La Révolution de La Finance - Tome 2 by André Lévy-Lang
La Révolution de La Finance - Tome 2 by André Lévy-Lang
La Révolution de La Finance - Tome 2 by André Lévy-Lang
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5005-9
La confiance et l’argent :
une question vieille comme l’humanité
En ce qui concerne la confiance dans la finance et plus généralement
dans l’argent, elle a une longue histoire depuis les origines de la vie des
hommes en société, c’est-à-dire depuis en fait la préhistoire et, en tout cas,
l’Antiquité. La confiance a toujours joué un rôle essentiel dans la fonction
de l’argent dans la société.
La valeur de l’argent, depuis les toutes premières formes de monnaies,
est basée sur deux qualités : c’est un moyen d’échange plus commode que
le troc, et c’est un moyen de conserver de la valeur pour un usage futur.
Qu’il s’agisse de coquillages ou des fèves de cacao qu’utilisaient les
Aztèques, il fallait que cette monnaie soit acceptée en paiement de biens ou
de services. Il fallait aussi pouvoir la conserver en sécurité de manière à
couvrir les besoins futurs. La valeur de l’argent reposait donc sur une
confiance indispensable dans les deux cas. Cette confiance indispensable a
été fondée par des moyens différents au fil de l’histoire des sociétés
humaines.
Pendant des siècles, la confiance dans l’argent a reposé sur sa
matérialisation par un métal précieux, l’or ou l’argent métal. C’est l’argent
qui était le plus utilisé à Athènes d’où la généralisation du mot « argent » à
toutes les formes, de monnaies. Les pièces métalliques étaient
transportables aisément, leur teneur en métal précieux vérifiable, mais
seulement par une pesée précise. Leur marquage par une image, par
exemple celle de la déesse Athéna, permettait de les authentifier. Il fallait
aussi que les citoyens grecs ou plus tard romains puissent mettre leur argent
à l’abri. L’équivalent des premières banques fut les caves des temples, lieux
très surveillés car il s’y trouvait aussi le trésor des prêtres. L’usage pour les
plus riches était de diviser les risques en répartissant leur argent entre
plusieurs divinités : déjà une forme de multibancarité…
Pour obtenir la confiance qui facilitait les échanges sans vérifier la
teneur en argent ou en or à chaque transaction, il a fallu l’autorité de celui
qui frappait monnaie, dont la marque garantissait la valeur d’échange des
pièces. C’était le cas à Athènes puis à Rome, et le fait d’avoir accès à des
mines de métal précieux était un des moyens contribuant à la puissance des
cités. Ainsi, c’est parce qu’Athènes avait accès aux mines d’argent de
Laurion que la cité a pu recruter les nombreux mercenaires qui ont permis
d’asseoir sa domination en Méditerranée.
Mais la confiance dans les monnaies d’or ou d’argent suppose que leur
teneur en métal précieux soit constante. Aussi, quand un royaume manquait
d’argent métal pour frapper les pièces de monnaie et financer ses dépenses,
la tentation était grande de mettre moins d’argent métal dans chaque pièce.
C’est ainsi que se sont faites les premières dévaluations. Au XIIIe siècle,
l’ambitieux roi capétien Philippe le Bel avait de grands besoins financiers
pour étendre et consolider le royaume de France. Des procès en hérésie et
autres crimes lui ont permis de confisquer le trésor des Templiers, mais ce
n’était pas suffisant. Il a donc réduit le poids d’argent dans les pièces sans
en changer le nominal, ce qui lui a permis de créer plus de monnaie pour
payer ses dépenses mais a détruit la confiance dans sa monnaie car il a fallu
rapidement au peuple plus de pièces pour acheter les mêmes biens.
