Audin M. - Analyse Complexe (U Strasbourg)

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Michèle Audin

ANALYSE COMPLEXE
(LICENCE DE MATHÉMATIQUES)
Michèle Audin
Institut de Recherche Mathématique Avancée, Université Louis Pasteur et CNRS,
7 rue René Descartes, 67084 Strasbourg cedex, France.
E-mail : Michele.Audin@math.u-strasbg.fr
Url : http://www-irma.u-strasbg.fr/~maudin

23 novembre 1999
ANALYSE COMPLEXE
(LICENCE DE MATHÉMATIQUES)

Michèle Audin
TABLE DES MATIÈRES

Sources, références et remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii


1. Séries entières et fonctions analytiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.1. Définition des fonctions analytiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2. Les principes des zéros isolés et du prolongement analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.3. Dérivation et analyticité des séries entières convergentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.4. Exponentielle et surtout logarithme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.5. Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2. Fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.1. Définition des fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2. Analyticité des fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.3. Les grands théorèmes sur les fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.4. Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
3. Intégrales curvilignes, primitives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.1. Intégration le long des chemins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2. Homotopie des chemins et intégrales de fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.3. Problèmes de primitives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
3.4. Indice d’un point par rapport à un lacet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
3.5. Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
4. Points singuliers, fonctions méromorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
4.1. Fonctions holomorphes dans une couronne et séries de Laurent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
4.2. Points singuliers, fonctions méromorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
4.3. La sphère de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
4.4. Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
5. Exemples de constructions de fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
5.1. Exemples de fonctions périodiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
5.2. Exemple de fonction bi-périodiques : la fonction ℘de Weierstrass . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
5.3. Produits infinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
5.4. Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
6. Le théorème des résidus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
6.1. Le théorème des résidus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
6.2. Applications du théorème des résidus au calcul d’intégrales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
6.3. Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
SOURCES, RÉFÉRENCES ET REMERCIEMENTS

Il s’agit ici de la rédaction d’un cours que j’ai donné dans la licence de mathématiques à l’Université
Louis Pasteur de Strasbourg en 1997, 98 et 99.
J’ai appris les fonctions holomorphes dans le livre de Cartan [2] qui n’a pas plus vieilli que son
auteur et reste la référence « incontournable » . . . et que j’ai donc copié et plagié sans vergogne.
Le paragraphe sur l’exponentielle est copié sur l’époustouflant prologue du livre de Rudin [3], les
démonstrations des résultats sur les produits infinis viennent du chapitre 15 de ce même livre, la
démonstration « sans homotopie » de l’analyticité des fonctions holomorphes vient de l’article de
Verley dans l’Encyclopædia Universalis [5]. J’ai aussi copié quelques démonstrations dans le cours
de Jean-Benoît Bost à l’École Polytechnique [1] et quelques exercices « faciles » dans le livre de
Silverman [4].
Que tous ces auteurs soient remerciés pour leur participation involontaire.
L’esprit de ce cours, l’idée d’utiliser la démonstration de [5] pour avoir au plus vite les grands théo-
rèmes (Liouville. . .), beaucoup des exercices et même le style LATEX utilisé proviennent de multiples
conseils de et discussions avec Claude Sabbah. J’y ai aussi inclus beaucoup d’exercices proposés par
Iris Muller. Pour cette version corrigée en novembre 1999, j’ai aussi bénéficié de remarques de Nicole
Bopp.
Qu’ils soient remerciés pour leur participation plus ou moins volontaire.
Strasbourg, le 23 novembre 1999
CHAPITRE 1

SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

Le corps C des nombres complexes est muni de sa norme j j et de la topologie qu’elle définit.

1.1. Définition des fonctions analytiques


Séries entières. On appelle série entière une série de fonctions de la forme

∑ an zn an 2 C:
n=0

Proposition 1.1.1. Soit ρ = sup fr 2 0 +∞ j ∑ janj rn < +∞g.


(1) Pour tout r < ρ, la série ∑ an zn converge normalement sur le disque jzj  r.
(2) La série ∑ an zn diverge pour jzj > ρ.

Remarques 1.1.2
(1) D’abord, ρ existe (la série converge pour r = 0) mais il peut être nul, fini ou infini. On l’appelle
le rayon de convergence de la série entière. Le disque fermé jzj  ρ est le disque de convergence.
(2) La proposition ne dit rien sur ce qui se passe sur le cercle de convergence jzj = ρ.
(3) La somme de la série est une fonction continue sur l’intérieur du disque de convergence.

Démonstration. C’est une conséquence du lemme suivant, dû à Abel.

Lemme 1.1.3 (Abel). Soient r, r0 des réels tels que 0 < r < r0 . S’il existe un nombre réel (fini) M > 0
tel qu’on ait
n
jan j r0  M pour tout n  0
alors ∑n n
0 an z converge normalement pour jzj  r.

