Fiche de Lecture
Fiche de Lecture
Fiche de Lecture
Mohammed Khair-Eddine est l'un des grands écrivains de la littérature francophone marocaine.
Il est né en 1941 à Tafraout, petite ville de la région du Souss au Sud du Maroc, à 180 km au sud
d'Agadir.
Très marqué par le séisme de 1960, il s’installe à Agadir en 1961 et y vit jusqu’en 1963. Il est
chargé par la Sécurité sociale d'enquêter auprès de la population. Jeune écrivain, il fréquente
ensuite le cercle des Amitiés littéraires et artistique de Casablanca. En 1964, il fonde, avec
Mostafa Nissaboury, le Mouvement "Poésie Toute".
Il s'exile volontairement en France en 1965, et devient, pour subsister, ouvrier dans la banlieue
parisienne. A partir de 1966, il publie dans la revue "Encres vives" et collabore en même temps
aux "Lettres nouvelles" et à "Présence africaine". En 1967, c'est la révélation de son roman
"Agadir", salué par le prix "Enfants terribles", qu'avait fondé Jean Cocteau.
En 1979, il s'installe à nouveau au Maroc. Il meurt à Rabat le 18 novembre 1995, jour de la fête
de l'Indépendance du Maroc.
Œuvre
Ses œuvres ont été publiées, pour la plupart, aux Éditions du Seuil :
* Agadir (1967)
* Corps négatif (1968)
* Histoire d'un Bon Dieu(1968)
* Soleil arachnide (1969)
* Moi l'aigre (1970)
* Le Déterreur (1973)
* Ce Maroc ! (1975)
* Une odeur de mantèque (1976)
* Une vie, un rêve, un peuple, toujours errants (1978)
* Résurrection des fleurs sauvages (Éditions Stouky et Sedki, Rabat, 1981).
* Légende et vie d'Agoun'chich (1984)
* Il était une fois un vieux couple heureux
* Faune détériorée (1997)
* Le Temps des refus, entretiens 1966-1995
Résumé de l'oeuvre
Il était une fois un couple heureux qui vivait dans une vallée au rythme des saisons , Bouchaib,
au passé agité rencontre à une carrière militaire pour travailler la terre de ses ancêtres et vivre
auprès de sa femme dont la suisine le régale et la présence l'inspire et le rassure. En effet ,
Bouchaib calligraphie en langue Tifinagh un longue poème à la gloire d'un Saint méconnu tout en
buvant du thé chinois reçu de France. L'Imam de la Medersa du village trouva le moyen de faire
éditer le poème qui est mis aussi en musique , chanté par des raîss , diffusé à la radio et écouté
par tous . Même Redwane ,l'ami de Bouchaib , qui vit en France depuis trente ans , prend
connaissance du poème de Bouchaib ce qui le décide à lui rendre visite . Malgré l'isolement du
village , la modernité commence à s'y faire sentir . Les plus réfractaires finissent par abdiquer par
commodité à la facilité . Bouchaib et sa femme garants des traditions, adoptent la podernité dans
les limites du raisonnable ce qui n'est pas le cas des parvenus . Ces derniers sont méprisés par
le Vieux qui voit en eux des corrompus qui trompent le peuple et flouent l'Etat
Etude
Mohammed Khaïr Eddine est connu par son écriture pamphlétaire et difficile. Par ses poèmes et
ses romans qui montrent que cet homme a la création dans le sang. Ses origines n’ont pas
empêchés cette personne de devenir l’un des écrivains maghrébins les plus importants ; il est
même nommé : L’enfant terrible de la littérature maghrébine. Dans cette intervention, je vais
essayer de vous faire découvrir Mohammed Khaïr-Eddine le sociologue à travers son œuvre : Il
était une fois un vieux couple heureux. J’ai choisi cette œuvre car, elle est programmée et les
élèves ainsi auront l’occasion de discuter et d’approcher autrement un roman qui ont déjà lu. Je
tiens à vous dire qu’il s’agit d’une analyse personnelle où j’ai essayé de mettre l’accent sur les
talents de Khaïr- Eddine le sociologue. Ce travail a été fait à la dernière minute pour pallier le
vide dû à l’absence d’un spécialiste de Khaïr-Eddine qu’il devait nous parler de ce monsieur et de
ses créations.
