cristaux divers. Suivant
la température, elle constitue tantôt des grains fins à peine visibles
(par grand froid), tantôt des cristaux plus grands : aiguilles, prismes,
étoiles. Les plus gros cristaux sont formés lorsqu’il ne fait pas très
froid.
A mesure que la neige s ’accumule dans la zone d ’alimentation,
elle subit une transformation complexe sous l ’action du Soleil,
de la sublimation et de la pression croissante.
190
En été, la neige incohérente réchauffée par les rayons solaires
commence à fondre à la surface ; certains cristaux prennent une forme
arrondie et la nuit du fait du regel redeviennent des grains. Une
partie de l'eau de fusion en s ’infiltrant dans la neige friable y arron­
dit également les grains. A chaque nouvelle chute de neige le phéno­
mène se reproduit. Ainsi, la neige d ’abord incohérente devient peu
à peu compacte, grenue ou névé.
Dans la transformation de la neige en névé un rôle important
revient aussi à la sublimation: évaporation de la glace suivie d ’une
nouvelle cristallisation de la vapeur ainsi formée sans passer par la
phase liquide.
La tension de vapeur à la surface de la glace dépend de la tempé­
rature, des dimensions et de la 'forme des cristaux (de la courbure
de leur surface). La tension au-dessus des cristaux de grandeur et de
forme différentes n ’est pas la même ; elle augmente à mesure que les
cristaux diminuent. D’où un déplacement de la vapeur des petits
cristaux vers les plus gros et un accroissement de ces derniers. Pen­
dant la sublimation il y a dégagement de chaleur qui favorise la
fusion des cristaux isolés et la formation de plus gros agrégats.
C’est ainsi que la sublimation contribue à la transformation d ’une
neige incohérente en névé, et ensuite en glace.
La pression joue aussi un grand rôle. A mesure que de nouvelles
couches de névé se forment, les couches inférieures du bassin de névé
subissent une pression toujours croissante et se tassent, l ’air qu’elles
contiennent est expulsé, les agrégats cristallins isolés fusionnent,
etc. Ainsi, le névé se transforme d ’abord en une glace blanchâtre et
bulleuse (glace de névé), puis en une glace de glacier, pure, translucide
et bleue qui constitue le corps du glacier.
Durant sa transformation en glace, la neige subit un tassement
notable : 1 m3 de glace est formé à partir de 10 à 11 m3 de neige.
Une des particularités des glaciers est qu’ils coulent, phénomène
conditionné par les propriétés de la glace. Sous certaines conditions
la glace, de même que de nombreux autres corps solides, devient
plastique et commence à couler. Le degré de cette fluidité visqueuse
dépend de la température et de la pression. Les observations ont
montré que des barres de glace reposant pendant 24 heures par leurs
extrémités sur deux supports ont donné une flèchej]de 2 mm à une
température de —12 à —3,5°, et de 9 mm à —1, 0°. Cette flèche
augmente sensiblement si l ’on exerce une pression supplémentaire.
Ces modifications de la forme des barres n ’ont pas provoqué de
rupture. La plasticité est particulièrement grande quand les masses
de glace d ’un bassin de névé sont très épaisses. Les couches infé­
rieures soumises à l ’action de l ’énorme pression des couches supé­
rieures deviennent très plastiques et commencent à couler en utili­
sant la disposition du relief.
Ainsi, le glacier est un corps naturel de grande dimension formé de
cristaux de glace (névé dans les couches supérieures), résultant de
191
L'accumulation et de la transformation des précipitations atmosphé­
riques solides (neige) et qui est en mouvement.

§ 3. Distribution géographique des glaciers


actuels et leurs types
Les glaciers couvrent actuellement 16 300 000 de km2, c’est-à-dire
plus de 10% de la superficie des continents. Ils se répartissent de la
façon suivante (d’après S. Kalesnik) :
en m illiers
de km3
Régions polaires boréales 2 100
» tempérées de l ’hémisphère Nord 100
» tropicales 0,1
» tempérées de l'hémisphère Sud 21
» polaires australes 14100

Comme on le voit d ’après ce tableau, les plus grandes étendues


couvertes par les glaces se trouvent dans les régions polaires, surtout
australes.
En U.R.S.S. les étendues de glace sont particulièrement grandes
en Nouvelle-Zemble (15 600 km2), dans l ’archipel François-Joseph
(15 300 km2), dans les montagnes de l ’Asie centrale (17 000 km2) et
du Caucase (2 000 km2). Ailleurs, la superficie totale des glaciers
n ’est qu’un peu supérieure à 1 000 km2.
Suivant la phase de l ’évolution, la forme et le rapport entre les
zones d ’alimentation et d ’ablation, on distingue trois types de gla­
ciers :
1) glaciers locaux ou de vallée (glaciers de montagnes) ;
2) glaciers régionaux ou inlandsis (glaciers continentaux) ;
3) glaciers de formes intermédiaires.
Les glaciers de vallée, de type alpin, dominent dans les régions
de jeunes montagnes résultant de mouvements dits de tectonique
alpine. On peut les classer suivant la phase de leur évolution.
Examinons d ’abord les glaciers de vallée de type normal, de
grandes dimensions, très répandus et qui sont le mieux étudiés (Alpes,
Caucase, Himalaya).
Glaciers de vallée. Ils se caractérisent surtout par une distinction
bien nette entre l ’aire d ’alimentation (bassin de névé où s ’accumule
la neige qui se transforme en névé et en glace) et l ’aire d ’ablation.
L ’aire d ’alimentation est située au-dessus de la ligne des neiges
où elle occupe des bassins et des cuvettes creusés dans des massifs
montagneux et entourés de crêtes et de pics formant amphithéâtre.
L ’écoulement de la glace se réalise par flux linéaire dans les vallées
dans lesquelles la masse glaciaire constitue, entre les flancs abrupts,
une coulée ou langue animée d ’un mouvement lent (fig. 94).
192
L’évolution de cette langue dépend étroitement de son aire
d’alimentation. Plus le bassin de névé est abondamment alimenté,
plus la langue du glacier est longue. Le rapport entre les surfaces
des aires d ’alimentation et d’ablation peut différer; dans les Alpes
il est en moyenne de 3 :1 .
11 y a des glaciers de vallée simples et des glaciers composés.
Les premiers sont des glaciers sans liens les uns avec les autres
ne comportant qu’une langue et ne possédant pas d ’affluents. Ils
se rencontrent dans les Alpes et dans le Caucase.

Fig. 94. Glacier de montagne: 1 — aire d’alimentation ; 2 — aire d’ablation

Les glaciers composés sont constitués par la réunion de plusieurs


glaciers, rappelant le réseau d ’une rivière avec ses affluents. On les
rencontre dans les Alpes (Aletsch, Mer de glace, etc.), mais ils sont
beaucoup plus fréquents dans le Caucase. Lorsque les glaciers occu­
pent non seulement les vallées transversales (creusées en travers
de la chaîne de montagnes), mais aussi les vallées longitudinales
(séparant deux chaînes), leur forme est alors particulièrement comple­
xe. Ils apparaissent lorsque la glaciation est suffisamment étendue:
un glacier puissant descend alors la vallée longitudinale et est
rejoint par d ’autres glaciers qui suivent des vallées transversales et
qui comptent aussi beaucoup d ’affluents. Il se forme ainsi un réseau
ramifié dit dendritique. Les glaciers de ce genre sont très répandus
13—927 193
dans l ’Himalaya. En U.R.S.S. à ce type appartiennent le glacier
Fedtchenko dans le Pamir qui s ’étend sur 72 km (fig. 95) et les
glaciers Zéravchanski et Inyltchek (70 km).
Quelquefois, les névés des glaciers situés sur des versants opposés
d ’une crête se soudent, et l ’alimentation des glaciers descendant
les deux pentes opposées s ’effectue à partir d ’un même bassin.
Les glaciers de ce genre s ’appellent glaciers de transfluence.

Fig. 95. Glacier Fedtchenko. Les bandes noires sur la surface du glacier
représentent les moraines médianes

Outre ces glaciers de vallée normale, il existe des glaciers de


cirque et des glaciers suspendus. Ce sont des glaciers réduits, isolés,
on peut même dire rudimentaires ou atrophiés. Les glaciers de cirque
sont logés dans des niches (cirques) creusées dans des versants abrupts
de hautes montagnes (fig. 96) mais aussi assez souvent dans les flancs
de vallées en auge et d ’amphithéâtres. Ils sont surtout caractérisés par
une faible épaisseur des glaces et, donc, par l ’absence d ’écoulement.
Les glaciers suspendus sont confinés dans les vallées des versants
abrupts d ’où ils s ’échappent sous forme de langue suspendue au-
dessus d ’un précipice; lorsque la glace se déplace, des morceaux
s ’en détachent et tombent.
Inlandsis ou glaciers continentaux. C’est le type de glaciers
qui recouvrent des îles et des continents entiers. Ils se distinguent
des glaciers de montagne par:
194
1) des glaces très épaisses;
2) l ’indépendance des formes du relief sous-jacent;
3) la coïncidence des aires d ’alimentation et d ’ablation;
4) l’écoulement radial des glaces vers la périphérie de la calotte
glaciaire (à la différence de l’écoulement linéaire des glaciers de
montagne) ;

F ig . 96. A . R e p résen ta tio n sc h é m a tiq u e d es g la c ie r s d e cirq u e au d éb u t


de leu r é v o lu tio n . B. A ire d ’a b la tio n d ’un g la c ie r d e v a llé e e t cirques
g la c ia ir e s sur le versan t d e la v a llé e

5) une forme du glacier en dôme surbaissé rappelant un bouclier


(fig. 97).
Ces glaciers continentaux sont communs aux régions polaires.
Les exemples classiques nous sont fournis par les calottes glaciaires
du Groenland et de l ’Antarctide. La calotte du Groenland couvre
presque la totalité de l ’île (1 870 000 des 2 000 000 de km2). D’après
13* 195
les données de l ’exploration séismique son épaisseur dans la partie
centrale atteint 2 400 m. Vers les bords elle diminue, et l ’on voit
apparaître des pointements (sommets de montagnes en rochers isolés)
que les Esquimaux nomment nunataks. La calotte glaciaire du
Groenland ne va pas jusqu’à la mer; en débordant «par-dessus les
cols, elle donne naissance à de gros glaciers de vallée qui atteignent
parfois la rive et émettent des icebergs.

Fig. 97. Glacier continental'ou inlandsis

Au Groenland la ligne des neiges se trouve à des niveaux diffé­


rents. D’après S. Kalesnik, son altitude diminue à mesure qu’on
se dirige vers le Nord.
La calotte glaciaire de l ’Antarctide est le plus grand des glaciers
régionaux (plus de 13 000 000 de km2).
Ces derniers temps, les explorations, effectuées dans le cadre de la
troisième Année Géophysique Internationale, ont permis de rassem­
bler un grand nombre d ’informations sur l ’Antarctide se rapportant
notamment à la circulation atmosphérique, à la dynamique et à
l’épaisseur de la couche glaciaire. Les savants soviétiques ont apporté
dans ce domaine une contribution notable.
D ’après les dernières données, les épaisseurs maximales des gla­
ces s ’élèvent ici à plus de 4 000 m. La limite des neiges se situe dans
196
l’Antarctide au niveau de l ’océan, et ce n ’est que dans des « oasis »
isolées que la terre n ’est pas couverte de glace. En débouchant dans
l’océan, les glaciers débordent très largement en formant des barrières
de glaces flottantes (shelf ice), c’est-à-dire des plates-formes de glace
qui, tout en flottant, restent rattachées aux glaces continentales.
Les barrières de glaces flottantes opposent à la mer un front abrupt
haut de 30 à 50 m. Souvent ces plates-formes se fragmentent en blocs
énormes, se détachant en icebergs qui voguent dans l ’océan.
Types intermédiaires de glaciers. Ce sont les glaciers de plateau
et de piémont.
Les glaciers de plateau sont associés aux sommets aplanis des
montagnes anciennes qu’ils recouvrent d ’un manteau nniforme
s ’étendant sur des centaines de kilomètres carrés. En se déplaçant
du centre vers la périphérie et en approchant des bords du plateau,
les glaciers détachent des langues glaciaires qui suivent les vallées
fluviales. Ainsi, ces glaciers ont à la fois les caractéristiques des
calottes glaciaires et celles des glaciers de vallée. La partie qui
occupe le sommet du plateau en formant un dôme rappelle par ses
traits les glaciers régionaux, tandis que ses langues émissaires des­
cendant les divers chenaux d ’écoulement peuvent être apparentées
aux glaciers alpins.
Les glaciers de plateau sont communs dans le Massif Scandinave
(Norvège) qui a été fortement nivelé par l ’érosion. C’est pourquoi
on les appelle souvent icefjeld ou glaciers du type norvégien. Le
glacier de Jostedal, dans la Norvège du Sud, en est un exemple:
il s ’étend sur 943 km2 et comprend un névé principal d ’environ
640 km2 et de nombreux champs secondaires. Plusieurs dizaines
de glaciers s'échappent de ce massif de glace en formant des langues
écourtées le long des vallées.
Les calottes glaciaires recouvrant les cônes volcaniques dans
l ’Elbrouz (Caucase), le Kilimandjaro (Afrique équatoriale) ou le
Yan-Majen (île Yan-Majen) rappellent par certains côtés le type qui
vient d ’être décrit. Un champ de névé occupant soit le sommet d ’un
volcan, soit s ’étendant sur les cimes et les versants (Elbrouz et
Kazbek) détache dans différentes directions dos langues de glace
qui suivent les dépressions des flancs de montagne (voir fig. 98).
Les glaciers de piémont se forment dans les régions de hautes
montagnes au relief articulé recevant en abondance des précipita­
tions atmosphériques solides. Leur régime d ’alimentation et d ’écou­
lement est identique à celui des glaciers de vallée typique. Mais
une alimentation particulièrement fournie du bassin de névé fait
déboucher les langues glaciaires hors des montagnes, dans la plaine
de piémont, où elles s ’étalent en lobes coalescents qui rappellent la
forme d ’un delta fluvial. Ces lobes en se confondant forment au
pied des montagnes une calotte, le glacier de piémont. Ce type est
courant sur le littoral de l ’océan Pacifique de l ’Alaska, où le relief
très articulé de jeunes montagnes hautes de 5 500 à 6 000 m, joint
197
Fig. 98. Glacier s'étendant sur l'Elbrouz

F ig. 99. G lacier d e p ié m o n t (g la cier M alaspina en A laska)


aux particularités du climat (proximité de la mer, humidité élevée),
crée des conditions très favorables à la glaciation. Comme exemple
citons l'énorme glacier de Malaspina dans le golfe de Yakutat
(fig. 99). C’est une calotte de glace couvrant une surface d ’environ
3 800 km, qui est constituée par la confluence de* plusieurs glaciers
de vallée descendant des montagnes. Par endroits, elle atteint la mer.
Pendant les grandes glaciations quaternaires ces glaciers avaient
un grand développement dans les Alpes.
Entre les types de glaciers examinés ci-dessus, il y a toute une
série de formes transitoires. On peut même établir une certaine
hiérarchie: glaciers rudimentaires (de cirque, suspendus, etc.),
de vallée, de piémont et de plateau, inlandsis ou continentaux.
Un refroidissement progressif et une augmentation du volume des
précipitations solides peuvent amener le remplacement des formes
simples par de plus compliquées jusqu’à la formation d’un domaine
continu de glaces continentales (S. Kalesnik).

§ 4. Régime des glaciers


Celui-ci comprend: 1) l ’alimentation du glacier (volume des
précipitations tombées dans le bassin de névé) ; 2) le mouvement (ou
écoulement) du glacier et 3) les modifications de la masse des glaces
par suite de la fusion et de l ’évaporation (ablation).
Comme il a déjà été dit, les glaces du glacier sont douées d ’une
plasticité qui s ’accroît considérablement sous l ’action de la pression
exercée par les couches supérieures. Aussi, la glace commence-t-elle
à couler lentement à partir des centres de glaciation où elle est la
plus épaisse vers la périphérie en détachant des langues qui descen­
dent au-dessous de la limite des neiges persistantes. La vitesse du
mouvement est fonction de la masse de glace et de la pente du ver­
sant le long duquel s ’écoule le glacier. Le procédé le plus simple
pour mesurer la vitesse d ’un glacier est de disposer à sa surface
plusieurs rangées de pierres différemment peintes ou d ’enfoncer
des fanions de diverses couleurs. Ces alignements sont prolongés
sur les berges de la vallée et permettent ainsi de fixer des repères.
Un tel procédé a montré que les glaciers se déplacent très lentement.
Les plus grands glaciers des Alpes se meuvent à raison de 0,1-
0,4 mètre par jour. De nombreux glaciers du Caucase n ’avancent
que de 0,03-0,1 mètre par jour, sauf le glacier Devdorakski dont la
vitesse varie de 0,03 à 0,35 mètre par jour.
Les grands glaciers du Pamir et de l ’Himalaya se déplacent
beaucoup plus vite (2-4 mètres par jour), mais il y en a d ’autres
dont la vitesse n ’atteint pas 1 mètre par jour. Les glaciers du Groen­
land battent le record de vitesse : ils avancent de 4 à 20 et même
38 mètres par jour (Upernivik).
On a établi également que la vitesse d ’un même glacier varie
si le climat et les conditions d ’alimentation changent. Dans la plu-
199
part des glaciers de vallée la vitesse varie de place en place. Elle est
plus grande au milieu, là où la glace est plus épaisse et diminue
vers la rive, où la glace moins épaisse subit des frottements contre
les bords de la vallée. Les déformations de la rangée de pierres ou
de fanions disposés à la surface du glacier témoignent de ces modi­
fications de la vitesse: à mesure que le glacier se déplace, cette
rangée s ’incurve en formant un arc de courbe régulier.
Variations glaciaires et limites du glacier. Une partie de la
glace d ’un glacier en mouvement se perd du fait de la fusion et de
l ’évaporation, et cette perte est d ’autant plus grande que le glacier
descend plus bas dans la zone de températures plus élevées. Il arrive
un moment quand le glacier parvient à un niveau où le volume de
glace apporté depuis le bassin de névé s ’équilibre avec les pertes.
Ce niveau détermine la limite inférieure du glacier ou son front.
Si l ’alimentation est équilibrée par l ’ablation, le front est à l ’état
stationnaire et les dimensions du glacier restent plus ou moins inchan­
gées. Lorsque le rapport entre l ’alimentation et l ’ablation est modi­
fié, le glacier s ’accroît ou recule. Si l ’alimentation augmente,
l ’évaporation et la fusion restant inchangées, on constate une pro­
gression qui est une extension ou avancée. Lorsque l ’alimentation et
l ’afflux de glace diminuent, ou lorsque la fusion devient plus inten­
se, une situation inverse s ’observe. Le front recule, se rétracte
jusqu’à ce que le glacier atteigne la position qui correspond à un
nouvel équilibre entre l ’alimentation et l ’ablation. C’est la phase
de recul ou de rétraction du glacier.
Ainsi, l ’extension et la rétraction d ’un glacier sont étroitement
liées aux modifications du régime d ’alimentation et d ’ablation,
c ’est-à-dire aux variations du climat.
Zone superficielle des glaciers. Le mouvement des glaciers
s ’accompagne presque toujours de l ’apparition de crevasses. En se
déplaçant dans les vallées ou à travers des accidents majeurs de la
surface terrestre, les glaciers se déforment en engendrant des fissu­
res et des crevasses. Parmi les causes de la formation de ces derniè­
res il faut mentionner les variations de la section transversale de
la vallée, c ’est-à-dire l ’alternance d ’étranglements et d ’élargisse­
ments. En débouchant dans un élargissement, le glacier s’étale en
éventail et prend la forme de la vallée élargie. Pendant cet étalement
de la glace des tensions transversales se créent qui se résolvent par
des crevasses longitudinales, surtout dans les zones superficielles
où la glace est plus cassante et de moindre plasticité (basses tempé­
ratures et faibles pressions) (fig. 100, A).
Les irrégularités du lit glaciaire entraînent également l ’appa­
rition de crevasses. Si le glacier franchit un seuil ou des ruptures
de pente, sa surface s ’incurve et éprouve des tensions qui provoquent
des déformations et extensions importantes. D ’où la formation, à
l ’endroit de la courbure, de tout un ensemble de crevasses transver­
sales.
200
Enfin, la différence de vitesse du déplacement de la glace au cen­
tre et sur les bords engendre aussi des crevasses. Le mécanisme de
leur formation est représenté schématiquement sur la fig. 100, B.
Soit sur la surface d ’un glacier deux droites transversales AB
et CD, menées de la périphérie vers le milieu. Pendant le mouvement

B
Fig. 100. A Crevasses à la surface d’un glacier. B. Mécanisme de
la formation des crevasses à la surface d’un glacier

du glacier, les divers secteurs de ces droites se déplacent différem­


ment : les points B et C, se trouvant près du milieu, ont des vitesses
plus grandes que les points A et D. Après un certain temps ils vien­
nent aux positions A xB t et CxD t. Ce mouvement discontinu engendre
dans les parties marginales de fortes tensions qui se résolvent par
des crevasses (e-e) perpendiculaires aux lignes de tension maximale
{AXBXet CxD t). Ces crevasses obliques par rapport aux bords s ’appel­
lent crevasses marginales ou latérales.
201
Parfois, les glaciers sont tellement crevassés que leur surface
présente un aspect fragmenté qui en rend l ’accès difficile. Sous les
rayons solaires la glace commence à fondre; l ’eau qui se forme tombe
dans les crevasses en les élargissant, tandis que les surfaces qn’elles
séparent prennent des formes en coins fort curieuses. La profondeur
des crevasses atteint 50 m et même parfois 250 m (d’après Agassiz).
Toutes ces crevasses superficielles ou intérieures ainsi que les
rigoles creusées par l ’eau (« bédières ») ont un rôle très important
dans le travail d ’érosion des glaciers et des eaux fluvio-glaciaires.

§ 5. Erosion glaciaire
Le travail d ’un glacier se manifeste par l ’abrasion, le transport
et le dépôt (accumulation). Les glaciers en mouvement exercent sur
la surface terrestre une action destructrice qui est d ’autant plus
importante que l ’épaisseur de la couche de glace pesant sur le lit
glaciaire sous-jacent est grande. L ’érosion est considérablement
renforcée par les débris de roche enchâssés dans les parties infé­
rieures du glacier qui les entraîne dans son mouvement. La glace
contenant des débris récure, polit, strie la surface des roches en
place. Les grains de sable, le gravier et les pierres aux arêtes vives
laissent à la surface des rainures, des cannelures, des égratignures.
Ordinairement, celles-ci sont longues d ’un à plusieurs mètres et
larges de quelques centimètres ; leur profondeur varie de quelques
millimètres à des dizaines de centimètres. Parfois, les stries sont
parallèles et de même direction ; elles signalent alors le sens de
l ’écoulement de la glace. L ’apparition de stries entrecroisées indi­
que que le mouvement de la glace a changé de direction.
En rencontrant sur leur chemin des rochers et des légers soulè­
vements de terrain, les glaciers les aplanissent, les arrondissent,
les polissent et les couvrent de stries. Cette action est à l ’origine
d ’une forme oblongue particulière appelée a roches moutonnées ».
Dans le sens longitudinal elles sont asymétriques. La face regardant
l ’amont du glacier a une pente douce, est souvent lisse et présente
des stries, alors que la face opposée est raide et a une surface âpre.
Un ensemble de formes de ce genre produit un relief moutonné com­
posé de buttes asymétriques et de cuvettes (fig. 101) qui parfois
s ’étend sur des espaces assez vastes. Ainsi, nombre d ’îles de la
région côtière de Finlande constitue un moutonnement de bosses
et de cuvettes envahi par la mer.
Les débris de roches entraînés par la glace et participant à l ’abra­
sion du lit sont, eux aussi, érodés au cours du mouvement. Les
gros blocs s ’usent, leur surface s ’arrondit, se polit et se couvre de
stries et d ’égratignures. Ces débris transformés par les glaciers
s ’appellent blocs striés (fig. 102).
Si le glacier rencontre sur son chemin des rochers isolés ou des
gradins tournés vers l ’amont et constitués de roches fissurées, il
202
peutvarracher des fragments volumineux et les entraîner à de grandes
distances. Suivant la résistance différente des roches du lit les
glaciers excavent dans le fond des bassins rocheux, étirés parfois dans
le sens du mouvement.
Dans les montagnes, l ’activité de la glace et de la neige produit
des formes caractéristiques représentées par les cirques et les vallées
glaciaires (auges). Les petits cirques sont des niches en forme de
chaudron creusées aux flancs des montagnes. Ils ont donné naissance

F ig . 101. R e lie f m ou ton n é

aux glaciers de cirque dont on a parlé plus haut. De trois côtés


ils sont entourés par de hautes parois presque verticales et ils débou­
chent vers la pente par un seuil rocheux. La formation d ’un cirque
peut être amorcée par des flaques de neige occupant de petites exca­
vations d ’érosion ou d ’autres creux du versant. Pendant la journée,
l’eau de fonte entourant la flaque de neige descend au fond de la
niche. En regelant durant la nuit, elle déclenche une gélivation
intense. Les débris d ’éclatement formés sont alors emportés par les
eaux, la gélivation s ’attaquant à des secteurs nouveaux de la roche
en place, au fond et sur les bords de la flaque. Sous l ’action de la
neige et de la glace jointe à celle des eaux de fonte et de la géliva­
tion, les cirques s ’élargissent, deviennent plus profonds et permet­
tent aux glaciers qu’ils abritent de s ’étendre.
Les grands cirques glaciaires sont de vastes dépressions en forme
d ’amphithéâtre; ils représentent les bassins de réception torrentielle
très élargis et transformés par les glaciers. Entourés de parois éle­
vées presque verticales ils ne s ’ouvrent que par un côté et passent
progressivement dans les vallées voisines. Les cirques sont les bassins
principaux d ’alimentation des glaciers de vallée. Leur évolution
est conditionnée par plusieurs facteurs : action du glacier, gélivation
et action des eaux de fonte. Un rôle particulier revient aux crevasses
marginales (rimaye) qui séparent les névés des parois du pourtour.
La largeur de ces crevasses est parfois de plusieurs mètres. C’est
là que les conditions sont les plus favorables à la gélivation et à

Fig. 102. Bloc strié par le glacier. Isthme de Carélie

l ’enlèvement par les glaciers des matériaux meubles. Ainsi, les


parois reculent et le cirque s ’agrandit de plus en plus.
Les vallées glaciaires ou auges. Les glaciers de vallées en sortant
des bassins de névé descendent les chenaux de drainage fluvial
préglaciaire en les transformant. En général, les vallées d ’érosion
creusées dans les montagnes ont une forme en V. Un glacier en
mouvement les élargit et les approfondit. C’est ainsi que se forme
une auge. Ce profil transversal n ’est propre qu’aux vallées des ré­
gions glaciaires (fig. 103). La partie'supérieure du profil transversal
de la vallée, due à l ’érosion, a une forme ouverte, la pente moyenne
des versants est de 40 à 45°. La partie inférieure est une auge à parois
raides qui se termine par un fond légèrement concave. A la jonction
de l ’auge avec la partie supérieure plus ouverte de la vallée la rup­
ture de pente s ’arrondit et se prolonge par un replat ou terrasse en
pente douce appelée épaulemenl.
204
Les profils en long des vallées en auge sont aussi très caracté­
ristiques. Leur fond très irrégulier présente de nombreuses barres
rocheuses transversales, appelées verrous, qui alternent avec des
excavations ou bassins rocheux. Ces formes sont dues à la résistance
inégale des roches du fond de la vallée, à la modification de l ’épais­
seur des glaces, etc. Certains secteurs du fond des vallées en auge
comportent même des contre-pentes, le plus souvent devant les
seuils rocheux.

F ig. IOH. V a llé e en auge

Le fond et les parois de la vallée en auge portent des traces d ’usure


glaciaire. Les roches dures sont polies et parfois très striées. Les
gradins isolés sont aplanis et moutonnés.
Dans les vallées en auge qui ont été pendant longtemps occupées
par les glaciers, les débouchés des vallées tributaires sont souvent
suspendus au-dessus de l ’auge principale, ce qui peut être expliqué
soit par le tronçonnement du cours inférieur des affluents par le
glacier, soit par un surcreusement inégal de la vallée principale et des
vallées secondaires où les glaciers sont généralement moins puissants.
L’existence dans les vallées en auge de débouchés de vallées suspen­
dues est une des causes de l ’apparition de chutes d ’eau. Les auges
typiques sont nombreuses dans le Caucase, dans les Alpes et dans
d ’autres régions de jeunes montagnes.
205
§ 6. Transport et accumulation
En se déplaçant, les glaciers transportent une quantité énorme de
matériaux les plus divers (depuis des particules très fines jusqu'à
des blocs énormes) ; ces matériaux sont surtout fournis par l'altéra­
tion sub- et sous-glaciaire ainsi que par l ’érosion mécanique des
roches par les glaciers en mouvement. La masse des débris trans­
portés et déposés par le glacier s ’appelle moraine.
Z

Fig. 104. Disposition des moraines dans un glacier;


section transversale (7) et vue en plan (2). Moraines:
A — latérale; B — médiane; C — interne; D — infé­
rieure; E — terminale (frontale) ou vallum morainique

Les moraines diffèrent suivant qu’elles se trouvent dans le


corps du glacier et se déplacent avec lui ou qu’elles ont été déjà
déposées par suite de la fusion du glacier. Aussi distingue-t-on
ordinairement des moraines mouvantes et des moraines déposées.
Moraines mouvantes. On peut y dégager plusieurs types, suivant
leur position sur, dans et sous le glacier (fig. 104).
/* latérales
superficielles v
. . . ' * médianes
Moraines mou —> internes
vantes de fond ou infé­
rieures
Les moraines latérales forment des alignements longitudinaux
ou des bourrelets bordant l ’extrémité de la langue glaciaire. Elles
sont surtout constituées de débris de désagrégation provenant de
roches des versants abrupts de la vallée dominant le glacier. Elles
peuvent s ’enrichir aussi de débris charriés par les cours d ’eau des
gorges latérales, et, partiellement, de matériaux fournis par les
glissements de versants et les éboulis.
206
Les moraines médianes peuvent être produites de deux façons:
1) par la réunion des bourrelets marginaux lors de l ’accolement
de deux langues confluentes (fig. 104). Elles gardent alors la forme
d ’alignement ou de bourrelets. Certains glaciers comportent plu­
sieurs alignements de moraines médianes, ce qui témoigne de la
confluence d ’un grand nombre de glaciers et de la complexité de
leur structure. A titre d ’exemple on peut citer les grands glaciers
de l ’Asie centrale, tels ceux de Fedtchenko et d ’Inyltchek;
2) par la réapparition à la surface de moraines internes par suite
d ’une ablation superficielle. Ce phénomène est surtout fréquent
lors de la fonte du glacier à partir de la surface vers les parties de
plus en plus profondes des langues glaciaires. Dans ces conditions,
même les débris parsemés forment à la surface dénivelée du glacier
des accumulations perceptibles.
Les moraines internes peuvent s ’accumuler aussi bien dans le
névé que dans les langues glaciaires. Le mécanisme de leur formation
est très simple. Tous les débris tombés à la surface du névé sont
constamment ensevelis sous des chutes renouvelées de neige dont
l ’abondance est la condition nécessaire de l ’évolution normale d ’un
glacier. Après quoi, en se conservant dans la glace en mouvement,
les débris se retrouvent dans la zone d ’écoulement.
Dans les langues glaciaires la formation des moraines internes
est conditionnée par les crevasses. Une partie des débris tombés
sur la surface glisse dans les crevasses où un regel ultérieur les soude
au corps du glacier.
La moraine inférieure ou de fond est formée par des débris encaissés
dans les parties inférieures du glacier. Les matériaux lui sont four­
nis par l ’altération préglaciaire, la désagrégation sous-glaciaire et
la corrasion du lit par le glacier en mouvement. Déjà au stade de
formation du glacier la neige recouvre une surface composée de
débris d ’altération de la roche en place. Par la suite, ces débris
sont incrustés dans la neige devenue plus compacte. Le glacier en
s ’écoulant du bassin de névé dans la vallée les entraîne en s ’enrichis­
sant en cours de route de matériaux arrachés par le glacier et de
produits de la désagrégation sous-glaciaire.
Dans les calottes glaciaires ce sont les moraines inférieures et les
moraines internes qui prédominent. Ces dernières pénètrent dans le
corps du glacier par pression exercée sur la moraine inférieure lors
des déformations de la glace au moment où celle-ci franchit les
accidents du relief. Généralement, les calottes glaciaires ne portent
pas de moraines superficielles, le continent étant entièrement recou­
vert de glace. Ce n ’est que dans les parties marginales où s ’élèvent
des nunataks contournés par la glace que se forment des bandes
étroites et isolées de moraines superficielles.
Moraines déposées. Les débris contenus dans le glacier ou se
trouvant à la surface sont déposés même au cours du mouvement
si les conditions sont favorables. Mais les dépôts glaciaires sont
207
particulièrement importants lorsque le glacier recule, c’est-à-dire
lorsqu’il fond. Après la disparition totale du glacier, celui-ci laisse
sur place à la surface même du lit des dépôts morainiques de tous
les types indiqués. Certains d ’entre eux conservent même leurs
caractéristiques lorsqu’ils sont déposés (alignements de moraines
latérales et médianes). Parmi les moraines déposées on distingue
les moraines frontales ou terminales et les moraines de fond (argiles
à blocaux).
Moraines terminales. La glace se déplaçant continuellement de
la zone d ’alimentation vers la périphérie transporte de grandes

Fig. 105. Relief en buttes et creux formé par des matériaux de la moraine

quantités de débris. Dans la partie terminale des langues glaciaires ou


des calottes glaciaires la glace fond, et tout le matériau apporté
s’accumule près du bord. Quand le front du glacier reste stationnaire
durant un temps assez long, il se forme devant lui des remparts ou
des vallums constitués par des débris de toutes sortes nommés morai­
nes frontales. Toutes les moraines mouvantes, superficielles, inter­
nes et inférieures participent à la formation des moraines frontales
(fig. 104).
Les vallums de moraines frontales en se disposant autour des
bords du glacier reproduisent la forme de leur partie terminale.
Dans les glaciers de vallée les moraines frontales sont arquées, leur
courbure étant variable et leur hauteur allant de quelques mètres
à 30-40 mètres ; dans les glaciers continentaux les moraines termi­
nales sont la réplique de la partie marginale des calottes glaciaires.
Parfois, elles prennent la forme de lobes composés ressemblant
à des festons et elles sont alors très larges et très hautes. Souvent,
2US
elles sont tronçonnées par des eaux sous-glaciaires et forment alors
des bourrelets allongés et des bosses isolées.
L'étude des moraines frontales contribue beaucoup à la connais­
sance du régime glaciaire. Des alignements très nets témoignent
d'un stationnement prolongé du front glaciaire. Plusieurs vallums
de moraines terminales séparés par des dépressions indiquent un
recul saccadé, c’est-à-dire une régression où des arrêts qui ont été
suivis de brusques retraits. Si le recul est continu, il ne se forme
pas de moraine frontale typique: les matériaux charriés jusqu’à

Fig. 106. Moraine dans la vallée de Maîkhour, chaîne de Ghissar

l ’extrémité du glacier se déposent plus ou moins régulièrement sur


la surface libre de glaces. Si le glacier reprend sa progression, il
peut détruire totalement ou partiellement les moraines frontales
ou bien les remanier.
Les moraines de fond (argiles a blocaux) se forment surtout à partir
des moraines inférieures et internes, ainsi que des moraines superfi­
cielles venues à la surface des moraines internes lors de l ’ablation du
glacier ; ceci explique que leurs traits morphologiques ne sont pas
très nets. L ’accumulation de la moraine de fond n ’est possible
qu’après la disparition du glacier. Quand la glace n ’est plus active
du fait de la modification de l ’alimentation, c ’est une glace morte
dont la fusion s ’accélère. A mesure que le glacier fond et que son
épaisseur se réduit, les moraines superficielles et les moraines inter­
nes descendent de plus en plus et se superposent enfin sur la moraine
inférieure gisant sur le lit glaciaire. Les dépôts morainiques pré-
14-927 209
sentent des formes de relief variées, mais ce sont les surfaces planes
(plaine de moraines) ou bosselées (moutonnement de buttes et de
cuvettes), qui dominent. La formation d ’un relief en buttes et
creux (fig. 105) est due sans doute à une distribution irrégulière
des matériaux de la moraine à l ’intérieur du glacier. La disposition

B ; EU
B
Fi g. 107. A . Drumlin. B . Coupe d’un drumlin : I — roche en place; 2 — moraine

des bosses morainiques est déterminée pour une grande part par
celle des grosses crevasses dans lesquelles s ’accumulent les débris.
Lors de la fonte de la glace dans les montagnes, les moraines
latérales et médianes se superposent sur la moraine de fond en don­
nant des alignements parallèles à la vallée. Les moraines déposées
sur les bords s ’appellent moraines marginales, celles qui le sont
au milieu sont nommées longitudinales. Quelquefois, le terme
longitudinal est appliqué à ces deux types de moraines (fig. 10G).
Dans la région de glaciation continentale où les moraines marginales
et médianes sont absentes, on n ’observe pas de rides longitudinales;
210
Fig. 108. Eléments d’une moraine
14*
le relief dominant est ici la plaine de moraines et les moutonne­
ments de buttes et de cuvettes avec des alignements compliqués
de moraines frontales.
Drumlin. Outre les bosses irrégulières à la topographie chaotique
qui sont dues à l ’accumulation glaciaire, il existe des formes de
structure plus régulière nommées drumlins. Ce sont des buttes
relativement basses et allongées dont le grand axe coïncide avec
le sens du mouvement de la glace. Elles sont constituées d ’argile
compacte à blocs striés recouvrant souvent un noyau rocheux poli
en saillie. Celui-ci se trouve soit au milieu du drumlin, soit à une
de ses extrémités. Dans ce dernier cas, il affleure souvent et est
alors moutonné, le drumlin formant derrière lui une traînée (fig. 107).
La longueur de ces buttes varie de quelques centaines de mètres
à 1-2 km, leur largeur étant de deux à trois fois inférieure (très rare­
ment 10 fois et plus) ; leur hauteur atteint plusieurs mètres. Leurs
versants sont en pentes douces. Les drumlins se groupent en essaims
et couvrent parfois d ’immenses étendues. Ils sont séparés les uns des
autres par des dépressions. Il s ’agit certainement de formations
sous-glaciaires dont la genèse s ’explique par des affleurements en
saillie des roches dures du lit. La glace qui traverse ces saillies
asymétriques se crevasse au point de la rupture de pente, se déforme
et repousse vers le bas les débris morainiques qui se déposent près
du noyau rocheux.
Les drumlins abondent surtout dans les régions de glaciation
continentale où la glace est très épaisse.
Particularités de structure des dépôts morainiques. Une moraine
est constituée des matériaux les plus divers : argiles fines, limons,
sables argileux, graviers, galets et blocs striés (fig. 108). Les dimen­
sions des blocs varient de quelques centimètres à 2-3 m et plus.
La teneur en ces différents constituants est très diverse. De nombreux
facteurs interviennent: proximité du centre de glaciation, intensité
de l ’accumulation, nature des roches adjacentes au lit du glacier,
longueur du trajet parcouru par le glacier et épaisseur de celui-ci.
Les argiles ou les limons peuvent prédominer dans la moraine qui
contient alors des débris de roche plus ou moins importants, des
graviers, cailloux, blocs. Parfois, la moraine est formée d ’un mélange
de débris grossiers et de sable argileux à texture diverse.
Ainsi, les moraines glaciaires se distinguent des autres dépôts
continentaux par une composition hétérogène, une accumulation
de matériaux détritiques non triés et une absence de stratification.

§ 7. Eaux de fonte, torrents glaciaires et leurs dépôts


Comme on l ’a déjà indiqué, la surface des glaciers est continuelle­
ment soumise à l'action de la fusion et de l ’évaporation, ce qui
a pour résultat la création d ’eaux de fonte qui, en se concentrant
dans des rigoles isolées (bédières), se transforment en de véritables
212
cours d ’eau (rivières coulant entre des berges de glace et comportant
un réseau ramifié d ’affluents). Parfois, ceux-ci atteignent une
grande puissance et possèdent une force vive énorme. Le chemine­
ment de ces eaux est très compliqué. Tantôt elles coulent à la sur­
face dans des rigoles qu’elles ont elles-mêmes creusées, tantôt dis­
paraissant dans de larges crevasses, elles circulent dans des conduits
(tunnels) ramifiés à l ’intérieur du glacier, tantôt, descendant sous
la glace, elles forment des cours d ’eau sous-glaciaires. Ces derniers
sont également alimentés par les eaux venant des versants de l ’auge
et par les eaux formées sous le glacier du fait de l ’action de la chaleur
terrestre et de grandes pressions. Les eaux sous-glaciaires creusent
un réseau de rigoles qu’elles suivent jusqu’à ce qu’elles atteignent
le bord du glacier et sortent sous forme de plusieurs exutoires
à débits irréguliers ou constants. Par endroits, l ’issue des tunnels
sous-glaciaires forme dans la partie terminale du glacier des arches
ou portes d ’où s’écoulent des torrents puissants et concentrés. Tous ces
cours d ’eau, durant leur mouvement, procèdent au lavage des morai­
nes, se chargent de divers matériaux morainiques (particules d ’ar­
gile fine, sable et petits débris), les entraînent et les déposent. Tous
les produits d ’accumulations des eaux de fonte et des torrents gla­
ciaires s ’appellent dépôts fluvio-glaciaires (sandres, ôs et kames).
Leur nature est différente et ils varient- suivant les conditions de
leur formation et les particularités de leur modelé.
Les sandres sont des plaines faiblement ondulées qui s ’adossent
aux moraines terminales et qui sont constituées de sables stratifiés,
de graviers et de galets. Ce sont de larges cônes de déjection coales-
cents à pente très douce, formés par des cours d ’eau sous-glaciaires
débouchant sur un relief aplani. En s ’échappant de sous le glacier
ces cours d ’eau s ’étalent dans la plaine, perdent leur vitesse et se
ramifient en un réseau de ruisseaux qui déposent les débris charriés.
Les débris les plus gros (galets, graviers, sables grossiers) se déposent
ordinairement près du front des moraines terminales, les sables
s ’étalent plus loin sur de vastes étendues, et dans les parties margi­
nales de la plaine où la vitesse de l ’eau est très faible, s ’accumulent
les vases et les argiles. Ainsi, les sandres sont constitués de sables
pour l ’essentiel. Leur surface est en pente douce, ne dépassant pas 3
à 4° et n ’atteignant 8-10° que près de la moraine frontale.
Dans les régions de glaciation actuelle les sandres sont particu­
lièrement développés notamment devant les glaciers de l ’Islande
où ils couvrent 500 km2 et le glacier de Malaspina dans l ’Alaska.
On en a observé aussi au Groenland.
Les ôs sont des buttes soudées en chaînes formant des remblais
étroits allongés dans le sens de l ’écoulement du glacier (fig. 109).
La longueur de ces chaînes varie de quelques centaines de mètres
à des dizaines de kilomètres, leur hauteur atteint 5 à 50 m et même
plus. Parfois, les buttes se disposent en chapelets : des élargisse­
ments sont suivis d ’étranglements et vice versa. L’axe de la chaîne
213
est ondulé, des soulèvements succédant à des abaissements de terrains.
Quelquefois, l ’ôs est tronçonné en plusieurs buttes étirées suivant
une même direction. Certains sont plus ou moins rectilignes, d'autres
très sinueux, faisant songer aux méandres d ’un fleuve. Ces forma­
tions se superposent sur tous les éléments du relief sans égards au
modelé préexistant.
Les ôs sont constitués de sables bien lavés, stratifiés et à tex­
ture variée ainsi que de graviers et de galets. La stratification est

Fig. 109. Un ôs

confuse, souvent oblique. Dans des cas exceptionnels les ôs con­


tiennent des blocs striés ou des argiles à blocaux.
Dans les régions d ’anciennes glaciations continentales (Caré­
lie, Finlande, Suède) ils constituent la forme la plus typique du
paysage.
Les auteurs ne sont pas d ’accord sur l ’origine des ôs. Il existe
plusieurs hypothèses dont deux essentielles : dépôts de deltas et
dépôts de chenaux torrentiels. L ’hypothèse deltaïque considère
que la formation des ôs est due aux torrents assez puissants débou­
chant des tunnels sous-glaciaires. Le cours d ’eau se trouvant dans
le tunnel circule sous une pression hydrostatique très élevée et, ayant
une grande vitesse, il procède à un lavage intense des moraines et
214
transporte les débris enlevés à de grandes distances. A la sortie du
glacier, la vitesse et la puissance du cours d ’eau diminuent brus­
quement et tous les débris charriés (sable, gravier et galets) se dépo­
sent en bordure du glacier en formant un delta relativement étroit.
Lorsque le glacier recule, l ’exutoire du torrent régresse également.
Un delta se forme alors à l ’emplacement correspondant à la nou­
velle position de l ’exutoire. Le recul continuant les deltas ainsi
formés, en s ’emboîtant, peuvent donner un remblai continu ou
discontinu, l ’ôs.
Lacs de surcreusement
Plaine à buttes Os glaciaire

Fig. 110. Vue schématique d’un complexe fluvio-glaciaire

L ’hypothèse des chenaux torrentiels permet d ’expliquer la


genèse des ôs superposés à divers éléments du relief.
D ’après elle, les ôs sont dus aux torrents circulant dans des
tunnels intraglaciaires ou à la surface même de la glace. En s ’écou­
lant par des rigoles ou des tunnels les eaux de fonte délavent le
matériau morainique et déposent les débris entraînés au fond des
« lits » glaciaires de la même façon que sont déposées les alluvions
des rivières ordinaires. Ces chenaux superficiels intraglaciaires ont
un tracé très sinueux. Après la fusion du glacier, les dépôts des eaux
de fonte se superposent sur les moraines de fond ou directement sur
la roche du lit sous-glaciaire en formant des chaussées en remblais
sinueux.
Les kames sont des collines d ’une hauteur moyenne de 10 à 12 m
disposées chaotiquement; elles ressemblent par leur forme aux but­
tes morainiques mais leur structure interne est différente. Us se
rencontrent souvent près des moraines frontales. Les matériaux
215
qui les constituent sont très variés : sables stratifiés bien triés par­
fois avec des graviers et des galets, argiles fines rappelant par en­
droits des argiles feuilletées, blocs émoussés.
Une composition aussi hétérogène et surtout la présence d ’ar­
giles font plutôt penser à une formation d ’eaux stagnantes. C’est
pourquoi on suppose que les kames ont été formés quand le glacier
est passé à l ’état de glace morte. A la surface d ’une telle glace qui
fond rapidement il se forme de nombreuses dépressions et cuvettes
qui se transforment en petits lacs dès qu’elles sont remplies d ’eau.
Ces lacs attirent les cours d ’eau de différentes grandeurs coulant
à la surface de la glace et ceux-ci y déposent des débris hétérogènes.
L ’existence de blocs dans ces dépôts peut être expliquée par une
réapparition à la surface par suite de l ’ablation. Ce matériau accu­
mulé dans les lacs descend à mesure que le glacier fond et se dépose
sur la moraine de fond sous forme d ’un essaim de collines. Les
diverses formes glaciaires et fluvio-glaciaires ainsi que leur dis­
position réciproque sont représentées sur le schéma de la fig. 110.

§ 8. Glaciations quaternaires
Il découle de ce qui précède que les régions ayant subi la glacia­
tion ont un modelé très particulier (relief moutonné, cuvettes de
surcreusement, vallées en auge, buttes morainiques et collines de
kames, alignements de moraines terminales, ôs, etc.) ainsi qu’un
ensemble de formes d ’accumulation glaciaires et de torrents glaciai­
res très caractéristique (moraines et complexes fluvio-glaciaires).
Ce sont là des documents géomorphologiques et géologiques remar­
quables qui permettent d ’étudier les glaciations anciennes et leur
évolution, surtout pendant la dernière période géologique, le Quater­
naire.
Dès le X IX e siècle, les savants se sont intéressés aux gros blocs
émoussés et striés qui abondent dans la partie nord-ouest de la
Plaine russe, dans le Nord de l ’Allemagne et dans d ’autres pays
européens et qui reposent à même le sol ou sont entourés d ’une argile
rouge, parfois grise. Ainsi, les blocs découverts dans la province de
Poznan (Pologne occidentale) étaient d ’une longueur et d ’une lar­
geur atteignant respectivement 10 et 6 m. La plupart de ces blocs
avaient une composition différente de celle des roches constituant
les régions dans lesquelles ils furent trouvés et c ’étaient en général
des blocs de granité ou de gneiss dont la roche-mère se trouvait,
comme on l ’avait établi, en Scandinavie. Le problème de l ’origine
de ces blocs dits erratiques (du latin erraticus — vagabond) trouvés
dans les régions de plaine mentionnées plus haut, éloignées des cen­
tres de glaciation actuelle suscita à l ’époque une vive discussion.
En laissant de côté les tentatives d ’explication par la mer délu­
viale, l ’activité volcanique, etc., retenons seulement l ’hypothèse
de la dérive glaciaire formulée par Charles Lyell vers les années
216
1830 et admise par la plupart des auteurs pendant 40 ans. Elle
se fondait sur le fait que les calottes glaciaires actuelles commen­
cent à flotter en atteignant la mer. En débouchant dans la mer
elles vêlent, c’est-à-dire émettent des icebergs qui transportent à
de grandes distances des blocs morainiques. Selon cette hypothèse,
la Scandinavie a été recouverte de glace au Quaternaire, une mer
s ’étalant sur la partie septentrionale de l ’Europe jusqu’à l ’endroit
où les icebergs ont apporté des blocs.
En poursuivant l ’étude de ces régions, on accumula des faits
réfutant l ’hypothèse de la dérive; parmi eux citons l ’existence de
blocs émoussés formés à partir des roches en place et l ’absence de
dépôts marins qui auraient dû obligatoirement se former si la mer
était venue jusque-là.
En 1871, le savant russe P. Kropotkine avança l ’idée d ’une
glaciation continentale ayant couvert toute l ’Europe septentrionale
et émit l ’hypothèse de l ’apport des blocs par les glaces de la calotte
glaciaire en mouvement. Une année plus tard, une idée identique
fut formulée par le savant suédois Otto Torell.
Actuellement, il est devenu incontestable que pendant le Quater­
naire des glaces épaisses ont recouvert des espaces immenses sur
le territoire de l ’U.R.S.S., de l ’Europe occidentale et de l ’Améri­
que, et qu’elles y ont laissé après leur retrait des moraines et des
formes de relief décrites plus haut. C’est pourquoi on donne souvent
au Quaternaire le nom de « période glaciaire ».
Une question importante qui reste fort discutée est celle du
nombre de glaciations. Pour y répondre on interroge ordinairement
les documents géologiques fondamentaux que sont les moraines et
leurs corrélations.
P. Kropotkine, fondateur de la théorie glaciaire en Russie, pen­
sait que la Plaine russe n ’avait subi qu’une seule glaciation. Pour­
tant, dès la fin du XIXe et au début du XXe siècles, on découvrit
près de Moscou, dans la région de la Dvina du Nord et ailleurs, deux
bancs morainiques séparés par des dépôts interglaciaires à faune et
flore correspondantes. Les sédiments interglaciaires sont constitués
tantôt de dépôts stratifiés d ’eau douce (lacustres, fluviatiles, etc.),
tantôt de tourbières, tantôt de sols fossilisés.
Toutes ces formations témoignent de l ’existence d ’interruptions
assez prolongées dans l ’accumulation glaciaire et donc de l ’absence
de glaciers au moment de leur dépôt. Par la suite, on découvrit
aussi un grand nombre de bancs morainiques. Tous ces faits dis­
créditèrent l ’hypothèse d ’une glaciation unique.
Mais c’est surtout ces 20 ou 30 dernières années que l ’on s ’est
documenté en U.R.S.S. Les travaux d ’édification industrielle et
hydrotechnique, la construction de canaux navigables et d ’irriga­
tion ont permis de découvrir sur de grandes surfaces des dépôts
glaciaires et interglaciaires ou des sédiments qui leur sont associés.
Les travaux de recherche furent menés par d ’importants groupes
217
de spécialistes appartenant aux organismes intéressés, et par des
scientifiques de nombreux Instituts de l ’Académie des Sciences,
des établissements d ’enseignement supérieur et du Ministère de la
géologie et de la conservation du sous-sol.
Ces recherches fournirent de nouveaux renseignements sur les
rapports existant entre les dépôts morainiques, les particularités
de l ’évolution de la faune et de la flore quaternaires, etc., renseigne­
ments prouvant la multiplicité des glaciations dans la Plaine russe.
Des informations identiques furent obtenues dans plusieurs autres
pays. Les études paléobotaniques présentent une grande importance
pour la distinction des dépôts glaciaires. D ’après K. Markov et
M. Gritchouk « la multiplicité des expansions glaciaires et des épo­
ques interglaciaires est évidente. Elle est attestée par l ’alternance
de couches de dépôts glaciaires ou de formations synchrones à flore
proglaciaire, avec des couches témoignant de l ’existence sur le même
territoire de forêts de feuillus et de forêts mixtes de conifères et
feuillus ». On a constaté aussi que le Quaternaire a connu plusieurs
périodes de froid suivies de périodes chaudes auxquelles correspon­
dent les expansions glaciaires et les époques interglaciaires. Toute­
fois, malgré les succès enregistrés dans l ’étude de la sédimentation
quaternaire, les savants soviétiques ne se sont pas encore mis d ’ac­
cord sur le nombre de glaciations et d ’époques interglaciaires, ni
sur leur dénomination. Les divergences sont évidemment plus mar­
quées lorsqu’on confronte les classifications adoptées dans divers
pays.
C’est dans les Alpes que les anciens dépôts glaciaires conservés
dans les régions de montagnes ont été les mieux étudiés. Penck et
Brückner y ont reconnu quatre glaciations et trois époques intergla­
ciaires. La plus ancienne est la glaciation de Günz qui date de la
fin du Néogène, puis viennent les glaciations de Mindel, de Riss
et de .Würm. Les époques interglaciaires correspondantes sont dési­
gnées par les dénominations des glaciations entre lesquelles elles
se situent : Günz-Mindel, Mindel-Riss, Riss-Würm. G. Mirtchink,
spécialiste soviétique des dépôts quaternaires, considérait que cette
classification pouvait être valable jusqu’à un certain point pour
les dépôts quaternaires de la partie européenne de l ’U.R.S.S., et
elle fut adoptée par les auteurs des ouvrages géologiques. Mais
il pensait que le Caucase avait été la seule région à subir les quatre
glaciations, la Plaine russe n ’en ayant connu que trois: celles de
Mindel, de Riss et de Würm.
L’accumulation de nouveaux faits montra que la corrélation
des vastes glaciations continentales de la Plaine russe avec les gla­
ciations des Alpes, régions trop éloignées, n ’était pas suffisam­
ment justifiée. Il s ’avéra même difficile d ’appliquer les schémas
alpins à la Pologne et à l ’Allemagne, pourtant assez proches. C’est
pourquoi on essaya d ’établir des classifications locales. Pour la
partie européenne de l ’U.R.S.S, O. Guérassimov et K. Markov
218
dégagèrent trois glaciations: l ’Okskien (le Likhvinien), le Dniépro-
vien (d’extension maximale) et le Valdaïen, séparés par des époques
interglaciaires. Le Dniéprovien se subdivise en deux phases : le
Dniéprovien proprement dit et le Moscovien.
Cependant, les schémas dressés en U.R.S.S., en Pologne, en
Allemagne, en Angleterre, en Hollande et dans d ’autres pays ne
permettent pas souvent d ’établir des corrélations.
En 1932, le deuxième Congrès de l ’Association internationale
pour l ’étude du Quaternaire en Europe proposa une classification
unifiée, adoptée [officiellement en U.R.S.S. pour des cartes géolo­
giques. Elle divise le Quaternaire en quatre périodes (formations) :
I — Eopléistocène (Pléistocène inférieur) ;
II — Mézopléistocène (Pléistocène moyen),
III — Néopléistocène (Pléistocène supérieur),
IV — Holocène (moderne).
Les trois premières formations sont le plus souvent groupées
sous les dénominations inférieure, moyenne et supérieure. On a
convenu de grouper sous le terme d ’Eopléistocène le Gûnzien et
le Mindélien des Alpes avec leurs époques interglaciaires, ainsi
que l ’Okskien de la Plaine russe. Le Mézopléistocène groupe le
Rissien des Alpes et le Dniéprovien (d’extension maximale) de la
Plaine russe ainsi que les époques interglaciaires Mindélien-Ris-
sien et Okskien-Dniéprovien. Le Néopléistocène comprend les
dernières époques interglaciaires et expansions glaciaires. Ainsi,
dans cette chronologie de l ’Association internationale pour l ’étude
du Quaternaire en Europe il est tenu compte des trois glaciations
de la Plaine russe et de ses époques interglaciaires.
Ces dernières années, plusieurs auteurs qui se sont consacrés
à l'étude des dépôts quaternaires ont distingué dans la Plaine russe
cinq (K. Markov), six (A. Moskvitine) et même sept (S. Iakovlev)
glaciations.
Nous donnons à titre d ’exemple au tableau 8 deux classifications
des glaciations de la Plaine russe publiées en 1960.
Comme on le voit, elles sont en partie identiques notamment
quant au Pléistocène moyen. Dans les autres subdivisions il y a des
différences importantes, surtout pour le Pléistocène inférieur où
les deux spécialistes éminents des dépôts quaternaires déterminent
diversement l ’âge des glaciations. L’un considère le Bérézinien
comme plus ancien, et l ’autre, l ’Okskien. Cette divergence est
due sans doute à la mauvaise conservation des anciens dépôts morai-
niqucs et à l ’absence de coupes à successions complètes présentant
des bancs morainiques alternant avec des formations interglaciai­
res. La corrélation d ’affleurements isolés, souvent très éloignés
l’un de l ’autre, conduit à une interprétation erronée. La deuxième
divergence concerne le Pléistocène supérieur. A. Moskvitine y distin­
gue deux glaciations et K. Markov une seule qui, peut-être, a com­
porté deux phases, c’est-à-dire qui a subi une déglaciation partielle
219
(avec conservation du glacier au centre de la glaciation et dans
les régions avoisinantes), ou simplement un recul très bref du front
du glacier.
Une autre question concernant la géologie quaternaire qui n'a
pas encore trouvé de solution définitive est celle de la limite infé­
rieure du Quaternaire et de sa dénomination.
T a b le a u 8

D’après K . M arkov D’après A . M oskvltine

expansion époque in te r- expansion époque ln tc r-


g la c ia ire g la c ia ire g la c ia ire g lac lalre

Pléistocènc Ostachkien Mologo-cheks-


supérieur ninien
(Néopléisto- V aldaïen Kalinicn
cène)
Qi i i Mikouii- Mou li nien
nien

Pléistocène Moscovicn Moscovien


moyen Odintso- Odintsovien
vicn
(Mézopléisto- Dniéprovien Dniéprovien
cène) (expansion (expansion
maximale) maximale)
Qu Liklivinien Liklivinien

Pléistocène Okskien Bérézinien


inférieur Bérézinien Borissovieu
moyen
(Eopléisto-
cene)
Ql Bérézinien Okskien
inférieur

En 1954, la Conférence de coordination de la Commission d ’étude


des dépôts quaternaires de l ’Académie des Sciences de l ’U.R.S.S.
décida de faire débuter le Quaternaire plus bas en y incluant le
Pliocène, qu’on rattache actuellement au Néogène. Cette mesure
était imposée par les conditions spéciales de l ’évolution du monde
organique et, particulièrement, de la faune des Mammifères. L ’étude
de la faune quaternaire ne permet de comprendre l ’évolution que des
variantes de l ’espèce ainsi que de certaines espèces. Quant à l ’histoire
des genres et des familles, elle ne débute q u ’au Pliocène. La faune
pliocène ancienne est progressivement remplacée par une faune
ayant subi l ’empreinte de la glaciation et qui, à son tour, fait place
à la faune contemporaine. D ’après les travaux de V. Gromov,
220
K. Nikiforova et d ’autres (1960), le Pliocène est également marqué
par l ’apparition des premiers ancêtres de l ’Homme. Les données
paléoclimatiques: modification du climat, refroidissement, glacia­
tions, ne sont prises en considération qu’en qualité de facteurs
subsidiaires. Pourtant, on n ’a pas réussi à mettre tous les auteurs
d’accord et de faire débuter le Quaternaire plus bas. Plusieurs cher­
cheurs (G. Goretski, notamment) considèrent que la limite inférieure
du Quaternaire adoptée en 1932 correspond bien à une délimitation
naturelle et majeure dans l ’évolution de l’environnement physico­
géographique.
La Conférence de coordination de 1954 décida de donner au
Quaternaire l ’appellation d'Anthropogène (mesure proposée déjà
par l ’académicien A. Pavlov) pour marquer le grand événement de
cette période: l ’apparition de l ’Homme.
L ’étude des dépôts quaternaires présente un grand intérêt pra­
tique. Ce sont les .terrains de cette période qui constituent le soubas­
sement de nombreux édifices, établissements industriels, usines
hydrauliques et canaux. Us renferment des gisements de miné­
raux utiles et sont souvent eux-mêmes utilisés comme matériaux
de construction. C’est pourquoi l ’étude de leur distribution est une
des tâches les plus actuelles.

§ 9. Limites de l’extension des glaciations quaternaires


D’après le savant américain R. Flint, durant la période glaciaire
la glace recouvrait près de 30% de la surface des continents
(45 240 000 de km2), c’est-à-dire trois fois plus que l ’étendue des
glaciers actuels. La formation et l ’extension des glaciers ne se sont
pas produites d ’un seul coup, mais ont été longuement préparées
pendant le Néogène par l ’accroissement de la surface des continents
par suite de la régression marine et par une transformation du relief
(érection en maints endroits de montagnes et modification du tracé
du littoral de l’Amérique, de l ’Asie et de l ’Europe aboutissant au
renforcement de l ’isolement du bassin polaire boréal des océans
Atlantique et Pacifique). Autant de faits qui ont contribué au
refroidissement et par suite à la redistribution de la faune et de la
flore. La flore des pays chauds fut remplacée par celle des pays
froids. L ’homme utilisant des instruments de travail est alors apparu.
Aux latitudes polaires et dans les hautes montagnes, les modifica­
tions du climat aboutirent à la formation d ’accumulations de neige
qui se transformèrent ensuite en glace.
En Europe le centre de glaciation principal était la Scandinavie;
d ’autres centres moins importants se trouvaient en Nouvelle-Zemble
et dans l ’Oural du Nord. La limite méridionale de l ’expansion des
glaciers est représentée sur le schéma de A. Moskvitine (fig. 111).
Le tracé des limites des glaciations les plus anciennes est le moins
net, car les dépôts correspondants se sont mal conservés ayant été
dérangés par les glaciations postérieures et les autres processus de
la géodynamique externe. Dans la Plaine russe c’est la glaciation
du Dniéprovien qui a pris une extension maximale. A cette époque,

Fig. 111. Extension des glaciations (d’après A. Moskvitine):


Ok — Ok — limite éventuelle de l ’Okskien; D — D — limite de l'extension
du Dniéprovien; AI — AI — limite de l ’extension du Moskovien; K — K —
limite de l ’extension du Kalinien ; Ost — limite de l ’extension de l ’Ostachkien

les glaces, s'étendant depuis les centres de glaciation, recouvrirent


l ’Europe septentrionale presque jusqu’au 50° de latitude Nord.
En Angleterre, elles atteignirent la région de Londres, en Allemagne,
les versants nord du Harz, des monts Métallifères et des monts des
Géants, en Pologne, elles couvrirent presque tout le pays.
222
Dans la partie européenne de l ’U.R.S.S., le glacier forma deux
langues qui suivirent les vallées du Dniepr et du Don, puis il se
dirigea au Nord en contournant les hauteurs de la rive droite de la
Volga et traversa la Volga près de Vassilsoursk. Au Nord-Est, les
glaces Scandinaves, ouraliennes et de Nouvelle-Zemble formaient
un glacier unique.
Ce tracé des limites méridionales du glacier s ’explique par
le relief préglaciaire. Parvenu aux bombements de la Russie centrale
et aux hauteurs dominant la Volga, le glacier ne réussit pas à les
franchir mais il s ’écoula facilement par deux langues énormes, sui­
vant les vallées préglaciaires de grands fleuves comme le Don,
le Dniepr, etc.
Cette période fut également marquée par l ’extension des glaciers
de montagnes. Ainsi, dans les Alpes, les glaciers de vallée envahi­
rent les plaines et formèrent des glaciers de piémont comme dans le
cas du glacier Malaspina. Dans le Caucase les glaciers de vallée
s’étendirent, eux aussi, mais ils ne dépassèrent pas les limites des
montagnes.
Comme on le voit sur la fig. 111, l ’extension de toutes les gla­
ciations postérieures fut beaucoup moins importante.
D’après K. Markov, les formes d ’accumulation glaciaire les
plus récentes se trouvent surtout dans le domaine de la glaciation
Valdaïenne qui correspond à peu près au Kalinien d ’A. Moskvitine.
Cette glaciation s ’étendait sur la Suède, la Norvège, la Finlande,
la partie septentrionale de l ’Allemagne et le Nord-Ouest de la
Plaine russe. Sa frontière méridionale sur le territoire de l ’U.R.S.S.
passait à peu près par Minsk, Vitebsk, Sélijarov, Vologda, Niandoma.
Dans l ’Europe septentrionale et en U.R.S.S. les multiples gla­
ciations ont entraîné la création d'un complexe de formes typique­
ment glaciaires. Ce modelé glaciaire est particulièrement bien réa­
lisé dans la région du Bouclier Baltique, en Suède, en Finlande, dans
la presqu’île de Kola et en Carélie, ainsi que dans la région se trou­
vant au Sud et au Sud-Est du Bouclier Baltique (jusqu’à la fron­
tière méridionale de la dernière glaciation).
Le Bouclier Baltique constitue une région d ’érosion glaciaire
typique. La proximité du centre de glaciation où l ’épaisseur des
glaces atteignait au moins 2 000 m provoqua dans la région une
corrasion particulièrement intense ainsi qu’une évacuation de
débris meubles qui y furent arrachés. C’est pourquoi les formes domi­
nantes sont ici les roches moutonnées, dénudées et polies, et de
nombreuses cuvettes de surcreusement étirées dans le sens de l ’écoule­
ment des glaciers et occupées actuellement par des lacs et des marais.
Ce n ’est pas par hasard que les Finlandais appellent leur pays
« Suomi », Pays des lacs. La moraine de fond est ici peu épaisse et
constituée par de débris grossiers. Les formes accumulatives les
plus nettes sont ici les vallums de moraines frontales et les aligne­
ments d ’ôs disposés perpendiculairement. Les moraines frontales
223
bordent le Sud et le Sud-Est de la Finlande et une partie de la Caré­
lie. Les ôs se disposant à peu près dans le sens de l ’écoulement du
glacier sont perpendiculaires aux vallums des moraines frontales.
La partie Nord-Ouest de la Plaine russe, contiguë aux régions
Sud et Sud-Est du Bouclier Baltique, est essentiellement un domaine
d ’accumulation glaciaire. Les moraines sont généralement consti­
tuées ici par des argiles et des limons à gravier, galets et blocs.
Elles atteignent avec les dépôts interglaciaires une épaisseur de
plusieurs dizaines de mètres. Les formes du relief sont représentées
ici par des accumulations glaciaires et fluvio-glaciaires : moutonne­
ment confus de buttes et de cuvettes, plaines de moraines délavées
(Biélorussie du Nord), drumlins et kames (environs de Léningrad,
Louga), vallums de moraines frontales.
Dans ce domaine on rencontre des dépôts de lacs glaciaires qui
sont représentés par endroits par des argiles feuilletées et de limons
sableux. Ils ont été déposés dans les lacs proglaciaires barrés par
le front du glacier et occupant les dépressions du terrain.
La région située plus au Sud, entre les frontières de la dernière
glaciation et la glaciation d ’extension maximale du Dniéprovien,
présente aussi des formes d ’accumulation, mais il s ’agit plutôt
d ’une plaine disséquée par des vallées de rivières au profil bien
développé. Ce n ’est que par endroits qu’elle conserve des éléments
typiques d ’un relief dû à l ’accumulation glaciaire. Ainsi, dans le
domaine d ’extension de la langue glaciaire du Dniéprovien on
distingue nettement des moraines frontales se présentant sous la
forme de buttes et de vallums. Le relief en moutonnement confus
de buttes et de cuvettes s’est conservé dans certains secteurs entre
Moscou et Briansk et, par endroits, en Biélorussie. Cette région
se caractérise aussi par de vastes plaines de lavage (sandres).
Les moraines des calottes quaternaires possèdent des traits
particuliers; elles reflètent souvent la composition des roches en
place. La couleur bleu-gris de la moraine argileuse près de Lénin­
grad est due aux argiles cambriennes locales charriées par le gla­
cier. Les moraines rouge-brun rencontrées au Sud-Est et au Sud de
Léningrad ont été colorées par les dépôts rouges du Dévonien.
Parfois, on trouve dans les moraines de gros blocs exotiques arra­
chés par le glacier aux roches en place et transportés à de grandes
distances. Un exemple de formation de ce genre est fourni par les
blocs du vallum Vychnévolotsko-Novotorjski qui est une chaîne
de buttes longue de 100 km et large de 4 à 15 km, qui s ’allonge entre
les villes Vychni-Volotchek et Torjok (région de Kalinine). Ici,
sous une couche mince de dépôts morainiques gisent des calcaires
et des argiles du Carbonifère inférieur, d ’une épaisseur de 30 m,
qui recouvrent une moraine typique contenant des blocs de roches
cristallines. Les calcaires carbonifères ont été sans doute arrachés à
la terrasse préglaciaire dans la région du plateau du Valdaï et trans­
portés à une distance de 150 km.
224
Des blocs exotiques de roches allogènes ont été découverts aussi
dans la région de la Dvina du Nord, en Biélorussie, ainsi que dans
d’autres régions.
Le complexe fluvio-glaciaire est caractérisé non seulement par
des formes d ’accumulation dues aux dépôts glaciaires mais aussi
par des moraines de poussée qui résultent de l ’action dynamique du
glacier sur les terrains de soubassement se trouvant devant son
front. Les roches dérangées se sont soulevées par extrusion, elles
forment souvent des plis, parfois chevauchants. Les accidents de
ce genre sont nommés dislocations glaciaires afin de les différencier
des dislocations tectoniques.
En Amérique du Nord, les anciennes glaciations régionales
couvraient près de 11 000 000 de km2. Les centres de glaciation
étaient localisés dans les Cordillères, à l ’Ouest de la baie d’Hudson
et dans le Labrador.
L ’étude des glaciations actuelles ainsi que les traces très nettes
laissées par les dernières glaciations quaternaires (moraines et for­
mations inter-stadiaires) permettent de comprendre l ’évolution du
phénomène pendant les périodes plus anciennes, antérieures au
Quaternaire. On a établi que les périodes glaciaires ne sont pas seu­
lement le fait de l ’histoire récente de la Terre. Des moraines ancien­
nes s ’insérant entre le Précambrien et le Primaire abondent dans
maintes régions (Afrique du Sud, Amérique du Nord, Groenland,
Scandinavie, Australie, Sibérie, etc.) ; elles se rencontrent de même
dans les dépôts du Carbonifère supérieur et du Permien (Afrique,
Inde, Australie, etc.) ainsi que dans ceux du Dévonien. Elles sont
formées par des matériaux fins non triés avec des blocs de nature
et de dimensions diverses dont la surface porte des stries glaciaires.
Ces moraines anciennes consolidées portent le nom de tillites.
L ’expansion des tillites indique qu’avant le Quaternaire les
glaciers ont recouvert également des territoires très vastes. C’est
pourquoi la glaciation Carboniféro-Permienne est dite « grande ».
Il faut noter qu’à cette époque la calotte glaciaire s ’étendait sur
la zone subéquatoriale actuelle.

§ 10. Causes des glaciations


Il est naturel que le problème fort complexe des causes des gla­
ciations intéresse de nombreux chercheurs. Pour le moment, il ne
s ’agit que d ’hypothèses s ’efforçant d ’expliquer les phénomènes
observés, hypothèses multiples qui se contredisent souvent. Exa-
minons-en brièvement quelques-unes.
Dubois (1893) a tenté d ’expliquer les glaciations du Quaternaire
et leur périodicité par l ’évolution du Soleil. Il supposait qu’avant
l’Eocène le climat sur le globe terrestre était partout identique,
le Soleil étant alors une étoile blanche. Entre l ’Eocène et le Pliocène,
celui-ci se transforma en une étoile jaune, puis en une étoile variable
15-927 225
(alternativement jaune et rouge). La phase de l ’étoile jaune corres­
pondrait aux époques interglaciaires, celle de l ’étoile rouge coïn­
ciderait avec les expansions glaciaires.
Voici les deux objections principales à cette explication cos­
mique: l ’évolution des étoiles d ’après les théories actuelles est
beaucoup plus lente et complexe et l ’étude des transformations de
la Terre montre qu’avant l ’Eocène le climat s ’est modifié plu­
sieurs fois.
Nôlke (1937) tenta d ’expliquer les refroidissements périodiques
et les glaciations en résultant par le passage du Soleil à travers une
nébuleuse, phénomène provoquant, soi-disant, l ’absorption d ’une
partie des rayons solaires et l ’affaiblissement de la radiation. Les
variations de densité au sein de la nébuleuse entraînèrent d ’après
lui la succession des expansions glaciaires et des époques intergla­
ciaires.
Simpson (1934) fit correspondre les glaciations aux variations
du rayonnement solaire ayant pu se produire à des époques très
espacées suivant l ’état interne du Soleil.
Kôppen et Milankévic avancèrent une hypothèse selon laquelle
les modifications du climat dépendaient des variations périodiques
des éléments de l ’orbite terrestre: inclinaison de l ’écliptique (angle
entre le plan de l ’équateur et le plan de l ’orbite terrestre, dont la
période de variation est de 40 000 ans), excentricité de l ’orbite
terrestre (distance entre le centre de l ’ellipse et le foyer où se trouve
le Soleil, dont la période de variations est d ’environ 90 000 ans),
périgée (la plus faible distance du Soleil). La coïncidence d ’une
faible obliquité avec une grande excentricité, jointe à la position
de tel ou tel hémisphère à l ’aphélie (la plus grande distance du
Soleil), devait provoquer, suivant ces auteurs, un refroidissement
favorisant l ’expansion glaciaire. Des différences dans la combinai­
son de ces variations expliqueraient la périodicité des glaciations.
Le savant suédois Svante Arrlienius montra que l ’une des cau­
ses des refroidissements, donc des glaciations, pouvait être une modi­
fication dans la composition de l ’atmosphère, en particulier, de la
teneur en C02. En partant du fait que l ’anhydride carbonique de
l ’air laisse passer jusqu’à la surface terrestre les rayons lumineux
du Soleil mais retient les rayons caloriques infrarouges qui se reflè­
tent sur cette surface, il considérait que l ’augmentation du C02
entraînait toujours l ’élévation de la température et vice versa. De
nos jours, la teneur de l ’atmosphère en anhydride carbonique est
d ’environ 0,03%. Si elle diminuait de moitié par exemple, la tem­
pérature moyenne de la Terre s ’abaisserait de 4 ou 5°, rendant ainsi
possible une glaciation.
Les volcans constituent une des sources fournissant du gaz carbo­
nique à l ’atmosphère. D ’après Arrlienius, les périodes d ’activité
volcanique intense et donc de teneur maximale en C02 doivent
correspondre à un climat doux subtropical avec une végétation
luxuriante. Cette abondante végétation contribue peu à peu à la
réduction de la teneur en C02, par là même à l ’abaissement de la
température. La persistance d ’une activité volcanique réduite et
d’une réduction progressive de la teneur de l ’atmosphère en C02
peut amorcer une glaciation. Ainsi, une activité volcanique intense
peut expliquer le climat tropical de la période Tertiaire pendant
laquelle dans plusieurs régions de telles conditions ont entraîné
l ’accumulation de houille; elle explique également le refroidisse­
ment postérieur qui aboutit à la glaciation.
A première vue cette hypothèse paraît assez bien-fondée. Tou­
tefois, elle n ’est pas confirmée par les données paléogéographiques
sur le volcanisme aux diverses périodes de l ’évolution terrestre et
ses rapports avec les glaciations anciennes. D’autre part, le rôle
même des volcans dans la modification du climat n ’est pas inter­
prété identiquement par les différents auteurs. Ainsi, William
Humphreys (1929) considère que le renforcement de l ’activité vol­
canique peut amener non pas une élévation mais un abaissement de
la température et contribuer ainsi au refroidissement de la Terre.
Il attache en effet une grande importance à la poussière volcanique
dégagée en grande quantité lors des éruptions et qui constitue un
écran. D ’après Humphreys, l ’activité volcanique a entraîné ces
160 dernières années une baisse de 0,5° de la température annuelle
moyenne du globe.
Une des plus intéressantes hypothèses est celle qui explique les
modifications du climat par des crises orogéniques et les changements
brutaux dans le relief qui en résultent.
Comme on le sait, les crises orogéniques ébranlèrent le globe
terrestre à maintes reprises. Les dernières en date à la fin du Néo­
gène (orogenèse alpine) érigèrent les grands systèmes des Alpes, des
Karpates, du Caucase, du Pamir, de l ’Himalaya, de la Cordillère
des Andes, etc., qui modifièrent brutalement le rapport entre les
terres et les mers. Ces événements transformèrent la face de la Terre ;
ils provoquèrent une redistribution des vents humides et, peut-être,
des courants océaniques en créant ainsi des conditions favorables
à la modification du climat. Sur les hautes montagnes au-dessus
de la limite des neiges éternelles les conditions furent très favorables
à l ’accumulation de glaces. Les centres de glaciation formés dans
les montagnes devinrent des foyers de froid d ’où le refroidissement
se propagea aux autres régions.
De ce point de vue, l ’hypothèse de Brooks sur les crises climati­
ques est fort intéressante. D’après lui, il suffirait d ’une perturba­
tion insignifiante de l ’équilibre des conditions climatiques pour
déclencher des transformations sur une grande échelle. Les monta­
gnes nouvellement formées avec leurs glaciers pourraient donc amener
de semblables impulsions.
Le lien entre les glaciations, les mouvements tectoniques et la
transformation du relief peut être également établi pour des périodes
15* 227
très anciennes. Ainsi, la glaciation du Dévonien est apparue et
s’est développée après l ’orogenèse Calédonienne, la glaciation Car-
boniféro-Permienne après les mouvements hercyniens. Cette coïnci­
dence n ’est certes pas fortuite mais constitue une relation de cause
à effet.
Ainsi, le refroidissement général qui se produisit au Quaternaire
et l ’apparition des glaciers qui en résulta peuvent être expliqués
par les transformations importantes du relief amorcées par les
mouvements tectoniques de l ’écorce terrestre. Pourtant, cela ne
nous renseigne pas sur la cause de la périodicité et de la multiplicité
des glaciations. Sous ce rapport, les déductions de K. Markov et
I. Guérassimov paraissent fort justes, ces auteurs attachant une
grande importance aussi bien au refroidissement général de la sur­
face terrestre provoqué par une crise orogénique qu’aux variations
périodiques des éléments de l ’orbite terrestre diversement associées.
CHAPITRE 9

Phénomènes géologiques du domaine


cryergique

§ 1. Notions fondamentales sur les régions à sol gelé


On désigne par roches gélives les terrains dont la température est
négative et dont les interstices contiennent de la glace.
Les roches à température négative mais ne contenant pas de la
glace sont nommées roches congelées. On sait qu’en hiver la couche
superficielle de presque tout le territoire de l ’U.R.S.S. est portée
à une température négative; dans ces conditions, l ’eau souterraine
qu’elle renferme se transforme entièrement ou en partie en glace et
cimente les grains des terrains et des sols. Au printemps et en été,
les roches et les sols dégèlent à mesure que la température s ’élève
et la glace se transforme en eau. Ce phénomène se répète chaque
année. L ’épaisseur de la couche gelée durant l ’hiver et la durée
du phénomène varient suivant la nature du climat. Dans les régions
du Nord le gel pénètre profondément dans le sol à plus de 1 m et y
demeure longtemps, alors que dans le Sud, il n ’affecte que quelques
centimètres et ne dure que très peu de temps. Cette couche superfi­
cielle, gelée en hiver et dégelée en été est dite couche du gel saison­
nier du sol (couche active ou mollisol).
Mais on sait depuis longtemps que sous cette couche active,
sur des espaces très vastes de la Sibérie et de l ’Amérique du Nord,
se trouve un sous-sol gelé en permanence, en hiver comme en été,
et qui atteint parfois de grandes épaisseurs. Ce sol perpétuellement
gelé existe depuis des millénaires et même des dizaines de millé­
naires; il s'est sans doute formé dans les conditions d ’un climat
beaucoup plus rigoureux qui sévissait au Quaternaire. Une preuve
de l ’ancienneté de ce sol gelé en Sibérie nous est fournie par la pré­
sence en son sein d ’animaux entiers : mammouths, rhinocéros à poils,
etc., dont il a conservé intact non seulement le squelette mais aussi
les parties molles du corps. Ce fait prouve que ce sol gelé existait déjà
à l ’époque où ces animaux vivaient en Sibérie et que le dégel n ’a
jamais touché ces terres.
Pour la différencier du sol à gel saisonnier, cette couche a reçu le
nom conventionnel de sol perpétuellement gelé (tjâle — norv., ou
merzlota — russe) — terme souvent employé dans les ouvrages
spécialisés. Cependant, de nombreux chercheurs jugent l ’expression
229
« perpétuellement » inadéquate en se référant à la dialectique de
l ’évolution des phénomènes naturels qu’elle contredit.
Dans un ouvrage de synthèse Principe de géocryologie dû à un
groupe important d ’auteurs et publié en 1959 par l ’Institut de per-
mafrostologie de l ’Académie des Sciences de l ’U.R.S.S., on a pro­
posé de dénommer ces terrains roches longtemps gelées (mnogolet-
némerzlotnyé porody), et le domaine de ces sols zone gelée (merzlala)
de la lithosphère ou cryolithozone (du grec i^uyoç; — froid), termes qui
associent la basse température de ces roches à la phase solide de
l ’eau qu’elles renferment.
Ainsi, on donne le nom de roches longtemps gelées {pergélisol)
à la couche du sous-sol qui se trouve à une certaine profondeur et dont
la température pendant des millénaires et des dizaines de millénaires
est restée inférieure à zéro1.
La science qui étudie les lois de formation et de distribution des
pergélisols ainsi que les processus cryergiques dont cette zone est
le siège, s ’appelle permafrostologie ou géocryologie (cryopédologie).

§ 2. Distribution géographique et épaisseur


de la couche des pergélisols
Les pergélisols sont très répandus sur le globe terrestre. C’est
en U.R.S.S. qu’ils couvrent la plus grande surface.
Les pergélisols sont également répandus sur le continent Nord-
Américain, dans les îles de l ’océan Glacial Arctique; ils existent
en outre dans certains secteurs de systèmes de montagnes. De nom­
breuses fois on a tenté de calculer la surface totale couverte en
U.R.S.S. par les pergélisols. Ainsi, M. Soumguine (1947) considère
qu’elle est d ’environ 10 000 000 de km2 (47% du territoire du pays).
N. Egorov (1959) sur la base de la carte do V. Toumel l ’estime
à 10 767 000 km2 (48,1 % du territoire), alors que la carte de V. Kou-
driavtsev donne 10 609 900 km2.
En 1954, N. Goulnéva refit les calculs sur la base de la carte de
I. Baranov et trouva que la superficie des pergélisols était de
11 115 000 de km2, soit 49,7 % du territoire de l’U.R.S.S. De sem­
blables calculs approchés donnèrent pour les pergélisols de la Républi­
que populaire de Mongolie environ 800 000 km2, pour ceux de la
République populaire de Chine, 400 000 km2, pour ceux de l’Alaska
1 500 000 de km2, pour ceux du Canada 5 700 000 de km2. Si l ’on
tient compte du fait que les pergélisols sont répandus au Groenland,

1 On a pris l ’habitude ces dernières années d’utiliser dans les textes fran­
çais traitant des actions cryergiques des termes de vocabulaire descriptif (sol
gelé, sol perpétuellement gelé, zone des sols constamment gelés, etc.), ou bien
de recourir a des emprunts étrangers (tjiile — norv., merzlota — russe, etc.),
sinon à des termes forgés (permagel, permafrost, pergélisol, etc.). Nous tâche­
rons par la suite de respecter cet usage, car la traduction littérale des termes
employés par les auteurs soviétiques ne ferait qu’alourdir le texte (N.d.T.).
230
dans l’Antarctide et dans les régions de hautes montagnes, on peut
dire que près de 20 à 25% de la surface des terres sont recouverts de
sols longtemps gelés.

§ 3. Glaces enfouies
Comme on l ’a dit plus haut, la glace est partie intégrante de la
roche gélive. Pourtant, sa répartition dans la roche est variable.
1. Glaces servant de ciment. Dans une roche polyminérale la
glace est un des minéraux composants; elle cimente les grains du
squelette minéral de la roche. Il en est de même des petits culots
de glace et des minces pellicules en lentille s ’insérant entre les
strates de la roche. La glace enfouie de ce type apparaît quand gèle
un sol détrempé dont elle est partie intégrante.
2. Glaces de veines de fracture. Elles occupent les joints et les
fractures des terrains. Ces fissures existent d ’habitude au moment
de la formation de la glace et ne sont pas provoquées par le gel;
elles sont entièrement remplies de glace. Trois conditions sont néces­
saires pour l ’apparition de glaces de veines de fracture: l ’existence
de fissures dérangeant la cohésion des terrains, la présence d ’eau dans
les joints, une température basse assurant le gel de l ’eau.
On trouve surtout les glaces de veines de fracture dans les roches
fissurées gelées dont les diaclases sont imbibées d ’eau.
3. Glaces de veines pérennes, très fréquentes dans les pergélisols
où elles constituent souvent des gisements importants. Ce sont des
formations très compliquées, dues à la répétition du phénomène
gel — dégel dans les fentes avec apparition de la glace à peu près au
même endroit. C’est ce qui les distingue des glaces de veines décri­
tes ci-dessus. On sait que les roches soumises à des variations de
température se contractent et se dilatent alternativement. Quand
les roches se refroidissent, de fortes tensions apparaissent qui se
résolvent en fissures de gel découpant leur surface en blocs isolés,
pour la plupart de forme quadrangulaire. Ces gélivures, d ’abord
étroites (1 à 3 cm dans leur partie supérieure), se remplissent de
givre; en période chaude l ’eau superficielle y pénètre et gèle par
suite de la basse température des terrains encaissants. Ainsi, dans
chaque fissure apparaît un coin mince de glace annuel disposé ver­
ticalement qui élargit la fente. La partie qui se trouve au niveau
de la couche superficielle (mollisol) dégèle en été, celle qui s ’enfonce
dans le pergélisol reste gelée (fig. 112).
Au gel suivant, de nouvelles fentes apparaissent en général
aux mêmes endroits, car la glace est plus gélive que les roches. Dans
ces fentes la glace se forme de nouveau. Ce phénomène qui recommence
chaque année conditionne l ’élargissement des fentes grâce à l ’appa­
rition à l ’intérieur des coins de glace de couches verticales toujours
nouvelles. Les couches formées antérieurement sont écartées, alors
que les roches encaissantes sont comprimées et refoulées vers le haut.
231
D ’après B. Dostovalov et A. Popov (Principes de géocryolo-
gie) les conditions nécessaires à la formation de glaces de veines
pérennes sont: 1) l'apparition de fissures de gel pénétrant dans le
pergélisol au-delà du mollisol ; 2) la présence de glace dans les fen­
tes; 3) l ’existence de roches suffisamment plastiques ou pouvant
être comprimées.
Les formations du type des veines pérennes se développent sur­
tout là où les roches superficielles sont fortement détrempées et de
texture très fine (argiles, limons, tourbes). C’est habituellement le
cas des plaines inondables, des dépressions marécageuses, des cuvet­
tes et vallons.
a b c

Fig. 112. Structure schématique des veines de glace. Coupe


transversale: a — veine épigénétique; b — veine épigénétique
triple; c — veine syngénétique:
1 — couches dans les coins de glaces; 2 — strates des roches
encaissantes

Parmi les glaces de veines pérennes du domaine des pergélisols


on distingue deux types : les glaces épigénétiques et syngénétiques.
On range dans la catégorie des glaces épigénétiques celles des roches
déjà formées qui ont été ensuite fragmentées par la gélivation. Les
glaces syngénétiques n ’apparaissent qu’avec l ’alluvionnement.
Imaginons une plaine inondable dont les fissures de gel contiennent
des coins de glace. Pendant les crues, de nouveaux dépôts s ’accu­
mulent, et le niveau de la plaine s ’élève progressivement. Ce sou­
lèvement entraîne celle du toit du pergélisol, et par suite une montée
des veines de glace. Un phénomène identique peut se produire pen­
dant l ’accumulation des dépôts colluviaux, l ’exhaussement des
tourbières dans les dépressions marécageuses, etc.
Les glaces syngénétiques s ’étendent donc non seulement en
largeur, mais aussi en hauteur, atteignant parfois des dimensions
importantes par l ’accumulation de milliers de couches annuelles.
232
Elles sont particulièrement épaisses dans les régions de subsidences
récentes de l'écorce terrestre. Ainsi, dans la dépression côtière
Yano-Indiguirskaïa il y a des veines de glace de 40 à 50 m d ’épais­
seur (Tchirikhine, 1934; Choumski, Katassonov, 1953, etc.) et
même de 70 à 80 m sur l'île Bolchoï Liakhovski (Ermolaïev, 1932).
La largeur des veines de glace est de 5 à 8 m. Dans la région des
veines épigénétiques et syngénétiques les couches encaissantes
sont souvent incurvées vers le haut. Parfois, des glaces de ce genre
sont enfouies sous des sédiments divers.
Le grand nombre des veines de glace pérennes ainsi que leur
épaisseur parfois notable les a fait considérer pendant longtemps
comme des « glaces fossiles » de genèse diverse, datant de l'époque
glaciaire. Certains auteurs pensaient que c’étaient des restes enfouis
de glaciers; d'autres y voyaient des lacs gelés et fossilisés par des
dépôts, d ’autres enfin, les prenaient pour des masses de glace de
fond ensevelies.
Les études détaillées de l ’Institut de permafrostologie de l ’Aca­
démie des Sciences de l ’U.R.S.S. ont établi que la plupart des
grandes accumulations de glace à l ’intérieur des terrains sont des
veines de glace pérennes. On suppose qu’elles se sont formées pen­
dant le Quaternaire, y compris l’Holocène, c ’est-à-dire durant
la persistance d ’un climat suffisamment froid.
Les plus anciennes des veines de glace ne se sont pas conservées ;
en fondant elles ont laissé à la surface des entonnoirs (thermokars­
tiques), des excavations en forme de cuvette; en section elles pré­
sentent des coins dits « de gel », vides en forme de coins laissés
après la fusion de la glace de veines pérennes et occupés par des
dépôts de surface.
Dans les parties périphériques des régions occidentales et orien­
tales de l ’U.R.S.S. (de la presqu’île de Kola à la rivière Anabara,
et plus à l ’Est) le gel du sol et la formation des glaces de veines
pérennes dans les plaines ont été interrompus à maintes reprises
par des transgressions marines, l ’avancée des glaciers et le climat
plus chaud des périodes interglaciaires. De nos jours, on ne rencontre
que des glaces de veines pérennes de formation récente ou apparte­
nant à l ’époque de la dernière glaciation et ce n ’est que par endroits
qu’on découvre des accumulations plus anciennes ensevelies sous
tels ou tels dépôts (P. Choumski).
4. Glaces des cavernes. Elles apparaissent dans les régions de
pergélisols, dans les divers cavités et vides souterrains où elles
ont une forme et une structure très variée. Les cavités souterraines
peuvent être dues à divers phénomènes : processus karstiques ou
érosion de sous-écoulement, fusion des glaces ensevelies (phénomène
thermokarstique). C’est pourquoi on peut distinguer les glaces des
cavités thermokarstiques et karstiques. Les glaces thermokarstiques
forment des lentilles ou des couches horizontales de 2-3 cm à 3 m
d ’épaisseur, longues de 1 à 15 m. Les glaces karstiques forment
233
des accumulations au fond, sur les parois et au plafond des
cavernes. Ces formations ont surtout l ’aspect de concrétions.
5. Les glaces fossiles formées à la surface et ensevelies sous les
dépôts furent longtemps considérées comme les glaces les plus ré­
pandues dans les pergélisols parce qu’on rangeait dans cette caté­
gorie toutes les glaces souterraines (veines pérennes, formations
thermokarstiques) en les considérant comme des glaces superfi­
cielles ayant subi la fossilisation.
Les travaux de l ’Institut de permafrostologie de l ’Académie
des Sciences de l ’U.R.S.S. ont permis de comprendre le mécanisme
de la formation des glaces pérennes et ont révélé leur large expan­
sion. Depuis lors, on ne considère comme glaces fossiles proprement
dites que de petites lentilles qui sont soit des lacs gelés jusqu’au
fond et recouverts par des colluvions et d ’autres dépôts (delta du
fleuve Léna), soit des flaques de neige ou des glaces mortes ense­
velies.
Ce n ’est que dans les régions périglaciaires actuelles qu’existent
des masses relativement importantes de glace souterraine (glace
des glaciers), ayant été fossilisées par leurs propres dépôts mo-
rainiques

§ 4. Eaux souterraines des régions à sols


constamment gelés
L ’existence du pergélisol et les particularités du climat des
régions de son extension exercent une grande influence sur la ré­
partition des eaux souterraines et leur régime. On peut dire que
le facteur thermique complique ici comme nulle part ailleurs les
conditions de gisement et d ’écoulement des eaux souterraines et
engendre plusieurs phénomènes complexes.
Comme on l ’a déjà dit, le pergélisol ne forme pas un ensemble
homogène sur son aire d ’expansion, mais se modifie dans le sens
horizontal ou vertical et se divise en plusieurs zones. Il en résulte
une répartition des eaux souterraines suivant des principes bien
définis. Selon N. Tolstikhine, les eaux souterraines des régions
de pergélisol peuvent être classées suivant trois types :
1) les eaux de la couche superficielle auxquelles le pergélisol
sert de soubassement imperméable ;
2) les eaux intercalaires du sous-sol gelé qui circulent dans des
conduits souterrains ou à travers des îlots dégelés (taliks) ;
3) les eaux profondes de la zone non gelée au-dessous du per­
gélisol (tabetisol).
D ’après les conditions de gisement et leur régime, les eaux de
la couche superficielle peuvent être à leur tour divisées en trois
groupes :
1) Celles du premier groupe se rencontrent dans le mollisol
qui gèle en hiver et dégèle en été. Elles se distinguent par un passage
234
saisonnier de l ’état liquide à l ’état solide et vice versa. La durée
de la phase liquide de l ’eau est alors très limitée (deux à trois mois
généralement et 5 à 6 mois à la frontière méridionale du domaine
des pergélisols). Le reste du temps le mollisol et le pergélisol cons­
tituent une couche unique. Le pergélisol est dans ce cas le sou­
bassement imperméable. L’écoulement des eaux de la couche super­
ficielle est conditionné par le relief et elles se déplacent d ’un niveau
élevé vers un niveau plus bas. L ’épaisseur de la couche aquifère
est irrégulière. Elle est fonction de la profondeur du dégel estival
qui, lui, dépend de plusieurs facteurs : nature de l’environnement

Fig. 113. Apparition de la pression dans le mollisol


d’une dépression pris par le gel:
1 — croûte gelée ; 2 — partie non gelée du mollisol ;
3 — pergélisol ; 4 — charge hydrostatique dans le mollisol

géographique, composition des roches et leur perméabilité, épaisseur


de la couche de neige, etc. Ainsi, dans la toundra, la profondeur
du dégel varie de 0,1 à 0,25 m, dans la tourbe, de 2 à 2,5 m, dans
les amas de blocs colluviaux et dans les galets alluviaux, parfois
même davantage. Dans les régions boisées la profondeur du dégel
augmente et atteint un maximum dans les zones de steppes et la
taïga (au Sud). Un autre trait caractéristique est le passage, au
cours de l ’année, de l’état de nappe libre à celui de nappe captive.
En gelant, l ’eau augmente de volume, et c’est pourquoi l ’eau
qui n ’est pas encore gelée voit sa pression s ’élever; cette pression
atteint une valeur particulièrement grande dans les dépressions
(fig. 113).
Les eaux de la couche superficielle sont alimentées surtout par les
eaux météoriques, et, parfois, par les eaux des couches sous-jacentes.
2) Le deuxième groupe comprend les eaux des îlots dégelés
qui se sont formés dans des régions de la couche active incomplè­
tement gelée. Ce phénomène peut être conditionné par des chutes
de neige précoces qui ont préservé le mollisol du gel intégral ou
par des températures hivernales et estivales plus élevées, ou encore
par d ’autres facteurs.
3) Le troisième groupe correspond aux îlots dégelés permanents.
Les eaux de ce type se distinguent peu des eaux de fond ordinaires ;
235
leur extension est limitée par la dimension des îlots dégelés et elle
subit des variations saisonnières. Les îlots dégelés permanents se
forment souvent sous les nombreux lacs qui parsèment les inter-
fluves aplanis ou les régions de montagnes. Ils sont le fait de l'action
thermique des eaux superficielles. Plus les dimensions du lac sont
grandes, plus l ’îlot dégelé sous-jacent est important. Les îlots
permanents se forment aussi dans les vallées des rivières, sous le
lit ou au sein des secteurs voisins de la plaine inondable. On a alors
les eaux souterraines des terrasses alluviales et les eaux sous-jacentes
au lit fluvial. L ’épaisseur des îlots dégelés permanents varie. Ainsi,
I. Svétozarov estime que l'épaisseur moyenne de la nappe aquifère
sous-fluviale du bras Tckapalovski de la Léna près de Iakoutsk atteint
10 m. D ’après N. Goubkine, dans le bassin du cours supérieur de
la Kolyma, l ’épaisseur des îlots dégelés sous les rivières varie de
3 à 10 m dans les dépôts meubles, atteignant parfois 30 m. Par
endroits il se forme des îlots dégelés sur toute l ’épaisseur du per-
gélisol. Quand la rivière et les nappes aquifères supérieures sous-
jacentes au lit gèlent, les eaux souterraines acquièrent une pression
saisonnière qui disparaît après le dégel.
Les îlots dégelés permanents existent également dans les zones
de structures faillées.
Les eaux des îlots dégelés permanents sont les plus importantes
des eaux de la couche superficielle pour la satisfaction des besoins
en eau.
Toutes ces eaux sont en général faiblement minéralisées.
Les eaux intercalaires du sous-sol gelé traversent le pergélisol
dans les régions d ’îlots dégelés en circulant dans des chenaux et
cheminées souterrains. Si l ’eau reste à l ’état liquide dans ces ter­
rains de basse température, c’est surtout parce qu’elle est con­
tinuellement en mouvement. Ces eaux sont alimentées par les
nappes superficielles et par les eaux profondes, ce qui influe sur
leur composition chimique et gazeuse. Lorsque l ’alimentation
est assurée par les eaux profondes sous-jacentes au pergélisol.
les eaux intercalaires présentent les caractéristiques d ’une nappe
captive.
Les eaux intercalaires jouent le rôle de maillon de liaison entre
la nappe superficielle et les eaux profondes. N. Tolstikhine les
définit de la façon suivante : « Telles des vaisseaux sanguins elles
s ’introduisent dans la zone des basses températures et apportent
la chaleur du Soleil et l ’oxygène de l ’air à la zone profonde non
gelée; ou bien, saturées d ’anhydride carbonique et d ’azote, elles
remontent à la surface de la Terre la chaleur de ses tréfonds (sources
thermales). »
La température des eaux intercalaires du sous-sol gelé est plus
basse que celle des eaux souterraines d ’autres régions. Dans cette
zone la température est proche de 0°; parfois, elle descend même
au-dessous ; les eaux sont alors fortement minéralisées.
236
Les communications entre les eaux de la couche superficielle,
les eaux intercalaires et les eaux profondes sont représentées sur
la fig. 114.
Les eaux profondes. Ce sont toutes les eaux souterraines qui
se trouvent au-dessous du pergélisol. A la différence des eaux de la
couche superficielle et des eaux intercalaires, les eaux profondes
sont toujours à la phase liquide. Leur température est presque
toujours au-dessus de zéro et est la plus basse (environ 0°) dans la
zone de contact avec le pergélisol ; elle s ’élève en profondeur.
/ 23 4 5 67 8 9

EU]/ E532 E5S3


Fig. 114. Schéma des communications entre les eaux de
la couche superficielle et des nappes sous-jacentes au
pergélisol (d’après N. Tolstikhine) : a — eaux de la couche
superficielle; b — passage aux eaux intercalaires du
sous-sol gelé ; c — eaux intercalaires du sous-sol gelé ;
d — passage aux eaux profondes sous-jacentes au pergé­
lisol ; e — eaux profondes sous-jacentes au pergélisol ;
1 — sable ; 2 — sable aquifère ; 3 — zone gelée

Dans la plupart des cas les eaux profondes sont sous pression.
Atteintes par les forages, les nappes aquifères donnent naissance
à des puits jaillissants. La profondeur des nappes aquifères varie
en fonction de l ’épaisseur du pergélisol. Au Sud, elle est relative­
ment faible, au Nord, elle s’accroît fortement pour atteindre parfois
600 m. Elle dépend aussi de la composition lithologique des roches.
Le mode de gisement et les conditions d’écoulement des eaux
profondes diffèrent peu de ceux des eaux souterraines des régions
dépourvues de pergélisol. Toutefois, leur alimentation et leur
drainage présentent des traits particuliers. Elles sont surtout ali­
mentées par infiltration des eaux de précipitations et des eaux super­
ficielles, leur aire de décharge et d’alimentation se situant
dans les îlots dégelés du pergélisol ; sous les lacs, les cours d ’eau,
dans les zones à structure faillée et d ’autres régions semblables.
Le nombre des îlots dégelés diminue à mesure qu’on se déplace
du Sud au Nord, et c’est pourquoi dans les régions très au Nord
où le pergélisol est épais les conditions d ’alimentation des eaux
profondes deviennent précaires et les aires de décharges très réduites.
La composition chimique de ces eaux diffère, à côtés des eaux
peu minéralisées on rencontre des eaux salées. Les exutoires d ’eaux
237
minérales sont assez nombreux. L ’abondance des réserves d ’eaux
profondes et leur qualité font qu’elles sont largement utilisées
pour la satisfaction des besoins en eau.
Ainsi, la zone du pergélisol abrite plusieurs types d ’eaux souter­
raines présentant des particularités spécifiques. Les pergélisols
étant traversés par de nombreux îlots dégelés, ces divers types
d ’eaux souterraines sont en communication entre elles ainsi qu’avec
les eaux superficielles.
§ 5. Phénomènes physiographiques des régions
à sols constamment gelés
L ’existence, à une profondeur relativement faible, de pergé­
lisols au sein desquels on rencontre des glaces de natures diverses

Fig. H 5. Formes de micro- et mésorelief en terrains quaternaires ducs au pro­


cessus crycrgique: a — replats rocheux; b — champ de pierres; c — coulée
de pierre; d — guirlandes de pierres; c — replats de solifluxion; / — bourre­
lets de solifluxion (boursouflures de gel); g — glissement de pierres sur un
sol détrempé ; h — bandes de pierres ; i — sols cellulaires (sols figurés) ;
/ — grandes buttes; k — sols polygonaux à fentes de gel (coins de glace);
l — petites buttes ; m — réseau de polygones (formés d'éléments très fins)

et qui sont le siège de processus compliqués de gel et de dégel affec­


tant les sols comme les roches, engendre une série de phénomènes
physiographiques dont il faut absolument tenir compte lors de la
mise en valeur des vastes espaces très riches des régions orientale?
de l ’U.R.S.S. Ces phénomènes produisent un complexe de formes
originales de relief (fig. 115).
1. Thermokarst. Ce phénomène original est spécifique à la zone
des pergélisols. L ’expression « thermokarst » s ’applique au processus
238
de fusion de masse de glaces enfouies dans les parties supérieures
du pergélisol, qui détermine des tassements superficiels et l ’appa­
rition de formes déprimées du terrain. Le développement du thermo-
karst n ’est donc possible que pour une glace enfouie et lorsque le
régime thermique des terrains est modifié soit par l ’intervention
de l ’homme (coupe de bois, labourage, création de réservoirs d ’eau,
etc.), soit par l ’atténuation de la rigueur du climat. Les formes
de relief résultant de la fusion de la glace enfouie sont très variées.
Certaines d ’entre elles rappellent les formes du karst ordinaire.

k.

Fig. 116. Lac thermokarsti^ue sur la rive gauche de la Léna, formé après le
déboisement de celle-ci

D’après S. Katchourine, on rencontre dans ces régions des ter­


rains affaissés et des entonnoirs dont le diamètre varie de 1 à plu­
sieurs mètres ; des ombilics, des petites cuvettes, des rigoles qui sont
des dépressions d ’un à des centaines de mètres de diamètre et de
quelques centimètres à des mètres de profondeur; des bassins de
subsidence, dépressions déjà plus grandes qui s ’étendent sur un
ou même plusieurs kilomètres carrés et sont d ’une profondeur
relativement faible; des lacs thermokarstiques (fig. 116).
Les dépressions thermokarstiques peuvent être sèches ou rem­
plies d ’eau, formant ainsi des lacs. Dans une dépression sèche,
la fusion des glaces enfouies se ralentit et le phénomène ne se ranime
239
qu'épisodiquement. La situation est toute autre sous un lac ther­
mokarstique dont l ’eau réchauffe les dépôts de fond en permettant
l ’évolution du processus thermokarstique. V. Koudriavtsev en
donne l ’explication suivante: «Quand un lac thermokarstique se
forme, le processus, une fois déclenché, aboutit au réchauffement
des dépôts de fond, c’est-à-dire à l ’élévation de leur température
annuelle moyenne. Or, celle-ci détermine la profondeur du dégel
saisonnier des dépôts de fond. Lorsque l ’épaisseur des dépôts dé­
gelés s ’accroît, la fusion des glaces enfouies s ’accélère. Il s ’ensuit
qu’à chaque été le développement du thermokarst s ’intensifie.
Il se produit ainsi une sorte de réaction en chaîne, car à mesure
que la profondeur du bassin augmente, l ’action réchauffante de
celui-ci sur les dépôts du fond est accrue. Telle est l ’explication
de l ’évolution du thermokarst, y compris dans les régions au climat
le plus rigoureux. Les formes du thermokarst dépendent aussi de
la disposition des veines de coins de glace. On sait que ces derniers
forment un réseau de polygones. Dans les régions au climat con­
tinental rigoureux les polygones sont de dimensions relativement
faibles, d ’un à deux mètres, alors que sur les côtes bordant les mers
ils atteignent 20 et 30 mètres. Quand les eaux superficielles s ’écou­
lent librement et lorsque le réseau de polygones est peu dense,
il se forme des baïdjerakhs (en iakoute cela signifie « petits croupes »),
buttes de terre coniques séparées par des dépressions marquant les
tassements provenant de la fusion des veines de coins. D’autres
fois, apparaissent des dépressions thermokarstiques appelées alasses,
sous une couverture herbacée et comportant parfois de petits lacs.
Sur le littoral des mers septentrionales on rencontre des formes de
thermokarst du type des baïdjerakhs et des alasses. Dans les régions
méridionales du domaine des pergélisols les lacs thermokarstiques
sont relativement petits; ils ont été formés par la fusion de lentilles
de glaces épigénétiques associée au processus général de dégradation
des pergélisols (Koudriavtsev, 1958).
Outre les formes thermokarstiques proprement dites on distingue
des formes mixtes dues à l ’action du thermokarst et de l ’érosion de
sous-écoulement ou à l ’action des processus cryergique et karstique,
etc.
2. Solifluxion et formes du relief correspondantes. On appelle
solifluxion (solum — sol; fluxus — courant) l ’écoulement sur les
versants de masses de sol meubles et très humides. C’est dans le
domaine des pergélisols que les conditions sont les plus favorables
à ce phénomène. Le mollisol n ’y dégèle qu’à une faible profondeur
et les eaux de fonte et de pluie le détrempent fortement, car elles
ne peuvent s ’infiltrer en profondeur du fait de l ’existence des per­
gélisols qui forment le soubassement imperméable. On observe
ainsi un accroissement du poids de la couche supérieure ainsi saturée
d ’eau, couche constituée le plus souvent de dépôts résiduels et de
débris colluviaux. Le coefficient de frottement interne diminue
240
et, sous l ’action de la gravité, les couches commencent à s’écouler
lentement en suivant la pente. Celle-ci ne doit pas être très forte,
il suffit de 3 à 5° pour que le phénomène ne produise.

