Durabilité Des Aliments Pour Le Poisson en Aquaculture
Durabilité Des Aliments Pour Le Poisson en Aquaculture
Durabilité Des Aliments Pour Le Poisson en Aquaculture
ISBN : 978-2-8317-1831-6
DOI : http://dx.doi.org/10.2305/IUCN.CH.2017.02.fr
Chapitre 1 :
BASES DE LA NUTRITION ET FORMULATION
EN AQUACULTURE
Par Christine Burel, INRA1
30
taires de nature très diverse. Certaines espèces se nourrissent d’animaux morts,
d’autres d’animaux vivants, certains se nourrissent uniquement de micro-orga-
nismes, d’autres de plantes et d’animaux de plus grande taille, et enfin certaines
espèces de poissons sont opportunistes, s’alimentant de tout ce qu’ils peuvent trou-
ver dans leur milieu. L’alimentation des poissons sauvages comprend donc détritus,
phytoplancton, zooplancton, micro- et macroalgues, plantes aquatiques, méiofaune,
insectes, crustacés, mollusques, coquillages, poissons, graines et fruits et même
des animaux incluant des mammifères (NRC, 2011). Une façon de classer les pois-
sons est de se référer à l’ingrédient majeur de leur régime alimentaire naturel. Ils
sont classiquement répartis en 4 grandes catégories (De Silva et Anderson, 1995) :
— les herbivores qui s’alimentent de végétaux (le chanos et quelques carpes…),
— les détritivores qui mangent des organismes en décomposition (le poisson chat,
quelques carpes…),
— les omnivores qui ont une alimentation mixte, végétale et animale (la majorité des
carpes et quelques tilapias, le mulet…),
— les carnivores qui s’alimentent à partir d’autres poissons et d’invertébrés (les sal-
monidés, les poissons marins tels que daurade, bar, poissons plats…). On parle
aussi de poissons piscivores.
Mais cette division n’est pas stricte. La majorité des espèces ont une alimentation
mixte et de plus, un régime alimentaire peut varier au cours de la vie. Par exemple,
les larves de la carpe mangent du zooplancton, alors que les juvéniles et les adultes
sont considérés comme herbivores. L’aquaculture traditionnelle, pratiquée dans des
pays où le poisson est une source importante de protéines (Asie du Sud-Est), s’est
orientée naturellement vers des espèces herbivores ou détritivores à un niveau tro-
phique faible et de nos jours les cyprinidés représentent plus de 60 % du volume de
la production mondiale. En revanche, l’aquaculture occidentale, plus récente et pra-
tiquée dans des pays dans lesquels le poisson était surtout issu de la pêche mari-
time, s’oriente plutôt vers des espèces carnivores, plus appréciées par le consom-
mateur dans les pays concernés : truite arc-en-ciel, saumon, bar, daurade, turbot,
ombrine, etc (Cahu, 2004).
31
1.3.1 Besoins en énergie
Les dépenses énergétiques du poisson sont de 5 à 20 fois plus faibles que celles
des vertébrés supérieurs terrestres : au repos, la flottaison permet une quasi
absence de travail musculaire et l’ectothermie amène à ne dépenser pour les fonc-
tions vitales qu’un minimum d’énergie, surtout quand la température de l’eau est
basse. Le besoin énergétique de croissance est par contre le même chez les pois-
sons que chez les vertébrés terrestres croissant à la même vitesse. C’est la faible
dépense d’entretien qui est à l’origine de l’excellente efficacité alimentaire observée
chez les poissons (cf Encart Efficacité alimentaire de ce guide).
Les poissons, comme tous les animaux, tirent leur énergie de trois types de molé-
cules : les glucides, les lipides et les protéines. La digestion est assurée par des
enzymes extrêmement voisines de celles des mammifères ou des oiseaux et elle
conduit aux mêmes molécules : sucres simples, acides gras et acides aminés.
Toutefois, l’aptitude des poissons à digérer les macronutriments, bien que variable
d’une espèce à l’autre, n’est pas la même que celle des vertébrés terrestres : les
poissons digèrent très bien les protéines alimentaires, de façon plus variable les
lipides (les lipides saturés solides à basse température étant mal digérés) et de
façon médiocre, quoique très variable selon les espèces, certains glucides com-
plexes comme l’amidon cru. Par conséquence, contrairement aux vertébrés ter-
restres, les nutriments utilisés de façon préférentielle pour la production d’énergie
sont les acides aminés dont le catabolisme conduit à la production d’ammoniaque.