Les thèmes
Ce roman est une œuvre posthume apparue aux éditions du Seuil en 2002. Il raconte la vie d’un
couple heureux où le vieux passe ses journées à écrire des poèmes en berbère et à savourer les
repas faits par la vielle, sa femme. Le récit sera développé en fonction du passé agité du vieux et
ses pensées. Le progrès vient provoquer un véritable changement au village paisible. Les
poèmes du vieux seront diffusés à la radio et mis en chansons.
Je vais essayer, comme je vous l’avais signalé, de vous faire découvrir Mohammed Khaïr-
Eddine le sociologue à travers l’étude de certains cas présentés au sein de son œuvre : Il était
une fois un vieux couple heureux.
La situation de la femme
La figure féminine la plus dominante est la vieille. La femme de Bouchaïb. Une femme qui passe
son temps à fabriquer des tajines pour son vieux époux et qui doit sous-estimer heureuse dans
toutes les situations et à toutes les conditions : le bonheur est un apprentissage, un mode de vie
et non un sentiment. Une obligation et non un choix. La femme à l’époque n’existait que dans
l’ombre et devait accepter son sort d’épouse fidèle et heureuse :
« -Je dois t’apprendre une chose, femme, dit le vieux. Une chose très importante. On est
heureux ensemble, n’est ce pas ?
-Bah ! C’est mieux ainsi. Dieu l’a voulu, la lignée est finie. Même des rois ont subi ce sort.» (p.37)
Dans ce passage, la stérilité d’un homme n’est pas discutable. La femme ici, doit confirmer son
bonheur même si elle ne pourra jamais être mère ou grand-mère. Pourtant, la stérilité d’une
femme est une honte, une chose inexcusable. En effet, la société ne pardonne jamais une
femme inféconde, qui doit remarier son mari et lui trouver une autre femme. Dieu dans ce sens
aura d’autres choses à dire. Mohammed Khair-Eddine traite ici un problème socioculturel d’une
manière dérisoire et met ainsi le bonheur de ce couple entre parenthèses. Ce qui nous pousse
en tant que lecteurs réels, à poser la question : Y a- t- il vraiment un vieux couple
heureux ? N’oublions pas que l’auteur n’a pas avancé le non de la vieille, qui sombre dans
l’anonymat. D’ailleurs, Mohammed Khaïr –Eddine dans un style à détour semble bien répondre à
cette question
Dans son roman : Il était une fois un vieux couple heureux, Mohammed Khaïr –Eddine
signale le changement que la société a subi à cause de l’intervention européenne et américaine.
Les gens sont devenus avides d’argent. Les principes et les valeurs humaines deviennent une
mode archaïque sans importance. Cela veut dire, que Mohammed Khaïr -Eddine a remarqué
cette évolution matérielle, qui pénétrait nos foyers et bouleversait nos convictions. La foi des
anciens n’a plus de place dans un monde où :
« Les gens ne sont plus eux-mêmes. Ils ne respectent plus que l’argent. L’argent et encore
l’argent ! Ils vendraient tout pour de l’argent… » (p.45) « Certes. Comme je l’ai toujours dit, nous
sommes les garants de la tradition. Mais vieille bien sûr ces pièces d’argent. Il y a des trafiquants
d’objets rares partout. Tout quitte le pays, s’en va ailleurs on ne sait comment…même les
anciens coffres de bois. Il faut se méfier des camelots qui passent… » (p.44)
Vendre sa culture, son histoire, son patrimoine pour l’argent. Aujourd’hui les jeunes cherchent à
se vendre pour l’argent, pour se trouver à l’autre côté du rive. Le talent du sociologue qui cherche
à analyser les causes et les effets se voient dans les conversations interactionnelles entre le
vieux et sa vieille, qui essayent d’approcher les phénomènes socioculturels, qui les inquiétaient
et qui nécessitaient une étude urgente. Quoique ces conversations semblent ordinaires elles sont
lourdes au niveau sémantique, surtout lorsqu’elles traitent les maux et les soucis Historiques ou
lorsqu’elles s’expriment sur le conflit des générations, la crise de l’identité ou autres.
