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s. 465–490
Cesar Mawanzi
Limburg – Kalonda (D.R. Kongo)
Der Weg einer Gemeinschaftsethik, den der Philosoph entfaltet, geht vor allem vom Gedan-
ken aus, der das Bewusstsein über die Ökologie (Umwelt) sowie den Dialog zum Frieden
zwischen den Religionen und den Nationen fördert. Menschenrechte, Staatsverfassungen,
demokratische Werte eines Rechtsstaates werden auch in den Ländern Afrikas in Erwägung
gezogen.
Introduction générale
1
Cf. M. Henry, L’essence de la manifestation, Paris: PUF, 2014, 596–598.
2
Le concept de «Mukand» / «M’kand» désigne le processus rituel d’initiation pratiquée dans
les tribus Lunda et Chokwe. Il s’agit d’un rite qui marque le passage de l’âge de puberté à la vie
d’adulte. Actuellement, il est assimilé et réduit à la circoncision. À la lumière de la tradition afri-
caine et de l’interprétation de R. Girard, Kahang’a développe une visée de la maturité qu’il décrypte
dans la triple signification de ce rite de passage: Le M’kand est avant tout le lieu d’apprentissage
moral, social et artisanal. Ensuite, il signifie la hutte qui abrite les initiés (néophytes= Tundandji)
durant la période d’initiation. Enfin, il forme le lieu de l’éveil à une certaine mort spirituelle qui
about à une fécondité.
3
Cf. Kahang‘a Rukonkish, L’éthique du pouvoir de l’Afrique traditionnelle à l’Afrique mo-
derne, 410.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 467
Une telle pensée se prolonge dans les différentes sphères de la vie sociale,
politique et économique, où elle interroge la possibilité des valeurs éthiques com-
munes ou partagées par l’humanité entière. A notre manière, nous voudrions ici
contribuer, avant tout, à rendre hommage, pour la première fois, à une pensée
philosophique, soucieuse de refonder philosophiquement la culture sapientiale
négro-africaine4 sur la base des valeurs de la justice, du Bien, de la solidarité
et de la paix. En centrant son propos sur le lien entre la question de la vie et
l’éthique transculturelle, Dominique Kahang’a établit son point de conjonction5
dans le principe de responsabilité que Hans Jonas développe dans son plaidoyer
sur l’écologie humaine, enjeu majeur pour l’humanité du futur.
Déconstruire la phénoménologie de la vie, c’est aussi rendre compte de l’agir
politique, soucieux de l’éthique des entités humaines aspirant à la démocratie,
dont le vivre-ensemble fait naître un désir et un idéal de paix perpétuelle. C’est
par ailleurs aussi vouloir sceller le nœud d’une visée de maturité humaine de la
vie qui prend en compte la vie du vivant présent, l’homme juste, l’homme vrai,
(«muntu ya masongo»), c’est-à-dire «l’homme d’une humanité définie par la vo-
lonté du bien»6. Enfin, c’est réinventer le Bien au cœur de l’humanité. S’appuyant
sur la philosophie de Michel Henry, Dominique Kahang’a réengage à nouveaux
frais le débat en focalisant sa réflexion sur l’imaginaire négro-africain, scellé
dans l’intelligence de la raison symbolique initiatique.
Notre problématique veut s’articuler sur trois volets essentiels. Le premier
point traite «De l’enjeu d’une éthique transculturelle de la vie et défis de la mo-
dernité africaine». Devant la grandeur de puissance de la technique moderne, un
devoir éthique du futur s’impose. Le vivant éprouve le sentiment du devoir qui
se traduit dans un engagement éthique et politique pour la vie en temps réel7. En
ce sens, le paradigme de l’éthique écologique peut rejoindre la pensée contem-
4
Cf. Kahang‘a Rukonkish, L’affectivité et l’expérience du temps. Essai sur la visée „Bantu“
de maturité. Thèse de doctorat de 3è cycle, Strasbourg, 1979, 360–377. Dans cette étude, l’auteur
interroge la vie éthique humaine, voire même l’imaginaire ontologique de l’humanité sur le sens
de la vérité et de la justice. Et comme la plupart, plus tard, nous avons grâce à lui, appris à réfléchir
à la complexité, à la critique de la modernité africaine dont les valeurs n’échappent guère à une
remise en question. On lira aussi du même auteur, L’Afrique des Etats et le défi de la modernité, 49.