Fig. 117. Replats ou banquettes de solifluxion (d’après


S. Botch)

La solifluxion est à l ’origine de diverses formes de relief : replats


ou banquettes de solifluxion (fig. 117), langues de boue (fig. 118),
qui donnent aux versants de pente faible et moyenne une structure

Fig. 118. Langue de houe due à la solifluxion s’éta­


lant sur un talus de gros matériaux détritiques (d’après
S. Botch)

tourmentée en petits gradins, bandes, bourrelets, etc. La soli­


fluxion tend dans une certaine mesure à niveler le relief et à réduire
les pentes. D’après S. Katchourine, dans le Grand Nord (sur les
tfi— 9 2 " 241
côtes bordant l ’océan Glacial Arctique), la solifluxion est l ’agent prin­
cipal du modèle du relief montagneux et des processus de planation.
Outre les formes typiques constituées de matériaux soliflués,
la solifluxion contribue à la création sur les versants de montagnes
de formes en gradins multiples plus compliquées : les replats rocheux
(fig. 115).
Ils se développent souvent au-dessus de la zone des forêts dans
le domaine de hautes montagnes dénudées ou zone des goletz 1 et
sont le résultat de l ’action de facteurs complexes : gélivation qui

Fig. 119. Coulée de pierres (kouroum), vallée de la rivière Dourgomune


dans les Saïans orientaux

conditionne la régression des gradins vers l ’amont, descente'de


gros blocs, poussée de gel, solifluxion qui évacue les produits de
la désagrégation et modèle les replats, etc. D’après S. Botch, la
hauteur des gradins rocheux varie d ’un à plusieurs dizaines de
mètres, l ’angle de pente, de 90 à 25°; la partie horizontale du replat
couverte de matériaux soliflués (d’une épaisseur de 0,5 à 3,5 m)
peut s ’étendre sur plusieurs centaines de mètres. C’est là aussi
qu’apparaissent les coulées de pierres (kouroums) (fig. 119 et 115).
3. Poussée de gel. Ce phénomène connaît une vaste extension
dans le domaine des pergélisols et contribue pour une grande part
au développement de formes de relief originales.
On désigne par « poussée de gel » les déformations de la surface
terrestre se résolvant en soulèvements (boursouflures) suivis d ’af-

1 Goletz — dénomination donnée en Sibérie aux hautes faîtes'dénudées.


242
faissements (Soumguine, 1947). Les poussées de gel sont dues pour
la plupart au cycle gel — dégel subi par les sols et les roches humides.
La propriété de l'eau de se dilater en gelant (de 9 à 10% environ)
et de se contracter en passant de l'é ta t solide à l ’état liquide revêt
sous ce rapport une grande importance. L ’eau dans les roches ne
gèle pas toujours à la même température; celle-ci dépend de la
minéralisation de l ’eau, de la nature des roches, etc. Il est établi
que le refroidissement d ’une couche de roches donnée au-dessous
de zéro provoque des déplacements de l ’eau au sein de cette couche,
un écoulement d ’un endroit à un autre et même, si certaines con­
ditions de gel sont réalisées, une poussée vers la surface. En règle
générale, l ’augmentation de volume sous l ’effet du gel n ’est pas
homogène. Un rôle notable revient également aux venues d ’eau
extérieure. C’est à elles que l ’on doit la formation de buttes plus
grandes que celles qui devraient s ’édifier compte tenu seulement
de l ’eau contenue dans la couche en train de geler. Le gel de cette
eau supplémentaire, ainsi que de l ’eau qui imbibait déjà les couches
de terrain, crée des tensions notables qui déterminent les poussées
de gel. Lors du dégel, les liens entre les grains du mollisol devien­
nent ténus et, sous l ’effet de leur propre poids, ces particules se
tassent. Les phénomènes complexes déclenchés par le cycle gel —
dégel dans les roches et l ’eau déterminent des formes de relief très
variées: boursouflures (saisonnières ou pérennes), dômes de glace
(d’origine fluviale ou souterraine), formations polygonales, etc.,
dont les dimensions varient, certaines n ’étant que de menus reliefs,
d ’autres atteignant de grandes dimensions.
Les buttes de tourbe (bougry) sont des formes de poussées de
gel très répandues (fig. 120). Un grand nombre de ces buttes sont
constituées entièrement de tourbe, mais parfois leur noyau est de
terre de composition identique aux terrains environnants. Souvent,
dans le noyau gelé ou au contact de celui-ci avec la tourbe, appa­
raissent des veines ou des lentilles de glace. Les buttes de tourbe
abondent surtout dans la partie occidentale du domaine des per-
gélisols, au Nord de la partie européenne de l ’U.R.S.S. et de la
partie occidentale de la Sibérie. Leur aire d ’extension correspond
à la sous-zone de la toundra boisée et, plus particulièrement, à la
partie septentrionale de la taïga ; c’est déjà la marge méridionale
des pergélisols qui ne s ’y rencontrent presque exclusivement que
dans les buttes de tourbe. Ces formes existent aussi plus à l ’Est
de la zone mentionnée (dans la Sibérie orientale), mais elles y sont
moins nombreuses. Leur origine peut être variée. A. Popov et I. Ba-
ranov l ’expliquent par le gel des étendues de tourbe à sphaigne et
la redistribution correspondante des masses de glace, qui détermi­
nent le soulèvement de la tourbe et des roches; pourtant, ce phé­
nomène a parfois une autre cause. Ainsi, K. Piavtchenko pense que
les buttes de tourbe sont les témoins d ’un massif unique de tourbe
gelée, fragmenté par les crevasses de gel. Les parois de ces crevasses
16* 243
se sont peu à peu désagrégées, la tourbe se tassant à l ’intérieur,
alors que les parties contiguës se sont conservées sous forme de buttes.
Les tertres (bougry-mogilniki) ont une forme qui rappelle les
éminences de terre recouvrant une sépulture (hauts de 0,5 à 2 m
et longs de 2,5 m et plus). La majeure partie du tertre est constituée
de roches à grains très fins. Certains chercheurs (1. Baranov,
S. Katchourine) pensent qu’ils se sont formés par affaissement des

Fig. 120. Buttes de tourbe dues à des poussées de gel; elles sont hautes
de 3 m et séparées par un ravin et un lac thermokarstique couvert de végétation
(rive gauche de la Léna)

roches dégelées dans les fentes bordant les polygones de buttes,


d ’autres (S. Kouchev) par le soulèvement, provoqué par le gel, des
roches meubles saturées d ’eau. Il n ’est pas exclu que ces tertres
doivent leur origine à l ’un et à l ’autre de ces phénomènes (poussées
de gel et tassement le long des fentes du pourtour).
Certaines régions où les tertres sont particulièrement nombreux
s ’appellent champs de tertres (mari en russe).
Les dômes de glace. N. Tolstikhine appelle dôme de glace « une
masse de glace formée à partir d ’eau superficielle ou souterraine
répandue à la surface de la glace, de la neige, du sol ou au sein du
mollisol, par suite du gel du conduit aquifère où l ’eau circule or­
dinairement ». Ainsi, il résulte de cette définition que ces forma-
244
tions de glace peuvent s'observer à la surface et sous terre et être
dues aux eaux superficielles ou souterraines.
Les dômes de glace d'origine fluviale. Le gel d ’une rivière peut
amener un rétrécissement tel de sa section mouillée qu’elle devient
incapable de laisser s ’écouler tout son débit. Il en résulte une pres­
sion très forte et l ’eau qui ne peut passer dans le lit rétréci, cherche
une issue ; une partie remplit les alluvions de la vallée et élève
ainsi le niveau des eaux souterraines dont la charge augmente éga­
lement. Mais parfois cette eau sous pression rencontre un secteur
plus faible, soit dans la partie superficielle des alluvions gelées,
soit dans la glace de la rivière; elle perce alors et s’ouvre un passage
jusqu’à la surface où elle forme un dôme de glace. Cette intumes­
cence augmente lorsque le cours d ’eau continue à geler en rétré­
cissant sa section mouillée.
Les dômes de glace dus aux eaux souterraines. Les eaux souterraines
de la couche superficielle peuvent aussi donner lieu à des dômes
de glace à la surface du sol par le mécanisme suivant: quand le
mollisol commence à geler l ’eau augmente de volume, l ’eau non
gelée encaissée entre le pergélisol et la carapace superficielle gelée
du mollisol acquiert une grande charge et crée dans le sol des pres­
sions élevées. La couche gelée commence à se soulever, tandis que
l’eau rencontrant les parties de moindre résistance s’ouvre un pas­
sage et sort à la surface en y formant un dôme de glace. Des dômes
de ce genre se forment également aux exutoires des eaux souterraines.
Les grands dômes de glace (taryns en jakoute) sont souvent
associés aux zones à structures faillées. Il est possible que leur
formation soit due aux eaux profondes ou intercalaires qui sortent
de sous terre en suivant les fentes et les dislocations tectoniques
de l ’écorce terrestre. D’après P. Chvetsov et V. Sédov (1941) certains
dômes s ’étendent sur de vastes superficies; ainsi, celui de Kyra-
Nékoranskala atteint 26 km2 et celui de Momskaïa, 100 km2.
Les lentilles de glace souterraines. A côté des dômes de glace
superficiels on rencontre souvent des lentilles de glace souterraines
qui forment en général les noyaux des buttes de poussée de gel.
La plupart de ces lentilles sont annuelles ou saisonnières mais il
en existe des pérennes qui se développent sans interruption pendant
plusieurs années. Une lentille de glace annuelle est contenue entiè­
rement dans le mollisol ; elle dégèle en été, la boursouflure qui
la contient s ’affaissant en automne.
A la différence des formations annuelles, les lentilles de glace
pérennes sont très grandes et se développent surtout au niveau du
pergélisol; ce n ’est que leur partie superficielle qui pénètre dans
le mollisol.
Les hydrolaccolithes. On donne ce nom à des bombements per­
sistants dont le noyau est une lentille de glace. Ce terme a été pro­
posé par N. Tolstikhine par analogie avec les laccolithes; lors de
la formation de ces dernières, le rôle de l ’eau est rempli par le mag-
245
ma, alors que celui de la couche du sol ou de la butte soulevée par
la charge de l ’eau, il revient le plus souvent aux bancs de roches
sédimentaires. Les conditions les plus favorables à la formation
des hydrolaccolithes sont créées dans les zones déprimées^du terrain.

S / m z ma* eu* s ?
Fig. 121. Structure d’un hydrolaccolithe:
1 — sol tourbeux; 2 — glace; 3 — sable argileux; 4 — galets avec sable
argileux; 5 — air; 6 — eau; 7 — galets

Les hydrolaccolithes atteignent de 8 à 20 m de hauteur et même


plus. Les plus grandes se trouvent au Nord de la Sibérie et de l ’Amé­
rique du Nord. On en connaît également dans la Transbaïkalie,
dans la Sibérie occidentale, dans l ’Oural du Nord, au Nord de la
partie européenne de l ’U.R.S.S.
m

Fig. 122. Coupe d’un hydrolaccolithe de l ’interfluve Léno-Amguinski :


1 — limons sableux; 2 — limons; 3 — sables; 4 — glace; 5 — limite supé­
rieure des roches gélives; 6 — limites du noyau où se forment de petites len­
tilles de glace pure ; 7 — sens de la pression exercée par la nappe aquifère

Les hydrolaccolithes sont constituées par de la glace et des


roches gélives qui recouvrent un noyau de roche contenant égale­
ment de l ’eau sous pression. Leur structure est représentée sché­
matiquement sur les fig. 121 et 122.
Il existe plusieurs explications de l ’origine des hydrolaccolithes.
De nombreux spécialistes des pergélisols (A. Lvov, N. Tolstikhine,
I. Baranov, etc.) pensent qu’elles se sont formées à partir des eaux
profondes et intercalaires. Mais on a remarqué également que les
246
hydrolaccolithes étaient souvent associées à des cuvettes lacustres.
D’où l ’hypothèse suivante: l ’assèchement des bassins lacustres
qui entraîne l ’augmentation de l ’épaisseur de la couche gelée,
la réduction dans les parties sous-jacentes des îlots dégelés de formes
tubulaires et l ’apparition de fortes charges, ce qui conduit à un
soulèvement des terrains composant le fond de la cuvette lacustre
et à la formation d ’hydrolaccolithes.
Formations à structure polygonale. Au Nord et à l ’E s td e l’U.R.S.S.,
dans la zone d ’extension des sols gelés périodiquement ou constam­
ment, de vastes étendues sont couvertes de formations présentant

Fig. 123. Bandes de pierres et de terre (d’après


S. Botch)
une structure polygonale (voir fig. 115). Elles sont propres aux
régions plates ou en pente douce. On distingue :
1) les sols structurés : polygones de pierre, cercles de pierre,
bandes de pierres (fig. 123) ;
2) les sols polygonaux proprement dits (fig. 124) ;
3) les réseaux de polygones à bourrelets.
Les polygones de pierre sont des espaces plans ou légèrement
concaves, de forme arrondie ou polygonale, constitués par un maté­
riau fin et bordés d ’un liseré de pierres. Ils se développent dans un
matériau meuble hétérogène et non trié. Il se produit alors dans
la couche un refoulement par le gel de gros éléments (graviers et
gros débris) qui se déplacent vers la surface et quelque temps sur
la surface. Un rôle important dans ce phénomène revient aux fentes
de gel qui délimitent les polygones. L’humidité y étant plus grande,
l’action du gel devient plus intense.
La poussée de gel qui provoque le déplacement de gros débris
de bas en haut durant les alternances de gel et de dégel est signalée
par l ’observation de pilots de fondations, des poteaux enfoncés
dans le sol, etc. (fig. 125) ; quelques années après leur installation,
ils sont exhaussées, commencent à pencher puis s ’abattent.
247
Fig. 124. Sols polygonaux en forme de médaillons sur un versant à pente
douce d’un relief constituant les restes d’un interfluve situé sur la rive
droite de l’Ob à 5 km de la ville de Salékhard

Fig. 125. Schéma du refoulement de gros objets sous


l’effet du cycle gel—dégel auquel sont soumises les roches
meubles et détrempées. A — poteau enfoncé dans le sol ;
I — IV — phases du refoulement. 1 — humus; 2 — limon
sableux humide; 3 — couche supérieure du pergélisol;
4 — mollisol; 5 — vide créé par le soulèvement du poteau
durant le gel; 6 —vide comblé par de la vase durant le
dégel ; <zt — a4 — phases successives du refoulement
Sur les versants, il se forme des bandes de pierres étirées dans
le sens de la pente. Les phénomènes de refoulement sont ici associés
à ceux provoqués par la solifluxion.
Les sols polygonaux sont des formations de petites dimensions
rondes ou polygonales, planes ou faiblement bombées, apparaissant
à la surface des limons homogènes et des roches argileuses. Les
fentes du pourtour des polygones sont dues au dessèchement ou au
refroidissement intense de la surface des roches argileuses; elles
sont en général nettement marquées.
Les réseaux de polygones à bourrelets (pour la plupart tétrago-
naux) sont des formations beaucoup plus grandes (25-30 m et plus).
Vus en plan, ils présentent un réseau plus ou moins régulier. Chaque
polygone est limité par un bourrelet, haut de 0,5-1 m et large de
1-3 m, constitué d ’éléments tourbeux et terreux. Les bourrelets
des polygones voisins sont séparés par des rigoles de 1 à 5 m de
large sous lesquelles se disposent les veines de coins de glace.
Les bourrelets sont produits par l ’écartement et le refoulement
des roches provoqués par la croissance des coins de glace. Ces
grands réseaux de polygones abondent surtout dans l ’Extrême-
Nord.
Les sols figurés résultent principalement des alternances de
gel et de dégel dans des roches meubles et très détrempées qu’accom­
pagne un ensemble complexe de phénomènes. Dans la couche qui
gèle, des contraintes importantes apparaissent, engendrées par des
variations inégales du volume des terrains et de l ’eau qui provoquent
diverses déformations thermiques. Lorsque des roches meubles et
détrempées gèlent, leur volume augmente jusqu’à ce que la plus-
grande partie de l ’eau qu’elles contiennent se transforme en glace:
ensuite, si le refroidissement se poursuit, le volume des roches di­
minue. L ’inégale variation du volume engendre des tensions de
rupture qui se résolvent par un réseau de fissures de gel (B. Dosto-
valov) et perturbent la continuité et l ’intégrité de la couche. L ’air
refroidi pénètre dans les fissures ainsi que l ’eau qui s ’y transforme
en glace. 11 en résulte une nouvelle modification des tensions.
Importance pratique de l ’étude des pergélisols. La plus grande
partie de l ’immense territoire de la Sibérie orientale et occidentale
appartient à la zone des pergélisols. Or, ce sont les régions de
l ’U.R.S.S. qui recèlent des richesses considérables: minéraux
utiles, massifs boisés, énergie hydraulique, etc. Ces dernières années
l ’effort persévérant des géologues soviétiques a permis de découvrir
en Sibérie de nouveaux gisements importants de minéraux utiles
les plus divers: houille, fer, diamants, métaux non ferreux, métaux
rares, gaz, pétrole, etc.
Ces ressources de matières premières et énergétiques sont uti­
lisées par l ’économie nationale sur une vaste échelle. De nouveaux
centres industriels gigantesques ont été créés, de grands chantiers
se sont multipliés dans le pays où l ’on édifie des stations hydro-
249
électriques les plus grandes du monde et où l'exploitation d ’un
réseau minier étendu s ’organise.
En mettant en valeur ces vastes étendues, en poursuivant l ’édi­
fication industrielle et hydrotechnique, en aménageant des mines
et en construisant des ponts, des voies ferrées, des routes, etc.,
on doit tenir compte des conditions particulières du milieu naturel
constitué par les sols constamment gelés. Avant l ’établissement
de projets de constructions, il faut de la façon la plus rigoureuse
tenir compte de tous les phénomènes cryergiques cités plus haut:
poussées de gel amenant la formation de buttes diverses sujettes
aux fusions irrégulières en été, apparition de dômes et de lentilles
de glace et leur fusion, phénomènes thermokarstiques, etc. Si l ’on
n ’en tient pas compte, les résultats peuvent être des plus décevants,
comme en témoignent certains exemples d ’édifices déjà construits.
Quand les fondations d ’un édifice reposent sur un pergélisol, il
faut absolument assurer à ce dernier un régime thermique constant.
Ces dernières années, on a procédé en U.R.S.S. à l ’étude de tous
les aspects des pergélisols ; la tâche qu’on s ’est fixée est de découvrir
les lois de l ’évolution de ces terrains, les causes et le degré de leur
dégradation, les phénomènes physiographiques et leur répercussion
sur les constructions, l ’action de ces constructions sur les sols gelés.
Les spécialistes soviétiques de cryopédologie étudient avec succès,
de pair avec les ingénieurs, les lois générales du phénomène, posent
les principes de base et dégagent des méthodes applicables dans les
régions de pergélisol permettant l ’édification des constructions
en éliminant le danger des déformations.
CHAPITRE 1 0

Action géologique de la mer

§ 1. Importance géologique des bassins marins


Les océans et les mers qui couvrent 70,8% de la surface terrestr
(361 000 000 des 510 000 000 de km2) sont d ’immenses réservoirs
d ’eau dont le volume s ’élève à 1 370 323 000 delkm3.
Ces masses sont constamment en mouvement et, en interaction
avec les terres environnantes, elles érodent les roches du rivage
et des hauts fonds, déplacent et usent les débris en les déposant
sous forme de sédiments. Dans les mers vivent des animaux et des
plantes variés. Elles reçoivent tous les matériaux détritiques ou
dissous enlevés à la terre par les fleuves.
On sait que l ’écorce terrestre est constituée de divers types de
roches : magmatiques ou ignées, métamorphiques et sédimentaires.
Les roches sédimentaires (sables, grès, argiles, calcaires, etc.),
d ’une épaisseur variable, composent les couches extérieures de
l’écorce terrestre. Ainsi, dans la région de Léningrad, leur épaisseur
est de 200 m, à Moscou, de 1 600 m, dans la dépression Caspienne,
de 3 500 m, dans les montagnes, de 10 000 m et plus ; dans certaines
régions elles n ’existent pas (presqu’île de Kola, Finlande, Suède,
Podolie). La plupart des roches sédimentaires proviennent de l'ac­
cumulation dans les bassins marins de dépôts qui ont été par la
suite transformés. Avec les restes organiques qu’elles ont fossi­
lisés, ces roches constituent les documents principaux permettant
de déchiffrer l ’histoire de l ’écorce terrestre, de restituer les con­
ditions physico-géographiques anciennes et de dresser un tableau
de l ’évolution de la vie organique. D ’où l ’importance des bassins
marins pour la géologie et la nécessité de bien connaître les phéno­
mènes dont ils sont le siège.
Le travail géologique accompli dans les bassins marins s ’effectue
sous trois formes : érosion, transport et sédimentation. Ces phé­
nomènes agissent simultanément mais leur rapport change suivant
la structure du rivage, la déclivité du fond marin, la nature des
matériaux détritiques ou dissous, etc. Parfois, c ’est l ’érosion litto­
rale qui domine, accompagnée d ’un transport de débris vers les
parties plus profondes de la mer et leur dépôt sur le talus
continental. Dans d ’autres cas, au voisinage du littoral c’est
251
l ’accumulation qui l ’emporte, mais elle est également associée
aux phénomènes de transport et d ’érosion.
Ainsi, le travail de la mer est un processus compliqué d ’inte­
ractions où le rapport des différents éléments est déterminé dans
chaque cas particulier par un ensemble de conditions bien déter­
minées. Dans notre ouvrage ces phénomènes sont classés schématique­
ment en processus indépendant afin de souligner l ’importance de-
chacun d ’eux.

§ 2. Notions générales sur les mers du globe


Les océans et les mers communiquent entre eux en formant une
étendue d ’eau unique qu’on appelle Océan Mondial. Au-dessus du
niveau de la mer s ’élèvent les continents qui peuvent être assimilés
à des îles isolées. Les mers du globe se divisent en deux groupes
principaux de bassins :
1. Les océans (89 % du volume total des mers) :
Pacifique,
Atlantique,
Indien,
Glacial Arctique.
II. Les mers: bordières et intercontinentales.
L'océan Pacifique (y compris les parties contiguës des eaux
arctiques) couvre environ 179 700 000 de km2, ce qui constitue-
49 % de la surface des mers du globe. Son volume est de 707 560 000’
de km3 et sa profondeur moyenne de 4 282 m.
Le relief très compliqué du fond de l ’océan Pacifique n ’est
pas encore suffisamment étudié. Les résultats de nombreuses années
d ’explorations réalisées sur le navire « Vitiaz » dans la partie occi­
dentale de l ’océan Pacifique prouvent que son fond est très accidenté.
La zone marginale de l ’océan Pacifique est caractérisée par
des guirlandes ou arcs insulaires qui séparent l ’Océan proprement
dit des mers bordières (d’Okhotsk, du Japon, etc.); ce sont des
édifices orogéniques dont une grande partie est immergée et dont
les faîtes portent de longues chaînes volcaniques (îles Aléoutiennesr
Kouriles, Kamtchatka, Japon, etc.).
A l ’Est, les arcs insulaires sont bordés par des fosses profondes
dont les plus caractéristiques sont celles des Aléoutiennes (7 679 m).
des Kouriles (10 542 m), du Japon (8 412 m), de Izu-Bonin (9 810 m),
des Mariannes (11 034 m), d ’Yap (8 527 m), de Pelew (8 138 m),
de Nansen (7 507), des Philippines (10 265 m), de la Nouvelle-
Bretagne (8 320 m), de Bougainville (9 140 m), des Nouvelles-Hé­
brides (7 570 m), de Tonga (10 882 m) et de Kermadec (10 047 m).
Les versants de ces fosses forment souvent un système de gradins
échelonnés.
Comme on le voit d ’après la carte (fig. 126), le fond de la partie-
occidentale de l ’océan Pacifique est accidenté de hauts reliefs en.
252
forme de croupes qui s ’allongent sur de grandes distances; leur
largeur est de 200 à 300 km (parfois de 500 à 600 km) et ils atteignent
jusqu’à 1 000 m de haut.
Le relief de ces croupes est heurté, articulé. Il arrive que ces
montagnes émergent en formant des îles. Des fois elles servent de
soubassement à des atolls. Les croupes partagent la partie du bassin
examinée en un système de cuvettes dont les noms sont indiqués
sur la fig. 126 qui donne une idée de la topographie du fond des
mers bordières. Le relief du fond des parties centrales et orientales
du Pacifique est également très accidenté; les montagnes sous-
marines portent des îles volcaniques ou des récifs coraliens qui
alternent avec des fosses très profondes.
L 'océan Atlantique occupe environ 93 400 000 de km2, soit
près de 26 % de la surface des mers du globe. Son volume est de
323 600 000 de km3.
Sur son fond on distingue une dorsale médiane et des chaînes
transversales qui sont en quelque sorte le prolongement des arcs
insulaires (Canaries, Cap-Vert, etc.). La dorsale médiane et les chaî­
nes transversales découpent des bassins fermés qui comptent plu­
sieurs fosses profondes. La fosse la plus profonde de l ’Atlantique se
trouve à l ’Est de l ’île de Porto Rico (9 218 m, archipel des grandes
Antilles).
L'océan Indien est beaucoup plus petit que l ’Atlantique et donc
que le Pacifique. Il ne s ’étale que sur 76 000 000 de km2.
Le fond de l ’océan Indien ressemble à celui de l ’Atlantique. La
dorsale qui s ’allonge dans sa partie centrale adopte à peu près la
direction du méridien. Elle supporte les îles Maldives, Tchagos,
Amsterdam et Kerguelen, les deux dernières étant les sommets de
grands volcans presque submergés. La dorsale médiane s ’élève à 2
ou 3 km au-dessus des secteurs attenants et divise l ’océan Indien
en deux parties, est et ouest, où les profondeurs atteignent 4 000-
5 000 m.
Dans la partie est on trouve quelques cuvettes dont la profondeur
maximale peut dépasser de 4 000 à 5 000 m et même plus. A l ’inté­
rieur de ces cuvettes se situe la fosse de Java, ravin profond et étroit
qui borde le sud de l ’île de Java; c’est la fosse la plus profonde de
l’océan Indien avec ses 7 450 m.
Les travaux de l ’Institut d ’océanographie (A. Jivago, 1960)
ont montré qu’un rôle important dans la formation du relief de la
partie méridionale de l*océan Indien revient aux fractures de l ’écorce
terrestre et aux mouvements verticaux (dislocations par blocs fail-
lés). Dans la partie est de la plate-forme continentale antarctique on
a découvert une dépression profonde qui longe le littoral sur plus
de 2 000 milles de la mer de Davis à la Terre Victoria (fig. 127). La
profondeur maximale de cette dépression est de 1 400 (mer de Davis)
et de 1 600 m (près des côtes Georges V et de la Terre Victoria), alors
que la plate-forme continentale se trouve à 200-250 m de profondeur.
253
Les structures faillées sont également fréquentes dans la zone du
talus continental et sur le fond de la partie méridionale de l'océan.
A. Jivago y distingue trois domaines: les plaines d'accumulation
marine de grandes profondeurs qui bordent le pied du talus conti­
nental, les hauts reliefs sous-marins surmontés d ’édifices volcani­
ques et le relief volcanique de la zone profonde.
L 'océan Glacial Arctique est beaucoup plus petit que tous les au­
tres. Sa surface, y compris les mers bordières, est de 14 000 000 de
km2, soit à peu près 4% des mers du globe. Une large plate-forme
continentale avec des profondeurs de 20-50 à 200 m prolonge directe­
ment le continent. L ’étude de l ’océan Glacial Arctique a surtout
progressé ces dernières années grâce à la création par l ’Union Sovié­
tique des stations en dérive pour l ’exploration permanente des diver­
ses zones du bassin polaire. De nombreux sondages ont révélé un
relief de fond très compliqué. D ’après N. Bélov et N. Lapina, l ’océan
Arctique compte en son centre plusieurs cuvettes profondes, crê­
tes et hauteurs isolées. Un des éléments importants du relief du fond
est la dorsale Lomonossov d ’une articulation très complexe qui se
dirige vers le Groenland en partant des îles de la Nouvelle Sibérie.
Au-dessus de cette dorsale, la cote minimale atteint 954 m. A l ’Ouest

F ig . 126. E s q u is s e d u r e li e f d e fo n d d e la p a r t i e o c c id e n ta le d u P a c ifiq u e
( d ’a p r è s O u d in ts e v ). I — m a rg e d e la p la te - f o rm e c o n t i n e n t a l e ; I I — m a rg e
d e s h a u ts - f o n d s l i t t o r a u x d e l a m e r d ’O k h o ts k ; I I I — s illo n s p r o fo n d s ;
IV — a x e s d e s h a u t s re lie f s s o u s - m a rin s d e la z o n e d e t r a n s i t i o n ; ils s o n t
in d iq u é s s i c e s r e li e f s n e p o r t e n t p a s d ’île s o u si le s île s s o n t tr o p p e t ite s p o u r
ê t r e r e p r é s e n té e s à l ’é c h e lle d e la c a r te ; V — c ro u p e s o c é a n iq u e s a v e c le s c h a în e s
o u le s h a u t s r e lie f s s o u s - m a rin s q u ’e lle s p o r t e n t ; V I — h a u t s re lie f s d e la zo n e
d e t r a n s i t i o n (a rc s i n s u l a i r e s ) ; V I I — a r c s in s u l a ir e s o u s illo n s q u i le u rs s o n t
a s s o c ié s (1—19) :
1 — des Aléoutiennes; 2 — des Kouriles-Kamtchatka; 3 — aponais;
4 — de Nansen; 5 — des Philippines; 6 — de Izu-Bonin; 7 — des Mariannes;
8 — de Yap; 9 — de Pelew; 10 — de Nouvelle-Guinée; 11 — de Mélanésie
occidentale ; 12 — de Nouvelle-Bretagne ; 13 — des Salomon ; 14 — de[Mélanésie
orientale; 15 — des Nouvelles-Hébrides; 16 — de Nouvelle-Calédonie; 17 —de
Tonga; 18 — de Kermadec; 19 — de Nouvelle-Zélande; VIII — rides océani­
ques (20 — 28): 20 — de Hawaii; 21 — de Marcous-Wake (médio-pacifique);
22 — de Eauripique; 23 — des Carolines; 24 — de Kapingamarangi ; 25 — des
Marshall, Ellce et Gilbert; 26 — des Tokelau-Cook; 27 — des Line; 28 — dor­
sale transverse du Sud (Antarctico-Pacifique) ; 28!A — plateau du Pacifique
Nord-Ouest. Bassins de la zone de transition. En chiffres non entourés
(29—43): 29 — mer de Béring; 30 — mer d’Okhotsk; 31 — mer du Japon;
32 — mer de Chine Orientale; 33 — mer de Chine du Sud ; 34 — mer de Sulu;
35 — mer des Célèbes; 36 — mer de Banda ; 37 — mer de Céram ; 38 — bassin
de Nouvelle-Guinée; 39 — mer des Salomon ; 40 — mer de Corail; 41 — bassin
septentrional des Fiji ; 42 — bassin méridional des Fiji; 43 — bassin de Nouvelle-
Calédonie; 44 — mer de Tasmanie; bassins de la cuvette océanique (45—53);
45 — bassin du Nord-Ouest; 46 — bassins des Mariannes; 47 — bassin des
Philippines; 48 — bassin des Carolines occidentales; 49 — bassin des Carolines
orientales; 50 — bassin des Marshall; 51 — bassin central; 52 — bassin du
Sud-Ouest; 53 — bassin du Nord-Est
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la dorsale est bordée de la cuvette de Nansen d ’une profondeur maxi­
male de 5 449 m. A l ’Est, vers le Pacifique, on trouve les cuvettes
de Makarov et de Beaufort aux profondeurs maximales de 3 951 et
3 836 m, qui sont séparées par la dorsale Mendéléev.
Les mers bordières sont en communication plus ou moins étroite
avec les océans dont elles sont ordinairement séparées par un chape­
let d ’îles ou des presqu’îles. Cette libre communication entre les
eaux des mers et des océans détermine une similitude de salinité,
de température et de vie organique. Les mers bordières sont égale­
ment sujettes aux marées et les courants océaniques s ’y font sentir.
D’autre part, elles sont intimement liées aux continents qui exercent
sur les mers leur influence. En guise d ’exemple de mers de ce type on
peut citer les mers de Béring, de Barentz, d ’Okhotsk, du Japon,
de Chine, des Célèbes, celle du golfe du Mexique.
D’après la forme du bassin qui les contient, N. Strakhov groupe
les mers bordières en mers de cuvette (ou de fossés) et mers plates.
Les premières sont caractéristiques des zones mobiles de l ’écorce
terrestre (géosynclinaux) et sont associées aux plissements alpins
ainsi qu’aux failles le long desquelles certains secteurs se sont affais­
sées. Les mers de cuvette se caractérisent par une instabilité particu­
lière du relief du fond se manifestant par des oscillations tectoniques
intenses, des tremblements de terre et, parfois, un volcanisme actif
(mers d ’Okhotsk, du Japon, de Béring, de l ’archipel de la Malaisie,
de Chine du Sud).
Les mers plates ont pour origine des abaissements lents de l ’écorce
terrestre dans la région des aires plus stables, c’est-à-dire les plates-
formes (la mer de Barentz, de Kara, etc.).
Les mers intercontinentales ou continentales s ’engagent profondé­
ment dans la masse du continent en formant des bassins à demi
fermés séparés de l ’océan par un seuil sous-marin. L ’action du con­
tinent est ici très sensible, c’est pourquoi les sédimentations de ces
mers présentent un grand intérêt. La communication avec l ’océan
est rendue difficile, car elle ne se réalise qu’à travers des détroits
resserrés et peu profonds. Tous ces facteurs impriment au régime de
ces mers des caractères particuliers :
1) marées à faible amplitude;
2) température uniforme (aux profondeurs au-dessous des seuils) ;
3) quelquefois régime gazeux spécifique ;
4) salinité variable.
Parmi les mers de ce type on range la mer Noire avec des profon­
deurs maximales allant jusqu’à 2 200 m et dont le seuil se situe au
détroit du Bosphore (profondeur: 46 m) ; la mer Méditerranée où
la profondeur maximale atteint 4 400 m et dont le seuil se trouve
près de Gibraltar (profondeur de 320 m environ) ; la mer Baltique
avec des profondeurs de l ’ordre de 100 m (profondeur maximale 459 m
dans la fosse de Landsort), communiquant avec la mer du Nord
dar des détroits resserrés et peu profonds; la mer Blanche possédant
17-927 257
des profondeurs maximales de 300 m et un haut fond dans la partie
Nord (près du Détroit) qui limite l ’échange avec les eaux de la mer
de Barentz.
La Méditerranée, la mer Noire, la mer Rouge et la Caspienne
(mer fermée) appartiennent au groupe des mers continentales en
cuvettes, car elles sont associées aux zones tectoniques instables,
alors que les mers Baltique, Blanche, d'Azov (mer fermée) possèdent
les caractéristiques des mers plates.

§ 3. Traits généraux du relief sous-marin


Les chiffres cités ci-dessus témoignent de la grande variation des
profondeurs dans les océans et les mers. Dans certains bassins elles
ne dépassent pas de 100 à 200 m, dans d ’autres elles se maintiennent
sur de très vastes étendues à des cotes variant de —4 000 à —6 000 m,
et dans les limites desquelles apparaissent des fosses encore plus
profondes.
Les cartes bathymétriques dont on dispose permettent de dégager
dans l ’Océan Mondial plusieurs régions morphologiques se dispo­
sant à des niveaux différents.
1. La plate-forme continentale (cote —200 m en moyenne); elle
occupe 7,6 % de la superficie des mers du globe et borde presque
tous les rivages, constituant un prolongement des terres fermes.
Sa largeur varie de quelques kilomètres dans les régions de jeu­
nes montagnes (littoral occidental de l ’Amérique ou rivage oriental
de l ’Afrique) à plusieurs centaines de kilomètres dans les régions
attenantes aux plaines (rivage du Nord de l ’Eurasie).
La profondeur de certaines mers ne dépasse pas le niveau de la
plate-forme continentale: mer du Nord (de 20 à 100 m), mer Balti­
que, etc. Ces mers, qui ne constituent en fait que des secteurs du
continent abaissé et recouvert d ’eau, s ’appellent mers épiconti-
nentales.
2. Le talus continental (de —200 à —2 500 m ) ; il représente envi­
ron 15 % de l ’étendue des mers du globe; sa pente moyenne est de
3,5-7,5°. Son relief est parfois très tourmenté, entaillé par des canons
profonds qui sont surtout fréquents quand le talus est proche du con­
tinent et que la plate-forme continentale est insuffisamment large.
3. Les cuvettes océaniques (de—2 500 à —6 000 m) occupent envi­
ron 76 % de l ’étendue des mers du globe ; elles sont caractérisées par
des pentes faibles (de 0°20' à 0°40'). Par endroits, le fond des cuvettes
est accidenté par de longues crêtes sous-marines.
4. Les fosses ou sillons de grandes profondeurs (au-delà de —6 000 m)
se disposent surtout près des arcs insulaires et des continents. Elles
occupent environ 1,2 % du fond des mers.
La courbe dite hypsographique (fig. 128) permet de se faire une
idée concrète du développement respectif des profondeurs océaniques
et des altitudes continentales. En ordonnées sont portées les altitudes
258
des continents et les profondeurs marines, et en abscisses figurent
les surfaces correspondant à tel ou tel niveau hypsométrique. La

100 ZOO 300 400 500


Fig. 128. Courbe hypsographique. Sur la ligne des abscisses : au-des­
sous — surface du globe terrestre en centaines de millions de
kilomètres carrés ; au-dessus — pourcentage de la surface des niveaux
hypsographiques; sur la ligne des ordonnées : altitude ou profondeur
en kilomètres

courbe montre que la plus grande étendue de l'océan appartient aux


profondeurs dépassant 4 000 m, alors que l ’essentiel des zones conti­
nentales se situe à des altitudes inférieures à 1 000 m.

§ 4. Température des eaux marines


L ’eau des mers n ’a pas partout la même température. Le tableau
9 donne les moyennes annuelles de température dans la couche super­
ficielle des mers.
Tableau 9
Moyennes annuelles de température à
la surface des océans
M oyenne de
Océan tem pérature.
°C

Atlantique 16,9
Indien 17,0
Pacifique 19,1
Moyenne générale 17,4
17* 259
La température de la surface des mers et des océans est dans la
plupart des cas fonction des conditions climatiques. Les anomalies
qu’on rencontre correspondent aux courants marins qui transportent
l ’eau de température différente. La carte des isothermes, lignes
d ’égales températures (fig. 129), montre que la température de l ’eau
est maximale près des rivages équatoriaux. Ainsi, pour le Pacifique
et l ’océan Indien elle est de +28°, pour l ’Atlantique, de +27°.
Les isothermes dans les hémisphères Sud et Nord suivent habituel­
lement les parallèles et ne s ’en écartent que dans des conditions
exceptionnelles, par exemple dans l ’Atlantique sous l ’influence du

Fig. 129. Répartition annuelle de la température à la surface des océans

Gulf Stream, courant chaud très puissant. Un phénomène semblable


a lieu au large du Japon où passe le courant chaud Kouro-Sivo.
Lorsque des courants froids et chauds entrent en contact (ceux du
Labrador et du Gulf Stream), les isothermes se resserrent fortement.
La température la plus élevée de l ’Océan Mondial (4-45,6°) a été
enregistrée dans le golfe Persique, la plus basse (environ —3°) l ’a
été dans l ’océan Glacial Arctique.
L ’échauffement des couches superficielles de l ’eau océanique est
surtout fonction de l ’insolation; au-dessous de la zone d ’influence
de celle-ci la température baisse. A 3 000 m de la surface, elle ne
dépasse pas -f-2, +3°, alors qu’au fond elle est de —1,3 à + 3°.
La distribution des températures suivant la latitude et la profon-
deur est donnée par la carte des isothermobathes dressée pour l ’Atlan­
tique (fig. 130).
Une différence sensible entre la température des eaux marines
à des hautes latitudes et sous les tropiques engendre la circulation
et le brassage des eaux. En hiver, les couches superficielles des mers
de hautes latitudes se refroidissent fortement, deviennent plus den-
260
ses et par suite descendent en profondeur et s ’acheminent vers l ’équa­
teur; elles assurent ainsi l ’alimentation en oxygène des parties pro­
fondes des bassins océaniques (fig. 131).
Sud Nord
18*S 10*S 6 0 2 50*S40*S 3 0 2 2 0 2 1 0 2 0 ° 10*N 20*N 30*N40*N S0*N 60*N 10*H80*H
5 * 10*15* 20*

Fig. 130. Isothermobathes de l ’Atlantiquo

Les conditions thermiques de l ’océan Glacial Arctique sont très


particulières et n ’ont été précisées que par les travaux des expéditions
au pôle Nord. La couche superficielle d ’une épaisseur de 100 m (parfois

0171
1000

■2000

3000

■4000

Fig. 131. Circulation des eaux dans l ’Atlantique entre 70° de


latitude Nord et 80° de latitude Sud

200-300 m) est constituée ici par de l ’eau à faible salinité; sa


température est négative, proche du niveau de congélation de l ’eau
de mer salée. Au-dessous, jusqu’à 1 500 m les eaux à salinité normale
261
sont plus chaudes (température supérieure à 0°). Plus bas encore se
disposent des eaux de nouveau plus froides, de température infé­
rieure à 0°. La présence entre deux couches froides d ’une épaisse
couche d ’eau chaude s ’explique par l ’influence du Gulf Stream dont
les eaux plus salées et plus lourdes descendent sous la couche de surfa­
ce du bassin polaire aux eaux plus douces.

§ 5. Pression et densité des eaux marines


La pression de l ’eau s ’accroît dans les océans et les mers avec la
profondeur à raison d ’une atmosphère tous les 10 m. Elle atteint
son maximum (800-1000 atm) dans les fosses très profondes. Les
grandes pressions élèvent la propriété dissolvante de l ’eau, ce qui
n’est pas sans avoir d ’importantes conséquences. Dans les conditions
ainsi créées, l ’eau absorbe les gaz, dissout de nombreux minéraux et
ne laisse pas descendre à de grandes profondeurs les restes organiques
dont les squelettes sont constitués de carbonate de calcium facilement
décomposable.
La densité de l ’eau dépend de la salinité et de la température et
varie de 1,0275 à 1,0220. La densité est minimale pour les eaux tropi­
cales, elle est, au contraire, maximale dans la zone des vents alizés
où l ’évaporation est très intense. Dans les couches profondes, la den­
sité est uniquement fonction de la salinité.

§ 6. Composition chimique des eaux marines


Toutes les eaux naturelles contiennent des sels minéraux en solu­
tion. Les eaux des mers et des océans recèlent presque tous les élé­
ments chimiques connus, mais seul un petit nombre d ’entre eux
importent dans la composition de la masse saline des mers.
Dans l ’eau marine, la teneur normale en sels (salinité) est de 35 g
par litre; en pour mille (symbole °/0o) la salinité moyenne de l ’eau
marine est donc 35 °/00.
La composition typique de l ’eau d ’un bassin marin est la suivan­
te : NaCl, 77,75 % de la masse totale des sels ; K2S04, 2,46 % ; MgCl»,
10,87 % ; MgBr2, 0,21 % ; MgS04, 4,73 % ; CaS04, 3,60 % ; CaCCi3
et traces d ’autres sels, 0,38 %.
Dans l ’eau marine à salinité normale les chlorures prédominent
en atteignant > 88 % de la masse globale des sels; ensuite viennent
les sulfures: > 1 0 % ; puis une quantité relativement faible de car­
bonates et des traces infimes d ’autres combinaisons et éléments en
solution.
La théorie de la dissociation en ions (anions et cations) des sels
d ’une solution permet également d ’exprimer en ions la salinité
de l ’eau marine. La teneur en ions varie de la façon suivante (d’après
V. Vemadski) :
262
Tableau JO
T eneur dans Teneur dans
Ions les eaux des Ions les eaux des
m ers, en % m ers, en %

Na 31,2 -30 ,2 Cl' 56,0-54.6


Mg" 4 ,0 -3 ,4 so; 8 ,0 -7 ,5
Ca” 1,7 -0,9 co; 0,27-0,01
K 2 ,1 -0 ,6 4 Br' 0,19-0,13

Ces chiffres caractérisant la salinité normale et les rapports entre


les ions et certains sels ne restent pas toujours et pour toutes les mers
invariables. Ils changent suivant les conditions climatiques et l ’ap­
port en eaux douces (pluies, fleuves et eaux de fonte des glaciers).
La salinité peut même varier au sein d ’un bassin. Ainsi, dans la zone
équatoriale, les grandes averses réduisent la salinité des couches super­
ficielles à 3 4 ° / o 0, alors que dans la région des vents alizés au climat
chaud et aride où l ’évaporation est intense, elle s ’élève à 3 7 -
3 7 , 9 ° / 0o- La salinité des couches profondes de l ’océan est voisine
de l ’indice moyen ( 3 5 ° / 0o).
L ’action du climat sur la salinité est encore plus accusée dans
les mers intercontinentales ou méditerranéennes. Ainsi, dans la mer
Rouge, qui se trouve dans une zone de climat aride et chaud et est
entourée de déserts, la salinité atteint 4 1 à 4 3 °/oo- La Méditerranée
possède également une salinité plus élevée que la normale. Dans sa
partie est la concentration des sels dissous s ’élève à 3 9 °/00, et à
3 7 °loo à l ’Ouest.
Quand l ’apport des eaux fluviales est important, comme dans
les mers des zones de climat humide (mers Noire, d ’Azov, Baltique,
etc.), la salinité diminue sensiblement.
La plus grande partie du bassin de drainage de la mer Noire se
trouve dans la zone humide, et une petite partie seulement dans la
zone aride (régions des steppes de l ’Ukraine). De la plate-forme Rus­
se sont drainées vers la mer Noire les eaux de grands fleuves de plaine
(Dniepr, Dniestr, etc.) ; du Sud, de l ’Ouest et de l ’Est la mer reçoit
de nombreux torrents venant des montagnes. Le climat et l ’apport
des eaux fluviales douces déterminent une salinité à la surface de la
mer de l ’ordre de 1 7 - 1 8 ° / 0o- En profondeur celle-ci atteint 2 0 ° / 00 à
1 0 0 m et 2 2 , 6 ° / 0o près du fond. Cette stratification est la con­
séquence du relief du fond de la mer Noire et de l ’apport,
par le détroit du Bosphore, des eaux salées et lourdes de la
Méditerranée.
Les eaux de la mer d ’Azov sont caractérisées par une très faible
salinité due à l ’apport du Don, du Kouban et d ’autres fleuves; elle
varie ici de 1 1 à 1 4 ° / 0o, diminuant sensiblement à mesure qu’on
s ’approche de l ’estuaire du Don.
263
L ’eau de la mer Baltique est très dessalée. La salinité s ’y répartit
en couches, comme dans la mer Noire. L ’eau à salinité relativement
élevée est apportée par les détroits du Danemark, et étant plus lourde,
elle est entraînée vers les couches inférieures ; quant à la couche super­
ficielle, elle est plus douce du fait de l ’apport de nombreux fleuves
se jetant dans la Baltique. Près des détroits, la salinité à la surface
est de 20 °/00, au fond, de 30°/00. A mesure qu’on se déplace vers
l ’Est, elle diminue jusqu’à 6-8 °/0o à la surface de la partie centrale
de la mer, jusqu’à 5-4 ° / 0o dans la partie occidentale du golfe de Fin­
lande et même 2 ° / 0o à l ’embouchure de la Néva.
Le bassin fermé de la Caspienne présente un intérêt particulier;
il se trouve dans une région au climat chaud et aride mais reçoit un
volume d'eau considérable recueilli sur l ’aire de drainage très vaste
de la Volga, du Térek, de l ’Oural et d ’autres fleuves. C’est pourquoi
la salinité à la surface de la Caspienne varie sensiblement. Près de
l ’embouchure de la Volga, elle est inférieure à 5 ° / 0o» mais elle
s ’élève rapidement jusqu’à 12,6 °/oo au centre et au sud de la mer.
Dans la partie est du centre et du sud de la Caspienne, la salinité-
est de 13-14° / 0o» ce qui s ’explique par l ’absence de fleuves et un cli­
mat sec et chaud, provoquant une évaporation intense et l ’élévation
de la concentration des sels dans l ’eau.
En profondeur, la salinité s ’accroît mais faiblement. Ainsi, au
centre de la Caspienne elle est à la surface de 1 2 , 6 ° / 0o et de 1 2 , 8 °/0o
près du fond ; dans la partie méridionale, de 1 2 , 6 et de 1 2 , 9 ° / 0o-
Les anomalies dans la salinité qu’on observe dans les mers Noire,.
Baltique, Caspienne, etc., s ’accompagnent de certaines modifica­
tions dans la composition des sels.
Les eaux de la mer Noire ont une composition proche de celles de-
l ’océan. Elles s ’en distinguent surtout par un enrichissement notable
en carbonate de calcium qui domine dans les eaux fluviales douces
(environ 80 % du total des sels).
L ’eau de la Caspienne diffère sensiblement de celle des océans.
Sa teneur en chlorures diminue ; au contraire, les teneurs en carbo­
nates et en sulfures de calcium et de magnésium augmentent. D ’a­
près S. Brouïévitch, le CaC03 apporté par les eaux fluviales provoque-
une sursaturation des eaux de la Caspienne qui se résoud par la pré­
cipitation chimique de la calcite.

§ 7. Gaz dans les eaux marines


Outre divers sels, l ’eau marine dissout certains gaz: azote, oxy­
gène et gaz carbonique. La teneur en divers gaz dans l ’eau diffè­
re. Le rapport de l ’oxygène et de l ’azote dans l ’air et dans l ’eau en
témoignent: dans l ’air il est de 1 : 4, dans l ’eau (à -f- 1,5°), d ’envi­
ron 1 : 2. On voit donc que l ’eau absorbe davantage d ’oxygène que
d ’azote. L ’oxygène et l ’anhydride carbonique sont les gaz les plus
importants du point de vue géologique, car ils sont chimiquement
264
actifs et jouent un grand rôle dans la sédimentation au fond des bas­
sins marins et dans la transformation ultérieure des dépôts.
L ’oxygène est fourni à l ’eau de mer par l ’atmosphère et par pho­
tosynthèse des plantes marines (surtout du phytoplancton). L ’oxygè­
ne est utilisé parles animaux marins qui le respirent et pour l ’oxyda­
tion de diverses substances. La teneur absolue de l ’oxygène dans un
litre d ’eau est variable. Ainsi, à 0° et pour une salinité normale un
litre d ’eau est saturé par 8,04 cm3 d ’oxygène ; à 10°, par 6,41 cm3; à

80“ 70“ 60“ 50“ 40“ 30“ 20“ 10“ 10“ 20“ 30 “ 40 “ 50 “ 60 * 70 “

■</,M M M 100-2.00 3,00-4.50 IÏÏ1 T ÏM »


Fig. 132. Répartition de l ’oxygène (en cm3 /l) dans la partie orientale de l ’At­
lantique entre 80° de latitude Sud et 65° de latitude Nord en suivant une ligne
à peu près parallèle aux côtes orientales de l ’océan

20° par 5,35 cm3. Donc, la solubilité du gaz dépend de la tempéra­


ture. Si elle s ’élève (pression et salinité restant invariables), il se
forme un excédent d ’oxygène qui peut se dégager dans l ’atmosphère.
Il s ’établit ainsi un lien permanent et une interaction entre
l ’atmosphère et l ’hydrosphère. Au printemps et en été, quand la tem­
pérature de l ’eau s ’élève, les océans apportent de l ’oxygène à l ’atmo­
sphère ; en automne et en hiver, ils en absorbent. La libération de
l ’oxygène de photosynthèse par les plantes ne se produit que dans les
couches supérieures jusqu’au niveau de pénétration de la lumière.
Dans certains bassins où le développement du phytoplancton est
intense, la teneur en oxygène augmente fortement.
L ’oxygène étant fourni aux mers par l ’air ou par photosynthèse,
il est naturel de supposer qu’il est surtout concentré à des profondeurs
relativement faibles. Pourtant, on est parfois en présence d ’une
situation inverse (fig. 132), du fait*surtout de l ’action des courants
et de la circulation verticale de l ’eau (courants de convection).
L ’eau de mer est très riche en gaz carbonique qu’elle reçoit par
l ’atmosphère, les eaux fluviales, l ’activité vitale des animaux
marins, les éruptions volcaniques.
Le gaz carbonique de l ’eau de mer se présente soit à l ’état libre,
soit sous forme de combinaisons chimiques (carbonates et bicarbona-
2G5
tes). Généralement, la teneur globale en C 02 à 10-15° est d ’environ
15 mg/1, dont seulement 0,5 cm3 est à l ’état libre. La solubilité
de C 02 comme celle de l ’oxygène s ’élève à mesure que la température
baisse : à 3,5° elle est de 53,31 mg/1 ; à 10-15°, environ 45 mg/1 ; à
25-28°, 35,8 mg/1. Il en résulte une sous-saturation des eaux froides
de l ’Arctique, alors que les eaux de la zone équatoriale sont sursatu­
rées, ce qui a pour conséquence une accumulation accélérée de CaC03
dans les mers chaudes à des faibles profondeurs, alors qu’elle est
très lente à de grandes profondeurs. L ’assimilation des carbonates
par les organismes marins s ’effectue de préférence dans les eaux chau­
des.
Une circulation verticale intense aboutit à l ’établissement dans

Fig. 133. Contamination de la mer Noire et des fjords


norvégiens par l ’hydrogène sulfuré (d’après Strakhov):
I — zone d'oxygène; Il — zone d’hydrogène sulfuré;
A, B — types de régimes gazeux des fjords norvégiens
{A — à courant de décharge; B — à courant de décharge
et de retour)

tous les océans d ’un régime gazeux semblable caractérisé par une
teneur en oxygène suffisante, une déficience en anhydride carbonique
et une absence d ’hydrogène sulfuré.
Les conditions qui régnent dans les mers intercontinentales sont
toutes autres, car ces mers ne communiquent avec les océans que par
l ’intermédiaire de couloirs étroits et elles sont des bassins en voie
de dessalement. La mer Noire en est un exemple probant (fig. 133).
Son régime, la répartition des sels et des gaz ainsi que les conditions
de la sédimentation ont été étudiés et décrits par A. Arkhanguelski
et N. Strakhov. Nous avons déjà noté l ’existence dans la mer Noire
d ’une stratification verticale de la salinité. Ce phénomène affaiblit
fortement la circulation verticale. L ’eau dessalée et, par suite, plus
légère des couches supérieures ne descend presque pas en profondeur
durant le refroidissement d ’hiver et ne provoque pas par consé-
266
quent le brassage des eaux. Une couche de 175 m seulement est tou­
chée par la circulation verticale, soit 15 % de la masse d'eau globale.
C’est pourquoi le régime gazeux ordinaire est ici perturbé. La teneur
en oxygène est normale jusqu’à 40-50 m, puis elle tombe sensible­
ment et à 150 m atteint environ 15 % de la norme ordinaire. Le man­
que d ’oxygène dans les couches profondes provoque des processus
de réduction et, notamment, la réduction des sulfures par les bacté­
ries désuifurisantes avec formation d ’hydrogène sulfuré. La con­
tamination par l ’hydrogène sulfuré est surtout importante près
du fond où la teneur en H 2S est de 5-6 cm3/l. Un tel régime détermine
une vie organique et une sédimentation de fond particulières. Des
conditions analogues existent dans les cuvettes profondes de la mer
Baltique, ainsi que dans certains fjords norvégiens dont le fond com­
porte des sillons profonds remplis d ’eau salée recouverte d ’eau
douce.
§ 8. Vie organique des mers
La mer constitue un milieu habité par des animaux et des plantes
variés dont le développement et la répartition dépendent de nom­
breux facteurs: température de l ’eau, salinité, circulation dans le
bassin, pression, pénétration de la lumière, relief du fond, etc.
Les organismes marins peuvent être subdivisés en trois grands
groupes: benthos, plancton et necton.
Le benthos est formé d ’organismes rampants ou fixes qui vivent
sur le fond surtout sur la plate-forme continentale où ils sont très
nombreux. Le benthos comprend des organismes végétaux et ani­
maux. Parmi les plantes dominent les algues qui se fixent ordinaire­
ment dans les zones littorales (jusqu’à des profondeurs de 40 à 50 m)
sur un faciès rocheux. C’est également là que grouillent des légions
d ’animaux benthiques (Vers, Eponges, Echinodermes, Crustacés,
Mollusques à coquille épaisse, Polypes, etc.). Cette richesse de vie est
conditionnée par celle de la nourriture végétale. Avec la profondeur
la faune du benthos devient de plus en plus pauvre, les organismes
s ’adaptent de plus en plus à la vie sur un fond vaseux (les pattes
s ’allongent, le corps s ’aplatit de manière à répartir régulièrement
la pression de son poids sur le sol, etc.).
Le plancton comprend les animaux marins unicellulaires, Forami-
n ifères et Radiolaires (bethyplancton) et les plantes, Diatomées et
autres (phytoplancton) qui tous n ’ont pas d ’organes de locomotion
et ne sont déplacés que par des courants ou des vagues agitant l ’eau
marine.
On assimile à ce groupe certains mollusques flottant passivement,
en particulier les Ptéropodes (du grec Jtxepov — aile, j i o v ç — pied).
Le plancton tant animal que végétal abonde surtout dans les couches
superficielles des mers.
Avec la profondeur, le phytoplancton se raréfie et disparaît com­
plètement vers 200 m, le bethyplancton uniquement animal pouvant
267
se rencontrer à de plus grandes profondeurs. La mer des Sargasses
fournit l ’exemple d ’une énorme concentration de phytoplancton.
Le necton. On rassemble dans ce groupe tous les animaux qui se
déplacent librement. Ce sont les poissons qui constituent la partie
du necton la plus riche en espèces. Certains d ’entre eux vivent dans
les eaux littorales alors que d ’autres évoluent en haute mer.
L ’accumulation marine est pour une grande part redevable aux
organismes du benthos et du plancton.

§ 9. Mouvements des mers


Les mouvements de l ’eau marine sont très variés. On peut en dé­
gager plusieurs types :
1) mouvements engendrés par le vent;
2) courants de marée conditionnés par l ’attraction lunaire et
solaire ;
3) grands courants marins ou océaniques ;
4) lents déplacements circulatoires de masses d ’eau des hautes
latitudes vers l ’équateur et vice versa;
5) courants de décharges entre deux bassins de salinité et de den­
sité différentes.
Examinons les trois premiers types, les mouvements circulatoires
et les courants de décharges ayant déjà été étudiés.
Mouvements engendrés par les vents. L ’action exercée par le vent
sur la surface de l ’eau entraîne le déplacement des particules de celle-
ci dans un plan vertical, en suivant des trajectoires fermées ou pres­
que, parallèles à la direction du vent. Le déplacement horizontal est
pratiquement nul. Le mouvement apparent résulte de déformations
de la surface qui ne s ’accompagne pas dë translation de masses d ’eau.
L ’irrégularité du flux d ’air provoque à la surface des grandes vagues
l ’apparition de vagues secondaires. L ’interférence des oscillations
crée à chaque instant tout un système de vagues des plus grandes
aux plus petites. Ces oscillations se présentent sous forme d ’une alter­
nance de crêtes et de creux. Les vagues sont caractérisées par:
1) la longueur d ’onde, distance entre deux crêtes ou deux creux
voisins ;
2) la hauteur, différence de niveau entre une crête et un creux ;
3) la période, temps nécessaire à la vague pour parcourir une
distance égale à sa longueur d ’onde. La hauteur de la vague est fonc­
tion de la force du vent et est en rapport avec sa longueur
d ’onde.
Ainsi, d ’après les données de V. Zenlcovitch, si la vitesse du vent
est de 5,3-7,4 m/s, la hauteur moyenne des vagues est de 2,1 m ;
quand la vitesse atteint 21,6-25,1 m/s, la hauteur s ’élève à 10,2 m,
la longueur moyenne des vagues passant de 51,0 à 195,0 m.
Les vagues peuvent se propager au-delà des limites de l ’action
du vent et former alors les vagues libres ou la houle.
2f>8
Aux approches de la côte, la profondeur du fond entrant en jeu,
les vagues sont freinées, leur longueur diminue et leur hauteur
s ’accroît. En déferlant sur le rivage elles forment le ressac (fig. 134).

Fie. 134. A . Vagues de ressac. B. Schéma de la formation du ressac et du courant


de retour de vague

Les grands mouvements de vagues n ’ont lieu que dans les couches
supérieures, mais ils sont aussi sensibles en profondeur. Dans les
mers continentales leur poussée se ressent jusqu’à 50-100 m, dans
les océans jusqu’à 150-200 m et même plus. Ainsi, on a vu près des
côtes écossaises des tempêtes dont les vagues ont soulevé le sable
fin d ’un fond de 400 m. Le mouvement de l ’eau au fond de la mer
influe considérablement sur l ’accumulation des dépôts qui sont
ainsi déplacés et remaniés.
269
Courants de marée. On appelle ainsi les variations périodiques
du niveau de la mer engendrées par l ’attraction combinée de la Lune
et du Soleil. Lors du courant de flot le niveau de la mer s ’élève pro­
gressivement jusqu’à une hauteur maximale qu’on appelle haute
ou pleine mer. Lors du courant de jusant, l ’eau se déplace en sens
inverse jusqu’à ce que le niveau atteigne une position minimale dite
basse mer.

Fig. 135. Formation des courants de marées (flot et


jusants) : 1 — marée solaire ; 2 — marée lunaire ; S — So­
leil; T — Terre; L — Lime

La hauteur de la marée (amplitude) est déterminée par la diffé­


rence des niveaux de la pleine mer et de la basse mer. Près des îles
océaniques, elle est de quelques mètres; dans certaines mers peu
profondes, surtout dans les chenaux marins et les détroits communi­
quant avec l ’océan, elle atteint de 9 à 18 m.
Ces mouvements sont dus surtout à l ’action de la Lune et, de
manière moindre, à celle du Soleil. D ’après la période des oscilla­
tions on distingue les marées semi-diurnes et diurnes.
Les marées semi-diurnes les plus fréquentes dans l ’Atlantique se
produisent deux fois par jour lunaire.
Les marées diurnes qui sont répandues dans la partie septentriona­
le du Pacifique et dans l ’océan Indien ont lieu une fois par jour.
270
La régularité des courants de marée peut être perturbée par les varia­
tions de la déclinaison de la Lune et du Soleil, de la distance de la
Terre du Soleil et à la Lune et de leur position réciproque par rap­
port à la Terre. La combinaison de ces phénomènes peut amener
l ’apparition des marées dit mixtes.
Examinons le mécanisme de la formation des marées. Imaginons
(fig. 135) un globe entièrement recouvert d ’une couche d ’eau d ’égale
épaisseur. Sous l ’action de la Lune l ’enveloppe liquide du globe
perd sa forme sphérique et devient un ellipsoïde, l ’attraction que su­
bit l ’eau concentrée au point A étant plus forte que celle exercée
sur le globe dont le centre est au point T. Mais la Terre est attirée
avec une force plus grande que l ’eau au point A t. Ainsi, l ’eau du
côté qui est plus éloigné de la Lune est en quelque sorte en retard.
Aux points B et B t l ’eau est attirée vers les points A et A t justement
où l ’on observe les marées.
Les marées sont également influencées par la position réciproque
de la Terre, du Soleil et de la Lune. Deux fois par mois, au moment
de la syzygie (pleine ou nouvelle Lune), les trois astres sont en ligne
et deux autres fois, au moment des quadratures (premier et dernier
quartiers) la droite Lune — Terre est perpendiculaire à la droite
Terre — Soleil. Il en résulte des variations dans l ’amplitude des
marées.
Courants marins. Il existe dans les océans des courants marins
constants qui déplacent des masses d ’eau énormes à des distances
très grandes. Ils sont produits par des causes diverses. Les principaux
courants sont engendrés par un ensemble de phénomènes : vents persis­
tants qui soufflent toujours dans la même direction (alizés, moussons),
mouvements d ’écoulement qui proviennent de la différence de pres­
sion atmosphérique dans diverses parties de l ’océan, différence de
densité des eaux qui dépend de la température, de la salinité et d ’au­
tres facteurs. L ’exemple classique nous est fourni par le Gulf Stream,
puissant courant chaud de la partie septentrionale de l ’Atlantique
dont le prolongement dans l ’océan Glacial Arctique porte le nom de
courant Nord-Atlantique. Les vents du Nord et du Nord-Ouest qui
soufflent sur les côtes orientales des continents de l ’hemisphère
boréal produisent des courants froids qui se déplacent vers le Sud :
courants du Groenland et du Labrador, dans l ’Atlantique, courant
de Californie, dans le Pacifique, etc.
Les courants marins jouent un grand rôle dans le processus de
sédimentation. Ils influent sur la répartition des températures dans
les bassins marins et, par suite, sur la distribution du plancton et du
benthos qui contribuent beaucoup à la formation des dépôts dans les
mers et océans.
Parfois, les courants marins sont à l ’origine des turbulences qui
rendent plus grossiers les dépôts du talus continental, c’est-à-dire
à un niveau ordinairement inaccessible à l ’agitation produite par
le vent.
271
§ 10. Travail destructeur de la mer
Le travail destructeur de la mer est lié aux mouvements de l ’eau
marine. Les vagues engendrées par des vents puissants importent
surtout sous ce rapport, le rôle des marées étant moindre. Quand
il n ’y a pas de vent, la mer est à l ’état dit de calme plat, et ce
n ’est qu’en bordure de la plage qu’on observe un léger déferlement
de toutes petites vagues. Il en est tout autrement par temps de tem­
pête : des vagues énormes apparaissent et, se suivant l ’une l ’autre,
se projettent violemment sur la côte qu’elles usent intensément
(fig. 134, A). Le rivage recule sous la poussée de la mer qui l ’entaille.
V. Zenkovitch, savant soviétique connu, spécialiste de la mor­
phologie et de la dynamique littorale distingue deux types de côtes
à évolutions différentes : côte abrupte ou accore au voisinage de laquel­
le le fond à pente raide assure l ’évacuation de la plupart des débris
jusqu’au talus continental; côte plate à pente douce où la plupart
des débris se déplacent vers le rivage.
Evolution des côtes abruptes ou accores. L’activité destructrice
de la mer se manifeste surtout près des côtes abruptes à falaises.
Les vagues de tempêtes déferlant avec violence sur la paroi abrupte
projettent en hauteur des embruns jusqu’à des dizaines de mètres.
Parfois, sur les côtes océaniques ces embruns s ’élèvent jusqu’à 60 m.
L’attaque ou l ’impact des vagues peut être très violente. Les mesu­
res effectuées sur le littoral de l ’Atlantique ont donné les chiffres
suivants: sur les côtes de l ’Amérique, jusqu’à 30 t/m2, sur les côtes
occidentale et septentrionale de l ’Ecosse, jusqu’à 33 t/m 2 durant
la tempête et 3 t/m 2 en été par temps calme. Sur la côte orientale de
l’Angleterre, à Bel-Rocque on a enregistré des impacts de 14,7 t/m 2.
En U.R.S.S., les vagues déferlantes sont particulièrement fortes
sur le littoral de la mer Noire, et notamment près des côtes caucasien­
nes où les tempêtes venues de l ’Ouest sont fréquentes.
Les vagues de tempêtes, si elles attaquent continuellement et avec
violence, sont capables d ’user les roches les plus résistantes et même
de détruire les ouvrages édifiés par l ’homme sur le rivage. On a observé
des cas où des installations portuaires et des quais ont été détruits
par des déferlements de vagues. Ainsi, dans le golfe de Vica en Ecosse
(mer du Nord), un bloc rocheux pesant 1 370 t se trouvant sur le riva­
ge a été déplacé durant une violente tempête à plus de 10 m. En 1890,
à Poti, deux lourds brise-lames furent jetés à la mer bien que chacun
d ’eux pesait 40 t.
La destruction des côtes par la mer résulte des coups de bélier
des vagues contre les parois sur lesquelles elles s ’abattent, des coups
portés par les débris de roche transportés par les grandes vagues et
de l ’action chimique de l ’eau.
Ce travail de destruction s ’appelle abrasion marine (du latin
abradere — enlever par raclage). Pendant les tempêtes, les coups de
bélier des vagues sur une côte rocheuse et abrupte sont les plus impor-
lants à la base de celle-ci. La désagrégation est particulièrement rapi­
de là où elle est favorisée par les diaclases. L'eau, en pénétrant dans
toutes les fissures, les élargit et comprime l ’aircontenu dans les inters­
tices des roches. Quand la vague se retire, l ’air comprimé se dilate
avec une force rappelant une explosion, causant des destructions
supplémentaires dans les secteurs attenants aux joints. Quand les
conditions sont favorables, l ’air sort par les fissures d ’où il balaie
tous les matériaux fins. Parfois, il expulse en même temps l ’eau
contenue dans la roche. L ’action des vagues est moins efficace sur
les roches compactes et lisses. Quand la côte est irrégulière et pré­
sente des saillants, l ’érosion marine est plus rapide, ces pointes
étant attaquées et progressivement entaillées par les vagues défer­
lantes.
L ’action destructrice des vagues est considérablement renforcée
lorsqu’elles contiennent des débris de roche. Les vagues en déferlant
sur la côte se chargent de cailloux, de galets et les projettent avec
force contre les rochers qu’elles fragmentent.
L ’impact des vagues et des débris de roche conduit à la forma­
tion d ’une entaille à la hase de la paroi de l ’abrupt rocheux. Le proces­
sus d ’érosion s ’accentue progressivement, du fait de la concentration
des chocs et de l ’augmentation du volume des matériaux détritiques.
Bientôt, une encoche de sapement apparaît surplombée par une corni­
che (fig. 136). Les vagues poursuivant leur travail de sape, l ’encoche
s ’agrandit jusqu’à ce que les roches en surplomb s ’écroulent. Après
cet éboulement, la côte se présente à nouveau sous forme d ’une falai­
se abrupte.
Dans des roches de composition et de consistance hétérogènes
la répétition de ce phénomène aboutit à la formation d ’encoches
étagées.
Ainsi, la falaise recule vers la terre ferme en dégageant une plate­
forme d'abrasion sous-marine présentant une pente douce vers la mer.
Entre la plate-forme d ’abrasion et la falaise apparaît une bande
étroite recouverte de gravier, de galets et de gros blocs appelée plage.
Pendant l ’évolution du profil littoral cette plage se modifie et s ’élar­
git. En période des marées ou des tempêtes elle est inondée.
La décomposition chimique par l ’eau ne se manifeste que là où
la côte est constituée de roches solubles comme les calcaires, dolomies,
etc., qui sont dissoutes par le C02 et les divers sels que contient l ’eau
de mer. Il se forme ainsi à la base des abrupts des grottes karstiques,
des cannelures, etc. Dans les parties supérieures, là où l ’eau n ’arrive
que sous forme d ’embruns, la surface des calcaires prend un aspect
alvéolaire.
La plate-forme d ’abrasion peut être parfois entièrement rocheuse
mais elle porte par endroits un placage de débris divers dont le dé­
placement continu par les vagues provoque une corrasion de la sur­
face de la plate-forme d ’abrasion et un abaissement de son niveau.
Parfois, les débris sont animés d ’un mouvement tourbillonnaire
18—927 273
qui conditionne le creusement dans la paroi verticale ainsi que dans
la plate-forme d ’abrasion en pente, de cavités, trous et autres exca­
vations rappelant les marmites de géants formées par les chutes d ’eau.
Les blocs de roche et les galets accumulés dans ces cavités effectuent
un travail de forage. V. Zenkovitch signale des marmites semblables
sur le littoral de Mourmansk, A. Dzens-Litovski en a repéré sur le
rivage calcaire de la presqu’île Tarkhankout. Les débris de roche qui
sont constamment en mouvement s ’usent, se fragmentent, s ’arrondis­
sent et se transforment en galets puis en sable et parfois^en matériau

Fig. 136. Encoche de sapement

d ’une granulométrie encore plus fine. C’est ce mouvement et le


frottement continus qui donnent aux galets des côtes marines leurs
formes arrondies si caractéristiques (fig. 137).
Si les conditions sont favorables, une partie des matériaux est
déplacée au-delà de la plate-forme d ’abrasion et déposée en forme
de talus sous-marin qui progresse continuellement. C’est déjà l ’ébau­
che d ’une terrasse d ’accumulation (terrasse construite) en pente dou­
ce. prolongeant la plate-forme d ’abrasion.
La fig. 138 représente les divers stades de l ’évolution d ’une côte
accore travaillée par l ’érosion marine.
Le recul de la côte n ’est pas un phénomène infini, à mesure que
la zone littorale (plate-forme d ’abrasion et terrasse construite) s ’élar­
git, l ’énergie des vagues s ’attaquant au pied de l ’abrupt en régres­
sion diminue. Cette énergie est dépensée à surmonter le frottement,
à déplacer et à roder des matériaux, etc. Enfin, vient le moment
quand les vagues perdent presque toute leur énergie sur les hauts
fonds et, à rapproche du rivage, elles sont incapables d ’effectuer
une abrasion notable. Une reprise de l ’érosion marine peut avoir

Fig. 137. Galets des côtes marines

lieu dans le cas d ’un abaissement de la plate-forme d ’abrasion et de


la terrasse construite, c ’est-à-dire après une modification de la pente
sous l ’action de mouvements affectant l ’écorce terrestre.
La largeur de la plate-forme d ’abrasion varie. Parfois, elle atteint
plusieurs centaines de mètres, quelquefois elle s ’étale sur des kilo­
mètres. Elle est très large (50 km) près des côtes rocheuses de l ’Ouest

Fig. 138. Evolution du profil d’une côte abrupte (d’après


V. Zenkovitch) :
C i/iî Çzfzï ^ 3 / 3 — positions successives du rivage en
régression attaqué par l’abrasion ; djc, ; d2c2 ; < * 3 0 3 — ter­
rasses d’abrasion correspondant aux stades de l ’évolution
du profil littoral ; at , bt , ct ; a2, 6 3 * c2 ; a3, ft3, c3 — stades
de la terrasse d'accumulation sous-marine

et du Nord-Ouest de la Norvège où on l ’appelle « strandflatt » (pla­


te-forme submergée). Le relèvement très lent de la région à l ’époque
post-glaciaire a conditionné l ’émergement de la plus grande partie
de cette plate-forme au-dessus du niveau de la mer; sa surface est
parsemée de reliefs résiduels, témoins de l ’ancienne zone littorale.
18* 275
La rapidité de démolition des falaises et la vitesse de leur recul varie
suivant les régions. La régression est particulièrement rapide sur
les côtes océaniques où chaque année, dans certains secteurs, le lit­
toral recule de 1,5 à 3,0 m. L ’érosion marine atteint son apogée
d ’intensité dans les régions sujettes à la subsidence. Les côtes de la
Manche régressent chaque année de 2 m ; pendant la période histori­
que, la côte orientale de l ’Angleterre a reculé de plusieurs kilomètres.
En Ecosse (dans le Norfolk et le Suffolk), 16 m de rivage ont été
détruits entre 1824 et 1829. La démolition est particulièrement effi­
cace lorsque la côte est en roches meubles. Ainsi, les dépôts glaciaires
(sables, graviers, argiles morainiques) de la côte du Yorkshire (au
sud du cap Flamborough) sont érodés avec une intensité particulière.
Depuis l ’époque romaine, une côte y a reculé de 5 à 6 kilomètres
sur une longueur de 56 km. Durant les cent dernières années, la vites­
se moyenne de la régression a été de 1,5-1,8 m par an. En certains
points du littoral français (presqu’île du Médoc), le recul atteint
parfois 15 et même 35 m par an.
Près du village Primorsko-Akhtarskaîa (mer d ’Azov), la côte
recule chaque année de 12 m. En 40 ans (jusqu’à 1930), la mer a entail­
lé une bande de la côte large de 500 m, mais là où la plage a pris
un grand développement, la vitesse d ’érosion a diminué notablement.
Ainsi, dans le Nord-Ouest de la mer Noire, sur une côte régulière
comportant une large plage de sable, les hautes falaises formées de
roches argileuses et limoneuses ne sont érodées qu’à raison de 0,5
ou 1,0 m par an. Toute réduction de la plage, par la construction
d ’ouvrages portuaires notamment, tend à renforcer l ’érosion.
Un exemple classique d ’abrasion rapide nous est fourni par l ’île
Helgoland (mer du Nord). En 1072 elle comportait 900 kma, alors
qu’actuellement il ne subsiste qu’une bande étroite de 1,5 km-,
haute de 60 m, encadrée par une plate-forme d ’abrasion très large
en pente douce qui porte par endroits de hauts pitons rocheux consti­
tuant des reliefs résiduels (fig. 139).
L ’érosion est également forte sur les bords des réservoirs artifi­
ciels créés ces 20 dernières années sur la Volga et le Don. Aussi, en
élaborant les projets d ’ouvrages de ce genre, on effectue toujours
des calculs permettant de déterminer la largeur des zones qui seront
sujettes à des désagrégations intenses, en fonction des conditions
géologiques locales. L ’attaque de l ’érosion est particulièrement vive
sur les rivages abrupts constitués de roches meubles (argile et sable).
L'action des courants de marées. Le rôle des marées dans la démoli­
tion des côtes est bien moins important. Elles contribuent davantage
à l ’abrasion du fond qu’à la destruction des côtes. Un courant de flot
suffisamment puissant peut déplacer des débris divers et même de
gros blocs en les entraînant vers le rivage ou le long de la côte. L ’ac­
tion érosive des jusants est plus faible, en conséquence les galets et le
sable se déposent dans la zone littorale, alors que le matériau très
fin retourne à la mer. La situation est tout autre dans les chenaux,
276
les baies étroites et les embouchures de fleuves où l ’intensité des
courants de marée est maximale.
C’est dans la baie de Fundi, à la frontière des Etats-Unis et du
Canada (Nouvelle-Ecosse), que l ’on a enregistré les marées ayant
la plus forte amplitude. Au fond de cette baie étroite, la hauteur des
marées peut atteindre 18 m. Dans la baie de Bristol, près des côtes
du Sud-Ouest de l ’Angleterre, l ’amplitude des marées atteint 12,6 m
et le courant qu’elles engendrent circule à la vitesse de 16 km/h.
En Union Soviétique les plus grandes marées sont celles de la baie
Penjinskaïa (mer d ’Okhotsk); leur amplitude atteint parfois 11 m.

Fig. 139. Stades de la démolition par les vagues de Pile Helgoland


(mer du Nord)

Quand une telle marée circule dans des détroits et des chenaux étroits
le niveau d ’eau s ’élevant à une grande hauteur et la vitesse du cou­
rant s ’accélérant, elle est capable d ’éroder les berges comme le fond.
Ce fait peut sans doute expliquer l ’absence totale ou presque de maté­
riaux détritiques au fond des chenaux de marée étroits à lits géné­
ralement rocheux. C’est également à l ’action érosive des courants de
marée qu’on attribue dans bien des cas la forme originale en entonnoir
des embouchures de fleuves qui portent alors le nom d ’estuaires.
Les côtes plates. L ’évolution de ces côtes suit un autre cours que
celle des côtes abruptes. La mer, en utilisant l ’action des vagues
déferlantes, érode la côte et les hauts fonds attenants en déplaçant
les débris vers la rive. A cause de la faible pente de la côte plate, les
matériaux s ’accumulent dès le début près de la ligne de rivage en
formant une large plage. Par la suite, la vitesse d ’accumulation près
de la ligne de rivage peut dépasser celle de la production de débris
par les vagues déferlantes et la côte d'abrasion se transforme alors
en côte d'accumulation (voir la description de cette évolution au § 11).
Le tracé des côtes dépend dans une grande mesure de leur position
par rapport aux principales structures du continent. Ainsi, dans le
cas où le bassin marin se trouve dans une région à structure plissée,
plusieurs types de côtes sont possibles.
1. La côte longitudinale dont l'orientation coïncide avec la direc­
tion des plissements ; elle se distingue par un dessin relativement
régulier sans échancrures, car l ’abrasion marine s ’y déroule dans
des conditions plus ou moins homogènes.
2. La côte transversale se disposant perpendiculairement aux
directions structurales, d ’où son allure échancrée (les roches atta­
quées sont de nature différente).

Fig. 140. A. Réfraction des vagues par une côte régu­


lière; B — par une côte à baie; A et Ai — front des
vagues au voisinage d’un saillant; B et B t — front des
vagues dans un rentrant

3. La côte oblique recoupant les directions structurales sous un


certain angle, la grandeur de l ’angle détermine alors le degré des
complications de la côte.
Une côte au tracé profondément découpé peut être liée aux dislo­
cations tabulaires, à la présence de nombreuses failles, etc. Toute­
fois, lorsque l ’abrupt de la falaise coïncide avec le plan de faille
et lorsque la roche est résistante, la côte prend une allure régulière
(littoral de Mourmansk à l ’Est de la baie de Kola formé par des
granités massifs). Le rapport entre les zones d ’accumulation et d ’abra­
sion et leurs étendues dépend du degré de l ’articulation du littoral.
Si la côte est régulière et ne présente que peu d ’échancrures, les
aires d ’abrasion et d ’accumulation s ’étalent sur de grandes étendues.
278
Fig. 141. Arche percée dans des falaises. Mer du Japon
Fig. 142. Reliefs résiduels sur les côtes subissant Faction de la mer.
A. Crimée orientale. B. Manguychlak
Quand la côte marine est du type compliqué, à baies (rentrants de la
mer à l ’intérieur des terres fermes), alternant avec des caps et des
presqu’îles s ’avançant loin dans la mer, l ’évolution de ces aires est
différente. Une côte à baies est caractérisée par une succession de
plates-formes d ’abrasion associées aux caps et de plates-formes d ’ac­
cumulation au fond des baies. Ce résultat peut être expliqué par
le phénomène de réfraction dû à la déviation du front de la vague à
l ’approche du rivage. Lorsqu’une vague se dirige vers une côte
régulière sous un angle aigu, les différentes parties de son front s ’y
approchent avec des vitesses variées. La vague tend à épouser la
forme de la côte, elle est déviée et éprouve une forte extension
(fig. 140, A). Le phénomène de la réfraction est tout autre pour une
côte à baies (fig. 140, B). En pénétrant dans une baie profonde, les
vagues rencontrent le fond au voisinage des bords latéraux de la baie
et elles sont alors déviées, s ’allongent fortement et perdent une partie
de leur énergie ; il se crée ainsi dans la partie centrale de la baie des
conditions favorables à la sédimentation. Les vagues en assaillant
les caps de tous les côtés convergent, élèvent au maximum leur éner­
gie et entraînent ainsi une abrasion intense. L ’action des vagues
sur les caps aboutit parfois à la formation d ’arches (fig. 141) et
de grottes qui subsistent quelque temps, puis s ’écroulent en laissant
des reliefs résiduels sous forme de rochers isolés émergés ou immergés
(fig. 142, A et B) qui témoignent de la ligne de rivage antérieure.
Des arches de ce genre se dressent près des côtes de France, d ’Espagne,
de Norvège du Nord, d ’Union Soviétique et d ’autres pays. Là où
le littoral marin est sujet à un exhaussement prolongé, les arches
et reliefs résiduels de ce genre peuvent se trouver plus haut que le
niveau de la mer (côtes norvégiennes).
Les côtes à baies peuvent être de plusieurs types. Les plus répan­
dues résultent d ’une submersion (ingression) des continents. On
entend par submersion l ’ennoyage par la mer des reliefs déprimés
(vallées fluviales, fosses tectoniques, etc.). Il se crée ainsi des baies
étroites et longues. La formation de côtes irrégulières de submersion
est essentiellement déterminée par le relief. Or, le modelé de celui-ci
est pour une très grande part redevable, outre les processus de géo­
dynamique externe, à la structure géologique, à la nature des roches
et aux mouvements récents de l ’écorce terrestre.

§ 11. Transport des débris et formations


accumulatives du littoral
Comme il a été dit plus haut, l ’action des vagues se fait sentir
à des profondeurs variables. Là où les vagues atteignent le fond et
où le flux qu’elles engendrent est suffisamment puissant, les maté­
riaux qui y reposent sont déplacés. Quand les vitesses sont faibles,
les grains sont roulés sur le fond, lorsqu’elles sont plus fortes, ils
voyagent en suspension. A des vitesses moyennes, leur transport
281
s ’effectue tantôt par traction sur le fond, tantôt en suspension dans
la zone du fond. V. Zenkovitch qui a étudié le transport des dépôts
sur un fond en pente douce couvert d ’une couche de sable, de galets
et de blocs, a écrit à ce propos : « Quand les vagues apparaissent
à la surface, au fond, l ’eau commence à effectuer des mouvements de
va-et-vient. Même à des profondeurs assez grandes, l*eau entraîne
dans ces oscillations des grains de sable, les galets et les blocs restant
en place, car le courant de fond est encore trop faible pour les dépla­
cer. A de grandes profondeurs les ondes du flux et du reflux sont
de vitesse et de durée identiques. La pesanteur agissant sur les grains
de sable freine leur mouvement ascendant et accélère leur 'descente
le long du talus. Les grains glissent donc vers le bas et s ’arrêtent
rpfiS ^ déP h c -
se des à lo c f fy

Fig. 143. Déplacement transversal des dépôts sur un fond à


pente douce. Le sable est entraîné à de grandes profondeurs,
alors que le gravier et les blocs sont poussés vers le rivage
(le pointillé indique la pente initiale du fond)

là où les vagues ne peuvent plus les déplacer. Sur les fonds plus rele­
vés la situation est différente, car les oscillations ne sont plus symé­
triques tout en étant plus fortes. Le sable passe en suspension et des
flux brefs et rapides orientés vers la côte prennent en charge les galets
et les roulent sur le fond en contre-pente. L ’onde du reflux est quel­
que peu ralentie. Malgré l ’«aide» de la pesanteur elle ne peut
entraîner les galets jusqu’à l ’emplacement qu’ils occupaient aupa­
ravant, et ils sont retenus à mi-chemin. Ces oscillations ont pour
effet le déplacement des galets vers le rivage. A des profondeurs
encore plus faibles, le courant de fond devenant plus fort entraîne
également des blocs entiers qui sont aussi déplacés vers la côte.»
Ce transport transversal (par rapport à la ligne du rivage) dans
la zone des vagues déferlantes contribue à la formation d ’un remblai
ou barre puissant (fig. 143). Ainsi, la surface du fond se~transforme
petit à petit jusqu’à l ’élaboration d ’un profil d'équilibre correspon­
dant aux conditions existantes ; les débris, tout en éprouvant des
mouvements, ne progressent alors plus dans le sens du rivage ou de
la mer. La modification des conditions d ’évolution, par exemple
une subsidence de l ’écorce terrestre, rompt l ’équilibre et déclenche
de nouveau le mouvement et le tri des débris jusqu’à l ’élaboration
d ’un nouveau profil.
Ce schéma du transport transversal des débris part de l ’hypothèse
que les vagues sont perpendiculaires au rivage qu’elles frappent.
Mais le plus fréquemment, elles l ’attaquent sous un certain angle.
282
Les vagues et les débris qu’elles charrient prennent alors la forme
de trajectoires régulières se recourbant en avant. Si les débris entraî­
nés par les vagues sont de diverses grosseurs, le déplacement de
chaque grain diffère. On voit sur la fig. 144 qu’à mesure que la
vague se déplaçant sur la plage diminue sa puissance, ce sont les
plus gros blocs qui s ’arrêtent les premiers (au point E), puis les
galets (Z1), et seuls les grains de sable sont transportés par la vague
jusqu’au bout (D). Par retour de vague les blocs et les galets descen­
dent en suivant la plus grande pente jusqu’aux points B et C, puis
sont de nouveau entraînés par la vague suivante qui reprend le

Fig. 144. Déplacement longitudinal des dépôts (courant


de dérive) :
1, 2, 3 — déplacement correspondant des blocs, du gra­
vier et des grains de sable

même mouvement. Un phénomène identique se produit sur le fond


sous-marin attenant mais à un rythme beaucoup plus lent. Cette
dérive continue des débris provoque le déplacement des dépôts le
long du rivage. V. Zenkovitch indique les vitesses de dérive des
débris enregistrées au bord de la mer Noire durant les observations
de galets colorés. Par mer peu agitée (0,75-1,25 m/s) certains galets
se déplaçaient à 43 m/h, alors que toute la masse des galets colorés
(environ 1 m3) a dérivé durant ce laps de temps de 17-20 m.
Le sens des migrations de débris peut changer suivant la direction
du vent. Mais pour nombre de côtes d ’année en année on obser­
ve une direction principale de l ’action des vagues qui provoque
un déplacement longitudinal des dépôts et qui est déterminée
par les vents dominants et par les vents les plus violents.
Ainsi, les matériaux charriés par les vagues se déplacent aussi
bien dans le sens longitudinal que dans le sens transversal. Il en
résulte une série de formes littorales. Examinons celles d ’entre
elles qui sont surtout dues aux déplacements longitudinaux. Soit
une côte irrégulière et découpée. Sur la fig. 145, / , l ’angle d ’inci­
dence des vagues dans un des secteurs de la côte est proche de 45°,
283
alors que dans un autre secteur, la ligne du rivage s ’incurvant, il
est notablement inférieur. La vitesse de déplacement des débris
est maximale quand l ’angle d ’incidence est proche de 45°. C’est
pourquoi quand le courant saturé de débris passe de la zone AB
dans la zone BC, sa vitesse de dérive diminue. Une partie des maté­
riaux contourne d ’abord le saillant, mais ensuite leur plus grande
masse se dépose près du coude formé par la ligne du rivage en déve­
loppant une avancée vers la mer dans le prolongement de la direction

Fig. 145. Formation des flèches (7), des terrasses appuyées (//)
et des tombolos (III)

prise (celle de la zone AB). L ’évolution ultérieure aboutit à l ’élabo­


ration d ’un épi qui progresse dans le sens de la mer quelquefois
jusqu’à de grandes profondeurs, atteignant plusieurs dizaines, voire
même une centaine de mètres. Cette formation porte le nom de
flèche littorale (fig. 146). Parfois, la flèche littorale se recourbe en
forme de crochet à pointes regardant la terre ferme, ce qui s ’explique
sans doute par l ’action des vagues perpendiculaires au rivage. Do
telles flèches atteignent parfois de grandes dimensions. Ainsi, la
flèche Agrakhanskaïa dans la mer Caspienne s ’étire sur 45 km, celle
de Tender dans la mer Noire sur plus de 90 km.
Parfois, la flèche rejoint la rive opposée de la baie et devient alors
flèche barrante (poulier). Deux flèches peuvent aussi se développer
à partir des rives opposées d ’une baie et progresser l ’une vers l ’autre.
284
En fusionnant, elles forment également une flèche barrante. Les
flèches littorales et barrantes peuvent isoler des mers partiellement
ou complètement les baies qui souvent sont des embouchures fluviales
élargies, et l ’on est alors en présence de limans.
Lorsque la ligne du rivage présente une rupture de continuité
orientée vers la mer (fig. 145, II), le courant voit sa puissance de
transport diminuer en passant de la zone AB vers la zone BD par

Fig. 146. Flèche littorale s’avançant dans la mer à partir d’un saillant et barres
sous-marines

suite de la modification de l ’angle d ’incidence de la vague ainsi


que sous l'effet de freinage dû à la côte. Les débris sont alors dépo­
sés près de la rupture (point B) où apparaît une large forme appuyée
constituant une terrasse.
Les formes accumulatives apparaissent également près d’une
côte rectiligne si sur le chemin des vagues se trouve un obstacle qui
réduit leur puissance de transport. Ainsi, quand une île surgit à une
certaine distance de la côte, elle dévie la vague qui s ’en approche
en la diffractant. En arrière de l ’île (entre l ’île et la côte) il se forme
une zone d ’amortissement où l ’énergie de la vague se dissipe forte­
ment. Il en résulte une rétention des débris se déposant près de la
côte qui progresse vers l ’île. Parfois, la flèche se développe de l’île
vers le rivage. Si les conditions sont favorables, les flèches s ’allon­
gent jusqu’à ce qu’elles relient complètement l ’île à la terre. Cette
285
Fig. 147. Flèches enfermant des lagunes.
A. Partie Sud du Kamtchatka. B . Kamtchatka au Nord de la ville
de Pétropavlovsk
forme est désignée sous le nom de tombolo (fig. 145, JJJ) et peut
être simple ou double.
Les plus grandes formes d ’accumulation sont les barres: elles
se présentent sous forme de longs remblais de sable, de gravier
et de galets qui s ’étirent à une certaine distance de la côte, en émer­
geant au-dessus de la mer parallèlement à l ’orientation générale du
rivage (Zenkovitch, 1946, 1957). Parfois, elles s’allongent sur plu­
sieurs centaines de kilomètres et atteignent 20-30 km de largeur et
des dizaines de mètres de hauteur. Dans le golfe du Mexique, une
barre s ’étire sur 1 800 km. Souvent, ces cordons séparent du bassin
principal des secteurs importants de la mer. Ces parties de haut
fond s ’appellent lagunes. Une lagune peut être également enfermée
par une flèche (fig. 147). Les barres et les lagunes donnent aux côtes
un aspect très particulier, c’est pourquoi on les rassemble sous le
terme de côtes à lagunes. Ces côtes constituent environ 13 % de la
longueur totale du littoral des mers du globe (Géologie marine, 1960).
Un des problèmes importants de l ’évolution des côtes de ce type
est celui de la formation des barres. D’après V. Zenkovitch, le rôle
principal revient ici au transport transversal des dépôts de fond
dans le sens du rivage. Les conditions nécessaires à la formation des
barres sont : une faible pente du talus sous-marin ne dépassant pas
0,005, une réserve suffisante de matériaux meubles et des condi­
tions hydrodynamiques correspondantes (degré d ’intensité et nature
des vagues d ’agitation). Les dépôts composant les barres témoignent
de leur origine marine. Souvent, ils contiennent des coquillages
marins actuels et leurs matériaux détritiques sont étrangers aux
roches du rivage.
Les variations du niveau de l ’écorce terrestre exercent une
action sur le processus de formation des barres et des lagunes du
littoral. La plupart des barres actuelles (d’après V. Zenkovitch)
se trouvent dans des zones subissant ou ayant subi une submersion
où l ’épaisseur des dépôts est grande et permet d ’enfermer des lagu­
nes très larges. Mais on en trouve aussi sur des côtes exondées ou
qui sont en état d ’émersion.
Parfois, les barres se compliquent et peuvent être à la fois ali­
mentées par la mer et par la lagune.
O. Léontiev, qui a étudié les barres de la Caspienne du Nord,
a remarqué que ces formations sont accompagnées de ruptures de
pente du fond marin, qui réduisent l ’énergie de la vague et provo­
quent en conséquence l ’accumulation sous-marine de débris, ébauche
de la barre future.

§ 12. Sédiments des différentes zones de la mer


Formation des dépôts. Du fait de la décomposition des roches
il s ’accumule à la surface des continents des débris de diverses
grosseurs, des gros blocs aux grains de sable et aux particules argi-
287
leuses très fines. Une partie de ces matériaux reste sur place, alors
que l ’autre, la plus importante, est évacuée à de grandes distances
et se dépose sous forme de sédiments si les conditions le permettent.
L ’aboutissement des débris évacués des continents est en général
un bassin marin. Les agents mobiles assurant d ’habitude le trans­
port des matériaux sont Veau, la glace et le vent. Le rôle des eaux
courantes est particulièrement important, notamment celui des
fleuves qui apportent dans les mers des masses énormes de débris
et des substances en solution provenant aussi bien de l ’altération
des roches en place que de l ’interaction des eaux fluviales avec les
terrains des chenaux d ’écoulement. Le volume et la diversité des
matériaux transportés par les fleuves dépendent de la puissance
et de la permanence des cours d ’eau et surtout du fait qu’ils pro­
viennent de très grandes aires de drainage. Les débris apportés par
les fleuves, les glaces et les vents dans les mers, ainsi que ceux dus
à l ’abrasion marine se meuvent et se déposent dans les bassins
marins ou lacustres.
Le phénomène de la sédimentation marine est très compliqué.
Les matériaux qui se déposent dans les bassins marins forment les
sédiments terrigènes ou détritiques. Certains corps composés se pré­
cipitent à partir de l ’eau et constituent les sédiments chimiques;
enfin, au fond de la mer s ’accumulent des sédiments organiques
(organogènes) qui sont les restes d ’organismes ayant vécu dans les
bassins. Après la mort des animaux, les parties consistantes du sque­
lette, composées le plus souvent de carbonate de calcium ou de
silice, se déposent sous forme de boues organogènes. Un rôle capital
revient dans la sédimentation au plancton et au benthos.
La proportion de sédiments détritiques, chimiques et orga­
niques varie suivant les zones et dépend de plusieurs facteurs
dont :
1) la proximité du rivage et la structure de celui-ci ;
2) la profondeur du bassin, la nature des mouvements de l ’eau,
la salinité et la température déterminant les conditions de vie des
organismes ;
3) l ’existence de fleuves se jetant dans le bassin et l ’intensité de
l ’apport de matériaux;
4) les mouvements de l ’écorce terrestre.
Suivant la courbe hypsograpliique les sédiments marins peuvent
être classés en plusieurs groupes :
I. Les sédiments littoraux.
II. Les sédiments de la plate-forme continentale ou néritiques
(nom venant du mollusque Nérite) et soulignant l ’habitat particu­
lier des animaux et des plantes de cette zone.
III. Les sédiments du talus continental; cette zone s ’appelle
bathyale (du grec pctxoç — profondeur).
IV. Les sédiments des parties profondes de l ’océan (cuvettes
océaniques et fosses très profondes). Cette zone s ’appelle abyssale
288
(du grec a — sans; [îix jo o ç — fond). A mesure que l ’on passe d ’une
zone à une autre, les sédiments se modifient progressivement.
Sédiments littoraux. Ils se forment dans la zone littorale recou­
verte d ’eau par les courants de flot et émergeant durant les courants
de jusant. Cette zone se distingue par des conditions particuliè­
rement variées. La largeur est inégale et dépend de la structure de
la côte : quand la pente est douce, elle peut atteindre des dizaines et
des centaines de mètres; quand la côte est abrupte et rocheuse, elle
n’a que quelques mètres.
Le régime très particulier de cette zone, sujette à des alternances
régulières de conditions de submersion et d ’émersion favorise l ’accu­
mulation de dépôts très variés. On trouve ici des gros blocs arrondis
par l ’eau marine, des galets bien roulés, des sables de grosseur
variable et des boues fines (dans les zones abritées). La vie organique
reflète aussi les conditions du milieu. Abondent surtout des orga­
nismes se fixant aux rochers ou bien des organismes perforants qui
s’abritent dans des trous pour se protéger des chocs des vagues et des
débris.
Nous avons déjà dit que sur les plages de sable à pente douce il
se forme lors des fortes agitations de petites barres ou rides de plage
qui sont des accumulations de sable et de galets édifiées dans la
zone de hauteurs maximales des vagues, au moment où leur crête
se recourbe et déferle sur le rivage en donnant une vague de transla­
tion. L’eau est alors aspirée par les sables de la plage et une partie
des débris (sables et galets) charriés par la marée est déposée à la
limite supérieure atteinte par les vagues sur la plage.
Si les vents sont violents, plusieurs rides ou cordons peuvent
se former, le plus avancé correspondant aux plus hautes vagues,
c’est-à-dire aux tempêtes les plus violentes.
La hauteur des rides de plage est très variable. Ainsi, pour la mer
du Nord elle est de 1-2 à 5 m et pour l ’Atlantique, de 10-12 m. Les
rides de plage sont parfois constituées, en plus des sables et des
galets, d ’accumulations de coquillages brisés (mer d ’Azov, mer du
Nord) projetés sur la plage qui donnent par la suite des calcaires
à coquilles. On y trouve aussi des amas d ’algues, des morceaux de
bois, des troncs d ’arbres perforés par des Mollusques. A la surface
des formations sableuses du littoral les vagues déferlantes creusent
des rigoles parallèles appelées rill-marks. Parfois, ces marques de
vagues se conservent à la surface des grès à l ’état fossilisé et témoi­
gnent alors des conditions dans lesquelles ces dépôts se sont formés
(fig. 148).
Sur les côtes plates et dans les baies calmes il se forme des boues
ou des vases argileuses, sableuses ou même calcaires (près des côtes
calcaires). Dans les régions tropicales, sur les côtes plates et argi­
leuses il se constitue de vastes zones marécageuses habitées par une
flore originale adaptée à la vie dans un milieu périodiquement
immergé (mangrove).
19-927 289
Les sédiments littoraux se caractérisent, en plus de leur grande
diversité, par une variabilité très grande des dépôts sur des distances
relativement faibles.

Fig. 148. Rill ou Ripple-marks fossilisés dans des grès

Sédiments néritiques. La zone du bassin marin correspondant


à la plate-forme continentale est caractérisée par des agitations
très fortes (conditionnant le transport d ’une grande quantité de dé­
bris et exerçant une influence sur la vie organique de la zone) et par
la richesse et la diversité des organismes, surtout jusqu’à 100 m
de profondeur, là où il y a encore suffisamment de lumière et où
toute la masse d ’eau est encore réchauffée (fig. 149). C’est la zone
où s ’accumulent les dépôts de divers types (terrigènes, organiques
et chimiques).
Ces dernières années, N. Strakhov puis P. Bezroukov et A. Lissi-
tsyne ont établi une classification des dépôts terrigènes ou détriti­
ques d ’après leur composition (tableau 11). Les formations aleuro-
tiques (farines) y occupent une position intermédiaire entre les
dépôts de sable et d ’argile.
Le matériel détritique est réparti dans les bassins marins suivant
certaines règles. La partie de la plale-forine continentale voisine
du continent est recouverte des dépôts les plus gros, surtout par des
sables dont le grain diminue à mesure que la profondeur augmente.
Près des rivages, la granulométrie des dépôts augmente et passe
petit à petit aux dépôts littoraux. Dans la partie marginale de la
plate-forme continentale, les boues de sables impalpables sont rem­
placées progressivement par les boues de limons argileux à grains
plus fins de la zone du talus continental. La largeur de la bande
290
sableuse dépend de la plate-forme continentale. Là où celle-ci est
étroite et fortement inclinée vers la mer, la bande de sable est réduite
et les boues se déposent près de la côte. Lorsque la plate-forme
continentale est en pente douce, la bande de sable est beaucoup
Tableau 11

T aille des grains


Catégorie Nomenclature dominants

Gros blocs peu usés > 1 0 0 0

gros 1000-500
Blocs émoussés moyens 500-250
petits 225-100
Gros débris (pséphites, du gros 100-50
grec $T]<poC — petite pier- Galets moyens 50-25
re) petits 25-10
g ro s 10-5
Gravier moyen 5-2,5
fins 2,5-1
gros 1-0,5
Dépôts sableux (psammites, Sables moyens 0,5-0,25
du grec — sable) 0,25-0,1
fins
Dépôts aleurotiques (aleuro- Boues de sables impalpables 0,1-0,05
lites, du grec aXevcrov — Boues de limons argileux 0,05-0,01
farine) Boues semi-plastiques < 0,01 « 7 0 % )
Dépôts argileux (pélites, du Argiles < 0,01 (>70%)
grec JteXiTop — argile)

plus large. La limite entre la zone des sables et celle des boues s'éta­
blit à différentes profondeurs suivant l ’hydrodynamique de tel ou
tel bassin. Pour les mers intercontinentales (Noire, Caspienne) elle
se situe à 25-50 m. A des moindres profondeurs, les agitations des
vagues atteignent le fond, produisent des troubles et mettent en
suspension des matériaux fins. Dans les parties plus profondes du
bassin où les mouvements d ’eau sont atténués dans les couches
contiguës au fond, ces troubles commencent à se déposer. Dans
les océans la limite entre ces zones se situe à 100-150 m de pro­
fondeur.
La disposition indiquée des sédiments de sable et de boue sur
la plate-forme continentale n ’est qu’approximative. En réalité,
tout est bien plus complexe. La bande sableuse comporte des taches
de boues grossières ou plus fines, et même d ’argiles, alors que dans
la zone d ’extension des boues on voit apparaître des taches et même
des bandes de sables. L ’accumulation des boues à l ’intérieur des
19* 291
bandes de sable de la plate-forme continentale correspond selon
M. Klénova et N. Strakhov à des secteurs bien définis : 1) embou­
chures des grands fleuves qui assurent un apport massif de parti­
cules fines dans la mer; 2) dépressions de la plate-forme continentale
d ’origine érosive ou tectonique; 3) baies isolées ou à demi isolées
de la mer. L’apparition au sein des boues de bandes et de taches
de sables plus grossiers est conditionnée soit par les courants marins

Fig. 149. Répartition de la vie organique dans les océans (I) et dans les bassins
à régime gazeux anormal (II) (d'après Strakhov):
A — plancton: a — zone superficielle la plus riche en organismes vivants;
b — zone inférieure pauvre; 1—4 — zone d’appauvrissement progressif à mesure
de l ’éloignement ae la côte; B — zone de la matière vivante raréfiée;
C — couche bathyale de concentration de la vie organique; D — zone d’une
déficience accrue en 0 2 ou même de la présence dans l'eau de PI2S

qui passent souvent au-dessus de la limite entre la plate-forme et


le talus, soit par l ’existence de hauts fonds dans la zone des mou­
vements puissants de l ’eau qui troublent les dépôts et entraînent
les particules fines de boues vers les zones plus profondes (fig. 150).
La plate-forme continentale est également recouverte de sédi­
ments organiques très abondants. C’est la zone où la vie organique
est la plus luxuriante. Elle abonde en organismes de fond et de
plancton. Les combinaisons chimiques dissoutes dans l ’eau servent
à la constitution des squelettes de divers organismes marins. Les
substances principales mises en action par les organismes sont le
CaC03, le Si02 et le P dont l ’importance est moindre. Dans la zone
292
de la plate-forme continentale un rôle particulièrement important
est joué par les organismes de fond qui extraient de l ’eau marine
les carbonates et forment souvent d ’épaisses accumulations au
fond des bassins. Les dépôts organogènes calcaires constitués surtout
par des calcaires lumachelliques et des récifs coralliens apparaissent
dans les secteurs où l ’apport de matériaux terrigènes est infime.
Ainsi, dans la mer Noire et la Caspienne, les zones d ’extension des
lumachelles se trouvent sur la plate-forme continentale bordant

Torrents

Fig. 150. Répartition de divers types de sédiments


dans les bassins marins:
a — cuvettes d’érosion ; b — cuvettes tectoniques; c — zo­
nes abritées; d — avancée argileuse des embouchures;
e — haut fond ; / — lagunes; 1 — sables ; 2 — boues
grossières (farines grossières) ; 3 — boues fines et très
fines (farines poudreuses) ; 4 — argiles (pélites)

des côtes plates faiblement érodées (littoral Nord-Ouest de la mer


Noire, détroit de Kertch, littoral Est de la Caspienne). Mais là où
cette plate-forme prolonge une côte rocheuse à falaises soumises à une
abrasion active, des couches épaisses de dépôts terrigènes s’accu­
mulent.
Les récifs coralliens atteignent parfois des dimensions notables
et descendent à de grandes profondeurs. Les organismes construc­
teurs de récifs sont les polypes qui constituent des colonies. Chaque
polype occupe une cellule tubulaire construite avec du calcaire
dégagé par l ’animal. En s ’associant, les coraux forment des édi­
fices curieux qui rappellent des arbres bizarrement ramifiés ou des
buissons. Dans un récif en croissance chaque génération de coraux
est remplacée par la suivante, la progression s ’effectuant en hau­
teur ou en largeur. La partie la plus vivante, en croissance, des
coraux est située face au vent (du côté du ressac), car il s ’y trouve
toujours de l ’eau marine fraîche comportant de nouvelles réserves
293
d’oxygène et de nourriture. Le niveau supérieur de la croissance
des coraux est celui des basses mers, les coraux vivants ne pouvant
pas être privés d ’eau trop longtemps. L ’évolution normale des
récifs coralliens dépend des conditions suivantes :
1) température des eaux élevée jamais inférieure à 20° et satu-,
ration en carbonates de calcium, ce qui explique que les édifices
de coraux actuels apparaissent surtout dans la zone équatoriale,
et aussi dans certaines régions où l ’élévation de la température
provient de l ’apport de chaleur par le Gulf Stream (récifs des Ber­
mudes) ;
2) faible profondeur: en moyenne de 40 à 50 m;
3) salinité normale (environ 35°/oo) et limpidité de l ’eau (d’où
l ’absence de récifs coralliens dans les eaux troubles et dessalées,
ainsi que dans les lagunes très salées) ;
4) fond rocheux.
Les récifs coralliens sont l ’œuvre de nombreux organismes
constructeurs. Outre les coraux, il y a les algues calcaires, les Bryozo­
aires, les Mollusques, les Foraminifères, organismes microscopiques
élémentaires, etc. Ils bouchent de leurs squelettes calcaires les
espaces vides du récif et le transforment en un bloc compact. Les
coraux constituent alors la charpente qui est remplie de calcaire
fourni par d’autres organismes.
D’après la forme, on peut dégager trois types de récifs coralliens :
a) les récifs frangeants ou côtiers qui sont en quelque sorte le pro­
longement immergé du rivage et dont la forme est la réplique de
ce dernier (fig. 151) ; b) les récifs-barrières qui s ’étirent le long de la
côte, mais qui sont séparés d ’elle par un chenal large parfois de
plusieurs dizaines de kilomètres. Parmi les récifs de ce genre la
Grande Barrière de la côte Nord-Est de l ’Australie est en même
temps la plus connue et la plus grandiose. Ces édifices s ’étendent
sur plus de 2 000 km et sont séparés du rivage par un chenal large
de 50 à 100 km (fig. 152). La plupart des récifs-barrières entourent
des îles en formant des récifs annulaires plus ou moins larges; du
côté au vent ils présentent fréquemment des brèches formant des
passes ; c) les atolls qui ressemblent par leur forme à des récifs-
barrières annulaires, mais s ’en distinguent par l’absence d ’île
centrale dont tient lieu une lagune (lagon) communiquant par une
passe avec le large.
Les édifices coralliens ont une épaisseur particulièrement grande
dans les récifs (barrières et les atolls). Ainsi, dans la zone de l ’archi­
pel Marshall, un forage dans un récif corallien s ’est abaissé à 1 200 m
de profondeur. Comment peut-on expliquer une telle épaisseur
puisque les organismes constructeurs de récifs ne peuvent subsister
au-dessous de 40-50 m ? Darwin a le premier émis l ’idée que ce
phénomène est dû aux mouvements de l ’écorce terrestre et que les
épais récifs coralliens se sont formés durant le lent affaissement du
fond marin. Il a en même temps décrit les diverses phases de leur
294
évolution et de leur passage d ’un type à l ’autre. Au début du cycle
apparaît un récif frangeant, entourant une île par exemple. L ’affais­
sement très lent de l ’île et la croissance du récif transforment celui-ci

Fig. 151. Récifs coralliens ou côtiers

en un récif-barrière. Un lagon se forme entre l ’île et le récif.