Un phénomène socioculturel évident qui distingue chaque époque et que Mohammed Khaïr -
Eddine prend le temps d’exposer et d’analyser dans son roman : Il était une fois un vieux couple
heureux, est celui du conflit des générations. D’abord, il met l’accent sur la solidarité qui n’existe
plus même entre les membres de la même famille. Cette tendance de l’individualité égocentrique
qui caractérise désormais la société marocaine. Cette envie de voler avec ses propres ailes, de
partir, de vivre ailleurs, de s’enrichir loin du pouvoir paternel, d’imiter les européens, de trouver
d’autres manières d’exister… :
« Seuls les jeunes écervelés, voulaient imiter à tout prix leurs aînés, allaient se perdre ailleurs,
abandonnant à la fraiche les terres qui les avaient nourris et vu grandir… » (p.58)
Pour les anciens, les jeunes sont des ingrats. Pour les jeunes, ils ont le droit de changer leur
situation au lieu de rester coller à la terre qui nécessite un travail fou et régulier. Les villageois
trouvent que les jeunes nés en Europe sont encore pires :
« Ces enfants nés en Europe sont les pires qui soient, dit le vieux Bouchaïb. Ils ne respectent
même pas les morts. J’en ai vu une bande qui profanait les tombes. Ils ne parlent même pas
notre langue ? » (p.59)
En effet, il y a un grand problème de communication entre les générations. Les jeunes sont mal
copris et mal vus par les anciens qui n’arrivent pas à saisir leur pensée, leurs transformations
subites, leurs tentatives de se trouver dans un monde sans frontières où tout se complique et se
croise. Mohammed Khaïr – Eddine a bien indiqué ces mutations que les jeunes subissent sans
arrêt et qui modifient leur façon d’agir et de voir les choses. Il anticipe déjà sur le rôle de la
technologie et la place qu’elle va occuper dans la société
La crise de l’identité
Mohammed Khaïr Eddine évoque dans son œuvre : Il était une fois un vieux couple heureux, la
crise de l’identité des jeunes marocains nés en Europe. Il semble que ces derniers sont perdus
dans un monde qui leur est complètement étranger mais dont-il appartient par naissance.
Déraillés, perdus, égarés entre deux pays, deux origines, deux cultures, ils sont devenus des
délinquants, des voleurs, des trafiquants :
« Ils étaient passées du tiers –monde au quart monde sans même s’en rendre compte.
Condamnés à subir leur échéance en Europe, ils ne pouvaient plus revenir au pays d’où ils
s’étaient exilés. Leurs enfants, incultes comme eux, rééditèrent le même topo en l’amplifiant. Ils
constituaient désormais l’essentiel de la population délinquante et carcérale des pays d’Europe,
car le trafic de stupéfiants et le vol étaient le seul métier où ils excellaient. Un métier à la portée
des exclus de la société industrielle, qui rejetait ces indésirables en des banlieues surpeuplées,
dangereuses et sinistres. » (p.59)
Une description loin de toutes imaginations fictives, qui montre la réalité des jeunes immigrés qui
n’ont pas de place dans une société de compétences, de savoir, de civilisation et de chances.