5
Kahang‘a Rukonkish, Ethique de la vie et développement. Questions posées à la modernité
africaine. Thèse de doctorat, Montpellier, 1994/1995, 348–391. Voir le sujet “Responsabilité, éthos
et site ontologique”.
6
Kahang‘a Rukonkish, L’Afrique des Etats, L’Afrique des Etats et le défi de la modernité.
Communication sur la modernité africaine et responsabilité d’apprendre à faire communiquer l’art
de gouverner les hommes, in: Causes et Moyens de Prévention des Crimes Rituels et des Conflits
en Afrique Centrale, Libreville, 19–20 Juillet 2005. Actes du Colloque sous régional, Libreville
(Gabon), UNESCO 2009, 50. Le concept «muntu ya masonga», en langue Kikongo (RDC), désigne
un sujet véridique, enclin à la «vérité-justice», l’homme intègre, l’homme vrai, «l’homme d’une
humanité définie par la volonté du bien» (id., L’éthique du pouvoir, 408).
7
Voir C. Mawanzi, Dieu et l’Afrique, „Studia Oecumenica” 14 (2014), 303–314.
468 Cesar Mawanzi
8
Le professeur Dominique Kahang’a Rukonkish est né le 12 février 1946 en Rep. Dém. du Cong.
Ordonné prêtre le 27 août 1972, il présente une thèse de doctorat en philosophie, en 1979, à l’uni-
versité de Strasbourg en France. Professeur-résident au Grand Séminaire de Kalonda, puis Recteur
(1981–1988) de cette même institution, D. Kahang’a a assumé de 1996 à 2003, la tâche de Secrétaire
et défenseur des droits de l’homme à la Commission Episcopale Justice et Paix (CEJP) de la Confé-
rence Episcopale Nationale du Congo. Il a enseigné à l’Université Catholique du Congo jusqu’au
moment où il devient émérite en 2010. Affaibli par la maladie, il meurt le 15 octobre 2013 à Kinshasa.
9
Cf. Kahang’a Rukonkish, Solidarité négro-africaine et sens de la justice et de la paix, in:
Philosophie africaine: Paix, justice, travail. Actes de la 10e Semaine philosophique de Kinshasa,
1986, (Recherches Philosophiques Africaines, 13). Kinshasa: FCK 1988, 165–176.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 469
10
Cf. Kahang’a Rukonkish, La mondialisation: La paix entre les nations par la paix entre les
religions, 5–14.
11
Cf. C. Mawanzi, Phénoménologie du christianisme africain. Une réflexion théologique sur
la réception du christianisme en Afrique postcoloniale, „Studia Oecumenica” 12 (2012), 277–296.
12
Kahang’a Rukonkish, Phénoménologie et vie sapientiale africaine. Apprendre à voir le
sens d’une découverte, in: Problèmes et méthode en philosophie et sciences humaines en Afrique.
Actes de la 7e Semaine philosophique de Kinshasa, 1983, (Recherches philosophiques africaines
9), Kinshasa: FCK 1986, 165–171.
13
Lire à ce propos: Kahang‘a Rukonkish, Ethique de la vie et développement, 290–306.
14
Mgr A. Leonard, Notre évêque nous parle: Voyage au Congo, „Communications diocé-
saines“, Evêché de Namur, 2006, 307.
15
Cf. Nicolas Djomo, Hommage au Révérend Abbé Dominique Kahanga Rukonkish, § 2 et § 4.
16
Kahang’a Rukonkish, L’affectivité et l’expérience du temps, 137.
17
Kahang’a Rukonkish, L’affectivité et l’expérience du temps, 4.