L’affaissement continuant, l ’île disparaît complètement sous l ’eau,
et le récif-barrière se transforme en atoll. La condition nécessaire

Fig. 152. Grande Barrière, récifs longeant la côte australienne (d’après


Steers) :
1 — récifs; 2 — dépôts des lagunes et des passes

à la formation d ’un récif épais est que la vitesse de la croissance des


coraux compense l ’affaissement du fond marin. Si ce dernier est
rapide, les coraux périssent et les récifs cessent de croître. La Grande
295
Barrière australienne s'est vraisemblablement formée dans la partie
marginale d'une côte en voie d ’affaissement.
11 existe aussi des récifs coralliens fossiles. Ils se rencontrent
dans des roches sédimentaires d ’âges différents sous la forme do
lentilles épaisses et irrégulières de calcaires récifaux disposés en
saillie au-dessus des dépôts du même âge qui s’adossent aux récifs
sous un angle de 30-50°. Les récifs coralliens ne sont pas seuls à
former des fossiles. On connaît des récifs fossiles édifiés par les
Bryozoaires, les algues et d ’autres organismes. Ces formations
anciennes peuvent s ’allonger sur quelques dizaines de mètres mais
quelquefois ils atteignent des dizaines et même des centaines de
kilomètres. L ’étude des récifs fossiles est très importante pour la
compréhension de l ’évolution d ’une région, la reconstitution des
conditions climatiques antérieures et de leurs variations dans le
temps. Mais cette étude n ’a pas qu’un intérêt théorique: les cal­
caires récifaux, étant caverneux et poreux, peuvent constituer
parfois de très bons collecteurs de pétrole.
Sédiments chimiques. Les bassins marins reçoivent constamment
divers sels minéraux en solution. Ces sels sont assimilés en partie
par les organismes animaux et végétaux, une autre partie demeurant
dissoute dans l ’eau et le reliquat étant précipité sous forme de com­
binaisons chimiques diverses. Le milieu est notamment propice
à la formation de combinaisons de fer et de manganèse. Mais les
dépôts calcaires sont les plus importants. La sédimentation du
CaC03 est fonction du niveau de saturation de l ’eau de mer en car­
bonate de calcium. Cette saturation n ’est excessive que dans les
couches superficielles des bassins des zones à climat chaud pour
lesquelles la température de l ’eau est élevée (20°). Aux hautes
latitudes et en profondeur aux basses latitudes l ’eau est sous-saturée
en CaC03, c’est pourquoi les conditions ne se prêtent pas à une
précipitation chimique qui par contre est possible dans la zone
littorale de la plate-forme continentale des mers à climat chaud.
Celles-ci n ’étant pas profondes, l ’eau est réchauffée jusqu’au fond,
la végétation abondante y absorbe énormément de C02 dont la quan­
tité devient minimale, ce qui provoque une sursaturation en CaC03
qui précipite. Le calcaire se dépose sous forme soit de petits globules
ou oolithes en constituant les calcaires oolithiques (mers Rouge,
Caspienne), soit de boue calcaire à grains fins (Floride). Ces sédi­
ments se rencontrent sur les hauts fonds contigus aux côtes plates
d ’où l ’apport terrigène est faible ou nul. Les dépôts calcaires d ’ori­
gine chimique sont moins importants que ceux d ’origine organogène
qui constituent la masse principale des sédiments calcaires dans les
bassins marins.
Le fer, le manganèse et l ’alumine sont apportés dans les mers
par les fleuves et les eaux souterraines. Les données dont on
dispose sur le fer sont les plus certaines: il est introduit dans les
mers sous forme d ’hydroxyde Fe(OH)3 et de combinaisons organi-r
296
ques ferrugineuses. Le Fe(OH)3 colloïdal est une forme instable ;
les électrolytes contenus dans l ’eau provoquent presque aussitôt
sa floculation et par suite sa précipitation. Une partie des hydro­
xydes est précipitée dans les zones de brassage des eaux douces
fluviales ou souterraines et des eaux marines, l ’autre dépasse ces
zones et se dépose au large, là où les embouchures de fleuves et les
zones de décharge des eaux souterraines n ’exercent plus leur in­
fluence. Dans les zones pélagiques, l ’accumulation des hydroxydes
ferriques est pour beaucoup favorisée par les combinaisons de fer
organogènes apportées par les fleuves. Celles-ci franchissent la zone
de brassage des eaux douces et salées et, en haute mer, elles subissent
une lente hydrolyse qui aboutit au dégagement des particules de
Fe(OH)3 s ’assemblant en flocules et se déposant au fond.
D ’après Varentsov et Mordvilko, les fleuves apportent parfois
dans les mers des quantités importantes de matière organique sous
forme de solutions vraies ou colloïdales. C’est le cas surtout des
fleuves de plaine traversant des régions humides, chaudes et tor­
rides. Dans les mers épicontinentales à demi fermées et dans les
lagunes isolées par des barres on enregistre une teneur élevée en matiè­
re organique qui se dépose progressivement au fond. C’est dans les
boues farineuses et argileuses que cette teneur en matière organique
dispersée atteint un maximum dans les bassins marins actuels.
L’examen des dépôts qui se forment sur la plate-forme conti­
nentale fait ressortir leur grande diversité. C’est la zone où les
sédiments terrigènes sont les plus abondants, ils y sont également
triés en grains de différentes grosseurs; c’est là que s ’accumulent
en couches épaisses les dépôts organogènes et que se produit la
précipitation chimique des carbonates, du fer et d’autres matières.
C’est aussi la zone de formation de barres géantes, de flèches et
d’autres formes accumulatives.
Il résulte de tout ceci que les phénomènes se déroulant dans la
zone de la plate-forme continentale se caractérisent par une activité
supérieure à celle qui s ’observe dans les autres zones des bassins
marins.
Sédiments du talus continental (dépôts batliyaux). Dans la zone
du talus continental, l ’eau est peu mobile, ce qui exclut pratiquement
le déplacement mécanique des dépôts. Ce n ’est que lorsqu’un courant
marin y passe que les matériaux déposés sont troublés et déplacés.
La plus grande partie des sédiments terrigènes est apportée de la plate­
forme continentale. L ’absence de lumière et la basse température
des couches profondes déterminent la pauvreté de la faune et rédui­
sent son rôle dans l ’accumulation des dépôts. C’est le plancton
qui joue le rôle le plus important: les organismes qui le composent
forment leur squelette en assimilant soit du calcaire, soit de la
silice, contenus dans l ’eau.
D’après M. Klénova, à ces profondeurs les dépôts varient peu
sur de grandes étendues et ils sont très homogènes. On peut y dégager
297
des sédiments terrigènes et des dépôts organiques qui se présentent
tantôt en formations pures, tantôt mixtes, en donnant des boues
terrigéno-organiques aux diverses proportions des parties compo­
santes.
Les sédiments terrigènes de la zone bathyale et des parties atte­
nantes de la zone abyssale sont surtout représentés par des boues
farino-pélitiques fines. Mais on trouve aussi des accumulations plus
grossières, d ’une extension limitée cependant.
Les boues terrigènes se distinguent, d ’après leur couleur, en boues
« rouges », « bleues » et « vertes ». Cette couleur reflète les condi­
tions du milieu dans lequel les boues se sont formées.
La boue « bleue » se rencontre sur le talus continental et au fond
des parties atténantes à la cuvette océanique. Elle descend jusqu’à
des profondeurs de l ’ordre de 5 000 m et recouvre d ’une couche
particulièrement épaisse le fond de l ’Atlantique. En général, il
s ’agit d ’un dépôt bleu foncé ou gris d ’acier dégageant une odeur
d ’hydrogène sulfuré; il est composé de grains très fins de limon et
d ’argile. La couleur bleu-gris témoigne de sa formation dans un
milieu réducteur pauvre en oxygène. L ’abondance des matières
organiques et le manque d ’oxygène aboutissent à l ’apparition de
la pyrite. Outre celle-ci on trouve des amas de sidérite, de manganèse
et de limonite, parfois des accumulations de matières organiques
(carbone). La surface de la boue « bleue » est souvent colorée en
brun par l ’oxydation des combinaisons de fer. Dans cette boue on
décèle la plupart du temps jusqu’à 30% de calcaire, surtout orga-
nogène, provenant d ’accumulations de coquillages d ’organismes
du plancton; parfois cette teneur en CaC03 s ’élève à 40-50% et la
boue est dite alors « calcaire ».
L ’extension de la boue « rouge » est beaucoup moins importante.
Sa composition est très proche de celle de la boue « bleue ». On
y retrouve les mêmes grains fins de limon et d ’argile, avec une faible
dose de grains minéraux (quartz surtout) et beaucoup de CaC03
organogène. La boue est colorée en rouge, brun ou jaune par les
oxydes de fer. Son aire d ’extension explique assez bien les condi­
tions de sa formation. Ordinairement, elle domine près des embou­
chures des grands fleuves, tels que l ’Amazone, le Yang-tséu-kiang,
le Houang-Ho qui traversent des régions où abondent les produits
de décomposition de roche de couleur rouge d ’une haute teneur en
oxydes de fer. Ces matériaux sont pris en charge par les cours d ’eau
et évacués vers les bassins marins (mer Jaune, Atlantique, etc.).
La boue « rouge » peut également s ’étaler en petites quantités
en bordure des côtes à sols rouges et où les conditions de leur éva­
cuation vers la mer sont favorables. En guise d ’exemple citons
les dépôts rouges de la partie Sud-Est de la mer Noire.
La boue et les sables « verts » apparaissent dans la zone de la
plate-forme continentale à 80-100 m de profondeur et descendent
jusqu’à 2 300 m, mais leur aire d ’extension principale est la zone
298
de transition entre la plate-forme continentale et le talus (aux
environs de 200 m et au-dessous). La boue « verte » est d ’une tex­
ture plus grossière que les boues « bleue » et « rouge » et elle est
souvent constituée de sables fins. Dans certains cas, elle contient
plus de 30% de CaC03 et devient alors calcaire. La couleur verte
est donnée par la glauconie, minéral qu’elle recèle. Les boues à
glauconie ne se forment que dans des conditions bien déterminées.
Elles s ’accumulent sur des talus abrupts de roches éruptives, où
l’apport de matériau terrigène est faible et près desquels passent
des courants puissants et froids. La confluence de courants chauds
et froids, amenant la modification du régime du bassin est particu­
lièrement favorable à leur formation (Chvétsov, 1958). Quant à la
glauconie elle se forme soit par décomposition au fond de la mer
de grains d ’alumino-silicates (spiculés, verre volcanique), soit par
suite de la précipitation du gel à partir des solutions colloïdales
apportées du continent. La présence d ’oxyde ferreux dans les glau­
conies prouve qu’elles se sont constituées dans un milieu oxygéné.
Les boues « vertes » à glauconie, comme les roches sédimentaires
anciennes, contiennent fréquemment des inclusions de nodules de
phosphate.
Boues à calcaire organogène. Outre les dépôts terrigènes déjà
décrits, une part notable dans la sédimentation du talus revient
aux boues organogènes, surtout calcaires dont la teneur en CaC03
est variable. C’est le plancton qui joue ici le rôle primordial ; ses
organismes abondent dans les couches superficielles où pénètrent
les rayons solaires. Des milliards de tests minuscules tombent de
cette zone jusqu’au fond où en s’accumulant ils constituent des
boues calcaires blanches, jaunes et parfois verdâtres. Les organis­
mes du plancton se déposent également en masse dans la zone de la
plate-forme continentale; mais comme cette zone est essentiellement
une aire d ’accumulation terrigène et benthique ils n ’y forment le
plus souvent que des apports d ’appoint. Leur participation s’accroît
à mesure que la profondeur augmente et que l ’apport terrigène
diminue.
Les sédiments calcaires organogènes sont constitués ordinaire­
ment par des Foraminifères, des Ptéropodes et des Coccolithofori-
dées, algues calcaires microscopiques; c’est d ’après ces organismes
qu’on distingue les types de boues marines.
La boue à Foraminifères est constituée dans sa masse par d’amas
de coques calcaires de Foraminifères (fig. 153) mélangées à de nota­
bles quantités de matériaux détritiques dont les grains atteignent
0,1 mm de diamètre. La présence de ces derniers témoigne de la
proximité de la côte et de son influence sur la sédimentation. Dans
ces boues on rencontre par endroits une grande quantité de Ptéro­
podes et de Coccolithes (lamelles des algues calcaires). Extérieure­
ment, les boues à Foraminifères se présentent sous forme de dépôts
meubles de couleur blanche, jaune ou verdâtre. Un exemple nous
299
est donné par les sédiments du golfe du Mexique constitués de craie
presque pure où la teneur en CaC03 atteint 82-90%.
La teneur en CaC03 des dépôts identiques de la Méditerranée
est inférieure (moins de 60%); ils sont aussi composés surtout de
Foraminifères, ainsi que de Ptéropodes et de Coccolithophoridées.
Dans la zone du talus continental les boues calcaires constituent
souvent une variante faciale des boues « bleues » terrigènes.
La boue à Ptéropodes est composée dans sa majeure partie de
fines coquilles en aragonite de mollusques flottants, connus sous le

Fig. 153. Boue à Foraminifères

nom de Ptéropodes. On y trouve aussi beaucoup de Foraminifères,


d ’algues calcaires et de débris minéraux. Ce type de boue apparaît
principalement dans les océans des tropiques, à des profondeurs allant
jusqu’à 3 000 m.
Sédiments de la cuvette océanique (zone abyssale). Dans cette
région, la plus éloignée du rivage, l ’apport du matériau terrigène
est insignifiant; le rôle des dépôts organogènes devient donc pri­
mordial. Parmi ces formations on distingue les boues calcaires à
Globigérines et les boues siliceuses, à Radiolaires et à Diatomées,
dénommées ainsi d ’après les organismes du plancton qui y dominent.
La boue à Globigérines est composée surtout de petits tests et
de débris de Foraminifères appartenant à la famille des Globigérines
(fig. 154). Celles-ci abondent surtout dans les zones tropicales et
tempérées des océans, ce qui explique la grande extension des boues
à Globigérines. Les coques en calcaire très fragiles des Globigérines
sont facilement attaquées par l ’eau de mer. Leur destruction peut
s’effectuer de deux manières : par dissolution à de grandes profon­
deurs sous une pression élevée et une température basse ou par
300
décomposition des coques en cristaux élémentaires. C’est là l ’expli­
cation probable de l ’extension limitée de cette boue en profondeur
(jusqu’à 3 500-4 000 m). Peu de coques parviennent à 5 000 et
moins encore à 0 000 m. Extérieurement, ce sédiment meuble est le
plus souvent de couleur bleue, rose ou jaune et a l ’aspect de la craie.
Il s’y mélange également d ’autres organismes dont la proportion
peut atteindre 10% et des argiles
fines dont la teneur varie de 2 à
30%. Les boues abyssales à Globi-
gérines passent graduellement à des
boues à Fora min ifères de dépôts

Fig. 151. A — Doue à Globigérines ; JJ — Globigérine (très grossie)

bathyaux et ne s ’en distinguent que par l ’absence de débris


grossiers. Les grains minéraux qu’elles renferment ne dépassent
pas 0,01 mm de diamètre.
La boue à Diatomées est composée dans sa grande masse de coques
siliceuses d ’algues de Diatomées. Les conditions les plus propices
à la vie des Diatomées sont réunies dans les couches superficielles
que les rayons solaires atteignent. A la différence des Globigérines
qui prolifèrent surtout dans les eaux chaudes, les Diatomées abon­
dent dans les mers froides, surtout autour de l ’Antarctique et à
l’Extrême-Nord du Pacifique. Elles se multiplent très rapidement.
Ainsi, pour préserver le port de Wismar (mer du Nord) de l ’invasion
des Diatomées, on en extrait chaque année près de 550 m3. Ces
organismes microscopiques construisent leur coque avec de la silice
qu’ils obtiennent soit à partir de l ’eau, même si sa teneur y est
infime, soit en extrayant le Si02 des alumino-silicates lors de la
décomposition de leurs particules. Dans les zones d ’extension des Dia­
tomées, de grandes quantités d ’argiles sont apportées dans les océans
par les icebergs. Ces argiles restent longtemps en suspension dans
les mers septentrionales froides et les algues peuvent les décomposer
301
Une boue à Diatomées est ordinairement un dépôt meuble,
de couleur jaune. Outre les Diatomées, elle comporte certaines
espèces de Foraminifères qui peuvent vivre dans l ’eau froide et du
matériau terrigène apporté par les icebergs.
Les boues à Diatomées abondent à des profondeurs de 1 000
à 4 000 m et forment deux bandes s ’étirant l ’une suivant 60°
de latitude Sud environ, et l ’autre dans la partie septentrionale
du Pacifique; elles se rencontrent parfois dans l ’Atlantique.
La boue à Radiolaires est la boue organogène des plus grandes
profondeurs (4 000-8 000 m). Elle est composée surtout de débris
siliciques de Radiolaires (plus de 50%), ainsi que de Diatomées,
de spiculés d ’Eponges et de boue rouge des grands fonds dont la
boue à Radiolaires est une des variantes. On la trouve surtout dans
les zones tropicales du Pacifique et de l ’océan Indien dont les eaux
chaudes sont particulièrement favorables à la multiplication des
Radiolaires, les grandes profondeurs entravant le développement
des organismes calcaires du plancton.
L'argile rouge des fonds océaniques couvre de vastes étendues
au-delà des zones d ’accumulation massive du plancton. Elle appa­
raît à des profondeurs de 3 500 à 8 000 m dans les parties de l ’océan
les plus éloignées des côtes. Ses propriétés et son aspect sont ceux
d ’une argile ordinaire de couleur brune ou rouge brique due aux
oxydes de fer et de manganèse qu’elle contient. On considérait
encore récemment que les matériaux terrigènes ne pouvaient pas être
transportés jusqu’aux zones lointaines de l ’océan; aussi croyait-
on que l ’argile rouge des fonds océaniques provenait de la désagré­
gation des roches en place, de la décomposition des terrains éruptifs.
L ’étude des dépôts océaniques réalisée sur une vaste échelle
par l ’Institut d ’Océanographie de l ’Académie des Sciences de
l ’U.R.S.S. dans diverses zones de l ’Océan Mondial a cependant
montré que cette argile est un dépôt polygénique complexe. Elle
est constituée de : 1) débris insolubles de Foraminifères dont les
parties calcaires des squelettes se dissolvent sous l ’action de pres­
sions élevées et ne descendent pas à de grandes profondeurs ; 2) parti­
cules colloïdales très fines (argile et autres substances) apportées par
les fleuves et entraînées par les courants jusqu’à des zones éloignées
des côtes ; 3) poussière éolienne ; 4) particules détritiques apportées
par les icebergs; 5) produits d ’éjection des volcans (sous-marins ou
non) ; 6) inclusions minérales en forme de petites boules (0,2 mm
de diamètre) de fer nickelifère (composante principale des météorites
ferreuses) qui sont des poussières météoriques ; 7) dépôts organogènes
insolubles: dents de squales, osselets d ’oreille des baleines, etc.
Le grand nombre de ces inclusions organogènes dans l ’argile rouge
(jusqu’à 100 dents par carotte retirée), et des boules de poussière
météorique (20 à 30 par carotte), alors qu’elles sont rares (2 à 3 par
carotte) dans les boues examinées précédemment, témoigne d ’une
très grande durée d ’accumulation. Un autre argument à l ’appui
302
de cette longue durée d'accumulation nous est fourni par le fait
que certaines dents extraites de carottes peu épaisses (jusqu'à
40 cm) appartiennent à des poissons fossiles ayant vécu il y a des
millions d ’années. La composition de l ’argile rouge varie suivant
la profondeur et l ’endroit.
Tels sont les divers types de sédiments marins. Sur la base de
nombreuses années d ’étude et de synthèse de toutes les données
nouvelles, l ’Institut d ’Océanographie de l ’Académie des Sciences
de l ’U.R.S.S. a dressé une carte de la répartition des dépôts dans
l ’Océan Mondial (fig. 155).
Comme on le voit, les dépôts terrigènes occupent une place pré­
pondérante dans l ’océan Glacial Arctique. Dans les cuvettes océa­
niques, ils sont représentés par des boues argileuses très fines, alors
qu’à la surface de la dorsale Lomonossov et sur la plate-forme
continentale, ils sont constitués de sables et de boues farineuses
grossières (la texture plus grossière des dépôts de la dorsale Lomo­
nossov est due à des courants de fond). L ’océan Glacial Arctique est
caractérisé par la présence constante sur son fond de gros matériaux
détritiques sous forme de gravier, de galets et de blocs mal roulés
apportés par les glaces (N. Bélov, N. Lapina). Les dépôts terrigènes
bordent la partie orientale de l ’Amérique du Nord et le Groen­
land, d ’où ils s ’étendent vers les côtes de Scandinavie et de Grande-
Bretagne. Ils abondent au Nord et au Nord-Est du Pacifique, cou­
vrent une partie importante du fond de presque toutes les mers bordiè-
res et continentales et entourent l ’Antarctide d ’une large bande
d ’en moyenne 500-750 km (1 400 km au maximum). Dans ce dernier
cas, le transport des matériaux détritiques est assuré surtout par
les glaces qui descendent de l ’Antarctide et par les icebergs. On
y trouve tous les types de dépôts, des blocs et des graviers jusqu’aux
boues farineuses et argileuses.
Les dépôts apportés par les icebergs abondent non seulement
dans les zones de la plate-forme continentale et du talus continental
de l ’Antarctide, mais aussi sur le fond des parties méridionales des
océans. Plus on s ’éloigne du continent, moins le rôle des matériaux
terrigènes devient important.
Ainsi, dans la partie Sud du Pacifique et de l ’océan Indien,
à mesure que l ’on s ’écarte des côtes de l ’Antarctide les dépôts
terrigènes sont peu à peu remplacés par des boues argileuses à Diato­
mées, elles-mêmes supplantées ensuite par des dépôts à Diatomées
(avec une teneur en Si02 allant jusqu’à 60%). La large ceinture, pres­
que continue, de ces derniers, borde les dépôts apportés par les glaces
et les icebergs. Vers l ’équateur, les boues à Diatomées privées ou
presque de carbonates voient leur teneur en CaC03 augmenter assez
vite et passent petit à petit aux dépôts organogènes carbonates.
La deuxième région des boues à Diatomées est celle du Nord
de l ’océan Pacifique où elles s ’étirent à travers la mer d ’Okhotsk
dans la direction de l ’Amérique en constituant une bande relative-
303
ment étroite qui s ’arrête à l ’extrémité Nord de la ride sous-marine
des îles Hawaii. D ’après P. Bezroukov, la teneur en silice amorphe
des boues à Diatomées est variable. Elle est plus grande dans les
dépôts des mers d ’Okhotsk et de Béring (30-40%, parfois 56%), que
dans ceux du Nord-Ouest du Pacifique.
Les vastes étendues des cuvettes océaniques sont tapissées par
deux types principaux de dépôts (fig. 155) : les dépôts calcaires à
Foraminifères surtout et l ’argile rouge des fonds océaniques qui
fait place en certains endroits de la zone subéquatoriale à des boues
siliceuses à Radiolaires formant des taches isolées relativement peti­
tes sous 10° de latitude Sud (dans l ’océan Indien) et s ’étirant en bande
sous 10° de latitude Nord.
La boue à Ptéropodes forme de petites bandes ou des taches isolées
dans la partie centrale de l ’Atlantique entre l ’Amérique du Sud
et l ’Afrique, dans sa partie occidentale (près des Antilles),
dans la mer Rouge et d ’autres régions de la zone subéqua­
toriale.
Les dépôts récifaux correspondent à la zone subéquatoriale du
Pacifique (entre 20-30° de latitude Nord et 20-30° de latitude Sud)
et à l ’océan Indien.
Les sédiments h glauconie, comportant par endroits des phospho-
rites, s ’étendent le long des côtes de l ’Amérique du Nord et du Sud,
de l ’Afrique occidentale et méridionale, de l ’Australie, de la Nou­
velle-Zélande.
Tous les sédiments océaniques se distinguent par la présence
de matériaux pyroclastiques, de produits de fragmentation de roches
éruptives.
Telle est la distribution générale dans l ’Océan Mondial des
sédiments terrigènes, organiques, chimiques et volcaniques. La
carte montre que l ’accumulation des dépôts obéit à certaines règles.
Le processus de sédimentation est étroitement lié à: 1) la différen­
ciation en zones climatiques suivant la latitude qui détermine à mesu­
re qu’on s ’approche de l ’équateur le remplacement des boues sili­
ceuses des zones polaires et circumpolaires par des boues calcaires ;
2) la zonalité verticale qui conditionne les modifications dans les
dépôts avec la profondeur; 3) l ’éloignement du continent; 4) l ’exis­
tence de chaînes de montagnes et d ’édifices volcaniques émergés
ou immergés.

§ 13. Processus de sédimentation dans les lagunes


Dans les lagunes coupées de la mer par des barres ou des flèches
l ’accumulation des dépôts présente des traits particuliers. En guise
d ’exemple on peut citer les formations actuelles des lagunes de Si-
vach, de Kara-Bogaz-Gol, du Kourski Zaliv, etc.
Le Sivach ou « mer Putride » se trouve à l’Ouest de la mer d ’Azov
dont elle est séparée sur une grande distance par la flèche Arabatskaîa.
304
f8 0 ° <50° 120° 90° 60° 30° 0° 30* 60° 30° 120° 150° 160° 150° 120° 90e

180° 15 0 * 120° 90° 60° 30° 0° 30° 60° 90° 120° 150* 180° 150° 120° 90°

1300 0 1300 30 0 0 4600 6000 7 5 0 0 lun

US? H »
Fig. 155. Carte montrant les divers types de sédimentation de l’Océan Mondial (établie par P. Bezroukov, A. Lissitsync
V. Pétéline et N. Skoraiakova). I. Dépôts terrigènes: 1 — dépôts terrigènes (graviers et galets, sables, farines, pélites)
2 — dépôts terrigènes apportés par les icebergs (graviers et galets, sables, farines, pélites). II. Dépôts organogène*
a) c a r b o n a té s (>30% de CaC03) : 3 — Foraminifères (sables, farines, pélites); 4 — Récifaux (blocs, gravier et galetj
sables, farines); 5 — Ptéropodes (gravier, sables, farines); b) s i l i c e u x e t s i l i c o - a r g i l e u x (>10% de Si02; 6 — Radiolaire
(farines, pélites); 7 — Diatomées (farines, pélites). III. Dépôts polygènes: 8 — argiles rouges des fonds océaniques
IV. Désignations supplémentaires: 9 — volcans actifs; 10 — matériaux détritiques disséminés par les icebergs
11 — matériaux disséminés par les volcans; 12 — matériaux disséminés par les glaciers; 13 — concrétions de mangs
nése; 1 4 — concrétions phosphatées; 15 — glauconie ; 16 — limite de l ’extension des organismes constructeurs d
récifs e t d es m an groves
Cette lagune n ’a que 0,6-0,8 m de profondeur (par endroits un peu
plus) et elle ne communique avec la mer que par une passe étroite.
Une évaporation intense élève la salinité dans sa partie méridionale
jusqu’à 120 ou 160 °/0o et plus, alors qu’au débouché de la passe
s’ouvrant dans la mer elle est normale. Deux types de sédiments
dominent dans le Sivach. Les dépôts de sable contenant des coquilles
se disposent en une bande étroite, le long du rivage. Presque tout
le reste de la lagune est recouvert de boues enrichies par les débris
organogènes locaux ou venant de la mer d ’Azov. Au printemps,
des algues filamenteuses se développent en grande quantité dans
la partie septentrionale du Sivach et, une fois mortes, elles commen­
cent à se putréfier au fond de la lagune. C’est la zone des sulfobacté-
ries et des grands dégagements d ’hydrogène sulfuré. D’où l ’appa­
rition dans certains secteurs d ’une couche épaisse de boue noire très
fine, huileuse et visqueuse.
Le Kourski Zaliv ou Kurisches Haff est une lagune à eau douce
qui se trouve sur la côte méridionale de la mer Baltique, à l ’embou­
chure du Niémen. Sa profondeur ne dépasse pas 15 m. Les sédiments
dominants y sont des sables qui recouvrent environ 51% de sa sur­
face. La partie restante est tapissée de diverses boues. La matière
organique constitue un élément important dans la composition des
boues fines. Le Kourski Zaliv est également très riche en coques
d ’Ostracodes et de Mollusques, d ’où la teneur élevée de l ’eau en
CaC03 (15-25%, parfois plus).
Le Kara-Bogaz-Gol est le meilleur exemple de lagune saline ;
il communique avec la Caspienne par une passe étroite. Les eaux
de cette mer, en pénétrant dans le Kara-Bogaz-Gol, s ’échauffent
fortement et, sous le climat torride et sec, s ’évaporent intensément.
C’est pourquoi la salinité du Kara-Bogaz-Gol est plus de 20 fois
supérieure à celle de la Caspienne. Pendant la longue période d ’hiver,
il se produit dans le Kara-Bogaz-Gol une précipitation de mirabilite
dont la plus grande partie se dissout en été. La modification des
conditions d ’alimentation de la lagune et de la concentration de sa
solution provoque la précipitation d ’autres sels. Ainsi, en 1930,
s ’amorça un dégagement d ’halite (NaCl) simultanément à celui de
la mirabilite; ce phénomène était dû à l ’abaissement du niveau
de la Caspienne et à l ’élévation qui en résulta de la concentration
des sels. D’après A. Ivanov, le Kara-Bogaz-Gol a connu trois périodes
de hausse de concentration. Des forages ont décelé sous le placage
des sels actuel une couche de boue calcairo-gypseuse. Les dépôts
sous-jacents sont représentés par une couche saline moyenne consti­
tuée de sel gemme et de glaubérite sous laquelle se trouvent de nou­
veau des boues qui recouvrent la couche saline inférieure de sel
gemme, de mirabilite, de glaubérite et d ’astrakhanite. L ’eau venant
de la Caspienne apporte dans le Kara-Bogaz beaucoup de plancton
qui en périssant s ’accumule dans la boue noire d ’où se dégage en
grande quantité de l ’hydrogène sulfuré.
20—927 305
Les dépôts lagunaires présentent un grand intérêt pratique.
Il s ’y forme divers sels qu’on utilise dans l ’industrie. En outre, la
concentration des micro-organismes enrichit ces lagunes en albumi­
nes et en lipides qui se transforment en bitumes, témoignant ainsi
de l ’éventualité de la formation du pétrole au sein des lagunes.

§ 14. Diagenèse des dépôts marins


Les processus de sédimentation actuels dans les bassins marins
ne sont pas seulement intéressants par eux-mêmes, mais aussi par
les renseignements qu’ils nous fournissent sur le déroulement des
phénomènes semblables dans le passé. Les roches sédimentaires
composant la partie externe de l ’écorce terrestre sont formées surtout
de dépôts d ’anciennes mers ayant subi des modifications notables.
Les boues déposées dans les bassins marins sont toujours des for­
mations meubles. Leur transformation en roches consolidées (lapi­
dification) résulte d ’une évolution longue et complexe du dépôt
qui peut durer des dizaines et même des centaines de milliers d ’années.
C’est cette transformation des dépôts marins en roches sédimentaires
qu’on appelle diagenèse (du grec ôiayeveaiç — régénérer). D ’après
N. Strakhov, les modifications subies par les dépôts marins ont pour
cause de nombreux facteurs dont : 1) dissolution et évacuation du
dépôt des minéraux peu stables ; 2) apparition de minéraux nouveaux
correspondant au nouveau milieu physico-chimique; 3) substitution
de certaines substances (métasomatose) et formation de concrétions;
4) recristallisation et cimentation.
Le degré des modifications subies par les dépôts marins durant
la diagenèse est fonction de leur composition minéralogique, de leur
homogénéité, de la grosseur des grains qui le composent, etc. Les
sédiments les moins touchés sont les dépôts constitués de grains de
quartz homogènes ; au cours de la diagenèse ils ne sont que con­
solidés par tassement ou cimentation sans qu’apparaissent des
changements notables de leur composition minérale. Il en est tout
autrement des boues calcaires homogènes qui sont le siège d ’une
dissolution partielle de CaC0 3 et d ’une recristallisation rapide:
les grains fins initiaux sont remplacés par des cristaux plus gros.
Mais les pins grandes modifications sont subies par les boues marines
composées d ’un mélange hétérogène de débris détritiques, de subs­
tances chimiques précipitées et de débris d ’organismes morts.
Une interaction chimique s ’amorce aussitôt entre les divers consti­
tuants du dépôt initial et l ’eau qui l ’imbibe dès son accumulation.
11 en résulte la formation de nouveaux minéraux et la dissolution
et l ’évacuation des minéraux devenus instables dans les conditions
nouvelles. C’est ainsi que les particules calcaires du dépôt sont
dissoutes par l ’excès d ’acide carbonique dans les eaux de fond. Dans
la phase initiale de la diagenèse les transformations subies par les
couches supérieures des boues présentent une certaine uniformité
:joti
résultant d ’une humectation très poussée (plus de 60% pour les
boues fines), de la présence massive de bactéries diverses et de
l’existence d ’un milieu oxydant ou neutre. L ’humidité très élevée
joue un rôle primordial dans le phénomène de métasomatose. Elle
conditionne les déplacements des matières par diffusion dans les
sens vertical et horizontal, contribuant ainsi à la formation de nou­
veaux minéraux (N. Strakliov, 1954).
Les Bactéries qui prolifèrent dans les boues participent active­
ment à la diagenèse. Elles provoquent une transformation profonde
des matières organiques du dépôt. En décomposant les hydrocarbures
et les combinaisons organiques, les bactéries créent de nouveaux
réactifs et modifient ainsi les conditions chimiques du milieu. Dans
certains cas, elles assurent l ’oxydation de quelques combinaisons
protoxydes, dans d ’autres elles transforment les oxydes en proto­
xydes.
La nature et la quantité de la matière organique contenue dan9
le sédiment exercent une grande influence sur l ’orientation de la
diagenèse. Une grande accumulation de matières organiques dans
le dépôt entraîne une déficience en oxygène ainsi que l ’élaboration
d ’anhydride et d ’hydrogène sulfuré, c’est-à-dire qu’elle contribue
à créer les conditions d ’un milieu réducteur.
Dans le processus d ’élaboration et de substitution de nouveaux
minéraux un rôle important revient au degré d ’acidité du dépôt et
à sa teneur en oxygène libre. L ’apparition d ’oxygène est déterminée
à son tour par plusieurs facteurs dont:
1) l ’intensité de la circulation verticale de l ’eau dans les bassins
marins ;
2) la teneur en matière organique ;
3) la composition granulométrique du dépôt.
Les variations de la teneur en oxygène se répercutent surtout
sur les combinaisons de fer qui, à mesure que l ’acidité du dépôt
se modifie, engendrent divers minéraux. Si le milieu est oxydant,
les oxydes de fer (Fe20 3-rcH20) apparaissent; si l ’effet oxydant
s ’affaiblit, il se forme de la glauconie; en milieu neutre ou
faiblement réducteur sont élaborées les sidérites (FeC03), et en
milieu réducteur s’établissant dans des dépôts riches en matière
organique, ce sont des sulfures de fer.
Le contenu du dépôt en oxygène dépend non seulement de sa
teneur en matière organique mais aussi de sa granulométrie. Dans
la zone littorale où dominent les sables très perméables à porosité
élevée dont la teneur en matières organiques est infime, se créent
les conditions d ’un milieu oxydant qui s’observent également
dans les parties profondes du dépôt. Parmi les formations nouvelles
on ne trouve ici que des hydroxydes de fer et de manganèse qui
constituent des éléments indépendants ou des pellicules brunes
enveloppant les grains de sable. Au large, là où la mer est.plus pro­
fonde et où abondent les boues fines riches en matière organique
20* :307
et en Bactéries, un milieu oxydant ou neutre n'existe que dans la
couche superficielle du dépôt de 10 à 15 cm, la couche sous-jacente
constituant un milieu réducteur. Cette zone superficielle d ’oxy­
dation contient des concrétions brunes d ’hydroxydes de fer et
des amas brun-noir et noirs d ’oxydes de manganèse. Quant au
milieu réducteur, il est le siège de la formation de protoxydes.
Certains secteurs des bassins marins ne comportent pas de zone
d ’oxydation.
La diagenèse, amenant la substitution de certains minéraux par
d'autres, peut être également provoquée par des modifications du
milieu. C’est le cas qui se présente lors d ’une nouvelle accumulation
de dépôts. Le milieu des sédiments antérieurs d ’oxydant devient
réducteur du fait de sa couverture par de nouveaux dépôts. L ’anhy­
dride et l ’hydrogène sulfuré de ce nouveau milieu transforment en
protoxydes les oxydes de fer, de manganèse et d ’autres éléments.
Les protoxydes, plus mobiles, passent dans les couches supérieures
où, en s ’oxydant, ils peuvent de nouveau former des minéraux
stables dans un milieu oxydant ou neutre.
L ’interaction prolongée des particules hétérogènes entre elles
et avec le milieu, ainsi que l ’augmentation continuelle de la pres­
sion aboutissent au tassement et à la consolidation du dépôt. Sous
ce rapport un rôle de premier plan revient à la recristallisation et
à la cimentation.
La recristallisation est particulièrement active dans les boues
d ’origine organogène ou chimique, en premier lieu dans les dépôts
carbonatés et siliceux et d ’une moindre façon dans les dépôts argi­
leux. La recristallisation est d ’autant plus active que les sédiments
sont plus homogènes, leur texture plus fine et la solubilité des
minéraux qu’ils contiennent plus grande. Les récifs coralliens peuvent
servir l ’exemple d ’une recristallisation rapide qui transforme une
masse organique en un calcaire cristallisé.
La consolidation des1roches détritiques se réalise surtout par
cimentation. Les matières liantes ou ciment peuvent se former par
diverses voies. Elles peuvent être de nature syngénétique, autrement
dit s ’accumuler en même temps que le dépôt, ou épigénétique et se
former durant les modifications ultérieures du dépôt. Ordinaire­
ment, le rôle de ciment primaire est rempli par l ’acide silicique.
Parmi les combinaisons nouvelles apparaissant durant la diagenèse
et cimentant les particules détritiques, on peut citer les oxydes de
fer, les carbonates et les diverses variantes de la silice (opale, cal­
cédoine). La nature de la matière qui cimente est souvent reflétée
par la dénomination de la roche : grès à ciment ferrugineux, calcaire,
etc. C’est ainsi que les dépôts meubles de mer, après de longues
modifications, se transforment en roches consolidées. Suivant la
répartition de la matière liante, cette consolidation peut englober
soit toute l ’épaisseur du sédiment, soit seulement certaines de ses
parties.
308
Durant la diagenèse, on voit se former diverses concrétions. Ce
sont des agrégats ou des nodules de forme, de structure et de grandeur
différentes (de fractions de millimètre à plusieurs mètres de diamètre),
encaissées dans des roches sédimentaires. Elles sont surtout fréquen­
tes dans les roches poreuses, les sables, les grès, ainsi que dans les
calcaires et les dolomies fissurés et karstifiés. D’après leur compo­
sition on distingue des concrétions d ’opale, de calcédoine, de quartz,
de fer, de phosphate, de pyrite et de gypse. Elles se forment de
diverses façons: 1) par dégagement irrégulier de nouvelle matière
durant les mouvements de la solution dans le dépôt ; dans les zones
favorisées, cette matière est précipitée et elle cimente le dépôt
meuble en donnant des concrétions; 2) par comblement avec de la
matière minérale des vides du dépôt en compaction ou de la roche.
Ces concrétions ont souvent une structure concentrique qui témoigne
de la continuité de la sédimentation. Leur forme irrégulière est
conditionnée par celle des contours des vides initiaux. Si les parois
internes des vides des roches sont revêtues d ’un enduit de cristaux
réguliers, ces formations portent le nom de géodes; 3) par précipi­
tation concentrée de matières minérales autour de débris organiques
isolés qui, en dégageant diverses combinaisons chimiques, créent des
foyers locaux à réactions chimiques intenses. Ces foyers, constitués
d ’organismes concentrant autour d ’eux plus de matière minérale
que les secteurs voisins, deviennent ensuite les centres d ’attraction
et de cristallisation de la matière initialement dispersée dans le dépôt.
C’est ainsi que se forment les nodules de pyrite, de phosphorite,
de calcédoine, de calcite, etc.
Si les organismes possèdent des coquilles de carbonate de calcium
facilement soluble, la formation des concrétions entraîne alors une
transformation chimique radicale de ces coquilles. Le CaC03 se
dissout et est remplacé par d ’autres combinaisons (P20 5 lors de la
formation des phosphorites), la forme restant inchangée. Si le nou­
veau minéral en se substituant à l ’ancien conserve sa forme, cette
modification s ’appelle pseudomorphose (pseudomorphose de la
pyrite en hématite brune, des coquilles d'Ammonites en phospho­
rite, etc.).
La substitution de certaines matières dans les dépôts se produi­
sant au cours de la diagenèse peut aboutir dans certaines couches
à une concentration importante de concrétions, c’est-à-dire à la
formation de gîtes de minerais pouvant être utilisés industriellement.
Des exemples nous sont fournis par les minerais de sidérite, les
accumulations de nodules de phosphorites, parfois de soufre natif
(lors de la réduction de sulfures par la matière organique ou par des
Bactéries anaérobies), etc. La formation du pétrole à partir de la
matière organique est aussi en rapport avec le processus de dia­
genèse.
Des conceptions modernes sur l ’origine du pétrole ont été for­
mulées par l ’académicien I. Goubkine, puis ont été développées
309
par de nombreux chercheurs. Il eu découle que le pétrole et le gaz
sont formés à partir des hydrocarbures, produit de la décomposition,
sans accès d ’oxygène, de débris organiques microscopiques dispersés
dans les dépôts vaseux. Le phénomène débute dès la phase des boues
et se poursuit sans doute pendant toute la durée de la diagenèse.
Une grande importance acquiert, sous ce rapport, la présence dans
la même série de dépôts de roches à gros pores. Durant la diagenèse,
la pression s’accentuant (par suite de la subsidence et de l ’accumula­
tion de nouveaux sédiments), les hydrocarbures remplissant les
pores subcapillaires des roches limoneuses (roche mère) sont expulsés
dans les roches attenantes perméables à gros pores qui ont reçu le nom
de collecteurs. La majorité des gîtes pétrolifères a tendance à se
concentrer dans les régions de fléchissements de l ’écorce terrestre
recouvertes de sédiments épais où les accumulations de matière
organique dispersée ont été fossilisées assez rapidement durant la
subsidence par de nouveaux dépôts et ont subi une pression croissante
et un faible échauffement dû à l ’élévation de la température, autre­
ment dit se sont trouvées dans les conditions les plus favorables
à leur transformation.
Sous ce rapport, un rôle important revient à la coexistence de lagu­
nes et de grandes formes accumulatives telles que les barres, les
flèches, etc., formées de sables ou d ’un mélange hétérogène de sable,
de gravier et de galets. L ’étude de certains gisements de pétrole
a montré que ces formations sont de très bons collecteurs du pétrole
qui subit des migrations à partir des dépôts mères constitués par les
boues lagunaires.
Ainsi, la diagenèse est un phénomène compliqué et prolongé qui
acquiert une grande importance pour la formation des roches sédi-
mentaires et de certains gisements de minerais utiles. Pourtant,
tout dans ce processus n ’est pas clair et bien de caractéristiques
restent encore obscures et insuffisamment étudiées.
Le mécanisme de la diagenèse a été exposé schématiquement
pour la première fois par N. Strakhov en 1954. En considérant les
modifications subies par les roches comme un phénomène continu,
N. Strakhov distingue 4 phases (fig. 156).
La première correspond à l ’époque durant laquelle la couche
supérieure du dépôt se trouve dans la zone d ’oxydation ou neutre
riche en Bactéries. De nouveaux minéraux apparaissent dont la
composition correspond aux conditions du milieu. Dans la zone
côtière, il se forme des amas d ’oxydes de fer et de manganèse et,
plus loin vers le large, dans les boues fines, de la glauconie et des
phosphorites.
Dans la deuxième phase le dépôt se trouve dans la zone de réduc­
tion. Les sulfures et les oxydes de fer et de manganèse sont réduits,
des minéraux apparaissent sous la forme de protoxydes (silicates
de fer et sidérites dans les dépôts sableux et limoneux au voisinage
des côtes, sidérites et pyrites dans les boues à grains fins des fonds
310
plus éloignés). La formation des protoxydes est d ’autant plus rapide
que la quantité de matière organique dans le dépôt est plus élevée.
La troisième phase est caractérisée par la substitution des élé­
ments minéraux au sein du dépôt (métasomatose), la formation de

E laboration
d e nouveaux
m inéraux
S u b stitu tio n
d e là m a tièrç
dans te s dépôts
(m etasom alosc)
et- form ation du cim ent "S^ ^
e t des con crétion s «>

Compaction des dépôts


(con solidation )

^ D éshydratation
d es m inéraux h ydratés
e t re c rista llisa tio n

Fig. 156. Phases de la diagenèse (d’après Strakhuv)

concrétions et la cimentation. N. Strakhov estime que la substitution


de nouveaux minéraux peut être déclenchée sous l ’effet de trois
causes :
1) la perte des gaz par le dépôt, surtout de C02;
2) la différence de milieu physico-chimique de divers secteurs
conditionnée par l ’hétérogénéité engendrée durant les premières
phases de diagenèse ;
3) la recristallisation des nouvelles formations minérales.
La quatrième phase est celle de la consolidation du dépôt par
compaction et de sa transformation en roche. La compaction s ’accom­
pagne de l ’expulsion de l ’eau des couches inférieures vers les parties
supérieures de dépôt; on voit s ’amorcer simultanément la déshydra­
tation des minéraux riches en eau et la recristallisation.
Tous les phénomènes s ’observent au cours de toutes les phases
distinguées, mais leur rôle varie en importance en fonction du temps.
CHAPITRE 11

Action géologique des lacs

§ 1. Notions générales
On appelle lacs les dépressions de la surface terrestre remplies
d ’eau et n'ayant pas de communication directe avec la mer. L ’étude
de leur formation, des conditions physico-chimiques qui y régnent
et des organismes qui les peuplent constitue une branche spéciale
de l ’hydrologie: la limnologie (du grec Xiput] — lac, marais, et de
Xoyoç — science).
Du point de vue géologique, l ’importance des lacs est bien moin­
dre que celle des mers et des cours d ’eau. Pourtant, l ’étude des lois
qui régissent leur distribution géographique, de leur position hypso-
métrique, des formes de*leurs cuvettes, de la salinité de leurs eaux,
etc., aide à la compréhension des changements et des processus
se déroulant au sein et à la surface de l ’écorce terrestre. Ainsi, la
transformation d ’un lac à écoulement en bassin fermé, d ’un lac
à eau douce en lac salé, témoigne d ’un passage d ’un climat humide
à un climat chaud et aride. De même la présence de grands lacs
très profonds à de hautes altitudes peut indiquer des mouvements
tectoniques importants, des fractures et des affaissements le long
des plans de faille de grands blocs. Mais les géologues s ’intéressent
tout particulièrement à la sédimentation actuelle dans les cuvettes
lacustres, car son étude contribue à la connaissance de l ’origine
des dépôts identiques accumulés aux époques antérieures et permet
surtout de découvrir des gîtes de minerais utiles qui, si les condi­
tions sont favorables, peuvent se former au fond des lacs.
Les lacs occupent 1,8 % de la surface terrestre. Ils varient quant
à leur grandeur, des petites nappes lacustres inférieures à 1 km
carré, jusqu’aux énormes réservoirs de milliers et de dizaines de
milliers de kilomètres carrés. Leur profondeur varie de dizaines
de centimètres (0,8 m pour le lac Elton) jusqu’à 1 741 m (Baîkal).
Les plus grands d ’entre eux, telles la mer Caspienne et la mer d ’Aral,
sont par leur action géologique plus proches des mers; c’est pourquoi
on les nomme ainsi (voir chapitre 10). Le tableau 12 donne quelques
renseignements sur certains lacs d ’U.R.S.S. et d ’autres pays (d’après
B. Bogoslovski et O. Langue).*

312
Tableau 12

Surface A ltitude
(en m il­ moyenne Profondeur
Lacs liers de absolue maximale
km) (en m) (en m)

1 2 3 4

Caspienne 395,0 —28,0 980


Aral 65,5 53 68
Baïkal 30,5 455 1741
Ladoga 17,7 4 225
Balkhach 17,4 339 26
Onéga 9,6 33 110
Issyk-Koul 6,1 1609 702
Sévan 1,4 1914 99
Ilmen 2,2 9,7
Téletskoïé 0,23 325
El ton 0,15 0,8
Léman 0,6 376 309
Koukou-nor 4,2 3 205 38
Victoria 69,4 1134 80
Tanganyika 32,9 773 1435
Supérieur 82,4 183 393
Michigan 58,0 177 281
Erié 25,7 174 64
Ontario 19,5 75 237

§ 2. Origine des cuvettes lacustres


Elle est très variée. Plusieurs cuvettes sont la conséquence de
l ’érosion des glaciers, d ’autres d ’éboulements ou de glissements,
certains lacs sont le résultat de dislocations tectoniques, tandis
que quelques-uns occupent des cratères de volcans éteints ou des
entonnoirs et cuvettes karstiques. E t l ’on est loin d ’en avoir épuisé
la liste. Dans la plupart des cas, l ’origine des lacs peut être établie
d ’après les caractères géomorpbologiques et la structure géologique
qui permettent de reconstituer l ’évolution géologique de la région
et le rôle joué par tel ou tel facteur dans l ’élaboration du relief.
M. Pervoukhine et B. Bogoslovski ont dégagé les types suivants
de cuvettes lacustres d ’après leurs caractères génétiques:
Cuvettes tectoniques. Elles résultent des mouvements tectoniques
de l ’écorce terrestre aboutissant à des plissements et des failles;
dans la plupart des cas, elles sont constituées par des secteurs affais­
sés le long des lignes de failles appelés fossés ou effondrements
tectoniques ou bien par des déformations en plis profonds. Parmi
les lacs de ce type on peut citer les lacs Baïkal, Téletskoié, Léman,
Sévan, les lacs d ’Afrique orientale (Tanganyika, Rodolphe, etc.).
313
Cuvettes d'érosion et de dépôt glaciaires. Ce groupe rassemble les
lacs dont les cuvettes proviennent de l ’activité des glaciers actuels
et anciens. Certains résultent surtout de l ’activité destructrice de
ceux-ci, tels sont les lacs de la presqu’île de Kola, de la Karélie
et de la Scandinavie, ou les lacs de cirque des régions de montagnes ;
d ’autres sont dus à l’activité accumulatrice des glaciers, notamment
les nombreux lacs des régions de glaciation quaternaire (Nord et
Nord-Ouest de la partie européenne de l ’U.R.S.S., Pays Baltes,
Nord de la dépression de la Sibérie occidentale). On les retrouve
aussi dans les montagnes et les plaines de piémont où des aligne­
ments morainiques dressent des barrages. Les lacs, très fréquents
dans ces régions, résultent souvent d ’un surcreusement glaciaire
et des accumulations morainiques.
Cuvettes d'origine volcanique. Ce type des cuvettes lacustres
peut être formé de diverses façons:
1) en occupant les cratères des volcans éteints (certains lacs
du Kamtchatka, d ’Islande, le lac Averne des Champs Phlégréens
en Italie, etc.) ;
2) à la surface d ’une coulée de lave après sa solidification;
3) dans une vallée de rivière barrée par une coulée de lave (notam­
ment les nombreux lacs du Plateau arménien).
Cuvettes d'érosion fluviale. Lacs de plaines alluviales. On a vu
au chapitre 6 que la plaine alluviale d ’un cours d ’eau a une surface
irrégulière et comporte de nombreuses cuvettes. Après la baisse
des eaux de crues, l ’eau subsiste dans ces dépressions de terrain et
forme des lacs, le plus souvent de petites dimensions et peu profonds.
Les lacs-croissants y sont également fréquents : ce sont des bras
morts de la rivière remplis d ’eau.
Lacs de deltas. Ils se forment dans les deltas de grands fleuves
où une ramification compliquée engendre de nombreux bras dont
certains se transforment en lacs.
Lacs littoraux. Lagunes et limans (voir ch. 10).
Lacs d'effondrement. Ces cuvettes lacustres se sont formées par
l ’affaissement des terrains recouvrant des cavités souterraines.
D’après l ’origine de ces dernières, on distingue les lacs karstiques et
thermokarstiques. On trouve des lacs karstiques dans la zone de par­
tage des eaux Onégo-Bélozerski, dans le district de Borovitchi
(région de Léningrad), dans le territoire de la R.S.S.A. de Mari
et dans d ’autres régions où abondent les phénomènes karstiques.
Les lacs thermokarstiques se forment surtout dans la zone des pergé-
lisols où la fusion des lentilles de glace contenues dans leur couche
superficielle provoque des tassements qui se résolvent en dépres­
sions que l ’eau remplit.
Lacs de tassement des régions de steppes et de steppes boisées à pré­
cipitations insuffisantes et irrégulières. Ils résultent du processus
d ’érosion de sous-écoulement, c ’est-à-dire de l ’évacuation de parti­
cules fines et de certains sels, produits de la dissolution chimique
314
à partir du sol. Les exemples les plus typiques de ces lacs se rencon­
trent dans les steppes Kouloundinskala et Barabinskaïa (sud de la
Sibérie occidentale).
Lacs de barrage dus à un éboulement ou à un glissement. Les régions
de montagnes subissent des éboulements importants d'origine
diverse qui quelquefois obstruent complètement les vallées fluviales.
Il se forme en conséquence un lac dans la partie amont du cours
d ’eau. Un lac de ce type a été bien étudié au Pamir; c’est le Sarez-
skoïé qui est dû à l ’éboulement Oussoïskoïé (1911) provoqué par
un tremblement de terre.
Lacs résultant d'une activité éolienne. Ils occupent les cuvettes
de déflation ou les espaces entre les dunes.
Nous n ’avons énuméré que très brièvement les causes possibles
de la formation des cuvettes lacustres, mais il faut insister sur le
fait que dans la nature ces causes n ’agissent pas isolément. Leur
action simultanée transforme la surface du globe et conduit notam­
ment à l ’apparition des cuvettes lacustres dont un grand nombre résul­
te de l ’action commune de plusieurs agents tant exogènes qu’endo­
gènes. Ainsi, un liman est un lac dû aux mouvements de l ’écorce
terrestre et à l ’activité de la mer et des fleuves. Les cuvettes de la
Ladoga et de l ’Onéga ont été sans doute engendrées par des agents
tectoniques (dislocations du soubassement) ; toutefois, un rôle
important dans leur formation est joué par les anciennes glaciations
régionales qui ont recouvert ce territoire à maintes reprises. L'appa­
rition d ’un lac de barrage dans les montagnes est précédée d ’une
longue période de préparation durant laquelle plusieurs processus
agissent en commun. Ainsi, à la formation du lac Sarezskoïé sur le
Mourgabe ont participé les agents suivants : le processus intense
d ’altération des roches qui a détruit l ’homogénéité des versants,
l’humectation des produits de décomposition des versants par des
eaux superficielles, la circulation des eaux souterraines qui a dérangé
quelque peu la stabilité des masses minérales, l ’élaboration de la
vallée par le fleuve, et enfin l ’accumulation graduelle d ’énergie
à l ’intérieur de l ’écorce et la création de fortes tensions en profon­
deur. Le tremblement de terre de 1911, aboutissant à la résolution
de ces tensions, fut justement le choc qui provoqua l ’énorme éboule­
ment ayant barré la vallée.
D’autres lacs peuvent se former du fait de l ’interaction de fac­
teurs différents, mais leur genèse résulte toujours d ’actions multiples,
le rôle principal étant souvent joué par les agents internes.

§ 3. Origine de l ’eau lacustre


Une deuxième condition tout aussi importante pour la consti­
tution d ’un lac est l ’accumulation de l ’eau. La plupart des bassins
lacustres se remplissent d ’eaux superficielles (cours d ’eau et pré­
cipitations atmosphériques) qui s ’écoulent dans les creux topo-
315
graphiques. Quelquefois, ce sont des lacs reliques ou résiduels,
restes d ’anciennes nappes qui communiquaient autrefois avec
l ’Océan Mondial. Les eaux marines du type relique sont le plus
souvent représentées par des lacs sans écoulement apparus à une
époque relativement récente, précédant immédiatement la période
actuelle. Un lac fermé récent de ce type est la Caspienne qui, à
l ’âge de Khvalynsk, communiquait encore avec la mer d ’Azov par
un bras passant par la dépression du Manytch. La Ladoga et l ’Onéga
sont probablement des lacs reliques encore plus jeunes; ils faisaient
partie de la mer postglaciaire d ’Yoldia qui couvrait la Scandinavie
et une bonne partie du territoire attenant, mais leur évolution
postérieure différa de celle de la Caspienne, leur régime et leurs
conditions climatiques n ’étant pas les mêmes.
D ’après le régime hydrologique (alimentation et pertes) les
lacs sont classés suivant les groupes suivants:
1) Lacs sans écoulement, alimentés par des cours d ’eau ou des
précipitations atmosphériques, ils n ’ont pas de déversoir et l ’équi­
libre hydraulique s ’établit par évaporation (Caspienne, Aral, Bal-
khach, Issyk-Koul, etc.).
2) Lacs à écoulement parmi lesquels B. Bogoslovski distingue :
a) lacs ouverts alimentés par des rivières et dont les pertes sont
dues non seulement à l ’évaporation mais aussi à une décharge
dans les nappes ou un cours d ’eau au moyen de l ’écoulement super­
ficiel ou souterrain ;
b) lacs à émissaires intermittents dont le déversoir n ’est actif
qu’à l ’époque des hautes eaux.

§ 4. Salinité des eaux lacustres


La composition chimique des eaux lacustres est fonction du bilan
hydrologique et des particularités climatiques qui conditionnent
parfois le remplacement d ’un type de lac par un autre. Ainsi, les
eaux marines des lacs ouverts du type relique peuvent être presque
complètement remplacées dans les zones'humides par des eaux douces
superficielles et souterraines d ’origine atmosphérique (Ladoga, etc.).
D ’un autre côté, dans les conditions d ’un climat aride et chaud les
eaux des lacs sans écoulement, du fait d ’une évaporation intense,
deviennent souvent salées élevant la concentration de leurs eaux
en sels.
La salinité et la nature des sels des eaux lacustres influent for­
tement sur la sédimentation. Les eaux des lacs naturels sont très
variées quant à leur composition chimique et à leur degré de miné­
ralisation. L ’eau de certains d ’entre eux est si peu minéralisée
qu’elle s ’apparente à l ’eau distillée (Onéga: 30 mg/1), alors que
dans d ’autres elle constitue une solution sursaturée à minéralisation
supérieure à 250 g/1 (lac Koutchouk en Sibérie occidentale : 260 g/1 :
lac Elton : 280 g/1). Quant à la composition, dans certains lacs dômi-
316
nent les ions HC03 et Ca (Baïkal, Onéga, Ladoga) ; dans d'autres,
les ions Cl et Na (Elton, Koutchouk) ; dans l ’eau de l ’Issyk-
Koul et du Kara-Bogaz-Gol, les ions S04 et Na sont les plus
nombreux.
La salinité et la nature des sels dans les lacs dépendent de plu­
sieurs facteurs et, avant tout, des particularités climatiques, des con­
ditions des échanges hydrauliques, de la composition en sels des
affluents du lac, de la structure géologique, de la nature du sol et
de la couverture végétale, etc. En plus des ions ordinairement
présents dans toutes les eaux naturelles (HC03, C 02t S04, Cl, Ca, Mg,
Na, K), les eaux lacustres possèdent des constituants relativement
importants (combinaisons d ’azote, de phosphore, de silicium,
quelquefois de fer), bien que leur teneur soit assez faible. Ces cons­
tituants dits biogènes donnent la mesure de l ’intensité des phénomè­
nes vitaux. Les eaux lacustres comportent toujours des gaz dissous
(Oo, No, COo, etc.) et des combinaisons organiques fournies par des
organismes vivants ou par leur décomposition.
Dans la répartition géographique des lacs suivant la salinité
et la composition chimique G. Maximovitch a décelé une certaine
régularité. Ainsi, selon ses données les ions Si et HC03 dominent
dans les lacs de toundra ; les ions HC03 et Ca, dans la zone des forêts ;
les ions S04, Na et parfois HC03 (lacs natronés) dans la zone des
steppes ; les ions Cl et Na, dans les zones des déserts et des semi-dé­
serts. Dans les régions de montagnes s ’établit une zonalité verticale
avec une succesion d ’ions dominants suivant un ordre identique.
A mesure que l ’on se déplace du Nord au Sud, la composition chimi­
que des eaux lacustres variant, leur minéralisation s ’accroît régu­
lièrement et atteint un maximum dans les déserts et les semi-déserts.
Ces données ne témoignent que d ’une tendance, car les écarts sont
grands si l ’on se rapporte aux conditions existant dans la nature.
Des types azonaux existent presque dans chaque zone délimitée
plus haut. Ainsi, les eaux du lac Solénoîé près de Solvytchégodsk
se trouvent dans la zone des forêts ; elles sont très minéralisées et
chlorurées sodiques au lieu d ’être carbonatées calciques comme le
doivent être les eaux de cette région. Cette composition est condi­
tionnée par l ’apport d ’eaux souterraines à partir des trous de forage
de mines de sel abandonnées. Les écarts de ce genre sont caractéristi­
ques de la région de Staraïa Roussa, de certains lacs de Yakoutie,
etc. L’azonalité peut être due à l ’apport de sels d ’une composition
différente par les rivières, à la présence de roches salifères ou de
gisements salins, à l ’intensité des phénomènes karstiques, etc.
D ’après la salinité on distingue les lacs salés ou minéralisés
et les lacs à eau douce. On assimile à ces derniers les bassins lacus­
tres dont la salinité ne dépasse pas 1 °/00 et dont la composition est
surtout carbonatée. Parfois, on dégage un groupe intermédiaire
de lacs dont les eaux ont une minéralisation de 1 à 24,7°/0o : les lacs
saumâtres. Ce choix de 24,7°/00 comme limite de séparation entre
317
les eaux salées et saumâtres s ’explique par le fait que pour cette
salinité la température du gel et la densité maximale sont iden­
tiques (—1°332").
Les lacs varient aussi quant à leur composition en sels. La step­
pe Kouloundinskaïa (Sibérie occidentale) compte à elle seule plu­
sieurs milliers de lacs de tous les types hydrochimiques connus.
Ainsi, on peut dégager les lacs:
1) carbonates natronés (groupes Mikhaïlovskaïa et Klioutchev-
skaïa de la steppe Kouloundinskaïa, lac Doroninskoïé de la Trans-
baïkalie, certains lacs de Yakoutie et de Bouriat-Mongolie) ;
2) sulfatés (lacs Kouloundinskié, Batalpachinskié dans le Cau­
case, etc.) ;
3) chlorurés (Elton, Baskountchak et d ’autres lacs de la région
de la Caspienne, Saki et d ’autres lacs de Crimée, lacs de la région
d ’Irtych près de Pavlodar, etc.).

§ 5. Action géologique des lacs


Le travail géologique des lacs, de même que celui des mers,
consiste en l ’entaillement par l ’érosion des côtes abruptes et de la
région attenante du fond du bassin lacustre (abrasion), en transport
et triage du matériel détritique dissous au sein du bassin et en accu­
mulation (sédimentation) des dépôts. Le mouvement de l ’eau dans
les lacs prend la forme de vagues, de courants, d ’entraînement tour­
billonnaire de l ’eau et de phénomènes d ’avances et de reculs en mas­
se de l ’eau sous l ’effet du vent. Des courants de décharge peuvent
aussi se former du fait de la variation de densité dans les différentes
parties du bassin. Par temps calme, on observe sur certains grands
lacs des mouvements de la nappe d ’eau causés par les modifications
de la pression barométrique ; ils se manifestent par un relèvement très
lent du niveau (quelques centimètres) d ’un côté du lac et son abais­
sement du côté opposé. Ces oscillations du plan d ’eau ont reçu le
nom de seiches.
Les mouvements les plus importants sont provoqués par le
vent. Quand celui-ci est suffisamment fort, il forme dans les grands
bassins lacustres des vagues puissantes qui attaquent les côtes,
troublent les dépôts de la zone littorale, charrient à travers le lac
des matériaux détritiques, etc. La répartition des matériaux est
également assurée par les avancées et les reculs en masse de l ’eau
sous l ’effet du vent qui sont la cause de variations de niveau dont
l’amplitude peut atteindre de grandes valeurs surtout si la côte
est plate. D ’après B. Bogoslovski, elle dépasse 2 m près des rivages
plats du Sud de la Ladoga, alors qu’au Nord où la côte est abrupte,
elle est de beaucoup inférieure. Des oscillations identiques sont enre­
gistrées dans les baies peu profondes de la mer d ’Aral.
L ’abrasion par les vagues dans un bassin lacustre ressemble
pour beaucoup à celle de la mer. Il n ’y a que l ’échelle qui diffère.
MH
Pour comprendre le phénomène, il est très instructif de procéder
à des observations sur l ’affouillement des côtes dans les réservoirs
artificiels créés sur la Volga, le Dniepr, le Don et ailleurs. Ainsi,
la côte basse de la retenue d ’eau de Rybinsk, généralement sableuse,
a été érodée pendant les 12 premières années de l ’exploitation
de 40 à 55 m. Donc, chaque année le rivage reculait en moyenne
de 4 à 5 m. Les destructions les plus importantes étaient l ’œuvre
des tempêtes. Suivant les données recueillies, en juin 1951, en une
semaine, la côte a reculé par endroits de’5 à’JÎ m. En 5 ans (1951-1956)
les rives de la retenue d ’eau Tsimlianskoïé sur le Don ont été entail­
lées en moyenne de 50 m, et même, dans certains secteurs, de 110-
115 m. La destruction des côtes lacustres est quelquefois accélérée
par des glissements et d ’autres phénomènes.
L ’activité des lacs qui présente le plus d ’intérêt est l ’accumula­
tion des dépôts étroitement associée à la formation de gîtes de mine­
rais utiles. Les dépôts lacustres sont très variés ; ils sont fonction
de divers facteurs : conditions climatiques, relief, structure géologi­
que du site, dimensions, forme et profondeur du bassin, régime
d ’écoulement, etc. Les dépôts lacustres sous un climat sec et chaud
se distinguent entièrement de ceux des zones humides ; de même,
les dépôts des lacs ouverts à eau douce diffèrent de ceux des petits
bassins peu profonds dépourvus d ’écoulement.
Comme pour la mer, on dégage dans les lacs trois types de sédi­
ments :
1) terrigènes, dus surtout à l ’apport massif par les rivières de
matériaux détritiques, ainsi qu’à l ’abrasion lacustre;
2) chimiques, accumulés par précipitation chimique de di­
vers sels ;
3) organiques, résultant de l ’accumulation au fond des restes
de divers organismes.
L ’importance relative de ces divers types varie suivant les lacs.
Dans plusieurs grands bassins de zones suffisamment humides, ce
sont les sédiments terrigènes qui dominent. La répartition des maté­
riaux détritiques au fond de la cuvette se rapproche dans ce cas de
celle des bassins marins. La zone littorale est recouverte d ’un maté­
riau plus grossier (sable, gravier, galets), tandis que dans la partie
centrale on trouve diverses boues terrigènes ou de composition mixte.
D ’après L.'Roukhine, l ’Onéga, lac ouvert à eau douce (profon­
deur maximale 120 m, longueur d ’environ 245 km et largeur 91 km)
comporte surtout des dépôts détritiques. La zone littorale comprend
des galets (parfois de blocs) et des sables, alors que la partie centra­
le est tapissée de boue argileuse gris clair mélangée à un peu d ’humus,
de fer et de manganèse dont la quantité s ’accroît sensiblement dans
les baies peu profondes.
Dans nombre de bassins lacustres, la zone des accumulations
côtières (sable, gravier et galets) est relativement étroite, et les
boues (farines) apparaissent à de faibles profondeurs et près du riva-
319
ge. Par endroits, elles commencent même au rivage. N. Strakhov
explique ce phénomène par le fait que dans la zone de troubles la
couche d'eau est bien moins épaisse que dans les bassins marins.
Ce fait est en rappoit avec une moindre agitation qui diminue en
fonction des dimensions du bassin. Le tableau 13 donne la profon­
deur des dépôts farineux dans différents bassins.
T a b le a u 13

Profondeur moyenne
Bassin hydrologlquc de gisement des
boucs farineuses, m

Océan 75-100
mer Noire 15-25
mer Caspienne 15-20
mer d ’Aral 5-10
lac Balkhach 2-3

Dans certains lacs vit une faune abondante dont les coquilles
sont composées de CaC03. En se déposant au fond, ces coquilles se
mélangent aux associations d ’algues calcaires et forment des dépôts
meubles (craie lacustre, marne, etc.). Ces dépôts sont surtout com­
muns aux lacs à eau dure dans lesquels ils recouvrent ordinairement
la zone littorale soumise à un réchauffement intense et où abondent
divers organismes précipitant la calcite. Dans les lacs à eau douce
ces sédiments n ’existent pratiquement pas (Onéga, Ladoga, Baïkal).
La sédimentation calcaire s ’observe dans les lacs de la zone des
forêts et des steppes boisées. Le rythme de cette sédimentation s ’ac­
célère à mesure qu’on se déplace vers le Sud, la température s ’éle­
vant et l ’évaporation de la nappe lacustre s ’accroissant. L ’élabora­
tion de la calcite par voie organogène s ’accompagne alors d ’une pré­
cipitation chimique importante, surtout dans les lacs salés du Sud
de l ’U.R.S.S.
Dans les lacs Baïkal et Sévan le plancton est très abondant, et
ses organismes ont des valves construites à partir de la silice (Diato­
mées). Quand ils périssent, leurs tests peuvent s ’accumuler au fond
sur d ’assez grandes étendues (fig. 157).
Ainsi, sous un climat humide et semi-humide, les dépôts domi­
nants sont de nature terrigène; il en est ainsi dans les grands bassins
(comme l’Onéga) de la région de l ’Ouest et du Nord-Ouest de la
partie européenne de l ’U.R.S.S. et dans des lacs des régions de mon­
tagne situés en général à une grande altitude.
Dans d’autres iacs (Baïkal, Sévan), des matériaux détritiques
sont mêlés à divers dépôts organiques qui, par endroits, remplacent
les sédiments terrigènes, alors qu'ailleurs ils forment des dépôts
mixtes terrigéno-organiques. L’importance relative des différents
320
types de sédiments dans les lacs peu profonds est toute autre. Dans
nombre de sédiments dominent les composantes organiques dont la
teneur dépasse 55-60 % et s ’élève même parfois à 95-98 %. Il se forme
alors des dépôts dits sapropels (du grec aanpç — pourri, irqXûç —
boue). C’est une boue putride élaborée dans des conditions anaéro­
bies dans des bassins stagnants riches en plancton. Elle est composée

Fig. 157. Schéma indiquant la disposition des dépôts au fond du lac


Sévan (d’après G. Afanassiev):
1 — dépôts littoraux (sables, graviers, galets) ; 2 — conglomérats de la
zone littorale; 3 — sable calcaire; 4 — boue phytogène; 5 — boue
sableuse; 6 — cristaux de CaC03; 7 — boue à Diatomées

de débris organiques putréfiés, surtout de végétaux et d ’animaux


unicellulaires du plancton (algues bleues, vertes, etc.) et elle com­
porte une proportion variée de particules de limon terrigène. A l ’état
humide, c’est une masse gélatineuse d ’un gris-vert, parfois brune,
qui devient élastique en séchant, puis durcit. Les sapropels abon­
dent surtout dans les lacs des régions forestières et de la taïga, mais
on les rencontre parfois au-delà de ces zones. Leur épaisseur atteint
généralement quelques mètres, s ’élevant parfois jusqu’à 30 m (Bogos-
lovski, 1960).
Aux époques géologiques antérieures existaient également des
conditions favorables à l ’accumulation des sapropels et ils ont
21— 927 321
donné, après des transformations fort compliquées, certaines houil­
les fossiles, réunies sous le nom de sapropélites.
De nombreux lacs actuels des régions humides (taïga tourbeuse)
s ’enrichissent en hydroxydes de fer et parfois de manganèse. Ce
phénomène est en rapport avec la formation de gisements de mine­
rais dans les dépôts lacustres. Ordinairement, le processus se déclen­
che dans la zone littorale à des profondeurs ne dépassant pas 3 à 5 m,
rarement 10 m. D ’après les données tirées d ’une étude des lacs en
Finlande et en Suède (Aarnio, Naumani, etc.), citées par N. Stra-
khov (1957), la formation de gisements de minerais de fer est déter­
minée par l ’apport dans le lac d ’eaux souterraines riches en fer.
Vraisemblablement, les eaux souterraines et peut-être même les
eaux superficielles charrient le fer lessivé du sol podzolique et des
produits de désagrégation des roches ferrugineuses éruptives ou
sédimentaires. Les combinaisons ferrugineuses se présentent tan­
tôt sous la forme de granules homogènes, tantôt sous celle de corps
sphériques ou ellipsoïdaux à structure présentant une stratification
concentrique dite oolithique, tantôt encore sous la forme de cuiras­
ses ou de croûtes concrétionnées constituées d ’oolithes ou de granules
accolées. Dans la formation des minerais de fer, un rôle important
revient aux Ferro-bactéries. Parfois, on découvre des dépôts ferro-
manganésiens, souvent riches en phosphore et en silice. En certains
endroits ces gîtes de minerai de fer lacustre ont une importance
industrielle. Au Nord-Ouest de l ’U.R.S.S. on compte plus de 150
lacs à minerais de ce genre.
Les sédiments des lacs des régions arides sont de nature sensi­
blement différente, surtout lorsque ces lacs sont salés. Comme il a été
dit précédemment, de tels lacs se sont formés soit par recoupement
d ’une baie ainsi séparée de la mer, soit par accumulation de sels
dans des bassins continentaux sous climat aride et chaud. Sous ce
rapport, la composition des roches en place revêt une grande impor­
tance, car le lessivage de leur partie altérée assure la salinisation
des bassins lacustres. La teneur en ions de nombreux lacs salés est
proche de la saturation; c ’est pourquoi l ’élévation de la concentra­
tion entraîne une précipitation chimique. Les lacs de ce type sont
dits à autoprécipitation. Leur eau, solution saturée de sels, est
appelée saumure. Les dépôts actuels des lacs salés sont constitués de
divers boues et sels.
Tous les types de lacs examinés ci-dessus existent en Sibérie occi­
dentale. Les lacs natronés de la région périphérique de Sud de la
steppe Kouloundinskaïa sont particulièrement intéressants. D’a­
près M. Koutchine, ils peuvent être classés en trois groupes : Pétou-
khovskié, Mikhaïlovskié et Tanatarskié. Les plus importantes réser­
ves de soude se trouvent dans le groupe Tanatarskaïa où l ’épaisseur
de la couche natronée est de 8 à 10 m ; cette couche est constituée
(en remontant) :
1) de sables aquifères très minéralisés ;
322
2) de sables cimentés par du carbonate de soude ;
3) d ’une couche de soude cristalline d ’une épaisseur de 1 à 4 m.
Certains lacs de la steppe Kouloundinskaïa ont une teneur éle­
vée en brome. La précipitation de la soude (Na2C03- 10H2O) a lieu
ordinairement en hiver quand la température de l ’eau est basse.
Les conditions de précipitation des sels dans les lacs natronés
sont bien illustrées par le diagramme de l ’équilibre salin dressé par
Makarov pour les bassins de la steppe Kouloundinskaïa (fig. 158).
On y voit que la soude commence à se dégager à une température

Fig. 158. Diagramme de l’cquilibrc salin des lacs salés


Tanatar et Koutchcrnak de la steppe Kouloundinskaïa

inférieure à —5° et pour une concentration de sels supérieure à 10%.


Pour une concentration de 13,5% accompagnée d ’une baisse de tem­
pérature, la mirabilite vient s ’ajouter à la soude; quand la concen­
tration atteint 17 ?o et la température—12,4°, il apparaît du NaHC03.
La solution gèle à —22,5°, et pour une concentration de 23% (Ale-
kine, 1953).
Dans les lacs sulfatés se déposent divers sels: mirabilite
Na2S04•10H2O, thénardite Na2S 04, epsomite MgSO^-THoO, glasérite
NaK3[SOJ2, astrakhonite Na 2S0 4 -MgS0 ; -4 H 20 ,gypseCaS0*-2H 20.
D’après L. Roukhine, certains sels peuvent se former par diage-
nèse des combinaisons précipitées antérieurement. On assimi­
le souvent à ces minéraux l ’astrakhonite, ainsi que la thénardite
qui apparaît du fait de l ’action de la saumure concentrée sur la
mirabilite.
Les lacs chlorurés dans lesquels se produit la précipitation de
NaCl sont nombreux dans la dépression Caspienne (Baskountchak,
Elton, Inder, etc.). Ils sont surtout alimentés en sels par érosion et
21* 328
dissolution des couches salifères fossiles d ’âge Permien qui attei­
gnent ici de grandes épaisseurs. La dépression Caspienne possède de
nombreux dômes de sel très caractéristiques ; le sel y perce parfois
toutes les couches supérieures, apparaissant à la surface ou l ’affleu­
rant. Les eaux souterraines procèdent au lessivage des dômes et
évacuent le sel dans les cuvettes lacustres. Les lacs chlorurés peu­
vent se former également à partir de lacs d ’autres types. L ’éven­
tualité de cette transformation d'un type à l ’autre apparaît après
l ’examen des données sur le Kara-Bogaz-Gol où, après l ’élévation
de la concentration, la précipitation de la mirabilite s ’accompagne
de celle de NaCl. D’autre part, les forages dans les dépôts du fond
des lacs chlorurés ont montré que les couches de base de bon nombre
de ces bassins sont constituées de mirabilite, d ’astrakhonite et
d ’autres sels précipités antérieurement aux chlorures.
M. Valiachko représente l ’éventualité du passage d ’un type
de lac à un autre par le schéma suivant:
Aridité
Natruné —^ Sulfaté — Chloruré
■«-— Humidité

Cette évolution est possible quand le climat se modifie. S’il


devient aride et chaud, l ’évaporation et la concentration des sels
augmentent. Dans ces conditions, un lac natroné se transforme en
lac sulfaté, et un lac sulfaté en lac chloruré. Une évolution inverse
aura lieu si l ’humidité du climat augmente, l ’apport en eau douce
s’accélère et l ’évaporation se ralentit.
Les dépôts lacustres en eaux douces et salées présentent souvent
une structure rubanée qui est le signe de modifications saisonnières
du régime. L ’étude de cette stratification rubanée permet de déter­
miner l ’époque du dépôt des sédiments (âge absolu) ainsi que les
particularités du climat et de décharge, c ’est-à-dire de reconstituer
à un certain point l ’évolution du bassin. Un procédé permettant
d ’effectuer cette reconstitution a été élaboré par B. Perfiliev.
Les recherches de Dzens-Litovski ont fourni des renseignements
intéressants sur l ’âge des sédiments du lac Saki (Crimée) composés
d ’une boue grise de 7 m d ’épaisseur, d ’une couche de sel consolidé
de 4,5 m et de boues de couverture épaisses de 2,5 m. Il a été établi
que les couches salifères ont commencé à s ’accumuler il y a 2 150-2 175
ans et que le processus a duré 150-175 ans, après quoi le climat est
redevenu plus humide.
D’après B. Bogoslovski, on a trouvé dans le même lac des cou­
ches de 8 à 9 m d ’épaisseur datant de 5 600 ans. Cependant, cette
microstructure ne se rencontre pas dans nombre de lacs, ce qui est
dû sans doute à la fréquence des agitations troublant les dépôts.
Ainsi, elle n ’existe pas dans le Balkhach (dimensions maxima :
longueur 600 km, largeur 50 km, profondeur 28 m) où, d'après D. Sa-
324
pojnikov, les dépôts dominants sont des sables vaseux, des farines
à texture fine, des boues calcaires et argileuses et des boues argileu­
ses à calcaire dolomitique.
Ainsi, les lacs se distinguent par la diversité de l ’origine de leurs
cuvettes et de l ’eau qui s ’y renferme et par celle des processus dont
ils sont le siège. Le rôle de la sédimentation actuelle est primordial.
La connaissance des lois qui la régissent permet d ’étudier avec plus
ou moins de sûreté la formation des dépôts fossiles dans les lacs des
périodes révolues et de reconstituer sur cette base le milieu paléo­
graphique. En outre, de nombreux minerais utiles s’accumulent dans
les lacs: sapropels utilisés comme engrais, aliment minéral pour
le bétail et boue médicinale, divers sels dont certains acquièrent
une importance industrielle tels l’halitc (sel commun), la mirabili-
te, la soude, le gypse, et les minerais de fer.
CHAPITRE 1 2

Les marais et leur rôle géologique

§ 1. Notions générales
On appelle marais les étendues de la surface terrestre caractéri­
sées par Vhumectation surabondante des parties superficielles des
sols et des roches, l'extension d'associations végétales de marais et la
formation de la tourbe. Ainsi, un des traits essentiels des marais est
l ’accumulation de la tourbe. Celle-ci forme une couche assez épaisse
contenant les racines des plantes qui n ’atteignent pas la base miné­
rale sous-jacente. Les marais sont souvent différenciés des maréca­
ges dont la couche de tourbe peut être percée par les racines qui
parviennent alors jusqu’à la roche. Cette distinction est plutôt
arbitraire, car les marécages possèdent les mêmes caractéristiques
générales et ne constituent que le stade primitif de l ’évolution des
marais.
On entend par tourbe un feutrage de fragments de végétaux à demi
décomposés, de couleur brune, parfois presque noire. Le degré
de décomposition des débris végétaux peut varier. La tourbe s ’accu­
mule rapidement lorsque les conditions de l ’accroissement annuel
de la masse végétale s ’associent à celles de leur décomposition par­
tielle. La constitution de couches épaisses de tourbe est particuliè­
rement favorisée dans les parties sud des régions forestières de la
zone tempérée où la végétation est assez abondante et où ses débris
se trouvent dans un milieu très humide quand ils ne sont pas immer­
gés, ce qui rend difficile l ’accès de l ’air. Dans ces conditions, le pro­
cessus de décomposition est très lent, et les débris de végétaux, en
s ’accumulant, édifient des tourbières énormes. Plus au Nord, l ’humi­
dité restant assez forte, l ’augmentation de la masse végétale n ’est
plus suffisante, il s ’y forme donc des marécages et des marais à cou­
che de tourbe peu épaisse.
Origine des marais. Certai ns marais sont d'anciens bassins lacustres
envahis par la végétation, constituant ainsi le dernier stade de leur
évolution, d ’autres proviennent de la transformation des terres
fermes en tourbières.
La vitesse de l ’envahissement d ’un bassin par la végétation et
de sa transformation en marais dépend du relief du fond et des rives.
Le phénomène est très fréquent dans les lacs à fond plat et aux ber­
ges à pente douce (fig. 159). Comme il a été dit plus haut, les lacs
326
sont le siège d ’une sédimentation très active aboutissant à la for­
mation de diverses boues. Un rôle primordial est joué par le planc­
ton dont les organismes microscopiques en périssant forment au
fond du bassin un dépôt meuble de sapropel.
Dans la zone littorale peu profonde des lacs croît une végétation
hygrophile dont les associations se succèdent régulièrement selon
la profondeur. Les Laîches se situent le plus près de la surface, puis
viennent les Roseaux (la Massette), à 1-2 m, les Joncs (La Jonquine),
à 2-3 m, enfin les Epis d ’eau (Potamogeton) et les Nénuphars à 4-5 m.
Les débris végétaux se déposent au fond où l ’insuffisance d ’oxygène
conditionne leur décomposition partielle. A mesure que le lac s ’en-

Fig. 159. Schéma de la succession des associations dans un bassin envahi par
la végétation :
1 — tourbe à Laîches; 2 — tourbe à Roseaux et à Scirpais; 3 — tourbe à sa-
propels; 4 — sapropélite

vase, les plantes occupent des espaces toujours nouveaux, les asso­
ciations des rives progressent vers le centre tout en conservant la succes­
sion initiale (V. Doktourovski). Chacune de ces espèces de plante
constitue une tourbe caractéristique qui porte son nom (tourbes de
Laîche, de Massette, etc.). Le schéma de la succession dans un tel
marais est représenté sur la fig. 159.
L ’évolution est quelque peu différente dans les lacs stagnants
à côtes abruptes voisinant avec de grandes profondeurs. Sur les
parties des nappes d ’eau abritées du vent et des agitations s’instal­
lent des associations flottantes, notamment des Callas, des Coma-
rets dont les longs rhizomes s ’étirent à la surface de l ’eau et qui
donnent refuge à des mousses et à quelques autres plantes. Il se for­
me ainsi de sorte de radeaux flottants. A mesure que leur épaisseur
augmente, ils s ’enfoncent davantage dans l ’eau. De leur partie
inférieure, des débris de plantes partiellement décomposés se déta­
chent et se déposent au fond. L ’exhaussement du fond continuant,
celui-ci peut atteindre le radeau et le marais « mouvant » (quand
le radeau végétal recouvre toute la surface du marais) se transforme
en un marais à masse continue et compacte. S. Tiourémnov indique
que la tourbification d'un bassin s ’effectue simultanément par le
sommet et le bas à partir du fond. « Souvent, l ’envahissement d ’un
bassin par la tourbe s ’observe aussi bien des rives vers le centre
que dans d ’autres directions allant à l ’encontre l ’une de l ’autre:
de la surface vers le fond par développement en épaisseur du radeau
et du fond vers la surface par l ’exhaussement des dépôts lacustres.»
Ainsi, l ’origine et l ’évolution des marais sont en rapports très
étroits avec l ’évolution générale et la nature des bassins lacustres.
Les marais se forment sur des éléments de relief très variés lors­
que les conditions de drainage favorisent une humectation sura­
bondante du sol. L ’existence d ’une couche imperméable près de
la surface est un facteur agissant dans ce sens, car il entrave l ’écou­
lement des eaux souterraines dont le niveau s ’élève et conditionne
la formation du marais. Sur les vastes étendues de l ’Est de l ’U.R.S.S.
cette couche imperméable est constituée par les pergélisols qui ren­
dent la couche superficielle active très humide et la transforment,
en marais. Dans les plaines alluviales, les marais se forment lors
de l ’envahissement par la végétation de bras morts et d ’autres
dépressions du terrain. Des conditions favorables sont parfois créées
dans les parties déprimées en bordure de la terrasse secondaire (par­
tie de la plaine alluviale la plus éloignée du lit fluvial, attenant au
rebord de la vallée ou à une ancienne terrasse; car c’est le lieu où
émergent fréquemment les eaux souterraines, où s ’accumulent les
précipitations atmosphériques s ’écoulant des versants et où l ’eau
des crues est longtemps retenue. Tout ceci contribue à rendre ces sec­
teurs plus humides et créent des conditions à l ’épanouissement d ’une
végétation luxuriante dont les débris, en s ’accumulant, se recou­
vrent d ’eau. Leur décomposition est dans ce cas très lente. L’aboutis­
sement de cette évolution sera un marais de terrasse ou un marais
de source.
Les marais sont toujours présents dans les plaines alluviales
constituées par des deltas de grands fleuves.
Un marais peut se développer à l ’endroit des exutoires d ’eaux
souterraines. Une végétation hygrophile s ’installe sur ce secteur
très humide (Laîches, Mousses, etc.) en formant progressivement
des coussins imbibés d ’eau qui se transforment ensuite en marais.
Parfois, on trouve des marais au pied des montagnes, dans les par­
ties marginales des cônes de déjection des torrents. On sait qu’en
sortant des montagnes, les torrents déposent tous les matériaux
détritiques charriés, tandis que leurs eaux se perdent en s ’infiltrant
dans leurs propres dépôts meubles. Mais dans les parties marginales
du cône, là où le niveau est plus bas, elles peuvent ressurgir et for­
mer des marais. Des marais de ce genre attenant directement aux
cônes de déjection ont été observés par G. Krachéninnikov dans
les régions du canal de Ferghana, du bassin de Piandj, et ailleurs.
328
Les marais peuvent également se former sur les côtes marines
plates en s'étirant parallèlement à la mer. En général, ils en sont
séparés par un cordon littoral. Ce type de marais a été décrit par
M. Néichtadt (Kamtchatka, mer d ’Okhotsk) et par G. Krachéninni-
kov (littoral de la mer Noire en Géorgie occidentale). Suivant ces
auteurs, le rôle principal dans la formation de tels marais revicnl.
aux mouvements négatifs de l’écorce terrestre.

§ 2. Types de tourbières
Les tourbières peuvent être classées en plusieurs groupes sui­
vant les conditions de leur alimentation, la nature de leur végéta­
tion et la forme de leur surface.
1. Les tourbières basses occupent les dépressions de terrain et
sont caractérisées par une surface plate ou légèrement concave. En plus
des précipitations atmosphériques, elles sont alimentées par des

h»—"fo HÜflwtStifl" a 5*3*


£ c h -e l l e s
200 100 0 200m 2 I 0 2m 0 ! 2m
■ i > i i i > i i
Horizon ta ie Verticale Cotes de nivellement

F ig . 1 60. S tru ctu re d ’ u n e to u r b iè r e b o m b é e à S p h a ig n e s (L n d o g a -I lm e n ) d a n s


la p a r tie O u est d e là r é g io n d e D v in s k ( d ’a p r è s G . A n o u f r ie v , 1 9 2 9 ):
1 — tourbe mousseuse à Sphaignés; 2 — tourbe feuilletée à Sphaignés; 3 — cou­
che de séparation; 4 — vieille tourbe feuilletée à Sphaignes; J — tourbe de
bruyère; 6 — tourbe de forêts et d’herbe; 7 — tourbe à Roseaux; 8 — tourbe
à Hypnes; 9 — tourbe à sapropels: JO — saprocol rouge-brun; 11 — saprocol
olive brun; 12 — sable; 13 — argile vert-gris; 14 — limon argileux jaune-
brun ; 1 5 — souches des arbres, débris et restes de buissons

eaux souterraines ou fluviales riches en matières nutritives d ’ori­


gine minérale. Aussi on voit s ’y développer une végétation auto-
trophe, c’est-à-dire exigeante envers les conditions d ’alimentation
(Latches, mousses vertes, et parmi les arbres: Bouleaux, Aulnes).
Souvent, les tourbes qui se forment à partir de cette végétation
produisent beaucoup de cendres et sont très peu calorifiques.
2. Les tourbières hautes se développent en général sur les inter-
fluves et présentent un profil convexe (fig. 160). Les eaux souter­
raines s ’y disposent en profondeur, et l ’alimentation est surtout
assurée par les eaux superficielles (atmosphériques) pauvres en sels
minéraux. C’est donc une végétation oligotrophe qui domine, peu
329
exigeante quant à la teneur de substances nutritives. Ces tourbières
sont essentiellement composées de Sphaignes dont les débris cons­
tituent une tourbe très calorifique qui ne donne presque pas de
cendres.
|3 . Les tourbières intermédiaires à végétation mésotrophe qui
n ’exige pour sa croissance qu’une quantité relativement faible
de substances minérales.
Toutefois, dans bien des cas chaque type examiné ne constitue
qu’une étape d ’une évolution très complexe. V. Soukatchev a été
l ’un des premiers chercheurs à remarquer ce phénomène, observé
par la suite par d ’autres savants (E. Galkine, S. Guilev, S. Ivanov,
etc.) qui ont rassemblé un très grand nombre de documents fournis
par la photographie aérienne. C’est ainsi qu’on a pu esquisser le
schéma d ’évolution suivant: à la phase initiale dans une tourbière
basse, la plus grande partie des sels nutritifs d ’origine minérale
est fournie par les boues lacustres. A mesure que la tourbe s ’accumu­
le, les conditions se modifient. La végétation ne parvient plus à attein­
dre les boues lacustres et se nourrit de substances minérales se trou­
vant dans la tourbe. Chaque nouvelle génération se nourrit des débris
à demi décomposés provenant de la génération précédente et l ’on
voit peu à peu diminuer les réserves de sels minéraux. Enfin, il se
peut qu’à un certain moment les substances nutritives ne puissent
plus subvenir à l ’alimentation d ’une végétation autotrophe. Celle-ci
est alors remplacée par une végétation mésotrophe, moins exigeante.
L’évolution se poursuivant, la végétation mésotrophe est à son tour
supplantée par une végétation oligotrophe, ce qui marque le passage
d ’un type de marais à un autre.
Comme l ’appauvrissement en substances nutritives n ’est pas
égal sur toute la superficie de la tourbière, il se crée des conditions
différentes dans la partie centrale et à la périphérie. L ’apport d ’eau
des vallons attenants enrichit la périphérie en matières nutritives
qui sont rares au centre. Aussi les plantes oligotrophes, et en parti­
culier les Sphaignes, croissent d ’abord au centre. Le soulèvement de
la couche de la tourbe au centre se répercute sur la surface qui de
concave devient convexe. Des buissons et même des arbres (pins)
s ’implantent. Dans les marais de plaines alluviales, l ’appauvris­
sement en matières nutritives ne s ’observe pas le plus souvent,
car les crues apportent des eaux contenant des sels dissous et des
boues en suspensions.
L ’évolution des marais peut suivre encore d ’autres voies, mais
leur examen détaillé ne peut être effectué que dans des ouvrages
spéciaux.
Il est important de noter que la tourbe formée dépend chaque
fois des conditions du milieu, de la nature du matériel constituant
(végétation) et de la marche d ’évolution.
La tourbe ne s ’accumule pas seule dans les tourbières basses; on
y rencontre aussi le minerai de fer des marais sous forme de sidérite
330
et d ’hématite brune (limonite). D’après L. Roukhine, « les accu­
mulations de sidérite limoneuse prennent la forme de lentilles dont
le diamètre atteint plusieurs mètres et même, dans les cas exception­
nels, de dizaines de mètres ». Ces accumulations sont liées à un milieu
réducteur. L ’hématite brune se trouve le plus souvent dans les tour­
bières soit sous forme d ’une masse spongieuse, soit sous celle de ro­
gnons isolés. Apparemment, elle a pu être produite de deux façons:
1) oxydation de la sidérite ; 2) précipitation en présence des Ferro-
bactéries à partir des solutions de divers sels de fer.
Les dépôts des marais contiennent aussi de la vivianite qui est
un protoxyde phosphorique de fer se formant en milieu réducteur.

F i? . 161. D é p ô ts d e s m a r a is so u s c l im a t h u m id e : e x e m p le
d e s m a r a is d e la B ié lo ru s s ie ( d ’a p rè s G . B o u c h in s k i) :
/ — v i v i a n i t e ; 2 — s i d é r i t e ; 3 — h é m a ti te b r u n e ; 4 — to u r
b e ; 5 — c h a u x d e s m a r a i s ; 6 — s a b le e t a r g ile

Elle peut être disséminée parmi d ’autres dépôts (tourbe, sidérite),


mais quelquefois elle constitue des lentilles isolées. Une même
tourbière peut dans certains cas contenir de la sidérite, de la vivia­
nite et de l ’hématite brune (fig. 161).
Dans les tourbières basses on voit parfois apparaître au sein
de la tourbe des straticules calcaires blanchâtres dont la présence
s’explique par des venues d ’eau très enrichie en CaC03.

§ 3. Rôle pratique des marais


L’étude des marais présente un grand intérêt pratique. Ils recè­
lent de grandes réserves de tourbe, largement utilisée dans des buts
les plus divers, mais son importance comme combustible est de loin
le plus grand. La majeure partie de la tourbe extraite en U.R.S.S.
est utilisée comme combustible. Plusieurs centrales électriques de
moyenne ou de faible puissance travaillent à la tourbe. Elle sert
à satisfaire de nombreux besoins ménagers. Après traitement dans
des usines chimiques on extrait de la tourbe plusieurs produits
techniques précieux: cire, poix, crébline, phénols, etc. Dans le bâti­
ment, elle sert d'isolant thermique, dans l’agriculture, on l ’emploie
comme engrais.
En Union Soviétique, les tourbières couvrent des étendues très
vastes. D’après N. Katz, la surface totale qu’elles occupent sur le
331
globe terrestre est de 175 000 000 d ’ha dont les 72,6 % se trouvent en
Union Soviétique. L ’U.R.S.S. possède ainsi les 3/4 des réserves
mondiales de tourbe.
Pour un géologue l ’intérêt n ’est pas seulement de connaître
l ’évolution actuelle des marais, leur répartition ainsi que les appli­
cations pratiques de la tourbe et d ’autres minerais utiles, mais aussi
de savoir comment se sont déroulés les phénomènes analogues aux
époques géologiques révolues, notamment les processus de la forma­
tion des houilles. Il y a presque deux cents ans, Lomonossov remar­
qua certains traits communs aux houilles et aux tourbes et en con­
clut dans son traité Des couches terrestres: « Si les charbons de terre
ressemblent à la tourbe, c ’est certainement parce qu’ils en pro­
viennent. » Une étude détaillée et approfondie a révélé que la plupart
des couches houillères se sont formées dans des tourbières et reflè­
tent les particularités de ces dernières (différences de structure et
d ’évolution).
Mais la tourbe ne se transforme en charbon que si elle a été fossi­
lisée sous d ’autres dépôts. La pression des couches supérieures el
l ’élévation de la température accompagnant l ’affaissement modi­
fient la tourbe ; les restes de tissus végétaux se décomposent complè­
tement et se tassent, leur teneur en hydrogène et en oxygène diminue,
celle en carbone augmente.
L’ensevelissement de la tourbe et sa fossilisation sont dans une
grande mesure déterminés par les mouvements de l ’écorce terrestre
qui se manifestent partout avec plus ou moins d ’intensité et sont
la cause des changements de dépôts dans les séries verticales.
Dans les séries houillères, les charbons alternent souvent avec,
des couches d ’autres roches (grès, limons, argiles, calcaires). A cer­
taines époques les conditions ont donc été particulièrement favo­
rables au développement des marais et à l ’accumulation de couches
épaisses de tourbe. Lorsque ces conditions se sont modifiées, d ’au­
tres formations se sont déposées et ont recouvert les tourbes. Les
grands gisements houillers (Donbass, Ruhr, etc.) sont encaissés
dans un complexe de formations qui comportent aussi des dépôts
marins typiques. C’est le signe d ’une alternance périodique de con­
ditions continentales et marines. En outre, en maintes occasions
cette alternance de formations continentales et marines présente
un caractère de régularité amenant des successions cycliques.
Dans ces bassins houillers les couches de roches encaissantes et
de houilles sont continues et peuvent être reconnues sur de vastes
étendues. Généralement, les formations houillères y sont très épais­
ses (plusieurs kilomètres) et contiennent un grand nombre de cou­
ches de houille. La présence dans la série de dépôts marins et la con­
tinuité des couches sont un témoignage de ce que ces formations
houillères se sont accumulées sur de vastes plaines littorales ayant
subi tantôt un exhaussement les libérant des eaux marines et les
transformant en marécages, tantôt un affaissement suivi d ’une immer-
332
sien par les eaux. Ainsi, les alternances de faciès continental et marin
avaient pour cause les mouvements de l ’écorce terrestre ayant pro­
voqué des transgressions et des régressions marines.
Les bassins houillers constitués dans les conditions de la zone
littorale s ’appellent p a r a l i q u e s . Le bassin du Donetz en fournit un

M in e 4 0
M i n e 39

Mi n e 38

banc 11
banc 10
banc 9

du I typp

v----
P r o f i l du II ty p e
0,70

du III ty p e

F ig . 1 62. T y p e s p r in c i p a u x d e p ro fils d a n s le b a s s in b o u ill e r d e K iz e l:


I — z o n e d e s m a r a is s t a g n a n t s ; I I — z o n e s d e s m a r a is o u v e r t s ; I I I — zone
d e s l i t s f lu v ia u x e t d e s a u t r e s c h e n a u x d ’é c o u le m e n t

bel exemple : dans ses dépôts du Carbonifère moyen et supérieur


on a découvert plus d ’une centaine de couches houillères résultant
de la transformation de la tourbe des anciens marais. Les couches
de charbon alternent avec des argiles contenant une faune marine,
ce qui montre qu’à l ’époque de l ’accumulation des formations houil­
lères le territoire du Donbass a été tantôt recouvert par la mer,
tantôt devenait une terre ferme.
Les bassins houillers qui, au contraire, se sont formés dans des
conditions exclusivement continentales sont dits l i m n i q u e s . Les assi­
ses houillères sont constituées de dépôts d ’eau douce (alluvions,
colluvions, sédiments lacustres, marécageux, etc.). Dans la plupart
333
des cas, ils ne sont pas épais (exceptionnellement de quelques centai­
nes de mètres), et d ’un faciès changeant: souvent la houille y appa­
raît sous forme de gisements lenticulaires. Les couches de charbon
y ont une épaisseur irrégulière et leur nombre n ’est pas très grand.
En guise d ’exemple de ce type de gisement on peut citer les bassins
de Moscou, de Kizel, d ’ïrkoutsk (fig. 162).
La chronologie géologique révèle plusieurs époques de sédimen­
tation houillère intense : Carbonifère (Bassins du Donetz, de Kizel,
de Moscou, des Appalaches, etc.), Permien (bassin de Toungousska.
de Kouznetsk, etc.), Jurassique (bassins Lensko-VerkhoTanski.
Goulmo-Kansko-Irkoutski), Tertiaire (bassin de Sakhaline, etc.).
CHAPITRE 1 3

Notion de faciès et roches sédimentaires

§ 1. Notion de faciès
L'examen de tous les phénomènes de la dynamique externe nous
montre qu’ils conditionnent, d ’une part, une forte érosion et, d ’autre
part, une accumulation de dépôts de différentes genèses. D’après
les conditions de sédimentation, on peut distinguer à la surface
terrestre deux secteurs principaux: les océans et les mers qui sont
les aires principales de la sédimentation actuelle et les continents,
dont les parties élevées sont le siège de phénomènes d ’érosion et où
des phénomènes complexes et variés agissent dans les autres régions,
aboutissant à l ’accumulation de dépôts continentaux.
L ’accumulation des dépôts dans les bassins marins et leur trans­
formation ultérieure sont très étroitement liées à l ’hydrodynamique
de chaque bassin, à l ’abondance des apports de matériaux sédimen­
taires, aux conditions physico-chimiques du milieu et à la distri­
bution des divers organismes vivants. Chaque zone marine a ses
caractéristiques qui déterminent la sédimentation et l ’aspect exté­
rieur des dépôts formés. Il en est de même pour la sédimentation
continentale. Suivant le climat, le relief et les autres facteurs il se
forme des sédiments variés. Ainsi, dans les régions subtropicales
très chaudes où la végétation est luxuriante, on voit se former
des produits d ’altération très originaux, les latérites (éluvions) où
abondent les oxydes hydratés de fer, d ’aluminium et de silicium,
alors que dans les régions désertiques les dépôts éluviaux sont
surtout représentés par des matériaux détritiques. Les dépôts
lacustres des régions tempérées se distinguent sensiblement de ceux
des lacs de la zone aride.
Il existe donc dans la nature un rapport étroit et multilatéral
entre la sédimentation et le milieu dans lequel elle s ’opère. Quand
ce dernier se modifie, la transformation ultérieure du dépôt subit
dans une certaine mesure, elle aussi, des variations. Donc, en étudiant
un dépôt, sa composition, les principes de sa distribution spatiale
et la faune qu’il contient, on peut reconstituer les conditions de sa
formation. Or, ceci est très important lorsqu’on procède à l ’analyse
des dépôts anciens et lorsqu’on reconstitue l ’histoire de l ’évolution
de la croûte terrestre. Le géologue suisse A. Gressly a remarqué,
il y a plus de 120 ans, que les dépôts du même âge, mais formés dans
335
des lieux différents se distinguent sensiblement, c’est-à-dire que
les couches d ’une même roche sédimentaire subissent des différen­
tiations régulières suivant leur répartition spatiale. Afin de distin­
guer ces modifications il a introduit la notion de faciès. Actuelle­
ment, on groupe sous le terme de faciès l ’ensemble des caractéristi­
ques d ’un sédiment (sa nature, la faune qu’il contient, etc.) et les
conditions de sa formation.
Le faciès est devenu une des notions fondamentales de la géolo­
gie, surtout après les travaux de l ’académicien D. Nalivkine. Dans
la dernière édition de son ouvrage Théorie des faciès, il écrit: « La
théorie des faciès sert d ’introduction naturelle à la paléogéographie,
science qui se fixe pour tâche de reconstituer la répartition entre
les mers et les terres, l’environnement physico-géographique et l ’as­
pect de la surface terrestre dans son ensemble aux époques géolo­
giques révolues. » D ’autre part, la connaissance des principes ré­
gissant la formation des roches sédimentaires permet d ’établir les
règles de la distribution des minerais utiles dont le rôle est très
important pour l ’économie nationale. En guise d ’exemple de
gisements associés à des roches sédimentaires on peut citer ceux
des bassins houillers du Donetz, du Kouznetsk et d ’autres régions;
les gisements pétrolifères de Bakou, de la région de la Volga, de la
Subcaucasie, de la région de la Caspienne; les gisements de fer de
Kertch et de Lipetsk; la bauxite ouralienne, etc. L ’analyse du
faciès est la méthode essentielle de l ’étude des anciens mouvements
tectoniques, étude dont l ’importance est capitale pour la prospec­
tion des minerais, surtout du pétrole et du gaz.
L’analyse du faciès des dépôts anciens doit comprendre une
étude détaillée de la composition des roches et de la faune fossile
qu’elles renferment, des lois de la distribution des faciès et des suc­
cessions de faciès suivant un même niveau ou verticalement et une
application du principe d ’actualisme.
On distingue trois grands groupes de faciès:
1) marins;
2) lagunaires;
3) continentaux.
Chaque groupe peut être à son tour subdivisé en plusieurs macro-
el micro-faciès. Ainsi, les dépôts de faciès marins peuvent se sub­
diviser en faciès:
1) côtier ou littoral ;
2) néritique ou sublittoral (faible profondeur) ;
3) épinéritique ou de profondeur moyenne (au-dessous de 100 m) ;
4) bathyal, de plus grande profondeur;
5) abyssal, de très grande profondeur.
Cette subdivision est basée sur les variations des agitations de
l'eau et de la composition de la vie organique suivant la profondeur.
Le faciès lagunaire peut être également subdivisé en macro-faciès :
1) d ’eau douce;
33»;
2) des lagunes salées;
3) des estuaires et des limans.
L. Roukhine range également dans ce groupe le macro-faciès
de deltas avec leur complexe de dépôts marins, lagunaires et con­
tinentaux.
Les dépôts continentaux présentent une grande diversité, chaque
type reflétant les particularités des conditions dans lesquelles il est
formé. On y dégage de même des groupes de faciès et des faciès lo­
caux. Leurs types génétiques principaux sont indiqués au tableau 14
(d’après E. Chantser).
On y distingue les grands groupes suivants: faciès éluvial,
colluvial (de versants), alluvial, déluvial (torrentiel), lacustre, de
marais, glaciaire et éolien. Chaque macro-faciès comporte plusieurs
faciès différents. Ainsi, le macro-faciès alluvial compte trois faciès,
faciès du lit fluvial, de la plaine alluviale et des bras morts. Le ma­
cro-faciès glaciaire comprend les faciès morainique, fluvio-glaciaire
et lacustro-glaciaire.

Action des mouvements de l’écorce terrestre sur la répartition


des faciès. L ’histoire de la Terre a connu de fréquents changements
dans la répartition des terres et des mers ainsi que des déplacements
delà ligne côtière, provoqués par les mouvements de l ’écorce terrestre.
Tableau 14

G ro u p e e t s é r ie d e m il ie u T y p e g é n é tiq u e

S é rie é l u v ia l e S o ls é l u v ia u x

F a c iè s c o llu v ia u x D é p ô ts g r a v if iq u e s A c c u m u la tio n s d 'é b o u le m e n t e t é b o u -


(de v e r s a n ts ) ( c o llu v io n ) lis
A c c u m u la tio n s d e g lis s e m e n t
A c c u m u la tio n s d e s o l i f l u x i o n

D é lu v io n

D é p ô ts d e s l i t s f lu v ia u x A llu v io n
D é p ô ts t o r r e n t i e l s

D é p ô ts l a c u s t r e s E n s e m b le d e s d é p ô ts l a c u s t r e s
D é p ô ts c h i m iq u e s (sels)

D é p ô ts o r g a n iq u e s d e s m a ra is T o u rb iè re s

D ép ô ts g la c ia ir e s D é p ô ts g la c ia ir e s (m o ra in e s )
D é p ô ts f lu v io - g la c ia ir e s
D é p ô ts la c u s t r o - g la c ia ir e s

D ép ô ts é o lie n s S a b le s é o lie n s
L œ ss é o lie n
Tantôt il y avait des transgressions ou avancées de la mer sur la terre,
tantôt des régressions ou retraits de la mer. Les déplacements de la
ligne du rivage provoquaient le décalage des faciès, phénomène qu’on
note fréquemment dans les séries géologiques. Ainsi, pendant les
transgressions la ligne côtière se déplaçait vers le continent; les

F ig . 163. D é c a la g e d e s fa c iè s d û a u d é p la c e m e n t d e la lig n e d u r iv a g e
d u r a n t la tra n s g re s s io n ( / ) , la ré g re s s io n ( I I ) e t p e n d a n t u n c y c le c o m ­
p l e t d e s é d im e n ta ti o n ( I I I ) ( tra n s g re s s io n e t ré g re ssio n ) :
a, b, c — fro n tiè r e s d e s f a c iè s ; 1 — 7 f ro n tiè r e s te m p o r a ir e s d e la m e r ;
A — A — lig n e d e c o u p e tr a n s v e r s a le ; 1 — g a l e ts ; 2 — s a b le s ; 3 — a r ­
g i l e s ; 4 — c a lc a ir e s

secteurs de faible profondeur de la zone sublittorale et littorale


s ’éloignaient du rivage et les dépôts grossiers d ’un faciès étaient
recouverts par les dépôts plus fins d ’un autre faciès.
Sur la fig. 163, / , la position initiale du niveau de la mer est
indiquée par le chiffre 1. La succession des dépôts y est normale :
près du rivage des galets ou des sables grossiers, plus loin des sables
qui sont remplacés par des argiles et des calcaires. Du fait des trans­
gressions le niveau de la mer se déplace progressivement dans les
positions 2, 3, 4, 5, etc., d ’où le décalage des faciès; là où les galets
s ’accumulaient auparavant viennent maintenant des sables sous-
jacents aux argiles qui sont eux-mêmes recouverts de calcaires. On
voit donc dans la série géologique se succéder de bas en haut des dé­
pôts de moins en moins grossiers. Une telle série est dite transgressive.
Comme on le voit sur la fig. 163, / / , la disposition des faciès
est toute autre lorsqu’il y a régression. La série géologique comporte
338
des calcaires à la base, puis viennent des argiles, des sables et des ga­
lets. C’est ce qu’on nomme une série régressive.
Parfois, les séries géologiques témoignent d ’une alternance de
couches à successions transgressives et régressives (fig. 163, / / / ) ,
ce qui prouve le déplacement de la ligne du rivage.