Ces jeunes français-marocains doivent supporter la conséquence de leur double identité, de leur
couleur et leurs traits qui les relèguent au second plan. Un récit qui met les points sur les
« i », qui montre la réalité d’une génération qui souffre pour trouver un sens à son existence,
pour tracer les piliers d’un futur sombre et sans issue. Un peuple errant qui a le mal de vivre et de
s’adapter à une patrie inaccessible.
Pour Mohammed Khaïr –Eddine : « L’Etat doit procéder à des fourrages coûteux. Mais l’Etat est
bien loin d’ici. Il ne nous entend pas et nous voit encore moins. » (p.151)
Pour Mohammed Khaïr–Eddine, les villageois n’ont pas d’avenir en ville. Seuls quelques malins y
parviennent (p.151). Pour lui, il y aura sûrement une explosion sociale relative à cette
immigration illogique et collective des villageois vers les villes.
Vers la fin de son œuvre : Il était une fois un vieux couple heureux, Mohammed Khaïr-
Eddine, nous incite à travailler. Ce qui nous rappelle Le jardin mythique de Voltaire. Le travail de
la terre inféconde, travailler pour vivre même dans le désert le plus aride est l’unique solution car,
selon lui le plus heureux est celui qui attend, qui reste tranquille et travaille pour vivre là où il se
trouve. (p152-153)
Le titre nous met dans une situation de confusion et de rêves. Nous avons l’impression
qu’il s’agit d’un conte magique, ou plutôt que le livre fera l’objet d’un conte qui prendra
en charge la narration d’une histoire fabuleuse dont un couple fût heureux malgré sa
vieillesse. Un titre qui fait l’objet de plusieurs hypothèses de lecture : S’agit-il d’un récit
magique où on raconte l’aventure d’un héros à la recherche de sa bien aimée? Y a-t-il
des événements fantastiques, des adjuvants, des opposants qui donnent au récit ce
goût du danger suspensif ? De quel couple s’agit-il ? De quel bonheur ? Quand et
comment ce couple vieux fût-il heureux ? Le titre écrit en jaune, en Majuscules sur un
fond sombre semble insinuer ce malheur déguisé en bonheur souhaité ou perdu…
Ancrage spatiotemporel : *La vallée un endroit important qui contient les décombres
des anciens et les nouveaux bâtiments modernes des riches. L’espace ici est un
espace double, qui met en valeur les ruines oubliées en le comparant aux édifices
modernes. Le temps reste imprécis dans la mesure où nous n’avons pas de dates
exactes : « Depuis son retour au pays… »
*Le souk hebdomadaire tous les mercredis…
o : un homme qui a sillonné le Nord et une partie de l’Europe. Littré et écrivain.
L’incipit commence par une question qui le différencie d’un conte. Il s’agit d’un récit qui
raconte une histoire ordinaire d’un vieux couple, et non d’un récit merveilleux où le
fantastique et l’imaginaire font la règle.
L’incipit de l’œuvre identifie l’énoncé comme une narration romanesque : loin du conte
et ses particularités. Ainsi, l’incipit détermine la nature du texte à lire, car il s’agit bel et
bien d’un roman maghrébin. L’incipit ancre le récit dans le temps et dans l’espace en
présentant son personnage essentiel Bouchaïb qui fait l’objet des discussions des
villageois, qui leur inspirent respect et admiration. L’incipit met ainsi le récit en marche
et alimente ses premiers fils narratifs…Il joue une fonction dramatique et présentative.
Nous avons l’impression qu’il s’agit d’une véritable histoire car le narrateur décrit avec
précision et authenticité la vallée et ses mutations comme il introduit ses actants avec
justesse en intervenant dans le récit, pour commenter leur parcours narratif.