470 Cesar Mawanzi
18
H. Jonas, Le Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Paris:
Flammarion, 1991.
19
Lire P. Touoem, Dynamiques de l’ethnicité en Afrique: Eléments pour une théorie de l’État
multinational, Mankon: Ed. Langaa et Centre d’Etudes africaines 2014, 92.
20
Voir E. Pommier, Le principe responsabilité est-il un humanisme?, in: C. Larrere, E. Pom-
mier (éd.), L’éthique de la vie chez Hans Jonas, Paris 2013.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 471
21
Lire J.-M. Stebe, La crise des banlieues, Paris: PUF 2010.
472 Cesar Mawanzi
tion qu’on serait en droit de se poser maintenant est celle de savoir: «Où va le
monde et quelle mondialisation prêche-t-on? Déshumanisante? Y-aurait-il aussi
des perdants?»
À la lumière de ces événements douloureux, ne serait-il pas opportun de s’in-
terroger avant tout sur les causes endogènes de telles haines implacables contre
les innocents? Tournons alors les regards vers un autre épisode, celui-là aussi
de nature tragique et pathétique. Lors de sa visite pontificale le 8 juillet 2013
à Lampedusa, le Pape François a fustigé «l’indifférence» des pays riches, il s’est
indigné de la «mondialisation de l’indifférence»22. C’est sans conteste que les
flux migratoires donnent encore la preuve d’un monde fragilisé, qui invite les
décideurs à revisiter le concept du «vivre-avec» des communautés et appelle, de
fait, à une nouvelle donne sécuritaire, de solidarité et de mondialisation.
En clair, la mondialisation affronte ici son revers et ses déviations. Ainsi ap-
paraissent sa face cachée et l’évidence de ses limites: le néolibéralisme sans so-
lidarité, l’ignorance des libertés des peuples du sud, les damnés de la terre de
Franz Fanon, l’impérialisme ou l’exploitation et la domination des faibles, la
précarité et la marginalisation des prolétaires23. Quelle perspective entrevoir pour
un avenir moins conflictuel des peuples, des nations et des religions? La première
rencontre mondiale interreligieuse d’Assise initiée par Jean-Paul II en 1986 en est
un modèle. Ne convient-il pas de multiplier les initiatives de paix dans le monde
par la voie de pourparlers et non de l’usage de la violence, des armes. Et de la loi
du plus fort ? Disons-le autrement: Nous adhérons à la pensée selon laquelle aux
pactes de stabilité et de sécurité des États doit succéder le pacte de responsabilité
pour un futur humain, une éthique de la vie. Au regard des défis politiques et
socio-économiques que génère la marginalisation de l’Afrique, écrivions-nous
récemment, l’Afrique doit se tailler son chemin vers la postmodernité pour ré-
pondre à son désir de progrès techno-scientifique24.
Ainsi croyons-nous avoir suffisamment indiqué, autant que cela était possible
dans cette analyse, qu’il sied de fonder une éthique de la vie au-delà des fron-
tières culturelles et nationales. Fonder une éthique transculturelle, une éthique
du futur, une forme de vie soucieuse de l’avenir de l’humanité et de celle de nos
successeurs, nous contraint de miser sur un élan de solidarité et de surfer sur le
22
Journal La Croix du 8/7/2013. Lire: http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/A-Lampe-
dusa-le-pape-Francois-fustige-l-indifference-2013-07-08-983791.
23
Lire J. Petras, H. Veltmeyer (éd.), La face cachée de la mondialisation. L’impérialisme au
XXIème siècle, Parangon 2002. Lire aussi: Benoît Awazi Mbambi Kungua, De la postcolonie à la
mondialistaion néolibérale, Paris: L’Harmattan 2011.
24
Voir C. Mawanzi, Dieu et l’Afrique. Entre l’impasse et le désenchantement, „Studia Oecu-
menica” 14 (2014), 310.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 473
vivre-ensemble non sans conscience et regard au loin, ou même sans respect de-
vant ce qui nous entoure, la planète.