§ 2. Roches sédimentaires
Les roches sédimentaires constituent la partie superficielle de
l ’écorce terrestre et occupent de très vastes superficies. On a vu plus
haut qu’elles se forment dans les bassins marins et à la surface des
terres sous l ’effet de trois processus:
1) accumulation des matériaux détritiques résultant de la dé­
sagrégation des roches formées antérieurement (ignées, métamorphi­
ques ou sédimentaires) ;
2) précipitation chimique des substances dissoutes;
3) activité biochimique des organismes.
Sur la base de cette distinction on a longtemps classé les roches
sédimentaires en trois groupes : roches détritiques, chimiques et orga­
niques. Pourtant, il existe des roches résultant de l ’action com­
binée de la sédimentation organogène et de la précipitation chimique
ou biochimique à partir de solutions de certains corps composés
(quelques calcaires, roches siliceuses). D’autre part, il y a des roches
qui sont en quelque sorte intermédiaires entre les roches détritiques
et chimiques. Parmi ces roches citons, par exemple, les argiles for­
mées en majeure partie de produits de précipitation à partir de solu­
tions colloïdales mais qui comportent également une certaine quanti­
té de fines particules détritiques. C’est pourquoi M. Chvétsov classe
les roches sédimentaires en trois groupes :
1) détritiques ;
2) argileuses;
3) chimiques et organiques.
Les roches sédimentaires possèdent plusieurs traits caractéristi­
ques qui les distinguent des roches ignées et des roches métamorphi­
ques. Il faut tout d ’abord mentionner leur structure stratifiée qui
s’observe dans la plupart de ces roches. L ’allure que prend cette stra­
tification peut souvent nous renseigner sur les conditions de la sédi­
mentation. Ainsi, une stratification horizontale témoigne d ’une accu­
mulation dans des bassins calmes, tandis qu’une stratification obli­
que indique ordinairement un déplacement des eaux. Un deuxième
trait distinctif des roches sédimentaires est la présence en leurs séries
de faune et de flore fossilisées qui caractérisent le milieu dans lequel
s ’est déroulée la sédimentation. La composition des roches sédimen­
taires est également très typique.
Roches détritiques. Elles se différencient entre elles par la taille
et la forme des débris. On distingue :
22* 339
1) les psêphites (débris grossiers) dont plus de 50% des débris
dépassent 1 mm de diamètre ;
2) les psammites (sables) composés de grains de 1 à 0,1 mm ;
3) les farines composées surtout de grains de 0,1 à 0,01 mm.
La classification générale des roches détritiques est donnée au
tableau 15.
Tableau 15
Dénomination des roches
Calibre des
débris de Groupe de émoussées anguleuses
roches roches
(en mm) meubles cimentées meubles cimentées

1 0 0 -1 0 0 0 p s ê p h ite s b lo c s c o n g lo m é - b lo c s b r u t s
e t p lu s ( d é b r is ém o u ssés ra ts g ra v illo n s b rèc h es
g r o s s ie rs ) g a le ts

10-100 g r a v ie r a rè n e
ro u lé
1-10
1 -0 ,1 p s a m m ite s s a b le g rè s s a b le g rès
(s a b le s )
0 ,1 -0 ,0 1 f a r in e s lim o n a le u ro lite lim o n a le u ro lile

Une brèche est une roche cimentée composée de fragments angu­


leux non émoussés (blocs, gravillon, arène). Ces fragments peuvent
provenir soit de la désagrégation des roches en place (ils s ’accumulent
alors à proximité des terrains d ’origine), soit des apports torrentiels,
soit des glissements, etc. Le ciment est ordinairement formé par la
calcite, les oxydes de fer, la silice, etc.
Les conglomérats sont beaucoup plus fréquents. Ce sont des roches
détritiques roulées (blocs, galets, gravier) cimentées pendant la
diagenèse. Ils forment généralement des couches plus ou moins
importantes et peuvent avoir une origine terrigène (dépôts torrentiels,
alluvions) ou marine (galets littoraux).
Les sables. On y assimile les roches constituées de grains de cali­
bre varié classées d ’après leur granulométrie en sables grossiers,
à grains moyens, fins et très fins. Leur composition minéralogique est
également très hétérogène. Dans la nature on rencontre souvent des
sables composés à 95 % de grains de quartz. Mais il arrive fréquem­
ment que dans leur composition entrent plusieurs minéraux. Outre
les sables monominéraux homogènes, M. Chvétsov dégage des sables
oligominéraux dans lesquels le quartz domine (75-95 %), mais qui
comportent aussi une part notable de feldspath ou de mica et des
sables polyminéraux composés de grains de minéraux divers (quartz
feldspaths et minéraux non ferreux).
Fait caractéristique: les grès polyminéraux se rencontrent pour
la plupart dans les géosynclinaux (zones mobiles de l ’écorce terres-
,340 ■
trc), alors que les formatious oligominérales et monominérales se
trouvent sur des socles stables.
Quand les sables sont constitués pour l ’essentiel de quartz et de
feldspath, ils sont dits arkoses. Mais lorsqu’ils se composent de dé­
bris de roches et de minéraux divers, on les appelle grauwackes. Si la
teneur en glauconie est assez élevée (20-40 %), on distingue les sa­
bles glauconiens.
La coloration du sable dépend souvent de ses éléments secondai­
res: les oxydes de fer lui donnent une couleur brune, la glauconie, une
couleur verte, les substances organiques, une couleur noire. D’après
leur origine, les sables peuvent être marins, fluviaux, éoliens ou
fluvio-glaciaires.
Les grès sont des roches résultant de la cimentation des sables par
diverses substances (combinaisons ferrugineuses, calcaires, siliceu­
ses, etc.).
Les roches aleurolitiques (farineuses) rassemblent des formations
composées surtout de particules de 0,1 à 0,01 mm. Ce sont des roches
intermédiaires entre les sables et les argiles. Quand la part des grains
d’argile est faible ( < 0,005), elles s ’apparentent aux sables quant
à leur aspect extérieur et à leurs propriétés. Lorsque les grains d ’argi­
le prédominent, elles ressemblent à des argiles. On range dans ce grou­
pe les limons sableux et argileux, les lœss, les limons lœssiques.
Ces farines, quand elles sont cimentées, s ’appellent aleurolites.
Les argiles. Ce sont les roches les plus répandues. Elles occupent
une position intermédiaire entre les roches chimiques et les roches
détritiques. Ordinairement, elles sont constituées de grains de cali­
bre inférieur à 0,01 mm et contiennent plus de 30 % de particules
inférieures à 0,001 mm. Dans la majorité des cas, les argiles sont for­
mées de produits d ’altération chimique des roches ignées et autres.
Ces produits d ’altération peuvent s ’accumuler à l ’endroit même de
leur formation et composer un éluvium (argiles résiduelles) ; mais,
plus fréquemment, elles sont transportées par les eaux courantes et
déposées dans les mers, les lacs et les lits des cours d ’eau.
Les argiles possèdent des propriétés spécifiques :
1) elles sont plastiques, c’est-à-dire qu’elles changent de forme
sous l ’action de la pression;
2) elles absorbent l ’eau lorsqu’elles sont humectées et augmentent
de volume de 40-45% et plus;
3) elles sont très peu perméables.
D’après L. Roukhine, trois groupes de minéraux entrent dans la
constitution des argiles :
a) les argileux (kaolinite, montmorillonite, micas, etc.) qui
donnent les grains colloïdaux les plus fins ;
b) les quartz, feldspath, mica, etc., représentés par leurs frag­
ments ;
c) les inclusions d ’hydroxydes de fer, de carbonates, de sul­
fures, etc.
341
Les argiles comportent en outre des matières organiques.
Selon leur richesse en impuretés introduites pendant le transport
e t le dépôt, on classe les argiles en de nombreuses variétés : pures,
calcarifères, siliceuses, bitumineuses, sableuses, etc. Si la part de sa­
ble et de poussières est grande, les argiles passent à des roches aleuroli-
tiques (sables impalpables).
Dans la plupart des cas, les argiles produites par la sédimentation
dans un milieu aqueux ont une composition mixte dans laquelle
dominent les minéraux du groupe des micas. Les variétés pures se
rencontrent parmi les roches continentales, notamment dans les
-éluvions. On y assimile les kaolins (réfractaires) et les montmoril-
lonites (absorbantes), d ’une grande valeur industrielle.
Une fois transformées par diagenèse en roches cimentées et cohé-
Tentes, parfois très dures, les argiles deviennent des argilites. Celles-
•ci se rencontrent surtout dans les régions montagneuses.
Roches d’origine chimique et organique. Un grand groupe de ro­
ches apparaît dans divers bassins et même, par endroits, à la surface
des continents par suite de phénomènes chimiques et biochimiques
•(activité vitale des animaux et des plantes), ou du fait de l ’accumula­
tion de restes organiques d ’animaux et de plantes morts. On peut
distinguer parmi ces roches les formations carbonatées, siliceuses,
-salines (sulfuriques et halogènes), ferrugineuses, phosphatées et les
•caustobiolites.
Dans les roches carbonatées on range les calcaires, les dolomies
e t les marnes.
Les calcaires (CaC03) connaissent la plus large extension. Les
calcaires organogènes sont ordinairement composés de coquilles
calcaires de Mollusques, de Foraminifères, de fragments d ’Entro-
ques, d ’Algues calcaires, de Coraux, etc. Selon la proportion des
restes de tel ou tel organisme, les calcaires sont dite coralliens, à
Brachiopodes, à Foraminifères, etc. Parmi les calcaires d ’origine
chimique on trouve les calcaires oolithiques, agglomérats de granules
d ’oolithes calcaires; les tufs calcaires ou travertins déposés par les
sources riches en bicarbonate de calcium dissous dans l ’eau, etc.
La craie est une roche dont la composition est double. La plus
grande partie (environ 60-70 %) est constituée par les restes d ’orga­
nismes planctoniques, la partie restante — la calcite pulvéru­
lente à grains très fins — est formée vraisemblablement par voie
chimique.
La marrie est un autre exemple de roche ayant une double com­
position. Pour 50 à 70 % elle est formée de CaC03 de provenance
organique ; les 30 à 50 % restante sont composés de particules argi­
leuses d ’origine détritique et chimique.
Les dolomies, par leur composition chimique, sont à 90-95 %
un carbonate double de magnésium et de calcium CaMg(C03)2.
Quand la part de CaC03est d ’au moins 50 %, la roche est dite calcaire
dolomitique. La dolomie peut résulter de la précipitation d ’un dépôt
342
à partir d'eau à salinité excédentaire (d’après S. Vichniakov) ; dans
ce cas, les couches de dolomie alternent avec celles de gypse. Mais
il est plus fréquent que les dolomies se forment par modifications
(dolomitisation) des calcaires (ou des dépôts calcaires) au moyen
de solutions correspondantes jusqu’à ce qu’ils deviennent des roches
(substitution dite exogénométasomatique1 des calcaires), ou par voie
hydro-thermo-métasomatique (à température basse).
Roches siliceuses. Elles comprennent les diatomites, les lydien­
nes, les gaizes et les concrétions siliceuses.
La diatomite est une roche meuble, terreuse, faiblement cimen­
tée, d ’un jaune ou d ’un gris clair, composée de débris d ’algues micro­
scopiques (Diatomées) réunis par de la silice hydratée amorphe (opa­
le). Elle contient fréquemment des grains d ’argile, de quartz et de
glauconie.
La lydienne est identique à la diatomite quant à ses propriétés,
mais elle ne contient pas de traces de débris organiques. Elle est
surtout constituée de grains minuscules d ’opale. Sa genèse n ’est
pas encore bien connue, mais il est probable qu’elle se forme par voie
biochimique.
La gaize est une roche légère composée de silice hydratée (jus­
qu’à 90%) comportant une petite proportion de débris de Radiolai­
res et de tests de Diatomées ainsi que de grains de quartz, de glauco­
nie et de particules argileuses. Les gaizes dures sont les plus répan­
dues, la cassure est conchoïdale, la couleur passe du gris-bleu au
gris presque noir. 11 est plus rare de rencontrer des gaizes friables ;
celles-ci ressemblent extérieurement aux diatomites ou aux lydien­
nes. Certains chercheurs supposent que la gaize est une diatomite ou
une lydienne transformée, tandis que d ’autres sont enclins à y voir
une formation chimique des bassins marins.
Les concrétions siliceuses sont très répandues parmi les roches
sédimentaires. Elles se forment de diverses manières. Certaines sont
produites à partir des solutions circulant dans les roches et remplis­
sant ses vides d ’une substance opalo-calcédonique. D’autres se for­
ment au cours de la diagenèse (transformation du dépôt en roche)
par excroissance autour d ’un centre quelconque en matière étrangère
sous l ’action de forces de cristallisation. Les concrétions avec des vi­
des à l ’intérieur s ’appellent géodes; quand le noyau est comblé et
dur, on dit que c’est un rognon. Les concrétions siliceuses (rognons
de silex) se trouvent dans de nombreuses roches, mais elles sont sur­
tout fréquentes dans les calcaires.
Roches salines (sulfuriques et halogènes). Malgré toute la diversi­
té de leur composition chimique elles sont réunies par une origine
commune: elles ont toutes été formées dans des lagunes coupées des
1 La métasomatose est le phénomène de la substitution de certains miné­
raux ou roches par d’autres, accompagné de leur transformation chimique se
déroulant durant l’interaction des roches avec des solutions, des gaz ou des
bains de fusion.
343
mers et en voie d assèchement ou dans des lacs salins. On range dans
ce groupe les roches monominérales : anhydrite (CaS04), gypse
(CaS04-2H20), sel gemme (NaCl) et d ’autres formations déjà exami­
nées plus haut.
Formations ferrugineuses. Les plus répandues et les plus impor­
tantes du point de vue pratique sont les hématites oolithiques brunes
constituées de formations à enveloppes concentriques ou rayonnantes
(oolithes d ’un diamètre allant d ’une fraction de millimètre à 15
ou 20 mm). Parfois, elles sont enrichies de combinaisons de manganè­
se. De nombreux gisements de minerais de fer constituent des forma­
tions sédimentaires typiques des zones superficielles de l ’écorce
terrestre. Ils peuvent se former dans les marais, les lacs, les mers, à la
surface des continents, par oxydation des protoxydes de fer durant
l ’altération des roches, amenant une décomposition chimique des mi­
néraux contenant du fer et du magnésium.
Les formations phosphatées sont des roches sédimentaires con-
teuant de 12 à 40 % de P20 5. D ’après la nature des gisements on distin-
gne les phosphorites à concrétions (ou à nodules) quand ils prennent
l ’aspect de nodules sphériques ou arrondis, et les phosphorites à
couches (filons) constituées de bancs cimentés en conglomérats.
Les gisements les plus répandus sont ceux de concrétions de phos­
phorites qui constituent ordinairement des inclusions dans les roches
sablo-argileuses ou carbonatées et dont le diamètre des nodules ne
dépasse pas quelques centimètres (10 à 20 dans des cas exceptionnels).
Les concrétions de phosphorites se forment au fond de la mer dans
des dépôts vaseux qui ne sont pas encore consolidés; elles doivent
leur origine à la contraction de combinaisons de phosphore autour
de certains centres, ainsi qu’à la concentration du phosphore dans
des organismes marins. Les phosphorites constituent une matière
première utilisée pour la fabrication des engrais minéraux (quand
leur teneur en P20 5 est supérieure à 12 %).
Caustobiolites (combustibles organogènes). Ce groupe rassemble
les roches d ’une importance capitale: les combustibles fossiles,
notamment les formations houillères et bitumineuses (pétrole, etc.).
La plupart des houilles fossiles tirent leur origine de la matière
végétale fournie surtout par les plantes supérieures et leurs sécrétions
résineuses. Ces formations font partie des roches humiques (tourbe,
lignite brun, houille, anthracite).
Les sapropélites sont classés dans un autre groupe; ils se forment
surtout dans les bassins lacustres, principalement à partir des plan­
tes inférieures (algues) et du plancton animal. Ils contiennent sou­
vent une quantité notable de grains d ’argile et d ’autres matériaux
minéraux (charbon sapropélique et schistes charbonneux).
La tourbe est constituée par des débris végétaux à demi décom­
posés qui se sont accumulés durant une longue période dans les lacs
et les marais. Leur décomposition s ’est effectuée dans l ’eau avec
la participation de diverses Bactéries et un apport d ’air insuffisant.
L’épaisseur globale des couches peut parfois atteindre plusieurs mè­
tres. La matière organique de la tourbe contient de 28 à 35 % de
carbone, de 30 à 38 % d ’oxygène, environ 5,5 % d ’hydrogène. On
distingue les tourbes à Sphaignes, à Laîches, à Roseaux. Les réserves
globales de l ’U.R.S.S. sont très grandes et constituent environ 2/3
des réserves mondiales.
Les lignites sont aussi le produit de la transformation des dépôts
végétaux accumulés durant les périodes géologiques révolues. Ils
sont plus durs et plus compacts que la tourbe : leur densité varie
de 1,1 à 1,3; leur teneur en carbone est de 67-78 %. Ils contiennent
de l’argile et produisent par suite beaucoup de cendres. C’est le
type intermédiaire entre la tourbe et la houille.
La houille est le stade suivant de la transformation des lignites.
Sa couleur est noire, elle est compacte, a un éclat graisseux ou rési­
neux et laisse un trait noir sur une tablette en porcelaine. Densité :
1,0-1,8 ; dureté : 0,5-2,5 ; teneur en carbone : de 80 à 85 %.
b'anthracite est le dernier stade de la transformation des débris
végétaux solides. Sa densité est de 1,3 à 1,7 ; sa dureté, de 2 à
2,5. Il est noir, à éclat submétallique; le trait qu’il laisse est noir.
Sa teneur en carbone est de 95 à 97 %.
Les charbons sapropéliques. On range parmi eux les espèces plutôt
rares des bogheads et des cannels. Ils forment des intercalations dans
les roches humiques et constituent même parfois des gisements isolés.
Les charbons sapropéliques se rencontrent dans les bassins de Mos­
cou, de Kouznetsk, etc.
Les schistes charbonneux sont beaucoup plus répandus que le type
précédent. Ce sont des roches dures, à feuillets très minces, de struc­
ture schisteuse, gris foncé ou brun, facilement inflammables. Les
schistes charbonneux sont composés à plus de 50 % de matières com­
bustibles, le reste étant constitué d ’une substance argileuse ou carbo-
natée. On en tire par distillation des gaz, des résines, des prépara­
tions médicinales, etc.
Le pétrole est un liquide graisseux combustible de couleur brune.
Il est composé de C, de O, de H, mais le rôle capital revient au car­
bone et à l ’hydrogène. C’est un mélange d ’hydrocarbures liquides
des groupes paraffinique (C/iH2n+2), naphtène (CnH2n) et aromatioue
(CnH2n-o)- Sa densité est de 0,8 à 0,9.
TROISIÈME PARTIE

Processus de dynamique interne


CHAPITRE 1 4

Déformations tectoniques

Les sédiments marins, lacustres, etc., se déposent habituellement


en couches horizontales ou presque. Ils peuvent garder cette position
un temps indéterminé et ne subir que les modifications dues à la
diagenèse, c’est-à-dire se consolider et se tasser progressivement jus­
qu’à leur transformation en roches. A titre d ’exemple d ’un gisement
non dérangé de ce genre on peut citer les couches calcaires du Carbo­
nifère des environs de Moscou.
Rigoureusement parlant, même dans un affleurement semblable
on relève certains signes d ’actions tectoniques sur les roches qui
témoignent d ’une sédimentation dans les conditions de déformation
de l ’écorce terrestre: modification de la nature des roches (de bas
en haut), division de la masse des roches en bancs, autant de faits
évoquant des changements dans les conditions de l ’accumulation
des dépôts, et qui peuvent être dus aux mouvements du sol. Pour­
tant, l ’existence des couches non dérangées, presque horizontales,
est un fait qu’on ne peut pas nier et cette disposition est une caracté­
ristique de la plupart des formations sédimentaires recouvrant de vas­
tes étendues de plaines à la surface de la Terre.
Un signe frappant et évident de mouvement du sol, c’est-à-dire
de mouvement tectonique, est constitué par les dérangements de la
disposition des couches sédimentaires ou les déformations tectoniques.
Ces dérangements peuvent être de diverse nature, mais en général
on les classe en deux grands groupes : les dislocations par plissements
(plicatives) et par failles (disjonctives). C’est dans cet ordre que nous
allons les examiner, mais auparavant examinons certains problèmes
concernant les conditions physiques du mécanisme des déformations
dans les corps solides (dérangement des couches).

I. DÉFORMATION DES CORPS SOUDES


Les roches aussi bien magmatiques que sédimentaires sont le plus
souvent des corps plus ou moins durs et élastiques constitués de cris­
taux plus ou moins fortement cimentés. Donc, avant d ’étudier les
déformations des roches, il faut connaître de quelle manière les
corps solides se déforment en général.
349
§ 1. Diagramme « effort-déformation »
Examinons le phénomène de la déformation d ’un corps solide
depuis le moment de l ’application d ’une charge à ce corps jusqu’à
sa rupture. Il est très commode de le représenter par un diagramme
dénommé diagramme « effort-déformation » (fig. 164). Supposons
que l ’axe des ordonnées représente l ’échelle
des charges a appliquées au corps et rapportées
à une unité de surface:

où F est l ’effort (pression) en kg auquel est


soumis le corps de l ’extérieur et S la surface
en cm2 sollicitée par l ’effort F.
Portons sur l ’axe des abscisses les défor­
mations e engendrées par la charge a.
D’après l ’expérience, l ’accroissement de o
entraîne celui de e, comme en témoigne sur
Fig. 164. Diagramme notre diagramme le vecteur OA. Celui-ci est
f effort-déformation» : rectiligne, c’est-à-dire que la déformation est
a— charge ; e— défor­ proportionnelle à la charge ; o et e sont donc
mation ; A — limite liés par la relation
d'élasticité; B — li­
mite d’écoulement ; o = Et.
C — charge de rupture
Le coefficient de proportionnalité E s ’ap­
pelle module d ’élasticité longitudinale ou
module de Young; c’est une notion capitale de la résistance des
matériaux et de la séismologie. Ce lien direct entre a et e porte
le nom de loi de Hooke (1676).
Les déformations qui correspondent à la partie OA du diagram­
me, c’est-à-dire à la loi de Hooke, sont dites élastiques, ce qui signi­
fie que le corps reprend sa forme initiale lorsque la charge cesse
d ’exercer son action.
La charge oa qui concerne la dernière phase des déformations élas­
tiques et qui engendre des déformations d ’un autre type, dites per­
manentes, porte le nom de limite d'élasticité.
A mesure que la charge augmente de oa à <tc, des déformations
permanentes viennent s ’ajouter aux déformations élastiques; entre
oa et üb elles sont encore réversibles (élastico-plastiques), alors que
de Ob à oc elles deviennent non réversibles ou discontinues. La charge
Ob qui correspond au déclenchement des déformations non réversibles
s ’appelle limite d'écoulement ou d ’étirement. La charge qui provoque
la rupture du corps s ’appelle charge de rupture ; elle est souvent dési­
gnée par le symbole K d.
Indiquons les valeurs de K d (charge limite à la compression) pour
certains corps (tableau 16).
350
T ableau 1S
V a leu rs d e pour c e r ta in s m in éra u x e t roches

Minéraux Kd , kg/cma Roche Kd , kg/cm»

Quartz 20 000 Basalte 1 000-3 200


Granité 800-2 000
Halite 275 Grès 500-1 800
Calcaire 400-2 000

Ainsi, un corps sollicité par des contraintes n'est d ’abord l'objet


que de déformations élastiques (OA), puis viennent les déformations
plastiques, c’est-à-dire permanentes mais encore réversibles (AB),
et enfin, une fois la limite d ’écoulement dépassée, les déformations
permanentes et non réversibles (discontinues) qui provoquent la rup­
ture du corps (BC).
Examinons de plus près ces trois types de déformations.

§ 2. Déformations élastiques
Les déformations élastiques ne peuvent être décelées dans les
roches d ’une façon aussi évidente que le sont les déformations perma­
nentes; toutefois, elles sont à l ’origine de nombreux phénomènes
géologiques. Ainsi, les « coups de toit » enregistrés dans les mines
profondes sont dus à ces déformations; les parois des mines, sous
la pression des couches supérieures, se bombent vers l ’intérieur, et
des morceaux de roche sont projetés en avant avec un bruit sec e t
avec une telle force qu’ils peuvent blesser les mineurs. Les tremble­
ments de terre sont également dus à des déformations élastiques engen­
drées par l ’accumulation de contraintes tectoniques qui se résolvent
brutalement et presque instantanément, et donnent naissance à des
déformations permanentes se traduisant par un glissement d ’un
plan de faille sur l ’autre pouvant atteindre plusieurs mètres. Enfin,
les déformations élastiques sont à l ’origine de phénomènes se produi­
sant à une toute autre échelle, tel que Yextinction roulante des cris­
taux de quartz et de certains autres minéraux observés au microscope ;
si l ’on chauffe l ’échantillon, l ’effet d ’extinction roulante disparaît,
du fait de la redistribution des particules provoquée par une tempé­
rature élevée.
§ 3. Déformations plastiques
C’est dans les métaux que les déformations plastiques se mani­
festent avec une évidence particulière. Si l ’on soumet une tige métalli­
que, de cuivre ou d ’aluminium par exemple, à un effort de traction,
elle s ’allonge sans se rompre, mais il apparaît un endroit où elle
351
devient plus mince. Cet amincissement s ’appelle striction et aboutit
à la rupture de la tige si l ’effort va en augmentant (fig. 165). Que
se passe-t-il alors dans la zone de striction? Le processus d ’amincis­
sement est le suivant : la tige est en quelque sorte fragmentée en plu­
sieurs disques dont l ’épaisseur et l ’orientation sont déterminées par
les particularités du réseau cristallin du métal ; chaque disque se
déplace par rapport à ses voisins en restant toutefois en contact avec
eux (fig. 165; a, avant et 5, après l ’étirement). La marche du phé­
nomène est régie par les particularités du réseau cristallin de la subs­
tance, car c’est lui qui conditionne la résistance, la ductilité, les
liaisons internes, l ’orientation des plans de glissement éventuels.
Or, les propriétés du réseau cristallin sont déterminées par les inter­
actions et les liens mutuels entre les particules qui le constituent,

Fig. 165. Etirement d’une barre d’aluminium:


a — avant la traction ; b — après la traction

c ’est-à-dire les atomes de la substance. Ce phénomène s ’appelle


translation ou glissement. Il a été bien étudié en ce qui concerne
les métaux, et de nombreux ouvrages lui sont consacrés.
Le processus de déformation plastique des cristaux non métalli­
ques (ioniques) est en principe le même. Les cristaux déformés de ha-
lite, de gypse, de galène, de tourmaline, de feldspath, decalcite, etc.,
sont très fréquents dans la nature.
Prenons la halite ou sel gemme (NaCl).
Elle cristallise dans le système cubique ; aux sommets des mailles
élémentaires réparties en échiquier se trouvent les ions Na à charge
positive et Cl à charge négative. L ’interaction des charges détermine
en gros la structure et les propriétés du cristal.
Imaginons maintenant que nous voulions faire glisser une partie
du cristal suivant le plan parallèle à l ’une de ses faces. Il est facile
de prévoir qu’il viendra bientôt un moment où les particules de Na,
de même que de Cl, se trouveront en face de particules semblables.
Les forces de répulsion agissant entre les charges de même signe dis­
loqueront alors le cristal en deux parties suivant le plan parallèle
à l ’une des faces du cube, c’est-à-dire suivant le plan de clivage. Telle
est la signification de la notion de clivage (fig. 166, a).
Il en sera tout autrement si nous nous efforçons de déplacer une
partie du cristal suivant une direction oblique, celle de la diagonale
352
(fig. 166, b). Alors les forces répulsives ne jouent pas et le cristal
conserve sa cohésion, les liaisons entre les blocs déplacés continuent
à agir bien que l ’aspect du cristal se modifie. Pour les cristaux de hali-
te, les plans de glissement de ce genre sont les faces d ’un rhombo-
dodécaèdre (polyèdre régulier à face en forme de rhombe).

Fig. 166. Déformation d’un cristal de sel gemme:


a — rupture suivant le plan de clivage; b — déformation
plastique; c — cristal de sel gemme courbé en arc

La facilité avec laquelle le sel gemme se prête à des déformations


plastiques permet de ployer en arc une barre de ce minéral découpée
dans un gros monocristal cubique (fig. 166, c) ; il suffit de la plonger
dans l ’eau pour prévenir la fissuration suivant les fentes de clivage
minuscules et de la plier sans se presser
avec les doigts pendant quelques secondes.
Il y a également d ’autres types de dé­
formations plastiques. Un phénomène bien
étudié est celui du maclage mécanique qui
consiste à faire pivoter certains blocs du
réseau par rapport à d ’autres en conservant
intactes les liaisons entre les éléments ; les
cristaux de calcite se prêtent facilement à
des déformations et donnent des macles
(fig. 167). L ’origine des macles polysyn- Fig. 167. Cristal de quar-
thétiques des feldspaths, surtout du micro- tzite distordu par ma­
cline et de l ’albite, est également la même. clage mécanique (d’après
Baumhauer)
Il importe aussi de noter que les roches
massives sont des agrégats polycristallins
(constitués de divers cristaux) ; leur déformation est donc facilitée
par les déplacements réciproques des grains minéraux que favorisent
sans doute les très minces pellicules d ’eau qui entourent les grains.
Enfin, les roches friables, tels les sables ou les argiles humides, etc.,
se prêtent aux pressions extérieures et se déforment sans difficulté
apparente.
On peut donc formuler la définition suivante: le glissement ou
la translation est une déformation plastique des corps cristallins soli­
des pendant laquelle les ions du réseau conservent les liaisons déter­
minées par les forces électrostatiques d ’attraction et de répulsion ;
2 3 —927 353
les déplacements entre les blocs de cristaux suffisamment petits
s ’effectuent suivant des plans bien déterminés dont l ’orientation
est conditionnée par les particularités du réseau du minéral déformé.
Le phénomène ne s’accompagne pas de rotation ou de distorsion
des plans réticulaires des mailles élémentaires et par conséquent
n ’entraîne pas de déformations élastiques.
Là, une question se pose tout naturellement: quelles sont les
conditions des déformations plastiques des roches massives consti­
tuées des minéraux les plus divers? Pour répondre à cette question
il convient d ’examiner l ’influence de la température, de la persistan­
ce des contraintes et de la pression uniformément répartie sur la
déformation des corps cristallins.
L ’échauffement du corps accélère l ’agitation thermique des molé­
cules qui le composent, ce qui dans une certaine mesure facilite les
déformations plastiques. Il faut toutefois remarquer que d ’habitude
les roches sédimentaires qu’on rencontre sur le terrain n ’ont jamais
subi de températures élevées, mais qu’elles fournissent cependant
des exemples typiques de déformations plastiques : couches plissées
du Précambrien (Algonkien) constituées de quartzites à magnétite
(anomalie magnétique de Koursk ou de Krivoï Rog) ; schistes argileux
du Trias supérieur en Crimée, etc. L ’échauffement ne peut donc pas
être considéré comme un facteur décisif. Ce n ’est que lorsque la tem­
pérature atteint le point de fusion, c’est-à-dire dépasse 1 000 °C,
que la roche se ramollit et devient fluide ; mais cette transformation,
liée au changement de phase, n ’a rien à voir avec une déformation
plastique.
La durée de la contrainte joue un certain rôle lorsque les efforts
exercés dépassent la limite de fluage. Alors, la déformation s ’accroît,
bien que lentement, et peut aboutir à des résultats tangibles.
L ’aspect quantitatif de ce facteur est encore mal étudié mais son
importance est grande, surtout si l ’on tient compte de la durée énor­
me de l ’évolution tectonique et du fait que les déformations plasti­
ques sont très répandues.
La pression uniformément répartie est sans doute le facteur décisif.
Si elle dépasse la charge de rupture, le corps se désagrège. Mais, com­
me l ’écrivait M. Protodiakonov, spécialiste en matière de résistance
des matériaux : « il ne se désagrège pas faute de place ». Il semble que
la résistance du corps augmente et que le corps ne se disloque pas ;
mais les forces internes ne pouvant plus résister aux efforts exté­
rieurs, le corps devient plastique, capable de se déformer sans rupture,
les liens entre les particules ne se relâchant pas.
Il en est ainsi dans l ’écorce terrestre quand le poids des roches qui
la constituent est supérieur à la charge de rupture, c’est-à-dire quand
la pression géostatique dépasse cette limite et crée un milieu cor­
respondant à peu près à la pression hydrostatique. Pour les diverses
roches ces conditions apparaissent à des profondeurs variables mais
n ’excédant probablement pas 20 km.
354
§ 4. Déformations discontinues

Les déformations permanentes du type discontinu qui s ’accom-


pagnentde rupture du corps commencent au-delà de la limite d'écou-

1'

Fig. 168. a — lignes de Lüders à la surface d’un échantillon de roche


après compression (d’après Prandt et Rinne); b — mêmes lignes exami­
nées au microscope (d’après A. Nadai)

lement Ob- Des fissures capillaires apparaissent à la surface d ’un


échantillon soumis à un effort de compression (fig. 168, a) ; ces fis­
sures, orientées obliquement par rapport à la direction de la pression,
sont appelées lignes de Lüders.
23* 355
En les examinant au microscope on voit que ce sont des bandes
étroites où se concentrent les grains aux déformations plastiques les
plus prononcées (fig. 168, b). Si la contrainte continue à croître,
les blocs voisins se déplacent l ’un par rapport
à l ’autre le long de ces lignes, amorçant ainsi
la rupture. Quelles sont les directions que
prennent de préférence ces fissures ?
Soit une barre à section transversale S su­
bissant l ’action d ’un effort F agissant suivant
l ’axe longitudinal (fig. 169). Il convient
d ’établir l ’angle a que fait la fissure S t avec
la section S. La contrainte unitaire est

Comme S = Si cos a,
, F
f i = -rr cos a.
r O

Fig. 169. On peut décomposer la contrainte / t et


trouver ses composantes normale f n et tan-
gentielle f t. L ’effort tangentiel f t qui produit la fissure 5, et le
déplacement du bloc I vers le haut et à droite par rapport au
bloc II est déterminé d ’après le triangle O A B :
F_ F_
ft = fi sin a = —
O sin a cos a 2S
2 sin a cos a 2S
sin 2a.

Ainsi, ft = sin 2a. Il est évident que f t est maximum quand


sin 2a = 1, c ’est-à-dire quand a = 45°. C’est en cela que réside
le principe des contraintes de glissement ou de cisaillement qui joue
un rôle primordial dans la théorie de la résistance des matériaux.
Ce principe n ’est pas le seul à conditionner les dislocations d ’un
corps solide. Plusieurs autres facteurs influent sur le déroulement du
phénomène. Mais c’est lui qui permet d ’expliquer non seulement
les détails de la déformation du corps, mais certaines particularités
des grandes dislocations par faille.

§ 5. Principales déformations des corps solides


Dans la physique des corps solides on distingue les déformations
homogènes et hétérogènes. On assimile aux premières la compression,
la traction et le cisaillement, qui déforment uniformément toutes les
parties d ’un corps. On classe dans les secondes la flexion et la torsion
pour lesquelles la grandeur et la forme de la déformation varient d ’un
point à l ’autre.
356
Compression. Les dimensions d'un corps diminuent dans le sens
de la pression et augmentent perpendiculairement. Une sphère ins­
crite dans le corps se transforme eh ellipsoïde présentant des sections
circulaires qui se recoupent et au long desquelles la matière ne subit
ni allongement ni rétrécissement (fig. 170, a). La compression est
la déformation qui joue un rôle essentiel dans les dislocations tecto­
niques.
Traction. Un corps s ’allonge dans le sens de l ’action des forces
et s'amincit dans le sens perpendiculaire. La sphère inscrite dans
un corps déformé se transforme en un ellipsoïde présentant des pro­
priétés identiques au cas précédent (fig. 170, b). La traction est une

e
Fig. 170. Déformations principales des corps solides :
a — compression; b — traction; c — cisaillement ;
d — flexion ; e — torsion
déformation moins fréquente en géologie, mais on en connaît cepen­
dant des exemples caractéristiques.
Le cisaillement est dû à l ’action d ’un couple. Si avant la défor­
mation le corps avait la forme d ’un cube, la section se trouvant dans
le plan d ’action des forces se transforme en losange (fig. 170, c). Le
cisaillement est une déformation très importante pour la formation
des plis.
Flexion. La partie extérieure du corps est sollicitée par une force
de traction, alors que sa partie intérieure est compressée. La ligne
médiane ne subit pas de contraintes (fig. 170, d).
Torsion. Les déformations de ce type ne se rencontrent presque
pas en géologie (fig. 170, e).
L ’étude des divers types de déformations permet de comprendre
le processus de formation des dislocations tectoniques.

II. DISLOCATIONS PAR PLISSEMENTS


Généralement, les roches sédimentaires se disposent en couches
plus ou moins régulières. Une couche est une subdivision du dépôt
limité en haut et en bas par un plan de stratification. Le plan de
357
stratification est une surface de consistance plus compacte qui sépare
une couche des couches sous-jacente et sus-jacente. La partie supé­
rieure de la couche s ’appelle toit, la partie inférieure, plancher (sou­
bassement).
Les roches sédimentaires sont des accumulations de dépôts d ’ori­
gine physique, chimique ou organique dans des bassins marins, d ’eau

Fig. 171. Couches inclinées (structure monoclinale) de grès rouges tertiaires.


Djety-Ogouz près de Prjévalsk dans le Tian-Chan

douce ou (plus rarement) en milieu subaérien, et qui ensuite ont


été compressés, tassés et consolidés durant la diagenèse.
Les bassins.marins ou d ’eau douce ont le plus souvent un fond
presque horizontal. Chaque portion de sédiment se déposant sur
cette surface forme une couche plus ou moins étendue. Si les condi­
tions de sédimentation ne variaient pas, un dépôt continu de matériaux
homogènes se formerait en donnant une roche massive dans laquelle
il serait difficile de distinguer des couches. Mais dans la réalité,
les conditions physico-géographiques ne cessent de se modifier, d ’où
des variations dans la vitesse de sédimentation et la composition
des dépôts. C’est pourquoi les assises ainsi accumulées présentent
une stratification qu’elles conservent après leur transformation en
roche; les roches sédimentaires sont donc généralement stratifiées.
Compte tenu de ces conditions de sédimentation, il faut s ’enten­
dre à ce que les couches soient horizontales et c ’est justement le cas le
plus fréquent (voir fig. 3).
358
Fig. 172. Ploiements des grès de la « Série de Tauride », Crimée

Mais il n ’en est pas toujours ainsi. Souvent, surtout dans les
régions de montagnes, les couches sédimentaires ont été dérangées.
Elles sont plus ou moins inclinées (fig. 171), ployées (fig. 172) ou
359
même fracturées (fig. 195, 198, 199). Dans certains cas, les terrains
présentent des couches disposées verticalement. Les ondulations
et ploiements des couches sont parfois si compliqués qu’il est dif­
ficile de déceler la position d ’une couche isolée.
Ces plissements et cassures, c ’est-à-dire les modifications de la
disposition initiale des couches stratifiées, portent le nom de défor­
mations ou dislocations tectoniques. Ces dislocations tectoniques peu­
vent être réparties en deux groupes principaux : les dislocations par
plissements et les dislocations par cassures.

§ 1. Définition des éléments de la couche et du pli


Eléments du pli. Les plis, ou ondulations des couches de forme
et de grandeur diverses, sont les plus importants des dislocations
tectoniques. Il est difficile de systématiser et de classer ces formes

très variées, mais il est nécessaire de dégager leurs éléments princi­


paux afin d ’en donner une description exacte.
On appelle pli un ploiement des couches comprenant une face
soulevée et une autre abaissée. Examinons ses éléments et donnons
quelques définitions (fig. 173).
Le noyau est la partie interne du pli.
Les flancs sont ses faces de raccordement.
Le plan axial est la surface qui divise le pli en deux parties égales,
c’est-à-dire qui passe à des distances égales de ses flancs.
L'axe est la ligne d ’intersection du plan axial avec un plan hori­
zontal.
La charnière est la ligne d ’intersection des flancs d ’une couche
ployée ou celle du plan axial avec la surface de la couche.
360
Les clefs (de voûte et de gouttière) sont les parties ployées des
couches se trouvant au voisinage de la charnière.
La hauteur du pli est la distance suivant la verticale entre les
charnières de l'anticlinal et du synclinal voisins.
La largeur du pli est la distance entre deux axes anticlinaux ou
synclinaux voisins.
Eléments de la couche. Quand il s ’agit de déterminer la disposition
d'une couche, il convient de dégager (fig. 173) sa direction, ligne
horizontale sur la surface de la couche ou, autrement dit, intersection
de la surface de la couche avec un plan horizontal. Pour chaque couche
donnée présentant une certaine étendue on peut tracer une infinité
de lignes de directions toutes parallèles entre elles. Le pendage ou
plongement est une ligne tracée à la surface de la couche perpendicu­
lairement à la direction de celle-ci. Pour plus de précision, il con­
vient de considérer le pendage comme un vecteur orienté dans le sens
de la pente descendante, indiquant la direction dans laquelle s ’effec­
tue l ’écoulement de l ’eau sur la couche. L 'inclinaison est l ’angle
formé par la surface de la couche et un plan horizontal, ou bien celui
du pendage avec sa projection sur un plan horizontal. Si la couche
est horizontale, l ’angle d ’inclinaison est de 0°; il est de 90° si la
couche est verticale. Ainsi, l ’angle d ’inclinaison peut varier de 0 à
90°. Si la couche a été déversée, suivant la définition, l ’angle d ’incli­
naison sera toujours inférieur à 90°.
La position d ’une couche dans l ’espace est bien définie si l ’on
connaît son pendage, c’est-à-dire l ’inclinaison et l ’azimut de celui-
ci. La meilleure méthode pour noter la position du pendage est la
suivante: on indique d ’abord l ’azimut (en degrés, deO à 360°, avec
indication du secteur de la rose des vents NE, SO, etc.) ; puis l ’incli­
naison (de 0 à 90°) ; par exemple : NE 30°, 15°, ou SO 210°, ^ 40°.
Une telle notation suffit à déterminer la position de la ligne du pen­
dage dans l ’espace et par suite, celle de la direction, donc la dispo­
sition de la couche toute entière.
Boussole de mine. C’est un instrument très commode permettant
de déterminer la position des couches. Il se distingue de la boussole
ordinaire par ses dimensions plus grandes. Cette boussole comporte
un cadran gradué en 360°. La lecture est effectuée de N (Nord) dans
le sent opposé à celui des aiguilles d ’une montre; 90° correspondent
au point E (Est) qui est à gauche de la ligne Nord-Sud, et non pas
à droite comme dans une boussole ordinaire; 180° est au point S
(Sud), et 270°, au point O (Ouest). La disposition inhabituelle des
points cardinaux (E à gauche, O à droite) est adoptée pour faciliter
la lecture.
Montrons maintenant comment on opère pour déterminer l ’azi­
mut à l ’aide de cette boussole.
Orientons tout d ’abord la boussole vers le Nord, c ’est-à-dire,
plaçons-la sur la paume de la main de telle sorte que l ’extrémité
de la partie aimantée de l ’aiguille coïncide avec le Nord du cadran.
3<it
Les grands côtés du cadre de la boussole (fig. 174) coïncident alors
avec la direction NS, c’est-à-dire avec celle du méridien. Supposons
qu’il nous soit utile de trouver l ’azimut de la ligne qui fait avec le
méridien un angle de 90°, c ’est-à-dire s ’étend vers l ’Est. Nous tour­
nons la boussole à droite, en même temps l ’aiguille gardant sa posi­
tion dans l ’espace se déplace à gauche. Lorsque les grands côtés du
cadre coïncident avec la direction à déterminer (c’est-à-dire lorsque

Fig. 174. Boussole de mine

la boussole tourne de 90° à droite), l ’aiguille effectue une rotation


de^90° à gauche (ou plutôt elle voit se rapprocher le point du cadran
qui se trouvait à 90° à gauche d ’elle). En orientant la boussole à l ’Est
il nous est plus commode de voir pointer l ’aiguille non pas vers
l ’Ouest comme dans une boussole ordinaire, mais vers l ’Est.
C’est ce qui se réalise dans la boussole de mine pour laquelle la
lecture des angles de 0 à 360° s ’effectue dans le sens opposé à celui
des aiguilles d ’une montre.
Ainsi, pour mesurer l ’azimut, en particulier du pendage, on place
la boussole horizontalement sur la paume de la main gauche de fa­
çon à ce que S se trouve plus près de l ’observateur que N. et que la ligne
N — S, c’est-à-dire le grand côté du cadre, soit orientée dans la
direction du pendage dont la position doit être déterminée. L'extré­
mité Nord de l ’aiguille indique alors l 'azimut recherché. Sur la
fig. 174 la boussole indique un pendage noté NE 42°.
362
La boussole de mine est munie d ’un petit aplomb qui permet d ’éta­
blir l ’angle d ’inclinaison. Dans ce but, il convient de bloquer l ’aiguil­
le et de placer la boussole sur le grand côté en le faisant coïncider
avec le pendage. L ’aplomb se balançant librement adopte la position
verticale et indique l ’angle recherché. Ainsi, sur la fig. 175 il est
pointé sur 30°, angle d ’inclinaison de la couche.
Pour procéder sur le terrain à des déterminations rapides et cor­
rectes des éléments de la disposition d ’une couche il faut au préala­
ble acquérir par en traînement la maîtrise de ces opérations. La boussole

Fig. 175. Détermination de l ’angle d'inclinaison


d’une couche à l ’aide d’une boussole de mine
(inclinaison = 30^. Ait — arrêtoir

de mine est un instrument simple et commode qui permet de résoudre


sur le terrain de nombreux problèmes n ’exigeant pas une grande pré­
cision. Il convient seulement de veiller à ce qu’elle soit toujours en
bon état.
§ 2. Formes des plis
Les dislocations par plissements peuvent être très variées quant
à leur forme, leurs dimensions et leur genèse. Examinons d ’abord
des plis du point de vue de leur forme.
On appelle pli anticlinal ou anticlinal un pli convexe vers le haut ;
dans ce cas, le noyau est constitué par des couches anciennes et les
flancs par des couches récentes (fig. 176).
Le pli est synclinal s ’il est concave vers le haut ; les couches com­
posant son noyau sont alors plus récentes que celles de ses flancs
(fig. 177).
On dégage aussi une structure monoclinale présentant un pendage
plus ou moins modéré dans une même direction (fig. 171). Si les cou-
363
Fig. 176. Pli anticlinal formé dans les dépôts du Crétacé supérieur.
Région de Novorossiisk

Fig. 177. Pli synclinal formé dans les dépôts du Crétacé inférieur.
Daghestan
ches monoclinales prennent une position verticale, on leur donne le
nom de couches redressées.
En considérant leur profil transversal nous pouvons distinguer
les formes de plis suivants :
Le pli droit dont le plan axial est vertical (fig. 178, a).
Le pli oblique ou déjeté dont le plan axial est incliné, mais dont
les flancs pendent en sens opposés et sous des angles différents.

Fig. 178. Différentes espèces de plis (section transversale) :


a — droit ; b — ai^u ; c — coffré ; d — en éventail ;
e — déjeté (dissymétrique); / — flexure; g — déversé;
/; — couché

Le pli déversé dont le plan axial est incliné, alors que les deux
flancs pendent dans le même sens (l’un d ’eux, celui de dessous, est
incliné au-delà de la verticale) (fig. 178, g).
Le pli couché dont le plan axial est horizontal et les flancs égale­
ment très proches de l ’horizontale, l ’un d ’eux est inverse (fig. 178, h).
On distingue aussi les flexures qui sont des plis dont l’un des flancs
est vertical; les flexures sont donc une forme intermédiaire entre un
pli déjeté et un pli déversé (fig. 178, /).
Tous ces plis constituent une série s ’échelonnant du pli droit,
considéré comme la forme initiale, au pli couché qui clôt la série.
Mais dans la nature, on rencontre une plus grande diversité et les for­
mes de plis mentionnées ne peuvent la couvrir. Ainsi, il existe des
365
plis en éventail (fig. 178, d), aigus (fig. 178, 6), coffré (fig. 178, c),
etc. Parfois, on dégage des plis isoclinaux dont les flancs sont paral­
lèles au plan axial. Les plis en éventail, aigus et isoclinaux peuvent
également être droits, déjetés ou couchés.

1 0 1 2 3 4 5 Kin

Fig. 179. Plissement parallèle ou parfait

On distingue aussi des plis ouverts et fermés. Les flancs des pre­
miers se raccordent en formant un angle obtus, alors que dans les se­
conds, l ’angle de raccordement est aigu.
Un pli a trois dimensions ; l ’étude en profil transversal doit donc
être complétée par celle de la vue en plan. Il convient avant tout
de distinguer sous ce rapport les plis longs et les plis courts ou dis­
continus. Les plis longs sont étirés, et leur longueur est bien supé­
rieure à leur largeur. Les directions des flancs voisins restent paral-
3C6
lèles sur de grandes distances. Ordinairement, les plis longs se dis­
posent en faisceaux très serrés qui s ’allongent sur de grandes distan­
ces. C’est le plissement parallèle ou parfait (fig. 179). Les plis anti­
clinaux et synclinaux y sont de dimensions à peu près égales et leur
nombre est le même. Les plis courts ou discontinus (isolés, brachyanti-
clinaux, brachysynclinaux, dômes) se caractérisent par une lon­
gueur peu différente de la largeur ; parfois, ils sont même isométriques,
comme par exemple dans le cas des dômes. Le rapport des axes d ’un
brachyanticlinal ou d ’un brachysynclinal varie de 2 : 1 à 5 : 1.

F ig . 180. D is p o s itio n d e s a x e s d e p l i s d r o its (en p l a n ) :


a — p a r a llè l e s ; b — en é c h e lo n s ; c — a r q u é s ; d — s in u e u x ,
tr a c é s e n S ; e — v ir g a t io n ; / — e n r a m e a u x

Quand ils passent aux dômes, le rapport devient 1 : 1 à 2 : 1. Les


lignes de direction des plis bracbyclinaux sont des courbes fer­
mées (anneaux, circonférences, etc.).
Les plis discontinus se forment le plus souvent au sein des aires
continentales ou plates-formes (voir ch. 19), ils se disposent à de
grandes distances les uns des autres et sont très peu liés entre eux.
Les plis anticlinaux dominent en général et sont séparés sur de gran­
des étendues par des couches non dérangées.
Les plis longs ou groupés en faisceaux forment des plis parallèles
(fig. 180, a), arqués (fig. 180, c ) , sinueux, tracé en S (fig. 180, d),
en échelons ou à relais (fig. 180, b) ; les faisceaux peuvent diverger
en donnant des virgations (fig. 180, e), ou se diviser en rameaux
(fig. 180, f).
L ’axe du pli peut éprouver des abaissements ou des exhaussements
suivant que le pli s ’abaisse ou se relève; c’est ce qu’on appelle une
ondulation d'axe. Quand un anticlinal s ’abaisse par un plongement
d ’axe et un synclinal s ’élève par un relèvement d ’axe, on dit que
le pli se termine ou meurt. Dans le cas d ’un anticlinal, le pendage est
dit périclinal. Quant au synclinal il se termine par un pendage cen­
tripète (ou centroclinal). Aux extrémités des rameaux d ’un faisceau
d ’anticlinaux, ou quand une virgation (d’anticlinaux aussi bien que
367
de synclinaux) meurt, les axes des plis se terminent par un plonge-
ment et on passe des couches disloquées aux couches non dérangées.
Les plis sont très différents quant à leurs dimensions et sous ce
rapport ils forment également plusieurs groupes.
Dans certaines conditions les roches sont particulièrement sujet­
tes à des dislocations par plissotements, notamment les bancs de sel,
de gypse, etc., subissant des compressions; dans le cas des roches
métamorphiques, en particulier des schistes cristallins, ces plissote­
ments passent à des froncements ou des gaufrages, donnant des
plis dont la dimension ne dépasse pas quelques millimètres. Or,
ordinairement la dimension des plis formés par les roches sédimentai-
res atteint des centaines et même des milliers de mètres. Il existe
des plis encore plus grands, à retombées en pente douce, mais s'éten­
dant sur de très vastes étendues ; ce sont les bombements épéirogéni-
ques ou les affaissements en cuvette qui leur sont associés. Un faisceau
d ’anticlinaux plus relevés et de synclinaux plus abaissés est respec­
tivement appelé anticlinorium et synclinorium ; ce sont en réalité
des plis complexes aux dimensions énormes. On leur donne parfois
le nom de plis majeurs ou de grand rayon de courbure, alors que les
plis de moindres dimensions apparaissant sur leurs flancs sont dits
mineurs ou secondaires. En continuant ainsi la subdivision on peut
même distinguer des plis de troisième ordre, etc.
Dans les limites des aires continentales apparaissent des plis
d ’un genre particulier: des soulèvements et des abaissements larges
et à pente douce s ’étendant sur de zones énormes atteignant en lar­
geur des dizaines de kilomètres et en longueur des centaines et dont
les flancs ont une inclinaison inférieure à 1°. Ces formes s ’appellent
anteclise et synéclise.

§ 3. Mécanisme de la genèse des plis


Ce sont les classifications génétiques qui présentent évidemment
le plus d ’intérêt. Une étude poussée montre que les plissements peu­
vent se produire par une des voies suivantes : ou bien la couche

F ig . 181. D eu x e sp èces d e p lis (v o ir le te x te )

conserve son intégrité, ne se désagrège pas et n ’est ni fragmentée ni


fissurée, mais subit un ploiement au sens strict du mot (fig. 181, a);
ou bien elle est disloquée en de nombreux petits blocs, dont chacun
tout en restant intact, subit une petite rotation par rapport au bloc
:w s
F ig . 182. C ouches p lissé e s d e se l g em m e (a ffleu ra n t à la su rface d ’une
, paroi d e g a le r ie a ’u n e m in e d e sel)
voisin, et ce n ’est que l ’ensemble qui donne l ’impression d ’un pli
(lig. 181, b). En guise d ’exemples, mentionnons d ’une part les cou­
ches plissées de sel gemme (fig. 182), et d ’autre part les plis formés
dans les grès (fig. 183).

F ig . 1S3. P lis form és d a n s le s co u c h e s d e roch es ca ssa n te s (K ou zb ass)


(d ’ap rès P . B o u to v e t V . Ia v o rsk i)

Le mécanisme de formation de ces plis est absolument différent.


Les premiers plis résultent d ’une réponse aux efforts extérieurs d ’une
roche possédant les propriétés d ’un corps plastique ; pour les deuxiè­
mes, la réaction a été celle d ’une roche dont les
propriétés plastiques ne pouvaient pas se mani­
fester et qui, sous l ’action des forces extérieures,
a réagi comme un corps fragile. Certes, ces
phénomènes sont conditionnés aussi bien par la
nature lithologique des couches ployées que par
les conditions dans lesquelles se déroulait le
plissement, c’est-à-dire par la profondeur, la
température, la pression, la durée, etc.
Examinons de plus près le mécanisme de
formation d’un pli. Soit une série de couches
non dérangées (fig. 184, a). Comment le ploie­
ment se produit-il et quel est le comportement
de chaque couche prise isolément ? Deux possibi­
lités se présentent:
F ig . 184. M écan ism e 1. Les couches glissent l ’une sur l ’autre le
d u p lo ie m e n t d ’u n e long des plans de stratification qui les séparent
série d e cou ch es
(un cercle inscrit dans la couche garde sa forme
après la déformation). Les couches sont alors
fragmentées et disloquées en blocs isolés dont les pivotements et les
déplacements forment le pli (fig. 184, b). Les surfaces inférieure et
supérieure de chaque bloc, c’est-à-dire le toit et le plancher de
chaque couche, présentent des traces du laminage en forme de stries.
370
égratignures, parfois de matériaux triturés aux surfaces de séparation
d’une certaine orientation. C’est une déformation propre aux roches
rigides non plastiques.
2. Les couches ployées conservent leurs plans de séparation
intacts, mais leur structure interne se modifie : cette déformation
correspond à la notion de cisaillement ; le cercle inscrit dans la couche
avant la déformation devient une ellipse dont le grand axe passe
par la grande diagonale du losange engendré par le cisaillement
(fig. 184, c). A l ’intérieur de la couche a lieu un réarrangement du
matériau aboutissant à la formation de diverses dislocations secon­
daires dont les plis d'entraînement. Ces derniers sont asymétriques,
renversés dans le sens de l ’axe de l ’anticlinal principal. Une défor­
mation de ce genre s ’accompagne souvent d ’un écaillement parallèle
aux côtés du losange virtuel. Un système de fissures (dit joints
de tension) apparaît alors très distinctement ; ces joints sont orientés
sous un certain angle par rapport aux plans de stratification.
Le processus du réarrangement du matériau se poursuivant, la
matière composant les couches commence à fluer et des flancs elle
est refoulée vers la zone de l ’axe, en formant des enflements. L ’épais­
seur des flancs diminue, alors que celle de la voûte augmente,
atteignant parfois un rapport égal à 1 : 10. C’est ainsi que se pro­
duisent les plissements dans les couches plastiques. Un exemple nous
est fourni par les plis des quartzites ferrugineux du Précambrien de
la région de l ’anomalie magnétique de Koursk (fig. 185).
L ’alternance de bancs plastiques (subissant des ploiements) et
rigides (réfractaire aux ploiements) aboutit à un ensemble très com­
pliqué de dislocations. Parfois, les couches sus-jacentes sont moins
ployées que celles qu’elles recouvrent, ou, au contraire, elles le
sont davantage (fig. 186). Un plissement de ce genre est dit dyskar-
tnonique, il y a discordance tectonique.
L ’évolution du pli isoclinal suit une voie différente. La couche
inférieure est plissée de telle sorte que ses flancs se touchent le long
de la hase. Il ne reste plus de place pour la couche plus profonde qui
est refoulée ; ainsi, le pli isoclinal est détaché de sa base. Des structu­
res de ce genre sont souvent observées, par exemple dans les grès
jurassiques reposant sur un soubassement rigide primaire (versant
méridional de la chaîne de Ghissar), ou dans les plis crétacés et
tertiaires (dépression du Tadjikistan) ayant également pour soubasse­
ment le même socle primaire dont ils ont été détachés et séparés par
des couches de roches plastiques salifères et gypsifères du Jurassique
(fig. 187). Ces dislocations constituent une des variétés des plis­
sements dysharmoniques.
Là, nous passons déjà au problème des conditions géologiques
des dislocations par plissement.
Indépendamment du mécanisme de formation de chaque pli
individuellement le système de plis longs et parallèles est en général
considéré comme le résultat de mouvements horizontaux que subit
24* 371
l ’écorce terrestre. En effet, la forme allongée des plis, le profil arqué
q u ’ils présentent en plan, la dissymétrie très fréquente et régulière
du profil sont autant de faits qui témoignent de l ’existence d ’efforts

F ig . 185. M icrop lisseraen ts d a n s le s q u a r tz ite s m a g n é­


tiq u e s d u P récam b rien (d essin d e G. G o r c h k o v ; l ’é c h e lle
a é té r é d u ite d e d e u x fois) :
a — co u ch es in te r c a la ir e s co m p o sées d e g r a in s de q u a r tz ;
b — co u ch es d e m in era i d e m a g n é tite e t d e m a r tite

tangentiels agissant au sein de l ’écorce terrestre. Ce genre de plis­


sements se rencontre dans les Carpates, le Caucase, l ’Asie centrale,
l ’Oural, le Kazakhstan et est l ’objet d ’importantes études tectoni­
ques. L'exploration sur le terrain,
les hypothèses théoriques, l ’expé­
rimentation, tout l ’appareil scien­
tifique doit être mis en œuvre pour
essayer de déchiffrer le mécanisme
des structures plissées. Notons
que ces derniers temps on voit se
développer de nouvelles branches
de la géologie : la tectonique expé­
rimentale et la tectonophysique
qui ont pour tâche d ’aider les
géologues à résoudre le problème
F ig . 186. P li s d a n s le s c a lc a ir e s cré­ de la genèse des dislocations tecto­
ta c é s d u K a ra ta o u (d ’ap rès V . E se) niques, y compris des plissements
parallèles.
Nombre de faits révèlent toutefois que les dislocations par plis­
sements peuvent être provoquées autrement que par des poussées
horizontales.
Des dislocations de ce genre sont très fréquentes. Ainsi, on rencon­
tre des couches très épaisses dans le noyau et sur les flancs des
372
synclinaux, alors que dans les zones des voûtes anticlinales, elles sont
très minces. Seuls des mouvements verticaux de signes différents
peuvent expliquer ce phénomène: pendant que l ’anticlinal se soulè­
ve, le synclinal s ’abaisse, mouvement qui s ’accompagne d ’une
sédimentation plus importante dans la zone de subsidence, c’est-
à-dire dans le synclinal, bien moindre sur les flancs et infime
(associée parfois à une érosion) sur la voûte de l ’anticlinal. En d ’au­
tres termes, les plis de ce genre se forment sous l ’action de mouve­
ments verticaux de signes contraires suffisamment lents et s'accom­
pagnant de sédimentation et d'érosion. 11 est évident que dans ce cas;

F ig . 187. P lis e t n a p p es c h e v a u c h a n te s d an s le s cou ch es


M éso-C aïn ozoïq u cs d e la d ép ression d u T a d jik ista n
(d ’ap rès S . Z akharov)

on devrait voir apparaître des différences de faciès le long de la cou­


che, se traduisant par des variations de la nature des dépôts, de la
grosseur des grains des roches détritiques, de la composition de la
faune des roches organiques, etc. Et c’est ce qui s ’observe dans la
réalité. Des plis de ce genre ont été découverts par N. Androussov en
Taman, N. Chatski au Daghestan, etc. Les bombements de la Plate­
forme russe, en particulier celui d ’Oka-Tsna qui s ’allonge, suivant
le méridien, de la ville de Kostroma à la rivière Oka, présentent des
traits identiques. Ce processus de formation simultanée (syngénéti-
que) de dépôts et de plissements est surtout propre aux plis dis­
continus.
Les mouvements verticaux sont quelquefois à l ’origine des plis
dits coffrés dont les flancs sont ployés en flexures. Les couches dans ce
cas s ’amincissent au point de la flexure. Mais les flexures peuvent
résulter de mouvements tangentiels et constituer alors des formes
transitoires entre le pli couché et déversé, en ce cas l ’épaisseur dans
le flanc inférieur ne diminue pas.
La distinction entre les mouvements verticaux (radiaux) et
horizontaux (tangentiels) constitue un problème très compliqué.
Certains géologues considèrent que les mouvements du sol sont prin­
cipalement provoqués par des mouvements verticaux, y compris les
mouvements oscillatoires. Les contraintes horizontales et par suite
les mouvements tangentiels sont envisagés comme une fonction des
efforts verticaux. Il en résulte que même les plis engendrés surtout
par des mouvements horizontaux sont considérés comme des effets
secondaires des mouvements verticaux. Le mécanisme du phénomène
peut être exposé schématiquement de la façon suivante : le soulève­
ment d ’un secteur de l ’écorce terrestre conditionne un glissement
373
des parties marginales sous l ’effet de la pesanteur; les couches
sédimentaires recouvrant ce secteur se déplacent vers la périphérie,
se déforment et donnent des plis.
Il est difficile de dire si ce schéma est exact. Il est plus vraisem­
blable que les mouvements radiaux et tangentiels agissent indépen­
damment, de même que les mouvements de toutes autres directions.
Nous pouvons certes dégager les composantes verticales et horizon­
tales du mouvement d ’ensemble dont sont animées les masses de
l ’écorce terrestre, mais seulement dans le but de faciliter son étude,
c ’est-à-dire afin de simplifier le problème. En fait, la trajectoire
décrite par un point quelconque de l ’écorce terrestre sous l ’effet
des phénomènes tectoniques est très compliquée et il est impossible
actuellement d ’y dégager une direction principale, initiale ou
fondamentale.

§ 4. Tectonique salifere et plis diapirs


Un bel exemple de tectonique complexe de masses plastiques est
fourni par la tectonique dite salifère.
Au Nord de la région de la Caspienne, des sables argileux des ères
Mésozoïque et Caïnozoïque recouvrent un banc puissant (2 à 3 km ?)
de sel gemme datant du Permien. Le sel y forme plusieurs dômes en
pénétrant d ’en bas dans les couches sédimentaires sus-jacentes et en
les déformant, sans affleurer cependant. Mais il arrive aussi que le sel
perce à la surface en formant des dômes de sel, tel le dôme de Khod-
ja-Moumyn au Tadjikistan. Dans la région de la Caspienne le diamè­
tre des dômes atteint plusieurs kilomètres ; la prospection a permis de
reconnaître plusieurs centaines de ces dômes.
Quelle est l ’origine de ces dômes ainsi que des déformations très
compliquées des couches sédimentaires qui les accompagnent? La
marche du phénomène est, visiblement, la suivante. Le sel est plus
léger que les matériaux terrigènes ; le poids spécifique de ses agré­
gats cristallins est de 2,15, celui des grès et des argiles, d'environ 2,5.
C’est pourquoi le sel, sous la pression des couches sus-jacentes, remon­
te en suivant les directions de moindre résistance. Y. Kossyguine
a procédé au calcul théorique des dimensions des dômes et de leurs
distances réciproques sur la base de l ’épaisseur de la couche de sel
et de la différence entre les poids spécifiques des roches ; il a obtenu
des résultats très proches de la réalité. Les dômes montent à raison
de 1 cm par an ; dans de nombreux cas ils continuent à croître,
même aujourd’hui, ce que confirment divers indices observés à la
surface de la Terre immédiatement au-dessus des dômes.
Les dômes sont dissemblables quant à leur aspect extérieur,
mais en général ils présentent une série de formes s ’échelonnant gra­
duellement des soulèvements à pente douce î peine visibles aux
surélévations en éventail. On a même trouvé des massifs de sel tota­
lement détachés de la couche mère (fig. 188).
374
La structure interne de certains dômes est très complexe. Le sel,
minéral très plastique, peut présenter des plis variés (fig. 182) ; les
fractures ne sont pas des accidents caractéristiques du sel.
Les conditions de formation de gisements importants de sel gem­
me étaient souvent favorables à l ’accumulation de matières orga­
niques qui, en se transformant, ont donné du pétrole. Ce dernier se
concentre ordinairement sur les
flancs, mais plus souvent sous la
voûte du dôme en imbibant les
roches sédimentaires du toit et en ne
s ’échappant que si le dôme a été
disloqué par des failles. C’est la
raison de l ’importance pratique des
dômes de sel et de tous les problèmes
relatifs à la tectonique salifère.
Parfois, ces déformations présen­
tent des aspects originaux dénom­
més plis a noyau de percement ou
plis diapirs. Il y a dans ce cas la
formation d ’un anticlinal aux con­
tours très particuliers ; dans le
noyau les couches sont très plissées
et relevées jusqu’à la verticale; en
s’écartant du noyau, les sels s ’adou­
cissent. La montée des roches du
noyau est parfois si violente, qu’au 2HS
contact des flancs apparaissent des Fig. 188. Diverses espèces de dômes
fractures qui fragmentent la roche ; de sel:
on dirait que le noyau perce les 1 — sel gemme ; 2 —roches sédi­
couches sus-jacentes. Les plis diapirs mentaires sus-jacentes
diffèrent de la tectonique salifère,
car dans le premier cas leur noyau renferme des roches denses et
rigides, tandis que dans le second ce sont les roches moins denses
et plastiques qui montent vers la surface. Mais il arrive aussi
que dans les diapirs la couche sous-jacente plastique, des bancs
épais d ’argile ou de houille par exemple, perce les couches rigides
sus-jacentes en formant un noyau de percement.
Du point de vue géologique, les dislocations salifères peuvent
être considérées comme un cas particulier de diapirisme, et les plis
diapirs, comme un cas particulier de plissements dysharmoniques.
La tectonique salifère, le diapirisme et nombre d ’autres plisse­
ments montrent que le mécanisme de formation des plis dépend dans
une grande mesure des propriétés mécaniques des roches, de leur
poids spécifique, leur résistance, leur plasticité, etc. A l ’intérieur
des contraintes tectoniques régionales, la déformation des couches
sédimentaires n ’est conditionnée que par les propriétés physiques
qui sont déterminées surtout par la lithologie.
§ 5. Discordances angulaires
Un des phénomènes remarquables que le géologue rencontre sur le
terrain est la discordance angulaire (fig. 189). Si deux séries de couches
présentent une interruption correspondant à des conditions continen­
tales, les couches supérieures, plus jeunes, peuvent entrer en contact
avec les couches inférieures, plus vieilles, de différentes façons.
A. Bogdanov propose de distinguer les discordances suivantes

F ig . 189. D isco rd a n ce a n g u la ir e ob serv ée en tre le s g a le ts q u atern aires e t


le s c o n g lo m é r a ts d u P lio c è n e a u N ord d e D o u ch a n b é, T a d jik ista n

(fig. 190) : a) plate ou parallèle ; b) cachée ; c) angulaire ; d) à con­


tact plat; e) à contact dérangé. V. Khaïne indique qu’il existe
également des discordances intermédiaires : a) marginale ; b) disper­
sée; c) dysharmonique, tectonique ; d) à contact de régression ;
e) de recouvrement.
Compte tenu de l ’aspect génétique du problème, il convient de
distinguer :
1) la discordance ou lacune stratigraphique, c ’est-à-dire l ’inter­
ruption dans la sédimentation due aux mouvements oscillatoires
du sol dits épéirogéniques (voir chapitre 15) ;
2) la discordance angulaire engendrée par les plissements ;
3) la fausse discordance résultant d ’une stratification oblique.
Le mécanisme de formation de chaque type de discordance est
montré sur les croquis de la page 377, mais c’est la discordance angu­
laire qui présente le plus d ’intérêt (fig. 190, c).
376
A première vue le mécanisme de formation d'une telle discordan­
ce paraît simple et il peut être conçu comme la succession d ’événe­
ments suivants (fig. 191, A ):
1) sédimentation de la série
des couches;
2) plissement des couches a ;
3) émergence des couches
disloquées au-dessus du niveau Granité
de la mer;
4) érosion des roches jus­
qu’à un certain niveau avec
formation de pénéplaine ;
5) immersion du secteur
et avancée de la mer ;
6) nouvelle sédimentation
des couches horizontales b se
déposant sur les couches plis-
sées a ;
7) émergence du secteur,
retrait de la mer, érosion des
dépôts accumulés et mis à nu
des affleurements.
Cette interprétation suppo­
se l ’existence de mouvements
F ig . 190. E x e m p le s de d isco rd a n ces:
d ’ensemble lents et constants, a — d iscord an ce p la t e ; b — discord an ce
de mouvements orogéniques cach ée ; c — d iscord an ce a n g u la ire ; d — con ­
capables de provoquer le plis­ ta c t p la t ; e — c o n ta c t dérangé
sement des couches sous-jacen­
tes (2e étape) en un temps relativement court. Parfois, l ’intervalle
de temps entre le dépôt des couches a et b est trop court pour

1 2 3 4 5 6 7

1 2 3 4 5 6 7

F ig. 191. D iv e r s ca s de form a tio n d e d iscord an ces a n g u la ir e s:


1 — série sé d im e n ta ir e a ; 2 — série sé d im e n ta ir e b; n . m — n iv e a u de la m er

la réalisation des plissements, c’est le cas de la discordance


observée entre le Titonique et le Valangien au Daghestan.
377
Le Valangien, étage inférieur du Crétacé, suit immédiatement
le Titonique, dernier étage du Jurassique; entre ces deux étages il
n ’y a pas d ’intervalle; donc, si le Titonique est plissé, alors que
le Valangien ne l ’est pas, cela signifie que le plissement a dû être
rapide. Dans ces cas, pour tenir compte de l ’intensité des plisse­
ments qui se sont réalisés en un temps relativement bref on parle de
phase orogénique. Selon V. Bélooussov la durée d ’une phase orogé­
nique est de l ’ordre de 100 000 ans. Le moment où cette phase se
manifeste est facile à déterminer; c’est l ’intervalle de temps qui
s ’écoule entre l ’accumulation des couches sous-jacentes plissées et
celle des couches supérieures non dérangées. Le tectonicien allemand
Hans Stille a dressé la liste des phases orogéniques du Cambrien
jusqu’à nos jours, en les faisant correspondre à tel ou tel plissement,
c’est-à-dire à la période de reprise des mouvements tectoniques;
dans les ouvrages géologiques cette liste est connue sous le nom de
« nomenclature de Stille ». Elle compte 18 phases.
Stille pensait que sa nomenclature avait un caractère universel,
c’est-à-dire que ses phases pouvaient être décelées et confrontées
sur toute la surface du globe. Des travaux ultérieurs, surtout ceux
des savants soviétiques N. Chatski, S. Choultz, V. Popov, A. Péivé,
A. lanchine, etc., montrèrent que cette nomenclature ne pouvait
pas être adoptée dans sa rigueur primitive.
Il s ’est avéré d ’abord que le nombre de phases était plus impor­
tant que celui établi par Stille. Ainsi, selon l ’académicien M. Oussov,
le Cambrien de la Sibérie occidentale compte à lui seul 16 phases
orogéniques; l ’Ordovicien et le Silurien, 8 phases; le Dévonien,
7 phases.
D ’autre part, il fut établi que la confrontation des phases quant
à leur datation n ’était possible que dans les limites d ’une seule
région plissée ou même de l ’une de ses parties seulement.
Enfin, on découvrit que l ’aire d ’extension de chaque phase
était très restreinte, et qu’au-delà elle cessait de se manifester ou
était décalée vers le haut ou le bas.
Prenons un exemple. Dans le Kazakhstan occidental et l ’Oural
les sédiments carbonifères (C) et permiens (P) ont un grand dévelop­
pement. On peut confronter les séries de ces dépôts en plusieurs
endroits : dans le Kazakhstan occidental, sur le versant oriental de
l ’Oural, dans l ’Oural central et sur les versants occidentaux de
l’Oural, c ’est-à-dire donner la succession des séries de couches dans
le sens latitudinal (fig. 192). L ’examen des séries stratigraphiques de
chaque région permet d ’établir qu’à mesure que l ’on se dirige de
l ’Est vers l ’Ouest et des couches inférieures vers les couches supé­
rieures, la composition des dépôts change d ’une façon régulière,
indiquant une régression marine de l ’Est vers l ’Ouest et après un
intervalle de temps une progression correspondante des phases
orogéniques, également de l ’Est vers l ’Ouest. Il est vrai que les sé­
ries de la fig. 192 ne comportent que les phases de la nomenclature de
;J.78
Stille, mais il ne fait aucun doute que les zones intermédiaires pos­
sèdent des phases intermédiaires quant à leur datation.
Comment peut-on alors se représenter la formation d ’une discor­
dance angulaire? N. Chatski a proposé l ’explication suivante. Il
a remarqué que l ’épaisseur des dépôts d ’une même couche augmen­
tait dansles noyaux ou sur les flancs des synclinaux et diminuait sous
les voûtes des anticlinaux. On a déjà dit que ces phénomènes n ’a­
vaient lieu que si le plissement s ’accompagnait d ’une sédimentation.
Le mécanisme du processus est représenté schématiquement par une
succession des séries sur la fig. 191, B. Les dépôts sont entraînés
a b
P d
C
P P p
4
Ci
H* j££j CT

C,
Ci
. C*
Ci
C, C, c, Cr
D D D D
F ig . 192. R a p p o rt en tre le s fa c iè s, le s la cu n es stra tig ra -
p h iq u e s e t le s d isco rd a n ces a n g u la ir e s:
a — O ural o c c id e n ta l ; b — O ural cen tra l ; c — Oural
o r ie n ta l ; d — K azak h stan o c c id e n ta l ; C — C arbonifère ;
P — P erm ien ; q u a d r illa g e — ca lc a ir e ; p o in ts — grès ;
lig n e s o n d u lées — d iscord an ce a n g u la ir e (ph ase orogén iq u e)

vers les zones déprimées du fond marin correspondant aux syncli­


naux en formation, alors que sur les parties du fond en relief corres­
pondant aux anticlinaux en progression ils ne s ’accumulent presque
pas. Imaginons maintenant que la région en question, sans inter­
ruption des plissements, émerge à la surface par suite de mouvements
d ’ensemble et est attaquée par l ’érosion. Les couches supérieures
seront enlevées et les couches inférieures plissées resteront intactes.
La subsidence ultérieure conditionnera l ’accumulation de couches
nouvelles qui vraisemblablement se déposeront en discordance sur
les couches inférieures ; mais, comme on le voit, la phase orogénique
manque ; elle s ’est avérée inutile. La discordance angulaire est due
à l’intervention des mouvements d ’ensemble dans le phénomène
continu du plissement. « La genèse des plissements est un phénomè­
ne généralement très long qui se développe très lentement,— écrit
l ’académicien N. Chatski. La vitesse des mouvements orogéniques
est tout à fait comparable à celle du processus de sédimentation.
Les discordances angulaires résultent de la superposition de mouve­
ments d ’ensemble (épéirogéniques) aux mouvements orogéni­
ques.» (1937)
Il est admis actuellement que la vitesse des plissements est
comparable à celle de la sédimentation, et que, dans la plupart des
cas, les discordances angulaires sont le résultat de la superposition
des mouvements d ’ensemble (épéirogéniques) aux mouvements
379
orogéniques. Il n ’existe pas de phases orogéniques brèves de portée
universelle dans le sens où l ’entendait Stille, mais elles existent
réellement si l ’on n ’envisage que des régions limitées. Dans les
limites des secteurs tectoniques isolés, les plis se forment sur le
fond d ’un mouvement orogénique d ’ensemble et peuvent résulter
des impulsions, des secousses, des phases orogéniques d ’importance
locale, tout en restant associés aux particularités de la tectonique
de la région considérée.
* * *
Les dislocations par plissements constituent un sujet de la recher­
che géologique des plus importants. Elles sont associées à de nom­
breux gisements de minéraux utiles, et en particulier au pétrole et
à la houille. L ’U.R.S.S. a beaucoup contribué au développement des
études sur les dislocations par plissement mais les problèmes non
encore résolus dans ce domaine sont encore nombreux.

III. D IS L O C A T IO N S P A R C A S S U R E S

Les mouvements qui sollicitent l ’écorce terrestre provoquent


non seulement des plissements, mais aussi des cassures. Les dislo­
cations par cassures pouvant se produire dans les conditions naturel­
les les plus diverses, l ’échelle, la forme et l ’origine de ces accidents
sont en conséquence très variées.
En guise d ’exemple on peut citer la nappe de chevauchement
rencontrée près de la cité ouvrière Soulucta (Sud-Ouest de la vallée
de Ferghana).
Le Paléozoïque, représenté par des calcaires compacts marmorés
(fig. 193) constitue ici une chaîne peu élevée qui s ’étend suivant
la latitude. Dès les plissements hercyniens, c’est-à-dire à la fin du
Paléozoïque et au début du Mésozoïque, les calcaires ont été inten­
sivement disloqués. Au Nord et au Sud, sur le pourtour du massif
paléozoïque, sont disposées des roches plus jeunes, mésozoïques et
tertiaires, qui sont peu compactes et de faible épaisseur.
Au Nord, le Crétacé et le Tertiaire présentent une structure mono-
clinale à faible pendage vers le Nord ; ils recouvrent le massif des
calcaires paléozoïques incliné dans le même sens. Le Crétacé repose
sur le Paléozoïque avec une discordance angulaire bien marquée.
Au Sud, le soubassement paléozoïque est fortement abaissé et le
Crétacé et le Tertiaire qui le recouvrent entrent en contact avec les
calcaires du massif exhaussé suivant la surface de la cassure qui
présente une pente abrupte dans le sens de la chaîne. Près de la cas­
sure, le Crétacé et le Tertiaire sont légèrement infléchis par le frot­
tement contre le plan de faille. L 'écartement des lèvres de la cassure
atteint plusieurs mètres en largeur et est comblé de débris de roches
calcaires cimentés par de la calcite et des oxydes de fer apportés par
380
les eaux souterraines circulant dans la cassure (ce sont les brèches de
friction). De nos jours encore une petite source jaillit dans la vallée
de la rivière qui recoupe les chaînes, à l ’endroit où celle-ci traverse
la cassure. Parfois, les surfaces de la cassure apparaissent au jour,
lisses, polies, brillantes, presque à pic (des soi-disant miroirs de
faille) ; les stries qui les marquent se disposent de bas en haut et
indiquent le sens du déplacement des masses.

u-— N

la Tanghe

l 3|;ïv.v.j-7'r; 4|0o0o0\~Tr2 5| \ |- rhpnm/nhantfi

Fig. 193. Faille chevauchante près de Soulucta, dans le Ferghana du


Sud-Ouest (schéma) :
1 — calcaires paléozoïques; 2 — sédiments crétacés; 3 — sédiments du
Tertiaire inférieur; 4 — sédiments du Tertiaire supérieur; 5 — ligne
de faille

Les dislocations par cassures plus ou moins bien marquées de


dénivellations variées et dont le pendage est plus ou moins accusé
se rencontrent dans les régions ayant subi des mouvements orogé­
niques. L ’étude de ces dislocations est d ’un grand intérêt pratique
et théorique.

§ 1. Eléments géométriques des cassures tectoniques


Une cassure tectonique ou faille est une solution de continuité
dans les roches, c’est-à-dire une rupture le long de laquelle un com­
partiment de l ’écorce terrestre s ’est déplacé par rapport à un autre.
La surface / / (fig. 194) est appelée plan de faille. Le bloc I relative­
ment abaissé constitue la lèvre abaissée, le bloc II, la lèvre soulevée.
On distingue aussi les lèvres supérieure (ou toit) et inférieure (ou
mur), la lèvre supérieure reposant sur le plan de faille qui recouvre
la lèvre inférieure. Le rejet ou déplacement d ’un bloc par rapport à un
autre se mesure de différentes façons. Le rejet incliné (a,) s ’obtient
le plus facilement: c ’est la distance suivant le plan de faille entre
le toit ou la base d ’une couche d ’un des blocs, et le toit ou la base
correspondants de la même couche de l ’autre bloc. Le rejet vertical
(ao) et le rejet horizontal (a3) sont les projections du rejet incliné sur
les plans vertical et horizontal. Le rejet stratigraphique (a j est mesu­
ré suivant la normale au plan de séparation de la couche sectionnée,
c ’est donc la projection du rejet incliné sur la perpendiculaire au
plan de séparation.
381
On peut déterminer la position du plan de faille si l ’on connaît le
pendage pour lequel on mesure Y azimut et l ’inclinaison. Parfois, on
recourt également à la direction de la faille. Dans la géométrie

f
Fig. 194. Géométrie d’une faille:
a — rejet ; — rejet incliné ; a2 — rejet vertical ;
0 3 — rejet horizontal ; a4 — rejet stratigraphique ; / — lè­

vre abaissée; I I — lèvre soulevée; // — plan de faille

souterraine et la géodésie des mines 1, on distingue de nombreux


autres éléments. Il faut à ce sujet consulter les ouvrages de géologie
structurale, c’est-à-dire les branches géologiques étudiant en détails
les formes extérieures des structures tectoniques.

§ 2. Principaux types de cassures


Parmi les multiples cassures tectoniques on peut dégager celles
qui sont les plus fréquentes et dont le rôle est le plus important :
faille normale, faille inverse et décrochement.
Les failles normales sont des dénivellations tectoniques de ter­
rains adjacents dans lesquelles la lèvre supérieure est soulevée et la
lèvre inférieure abaissée. Le plan de faille a un pendage dans le sens
de la lèvre affaissée (fig. 195, 196, a) ; l ’inclinaison du plan de faille
peut varier, mais se situe le plus fréquemment entre 40° et 60°.
Dans la zone de la faille, l ’écorce terrestre s ’allonge de la gran­
deur a3 (rejet horizontal). Donc, une faille normale doit être considé­
rée' comme une déformation de traction, c ’est-à-dire de cisaillement,
qui s ’effectue dans les conditions de distension de l ’écorce terrestre.
Les exemples de cassures de ce type sont rares; citons la faille
importante qui s ’allonge à la base des montagnes Jigouli. Elle
affecte ici les calcaires carbonifères et les argiles jurassiques, mais le
plan de faille n ’affleure pas, car il est recouvert d ’épaisses alluvions
d ’âge récent (sables) de la vallée de la Volga; il ne peut être décelé
que par des prospections géophysiques ou des forages. Le pendage du
plan de la faille est abrupt, le rejet doit atteindre quelques 500 m.

1 La géodésie des mines est l ’étude de la forme des gisements de minéraux


utiles et des conditions techniques de leur exploitation.
382
Fig. 195. Petite faille affectant un banc de grès et de schistes de la «Série de
Tauridc ». Côte méridionale de Crimée

De grandes failles entourent également les dépressions tectoni­


ques telles que le lac Baïkal, le lac Télétskoïé (Altaï), la mer Bouge,
les lacs de l ’Afrique orientale. Le plan de faille n ’est pas alors tou­
jours très net, mais la présence des cassures est révélée par des indi­
ces indirects comme le modelé du relief, l ’émergence de sources

Fig. 196. Cassures tectoniques:


a — faille normale ; b — faille inverse ; / / — plan de faille ;
a3 — rejet (horizontal)

thermales, les volcans, l ’existence de foyers de tremblements de


terre, l ’allure générale de la structure tectonique.
Les dépressions limitées par des failles à pendage contraire s ’ap­
pellent fossés d'effondrement (fig. 197, a). Les dépressions du Baïkal
.m
et de la mer Rouge, la vallée du Rhin (Allemagne), celle du Salghir
(Crimée) sont des fossés d ’effondrement. 11 est fréquent que les roches
qui composent le fossé soient celles du synclinal, on l ’appelle alors
synclinal faille. Le bloc soulevé limité par des failles est nommé
horst (fig. 197, b).
De petits fossés d'une structure très compliquée se rencontrent assez
fréquemment aux sommets des dômes de sel où ils dérangent les ro­
ches sédimentaires de couverture. Les failles affectant le sommet du

Fig. 197. Structures résultant de la combinaison de


cassures tectoniques:
a — fossé d’effondrement ; b — horst ; c — coins inver­
ses (ramp-valleys) ; d — horst limité par des failles
chevauchantes; e — faille en escalier

dôme suivent diverses directions, surtout radiales et en cercles


concentriques; elles fragmentent la couverture sédimentaire en de
nombreux blocs s ’échelonnant dans le sens vertical. Souvent, il se
forme ainsi des failles en gradins ou escalier (fig. 197, b).
Il n ’est pas toujours facile de distinguer les failles d ’origine tec­
tonique de celles qu’on appelle failles de gravité ou de tassement qui
sont des dislocations provoquées par l ’affaissement de l ’écorce ter­
restre sous l ’effet de la pesanteur. D ’ailleurs, il se peut que la dif­
férence ne soit pas très importante, car dans le cas des distensions de
l ’écorce terrestre la formation des failles suppose indubitablement
l ’intervention de la pesanteur.
381
Les cassures s ’accompagnant d ’un déplacement vertical des lèvres
suivant un plan lui aussi vertical s ’appellent également failles. De
telles failles sont peu fréquentes et il n ’est pas toujours facile de
déceler le mécanisme de leur formation.
Une dépression tectonique entre deux failles inverses plongeant
dans les sens opposés à la dépression (fig. 197, c) s ’appelle coins
inverses (ramp-valley). Ce type de dépression est fréquent lors de la
dislocation des structures plissées. Après une étude plus poussée de

Fig. 19S. Petite faille chevauchante affectant un banc de grès et de


schistes de l a « Série de Tauridc ». Côte méridionale de Crimée

leur structure, de nombreuses dépressions prises auparavant pour des


fossés d ’effondrement typiques furent rangées parmi les coins inverses.
En cas de compression, le bloc soulevé est séparé de celui qui
s ’abaisse par des plans de failles qui plongent dans le sens du bloc
soulevé (fig. 197, d). Ce phénomène très répandu est appelé « règle
de Leuchs », du nom du géologue qui a le premier souligné son
importance.
Dans les failles inverses ou chevauchantes (fig. 198) la lèvre
supérieure est abaissée et la lèvre inférieure soulevée, le plan de fail­
le plongeant dans le sens de la^lèvre inférieure; l ’inclinaison varie,
de même que pour une faille normale, mais dans les cas les plus
fréquents elle se situe entre 50 et 80°. Dans la zone du chevauche­
ment, le bloc de l ’écorce terrestre se rétrécit de la grandeur a3,
c ’est le rejet horizontal. Donc, une faille chevauchante est une
25—927 385
déformation de cisaillement qui se réalise dans les conditions de
compression de l ’écorce terrestre (fig. 196, b).
Les exemples de failles chevauchantes sont assez courants dans
les régions plissées. Nous en avons déjà décrit une au début du cha-

rwi*
Fig. 199. Faille chevauchante dans la vallée de la Duchambinka, près du
village Dinavat, chaîne de Ghissar:
1 — conglomérats du Tr2; 2 — calcaires et argiles du Tri*, 3 — calcaires
du Cr ; 4 — granités du Pz ; 5 — plan de faille (/ — /)

pitre, celle de Soulucta. Une faille chevauchante de grandes dimen­


sions affecte le versant Sud de la chaîne de Ghissar et sépare les
dépôts paléozoïques et les granités des dépôts tertiaires de la Dépres­
sion tadjique. Dans la vallée de la rivière Duchambinka, le Paléogè­
ne calcaire, entrant en contact avec les granités, se déverse et les
386
couches prennent une position inverse (NE 10°, /_ 80°). L ’ouverture
de la faille se comble de débris de roches paléozoïques contenant
des oxydes de fer, ce qui donne à la brèche de friction une couleur
rouge-brun. Le long de la ligne de faille apparaissent des sources qui
engendrent des zones de verdure très apparentes (fig. 199).
Une faille chevauchante très intéressante sépare la chaîne du
Kopet-Dag (Turkménie), formée de calcaires et de marnes crétacés
soulevés et ployés en des plis droits et calmes, de la dépression voi­
sine des Kara-Koum située au Nord qui est remblayée par d ’épais
dépôts terrigènes (détritiques) du
Tertiaire et du Quaternaire. Cette
faille longue de 500 km, dont le
rejet atteint parfois 5 km, s ’étend
tout au long du Kopet-Dag. Son
allure se modifie constamment, quel­
quefois elle se ramifie en donnant
une série de cassures et même par­
fois disparaît, mais elle constitue
cependant un très bel exemple de
dislocation longitudinale d ’impor­
tance régionale due au cisaillement.
Ainsi, dans la vallée de la ri­
vière Cherlaouk (fig. 200, a), les
calcaires épais du Crétacé inférieur
(Crt) forment un anticlinal déversé
vers le Nord. Ils entrent en contact
le long de la cassure avec les argiles
du Paléogène (Pg) déversées, elles Fig. 200. Grande faille chevauchan­
aussi ; ils acquièrent ensuite une te du Kopet-Dag, Turkménistan:
a — dans la vallée Cherlaouk ;
disposition normale et plongent vers b — au Sud de la station Keliata ;
le Nord sous les conglomérats du c — près de la montagne Koou
Néogène (N). Fait curieux: près de (d’après G. Gorchkov)
la cassure, l ’épaisseur des argiles
diminue, celles-ci ayant été visiblement refoulées par la pression du
massif Crt. D ’autre part, elles sont séparées des conglomérats^!N
par une petite fracture affectant la base de ces conglomérats: les
argiles plastiques poussées vers le Nord ont été refoulées sous la
couche résistante du conglomérat.
A un autre endroit, beaucoup plus à l ’Ouest, le contact des
couches du Paléogène et du Crétacé inférieur est marqué par une cas­
sure dont l ’ouverture est remplie d ’une brèche de friction épaisse.
Celle-ci, bien cimentée, résiste mieux à l ’altération que les roches
sédimentaires et forme à la surface une butte témoin rougeâtre
(fig. 200). Une petite source jaillit à cet endroit.
En débouchant dans la plaine, des rivières venant des montagnes
y constituent des cônes de déjection larges et plats qui recouvrent la
ligne de faille du Kopet-Dag. Mais de nombreuses sources, y compris
25* 387
des sources thermales, jaillissent le long de la faille (désignée par
le géologue I. Nikchitch sous le nom de ligne « hydrothermale » et
s ’y fraient un chemin indiquant par leurs émergences la ligne de
faille fossilisée.
Dans de nombreux cas, les ruptures tectoniques apparaissent
nettement sur les photographies aériennes prises à haute altitude.

Fig. 201. Photographie aérienne de la faille de tectonique alpine affectant


le Paléozoïque, le Crétacé et le Paléogène (d’après M. Pétroussévitch)

En guise d ’exemple citons la photographie aérienne de la faille cas­


sant, en Asie centrale soviétique, les séries du Paléozoïque inférieu­
re, du Crétacé et du Tertiaire. Cet exemple nous montre que la recher­
che géologique recourt largement à la photographie aérienne qui
accélère et facilite l ’exécution des levées géologiques. On utilise
très fréquemment cette méthode en U.R.S.S.
388
Les failles chevauchantes sont caractéristiques de nombreuses
régions à structure plissée de l ’U.R.S.S. Elles déterminent les traits
majeurs de la tectonique hercynienne dans l ’Oural et le Kazakhstan,

Fig. 202. Angles de pendage des failles chevauchantes


(d'après les mesures effectuées dans le Pamir du Nord-
Ouest)

elles ont également été décelées en grand nombre dans les jeunes
chaînes alpines des Carpates, du Caucase, de l ’Asie centrale, etc.
Une faille chevauchante fort intéressante affecte le piémont septen­
trional de la chaîne de Nan-Tchang,
mettant en contact des roches tertiaires
rouges et des galets quaternaires (voir
fig. 231).
Les failles chevauchantes sont le
type de cassure tectonique qui se ren­
contre même plus fréquemment que
les failles normales. Il en résulte que
les contraintes dominantes dans l ’écor­
ce terrestre sont celles de compression ;
il est nécessaire d ’en tenir compte lors
de la formulation des hypothèses géo­
tectoniques. Les plus nombreuses des
failles chevauchantes enregistrées sont
celles dont le pendage se situe entre
40 et 65°, plus précisément entre 45 et Fig. 203. Cassure tectonique très
60° (fig. 202). Donc, dans l ’évolution incurvée qui dans sa partie
des dislocations tectoniques associées supérieure répond à la notion de
faille inverse, et dans sa partie
aux plissements linéaires, et c ’est dans inférieure, à celle de faille
ceux-ci que l ’on rencontre surtout les normale
failles inverses, le rôle principal re­
vient aux efforts tangentiels (agissant dans le sens horizontal).
Les failles inverses à pendage très accusé (70-90°) passent ordinai­
rement aux chevauchements. D ’ailleurs, ces derniers ne sont pas
obligatoirement l ’aboutissement d ’une faille inverse. Une faille
normale à pendage très accusé peut en effet modifier le sens de son
plongement et devenir morphologiquement un chevauchement
3S9
fig. 203). C’est pourquoi le mieux est de considérer comme chevau­
chement une cassure abrupte dont le plan de faille est incliné dans
le sens de la lèvre soulevée.
Failles profondes. En 1945, A. Péivé souligna l ’importance des
cassures d ’un autre genre qu’il appela failles profondes. Elles se
distinguent avant tout par leurs dimensions, s ’étendant parfois sur
des centaines, voire des milliers de kilomètres, et s ’enfonçant à
l ’intérieur de la terre jusqu’à des dizaines et parfois des centaines de
kilomètres. Leur extension est aussi très continue ; malgré leur
grande longueur, elles sont souvent presque rectilignes. Une des

Fig. 204. Répartition des failles profondes dans le Tian-Chan:


1 — zone de structure calédonienne; 2 — zone de structure hercy­
nienne; 3 — dépressions de Ferghana (F) et de Naryn (N) ; 4 — failles
profondes Terskéï-Karataousski (TK) et Talasso-Ferghanski (TF)

caractéristiques non moins importantes de ces structures est leur


âge : parfois elles datent du Paléozoïque et rejouent pendant les
dpoques ultérieures en restant actives quelquefois jusqu’à nos jours.
Enfin, encore un trait très important: elles séparent généralement
des aires de l ’écorce terrestre de nature totalement différente quant
à leur évolution, leur composition et leur structure actuelle.
En guise d ’exemple on peut citer la faille transouralienne qui
s ’étire sur 500 km suivant le méridien, du village de Bourmantovo
au Nord jusqu’à la latitude de Sverdlovsk; elle sépare les structures
plissées de l ’Oural central de celles de la dépression de la Sibérie
occidentale. Une autre faille, encore plus marquée, casse du Nord-
Ouest au Sud-Est les chaînes du Tian-Chan septentrional. Dans sa
partie Nord-Ouest, elle s ’appelle Terskéï-Karataousski, et au Sud-Est,
Talasso-Ferghanski. Cette faille existait déjà au Silurien et elle a été
le siège de mouvements qui se sont prolongés jusqu’à nos jours;
c ’est ainsi qu’elle a été à l ’origine du grand tremblement de terre du
2 novembre 1946, dit Tchatkalskoïé. Fait curieux : au cours des
390
•âges, les mouvements qui ont suivi la faille ont varié de sens;
parfois la lèvre Sud-Est s ’est soulevée, parfois la lèvre Nord-Ouest.
Il est également important de noter que les structures plissées d ’une
des lèvres ne se prolongent pas dans l ’autre; autrement dit, la for­
mation et l ’évolution de la faille ont été indépendantes de la structure
plissée. Il a été prouvé que cette faille verticale pénètre au sein de
la terre jusqu’à 100 km au moins, et l ’on sait que les mouvements
dont elle est actuellement le siège sont orientés horizontalement
(voir ch. 16, § 8). La fig. 204 représente la position de la faille
Talasso-Ferghanski dans le système des plissements du Tian-Chan
septentrional.
Nappes de charriage, plis couchés et structures en nappes. En
1884, Marcel Bertrand décrivit les structures faillées à faible pendage
résultant de l ’étirement du flanc inférieur d ’un pli couché; il décou­
vrit ces structures dans les Alpes et les nomma charriage. Par la
suite, cette notion s ’est compliquée et actuellement on donne le nom
de nappe de charriage aux diverses ruptures tectoniques présentant
un trait commun : le plan de rupture doit être horizontal ou quasi ho­
rizontal. M. Tétiaïev soulignait que la surface de charriage devait
être ondulée. Les éléments d ’un charriage sont: la surface de char­
riage f f recouverte d ’une roche broyée et laminée (mylonite) ; Y auto­
chtone a, terrains sous-jacents non transportés des couches plissées;
Vallochtone b, terrains sus-jacents des couches plissées, déplacés par
rapport à la partie inférieure et formant une structure en nappes ;
les terrains exotiques c ou lambeaux qui sont des allochtones conser­
vés après l ’érosion et la destruction de la nappe ; les fenêtres tectoni­
ques d, ouvertures révélant l ’autochtone mis à jour dans les dépres­
sions après érosion des nappes de recouvrement ; le front de la nappe
de charriage e, qui est la partie la plus avancée de la nappe ; les
racines f , endroit d ’où a commencé le déplacement de la nappe et où
se trouvent les roches en place non dérangées (fig. 205, A).
Certains géologues ont exagéré le rôle des structures en nappe
et ont fait un usage excessif de ces notions; ils prétendaient qu’une
nappe de charriage pouvait recouvrir de vastes espaces et s ’étendre
horizontalement au-dessus des terrains autochtones sur des dizaines,
voire des centaines de kilomètres (150 en Norvège, 200-300 dans la
région du Baïkal). Ils découvraient des charriages là où il n ’y en
avait aucune trace. C’est ainsi que des charriages et des structures
de nappes apparurent dans la région du Baïkal (M. Tétiaïev), dans
l ’Oural (G. Frédérix), le Karataou (V. Galitski, fig. 206, A), le
Pamir (I. Goubine). Certains tectoniciens des pays occidentaux écha­
faudèrent même des édifices de nappes d ’un aspect tout à fait
fantastique, notamment A. Brückner (fig. 205, B).
Prenons un exemple. Dans la zone de la montagne de Markoou,
au Kopet-Dag, des calcaires crétacés entrent en contact avec des
argiles tertiaires suivant une ligne de chevauchement. Un peu au
Nord de cette discontinuité on a la surprise de découvrir de nouveau
391
des calcaires recouvrant le Tertiaire d ’une façon anormale (fig. 200, c).
V. Mirochnitchenko considérait ce monticule de calcaires crétacés
comme un lambeau de recouvrement, c’est-à-dire comme un vestige

Fig. 205. A — structure d’un charriage ; B — nappe de


charriage dan9 les Alpes, d’après A. Brückner (schéma)

de la nappe dont les racines s ’étaient conservées sous forme de la


montagne Markoou. Une étude plus attentive montra pourtant que
le contact entre les calcaires et les roches sous-jacentes n ’avait rien

Fig. 206. Structure géologique de l ’anticlinorium Baïdjan-


saïski, chaîne de Karataou, Kazakhstan : a — d’après V. Galitski
(1949); b — d’après M. Gzovski (1954). Les traits pleins repré­
sentent les cassures tectoniques (schéma)

de tectonique: ces calcaires ont glissé des flancs du Markoou, d ’une


façon analogue aux calcaires des monts Kochka et Chankaîa qui ont
glissé en Crimée de la montagne Iaïla.
Les nappes de charriages ou, plus exactement, les chevauchements
à faible pendage (presque horizontal) se rencontrent dans la réalité,
mais il ne faut pas les chercher là où ils ne se trouvent pas ou exagé­
rer leur importance. L ’amplitude horizontale du chevauchement
n ’est jamais très forte.
392
En guise d ’exemple de nappe de charriage, on peut citer la faille
plate étudiée par B. Willis en Ecosse (fig. 207).
La notion de charriage est étroitement liée à celle de nappe de
glissement. C’est une déformation qui se rencontre souvent. Elle
Cool M oore.

Terrains autochtones
Ses aoant —m onts

Fig. 207. Coupe schématique à travers le Nord-Ouest des Highlands


d’Ecosse montrant les nappes de charriage (d’après B. Willis)

résulte d ’un chevauchement de la lèvre inférieure sur la lèvre[supé-


rieure, affleurant à la surface. Les nappes de ce genre ont été décrites,
entre autres, par B. Willis (1922).
Failles de décrochement. Les efforts de cisaillement permettent
d ’expliquer la formation des cassures parallèles aux plis (la direction

Fig. 208. Cassures tectoniques dans le Kopet-Dag (d’après


P. Kalouguinc) :
1 — frontière septentrionale de l ’affleurement des roches
en place (Jurassique, Crétacé, Trias); 2 — grande faille
chevauchante du Kopet-Dag ; 3 — décrochements

du plan de faille étant perpendiculaire à celle de la pression) et à


faible pendage (inclinaison du plan de faille de l ’ordre de 453).
Ces efforts permettent de même de prévoir des cassures ayant une
autre orientation, se disposant habituellement obliquement par
rapport à la pression, c ’est-à-dire aux efforts tectoniques ; dans ce cas,
393
le plan de faille a une pente très raide ou est vertical. Des formes de
ce genre ont été effectivement observées et on les nomme décroche­
ments. Ce sont des cassures tectoniques à déplacement relatif des
lèvres dans le sens horizontal qui ne présentent pas de dénivellations
verticales sensibles.
Le Kopet-Dag nous fournit un bel exemple de région où les
décrochements sont très répandus (fig. 208). Ils s'agit de sédiments
du Crétacé supérieur et inférieur, ployés en plis réguliers, symétri­
ques et droits, qui ont été dérangés par tout un réseau de failles le long
desquelles s ’observent des déplacements de blocs dans le sens horizon­
tal, parfois à une distance atteignant 5 km. Le rejet vertical ne
dépasse pas en général 0,5 km. Les surfaces de faille sont verticales
-et les miroirs de faille portent des stries horizontales. Les cassures
forment un réseau à peu près rectangulaire.
Le tableau 17 donne les amplitudes des rejets de décrochements
«enregistrés au Kopet-Dag.
T a b lea u 17
C assures te c to n iq u e s (d écroch em en ts) du K opet-D ag
Rejet, km Angles et
Dénomination de la azimut de
cassure Direction
vertical horizontal l'inclinaison

Deghermendjik 1,5-2 NNO pente raide


Kizyl-kaïa 0,2 — » —

Ghermab 0,3-1,0 2,0-3,0 » 70° SO


Bakhtcha 0,05 5,0 » 75° SO
Firuza — — — 50-80° SO
Saandak 0,3 — NNO pente raide
Kourtoussoun 0,2-0,6 — » —

Khountchi 0,1-1,6 — » pente raide


Kharvar 1,0 — » —

Ghiaours oriental — 2,5 » —

Gaoudan — 2,5 ENE 75°

On voit que ces cassures présentent un faible déplacement dans le


sens vertical et un déplacement horizontal important. Les grands
décrochements (du Ghermab et du Bakhtcha, ainsi que du Ghiaours
oriental et du Gaoudan) sont très caractéristiques. Dans certains cas,
la composante horizontale de la déformation n ’a pas été établie. Ces
cassures se distinguent de même par un pendage très accusé, ordinai­
rement supérieur à 70° et pouvant atteindre 90°. Ainsi, la plupart
4e ces cassures sont des décrochements typiques, ou plutôt des
failles de décrochement directes et des failles de décrochement
inverses.
394
Il serait intéressant de connaître les conditions mécaniques don­
nant lieu à un réseau de ce genre.
Examinons le mécanisme des efforts de cisaillement. Comme nous
l ’avons déjà dit, dans un corps solide soumis à une pression, un ré­
seau de fissures apparaît, orienté généralement de 45° par rapport
à la direction de la pression. Nous avons dit « généralement »,
car des facteurs secondaires modifient toujours les termes théoriques.
Si le vecteur qui indique la direction de la pression est horizontal,
les fissures apparaissant les premières auront une direction perpendi­
culaire à ce vecteur et s ’inclineront, d ’un côté ou de l ’autre, de 45°
par rapport à l ’horizon. Le décrochement principal du Kopet-Dag
constitue justement une déformation de ce genre; comme il s ’étend
actuellement du Nord-Ouest au Sud-Est, la pression devait autre­
fois être orientée du Sud-Ouest au Nord-Est.
Mais d ’autres cassures sont également possibles qui, tout en
suivant la loi des efforts de cisaillement, sont caractérisées par d ’au­
tres termes définissant leur position. Imaginons une cassure qui fait
un angle non pas de 90, mais de 45° avec le vecteur pression. Si son
plan de faille est vertical, cette cassure obéira strictement à la loi
des efforts de cisaillement. Les décrochements du Kopet-Dag s ’inscri­
vent justement dans cette catégorie : ils forment un angle avec la
direction du mouvement, leur plan de faille est vertical, et leurs
lèvres ont subi un déplacement horizontal.
Il convient de souligner que dans la plupart des cas, les rapports
tectoniques s ’avèrent si compliqués qu’ils ne se prêtent pas à une
interprétation mécanique. Même quand celle-ci semble possible, il
faut y recourir avec la plus grande prudence. Les cassures du Kopet-
Dag se prêtent à une interprétation relativement facile, ce qui est
un cas très rare.