Il est néanmoins possible, chez les salmonidés du moins, de substituer à ces nutri-
ments des quantités importantes de lipides afin de limiter le catabolisme protéique.
On peut obtenir aussi une épargne protéique par l’incorporation de glucides diges-
tibles dans l’aliment (cf Encart Glucides de ce guide).
On peut exprimer l’énergie d’un aliment de plusieurs façons. L’énergie brute d’un
aliment correspond à la quantité totale d’énergie qu’il renferme (Figure 2). Chaque
macronutriment fournit l’énergie brute à des degrés divers: les glucides : 16, 7 kJ/g,
les matières azotées (Protéines) : 23,6 kJ/g et matières grasses (lipides) : 37,6 kJ/g.
Mais lors de la digestion, comme la digestibilité des aliments et des macronutri-
ments peuvent varier, la totalité de cette énergie ne pourra pas être extraite. Une
partie se retrouvera dans les fèces du poisson. L’énergie digestible correspond à
la différence entre l’énergie ingérée (énergie brute) et l’énergie qu’on retrouve dans
les fèces. A partir de l’énergie digestible, on obtient l’énergie métabolisable, lorsque
l’on soustrait l’énergie rejetée par le poisson sous forme d’excrétions branchiales et
urinaires. L’énergie nette d’un aliment est l’énergie métabolisable moins l’énergie
des dépenses liées à la consommation et à l’utilisation de l’aliment. Cette dernière
notion, bien employée en production animale terrestre, est encore très peu utilisée
en nutrition des poissons.
D’un point de vue pratique, c’est l’énergie digestible (ED) qui est le plus couram-
ment employée chez les poissons. Plusieurs lois se dégagent : l’ED d’un aliment est
étroitement liée à la nature des ingrédients présents dans l’aliment et dépend peu
de la taille et de l’état physiologique du poisson. Les plus grandes variations sont
rencontrées avec les glucides. La digestibilité d’un amidon peut en effet varier selon
son origine botanique, son traitement technologique (les amidons cuits, extrudés,
32
Figure 2.
Bilan d’utilisation de l’énergie alimentaire chez le poisson
(d’après Cho et Kaushik, 1985).
prégélatinisés, sont nettement plus digestibles que les amidons crus) mais aussi
selon son niveau d’incorporation dans le régime et même de la température de
l’eau. Les espèces réputées omnivores ou herbivores tirent une plus grande quan-
tité d’énergie digestible à partir de l’amidon que les poissons carnivores.
33
Tableau 1.
Quantité (% de la ration) de protéines recommandées dans l’aliment de différentes espèces
de poisson d’élevage en fonction de leur poids. Données NRC (2011).
34
Tableau 2.
Besoin en acides aminés essentiels (% matière azotée totale) de différentes espèces
de poisson d’élevage. Données NRC (2011).
Truite Saumon
AAI Bar Daurade Carpe Tilapia
arc-en-ciel atlantique
ARG 3.5-4.2 4.1-4.8 3.9 7.7-8.1 4.3 4.0-4.2
HIS 1.0-1.2 ND ND ND 2.1 1.7
ILE 1.5-2.8 ND ND ND 2.5 3.1
LEU 2.3-9.2* ND ND ND 3.3 3.4
LYS 3.0-8.4* 4.0-5.0 4.4 8.6 5.7 5.1-5.7
MET 0.7-1.9 1.7 1.8-1.9 ND 2.0 2.1-2.8
PHE 2.0 ND ND ND 3.3 3.8
THR 2.6 2.6 2.3-2.6 ND 3.9 3.8
TRP 0.3-0.9 ND ND ND 0.8 1.0
VAL 1.7-3.4 ND ND ND 3.6 2.8
*Les valeurs les plus hautes correspondent aux besoins des alevins de truite.
35
de croissance. L’effet d’épargne des protéines par les lipides a été montré chez
de nombreuses espèces de poissons d’élevage. Il existe cependant des diffé-
rences entre les espèces dans leur capacité de digérer de grandes quantités de
lipides. Ainsi, chez le turbot, la plie, le pagre, le tilapia, la carpe commune et la
carpe chinoise, on observe une baisse de l’utilisation digestive des lipides au-
delà de 10-15 % de lipides dans l’aliment. Actuellement, les aliments commerciaux
contiennent des teneurs en lipides comprises entre 19 et 30 % pour les salmonidés
en grossissement, 16 à 22 % pour les poissons marins comme le bar ou la daurade
et 10 à 16 % pour les poissons d’étang. Il convient de retenir aussi que l’utilisation
des aliments « haute énergie », riches en lipides, tend à favoriser l’engraissement
des poissons, ce qui peut avoir des répercussions négative sur la qualité des pro-
duits (Corraze, 1999 ; Corraze et Kaushik, 2009).