25
Cf. H. Jonas, Le phénomène de la vie. Vers une biologie philosophique, Bruxelles: De Boeck
2001.
26
Cf. C. Pelluchon, Éléments pour une éthique de la vulnérabilité, Paris: Ed. du Cerf 2011.
27
C. Pelluchon, Éléments pour une éthique de la vulnérabilité, 309.
28
C. Pelluchon, Éléments pour une éthique de la vulnérabilité, 40–41; voir aussi 320.
474 Cesar Mawanzi
29
Cf. H. Jonas, Pour une éthique du futur, 16–19.
30
C. Larrere, E. Pommier, L’éthique de la vie chez Hans Jonas, Paris: Publications de la Sor-
bonne 2013. Lire sur ce sujet M. Garrau, «La justice à l’épreuve de l’altérité», La Vie des idées,
7 juin 2012; http://www.laviedesidees.fr/La-justice-a-l-epreuve-de-l.html.
31
Cf. E. Morin, Penser global. L’humain et son univers, Paris: Robert Laffont 2015, 87–110.
32
E. Morin, Penser global. L’humain et son univers, 89.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 475
33
E. Kant, Paix perpétuelle, Esquisse philosophique, Paris: Flammarion 2006, 141.
34
Kahang’a Rukonkish, L’affectivité et l’expérience du temps, 15–22 et 286–294.
35
I. Kimoni, Destin de la littérature négro-africaine, 121.
476 Cesar Mawanzi
aussi qu’il est libre, d’une liberté positive qui est acceptation totale du poids de
l’existence»36.
C’est dire qu’à l’heure du progrès de la science, toute démarche que l’esprit
peut entamer, se heurtera à la réflexion critique de la philosophie, qui entend bien
considérer la condition humaine, les fondements et les perspectives de l’exis-
tence. Pour comprendre cette expérience de la vie qui côtoie la raison sapien-
tielle37, il faut tenir compte de nos réalités, de nos grandes interrogations de la vie
personnelle et collective, de nos mémoires culturelles. Une telle réflexion ne peut
se construire sans l’apport des idées et des courants de pensée dont l‘influence
manifeste dépasse, à coup sûr, l’horizon herméneutique de l’univers symbolique
négro-africain38.
La double influence que Dominique Kahanga a subie transparaît essentielle-
ment dans la problématique qu’il s’efforce d’élucider au-delà d’une réflexion qui
émerge du „pathos de la vie“39 qu’il caractérise de «matrice commune à toutes
les cultures de l’Afrique noire»40. Michel Henry s’attache à une phénoménolo-
gie matérielle, concrète de la vie: „La vie c’est l’immanence, la présence dans,
c’est-à-dire que dans le vivant il n’y a pas des traces de la vie mais la vie abso-
lue“41. Fidèle à la thèse de M. Henry, il se trouve que pour Kahanga, le fond du
débat porte en réalité sur le concept même de la nature de la vie, dont l’existence
cosmo-vitale de chaque individu ne saurait que trop en constituer la certitude
pratique.
Vivre, comme le rappelle Michel Henry, c‘est être42. Disons-le en termes
clairs: Être, c’est aussi se confronter aux réalités et aux mécanismes de nuisance
que la technique porte sur la nature. Nous pouvons considérer que l’illusion
que l’homme porte sur la nature, du fait qu’il estime changer la physionomie
de la terre, est issue de sa volonté de domination. En effet, l’homme se consi-
dère comme un sujet qui règne, qui domine le monde. À ce titre, il prétend, par
son action, détenir le contrôle technologique. Il s’érige en maître qui, plus est,
ressemble à un apprenti sorcier. Il convient de mettre en garde l’esprit humain
36
I. Kimoni, Destin de la littérature négro-africaine, 15.
37
Cf. Kahang’a Rukonkish, Préface, in: J.-C. Kapumba Akenda, Les Sciences entre Nature et
Culture, Paris: Dianoïa 2012, 13.