§ 3. Signes de cassures tectoniques sur le terrain


Les cassures tectoniques ne sont pas toujours apparentes. La
ligne de faille, c ’est-à-dire le tracé de la faille à la surface du sol, est
souvent effacée, masquée par la végétation, n ’est pas révélée par
le relief, et il est généralement difficile de la reconnaître. Certains
géologues ont même tendance à découvrir des cassures là où elles
n ’ont jamais existé. Il n ’est pas inutile de recommander dans ces cas
une grande prudence ; une faille ne peut être reconnue et représentée
sur une carte que si plusieurs signes témoignent de son existence.
Quels sont donc ces signes ? L ’existence d ’une cassure tectonique
peut être prouvée par:
1. Le contact de couches d 'âges différents, c ’est-à-dire de couches
qui dans une série normale sont séparées par des couches intermé­
diaires. Il est cependant important de distinguer une cassure tectonique
d ’une discordance due à la transgression ayant permis à une couche
récente de recouvrir des terrains anciens d ’un âge quelconque.
395
2. La différence dans les éléments des lèvres en contact suivant
la cassure.
3. L ’existence d ’un plan de faille, c ’est-à-dire d ’une surface
ayant guidé la cassure et le déplacement des lèvres. Le plan de faille
ouvert par l ’érosion est parfois mis en évidence par le miroir de
faille (fig. 209) présentant une surface brillante et polie, couverte de
stries, de fissures d ’extension et de petits gradins qui indiquent le
sens du mouvement, ou bien par la brèche de friction. Celle-ci est

Fig. 209. Miroir de faille comportant des stries horizontales observé


près de Lang-tchéou en Chine

(fig. 210) une accumulation de matériel détritique fourni par les


roches constituant les lèvres et cimenté par un minéral secondaire
(calcite, oxydes de fer, sécrétions siliceuses, etc.).
4. Les signes de la cassure dans le relief. Souvent, on peut recon­
naître un gradin de faille correspondant à la lèvre soulevée ; ces
gradins sont habituellement nets dans les cassures alpines récentes.
Les dislocations anciennes, telles que les failles hercyniennes, ne
laissent pas de trace dans la topographie, bien que là aussi, la
diversité de la composition des couches constituant les lèvres peut
amener des différences dans les éléments du relief.
5. L ’existence d ’un escarpement de faille, c ’est-à-dire d ’une
fissure béante ou d ’un ressaut de faille dégagé à la suite d ’un trem­
blement de terre. Par exemple, lors du tremblement de terre de 190G
396
en Californie, une cassure de plusieurs dizaines de kilomètres fut
mise à jour; en 1891, au Japon, un tremblement de terre fit apparaî­
tre une faille qui coupa la vallée'et dont le rejet vertical atteignit
plusieurs mètres.
Les escarpements de faille sont des signes de l ’activité récente
de la cassure tectonique, c’est-à-dire de sa jeunesse, du fait que son
développement se poursuit.
6. Les sorties d'eaux souterraines ou thermales épousant la ligne
de la cassure. On peut noter beaucoup de sources n ’ayant aucun

Fig. 210. Brèche de friction extraite d’une cassure tectonique triasique près
de la ville de Bjuk, Hongrie

rapport' avec les accidents tectoniques, mais très fréquemment, sur­


tout dans les régions montagneuses, elles se disposent le long des
lignes de faille, les eaux souterraines empruntant souvent les fis­
sures qui correspondent aux ruptures tectoniques et les suivant
jusqu’à la surface.
Quand tous ou la plupart des signes que nous venons d ’indiquer
concordent, on peut conclure à l ’existence d ’une faille. Dans le cas
contraire, c ’est-à-dire lorsque les signes sont en nombre insuffisant,
l ’existence de la faille n ’est pas prouvée et il faut poursuivre les
recherches.
L’étude des déformations tectoniques par plissements ou par
cassures est facilitée par la photographie aérienne (fig. 201). Sur
une telle photo, les lignes de faille apparaissent nettement même
lorsqu’on ne parvient pas à les déceler par des observations sur le
terrain. Il est possible que la cassure n ’apparaisse pas dans le relief,
qu’elle ne se manifeste pas par des sources, et même que sa trace ait
397
Fig. 211. Photographie aérienne d'un pli anticlinal affectant le Crétacé et
le Paléogène

pu être effacée; mais une photo aérienne peut facilement déceler


une différence marquée dans la direction de diverses couches sédi-
mentaires, une diversité dans la structure tectonique de la région,
dans la nature des roches constituant les lèvres, etc. Ce sont autant
de faits qui laissent supposer l ’existence d ’une rupture. Il en est de
même pour l ’étude des plissements (fig. 211). L ’étude des photos
aériennes doit évidemment aller de pair avec les recherches sur le
terrain de la ligne ainsi révélée par la photo.
398
§ 4. Fissuration des roches
Les couches sédimentaires, ainsi que les massifs de roches magma­
tiques, présentent ordinairement des joints, c ’est-à-dire qu’elles sont
disloquées par des fissures plus ou moins larges qui divisent la roche
en une multitude de petits blocs. La fissuration est un trait caracté­
ristique des roches. Les déplacements des blocs isolés le long des
fissures ne sont pas discernables, mais parfois on décèle à certains
indices ces déplacements. Ces fissures doivent être considérées comme
le stade initial des cassures tectoniques ; c ’est pourquoi il est naturel
d ’étudier la fissuration des roches dans le chapitre consacré aux
cassures.
Au lieu d ’utiliser le terme de « fissuration » on se sert parfois
du mot clivage. Pour plus de précision et compte tenu de la grande
diversité des joints dans les roches, il convient de grouper sous le
terme de clivage les joints d ’origine extérieure, tectonique (exocli-
vage) et de réserver le terme de fissuration aux fentes provoquées par
l ’action des forces internes déclenchées par le refroidissement de la
roche, son dessèchement, etc. (endoclivage).
Suivant son origine et l ’aspect qu’il présente, le clivage, propre­
ment dit, peut se subdiviser en clivage de fracture (faux clivage) et
en clivage de flux (vrai clivage).
Le clivage de fracture se présente sous forme d ’un faisceau de
joints à peine apparents ou même complètement invisibles qui se
manifestent dès qu’on porte un coup de marteau sur la roche:
l ’échantillon se divise en petits morceaux non pas au hasard, mais
suivant des surfaces plus ou moins planes. Ce qui importe surtout,
c’est que ces fissures sont orientées suivant un certain nombre de
directions bien définies. C’est le signe évident de ce que ces fissures
sont le fait des conditions qui se sont manifestées d ’une façon iden­
tique sur de vastes territoires. Quand une roche possède deux systè­
mes de joints elle se débite suivant les plans de stratification et de
clivage en de petits blocs plus ou moins réguliers. Les ouvriers des
carrières connaissent cette propriété des roches et se servent des
fentes pour extraire la pierre (fig. 212).
Le faux clivage résulte de conditions très variées. Il peut apparaî­
tre à la suite d ’une pression unilatérale provoquée en général par
des mouvements tectoniques; toutes les fissures ont alors la même
direction, indépendamment du pli ou du secteur du pli examiné.
Dans d ’autres cas, il est le fait de la réaction de la roche aux efforts
de ploiement qui accompagnent la formation du pli et les fissures
suivent rigoureusement la forme du pli, changeant de direction avec
la modification du pendage de la couche (fig. 213).
Un clivage de fracture a toujours une origine tectonique, et
l ’action sur la roche est définie par une certaine orientation, la roche
réagissant à ces efforts comme un corps rigide.

39£
Fig. 212. Clivage de fracture dans les grès de la «Série de Tauride», côte
méridionale de Crimée

Fig. 213. Clivage de fracture à directions se modifiant au sein de la


couche suivant la forme du pli
Le clivage de flux extérieurement se manifeste également par la
dislocation de la roche suivant certains plans bien définis, mais
l ’origine du phénomène est tout autre. Il résulte du réarrangement de
la roche, de la modification de sa structure sous l ’effet d ’une tempé­
rature et d ’une pression élevées qui régnent au sein de la Terre, la
roche réagissant comme un corps plastique. Du fait de leur plasti­
cité les minéraux se sont modifiés, et, indépendamment de leur
forme ou de leur position au sein de la roche, ils ont acquis certains
traits communs, en premier lieu une orientation semblable des élé­
ments du réseau cristallin. Ces traits communs se manifestent notam­
ment par le fait qu’un coup porté sur la roche la fait se débiter
suivant certaines directions plus facilement que suivant d ’autres.
Ainsi, le clivage de flux, de par sa nature physique, doit être
plutôt assimilé aux déformations par plissements que par cassure ;
il indique que la roche considérée s ’est trouvée à l ’état plastique et
que les couches qu’elle a formées ont pu subir des ploiements et
donner des plis. Le clivage de flux apparaît généralement dans une
zone à plissement intense. En d ’autres termes, il convient de le
considérer comme une déformation élémentaire des structures plis-
sées. De même le clivage de fracture doit être envisagé comme une
déformation élémentaire des structures faillées.
Quant à la fissuration, elle se manifeste, par exemple, dans un
dépôt initialement humide en train de s ’assécher (fissures de dessic­
cation couvrant un takyr asséché). Les fissures apparaissent lors du
refroidissement des roches ignées; elles sont à l ’origine de la
division prismatique des basaltes, en boules des granités, etc. Tout
processus naturel qui se déroule au sein d ’une roche et qui modifie
sa densité, son volume ou sa position peut aboutir à la formation
d ’un système de joints plus ou moins régulier. Cependant, l ’origine
principale des fissures est surtout tectonique.
Les joints dans les massifs de roches magmatiques ont un inté­
rêt particulier. Ces roches ne se présentent pas en couches et l ’étude
de leur structure n ’est parfois possible que par l ’analyse de leurs
joints.
Généralement, dans les massifs de roches magmatiques l ’orienta­
tion des fissures est bien déterminée. Le géologue allemand H. Cloos
qui a étudié la structure et la fissuration des massifs granitiques de
l ’Allemagne méridionale, en a tiré les conclusions suivantes: même
dans une roche aussi massive que les granités, les minéraux ne se
disposent pas d ’une façon désordonnée, mais suivent une direction
dominante le long de laquelle s ’étirent les grains oblongs. Cette
orientation des grains est peut-être due à l ’écoulement du magma au
moment de sa solidification. De plus, on distingue dans un massif
de ce genre les types principaux de fissures suivants : S — vertica­
les, parallèles a la direction longitudinale des grains ; K — vertica­
les, perpendiculaires aux précédentes, c ’est-à-dire celles des faces
frontales des blocs envisagés ; D — verticales, obliques par rapport
26-927 401
aux systèmes de fissures S et K ; et L — horizontales (fig. 214).
Cloos explique les fissures verticales S et K par l ’écoulement du
magma à demi solidifié, les fissures D par les efforts tectoniques
postérieurs, les fissures L par la pression exercée par les couches
sus-jacentes.
Les recherches ultérieures ont montré que la formation des fissu­
res dans les roches magmatiques est beaucoup plus complexe ;

Fig. 214. Schéma de la disposition des


fissures dans un massif granitique, d’après
H. Cloos, et photographie des fissures L,
K et S dans la masse d’une laccolite de
Plack. Côte méridionale de Crimée

pourtant, l ’idée fondamentale de Cloos est juste: les directions des


fissures qui recoupent le massif ne sont pas quelconques mais pré­
sentent une certaine régularité qui est fonction de l ’évolution du
massif dont elles reflètent les étapes essentielles.
Lors des recherches il faut effectuer le plus grand nombre pos­
sible de mesures, c ’est-à-dire qu’il faut se servir de la méthode statis­
tique afin d ’éliminer les erreurs dues au hasard. Dans la pratique
il faut procéder à des centaines et même à des milliers de mesures.
402
C'est pourquoi le choix de la méthode d'analyse des chiffres obtenus
est primordial.
Pour cette analyse on utilise des diagrammes des diaclases qu’on
obtient de la façon suivante : on divise la circonférence en interval­
les de 5 ou 10°, on porte sur les rayons correspondant à l ’échelle
choisie les grandeurs mesurées de l ’azimut donné. Les extrémités
des vecteurs ainsi obtenus sont jointes par des segments de droite.
On obtient ainsi une ligne brisée fermée, aux angles aigus et aux
rayons de diverses longueurs, qui ressemble à une étoile. Les rayons
de cette étoile dont la largeur ou la longueur sont les plus grandes

Fig. 215. Le diagramme de diaclases établi pour un


massif de granités et de diorites près de Tchéliabinsk.
Entourés, figurent les diagrammes du pendage des
failles pour les trois directions dominantes (d’après
A. Zinovkine et I. KoroviakovJi

indiquent d ’emblée la position des fissures dominantes. Si l ’on déter­


mine la direction générale, on peut se borner à un demi-cercle, car
l ’autre moitié ne fait que reproduire les données de la première; en
effet, NE 30° et SO 210° ont dans ce cas la même signification.
Mais si l ’on définit la ligne de pente, il faut utiliser toute la circon­
férence. Il faut de plus construire un second diagramme des diacla­
ses et, sur une demi-circonférence cette fois, procéder à l ’analyse
des chiffres donnant l ’angle de pente. Ce dernier procédé, analyse de
la ligne de pente des fissures dans l ’espace, est meilleur. Il est vrai
que suivant le but recherché on peut utiliser tantôt l ’une, tantôt
l’autre méthode (fig. 215).
Le diagramme des diaclases permet de déterminer non seulement
la position dans l ’espace caractéristique de la structure géologique
considérée, mais aussi d ’établir les principes régissant lajformation
des diaclases: le nombre de phases de plissement ayant produit le
système de joints (s’ils sont d ’origine tectonique), la direction des
efforts tectoniques (pression) ayant provoqué les fissures, la réparti­
tion dans la masse des éléments minéraux liés génétiquement aux
fissures, etc. C’est pourquoi la géologie moderne, et surtout les
26* 403
'branches consacrées à la tectonique (géologie structurale) et à la
prospection des minéraux utiles, attache tant d ’intérêt à l ’étude
des diaclases.

§ 5. Accidents tectoniques et minéraux utiles


Les déformations tectoniques de tous genres sont l ’objet de recher­
ches géologiques primordiales.
Les déformations par plissements des couches sédimentaires, en
créant des structures plissées, agissent directement sur la disposition
•de nombreux gîtes de minéraux utiles très importants. Ainsi, les
principaux bassins houillers de l ’U.R.S.S., ceux du Donetz et de
Kouznetsk en particulier, constituent de grands synclinoriums sur
le fond desquels s ’est superposé un plissement secondaire et d ’ordres
supérieurs très compliqués, ce qui conditionne la possibilité d ’uti­
lisation de tel ou tel secteur du gisement.
La structure plissée des sédiments tertiaires de la presqu’île
d ’Apchéron détermine les particularités essentielles de la répartition
du pétrole qui s ’accumule dans les anticlinaux et n ’apparaît pas dans
les synclinaux. Il en est de même pour les gîtes du Nord de la Cas­
pienne : le pétrole est refoulé vers les sommets des dômes de sel et
chassé des zones intermédiaires. Dans d ’autres régions également
un lien étroit existe entre la structure tectonique et la configuration
des gisements, c ’est le cas notamment des gîtes de pétrole de Sakhn-
line. En guise d ’illustration, on peut donner cette coupe du gisement
de l ’Ekhabi oriental qui fait bien ressortir à quel point la forme de
l ’anticlinal et la position de la faille influent sur la forme du gîte
pétrolier (d’après V. Ratner, fig. 2.16).
Les exemples de ce genre sont très nombreux. Il est fréquent que
la déformation par plissement soit associée de la façon la plus étroite
à l ’accumulation d ’une substance minérale et à la genèse du gise­
ment. Les plissements, tout en influant sur la structure d ’un gise­
ment, peuvent parfois modifier le milieu physique et provoquer la
formation ou la disparition d ’un gisement.
En principe, il en est de même des déformations par cassures.
Les cassures tectoniques produisent des fissures plus ou moins
profondes qui constituent des voies commodes pour la montée jusqu’à
la surface de tous les produits de désagrégation fournis par les foyers
magmatiques profonds. Le long des cassures monte le magma qui
remplit tout l ’espace laissé par les fissures, pénètre dans les cavités
de l ’assise sédimentaire, y compris les intervalles apparaissant entre
les couches, et qui peut même sortir à la surface.
Les cassures canalisent aussi la montée des gaz et des vapeurs
surchauffés; en se refroidissant, ceux-ci déposent sur les parois des
fissures divers minéraux tels les feldspaths, le mica, le quartz, les
grenats, la tourmaline, la topaze, le béryl, la fluorite, la pyrite, des
composés de molybdène, d ’étain, de tungstène, de lithium, etc.
404
L’agglomération caractéristique de gros cristaux remplissant les
fissures de ce genre et qui se forme à des températures inférieures
à 800° (c’est-à-dire inférieures à celles du magma fondu résiduel qui
donne des roches hypabyssales) s ’appelle « pegmatite ».
Des cassures plus éloignées de la source de magma en état de
refroidissement se remplissent de minéraux précipités à partir des

solutions chaudes qui y circulent. L ’eau chauffée à 100-200°sous


une pression qui s ’élève jusqu’à 1 000 atmosphères constitue un dis­
solvant très puissant. L ’abaissement de la température et de la
pression à mesure que la solution aqueuse monte provoque la pré­
cipitation de plusieurs minéraux d ’origine hydrothermale (pyrite,
pyrite à cuivre, galène, fausse galène, or, argent, quartz, calcite,
dolomite, fluorite, baryte).
L ’ordre dans lequel se précipitent certains ensembles présente
une importance essentielle et est étudié par la minéralogie et la
405
géochimie. Les minéraux utiles très précieux rattachés à des cassu­
res tectoniques sont nombreux.
Les cassures tectoniques, en compliquant des structures plissées,
peuvent influencer d'une autre façon l ’accumulation de minéraux
utiles. Ainsi, en sectionnant un gîte de pétrole se disposant au som­
met d ’un anticlinal, les failles peuvent contribuer à l ’écoulement de

Fig. 217. Filons polymétalliques Johann-Friedrich, Harz,


Allemagne, associés aux failles affectant les diverses
roches sédimentaires d’âge dévonien (d’après E. Mayer,
tiré de la monographie de V. Smirnov, 1954)

ce liquide. D ’autre part, en créant ce qu’on appelle des pièges, les


cassures peuvent permettre l ’accumulation du pétrole dans les condi­
tions, dans lesquelles il ne se rencontre pas généralement.
En fractionnant les gisements de minerais, de houille, etc., les
cassures peuvent rendre leur exploitation plus difficile ou même
provoquer la perte de tel ou tel banc, mais elles peuvent également
406
élever l ’importance du gisement en doublant une série dans le cas
d ’une faille chevauchante, par exemple.
Pour montrer les rapports existant entre la répartition des élé­
ments minéraux et le système des cassures tectoniques nous donnons
la coupe (fig. 217) des filons polymétalliques de Johann-Friedrich
(Harz, Allemagne), associés aux failles cassant les diverses roches
sédimentaires d ’âge dévonien (d’après E. Mayer, tiré de la monogra­
phie de V. Smirnov, 1954).
Ainsi, les déformations tectoniques, plis et cassures, sont une
preuve importante à l ’appui de la thèse de la mobilité de l'écorce
terrestre. Elles présentent non seulement un intérêt du point de vue
théorique, mais aussi pratique.
CHAPITRE 1 5

Mouvements oscillatoires (épéirogéniques)


et leurs conséquences

Outre les mouvements générateurs de plis et de cassures qu’on


désigne ordinairement sous le terme de mouvements orogéniques
(plissements), on distingue les mouvements oscillatoires ou épéiro­
géniques. Etudions d ’abord certains exemples de mouvements oscil­
latoires actuels et ensuite ceux qui se sont produits aux époques
anciennes.

§ 1. Mouvements oscillatoires actuels


Pouzzoles est une petite ville très ancienne qui se trouve près de
Naples, sur la côte du golfe du même nom. Il y a là les ruines du
« temple de Sérapis » 1 (fig. 218) décrites non seulement dans de
nombreux ouvrages historiques, mais aussi dans des manuels de
géologie et de tectonique, et voici pourquoi. Le « temple » fut cons­
truit il y a deux mille ans. Un lent affaissement du sol conditionna
son immersion, et il resta sous l ’eau du X IIIe au XVIe siècle. Ses
colonnes de marbre portent les traces de ce séjour dans l ’eau:
leur surface autrefois polie est toute sillonnée de trous ronds profonds
percés par les Lithodomi, mollusques marins perforateurs (fig. 219).
Le niveau maximal atteint par l ’eau est nettement marqué par la
limite entre la partie endommagée et celle qui est intacte (5,71 m
au-dessus des dalles). Plus tard, le « temple » émergea, exhaussé
par un soulèvement du sol; en 1803, l ’ingénieur La Vega indiquait
avec regret que les fondations de l ’édifice étaient recouvertes d ’eau
habitée par des Anophèles. En 1812, Bonucci signalait que le niveau
élevé de l ’eau ne permettait pas d ’assécher le terrain. Sans doute le
mouvement descendant recommençait. D ’après le témoignage de
Ch. Lyell, le niveau d ’eau se trouvait à 1 pied12 au-dessus de la hase
des colonnes. En 1878, l ’eau atteignait une profondeur de 65 cm.
Elle était de 1,53 m en 1913, de 2,05 en 1933. En 1954, G. Gorchkov,
visitant Pouzzoles, a pu voir que l ’eau se trouvait à 2,5 m au-dessus
du plan d ’appui des colonnes. Ces dernières années, le sol s ’est donc

1 La tradition veut que ce nom soit attribué à l ’ancien marché municipal.


2 1 pied — mesure anglaise de longueur (0,3048 m).
408
Fig. 218. Colonnes du «temple de Sérapis», Pouzzoles, Italie
abaissé à raison de 2 cm par an. Signalons que jusqu’au niveau de
3,5 m au-dessus du plan d ’appui les colonnes ne portent pas de tra­
ces d ’attaque par les mollusques; il en est ainsi parce que les colon­
nes ont été ensevelies jusqu’à cette hauteur par des cendres qui les
ont préservées de l ’action de l ’eau et des animaux.
L ’histoire du «temple de Sérapis » est une belle illustration de
mouvements oscillatoires actuels de faible ampleur s ’étendant sur
une courte période.

Fig. 219. Surface des colonnes de marbre du «temple de Sérapis» attaquée


par l ’eau de mer et percée de trous forés par les mollusques marins

De nombreux autres exemples peuvent être cités. Sous ce rapport,


des travaux classiques ont été réalisés dans les pays Scandinaves;
ils ont permis d ’établir avec certitude que les régions attenant aux
côtes septentrionales du golfe de Botnie éprouvent un soulèvement,
se déroulant à la vitesse approximative de 1 cm par an. Ce fait est
confirmé en particulier par l ’apparition de presqu’îles là où récem­
ment encore se trouvaient des îles et qui en ont même gardé le nom
(sari: île; holm : grande île).
Une autre preuve, de portée plus générale, est fournie par les
terrasses littorales s ’élevant jusqu’à 275 m au-dessus du niveau de la
mer dans les parties centrales de la presqu’île Scandinave et s ’abais­
sant graduellement vers la mer sur la périphérie.
Les traces d ’un niveau plus élevé de la mer sont ici tellement
évidentes et universelles qu’après avoir visité la Scandinavie le
410
géologue allemand, Léopold Buch, pouvait écrire dès 1807 : «...depuis
Fredriksberg en Norvège jusqu’à Abo (Turku) en Finlande, et
peut-être jusqu’à Saint-Pétersbourg, tout le pays se soulève lentement
et imperceptiblement... Le soulèvement de la Suède est plus fort
que celui de la Norvège ; de plus, sa partie nord s ’est élevée davanta­
ge que sa partie sud. » Au cours d ’un voyage en Scandinavie, le
grand géologue anglais Charles Lyell, auteur des Principes de géologie
(1830), en découvrant des coquillages de mollusques actuels à une
très grande hauteur au-dessus du niveau de la mer, vint à la même
conclusion. Les recensements montrent que les terres qui se sont
soulevées pendant les 10 000 dernières années sont habitées
par 20% de la population Scandinave.
L’étude des mouvements verticaux récents observés dans la par­
tie soviétique du Bouclier Baltique (presqu’île de Kola, Karélie)
aboutit à des conclusions identiques. La carte des isobases dressée
pour cette région est basée sur l ’étude des terrasses littorales. L ’axe
d ’équilibre passe par la partie Nord-Est de la presqu’île puis, après
l ’avoir contournée, par le détroit de la mer Blanche. L ’amplitude
maximale de l ’exhaussement est observée dans la partie Sud-Ouest
de la presqu’île. Avec le temps, le soulèvement s ’est ralenti ; aujour­
d ’hui, les côtes Nord de la presqu'île de Kola sont presqu'à l ’état
stationnaire, alors que la côte orientale s ’abaisse, ce que confirme
l ’évolution en estuaires des embouchures de fleuves et de ruisseaux
et l ’absence totale d ’accumulation deltaïque. Dans la partie Sud-
Ouest de la presqu’île on enregistre toujours des mouvements posi­
tifs (fig. 220).
Un phénomène également très connu est celui de la subsidence
du littoral de la mer du Nord aux Pays-Bas et, en partie, en Belgique.
Seules des digues protègent ces régions bordières contre l ’immersion ;
aussi leur bon état constitue un des plus grands soucis de la
population.
L'étude de la structure géologique de la vallée de la Volga dans
la région montagneuse des Jigouli donne un bel exemple de mouve­
ments oscillatoires récents. A une époque relativement proche qui
a précédé le Quaternaire, la région a subi une grande déformation,
un bombement à grand rayon de courbure, qui souleva les calcaires
carbonifères et les argiles jurassiques ; l ’amplitude de la dénivella­
tion verticale fut de 500 m ; le flanc nord du bombement forma
la lèvre abaissée de la faille qui accidenta le bombement. En s ’adap­
tant à son ancien profil d ’équilibre, la Volga affouilla assez profon­
dément les roches en place soulevées et élabora une vallée nouvelle
qui, actuellement, se présente sous la forme d ’un lit surcreusé dont
la cote se trouve à 140 m au-dessous du niveau de la Caspienne. Un
mouvement descendant se déclencha alors, et la Volga remblaya sa
vallée de dépôts de 250 m d ’épaisseur (jusqu’au niveau de la terras­
se supérieure de la rive gauche). Un nouveau soulèvement du sol
permit au fleuve de creuser, dans ses propres alluvions et partielle-
411
ment dans les roches en place de la rive droite, une nouvelle vallée
dont le fond s ’est trouvé à 180 m du niveau de la terrasse supérieure
(60 m au-dessous du niveau actuel de la Caspienne). Par la suite,
ce processus se reproduisit plusieurs fois : abaissement du sol et
remblayage de la vallée par ses alluvions avec formation d ’une secon­
de terrasse alluviale, soulèvement et approfondissement de la vallée
jusqu’à la cote actuelle de —25 m, abaissement et remblayage de la
vallée par des dépôts de la première terrasse alluviale (+40 m)

Fig. 220. Isobases montrant l ’exhaussement postglaciaire de la


presqu’île de Kola (d’après M. Lavrova, 1960)

et, enfin, creusement du lit actuel et accumulation des alluvions de


la plaine alluviale (fig. 221, A). Cette évolution a été représentée
graphiquement sur la fig. 221, B.
Voici encore un exemple. Sur toutes les cartes des côtes de la
mer de Barentz établies avant la fin du X V IIIe siècle, la presqu’île
actuelle de Kanine est représentée comme une île ; sur certaines
cartes on a même écrit : « île Kanine », c’est le cas, par exemple, de
la carte de S. Rémézov (Esquisses de la Sibérie, 1701) ou de Y Atlas
de la Russie publié par l ’Académie des Sciences en 1745. Ce n ’est que
depuis 1800 qu’on la représente comme une presqu’île dont les con­
tours se rapprochent plus ou moins de sa forme actuelle. Il n ’est
pas aisé de savoir si c’est là une erreur des cartographes, ou si Kanine
était réellement séparée du continent par un détroit. Etant donné
que les Pomores russes (habitants du littoral septentrional de la
Sibérie) connaissaient bien et de longue date la configuration des
côtes du Nord de la Sibérie, il faut croire qu’il n ’y a pas eu d ’erreur
412
et que Kanine a été réellement l ’objet d ’un exhaussement rapide.
Des phénomènes identiques ont été enregistrés avec certitude dans
les régions voisines. Ainsi, la Nouvelle-Zemble est l ’objet d ’un
soulèvement intense, et l ’on peut y observer à des altitudes attei­
gnant jusqu’à 400 m des traces laissées par le ressac. La transgression
boréale a marqué partout les bassins de la Dvina du Nord, de la
Pétchora, etc. ; ses traces se présentent sous forme de sédimentations
S

Fig. 221, A. Structure des dépôts alluviaux dans la \ allée de


la Volga près des monts Jigouli (coupe schématique):
a — plaine alluviale (dépôts de l ’intervalle des cotes — 1 0 et
+ 2 5 m); b — terrasse alluviale (—15 à + 4 0 m) ; c — deu­
xième terrasse alluviale (—50 à + C0 m) ; d — terrasse supé­
rieure ( — 150 à + 1 0 0 m).
B . Allure des mouvements oscillatoires récents intéressant
la même région (d’après G. Gorchkov, sur la base des données
de l ’expédition séismique de l ’Académie des Sciences de
l ’U .R .S.S., 1934)

laissées par les mers septentrionales qui recouvraient à une époque


encore ^récente de vastes espaces du Nord de la partie européenne
de l ’U.R.S.S.
Sans s ’attarder sur d ’autres exemples, citons certains signes de
soulèvement et d ’abaissement du sol récents. Convenons de désigner
sous le terme de mouvements récents ceux qui ont eu lieu pendant
tout le Quaternaire et durant la fin du Néogène; et sous celui de
mouvements actuels, les mouvements qui se produisent maintenant,
sous nos yeux (durant les temps historiques).
Les soulèvements récents sont décelés par les indices suivants :
terrasses littorales, cordons et encoches perchés au-dessus du
niveau actuel de la mer (fig. 222) ;
extension de hauts fonds près de la côte, des côtes à « skjaers »,
des presqu’îles, de côtes d ’accumulation;
413
Fig. 222. Encoche d'érosion marine ancienne, se trouvant actuellement
à 50 km de la mer. Environs de Houang-Tchéou, Chine

Fig. 223. Terrasses du Houang-Ho près de Lan-Tchéou, Chine


affleurements de dépôts marins loin du rivage ;
terrasses fluviales (fig. 223) ; deltas ;
anciennes surfaces d ’abrasion et d ’érosion fluviale soulevées
au-dessus du niveau du terrain, parfois gauchies et disloquées ;
récifs coralliens soulevés au-dessus du niveau de la mer;
données historiques et archéologiques.
Les abaissements récents sont signalés par les indices suivants :
relief d ’érosion ennoyé par des eaux marines (terrasses, vallées
fluviales, fjords, canons) ;
estuaires, vallées de fleuves submergées, limans;
récifs coralliens ennoyés, se trouvant très au-dessous du niveau
de la mer;
renseignements historiques et archéologiques.
Cette liste est loin d ’être complète. C’est plutôt une illustration
du tableau complexe résultant des mouvements verticaux récents.

§ 2. Mouvements du sol des périodes


géologiques révolues
Le plus important des procédés d ’étude des mouvements du sol
des périodes révolues est celui de l ’analyse de la carotte stratigra-
phique. Examinons par exemple une série de roches dans les environs
de Moscou (voir chap. 2 et fig. 225).
A une profondeur de 1 650 m on a découvert ici (dans les trous
de forage et par prospection géophysique) des roches cristallines
précambriennes composant le soubassement de la Plate-forme russe.
Le Cambrien, l ’Ordovicien et le Silurien ne s’y manifestent pas.
La série commence par des dépôts lagunaires de l ’étage Jivetski
(Dévonien moyen D2) auxquels succèdent aussitôt des calcaires du
Dévonien supérieur (D3). La mer du Dévonien supérieur a connu
une très large expansion, ce qui est une preuve de la submersion de
vastes domaines de la Plate-forme russe.
Le Carbonifère inférieur (Cj) est de nouveau marqué par l ’appari­
tion de faciès littoraux, lagunaires et même de dépôts houillers
continentaux dont fait partie le Bassin houiller des environs de
Moscou. En d ’autres termes, la Plate-forme a été l ’objet de mouve­
ments verticaux alternés très compliqués témoignant d ’une tendance
générale au soulèvement. Pendant le Carbonifère moyen (C2) cette
situation n ’a pas varié, ce qu’attestent les grès littoraux et même des
dépôts continentaux. Puis ont commencé des submersions sur une
vaste échelle; des dépôts d ’une mer qui s ’est largement étendue se
sont accumulés vers la fin du Carbonifère moyen et tout au long du
Carbonifère supérieur (C3) ; une diagenèse très longue les a transfor­
més en calcaires qui affleurent en plusieurs points des environs de
Moscou, notamment dans la vallée de la Pakhra, près des Gorki
Léninskié et à Miatchkovo. Les calcaires ont fossilisé une riche faune
de Brachiopodes, d ’Oursins et de Crinoîdes, de Coraux et de Bryozoai-
41S
res. Avec Æ Permien et les mouvements tectoniques du géosynclinal
■Ouralo-Sibérien (plissement hercynien), la Plate-forme russe a émergé
«t les mers ont reculé pour une longue période ; pendant tout le Per­
mien (P), le Trias (T) et le début du Jurassique (Jj — J 2), cette
région constituait une terre ferme où dominaient les processus d ’alté­
ration et d ’érosion de la surface. Le Jurassique supérieur (J3) fut
le témoin d ’une nouvelle transgression : en avançant du Sud et en se
-conformant à l'abaissement de la Plate-forme, la mer recouvrit les
régions centrales et, en rejoignant les eaux des mers septentrionales,

F ig . 2 2 1 . V u e d ’ iiu e c a r r iè r e , p rès d e P o d o ls k (r é g io n d e M o sc o u ).
C.; — c a lc a ir e s d u C r é ta c é m o y e n ; J ;, — a r g ile s d u J u r a s s iq u e s u p é r ie u r ;
A p — m o r a in e q u a te r n a ir e

•elle forma une vaste étendue d ’eau d ’une superficie à peu près
équivalente à celle atteinte au Carbonifère supérieur. Mais au lieu
des calcaires, des argiles se déposèrent, argiles noires et plastiques,
riches en faune (Bélemnites, Ammonites) et en matière organique, ou
des sables marins également noirs. Au début du Crétacé (Crlt l ’âge
Néokomski), le régime marin s ’est maintenu, marqué par la sédimen­
tation des sables glauconifères ; mais dès l ’âge suivant (l’Aptien) les
conditions se modifièrent. Les sédiments, représentés par des sables
blancs quartzeux avec parfois des empreintes de plantes, doivent
être considérés comme des dépôts « littoraux-deltaïques » (B. Dan-
chine, 1947). Bref, la régression commençait. Très tôt, au Crétacé
supérieur (Cr2) s ’est établi un régime continental qui dure encore de
nos jours. La surface fut intensément affouillée par les rivières;
416
c’est pourquoi le Jurassique et le Crétacé ne se sont pas maintenus
partout. Plus tard, au Quaternaire, la région connut une glaciation
qui conditionna les dépôts morainiques (argiles à blocaux) et fluvio­
glaciaires.
Dans les carrières sur la Pakhra (fig. 224) près de Podolsk (région
de Moscou) on peut voir des calcaires du Crétacé moyen, des argiles
noires du Jurassique supérieur et des moraines du Quaternaire,
séparés par des lacunes prolongées dans la sédimentation.
Les mouvements du sol qui viennent d ’être décrits peuvent être
représentés schématiquement par un diagramme qui porte le nom
Pt Cm O S D C P T J Cr T rA p
Ap- ç3S28-
Cr,

4
7ES3 5 E 3 0EE3
C

Fig. 225. Courbe paléogéographique


(schéma des mouvements du sol majeurs)
des environs de Moscou:
1 — dépôts quaternaires; 2 — sables du
Crétacé ; 3 — argiles jurassiques ; 4 — cal­
caires et autres terrains du Carbonifère au
Pt
w
•++ niveau de Dévonien inférieur ; 5 — roches
cristallines et métamorphiques du Proté­
•W rozoïque; 6 — lacunes de sédimentation

de courbe paléogéographique (fig. 225). Le trait plein au-dessus du


zéro correspond au régime continental, celui d ’en dessous au régime
marin. Le caractère oscillatoire des mouvements verticaux de période
de quelques dizaines de millions d ’années est très marqué.
L’étude des séries stratigrapliiques d ’autres régions aboutit aux
mêmes conclusions; partout on peut déceler les signes et les phases
des mouvements du sol d ’une intensité plus ou moins grande, d ’une
échelle variable qui ont laissé des traces sous forme de dépôts de tel
ou tel faciès ou sont caractérisés par des lacunes dans la sédimen­
tation.
La méthode stratigraphique de l ’étude des mouvements du sol
a été élaborée par A. Karpinski, le père de la géologie russe, qui
l ’appliqua très efficacement à l ’analyse des structures et des mouve­
ments de la Plate-forme russe. Il écrivait; «Les mouvements de
l ’écorce terrestre dans les limites de notre pays se sont manifestés
durant les époques géologiques d ’une façon régulière aux mêmes
endroits et suivant des directions identiques. Ces mouvements
n ’avaient peut-être qu’un caractère local bien qu’ils concernaient
une partie notable de la surface terrestre et se manifestaient
27—927 417
vraisemblablement d ’une façon identique dans d ’autres pays. Il ne
fait cependant aucun doute qu’ils sont liés plus ou moins étroitement
aux dislocations qui se sont produites en dehors de notre pays »
(A. Karpinski, 1894).

§ 3. Quelques caractéristiques
essentielles des mouvements oscillatoires du sol
Multiplicité des phases de mouvement. Le développement de
l ’écorce terrestre montre que de longues périodes évolutives de déve­
loppement calme succèdent à des périodes « de crises », plus brèves
et tourmentées, lorsque l ’intensité de toutes les formes de mouvement
augmente brusquement: plissements, cassures, phénomènes magma­
tiques, etc. Les périodes calmes se caractérisent, d ’autre part, par
une tendance à l ’affaissement de vastes espaces, ce qui conditionne
une sédimentation épaisse au faciès marin. Les périodes de crises,
dites d ’orogenèse, s ’accompagnent de soulèvement d ’abord des zones
mobiles, plissées, puis des aires plus stables comme les plates-formes ;
elles aboutissent à l ’arrêt de la sédimentation et la prépondérance
de processus d ’érosion. On distingue plusieurs phases de recrudescence
d ’efforts tectoniques: les phases Calédonienne, Hercynienne et Alpi­
ne qui correspondent successivement au Silurien, au Permien et au
début du Trias, au Tertiaire et au Quaternaire. Quant à la durée
absolue de chaque période géologique, on peut dire que les mouve­
ments de cette amplitude s ’étendent sur environ 150 000 000 d ’an­
nées. Les mouvements d ’une telle durée correspondent à la formation
ou à la non-formation de systèmes ou de sous-systèmes, c’est-à-dire
de sédimentations de séries correspondantes.
Sur le fond de ces mouvements se développent des mouvements
oscillatoires de période plus courte, correspondant à la formation
(ou à la non-formation) de séries de l ’ordre de l ’étage, mouvements
dont la durée est de quelques millions d ’années et qui à leur tour
servent de fond à des mouvements correspondant aux couches strati-
graphiques de moindre épaisseur dont la durée de formation est
estimée à des centaines ou à des dizaines de milliers d ’années. Parfois,
on dégage même des périodes de quelques centaines d ’années, et
l ’on va même jusqu’à attribuer aux mouvements oscillatoires du sol
la stratification caractéristique des couches sédimentaires. Certes,
il est difficile sous ce rapport d ’isoler l ’action du facteur tectonique
de l ’ensemble des modifications de l ’environnement physico-géogra­
phique, en particulier de celle du climat ; pourtant, ces mouvements
oscillatoires jouent là aussi un certain rôle. Parmi les dépôts liés aux
mouvements verticaux de faible amplitude, il faut nommer le flysch,
ensemble de dépôts le plus souvent terrigènes qui se distinguent par
une alternance régulière de certaines roches dans le sens vertical.
Ainsi, dans le Caucase du Sud-Est le flysch du Crétacé supérieur et
du Paléogène (Cr2 — Pg) est caractérisé par la succession de couches
418
de conglomérat, de grès calcaire, de calcaire détritique, de marne et
d’argile dont la série se reproduit dans le même ordre tous les 0,5
à 2 m. La série de Tauride en Crimée (T3 — J,) se distingue aussi par
la succession régulière des couches de grès et de schiste argileux dont
la couche accumulée pendant un cycle a 30 cm d ’épaisseur et qui
correspond également à la notion de flysch. L ’accumulation des
couches dont l ’épaisseur est de plusieurs kilomètres s ’est déroulée
dans des conditions de mouvements oscillatoires incessants de faible
amplitude et à courte période.*1Il

J I-----1 2 l-----| 3 1— i 4 \-----1


Fig. 226. Interférence des mouvements de périodes diverses:
1 — mouvements majeurs; 2 — mouvements secondaires;
3 — mouvements du troisième ordre ; 4 — courbe résultant
de l'interférence des mouvements

Ainsi, il s ’avère qu’en règle générale, l ’écorce terrestre est


soumise à des mouvements oscillatoires aux périodes les plus diver­
ses ; aux longues périodes se superposent des périodes plus courtes,
interférant les unes avec les autres et formant un ensemble très
compliqué. A chaque moment, la résultante de ces mouvements peut
être la plus inattendue. L ’interférence de ces mouvements de périodes
diverses peut être représentée sous forme de courbe (fig. 226).
Large extension des mouvements oscillatoires. Ils se manifestent
partout, mais varient quant à la vitesse et au signe du mouvement.
Il doit exister une dépendance entre la durée du mouvement du
signe donné et son aire d ’extension. Les mouvements des grandes
périodes qui s’étalent sur des millions d ’années concernent d ’immen­
ses domaines de l ’échelle des continents ou des zones plissées. Les
mouvements d ’une période plus brève affectent des éléments struc­
turaux de moindres dimensions, et la différenciation peut dans ce cas
être très grande. Il est possible qu’il y ait là un procédé d ’analyse
des particularités des structures tectoniques isolées au sein desquelles
il est difficile de différencier les mouvements oscillatoires des mouve­
ments d ’autres types. De toute façon, les mouvements oscillatoires
intéressent de vastes étendues, ils sont universels, c ’est ce qui les
distingue des mouvements de plissement qui sont très localisés.
La réversibilité des mouvements oscillatoires est une propriété
importante qui découle de leur nature même. Elle indique que le
mouvement change de signe : le soulèvement en un point donné se
27* 419
modifie avec le temps en un abaissement et de telles variations de
signe se répètent de nombreuses fois. Nous avons déjà examiné des
exemples. Il ne faut pas croire que chaque cycle de mouvements
contraires soit la réplique du précédent. Les événements se déroulent
chaque fois d ’une façon différente, se compliquent, acquièrent des
traits nouveaux ; la réversibilité du phénomène entretient justement
cette reprise chaque fois renouvelée de la sédimentation et de l ’éro­
sion.
La réversibilité est une propriété importante qui distingue les
mouvements oscillatoires des mouvements par plissements.
Les mouvements oscillatoires ne sont pas accompagnés de plis­
sements en faisceaux ou de failles. En effet, en général les mouve­
ments oscillatoires sont étrangers à la formation des dislocations
ordinaires, plis ou cassures, et c’est ce qui les distingue des mouve­
ments orogéniques. Mais ceci n ’est pas rigoureusement toujours
exact. D ’abord, le gauchissement de la croûte provoqué par un
soulèvement ou un abaissement peut être interprété comme un pli
à faible pendage et à grands rayons. L ’évolution de plis de ce genre,
celui par exemple du bombement du Bouclier Baltique, s ’accompagne
de la formation de dislocations par cassure qui constituent parfois
tout un système compliqué de failles peu profondes s ’entrecoupant
dans plusieurs directions ; ces failles trouvent leur réplique dans le
relief et peuvent même engendrer de faibles tremblements de terre
(région d ’Oslo en Norvège ou Finlande).
D’autre part, les structures en blocs que nous décrirons au cha­
pitre 20, § 2, dont les mouvements s ’effectuent suivant les plans
de failles qui les délimitent, peuvent être considérées comme une
forme transitoire entre les structures créées par les mouvements
oscillatoires ordinaires et celles formées dans les régions géosyncli-
nales et résultant des plissements. Certes, les dislocations de ce
genre se distinguent de celles que l ’on rencontre dans les zones
plissées et il faut croire qu’en réalité les mouvements oscillatoires
ne conduisent pas à la formation de plissements en faisceaux et des
grandes cassures tectoniques qui les accompagnent, se caractérisant
par des dénivellations importantes des lèvres.
Mouvements oscillatoires du sol et épaisseur des couches sédi-
mentaires. La périodicité des mouvements oscillatoires n ’entrave pas
une puissante sédimentation. L ’accumulation des sédiments suit
la marche suivante. La première partie du cycle est caractérisée
par la tendance de l ’aire donnée à la subsidence. Si l ’on prend par
exemple le Bassin du Donetz, cette partie du cycle date de la fin
du Dévonien et du Carbonifère. Le Bassin se remplit de dépôts, mais
à mesure que ceux-ci s ’accumulent, son fond s ’abaisse et sa profon­
deur n ’éprouve pas de grands changements. Les conditions physico­
géographiques se maintiennent dans une certaine mesure et l ’accu­
mulation se poursuit. La profondeur de l'abaissement correspond
à peu près à l ’épaisseur des dépôts accumulés. Sur ce fond général
420
des mouvements d ’ordres supérieurs conditionnent la stratification1
des couches, les changements de faciès, peut-être même des lacunes
stratigraphiques, mais dans l ’ensemble, le processus de subsidence
continue et des masses énormes de sédiments s ’accumulent. Pour le
Bassin du Donetz leur épaisseur atteint plusieurs kilomètres (8-10).
La variation dans le sens du mouvement provoque l ’érosion
d ’une partie des dépôts. L ’absence de roches sédimentaires paléo­
zoïques à la surface du Massif cristallin de l ’Ukraine, du Bouclier

i_____ i_____ i_____ i i— i ,


0 10 20 30 40 50 min.données
Fig. 227. Diagramme montrant les mouvements oscilla­
toires affectant le Bassin du Donetz pendant le Carbo­
nifère : OM — expression géomorphologique des mouve­
ments oscillatoires; OT — trajectoire réelle du point
observé, c’est-à-dire la représentation graphique des
phénomènes tectoniques (d’après V. Bélooussov)

Baltique ou des Boucliers Anabarski et Aldanski en Sibérie, s’expli­


que peut-être par le fait que ces massifs ont été totalement démante­
lés. Or, dans d ’autres régions (la plus grande partie de la Plate-forme
russe, l ’Oural, etc.) les énormes couches sédimentaires accumulées
durant la subsidence se maintiennent, n ’étant affectées que partielle­
ment par l ’érosion.
Si l ’on représente par un graphique la trajectoire parcourue par
un point de l ’écorce dans le Bassin du Donetz pendant le grand
laps de temps que constitue le Carbonifère, elle prendra l ’allure de
la fig. 227. La courbe OM est l ’expression géomorphologique des
mouvements oscillatoires, c ’est-à-dire de la position réelle du secteur
où, à un moment donné, s ’accumulent les dépôts ou se déroulent
les processus de démantèlement; la courbe OT est la trajectoire
réelle d ’un certain point choisi arbitrairement dans l ’écorce terrestre
(ce point se trouvant à la surface au moment origine) ; en d ’autres
termes, la couche O T est l ’expression des phénomènes tectoniques
eux-mêmes.
Dans l ’étude des mouvements oscillatoires du sol l ’analyse de
Vépaisseur des couches joue un rôle capital. L’épaisseur globale
421
d'une série correspond généralement à la profondeur de l'abaissement
du domaine dans les limites duquel se sont accumulées les couches.
C’est pourquoi les cartes isopaques, c ’est-à-dire les cartes qui montrent
les variations dans l'espace de l'épaisseur d'une série donnée, reflètent
dans une certaine mesure l ’effet global des mouvements verticaux

Fig. 228. Carte isopaque (lignes d’égales épaisseurs) du Juras­


sique moyeu pour la partie européenne de l ’U.R.S.S. :
1 — régions d ’épaisseur zéro; 2 — espacement des isopaques
50 m; 3 — espacement des isopaques 500 m; 4 — dislocations
importantes (nappes de charriage) (d’après V. Bélooussov et
A. Ronov)

qui correspondent à la période de l ’accumulation. Voici, en guise


d ’exemple, la carte isopaque du Jurassique moyen pour la partie
européenne de l ’U.R.S.S. (fig. 228). On voit que l ’abaissement a pris
une plus grande ampleur dans les régions du Grand Caucase, c ’est
pourquoi les couches sédimentaires y sont les plus épaisses (faciès
terrigène).
-422
La méthode de l ’analyse des épaisseurs et de leur rapport avec
les mouvements oscillatoires a été élaborée par V. Bélooussov qui
l ’utilisa lors de l ’étude des mouvements de la Plate-forme russe et
du Caucase. A. Ronov a proposé de la compléter par le procédé du
calcul des volumes des dépôts dans le but de caractériser (si l ’on
connaît l ’origine du matériel évacué) l ’ampleur des soulèvements
dans les régions voisines du domaine de subsidence.
L’étude des épaisseurs permet d ’aborder le problème de la vitesse
des mouvements verticaux. Si l ’on connaît l ’épaisseur des dépôts
accumulés durant un intervalle de temps connu, c’est-à-dire la
profondeur de la subsidence, et le temps absolu de l ’accumulation,
il n'est pas difficile de calculer la vitesse moyenne de l ’abaissement,
en mètres par million d ’années par exemple. Les résultats de tels
calculs, exécutés par A. Ronov, montrent que pour la Plate-forme
russe, l ’Oural et le Grand Caucase, cette vitesse varie ordinairement
entre 0 et 100 m par million d ’années.
L ’étude des faciès est aussi très importante. La répartition géo­
graphique des faciès aux époques révolues, leur glissement dans tel
ou tel sens, le remplacement dans le sens vertical de certains faciès
par d’autres constituent autant de témoignages de la modification
de l ’environnement physico-géographique qui peut être liée aux
mouvements oscillatoires du sol.
Mouvements oscillatoires du sol et reconstructions paléogéogra­
phiques. L ’étude des mouvements oscillatoires est d ’un grand intérêt
pour la connaissance de l ’histoire de la Terre, car ces mouvements
constituent le maillon décisif de la chaîne compliquée des divers
phénomènes géologiques. Ils sont très étroitement liés aux mouve­
ments de plissements et aux cassures tectoniques, ils conditionnent
dans une grande mesure les péripéties des transgressions et des
régressions marines, les modifications dans les contours des mers
et des continents, l ’allure et l ’intensité de la sédimentation et de
l ’érosion, etc. Bref, les mouvements oscillatoires sont la clé des
reconstructions paléogéograpbiques, ils permettent de mieux com­
prendre l’environnement physico-géographique des temps révolus
et de relier génétiquement plusieurs événements géologiques.
L ’analyse des épaisseurs des couches sédimentaires est un outil
très important de la recherche scientifique dans la branche géolo­
gique s ’occupant des mouvements oscillatoires, mais le rôle de
l ’étude des faciès est tout aussi grand, car elle complète et précise
les thèses que l ’analyse des épaisseurs permet de formuler. L ’étude
des faciès, en révélant tous les détails du processus de sédimentation
et des conditions physico-géographiques aux époques révolues, cons­
titue le maillon essentiel des nombreuses recherches géotectoniques.
En somme, l ’étude de tous les aspects des roches sédimentaires
par l ’analyse des épaisseurs et des faciès permet de dresser une carte
paléogéographique qui constitue le document fondamental enregis­
trant tout ce que nous savons sur l ’histoire géologique en général.
423
Fig. 229. Carte paléogéographique (te la Plate- Fig. 230. Carte paléogéographique de la Plate­
forme lusse correspondant au Crétacé inférieur forme russe correspondant au Crétacé supérieur,
établio par A. Knrpinski en 1884 (1e secteur en établie par A. Knrpinski en 1884 (1e secteur en
pointillé indique les régions recouvertes par pointillé indique tes régions recouvertes par
la mer) la mor)
sur les tendances et T ampleur des phénomènes géologiques les plus
divers.
A. Karpinski contribua beaucoup à l ’étude des mouvements
oscillatoires. Il analysa l ’évolution de la Plate-forme russe à l ’aide
des cartes paléogéographiques dressées pour chaque période ou époque
et il détermina le rôle et les particularités des mouvements oscilla­
toires du sol. Les fig. 229 et 230 représentent deux cartes (Crétacé
inférieur et Crétacé supérieur), établies par A. Karpinski en 1884.
L’étude de telles cartes et celle des séries stratigraphiques, l ’analyse
des épaisseurs des roches sédimentaires, des faciès et de tous les
autres éléments concernant leur genèse, la confrontation des séries
sur des espaces très vastes, tels sont les procédés d ’analyse paléo-
géographique qui permettent de reconstituer le milieu physico-
géographique des époques révolues et d ’aborder ainsi l ’étude des
mouvements oscillatoires du sol.

§ 4. Notions de néotectonique
L’étude des mouvements oscillatoires actuels a montré que pra­
tiquement la croûte terrestre subit partout des déformations. Visi­
blement, il n ’existe pas de secteurs où les mouvements oscillatoires
plus ou moins intenses ne se manifestent pas actuellement. Il a été
établi que de nos jours on peut observer non seulement des mouve­
ments oscillatoires mais des plissements du sol. Ces derniers se
manifestent par des mouvements différentiels de la croûte terrestre,
par l ’accentuation des plis et le mouvement de blocs suivant les
failles, par des inclinaisons et des ploiements de la surface de la
Terre, etc.
Dans un de ses ouvrages, l ’académicien V. Obroutchev a souligné
l ’importance de ces mouvements jeunes et a proposé de les désigner
par le terme de mouvements néotectoniques. Voici la classification
de ces mouvements d ’après leur âge:
— mouvements alpins qui correspondent à la période allant du
Crétacé à nos jours ;
— mouvements récents englobant le Pliocène (c’est-à-dire la
deuxième moitié du Néogène), le Quaternaire et se poursuivant
jusqu’à nos jours (mouvements néotectoniques proprement dits) et
— mouvements actuels qui se déroulent à l ’époque actuelle, c’est-
à-dire sous nos yeux.
Divers signes sont révélateurs de mouvements récents. En voici
quelques-uns :
— Cassures tectoniques qui affectent la sédimentation quaternai­
re. En guise d ’exemple on peut citer le faisceau de failles chevauchan­
tes d ’âge quaternaire sur les piémonts septentrionaux de la chaîne
Nan-tchang dans la région Yumyn-Gaetaî (Chine). Le Tertiaire et
même le Mésozoïque sont en contact ici avec les galets quaternaires
datant de Ap2 (fig. 231). Un autre exemple est fourni par la faille
425
de la jFerghana méridionale dans la vallée de la Sokh, bien visible
sur les photographies aériennes (fig. 232).
— Plissements affectant les dépôts quaternaires.
— Terrasses littorales et fluviales (voir fig. 223), dont l ’existence
est à elle seule un signe d ’activité des mouvements récents, activité
d ’autant plus évidente si ces terrasses sont déformées. Elles peuvent
être plissées en formant des anticlinaux très ouverts, ou bien être
inclinées et cassées par des failles. Parfois, on découvre facilement

Fig. 231. Faille chevauchante quaternaire dans les environs de


Yuï-Myn, au Nord des avant-monts de la crête de Richthoffen
(Nan-tchang), Chine. Les grès rouges tertiaires chevauchent les galets
quaternaires

des discordances entre les terrasses vers l ’amont de la vallée (spectre


des terrasses). Ces faits témoignent d ’un soulèvement relativement
rapide du secteur correspondant à l ’amont de la rivière.
— Pénéplaines ou surfaces d'érosion et d'abrasion, soulevées,
plissées ou cassées par des failles. Comme exemples on peut citer
le plateau du Tibet soulevé à une grande altitude mais faiblement
déformé, et le plateau Chan en Birmanie qui a été soulevé et faillé.
— Divers accidents du profil longitudinal des vallées fluviales:
profil en gradins de la rivière, présence de secteurs antécédents,
de rapides, de chutes.
— Certaines particularités du profil transversal des vallées flu­
viales: transformation du profil en auge alluviale en profil en U
426
(auge simple) puis en V (gorge) ; encaissement des vallées actuelles
dans des vallées plus anciennes.
— Certaines particularités du réseau hydrographique: asymétrie,
déviation des rivières du même côté, détours brusques dans le but
de contourner des soulèvements actifs.

Fig. 232. Cassure tectonique d'âge quaternaire. Ligne I — I :


escarpement de faille correspondant à la cassure. Les taches blanches
représentent les takyrs formes devant l ’escarpement (d’après K. Kour-
dioukov, 1951)

— Lacs d’origine tectonique, tels les lacs' Teletskoïé (Altaï),


Khoubsougoul-dalaï (Mongolie), Balaton (Hongrie), Koukou-nor
(Chine), Baïkal (Sibérie).
L ’activité des mouvements récents peut également être décelée
par des volcans portant des traces d ’éruptions récentes et possédant
des appareils éruptifs intacts, ainsi que par des tremblements de terre
et les déformations du sol qu’ils provoquent : failles et escarpements
427
encore jeunes, éboulements, glissements, barrages sur les rivières,
etc. Chaque indice pris isolément ne donne pas encore une idée suffi­
sante de l’intensité et de la nature des mouvements, mais si les indi­
ces sont multiples, l ’ensemble des observations permet de tirer des
conclusions assez précises.
Certains signes géologiques, géomorphologiques et géophysiques
permettent de définir assez facilement les mouvements récents s ’ils
se manifestent à la surface. Mais le problème se complique quand

Fig. 233. Représentation schématique des mouvements verticaux récents


observés sur le territoire de l ’U.R.S.S. (d’après N. Nikolaïev):
1 — région des mouvements verticaux très faibles ; 2 — régions de mouvements
épéirogéniques; 3 — régions à prédominance de soulèvements géosynclinaux
pour la plupart de très grande amplitude, avec des dénivellations verticales
importantes; 4 — régions à prédominance d’affaissements intenses ou
faibles

ces mouvements se déroulent à une grande profondeur et ne se réper­


cutent pas en surface d’une façon suffisamment évidente. Les procé­
dés géologiques et géomorphologiques perdent dans ce cas leur effi­
cacité et seule la méthode géophysique garde toute sa signification.
De toute façon, les mouvements récents jouent un rôle important
dans l’élaboration de la structure actuelle de l ’écorce terrestre, ainsi
que dans celle du relief superficiel et la composition de la sédimenta­
tion récente. Leur étude a un intérêt non seulement théorique mais
pratique, car elle permet de résoudre divers problèmes de la géologie
technique, de la construction routière et de l ’urbanisme.
Indiquons, en guise de conclusion, que ces dernières années un
grand effort a été fourni en Union Soviétique pour mieux étudier les
428
mouvements récents. De nombreux savants ont travaillé à l ’établis­
sement de la carte générale des mouvements néotectoniques en
U.R.S.S. Sa révision technique a été réalisée par N. Nikolaïev et
S. Choultz. Cette carte a été publiée en 1960 à l ’échelle 1 :5 000 000.
La fig. 233 donne une représentation schématique de la néotectoni­
que de l ’U.R.S.S. d ’après la carte de N. Nikolaïev de 1947.

§ 5. Méthodes d’étude des mouvements récents


La théorie des mouvements oscillatoires du sol récents connaît ces
dernières années un essor rapide et s ’enrichit de nouvelles méthodes
d ’analyse théorique et de prospection. N. Nikolaïev a publié en 1949
une liste de ces méthodes. Elles peuvent être classées en deux groupes :
méthodes quantitatives et méthodes qualitatives. Les premières per­
mettent de donner une expression chiffrée des mouvements observés.
On y range les méthodes astronomiques, géodésiques, hydrologiques
et enfin géophysiques dont le rôle est prépondérant (notamment des
branches telles que la séismologie, la gravimétrie et la géodésie).
La méthode séismique. Les tremblements de terre indiquent avec
une grande précision l ’intensité des mouvements tectoniques actuels ;
c’est pourquoi les données sur la répartition des foyers de séismes, sur
leur force, etc., peuvent contribuer à l ’étude des divers mouvements
tectoniques, y compris des mouvements oscillatoires. Les plisse­
ments intenses étant en général accompagnés de mouvements oscil­
latoires du sol également très forts, il est possible d ’utiliser la métho­
de séismique sur une échelle assez vaste.
Les foyers de séismes se rencontrent dans des régions de structu­
res tectoniques actives, caractérisées par des soulèvements et des
affaissements différentiels, des réseaux de failles encore actives, des
changements brutaux de la direction des jeunes structures plissées,
etc. Donc, l ’intensité et la répartition des tremblements de terre
permettent de juger de la force et de la distribution des mouvements
tectoniques, y compris des mouvements oscillatoires, car ces derniers
constituent une des formes des mouvements de l ’écorce terrestre
atteignant une force particulière là où les déformations par plisse­
ments sont les plus actives.
La méthode de mesure des inclinaisons de la surface terrestre. La
surface de la Terre subit des déformations du fait des mouvements
affectant la croûte qui se manifestent en particulier par des inclinai­
sons. Celles-ci peuvent être mesurées à l ’aide d ’appareils appelés
inclinomètres.
Les inclinaisons peuvent résulter de certains phénomènes pério­
diques, notamment des attractions lunaires et solaires, ou bien des
mouvements séculaires, plissements ou mouvements oscillatoires
du sol. Les inclinaisons du sol présentent un intérêt particulier dans
les régions à tectonique active, car leur mesure permet alors, du moins
théoriquement, de suivre l ’accroissement des anticlinaux, etc.
429
Les méthodes gêodêsiques. La géodésie fournit aux tectoniciens
des procédés de mesure des déformations de la surface terrestre tels
que la triangulation et le nivellement ; des triangulations ou des nivel­
lements répétés aux mêmes endroits permettent de procéder à une
estimation de la grandeur absolue du déplacement qui a eu lieu
au cours d ’une période de temps donnée. Dans maints cas, des mesu­
res géodésiques répétées ont fourni des renseignements précieux,
surtout dans les régions affectées par de forts séismes. La fig. 234

Fig. 234. Profil obtenu après nivellement à travers la


principale île du Japon, témoignant d'une courbure
anticlinale de l'île (1896—1928) (N. Nikolaîev, 1949)

représente le profil obtenu après nivellements répétés à travers la


principale île du Japon. Ce profil témoigne d'une courbure anticli­
nale de l'île se déroulant actuellement.
Les méthodes astronomiques. L ’astronomie nous renseigne avec
précision sur la latitude et la longitude, c’est-à-dire sur les coordon­
nées géographiques d ’un lieu. Si la précision des déterminations est
suffisamment grande, on peut espérer pouvoir fixer dans quelle mesu­
re la position du lieu donné s ’est modifiée sous l ’action des mouve­
ments de l ’écorce terrestre. Certes, il s’agit dans ce cas non pas de mou­
vements verticaux, mais horizontaux. Actuellement, la précision
des observations atteint presque la limite au-delà de laquelle il de­
vient possible d ’enregistrer les déplacements horizontaux d ’origine
tectonique. Les chiffres dont on dispose se rapportent à des déplace­
ments de l ’ordre de dizaines de mètres, de mètres et même de frac­
tions de mètre, mais les calculs ne sont pas absolument sûrs.
Les méthodes hydrologiques sont très répandues et donnent des
résultats certains. Elles consistent à mesurer le niveau des mers et
des lacs. Ce niveau peut changer soit par suite de l ’accroissement ou
de la diminution du volume d’eau (fonte des glaciers, action météo­
rologique), soit sous l’effet de mouvements du sol.
Sous ce rapport, il convient de distinguer les mouvements eusta-
tiques du niveau de la mer qui ne sont pas dus à la tectonique, et les
mouvements régionaux qui sont le plus souvent liés aux déforma­
tions (soulèvements ou abaissements) de la croûte terrestre.
430
Les méthodes qualitatives comprennent les méthodes orographi­
que, bathymétrique, géomorphologique, historique et archéologique,
biogéographique et géologique.
La méthode orographique consiste en étude de la répartition des
dénivellations qui permet de déterminer les règles de cette répar­
tition en liaison avec les mouvements tectoniques.
La méthode bathymétrique est la mise en évidence des mouvements
de la croûte au fond des mers et des océans par l ’analyse de la structu­
re du fond ou par des mesures répétées de la profondeur.
Les méthodes géomorphologiques ont acquis ces dernières années
une importance particulière. Elles sontjbasées sur une étude minutieu­
se du relief et la recherche d ’indices témoignant du rôle des mouve­
ments de la croûte terrestre dans l ’élaboration du relief. On y range
l ’étude de la morphologie du fond marin, des anciennes lignes côtiè­
res des cuvettes marines, des terrasses littorales, l ’étude de toutes
les particularités des vallées fluviales, surtout de leurs terrasses, des
deltas, des cônes de déjection, des formes des vallées fluviales, de
l ’aspect du réseau hydrographique, etc.
On peut dire que le relief de la Terre résulte de l ’action commune
des forces endogènes (mouvements oscillatoires, plissements, etc.)
et exogènes (érosion, accumulation). Désignons les premiers par la
notation T (tectonique) et les seconds par E (érosion). Parfois, les
forces exogènes dominent (par exemple lorsque l ’érosion n ’arrive pas
à user les secteurs qui se soulèvent), et T > E : des montagnes appa­
raissent. Lorsque T = E, des plateaux ou des plaines soulevées se
forment. Enfin, si T <! E, on assiste à l ’élaboration de pénéplaines
ou de plaines de remblaiement. Chaque cas nécessite une étude
spéciale, car il faut tenir compte de tous les aspects du phénomène :
sédimentation dans les aires en subsidence, faciès des dépôts, etc.
Les méthodes géologiques. Elles comprennent l ’étude des faciès
des coupes verticales des sédiments récents, la confrontation des
cartes paléographiques, l ’étude des épaisseurs des dépôts, des plisse­
ments et des failles affectant les dépôts quaternaires. Dans certains
cas, les indices des mouvements récents sont très significatifs.
Les méthodes historiques et archéologiques étudient les témoigna­
ges des chroniques, les cartes anciennes ou les documents archéologi­
ques suggérant des mouvements récents (modifications du contour
des côtes, etc.).
Les méthodes biogéographiques sont basées sur l ’étude des particu­
larités de la distribution de la faune et de la flore qui ne peuvent
être expliquées que par l ’intervention de phénomènes endogènes.
Le relief de la Terre, le réseau hydrographique actuel et ancien,
les faciès, l ’épaisseur et les autres caractéristiques des dépôts détri­
tiques récents, l ’évolution des structures néotectoniques, consti­
tuent les divers éléments d’un tout géologique. Ce n ’est qu’après leur
étude, complétée par celle d’autres facteurs, qu’on pourra aboutir
à des conclusions sur la nature des mouvements néotectoniques.
CHAPITRE 1 6

Tremblements de terre

On donne le nom de tremblement de terre ou séisme à tout mouve­


ment de la surface terrestre ayant pour origine des causes naturelles.
Il existe des pays où les tremblements de terre sont fréquents et très
puissants. Un des plus violents séismes enregistrés ces derniers temps
a provoqué de grandes destructions à Achkhabad, capitale de la
R.S.S. de Turkménie. Donnons-en une description détaillée.

§ 1. Le séisme d’Achkhabad du 6 octobre 1948


La terre s’est mise à trembler dans la nuit du 5 au 6 octobre, sans
aucun signe précurseur évident. L'épicentre du séisme, c’est-à-dire
le point où les secousses souterraines étaient les plus fortes, se trou­
vait à 25 km au Sud-Est delà ville. Etudions plus en detail les mani­
festations et les effets de ce tremblement de terre.
A la surface, du fait de secousses très fortes, apparurent de nom­
breuses dislocations. On remarquait tout d ’abord des crevasses de
dimensions plus ou moins grandes. Certaines d ’entre elles s ’allon­
geaient sur des centaines de mètres, coupant des collines et des vallées
suivant des directions sans rapport avec la topographie du lieu.
C’est le long de ces cassures que se produisirent des dénivellations
de masses qui atteignirent parfois un mètre. La lèvre affaissée était
généralement celle du Nord (fig. 235). D’autres crevasses passaient
par les sommets des collines (adyrs) en longeant les lignes de partage
des eaux. On aurait dit que les collines se disséquaient en deux, les
lèvres des crevasses s ’écartant l ’une de l ’autre. D ’autres crevasses
encore passaient au pied des collines, séparant les roches en place
des alluvions qui remblayaient les vallées. Enfin, plusieurs crevas­
ses disposées d ’une façon désordonnée coupaient les dépôts des plai­
nes alluviales ou provoquaient des glissements et des éboulements sur
les versants. Parfois, les eaux remontaient des crevasses et rejetaient
du sable et de l ’argile; il en résultait une série de volcans de boue
miniatures formant une chaîne le long des crevasses.
En général, toutes les crevasses se groupaient sur une bande de
terrain relativement étroite s’étendant de l ’Est-Sud-Est vers l ’Ouest-
Nord-Ouest, le long du pied de la chaîne du Kopet-Dag, c’est-à-dire
432
de la Grande faille chevauchante du Kopet-Dag, mais plus au
Nord.
Parmi les autres déformations, on remarquait surtout des cbou-
lements sur les versants abrupts des vallées, des glissements sur les
terrains alluviaux humides des terrasses et des éboulis sur les versants,
des collines formées de limon lœssique d ’origine déluviale, etc.
Le séisme endommagea de nombreux édifices et plusieurs agglo­
mérations furent détruites. Au voisinage de l ’épicentre, aucun

Fig. 235. Séisme d’Achkhabad de 194S. Crevasses affectant la surface du


sol dans la zone de l ’épicentre; 1 0 degrés

immeuble ne fut épargné. La localité de Karagaoudan fut particuliè­


rement éprouvée. Presque toutes les maisons d ’Achkhabad s ’écroulè­
rent ou furent endommagées (fig. 236). Les maisons sans étage
construites en matériaux bruts se désagrégèrent brique par brique, le
mortier d ’argile qui les liait n ’ayant pas tenu dans la plupart des
cas. Les toitures d ’argile plates et lourdes ne préservèrent pas les
bâtiments. Les grands immeubles construits dans les dernières années
résistèrent mieux. Les bâtiments solides ou édifiés selon les règles
de construction aséismique furent épargnés (Musée local, Banque
d'E tat, construits avant la Révolution, ou bâtiments de la fabrique
de textile et tours de béton armé de l ’élévateur, de construction rela­
tivement récente).
2 8 -9 2 7 433
Dans les grandes villes modernes, les tremblements de terre provo­
quent généralement des incendies. A Achkhabad, ceux-ci furent rares,
car la ville ne compte pas de maisons de bois et parce que la catas­
trophe se produisit la nuit, alors que le feu dans les poêles était éteint.
Dans les environs de la ville de nombreuses localités furent détrui­
tes. L ’étude des destructions permit d ’établir la force des ébranle­
ments en chaque point considéré et de dresser une carte du tremble­
ment de terre, cartes isoséistes, lignes joignant les points où les secous­
ses ressenties sont de même force (fig. 237).

Fig. 236. Séisme d’Achkhabad de 1948. Bâtiment de l ’ancien Institut


pédagogique. 9 degrés

D’après le témoignage des habitants et les données des stations


séismiques, la zone de l ’épicentre fut affectée pendant les premières
secondes par des chocs saccadés dirigés de bas en haut. Puis les mou­
vements, tout en restant aussi puissants, devinrent plus réguliers;
ils achevèrent la destruction des édifices déjà ébranlés par les pre­
mières secousses.
Le gouvernement de l’U.R.S.S. et des républiques sœurs appor­
tèrent d ’urgence l ’aide nécessaire à la ville sinistrée. Dès les pre­
miers jours le désordre fut enrayé, le ravitaillement fut organisé et
l’on amena aliments, vêtements et matériaux de construction. On
évacua les victimes et l ’on organisa une aide médicale. Dans les
années qui suivirent, la ville s ’édifia d ’après un nouveau plan
tenant compte des règles de construction aséismique. De nos jours,
Achkhabad a repris sa place parmi les villes les plus confortables
et les plus belles de l ’Asie centrale.
434
Fiîî. 238. Tremblement de terre de Khaït (1949). Glissement provoqué
par un séisme dans la vallée de la Khingoou
Le tremblement de terre d'Achkhabad et les impulsions itéra­
tives, qui se firent sentir pendant plusieurs années, ont été étudiés
en détail par un réseau spécial de stations séismiques de l ’Académie
des Sciences de l ’U.R.S.S. On a établi ainsi la répartition des foyers
des répliques séismiques, ainsi que le milieu géologique ayant provo­
qué l ’impulsion principale (voir ci-dessous).
Sur le territoire correspondant à l ’Union Soviétique, des trem­
blements de terre destructeurs ont été plusieurs fois enregistrés.
En Asie centrale, ceux de Verny (1887), d ’Andijan (1902), de Kara-
tag (1907), Kéminskoïé (1911), de Tchatkal (1946) (fig. 251), de
Khalt (1949) (fig. 238) ; en Turkménie, ceux de Krasnovodsk (1895),
d ’Achkhabad (1929), de Kazandjik (1946); dans le Caucase, ceux de
Chemakha (1902), de Léninakan (1926), de Zanghézour (1931);
dans la région du Baîkal, Koudarinskoïé (1862), Moïndinskoïé
(1950), Mouîskoïé (1957), se révélèrent particulièrement destructifs.

§ 2. Fréquence des séismes


Le Catalogue des tremblements de terre de VEmpire russe, établi par
A. Orlov et I. Mouchkétov, parut en 1893. Il décrit 2 574 séismes
enregistrés entre 596 avant n. è. et 1888, c ’est-à-dire durant deux
millénaires et demi; ceci correspond à peu près à un tremblement
de terre par an. Certes, ces chiffres étaient loin de refléter la réalité
et ne témoignaient que de l ’imperfection des anciennes statistiques.
Plus tard, il s ’avéra que depuis le début de notre ère, dans le Cauca­
se seulement les signes de 2 000 à 3 000 tremblements de terre ont
pu être catalogués.
A mesure que la population augmente et que le nombre des établis­
sements scientifiques croît, les renseignements sur les séismes enre­
gistrés dans les régions séismiques du Sud de l ’U.R.S.S. affluent en
plus grande quantité. Us sont fournis surtout par les stations séismi­
ques en croissance rapide et qui sont aujourd’hui au nombre de 70.
Ces stations sont dotées de séismographes, appareils qui enregis­
trent les signaux provenant des tremblements de terre. Un séismo­
graphe comporte une masse métallique rattachée à un bâti suspendu
à un ressort, masse qui peut se déplacer verticalement et horizonta­
lement. Un léger levier lui est rattaché portant une pointe a son
extrémité, qui trace une ligne sur un tambour animé d ’un lent
mouvement de rotation. Lorsqu’il n ’y a pas de tremblement de ter­
re, le système est immobile et la pointe trace une ligne droite. Quand
le sol commence à trembler, le bâti de l ’appareil se déplace par rap­
port à la masse, celle-ci retardant dans son mouvement du fait de
l’inertie. Le levier se déplace aussi, et la pointe trace une ligne sinu­
soïdale reproduisant à une échelle amplifiée les mouvements des
particules du sol. Cet enregistrement s ’appelle séismogramme.
Il existe un grand nombre de séismographes qui diffèrent quant
à leur construction. L ’un des mieux conçus a été proposé en 1906 par
436
le savant russe B. Golitsyne. De très bons appareils ont été conçus
ces dernières années par P. Nikiforov, G. Gambourtsev, D. Kimos
(fig. 239) et D. Kharine. L ’enregistrement sur les appareils modernes
se fait en utilisant du papier photographique et un système galvano-
métrique d ’inscription. Le déchiffrement des séismogrammes per­
met non seulement de constater l ’existence d’un tremblement, mais

Fig. 239. Séismographe de D. Kimos

aussi de localiser son épicentre et son foyer, d ’évaluer son énergie,


de déceler la nature des mouvements des masses à son foyer, etc.
Les stations séismiques régionales de l ’Asie centrale soviétique
ont permis d ’enregistrer plus de 400 séismes dès la première année
de leur fonctionnement régulier (1929), et plus de 5 000, de 1929
à 1940 (tableau 18).
Tableau 18
Nombre des séism es enregistrés en Asie centrale de 1929 à 1940
(d’après E. Rozova, 1947)
Nombre Nombre Nombre Nombre
Année des Année des Année îles Année des
séismes séismes séismes séismes

1929 433 1932 379 1935 41G 1938 446


1930 442 1933 271 193G 393 1939 614
1931 420 1934 335 1937 396 1940 552

Actuellement, avec le perfectionnement accru des appareils et


un réseau de stations très serré, on enregistre sur le même territoire
plus de 1 000 tremblements de terre par an (fig. 247). Cinq stations
437
séismiques du Caucase, de 1933 à 1938, ont fait état d ’environ 1 000
séismes locaux. En 10 ans de fonctionnement, quatre stations de
Crimée ont détecté 700 tremblements de terre locaux. Chaque année,
les stations séismiques permettent d ’enregistrer à travers le globe
plusieurs centaines de milliers de chocs souterrains ressentis par
l ’homme. Les séismologues américains B. Gutenberg et C. Richter
écrivent dans leur monographie Seismity of the Hearth (1948) :
« Chaque année on enregistre un tremblement de terre de nature catas­
trophique, environ 100 tremblements de terre pouvant être consi­
dérés comme destructeurs et près d ’un million de secousses ressenties
dans un lieu habité .»
Ainsi, un séisme n ’est pas un phénomène très rare.
Force des chocs souterrains. Jusqu’à ces derniers temps, la force
d ’un tremblement de terre (F) n ’était appréciée qu’à l ’aide des
observations visuelles, c’est-à-dire en confrontant en divers lieux
les destructions et autres manifestations des chocs souterrains. Dans
ce but, on a établi de nombreuses « échelles d ’intensité » (échelles
séismiques). La plus ancienne est due à Giacomo Gastaldi, carto­
graphe du Piémont (Italie), et elle date de 1564. Parmi les plus con­
nues notons celle de l ’Italien M. Rossi et du Suisse F. Forel (1883)
et celle de G. Mercalli — A. Cancani — A. Sieberg (1912). Ces échel­
les classent les tremblements de terre suivant 10 (dans le premier
cas) et 12 (dans le deuxième) degrés, d ’après leurs effets destructeurs
sur les édifices ou la nature des déformations du sol.
L’échelle adoptée en U.R.S.S. jusqu’à ces derniers temps était
de 12 degrés; elle fut homologuée par le Comité national de stan­
dardisation en tant que document officiel obligatoire lors des obser­
vations effectuées sur le territoire de l ’U.R.S.S. En 1952, un nou­
veau système fut proposé: celui de l ’Institut de Physique du Globe
de l ’Académie des Sciences de l’U.R.S.S. (S. Medvédev) qui fut
officiellement mis en vigueur le 1er janvier 1953 en devenant ainsi
norme nationale. L ’évaluation de l ’intensité du tremblement de ter­
re s ’effectue suivant trois critères:
1) les effets destructeurs sur les édifices;
2) les effets sur les terrains et les changements de régime subis
pa»‘ les eaux souterraines et superficielles;
3) les autres indices.
Passons rapidement en revue ces trois critères.1

1. Im m eubles e t éd ifices

Degrés 1-4 — dommages inexistants;


» 5-6 — dommages légers;
» 7 — dommages sensibles ;
» 8 — sérieux dommages, dans la plupart des immeubles on trouve
des victimes parmi les habitants;
9 — destruction d'édifices, routes endommagées, nombreuses vic­
times ;
438
Degrés 10 — destructions très importantes, remblais et digues endommagés,
tuyaux de conduite orisés, rails des chemins de fer recourbés;
tours, cheminées et monuments s ’écroulent. Nombreuses
victimes ;
» 11-12 — catastrophe; destruction de tous les œuvres humaines.

2. E ffe ts sur les terrains e t changem ent du régim e


des eaux souterraines e t su p erficielles
Degrés 1-3 — pas de déformations de terrain ;
» 4-6 — fissures dans le sol ; parfois chute de rochers;
» 7 — nombreuses fissures surtout en terrain humide ;glissements ;
régime des sources modifié ;
» 8 — crevasses perceptibles dans le sol ; nombreuxéboulements cl
glissements; l ’eau des nappes d ’eau devient trouble;
» 9-10 — crevasses larges de plusieurs décimètres ; nombreux éboule­
ments et glissements; rivières obstruées;
» 1 1 - 1 2 — relief fortement modifié; éboulis, glissements, éboulements
puissants; modification du régime des eaux souterraines et
superficielles. Changement du lit de rivières, formation de
lacs.
3. A u tr e s in d ic e s
Degrés 1-2 — secousses à peine perceptibles;
» 3-4 — secousses ressenties par de nombreux observateurs, vibrations
d ’objets extérieurs;
» 5-6 — chute de la vaisselle, des livres; déplacement des meubles;
nombreuses personnes effrayées sortant des habitations;
» 7-8 — écroulement de certains meubles ; difficulté de se tenir debout ;
• 9-10 — meubles se renversant et se brisant ; arbres s ’abattant ; animaux
pris de panique;
» 1 1 — destruction des biens mobiliers sous les débris des bâtiments;
» 1 2 — catastrophe; une partie importante de la population périt
sous les édifices écroulés ; les plantes et les animaux périssent
du fait des glissements et des éboulements dans les régions
montagneuses.

Comme on le voit, l ’intensité des chocs est évaluée sur la base


d ’indices assez incertains ; d ’autre part, le sens physique de la notion
de degré n ’est pas suffisamment précisé. Mais l ’échelle est pratique
et son utilisation permet de comparer les séismes.
Pour fixer les idées, indiquons que le tremblement de terre obser­
vé au Tian-Chan le 4 janvier 1911 (séisme Kéminskoïé) doit être
évalué à 12 degrés, car dans la zone de l ’épicentre la surface terrestre
fut déformée sur de grandes étendues. Le séisme d ’Achkhabad (1948)
atteignit 10 degrés à son épicentre et 9 dans la ville. L ’intensité
du tremblement de terre qui affecta la Crimée en 1927 fut de 7 à
8 degrés. Les mouvements du sol qui se propagèrent jusqu’à Moscou
(très rares il est vrai) ne dépassèrent jamais 3 ou 4 degrés.
Pour préciser la notion de « degré » on a tenté à plusieurs repri­
ses de lui donner une caractéristique physique. Ainsi, le séismologue
italien Adolfo Cancani proposa en 1904 d ’associer chaque degré
de l ’échelle d ’intensité à une certaine valeur de l ’accélération maxi-
439
male des particules du sol acquise pendant le séisme. Des ouvrages
spécialisés citent d ’autres propositions identiques. Les séismologues
ont longtemps recouru à la notion d ’accélération séismique maxima­
le, exprimée soit en mm/s2, soit en fractions de g, accélération de
la pesanteur (g = 981 cm/s2). Sous le terme d ’accélération on com­
prend la grandeur a donnant l ’accélération du mouvement du sol
durant un tremblement de terre ; elle est déterminée par la formule :
4:i*a
a = -fT »

où a est l ’amplitude des mouvements, T la période des oscillations


(tableau 19). Mais la grandeur a est difficile à établir, même aux
instruments, car les mouvements séismiques du sol sont très com­
pliqués. D ’autre part, l ’intensité de l ’effet extérieur dépend non
seulement de l ’accélération, mais aussi de l ’amplitude des mouve­
ments du sol, du rapport entre la période de ces oscillations du sol
et la période propre des oscillations des édifices. C’est pourquoi la
correspondance entre l ’échelle des accélérations et l ’intensité des
séismes n ’est qu’approximative.
S. Medvédev a proposé de déterminer la force des tremblements
de terre à l ’aide d ’un séismomètre de sa fabrication dont la pièce
maîtresse est un pendule sphérique élastique, dont la période d ’amor-
tissement des oscillations (T = 0,25 s) est presque égale à celle des
édifices ordinaires. La force du tremblement de terre est donc indi­
quée par le déplacement relatif maximal x0 de ce pendule provoqué
par les mouvements du sol. La grandeur x0 est évaluée de façon à ce
qu’elle corresponde aux degrés de l ’échelle empirique ordinaire.

Tableau 19
E c h e lle sé ism iq u e

Nature du séisme F a g * 0

Instrumental 1 2,5 0,0002 _.


Très léger 2 2,6-5,0 0,0005 —

Léger 3 6-10 0,001 —

Moyen 4 11-25 0,002 0,5


Assez fort 5 26-50 0,005 0,3-1,0
Fort 6 51-100 0,01 1,1-2,0
Très fort 7 101-250 0,02 2,1-4,0
Ruineux 8 251-500 0,05 4,1-8,0
Désastreux 9 501-1000 0,10 8,1-16,0
Très désastreux 10 1001-2500 0,25 16,1-32,0
Catastrophe 11 2501-5000 0,50 >32,0
Grande catastrophe 12 >5000 0,50 —

440
Le tableau 19 indique l ’intensité d ’un tremblement de terre en
degrés (Z1)* les accélérations des particules du sol correspondant à
cette force en mm/s2 (a) et en [fractions de l ’accélération de la pesan­
teur (g), ainsi que le déplacement maximal du pendule du séismo-
mètre (x0 en mm).

§ 3. Energie et magnitude des tremblements de terre


Quand on évalue la force d ’un tremblement de terre à l ’aide de
l ’échelle séismique, les erreurs sont inévitables, car l'appréciation
dépend pour beaucoup de facteurs subjectifs, de descriptions impré­
cises, de particularités locales, etc. C’est pourquoi on s ’efforce depuis
longtemps d ’obtenir une information quantitative plus précise.
Une tentative de ce genre a été entreprise par B. Gutenberg et C. Rich-
ter qui ont élaboré une échelle des intensités liée à l ’énergie des
séismes et qui porte le nom d'échelle absolue. Ces auteurs ont proposé
de remplacer la notion de force ou d ’intensité par celle de magnitude
qui est fonction de l ’amplitude maximale de déplacement des parti­
cules du sol, déduite de la lecture des séismographes placés à une
distance conventionnelle de 100 1cm de l ’épicentre. Pour plus de com­
modité on définit la magnitude M non pas comme l ’amplitude maxi­
male du déplacement, mais comme son logarithme. Dans cette échel­
le, aux plus faibles séismes correspond la magnitude 0, et aux plus
forts, la magnitude 9.
Cette échelle présente l ’intérêt de lier par une formule simple la
magnitude à l 'énergie développée au foyer. L ’énergie s ’accumule au
sein de la Terre longtemps avant le début du séisme, les tensions
élastiques s ’accroissent, et quand elles dépassent la charge de rup­
ture des roches, c’est-à-dire quand les roches ne sont plus capables de
résister aux efforts extérieurs et commencent à,se désagréger, il se
produit un déplacement des masses presque instantané, une rupture,
une fragmentation des roches, un ébranlement souterrain. L ’énergie
potentielle qui s ’est accumulée se libère, se transforme en énergie
cinétique et cette quantité d’énergie peut être mesurée.
L ’énergie des tremblements de terre E est mesurée en ergs L
On peut la calculer par divers procédés. Une des premières formules
est due à B. Golitsyne:

où V est la vitesse de propagation des ondes séismiques, p la densité


des couches supérieures de la Terre, a l ’amplitude du déplacement,
T la période des oscillations.
Les observations montrent que l ’énergie varie de 1010 (magnitude 1)
à 1026 (magnitude 9) ergs. Une magnitude supérieure à 9 est impos-

1 1 erg = 1 dyne/cm.
sible, car la résistance des roches s ’oppose alors à l ’accumulation
de l ’énergie. Le même facteur conditionne la limite inférieure de E.
Pour illustrer ces chiffres, signalons qu’un tremblement de terre
destructeur libère une énergie des millions de fois supérieure à celle
d ’une bombe atomique « standard ». Tel fut le séisme du 15 août
1950 en Assam (Inde), l'u n des plus forts tremblements de terre
observés. Depuis 1900 on n ’a enregistré aucune secousse de magnitu­
de supérieure à 8,5. On peut supposer seulement que le célèbre séisme
de Lisbonne (1755) qui intéressa la moitié de l ’Europe, atteignit
la magnitude évaluée à 9 (fig. 248).
Ainsi, la magnitude qui se manifeste à la surface par des secous­
ses dépend surtout de l ’énergie libérée au foyer. A chaque degré
de l ’échelle « absolue » correspond une quantité bien déterminée
d ’énergie séismique. Il est admis que lorsque la magnitude augmen­
te de 0,5 fois, le séisme voit son énergie décupler, ce qui signifie que
l’énergie du séisme le plus destructeur (magnitude 8,5) est de 1017
fois supérieure à celle du séisme le plus faible (magnitude 1).
D ’autre part, il s ’avère que la magnitude des séismes est en rap­
port direct avec la fréquence des secousses. Une augmentation de la
magnitude d ’une unité réduit de 10 fois le nombre des ébranlements
correspondants.
Enfin, la magnitude M et l ’intensité F exprimée en degrés de
l ’échelle empirique (pour les tremblements de terre dont les foyers
sont peu profonds) sont liées par la formule approchée :
M = 1,3 + 0,6/*.
Actuellement, certains chercheurs groupent les séismes en plu­
sieurs classes : a, b, c, d et e (suivant la.magnitude).
On peut donc établir le tableau où toutes les données mention­
nées plus haut sont liées par des formules (le tableau 20 ne donne
que des valeurs approximatives).Comme on le voit au tableau 20,
les séismes de magnitude évaluée à 5 sont 10 fois plus fréquents que
Tableau 20
F orce (in te n s ité ), m a g n itu d e , é n e r g ie e t fréq u en ce d es sé ism e s

Force en Magni­ Energie, Nombre


Nature du séisme Classe degrés tude, Af (enEergs) depsar
éismes
an

Catastrophique a 1 1 -1 2 8 et plus 1025 1


Très dévastateur b 9-11 7-7,9 1023 1 0

Dévastateur c 7-9 6-6,9 1 0 2 1 1 0 0

Destructions lim itées d 6-7 5-5,9 1 0 ™ 1 0 0 0

Assez faible e 5-6 4-4,9 1 0 ” 1 0 0 0 0

Perceptible — 4-5 3-3,9 1 0 ™ 1 0 0 0 0 0

442
■ceux de magnitude 6 eux-mêmes 10 fois plus fréquents que ceux de
magnitude 7, etc. Le tableau 20 montre également que la totalité
des séismes faibles libère une énergie infime par rapport à celle des
tremblements de terre dévastateurs, bien que ceux-ci soient beau­
coup moins fréquents.
Ainsi, l ’énergie d ’un tremblement de terre de magnitude 8,5
étant de 102Sergs, l ’énergie séismique moyenne de la Terre est annuel­
lement de 3-1026 ergs (ce qui correspond à une puissance de 10 erg/s,
c ’est-à-dire de 107 kW). L ’énergie de tous les séismes de magnitude
3 ou 3,9 vaut environ 1020 ergs, ce qui correspond à moins de 0,00001
de l ’énergie séismique de la Terre. Donc, l ’accumulation des ten­
sions conditionnant les séismes dévastateurs ne dépend pas de l ’éner­
gie développée par les tremblements de terre faibles. Autrement dit,
les séismes faibles ne jouent pas le rôle de « soupape de sûreté »,
bien qu’ils contribuent, dans une certaine mesure, à la détente des
tensions tectoniques.
Dans le tableau 21 on a indiqué l ’énergie de quelques derniers
séismes dévastateurs.
Tableau 21
E n erg ie de q u elq u es sé is m e s

Energie
Séisme Date (en ergs)

Lisbonne l.X I 1755 7-102’


San Francisco (U.S.A.) 18.VI 1906 2-1024
Sarez (Pamir) 18.11 1911 4,3-1023
Los Angeles (U.S.A.) 10. III 1933 1 -1 0 W

Khaït (Tadjikistan) 10.VII 1949 5-1024


Assam (Inde) 15.VIII 1950 3-1027
Céphalonie (Grèce) 12.VIII 1953 6-1024
Orléansville (Algérie) 9.IX 1954 1-1024
Agadir (Maroc) 1.I1I 1960 1 -1 0 2 0

La caractéristique énergétique des tremblements de terre est un


indice important du régime séismique d ’une région donnée. Il faut
croire que dans l ’avenir la notion d ’énergie servira au fondement
de nombreuses hypothèses dans le domaine de la séismologie et de la
géotectonique.

§ 4. Zone de propagation des ondes séismiques


Lors d ’un tremblement de terre le foyer émet des ondes élastiques
qui se propagent à une grande vitesse dans toutes les directions.
Quand elles atteignent la surface terrestre, elles sont ressenties par
443
les hommes avec une intensité plus ou moins grande. On appelle
zone de propagation la surface sur laquelle se propagent les ondes ayant
une intensité de 4 degrés et plus, c’est-à-dire celles qui peuvent être
directement perçues par l ’homme.
Les séismes se distinguent aussi bien par leur surface de propaga­
tion que par leur intensité. Parfois, le domaine de leur propagation
est insignifiant, à peine 2 000-3 000 km2, d ’autres fois il couvre des
dizaines et des centaines de milliers de kilomètres carrés. Dans des
cas exceptionnels, la surface de propagation des séismes s ’étend

Fig. 240. Rapport entre l’aire de propagation des


mouvements du sol provoqué par un séisme et la profon­
deur de son foyer:
a — foyer près de la surface du sol ; b — foyer situé
à une grande profondeur

sur des millions de kilomètres carrés. Ainsi, lors du séisme Kémins-


koïé du 4 janvier 1911, les mouvements du sol ont intéressé 4 mil­
lions de kilomètres carrés. En 1940, un séisme à épicentre dans les
Carpates, près de Ploeshti, fut ressenti jusqu’à Moscou. Il en fut de
même en 1946, du tremblement de terre de Kazandjik (Turkménie).
L ’étendue de la zone de propagation dépend de l ’énergie ciné­
tique libérée au foyer : plus elle est importante, plus la zone est
grande. Pourtant, le lien n ’est pas direct, car l ’effet superficiel est
également fonction de la profondeur du foyer (fig. 240).
Imaginons un tremblement de terre de 9 degrés à son épicentre
et d ’une énergie E qui s ’est produit près de la surface. L ’écartement
des isoséistes sera alors déterminé par les segments 9-8, 8-7, 7-6,
etc. (fig. 240, a). Or, dans le cas d ’un foyer plus profond, les mêmes
segments (8-7, 7-6, etc.) seront plus allongés (fig. 240, b). Ainsi,
le degré d ’intensité F , de même que l ’écartement des isoséistes,
sont fonctions non seulement de E, mais aussi de la profondeur H du
foyer. Si celle-ci est grande, les mouvements parvenus à la surface
seront trop faibles et pourront ne pas être perçus.
444
§ 5. Profondeur du foyer (hypocentre) et
mécanisme de déclenchement d’un choc souterrain
Les renseignements fournis par les stations séismographiques,
c’est-à-dire le déchiffrement des séismogrammes, permettent de cal­
culer la profondeur focale du séisme. A cet effet, plusieurs procédés
ont été proposés.
Autrefois, on a tenté d ’établir la profondeur du foyer en partant
du réseau plus ou moins serré des lézardes couvrant les murs des
édifices. Les lézardes sont ordinairement obliques et, en les prolon­
geant sous la Terre, on croyait qu’elles se croisaient en un point
désignant le foyer. On obtint ainsi des résultats vraisemblables, mais
un tel procédé ne pouvait pas être considéré comme sûr. Une autre
méthode fait appel au lien existant entre la surface de propagation
et l ’écartement des isoséistes qui la délimitent. Il existe même des
formules empiriques, comme par exemple:
H = 7 V S Ï+ S »
où H est la profondeur focale, S 2 l ’aire en km3 limitée par la deu­
xième isoséiste à partir de l ’épicentre et S 3 l ’aire en km3 limitée par
la troisième isoséiste.
Une autre formule:
/ ’ = l,5 + 3 1 o g ( ^ + l ) ■
où F est la force du séisme dans l ’épicentre; r le rayon de l ’aire où
le séisme est ressenti ; H la profondeur du foyer.
Le procédé le plus sûr est pourtant le déchiffrement des séismogram­
mes fournis par plusieurs stations réparties autour de l ’épicentre.
Ainsi, quand les distances épicentraies sont faibles et pour une seule
station séismique, la profondeur focale peut être établie par exemple
en se fondant sur les considérations suivantes : si V est la vitesse
moyenne de la propagation des ondes P , t le temps de leur arrivée
à la station et À la distance de l ’épicentre à la station (« distance
épicentrale »), alors
H = V (tV )2- A2.
Il y a d ’autres procédés plus précis qui tiennent compte des
observations de nombreuses stations. La précision des renseignements
ainsi obtenus est cependant insuffisante. Ces dernières années les
savants soviétiques se sont efforcés de perfectionner les méthodes
d ’appréciation de la profondeur des foyers et ont obtenus les résul­
tats suivants.
En Crimée, la profondeur focale varie de 5 à 40 km et atteint
le plus souvent de 15 à 30 km (d’après les données de A. Lévitskaïa).
En général, les tremblements de terre du Caucase sont associés
à des foyers peu profonds, et ce n ’est qu’exceptionnelement que
445
l ’on enregistre des profondeurs de l’ordre de 100 km (E. Buss.
A. Tskhakaïa, E. Rozova).
Comme l ’ont montré les recherches effectuées par V. Bontchkov-
ski et S. Massarski, le foyer du séisme d ’Achkhabad (1948) se trou­
vait à 15-20 km de la surface (fig. 252).

Fig. 241. Profondeurs des foyers de tremblements de terre en


Extrême-Orient

Dans les régions septentrionales de l ’Asie centrale, au sein du


Tian-Chan, les profondeurs focales dépassent rarement 60 km. Mais
dans les régions méridionales la situation se complique : la dépres-
446
sion du Tadjikistan compte des foyers superficiels qui se disposent de
0 à 10 km de la surface ; leur nombre est assez élevé et certains séis­
mes ont atteint à l'épicentre une intensité de 9 degrés. En même
temps on y enregistre un grand nombre de foyers profonds allant
jusqu’à 300 km (fig. 247) (voir les travaux de N. Vvédenskaïa,
E. Rozova, V. Bouné).
Enfin, on enregistre en Extrême-Orient de très nombreux foyers
dont la profondeur va jusqu'à 600 km. Ils se distinguent par une
particularité curieuse: la profondeur focale augmente à mesure que
l’on se déplace des Kouriles et du Japon vers le continent asiatique
(fig. 241). Le même phénomène s ’observe sur les côtes du Pacifique.
Jusqu’à ces derniers temps on croyait que les foyers de 600 km de
profondeur n ’étaient propres qu’au bassin du Pacifique, or le 29
mars 1954 on enregistra en Espagne un séisme dont le foyer se si­
tuait à 500-600 km. L ’étude des séismes profonds est devenue ces der­
nières années un domaine important de recherches séismologiques.
En somme, on peut constater que les foyers des séismes se trou­
vent à tous les niveaux, de la surface jusqu’à 800 km de profondeur,
mais la plupart d ’entre eux sont associés aux parties supérieures de
la croûte terrestre ; avec la profondeur, le nombre des foyers diminue
rapidement.
Les foyers des tremblements de terre dévastateurs se situent
à toutes les profondeurs, de la surface jusqu’à 100 km : Messine (1908),
Tokyo (1923) : 5 à 10 km; Achkhabad (1948) : 15 à 20 km; Crimée
(1927) : 30 à 40 km ; Tchatkal (1946) : 50 à 60 km ; Carpates (1940) :
80 à 100 km.
Le tableau 22 (fig. 242) donne le nombre de secousses enregistrées-
à diverses profondeurs de 1909 à 1941. Le tableau ne cite pas les
foyers dont la profondeur est inférieure à 100 km.
Tableau 22
N om bre d e se c o u sse s à d iv e r se s profondeurs
(d ’après B . G u ten b erg e t C. R ic h te r , 1941)

Profondeur, km 1 0 0 150 2 0 0 250 300 350 —

Nombre de secousses 178 109 82 46 23 32 —

Profondeur, km 400 450 500 550 600 650 700

Nombre de secousses 36 13 23 25 34 19 7

Que se passe-t-il au foyer au moment où se produit l ’ébranle­


ment? Quel est le mécanisme du déclenchement de l'ébranlement et de
la propagation des ondes à partir du foyer?
447
Tous les cas étudiés témoignent du fait que le foyer est le siège
d ’un déplacement brusque, presque instantané, des masses le long
d ’une ligne de rupture tectonique: les roches de l ’une des lèvres se
déplacent en sens opposé au mouvement des roches formant l ’autre
lèvre. Les déplacements de ce genre s ’appellent en mécanique défor­
mations de cisaillement (voir ch. 14). Cette déformation est décelée
de la façon suivante. Les ondes longitudinales sont constituées par
une alternance de compression et de dilatation des particules atteintes.
Leur enregistrement donne un séismogramme ; la pointe enregistreu­
se peut être réglée de telle sorte que la compression des particules
N om bre d e fo y e r s

Fig. 242. Décroissance du nombre des hypocentres avec


la profondeur (voir tableau 22)„ d’après B. Gutenberg
et C. Richter

la déplace vers le haut à partir de la position centrale, la dilatation


l’entraînant au contraire vers le bas. Pour le cas représenté sur la
fig. 243, a, c’est-à-dire lors d ’un chevauchement de direction Nord-Sud
ayant produit au foyer le déplacement de la lèvre Ouest vers le haut
et à l ’Est, et de la lèvre Est vers le bas et à l ’Ouest, on enregistrera
en premier lieu les ondes de compression (signe « + ») en haut, c’est-
à-dire à la surface de la lèvre Ouest, tandis que les instruments situés
dans le secteur de la lèvre Est seront d ’abord touchés par les ondes
de dilatation (signe «—»).
Le même raisonnement permet de prévoir que dans le cas d ’un
décrochement, c’est-à-dire d ’un déplacement horizontal suivant un
plan de faille vertical, il y aura quatre zones symétriques par rap­
port à l ’épicentre, dont deux correspondront à l ’arrivée des ondes
de compression (-{-), et deux à celle des ondes de dilatation (—)
(fig. 243, b). Des cas plus complexes donnent des enregistrements
autrement compliqués, mais on peut toujours montrer qu’une secous­
se est engendrée par un brusque déplacement des masses suivant une
448
faille du type de décrochement (dite dipôle). C'est également exact
pour les tremblements de terre à foyer profond, d ’où il ressort, par
ailleurs, que jusqu’à 800 km de profondeur au moins les roches sont
à l ’état solide.
Les efforts des séismologues soviétiques (V. Kéilis-Borok par
exemple) ont abouti à l ’élaboration d ’une méthode d ’étude de la

0 ------ r------7 ^ ? ----------- E

b
Fig. 243. Détermination des paramètres dynamiques du
foyer :
a — faille chevauchante de faible pendage ; b — décro­
chement (plan de faille vertical, rejet horizontal)

production d ’un ébranlement au foyer. D’après les séismogrammes


de plusieurs stations on peut déterminer non seulement la profondeur
du foyer, mais aussi la position au sein de la Terre de la rupture
i F\ -
1 l
-A .
=5#
*9

if
Fig. 244. Mécanisme des déplacements du sol provoqués
par un séisme

tectonique ayant engendré le séisme, le sens du déplacement des


masses le long de cette rupture et plusieurs autres renseignements
dits paramètres dynamiques du foyer.
Il est commode d ’illustrer l ’exposé ci-dessus par l ’exemple sui­
vant (fig. 244). Un tremblement de terre en Californie fut à l ’ori­
gine d ’une faille (fig. 244, b) qui coupa naturellement la route repré­
sentée sur le dessin gauche (fig. 244, a) par deux lignes parallèles
29-927 449
en traits pleins. Les extrémités de la route ainsi déformée se sont
recourbées dans des sens opposés. Comment peut-on expliquer ce
fait? Il est probable que des tensions élastiques se sont accumulées
ici avant le séisme et que les deux blocs de la croûte furent soumis
à des forces tendant à les déplacer (suivant les flèches et les pointil­
lés de la fig. 244, a), car les contraintes se concentraient le long de la
ligne de rupture à venir. Puis ces contraintes, devenant supérieures
à la résistance des roches, provoquèrent une rupture; dès qu’elles
furent ainsi résolues, les secteurs déformés se redressèrent (les pointil­
lés de la fig. 244, a sont devenus rectilignes sur la fig. 244, b). Les
extrémités de la route entraînées par le mouvement des parties des
blocs attenant à la rupture ont dû se recourber dans des sens oppo­
sés, reflétant ainsi le nouvel état d ’équilibre du milieu.
L ’ébranlement parti du foyer se propage sous forme d ’ondes
élastiques en s ’amortissant graduellement dans toutes les directions;
en arrivant à la surface terrestre elle produit un tremblement de
terre.
Les ondes séismiques sont de plusieurs types, dont les principales
sont les suivantes.
Les ondes longitudinales, symbole P (primaire). Ce sont des ondes
formées par compression et dilatation du milieu qui se déplacent
à la vitesse de plusieurs kilomètres par seconde (suivant les proprié­
tés élastiques du milieu). Elles apparaissent du fait de la réaction
du milieu à la modification du volume (déformation volumétrique)
et se propagent dans les milieux solides, liquides et gazeux. Les parti­
cules du milieu oscillent alors dans le sens du rai (itinéraire) séismi­
que. La vitesse de propagation des ondes longitudinales est calculée
d ’après la formule:

où p. est le module de cisaillement, p la densité, et X le coefficient


lié par une relation simple au module de la compression multilaté­
rale K :

Dans un milieu liquide, où p = 0, les ondes longitudinales se


propagent à la vitesse

/ - •
Les ondes transversales, symbole S (secondaire), sont le fait de la
réaction du milieu à la modification de la forme. Elles ne se propa­
gent donc pas dans des milieux fluides puisque les liquides et les gaz
ne s ’opposent pas à la modification de leur forme (module de cisail­
lement p = 0). Les particules de matière se déplacent dans ce cas
dans le sens perpendiculaire à celui de la propagation des ondes.
450
La vitesse de propagation est alors définie par la formule :

Pour un cas idéal, quand X = p, le rapport Vp : Va = |A3, c ’est-


à-dire que la vitesse Vp est à peu près de 1,7 fois supérieure à Vs.
Les ondes superficielles (onde de Rayleigh), symbole L \ elles
apparaissent à la frontière de deux milieux différents, liquide et ga­
zeux, ou solide et gazeux, sous l ’effet de mouvements venant de
l ’hypocentre. Leur vitesse de propagation est inférieure à celle des
ondes longitudinales et transversales {Vt æ 0,9 Vs) et elles s ’amortis­
sent rapidement en profondeur, ainsi qu’en s ’éloignant de l ’épicen­
tre ; mais dans la zone de ce dernier, elles peuvent être la cause de
graves dommages. Dans un milieu liquide elles sont engendrées par
la force de pesanteur (en liaison avec l ’action du vent, etc.) et dans
un milieu solide, par les forces élastiques.

§ 6. Répartition des séismes


Elle est très irrégulière; dans certaines régions les séismes sont
très fréquents et intenses, dans d ’autres, ils sont rares et de faible
intensité. L ’Italie, la Grèce, la Turquie, l ’Iran, l ’Inde du Nord,
l’Indochine, l ’Indonésie, la Chine, la Nouvelle-Zélande, les Philip­
pines, le Japon, les régions montagneuses de l ’ouest de l ’Amérique
du Nord et du Sud, l ’Amérique centrale sont autant de pays où l ’acti­
vité séismique est importante.
Dans l ’ensemble on peut ranger dans le domaine séismique la
zone méditerranéenne avec ces formations plissées qui s ’étendent
de Gibraltar à l ’archipel Malais, de même que les régions périphé­
riques des fosses du Pacifique, c ’est-à-dire les zones de jeunes plis­
sements. Ailleurs, les séismes sont rares mais leur répartition géo­
graphique est également régie par des lois. L ’activité séismique
marque aussi la Dorsale atlantique, la région des Grands lacs de
l’Afrique orientale, les régions orientales de l ’Australie et certains
autres territoires (fig. 245).
En U.R.S.S., toutes les régions méridionales de relief montagneux
doivent être rangées parmi les zones séismiques : région des Car-
pates, Crimée du Sud, Caucase, Turkménie méridionale, plateaux
de l ’Est de l ’Asie centrale, ceinture montagneuse s ’allongeant de
l ’Altaï aux Saïans, région du Baïkal, littoral méridional de l ’Extrê­
me-Orient sibérien, îles Kouriles, Kamtchatka (fig. 255).
Dans les Carpates, les séismes sont surtout liés à l ’arc oriental
de cette région plissée. Les tremblements de terre peuvent y être
catastrophiques et leurs ondes se propagent parfois même jusqu’à
Moscou. Il est assez fréquent qu’ils soient dus à des foyers profonds
situés à une centaine de kilomètres de la surface (par exemple le
séisme du 10 novembre 1940).
29* 451
100 * 120* 140 * 160 * 180* 160 * 140 120’ 100

Fig. 245. Répnrlitiun des séismes les plus dévastateurs; carte établie par N. Linden et E. Savarenski
En Crimée, la zone active intéresse le littoral méridional. Les
foyers sont associés à la zone des charriages le long de laquelle le
flanc septentrional de l'anticlinorium de Crimée a recouvert le flanc
méridional affaissé. Les ébranlements sont de faible intensité (7-8
degrés au maximum). Les isoséistes épousent la direction des édifices

Alpuchta

1/" Ai
• 2
O 3
20 0 20 40 RB
I I I I
32 33 34 33

Fig. 246. Répartition des séismes en Crimée pendant les années


1927-1953 (d'après A. Lévitskaïa):
7 — station séismographique; 2 — épicentre; 3 — épicentre d'un séisme
dévastateur

plissés, parfois cependant elles s ’étendent transversalement en


suivant le méridien, témoignant ainsi de la présence de dislocations
transversales (fig. 246).
Dans le Caucase, les tremblements de terre correspondent surtout
aux formations plissées du Petit Caucase et à la partie orientale du
Grand Caucase. Ils provoquent fréquemment des destructions et font
des victimes. Du point de vue de l ’énergie libérée, les séismes cauca­
siens sont des ébranlements de faible intensité, et généralement leurs
foyers sont peu profonds. C’est pourquoi les tremblements qu’ils
engendrent ne se propagent pas au-delà du Caucase.
Les parties centrales des dépressions de la mer Noire et de la
Caspienne n ’ont pas d ’épicentres. Les dépressions tectoniques longi-
453
tudinales, telles Kourinskaïa et Rionskaïa, sont moins actives au
point de vue séismique que les régions montagneuses voisines.
En Turkménie, les séismes sont surtout fréquents dans le domaine
montagneux du Sud de la république. Plus d ’une fois on a enregistré
des séismes catastrophiques (1893, 1895, 1929, 1946 et 1948) qui sont
liés à l ’évolution des formations plissées du Kopet-Dag.
Les régions orientales de Y Asie centrale, c’est-à-dire le Tian-
Chan et le Pamir, sont séismiquement très actives. L ’intensité de
nombreux séismes y dépasse parfois 9 degrés (1902, 1907, 1911,

Fig. 247. Répartition des séismes en Asie centrale (période 1885-1955,


carte établie par N. Vvédenskaïa)
Le diamètre du cercle correspond à la magnitude Af. Les cercles non
hachurés resprésentent les foyers situés au sein de la croûte terrestre; les
cercles hachurés, les foyers sous-corticaux

1941, 1946,1949, etc.). La profondeur focale croît à mesure qu’on se


déplace vers le Sud. Les structures massives du Tian-Chan consoli­
dées par les plissements hercyniens subissent assez rarement des
tremblements de terre, mais en revanche ils sont dévastateurs. Les
mouvements des couches plastiques mésozoïques et kaïnozoïques de
la dépression du Tadjikistan provoquent un grand nombre d ’ébran­
lements d ’intensité généralement faible. La carte de la fig. 247 donne
la répartition des épicentres enregistrés par les stations séismographi-
ques de l ’Asie centrale durant la période s ’étalant de 1935 à 1955
(d’après N. Vvédenskaïa).
Dans les régions de montagnes-blocs situées entre Y Altaï et la
Transbaïkalie on enregistre des secousses de 7 degrés. Les structures
454
de la zone du Baîkal sont plus actives, en particulier, les dépressions
tectoniques limitées par les failles qui sont à l'origine de secousses
de 9-10 degrés. De là, la zone active s'étend au Sud-Ouest, vers la
Mongolie, et au Nord-Est, le long de la chaîne Stanovoî et des dépres­
sions qui lui sont associées.
La zone du Kamtchatka, des îles Kouriles et de l ’île Hokkaido
(Japon) se caractérise par une activité particulière. Les hypocentres
de nombreux séismes se trouvent parfois à 600 km de la surface (voir
Kg. 241).
Les séismes marins peuvent provoquer des raz de marée, lames
qui se déplacent sur la masse d ’eau océanique à une très grande
vitesse et qui déferlent sur le littoral en causant des destructions
énormes.
Certains séismes sont dus ici aux éruptions volcaniques.
De faibles et rares tremblements de terre sont enregistrés dans
les régions de la chaîne Verkhoîanski, de l ’Oural et du Bouclier
Baltique. Certains d ’entre eux sont associés à des mouvements verti­
caux récents. Dans la partie européenne de l ’U.R.S.S. on enregistre
quelquefois des secousses d ’origine karstique, provoquées par l ’affais­
sement du toit des cavernes karstiques.