4. L’organisation du récit
Le Roman Il était une fois un vieux couple heureux, revient souvent sur la relation
paisible des vieux. Un couple résigné et « heureux » sans enfants. Cependant, il y a ce
retour en arrière pour raconter le passé de Bouchaïb et ses aventures. Le récit se mêle
aussi à d’autres mini-récits enchâssés comme celui de chats, de la prostitution, de
tremblement de terre d’Agadir…
Nous constatons que le chat occupe une place importante dans la vie des vieux qui
remplacent souvent un chat par un autre si le premier est mort. Le chat est l’enfant que
le couple n’a pas pu avoir. Il est adoré et vénéré par les vieux. Lors du tremblement de
terre d’Agadir, le chat a étémalade, car il a senti ce danger. Ces récits alimentent la
narration et donnent au roman s’autres dimensions…En effet le couple est relégué au
second plan. La vie de Bouchaïb se trace à titre individuel sans accorder à la veille un
statut ou une présence narrative…
5. La part de la tradition et de la culture dans : Il était une fois un vieux couple
heureux
La part de la tradition est dominant dans le roman Il était une fois un vieux couple
heureux. Le titre qui revient dans le texte : « Il était une fois de plus sur la terrasse.
L’été tirait presque à sa fin les moissons avaient était bonnes… » Cela est expliqué
par la tradition et la croyance des gens : « Dieu est entrain de lapider le Diable. »
Cela veut dire que tout va bien, car les êtreshumains sont tolérants et bons ce qui
éloigne le Diable. Mais, lorsque le tremblement de terre a détruit la ville d’Agadir
d’autres explications surgissent. Cette fois-ci, elles sont associées à la présence des
étrangers ; qui ne respectent personnes et qui profitent de tout le monde en exploitant
leur besoin : « Chleuhs » aussi, ne sont plus comme avant, ils ont perdu leur
dignité devant l’argent : « Ils ont succombé à l’argent, qui est le véritable
instrument d’Iblis qu’il soit mille fois mille fois maudit ! » Aucune explication
scientifique n’est présente; tout s’explique par la tradition et la religion. Agadir est
corrompue par les touristes : « Le touriste européen n’y venait que pour satisfaire
ses perversions sexuelles. »(p.51) d’où le tremblement de la ville.
Le conflit des générations se manifeste clairement dans cet extrait. Ce contraste entre
les pères et les fils, ce changement des idées, de la pensée et de la façon de voir les
choses. Ce lien avec la terre n’est plus le même. Les jeunes préfèrent quitter le village
pour aller ailleurs à la recherche de la vie facile et de nouveaux principes. En effet, la
solitude et le labour de la terre ne sont que des mots anciens sans
valeur : « L’ancienne solidarité n’existait plus depuis l’indépendance. Ils (les
jeunes) devaient se débrouiller tous seuls pour trouver un emploi. » (p.58)
Les enfants du village sont des enfants nés en Europe. Ils ne respectent personne. Ils
parlent une langue étrangère. Ils sont des petits voyous, des diablotins. Ces adjectifs
dont Bouchaïb qualifie ces enfants montrent le choc des cultures, parce que les
villageois ne comprennent plus cette nouvelle génération qui leur semble bizarre. Des
enfants qui n’ont pas peur de la mort, qui profanait les tombes : « Ils n’ont même pas
peur de la mort, et encore moins de ses symboles ! Ils se conduisent tout- à -fait
comme des charognards. Je me demande ce qu’on leur apprend là bas dans les
écoles. » (p.60)
Les vieux n’arrivent plus à concevoir les attitudes des jeunes et leurs manières de
s’exprimer. Cette anarchie dans leurs expressions les met dans un état de colère. Ils
refusent d’admettre que le monde change, que les cultures s’entremêlent et donnent
d’autres modes de vie, de pensée et d’autres formes d’existence.
Les enfants viennent avec leur double identité, leur double culture. Ils sont le résultat
d’un choc culturel qui n’arrivent même pas à en saisir les composantes. Les jeunes ici
sont dévalorisés, relégués au second plan. En effet, toujours les vieux essayent de se
distinguer par leur sagesse et trouvent du plaisir à dévaloriser et à sous-estimer les
jeunes.