38
Voir notre article: C. Mawanzi, Die Verflechtung der afrikanischen Kultur mit dem christli-
chen Glauben im theologischen Diskurs der Gegenwart, „Studia Oecumenica” 10 (2010), 351–364.
39
Kahang‘a Rukonkish, L’affectivité et l’expérience du temps, 16–22.
40
Ibid., 18.
41
V. Caruana, M. Henry, «Entretien avec Michel Henry», 7. (C’est nous qui soulignons).
42
M. Henry, La métamorphose Daphné, „Etudes philosophiques” (1977) N° 33, 324: «Qu‘est-
ce que cela que nous appelons la vie? Vivre assurément, veut dire être. Mais l’être doit être réel, doit
être constitué de telle façon qu’il signifie identiquement et puisse signifier la vie. »
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 477
contre cette subjectivité dominante, cette volonté subjective qui peut s’avérer
destructrice, manipulatrice et illusoire. Les catastrophes nucléaires de Yiroshima,
Nagasaki, Tschernobyl, Fukushima (8.3.2011), pour n’en citer que celles-ci, sont
là quelques exemples saisissants.
Si l’on considère uniquement les déclarations fracassantes, il convient de
s’apercevoir que, tout compte fait, la paix dans le monde reste menacée par le
désir accru d’une course à l’armement nucléaire des grandes puissances et de
quelques pays émergents. Les armes de destruction massive restent de nos jours
une épine sous les pieds des vivants sur la planète. En effet, on peut bien évi-
ter certaines catastrophes qui incombent à l’ingéniosité de l’esprit humain. C’est
avec raison que dans plusieurs pays européens, des mouvements écologiques
militant contre la propagation des barrages pour la production de l’énergie ato-
mique, conjurent leurs efforts à faire entendre leur voix.
43
Cf. Kahang‘a Rukonkish, La mondialisation: la Paix entre les nations par la paix entre les
religions, in: Religions africaines et mondialisation, 5–14; id., Solidarité négro-africaine et sens de
la justice et de la paix, in: Philosophie africaine: Paix, justice, travail, 165–176.
44
Lire T. Matadiwamba Kamba Mutu, L’espace Lunda et identités en Afriques centrale: Lieux
de mémoire, Paris: L’Harmattan Rdc 2009.
45
Kahang’a Rukonkish, Radio Okapi, «Le respect des droits de l’Homme doit être intériorisé
dès l’enfance». Entretien avec Alain Irung, Emission «Le Grand Témoin», 13 Juin 2008_10:59
(durée 30:27 min.).
46
Kahang‘a Rukonkish, L’homme du lien et le concept de responsabilité, 191–218.
478 Cesar Mawanzi
47
H. Jonas, Pour une éthique du futur, 119.
48
Kahang‘a Rukonkish, La mondialisation: la Paix entre les nations par la paix entre les re-
ligions, in: Religions africaines et mondialisation: Enjeux identitaires et transculturalité. Actes du
VIIè Colloque international du CERA, du 07–11 avril 2003, Kinshasa: FCK 2004, 5–14.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 479
les rapports entre les traditions judéo-chrétiennes et les pays de confession mu-
sulmane. Il désigne le développement comme «l’arme privilégiée pour rebâtir la
confiance et reconstruire la paix»49.
Nous pouvons résumer cette approche. Il nous a semblé important de dégager
brièvement la valeur intrinsèque que contiennent deux catégories de l’agir moral
sociétal, la justice et la solidarité. Que cette problématique dépasse l’enjeu de la
visée de maturité de la vie, s’affirme précisément dans les aspirations spirituelles
et politiques que développe l’individu au sein d’une entité. Face à une culture
humaine de la paix, les protagonistes doivent élaborer des savoirs, des stratégies
à l’expression de spiritualité. Le déploiement culturel peut en effet surgir de la
volonté d’agir des acteurs et partenaires impliqués dans l’action de paix en cas
de conflit. Le recours aux valeurs éthiques peut se décliner des fondamentaux
d’une culture au sens profond qui ne peut faire fi du partage et de la solidarité, des
droits, des coutumes, des croyances, de l’art et des moeurs.