§ 7. Séismes marins et raz de


marée (vague de fond, tsunami)
L ’hypocentre de nombreux séismes se trouve sous la mer. Les
ondes alors produites au foyer traversent la lithosphère et pénètrent
dans le milieu liquide où elles se propagent à une vitesse de 1.5 km/s.
En arrivant à la surface, elles provoquent un séisme marin. On
apprécie l ’intensité de ce séisme à l ’aide d ’une échelle de 6 degrés.
Quand le séisme marin s ’accompagne d ’un brusque déplacement
des secteurs du fond des mers, le volume des bassins se modifie, des
masses d ’eau énormes sont mises en mouvement et il se forme à la
surface des vagues différentes des vagues ordinaires qu’on appelle
vagues de fond, raz de marée ou tsunami.
Si le séisme ne modifie pas la topographie du fond de la mer, il
n ’engendre pas de raz de marée.
Les éruptions volcaniques sous-marines produisent également
des vagues de ce genre.
Les vagues de fond qui se déplacent à la surface de l ’eau à une
vitesse de 400 à 800 km/h peuvent traverser de vastes étendues, tout
l ’océan Pacifique par exemple. En pleine mer la longueur d ’onde de
la vague est très grande (200 à 300 km d ’une crête à l’autre), mais
sa hauteur est relativement faible; pratiquement, ces ondes sont
invisibles. A mesure que la vague approche de la côte sa hauteur aug­
mente et peut atteindre 20 m dans des cas exceptionnels. En déferlant
sur le rivage, la vague pénètre assez loin à l ’intérieur des terres et
provoque de grandes dévastations.
455
Ainsi, les 4 et 5 novembre 1952, un séisme dont l'épicentre se
trouvait à l ’extrémité Nord de la fosse marine des Kouriles engendra
une vague de fond ; 30 à 40 minutes après sa formation, elle atteignit
les côtes du Kamtchatka et des îles Kouriles, provoquant de multi­
ples destructions en de nombreux endroits. Des navires furent entraî­
nés en mer et l'on déplora de nombreuses victimes.
Des raz de marée catastrophiques du même genre ont été égale­
ment enregistrés par le passé. Pendant la période s ’étalant sur 2 500
ans, on en a compté 300 dans la zone du Pacifique et 30 dans celle
de l ’Atlantique. Le Japon a connu 17 raz de marée s ’accompagnant

Fig. 248. Tremblement de terre et raz de marée de Lisbonne (1755) (d’après


un dessin de l ’époque)

de dévastations sur la côte et de nombreuses victimes. Au Kamtchatka


et aux îles Kouriles des raz de marée destructeurs furent observés
en 1737, 1792, 1918, 1923. Le séisme catastrophique de Lisbonne en
1755 provoqua également un raz de marée qui submergea la ville
(fig. 248).
Entre le moment où le séisme est enregistré par les stations et
celui où le raz de marée déferle sur la côte, il s’écoule un certain temps
qui peut être utilisé pour prévenir la population du danger. Les ten­
tatives d ’organisation de service de protection contre les raz de marée
ont été couronnées de succès. Il s ’agit seulement que la population
ait le temps nécessaire pour quitter la partie basse de la côte et aller
à l ’intérieur des terres, ou grimper sur des collines inaccessibles
même pour des vagues très hautes.
On voit donc que l ’aspect pratique de l ’étude des raz de marée
est aussi important que son aspect théorique.
456
§ 8. Conditions géologiques de la production des séismes

L ’histoire de la séismologie montre que l ’origine des séismes


intéresse les savants depuis fort longtemps, mais les concepts actuel­
lement admis n ’ont pas été formulés aussitôt. On a expliqué les
séismes par des mouvements de l ’atmosphère et des modifications
de la pression barométrique, par les phases de la Lune et les mouve­
ments des planètes, par l ’activité volcanique ou la circulation des
eaux souterraines. Les multiples hypothèses émises constituent un
ensemble varié et hétérogène.
Actuellement, la nature tectonique des séismes ne fait plus de
doute. Tous les autres liens, soit avec les agents de la dynamique
externe, soit avec les éléments cosmiques, sont de peu d ’importance
ou sans aucune influence.
L ’explication tectonique des séismes est fondée tout d ’abord sur
le fait que ces derniers sont particulièrement violents et fréquents
là où d ’intenses mouvements tectoniques sont actuellement obser\és.
Pour s’en convaincre il suffit de confronter une carte tectonique
avec une carte séismique. En général, on utilise une carte tectonique
sur laquelle sont figurées à l ’aide des procédés appropriés les zones
plissées, y compris les chaînes alpines formées dans les géosynclinaux
méso-kaïnozoïques. Cette confrontation est certes justifiée, car les
mouvements alpins associés aux géosynclinaux méso-kalnozoïques
intéressent des périodes très grandes, au moins depuis le Crétacé
inférieur, et se poursuivent encore de nos jours.
Pourtant, des résultats beaucoup plus convaincants sont obte­
nus en confrontant les cartes séismiques avec les cartes de l'activité
tectonique actuelle, car ce sont les mouvements tectoniques actuels
et non pas les mouvements alpins en général, qui à notre époque
produisent des séismes.
C’est pourquoi le mieux est de confronter une carte séismique
avec une carte de la néo-tectonique, ou avec celle des mouvements
actuels. Une variante de cette dernière (pour les mouvements verti­
caux) a été proposée récemment par N. Nikolaïev (fig. 233, ch. 15).
Sur cette carte, on voit que de nombreuses régions situées le long
de la frontière méridionale de l ’U.R.S.S., de relief accidenté, peu­
vent être rangées du point de vue tectonique dans le groupe des; ré­
gions sujettes « aux soulèvements intenses (s’étirant dans le sens de
leur extension) d ’âge quaternaire ou actuel et à des affaissements
géosynclinaux locaux »qui se caractérisent « par des dénivellations de
grande amplitude, de nombreuses ruptures tectoniques et de rejeux de
failles suivant d ’anciennes directions ». En même temps, ces régions
constituent une zone d ’activité séismique particulièrement intense.
Le même rapport est également observé dans la région des chaînes
de montagnes entre l ’Altaï et la Transbaïkalie. Sur les cartes ordinai­
res on figure à cette place les plissements anciens: Précambrien,
Calédonien, ou même Hercynien. Les mouvements qui ne se sont
457
manifestés ici qu'au Quaternaire et qui sont à l ’origine d ’une struc­
ture en blocs conditionnant toutes les particularités du régime séismi­
que, ne sont pas représentés sur les cartes tectoniques ordinaires.
Un lien plus étroit s’établit entre les séismes et les mouvements
actuels intéressant les divers types de structures tectoniques dans les
cas suivants à condition que la profondeur focale ne soit pas grande.
A. La forme, l ’étendue et la disposition des zones délimitées par
les courbes isoséistes correspondent au plan de l ’arrangement des

5123
Fig. 249. Cassures tectoniques et tremblements de terre de foyers
peu profonds:
a — aire pléistoséiste du tremblement de terre de Faïzabad,
septembre 1930, Tadjikistan (d’après G. Gorchkov) ; b — épicentres
de la série des tremblements de terre qui se sont produits en juin
1934 à Parcfield, Californie (d’après D. Wilson) ;
1 — aire pléistoséiste; 2 — épicentres; 3 — cassures tectoniques

structures] tectoniques. Lorsque l ’ébranlement est dû à des mouve­


ments le long d ’une faille ou d ’une série de failles qui affleurent à
la surface, on peut déceler un lien étroit entre les courbes isoséistes
et ces failles (fig. 249, a).
B. Les épicentres détectés après dépouillement des séismogram-
mes montrent une disposition présentant un lien évident avec la
direction des lignes structurales (fig. 249, b).
C. On connaît les paramètres dynamiques du foyer que l’on peut
confronter avec les accidents de la tectonique locale (voir fig. 243).
D. A l ’épicentre même des déformations du sol sont constatées
(par des observations visuelles ou aux instruments) au moment du
séisme et elles présentent des liens avec le plan structural de la ré­
gion (voir fig. 235, 250).
Examinons sous ce rapport quelques séismes dévastateurs d ’Asie
centrale qui se sont produits ces dernières années: tremblements de
terre de Faïzabad en 1943, Tchatkalskoïé en 1946, d ’Achkhabad en
1948.
L ’intensité du séisme de Faïzabad du 12 janvier 1943 (Tadjikis­
tan) a atteint 9 degrés à l ’épicentre. Ce séisme a été étudié en détails
458
par I. Goubine. Les courbes isoséistes que celui-ci a obtenues sont
très caractéristiques. On y découvre plusieurs régions pléistoséistes
de 9 degrés: chacune d'elles est de forme allongée et suit la direction
des failles abruptes d ’âge alpin. La courbe isoséiste de 8 degrés se
ferme autour de toutes les régions pléistoséistes. C’est un exemple
parfait de concordance des isoséistes avec le réseau des dislocations
alpines par failles qui rejouent jusqu’à nos jours. Une concordance
à peu près analogue fut déjà constatée pour le tremblement de terre

Fig. 250. Tremblement de terre de Gobi-Altaï (1957, Mongolie). Faille


cassant les collines de Hérou; vue du Nord au Sud

de Faïzabad le 22 septembre 1930, l ’aire pléistoséiste correspondant


rigoureusement à la direction de la faille chevauchante (fig. 249, a).
Le tremblement de terre Tchatkalskoïé du 2 novembre 1946
(Tian-Chan) atteignit à l ’épicentre une intensité d ’au moins 9 degrés.
L ’épicentre se trouvait au lieu du contact de la faille chevauchante
dit Tchatkalski (voir fig. 200, chap. 14), séparant la dépression de
Ferghana de la région des soulèvements récents de la chaîne Tchatkal­
ski avec la faille dite Talasso-Ferghanski. Le chevauchement Tchat­
kalski s’étend dans la direction Nord-Est, la faille Talasso-Ferghan­
ski s’allongeant vers le Nord-Ouest. Les courbes isoséistes ont une
forme ovale et suivent le méridien en se conformant à l ’extension des
structures hercyniennes au sein des formations paléozoïques. La
profondeur focale est grande (jusqu’à 100 km), et la carte isoséiste
n’a qu’une signification relative: elle traduit la structure générale
459
7/ • 7Z* 7J‘ 7*' 75'

Fig. 251. Tremblement de terre Tchatkalski (1946):


« — épicentres des secousses consécutives (d’après M. Tcherniavkina);
b — mécanisme des mouvements au foyer (d’après A. Vvédenskaïa)

de la région, mais non pas le milieu tectonique existant au foyer.


Elle ne nous renseigne donc pas sur la faille même qui a été à l ’origine
de l ’ébranlement (fig. 251, a).
Dans ce cas, on peut recourir à la carte des épicentres des secous­
ses consécutives (fig. 251, a). D’après M. Tcherniavkina, ils se si­
tuent au sein d ’une certaine aire, allongée dans le sens Nord-Ouest
(NO 310°) et coïncidant avec la direction de la faille Talasso-Ferghan-
ski (NO 295°), et non pas avec celle de la faille Tchatkalski (NO 40°).
460
On a également réussi à obtenir des renseignements sur les para­
mètres dynamiques du foyer de ce séisme. D’après A. Vvédenskaîa,
l’ébranlement présenta les caractères suivants: azimut de la direc­
tion du plan de faille : NO 319° ; pendage du plan de faille : 80°, vers
le SO (angle af, fig. 251, b) ; la lèvre Sud-Ouest s ’est déplacée vers
le Nord-Ouest; le vecteur correspondant au rejet s ’est dirigé vers
le NO 320° sous un angle de 15° par rapport à l ’horizon (angle a»,
fig. 251, b).
Toutes ces données montrent que le séisme Tchatkalskoïé subit
l’influence des mouvements ayant lieu le long de la faille Talasso-
Ferghanski ; d ’autre part, cette faille présente plutôt les traits d ’un

Fig. 252. Tremblement de terre d'Achkhabad (1948). Structure


schématique de la croûte terrestre dans la région de l’épicentre (d'après
S. Andréev)

décrochement et non pas ceux d ’un chevauchement ou d’une faille


normale à plan de faille abrupt et au déplacement relatif des lèvres
suivant ce plan dans une direction proche de l’horizontale. La cassure
est ancienne et date au moins de la fin du Paléozoïque; d ’après
A. Péivé, elle est très profonde. La faille aurait pu rejouer sur toute
la profondeur, car le tremblement de terre Tchatkalskoïé a produit
trois secousses émanant successivement de foyers situés respective­
ment à 100, 30 et 0 kilomètres de la surface.
Ainsi, le séisme Tchatkalskoïé est un exemple de rapports séismo-
tectoniques très complexes ayant été mis en évidence à l ’aide de
diverses méthodes de recherche.
Le séisme d ’Achkhabad du 5 octobre 1948 s ’est produit au sein
d’un foyer inconnu jusqu’à cette date. La caractéristique géologique
de cette région est la suivante (fig. 252). Des couches épaisses et plis-
sées du Crétacé (Cr) qui composent le Kopet-Dag bordent, en suivant
un grand chevauchement, la dépression tectonique des Kara-Koum
(«avant-fosse,»), remblayée de dépôts tertiaires (Tr) d ’une épais­
seur de 5 km. La couche1 de granité dans la zone de dépression cor-

1 L’expression de couche est employée ici dans un sens n’ayant aucun


rapport avec la formation de dépôts sédimentaires.
461
res pond aux conditions d ’une aire stable (de plate-forme), c ’est-à-
dire que son épaisseur ne dépasse pas 10 km. Au Sud, cette épaisseur
s’accroît, ce qui est un indice de l ’existence d ’une « racine sialique »
sous les roches plissées du Kopet-Dag. Le foyer du séisme se trouvait
à une profondeur de 15-20 km au pied de la couche de granité, dans
la zone marquant le passage de la « racine » aux assises d ’épaisseur
normale.
Le Grand chevauchement du Kopet-Dag, qui sépare les formations
mésozoïques plissées du Kopet-Dag des dépôts tertiaires de l ’avant-
fosse, n ’avait aucun rapport avec le séisme d ’Achkhabad. Mais on a
toutes les raisons de croire qu’il existe en profondeur des dislocations
dont l ’arrangement des éléments est identique. En effet, d ’après
les données de F. Monakhov, le foyer du séisme d ’Achkhabad se
caractérise par les paramètres suivants: à l ’origine un simple décro­
chement lié à un couple de force (« dipôle ») ; le vecteur force était
incliné vers le Sud sous un angle de 60° par rapport à l ’horizon:
le mouvement de la lèvre Sud était dirigé du Sud au Nord et vers
le haut sous un angle d ’environ G0°, c’est-à-dire tout est conforme
aux données qui caractérisent le Grand chevauchement du Kopet-Dag
près de la surface.
Quant aux déformations superficielles provoquées directement
par les séismes, on peut en donner quelques exemples. Le rejet hori­
zontal du décrochement qui accompagna en 1906 le tremblement de
terre de Californie, c’est-à-dire le déplacement relatif des différentes
parties de la croûte dans le sens horizontal, s ’étendait sur des dizai­
nes de kilomètres et avait une amplitude maximale de 6 m. Cel
accident de terrain était connu auparavant sous le nom de « faille
de Saint-André »; lors du tremblement de terre cette faille a rejoué.
Pendant le séisme catastrophique de 1923, les terrains de la
région de Tokyo subirent des déplacements aussi bien horizontaux que
verticaux. On avait l ’impression que la surface du sol se contracta
brusquement en direction de l ’épicentre, c’est-à-dire vers le centre
de la baie de Sagami (fig. 253).
En 1899, lors du séisme intense et fort curieux de Yakoutat (Alas­
ka), le brusque déplacement vertical des blocs de roches atteignit
une amplitude de 10 à 15 m ; ce qui entraîna l ’émersion de certains
secteurs du fond marin et l ’immersion de secteurs de terre ferme.
De tels exemples sont multiples.
Tout ce qui vient d ’être exposé souligne le lien étroit entre les
séismes et les jeunes structures tectoniques. Donc, la cause principale
de l'activité séismique au sein de la croûte terrestre réside dans les
phénomènes tectoniques, c’est-à-dire les déplacements de la matière
dans la partie externe du globe terrestre. Les séismes sont en rapport
avec le processus de formation toujours en cours des structures tec­
toniques nouvelles. A. Orlov, le premier séismologue russe, a souli­
gné ce fait dès 1887 : « Nul doute que les tremblements de terre
sont... en rapport étroit et direct avec les formes extérieures de la
462
croûte terrestre, avec la direction des soulèvements principaux, avec
les dislocations et les ruptures de continuité dans les dépôts supé­
rieurs, etc. »
Quant à la cause directe des mouvements au foyer lors des séismes
tectoniques, elle réside dans le brusque déplacement des masses sous
l’effet des forces élastiques qui se déclenchent quand les contraintes

dépassent la charge de rupture des roches. Les contraintes tectoniques


s ’accumulent lentement, petit à petit, d ’une façon continue et régu­
lière, avec des interceptions durant les brusques modifications de la
répartition des forces au moment de la libération de l ’énergie, c’est-
à-dire lors du tremblement de terre.
Outre les séismes tectoniques, on distingue les séismes volcani­
ques, déclenchés par les éruptions volcaniques et ceux d'effondre­
ments dus aux éboulements ou à l ’affaissement de galeries souterrai-
463
nés, karstiques par exemple. Ces deux types de tremblements de terre
ne sont pas très intenses et leur zone de propagation est relativement
restreinte.
§ 9. Prévision des tremblements de terre
Prévoir un tremblement de terre c’est indiquer le lieu où les secous­
ses se feront sentir, l ’intensité du séisme attendu, et enfin le moment
auquel il se manifestera.
Les cartes de la répartition des séismes (voir § 10) permettent de
donner aux deux premières questions des réponses satisfaisantes.
Quant à la troisième, il est très difficile d ’y répondre. Les recher­
ches se poursuivent dans plusieurs directions. Une des voies suivies
est la suivante : la surface des régions où des mouvements tectoniques
s ’observent, éprouve constam­
ment des déformations très faibles,
des mouvements de bascules, des
gauchissements. Avant le séisme,
le rythme de ces mouvements se
modifie, de même que leur régi­
me. En les observant et en notant
à quel moment ils atteignent un
niveau critique, on peut prévoir
la secousse séismique. Des recher­
Fig. 254. Variations des inclinaisons ches de ce genre sont effectuées
du sol et du tremblement de terre
enregistrées par la station clinométri- à l ’aide d ’appareils appelés
que de Douchanbé (1950). Les chiffres clinomètres.
12 et 13 indiquent les instants du dé­ Peut-on se fier aux renseigne­
clenchement des tremblements de terre ments ainsi obtenus? V. Bontch-
dujl2 janvier (6 degrés) et du 13 janvier
(4 degrés) 1950 (d’après V. Bontch- kovski qui a étudié ce problème
kovski) en a tiré les conclusions suivantes.
1. L
tions des mouvements de bascule
(brusques et fréquents changements de direction et de vitesse des
inclinaisons) témoignent sans aucun doute d ’une activité séismique
provoquant des tremblements de terre sensibles. Ces brusques intensi­
fications précèdent de peu les tremblements de terre sensibles.
2. Durant les calmes séismiques on n ’observe pas d ’intensifi­
cation brutale des mouvements de bascule.
3. La direction des inclinaisons durant une telle intensification
des mouvements de bascule n ’indique pas la position de l ’épicentre.
4. Les observations ne fournissent pas encore de renseignements
précis sur les inclinaisons pouvant indiquer les tremblements de ter­
re ; mais il se peut que par la suite le perfectionnement de cette mé­
thode le permette (fig. 254).
Le problème peut être abordé d ’une façon différente.
Il a déjà été dit qu’un tremblement de terre se prépare par l ’accu­
mulation de contraintes au sein d ’un compartiment donné de la croû-
464
te terrestre; il en résulte donc des changements dans les propriétés
élastiques des roches. La vitesse de propagation des ondes séismiques
à travers ces roches se modifie en conséquence. Ne pourrait-on pas
mesurer ces variations et fixer le moment où la vitesse atteint la
valeur critique témoignant de l ’accumulation de contraintes dange­
reuses? Pour mesurer la vitesse qui nous intéresse et observer ses
variations il suffit de faire appel aux méthodes déjà connues de pros­
pection séismique: on produit des explosions périodiques en un lieu
et on enregistre en un autre lieu les ondes ainsi émises. Ce procédé
a été proposé par le séismologue soviétique G. Gambourtsev et il
est actuellement à l ’étude. Il est encore trop tôt de parler des résultats,
mais il est possible qu’il soit un moyen de prévision efficace.
Une troisième méthode a été élaborée récemment et elle s’avère
très prometteuse. Lors du déclenchement ou de la préparation d ’un
séisme il apparaît au sein de la Terre des ondes élastiques de nature
fort diverse, y compris des ondes sonores. Il est bien connu que les
tremblements de terre s ’accompagnent souvent d ’un grondement
souterrain perçu par l ’homme mais qui n ’est pas enregistré par les
appareils séismiques ordinaires. Ce grondement est « un phénomène
acoustique dû à la fusion d ’une multitude de fissures isolées en une
cassure unique » (M. Antsyférov). Ne pourrait-on pas utiliser des
microphones sensibles et enregistrer les sons présageant un séisme?
Selon M. Antsyférov, les travaux préliminaires ont montré qu’« étant
donné le perfectionnement très poussé des techniques acoustiques,
on peut utiliser celles-ci aux prévisions à brève échéance des séismes
locaux ». La difficulté consiste à détecter les bruits qui nous inté­
ressent parmi tous ceux qu’enregistre le microphone; or, c’est une
tâche qui est loin d ’être simple.
Les recherches sont également poursuivies dans d ’autres voies.
On sait depuis longtemps que des liens existent entre les tremblements
de terre et les modifications du champ magnétique. A. Kalachnikov
qui a étudié ce problème souligne: « Il se peut que des phénomènes
mécaniques provoqués par les tremblements de terre à la surface
de la Terre aient à l ’origine des phénomènes thermiques et électro­
magnétiques qui se déroulent au sein de la croûte, et qui apparais­
sent avant le séisme. » S’il en est ainsi, les phénomènes « non mécani­
ques » de ce genre peuvent devenir « des véritables indices d ’un
tremblement de terre ». Il est vrai que les observations effectuées
récemment en Asie centrale ont montré que les perturbations du
champ magnétique ne précèdent qu’un tiers seulement des ébranle­
ments séismiques. Cependant, avec le perfectionnement des appa­
reils et des méthodes d ’observation, on arrivera peut-être à déceler les
signes précurseurs plus fréquemment et avec une plus grande certi­
tude.
A. Tikhonov, qui a étudié le problème du point de vue des liens
s ’établissant entre les séismes et les courants telluriques engendrés
dans le sol par l ’onde élastique d ’un tremblement de terre, considère
30—927 465
que ces liens peuvent réellement exister et s ’expliquer par l ’effet
dit piézoélectrique (production d ’un courant électrique très faible
sous l ’effet de la compression des roches). S’il en est ainsi, on peut
espérer que l ’étude des courants telluriques pourra contribuer à la
prévision des séismes. On peut signaler que dès 1887 A. Orlov suggé­
rait qu’un galvanomètre pourrait prédire les tremblements de terre.
On poursuit également des recherches afin d ’établir le rapport
existant entre les séismes et les variations « du gradient du potentiel
électrique dans l ’atmosphère », c’est-à-dire celles du champ électri­
que au sein de l ’atmosphère. D ’après V. Bontchkovski, pour des
tremblements de terre sensibles (d’une intensité à 4 degrés), les
résultats obtenus sont « prometteurs ».
Des rapports sur la prévision des séismes furent présentés à la
Xe Assemblée générale de l ’Union géodésique et géophysique (sep­
tembre 1954, Rome). Le savant japonais Hudiwara fit un exposé
sur les niveaux à bulle d ’air et les clinomètres à quartz de son inven­
tion qui permettent d ’enregistrer les variations des mouvements de
bascule du sol avant le déclenchement des séismes.
Les savants Sassa et Nichipoura présentèrent un rapport sur les
recherches entreprises à l ’aide de tiltmètres (clinomètres) d ’un modè­
le nouveau permettant d'enregistrer les variations des mouvements
de bascule et de prédire ainsi les séismes destructeurs; d ’après les
auteurs, ces variations sont signalées quelques mois avant le séisme,
mais parfois quelques heures avant seulement, et avec une intensité
d ’autant plus grande qu’on se trouve plus près de l ’épicentre du
futur séisme.
Ainsi, plusieurs voies se précisent qui pourront peut-être dans
l’avenir permettre la prévision des séismes, mais cette perspective
est encore lointaine. Cependant, les séismes ne sont pas des événe­
ments fortuits, ils sont dus aux mouvements tectoniques se dérou­
lant au sein de la Terre et, étant précédés d ’une longue période de
préparation, ils doivent donc avoir des signes précurseurs qui, un
jour ou l ’autre, pourront être découverts par l ’homme.

§ 10. Répartition géographique des séismes


et construction aséismique
L'étude de la sêismicité régionale a pour but essentiel l ’obtention
de renseignements sur l ’intensité maximale que peuvent atteindre
les tremblements de terre éventuels dans telle ou telle région. Ces
renseignements ne peuvent être acquis qu'après une analyse minutieu­
se de toutes les données séismiques concernant le territoire envisa­
gé, une étude détaillée des séismes enregistrés durant une période
assez importante et de leur rapport avec la géologie.
Dans ce but, il faut tout d ’abord étudier le régime séismique de
la région, c'est-à-dire les secousses qui y ont été ressenties dans le
passé ; plus la période sur laquelle s ’étend cette étude est grande et
466
plus les conclusions seront précises. Ensuite, il convient d ’établir
les conditions géologiques des séismes, ainsi que les structures aux­
quelles ils sont associés. Une fois ces renseignements obtenus pour
une série de régions, on peut les étendre à d ’autres régions, si l ’envi­
ronnement géologique est identique. On dresse ainsi des cartes de la
séismicité régionale sur lesquelles on reporte, en utilisant des symboles
conventionnels, l ’intensité séismique en degrés prévue pour cha­
que lieu.
L’étude du régime séismique de l ’U.R.S.S. montre que les plai­
nes de la partie européenne du pays n ’ont jamais connu d ’ébranle­
ments dévastateurs et sans doute n ’en ressentiront pas de sitôt. En
certains endroits du Caucase, de la Turkménie, de l ’Asie centrale,
dans la région du Baïkal et au Kamtchatka, les tremblements de terre
peuvent atteindre une intensité de 8-9 degrés et plus. Des séismes
encore plus intenses peuvent se produire dans le Kopet-Dag, le Tian-
Chan, le Pamir et dans certaines régions du Sud du Baïkal, sur la
côte orientale du Kamtchatka. Ces renseignements sont reportés
sur les cartes de la séismicité régionale.
Une première carte des régions séismiques de l ’U.R.S.S. a été
dressée en 1936. La carte actuelle corrigée et complétée a été publiée
en 1957 ; c’est un document officiel permettant de juger de l ’intensi­
té maximale des tremblements de terre éventuels en tous les points
situés dans les régions séismiques de l ’U.R.S.S. (fig. 255).
La nécessité de l ’étude de la séismicité régionale est dictée par
les besoins de l ’économie nationale. Les maisons d ’habitation et les
établissements industriels doivent être construits de façon à pouvoir
résister aux tremblements de terre et assurer leur fonctionnement
normal durant les séismes.
En évaluant les dégâts causés par les séismes, il convient de tenir
compte non seulement de l ’environnement tectonique général, de
l ’intensité des mouvements actuels, etc., mais aussi des conditions
topographiques locales. Les accidents du relief, la nature du sol, la
profondeur des couches aquifères, autant de facteurs qui exercent une
influence sur l ’effet extérieur de l ’ébranlement, le renforçant ou
l’atténuant. L’étude de l ’influence exercée par les conditions
géologiques est l ’objet de la branche séismologique qui porte le
nom de séismologie régionale.
Suivant les dangers que peut entraîner un séisme on procède à
l’édification des bâtiments et des autres ouvrages d ’art en se confor­
mant à telles ou telles règles de constructions aséismiques. D’après
les cartes de séismicité régionale, complétées par des données sur le
milieu géologique local (nature des terrains, etc.), on détermine
l’intensité éventuelle des tremblements de terre. En tenant compte
de cette intensité, on établit alors les plans de construction. Ainsi,
la fabrique textile d ’Achkhabad avait été construite en prévision
d ’un tremblement de terre d ’une intensité de 9 degrés. Ce fut juste­
ment l ’intensité enregistrée lors du tremblement de terre de 1948
30* 467
Fig. 255. Carte d es région s s é ism iq u e s do l ’ U . n . S . S .
et la fabrique ne fut que très peu endommagée. Il en fut de même
des tours de l ’élévateur en béton armé édifié également à Achkhabad,
qui ont bien supporté le séisme. Les bâtiments du Musée régional
et de la Banque d ’E tat construits en briques résistantes liées par
des mortiers spéciaux ne subirent presque pas de dommages. Quant
aux maisons mal construites, elles furent détruites. Des exemples
de ce genre abondent.
Pour permettre aux édifices de résister aux secousses il est recom­
mandé en premier lieu d ’utiliser des matériaux de construction

Fig. 256. Bâtiment édifié dans une zone séismique d'une intensité de
8 degrés. On distingue entre les étages les ceintures de béton armé

de bonne qualité ; il faut se conformer en outre aux normes aséismi-


ques : alléger les toits, exclure les éléments de construction lourds et
de nature décorative (corniches en saillie, grands balcons, reliefs
sculptés) ; il est recommandé aussi de limiter le nombre d ’étages
et de prévoir, à chaque étage, une ceinture de béton armé ou de bri­
ques armées consolidant l ’édifice, etc. (fig. 256). Il existe des
instructions détaillées relatives aux constructions à édifier dans
des régions dans lesquelles se manifestent des séismes d ’une inten­
sité donnée en se conformant aux normes de construction
aséismique. En U.R.S.S., la construction des édifices aséismiques,
tâche d'Etat d'importance capitale, est régie par les administrations
gouvernementales. L’observation rigoureuse des normes aséismiques
réduit fortement le danger de destruction d ’édifices par effet des
chocs souterrains.
C H A P I T R E 1 7

Magmatisme

On entend par magmatisme l'ensemble des phénomènes complexes


liés à l'activité énergétique interne du globe, qui se manifestent soit
par la montée du magma Jusqu'à la surface, soit par son intrusion
dans l'épaisseur de l'écorce où il se consolide à des profondeurs varia­
bles en donnant des venues de dimensions et de formes diverses.
Suivant la nature des mouvements du magma et le niveau de sa
pénétration dans la croûte terrestre, on distingue deux formes de
magmatisme : le magmatisme de profondeur (intrusif) quand le mag­
ma monte des foyers profonds des zones sous-corticales, pénètre par
injection dans la croûte, sans atteindre la surface, et se consolide
à des profondeurs variées ; et le magmatisme de surface (effusif) se
manifestant par l ’arrivée du magma à la surface, où il forme des cou­
lées de lave; il comprend l ’ensemble des manifestations volcaniques.
C’est pourquoi on donne souvent au magmatisme effusif le nom de
volcanisme (de Vulcain, Dieu du feu des Romains). Toutefois, nom­
bre d ’auteurs donnent au terme de volcanisme un sens plus large
englobant tous les phénomènes conditionnés par l ’activité du magma
à la surface et en profondeur. Mais il est préférable de n ’employer ce
terme que pour les phénomènes du magmatisme effusif, comme dans
le présent manuel, en restreignant son sens. Les deux aspects du
magmatisme ne sont que l ’expression des formes diverses du mouve­
ment complexe du magma. Les conditions différentes de manifesta­
tion de ce phénomène sont à l ’origine de la formation des types de
roches correspondants.

§ 1. Magmatisme effusif ou volcanisme


Les éruptions volcaniques et les appareils d ’évacuation ou vol­
cans qui leurs sont associés constituent une des formes du mouve­
ment du magma. Une éruption volcanique fait monter à la surface
des laves en fusion (de température de l ’ordre de 900—1200°), des
gaz, des vapeurs d ’eau, ainsi que des cendres et d ’autres produits
solides. Les éruptions peuvent avoir un caractère calme, lorsque la
lave s ’écoule graduellement des points de sorties et s’étale sur les
versants, ou violent si elles sont accompagnées d ’explosions puis-
470
santés et de projection dans l'atmosphère de gaz et de laves abon­
dants qui se dispersent dans l ’air et retombent sur les versants des
montagnes volcaniques et aux alentours. Les éruptions peuvent
également avoir un caractère mixte.
Les volcans peuvent être classés en :
1) volcans centraux (lorsque l ’éruption emprunte le conduit cen­
tral) et
2) volcans linéaires (quand l ’épanchement de la lave se produit
par des fissures de la croûte terrestre).
Un volcan du type central est une montagne en forme de cône
aux contours plus ou moins réguliers et dont les versants présentent
un angle de pente de 30 à 35° et plus.

Fig. 257. Structure des appareils volcaniques:


/ — cratère ; 2 — cratère adventif ; 3 — cheminée (tuyau) ; 4 — somma ;
5 — caldeira ; 6 — maar

Chaque volcan a une cheminée, conduit traversant les roches en


place que suivent les produits d ’éruption. Au sommet se trouve un
exutoire en forme de cavité, le cratère, qui surmonte la cheminée
(fig. 257).
Les cheminées de certains volcans comportent des conduits adven-
tifs par lesquels s ’échappent la lave, les gaz et les scories : ces points
de sorties se signalent par des cônes reproduisant à une échelle rédui­
te les montagnes volcaniques. On les appelle volcans adventifs ou
parasites ; ils se situent sur les versants de grands volcans. Ces cônes
adventifs parsèment les versants de l ’Etna en Sicile et du volcan
Klutchevskaïa au Kamtchatka.
Les sommets des volcans peuvent subir des destructions au cours
des âges et se transformer en d ’énormes cavités à parois abruptes et
à fond plat que l ’on appelle caldeira. Leur origine peut être diverse.
Parfois, elles semblent dues aux explosions violentes et à l ’expulsion
de grandes quantités de matériaux solides ; parfois elles s ’expliquent
par l ’effondrement de la partie supérieure du cône volcanique qui
471
comble le vide créé par Texplosion et le brusque retrait du
magma ; parfois encore elles sont produites par la désagrégation
et l ’érosion des parois du cratère. A l ’intérieur des caldeira de
nouveaux cônes peuvent s ’élever; ils sont ordinairement de di­
mensions réduites et un espace annulaire les sépare des parois de
la caldeira.
Certains volcans comportent des cônes emboîtés (somma). Le
Somma est, à proprement parler, ce qui reste du large vallum de

Fig. 258. Vésuve. Cône édifié à l’intérieur du Somma lors de l'éruption de 1944

l ’ancien cratère du Vésuve; un cône plus récent et bien conservé dû


à la reprise de l ’activité du volcan s ’élève à l ’intérieur du Somma
(fig. 258).
Les flancs des volcans constitués par des laves solidifiées sont
souvent entaillés par des ravins rayonnants qui descendent du cra­
tère en pente raide et qu’on appelle barrancos. Parfois, ces barrancos
sont si serrés que seules des crêtes étroites les séparent, donnant aux
flancs des cônes un aspect côtelé.
Parmi les appareils volcaniques conservés jusqu’à nos jours on
peut distinguer les volcans actifs et les volcans éteints. Actuellement,
on compte 450 volcans actifs. Il est vrai que cette distinction est
toute relative, car on ne peut pas être certain qu’au moins
quelques-uns des volcans aujourd’hui éteints ne reprendront pas
leur activité.
472
§ 2. Principaux types éruptifs
Les volcans centraux peuvent être classés en plusieurs types
éruptifs d ’après la constitution et les propriétés de la lave, la riches­
se en gaz, la nature des éruptions et la structure des appareils volca­
niques.
1. Cratères ou cheminées d'explosion. C’est la forme la plus sim­
ple de manifestation de l ’activité des volcans: un tuyau (cheminée)
perçant verticalement les roches encaissantes qui s ’élargit vers le
haut en forme d'entonnoir. 11est produit par une seule éjection violen­
te de gaz. La cheminée et le cratère sont surtout remplis de produits
m
360r
320 \
zso'-

Fig. 259. Coupe de la cheminée diamantifère «Mir», Yakoutie.


/ — dolomies, calcaires, marnes de l’Ordovicien inférieur (série Oust-
Koutskaïa) ; 2 — argiles, sables argileux, dépôts farineux consolidés,
houille du Jurassique inférieur (couches inférieures de la série Oukougout-
skala) ; 3 — dépôts de sables, de sables et graviers et de sables et de
galets du Jurassique inférieur (couches supérieures de la série Oukougout-
skaîa) ; 4 — sables, graviers et galets avec argile kaolinique supposée du
Tertiaire supérieur; 5 — kimberlite (d’après E. Elaguina, N. Kind.
P. Potapov)

d ’éruption solides et entourés parfois d ’une couronne peu saillante


de projections meubles. On ne découvre pas dans ce cas d ’extrusion
de laves. Les formes de ce genre sont surtout nombreuses dans les pays
rhénans en Allemagne où les cratères sont généralement occupés
par un lac. On leur donne le nom de maar (fig. 257). Le diamètre de
ces volcans monogéniques varie de 250 à 3 000 m.
Des cheminées d ’explosion de ce genre sont depuis longtemps
connues près de Kimberley en Afrique du Sud où elles sont associées
aux gisements diamantifères. Ces cheminées se distinguent des maars
par l ’absence d ’eau dans leurs cratères; on les appelle pipes ou dia-
trèmes.
Ces dernières années on a trouvé des cheminées d ’explosion en
Yakoutie, découverte très importante, car c’est un signe de l ’existen­
ce de pipes diamantifères ; or, le diamant est largement utilisé dans
de nombreuses branches industrielles. La structure géologique d ’une
de ces cheminées (« Mir ») est représentée sur la fig. 259. Il a été éta­
bli qu’elle datait du Trias.
473
2. Le type vulcanien (etno-vésuvien). On classe sous cette appel­
lation les volcans européens connus comme l'E tn a (altitude 3 522 m,
Sicile), le Vésuve (altitude 1 186 m, près de Naples) et plusieurs
grands volcans du Kamtchatka. Ces volcans complexes manifestent
fréquemment leur activité par des éruptions violentes, des explosions
de gaz et des éjections de grandes quantités de matériaux solides.
Leurs laves sont ordinairement neutres ou acides (andésites et daci-
tes), visqueuses et très peu mobiles; il est fréquent qu’après solidi­
fication il se forme dans le cratère une croûte sous laquelle s ’accumu­
lent des gaz qui ne trouvent pas d ’issue. Leur pression augmentant,
il se produit finalement une explosion violente qui déclenche une
éruption.
Au début de l ’éruption on observe des émanations abondantes
de gaz et de vapeurs d ’eau mélangés à des cendres. Des colonnes de
fumée sombre, composée de masses de gaz, s ’élèvent à plusieurs kilo­
mètres. Le phénomène augmentant d ’ampleur, des morceaux de lave
incandescente sont projetés du cratère et se solidifient dans l ’air;
les explosions et les éjections de « bombes » volcaniques s ’accélérant,
la lave en fusion commence à sortir du cratère et transforme en nuées
ardentes en colorant en rouge les puissants nuages de vapeurs.
La lave, après avoir atteint les bords du cratère, s ’écoule plus ou moins
vite le long des flancs du volcan en empruntant les rigoles et en for­
mant parfois des coulées étroites, longues de dizaines de kilomètres.
L’avancée de la lave incandescente détruit tout sur son passage.
Pendant l ’éruption, les flancs du volcan et les environs se couvrent
d ’une couche épaisse de scories, de lapilli, de bombes volcaniques.
Puis toutes ces manifestations de l ’activité du volcan cessent pour
un temps indéterminé.
Le régime et le caractère des éruptions déterminent la structure
de l ’appareil volcanique, de son cône qui s ’appelle strato-volcan
ou volcan stratifié. Ses versants sont constitués de projections solides,
surtout de tufs volcaniques alternant avec des coulées solidifiées.
3. Le type peléen a reçu son nom de la Montagne Pelée de l ’île
de la Martinique (Antilles). La lave de ce volcan est très visqueuse.
Elle se solidifie dans le cratère d ’où elle est lentement expulsée par
la pression des gaz. Il se forme ainsi un culot qui obstrue l ’issue.
Les gaz s’accumulent en masse puis provoquent des explosions vio­
lentes qui projettent d ’énormes quantités de matériaux solides.
L’éruption catastrophique de la Montagne Pelée en 1902 fut provo­
quée par une explosion d ’une force extraordinaire qui projeta une
nuée de gaz et de cendres incandescente (portée à 800°) ; cette nuée
ardente déferla vers le bas du versant à la vitesse de 150 m par secon­
de et détruisit tout sur son passage. C’est ainsi que Saint-Pierre,
capitale de la Martinique comptant trente mille habitants, fut rasée
en quelques minutes. Après l ’éruption, une sorte d ’obélisque s ’édifia
au-dessus du volcan, haut de 300 m, empêchant de nouveau la sortie
des gaz. Cet obélisque, composé d ’andésite, s ’écroula peu après.
474
Les volcans de ce type sont surtout formés de produits volcani­
ques solides et de fragments de la roche encaissante rejetés lors de
l'éruption. Les cônes qu’ils constituent s ’appellent cônes de débris.
4. Le type bandaïsanais (ou ultra-vulcanien) doit son nom au
Bandaî-san, le plus grand volcan du Japon. Les volcans de ce type
déclenchent des éruptions très violentes qui s ’accompagnent de l ’éjec­
tion d ’une grande quantité de fragments de dimensions variées et
sans émission de lave. Outre le Bandaî-san qui se manifesta avec une
force particulière en 1888 (après un repos millénaire), on classe dans
ce groupe le Katmai de l ’Alaska et le Krakatoa qui se trouve dans
le détroit de la Sonde entre les îles de Java et de Sumatra et qui est
connu pour ses éruptions violentes de 1883.
5. Le type hawaiien. On classe dans ce type les volcans des îles
Hawaii et ceux d ’Islande. L ’île Hawaii de l ’archipel des Sandwiches
possède deux volcans : le Mauna Loa qui s ’élève à 4 166 m au-dessus
du niveau de la mer et à 8 766 m au-dessus du fond de l ’océan, et le
Kilauea qui se trouve sur le versant Sud-Est du Mauna Loa et s ’élève
à 1 230 m au-dessus du niveau de la mer.
En Islande, les volcans de ce type sont ordinairement peu élevés.
Le plus grand est le Kodlatta-Dinghia.
Les éruptions des volcans du type hawaiien se distinguent forte­
ment de celles des types précédents. Leur lave est basique, basalti­
que et très fluide, relativement pauvre en gaz, portée à une tempéra­
ture élevée (environ 1 200°). Les gaz se dégagent, plus ou moins
aisément, en formant de petits jets. Les explosions sont rares. Dans
l ’ensemble, l ’éruption se déroule calmement. La lave déborde pério­
diquement le cratère et s’épanche sur les versants en formant des
coulées de 40 à 50 km de long (pour les volcans hawaiiens) et de 80 km
pour certains volcans islandais. Si la lave s’épanche régulièrement
dans toutes les directions, elle forme des nappes. La vitesse d’écou­
lement de la lave basaltique est de 4 à 5 m/s et par endroits, sur les
pentes très raides, jusqu’à 8 m/s. Lorsqu’il y a une rupture de pente
(ressaut), elle s ’écoule en formant des cascades qui rappellent des
chutes d ’eau.
Les principaux produits d ’éjection des volcans du type hawaiien
sont les laves basaltiques liquides, une quantité relativement faible
de gaz et parfois des scories légères très bulleuses (cheveux de Pélée).
L'appareil volcanique est essentiellement construit de couches ou
nappes de lave solidifiée qui forment un énorme soulèvement surbais­
sé et plat dont les versants ont des angles de pente de 5 à 8°; c’est
cette forme particulière qui est à l ’origine de l ’appellation de bou­
clier donnée à ces calottes de laves basiques.
Enfin, il convient de signaler le type strombolien (nom provenant
du volcan Stromboli, aux îles Lipari dans la Méditerranée) dont les
laves sont basiques, mais d ’une moindre fluidité et d ’une tempéra­
ture de 1000-1100° (fig. 260). La viscosité plus élevée de la lave
conditionne l ’accumulation de gaz et augmente la pression. Les
475
éruptions prennent la forme d ’explosions pulsées avec projection
de bombes volcaniques, de lapilli et de scories dont les couches, en
alternant avec les coulées de lave solidifiée, constituent le cône.
En conclusion il faut souligner que les types hawaiien, vulcanien
et péléen (et le type bandaîsanais très proche) se distinguent très
nettement. Cette classification n ’a rien d ’absolu, car il existe de
nombreuses formes intermédiaires ; de plus, la composition des laves
et le type dynamique d ’un même volcan varient avec le temps.

Fig. 260. Stromboli. Iles Lipari, Italie

6. Eruptions linéaires ou fissurales. Les extrusions de lave peu­


vent se produire non seulement par des points de sortie centraux
mais aussi à partir des fissures profondes et allongées affectant la croû­
te terrestre. Ordinairement, il s ’agit d ’une lave basique très fluide
et très mobile. En débordant d ’une fente, elle s’épanche sur un vaste
espace et, une fois solidifiée, elle forme des nappes (champs de lave).
Durant l ’époque historique on a enregistré des éruptions linéaires
en Islande. En 1873, il s ’est formé dans cette île une nappe de lave
basaltique qui s ’est répandue sur une surface de 557 km2 à partir
d ’une cassure longue de 32 km (volcan Laki). Mais les éruptions
linéaires ont atteint des dimensions particulièrement grandes à des
époques géologiques révolues.
D ’énormes plateaux de lave couvrant une surface de 500 000 km2
et plus se rencontrent en Colombie et dans la région de Snake-River
476
(Nord-Ouest des U.S.A.)- Ils sont dus à des éruptions linéaires qui
se sont produites entre le Miocène et le Quaternaire. L'épaisseur de la
nappe basaltique y atteint parfois 1 000—1 500 m.
Le plateau de lave du Deccan (Inde) est encore plus vaste ; les
émissions de lave les plus violentes datent ici de la fin du Crétacé
et du Paléogène.
Des nappes basaltiques existent en Grande-Bretagne (plateau
Antri), en Arabie et en Syrie, dans certaines parties de l'Afrique
et de l ’Australie.
En U.R.S.S., des éruptions linéaires de grande envergure se sont
produites dans la région du Plateau Arménien, au Néogène et au
Quaternaire. La lave, en débordant des fentes, s’est répandue dans
toutes les directions et, en remplissant les dépressions du relief, elle
a aplani la surface du sol. Les nappes basaltiques recouvrent ici une
superficie de l ’ordre de 50 000 km2.
Des champs de laves très vastes et très anciens existent aussi en
Sibérie où on les appelle « trapps ».

§ 3. Eruptions de certains volcans d’Europe et d’Asie


L ’éruption du Vésuve en 79 et les ruines de Pompéi. C’est une
des éruptions les mieux connues. Elle détruisit les villes d ’Her-
culanum et de Pompéi et causa de graves dommages aux agglomé­
rations, aux champs et aux jardins des environs de Naples.
L ’éruption débuta durant la journée du 24 août. Pline le Jeune,
encore adolescent à l ’époque, se trouvait au cap Misène, à 30 km
du Vésuve, d ’où il put observer l ’éruption. Plus tard, il fit le récit
des impressions ressenties dans deux lettres adressées à l ’écrivain
romain Tacite, lettres qui sont considérées comme les plus brillantes
et les plus anciennes descriptions volcanologiques.
Pline signale d ’abord un nuage « d ’une grandeur et d ’une forme
extraordinaires... à le voir de loin, il était difficile de distinguer
de quelle montagne il sortait (on sut après que c’était le Vésuve)...
C’était comme un tronc fort allongé qui s ’élevait très haut et se parta­
geait en un certain nombre de rameaux... Il était tantôt blanc, tantôt
sale et tacheté, selon qu’il avait entraîné de la terre ou des cendres»
Une flotilie romaine commandée par Pline l ’Ancien, oncle
de Pline le Jeune, se trouvait à proximité du même cap Misène.
Pline l ’Ancien donna l ’ordre de mettre à l ’eau les quadrirèmes,
grands bateaux à quatre rangs de rameurs, et de se diriger vers la
ville de Stabies pour porter secours aux habitants des environs du
Vésuve en détresse.
« Il court là d ’où les autres fuient et gouverne droit au péril...
Déjà la cendre tombe sur les vaisseaux, et plus ils approchent, plus
elle est chaude et épaisse; puis ce sont des pierres ponces et des
cailloux noircis, calcinés, brisés par le feu. » Les bateaux abor­
dèrent.
477
« Cependant, on voit luire en plusieurs endroits du Vésuve
des flammes très larges et des jets de feu s ’élèvent très haut dont la
lueur éclatante est accrue par les ténèbres de la nuit... Les bâti­
ments chancèlent, ébranlés par de violentes et fréquentes secousses
et comme arrachés de leurs fondements; ils semblent aller d ’un
côté et de l ’autre, puis revenir à leur place. En plein air, d ’autre
part, on doit redouter la chute de pierres ponces quoique légères
et desséchées par le feu... On s ’attache des oreillers sur la tête avec
des linges, c’est une protection contre ce qui tombe. Déjà il fait
jour ailleurs, mais là règne une nuit plus noire et plus épaisse que
toutes les nuits... Puis les flammes et une odeur sulfureuse qui
annonce leur approche mettent les autres en fuite et le font (Pline
l ’Ancien — G. G.) se lever. Appuyé sur deux esclaves il se dresse
et tombe tout à coup. Je m ’imagine que la vapeur épaisse le suffoqua
et lui coupa la respiration qui chez lui était faible... »
Des secousses ininterrompues et des mouvements du sol ébran­
laient les environs du Vésuve. « Là mille faits surprenants s ’offrent
à nous, mille terreurs nous assiègent. Les voitures que nous avons fait
avancer sont, quoique le terrain est tout plat, poussées dans des
directions différentes, et même en les fixant avec des pierres, on ne
peut les faire tenir en place. En outre, la mer semble s ’absorber en
elle-même et être comme refoulée par le tremblement de terre...
Le rivage s ’avance, un grand nombre d ’animaux marins demeure
à sec sur la grève. De l ’autre côté apparaît un nuage noir et ef­
frayant : déchiré par un souffle de feu qui le sillonne de traits rapides
et tortueux, il présente en s ’entrouvrant de longues traînées de flam­
mes semblables à des éclairs, mais plus grandes encore... »
Les masses de cendres mêlées à l ’eau formèrent des coulées de
boue qui ensevelirent Pompéi. La boue se solidifia et la ville se
trouva ainsi « fossilisée » et conservée pour des siècles. Au XVIe
siècle, pendant les travaux de déblaiement exigés par la construction
de canalisations d ’eau, l ’architecte Fontana mit à jour par hasard
des ruines d ’édifices et de murs portant des inscriptions et des
fresques. En 1748, on commença les fouilles. Actuellement, presque
tous les quartiers de la ville sont dégagés.
Les ruines sont impressionnantes. Pompéi était une petite ville
très animée avec de nombreuses maisons de pierre, de vastes villas
et un réseau de rues et de places très compliqué. On a déblayé la
place centrale, le Forum, où s ’élevaient divers édifices publics et
les temples (fig. 261). De là, dans toutes les directions, partaient
des rues dallées de larges pierres et bordées de hauts trottoirs. De
nombreuses maisons ont gardé des traces de la vie quotidienne,
donnant l ’impression qu’elle vient d ’y être interrompue. Le Musée
d ’Antiquarium rassemble différents objets de la vie quotidienne:
vaisselle, bijoux, jouets, ustensiles de divers métiers, engins de
pêche, instruments chirurgicaux, restes d ’aliments (des pains cal­
cifiés trouvés dans une boulangerie, du blé, etc.).
478
Au Nord de la Sicile, en pleine mer, se situent les îles Lipari
ou Eoliennes sur lesquelles s’élèvent les volcans Stromboli, Vul-
cano, etc.
Enfin, le cône géant de l ’Etna s ’élève en Sicile même.
Donnons quelques extraits du rapport sur les régions volcaniques
de l ’Italie présenté par un des auteurs de ce manuel après la visite
du pays qu’il effectua en 1954.

Fig. 261. Fouilles de Pompéi. Italie. Forum

« Les Champs Phlégréens sont formés par une série d ’appareils


volcaniques. Ce sont des cônes bas ou seulement des cratères larges
et aplatis, dont le fond abrite parfois un lac.
«Nous sommes d ’abord allés voir le cratère Solfatara (fig. 262).
De grandes flèches blanches avec l ’inscription « Vulcano Solfatara »
nous guident. La voiture s ’arrête près de l ’entrée, on achète un
billet et l ’on s ’engage dans le cratère en descendant un sentier en
pente douce. Le fond est complètement plat et sec. Par endroits, des
fissures laissent échapper des bouffées de vapeurs blanches. Sur
les parois abruptes, parmi les couches de lave et de tufs, brillent de
nombreux cristaux de soufre jaunes très fragiles qui viennent d ’être
formés. Dans des cavités peu profondes une boue fluide bouillonne.
Le sol est chaud et il n ’est pas toujours possible de tenir dans la
main des fragments de roche. Tout près, la Grotte des chiens dans
479
laquelle s’étale au ras du sol le gaz carbonique, mortel pour les
animaux de petite taille comme les chiens et les chats. Il y fait
très chaud, le corps se couvre immédiatement de sueur et la respi­
ration est oppressée.
«L’appellation de ce cratère est devenue commune: tous les
émanations postvolcaniques qui contiennent de la vapeur et des
combinaisons sulfurées à une température d ’environ 150° s ’appellent
solfatares (soufrières).

Fig. 262. Intérieur du cratère du Solfatara. Italie. Champs Phlégréens

«Tout près, se situe un cratère du même genre, le Lac d ’Averne;


il est de forme circulaire et est rempli d ’eau. Le niveau du lac corres­
pond à celui de la mer toute proche. A l ’époque romaine, des sources
thermales jaillissaient au bord du lac et des manifestations d ’acti­
vité fumerollienne s ’observaient. L ’eau des sources était utilisée
dans les thermes (bains publics) connus sous le nom de Tempio di
Apollo, dont les ruines grandioses se sont conservées jusqu’à nos
jours.
«A l ’Est du lac s’élève le cône régulier de Monte Nuovo, montagne
basse et isolée édifiée sous les yeux de l ’homme en 1538; c’est un
volcan miniature très typique. Je l ’escaladai de mauvais gré, suppo­
sant, en me frayant un chemin à travers les broussailles, que rien
de particulièrement intéressant ne m ’attendait en haut. Aussi
480
fus-je surpris lorsque je ne trouvai pas de sommet, mais un cratère
très profond, inattendu, aux formes régulières. Un paysan rassemblait
du foin au fond. Une vue splendide s'offrait à mes yeux, notamment
sur le cap Misène d ’où Pline le Jeune observa l'éruption du Vésuve.
«La visite suivante fut celle du Vésuve.
«Le terminus de l ’autobus se trouve sur le flanc du Vésuve; tout
près s ’élève l ’Observatoire volcanologique qui contient une riche
documentation sur l ’activité du volcan. Les échantillons de laves
qui y sont rassemblés sont très curieux, en particulier ceux de lave
« cordée » et une bonne collection de cristaux de leucite et de barres
d ’aluminium obtenues à partir de ce minéral. On y voit de même
des bas-reliefs imprimés dans la lave visqueuse avant qu’elle ne
se solidifie; divers échantillons de bombes, cendres, tufs, etc. L ’Ob­
servatoire possède également une riche bibliothèque et une collection
de photographies.
«Après la visite, un tramway nous transporte, le professeur
13. Imbô, directeur de l ’Observatoire, et moi-même, jusqu’à la sta­
tion inférieure du téléphérique. Un siège léger suspendu à un câble
nous élève rapidement; la sensation est impressionnante et les
curieux ne sont pas tous pressés de se risquer dans cette aventure.
«Près du sommet les flancs du Vésuve sont très raides, d ’une
cinquantaine de degrés. Ils sont dénudés, couverts de cendres et de
?ros fragments de lave. Les parois du cratère sont abruptes et il
est impossible d ’y descendre. La profondeur du cratère est d ’environ
200 m. Par endroits, une vapeur monte, sa température est de 500°
environ. On voit apparaître des efflorescences jaunes et blanches.
Une couche d ’accumulations meubles est nettement visible; elle
recouvre la lave dense de l ’éruption de 1944 (fig. 263). Une langue
étroite de lave noire descend en longeant l ’Observatoire jusqu’à
la ville de Saint-Sébastien qui fut très éprouvée lors de cette érup­
tion. Le professeur Imbo est plusieurs fois descendu dans le cratère
à cette époque. Il a vu des bombes et des lapilli projetés à une dis­
tance de 16 km et un nuage de cendres de 4 km d ’épaisseur s’élever.
L’Observatoire fut recouvert d ’une couche de 1 m de cendres; le
téléphérique fut détruit. Actuellement, le volcan est assoupi.
«De Naples, nous avons pris le bateau pour aller dans les îles
Lipari et visiter les volcans Stromboli, Lipari et Vulcano. L ’ascen­
sion “;du Vulcano est aisée, car son altitude n ’est que de 400 m. Par­
tout on voit des traces d ’éruptions récentes, des bombes, de la lave,
des cendres. Une vapeur d ’eau très chaude émane de partout, des
jets s ’échappent même du fond de la mer, et l ’on a l ’impression que
près du quai l ’eau bouillonne.
«De même, le Stromboli, qui se distingue par une activité ininter­
rompue, bien que faible ; à des intervalles de quelques minutes, des
cendres noires accompagnées d ’éclairs rouges s ’échappent du nuage
de vapeur recouvrant le sommet. Sur les flancs du volcan, deux
villages assez importants sont cependant installés (fig. 260).
. i l —927 481
Fig. 263. Dans le cratère du Vésuve:
/ — produits des éruptions antérieures; 2 — couche de lave refroidie
formée lors de l ’éruption de 1944 ; 3 — produits meubles de l ’éruption
de 1944
«La localité que nous visitons ensuite est Taormina. C’est une
très ancienne colonie grecque de la côte orientale de la Sicile, dans
un site merveilleux. La bourgade est accrochée à un versant raide
qui descend en gradins vers la mer ; la végétation est abondante. C’est
de là que commence notre ascension de l ’Etna, d ’abord en autobus,
en longeant de jolies coulées de lave noire récente, des jardins et des
vignobles, jusqu’à l ’altitude de 2 km où se trouve le petit hôtel de
Nicolosi, et ensuite à pied pour une ascension de 4 heures. D’abord
le versant, en pente douce, est recouvert d ’une couche meuble de
lapilli, puis, tout en haut, un cône immense s’élève, formé de bom­
bes qui portent des marques de leur nature plastique et d'un refroi­
dissement rapide. Leur aspect est vraiment impressionnant. Le
cratère est complexe, il comporte deux cônes adventifs et une fissure
qui coupe le fond en deux. La vapeur émane de partout en grande
quantité, formant des nuages. Les fragments de lave sont couverts
de placage de soufre, de halotrichite 1 et de pikkereinghite s. J ’ai
eu l ’imprudence de lécher un de. ces minéraux et je me suis brûlé
la langue, sans doute sous l ’effet de l ’acide sulfurique. Les flancs
à pente très douce de l ’Etna comptent plus de 200 cônes parasitaires.
C’est par ces orifices que se sont produits les épanchements de lave
récents. »
Il existe des volcans actifs ailleurs qu’en Europe. Les hauts
volcans d ’Afrique présentent un grand intérêt (montagnes du Came­
roun, fosse d ’effondrement du Kilimandjaro, groupe du Kirounga),
de même que l ’Erébus, volcan de l ’Antarctide (altitude 3 890 m),
qui se dresse parmi les glaces et les neiges de la côte de la Terre
Victoria. Le Japon possède de nombreux volcans dont le plus connu
est le Fuji-Yama (4 062 m), ou comme l ’appelle la population
locale, le Fu-ji-san (« seigneur »). De nombreux volcans s’élèvent
en Indonésie, notamment le Krakatoa. Ils se succèdent ici réguliè­
rement et sont étroitement associés à la tectonique très jeune et
très compliquée de l ’archipel.
Le Krakatoa (détroit de la Sonde). Son éruption en 1883 est
l ’exemple d ’une terrible catastrophe provoquée par des forces
naturelles. Elle s ’est déclenchée après un repos de deux siècles et
elle dura plusieurs mois. Les premiers signes précurseurs de la reprise
de l ’activité se manifestèrent le 20 mai lorsqu’une colonne de vapeurs
d ’eau et de gaz monta du cratère et s ’éleva jusqu’à 11 000 m. Le
phénomène atteignit son paroxysme les 26 et 27 août lorsque quatre
explosions gigantesques se succédèrent. Il en résulta des éjections
d ’énormes masses de produits solides (près de 18 km123), les deux
tiers de l ’île principale formée par le volcan s’effondrèrent et for­
mèrent une dépression profonde (300 m) envahie par la mer. Les
produits expulsés étaient surtout des pierres ponces et des cendres

1 FrAl2(S04)4-22H20 .
2 MgAl2(S04 ) 4*22 H20 .
31* 483
F ig . 2 6 4 . V olcan H o u tia n sy . C h in e, p r o v in c e d e C han-si

Fig. 265. Volcan Houtiansy. Chine, province de Chan-si. La lave recouvre une
couche de loess
volcaniques qui couvrirent en retombant une surface de 800 000 k n r.
La masse de cendre s ’abattant dans la zone du détroit fut telle
qu’elle entrava la navigation. Les explosions produisirent des
vagues gigantesques rappelant les raz de marée observés lors de
séismes marins. La hauteur de ces vagues atteignit 35-36 m. Elles
se déplacèient à une grande vitesse, traversant l ’océan Indien,
le Pacifique et une partie de l ’Atlantique, et elles causèrent de
nombreuses victimes et des destructions sur les côtes de Java et de
Sumatra. Trois villes, plusieurs villages, le remblai du chemin de
fer le long de la côte de Java furent détruits, 40 000 personnes péri­
rent.
Les volcans de Chine présentent également un grand intérêt.
Ils constituent plusieurs groupes dont les plus typiques se trouvent
près de Datung (province de Chan-si) et près de Ten-Tchoung (pro­
vince de Yunan). Tous ces volcans sont éteints, mais leurs cônes
se sont bien conservés, et les coulées de lave semblent être tout
à fait récentes. Le cratère du volcan Houtiansy (groupe de Datoung)
abrite un petit monastère (fig. 264). Au pied du volcan, la coulée
de lave recouvre des accumulations de lœss et elle s’étend elle-
même sous de jeunes formations de lœss (fig. 265), ce qui prouve
qu’au moins une des éruptions s ’est produite durant la formation
du lœss, c’est-à-dire pendant le Quaternaire récent.

§ 4. Propriétés physiques et chimiques


des produits de l’activité volcanique
Les produits de l ’activité volcanique peuvent être divisés en
trois groupes : les émanations gazeuses, les épanchements liquides
et les projections solides.
Emanations gazeuses. A tous les stades, l ’activité des volcans
s ’accompagne du dégagement de vapeur d ’eau et de gaz qui s’échap­
pent de l ’orifice central, des cônes adventifs et de nombreuses fissu­
res. Les gaz dominants sont: H2S, S02, C02, CO, HCl, H, O, N,
Ar, Cl, F. Leur température varie sensiblement, mais elle est géné­
ralement très élevée. Au-dessus de 180°, les dégagements de gaz
s ’appellent fumerolles, de 180 à 100°, solfatares et au-dessous de
100°, mofettes (de l ’italien mofeta, lieu des exhalaisons fétides).
Tous les jets sont principalement constitués de vapeur d ’eau dont
la teneur, d ’après de nombreuses analyses d ’échantillons de gaz,
s’élève à 60-90% du volume global des émanations; d ’autre part,
on trouve dans les fumerolles du HCl et d ’autres composés chlorés
(de fer, de sodium, de potassium, d ’azote), dans les solfatares, du
S02 et du H2S, et dans les mofettes, du C02.
Parfois, le dégagement des gaz dans les régions volcaniques est
très intense. Ainsi, dans la « Vallée des dix mille fumées » (Alaska),
des millions de jets de gaz s ’échappent dans l ’air en amenant à la
surface 23 millions de litres de vapeur par seconde à la température
485
Fig. 266. Larderello. Italie. Dégagement de vapeur d'eau à partir des puits
de sondage
de 600°. Au cours d ’une année, 1 250 000 t de HCl et 200000 t de HF
se perdent ainsi dans l ’air.
Aux environs de la petite ville de Larderello (région de Sienne,
Italie) jaillissent de nombreuses sources thermales, des « lagoni »
(de petits lacs et mares) bouillonnants, et des « soffioni » ou jets
de vapeur. Des sondages ont permis de déceler ici d ’énormes réserves
de vapeur d ’eau. Sous une pression naturelle de 5 atmosphères
la vapeur est amenée par de grosses conduites à la salle des turbines
d ’une usine électrique. La température de la vapeur d ’eau est d ’envi­
ron 200°. Son débit atteint des millions de kilogrammes par heure
(fig. 266). La puissance de la centrale est de 265 000 kW. En 1932,
elle a produit 50 millions de kWh d ’énergie électrique; en 1939,
500 millions; en 1948; 1 milliard et en 1952, 2 milliards.
Outre la production d ’énergie électrique, l ’usine de Larderello
extrait à partir des gaz de l ’acide borique (4 415 t en 1953), du
sulfate, du carbonate et du chlorure d ’ammonium (619 t en 1953),
du borax (4 000-5 000 t), de l ’acide carbonique, du sel carbonique
d ’ammoniaque, de l ’hélium, de la glace sèche et d ’autres produits.
La vapeur et les gaz d ’origine volcanique peuvent être utilisés
dans de nombreuses régions comme source importante d ’énergie et
de matières premières pour l ’industrie chimique.
Epanchements liquides. La lave est le produit essentiel de l ’acti­
vité volcanique; c’est une masse siliceuse incandescente à l ’état
liquide. Comme nous l ’avons déjà dit, la lave se distingue surtout
du magma par une moindre teneur en gaz et en vapeurs d ’eau qui
saturent le magma profond. Pour le reste, sa composition est identi­
que à celle du magma et, suivant sa teneur en silice, on distingue
les laves acides, neutres et basiques.
La composition chimique des laves et leur contenu gazeux déter­
minent pour beaucoup leurs propriétés physiques, leur viscosité,
leur fluidité et, par suite, les types éruptifs. Ainsi, les laves basal­
tiques de composition basique, qui atteignent la surface avec des
températures de l ’ordre de 1 200°, se distinguent par une très grande
fluidité et s ’épanchent sur de grandes étendues en formant des coulées
ou des nappes, alors que les laves plus acides sont visqueuses et
s ’écoulent plus lentement ; en débouchant du cratère, elles se soli­
difient rapidement et forment, sur les flancs des volcans, des coulées
relativement courtes.
La lave se solidifie d ’abord à la surface de la coulée; sous la
croûte solide, une lave liquide peut couler encore longtemps. La
lave répandue comporte toujours une certaine quantité de gaz qui
subsiste également sous la croûte solidifiée. En s ’accumulant en
certains endroits de la lave en mouvement, les gaz se dégagent par
explosions; brisant la croûte solide, ils forment ainsi des blocs qui
se hérissent les uns sur les autres en constituant une surface chaoti­
que. Ce sont des laves en blocs. Elles se distinguent des laves ridées
dont la surface est relativement lisse.
487
Une lave solidifiée donne lieu à des roches efjusives, c’est-à-dire
des roches à structure cryptocristalline qui apparaissent ordinaire­
ment sous forme de coulées, de nappes, etc. Tels sont les andésites,
les dacites, les trachytes. Les roches effusives se caractérisent par
une structure prismée, en boules, etc.
Projections solides. Sous l ’action des gaz qui, du fait des pressions
énormes ou des explosions violentes, s ’échappent de la cheminée
des volcans, un grand nombre de matériaux solides sont projetés
en l ’air. Ce sont des fragments de roches encaissantes et de blocs
arrachés au cratère ainsi que de grandes quantités de lave rejetée

Fig. 267. Bombe volcanique recueillie sur les versants de la montagne


Avatchinskaïa (longueur 37 cm ; trouvée par G. Gorchkov)

dans l ’atmosphère qui s ’y solidifie et retombe sur les versants sous


forme de gros blocs ou de fragments vacuolaires. Lorsque ces maté­
riaux sont assez gros on leur donne le nom de bombes volcaniques.
Elles ont parfois une forme en fuseau ou en poire, due aux défor­
mations subies dans l ’air pendant le vol par des lambeaux de lave
non solidifiée (fig. 267). Les bombes volcaniques peuvent varier
de 5-10 cm à plusieurs mètres de diamètre et même atteindre 30 m
dans des cas exceptionnels; parfois elles sont rejetées à plusieurs
kilomètres. Il arrive que les alentours du volcan soient parsemés
de bombes; c’est le cas de la cime de l ’Etna qui est un cône de
débris formé par une multitude de bombes de formes et de dimensions
les plus diverses. Lors de l ’éruption nocturne du volcan Klutchev-
skaïa, le 2 janvier 1945, un cône aigu monta brusquement en oblique
au-dessus du cratère; il avait la couleur jaune-orange du feu et
s ’éleva à 1,5 km. D ’innombrables bombes volcaniques incandescen­
tes et de petits fragments retombaient de son sommet ressemblant,
selon l ’expression de B. Piip, chef de la Station volcanologique du
Kamtchatka, à une tempête de feu.
Les fragments volcaniques plus petits que les bombes s ’appellent
lapilli (de 1 à 3 cm de diamètre) ; parfois ils couvrent les flancs des
volcans d ’une couche continue très épaisse; généralement, leur
aire d ’extension est beaucoup plus grande que celle des bombes.
488
Enfin, les fragments encore plus petits portent le nom de sables
volcaniques (grains visibles à l'œ il nu) et de cendres (poudre), de
composition minérale très variée ; on y trouve des cristaux à peine
formés de feldspath, de leucite, d ’augite, de magnétite, etc., mais
surtout de verre volcanique. La cendre a l ’aspect d ’une poudre
fine de teinte grise et est composée de grains microscopiques de verre
volcanique. Parfois, la cendre est emportée à de très grandes dis­
tances; ainsi, dans la région de Voronèje, on a découvert des couches
de cendre provenant d ’éruptions de volcans caucasiens actuellement
éteints, en particulier de l ’Elbrouz. Lorsque de gros fragments se
soudent, ils donnent lieu à des agglomérats (brèches volcaniques) ;
la cendre, en s ’agglutinant, donne des tufs volcaniques ou éruptifs.
Le tuf peut comporter divers fragments anguleux et on l ’appelle
alors lave de tufs agglomérés (brèche à tufs). Les variétés homogènes
de tufs sont utilisées dans le bâtiment comme matière première
pour la production du ciment (trass, pouzzolanes).

§ 5. Phénomènes postvolcaniques
Longtemps après l ’atténuation des manifestations volcaniques
ou même après l ’assoupissement du volcan on peut encore observer
divers phénomènes qui s ’expliquent par l ’activité persistante d ’un
foyer magmatique au sein de la zone corticale : émanations de gaz,
geysers et sources thermales, volcans de boue.
Les gaz qui accompagnent les éruptions volcaniques de tous les
types continuent à se dégager de la cheminée et des fissures apparais­
sant sur les versants et au pied du volcan, même après que l ’éruption
s ’est terminée, ce sont ce qu’on appelle les fumerolles et les solfa­
tares. Certains volcans poursuivent une activité solfatarique pen­
dant des centaines et des milliers d ’années (Solfatara en Italie).
Un volcan s ’assoupissant définitivement dégage des gaz carboniques
froids, les mofettes.
Les sources thermales. Elles sont souvent associées à une activité
récente ou actuelle des volcans. Elles déposent parfois à la surface
des substances chimiques spécifiques. Leur température peut s’élever
à 100° (Kamtchatka). On trouve des sources thermales non seule­
ment dans des régions volcaniques, mais aussi dans celles qui ont
été récemment soumises à d ’intenses mouvements tectoniques
(Pamir, Tian-Chan, certaines régions de montagnes en Chine, etc.).
Dans de nombreux cas elles correspondent aux zones tectoniques
connues, comme par exemple les failles d ’importance locale telles
que la Grande faille chevauchante du Kopet-Dag ou les alignements
hydrothermaux en Turkménie.
A une certaine profondeur il est normal de rencontrer de l ’eau
chaude, car avec la profondeur la température du sous-sol s ’accroît.
Cette augmentation est partout du même ordre : 3° par 100 m. Donc,
à 1 km de profondeur la température de l ’eau doit atteindre 30°,
489
et au quatrième kilomètre elle doit monter jusqu’à 100°. On peut
espérer qu’à l ’avenir on saura utiliser les ressources inépuisables
d ’eau chaude qui gisent au sein de la Terre.
Dans les régions volcaniques la température de l ’eau s ’accroît
en profondeur plus rapidement qu’ailleurs. En outre, les volcans
eux-mêmes, avec leurs réserves de magma se trouvant à proximité
de la surface, contribuent au réchauffement de la croûte. C’est
pourquoi dans les régions volcaniques les sources thermales abon­
dent. E t même si le volcan est éteint depuis longtemps les sources
chaudes poursuivent leur activité témoignant de la présence au sein
de la croûte terrestre de foyers chauds ou même de masses en fusion.
Les geysers constituent un type de sources particulier. Ce sont
des sources intermittentes d ’eau chaude et de vapeur du type jaillis­
sant ; leur nom provient de la région de Geyser en Islande où ils
ont été étudiés pour la première fois. Les geysers se rencontrent dans
les régions d ’activité volcanique récente ou actuelle: en Islande,
en Italie,, à Java, en Nouvelle-Zélande (île du Nord), dans le Yellow-
stone Park (Etats-Unis) ; il y a aussi des geysers au Tibet à une
altitude de 4 700 m. La vallée Geysernaïa au Kamtchatka compte
12 grandes sources chaudes et des dizaines de petites. La tempéra­
ture de l ’eau à la sortie varie suivant la région de 80 à 100°. La
hauteur du jet atteint parfois plus de 50 m. Un des plus grands gey­
sers du Yellowstone Park, le geyser « Géant », projette une colonne
d ’eau et de vapeur d ’une température de 94,8° à une hauteur de 40 m.
On connaît bien le Grand geyser d ’Islande qui envoie un jet
à 30 m pendant 10 minutes tous les 24-30 heures. Le point de sortie
est un conduit de 3 m de diamètre; il est entouré d ’un cône cons­
titué de concrétions siliceuses déposées par le geyser. A la partie
supérieure du cône on trouve un bassin de 18 m de diamètre et de
2 m de profondeur qui se remplit périodiquement d ’eau chaude.
Au niveau de la surface du bassin la température de l ’eau est de
80-82°, alors qu’à 6 m de profondeur elle est de 120°.
En 1941, T. Oustinova découvrit de nombreux geysers au Kam­
tchatka, dans la vallée de la Choumnaïa (au voisinage du volcan
Kikhpinytch). On a trouvé ici 22 grands geysers et une centaine
de petits. Voici la description que donne V. Vlodavetz de l ’activité
d ’une de ces sources. Le groupe de recherche venait d ’atteindre
une petite cuvette remplie d ’eau: « Un léger nuage de vapeur mon­
tait de la surface d ’eau. Quelques minutes après, l ’eau commença
à s ’agiter, on vit apparaître des petites et des grosses bulles d ’air,
puis l ’eau se mit pour ainsi dire à bouillonner. De grosses gouttes
s ’élevèrent à une hauteur de 1,5 à 2 m, tandis que le nuage de vapeur
qui montait en même temps était emporté par le vent vers le Sud.
Puis les dégagements de vapeur augmentèrent et celle-ci commença
à s ’élever verticalement, entraînant des filets, des « paquets et
des gouttes » d ’eau à une hauteur d ’environ 10 m. Quant à la colonne
de vapeur, elle montait jusqu’à 15-20 m, puis suivait la direction
490
du vent. L ’éruption de l ’eau et delà vapeur se poursuivit pendant
5 minutes environ. »
Schématiquement, on peut se représenter le phénomène du
geyser de la façon suivante : un conduit en zigzags se trouvant au
sein de la Terre est rempli d ’eau surchauffée, c’est-à-dire ayant
une température qui, compte tenu des pressions dans le conduit,
est proche de l ’ébullition. Lorsque la pression de la vapeur atteint
une certaine limite, l ’eau est expulsée du conduit, la pression dimi­
nue alors, provoquant immédiatement la transformation en vapeur
de grands volumes d ’eau surchauffée. La vapeur et l ’eau sont pro­
jetées avec force hors du conduit et forment une colonne d ’eau
jaillissant à une hauteur de plusieurs mètres.
Les eaux chaudes des geysers contiennent en grande quantité
des substances minérales, surtout des oxydes de silicium. Ces subs­
tances se déposent autour du point de sortie et forment parfois de
grands cônes. Ces concrétions minérales s ’appellent geysérites. Les
geysers recèlent une énergie thermique importante qui, dans maintes
régions, est utilisée dans des buts pratiques.
Les volcans de boue. Ce sont des collines constituées de boue,
de dimensions variées, souvent en forme de cônes dont le sommet
est un cratère. Ils sont surtout dus à la pression des gaz et des vapeurs
d’eau portés à une température élevée qui montent des profondeurs
en suivant les joints. Rencontrant des roches meubles saturées d ’eau,
les gaz les expulsent à la surface sous forme de boue. Parfois, ces
éruptions se déroulent calmement, la boue commence à bouillonner,
puis elle est expulsée par de petits jets ou bien s ’épanche sur les
versants et contribue à l ’accroissement du cône; dans d ’autres cas,
le phénomène est violent et s ’accompagne d ’explosions et de pro­
jections de grandes quantités de matériaux meubles. Si la boue est
très liquide, il ne se forme pas de cône, car elle s ’étale dans toutes les
directions.
Des volcans de boue peuvent avoir aussi une origine non volca­
nique, on les rencontre en particulier dans les régions de gisements
pétrolifères (presqu’île d ’Apchéron, région de Taman, etc.). Le
mécanisme du phénomène est le même, mais il est alors déclenché
par des gaz d ’origine organique et non magmatique.

§ 6. Volcans d’U.R.S.S.
L ’U.R.S.S. compte plusieurs régions volcaniques, mais les volcans
sont surtout nombreux au Kamtchatka et dans les îles Kouriles.
Dans la région de Primorié et dans le centre de la Sibérie on ren­
contre des cônes isolés à activité assez récente ; enfin, on trouve
dans le Caucase un certain nombre d ’appareils volcaniques actuelle­
ment éteints, mais encore actifs il y a relativement peu longtemps.
Volcans du Kamtchatka. L ’activité volcanique du Kamtchatka
a débuté au Paléozoïque et elle se poursuit jusqu’à nos jours avec
491
F ig. 2C8. C arte sc h é m a tiq u e d e s v o lc a n s du K a m tc h a tk a . M o n ta g n es:
1 — Ploskaïa ; 2 — Klutchevskaïa ; 3 — Kamen; 4 — Plosky Tolbatchik ;
5 — Bolchaïa Oudina; 6 — Kizimène; 7 — Kronotskaïa ; 8 — Ouzon:
9 — Kikhpinytch; 10 — Maly Sémiatchik; 11 — Karymskaïa; 12 — Zavarit-
ski: 13 — JoupanovskaTa ; 14 — Koriakskaïa ; 15 — Avatcha; 16 — Vilu-
tchik; 17 — Opala ; 18 — Gorélv Khrébet; 19 — Moutnovskaïa ; 20 — Ksou-
datch: 21 — Ilinskaïa; 22 — Ilchinskaïa (d’après V. Vlodavetz)
une intensité variable. Les roches d ’origine magmatique couvrent
jusqu’à 40% de la surface de la presqu’île, ce qui donne une idée
de l ’ampleur des phénomènes volcaniques. Comme le]1montre
l’étude de l ’évolution géologique du Kamtchatka, l ’activité vol­
canique y était associée aux mouvements orogéniques et se déroulait
en même temps que ceux-ci. Les volcans actuels résultent d ’une
reprise intense de l ’activité volcanique en corrélation avec les
dernières phases des plissements alpins.

Fig. 269. Cratère du volcan Klutclievskaïa. Kamtchatka

Le groupe principal se trouve dans la partie orientale de la


presqu’île où les volcans s ’alignent en formant une bande du cap
Lopatka au Sud jusqu’à la rivière Ozérnaîa au Nord. En tout, le
Kamtchatka compte 180 volcans, dont 13 en activité, 9 assoupis
et au moins 158 éteints. Les volcans se disposent d ’une façon très
serrée; si l ’on compte tous les volcans, on trouve pour la bande
orientale de la presqu’île en moyenne un volcan par 4 km (fig. 268).
De nombreux volcans sont très élevés : trois dépassent 4 000 m, neuf
ont de 3 000 à 4 000 m, 19 de 2 000 à 3 000 m. Examinons d ’abord
les volcans actifs.
Parmi les volcans actifs il faut d ’abord nommer le Klutchevskaïa
(fig. 269), le plus grand volcan d ’Europe et d ’Asie en activité, le
plus violent et le plus élevé du Kamtchatka. C'est une montagne
de 4 800 m d ’altitude, en forme de cône régulier présentant cons­
tamment des signes d ’activité volcanique. De 2 800 m au sommet,
la montagne a la forme d ’un cône légèrement tronqué aux versants
très raides (jusqu’à 35°). Plus bas la pente s ’adoucit et au pied
493
du volcan s ’étalant sur une superficie de 3 000 km* elle devient
très faible (environ 4°). Au sommet se trouve un cratère en forme
de cuvette d ’un diamètre d'environ 500 m. Ses parois sont formées
de couches alternées de laves et de sables volcaniques. Des glaciers
descendent de tous les versants jusqu’à une altitude variant de
I 800 à 2 000 m ; de place en place on voit surgir au-dessus du gla­
cier des alignements rocheux ; ce sont les parties supérieures des
coulées de lave recouvertes par les glaces. De nombreux cônes adven-
tifs d ’une hauteur de 200 m au plus parsèment les versants, générale­
ment alignés sur les rayons qui partent du cratère central : leur
distance maximale au cratère est de 25 km. Les coulées de lave
s ’échappent en général des bouches adventives. Leur longueur
maximale est de 16 km. Par sa composition, la lave est neutre ou
basique, assez visqueuse, donnant après solidification des andé­
sites et des basaltes. Le cratère central ainsi que les cônes adventifs
dégagent presque constamment des vapeurs d ’eau et des gaz parmi
lesquels HCl, CO, C 02, S 0 2, N, H, O. Par sa structure, le volcan
Klutchevskaïa est un strato-volcan typique avec des éléments d ’acti­
vité volcanique des types etno-vésuvien et strombolien. Ce volcan
a connu 34 cycles d ’éruptions, c’est-à-dire une éruption tous les
7 ans. Le volume des produits éjectés,' formant le volcan est de
340 km3. Chaque éruption fournit 1/2 km3 de matériaux. Sur la
base de ces chiffres on peut établir que le volcan existe depuis
5 000 ans. Le dernier paroxysme violent a été enregistré fin 1944 —
début 1945; il s ’accompagna d ’un épanchement de lave (d’une
température de 1 200°), de la formation de nouveaux cônes adventifs.
d ’une éjection de grandes quantités de cendres et de bombes incan­
descentes, d ’un dégagement abondant de vapeurs et de gaz, de secous­
ses du sol et d ’un grondement souterrain intense. Ces dernières
années ce volcan a été étudié en détail par B. Piip.
Le volcan Karymskàia est une montagne peu élevée en forme de
cône régulier, qui se caractérise par une activité volcanique intense.
II occupe la partie centrale d ’une vaste caldeira et s ’élève à 500 m
au-dessus du fond de celle-ci. Le cône central est surtout constitué
de matériaux volcaniques meubles ; il ne comporte pas de barrancos.
ni d ’autres traces d ’érosion; c ’est un cône bas, lisse, formé de dé­
bris. L ’activité actuelle du volcan est caractérisée par des éjections
de sable et de gravier, des dégagements de vapeur et de gaz et des
épanchements de lave. Les laves, représentées par les dacites, sont
les plus acides de celles qui s ’échappent des volcans actuels du
Kamtchatka. En 178 ans le Karymskaïa a connu 16 cycles de grands
paroxysmes volcaniques; ce chiffre est sujet à caution, car le volcan
se trouve en un lieu inhabité et de nombreuses éruptions ont dû ne
pas être enregistrées.
Le volcan Avatchinskaïa se trouve près de Pétropavlovsk-Kam-
tchatski et se distingue aussi par une activité intense. Il occupe
l ’emplacement d ’un ancien cône volcanique de dimensions plus
494
grandes dont une explosion violente enleva le sommet, formant une
cuvette de 4 km de diamètre. Un nouveau cône s ’édifia à l ’intérieur
et atteignit une altitude de 2 725 m (le faîte du somma s ’élève à
2 300 m). L ’espace entre le cône en activité et le vallum du somma
est occupé par un glacier. Le cône est constitué de laves d ’andésite
et de matériaux meubles.
S. Krachéninnikov, le premier explorateur des volcans du Kam­
tchatka, écrivait à propos de l ’Avatchinskaïa qu’« il fume constam­
ment depuis des temps immémoriaux, mais n ’émet des flammes que
pendant de courtes périodes. L ’éruption la plus terrible a eu lieu
en 1737; mais elle ne dura pas plus d ’un jour et se termina, par
l ’émission d ’un grand nuage de cendres qui recouvrirent les envi­
rons d ’une couche épaisse d ’un verchok h .
A. Silnitski observa les épanchements de lave lors de l ’éruption
de 1901. « Ces flots de lave, tantôt larges comme ufi fleuve, tantôt
étroits comme un ruisseau, sillonnaient le volcan dans toutes les
directions et illuminaient d ’une lumière fantastique le puissant
Avatcha et son voisin, le Koriakskaïa, encore plus imposant. »
L ’activité de l ’Avatchinskaïa peut être rattachée au type vulca-
nien.
Il convient également de signaler le Chévéloutch (altitude 3 298 m),
le plus au Nord des volcans en activité, un énorme massif aux con­
tours compliqués dont l ’évolution a été longue et complexe (il
a été étudié en détail par A. Méniaïlov) ; le Plosky Tolbatchik
(3 140 m) qui ressemble à une petite chaîne de montagnes, de forme
plate et est recouvert de neige avec des dykes rayonnants dans
toutes les directions, et qui comporte une multitude de cratères
secondaires; le Moutnovskaïa (2 320 m) qui a l'aspect d ’un immense
dôme à pente douce, avec une caldeira au centre ; le Gorély Khrèbet
(1 830 m) qui a aussi la forme d ’une coupole avec de multiples
coulées de lave sur ses versants en pente douce.
Parmi d ’autres volcans présentant une activité réduite on peut
citer le Kizimène qui possède deux sommets ; le Maly Sémiatchik
avec un lac d ’un vert brillant dans son cratère; le Joupanovskaïa
qui a la forme d ’une chaîne montagneuse à plusieurs cimes corres­
pondant chaque fois à un cratère; le Koriakskaïa (3 460 m), un
strato-volcan très élevé, situé au voisinage de l ’Avatchinskaïa ;
le Ksoudatch qui a la forme d ’une large caldeira circulaire (7 km
de diamètre) avec des lacs au centre; Yllinskaïa, le plus au Sud
des volcans actifs.
D ’après leur activité volcanique on distingue parmi ces vol­
cans des types stromboliens (Klutchevskaïa), vulcanien (Karym-
skaïa, Avatchinskaïa, Chévéloutch, etc.), mais quelquefois ils
présentent des caractéristiques des types péléens, bandaïsanais et
même hawaiiens.1
1 V erch o k — mesure de longueur égale à 4,4 cm.
495
De nombreux volcans du Kamtchatka doivent être considérés
comme ) assoupis. Parmi eux on distingue le volcan Kronotskaïa
(3 730 m) en forme de cône régulier, avec des barrancos très nets.
C’est un des plus beaux volcans du Kamtchatka. Sa cime pointue,
brillante, dépourvue de cratère, est couverte de neige ; les flancs

Fig. 270. Volcan Itchinski. Dorsale Sredinny, Kamtchatka (1946)

du cône formés de coulées de lave et de couches de cendres sont


d ’un noir très dense; en été, le pied du volcan est entouré d ’une
végétation forestière infranchissable. Non loin de là se trouve le
grand lac Kronotskoïé, et à côté le littoral du Pacifique.
Parmi les volcans sommeillants il faut aussi ranger YOuzon,
VOpala, le Kikhpinytch et quelques autres. On a découvert récem­
ment des geysers près du Kikhpinytch.
496
Un grand nombre de volcans du Kamtchatka sont des volcans
éteints: Kamen (4 717 m), Ploskaïa (4 030 m), Bolchaïa Oudina
(2 950 m), Zauaritski (1 600 m environ) et Vilutchik (2 175 m), cône
régulier formé d ’andésite et de basalte qui s ’élève sur la côte Sud
de la baie Avatchinskaïa, en face de Pétropavlovsk.
Dans la Dorsale Srédinny, située dans la partie occidentale du
Kamtchatka, on trouve 25 volcans, tous éteints. Il faut surtout
signaler l ’énorme cône du volcan isolé Jtchinskaïa qui s ’élève en
amont de la Sopotchnala (fig. 270).
De nombreuses sources thermales du Kamtchatka sont associées
aux volcans.
Les multiples volcans du Kamtchatka, de formes et de types
éruptifs très variés, constituent un objet d ’étude fort intéressant
pour les géologues. Décrits pour la première fois par S. Kraché-
ninnikov (en 1737-1741), ils furent explorés plus en détail par A. Za-
varitski, le grand pétrographe russe. Plus tard, ils furent étudiés
systématiquement par un groupe de savants travaillant à la station
volcanologique de l ’Académie des Sciences de l ’U.R.S.S. installée
en 1935 à Klioutchi (près du volcan Klutchevskaïa) et qui comptait
notamment V. Vlodavetz, A. Méniaïlov, B. Piip, S. Naboko,
V. Popkov et G. Gorchkov.
Les recherches sur les volcans montrent une corrélation étroite
entre les massifs éruptifs du Kamtchatka et l ’évolution géologique
et la tectonique de la presqu’île. Les massifs volcaniques se dispo­
sent dans la zone axiale des jeunes plissements s ’allongeant dans
le sens du méridien et correspondant aux fractures tectoniques de
directions Nord-Nord-Est et Nord-Ouest.
Les volcans des Kouriles. Ils sont moins bien étudiés que les
précédents. Les îles Kouriles forment une chaîne faiblement incurvée
qui part de l ’extrémité Sud du Kamtchatka (cap Lopatka) et s ’étend
sur 1 200 km jusqu’à l 'île Hokkaîdo (Japon). A l ’Ouest, du côté
de la mer d ’Okhotsk, la profondeur à proximité des côtes est de
2 000 à 3 000 m ; à l ’Est, du côté du Pacifique, de 8 000 m. Parallè­
lement à l ’arc des îles Kouriles s ’allonge l ’une des plus profondes
fosses océaniques, la fosse Tuscarora qui dépasse 9 000 m. Les Kou­
riles sont donc une chaîne montagneuse relativement élevée mais
recouverte par la mer dont seules les cimes isolées émergent de l ’eau
et forment des îles pour la plupart d ’origine volcanique. On y a décelé
environ 100 volcans dont 38 en activité (fig. 271). Le plus actif et
le plus élevé est le très beau Alaid ; de forme régulière, il émerge
directement de l ’eau et atteint une altitude de 2 339 m.
Bien plus au Sud, sur 1’île Matoua, se trouve un autre volcan,
également très actif, le Pic Sarytchev (1 497 m). Son dernier
paroxysme important date de novembre 1946. Il s ’accompagna
d ’épanchements de lave, de formation de nouveaux cratères adventifs,
d ’éjection de bombes, de tremblement de terre, de grondements et de
dégagement d ’une énorme colonne de gaz et de cendres haute de 7 km.
32-927 497
Les volcans Pic Foussa, Snow et
Milna sont également très actifs. Les
autres volcans ont une activité ré­
duite.
Les îles comptent plusieurs vol­
cans éteints ou assoupis de types
variés : cônes, dômes, boucliers, som­
mas, « massifs » volcaniques, etc. Il
y a plusieurs volcans sous-marins
dont quelques-uns sont actifs.
On trouve ici de nombreuses
sources thermales, des «chaudières»
de boue, des geysers et d ’autres ma­
nifestations d ’un volcanisme intense.
Durant ces dernières années l ’au­
teur de ce livre a réalisé d ’intéres­
santes observations sur les volcans
des Kouriles.

§ 7. Répartition géographique
des volcans
Actuellement, on connaît plus de
500 volcans plus ou moins actifs.
Il y a cependant beaucoup plus de
volcans éteints ayant gardé leur forme
conique et une structure volcanique.
La répartition géographique des vol­
cans est très irrégulière (fig. 272).
De vastes territoires ne présentent
aucun signe de manifestations vol­
caniques (telle la partie européenne
de l ’U.R.S.S., la Sibérie occidentale,
etc.), tandis que dans d ’autres régions
l ’activité volcanique est très intense.
Le plus grand nombre de centres
volcaniques, plus de 60%, se répartit
le long des côtes et sur les îles du
Pacifique. C’est ce qu’on appelle le
cercle de feu du Pacifique. Dans la
partie occidentale de l ’océan cette
ceinture volcanique commence par la
Fig. 271. Carte schématique des presqu’île du Kamtchatka qui pos­
volcans des îles Kouriles: sède plus de cent volcans, puis se
1 — Alaid ; 2 — Pic Foussa; dirige vers le Sud en passant par les
3 — Pic Sarytchev; 4 — volcan
Milnn ; 5 — Snow (d’après V. Vlo- Kouriles, le Japon, les Philippines,
davctz) la Nouvelle-Guinée, les îles Salomon,
498
les Nouvelles-Hébrides, la Nouvelle-Zélande. Sur la côte américaine
du Pacifique la ceinture des volcans s ’étend de la Terre de Feu
vers le Nord en jalonnant les Andes, les plateaux entre la Sierra
Nevada et les Rocheuses, puis les chaînes du Canada et de l ’Alaska.
Dans la partie septentrionale du Pacifique se trouvent les nombreux
volcans des îles Aléoutiennes dont l ’archipel s ’étend de l ’Alaska
au Kamtchatka, bouclant ainsi, si l ’on peut dire, le cercle de feu du
Pacifique. Plusieurs volcans apparaissent au milieu du Pacifique.

Fig. 272. Répartition géographique des volcans et zones des


plissements alpins (d'après V. Magnilski), 1953:
1 — limite des zones de plissements alpins; 2 — épanchement
de laves dû à l ’activité des volcans postpaléozoîques

Les îles Hawaii au Nord de l ’équateur en comptent deux en activité,


le Mauna Loa et le Kilauea. Dans la zone équatoriale de la partie
orientale de l ’océan, il y a les îles Galapagos avec deux volcans
actifs; plus au Sud, les îles volcaniques de Pâques et Juan Fer­
nandez; plus à l ’Ouest, les îles Samoa, Tonga, Kermadec, etc.
Une autre zone volcanique importante correspond aux régions
de montagnes jeunes. Elle forme une large traînée qui court des
Alpes au Caucase en passant par les Apennins et les montagnes
de l’Asie Mineure. C’est la ceinture des volcans méditerranéens ou de
la zone alpine. On y joint les volcans d ’Italie (Vésuve, Champs
Phlégréens, Etna, îles Lipari), de la mer Egée (Santorin, etc.),
les volcans récemment éteints du Caucase (Elbrouz, Kazbek, etc.),
de la Turquie (Ararat, etc.), et d ’Iran (Démavend). Les volcans
de l’archipel Malais constituent un prolongement très éloigné de
cette ceinture d ’extension presque latitudinale : 11 volcans actifs
à Sumatra, 19 à Java, 15 dans les îles de la Petite Sonde et 3 aux
32* 499
îles Moluques du Sud. Ici le groupe asiatique des volcans rejoint
le cercle du Pacifique.
Au sein de l ’Atlantique, on connaît trois régions d ’activité
volcanique importante. A l ’Extrême-Nord, l ’île Jan-Mayen, plus
au Sud, l ’Islande et au Sud-Est^ (entre l ’Amérique du Nord et du
Sud), les Grandes Antilles avec la célèbre Montagne Pelée dont
la dernière éruption a présenté un intérêt particulier. C’est en Islande
que se manifeste l ’activité volcanique la plus intense; cette île
possède plus de 25 volcans actifs, un grand nombre de cônes éteints
et des éruptions linéaires. L ’Hekla se distingue par une activité
particulière : une de ses violentes éruptions fut enregistrée dans
les années 1947-1948 et étudiée en détail par les géologues islandais.
Au Sud de l ’Islande se trouvent les volcans des Canaries, des
Açores, des îles du Cap Vert ; dans la zone équatoriale et plus au
Sud, on rencontre les îles volcaniques du golfe de Guinée, les îles
Ste Hélène et Tristan da Cunha. Des volcans existent aussi dans la
partie subéquatoriale de l ’Afrique ; sur la côte occidentale, le volcan
Cameroun est en activité ; en Afrique orientale on connaît un groupe
de volcans jalonnant les grands effondrements tectoniques de la
zone des lacs.
Enfin, dans l ’océan Indien, des volcans actifs se trouvent dans les
îles Comores, l ’île Maurice et dans l ’île de la Réunion près de Mada­
gascar. Au Sud-Est, dans l ’archipel Kerguelen on trouve le volcan
Ross. L ’Antarctide est entourée d ’îles volcaniques; sur ses marges
elle possède un volcan en activité, l ’Erébus.

§ 8. Magmatisme intrusif (ou de profondeur)


Dans la plupart des cas, le magma, en montant des profondeurs
de la Terre, n ’arrive pas à la surface. Il est injecté dans la croûte
terrestre où il se refroidit et se consolide lentement sous une couver­
ture plus ou moins épaisse de roches sédimentaires, en formant des
intrusions. Ces corps magmatiques diffèrent quant à leur forme et
compliquent fortement la structure de la croûte. La couverture
sédimentaire s ’effrite peu à peu sous l ’effet de divers agents exogè­
nes et dégage ainsi les corps intrusifs que l ’on peut alors étudier.
Les intrusions acquièrent des formes différentes suivant les con­
ditions de leur formation et.leurs liens avec les roches encaissantes.
Les batholites sont des masses de roches intrusives s ’étendant
sur des centaines et des milliers de kilomètres carrés; ils ont des
contours irréguliers et se sont consolidés sous des couches très épaisses
(fig. 273). Ils se distinguent par les caractéristiques suivantes:
1) contact bien circonscrit avec les roches encaissantes;
2) composition homogène ; ils sont en effet constitués surtout
par de roches'acides, granités ou granodiorites ; 3) liaisons avec les
zones plissées où ils occupent les parties centrales en s ’étirant paral­
lèlement aux axes tectoniques des chaînes montagneuses. Souvent,
500
la longueur de ces massifs est plusieurs fois supérieure à leur lar­
geur. Là où ils affleurent sous l ’effet de l ’érosion, ce ne sont que
leurs parties superficielles qui sont mises à nu. Les parties se dis­
posant en profondeur sont inaccessibles à l ’étude. En guise d'exem­
ple de grand batholite granitique on peut citer le massif de la partie
occidentale de la chaîne Zéravchanski en Asie centrale (fig. 274),
ou le massif de dimensions plus grandes de la chaîne Kongouro-
Alanghezski dans la Transcaucasie.
Les batholites se forment simultanément aux mouvements de
plissement affectant les roches encaissantes ou durant la phase

Fig. 273. Forme de certaines venues magmatiques:


1 — lopolite; 2 — étmolite; 3 — bysmalite (tampon plutonique);
4 — batholite; 5 — phacolite et acmolite; 6 — laccolite; 7 — harpolite
(d’après E. Kouznétsov)

finale de ce phénomène orogénique. Cependant, l ’origine des batho­


lites n ’est pas encore définitivement élucidée et elle continue
à être discutée. De ce point de vue, les conditions de gisement du
massif intrusif par rapport aux roches encaissantes présentent un
grand intérêt. En règle générale, les roches encaissantes ne subissent
pas l ’action mécanique des masses intrusives, c’est pourquoi cer­
tains chercheurs pensent que les batholites se sont formés à partir
du magma granitique venu des profondeurs et introduit par injection
dans la croûte terrestre ; en montant, le magma se prépare lui-
même de l ’espace en arrachant des blocs aux parois et aux toits des
roches encaissantes qui, en tombant dans le magma, subissent une
réfusion (le phénomène d ’arrachement et de réfusion d ’un matériau
étranger par le magma intrusif est appelé assimilation ou digestion).
D’autres chercheurs pensent plutôt qu’il faut rechercher l ’origine
des batholites non pas dans l ’injection de magma mais dans la trans­
formation des roches sédimentaires en granités, explication plutôt
inattendue ; une telle granitisation se réduit « à l ’apport de maté­
riaux par le magma granitique en bain de fusion aux roches inclu­
ses, à la désagrégation de ses minéraux et à la digestion graduelle
des matériaux inclus, c’est-à-dire à leur assimilation. Les diffé-
rents secteurs du massif de granités ainsi obtenu sont à dominante
basique ou acide suivant la nature du matériau apporté; ils sont
pour ainsi dire contaminés, si la composition de la masse d ’intru­
sion ne s'est pas encore uniformisée » (Kouznétsov, 1956).
Les massifs d'infection (stock) sont des corps intrusifs de forme
irrégulière ayant les mêmes caractéristiques que les batholites

Fig. 274. Batholitc de Tchakyl-Kalian, chaîne Zéravchanski. Carte


géologique :
1 — granités; 2 — sédiments siluriens; 3 — sédiments dévoniens;
4 — conglomérats tertiaires; 5 — sédiments quaternaires; 6 — failles
tectoniques. Sur la coupe les sédiments siluriens plissés sont indiqués
par des rectangles (d’après S. Klounnikov, 1941)

mais qui s ’en distinguent par des dimensions plus réduites. D ’après
R. Daly, les affleurements de massifs d ’injection ne dépassent pas
100 km2.
Les laccolites se consolident à une faible profondeur de la surface
de la Terre (voir fig. 273). Elles ont la forme d ’un gâteau, sont
bombées à la partie supérieure et plus ou moins planes à la partie
inférieure. Les dimensions des laccolites sont relativement petites
et leur diamètre varie entre 100 m et quelques kilomètres. Une
502
laccolite se dispose entre les roches encaissantes sans les traverser.
Lors de son intrusion, elle déforme mécaniquement les couches,
soulève les roches sus-jacentes affectant une disposition en dôme
et crée ainsi un creux que le magme emplit. Une laccolite se ramifie
parfois en filons qui percent les roches encaissantes dans diverses
directions et qui s ’appellent apophyses. Des ramifications de ce
genre sont également caractéristiques des batholites et des massifs
d ’intrusion. Les laccolites peuvent exister soit en formations iso­
lées, soit en groupes. Les laccolites du Caucase du Nord (fig. 275),

SSO nue
mont Bechtau

k v y ijty j IH IllllA ^ W mCr H i L ip a rite

Fig. 275. Laccolites de Minéralnyé Vody (Eaux minérales). Caucase


du Nord. (Dessin de N. Kostenko, profil d’après V. Pavlinov)

de la région de Minéralnyé Vody, sont un exemple bien connu de telles


formations qui constituent ici les montagnes Bechtaou, Lyssaïa,
Jéleznaïa, Kinjal, etc. Elles jalonnent le flanc Nord de l'anticli­
norium du Grand Caucase.
La Crimée possède également des laccolites très typiques : les
montagnes Aïou-Dag, Kastel, le cap Plaka, etc. Les roches de cou­
verture ont été enlevées par l ’érosion, et la surface supérieure
de la laccolite affleure nettement, laissant voir des fissures caractéris­
tiques disposées parallèlement à la surface (fig. 276).
On distingue aussi les phacolites, petits corps intrusifs en forme
de lentille qui occupent les voûtes des plis en contact concordant
avec les terrains encaissants, les chonolites, de forme irrégulière,
qui présentent des rapports compliqués avec les roches encaissantes
et d ’autres corps intrusifs (voir fig. 273).
Les dykes. En se déplaçant au sein de la croûte terrestre, le
magma remplit toutes les fissures et constitue des venues intrusives
503
Fig. 276. Laccolite de Castel, Crimée. On voit affleurer l ’extrémité ouest
de la laccolite. Vue en direction du Sud
du type filon qui rayonnent généralement à partir des grands massifs
intrusifs. Leur composition est très variée, et ils correspondent
ordinairement aux ondulations en voûte des zones plissées. La
plupart des dykes sont en contact avec les terrains encaissants;

Fig. 277. Filon de porphyrites traversant un massif


granitique. Tian-Chan

ils recoupent la stratification sous un certain angle et ne s ’insèrent


entre les couches que dans des cas exceptionnels. Ils sont presque
toujours limités latéralement par des parois plus ou moins parallèles.
La distance entre ces parois détermine l ’épaisseur du filon qui
varie de fractions de mètre à plusieurs dizaines de mètres et se situe
le plus souvent entre 1 et 6 m. Quelquefois, ces filons se rétrécissent
505
ou s ’élargissent en adoptant la forme irrégulière des fissures qu’ils
remplissent (fig. 277).
Etant donné que les dykes recoupent les couches déjà plissées,
il est évident que leur formation est postérieure aux plissements
ayant affecté les roches encaissantes.
Sous l ’action des agents atmosphériques les dykes sont déchaussés
et mis en saillie, ils forment alors des murs que l ’on peut suivre
sur de grandes longueurs. Cette ressemblance avec un mur est d ’ail­
leurs à l ’origine de leur appellation, dyke signifiant mur de pierre en
écossais. Si un dyke est constitué par une roche plus résistante que
les terrains encaissants, il s ’élève au-dessus d ’eux (dyke positif),
mais si c ’est l ’inverse on voit apparaître une dépression en forme
de fossé (dyke négatif).
Les filons-couches ou sills sont des corps intrusifs en forme de
nappes qui se sont insinués entre deux couches sans déranger les
plans de stratification. Généralement, ils sont composés de roches
basiques.
Les filons-couches s ’étendent presque toujours sur de vastes
étendues (des centaines et des milliers de kilomètres carrés) et leur
épaisseur est plus ou moins uniforme quand on suit une même venue.
On les rencontre aussi bien dans des couches horizontales (par exem­
ple dans les trapps de la Plate-forme sibérienne) que parmi les ter­
rains plissés. Dans ce dernier cas, les filons-couches sont plissés avec
les roches encaissantes.
Les injections du magma dans la croûte terrestre sont en rapport
étroit avec la formation de gîtes de minéraux utiles, c’est pourquoi
l ’étude des divers corps intrusifs présente non seulement un intérêt
théorique, mais aussi pratique.
La formation de filons hydrothermaux est également étroitement
associée aux phénomènes magmatiques se déroulant au sein de la
Terre. Or, des éléments natifs leur sont liés, les sulfures ainsi que
de nombreux minéraux utiles. Du fait de la montée des solutions
chaudes résultant de la condensation des vapeurs d ’eau et des gaz
dégagés par le magma lors de son refroidissement, diverses substan­
ces sont transportées vers la surface et déposées sur les parois
des fissures.