L’auteur fait un réquisitoire si fort où il accuse, quoique d’une manière indirecte, les
riches qui ne donnent de l’importance qu’à leur confort et leur richesse sans se soucier
des pauvres et leur misère.
Le vieux est contre ce changement technologique qui met à l’écart la civilisation, les
principes et les traditions des villageois : « Adieu la lampe à huile, les bougies !
Adieu le Kanoun ! L’électricité a tout changé.»(p.86)
Les riches méprisent les pauvres, leurs chaînes et leurs maisons. Ils ne veulent pas
ressembler à eux. Ils veulent se distinguer par leurs biens, leurs propriétés et leurs
voitures. Les villageois pauvres n’ont pas de place dans le monde des riches.
Les pauvres toujours les mêmes collés à leur terre misérable, à leurs maisons
archaïques. Le village est désormais fait par les riches et pour les riches, quoiqu’ils y
habitent un mois par an.
Le réquisitoire cache une critique sociale très intéressante, qui se manifeste dans le
grand écart qui sépare les pauvres et les riches. Le narrateur et pour une société
équilibrée qui donne aux pauvres les moyens de s’enrichir et d’exister à leur tour. Le
pénible est que les riches accaparent les moyens de production et dans des clans, ils
continuent à s’enrichir en exploitant les pauvres. Les riches ont tout pour vivre et pour
profiter pleinement de la vie. Les pauvres eux sont incapables de subvenir à leurs
simples besoins, personne ne pense à leur avenir ou à celui de leurs enfants. Toujours
dévorés par la misère et le mépris…
Le vieux trouve que l’émigration aux villes est un véritable danger une bombe qui ne
tardera pas à exploser, qu’il ne faut nullement quitter ses terres et ses maisons pour
affronter un avenir sombre et bizarre où seuls les malins peuvent réussir : « La ville ?
Une future et toujours possible explosion sociale, une bombe à retardement. Un
volcan endormi qui peut se réveiller n’importe quand et tout mettre en pièces. »
(p.152) Le narrateur refuse cette évacuation des villages qui trouve insensée. Il faut
selon lui, s’accrocher au travail, à la vie même dans le désert le plus aride.
Mohammed Khaïr-Eddine dans son œuvre : Il était une fois un vieux couple heureux a
essayé depuis l’incipit de son roman à mettre en relief la situation des villageois et leurs
problèmes. Il voulait que L’Etat commence à penser à cette classe socialesouvent
marginalisée, isolée, voire reléguée au second plan.
La situation des femmes qui n’arrivent pas à s’épanouir dans un monde fait par les
hommes et pour les hommes. Des femmes qui travaillent la terre, font des enfants et
préparent des tajines qui sombrent dans l’anonymat et l’oubli.
Les villageois sont séduits par l’immigration en Europe, par l’argent et la vie facile. Ils ne
pensent plus à travailler la terre qui leur semble inféconde et ingrate. Soit ils partent
pour l’Etranger en quittant à jamais leur pays pour faire fortune ailleurs. Soitils évacuent
les villages pour atterrir aux grandes villes à la recherche de la vie facile qui peut
tourner en drame.
Les immigrés pour le narrateur, sont des ingrats puisqu’ils ne comprennent pas la vie et
ses valeurs au sérieux. En Europe, leurs petits sont bouleversés par deux pays
opposés. Ici, ils participent à consolider la crise sociale et la pauvreté une fois échoués
à réaliser leurs rêves dans les grandes villes marocaines.
De là, le bonheur dans Il était une fois un vieux couple heureux, n’a pas de place car le
titre ne relate nullement le contenu du livre ou la situation du couple, qui souffre le
martyre sans enfants, et qui subit le changement d’un monde dont-il est exclu et
marginalisé.