Le savoir, l’éducation à la paix que défend Kahang’a ne peut non seulement
être souhaitée, mais «elle doit être intériorisée dès l’enfance». De même, la sau-
vegarde de la planète, de la terre-mère («Muttererde») doit être transmise de gé-
nération en génération. Chacun doit en prendre conscience. Car, ruiner la terre,
c’est se couper l’herbe sous les pieds.
49
P. Chaunu, Leçons pour la paix, Paris: Ed. du Cerf 2006.
480 Cesar Mawanzi
50
F. Lenoir, La guérison du monde, Paris: Fayard 2012, 12. L’auteur tient les solutions ac-
tuelles envisagées pour guérir le monde de ses maux pour illusoires, car partielles et unidimension-
nelles. Pour lui, il convient de se confronter aux causes profondes qui anéantissent les efforts de
paix, de réconciliation entre les peuples et troublent la cohésion sociale, nationale et internationale.
51
Cf. H. Jonas, Le Principe Responsabilité, Paris: Ed. du Cerf 1990.
52
Lire D. Böhler, Zukunftsverantwortung in globaler Perspektive. Zur Aktualität von Hans
Jonas und der Diskursethik, Bad Homburg: Verlag für Akademische Schriften 2009, 11.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 481
53
C. Leggewie, K. Welzer, (éd.), Das Ende der Welt, wie wir sie kannten. Klima, Zukunft und
die Chancen der Demokratie, Frankfurt am Main: S. Fischer Verlag 2009.
54
François, Pape (Jorge Bergoglio), «Laudato Si» (Loué Sois-Tu). La sauvegarde de la mai-
son commune, N° 3.
55
Lire A. Mbembe, Sortir de la grande nuit, Paris: La Découverte 2010.
482 Cesar Mawanzi
56
Benoît XVI, Pour une écologie de l’homme: anthologie de textes, préface Jean-Louis Bru-
guès, Les Plans-sur-Bex (Suisse), 2012.
57
H. Jonas, Pour une éthique du futur, (tr. Philippe Ivernel et Sabine Cornille), Paris: Ed.
Rivages 1998, 116.
58
Cf. E. Morin, Penser global. L’humain et son univers, Paris: Robert Laffont 2015, 19.
59
E. Morin, Penser global. L’humain et son univers, 22.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 483
60
Cf. Kahang’a Rukonkish, L’Afrique des États et le défi de la modernité, in: Causes et Moyens
de Prévention des Crimes Rituels et des Conflits en Afrique Centrale, Libreville, 19–20 Juillet 2005.
Actes du Colloque sous régional, Libreville (Gabon), UNESCO 2009, 48.
61
Ibid.
62
Ibid.
484 Cesar Mawanzi
63
T. Mwayila, Refondation de l’Etat africain et mondialisation, „Revue Présence Africaine”
(2006) N° 173, 161–168.
64
Benoît XVI, Encyclique «Africae munus», Exhortation apostolique post-synodale (19 no-
vembre 2011), N° 22.
65
Kahang‘a Rukonkish, L’Afrique des États et le défi de la modernité, Communication sur
la modernité africaine et responsabilité d’apprendre à faire communiquer l’art de gouverner les
hommes, in: Causes et Moyens de Prévention des Crimes Rituels et des Conflits en Afrique Cen-
trale, Libreville, 19–20 Juillet 2005. Actes du Colloque sous régional, Libreville (Gabon), UNES-
CO 2009, 47.
66
Kahang’a Rukonkish, L’Afrique des États et le défi de la modernité, 48.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 485
67
Cf. Kahang‘a Rukonkish, L’éthique du pouvoir de l’Afrique traditionnelle à l’Afrique mo-
derne, 407–429.