§ 9. Différenciation des magmas


Le magma (du grec paypa: pâte pétrie) se forme dans les zones
profondes de la croûte terrestre; c ’est une masse siliceuse en fusion
très complexe, saturée de divers éléments gazeux. Le magma est
surtout composé de silicium, d ’aluminium, de calcium, de ma­
gnésium, de sodium, de potassium, d ’hydrogène, de fer et, en quan­
tités plus faibles, de titane, de carbone, de phosphore et de chlore.
Les autres éléments chimiques se trouvent dans le magma sous forme
d’impuretés infimes. Le rôle de la silice (Si02) est capital : elle cons-
506
titue de 35 à 80% du volume global du magma. Suivant leur teneur
en silice, les magmas sont classés en quatre types: acide (> 65% ),
neutre (entre 65 et 52%), basique (entre 52 et 40%) et ultra-basique
« 4 0 % ).
Ces données montrent que la composition du magma est dans ses
grands traits identique à celle des roches magmatiques qui sont
également classées suivant les mêmes groupes acide, neutre, basique
et ultra-basique. Toutefois, il existe des différences essentielles:
le magma se trouvant dans les zones profondes de la Terre contient
de nombreux éléments volatils sous forme de vapeurs d ’eau et de
gaz (hydrogène chloruré et fluoré, éléments halogènes, gaz carbo­
nique, sulfures, etc.). Ces substances sont dissoutes dans un bain
magmatique. Lors de l ’injection du magma dans la croûte, une
partie de ces éléments volatils se dégage, ce qui est confirmé par la
modification des roches encaissantes au contact des venues intru­
sives. Le phénomène est encore plus intense lorsque le magma arrive
à la surface et que la pression diminue brusquement. Donc, les
magmas profonds (au foyer) et de surface (lave) diffèrent sensible­
ment. Suivant leur composition, les magmas peuvent être soit
visqueux et ils s’écoulent lentement (surtout les laves acides et
neutres), soit fluides et ils forment facilement des coulées (surtout
les laves basiques, basaltiques).
Les roches magmatiques résultant de l ’injection du magma dans
la croûte terrestre ou de son épanchement à la surface reflètent la
composition du magma qui détermine leur diversité chimique et
minéralogique. Deux questions viennent naturellement à l ’esprit:
quelle est la composition du magma initial se formant au foyer,
quels phénomènes sont à la base de la formation, à partir des diffé­
rents magmas, de roches, s ’échelonnant des variétés acides à forte
teneur en quartz jusqu’aux variétés basiques? Bien des points restent
à élucider sous ce rapport..
Les chercheurs ont formulé deux hypothèses diamétralement
opposées sur la composition du magma. Certains d ’entre eux (F. Lé-
vinson-Lessing et d ’autres) considèrent qu’il existe deux magmas
initiaux, l ’un acide (granitique), l ’autre basique (basaltique). D’au­
tres (N. Bowen, A. Zavaritski) sont convaincus qu’il n ’y a qu’un
seul magma initial qui est basique (basaltique) et qui par des pro­
cessus variés et compliqués se différencie ensuite en plusieurs types.
Enfin, certains admettent l ’existence simultanée de magmas qui
diffèrent quant à leur composition (V. Lodotchnikov). Si l ’on part
de l ’hypothèse d ’un seul type de magma, toute la diversité chimique
et minéralogique des roches magmatiques peut plus ou moins bien
s ’expliquer par la segmentation ou la différenciation du magma initial
de composition basique.
La différenciation résulte de divers phénomènes physico-chi­
miques qui se déroulent au sein du bain magmatique, de même que
pendant la cristallisation du magma. On distingue donc deux types
507
de différenciation : la différenciation magmatique et par cristallisa­
tion (ou cristallisation fractionnée).
La différenciation magmatique, c ’est-à-dire la segmentation du
magma en bain de fusion, donc avant la cristallisation, peut s ’effec­
tuer par des voies différentes :
1) par densité, les molécules lourdes se séparant des plus légères ;
2) par liquation, c ’est-à-dire par séparation de liquides non
miscibles (huile et eau par exemple). Deux substances non misci­
bles, dont la température de fusion diffère, acquièrent par réchauffe-

Fig. 278. Xénolite (inclusion) dans le granité. Chaîne de Ghissar, rivière


Varzob

ment la propriété de se mélanger, le bain de fusion devenant homo­


gène à une certaine température ; quand ce bain se refroidit, il
perd son homogénéité et il y a séparation en deux liquides non
miscibles ;
3) par digestion, c’est-à-dire par inclusion dans le magma de
grandes quantités de matériaux étrangers, par exemple de frag­
ments de roches encaissantes (fig. 278).
La différenciation par cristallisation. Quand le magma en se
refroidissant commence à se cristalliser, les possibilités de diffé­
renciation deviennent beaucoup plus grandes. Ce sont d ’abord les
cristaux des minéraux les plus réfractaires qui sont précipités à
partir du bain de fusion. La cristallisation commence en bordure
des venues magmatiques, là où la température diminue le plus
508
vite. Les cristaux ainsi formés (en premier lieu les minéraux ferro-
magnésiens dont la densité est plus élevée que celle du bain de
fusion initial) descendent au fond. Les zones supérieures du magma
s'appauvrissent en éléments ferro-magnésiens qui se concentrent
dans les zones plus profondes du foyer magmatique. La partie du
bain qui reste en haut s'enrichit en silice et se rapproche, quant
à sa composition, des magmas acides.
La formation des autres minéraux dans le bain magmatique qui
se refroidit et se cristallise est soumise à certaines règles et se déroule
dans un ordre précis. A cet égard, il convient de mentionner les
séries de différenciation proposées par N. Bowen qui permettent
d ’expliquer les rapports existant entre les minéraux des roches.
Bowen a classé les minéraux en deux groupes, les plagioclases (et
le quartz) et les mélanocrates, et les a répartis dans un ordre indi­
quant la succession de leur dégagement du bain magmatique :
Olivine Anorthite
Pyroxènes rhombiques Plagioclases basiques
Pyroxènes clinorhombiqucs Plagioclases neutres
amphiboles oligoclases
biotite albite
muscovitc ot feldspath potassique et quart/
Pour les minéraux mélanocrates l ’olivine se dégage en premier,
et ses cristaux descendent en profondeur à mesure qu’ils croissent.
Puis c’est le tour d ’un ou de deux pyroxènes. Simultanément aux
pyroxènes ou un peu plus tard commencent à se dégager les plagio­
clases basiques suivis des variantes neutres, etc.
Tableau 23

M iné­ H ydro- H yper-


raux Phase m agm atique P n e u m ato litlq u e tbcrraalc génique

Olivine -----
Pyroxènes
Amphiboles
Biotite
Plagioclases
Orthoclase
Quartz
Séricito
Epidotc
Kaolin
Chlorite
Limonite

Aux derniers stades de la solidification il y a formation de bains


résiduels enrichis de silice et d ’éléments volatils; les roches fournies
509
par ces magmas s'appellent pegmatites. Elles se présentent sous la
forme de gros cristaux et ont une teneur élevée en minéraux com­
portant des éléments volatils. Les pegmatites sont des roches inté­
ressantes qui ont une importance pratique. Ces dernières années
de nouvelles hypothèses ont été formulées sur leur origine (K. Vlas-
sov).
On peut, d ’autre part, considérer l ’ordre de formation des miné­
raux comme la succession de phases se caractérisant par un certain
complexe de conditions physico-chimiques. On dégage alors les
phases magmatiques (cristallisation des minéraux à partir du mag­
ma), pneumatolitique (précipitation des minéraux à partir des solu­
tions surchauffées, stimulée par un dégagement énergique de gaz
et de vapeurs), hydrothermale (l’importance de l ’eau chaude dans
la formation des minéraux devient décisive) et hypergénique (phase
faisant intervenir les agents de désagrégation et où l ’eau, l ’oxygène
et le gaz carbonique jouent un rôle important). Cette succession
de phases détermine l ’ordre de formation des principaux minéraux
présenté au tableau 23 (d’après E. Kouznétsov, 1956).
La cristallisation dans un bain magmatique est réglée non seule­
ment par la différence des températures de cristallisation de chaque
constituant, mais aussi par le principe d 'eutectique, c’est-à-dire
régissant un bain de fusion de plusieurs constituants qui cristalli­
sent à la température la plus basse atteinte par les divers mélanges
de ces matières et à laquelle il y a également dégagement de tous
les composants (Kouznétsov, 1956). En guise d ’exemple citons
l ’alliage de plomb (température de fusion 326°) et d ’argent (954°)
qui cristallisent simultanément à 260° quand la teneur en Pb est de
96 % et celle en Ag de 4 %. Cette teneur des constituants est appelée
eutectique. Tout autre mélange commence à cristalliser par l ’élément
en excédent par rapport à l ’eutectique.
Un autre exemple concerne les silicates. Prenons deux consti­
tuants, le diopside (température de fusion 1 391°) et le forstérite
(1 860°). Pour l ’eutectique : diopside 88 ?o, forstérite 12 %, tempé­
rature de fusion 1 387°. C’est la température de la consolidation
simultanée des deux minéraux.
Le principe du mélange eutectique est exact non seulement
pour deux, mais aussi pour un nombre plus grand de constituants.
La présence dans le magma d ’éléments volatils, surtout de vapeurs
d ’eau, rend le système magmatique très sensible aux modifications
des conditions extérieures. Les gaz et les vapeurs, en circulant dans
les fissures de la croûte terrestre, forment divers minéraux témoi­
gnant des conditions de température et de pression qui y ré­
gnent.
Telle est la marche sinueuse d ’une longue évolution pleine
de péripéties du foyer magmatique qui aboutit à la formation de
roches et d ’associations minérales variées, à des moments bien
déterminés de la vie du foyer (fig. 279).
510
Une description de cette évolution nous est donnée par A. Fers-
man : « Le magma est une solution complexe, un bain de fusion
comprenant un grand nombre de constituants. Tant qu’il se trouve
à des profondeurs inaccessibles où la teneur en vapeurs d ’eau et en
gaz volatils est très grande, il est le siège de phénomènes internes
conduisant à la formation, à partir des éléments chimiques isolés,
de minéraux stables (mais non liquides). Mais avec la chute de
température provoquée soit par un refroidissement général, soit
par la montée dans des zones plus froides, le magma commence à se

0+Ht0

Fig. 279. Coupe schématique de la croûte terrestre


dans la zone des magmas granitiques

segmenter et à se refroidir. Certaines combinaisons passent à la phase


solide avant d ’autres, elles cristallisent et surnagent ou tombent
au fond de la masse encore liquide. Autour des particules solides
ainsi formées s’accumulent par cristallisation des particules toujours
nouvelles ; la matière solide se concentre et se sépare du magma
liquide.
«Le magma se transforme en un agrégat de petits cristaux, en
cette masse minérale que nous appelons roche cristalline. Des gra­
nités et des syénites clairs jusqu’aux sombres et lourds basaltes nous
voyons s ’étaler devant nous le spectacle disparate des vagues et des
embruns figés d ’un océan autrefois en fusion l. La pétrographie
leur donne des centaines d'appellations et s’efforce, d ’après leur struc­
ture, leur composition chimique et leur texture, de reconstituer
leur passé dans les profondeurs mystérieuses de la Terre.
«La composition d ’une roche solide est loin de correspondre à
celle du foyer en fusion; une grande quantité de matériaux volatils
1 Cette image doit être considérée aujourd’hui plutôt comme une figure

de rhétorique que comme la description d’un fait précis (G.G.).


511
l ’imprègne et s ’en dégage en jets puissants qui traversent l ’écorce;
une partie infime de ces gaz se conserve au sein de la masse soli­
difiée, alors qu'une autre partie monte à la surface sous forme de
jets gazeux.
«Les matériaux volatils n ’atteignent pas tous la surface terrestre.
Une grande partie se dépose dans les profondeurs, les vapeurs d ’eau
se condensent; les eaux thermales s ’écoulent en suivant les cassures
et les filons jusqu’à la surface où elles se refroidissent lentement
et précipitent les uns après les autres les minéraux contenus dans
les solutions. Une partie des gaz sature les eaux qui apparaissent
à la surface sous forme de narzans et de geysers; l ’autre emprunte
des voies différentes et forme des combinaisons solides.
«Les sources thermales associent les phénomènes du magma à ceux
de la surface terrestre. Ces sources apportent à la surface à partir
des profondeurs des substances qui sont étrangères à celle-ci et
déposent sur les parois des fissures et des joints infimes, des miné­
raux et des sulfures de métaux lourds. C’est ainsi que des gîtes
minéraux, des accumulations de minerais utiles recherchés par
l ’industrie se forment à partir des éléments volatils des magmas
profonds.»
§ 10. Causes du magmatisme
Quelle est l ’origine du magmatisme? Quelle est donc cette source
de chaleur tellement considérable qu’elle est capable de fondre
les matières constitutives de la croûte terrestre? Pour le moment
on ne peut pas donner de réponse certaine à ces questions, mais on
a déjà formulé quelques hypothèses valables.
L ’examen de la répartition géographique des volcans montre
qu’ils jalonnent des chaînes montagneuses jeunes ou des îles associées
à des zones des plissements actuels. La plupart des volcans se trou­
vent sur le pourtour du Pacifique, de nombreux massifs éruptifs se
situent le long des jeunes montagnes plissées correspondant à la
zone des plissements méditerranéens. Un nombre beaucoup plus
faible de volcans est associé aux parties centrales de l ’Atlantique
et du Pacifique ; enfin, quelques volcans se rencontrent en dehors des
zones de plissements actuels, dans la région des Grands lacs de
l ’Afrique orientale par exemple. Les plates-formes ne possèdent
presque pas de volcans.
Ainsi, la correspondance entre les volcans actifs actuels et les
zones de plissements contemporains ne fait aucun doute.
En examinant l ’activité volcanique d ’un passé lointain, nous
pouvons également constater une correspondance entre les roches
magmatiques et les formations plissées du même âge. Par exemple,
l ’étude de la structure géologique de l ’Oural montre que les multi­
ples massifs magmatiques (granités, dunites, etc.), d ’âge hercynien,
dont les conditions de gisements sont très variées, jalonnent en
traînées étroites, orientées du Sud au Nord, les formations plissées
512
de l'Oural qui empruntent la même direction et ont été soulevées
durant les plissements hercyniens, autrement dit tout à la fin du
Paléozoïque.
Il en est de même pour la vaste zone de plissements alpins de
structure très complexe qui s ’étend de Gibraltar à l ’Asie en longeant
la Méditerranée ; à côté des roches sédimentaires on trouve également
des roches magmatiques sous la forme de puissants massifs de gra­
nités et de vastes champs de basaltes. L ’âge de ces roches corres­
pond à l ’époque des plissements alpins, c’est-à-dire au Tertiaire
et leurs conditions de formation et de
gisement sont associées aux structures de T mC
la zone plissée. En guise d ’exemple on 1600
peut indiquer le massif granodiorite déjà 1500
cité de la néo-intrusion Kongouro-Alan-
ghezskaïa en Arménie (par le terme de 1400 À
néo-intrusion on désigne les intrusions V
de roches tertiaires), ou les vastes épan­ 1300
chements de basaltes quaternaires sur le
plateau Akhmanganski également situé 1200
en Arménie. 1100
Comment peut-on expliquer cette cor­ 50 100 150 200km
respondance étroite entre les diverses for­ P rofondeur
mes de manifestations volcaniques et les Fig. 280. Variations de la
zones plissées? Pour répondre à cette température de fusion du ba­
question il faut d ’abord examiner l ’état salte et de la dunite en fonc­
thermique du globe et les températures tion des modifications de la
en profondeur. pression (d’après V. Mag-
nitski)
Comme il est dit au chapitre 19, la
température croit en fonction de la pro­
fondeur. A 100 km de la surface elle doit atteindre 1 300
à 1 500°. Autrement dit, à cette profondeur les roches devraient se
trouver à la phase liquide si la température de la fusion ne dépen­
dait pas de la pression ; cette dernière élève la température de fusion.
Ainsi, le basalte fond dans les conditions normales à 1 150° environ;
pour une pression de 30 000 atm il ne fond qu’à 1 400° et la dunite,
à 1 550° environ (fig. 280).
Imaginons maintenant les conditions qui régnent à 100 km de
la surface. La température est proche de celle de la fusion des roches
à la pression donnée (1 300-1 500°). Si l’on pouvait diminuer quelque
peu cette pression, les roches fondraient. Ces conditions se rencon­
trent dans un domaine assez étendu, là où la température est proche
de la limite de fusion pour des pressions correspondant à la pro­
fondeur envisagée. Dans les couches supérieures se disposant plus
près de la surface, les conditions sont différentes, car la température
est plus faible même indépendamment de la pression. Mais à partir
de 50 km il peut se créer des conditions favorables à la formation
de foyers de magma.
33—927 513
Certes, ces foyers ne constituent pas de couche continue en phase
liquide. Les enregistrements des séismographes n ’ont pas décelé
de telles couches: les ondes élastiques longitudinales ou transver­
sales pénètrent sans difficultés à des centaines de kilomètres au
sein de la Terre ; or, les ondes transversales ne peuvent traverser un
milieu liquide. Pourtant, en certains endroits où les conditions
de température et de pression deviennent favorables, il doit
pouvoir se créer des « réservoirs » de magma fondu.
De telles conditions favorables apparaissent sans doute dans
les secteurs de l ’écorce correspondant aux zones de plissements
actuels, ou à des zones d ’activité tectonique actuelle. Quelle expli­
cation peut-on en donner? Dans ces secteurs le champ des contrain­
tes tectoniques est très complexe et différencié. Il en résulte des
mouvements tectoniques et, en même temps, du fait de la diversité
du faciès dynamique, apparaissent des secteurs de pression plus
faible entraînant la fusion.
Nous n ’avons pas de même tenu compte de plusieurs facteurs.
On sait que les zones de plissements actuels présentent certains traits
de structure qui les différencient des cuvettes océaniques et des
plates-formes ; elles possèdent notamment de puissantes racines sia­
liques où l ’épaisseur de la couche de granités atteint 50 km et plus.
En outre, les roches acides contiennent une quantité beaucoup plus
grande de substances radio-actives que les autres roches magmati­
ques (tableau 24).
T ableau 2 4
Teneur des ioches magmatiques en éléments radio-actifs
et chaleur dégagée par ces éléments
Chaleur
T eneur en élém ents ra d lo -a ctlfs dégagée
Roches en cal
R a, g /g U, g /g T h. g/g K . g /g cal/cm 3 s

Acides 1,3-10-12 4,0-10“® 13,0-10“® 2,8-10-2 4,3-10-13


Basiques 0,3-10-12 1,1-10“® 4,0-10“® 1,4-10-2 1,6-10-13
Ultra-basi-
ques p 0,6-10-« 2,0-10“® 0,4-10-2 0,7-10-13

Les éléments radio-actifs dégagent de la chaleur qui est de


l’ordre de 5,0-10~13 cal/cm3 s pour les roches acides et un peu moins
pour les roches basiques. Cet apport contribue au réchauffement
de la racine sialique et permet aux températures d ’atteindre le
niveau de fusion. Il ne faut pas non plus oublier que la tempé­
rature des profondeurs terrestres est également conditionnée par
l ’action des éléments radio-actifs. Il se peut aussi que dans les
zones profondes, la teneur en éléments radio-actifs soit beaucoup
514
plus grande qu'à la surface. En outre, il faut tenir compte de la
chaleur produite par les mouvements tectoniques eux-mêmes.
En définitive, il s ’avère que les zones de plissements et de raci­
nes sialiques sont les plus propices à la formation de foyer magmati­
que, bien que l ’éventualité de telle formation ne soit pas exclue
pour d ’autres secteurs à pression différenciée et affaiblie.

§ 11. Roches magmatiques


Comme nous l ’avons déjà indiqué, les roches qui composent
la croûte terrestre se classent en trois groupes principaux : magma­
tiques, sêdimentaires et métamorphiques. Les roches magmatiques
sont le produit du refroidissement, de la segmentation et de la cris­
tallisation du magma ; les roches sêdimentaires, comme leur nom
l’indique, sont des sédiments plus ou moins modifiés qui se sont
accumulés au fond des bassins d ’eau douce ou salée, ou sur le sol
même du fait de l ’activité des agents géologiques dont les organis­
mes vivants ; les roches métamorphiques sont le produit des trans­
formations au sein de la Terre des roches magmatiques ou sédimen-
taires du fait de températures et de pressions élevées. Les roches
magmatiques constituent 95% de la masse globale de la croûte
terrestre. Les 5% restants se rapportent aux roches sêdimentaires
et métamorphiques. Si l ’on examine la répartition des minéraux
dans la croûte terrestre, on constate que les feldspaths sont les plus
abondants (près de 60%), puis viennent les silicates ferro-magné-
siens (17%), le quartz (12%), les micas (4%), la calcite (1,5%),
divers minéraux argileux (1%); ces chiffres reflètent évidemment
la composition minéralogique des roches les plus répandues, les
roches magmatiques.
Les roches magmatiques se forment par consolidation et cristal­
lisation du magma pendant son injection dans l ’épaisseur de l ’écor­
ce ou son extrusion à la surface lors des éruptions volcaniques.
Les propriétés des roches magmatiques dépendent naturelle­
ment de la situation des venues magmatiques en état de refroidis­
sement, de la température et de la pression, de la composition du
magma, de la vitesse de refroidissement, etc.
Le magma injecté dans l ’épaisseur de l ’écorce acquiert des formes
variées. On distingue les batholites ou les formes de profondeurs (ce
sont les masses les plus volumineuses s ’étendant parfois sur plusieurs
centaines de kilomètres), les massifs (stocks) de moindres dimen­
sions et les formes de demi-profondeurs ou hypo-abyssiques. Dans
ce groupe, on range les laccolites en forme de dômes, les lopolites
en cuvettes et les phacolites en forme de lentille, ainsi que diverses
injections de lave dans les fissures formant des filons. Les épanche­
ments de laves à la surface donnent des coulées et des nappes (voir § 8).
Les conditions du gisement sont fonctions de la profondeur où
le magma s ’est arrêté et consolidé. D’où la diversité de la structure
33* 515
minéralogique. Sous ce terme on désigne le niveau de cristallisation
de la roche, c ’est-à-dire le mode d ’agencement des minéraux dans
la roche suivant leurs dimensions et leur forme.
Lorsque le magma se consolide lentement à une grande profon­
deur et à des pressions élevées, il se forme des roches dont tous les
éléments minéraux sont cristallisés. La roche acquiert alors une
structure holocristalline équigrenue (fig. 281, C). Ces roches sont
dites plutoniques ou de profondeur (faciès intrusif). On y assimile
les granités, les syénites, les diorites, les gabbros, les pyroxénites,
les dunites. Lors des éruptions volcaniques, le magma arrive à la
surface; la pression diminuant, il perd ses éléments gazeux, devient
lave et se solidifie rapidement; les roches ainsi formées sont d ’un
autre type. Elles ont une structure cryptocristalline ou microcristal­
line (les cristaux sont si menus qu’on les distingue à peine, car aucun
germe de cristallisation n ’a eu le temps de se développer). Les roches
de ce type sont dites effusives (faciès effusif). Tels sont les felsites,
les liparites, les trachytes, les andésites, les basaltes.
Dans certaines conditions, surtout lorsque les laves sont vis­
queuses et acides et ont perdu leurs éléments gazeux, la cristalli­
sation est impossible ; la roche prend alors un aspect vitreux et
contient parfois une multitude de bulles de gaz qui n ’ont pas pu
s ’échapper. Cette structure amorphe ou vitreuse est propre aux obsi­
diennes, aux perlites et aux ponces.
Les roches intrusives et effusives sont les maillons extrêmes
d ’une longue série de formations magmatiques. Le type intermé­
diaire, les roches (fig. 281, B) hypo-abyssiques comprennent les
roches à structure porphyrique ou porphyroide. Dans ce cas, on peut
observer de gros cristaux d ’un minéral quelconque, noyés dans
une pâte formée d ’une masse cryptocristalline. On range parmi les
roches hypo-abyssiques les porphyres quartzeux, les porphyrites,
les porphyres, les granulophyres, les porphyres syénitiques, les
porphyrites dioritiques, etc. Les structures porphyriques sont éga­
lement assez fréquentes parmi les roches intrusives et effusives ;
il est donc difficile d ’établir une distinction précise.
Lors de l ’étude des roches, il est utile de tenir compte non seu­
lement de la structure, mais aussi de la texture. Celle-ci définit les
particularités de l ’arrangement des matériaux constituant la roche,
ainsi que son degré d ’homogénéité. Les roches homogènes dans leur
masse ont une texture compacte; lorsqu’on décèle dans la roche des
directions préférentielles pouvant s ’expliquer par les écoulements
du magma lors de sa solidification, la texture devient fluidale.
On distingue aussi les textures en boules (orbiculaire), rubanée,
poreuse, amygdaloïde, scorieuse, etc. En général, la texture des roches
plutoniennes est plutôt massive, celle des roches effusives est flui­
dale (avec des signes d ’écoulement) ou amygdaloïde, mais parfois
elle peut être massive.

516
Groupes principaux des roches effuslves (d’après E. Kouznétsov, 1956)
Groupes principaux des ruches magmatiques (d'après P. Gruclic, schéma)
Les roches magmatiques se distinguent non seulement par leur
structure, mais aussi par leur composition minéralogique et chimique.
Elles contiennent habituellement des minéraux, tel que le quartz
et divers silicates, en premier lieu des feldspaths, puis des pyroxènes,
des amphiboles, des micas, de l ’olivine, etc. Mais le rapport entre
le quartz, le feldspath et les éléments noirs (minéraux ferro-ma-
gnésiens du groupe des silicates) varie fortement, déterminant la
diversité des roches magmatiques et servant ainsi de base à la classi­
fication minéralogique. La teneur en silice (Si02) est un indice
important de la composition chimique des roches magmatiques
et elle sert également à établir une classification chimique. Suivant
leur teneur en silice, les roches magmatiques sont classées en roches
acides, neutres, basiques et ultra-basiques.
On nomme roches acides celles dont la teneur en silice SiO?
(quartz ou composés de silice) est de 65 à 75% ; neutres, de 52 à 65% ;
basiques, de 40 à 52 %, et ultra-basiques, quand cette teneur est
inférieure à 40%. Les minéraux types des roches acides sont le quartz
et les feldspaths potassiques et sodiques; ceux des roches basiques,
les minéraux mélanocrates comme l ’augite, l ’amphibole, l ’olivine,
ainsi que les plagioclases neutres et basiques. Sur la base de la com­
position minéralogique et de la structure on peut établir une classi­
fication des principales roches magmatiques (tableaux 25 et 26).
Comme on le voit, la composition chimique (ainsi que minéralo­
gique) est un critère important pour la classification des roches
magmatiques. Les conditions physico-chimiques de formation des
roches (leur faciès) qui déterminent la structure et la texture sont
également essentielles.
Le tableau 27 donne la répartition des roches de différentes com­
positions sur le territoire de l ’U.R:S.S.
Tableau. 27
Répartition moyenne des roches intrusives
et effu sives sur le territoire de l ’U.R.S.S. (en ?o)

Hoches Acides Basiques A lcalines T otal

Intrusives 48,7 2,3 0,4 51,4


Effusives 13,5 35,1 (0,05) 48,6

On a parfois intérêt à recourir à la notion de roches mélanocrates


et leucocrates. Parmi les minéraux qui composent les roches on distin­
gue d ’habitude les éléments blancs (quartz, feldspath, muscovite,
zéolites, feldspathides, etc.), et les éléments noirs ou colorés (olivi-
ne, pyroxènes, amphiboles, biotites, minerais métallifères). Si
l ’élément blanc prédomine, les roches sont dites leucocrates; du
point de vue chimique, les roches leucocrates sont le plus souvent
520
acides. Au cas où c'est l'élément noir ou coloré qui prédomine les
roches sont dites mélanocrates ; elles sont ordinairement basiques,
ont une teinte sombre et un poids spécifique supérieur à celui des
roches acides.
Pour terminer le chapitre, donnons une description sommaire
des principales roches magmatiques.

ROCHES ACIDES
Granités. Les granités sont composés essentiellement de quartz,
de feldspaths, de feldspaths potassiques et de plagioclases acides
avec une addition de silicates mélanocrates, de mica, d ’amphibole
et d ’augite en moindres proportions. La structure est holocristalli-
ne, équigrenue ou porphyrique. Les cristaux sont de beaux spéci­
mens et parfois sont relativement gros (fig. 281, A). La teinte est
claire, celle des feldspaths. La mise en place des granités s ’effectue
en gros massifs (batholites). Ces roches trouvent une large applica­
tion dans le bâtiment. Ces roches sont les plus communes des forma­
tions magmatiques, elles apparaissent en de vastes affleurements
en Carélie, en Ukraine, dans l ’Oural, au Kazakhstan, au Tian-Chan,
dans le bassin d ’Aladan et d ’Anabara, dans la Transbaïkalie et en
d ’autres lieux.
Granulophyres (granité porphyroïde). La composition est la
même que celle des granités. Ils se forment à partir des magmas qui
se sont solidifiés plus près de la surface ; c’est pourquoi ils ont une
structure porphyrique ; au milieu des grains fins de quartz on distin­
gue de gros cristaux de feldspath.
Porphyres liparitiques. De même composition, également, mais
les cristaux de feldspath sont plus gros ; structure porphyrique ;
teintes rougeâtres, brunes, etc.
Rhyolites (liparites). Ce sont des roches effusives de composition
granitique formées par solidification des laves acides. Elles se carac­
térisent essentiellement par une structure porphyrique (felsitique)
et des pâtes vitreuses (obsidiennes liparitiques). Les obsidiennes
à aspect écailleux s ’appellent perlites. Quand la masse vitreuse con­
tient des bulles et des cavités remplies de gaz n ’ayant pas pu se déga­
ger, il se forme des ponces dont le poids spécifique est inférieur à 1.
ROCHES NEUTRES
Diorites (faciès intrusif). Composition minéralogique : feld­
spath (plagioclase neutre) et amphibole en quantités à peu près éga­
les, ainsi que de l ’augite. Certaines variétés contiennent du quartz
(diorite quartzifère). Structure holocristalline, à grains moyens.
Teinte grise avec un point de vert ; des transitions sont connues
des diorites aux granités, d ’une part, et aux gabbros, de l ’autre.
Porphyres dioritiques, de composition identique aux diorites,
mais de structure porphyrique.
521
Andésites. La composition se rapproche des diorites, mais leur
faciès étant effusif, elles possèdent une structure cryptocristalline
qui devient parfois porphyrique avec apparition de grains de miné­
raux noirs et de plagioclase. De teintes grises et noires elles sont
largement répandues, surtout en Arménie et au Kamtchatka. Elles
forment des dômes, des coulées et des nappes.
Syénites (faciès intrusif). Roches constituées essentiellement
de feidspaths potassiques, de plagioclases neutres et d'amphibole.
L ’augite y est fréquente, mais on note l'absence de quartz.
Porphyres syénitiques. D’une composition proche des syénites,
ils comportent des gros grains porphyriques de feidspaths ou de miné­
raux mélanocrates.
Trachytes. Laves de composition syénitique ; parfois on décou­
vre dans la masse cryptocristalline des cristaux isolés de sanidine
de dimensions plus grandes. Leur teinte est claire.

ROCHES BASIQUES

Gabbros (faciès intrusif). Constitués essentiellement de plagio­


clase basique (en général de labrador) et d ’augite, plus rarement
d ’amphibole; parfois apparaissent des inclusions d ’autres miné­
raux, comme l ’ilménite ou la magnétite; les gabbros modifiés com­
portent aussi de la pyrite. La présence d ’olivine est possible. La
teinte est déterminée par la teneur en minéraux mélanocrates et la
couleur des plagioclases ; elle peut être grise, gris-vert, gris foncé
jusqu’au noir. Le grain des cristaux est moyen ou gros, des varié­
tés rubanées sont fréquentes. La variété à gros grains constituée
entièrement de labrador s ’appelle labradorite. Aux roches plutoni-
ques du groupe des gabbros sont souvent associés des gisements
de minéraux utiles.
Diabasophyres (faciès hypo-abyssique). De composition proche
des gabbros, ils sont constitués essentiellement d ’augite qui forme
la matrice noire dans laquelle est noyé le plagioclase dont les petits
grains sont disséminés dans la masse de la roche (structure ophitique).
La teinte est d ’un gris-vert dû à l ’amphibole secondaire et le chlo-
rite. La structure est équigrenue. Résistance à l ’usure très élevée.
Basaltes. Laves de composition des gabbros. Structure crypto-
cristalline: les grains sont invisibles à l ’œil nu (voir fig. 281, A).
La teinte est noire, une fois érodés les basaltes deviennent gris ou
verdâtres. Ces roches sont très fréquentes, étant le produit d ’érup­
tion de nombreux volcans en activité. Les coulées de basalte se
caractérisent par une divison en bâtonnets.

ROCHES ULTRA-BASIQUES
Leurs représentants principaux sont les dunites, les péridotites
et les pyroxénites, composés presque totalement d ’olivine, de pyro-
522
xène et d ’autres éléments colorés. Ces roches n ’ont pas de feldspaths
ou bien en contiennent une quantité infime.
Dunite. Composée presque entièrement d ’olivine, rarement
additionnée de chromite et de magnétite. Oe couleur vert clair
jusqu’au vert foncé, presque noire, son poids spécifique est d ’envi­
ron 2,7 ; avec la modification des conditions physico-chimiques
elle se transforme en ophiolite (serpentine), de poids spécifi­
que supérieur à 3,0. Les dunites abondent dans l ’Oural où des gise­
ments de platine leur sont associés.
Péridotite. Composée surtout d ’olivine, mais comporte aussi
du pyroxène (hypersthène ou diopside). Elle est noire avec une
teinte verte. Les péridotites portent ordinairement des signes d ’al­
tération résultant de la serpentisation.
Kimberlite est une roche proche de la péridotite; elle est
constituée par une brèche quelque peu modifiée comprenant de la
serpentine, de l’olivine et du mica. En Afrique du Sud et en Yakoutie
elle remplit les cheminées (pipes) associées aux gisements diaman­
tifères.
Pyroxénite. Composée surtout d ’augite et comprenant de l ’oli-
vine en quantité infime. Oe couleur noire. Le nickel qui entre dans
sa composition se dégage pendant la serpentisation.
Bien qu’elles ne soient pas très abondantes, les roches ultra-
basiques jouent un rôle très important, car des gisements de métaux
rares leurs sont associés (platine, amiante, magnétite, diamants,
minerais de nickel, de cobalt, de chrome, de tungstène).
C H A P I T R E 1 8

Métamorphisme

Les mouvements tectoniques de la croûte terrestre, la mise en


place du magma régissent les phénomènes compliqués du métamor­
phisme des roches. Sous le terme de métamorphisme on désigne l'en­
semble des phénomènes qui aboutissent à des modifications profondes
conditionnant la transformation d'une roche en une autre. Les facteurs
déterminants sous ce rapport sont:
1) la pression qui dépend du poids des couches sus-jacentes
(métamorphisme statique) ou de la poussée tectonique orientée;
2) la température élevée ;
3) les substances chimiquement actives (solutions et gaz).
Dans un milieu physico-chimique approprié toutes les roches
subissent le métamorphisme, qu’elles soient sédimentaires, magma­
tiques ou métamorphiques transformées antérieurement. Ce phéno­
mène s’accompagne d ’une recristallisation partielle ou totale, d ’une
modification de la structure et de la texture, et même, dans maints
cas, de la composition minérale. Comme l ’ont montré les recherches
de F. Lévinson-Lessing, ces modifications n ’ont pas besoin de la phase
liquide pour se manifester, elles ont lieu à l ’état solide de la matière.
Comme nous l ’avons déjà vu, la température croît avec la pro­
fondeur. Cette élévation relâche les liens entre les atomes des miné­
raux, augmente l ’action dissolvante de l ’eau, intensifie l ’activité
de nombreux composés chimiques. En guise d ’exemple, on peut
citer la silice qui dans des conditions normales de température et
de pression est incapable de donner des combinaisons chimiques.
Quand la température augmente, elle acquiert les propriétés d ’un
acide chimiquement actif, interagit avec d ’autres roches et forme
plusieurs combinaisons stables dans le nouveau milieu physico­
chimique ; c’est ce qui se produit, par exemple, dans la zone de con­
tact des roches sédimentaires carbonatées et des venues magmatiques.
Le phénomène est tel que les carbonates peuvent se transformer
en silicates.
Le métamorphisme est également régi par la pression qui s ’ac­
croît rapidement avec la profondeur sous l ’effet de la charge consti­
tuée par les couches sus-jacentes. Dès la profondeur de 10 km, cette
524
charge atteint des valeurs (260<J atm) qui suffisent pour écraser les
roches les plus résistantes. L ’augmentation de la pression élève la
solubilité des substances et contribue au réarrangement des parti­
cules élémentaires.
En plus de la pression des couches sus-jacentes (géostatiques)
les roches sont aussi soumises à une pression unilatérale ; c’est une
pression orientée, d ’origine extra-corticale qui apparaît lors de
l'orogenèse et s ’exerce dans des conditions d ’une température rela­
tivement faible.
Quand les roches ne sont soumises qu’à l ’action d ’une tempé­
rature et d ’une pression élevées, le processus de métamorphisme
n’affecte pas leur composition chimique globale; autrement dit,
il n ’y a pas d ’apport de substances nouvelles. Mais la situation est
différente lorsqu’il y a injection de magma. Entre autres facteurs,
les matériaux volatils jouent un rôle essentiel ; ils pénètrent au
sein de la croûte et provoquent à l ’intérieur des roches les change­
ments les plus variés. Des réactions compliquées se déclenchent
alors entre les matériaux gazeux et les solutions hydrothermales
d’une part, les roches de l ’autre. Le métamorphisme s’accompagne
alors d ’une modification de la composition chimique globale des
roches.
En conclusion on peut dire que par métamorphisme on sous-en­
tend les modifications des roches sous l'action de divers agents d'ori­
gine endogène : chaleur interne du Globe, pression élevée, déplacements
tectoniques de la m atière, sources m inérales et gaz des couches
profondes (d’après F. Lévinson-Lessing).

§ 1. Différentes sortes de métamorphisme


Suivant les facteurs qui dominent lors de la modification des
roches, il convient de distinguer plusieurs sortes de métamorphisme :
1) le métamorphisme de contact;
2) le métamorphisme général ou régional ;
3) le dynamométamorphisme.
Le métamorphisme de contact est associé directement à la mise
en place du magma dans la croûte terrestre. Les roches encaissantes
subissent alors des actions différentes de la part du magma. La tem­
pérature élevée du magma injecté à l ’état de fusion ignée provoque
en premier lieu des phénomènes de recristallisation qui peuvent
intéresser plus ou moins tous les minéraux. En même temps, les
roches sont puissamment attaquées parles gaz et les vapeurs d ’eau
qui se dégagent du magma, ce qui entraîne le réarrangement chimique
de nombreux composants de la série sédimentaire.
Ce métamorphisme est ordinairement associé à une zone de con­
tact relativement étroite des venues intrusives avec les roches encais­
santes, et qui s ’appelle auréole de contact; la largeur de cette zone
dépend des dimensions de la masse intrusive, de la composition
525
du magma mis en place et de la profondeur de l ’injection. Plus la
masse intrusive est grande, plus la quantité d ’énergie thermique
qu’elle apporte est importante et plus les auréoles des actions de con­
tact sont étendues. L ’injection des magmas acides, riches en élé­
ments volatils (minéralisateurs), élève l ’intensité du métamorphisme
des roches encaissantes et aboutit à l ’apparition d ’auréoles plus lar­
ges que dans le cas d ’un magma de composition différente.
Les modifications de contact des roches encaissantes sont égale­
ment fonctions de leur composition. Les roches sableuses et argileu­
ses donnent des cornéennes a structure grenue très dense, constituées
du quartz, du mica (surtout de la biotite), de l ’andalousite, de la
sillimanite et d ’autres minéraux. La roche initiale peut être argileu­
se ou argilo-sableuse, ou même constituée de schistes coticules, de
grès quartzeux et feldspathiques, etc.
Lors de la transformation des roches carbonatées, des calcaires
et des dolomies un rôle important dans la zone de contact revient au
processus de métasomatose qui se déroule sous l ’action des composants
mobiles du magma. C’est ce qu’on appelle Y altération pneumatoly-
tique. Les roches sédimentaires carbonatées se transforment alors
en skarns, roches de composition variable, constituées surtout de
silicates calcairo-ferreux. Ces formations sont souvent associées aux
divers gisements métallifères (fer, cuivre, plomb et zinc, tungstène,
etc.). Parfois, l ’ensemble des bancs calcaires est remplacé par une
couche de minerai, d ’autres fois, les gîtes métallifères ne forment que
des disséminations. La magnétite est le minerai typique de la zone
de contact. A une certaine distance du contact direct avec l ’intrusion,
il se forme des minerais sulfurés de cuivre, de plomb et de zinc.
Parmi les skarns il est fréquent de découvrir des grenats.
Les roches encaissantes ne sont pas seules à subir des modifica­
tions de contact, les roches magmatiques mises en place éprouvent
également des changements résultant de l ’interaction entre le mag­
ma à l ’état de fusion et les roches encaissantes, et de l ’apport dans
le magma de matières étrangères.
L ’ensemble des phénomènes qui se déroulent dans les roches
entourant la masse intrusive porte le nom d ' exomorphisme, les phé­
nomènes qui ont lieu au sein du magma, celui à'endomor­
phisme.
Les roches se modifient aussi sous l ’action des solutions possé­
dant des températures élevées qui se forment par condensation des
vapeurs d ’eau du magma et qui contiennent divers composants chi­
miques. Cette sorte de modification porte le nom d 'altération hydrother­
male. Les solutions hydrothermales sont à l ’origine de divers filons
se formant dans les fissures des roches et donnant souvent lieu à des
gîtes de minéraux utiles et précieux. Il est fréquent que la phase
hydrothermale soit rattachée à la phase pneumatolytique. En guise
d ’exemple on peut citer les greisens, roches pneumatoly to-hydro-
thermales modifiées, de composition acide (granité et autres). Les
526
solutions et les éléments gazeux surchauffés décomposent les feld-
spaths qu’ils contiennent et donnent du quartz et du mica.
Des cas d ’altérations hydrothermales importantes ont été enre­
gistrés dans la zone des minerais filoniens constituant des gîtes de
minerais de métaux ou d ’éléments non métallifères. Les roches encais­
sant le filon subissent alors diverses modifications, par exemple la
silicification (enrichissement en quartz), la chloritisation (formation
de chlorites par substitution métasomatique des minéraux initiaux),
la carbonatisation, la séricitisation (enrichissement en séricite aux
dépens des minéraux feldspathiques ou argileux), la serpentinisa-
tion, etc.
Un trait particulier au métamorphisme de contact est la zonalité
de l ’intensité et de la nature des modifications de contact. Rosenbuch
distinguait trois zones de métamorphisme de contact : intérieure,
des cornéennes ; moyenne, des micaschistes ; extérieure, des pliyl-
lades. Certes, les limites entre ces zones sont plutôt arbitraires, mais
dans l ’ensemble, l ’auréole des modifications de contact autour du
foyer magmatique est bien réelle.
Le dynamométamorphisme est lié aux mouvements tectoniques
affectant la croûte terrestre et qui sont à l ’origine des plissements et
des failles. Les modifications des roches se produisent surtout dans
la partie supérieure de la croûte sous l ’action d ’une pression unilaté­
rale ayant une certaine direction. Le dynamométamorphisme trans­
forme la structure des roches. Les anciennes structures s ’altèrent et
de nouvelles les remplacent, se caractérisant par une direction pré­
férentielle des minéraux. Les minéraux fragiles se fragmentent, s’usent,
s’écrasent; les minéraux plastiques se déforment en donnant des ina-
cles polysynthétiques complexes. Le réseau cristallin de certains
minéraux subit des réarrangements, et l ’orientation des axes opti­
ques se modifie. L ’étude des directions préférentielles des minéraux
facilite la détermination de l ’orientation des forces agissantes et
aide à résoudre certains problèmes de tectonique.
Extérieurement, l ’action du dynamométamorphisme sur la roche
se traduit notamment par la schistosité : la roche acquiert la proprié­
té qui lui permet de se débiter en feuillets minces, suivant de fines
fissures uniformément orientées, ou bien elle présente des grains se
disposant suivant une direction préférentielle. Dans ce dernier cas,
nous sommes en présence de schistosité cristallophytienne, le produit
d ’un dynamométamorphisme intense. En effet, la schistosité cristal-
lophylienne témoigne d ’une structure orientée acquise sous l ’effet
de la pression. En même temps, pendant que se déroulent les mouve­
ments tectoniques intenses, les roches subissent une recristallisa­
tion. On distingue les schistosités linéaire, planaire, lenticulaire.
L ’étude de la schistosité, y compris de l ’orientation préférentiel­
le des grains minéraux, a acquis ces dernières années une grande
importance, car les déformations tectoniques subies par les roches
sont aujourd’hui étudiées au microscope. On peut par cette métho-
de définir, par exemple, la position des axes optiques d ’un minerai;
en reportant les résultats des observations sur des diagrammes éta­
blis spécialement, on obtient, par l ’analyse statistique de centaines
et de milliers de mesures, des renseignements objectifs (fig. 282).
Ces renseignements permettent de déterminer l ’orientation, la natu­
re et l ’intensité des forces ayant provoqué les déformations, l ’âge
des mouvements, le nombre des phases orogéniques, etc.
Le dynamométamorphisme se manifeste non seulement par la
recristallistation, la schistosité, etc., mais aussi par la fragmenta-

Fig. 282. Diagramme structural d ’une tectonite de granité gneissi-


que à direction préférentielle bien marquée. Le diagramme est
établi sur la base des déterminations de la position des axes
optiques de 300 grains de quartz. Les isolignes sont menées tous
les 1, 2, 3, 4, 5, 6 , 7 et 10%. Kychtym, Oural (d’après E. Kouz-
nétsov, 1956)

tion de la roche, par la désagrégation des minéraux. Ces modifications


ont reçu le nom de dynamométamorphisme cataclastique. Les roches
qui portent une trace de fragmentation sont dites cataclastiques
(grès cataclastiques, granités cataclastiques, etc.). Si la fragmenta­
tion de la roche est poussée, celle-ci se transforme en brèche contenant
des débris anguleux. Lorsqu’elle est encore plus intense (broyage
donnant des grains de poussière), il se forme des roches feuilletées
qu’on appelle mylonites. Les roches portant des signes de dynamomé­
tamorphisme sont réunies sous l ’appellation générale de tectonites.
Le métamorphisme général ou régional. Le métamorphisme de
contact a un caractère local, il est associé à une mise en place du mag­
ma, le dynamométamorphisme est lié aux phénomènes tectoniques
528
et ne concerne que la région qui y est soumise. Le métamorphisme régio­
nal ou général est celui qui s ’effectue en profondeur, il intéresse de
vastes étendues sans rapport direct avec l ’existence ou la forme des
intrusions, l ’orientation et l ’intensité des forces tectoniques, et il
affecte les roches les plus diverses. En guise d ’exemple on peut signa­
ler les roches du massif cristallin d ’Ukraine, le Bouclier Baltique,
ainsi que les massifs centraux de divers soulèvements orogéniques.
Le métamorphisme régional est lié à des zones mobiles de la croûte
terrestre dites géosynclinaux (voir chapitre 20). Du fait d ’un affais­
sement prolongé des géosynclinaux, les couches épaisses sédimentai-
res qui les constituaient se retrouvaient à de grandes profondeurs où
elles étaient soumises à une pression et une température fort élevées.
Sous l ’action de ces facteurs, elles se recristallisaient en donnant
divers schistes cristallins, des gneiss et d ’autres roches métamorphi­
ques.
L'ampleur du métamorphisme des roches se modifie suivant les
variations dans les conditions du milieu (profondeur, température
et pression), déterminant ainsi la répartition des zones du complexe
de roches métamorphiques. Suivant le degré de transformation des
roches, U. Grubenmann, pétrographe allemand, distingua trois zo­
nes dans la croûte terrestre :
1) la zone supérieure (épizone) caractérisée par un faible métamor­
phisme se déroulant à une température modérée et sous une basse
pression géostatique, mais sous une forte pression orientée (tectoni­
que). C’est la zone où se forment les phyllades, les talcschistes et les
chloritoschistes, etc. ;
2) la zone intermédiaire (mésozone) sous-jacente à l ’épizone se
distinguant par une température élevée, une grande pression géostati­
que et, parfois, une pression dynamique assez forte. C’est la zone où
abondent les micaschistes, divers gneiss, les quartzites, les marbres
et, à la place des roches effusives basiques, les amphibolites;
3) la zone profonde (catazone), où règne une pression géostatique
élevée et des températures très élevées et où la pression orientée
n ’intervient pas ou presque (d’après les auteurs, ce fait n ’est pas prou­
vé). Dans cette zone les conditions favorisent la formation de miné­
raux et de roches stables, sans trace de schistosité. On y assimile les
gneiss à biotite et à pyroxène, les éclogites (roches grenues cristal­
lines constituées surtout par du grenat et du pyroxène), les amphibo­
lites, etc. La classification en zones de métamorphisme régional de
U. Grubenmann qui est basée sur la variation du métamorphisme
avec la profondeur a reçu une très large diffusion. Pourtant, elle ne
peut servir actuellement que de schéma préliminaire, car elle ne tient
pas compte de nombreux facteurs qui influent sur le déroulement du
métamorphisme (intrusion du magma, mouvements tectoniques, etc.)
et qui peuvent entraîner des modifications caractéristiques, notam­
ment pour la catazone, à une profondeur relativement faible. De
nombreux chercheurs utilisent les termes d’épizone, de mésozone et
34-927 529
de catazone, sans les associer à la profondeur absolue des roches, et ne
veulent y voir que l ’expression des successions du métamor­
phisme.
Sous ce rapport, il faut signaler la tentative de Pentti Eskola
(1920) d ’échafauder une classification sur la base de la notion de
faciès métamorphique, notion fondée sur l ’existence d ’associations
minérales caractéristiques correspondant à des conditions concrètes
de température et de pression ayant entraîné la formation de la roche,
indépendamment de la profondeur de son gisement. Certains miné­
raux étant stables pour des températures et des pressions déterminées,
ils peuvent servir en quelque sorte d ’étalons permettant de ratta­
cher chaque roche à tel ou tel faciès métamorphique. On distingue
les faciès sanidinite, des schistes verts, épidote-amphibolite, pyroxè-
ne-cornéenne, éclogite, etc.

§ 2. Roches métamorphiques
Les roches métamorphiques se forment au sein de la croûte ter­
restre à partir des roches magmatiques et sédimentaires par leur
transformation profonde dans des conditions de températures et de
pressions élevées, et sous l ’influence de solutions chaudes et de maté­
riaux gazeux. Cette transformation s’accompagne d ’une recristalli­
sation complexe des minéraux et des roches, de substitutions, de
désagrégations de structures anciennes et de l ’apparition de struc­
tures nouvelles, etc. Les roches métamorphiques peuvent également
subir des transformations si elles se trouvent dans des conditions
thermodynamiques correspondantes.
Structure. La recristallisation de la roche initiale à la phase soli­
de produit des structures secondaires caractéristiques que l ’on quali­
fie de blastiques (du grec pXaatapi — pousse). Lorsque la recristalli­
sation de la matière initiale est totale, les roches acquièrent une
structure cristalloblastique.
Il existe des roches métamorphiques qui se distinguent par une
recristallisation incomplète avec traces de la structure ancienne.
Pour désigner cette structure nouvelle on emploie le préfixe blasto :
structure blastogranitique, blastoporphyritique, etc.
Texture. Les roches métamorphiques peuvent avoir un aspect
schisteux, rubané, œillé, compact, etc. (suivant l ’arrangement des
matériaux constituants).
Dans une disposition schisteuse les grains de minéraux se présen­
tent sous la forme de lamelles allongées parallèles.
La texture rubanée résulte d’une alternance de couches paral­
lèles plus ou moins minces de compositions minéralogiques diffé­
rentes, couches qui se distinguent souvent par la couleur.
La texture œillée se caractérise par la présence de formations en
« œillets », sphériques ou allongées, noyées dans la masse de la roche
à grain fin.
530
Les formations compactes ne présentent généralement pas trace
de schistosité, quant aux roches métamorphiques, elles sont alors
de consistance homogène.
La schistosité est propre à divers schistes métamorphisés ; l ’as­
pect rubané ou œillé se rencontre surtout dans les gneiss, la texture
compacte dans les marbres, les quartzites, les coméennes.
La composition minéralogique des roches métamorphiques res­
semble beaucoup à celle des roches magmatiques ou sédimentaires
ayant subi une métamorphisation. On y trouve en général des quartz,
des feldspaths, des pyroxènes, des amphiboles, des micas, etc. Mais
de nouveaux minéraux peuvent apparaître simultanément, ou bien
la quantité des minéraux secondaires peut augmenter: famille des
grenats, wollastonite, disthène, andalousite, sillimanite, cordiérite,
chlorites, diopside, trémolite, épidote, etc.
La composition chimique dépend des roches initiales d ’une part
et de la nature du métamorphisme d ’autre part. Pour avoir une idée
des transformations chimiques qui se déroulent lors de la métamor­
phisation d ’une roche, on a proposé la méthode de calcul des coeffi­
cients qui dépendent du nombre atomique de l ’élément considéré
et de ses liaisons avec les atomes d ’oxygène. En guise d ’illustration,
indiquons les chiffres exprimant la teneur en éléments principaux de
la dunite en tant que roche initiale et de la serpentine, produit de la
métamorphisation de la dunite (tableau 28 dû à T. Barth, tiré de
l ’ouvrage de E. Kouznétsov, 1956).
Tableau 28
C om paraison de la co m p o sitio n c h im iq u e de la d u n ite
et de la s e r p e n tin e

Rocbe Si Al Cr F c '" F e" Mn NI Mg Na K (OH)

Dunite 377 9 2 0 61 0 , 6 2 689 0 , 0 0 , 0 84


Serpentine 248 3 3 26 9 0,7 0,3 357 0,4 0,4 693

Comme on le voit, la transformation de la dunite en serpentine


s ’accompagne d ’une diminution du magnésium et du silicium, d ’un
apport d ’eau, de l ’oxydation d ’une partie du protoxyde de fer qui
passe ainsi à un oxyde et d ’autres modifications.

Description sommaire de principales


roches métamorphiques
Phyllades (Phyllites). Ce sont des roches peu fissiles à schistosité
fine, présentant un aspect soyeux le long des joints. Elles ont une
teinte verte, grise, rouge, noire, suivant les impuretés présentes.
Extérieurement, elles ressemblent à des schistes argileux (argiles
34* 531
très fissiles, à peine métamorphiques), mais s ’en distinguent par
l ’absence de minéraux argileux. Elles contiennent du quartz et du mi­
ca avec des présences de chlorite, d ’albite et parfois de grains de gre­
nat, de tourmaline et d ’autres minéraux.
Micaschistes. Ils sont déjà plus métamorphisés que les phyllades
et ils contiennent des micas et des quartz avec addition d ’autres

Fig. 283. Affleurements de gneiss (antépaléozoïques). Carélie

minéraux. Parfois, on est en présence de biotite, parfois de muscovite


ou même des deux. On les appelle en conséquence micaschistes à
biotite, à muscovite, ou schistes à deux micas.
Talcschistes. Roches métamorphiques finement schisteuses cons­
tituées surtout d ’écailles de talc avec des trasses de quartz, de
chlorite, de mica. Elles contiennent également des feldspaths, de la
magnétite, de l ’actinolite çt d ’autres minéraux en quantité variable.
Ces schistes talqueux sont très tendres et onctueux sur les joints. Ils
se forment par transformation des roches ultra-basiques.
Chloritoschistes. Composés surtout de chlorite, auquel s ’ajoute
du quartz et d ’autres minéraux en faible quantité (talc, mica,
épidote, tourmaline, actinolite, rutile, magnétite, etc.). Ils ont un
aspect écailleux et écaillo-schisteux. Leur teinte varie du vert clair
532
jusqu’au vert-noir. La présence de tel ou tel minéral est indiquée
dans la nomenclature: chloritoschiste à talc, micacés, à amphibole,
etc. Les chloritoschistes se forment à partir des roches basiques.
Gneiss (fig. 283). Ce sont des roches métamorphiques composées
surtout de feldspaths et de quartz. On y rencontre un ou plusieurs
éléments colorés, tels que le mica, l ’amphibole, le pyroxène. Suivant
le minéral coloré en présence on a des gneiss micacés, amphiboliques,
pyroxéniques, etc.
Les gneiss se caractérisent en général par une texture rubanée
formant des lits plus ou moins parallèles, mais quelquefois on ren­
contre aussi des textures schisteuse ou œillée. Ils proviennent du
métamorphisme des roches sédimentaires (paragneiss) ou des roches
magmatiques (orthogneiss).
Marbre. C’est une roche métamorphique holocristalline ; la gros­
seur des grains est variable. Elle provient d ’un calcaire recristallisé
et est composée de calcite. Les variétés de marbre pur sont blanches.
Diverses impuretés conditionnent les différentes couleurs (gris, jau­
nâtre, rosé, etc.).
Quartzites. Ce sont des roches métamorphiques à grains de quartz
fortement cimentés. Elles résultent de la métamorphisation des sa­
bles quartzeux et des grès. Parfois, elles contiennent des éléments fer­
rugineux, micacés, des chlorites et d ’autres minéraux. Quelquefois,
on trouve des variétés schisteuses de quartzite qu’on appelle itacolu-
mite.
En conclusion, indiquons qu’aux roches métamorphiques sont
associés de nombreux minéraux utiles surtout lorsqu’elles résultent
d ’altérations pneumatolitiques et hydrothermales. Les gisements
de fer, de cuivre, de tungstène et d ’autres métaux correspondent sou­
vent aux faciès minéralogiques caractérisés par des températures et
des pressions élevées. Les faciès minéralogiques des phases plus
jeunes sont souvent associés aux gîtes de métaux non ferreux et de
métaux rares. Le métamorphisme, s ’observant dans les zones de con­
tact avec les corps magmatiques ou au voisinage des remplissages
filoniens, favorise la concentration de nombreux minéraux pré­
cieux. On voit ainsi toute l ’importance qu’acquiert l ’étude du méta­
morphisme.
CHAPITRE 1 9

Structure et composition du globe


terrestre

§ 1. Procédés d’étude
Les trous de forage les plus profonds ne s ’enfoncent au sein de la
Terre qu’à une distance qui ne dépasse pas 5 km. Ce n ’est qu’excep-
tionnellement que les puits de mine atteignent 2 km de profondeur.
Ainsi, ce n ’est qu’à peine 0,1% du volume de la Terre qui, dans le
meilleur des cas, est accessible à l ’exploration. Pour le moment, les
tentatives de sondages plus profonds ont été vaines. C’est pourquoi il
a fallu rechercher des méthodes indirectes permettant d ’apprécier la
composition et la structure des zones internes du Globe. Plusieurs
procédés ont été proposés : méthodes séismique, gravimétrique, géodé-
sique, astrophysique, magnéto-tellurique, etc. Chacune d ’elles
n ’étudie qu’un aspect du problème. Dans l ’ensemble, on obtient de
multiples renseignements, mais ils ne permettent pas encore d ’éta­
blir définitivement ne serait-ce que les traits essentiels de la structure
et de la composition du Globe.
Examinons plus en détail la méthode séismique.
Comme il a été dit au chapitre 16, lé foyer d ’un tremblement de ter­
re émet des ondes élastiques qui se propagent dans toutes les direc­
tions à une certaine vitesse et atteignent la surface par des voies
diverses. Les ondes longitudinales P (primaires), ondes de condensation
e t de dépression, se propagent à la vitesse de 5 à 8 km/s ; les ondes
transversales S (secondaires), qui provoquent une oscillation transver­
sale des particules du sol par rapport au front de l ’onde, se déplacent
à une vitesse de 3 à 5 km/s ; les ondes superficielles L ont la propa­
gation la plus lente, 3 à 4 km /s. Examinons comment se déplacent
les ondes longitudinales (P), par exemple.
Soit un point O (fig. 284 foyer du séisme au sein d ’une couche
de roches dans lesquelles les ondes P se propagent à la vitesse V\.
Sous cette couche, à une profondeur h, se trouve une autre couche
pour laquelle la vitesse des ondes élastiques est F 2; soit V2 > F,.
Le point K x où est placé le premier séismographe est d ’abord
atteint par les ondes P, qui ont parcouru la droite OKu puis par les
ondes P 2 qui ont suivi le trajet OABKl dont une partie passe par la
couche inférieure où leur vitesse est plus grande (V2).O n peut trouver
à une distance plus grande de l ’épicentre un point K z qui sera atteint
534
en même temps par les deux ondes Pi et P 2; Ie trajet OKz est plus
court que OACK2, mais, par contre, sur ce dernier trajet les ondes
se déplacent pendant un certain temps à une vitesse plus grande
(AC est parcouru à la vitesse F 2). Enfin, le point K z sera d ’abord
atteint par les ondes P 2 ayant traversé la couche inférieure en suivant
le trajet OADK3j puis par les ondes P u qui se sont déplacées direc­
tement le long de OKz ; ce dernier trajet est plus court, mais la vites­
se des ondes Pi est faible (Fj). Si aux trois points K if K z, K z sont
placés des séismographes, nous obtiendrons les trois enregistrements
représentés sur la fig. 284. Si l ’on connaît les grandeurs F, et F 2 et

Vz A -~ B ~ ~ C — - D
Fig. 284. Schéma de la propagation des ondes
séismiques dans un milieu à deux couches

l ’intervalle de temps écoulé entre le déclenchement du séisme au


foyer et l ’arrivée des ondes aux points K u K 2 et K 3, on peut calcu­
ler la profondeur h à laquelle se situe le toit de la couche inférieure.
Si l ’on convient, pour simplifier, que le foyer O se trouve à la sur­
face et si l ’on tient compte que sin a Yt , on trouve h pour le point
v2
K j d ’après la formule
h = ^Ft sin2a-|- — /jF t At sin a J -cos a.
En réalité, nous n ’avons pas besoin d ’autres données, car nous
connaissons la vitesse F,, l ’angle a, le temps et la distance épicen-
trale1 Les observations aux autres points K z, K z, etc., ne sont
nécessaires que si l ’une des grandeurs citées est inconnue ou si l ’on
veut vérifier et préciser les résultats obtenus.
Certes, le phénomène est beaucoup plus compliqué. Il faut géné­
ralement tenir compte non pas de deux, mais de plusieurs couches.
Celles-ci ne sont pas toujours parallèles, souvent même elles sont
inclinées et gauchies. Enfin, le foyer n ’émet pas seulement des ondes
longitudinales, mais aussi des ondes transversales et superficielles.
Le séismogramme n ’en est que plus embrouillé. Toutefois, il peut
être déchiffré. Quand le séisme est très intense, les ondes émises con-

1 La distance épicentrale est celle qui sépare l ’épicentre du séisme de la


station séismographique.
535
tournent le globe entier et passent par le centre, permettant de son­
der tout le globe et d'établir la distance aux couches ou enveloppes
qui le composent.
Des résultats intéressants sont obtenus par l'étude des ondes !pro-
duites par des explosions. En 1936, on en effectua une dans l'Oural,
près de Tchéliabinsk (Korkino) pour mettre à nu des bancs de houille
gisant à de faibles profondeurs (fig. 285).
On employa 1 850 t d ’explosifs. Les ondes émises furent enregis­
trées par plusieurs stations séismographiques installées spécialement

Fig. 285. Explosion dans la région de la ville de Korkino, près de Tchéliabinsk,


en 1936

dans plusieurs villes à l ’Ouest et à l ’Est de l ’Oural. Le dépouillement


des séismogrammes permit d ’établir la présence à la latitude de Kor­
kino, d ’une certaine succession de couches dans la croûte se distin­
guant par des élasticités différentes (tableau 29).
Une autre méthode dite gravimétrique consiste à étudier la réparti­
tion de l ’intensité de la pesanteur à la surface de la Terre. Pour tous
les points de la surface du sphéroïde terrestre l ’intensité de la pesan­
teur est établie d ’après la formule proposée en 1901 par F. Helmert:
g0= 978,046 (1 +0,005302 sin2 cp—0,000007 sin22cp),
où q) est la latitude géographique du lieu. Par le symbole g0 on dési­
gne la grandeur théorique de l ’intensité de la pesanteur en ne faisant
536
intervenir que les forces d ’attraction de toutes les masses du globe
terrestre et la force centrifuge. En réalité, la grandeur g varie suivant
le lieu considéré par suite des irrégularités de la répartition des mas­
ses dans la croûte et en fonction de la structure géologique : elle
Tableau 29
R é s u lta ts d u d é p o u ille m e n t d e s s é is m o g ra m m e s
d e l'e x p l o s io n d e K o rk in o (d ’a p rè s £ . K o rid a lin e )

Vitesse de propa­
gation des ondes Epaisseur de la coucbe, km
longitudinales,
km/s

_ 1,0 (roches meubles)


Dy3 1,1
5,5 0,6
5,7 3,0
5,8 4,6
6,1 8,6
6,1 9,3
7,3 2,5
7,6 10,5
8,0 Roches situées à plus de 40 km
de profondeur

augmente au-dessus des secteurs constitués de roches lourdes et dimi­


nue au-dessus des secteurs de roches légères, oscillant autour d ’une
certaine valeur théorique qui dépend de la latitude géographique.
Ces écartements portent le nom d'anomalies de la pesanteur et sont
désignés par le symbole Ag. Leur étude permet d ’apprécier la struc­
ture interne du globe.
Ainsi, au moyen des levés gravimétriques effectués sur les conti­
nents et les océans on a pu constater des variations notables de l ’ano
malie de la pesanteur. Dans des régions montagneuses, telles que le-
Alpes, le Caucase, le Pamir, les anomalies sont négatives (l’intensité
de la pesanteur est inférieure à sa valeur théorique), alors que dans
le Pacifique, elles sont positives. A première vue on pourrait s ’atten­
dre à l ’inverse, car la densité de l ’eau devrait plutôt entraîner des
anomalies négatives, tandis que les roches des régions plissées, d ’une
densité moyenne de 2,8 g/cm3, devraient engendrer des anomalies
positives. Les observations montrent que le défaut de masse dû à l ’eau
des océans est compensé par une densité plus grande des roches consti­
tuant le fond : basaltes et péridotites dont la densité atteint 3,2 g/cm3.
Inversement, sous les chaînes de montagnes se trouvent des ro­
ches à faible densité. Ces conclusions sont à l ’origine des conceptions
sur les « racines de montagnes » constituées par des roches relative­
ment légères et s ’enfonçant dans la croûte jusqu’à des profondeurs
537
de 50 km. Par leur composition ces roches doivent être proches des
granités.
Dans les plaines ou les plates-formes, les anomalies de la pesan­
teur sont peu importantes ; elles sont surtout conditionnées par la
structure du soubassement cristallin.
En associant les procédés séismique et gravimétrique nous pou­
vons généralement apprécier la structure profonde de la croûte ter­
restre.
Ces dernières années, des faits toujours plus nombreux témoignent
d ’un rapport très étroit entre le champ magnétique de la Terre et les
grandes unités structurales de la croûte, tels les plates-formes et les
géosynclinaux. L’étude des profondeurs de la Terre par les procédés
magnétiques est basée sur l ’existence de variations dans la répartition
de ce qu’on appelle le « champ rémanent » du magnétisme terrestre
ou champ de Bauer. Il s ’ajoute au champ d ’une sphère magnétisée
uniformément et peut atteindre 40 % de la valeur de ce dernier. Ces
champs superposés sont produits par des centres de magnétisation
qui se trouvent à une profondeur de 2 900 km. Comme les observations
en témoignent, les courbes d ’égales valeurs des champs superposés
épousent les contours des régions plissées et des plates-formes, et la
courbe zéro coïncide approximativement avec la ligne de séparation
des plates-formes et des géosynclinaux qui est marquée par des fail­
les profondes. Un autre procédé intéressant est fondé sur l ’étude du
paléomagnétisme, c ’est-à-dire de l ’aimantation rémanente des roches
d ’âges différents. Ce procédé permet d ’établir la position du méridien
magnétique à différentes époques géologiques et les déplacements des
pôles magnétiques de la Terre au cours de son passé géologique.
De nombreux renseignements importants peuvent être fournis
par l ’étude des courants telluriques, par les notions sur la masse de la
Terre et son moment d ’inertie (en rapport avec sa rotation sur son
axe), par la confrontation de la Terre avec d ’autres corps célestes
(les météorites, la Lune, d ’autres planètes), etc.
En définitive, malgré les grandes difficultés de l ’étude des pro­
fondeurs terrestres, cette tâche peut être, dans une certaine mesure,
entreprise dès aujourd’hui.

§ 2. Les enveloppes du globe

Les parties extérieures du globe terrestre forment plusieurs enve­


loppes: atmosphère, hydrosphère, lithosphère. Nous avons déjà étu­
dié les deux premières aux chapitres précédents. Pour ce qui est de la
lithosphère, c ’est-à-dire de l ’enveloppe rocheuse, sa partie superfi­
cielle est assez bien étudiée, mais ses parties plus profondes sont inac­
cessibles, et les renseignements que l ’on possède à ce sujet ne sont
obtenus qu’indirectement, surtout par la géophysique et en particu­
lier, par la séismologie.
538
Les ondes séismiques longitudinales traversant les couches dis­
posées sous les séries sédimentaires se propagent généralement à la
vitesse constante de 5,5-6,0 km/s, vitesse à laquelle les ondes élasti­
ques longitudinales traversent les roches magmatiques acides, grani­
tés et roches similaires (à en juger d'après les mesures en laboratoire
et celles effectuées sur le terrain, tableau 30). C’est pourquoi il faut
croire que les roches sédimentaires recouvrent une zone de granités
dont l'épaisseur varie d ’une façon importante et atteint dans cer­
tains endroits plusieurs dizaines de kilomètres.
Tableau 30
Vitesse de propagation des ondes
longitudinales V p et transversales F ,
dans des roches différentes (d’après
les données de laboratoire, pour une
pression de 4000 kg/cm2 et une
température de 30°C)

Roche Vp , km/s Vs, km/s

Syénite 6,0 3,4


Granité 6,1 3,6
Diabase 7,0 3,8
Gabbro 7,0 3,8
Pyroxénite 7,9 4,6
Dunite 8,0 4,5

A en juger d ’après les observations, il n ’y a pas de granité sous


le Pacifique. Il n ’y en a pas non plus, ou il y en a très peu, sous
l ’Atlantique et l ’océan Indien. La couche de granités et de roches
associées, sous-jacentes aux plaines continentales, est presque partout
de 10 km d ’épaisseur. Enfin, sous les chaînes de montagnes jeunes
comme les Alpes ou le Pamir, cette couche atteint environ 50 km.
La « zone » suivante, celle des basaltes,- a. une nature quelque peu
différente. Son existence est décelée par l ’accroissement de la vitesse
des ondes élastiques jusqu’à 6,5 km/s au-dessous de la zone des grani­
tés (pour des ondes longitudinales), ce qui est un indice de la pré­
sence de roches basiques du type des basaltes. Au-dessous des vastes
plaines continentales aux formes aplanies, c ’est-à-dire des plates-
formes contemporaines, la zone basaltique a une épaisseur d ’environ
30 km. Sous les chaînes de montagnes elle est de 10 à 15 km ; sous les
océans cette zone est très mince et elle disparaît même parfois com­
plètement.
Les zones « granitique » et « basaltique » constituent ce qu’on dé­
signe par le terme de Sial (de silicium et d ’aluminium), couche qui
ne forme pas d ’enveloppe continue sous le globe terrestre. Certains
croient qu’il faut identifier le Sial à la croûte terrestre. Si l ’on adopte
539
ce point de vue, c'est dans la région des chaînes de montagnes que la
croûte sera la plus épaisse (50-70 km) ; dans la zone des continents
son épaisseur est à peu près partout la même (30-40 km), alors que
sous les océans (du moins sous le Pacifique), elle est totalement
absente.
A une profondeur encore plus grande, c ’est-à-dire sous le « Sial »,
la vitesse des ondes longitudinales atteint 8 km /s; c ’est là que se
disposent probablement les roches ultra-basiques (encore plus riches
en fer et en magnésium que les roches basiques et d ’une teneur en
silice très inférieure), c ’est-à-dire des roches du type de la péridotite,
de l ’éclogite1, du pyroxénite, de la dunite. Parmi les minéraux
dominants il y a sans doute la fayalite Fe2Si04, la forstérite Mg2Si04,
l ’enstatite MgSi03, l ’olivine (Mg, Fe)2 Si04, etc. C’est la première zo­
ne continue du globe dont l ’épaisseur, suivant divers auteurs, est
d ’environ 1 200 km.
Il est difficile de dire quelle appellation lui convient le mieux.
B. Gutenberg et G. Linck emploient ordinairement le terme de
Sima (silicium-magnésium); E. Wiechert lui donne le nom de zone
« extérieure »; W. Goldschmidt l ’appelle « pierreuse» ou « éclogiti-
que » ; A. Sieber la nomme zone de « roches magmatiques lourdes » :
H. Washington et A. Fersman l ’appellent enveloppe péridotique. Par­
fois, on la désigne sous le terme de barysphère; de nos jours, on lui
donne souvent le nom de manteau.
Il importe de noter que la discontinuité entre le « Sial » et le
« Sima » ou la zone « péridotique » est très nette. C’est la surface
de discontinuité de premier ordre marquée par des modifications brus­
ques des propriétés élastiques et de certaines autres propriétés de la
matière. D’après E. Rozova, la vitesse des ondes longitudinales
(enregistrée en Asie centrale) est de 5,5 à 6,3 km/s pour la couche
supérieure ou « Sial » et de 7,9 km/s pour la couche inférieure,
c’est-à-dire au-dessous de la discontinuité. Sur le littoral atlantique
de l ’Amérique du Nord on a enregistré des vitesses égales récipro­
quement à 5,8 et 7,5 km/s. Des exemples de ce genre sont très
nombreux. En général, la vitesse des ondes longitudinales dans les
couches inférieures du « Sial » est d ’environ 6 km/s, tandis que
sous la discontinuité elle s ’élève brusquement à 8 km/s. Cette
surface de discontinuité est souvent appelée surface (ou discontinuité)
de Mohorovicic d ’après le nom du savant yougoslave qui la décou­
vrit le premier.
Si les hypothèses formulées ci-dessus sur la composition du «Sial »
et du « Sima » sont justes, on peut définir la densité de la matière
à des niveaux différents. Le poids spécifique des roches sédimentaires

1 L’éclogite est une roche macrocristalline constituée surtout de pyroxène


vert (omphazite), d ’amphibole (smaragdite) et de grenat; par sa composition
chimique elle ressemble au gabbro; c ’est une roche caractéristique des zones
de métamorphisme les plus profondes.
540
est ordinairement inférieur à 2,5 ; celui des roches acides est de 2,6
à 2,7 ; celui des roches basiques, de 2,8 à 2,9 ; celui des roches ultra-
basiques de 3,2 à 3,3 (tableau 31). Ce sont justement les chiffres qui
T a b le a u 31
D e n sité d es roches

D ensité, D ensité,
Roche g/cm» Roche g/cm3

Granité 2,5-2,7 Pyroxénite 3,2


Syénite 2,7-2,8 Dunite 3,2-3,3
Andésite 1,6-2,6 Schiste argi­
leux 2,3-2,7
Porphyre 2,8 Grès 2,2-2,8
Diorite 2,8-2,9 Schiste cristal­
lin 2,6-2,8
Gabbro 3,0 Gneiss 2,6-3,1
Péridotite 2,6-2,8 Marbre 2,7

déterminent la densité des couches susnommées, densité qui monte


à 4 ou 4,5 g/cm3 dans la partie inférieure de la couche « péridotique »
(compte tenu de la pression et de la modification de l'accélération
de la pesanteur).
Signalons que d ’après les formules de la vitesse des ondes élasti­
ques, celle-ci est inversement proportionnelle à la densité, c’est-à-
dire que lorsque la densité croît, la vitesse diminue:

VP = V K+ ? "

où p est la densité. On ne peut donc pas, comme on le fait souvent,


expliquer l ’accroissement de la vitesse des ondes par l ’augmentation
de la densité des roches qu’elles traversent. La vitesse s ’accélère
parce que la modification de la composition des roches entraîne des
variations des propriétés élastiques de la matière : le module de la
compression uniforme K et celui de la distorsion |x figurant au numé­
rateur de la fraction sous le radical augmentent, et cette augmenta­
tion compense les variations de la densité. C’est pourquoi on ne doit
pas s’étonner que la vitesse des ondes augmente, de la limite supé­
rieure de la courbe péridotique à sa limite inférieure (de 7,9 à
11,7 km/s pour les longitudinales et de 4,4 à 6,5 km /s, pour les
transversales), en même temps que la densité (de 3,3 à 4,0 g/cm3).
On suppose ordinairement qu’à 1 200, 1 700 et 2 400 km de pro­
fondeur il existe d ’autres surfaces de discontinuité qui diffèrent
toutefois de la discontinuité de Mohorovicid par une modification
moins brusque des propriétés élastiques de la matière; à la limite
inférieure des couches, il n ’y a que la vitesse des modifications des
propriétés qui change. Ces surfaces s ’appellent discontinuités de
deuxième ordre. La vitesse des ondes qui traversent la couche allant
de 1 200 à 2 900 km varie de 11,7 à 13,6 km/s pour les ondes longitu­
dinales, et de 6,5 à 7,3 pour les ondes transversales. La densité de la
matière à la limite inférieure de cette couche est, d ’après divers
auteurs, de 5,3 à 6,5 g/cm3. En règle générale, une telle couche appa­
raît assez nettement; on l ’appelle
Vitesse des ondes Pet S, km/s d ’habitude couche ou enveloppe
5 10 15 intermédiaire. Notons que d ’après
les dernières données (travaux de
E. Savarenski, 1955) l ’existence de
discontinuités à des profondeurs de
1 200, 1 700 et 2 400 km est sujette
à caution.
La discontinuité suivante est
bien nette et se manifeste à une
profondeur d ’environ 2 900 km;
c’est encore une discontinuité de
premier ordre. La vitesse des on­
des longitudinales émises par des
Fig. 286. Vitesse de propagation séismes très intenses diminue ici,
des ondes P et S au sein de la Terre d ’une manière tout à fait inat­
tendue, de 13,6 à 8,1 km/s. Quant
aux ondes transversales, elles ne dépassent pas cette limite de
2 900 km. Cette barrière franchie, la vitesse des ondes longitudi­
nales croît de nouveau lentement pour passer graduellement de
8,1 km/s à 2 900 km, à 11,3 km/s au centre de la Terre (fig. 286).
Que se passe-t-il à la limite de 2 900 km qui sépare, comme on le
suppose, l ’enveloppe intermédiaire du noyau de la Terre? Pourquoi
les propriétés élastiques de la matière changent-elles de cette façon?
Il est difficile de donner une réponse définitive, mais il s ’agit
sans doute d ’une brusque modification de la densité qui passe ap­
proximativement de 6 à 10 g/cm3; autrement dit, d ’une modifica­
tion brutale soit de la composition, soit de l ’état physique des ro­
ches. Nous examinerons ce problème au § 6. D’autre part, on a toutes
les raisons de supposer que la matière du noyau est plutôt à l ’état
liquide que solide. Le fait que le noyau ne transmet pas les ondes
transversales (c’est-à-dire que le module de distorsion de la matière
du noyau est proche de zéro), en est un témoignage.
L ’existence d ’un noyau dont les propriétés diffèrent de celles
des enveloppes extérieures peut être également décelée par un autre
procédé, celui de Vombre séismique (fig. 287). Lors des grands séismes,
les ondes longitudinales (P) et transversales (S) suffisamment inten­
ses sont enregistrées par les appareils à toutes les distances épicentra-
les A jusqu’à celles qui correspondent à un arc de 102 ou 103° (environ
542
1 400 km) ; au-delà, jusqu’au A = 143° les ondes P et «S ne se mani­
festent plus. Après cette valeur de A, les ondes P réapparaissent, de
nouveau très intenses, alors que les ondes £ ne se manifestent plus.
Ce comportement des ondes, c’est-à-dire l ’apparition d ’une « zone
d ’ombre » (qui pour les ondes longitudinales est enregistrée de 103 à

2
JO

Fig. 287. «Ombre séismique» du noyau de la Terre

143°, et pour les ondes transversales de 103 à 180°) ne peut s ’inter­


préter que par la présence d ’un noyau. Au moment du passage de cet­
te limite, la vitesse des ondes P tombe brusquement et elles subis­
sent une forte réfraction, tandis que les ondes S n ’arrivent pas à
franchir le noyau. On a représenté sur la fig. 287 le cheminement des
rayons séismiques.
En conclusion, indiquons que ces dernières années, sur la base
de faits nouveaux, on a présumé l ’existence d ’autres discontinuités
en plus des susmentionnées. Ainsi, entre 80 et 150 km on croit avoir
décelé une diminution de la vitesse (d’environ 3 %) qui ne reprend
sa valeur précédente qu’entre 150 et 180 km. D ’autre part, on a con­
firmé l ’accroissement particulièrement rapide des vitesses entre
400 et 800 km. Ce phénomène a été signalé pour la première fois
en 1912 par le géophysicien russe B. Golitsyne, c’est pourquoi
V. Magnitski a proposé d ’appeler cette couche « couche de Golitsy­
ne ». E. Savarenski mentionne une discontinuité à 900 km, et A. Tres-
kov, à 1 800 km. I. Mélik-Gaïkazian, ayant décelé récemment des
signes de division du noyau, pense qu’il est nécessaire d ’y distin­
guer un noyau intérieur, une graine, de rayon 1 280 km. Des résul­
tats identiques ont été obtenus par d ’autres séismologues, en par­
ticulier par I. Kovaïkina (U.R.S.S.), B. Gutenberg, C. Richtei
(U.S.A.), K. Wadati (Japon). Sur la fig. 288 on a représenté sché­
matiquement les différentes couches de la Terre.
L ’existence de discontinuités à la base du Sial et à la limite
du noyau est maintenant un fait acquis. En ce qui concerne la com-
543
position minéralogique des couches et l'é ta t de la matière qui les
compose, tout n ’est pas encore clair. Nous ne savons pas exactement
comment varie la température au sein de la Terre et comment se

Fig. 2SS. Structure interne de la Terre (schéma)

modifient les propriétés de la matière soumise simultanément à une


température et à une pression élevées.
Examinons plus en détail ces questions.

§ 3. Densité et pression au sein de la Terre


Pour calculer la pression exercée à l ’intérieur du globe, sous
l ’effet du poids des roches composant les différentes enveloppes
terrestres (pression dite géostatique), il faut connaître la densité et
Vintensité de la pesanteur à tous les niveaux, y compris au centre.
Comme nous l ’avons déjà vu, la densité croît à mesure qu’on
avance vers le centre, bien que d ’une façon irrégulière. De 2,5 g/cm3
à la surface, elle devient de 3,4 g/cm3 à 100 km et de 5,3 g/cm3
à 2 900 km de profondeur. Là, au niveau du noyau, la densité fait
un bond et monte aussitôt à 9,9-10,0 g/cm3, puis recommence à
croître régulièrement pour atteindre, au centre du noyau, 11 g/cm3
et plus (d’après A. Fersman).
Le tableau 32 donne les variations de la densité calculées par
M. Molodcnski sur la base de la densité moyenne du globe (5,52 g/cm3),
son moment d ’inertie et la grandeur p pour la partie supérieure de
la croûte. L’auteur de ces calculs admettait, comme les séismolo-
gues, qu’à la limite du noyau la densité fait un bond et passe de
5,3 à 9,9 g/cm3, c’est-à-dire que Ap = 4,6 g/cm3. Si cette hypothèse
est modifiée, les chiffres exprimant p changeront surtout pour les
parties centrales du globe. La colonne gauche du tableau 32 donne
les profondeurs en fraction du rayon terrestre, à compter du centre.
544
A titre de comparaison on a donné les chiffres obtenus en 1936 par
K. Bullen, ainsi que par R. Radau (1885) pour le cas de variation
Tableau. 32
Densité à l ’intérieur de la Terre
p. c/cm3

d’après d ’après d ’après


r M. Molodcn-
R. Radau, K. Bullen, skl.
1886 1936 1956

1 ,0 2 ,6 3,6
0,9 3,8 4,3 4,1
0,8 5,0 4,7 4,5
0,7 6 ,2 5,1 4,8
0 ,6 7,4 5,4 5,1
— — — 5,3
0,55 — — 9,9
0,5 8,6 10,1 10,4
0,4 9,4 10,8 11,2
0,3 10,1 11,4 11,8
0 ,2 10,7 11,9 12,2
0,1 11,0 12,1 12,4
0 ,0 11,2 12,2 12,5

uniforme de la densité. A l ’époque on ignorait l ’existence de la


discontinuité « enveloppe — noyau » et les calculs (R. Radau,
Densité, g/cm*

Fig. 289. Densité au sein de la Terre:


1 — d’après R. Radau, 1885 ; 2 — d’après K. Bullen,
1936; 3 — d’après M. Molodenski, 1955

A. Legendre) s ’appuyaient sur l ’hypothèse cosmogonique de Kant —


Laplace ; on pensait alors que la densité était une fonction continue
de la compression de la matière due à l ’action de la pression exté­
rieure (fig. 289).
36—927 545
Pour ce qui est de la pesanteur ou plutôt Y intensité de la pesan­
teur, elle décroîtrait régulièrement de la surface vers le centre si la
Terre était composée de roches de même poids spécifique. Mais comme
le noyau est plus dense que les parties externes, l ’intensité de la
pesanteur atteint un maximum (qui dépasse d ’environ 10% la
Accélération

Fig. 290. Accélération de la pesan­ Fig. 291. Pression au sein de la


teur au sein de la Terre Terre

grandeur normale à la surface) à la limite du noyau et diminue ensuite


rapidement jusqu’à devenir nulle au centre: le point se trouvant
au centre subit des attractions de même force s ’exerçant suivant les
rayons, attractions dont la résultante est en fait égale à zéro (ta­
bleau 30, fig. 290).
En possédant toutes ces données, nous pouvons calculer le poids
de la colonne d ’une section égale'à 1 cm2 et d ’une longueur égale
T a b le a u 33
Intensité de la pesanteur et pression à l ’intérieur
de la Terre (d’après V. Magnitski)

Profondeur h In tensité de la Pression P en


en km pesanteur g en crn/sz dynes/cma

0 982
33 985 0 ,0 0 9 -1 0 1 2
400 997 0 ,1 3 6 - 1 0 1 2

800 999 0 ,3 0 0 -1 0 1 2

1200 991 0 ,4 9 -1 0 1 2

1800 985 0 ,7 8 -1 0 1 2

2900 1037 1 ,3 7 -1 0 1 2

4000 762 2 ,3 9 -1 0 1 2

5000 452 3 ,1 2 -1 0 1 2

6000 126 3 ,4 8 -1 0 1 2

6370 0 3 ,5 1 -1 0 1 2

546
au rayon de la Terre ou à une fraction de ce rayon. C’est justement
la pression exercée par le poids des roches sus-jacentes sur un plan
unitaire (1 cm2) à l ’intérieur du globe. Les calculs donnent les
chiffres suivants: à la base de la croûte terrestre, c’est-à-dire à la
limite inférieure du Sial (50 km de la surface), 13 000 atm, soit
environ 13 t/cm 2; au niveau du noyau, près de 1,4 millions d ’atmo­
sphères; au centre, plus de 3 millions d ’atmosphères (fig. 291).
Le tableau 33 donne les chiffres caractérisant l ’intensité de la
pesanteur (en cm/s2) et la pression (en dynes par cm2).

§ 4. Température à l’intérieur du globe


Les mesures effectuées dans les trous de forage et dans les mines
ont permis d ’établir que la température monte, en fonction de la
profondeur, en moyenne de 3° tous les 100 m. Cela permet d ’intro-
l
duire la notion de gradient géothermique -g- (modification de la tem­
pérature en degrés par unité de longueur) et de degré géothermique
b (profondeur en mètres correspondant à une augmentation de 1°C).
Le gradient géothermique et le degré géothermique varient d ’un
endroit à l ’autre suivant les conditions géologiques, et plus géné­
ralement suivant l’environnement physico-géographique. Le ta­
bleau 34 en donne quelques exemples.
Tableau 34
D egré g éo th erm iq u e b e t g ra d ie n t g éo th erm iq u e
— d ’après le s m esu res e ffe c tu é e s d a n s le s
trous d e forage
1
Région 6 en tu b ca
dcçrés/m

Bornéo, Samarinde 15,7 0,06363


Japon, Echigo 22,9 0,04364
U.R.S.S., Bassin du Do-
netz 32,6 0,03068
U.R.S.S., Borislav 41,6 0,02402
U.R.S.S., Kharkov 58,6 0,01706
Tchécoslovaquie, Pfi-
bram 65,8 0,01520
Canada, Ontario 76,8 0,01303
U.S.A., Roswcld 87,1 0,01148
U.S.A., Grass-Valley 116,3 0,00860
Canada, Ontario 122,6 0,00817
U.S.A., Albany 137,8 0,00725
Transvaal, Witwaters-
rand 172,7 0,00580
35^ 547
S. Kraskovski, spécialiste de la géothermie (théorie de la chaleur
interne du globe), indique que le gradient géothermique peut varier
de 0,005 à 0,25 par mètre, ce qui correspond à une modification
de 5 à 250° par kilomètre. Mais, en moyenne le chiffre de variation
de 30° par kilomètre, mentionné plus haut, est valable partout.
Ainsi, à 2 700 m de profondeur dans le trou de forage de Long-Beach
en Californie, la température s ’est révélée d ’environ à 120°C.
Le degré géothermique peut être calculé d ’après la formule:

où T est la température à la profondeur H ; Ma température moyenne


annuelle de l ’air à 0 m (+4,2°C) ; h la profondeur de la couche à
Température, #C

Fig. 292. Température au sein do la Terre à des profondeurs variant


de 0 à 200 km, d ’après divers auteurs

température constante (20 m). Ainsi, les mesures effectuées à Moscou


dans deux trous ont donné un degré géothermique moyen de 38,4 m/°C.
La température croît à peu près partout au même rythme, quel
que soit le continent ; font exception certaines régions, en parti­
culier, celles de volcanisme actif. Mais une question se pose : jusqu’à
quelle profondeur ce rythme est-il constant? Les calculs tenant compte
de la conductibilité thermique des roches, de l ’intensité du flux
thermique montant de la profondeur vers la surface, etc., montrent
que le gradient géothermique établi pour les parties externes du globe
n ’est valable que pendant les premiers 15-20 km. Plus bas, l ’ac­
croissement de la température se ralentit, et à la base du Sial il est
probable qu’elle ne dépasse pas 900-1000°. En tenant compte de
ces variations, V. Magnitski indique qu’à 100 km de profondeur
la température doit s ’élever à 1300°, alors qu’elle devrait être
de 3000° si le gradient valable pour la surface terrestre était con­
servé.
Les profondeurs de 100 à 200 km ont fait l ’objet de nombreuses
études sur la base de différentes hypothèses théoriques. Les lignes
brisées de la fig. 292 représentent les variations de la température
en fonction de la profondeur d ’après: 1 — F. Wolff ; 2 — R. Daly;
3 — L. Adams (pour les roches du « Sima ») ; 4 — L. Adams (pour
548
les roches du « Sial ») ; 5 — B. Gutenberg; 6 — A. Fersman ; 7 —
B. Litchkov; 8 — H. Jeffreys; la droite 9 correspond à la loi li­
néaire de l ’élévation de la température quand y = 0,03 degré/m.
Sans examiner en détail chacune de ces lignes et en traçant une
certaine courbe moyenne (en trait gros sur la fig. 292) nous obtenons
les chiffres donnés au tableau 35.
T ableau 35
C h an gem en t de la tem pérature a v e c la profondeur

Profondeur, km 0 20 40 GO 80 100 200

Température, °C 0 550 800 1050 1200 1350 1700

De nouvelles informations intéressantes ont été obtenues ré­


cemment sur les sources de chaleur et le régime thermique du globe.
Il y a déjà longtemps qu’on a abandonné l ’hypothèse selon laquelle
la Terre conserve à l ’intérieur une chaleur « primitive », héritée
du Soleil, et se refroidit progressivement en diminuant de volume.
La découverte des éléments radio-actifs a modifié cette conception.
Les roches qui composent la croûte terrestre contiennent des élé­
ments radio-actifs qui dégagent constamment de la chaleur et ré­
chauffent la Terre. Au tableau 24 (chapitre 17) on a donné la teneur
des roches en éléments radio-actifs et la quantité de chaleur qu’ils
irradient. En partant de ces données on peut calculer qu’un cm3
de roche du type courant fournit annuellement 15-10"6 cal. Pour
compenser les pertes de chaleur subies par 1 cm3 de la surface ter­
restre du fait du rayonnement dans l ’espace sidéral, il suffit que
ce même cm3 de roche dégage 0,3-10-0 calories par an. En d ’autres
termes, il n ’y a aucune raison de croire que le globe terrestre se
refroidit, il est fort probable qu’il se réchauffe au contraire. Ces
considérations sont à la base de nouvelles hypothèses formulées
ces dernières années sur l ’évolution de la croûte terrestre.
Ces données ont également été utilisées pour de nouveaux calculs
du régime thermique et de l ’état de la matière dans les parties pro­
fondes du globe, aux époques révolues et actuellement (études de
A. Tikhonov et de E. Lioubimova).
Si l ’on convient que la température primitive de la Terre il
y a 2-10° années fut U0 = 0°C, aujourd’hui elle sera déterminée
par la courbe U de la fig. 293 (pour la couche allant de la surface
jusqu’à 600 km de profondeur); cette variation est due à la géné­
ration radio-active ainsi qu’à la perte de chaleur par émission dans
l ’espace; d ’après ce diagramme, la température est donc de 1000°
à 100 km de profondeur, et d ’environ 1200° à 200 km. Certes, il
est peu probable que la condition initiale U0 = 0 corresponde à la
649
réalité. La Terre existe comme planète depuis au moins 5-10° années,
et à l ’époque correspondant à 2-10° années elle a pu être réchauffée
jusqu’à 3 000°. Si l ’on tient compte de cette circonstance, la tem­
pérature actuelle est tout autre ; elle est représentée par la courbe
Ui de la fig. 293. Enfin, on peut examiner l ’hypothèse d ’un régime
thermique stationnaire, c’est-à-dire qui correspond à une réparti­
tion des températures conditionnée par une génération de chaleur
équivalente à la perte par émission dans l ’espace. Les variations
Température, *C
O 1000 2000 3000

Fig. 293. Température au sein de la Terre à des


profondeurs variant de 0 à 600 km, d'après diverses
méthodes de calcul. U*( — température stationnaire

de température auront alors l ’allure de la courbe UBt (fig. 293).


Il est probable que la courbe Ui est la plus valable; elle correspond
d ’ailleurs aux chiffres du tableau 35.
Il est beaucoup plus difficile de préciser la température des
parties profondes de la Terre, y compris du noyau. Sans entrer dans
le détail signalons seulement qu’à 2 900 km, c ’est-à-dire à la surface
du noyau, la température est sans doute de l ’ordre de 2 000-2 500°,
et qu’elle n ’est pas de beaucoup supérieure en son centre. Il se peut
aussi que les parties profondes du globe continuent de se réchauffer,
alors que ses couches externes sont déjà entrées dans la phase de
refroidissement.
Des travaux importants dans le domaine de la géothermie ont
été réalisés récemment par les savants soviétiques : A. Tikhonov,
V. Khlopine, E. Lioubimova et S. Kraskovski.
Donnons en guise de conclusion le diagramme des variations de
température en fonction de la profondeur emprunté à l ’ouvrage de
E. Lioubimova (fig. 294). Les calculs ayant permis d ’établir ce
550
diagramme ont été effectués en supposant que l ’âge de la Terre est
de 4-10® années, que la teneur en éléments radio-actifs est minimale.
Température, "C

Fig. 294. Répartition actuelle de la température suivant


le rayon de la Terre :
1 — température au sein de la Terre (actuelle) ; 2 — tem-
érature de fusion des roches les plus répandues au sein
Se la Terre, compte tenu la pression (d’après E. Lioubi-
mova)

que la température au moment de la formation de la Terre était


maximale et que le flot de chaleur montant actuellement de l ’inté­
rieur vers l ’extérieur est de 1,26* 10“6 cal/cm2s.

§ 5. Constitution interne du globe


Tout ce qui précède nous conduit à nous poser la question sui­
vante: dans quel é ta t se trouve la matière à l ’intérieur du globe,
solide, liquide ou gazeux?
L ’hypothèse d ’un état gazeux doit être réfutée d ’emblée. Pour
transformer en gaz les minéraux composant la Terre, il faut une
température beaucoup plus élevée que celle définie sur la base des
données susmentionnées.
Les roches peuvent cependant se trouver à l ’état liquide à l ’inté­
rieur du globe. On sait par exemple que les roches acides fondent
à 1 000-1 200° et les roches basiques, à 1 400-1 500°. Cela signifie
qu’elles devraient fondre dès une profondeur de 100-130 km. Mais
la pression élève la température de fusion. Il s ’agit donc seulement
d ’établir qui prédomine, la température ou la pression élevées?
Examinons une fois encore les observations séismiques. Les
ondes longitudinales et les ondes transversales passent sans obstacle
à travers les couches externes se disposant jusqu’à la surface du
noyau, comme si la matière rencontrée était partout solide. Cette
constatation concorde avec les données de l ’astronomie suivant les-
551
quelles, dans l ’ensemble, la dureté de la Terre est proche (si elle
n ’est pas supérieure) de celle de l ’acier. V. Bontchkovski a calculé
que la dureté de la Terre est à peu près de 12-1011 dynes/cm2 (c’est-
à-dire plus d ’un million de millions de dynes/cm2), ce qui corres­
pond à une dureté 4 fois supérieure à celle du granité.
Ainsi, toutes les enveloppes de la Terre à l ’exception de son
noyau doivent être considérées comme se trouvant à Y état solide.
On ne peut admettre l ’état liquide de la matière que dans des secteurs
très restreints de la croûte, sujets soit à l ’activité des volcans, soit
à certaines autres formes de l ’activité magmatique. Il faut croire
que ces secteurs correspondent aux segments de la croûte animés
de mouvements orogéniques intenses et qui comportent une épaisse
couche sialique à forte teneur en éléments radio-actifs assurant un
réchauffement relativement plus rapide.
Comment concilier alors ces conclusions sur la dureté de la Terre
et les nombreux faits témoignant de la réalité des mouvements
tectoniques?
Tout le passé géologique comporte de constants mouvements de
la croûte, mouvements très variés quant à la forme, l ’orientation,
l ’amplitude, parfois très intenses, et qui sont incessants et
s ’observent partout. Il est impossible de comprendre les mouvements
des parties supérieures de la croûte sans supposer l ’activité des
zones plus profondes, qui à leur tour impliquent des mouvements
dans les parties encore plus profondes du substratum sous-jacent.
En effet, les mouvements tectoniques affectent des masses de roches
situées à des centaines de kilomètres de profondeur, ce qui est con­
firmé par les séismes profonds dont les foyers se trouvent à des cen­
taines de kilomètres de la surface.
Un des traits distinctifs des mouvements tectoniques est leur
vitesse extrêmement faible, de l ’ordre de quelques millimètres,
rarement quelques centimètres, par an. Il est vrai qu’à l ’échelle des
temps géologiques même les mouvements les plus lents peuvent
aboutir à des effets gigantesques.
Une autre caractéristique des mouvements tectoniques est leur
grande variété qui se manifeste par des différences de signe, de
direction, de vitesse. C’est justement cette segmentation des mouve­
ments, leur diversité en chaque lieu qui conditionnent la complexité
extraordinaire de la structure géologique. Toute carte géologique
d ’une région plissée en témoigne.
Il faut donc convenir que la matière des couches externes peut
se déplacer et que scs mouvements, très différenciés, peuvent se
produire partout, bien qu’elle soit à l ’état solide: il n ’y a là aucune
contradiction.
La dureté, même des corps à structure cristalline, n ’exclut pas
la déformation. Les cristaux, comme nous l ’avons déjà vu, sont
capables de se déformer sans rupture, de se ployer, de se comprimer,
tout en restant à l ’état solide et sans modifier ni perturber leur
nature cristalline, l ’arrangement de leur réseau et même l ’orientation
des éléments réticulaires. C’est justement ce qui caractérise les
déformations plastiques.
Les recherches de laboratoire, de même que les observations
sur le terrain, montrent qu’il n ’y a aucune limite dans ce domaine;
les cristaux les plus durs, ou les plus tendres, le quartz comme les
minéraux élastiques, offrent des exemples très nets de déformations
plastiques. Il n ’est pas inutile de répéter que de nombreux cristaux
(donc les minéraux et les roches), et même peut-être tous, peuvent
être considérés comme des corps plastiques, c ’est-à-dire possèdent
plus ou moins la propriété de se déformer plastiquement, avec une
ampleur qui dépend non seulement des qualités particulières de la
matière donnée mais aussi des conditions extérieures.
La température et la pression élevées sont favorables aux dé­
formations plastiques. De nombreux cristaux, le quartz notamment,
ne deviennent plastiques que dans les conditions d ’une pression
uniforme supérieure à leur résistance. E t c’est une pression uniforme,
de nature presque hydrostatique et d ’une intensité suffisante, oui
joue le rôle primordial dépassant celui de la température.
La propension à la déformation peut également être favorisée
par d ’autres facteurs, par exemple par la faculté des grains miné­
raux isolés, dont une quantité infinie constitue la roche, de se dépla­
cer l ’un par rapport à l ’autre. D ’autre part, l ’interaction de certaines
températures et pressions élevées aide probablement à la transfor­
mation des corps cristallins en corps amorphes, rendant ainsi possible
un écoulement rappelant celui des liquides, sans qu’aucune direction
ne leur soit imposée.
Dans l ’ensemble, on peut considérer comme un fait acquis qu’à
15-20 km et plus de la surface, les roches, tout en restant solides,
deviennent plastiques et même parfois fluides.
Les mouvements tectoniques sont, comme nous l ’avons vu,
des mouvements très lents, des mouvements à longue période. Les
ondes émises par les séismes, se propageant à grande vitesse à l ’in­
térieur de la Terre et s ’amortissant rapidement, sont au contraire
un exemple de mouvements brusques et brefs à courte période. L’in­
térieur de la Terre réagit comme un corps solide à une action de
courte période et comme un corps liquide si la période est longue.
Ce fait peut être illustré par l ’exemple suivant: si l ’on frappe des
coups de marteau sur un morceau de glace, il se fragmentera, car la
glace est rigide. Mais cette rigidité ne l ’empêche pas de descendre
des montagnes sous forme de glacier et de s ’écouler à une vitesse
de 2 à 3 m par jour en un flot calme et continu qui épouse tous les
accidents de la pente. Nous voyons ainsi combien nos notions de
« solide » et de « liquide » sont relatives.
Il nous reste à examiner le problème du noyau. Les conditions
qui y régnent sont différentes. Quelles que soient les hypothèses sur
sa densité, sa température et sa pression, etc., un fait est certain:
553
les ondes séismiques transversales ne le traversent pas. Pour le
moment nous n ’avons pas d ’autres explications de ce fait que celle
d ’une matière se comportant comme un liquide par rapport aux
mouvements à périodes aussi bien longues que courtes : les liquides
sont en effet les seuls à ne pas laisser passer les ondes transversales.
Pourtant cette réponse, bien qu’elle ait été confirmée par des recher­
ches spéciales effectuées dans le cadre de l ’Année Géophysique
Internationale, ne peut pas être considérée comme définitive.
D’abord, il se peut qu’on découvre par la suite des indices du passage
des ondes transversales à travers le noyau. Il faut aussi rechercher
d ’autres explications: les conditions au sein du noyau se diffé­
rencient tellement de celles qui nous sont familières que l ’allure
des phénomènes mécaniques dont il est le siège peut être absolu­
ment différente et même encore inconnue.

§ 6. Composition chimique de la Terre


Parmi les roches affleurant à la surface ce sont les formations
sédimentaires qui prédominent. A mesure que la profondeur augmen­
te, les roches magmatiques deviennent rapidement de plus en plus
abondantes et elles constituent à peu près 95% de la masse des
terrains composant les premiers 10-15 km de la croûte terrestre.
Puisqu’on connaît la composition chimique des roches on est ren­
seigné sur la composition chimique des parties externes de la croûte.
Mais en ce qui concerne les zones plus profondes, la situation est
Tableau 36
La c o m p o sitio n ch im iq u e d é la croû te terrestre
(e n pour c e n t du poids)

D'après D’après
D'après A. Fers- A. Vino-
Eléments F. Clark, mnn, gradov,
1920 1933 1950

Oxygène 50,02 49,13 46,8


Silicium 25,80 26,00 27,3
Aluminium 7,30 7,45 8,7
Fer 4,18 4,20 5,1
Calcium 3,22 3,25 3,6
Sodium 2,36 2,40 2,6
Potassium 2,28 2,35 2,6
Magnésium 2,08 2,35 2,1
Divers 2,76 2,87 1,2

Total 100,00 100,00 100,0

554
moins claire. Si nos hypothèses sur la composition et la profondeur
des couches constituant la croûte (granitique et basaltique) sont
exactes, on peut avancer des chiffres de la composition chimique qui
correspondent à l ’ensemble de la croûte terrestre (Sial) (tableau 36).
Le pourcentage des éléments non nommés et indiqués dans le
tableau sous l ’appellation « divers » est inférieur à 1%. Les chiffres
obtenus par divers auteurs à des périodes différentes varient peu ;
visiblement, les renseignements fournis paraissent justes.
Il est beaucoup plus difficile d ’établir la composition chimique
du globe dans son ensemble. Quelles sont les considérations sur les­
quelles il faut se baser pour de tels calculs?
Comme nous l ’avons déjà dit, il faut partir des renseignements
sur la répartition des densités à l ’intérieur de la Terre qui peuvent
être considérés comme suffisamment sûrs. La densité moyenne de
la Terre (5,517) est calculée avec une grande précision et son augmen­
tation en profondeur ne fait pas de doute. Rappelons que la densité
du noyau est supérieure à 10. Fait curieux à signaler: la densité
moyenne des autres planètes du système solaire, également calculée
avec une précision suffisante, se distingue sensiblement de celle
de la Terre ; ainsi, elle est de 4,86 pour Vénus, de 3,96 pour Mars,
de 3,80 pour Mercure, de 3,33 pour la Lune (d’après B. Lévine).
Ces chiffres témoignent de la diversité de la structure des planètes
et peut-être même de leur composition.
Un autre problème est celui des météorites, ces corps errant dans
l ’espace et tombant sur la Terre en très grande quantité. Chaque
année la Terre reçoit des dizaines de milliers de tonnes de matière
constituée par les météorites ; antérieurement, aux premières époques
de l ’existence de la Terre, il devait y en avoir beaucoup plus. Jusqu’à
ces derniers temps on considérait que les météorites, de même que
les astéroïdes (petites planètes), étaient les débris d ’une planète
ayant éclaté dont l ’orbite se situait quelque part entre la Terre et
Mars. Récemment, une autre idée a été formulée qui est à la base
de l ’hypothèse d ’Otto Schmidt: les planètes sont le résultat de
condensations de météorites ou de poussières microscopiques ayant
formé la nébuleuse primitive. Or, de toute évidence, il y a entre
les planètes (la Terre y compris) et les météorites des rapports de
parenté, et la composition des météorites ne doit pas se distinguer
sensiblement de celle des planètes. L’académicien A. Fersman avait
justement signalé cette particularité dès 1932 : « Le rôle des météo­
rites est capital pour la solution des problèmes géochimiques;
ce n ’est qu’à présent que nous commençons à comprendre toute
l ’importance de leur étude approfondie et réfléchie pour l ’établisse­
ment non seulement de la composition de la Terre, mais aussi pour
le dégagement des principes régissant les écarts dans la composition
de la croûte par rapport à l ’ensemble de la Terre, connaissance
indispensable pour l ’inventaire exact du volume global des élé­
ments constituant la croûte terrestre qui nous est accessible .»
555
Aussi on saisit toute l ’importance que revêt l ’analyse minutieuse
des météorites pour la détermination de la composition du globe
terrestre.
600 météorites tombées en différents endroits à des époques diverses
ont été étudiées jusqu’à présent. 50 d ’entre elles sont métalliques,
les autres étant pierreuses. Les météorites métalliques contiennent
91 % de fer natif, 8 % de nickel et 1 % de phosphore et de cobalt.
Les météorites pierreuses par leur composition rappellent beaucoup
les roches ultra-basiques du type des péridotites ; elles contiennent
surtout de l ’olivine et des minéraux apparentés. On pourrait croire
qu’il est facile, en partant de ces données, de calculer la composition
chimique moyenne des météorites, mais en pratique on se heurte
à certaines difficultés.
L ’analyse de l ’ensemble des météorites recueillies et la confronta­
tion des résultats obtenus permettent de conclure que le fer prédomine
dans la composition des météorites. Ainsi, O. Farrington a obtenu,
en 1911, les chiffres suivants (en % du poids) : fer — 72,1 ; oxygène —
10,1 ; nickel — 6,5; silicium — 5,2; magnésium — 3,8; autres
éléments — moins de 1% chacun. 38 ans plus tard, H. Brown
a établi: fer — 45,7; oxygène — 24,6; silicium — 12,3; magné­
sium — 9,5 ; nickel — 3,5.
Ces calculs ne tiennent pas compte du fait qu’il n ’est pas sûr
que la composition chimique des météorites ramassées et analysées
corresponde à leur composition primitive. En premier lieu, en
tombant sur la Terre les météorites sont exposées à des actions
Tableau 37
C om p osition c h im iq u e 'm o y e n n e d es
m é té o r ite s (en % du poids)

D’après
D’après B. I.évlnc
Eléments A. Fcrsm an, e t S. Koz-
1932 lovskaîa,
19b5

O xygène 3 4 ,0 3 4 ,6

Fer 2 6 ,8 2 5 ,6

S ilic iu m 1 7 ,4 1 7 ,8

M a g n é s iu m 1 2 ,8 1 3 ,9

Sou f re 2 ,7 2 ,0
N ic k e l 1 ,6 1 ,4

C a lc iu m 1 ,5 1 ,6

A lu m in iu m 1 ,3 1 ,4
D iv e r s 1 ,9 1 ,7

T o ta l 1 0 0 ,0 1 0 0 ,0

556
dynamiques puissantes du fait de l ’atmosphère, une partie de leur
matière se consumant et se désagrégeant sans laisser de trace. Cela
concerne surtout les corps pierreux et meubles. Les météorites
métalliques sont plus résistantes, elles traversent l ’atmosphère plus
facilement et atteignent la surface de la Terre. De plus, les météorites
métalliques, dont la composition et l ’aspect extérieur se distinguent
sensiblement des roches de la croûte terrestre, sont plus facilement
découvertes que les météorites pierreuses qui ressemblent beaucoup
aux roches communes. Si l ’on introduit dans les calculs des corrections
découlant de ces remarques, la composition moyenne des météorites
se modifie. Les collaborateurs de l ’Institut de la Physique de la
Terre, B. Lévine et S. Kozlovskaïa, ont procédé récemment (1955)
à la révision de toutes les données et ont obtenu des chiffres nouveaux
très proches de ceux indiqués par A. Fersman en 1932 (tableau 37).
Pour les résultats du tableau 38 caractérisant la composition
de la Terre, les auteurs se sont appuyés dans leurs calculs sur l ’iden­
tité de la matière de la Terre et celle des météorites, ainsi que sur les
données fournies par l ’analyse de ces derniers. Les divergences entre
les chiffres obtenus par divers auteurs s ’expliquent par les consi­
dérations déjà signalées. Nous donnons les chiffres établis par plu­
sieurs savants (tableau 38); cette liste n ’inclut évidemment pas
toutes les recherches de ce genre.
Tableau 38
C om p osition ch im iq u e du g lo b e terrestre (en % du poids)

D'après D'après D'après D'après


P. Tchlr- D'après H. Wa­ D’après I. Zns- B. Lé-
Eléments vlnskl, F. Clark, shington, P. Nltrgll. lavakl, vinc.
1919 1924 1925 1928 1931 1955

Fer 67,8 67,2 39,8 36,9 38,0 25,6


Oxygène 11,3 12,8 27,7 29,3 27,4 34,6
Silicium 5,8 7,0 14,5 14,9 14,2 17,8
Magnésium 4,3 2,1 8,7 6,7 10,4 13,9
Nickel 6,2 6,0 3,2 2,9 2,8 1.4
Calcium 0,5 1,1 2,5 3,0 1,3 1,6
Soufre 0,7 1,0 0,6 0,7 3,1 2,0
Aluminium 0,4 1,9 1,8 3,0 1,0 1,4
Divers 3,0 0,9 1,2 2,6 1,8 1,7

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Indépendamment de la valeur des chiffres qui pourraient refléter


par la suite beaucoup mieux la réalité, il faut souligner un fait:
les météorites n ’ont pas décelé d ’élément minéral étranger à la
Terre. L’apparentement chimique, Y unité chimique des corps
557
célestes, telle est la conclusion qui s ’impose; l ’importance méthodo­
logique de cette conclusion est capitale.
L ’attention est attirée aussi par le fait suivant: les quatre pre­
miers éléments, Fe, O, Si et Mg, constituent près des neuf dixièmes
de la masse du globe terrestre. Les huit premiers éléments, les 98%
de cette masse; les 84 autres éléments ne correspondent qu’à 2%
de la masse de la Terre.