36
Tableau 3.
Données sur les besoins quantitatifs en vitamines pour quelques espèces de poissons
(d’après NRC, 2011)
37
(saumon atlantique). Pour l’ensemble des minéraux et oligo-éléments, les données
sur les besoins quantitatifs ne sont disponibles que pour quelques espèces : truite
arc-en-ciel, carpe commune, poisson chat, tilapia, saumon du pacifique (NRC,
2011). Un travail important de méta-analyse / revue systématique des données dis-
ponibles pour l’ensemble des minéraux chez de nombreuses espèces de poissons
vient d’être réalisé (Prabhu et al., 2014).
Tableau 4 :
Données sur les besoins quantitatifs en minéraux pour quelques espèces de poissons
(d’après NRC, 2011)
Truite Saumon
Saumon Carpe Poisson
Espèce Tilapia arc-en- du Bar
atlantique commune chat
ciel Pacifique
Macrominéraux (%)
Ca NR 0,34 R/0,7* R/0,45* NR NR NT
Cl NT NT 0,15 0,17 NT NT NT
Mg 0,04 0,05 0,06 0,04 0,05 NT NT
P 0,8 0,7 0,4 0,33 0,7 0,6 0,65
K NT NT 0,20-0,30 0,26 NT 0,8 NT
Na NR NT 0,15 0,06 NR NT NT
Microminéraux (mg/kg)
Cu 5 3 5 5 3 NT NT
I R NT NT 1,1 1,1 1 NT
Fe 30-60 150 85 30 NT NT NT
Mn 10 12 7 2,4 12 NT NT
Se NT NT NT 0,25 0,15 R NT
Zn 37 15 20 20 15 NT NT
R, Besoin reconnu mais pas quantifié ; NR, pas de besoin ; NT, pas testé.
38
cuisson, de pressage, d’ajout de solubles et de séchage, permettent de préserver
la valeur biologique de la farine de poisson pour l’alimentation animale, mais il faut
quatre à cinq tonnes de poisson frais entier pour produire une tonne de farine de
poisson. La qualité des farines de poissons peut varier de façon importante selon
l’espèce, l’origine et les procédés mis en œuvre dans sa fabrication. Les meilleures
farines de poisson contiennent de 66 à 72 % de protéines hautement digestibles.
Elles peuvent aussi contenir jusqu’à 12 % d’huile riche en acides gras longs polyin-
saturés (AGPI) de la série oméga 3, ainsi que des minéraux et oligo-éléments. Son
contenu énergétique élevé (20-22 kJ/g MS) et l’absence de facteurs antinutritionnels
sont d’autres atouts en faveur de cet ingrédient (NRC, 2011). De la même manière, il
conviendra de retenir l’importance des huiles d’origine marine, seules contenant les
AGE pour les poissons et surtout les poissons marins.
Mais les captures de la pêche dans son ensemble et la pêche minotière en parti-
culier restent stables depuis 30 ans (FAO, 2014) et par conséquent la disponibilité
en farines et huiles de poissons provenant de ces sources est constante, alors que
l’aquaculture se développe et avec elle, les besoins en matières azotées (acides
aminés indispensables) et en matières grasses (acides gras essentiels). En outre,
l’utilisation de farines et d’huiles de poisson provenant de poissons sauvages pour
produire du poisson d’élevage fait débat depuis de nombreuses années. D’une
manière un peu schématique, on peut dire qu’on produit des poissons avec des
poissons, alors que même si les poissons sont de bons transformateurs des pro-
téines ingérées, on conviendra aisément que l’objectif principal doit être la produc-
tion de protéines animales de qualité pour la nutrition humaine à partir d›autres
sources protéiques. Des scientifiques ont tenté de calculer la quantité de poissons
sauvages qui serait nécessaire pour produire une tonne de saumon d’élevage (rap-
port FIFO pour Fish In/Fish Out2).