68
C. Ozankom, Glaube und Identität, in: M. Delgado, H. Waldenfels (éd.), Evangelium und
Kultur, Fribourg – Stuttgard, 2010, 198. Voir ID., Glaube und Gastfreundschaft, in: Einst Staat-
saffäre- dann Privatsache – heute ein Politicum. Die Gretchenfrage der Religion, Innsbruck 2006,
141–154.
69
Kahang‘a Rukonkish, Solidarité négro-africaine et sens de la justice et de la paix, in: Philo-
sophie africaine: Paix, justice, travail. Actes de la 10e Semaine philosophique de Kinshasa, 1986,
(Recherches Philosophiques Africaines, 13), Kinshasa: FCK 1988, 174.
70
Cf. Bayamba Kasonga, L’Afrique et la mondialisation. De l’exclusion des «États manqués»
à la responsabilité pour un monde commun, in: Kalamba Nsapo, Bilolo Mubabinge (éd.), Renais-
sance de la théologie négro-africaine. Mélanges en l‘honneur du Prof. Bimwwenyi-Kweshi, African
Univ. Studies, Norderstedt 2009, 220.
486 Cesar Mawanzi
3. Conclusion générale
71
Cf. Kahang’a Rukonkish, L’éthique du pouvoir de l’Afrique traditionnelle à l’Afrique mo-
derne: question sur le fondement de l’Etat de droit, in: Causes et Moyens de Prévention des Crimes
Rituels et des Conflits en Afrique Centrale, suivis des Actes de l’Atelier sous-regional de formation:
Mécanismes Traditionnels de Prévention des Conflits en Afrique Centrale, Libreville, 19–20 Juillet
2005. Actes du Colloque sous régional, Libreville (Gabon), UNESCO 2009, 407.
Dominique Kahang’a – éthique transculturelle de la vie 487
symbolisme initiatique de M’kand72 qui est une des métaphores essentiels du sens
et du savoir traditionnel de la vie nous apprend que dans la scène initiatique se
transmettent la vie et les valeurs éthiques et symboliques qui dévoilent l’intelli-
gibilité du réel et du merveilleux. Cette saisie de la réalité de la vie en symbiose
avec la nature est l’ouverture même du sentir qui préconise l’exigence de la vérité
de l’unité cosmo-vitale de l’individu. Il n’y a de vie que quand elle est parta-
gée en totale unité avec la communauté. Dans notre approche, il est apparu tour
à tour le besoin de garantir et de conserver l’ordre cosmique. Si l’on considère
l’unité cosmo-vitale de l’individu dans la tradition initiatique négro-africaine, la
question éthique en modernité, telle que entretenue par les tenants de l’éthique
de la vie, recouvre une autre dimension, celle technologique dont la tradition
négro-africaine était dépourvue. Partant, nous pouvons désigner ce souci éthique
comme l’éveil à une certaine visée de maturité dont la prise de conscience à la
responsabilité donne l’espoir de continuer de vivre le potentiel de prospérité et
de fécondité.
Dans le débat que nous avons engagé avec Dominique Kahang’a dont le cor-
pus nous a servi de pièce maîtresse de notre réflexion, nous serions loin d’une
éthique de la vie transculturelle sans penser à arracher notre approche à un déve-
loppement contextuel de la réalité vivante. Encrer une pensée d’une éthique de la
vie en modernité dans un environnement universel, nous a permis d’élargir notre
champ de perspective dans la vision de la mondialisation déjà amorcée. L’intui-
tion d’une éthique de la responsabilité demeure le legs saisissant de Hans Jonas
pour une vie du futur harmonieuse, juste et partagée. Loin de nous la prétention
d’avoir soumis au lecteur une esquisse exhaustive d’une pensée riche et inépui-
sable. Ce que nous avons voulu présenter cherche à dépasser la nostalgie d’un
monde caricaturé, afin de susciter une nouvelle immersion dans la Vie vraiment
renouvelée et manifestée: juste et solidaire.
Bibliographie
72
Kahang‘a Rukonkish, L’affectivité et l’expérience du temps, 74.
488 Cesar Mawanzi