A contrario, une monnaie métallique dont le contenu en métal précieux
était stable pouvait faire l’objet d’une confiance durable. Ce fut le cas du
thaler autrichien, pièce d’argent frappée à partir de 1750 par décision de
Marie-Thérèse de Habsbourg, avec son effigie. Marie-Thérèse de
Habsbourg, archiduchesse d’Autriche, a choisi de faire frapper des pièces
d’un thaler qui contenaient un poids d’argent suffisant pour avoir la même
valeur qu’un florin d’or. Ce poids ayant été strictement respecté, le thaler de
Marie-Thérèse a vite été très utilisé au-delà de l’Autriche dans tout
l’Empire ottoman et est devenu une monnaie internationale. La confiance
dans leur valeur augmentait la demande pour ces pièces, au point qu’en
1781, après la mort de Marie-Thérèse, une banque d’Augsbourg a obtenu
l’autorisation d’en frapper de grandes quantités, avec la même apparence, la
même date et surtout le même poids d’argent. Le « thaler de Marie-
Thérèse » est ainsi devenu une monnaie internationale pendant de
nombreuses années, largement utilisé dans les colonies espagnoles et
anglaises d’Amérique, en Afrique orientale et en Arabie. La confiance qui
expliquait ce succès était liée au fait que les monnaies qui circulaient
contenaient bien la quantité d’argent annoncée. C’est dit-on la raison du
choix du nom du dollar américain, « dollar » étant une déformation du nom
du thaler autrichien, ce qui rappelait la confiance dont ces pièces d’argent
bénéficiaient.
La confiance réglementée,
mais chèrement
La confiance rétablie
Au total, qu’il s’agisse de la banque, de l’assurance ou de la gestion de
l’épargne, la confiance est nécessaire à leur bon fonctionnement au service
de l’économie, et cette confiance repose sur les réglementations, et sur la
qualité de leur suivi par le Conseil de stabilité financière et les instances
nationales.
Depuis la crise de 2008, restaurer la confiance dans le système financier
a nécessité des réglementations plus lourdes et plus coûteuses, mais cela a
créé également plus d’opportunités de contournement par des entreprises
non réglementées, ce qui nécessite de nouvelles règles pour suivre et
éventuellement contrôler les contournements. La tendance ne risque pas
d’être inversée ! Mais la confiance dans les entreprises financières a été
rétablie.
CHAPITRE 3
Lydia
Lydia a été conçu en 2011 et lancé en juillet 2013 comme un service de
paiement qui se voulait universel. Le nom a été choisi par référence à la
Lydie, pays de l’Antiquité qui se trouvait être le pays où coulait le fleuve
Pactole. Le choix du nom est révélateur de l’ambition des créateurs, Cyril
Chiche et Antoine Porte.
Lydia a levé 3,6 millions d’euros en 2014 avec un tour de table mené
par CNP Assurance avec différents fonds, ce qui lui a permis de se
développer. En 2016 et 2017, deux nouvelles levées de fonds de 7 millions
et de 13 millions d’euros respectivement, ont permis à Lydia d’étendre son
service en Irlande, en Espagne, au Royaume-Uni, au Portugal, en
Allemagne. Fin 2018, Lydia disait avoir 1,625 million de clients dans les
pays où la carte était utilisée.
Lydia se développe en grande partie par le bouche-à-oreille, notamment
dans le milieu des étudiants. Une des premières utilisations de la carte était
d’ailleurs de payer dans les cantines et cafétérias des universités.
Le service comporte deux niveaux : un service gratuit qui permet
d’effectuer les virements et les prélèvements avec des limites relativement
basses au départ et un service dit « premium » qui pour 3,99 euros par mois
permet d’accéder à un montant nettement plus important et à des crédits à la
consommation. À noter que ce service premium est gratuit pour les
internautes ayant moins de 25 ans.
Comme les autres, Lydia se développe grâce à une interface très simple
sur les smartphones et a clairement une stratégie d’extension du service en
modulant les montants des transactions possibles suivant différents
paramètres et en ajoutant des produits traités par des partenaires
réglementés, assureurs ou banques.
Les « assurtechs »
Le domaine de l’assurance se prête particulièrement bien à la création
de fintechs dans différents secteurs de l’activité. Il y en a beaucoup et le
terme « assurtech » est utilisé pour les désigner.
À titre d’exemple, une société comme Alan propose de l’assurance
santé pour les entreprises sous une forme particulièrement simple et
utilisable mais en se basant sur les assureurs existants pour la couverture
des risques par réassurance.