Tacon & Metian (2008) ont donné le rapport de 4,9:1 pour le saumon, ce qui signifie
qu’il faut 4,9 tonnes de poisson sauvage pour produire 1 tonne de saumon, 3,4:1
pour la truite3, 2,2:1 pour les poissons marins, 0,4:1 pour le tilapia, 0,5:1 pour le pois-
son chat, 0,2:1 pour la carpe, etc. Bien que les chiffres cités peuvent varier beau-
coup, les calculs en prenant en compte le progrès réalisé dans le domaine de la
substitution des farines et d’huiles de poissons et dans l’amélioration de l’efficacité
alimentaire montrent qu’en réalité, l’aquaculture produit plus de protéines d’origine
aquatique qu’elle n’en consomme (Torstensen et al., 2008).
39
Afin de préserver les ressources naturelles tout en permettant un développement
durable de l’aquaculture, il a donc été impératif de diminuer le taux d’incorporation
d’ingrédients d’origine marine, en ayant recours à d’autres types de matières pre-
mières. Les résultats de recherches dans ce domaine montrent qu’il est possible
de s’affranchir de la farine de poissons ou du moins renverser les tendances de
façon significative. L’application de ces résultats sur un plan industriel dépendra des
contraintes d’ordre économiques.
Les produits végétaux constituent de bonnes alternatives. Ils sont disponibles en
plus grande quantité et avec plus de régularité que les farines et huiles de poissons.
En 2011, il ne restait plus que 20 à 25 % de farine de poisson dans les aliments
des espèces dites carnivores, alors que les taux d’incorporation des ingrédients
végétaux ont explosé : ils sont maintenant les composants majoritaires des aliments
commerciaux aquacoles. Des huiles végétales sont également maintenant utilisées
afin de réduire la quantité d’huile de poisson dans la formule. Les produits végétaux
sont utilisés en combinaison afin de fournir les AAI et les AGE en quantité suffisante
pour répondre aux besoins des poissons (Burel et Médale, 2015). Les sources pro-
téiques d’origine végétale les plus utilisées en Europe sont des graines d’oléagi-
neux (soja, colza, tournesol) sous forme de tourteaux ou de concentrés protéiques,
des protéagineux (lupin, féverole, pois), des céréales (maïs, blé) ou des extraits de
protéines obtenus à partir de céréales, comme par exemple les glutens. Le rem-
placement partiel de la farine de poisson par une combinaison de ces ingrédients
végétaux donne d’excellents résultats, même s’il est souvent nécessaire de sup-
plémenter les aliments avec des acides aminés de synthèse (lysine et méthionine
principalement). Néanmoins, les études ayant porté sur des taux de substitution
très élevés (peu ou pas de farine de poisson) ont mis en évidence des verrous
physiologiques bien que les régimes aient contenu tous les nutriments nécessaires
(apport d’acides aminés de synthèse inclus) : une baisse de la consommation ali-
mentaire, de l’efficacité alimentaire et du taux de croissance des poissons, ainsi que
des modifications métaboliques. Les travaux de recherche doivent être poursuivis
afin d’améliorer l’efficacité nutritionnelle des produits végétaux via une réduction
des facteurs antinutritionnels qu’ils contiennent (Burel et Médale, 2015).
Une autre stratégie est d’incorporer dans l’aliment des sources de protéines
aujourd’hui sous-utilisées provenant des sous-produits d’animaux terrestres. Ces
sous-produits animaux sont disponibles en grandes quantités en Union Européenne
(UE) et d’un point de vue durabilité, ce sont des ingrédients précieux car ce sont les
co-produits des productions animales destinées à l’alimentation de l’homme. En
2008, le plus grand producteur de farines de protéines animales était les États-Unis
(USA) avec 4.1 Mt suivie par l’UE avec 3,9 Mt. La production mondiale de ces farines
(13 Mt) est plus de deux fois celle rapportée pour la farine de poisson, pourtant,
l’utilisation totale de ces farines représente moins de 1% des ingrédients entrant
dans la production des aliments pour poisson, avec une grande variation entre les
grands pays producteurs. La valeur biologique de ces farines d’origine animale ter-
restre a fait l’objet de nombreuses études chez différentes espèces de poissons et
les résultats montrent que les ingrédients tels que la farine de sang et les farines de
sous-produits de volailles sont tous efficaces dans les aliments d’un certain nombre
d’espèces aquatiques. Dans les pays extra-européens, ces produits sont utilisés
comme sources de protéines dans les aliments aquacoles, alors que ces farines
d’origine animale terrestre ont été interdites dans l’UE depuis 2001 dans tous les
40
régimes des animaux d’élevage pour éradiquer les encéphalopathies spongiformes
transmissibles. Néanmoins, après une évaluation intensive des risques, l’interdic-
tion de l’utilisation dans les aliments aquacoles de protéines animales transformées
(PAT) de non-ruminants a été levée récemment4. Les PAT ne sont pas des farines
animales. Ce sont des sous-produits issus d’animaux sains, c’est-à-dire des ani-
maux issus de la chaîne alimentaire conventionnelle, abattus à des fins d’alimen-
tation humaine, mais dont certains morceaux ne sont pas consommés pour des
raisons commerciales (morceaux non nobles, pieds de porc, aspects visuels, etc.).