§ 7. Problème de la nature du noyau


Quelle est la composition du noyau ? On pourrait croire qu’il
n ’est pas difficile de répondre à cette question, compte tenu des
considérations et des chiffres qui viennent d ’être indiqués ; pourtant,
le problème s ’avère beaucoup plus difficile.
Autrefois, et même de nos jours l ’idée d ’un noyau constitué de
fer était très répandue. Elle se fondait sur les données relatives
à la densité de la Terre et à la composition des météorites. En effet,
D. Mendéléev écrivait dès 1877, en examinant le problème de la
condensation de la sphère gazeuse incandescente que constituait
la Terre selon les conceptions de Laplace : « Si l ’on suppose l ’exis­
tence d ’une sphère identique à celle de la Terre et constituée
à l ’intérieur essentiellement de fer dont la densité est supérieure» 7,
sa surface étant composée de matières d ’une densité inférieure à 3
(ce qui correspond réellement à la surface terrestre) et si l ’on admet
ensuite qu’une partie de ces matières superficielles est mélangée
au noyau, la densité de celui-ci devra s ’établir entre 3 et 7, c ’est-à-
dire être proche de 5. C’est justement la densité du globe terrestre .»
Ensuite, Mendéléev signalait que les météorites et la Terre étaient
des éléments d ’un même système solaire, et que visiblement ils
avaient une même origine et une composition identique. Comme
« bien des météorites mais non pas leur majorité présentent du fer»,
elles « témoignent en faveur de l ’hypothèse d ’un noyau composé
surtout de fer ».
A l ’opposé, l ’académicien V. Vernadski se prononça contre l ’idée
d ’un noyau de fer ou de ferro-nickel. Il écrivit dès 1904: « Les
roches des météorites n ’ont presque rien de commun avec celles
qui contiennent du fer et du nickel dans les conditions terrestres.
La nature même du ferro-nickel météoritique est toute autre que
celle des minéraux terrestres... L ’origine planétaire des météorites
n ’est pas prouvée, et l ’arrangement en chondres 1 qui leur est par­
ticulier témoigne de conditions nettement différentes de celles qui
devraient exister selon les prévisions durant la solidification des
magmas dans les profondeurs de la Terre. Etant une des nombreuses
conséquences de l ’hypothèse de Kant — Laplace, cette spéculation
théorique doit être écartée après l ’observation précise des faits.»
1 Les chondres sont des inclusions en forme de gouttes dans les météorites
pierreuses dont la constitution est la même que celle de la météorite.
558
Que penser alors de l ’hypothèse d ’un noyau de fer ? Il faut dire
que les objections y sont très nombreuses.
Le problème de la densité d ’abord. Dès 1939, V. Lodotchnikov
(Institut des mines de Léningrad), spécialiste en pétrographie, for­
mula une idée intéressante : la densité de la matière terrestre aug­
mente en profondeur sous l ’action du poids des couches sus-jacentes
qui exercent une pression s ’élevant à des centaines de milliers et
des millions d'atmosphères, et la modification de la composition
de la matière ne joue donc aucun rôle dans le changement de la
densité.
En effet, du point de vue physique, l ’hypothèse de la modifi­
cation de la densité sous l ’effet de la pression, c ’est-à-dire du pas­
sage d'un état à un autre, ne trouve pas d ’objections de principe.
Les silicates et les oxydes qui composent la Terre sont constitués
d ’ions positifs de silice, de magnésium et de fer et d ’ions négatifs
d ’oxygène. Les rayons ioniques des premiers sont de 0,8 A, ceux
d ’oxygène de 1,3 A. Lorsque le réseau cristallin se comprime, c’est-
à-dire lorsque la pression s ’élève, les atomes d ’oxygène sont les
premiers à subir un réarrangement, leur enveloppe électronique
extérieure est détruite, or c ’est justement ce processus qui réduit
au maximum le volume global ; il est donc le plus « avantageux »
énergétiquement. Durant le rapprochement des particules, l ’énergie
des forces de répulsion s ’accroît beaucoup moins vite pour les métaux
que pour les cristaux ioniques. Ainsi, c ’est par un réarrangement
des électrons extérieurs des ions d ’oxygène que se fait la transition
de phase, c’est-à-dire le passage de toute la combinaison à la phase
métallique. En guise d ’illustration on peut indiquer les données
du passage à la phase métallique effectué par le minéral périclase
(MgO) qui a lieu pour une pression de 4-1012 dynes/cm2 (environ
4 millions d ’atm) et qui s ’accompagne d ’un bond de la densité
de 6,0 à 12,1 g/cm3 (V. Magnitski, B. Davydov, 1955). La pression
conditionne même les modifications de la densité du fer. Des ren­
seignements importants sous ce rapport sont fournis par les travaux
de V. Ramsey, de H. Jeffreys, de P. Bridgman, de M. Volarovitch
et d ’autres physiciens et géophysiciens.
Le passage des cristaux ioniques à la phase métallique sous
l ’action d ’une pression élevée est un phénomène qui doit réellement
se produire à l ’intérieur de la Terre. « La matière terrestre passe
à la phase métallique dense pour la pression qui domine à la limite
du noyau (environ 1 400 000 atm)» (B. Lévine, 1955). Les pro­
priétés de la matière, y compris l ’élasticité, doivent se modifier
aussi en conséquence. Partant de ce fait, V. Lodotchnikov proposait
d ’expliquer le comportement des ondes séismiques au sein de la
Terre par « la condensation que subissent les corps parcourus par
les ondes sous l ’effet de la charge des roches sus-jacentes, sans aucune
modification de la composition matérielle de ces corps .»

559
Bien plus, cette transition de phase, ayant lieu sous la forme
d ’un bond dû au caractère physique du phénomène, permet d ’ex­
pliquer correctement la discontinuité de premier ordre entre la
couche intermédiaire (manteau) et le noyau, discontinuité caracté­
risée par des modifications brusques des propriétés de la matière
(densité, vitesse des ondes élastiques).
Il est difficile d ’expliquer la modification par bonds de la den­
sité à la limite du noyau par le seul changement de composition,
car un simple déplacement ou une différenciation de la matière
par gravité «devrait, comme l ’écrivait V. Lodotchnikov, se mani­
fester par une modification continue de la composition et non sous
la forme de bonds ». « Bien que cette modification, soulignait-il
plus loin, ait un caractère continu, elle ne l ’a que jusqu’à un certain
point durant le passage d ’une phase à une autre; quelle que
soit la nature de cette transition, qu’il s ’agisse du passage d ’un
état cristallin à un autre ou d ’un état cristallin à un état amorphe,
ou enfin de la transition d ’une phase connue de la matière à une
phase nouvelle qui nous est inconnue, toutes ces modifications ne
doivent se dérouler que par bonds, d ’une façon discrète, comme c’est
le cas des transitions isolées ou simultanées de la matière d ’une
phase à une autre observées à la surface terrestre.»
Ainsi, l ’hypothèse de la transition de phase peut expliquer
la modification de la densité ainsi que l ’existence d ’une discon­
tinuité bien nette marquant le passage au noyau. Le problème de
la limite de la graine peut être résolu de la même façon.
D ’autres considérations permettent également de mettre en
doute l ’existence d ’un noyau de fer.
Les données récentes sur la composition moyenne des météorites
(tableau 37) montrent que le fer ne constitue que 15% de la masse
globale des météorites recueillies, et ne dépasse jamais 23% (calculs
de P. Tchirvinski, 1949; de B. Lévine et A. Starkova, 1955). Or, si
le noyau était en fer, cette fraction devrait dépasser 1/3. Ainsi,
la proportion du fer dans les météorites ne confirme pas l ’hypothèse
d ’un noyau de fer de volume et de masse connus avec certitude.
Il est également difficile d ’expliquer la zonation de la Terre
et la concentration du fer dans le noyau par le phénomène de dif­
férenciation par densité. Supposons que la quantité de fer soit suf­
fisante ; or pour s ’accumuler et pénétrer au centre de la Terre le fer
doit suivre une certaine voie. On ne peut alors imaginer qu’un
seul processus: la différenciation de la matière par densité, c’est-
à-dire le déplacement vers le bas des inclusions lourdes de fer sous
l ’action de la gravité, le fer se frayant un chemin à travers la masse
de la matière en général pierreuse. On connaît la viscosité de l ’en­
veloppe externe qui est de 1022 de poises *. Comme l ’a montré le
1 Poise — unité de viscosité (coefficient de frottement intérieur, g/cm/s).
La viscosité q est inversement proportionnelle à la fluidité <p, c’est-à-dire que
tj = 1 : cp; la viscosité de l ’eau à 20°C est de 0,01 poise.

560
physicien soviétique E. Lustikh (1948), pour une telle viscosité
les inclusions lourdes s ’enfoncent très lentement; une inclusion
de fer d ’un mètre de diamètre par exemple s ’enfoncera à raison
de 5 cm par milliard d ’années, c ’est-à-dire qu’elle restera prati­
quement immobile. Dans ces conditions, le temps nécessaire
à l ’accumulation du fer dans le noyau est tellement démesuré que
même l ’histoire géologique n ’en dispose pas.
On a dit quelquefois que les propriétés du champ magnétique
observées à la surface de la Terre ne pouvaient être expliquées que
par le ferromagnétisme du noyau de 1er. Pourtant, on a établi par
la suite que la température des profondeurs du globe dépassait le
point de Curie, c’est-à-dire qu’elle atteignait une limite à laquelle
le fer perd ses propriétés magnétiques. A. Kalachnikov, qui procéda
récemment à des recherches dans ce domaine (1955), a abouti à la
conclusion qu’une certaine surface isothermique divise la Terre
en deux parties, l ’une ferromagnétique d ’une épaisseur de 30 à
50 km, l ’autre paramagnétique, ne comptant pas de particules de
matière aimantées. Quant au champ magnétique principal de la
Terre, il doit son origine, selon cet auteur, non pas aux propriétés
magnétiques du noyau mais à la circulation de charges électriques
à l ’intérieur du globe.
Signalons enfin que l ’hypothèse d ’un noyau de fer n ’explique
pas comment fer et nickel n'ont pas été oxydés par un agent aussi
actif et abondant que l ’oxygène (V. Magnitski). Indiquons égale­
ment que la théorie de la transition de phase explique bien Y absence
de noyaux denses à l ’intérieur de Mars, de Mercure, de la Lune, la
masse de ces corps célestes étant insuffisante pour que la pression
interne atteigne le point « critique » nécessaire. Il n ’y a que Vénus,
aux dimensions et à la masse voisines de celle de la Terre, qui possède
un noyau dense.
Ainsi, après la longue prédominance de l ’hypothèse d ’un noyau
de ferro-nickel, on discute maintenant d ’autres conceptions suivant
lesquelles la matière du noyau n ’aurait que les propriétés des métaux ;
ce fait autorise même de l ’appeler métallique, mais il n ’est pas seule­
ment composé de fer dont la proportion ne dépasse pas celle qu’on
rencontre dans le manteau (couche intermédiaire) ou la couche
péridotique.
Laquelle de ces deux hypothèses doit être adoptée aujourd’hui?
La composition des enveloppes se modifie-t-elle en profondeur de
telle sorte qu’il ne reste rien que du fer dans le noyau, ou ne se
modifie-t-elle pas, la matière des minéraux passant à une phase
nouvelle sous l ’action d ’une pression géostatique élevée en changeant
radicalement de propriétés ? On peut répondre comme l ’a fait Mag­
nitski en 1953: «...actuellement, nous devons considérer que les
deux conceptions ont le droit d ’être considérées comme hypothèses
de travail ». Toutefois, nous croyons qu’aujourd’hui l ’ensemble
des connaissances doit nous inciter à accepter plutôt la seconde.
3G—927
C H A P I T R E 2 0

Quelques principes de l’évolution


de la croûte terrestre

§ 1. Structure de la croûte terrestre


Comme nous l'avons déjà signalé au chapitre précédent, les
données géophysiques permettent de conclure que la croûte terrestre
constitue bien une entité distincte formant l ’enveloppe extérieure
du globe mais ne s ’étendant pas d ’une façon continue autour de
la Terre. On entend ordinairement par croûte terrestre la couche
sialique, c ’est-à-dire la partie de la lithosphère composée de roches
acides et basiques, essentiellement de basalte et de granité. Son
épaisseur varie suivant l ’endroit considéré dans des limites se mesu­
rant par des dizaines de kilomètres. Cette variation n ’est pas for­
tuite, elle reflète certaines lois de répartition de la matière à l ’in­
térieur de la Terre.
La couche sialique atteint un maximum d ’épaisseur dans les
régions de systèmes de montagnes (ou de guirlandes insulaires),
à condition que de jeunes dépôts (mésozoïques et tertiaires) s ’y
soient accumulés en couches très épaisses. Les observations ont
permis de constater une coïncidence de la répartition spatiale de
plusieurs caractéristiques : grande épaisseur des dépôts mésozoïques
et kaînozoïques, dislocations du type de plissements alpins et Sial
(croûte terrestre) très puissant. La couche de roches acides, celle
de « granité », atteint alors 50 km, peut-être même plus, tandis que
la couche de « basalte » sous-jacente s ’étend en profondeur encore
sur 20 ou 30 km. Ainsi, sous les plissements alpins la croûte devient
épaisse, de puissantes protubérances de Sial s ’observent formant
des « racines » sur lesquelles reposent des assises disloquées de roches
sédimentaires (Himalaya, Alpes, Cordillères, îles méridionales de
l ’archipel Malais, etc.). Ce sont les zones plissêes actuelles.
L ’épaisseur du Sial diminue sous les plaines du type de la Plaine
russe ou des vieux plissements comme l ’Oural et le Kazakhstan.
Les mouvements tectoniques de style alpin ne se sont pas manifestés
dans ces régions et l ’épaisseur des roches sédimentaires (surtout
mésozoïques et tertiaires) y est faible, la couche de granité attei­
gnant à peine 10 km d ’épaisseur. La couche de basalte est un peu
plus épaisse mais en général la croûte dans son ensemble n ’est à
peine que de 40 km de profondeur. Fait curieux, le soubassement
5G2
sur lequel reposent les dépôts méso-kaïnozoîques non disloqués
est de faible épaisseur, peut être d'âge quelconque et être marqué
par des mouvements plus puissants correspondant à des plisse­
ments anciens. Ainsi, les dépôts récents de l ’Oural reposent sur un
soubassement intensément disloqué par des plissements hercyniens.
Le soubassement plissé de la Plaine russe a été affecté par des mouve­
ments très intenses à l ’époque du plissement Carélien (Précambrien).
Ces mouvements étant terminés depuis longtemps, l ’érosion
a nivelé les inégalités de la surface, et le relief actuel ne garde presque

Zone
p lissée i * C uuette
rlQ tC -fo rm e nn& nnîmtP

Fig. 295. Structure schématique de la partie supérieure


de la lithosphère:
1 — couche de granité ; 2 — couche de basalte ; 3 — ro­
ches ultra-basiques du substratum

aucune trace des montagnes anciennes ni des racines sialiques.


Les aires de l ’écorce terrestre de ce genre s ’appellent plates-formes.
Enfin, la couche sialique disparaît complètement sous les océans.
Faisons cependant une réserve : les cuvettes océaniques diffèrent
quant à leur structure ; les parties centrales du fond de la cuvette
du Pacifique ne comportent pas de Sial et les roches ultra-basiques
y affleurent directement; le fond de l ’Atlantique et celui de l ’océan
Indien gardent des traces de la couche de basalte et même parfois
de celle de granité. Il est probable que la couche sialique n ’existe
pas au fond de l ’Océan Mondial, c’est-à-dire aux profondeurs de
l ’ordre de 4 km qui caractérisent la plus grande partie du Pacifique
et certains secteurs des autres océans.
Ainsi, la croûte terrestre est plus épaisse sous les zones plissées
actuelles, son épaisseur est moyenne sous les plates-formes et elle
est totalement absente sous une grande partie de l ’océan (fig. 295).
Ces données concordent parfaitement avec celles de la courbe hyp-
sographique (voir fig. 128, chapitre 10) qui acquiert ainsi une im­
portance nouvelle. Toute hypothèse formulant les principes fon­
damentaux de l ’évolution de la croûte doit nécessairement tenir
compte des faits se rapportant à sa zonation et à son épaisseur glo­
bale. La croûte terrestre n ’est pas continue, elle disparaît dans
certains secteurs et est plus épaisse dans d ’autres, ces variations
conditionnant les particularités de formation et de disposition
des roches sédimentaires.
36* 563
§ 2. Plates-formes, zones plissées et géosynclinaux

Ainsi, les éléments structuraux fondamentaux de la croûte terres­


tre sont à l'heure actuelle les plates-formes, les zones plissées et les
cuvettes océaniques.
Les plates-formes ne subissent que des mouvements oscillatoires
peu intenses, c’est-à-dire aux vitesse et amplitude faibles. Les dis­
locations par plissements et par failles ne s ’y manifestent presque
pas. Les roches sédimentaires y reposent sur un soubassement et
sont peu épaisses (quelques dizaines ou centaines de mètres) ; elles
ne sont ni disloquées ni métamorpbisées. Leur faciès est continental,
lagunaire ou marin (elles se sont alors déposées dans les mers peu
profondes qui recouvraient par intermittence les plates-formes en
s ’étalant sur leur surface aplanie; mers dites épicontinentales).
L ’activité magmatique y est très faible, il n ’y a presque pas de
volcans et ce n ’est que dans des cas exceptionnels qu’on observe
des effusions volcaniques (éruptions linéaires de laves basiques).
Leur relief se distingue par sa monotonie et son uniformité. Telles
sont la Plate-forme russe, la Plate-forme sibérienne, etc.
A la différence des plates-formes, les zones plissées sont caracté­
risées par des mouvements oscillatoires et des plissements très
intenses. Les roches sédimentaires, y ayant subi de forts ploiements,
présentent des plis, des failles, etc. Les roches ont été métamorphi-
sées : le degré de ces modifications peut varier mais c ’est justement
là qu’elles atteignent un maximum d ’intensité. L ’activité mag­
matique se manifeste sous toutes ses formes, les roches intrusives
et effusives de types variés abondent. Ce sont les zones dans les­
quelles les volcans en activité ou récemment éteints sont parti­
culièrement nombreux, de même que les foyers des plus forts séismes.
Le relief est très accidenté. Tels sont les Alpes, le Caucase, l ’Hi-
malaya, la Cordillère des Andes, etc.
Un trait particulier aux zones plissées est la grande épaisseur
de la couche de roches sédimentaires (plusieurs kilomètres) ; dans
les Alpes par exemple, les dépôts mésozoïques atteignent 8 km de
profondeur; les dépôts houillers du Bassin du Donetz 7-S km, etc.
Le faciès dominant est marin.
Il est naturel de se demander comment des couches si épaisses
de dépôts ont pu se former? Nous avons déjà examiné ce problème
dans le chapitre traitant des mouvements oscillatoires. L ’accumu­
lation de dépôts épais d ’un même faciès exige que le fond du bassin
s ’affaisse à mesure qu’il se comble. Ce n ’est qu’alors que les con­
ditions de l ’accumulation des dépôts sont presque invariables.
Le faciès ne subit pas de modifications radicales et les couches du
dépôt en se superposant forment peu à peu des assises très épaisses.
C’est pourquoi il faut admettre que le secteur considéré a subi une
subsidence pendant une période assez longue. Ce n ’est que par la
suite que le régime du mouvement s ’est modifié, les soulèvements
564
devenant la note générale, accompagnés de dislocations et d ’autres
phénomènes propres à ces zones plissées. Donc, l ’évolution de ces
secteurs de la croûte terrestre connaît deux phases : la première
est caractérisée par un affaissement du fond de la dépression et une
sédimentation, c’est la phase géosynclinale ; la deuxième correspond
à la transformation du géosynclinal en zone plissée, c ’est la phase
orogénique. La première phase dure assez longtemps, quelques pé­
riodes géologiques, la seconde étant beaucoup plus brève et cor­
respondant à la notion d 'orogenèse.
Les plissements (orogenèse) se caractérisent donc par l ’intensi­
fication de tous les processus internes : formation de plis, activité
magmatique, métamorphisme, tremblements de terre, édification
de systèmes de montagnes, etc. L’histoire de la Terre connaît de
nombreux épisodes qui correspondent à cette notion.
Les temps antépaléozoïques ont connu plusieurs plissements.
Le plissement antécambrien (chaîne huronienne) a joué un rôle
important ; il a consolidé de vastes secteurs de la croûte terrestre
et a contribué à la formation de la Plate-forme russe et de la Plate­
forme sibérienne. Puis se sont édifiées : au Silurien : la chaîne
calédonienne; à la fin du Paléozoïque: la chaîne hercynienne (Va-
risique) ; au Jurassique : la chaîne cimmérienne ou antéalpine (Yang-
Chang, Pacifique, Mésozoïque) ; au Crétacé : la chaîne alpine
(himalayienne) dont l ’évolution se poursuit encore.
En se manifestant au sein de tel ou tel géosynclinal, les plisse­
ments mettent fin au régime qui y domine et le géosynclinal se
transforme en zone plissée, puis en plate-forme. Cette évolution
du relief peut être illustrée par plusieurs exemples et représentée
sous forme de tectonogrammes (fig. 296).
La chaîne Salaïrski est constituée par des sédiments du Précam­
brien et du Paléozoïque inférieur très épais, fortement disloqués
et métamorphisés sur lesquels reposent des dépôts non dérangés
d ’âge plus récent. Avant les plissements calédoniens un géosynclinal
occupait la région; les mouvements orogéniques du Silurien l ’ont
transformé en zone plissée ; par la suite, quand ces mouvements tec­
toniques se sont apaisés, la région est passée graduellement à une
plate-forme (fig. 296, 1).
Le Paléozoïque de Y Oural se distingue par une grande épaisseur
des accumulations qui présentent des traits propres aux géosyn­
clinaux. La fin du Paléozoïque y a été fortement marquée par des
plissements hercyniens, le géosynclinal a été remblayé, cédant
la place à une puissante zone plissée avec de nombreuses intrusions
de granités et de roches ultra-basiques, des couches métamorphisées,
etc. Les mouvements tectoniques terminés, l ’érosion attaqua les
montagnes et la zone plissée qui devint une plate-forme, les sédi­
ments ultérieurs s ’accumulant dans des dépressions isolées en couches
peu épaisses et non dérangées (fig. 296, 2).
Enfin, dans le Caucase, le régime géosynclinal s est maintenu
jusqu’à la fin du Mésozoïque et même jusqu’au Tertiaire. Puis
sont apparus les plissements alpins et le géosynclinal fit place
à une zone plissée actuellement dans une phase d ’activité intense
qui n ’est pas prête de s ’apaiser. Les conditions d ’élaboration d ’une
plate-forme n ’y apparaîtront pas de sitôt (fig. 296, 3).
Ainsi le plissement, c’est-à-dire le stade des mouvements tec­
toniques intenses, de l ’activité magnétique, du métamorphisme,
etc., clôt l ’évolution du secteur de la croûte appelé géosynclinal
en le transformant en définitive en une plate-forme ; il correspond
iP iale

\ C m \ 0 \ s \ D \ c \ P \ T \ j \Cr\Tr\Ap
Fig. 296. Tectonogramme de la chaîne Salaîrski (J),
de l’Oural (2) et du Caucase (2)

à la phase révolutionnaire de l ’évolution de la croûte terrestre, au


saut qui aboutit à un état nouveau, celui de la plate-forme qui se
distingue du géosynclinal par des traits fondamentaux.
Un géosynclinal est donc un vaste, secteur de la croûte terrestre
qui s ’allonge entre les plates-formes ou en bordure des continents
et qui est le siège d ’intenses mouvements tectoniques accompagnés
d ’une sédimentation continue, de phénomènes magmatiques, de
métamorphisme. Ces mouvements aboutissent à la formation de
plis, puis au soulèvement qui est à l ’origine de chaînes de montagnes.
D ’après la définition laconique de D. Nalivkine, «un géosynclinal
est une zone d ’accumulation de sédiments qui se transforme ensuite
en chaîne de montagnes ». Un géosynclinal a une structure complexe,
il est constitué de plusieurs sillons allongés en forme d ’auge et
appelés intragéosynclinaux, séparés par des ondulations en bombe­
ments (ou intragéoanticlinaux). Ces deux éléments subissent une
longue évolution et s ’étendent sur des centaines de kilomètres de
longueur et des dizaines de kilomètres de largeur. Ils sont fréquem­
ment séparés par des fractures profondes et sont marqués par des
changements brusques d ’orientation et de vitesse des mouvements
qui se traduisent par des modifications très nettes de faciès et d ’épais­
seur des couches accumulées.
La théorie des géosynclinaux joue un rôle capital dans la géolo­
gie moderne et de nombreux travaux y sont consacrés. De nombreux
■ï66
chercheurs ont proposé de nouvelles définitions du géosynclinal ;
il en a résulté une certaine confusion et cette notion essentielle
de la tectonique moderne n ’a plus la clarté et la simplicité du début.
Selon P. Evans (1926), « le terme de géosynclinal est utilisé sans
discernement et trop largement pour garder sa rigueur scientifique ».
D’autre part, on a proposé toute une série de classifications, par
exemple la subdivision en mésosynclinaux et paragéosynclinaux
de Schuchert, etc. Nous ne pouvons entrer ici dans les détails. Notons
seulement qu’en U.R.S.S. la notion de géosynclinal joue un rôle
% %
wo
8° |
60 k
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20 §■
0

Fig. 297. Courbe de l’évolution de l’écorce terrestre


(d’après N. Chatski)
important en géologie; elle est associée à l ’étude de la structure de
diverses régions et elle permet de mieux comprendre les principes
de la formation et de la distribution des gîtes de minéraux utiles.
L ’académicien N. Chatski a insisté récemment sur le phénomène
de réduction progressive de la superficie des zones occupées par les
géosynclinaux, celle des aires de plates-formes augmentant au con­
traire. En effet, au Paléozoïque, dans les limites du territoire de
l ’U.R.S.S. on ne comptait que deux plates-formes, la Plate-forme
russe et la Plate-forme sibérienne (plates-formes de premier ordre,
d ’après la nomenclature de A. Mazarovitch), bordées de tous côtés
par des géosynclinaux. Après la crise orogénique de l ’Hercynien
de nouveaux territoires s ’étendant de l ’Oural à l ’Iénisséi passè­
rent à l ’état de plates-formes : dépression de la Sibérie occidentale,
Kazakhstan, Oural (plates-formes de deuxième ordre). Le régime
géosynclinal se maintenait encore dans le Sud, dans la zone des
Carpates, en Crimée, dans le Caucase, au Kopet-Dag, au Pamir et
à l’extrême Est du pays. Avec les plissements alpins une nouvelle
phase tectonique se déclencha et les géosynclinaux disparurent. Cette
évolution de l ’écorce terrestre peut être représentée sous forme de
diagramme (fig. 297).
Ainsi les géosynclinaux et les plates-formes, éléments structuraux
fondamentaux et étroitement associés de la croûte terrestre, ne cor­
respondent qu’à des étapes bien déterminées de l ’histoire de la
Terre, aux ères Paléozoïque, Mésozoïque et Tertiaire.
567
Mais quel était l ’élément structural déterminant l ’évolution
de l ’écorce terrestre à l ’Antécambrien surtout durant l ’Archéen, et
quel sera le régime qui succédera aux géosynclinaux et aux plates-
formes actuels, après la disparition du dernier géosynclinal, c’est-
à-dire après le Quaternaire? 11 est difficile de répondre à cette ques­
tion d ’une façon satisfaisante. L ’Archéen fut marqué par des montées
puissantes et généralisées du magma ainsi que par un métamorphis­
me intense. Ces manifestations s ’accompagnaient de plissements
très particuliers caractérisés par d ’énormes soulèvements en forme
de dômes répartis sans ordre évident et affectés de plis secondaires

2 ,5 m in ! d o n n é e s 1,5-1,6m lrd d 'a n n é es OjS-Ofi m lrd d'années

Fig. 298. Diagramme de l’évolution de l’écorce terrestre au


sein du Sial (d’après N. Nikolaïev):
/ — structures correspondant au stade prégéosynclinal ;
I I — géosynclinaux; I I I — plates-formes; I V — structures
correspondant au stade postérieur à celui des plates-for­
mes — zones d’orogenèse récente (le pointillé indique les
régions d’extension des structures correspondant au Sial,
au stade prégéosynclinal)
à axes fortement inclinés ou même verticaux. Les plissements li­
néaires correspondant à des zones bien déterminées qui comportaient
des axes horizontaux (essentiellement) apparurent plus tard ;
ils se développèrent au sein des géosynclinaux. Ainsi, pendant
l ’Antécambrien (l’Archéozoïque, et partiellement le Protérozoïque),
la croûte terrestre présentait partout une zone mobile et sujette à
l ’activité magmatique, mais cette étape de l ’évolution n ’avait,
rien à voir avec la phase géosynclinale, car elle se caractérisait
par maints traits qui lui étaient particuliers.
Au Quaternaire, les mouvements tectoniques se sont manifestés
par endroits sous une forme nouvelle et originale. Des socles depuis
longtemps consolidés et transformés en plate-forme, qu’on pouvait
croire stables et incapables de se mouvoir, ont commencé à se gauchir
et à former des plis à rayon de courbure énorme. En même temps
ces plis furent disloqués par des failles à rejet vertical le long
duquel les blocs se sont déplacés. C’est ainsi qu’apparurent, affectés
de failles, les « plis de fond » du géologue suisse E. Argand, ou le
style dit «germanique» de H. Stille ou bien les montagnes-blocs
(blocs basculés) des auteurs soviétiques. Cette structure s ’observe
actuellement dans le Tian-Chan, l ’Altaï, la région du Baïkal :
ce sont des régions anciennement plissées et rajeunies par des mouve­
ments récents.
568
Il faut cependant faire une réserve : les mouvements qui corres­
pondent à la notion de montagnes-blocs ne sont pas seulement
propres au Quaternaire. Ils se sont manifestés bien antérieurement,
et c ’est pourquoi les structures en blocs actuelles ont une histoire
très longue et très complexe. Cependant, ce n ’est que vers la fin
du Caïnozoîque qu’ils se sont manifestés le plus explicitement.
On peut donc admettre que la structure en « montagnes-blocs »
marque de fait l ’avènement d ’une ère qualitativement nouvelle
de l ’activité tectonique. N. Nikolaïev a représenté cette succession
de types de mouvements tectoniques par un diagramme (fig. 298).
§ 3. Sources d’énergie des mouvements tectoniques
Quelles sont donc les causes qui engendrent les mouvements
tectoniques? Quelles sont les sources de leur énergie? Nous n ’avons
pas de réponse définitive à cette question, bien qu’elle passionne
depuis longtemps les chercheurs.
L'hypothèse de la contraction présenta en son temps un ensemble
complet de notions logiques. Elle supposait que le globe terrestre
se contractait et que son volume diminuait à mesure qu’il se refroi­
dissait graduellement. Elie de Beaumont (1852, Notice sur les systèmes
de montagnes) exprima cette idée de la façon suivante :
« Le phénomène lent et continu du refroidissement de la terre
occasionne une diminution progressive dans la longueur de son
rayon moyen, et cette diminution détermine dans les différents
points de la surface un mouvement centripète qui, en rapprochant
chacun d ’eux du centre, Vabaisse par degrés insensibles au-dessous
de sa position initiale »... «Les chaînes de montagnes correspondent
essentiellement aux parties de l’écorce terrestre dont l ’étendue
horizontale a diminué par l’effet d’un écrasement transversal »...
«...les portions restées intactes, de part et d’autre, ont cessé
d’être liées entre elles...» et «...ont formé comme les deux mâchoi­
res d'un étau dans lequel la partie intermédiaire a été comprimée...»
En 1885-1909 fut publié La Face de la Terre, une volumineuse
monographie du géologue autrichien Eduard Suess. Ce livre cons­
tituait un bilan des connaissances géologiques de l ’époque; l ’exposé
des faits y était fondé sur la théorie de la contraction (refroidisse­
ment du globe, réduction de son volume, affaissement irrégulier
des secteurs isolés de la croûte, compression, et, en conséquence,
apparition d ’efforts tangentiels aboutissant à la formation de plis,
à la surrection de montagnes, à des extrusions du magma jusqu’à
la surface, etc.).
Pourtant, à mesure que de nouveaux faits s’accumulaient, cette
théorie perdait ses arguments les uns après les autres et elle ne compte
aujourd’hui que très peu de partisans. En effet, la contraction
s ’avère incapable d ’expliquer la périodicité des mouvements tec­
toniques ni pourquoi les périodes relativement brèves de leur acti-
visation (plissement) sont suivies de calmes relatifs et prolongés.
569
Elle n ’explique pas non plus pourquoi les mouvements tectoniques
n ’affectent pas la Terre entière et ne se manifestent que dans les
zones de géosynclinaux. Les derniers travaux de E. Lioubimova
et de V. Magnitski montrent que, quoique des parties extérieures
de la Terre se refroidissent, la vitesse de ce refroidissement est
tellement faible (moins d ’un degré par million d ’années) que ce
phénomène n ’a presque aucun effet sur le processus engendrant les
contraintes. E t ceci sans tenir compte de la présence dans la matière
terrestre d ’éléments radio-actifs qui modifient d ’une façon radicale
le déroulement des phénomènes thermiques (il se peut en fait qu’il
faille envisager non pas le problème de la compression de la Terre,
mais celui de sa dilatation).
Certes, le régime thermique constitue un élément de grande
importance dans l ’ensemble des facteurs influençant la tectonique.
Une température élevée crée des conditions particulièrement favo­
rables au déplacement de la matière à l ’intérieur de la Terre. Bien
plus, la répartition irrégulière de la chaleur est une source de nouvel­
les tensions qui sont à l ’origine des mouvements de la matière au
sein de la Terre. Cependant, la théorie de la contraction sous sa
forme intiale doit être rejetée à la lumière des données récentes.
Quelle est la théorie qui la supplante? Pendant un certain temps
on accepte l ’hypothèse du tectonicien allemand A. Wegener, dite
de la dérive des continents qui supposait que sous l ’action des forces
engendrées dans la croûte terrestre par la rotation de la Terre sur
son axe, de légers blocs continentaux constitués de Sial se déplacent
sur un substratum lourd et plastique (Sima). On admettait qu’un
continent autrefois unique s ’est fragmenté et que des secteurs isolés
se sont déplacés à la surface de la Terre: l ’Amérique du Sud et du
Nord se séparant de l ’Europe et de l ’Afrique ont dérivé vers l ’Ouest,
et à l ’endroit de la «cicatrice» s ’est formé l ’océan Atlantique;
l ’Australie s ’est détachée de l ’Afrique et s ’est déplacée vers l ’Est,
parcourant l ’espace occupé maintenant par l ’océan Indien, puis
a fait une rotation de 90° jusqu’à sa position actuelle, etc.
L ’hypothèse de Wegener est contredite par de nombreux faits
géologiques et elle n ’est pas admise par la plupart des géologues
soviétiques. La vérification, par des procédés astronomiques et
géodésiques, des déplacements horizontaux des continents a montré
que s ’ils existent, ils se produisent à une échelle trop faible pour
qu’ils soient enregistrés par les appareils de mesure actuels. Dans
des cas isolés (Madagascar, par exemple), ces mouvements ont été
décelés avec quelque certitude, mais il est trop tôt pour en tirer
des conclusions.
L ’intérêt de cette théorie réside dans le fait qu’elle a attiré
l ’attention sur l ’importance, pour la tectonique, des contraintes
formées à l ’intérieur de la Terre, contraintes qui reflètent les pro­
priétés de la Terre en tant que planète et membre du système solaire.
La rotation de la Terre sur son axe produit une force centrifuge
570
qui, appliquée au centre de gravité des blocs continentaux du Sial,
crée une tension dont il faut tenir compte. Ceci ne permet pas toute­
fois de conclure qu'il se produit un déplacement horizontal des
continents, mais ces tensions constituent un des éléments d ’expli­
cation qu’il ne faut pas négliger.
Il est autrement de Yhypothèse de l'isostasie. L ’isostasie est la
tendance de la croûte à l ’équilibre. On suppose que les masses siali­
ques légères « surnagent » sur le substratum de Sima relativement
lourd et se conforment aux forces régies par le principe d ’Archimède,
une charge excédentaire provoque l ’immersion, la disparition de
cette charge, l ’émersion. Certains savants, surtout le géodésiste amé­
ricain W. Bowie, ont tenté d ’expliquer par l ’isostasie les mouvements
tectoniques et ont voulu y voir la cause possible de la formation
des montagnes. Cette tentative d ’explication n ’a pas eu de succès.
Sans aucun doute, l ’isostasie est un phénomène physique réel;
la croûte terrestre tend à l ’équilibre isostasique, phénomène con­
firmé par de nombreuses observations. En particulier, l ’isostasie
limite la hauteur des montagnes et la profondeur des cuvettes océa­
niques; elle est la cause des anomalies de la pesanteur, etc. Mais
cela ne signifie aucunement qu’elle puisse provoquer des mouvements
tectoniques. Bien au contraire, elle tend à les amortir; elle n ’entre
en action que lorsque l ’équilibre est rompu par des forces plus
puissantes et plus profondes et elle tend à le rétablir. L ’isostasie joue
un rôle, mais assez modeste et non décisif, dans l ’évolution de la
croûte terrestre.
Le géologue américain Walter Bûcher, puis les géologues sovié­
tiques M. Oussov et V. Obroutchev ont proposé avec des légères varian­
tes l ’hypothèse dite de pulsation. D ’après ces auteurs, le globe
terrestre connaît tantôt des phases d ’extension, tantôt des phases
de diminution de volume et de serrage. L ’extension de la croûte
se traduit par l ’affaissement de certains de ses secteurs, le serrage,
par des soulèvements, l ’apparition de plissements, de chevauchements
et d ’intrusions acides. L ’extension engendre des failles profondes
et des épanchements de magmas basiques. Cette hypothèse, formulée
avec force détails, n ’a, semble-t-il, qu’un seul défaut mais assez
important: ses auteurs n ’indiquent pas quels sont les processus
physiques pouvant déclencher les pulsations plus ou moins pério­
diques de l ’écorce terrestre. L ’argument des forces d ’attraction
et de répulsion provoquant des serrages et des extensions est du
domaine des spéculations les plus abstraites. C’est pourquoi il
est difficile d ’admettre cette théorie, même en négligeant le
fait qu’elle n ’explique pas de nombreux phénomènes de la tec-
togenèse.
John Joly avança en 1929 une hypothèse intéressante. 11 suggéra
que les phénomènes radio-actifs étaient les facteurs fondamentaux
de la tectogenèse. D ’après lui, la désintégration radio-active des
éléments est une source de chaleur qui se dégage peu à peu et s ’accu-
571
mule relativement vite dans la matière sialique des continents de
faible conductibilité thermique. En des dizaines de millions d ’an­
nées le substratum basaltique des continents se réchauffe à un tel
point que le basalte fond et que les continents s ’y enfoncent. A la
surface ce mouvement se traduit par la transgression marine. Puis,
les blocs continentaux dérivent et le basalte se solidifie rapidement
en augmentant de volume, ce qui aboutit au soulèvement des con­
tinents, à la régression marine et à la formation de plissements.
Selon nous, l ’auteur de cette théorie opère avec trop de désinvolture
avec les éléments auxquels il recourt et la succession des événements
dans l ’évolution des continents et des matières radio-actives semble
par trop artificiel; il est donc plutôt difficile de l ’accepter.
Signalons la curieuse théorie de l'oscillation de E. Haarmann
et R. van Bemmelen, l ’hypothèse des courants de convection sous-
corticaux de O. Ampferer, la théorie asténolite de B. et R. Willis,
enfin l ’hypothèse dite de migration radio-active de V. Bélooussov et
surtout les nouvelles conceptions de M. Stovass et de B. Litchkov
basées sur le rôle capital de la gravité dans les processus de la tec-
togenèse. Chacune de ces hypothèses ainsi qu ’un grand nombre
d ’autres théories ne partent que d ’un seul facteur physique plus
ou moins réel auquel elles s ’adressent pour expliquer la succession
des principaux événements géotectoniques. Il faut rendre justice
à leurs auteurs : ils ont décelé des aspects importants de la géotec-
togenèse et ont tenté de résoudre les problèmes très complexes de
l ’origine des mouvements tectoniques. Pourtant, leurs efforts
n ’ont pas été couronnés de succès pour le moment. On ne peut que
mentionner certaines notions essentielles dont il faut tenir compte
lors de l ’étude de la géotectogenèse, en laissant pour un avenir que
nous espérons proche l ’élaboration d ’une théorie satisfaisante.
Ainsi, il est déjà établi qu’à l’intérieur de la Terre la matière
se caractérise jusqu’à des profondeurs de 800 à 1 000 km par une
certaine mobilité. Les prémisses physiques de cette mobilité résul­
tent de la plasticité élevée des roches soumises à l ’action globale
d ’une température et d ’une pression élevées. Quant à l ’exis­
tence des tensions tectoniques et des déplacements de matière
qui leur correspondent, elle est confirmée par les foyers des séismes
profonds, les données sur la répartition à la surface terrestre des
anomalies de la pesanteur (qu’il est impossible de comprendre sans
faire appel aux déplacements horizontaux de la matière) et par
bien d ’autres facteurs.
Il existe de nombreux phénomènes physiques pouvant provoquer
le déplacement de la matière à l ’intérieur de la Terre.
On peut invoquer le régime thermique (tout particulièrement
la répartition irrégulière des températures dans les parties externes
du globe), les forces engendrées par la rotation de la Terre, l ’action
des éléments radio-actifs, la gravité, etc. Ces derniers temps on
attache une importance particulière à l ’énergie de gravité, à la
572
radio-activité (réchauffement radio-actif), et à la rotation de la
Terre sur son axe (énergie rotationnelle). L ’action conjuguée de ces
trois forces engendre des tensions et, par suite, des déplacements
de matière. En d ’autres termes, il faut admettre à l ’intérieur de la
Terre l ’existence de courants de convection, lents écoulements de la
matière de certains secteurs vers d ’autres, suivant des directions
tangentielles ou radiales. Dès qu’on admet l ’hypothèse de l ’existen­
ce de courants de convection lents, qui affectent des segments énor­
mes du globe jusqu’à des centaines de kilomètres de profondeur,
il devient plus facile de trouver une solution au problème de la
nature des mouvements affectant la croûte terrestre. Les courants
de convection, en atteignant les couches extérieures, entraînent
inévitablement dans leur mouvement l ’enveloppe sialique qui
est animée de mouvements verticaux (épéirogéniques) et horizontaux
(dislocations par plissements). Certes, la croûte terrestre possède
ses propres sources d ’énergie, l ’isostasie par exemple, mais le rôle
principal dans l ’évolution des phénomènes tectoniques revient
aux forces engendrées au sein de l ’enveloppe péridotique tout
entière.
Ces mouvements sont associés de la façon la plus étroite aux
processus de formation et de différenciation du magma. La division
du magma en roches de composition acide et basique s ’effectue non
seulement par l ’action des forces physiques, mais également de celle
des forces chimiques, et aboutit à la zonation de la croûte terrestre.
D ’autre part, cette division est également liée, d ’après nous, à la
formation de la croûte terrestre elle-même. C’est dans la différen­
ciation du magma et les courants de convection que nous trouverons
sans doute l ’explication de la présence de racines sialiques sous
les zones plissées actuelles et de leur absence sous les océans,
résolvant ainsi le problème de l ’origine des cuvettes océaniques.
C’est sciemment que nous ne donnons pas de chiffres et que nous
n ’effectuons pas de calculs malaisés à réaliser et encore très peu sûrs.
La genèse des mouvements tectoniques constitue le problème le plus
ardu non seulement de la géologie, mais des sciences naturelles dans
leur ensemble; il est encore loin d ’être résolu. On ne connaît pas
avec certitude les sources de l ’énergie tectonique, et l ’on en trouvera
peut-être de nouvelles.
Cependant, on voit se préciser certaines idées. Dans l ’avenir
l ’hypothèse géotectonique devra tenir compte de toute la diversité
des phénomènes physiques et chimiques se déroulant à l ’intérieur
de la Terre, en examiner toutes les interactions ainsi que la succes­
sion des événements historiques, suivre leur évolution en décelant
l ’orientation fondamentale du processus, bref se soumettre à toutes
les exigences d ’une recherche scientifique poursuivie suivant la
méthode dialectique marxiste. Ce n ’est que dans cette voie que
le succès est possible.
Index des noms

Adams L. 548 Brooks C. E. P. 227


Afanassiev G. 321 Brown H. 556
Agassiz L. 202 Brückner A. 391, 392
Albert F. 20 Brückner E. 218
Alékine O. 166 Buch L. 411
Ampferer O. 572 Bûcher W. 571
Andréev S. 461 Bullen K. E. 545
Androussov N. 373 Buss E. 446
Anoufriev G. 329
Antsyférov M. 465
Archimède 571 Cancani A. 438, 439
Argand E. 568 Chantser E. 128, 337
Arkhanguelski A. 266 Chatski N. 373, 378, 379, 567
Arrhenius S. 226 Chézy A., de 119
Aufrère 87 Choultz S. 378, 429
Choumski P. 233
Chtchoukine I. 102
Baranov I. 244, 246 Chvétsov M. 143, 299, 339, 340
Barth T. 531 Chvétsov P. 245
Bauer 538 Clark F. 554, 557
Baumhauer 353 Cloos H. 401, 402
Beaumond E., de 569 Conybeare W. D. 20
B élov N. 254, 303 Curie 561
Bélooussov V. 378, 422, 423, 572
Bemmelen R., van 572
Berg L. 81 Daly R. A. 502
Bertrand M. A. 391 Danchine B. 416
Bessel F. VV. 14 Darwin Ch. 294
Bezroukov P. 290, 304 Davydov B. 559
Bogdanov A. 376 Desnoyers J. 20
Bogoslovski B. 312, 313, 316, 318, 324 Doktourovski V. 327
Bontchkovski V. 446, 464, 466, 552 Dokoutchalev V. 70, 72, 111
Bonucci C. 408 Doubianski V. 96
Botch S. 241, 247 Dubois 225
Bouchinski G. 331 Dzens-Litovski A. 274, 324
Bouné V. 447
Boutov P. 370
Bowen N. L. 507, 509 Egorov N. 230
Bowie W. 571 Elaguina E. 473
Bridgman P. W. 559 Ermolaïev 233
Brogniart A. 20 Ese V. 372
574
Eskola P. 530 Jeffreys H. 549, 559
Evans P. 567 Jivago A. 253
Joly J. 571
Jongolovitch I. 16
Farrington O. 556
Fédorovitch B. 80, 86, 87, 91, 92,
95 98 Kôppen W. 226
Fersman A. 511, 540, 549, 554—557 Koridaline E. 537
Flint R. F. 221 Korjouïev S. 104
Fontana C. 478 Koroviakov I. 403
Forel F. A. 438 Kossyguine Y. 374
Frederix G. 391 Kostenko N. 135, 138, 151, 154, 161,
503
Kostytchev P. 70, 111
Galitski V. 391, 392 Kouchev S. 244
Galkine E. 330 Koudéline B. 118, 119
Gambourtsev G. 437, 465 Koudriavtsev V. 230, 240
Gastaldi G. 438 Koulikovski G. 174
Goldschmidt W. 540 Kourdioukov K, 427
Golitsyne B. 437, 543 Koutchine M. 322
Gorchkov G. 497 Kalachnikov A. 465, 561
Goretski G. 221 Kalesnik S. 46, 102, 189, 190, 196, 199
Goubine I. 391, 459 Kalouguine P. 393
Goubkine 1. 309 Kamenski G. 155
Goubkine N. 236 Kant I. 545
Goulnéva N. 230 Karpinski A. 417, 418, 424, 425
Gressly A. 335 Katassonov 233
Gritchouk M. 218 Katchourine S. 239, 241, 244
Gromov V. 220 Katz N. 331
Grubenmann U. 529 Kéilis-Borok V. 449
Gruchet P. 519 Khaïne V. 376
Guérassimov I. 218, 228 Kharine O. 437
Guilev S. 330 Khlopine V. 32, 550
Guinzbourg I. 66 Kind N. 473
Gutenberg B. 438, 441, 447, 448, 540, Kimos D. 437
543, 549 Klénova M. 140, 292, 297
Gzovski M. 392 Klounnikov S. 502
Kouznélsov E. 501, 502, 510, 518,
528, 531
Kovaïkina I. 543
Haarmann E. 572 Kozlovskaïa S. 556
Hudiwara T. 466 Krachéninnikov G. 328
Halloy O. d ’ 20 Krachéninnikov S. 495, 497
Haug E. 131 Kraskovski S. 548, 550
Hayford J. F. 14 Krassovski F. 14, 15
Helmersen G. von 20 Kropotkine P. 217
Helmert F. 536 Krouber A. 173
Holmes A. 33, 34, 85, 124, 176
Hooke R. 350
Humphreys W.J. 227 Lamarck J.-B., de 34
Langue O. 312
Lapina N. 254, 303
Iakovlev S. 219 Laplace P. S. 545, 558
Ianchine A. 378 Lavrova M. 412
Imbô G. 481 La Vega 408
Ivanov A. 16 Lébédev A. 152, 154, 155
Ivanov A. 305 Legendre A. M. 545
Ivanov S. 330 Leuchs 385
Izotov A. 15 Lévine B. 555—557, 559, 560
575
Lcvinson-Lessing F. 507, 524, 525 Oudintsev G. 254
Lévitskaîa A. 445, 453 Oussov M. 378, 571
Liapounov A. 12 Oustinova T. 490
Linck G. 540 Ovtchinnikov A. 156
Linden N. 452
Lissitsyne A. 290
Litchkov B. 549, 572 Pariiski N. 16, 17
Lioubimova E. 549, 550, 570 Pavlinov V. 503
Lodotchnikov V. 507, 559, 560 Pavlov A. 108, 111, 122, 181, 221
Lomonossov M. 332 Péivé A. 378, 390, 461
Lüders 355 Penck A. 218
Lustikh E. 561 Perfiliev B. 324
Lvov A. 246 Pervoukhine M. 313
Lyell Ch.J. 20, 216, 408, 411 Pétroussévitch M. 388
Phillips VV. 20
Piavtchenko K. 243 '
Magnitski V. 12, 499, 513, 543, 546, Piip B. 488, 494, 497
548, 559, 561, 570 Pline le Jeune 477
Makarenko F. 156 Polynov B. 63, 64, 66, 69
Makarov S. 323 Popkov V. 497
Makkavéev 121 Popov A. 232, 243
Markov K. 218—220, 223, 228 Popov V. 378
Massarski S. 446 Potapov P. 473
Maximovitch G. 176, 317 Poucnkine A. 46
Mayer E. 407 Prandt 355
Mazarovitch A. 567 Protodiakonov M. 354
Médvédev S. 438, 440 Ptolémee 33
Mélik-Gaïkazian I. 543
Mendéléev D. 558
Méniaïlov A. 495, 497 Radau R. 545
Mercalli G. 438 Ramsey W. 559
MilankéviC M. 226 Ratner V. 404, 405
Mirochnitchenko V. 392 Rayleigh J. W. 451
Mirtchink G. 218 Rémézov S. 412
Mohoroviciô S. 540 Richter C. F. 438, 441, 447, 448, 543
Molodenski M. 545 Rinne 355
Monakhov F. 462 Itonov A. 422, 423
Moskvitine A. 219—223 Roscnbuch H. 527
Mouchkétov I. 102, 436 Rossi M. S. de 438
Murchison R. 1. 20 Roukhinc L. 319, 331, 337, 341
Murray J. 30 Rozova E. 437, 446, 540

Naboko S. 497 Samoïlov N. 139, 140, 144


Nadai A. 355 Sapojnikov D. 324-325
Nalivkine D. 336, 566 Sassa K. 466
Néichtadt M. 329 Savarenski E. 452, 543
Newton I. 11, 12, 14 Schmidt O. 555
Niggli P. 557 Schuchert Ch. 567
Nikïforov P. 437 Sedgwick A. 20
Nikiforova K. 221 Sédov V. 245
Nikchitch I. 388 Sesostris III 33
Nikolaïev N. 428—430, 457, 568, 569 Sieberg A. 438, 540
Nichipoura E. 466 Silnitshi A. 495
Nôlke 226 Simpson G. 226
Smirnov V. 407
Smolianinov N. 7
Obroutchev V. 52, 80, 87, 96, 425, 571 Sobolev S. 111
Orlov A. 436, 462, 466 Soukatchev V. 330
576
Soumguine M. 230, 243 Vichniakov S. 343
Stari k I. 32, 34 Vilenski D. 78
Starkova A. 560 Vinogradov A. 64, 554
Steers J. A. 295 Vlassov K. 510
Stille H. 378, 380, 568 Vlodavetz V. 490, 492, 497, 498
Stovass M. 572 Volarovitch M. 559
Strakhov N. 126, 257, 266, 290, 292, Vvédenskaïa A. 460, 461
306, 307, 310, 311, 320, 322 Vvédenskaïa N. 447 , 454
Suess E. 156, 569
Svétozarov I. 236
Wadati K. 543
Walcott Ch. D. 30
Tacite 477 Washington H. S. 540, 557
Tchemiavkina M. 460 Wegener A. 570
Tchirikhine 233 Wiechert E. 540
Tchirvinski P. 557, 560 Willis B. 393, 572
Tétiaïev M. 391 Willis R. 572
Tikhonov A. 465, 549, 550 Wilson D. 458
Tiourémnov S. 328 Wolff F. von 548
Tolstikhine N. 234, 236, 237, 244—246
Torell O. M. 217
Toropine S. 16 Young Th. 350
Toumel V. 230
Treskov A. 543
Tskhakaïa A. 446 Zakharov A. 73
Zakharov S. 373
Zaslavski 1. 557
Valiachko M. 324 Zavaritski A. 497, 507
Varentsov M. 297 Zenkovitch V. 268, 272, 274, 275, 282,
Vélikanov 129 283, 287
Vemadski V. 63, 65, 166, 262, 558 Zinovkine A. 403

l/« 37-927
Index des matières

Abaissement du niveau de base Alluvions des nappes d ’eau dormantes


(v. mouvement de subsidence) (dépôts de nappes d ’eau dormantes)
Abaissements récents 415 135
Abrasion 318 Alluvions du chenal d ’écoulement
Abrasion marine 272 (dépôts du courant fluvial) 133
Accumulation 79, 108, 126, 206 Altération (sur place) 9, 35, 49
Accumulation (des glaciers) 206 Altération chimique 57
Accumulation éolienne 85, 102 Altération hydrothermale 526
Accumulations de forme pyramidale 91 Altération pneumatolytique 526
Acides humiques 65 Altération superficielle (v. altération
Action cryergique (v. gélivation) sur place)
Action géologique des eaux courantes Alvéole de déflation 80
108 Ammonite 26, 28
Action géologique des eaux souterrai­ Ammonoïdes 26
nes 150 Amphibies (Amphibiens) 26
Action géologique des glaciers 188 Amygdaloïde (texture) 516
Action géologique de la mer 251 Andésites 522
Action géologique des lacs 312 Angiospermes 28
Action géologique du vent 79 Anisotropie 51
Actions chimiques (v. altération chi­ Anomalie de la pesanteur 537
mique) Antéclise 368
Actualisme (principe d ’) 37 Anticlinal (pli anticlinal) 363
Aération (zone) 159 Anticlinorium 368
Age (chronologie géologique! 20 Anthracite 345
Age absolu (chronologie absolue) 34 Anthropogène (Quaternaire) 20, 21,216
Age géologique absolu 32 Anthropogène (système) 20, 21
Age de la Terre 18, 34 Anticyclone 46, 105
Age du Soleil 34 Apophyses 503
Agglomérat (brèches volcaniques) 489 Arbres penchants 183
Agnathes (cyclostomes) 26 Archæocyathus 26
Aire d ’alimentation (v. bassin-versant) Archéen (v. Archéozoïque)
Alcalinité des eaux souterraines 166 Archéozoïque (ère) 20, 34
Aleurolite (dépôts aleurotiques-fari- Archéozoïque (série de sédiments) 20
nes) 291, 340 Argile rouge des fonds océaniques 302
Algonkien (v. Protérozoïque) Argiles 341
Algues 28 151 Argiles feuilletées (v. argiles rubanées)
Algues calcaires 299 Argiles résiduelles 341
Algues de Diatomées 301, 321 Argiles rubanées (à varves) 30
Alizé 45 Argon 7, 33
Allitisation (phase d ’) 67 Aspect schisteux (texture) 530
Allochtone 391 Assèchement périodique des lacs 172
Alluvions (dépôts alluviaux) 126, 133 Assimilation (digestion) 501
Alluvions de débordement (dépôts de Asténolite (théorie) 572
débordement) 133 Atmosphère 7, 41
578
Atoll 294 Boue à Foraminifères 299
Atterrissement de bordure 128, 130 Boue à Glauconie 299
Attraction (gravitation) 11 Boue à Globigérines 300
Auge (v. vallée glaciaire) Boue à Ptéropodes 300, 304
Auréole de contact 525 Boue à Radiolaires 302
Autochtone 391 Boue bleue 298
Autoprécipitation 322 Boue calcaire 299
Avancée du glacier (v. extension du Boue rouge 298
glacier) Boue terrigène 298
Avens (v. dépressions fermées) Boue verte (sable) 298
Axe équatorial 13 Bougry-mogilniki (v. tertres)
Axe (ligne d ’intersection du plan Boursouflures de poussées de gel 243
axial avec un plan horizontal) 360 Boussole de mine 361
Axe de rotation du sphéroïde 13 Brachiopodes 24, 28
Axe polaire 13, 14 Brèche 340
Azote 7, 33 Brèche de friction 396, 397
Brise 45
Brises de vallée et de montagne 45
Baïdjerakhs (petites collines) 240 Bryozoaires 26
Banc 375 Butte de tourbe 243
Bandalsanais (ultra-vulcanien) 475 Bysmalite (tampon plutonique) 501
Banquette (v. surface d ’arrachement)
Barkliane 87
Barkhanes 87 Caïnozoïque (ère) 20
Barrancos 472 Caïnozolque (série, groupe) 20
Barre 287 Calcaire 342
Barysphère (manteau) 540 Calcaires dolomitiques 342
Basalte 522 Caldeira 471
Bassin artésien 162, 163 Cambrien (période) 26
Bassin de subsidence 239 Cambrien (système) 20
Bassin de réception 114 Canal d ’écoulement 114
Bassin houiller limniquc 333 Cannel 345
Bassin houiller paralique 333 Canon 126
Bassins rocheux (excavations) 203, 205 Capture (de la rivière) 149
Bassin-versant (aire d’alimentation) Carbonatisation 527
145 Carbone 33
Balholite 500, 515 Carbonifère (période) 23
Bauxite 61 Carte paléogeographique 423
Beidelitc ferrugineuse 62 Catazone (métamorphisme) 529
Bélemnites 26 Causes du magmatisme 512
Benthos 267 Causes de l’activité séismique 462
Bérézinien (expansion glaciaire) Caustobiolithes (Caustolites) 344
219, 220 Cavernes 174
Bifurcation (difluence) 140 Cendre volcanique 489
Bilan hydraulique des eaux souterrai­ Céphalopodes (mollusques) 26
nes (ou bilan des eaux souterraines) Céralites 26
164, 165 Chaîne alpine (plissements, mouve­
Biosphère 7, 63 ments alpins) 565
Blastoîdes 26 Chaîne calédonienne (plissements) 565
Blocs-basculés (v. montagnes-blocs) Chaîne cimmérienne (antéalpine) 565
Blocs erratiques 216 Chaîne (plissements) de Yang-Chang
Blocs striés 202, 216 565
Boghead 345 Chaîne hercynienne (Varisique) 565
Bombe volcanique 488 Chaîne himalayenne (v. chaîne alpi­
Bombement épéirogénique (mouve­ ne) 565
ment d ’ensemble) 368 Chaîne (plissements) mésozoïque 565
Boucle (méandre) 130, 131 Chaîne (plissements) Pacifique 565
Bouclier Baltique 224 Chaînes de barkhanes transversales
Boue à Diatomées 301, 321 (v. cordons)
37* 579
Champs de tertres (mari) 244 Cordons longitudinaux de barkhanes
Chaos de blocs 53 91
Chapeau de fer 58 Corps d ’éboulement (v. loupe de
Charbon de terre (houille) 332, 333t glissement)
345 Corrasion 79, 99
Charnière (du pli) 360 Corrosion 175
Charriage 391 Corrosion et corrasion de sous-écoule­
Chetetiaes 26 ment 183
Chevauchement 389 Côte accore (abrupte) 272
Chézy (formule) 119 Côte à baies 281
Chloritisation 527 Côte à lagunes 287
Chloritoschiste 532 Côte alluviale (v. plaine deltaïque)
Chonolite 503 Côte plate 277
Chronologie géologique (tableau) 20 Côte d ’abrasion 277
Chronologie géologique absolue 29 Côte d ’accumulation 277
Chronologie géologique relative 18 Côtes des mers 277
Cimentation (des dépôts) 308 Côte de submersion (ingression) 281
Cirque de glissement 181 Couche 357
Cirque glaciaire (de petite dimension) Couche active (mollisol) 229, 235
203 Couches de base (de sels) 324
Cisaillement 357 Couche de Golitsyne 543
Climat 48 Couche oxygénique 59
Clivage 399 Coulée (vole.) 488
Clivage de flux 399 Coulée de boue 187
Clivage de fracture 399 Coulée de pierres (Kouroum) 242
Clymenies 26 Coulée ou langue glaciaire 192
Coagulation 72, 140 Coups de toit 351
Coccolithes 299 Courant de convection 572
Coefficient de dilatation 51 Courant de flot 270
Coefficient de perméabilité 158 Courant de jusant 270
Cœlentérés 26 Courant laminaire (v. mouvement
Coins de gel 233 laminaire des liquides)
Collecteurs de pétrole 310 Courant marin 271
Colloïdes 142, 299 Courant turbulent (v. mouvement
Colluvion 53 turbulent des liquides)
Colonne stratigraphique 21 Courbe hypsograpnique 259, 563
Composition chimique de la Terre 554 Courbe paleogeograpnique 417
Compression 357 Cours d ’eau irrégulier (v. torrent)
Concentration des ions hydrogène 60 Cours d ’eau sous-glaciaires 213
Concrétion (nodule) 309, 344 Craie 342
Concrétion siliceuse (rognon de silex) Cratère 471
343 Cratère ou cheminées d'explosion 473
Conditions géologiques de la pro­ Creeping (reptation, oplyvni) 179
duction des séismes 457 Crétacé (période) 22
Cône de déjection 115 Crétacé (système) 20, 22, 23
Conglomérat 340 Crêtes de glissement 181
Conifères 28 Crêtes réticulées 95
Constante de l ’attraction terrestre 12 Creusement (érosion) 101
Constitution interne du globe 9 Crevasse marginale 201
Construction aséismique 467 Crevasse marginale (rimaye) 204
Contact dérangé 377 Crevasses de la zone superficielle
Contraction (v. hypothèse de contrac­ des glaciers 200
tion) Crinolaes (Lys de mer) 26
Contre-alizé 45 Cristallographie 8
Coordonnées géodésiques 13 Croûte terrestre (v. écorce terrestre)
Coraux 293, 294 Crues (ordinaires) 117
Cordaïtes 28 Cryolithozone (v. zone gelée de la
Cordons (chaînes de barkhanes trans­ lithosphère)
versales) 88, 89 Cryologie 9
580
Cryptocristalline (v. structure micro­ Dépressions fermées provenant d ’un
cristalline) effondrement 171
Cryopédologie (v. géocryologie) Dépressions fermées (dôlines, avens)
Cuirasse latéritique 67 170
Cuvettes d ’érosion fluviale 314 Désagrégation physique (processus
Cuvettes d ’érosion et de dépôts gla­ mécaniques) 49
ciaires 314 Désagrégation thermique 50
Cuvettes d ’origine volcanique 314 Désert argileux 107
Cuvettes océaniques 358, 564 Désert à sols gypso-magnésiens 107
Cuvettes tectoniques 313 Désert (de sable) 84
Cyclone 45, 46 Désert rocheux 107
Cyclostomes (v. Aguales) Desquamation 50
Cystoïdes 24 Dévonien (période) 20
Dévonien (système) 20, 26
Diabases (v. dolorites)
Décharge 158 Diagenèse 306
Décomposition (division) en boules 56 Diagramme « effort-déformation » 350
Décrochement (v. faille de décroche­ Dialectique 37
ment) Diastropnisme (v. orogenèse)
Déflation 79, 84 Déflation 79, 80
Déformations ou dislocations tectoni­ Diatomées (v. algues de Diatomées)
ques 360 Diatomile 343
Déformations discontinues 355 Dialrème (v. pipe)
Déformations élastiques 350, 351 Digue naturelle 131
Déformations permanentes 350 Différenciation 507
Déformations plastiques 350, 351, 553 Différenciation par cristallisation
Degré géothermique 547 508, 509
Delta 140-142 Différenciation par densité 560
Delta fossilisé 143 Différenciation magmatique 508
Déluvion (dépôt déluvial) 109 Diffluence (v. bifurcation)
Demi-profondeurs (v. hypoabissiques) Diffusion 307
Demi-axes équatorial et polaire 13 Digestion (v. assimilation)
Densité 12, 541, 544 Dinosauriens 27
Dénudation (v. érosion) Diorite 521
Dépôts alluviaux (v. alluvions) Diplodocus 27
Dépôts bathyaux (sédiments du talus Direction (v. ligne de direction)
continental) 297 Discontinuité (surface de MohoroviCié)
Dépôts continentaux (v. Types géné­ 541
tiques de dépôts continentaux) Discontinuité (surface de premier
Dépôts de débordement (v. alluvions ordre) 540
de débordement) Discontinuité (surface de deuxième
Dépôt déluvial (v. déluvion) ordre) 542
Dépôts déltalques 140 Discordance angulaire 376
Dépôts de nappes d ’eau dormantes Discordance cachée 377
(v. alluvions de nappes d ’eau Discordance plate 377
dormantes) Dislocations glaciaires 225
Dépôts des cours d ’eau (v. alluvions) Dislocations par cassures 360
133, 135 Dislocations par plissements (plica-
Dépôts du chenal d ’écoulement, du tives) 357, 360
courant fluvial (v. alluvions du Dissociation 60
chena 1 d'écoulement) Division (décomposition, désagréga­
Dépôts fluvio-glaciaires (produits tion) 56, 401
d ’accumulations des eaux de fonte Division (des plis) en rameaux 367
et des torrents glaciaires) 213 Dôline (v. dépréssions fermées)
Dépôts glaciaires 30, 206 Dolomie 342
Dépôts lacustres 320, 321 Dolomitisation 343
Dépôts torrentiels 112, 337 Dolorites (diabases) 522
Dépressions alignées dans des champs Dôme 367
de dunes 95 Dôme de glace d ’origine fluviale 245
38—927 581
Dôme de glace dû aux eaux souterrai­ Eléments de la couche 361
nes 245 Eléments du pli 360
Données lithologiques 29 Eléments du sphéroïde terrestre 13
Dorsale atlantique 253 Ellipsoïde de révolution 12, 13
Drumlin 212 Eluvions (sols éluviaux) 335, 337
Dunes d ’obstacles 96 Empilement en oreillers 54, 55
Dunes littorales 86, 102 Encoche de sapement 273, 274
Dunes (intérieures) 86, 104 Energie des tremblements de terre
Dunes en pyramides (v. accumula­ 441, M3
tions de forme pyramidale) Enflements (des couches) 371
Dunes longitudinales 91 Engouffrement périodique des rivières
Dunes paraboliques (ou arquées) 103, (exsurgences et résurgences) 172
104 Entonnoires de tassement 178
Dunite 523, 531 Entonnoir karstique 170, 171
Dureté de l ’eau 166 Entonnoires (dépressions karstiques
Dyke 503 et thermokarstiques) 171, 239
Dynamométamorphisme 525, 527 Entrecroisement des terrasses 136
Dynamométamorphismo cataclastique Enveloppe (ou couche) intermédiaire
528 542
Enveloppe péridotique 540
Eau artésienne (nappe captive sous Epaisseur d fune série sédimentaire 30
pression) 161 Epicentre 432
Eau capillaire 152 Epizone (métamorph.) 529
Eau captive sous pression 161 Eponges 26
Eau de condensation 153 Epoque (chronologie géologique) 20
Eau douce 166 Equateur 13
Eau gravifique (ou libre) 153 Equilibre hydrostatique 12
Eau nygroscopique 152 Equisétale 28
Eau d ’infiltration 153 Ere (chronologie géologique) 20
Eau pelliculaire 152 Erosion (dénudation) 31, 53, 121
Eau radio-active 167 Erosion latérale 121
Eau salée 166 Erosion régressive 114, 122
Eaux bicarbonatées 167 Erosion remontante 114, 122
Eaux captives non artésiennes (nappe Erosion verticale 121
captive non artésienne) 160 Eruptions linéaires ou fissurales 476
Eaux de fond 157 Escarpement (de terrasse) 136
Eaux de fractures 152 Escarpement de faille 396
Eaux de porosité 152 Estuaire 139, 145
Eaux épigéniques 155 Etage (stratigraph.) 20
Eaux «fossiles» 155 Etat (d’agrégation) 35
Eaux intercalaires du sous-sol gelé 236 Etiage 117
Eaux juvéniles 153, 155 Etmolite 503
Eaux de cavernes 152 Etude de la séismicité 'régionale 466
Eaux karstiques 176 Etude des minéraux utiles 10
Eaux minérales 167 Eutectique (principe d ’) 510
Eaux de la couche superficielle 234 Exsurgence (v. engouffrement périodi­
Eaux profondes 237 que des rivières)
Eaux relictes 155 Extension ou avancée (du glacier) 200
Eaux sous-glaciaires 213 Extinction roulante 351
Eaux sulfureuses 167, 168 Exutoires naturels des eaux souterrai­
Eaux syngénétiques 155 nes (sources) 164
Eboulements 180
Eboulis 53 Faciès 9, 336
Echelle des temps géologiques 19 Faciès abyssal (de très grande profon­
Echelle stratigraphique générale deur) 336
(internationale) 21 Faciès bathyal (de grande profondeur)
Echelle stratigraphique locale 21 336
Eclogite 540
Ecorce terrestre (croûte terrestre) 35
582
Faciès continental 336 Gélivation (action cryergique) 56
Faciès lagunaire 336 Géochimie 8
Faciès littoral ou côtier 336 Géocryologie (cryopédologie) 230
Faciès marin 336 Géode 309
Faciès métamorphiques 530 Géodynamique (ou phénomènes)
Faciès néritique 336 externe 9, 36, 39
Faille de décrochement 393 Géodynamique interne (processus de
Faille de gravité (ou de tassement) 384 dynamique interne) 9, 36, 347
Faille en gradins ou escalier 384 Géoïde 15
Faille inverse ou chevauchante 385 Géologie 7
Faille normale 382 Géologie appliquée 10
Faille profonde 390 Géologie djrâamique 9
Falaise (abrupte) 273 Géologie historique 9
Faune 19, 28 Géologie technique 10
Faune et flore fossilisées 339 Géologie des séismes (v. conditions
Fausse discordance 376 géologiques de la production des
Feldspath 61 séismes)
Fenêtre tectonique 391 Géosyclinal 565
Fente de dislocation 54 Géothermie (théorie de la chaleur
Fente de dessèchement 249 interne du globe) 548
Figure d ’équilibre d ’une masse fluide Géyser 490
tournant sur son axe 12 Géysérite 491
Filons-couches (sills) 506 « Germanique » (style) 568
Filon hydrothermal 506 Ginkgoacées 28
Fissures de gel 249 Glace des cavernes 233
Fissures de stratification 54 Glace épigénétique 232
Flancs (du pli) 360 Glace de glacier 191
Flèche barrante (poulier) 284 Glace de veines pérennes 231
Flèche littorale 284 Glace morte 216
Flexion 357 Glace servant de ciment 231
Flexure 365 Glace syngénétique 232
Flore 19, 28 Glaces de veines de fractura 231
Foraminifères 26, 28, 299 Glaces enfouies 231
Force centrifuge 11, 13 Glaces fossiles 234
Force vive (puissance) du cours d ’eau Glaciation de Mindel 218
121 Glaciation de Riss 218
Formation des sols 70 Glaciation kalinienne (Kalinien) 220
Formations à structure polygonale 247 Glaciation de Würm 218
Formations phosphatées 344 Glaciation likhvinienne (Likhvinien)
Formations prismatiques 54 220
Forme (figure) de la Terre 11 Glaciations quaternaires 216, 217
Fosses profondes 252 Glaciation Dnieprienne 31, 219, 220
Fossé d ’effondrement 383 Glaciation Moscovienne (Moscovien)
Fougères 28 219, 220
Frange capillaire 157 Glaciation okskienne (expansion gla­
Fréquence des séismes 436 ciaire) 219, 220
Froncements (gaufrages) 368 Glaciation ostachkienne J (expansion
Front de la nappe de charriage 391 glaciaire) 220
Fumerolle 485 Glacier 191
Glacier continental (Inlandsis) 194,195
Glacier de cirque 194
Gabbro 522 Glacier de transfluence 194
Gaize 343 Glacier dendritique (ramifié) 193
Gastéropodes 27 Glacier de montagne (de vallée) 192
Gaufrages (v. froncements) Glacier de piémont 197
Gaz carbonique (anhydride) 7. 265 Glacier de type alpin 192
Gaz (volcanique) 489 Glacier du plateau (type norvégien) 197
Gaz naturel ae pétrole 310 Glacier de vallée 192
Gaz noble 7 Glacier local (v. glacier de vallée)
38* 583
Glacier suspendu 194 Hydrosphère 7
Glauconie 299 Hydrozoaircs 26
Glissement 179 Hypo-abyssiques (formes) 515
Glissement détritique 180, 181 Hypothèse de contraction 569
Glissement (translation) 352 Hypothèse de la dérive des conti­
Glissements étagés 187 nents 570
Glissements formant un seul étage 185 Hypothèse de la dérive 217
Glissements superposés 186 Hypothèse de pulsation 571
Globigérines 300
Gneiss 533
Goletz (hautes faîtes dénudées) 242 Iceberg 197
Goniatites 26 Ichthyosaurcs 27
Gradient de charge 158 Inclinaison 361
Gradient géothermique 547 Infiltration 153
Grand cirque glaciaire 203, 204 Ingression (v. submersion)
Grande crue 147 Inlandsis 194, 196
Grande dépression fermée (uvalas. Insectes 25
poljé) 172 Insolation 52
Granité 521 Interglaciaire (époque) 219, 220
Granitisation 501 Intrusion 500
Granulophyre (granité porphyroïde) Isobares 44
521 Isoséisles (courbes) 459
Grauwackes 341 Isostasie 571
Grès 341 Isothermes 260
Grotte 175 Isotopes 32, 33
Groupe (série) 20
Gu If Slream 271 Jurassique (période) 20
Gymnospermes 28 Jurassique (système) 20, 22, 26
Gypse 59, 325. 343

Kamo 215
Halile 325 Kaolin 60, 61, 67, 342
Harpolite 501 Kaolinite 341
Haute eau (période des crues) 117 Karst 168
Hauteur du pli 361 Karst « argileux » 178
Hawaiien 475 Karst de la zone tempérée humide ou
Hélium 32 couvert 178
Hexacoralliaires 27 Karst de la zone méditerranéenne ou
Holocène 219 nu 178
Homme 28 Kouroum (v. coulée de pierre)
Horizon d ’accumulation humique 72
Horizon éluvial (de lessivage) 72
Horizon illuvial 72 Laccolitcs 502, 515
Horst 384 Lacs à autoprécipitation 329
Houille (v. charbon de terre) Lacs de barrage (dus à un éboulement
Houilles paraliques (v. bassin liouiller ou à un glissement) 315
paralique) Lacs de deltas 314
Houilles limniques (v. bassin houiller Lacs d'effondrements (karstiques) 314
limnique) Lacs d ’origine volcanique (v. cuvettes
Humidité absolue de l ’air 42 d ’origine volcanique)
Humidité relative de l'air 42 Lacs glaciaires (v. cuvettes d ’érosion
Humification 71 et de dépôts glaciaires)
Humus 71 Lacs résultant d ’une activité éolien­
Hydratation 59 ne 315
Hydrogéologie 9, 150 Lacs natronés 322
HydroïaccoFithe 245 Lacs sulfatés 323
Hydrologie 9 Lacs thermokarstiques 239
Hydrolyse 60 Lagune 287
Hydromicas (v. micas hydratés) Lambeaux (v. terrains exotiques)
584
Langue glaciaire (v. coulée glaciaire)Marmites de géants 124
Lapiés (rascle) 169 Marne 342
Lapilli 488 Massif d ’injection (stock) 502
Largeur (du pli) 361 Matériaux pyroclastiqucs 304
Latente 67, 335 Matières humiques 71
Latéritisation 62 Méandre (boucle) 130, 131
Latitude (géograph.) 13 Mécanisme du déclenchement de
Lave 487 l ’ébranlement 447
Lave de tufs agglomérés (brècho Méduse 24
à tufs) 489 Méridien 13
Lave en blocs 487 Méridien d ’origine 13
Lave ridée 487 Mers bordièros 254, 257
Lentille de glace souterraine 245 Mers épicontincntalcs 258
Lessivage 168 Mers intercontinentales ou continen­
Lèvre inférieure (mur de la faille) 381 tales 257
Lèvre supérieure (toit de la faille) 381
Merzlota (v. sol perpétuellement gelé)
Ligne de direction (direction) 361 Mésopléistocèno (Pleistocène moyen)
Ligne des neiges orographique 190 219, 220
Ligne ou limites des neiges 188, 189 Mésozoïque (série groupière) 20, 26
Ligne de partage des eaux 146 Mésozone (métam.) 529
Ligne de suture 26 Métamorphisme 9, 524, 525
Lignites 345 Métamorphisme hydrothermal (v. alté­
Liman 138, 285 ration hydrothermale)
Limite de fluage 354 Métasomatose (substitution) 309, 526
Limnologie 9, 312 Météorites 555, 560
Limonite 58, 331 Méthode de l ’argon 33
Liparite (v. Rhyolite) Méthode du radiocarbone 33
Liquation 508 Méthode du rubidium-strontium 33
Lit de la rivière 130 Méthode de détermination de l ’âge des
Lithosphère 7 roches par calcul de la teneur en
Lœss 105 sel 30
Lœss éolien 337 Méthode de l ’analyse des épaisseurs
Loi de Ilooke 350 423
Longitude (géograph.) 13 Méthode gravimétrique (étude de la
Longueur de l ’arc méridien 14 structure terrestre) 536
Longueur de l ’arc d ’un degré 15 Méthode paléontologique 19
Longueur de l ’équateur 15 Méthode séismique 429
Lopolite 501, 515 Méthodes d ’étude des mouvements
Loupe de glissement (corps d ’éboule- récents 429
ment) 181 Micas 532
Lycopodinées 28 Micas hydratés (hydromicas) 61
Lydienne 343 Micaschiste 532
Lys de mer (v. Crinoïdes) Microcristalline (structure) 516
Migration du pétrole 310
Migration des méandres 130
Maar 473 Millibar 44
Madage mécanique 353 Mindcl (v. glaciation de Mindel)
Magma 487, 506 Minerais alluviaux (v. placers allu­
Magmatisme 9, 35, 470, 500 viaux)
Magnitude des tremblements de terre Minerai des dépôts lacustres 322
441 — 443 Minerai des marais 330
Malaspina (glacier) 199 Minéral 7, 509
Mammifères 28 Minéralogie 8
Manteau (v. Barysphère) Minéralisation de l ’eau 166
Manteau de débris superficiel (régo- Mirabilite 323, 324
lite) 69 Miroir de faille 396
Marbre 533 Moderne (Holocène) 219
Marée (courant de) 270 Module de Young 350
Mari (v. champs de tertres) Mofette 485
■585
Mollisol (v. couche active) Néotectonique 425
Mollusques bivalves 27 Névé (neige grenue) 191
Monoclinale (structure) 363 Niche d ’arrachement ou de départ 181
Montagnes-blocs (structure) 568 Niche (cavité karstique) 170
Montmorillonite 62, 67, 341 Niveau de base 112
Moraine 206 Niveau piézométrique 161
Moraine déposée 207 Nodule (v. concrétion, rognon)
Moraine de fond (argile à blocaux) 207 Nomenclature de Stille 378
Moraine de poussée 225 Noyau de la Terre 542, 553, 558
Moraine frontale (v. moraine termi­ Noyau de percement (plis diapir) 375
nale) Noyau (du pli) 360
Moraine inférieure (ou de fond) 207 Noyau intérieur (graine) 543
Moraine interne 207 Nunatak 196
Moraine (superficielle) latérale 206 Nummulites 28
Moraine (superficielle) médiane 206,
207
Moraine mouvante 206 Obsidienne 516
Moraine terminale (moraine frontale) Océan Indien 253
208 Océan mondial 252
Moscovien (v. glaciation Moscovienne) Océanographie 9
Mourré 115 Oiseaux 27
Mousson 45 Ombre séismique 542, 543
Moutonnement confus de buttes et de Onde longitudinale (P) 450
cuvettes 224 Onde superficielle (L) 451
Mouvements actuels 425 Onde transversale (S) 450
Mouvements alpins (v. plissements Ondulation d ’axe 367
alpins) Oolite 322, 342, 343
Mouvements de masses du glissement Opale (géysérite) 60, 61
180, 181 Ordovicien (période) 24
Mouvements de subsidence 137, 141 Ordovicien (système) 24
Mouvements épéirogéniques (mouve­ Organismes constructeurs 294
ments d ’ensemble) 408 Orogenèse (v. mouvements orogé­
Mouvement laminaire des liquides niques, plissements) 565
119, 158 Orthocères 26
Mouvements oscillatoires 35, 408 Orthose 60
Mouvements orogéniques 565 Os 213, 214
Mouvements récents 425 Ostracodes 26
Mouvement turbulent des liquides 119 Oxydation 58
Mur de la faille (v. lèvre inférieure) Oxygène 7
Mylonite 391, 528
Paléogéographie 336
Nappes (champ de lave) 476, 515 Paléomagnétisme 538
Nappe captive non artésienne (v. eaux Paléontologie 19
captives non artésiennes) Paléozoïque (ère) 20
Nappe captive sous pression (v. eau Paléozoïque (groupe) 20
artésienne) Paramètres dynamiques du foyer
Nappe de glissement 393 (séisme) 449
Nappe suspendue (v. table d ’eau per- Partie basse (zone la plus déprimée)
cnée) de la plaine inondable contiguë
Narzan 167 à une ancienne terrasse 132
Nautiloïdes 26 Partie centrale (de la plaine inondable)
Nautilus 27 131
Necton 268 Pegmatile 510
Neige grenue (v. névé) Péléen (type de volcan) 474
Néogène (période) 20 Pélitcs 291
Néogène (système) 20, 21 Pendage (plongement) 361
Néopléistocène (Pléistocène supé­ Pendage centripète (centroclinal) 367
rieur) 219, 220 Pendage périclinal 367

586
Pénéplaine 426 Pli oblique 365
Pergelisol (v. sol perpétuellement Pli court ou discontinu 367
gelé) Pli diapir 375
Péridotite 523 Pli d ’entrainement 371
Période (chronologie géologique) 20 Plis en échelons (ou à relais) 367
Période moderne du quaternaire Pli fermé 366
(v. Moderne) Plis isoclinaux 366, 371
Perlites 516 Plis longs 366
Permafrostologie (v. géocryologie) 230Plis sinueux (tracés en S) 367
Permien (période) 26 Plissements (orogenèse) 562, 565
Permien (système) 22 Plissement dysharmonique 371
Pesanteur 11, 13, 15, 544, 546 Plomb 32, 33
Petites cuvettes (de tassement super­ Podzols 73, 74
ficiel) 239 Poids atomique 33
Pétrographie 8 Poljé (grande dépression fermée) 172,
Pétrole (hydrocarbure) 309, 310, 345 178
Phacolile 503, 515 Polygone de pierre 247
Phase hydrothermale (minéralogie) 510 Polyèdre 162
Phase hypergénique (minéralogie) 510 Ponor 170
Phase magmatique (minéral.) 510 Ponce (pierre) 516
Phase métallique 559 Porosité (des roches) 151
Phase orogénique 378 Porphyre dioritique 521
Phase pneumatolytique (minéral.) 510 Porphyre syénitique 516, 522
Phyllaaes (phyllites) 531 Potamologie 9
Piany liess («forêt ivre», v. arbres Potassium 33
penchants) 183 Potentiel d ’oxydo-réduction (poten­
Pied de l ’éboulement 181 tiel rédox) 59
Pipe (diatrème) 473 Poupée de lœss 105
Pour mille (symbole °/00) 262
Placera alluviaux (minerais alluviaux)
Poussée de gel 242
Plage 273 Poussière éolienne 97
Plaine deltaïque 140 Pouzzolanes 489
Plaine inondable (plaine alluviale) Précipitations atmosphériques 47
128, 129, 131 Pression (vecteur de) 395
Plan axial (du pli) 360 Pression à l ’intérieur de la Terre 546
Plan d'eau (ou surface de la nappe Pression hydrodynamique 184
aquifère) 157 Pression géostatique 544
Plan de faille 381 Pression hydrostatique 161, 162
Plan de stratification 357 Pression uniformément répartie 354
Plancher (soubassement) de la couche Prévision des tremblements de terre
358 464
Plancton 267 Principe des contraintes de glisse­
Plate-forme 564 ment ou de cisaillement 356
Plate-forme d ’abrasion 273 Primaire (v. Paléozoïque)
Plate-forme continentale 258, 288 Procédé du calcul des volumes 423
Pléistocène 219, 220 Procédé magnétique 538
Pléistocène supérieur (v. néopléisto- Processus mécaniques (v. désagrégation
cène) physique)
Pli 360 Productus 26
Pli aigu 366 Produits d ’altération des roches 66
Pli anticlinal (v. anticlinal) Profil d ’équilibre (v. profil régula­
Pli à relais (v. plis en échelons) risé)
Pli coffré 366 Profil d ’équilibre (du fleuve) 122
Pli couché 365, 391 Profil d ’équilibre (du fond marin) 282
Pli déversé 365 Profil régularisé (profil d ’équilibre)
Pli droit 365 122
Pli ouvert 366 Profondeur focale du séisme (pro­
Pli en éventail 366 fondeur du foyer) 445
Pli de fond 568 Protérozoïque (Algonkien) 20
587
Psammites (dépôts sableux) 291 Riss (expansion glaciaire) 218
Pséphites (gros débris) 291 Roche-mère 72
Pseudomorpnose 309 Roches 7
Psylophytales 28 Roches acides (chim.) 518, 519, 521
Ptéropodes 300 Roches argileuses 341
Pyroxénite 523 Roches basiques (chim.) 518, 520, 522
Roches congelées 229
Quartzite 533 Roches de perméabilité moyenne 150
Quaternaire (période, v. Antropogène) Roches détritiques 339, 340
Quaternaire (système, v. Antropogène) Roches gélives 229
Roches hétérogènes 51
Roches homogènes 51
Racines (du charriage) 391 Roches imperméables (ou réfractaires
Radiolaires 302 à l ’eau) 150
Rapides 122 Roches leucocrates 520
Ravins 109, 111 Roches longtemps gelées (mnogoletné-
Ravinement (érosion) 109 merzlotnyé porody) 230
Rayons cosmiques 33 Roches magmatiques 514, 515
Raz de marée (vague de fond, tsuna­ Roches mélanocrates 520
mi) 455 Roches métamorphiques (crystallo-
Récif 294 phyliennes) 530
Récif-barrière 294 Roches moutonnées 202
Récif corallien 293 Roches organiques ou organogènes 342
Récif frangeant (côtier) 294 Roches perméables 150
Réfraction (phénomène de) 281 Roches plutoniques (do profondeur)
Régime des eaux souterraines (eaux 516
de fond) 158 Roches sédimentaires 339
Régime des glaciers 199 Roches siliceuses 343
Régime du fleuve 115 Roches ultra-basiques 520, 522, 540
Règle de Leuchs 385 Rognon 343
Régression ou retrait de la mer 338, 416 Rognon de silex (v. concrétion siliceu­
Rejet ou déplacement (de la faille) se)
381 Ruissellement 109
Rejet horizontal 381
Rejet incliné 381
Rejet stratigraphique 381 Sable volcanique 489
Rejet vertical 381 Sables 340
Relief moutonné 202 Sables éoliens 104, 337
Remblai (barre) 287 Sables oligominéraux 340
Répartition (géographique) des Sables polyminéraux 340
séismes 451 Salinité des eaux 166
Replat rocheux 242 Sandres 213
Replats (ou banquettes) de soliflu- Sapropcl 321
xion 241 Sapropélites 322, 344
Reptation (v. creeping) Saumure (solution saturée) 166, 322
Reptiles 20, 27 Schéma de l ’évolution du monde ani­
Réseau fluvial (v. système fluvial) mal et végétal 25
Réseau hydrographique (chevelu flu­ Schiste 532
vial) 148 Schiste charbonneux 345
Réseaux de polygones à bourrelets 249 Schistosité 527
Rcsurgence (v. engouffrement périodi­ Schistosité cristallophylienne 527
que des rivières) Schistosité lenticulaire 527
Rhyolile (liparite) 521 Schistosité linéaire 527
Rides éoliennes 91 Secondaire (v. Mésozoïque)
Rigole 109 Schistosité planaire 527
Rill-marks 289 Sédimentation dans les lagunes 304,
Rimaye (v. crevasse latérale du bassin 305
do névé) Sédiments abyssaux (sédiments des
Ripple-marks 289, 290 parties profondes de l ’océan) 288
588
Sédiments chimiques 288, 296 Sources thermales 489
Sédiments de la plate-forme continen­ Sous-système (groupe) 20
tale (ou néritiques) 288, 290 Sphère 14
Sédiments du talus continental Sphéroïde 12, 13, 14
(v. dépôts bathyaux) Stratification oblique 134, 135
Sédiments littoraux 288 Stratification rubanée 324
Sédiments néritiques (v. sédiments Stratosphère 41
de la plate-forme continentale) Strato-volcan 474
Sédiments organiques (organogènes Strombolien (type de volcans) 475
288 Structure blastique 530
Seiche 318 Structure cristalloblastique 530
Séisme (v. tremblement de terre) Structure holocristalline (équigrenuo)
Séisme marin 455 516
Séismicité régionale 467 Structure minéralogique 516, 519
Séismogramme 436 Structure porphyrique ou porphyroïde
Séismographe 436 516
Séismologie 9 Structure rubanée (v. stratification
Séismologie régionale 467 rubanée)
Séismometre 440 Structures en nappes 391
Sel gemme 344 Style « germanique » (v. germanique)
Sels 115 Sublimation 191
Série transgressive 338 Submersion (ingression) 281
Séricitisation 527 Substitution (v. métasomatose)
Serpentine 531 Surcreusement glaciaire 205
Serpentinisation 527 Surface à alvéoles en nid d ’abeilles 102
Sial 540 Surface d ’abrasion 426
Sidérite 307 Surface d ’arrachement (banquette) 181
Sigmoïde (v. plis tracés en S) Surface d ’érosion 426
Silicification (enrichissement en Surface de glissement 180, 181
quartz) 527 Surface (ou niveau) de la nappe aqui­
Sillons de grandes profondeurs fère (v. plan d ’eau)
(v. fosses profondes) Surface libre des eaux de fond 157
Sills (v. filons-couches) Surface de la Terre 15
Silurien (période) 28 Syénite 522
Silurien (système) 26 Synclinal (pli synclinal) 363
Siphon 177 Synclinal faillé 384
Sol perpétuellement gelé 229 Synclinorium 368
Sol à gel saisonnier 229 Synéclise 368
Sols 70 Syngénétique (liant) 308
Sols bruns 73, 76 Système (stratigraph.) 20
Sols châtains 73, 76 Système fluvial (réseau) 145
Sols gris des steppes désertiques et des Système de fissuration 54
déserts 77
Sols gris forestiers 75
Sols jaunes 78 Table d ’eau perchée (verhovodka) 156
Sols noirs (tchernozioms) des steppes Tabulés 26
à Graminées 75 Takyr 88, 107
Sols podzoliques bruns sous végéta­ Talcschiste 532
tion herbacée 73, 74 Talik (îlot dégelé dans la zone des
Sols polygonaux 247, 249 persélisols) 234
Sols rouges 73, 77 Talus continental 258
Soluflixion 240 Tchernozioms (v. sols noirs des steppes
Soude 323 à Graminées)
Soulèvements récents 413 Tectonite 528
Source 164 Tectonique 9
Source sous-marine 178 Tectonogramme 565
Sources ascendantes 164 Température de la Terre 35, 547, 549
Sources descendantes 164 « Temple de Sérapis » 408
Sources minérales 167 Temps 48
589
Terrains exotiques (lambeaux) 391 Ultra-vulcanien (v. Bandaïsanais)
Terrasse fluviale 136, 426 Unité organique des phénomènes
Terrasse fossilisée 138 externes et internes 37
Terrasse littorale 410, 426 Uranium (él.) 32, 33
Terrasses à fond rocheux 136 Uvalas (v. grande dépression fermée)
Terrasses d ’accumulation 136
Terrasses d ’érosion 136, 137 Valdaïen (expansion glaciaire) 220
Tertiaire (période) 20 Vallée en auge 128
Tertiaire (système) 20 Vallée en gorge (canon) 126
Tetracoralliaires 26, 27 Vallée en V 126
Tertres (bougry-mogilniki) 244 Vallée glaciaire (auge) 204
Texture (des roches) 516 Vallée suspendue 2Ô5
Texture amygdaloïde (v. amygdaloïde) Vallées des rivières 126
Texture compacte 516 Vallums de moraines frontales 208
Texture en boules (orbiculaire) 516 Végétation autotrophe 65, 329
Texture fluidale 516 Végétation mésotrophe 330
Texture poreuse 516 Verhovodka (v. table d'eau perchée)
Texture rubanée 516 Vernis du désert 62
Texture scorieuse 516 Verrou 205
Théorie asténolite (v. asténolite) Vers 42
Théorie de la condensation (des Vitesse de propagation des ondes
eaux souterraines) 154, 155 élastiques (P et S) 539, 542
Théorie de l'oscillation (de F. Haar- Virgation 367
mann) 572 Vitesse angulaire 11, 12, 16
Thermokarst 238 Vivianite 331
Thorium 32 Volcan 471
Tillites 225 Volcan adventif (ou parasite) 471
Tjale (v. sol perpétuellement gelé) Volcan de boue 491
Toit 358 Volcan stratifié 474
Toit de la faille (v. lèvre supérieure) Volcans linéaires 471
Tombolo 287 Volcanisme 470
Torrent (cours d ’eau irréguliers) 112 Volume de la Terre 13
Torsion 357 Vulcanologie 9
Tourbe 326, 344 Vulcanien (étno-vésuvien) 474
Tourbières basses 329
Tourbières hautes 329 Würm (expansion glaciaire) 218
Tourbières intermédiaires 330
Trachyte 522 Xénolite 508
Transformations chimiques au sein Xionosphère 190
du Globe 35
Transgression 338, 416 Yardang 101
Transition de phase 559
Translation (glissement) 352 Zone abyssale 288
Trass 489 Zone d ’aération ou de descente conti­
Tremblement de terre (séisme) 432 nue (v. aération)
Trias (période) 22 Zone bathyale 288
Trias (système) 20, 26, 27 Zone d'altération 69
Trièdre 102 Zone des basaltes 539
Trilobites 24, 28 Zone de propagation des ondes séismi­
Troposphère 41 ques 443
Tsunami (v. raz de marée) Zone de granités 539
Tuf volcanique 489 Zone gelée de la lithosphère (cryoli-
Type bandaïsanais (v. Bandaïsanais) thozone) 230
Type génétique de dépôts continen­ Zone littorale 289
taux 337 Zone néritique (plate-forme conti­
Type hawaiien (v. Hawaiien) nentale) 288
Type péléen (v. péléen) Zone plissée 564
Type strombolien (v. strombolien)
Type vulcanien (v. vulcanien)
Table des matières

P R E M IÈ R E P A R T IE

PROBLÈM ES G ÉN ÉR A U X

Définitions et divisions de la géologie............................................... 7


Chapitre premier. Forme et dimension de la T e n e ............................... 11
Chapitre 2. L'âge de la T e r r e ............................................................... 18
§ 1. Chronologiegéologique r e la tiv e ........................................... 18
§ 2. Chronologiegéologique a b s o lu e ........................................... 29
§ 3. Détermination de l'âge des roches par l’étudo de la radio­
activité ................................................................................. 32
§ 4. Les phénomènes géologiques ............................................. 34

D E U X IÈ M E P A R T IE

G É O D Y N A M IQ U E E X T E R N E

Chapitre 3. N otions essen tielles sur l'a tm o s p h è r e .............................................. 41

Chapitre 4. Processus d ’a l t é r a t i o n ............................................................. 49


§ 1. Notions générales sur l'altération des r o c h e s......................... 49
§ 2. Processus de désagrégation p h y s iq u e ......................................... 49
§ 3. Action chimique ......................................................................... 57
§ 4. Rôle des organismes dans l ’altération ch im iq u e..................... 63
§ 5. Phases et zonalité du processus d ’a ltéra tio n ......................... 66
§ 6. Manteau de débris superficiel ................................................. 69
§ 7. Les sols et leur fo r m a tio n ............................................................. 70
§ 8. Sols zonaux de l ’U.R.S.S............................................................. 72

Chapitre 5. A ction géologiq u e du v e n t ......................................................... 79


§ 1. Notions fondamentales ............................................................ 79
§ 2. Déflation ........................................................................................ 80
§ 3. T r a n sp o r t........................................................................................ 84
§ 4. Accumulation éoliennedans les d é s e r t s ..................................... 85
§ 5. Corrasion ....................................................................................... 99
591
§ 6. A cc u m u la tio n é o lien n e d u litto r a l m a rin , d es b o rd s d es lacs
et des r i v i è r e s ............................................................................. 102
§ 7. Caractéristiques des accumulations é o lie n n e s...................... 104
Chapitre 6. Action géologique des eaux courantes ..................................... 108
§1. Ruissellement et travail des cours d'eau irréguliers.................. 108
§ 2. Notions générales sur les cours d ' e a u .............................. 115
§ 3. Travail des cours d ’e a u ........................................... 121
§ 4. Vallées et rivières, forme et é v o lu tio n ............................ 120
§ 5. Systèmes fluviaux et leur é v o lu tio n .............................. 145

Chapitre 7. Action géologique des eaux souterraines............................. 150


§ 1. Perméabilité des roches ......................................... 150
§ 2. Etats de l ’eau contenue dans les roches 152
§ 3. Origine des eaux so u te r r a in e s.................................... 153
§ 4. Classification des eaux s o u te r r a in e s.............................. 150
§ 5. Bassins artésiens .............................................. 1132
§ 6. S o u r c e s ......................................................... 164
§ 7. Composition chimique des eaux souterraines........................ 105
§ 8. Eaux minérales ................................................ 167
§ 9. Le karst ....................................................... 168
§ 10. G lissem en ts..................................................... 179

Chapitre 8. Action géologique des glaciers ................................................. 188


§ 1. Notion de ligne des n e ig e s ...................................... 188
§ 2. Formation des g l a c i e r s .......................................... 190
§3. Distribution géographique des glaciers actuels et leurs types 192
§ 4. Régime des g l a c i e r s ............................................ 199
§ 5. Erosion glaciaire .............................................. 202
§ 6. Transport et a c c u m u la tio n ...................................... 200
§ 7. Eaux de fonte, torrents glaciaires et leurs d é p ô ts .................... 212
§ 8. Glaciations quaternaires ........................................ 216
§9. Limites de l ’extension des glaciations quaternaires . . . . 221
§ 10. Causes des g la c ia tio n s.......................................... 225
Chapitre 9. Phénomènes géologiques du domaine c r y e r g iq u e ................ 229
§ 1. Notions fondamentales sur les régions à sol g e l é .................... 229
§ 2. Distribution géographique et épaisseur de la couche des pcigé-
l i s o l s .................................................................................................. 230
§ 3. Glaces enfouies ............................................................................ 231
§ 4. Eaux souterraines des régions à solsconstamment gelés . . . 234
§ 5. Phénomènes pliysiograpkiques des régions à sols constamment
gelés ............................................................................................. 23S
Chapitre 10. Action géologique de la m e r ..................................................... 251
§ 1. Importance géologique des bassinsm a r in s.............................. 251
§ 2. Notions générales sur les mers du g lo b e ................................... 252
592
§ 3. Traits généraux de relief sous-m arin........................................ 258
§ 4. Température des eaux m a rin es................................................ 259
§ 5. Pression et densité des eaux m a r in es........................................ 262
§ 6. Composition chimique des eaux m a rin es................................ 262
§ 7. Gaz dans les eaux m a r in e s......................................................... 264
§ 8. Vie organique des m e r s ................................................................ 267
§ 9. Mouvements des mers ................................................................. 268
§ 10. Travail destructeur de la m e r ..................................................... 272
§ 11. Transport des débris et formations accumulativcs du littoral 281
§ 12. Sédiments des différentes zones de la m e r ................................. 287
§ 13. Processus de sédimentation dans lesla g u n e s........................... 304
§ 14. Diagenèse des dépôts m a r i n s ..................................................... 306

Chapitre 11. Action géologique des l a c s ......................................................... 312


§ 1. Notions générales ......................................................................... 312
§ 2. Origine des cuvettes lacustres ................................................. 313
§ 3. Origine de l ’eau la c u s t r e ............................................................. 315
§ 4. Salinité des eaux lacustres ................................................. 316
§ 5. Action géologique des l a c s ......................................................... 318

Chapitre 12. Les marais et leur rôle géologique 326


§ 1. Notions générales ......................................................................... 326
§ 2. Types de tourbières ..................................................................... 329
§ 3. Rôle pratique des m a r a i s ............................................................. 331

Chapitre 13. Notion de faciès et roches sédim entaires................................. 335


§ 1. Notion de f a c i è s ............................................................................. 335
§ 2. Roches sédimentaires ................................................................. 339

T R O IS IÈ M E P A R T IE

P R O C E S S U S D E D Y N A M IQ U E IN T E R N E

Chapitre 14. D éform ations t e c t o n i q u e s ................................................. 349


I. Déformation des corps s o lid e s .................................................... 349
§ 1. Diagramme « effort-déformation » ...................................... 350
§ 2. Déformations élastiques .................................................... 351
§ 3. Déformations plastiques .................................................... 351
§ 4. Déformations discontinues ................................................ 355
§ 5. Principales déformations des corps solides........................ 356
II. Dislocations par plissements .................................................... 357
§ 1. Définition des éléments de la couche et du p l i .................... 360
§ 2. Formes des p l i s .................................................................. 363
§ 3. Mécanisme de la genèse des p l i s ......................................... 368
§ 4. Tectonique salifère et plis d ia p ir s ...................................... 374
§ 5. Discordances angulaires ................................................. 376
593
III. Dislocations par c a s s u r e s .................................................................. 380
§ 1. Eléments géométriques des cassures tecton iq u es..................... 381
§ 2. Principaux types de c a s s u r e s ..................................................... 382
§ 3. Signes de cassures tectoniques sur le te r r a in ............................. 395
§ 4. Fissuration des r o c h e s................................................................. 399
§ 5. Accidents tectoniques et minéraux u t i l e s ................................. 404

Chapitre 15. Mouvements oscillatoires (épéirogéniques) et leurs consé­


quences .............................................................................................................. 408
§ 1. Mouvements oscillatoires actuels ............................................. 408
§ 2. Mouvements du sol des périodes géologiques révolues . . . . 415
§ 3. Quelques caractéristiques essentielles des mouvements oscilla­
toires du sol .................................................................................. 418
§ 4. Notions de n é o te c to n iq u e ............................................................. 425
§ 5. Méthodes d'étude des mouvements r é c e n t s ............................. 429
Chapitre 16. Tremblements de t e r r e ............................................................. 432
§ 1. Le séisme d ’Achkhabad du 6 octobre 1948 .............................. 432
§ 2. Fréquence des s é i s m e s ..................................................... 436
§ 3. Energie et magnitude des tremblements de t e r r e ......... 441
§ 4. Zone de propagation des ondes séism iq u es..................... 443
§ 5. Profondeur du foyer (hypocentre) et mécanisme de déclenche­
ment d ’un choc souterrain ............................................................. 445
§ 6. Répartition des séismes .............................................................. 451
§ 7. Séismes marins et raz de marée (vague de fond, tsunami) 455
§ 8. Conditions géologiques de la production des séismes . . . . 457
§ 9. Prévision des tremblements de t e r r e ............................. 464
§ 10. Répartition géographique des séismes et construction aséismi-
q u e ...................................................................................................... 466
Chapitre 17. M a g m a tism e................................................................................. 470
§ 1. Magmatisme effusif ou vo lca n ism e............................................. 470
§ 2. Principaux types éruptifs ......................................................... 473
§ 3. Eruptions de certains volcans d ’Europe et d’A s i e ................ 477
§ 4. Propriétés physiques et chimiques des produits de l ’activité
v o lca n iq u e.......................................................................................... 485
§ 5. Phénomènes postvolcaniques ..................................................... 489
§ 6. Volcans d ’U.R.S.S............................................................................ 491
§ 7. Répartition géographique des v o l c a n s ......................... 498
§ 8. Magmatisme intrusif (ou de profondeur)..................... 500
§ 9. Différenciation des m a g m a s ............................................. 506
§ 10. Causes du magmatisme ............................................................. 512
§ 11. Roches m a g m a tiq u e s..................................................................... 515

Chapitre 18. Métamorphisme ......................................................................... 524


§ 1. Différentes sortes de métam orphisme......................................... 525
§ 2. Roches métamorphiques ............................................................. 530
594
Chapitre 19. Structure e t com position du globe terrestre ........................ 534
§ 1. Procédés d ’étude ........................................................................ 534
§ 2. Les enveloppes du g l o b e ............................................................ 538
§ 3. Densité et pression au sein de la T e r r e .................................... 544
§ 4. Température à l ’intérieur du g l o b e ............................................ 547
§ 5. Constitution interne du g l o b e .................................................... 551
§ 6. Composition chimique de la T e r r e ............................................ 554
§ 7. Problème de la nature du n o y a u ................................................ 558

Chapitre 20. Quelques principes de l ’évolu tion de la croûte terrestre . . . 562


§ 1. Structure de la croûte terrestre ................................................ 562
§ 2. Plates-formes, zones plissées et géosynclinaux........................ 564
§ 3. Sources d ’énergie des mouvementstectoniques...................... 569

Index des n o m s ................................................................................................. 574

Index des m a tiè re s .................................................................................................... 57H

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