Alan a été créé en 2016 pour donner aux entreprises la possibilité
d’offrir à leurs salariés une assurance mutuelle santé financée à hauteur de
50 % au moins par l’employeur. Cette faculté des employeurs est devenue
obligatoire en 2016, ce qui a donné aux fondateurs d’Alan l’idée de rendre
très simple le respect de cette obligation par l’employeur et son utilisation
par les salariés. La simplicité des opérations est un argument de poids pour
les patrons de TPE et de PME qui passent souvent leur week-end à remplir
des papiers pour la gestion administrative et sociale de l’entreprise.
Alan a l’ambition de pénétrer aussi le marché des grandes entreprises,
qui représente un potentiel important mais où le processus de décision est
plus long et compliqué. Dans ce but et avec le soutien de CNP Assurances
et de Partech, auxquels se sont joints par la suite Index Ventures et Xavier
Niel, Alan a levé successivement 12 millions d’euros puis 23 millions en
2018 et 40 millions en 2019 pour un total de 75 millions à ce jour.
Alan a le statut d’entreprise d’assurances, réassurée par CNP et Swiss
Re, ce qui la conforte vis-à-vis de ses clients. Son principal atout est la
grande simplicité de la souscription tant pour l’entreprise que pour ses
salariés, et cette start-up ne manque pas de témoignages positifs
d’employeurs et de collaborateurs.
Alan n’est qu’un exemple parmi littéralement des centaines de fintechs
de l’assurance en Europe si l’on se réfère au recensement que publie
L’Argus de l’assurance, la revue professionnelle qui se réfère elle-même
pour 2018 au recensement effectué par un fonds spécialisé Astorya DC. Ce
fonds a relevé 1 788 start-up liées de plus ou moins près à l’assurance en
Europe dont 230 assurtechs pures, ayant le statut d’assureur, et cite un
chiffre de levées de fonds de 800 millions d’euros pour les 75 Assurtechs
qui ont augmenté leurs ressources.
Beaucoup de ces entreprises offrent en fait des services aux assureurs ou
aux entreprises pour améliorer la productivité de la gestion ou de la
prévention des risques, sans être elles-mêmes réglementées comme
assureurs. Plusieurs cas sont intéressants à citer pour leur originalité.
Les robots-conseillers
Un certain nombre de fintechs proposent des services de conseil pour la
gestion de patrimoine sous la forme de propositions d’allocation d’actifs et
éventuellement de produits correspondants à leurs propositions.
À titre d’exemple, la société Gambit Financial Solution est ce qu’on
appelle un robot-conseiller : à l’aide d’un programme qui utilise les
informations du client sur ses revenus et ses perspectives de besoins et de
retraits, il propose ses solutions patrimoniales, pour l’allocation des actifs et
avec des propositions de placement. Gambit ne traite pas directement avec
les clients des gérants de fonds, mais avec les professionnels du conseil en
investissement. Elle leur propose ces conseils sous sa propre marque mais
aussi ce que l’on appelle en « marque blanche », c’est-à-dire que ses
propositions peuvent être reprises par le conseiller en investissement sous
son nom sans faire apparaître Gambit.
Gambit Financial Solutions a été racheté par BNP-Paribas et continue
de fonctionner sous sa propre marque de façon indépendante, ce qui lui
permet de proposer aussi ses services à d’autres banques ou conseils en
investissement. Cela est possible sans conflit d’intérêts car les conseils de
Gambit sont neutres vis-à-vis des produits offerts par les banques, y
compris par BNP-Paribas.
Il y a d’autres exemples de robots-conseillers repris par des groupes
bancaires ou des sociétés de gestion de patrimoine et certains utilisent
également des modèles basés sur l’intelligence artificielle pour adapter leur
offre au profil des clients conseillés.
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TABLE
Introduction
Chapitre 1 - L'acte I : de 1971 à la crise de 2008, une longue euphorie qui finit mal
1971-2001, trente ans d'inflation
Les années 1980 et la déréglementation des marchés financiers
La confiance rétablie
Chapitre 3 - Réseaux sociaux : le produit c'est vous !
Les « assurtechs »
Détection des faux sinistres en assurance
Les pirates vertueux
Ledger, un portefeuille pour cryptomonnaies
L'intelligence artificielle appliquée