Alors que les farines animales sont issues de cadavres d’animaux impropres à la
consommation alimentaire. Les PAT présentent de hautes teneurs en protéines avec
de bons profils d’acides aminés et pas de facteurs antinutritionnels avérés et elles
sont très digestibles chez les poissons et représentent un bon gisement potentiel
pour l’alimentation aquacole, à condition que leur emploi soit strictement encadré
(cf Guide C).
Concernant le remplacement de l’huile de poisson, les principales huiles végétales
produites au niveau mondial sont les huiles de soja et de palme qui représentent
plus de 55 % du marché, mais également les huiles de colza et de tournesol (res-
pectivement 14 et 9 % des volumes produits en 2006). Cependant, la composition
en AG des huiles végétales est très différente de celle des huiles de poisson. Elles
sont dépourvues d’AGPI à longue chaîne oméga 3 et contiennent des proportions
élevées d’AG des séries oméga 6 et oméga 9 (en particulier les acides linoléique
et oléique), mais aussi d’AG saturés (acide palmitique, en particulier dans l’huile
de palme). Certaines d’entre elles contiennent des proportions assez importantes
d’ALA, comme dans l’huile de colza (8-10 %), mais surtout dans l’huile de lin (plus
de 50 %). Compte tenu de ces différences de composition, l’incorporation d’huiles
végétales peut donc avoir des répercussions sur la croissance et la qualité nutrition-
nelle des produits car la nature des lipides incorporés dans les aliments conditionne
la composition en acides gras (AG) de la chair. Or, la préservation de la teneur en
acides gras oméga 3 dans la chair des poissons reste l’objectif primordial, surtout
pour l’alimentation de l’homme. La substitution de l’huile de poisson par des huiles
végétales est donc beaucoup plus problématique que celle des farines de poisson.
Une alternative aux huiles végétales est constituée par les graisses d’origine ani-
male, telle que la graisse de volaille. Comme dans le cas des PAT, seule les graisses
de type C3, c’est-à-dire issues des animaux dont la viande est propre à la consom-
mation humaine, sont autorisées. Toutes les graisses C3 de volaille et de porc sont
autorisées en France, respectivement depuis 2003 et 2004. Par contre, certaines
graisses C3 de ruminants demeurent interdites en alimentation des monogastriques
(pour éviter des contaminations croisées des aliments pour ruminants) : certains
suifs collectés après fente de carcasse, certaines graisses contenant ou prépa-
rées à partir de tissus osseux de ruminants, toutes graisses issues de la produc-
tion de farine de viande et d’os de ruminant. Des plus, lorsqu’elles proviennent de
ruminants, les graisses C3 doivent, pour pouvoir être valorisées en alimentation
animale, être purifiées pour contenir moins de 0,15 % d’impuretés protéiques. Les
41
graisses animales ne sont pas sources d’AGPI à longue chaîne oméga 3, mais ce
sont des sources d’énergie et elles augmenteraient l’appétence des aliments en
comparaison avec les huiles végétales.
Une des solutions trouvées à ce jour pour produire des poissons d’élevage ayant
une chair riche en acides gras de type oméga 3, malgré une réduction de l’incorpo-
ration d’huile de poisson dans les aliments piscicoles, est de procéder à une période
d’alimentation de finition de l’ordre de 12 semaines, en fin de cycle d’élevage, afin
de maintenir la valeur nutritionnelle de la chair des poissons (Corraze et Kaushik,
2009). Cette solution pose néanmoins des problématiques de mise en œuvre au
niveau des élevages, dans la mesure où les dates de sortie des lots ne sont pas
définies très en avance.
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