Démonstration du lemme. On majore


r
n
n n
jan z j  jan j r  M :
r0
Comme on a r < r0 , M (r=r0 )n est le terme général d’une série géométrique convergente.
Montrons la première assertion de la proposition : si r < ρ, on choisit un nombre r0 tel que r <
r0 < ρ. Par définition de ρ, la série ∑ jan j r0n converge, donc il existe un nombre (fixe) M tel que
an j r0n  M
j pour tout n:
On applique le lemme d’Abel et on obtient la convergence normale de ∑ an zn pour jzj  r0 .
2 CHAPITRE 1. SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

 Pour
n
 la deuxième assertion : si z0 ρ, pour tout réel M, on peut
j j >
n
trouver un entier n tel que
anz0 > M (sinon, le lemme d’Abel impliquerait que la série ∑ anz converge normalement pour
z
j j<j z0 j, ce qui est contradictoire avec la définition de ρ).

Exemple 1.1.4. Le rayon de convergence de la série ∑ zn est 1. Voir d’autres exemples dans l’exercice
1.5.2.

On dit parfois qu’une série entière est convergente quand son rayon de convergence est strictement
positif (c’est-à-dire quand elle converge quelque part).

Somme et produit de séries entières convergentes. Considérons maintenant deux séries entières
f (z) = ∑ anzn  g(z) = ∑ bnzn
de rayons de convergence respectifs ρ1 et ρ2 ainsi que les séries somme et produit

∑ cn zn avec cn = an + bn  ∑ dn zn avec dn = a0 bn + + an b0 :

Appelons enfin R le plus petit des deux nombres ρ1 et ρ2 .

Proposition 1.1.5. Les séries entières s(z) = ∑ cn zn et p(z) = ∑ dn zn ont un rayon de convergence au
moins égal à R. Pour jzj < R, leurs sommes sont respectivement f (z)+ g(z) et f (z)g(z).

Démonstration. On écrit
  
∑ a p  bn; p
n
γn = janj + jbn j  δn = 
p=0

de sorte que jcn j  γn et jdn j  δn. Pour r < R, les séries ∑ janj rn et ∑ jbnj rn convergent. On a donc
 !  !
∑ γn rn = ∑ jan j rn + ∑ j bnj rn < +∞
n 0 n 0 n 0

et  ! !
∑ δn r n = ∑ anj rn
j ∑ jbn j rn < +∞
n 0 n 0 n 0

les séries s(z) et p(z) sont donc convergentes pour jzj < R.
Il reste à vérifier que leurs sommes sont bien la somme et le produit des séries f (z) et g(z). Pour la
somme, c’est clair. Pour le produit, ça résulte de la propriété rappelée dans l’exercice 1.5.4.

Définition des fonctions analytiques.

Définition 1.1.6. Soit U  C un ouvert et soit f : U ! C une application. Soit z0 2 U. On dit que f
est analytique en z0 s’il existe
– un nombre r > 0 tel que le disque jz ; z0 j < r soit contenu dans U
– et une série entière ∑n 0 an wn de rayon de convergence ρ  r
tels que, pour jz ; z0 j < r, on ait
+∞
f (z) = ∑ an (z ; z0 )n :
n=0
On dit que f est analytique sur U si elle est analytique en tout point de U.
1.2. LES PRINCIPES DES ZÉROS ISOLÉS ET DU PROLONGEMENT ANALYTIQUE 3

Exemple 1.1.7. Un polynôme est une fonction analytique en tout point de C : en effet, on peut déve-
lopper le polynôme en tout point grâce à la formule de Taylor :
n
1 (k)
P(z) = P(z0 )+ ∑ P (z0 )(z ; z0 )k
k=1 k!
où n est le degré de P.
On remarquera que la somme et le produit de deux fonctions analytiques sur U sont des fonctions
analytiques sur U (en application de la proposition 1.1.5). L’ensemble des fonctions analytiques sur U
est ainsi un anneau. C’est bien évidemment un espace vectoriel sur C. En plus, les structures d’anneau
et d’espace vectoriel sont compatibles (λ( f g) = (λ f )g = f (λg)) ce qu’on résume en disant :
Proposition 1.1.8. L’ensemble des fonctions analytiques sur l’ouvert U est une algèbre sur C.
On note souvent cette algèbre O (U ).

1.2. Les principes des zéros isolés et du prolongement analytique


Proposition 1.2.1 (Principe des zéros isolés, version séries entières). Soit f (z) = ∑ an zn la somme
d’une série entière de rayon de convergence ρ > 0. Si au moins un des coefficients an n’est pas nul, il
existe un r dans ]0 +∞ tel que f ne s’annule pas pour jzj dans l’intervalle ]0 r.
Démonstration. Soit p le plus petit entier tel que le coefficient ap ne soit pas nul. Ainsi
f (z) = ∑ an zn = z pg(z)
n p

avec g(z) = a p + a p+1 z + et g(0) = a p 6= 0.


Comme g est la somme d’une série entière, elle est continue à l’intérieur de son disque de conver-
gence, donc il existe tout un voisinage de 0 sur lequel elle ne s’annule pas.
Remarque 1.2.2. Dans les notations de la démonstration, si p = 0, f = g et f ne s’annule pas au
voisinage de 0. Si p  1, f a un zéro isolé en 0.
Corollaire 1.2.3. Toute fonction analytique sur U admet un unique développement en série entière
au voisinage de chaque point de U.
Démonstration. En effet, si, pour tout z dans un voisinage de z0 , on a
∑ an(z ; z0 )n = ∑ bn (z ; z0 )n 
on a ∑(an ; bn )(z ; z0 )n = 0 et donc
∑(an ; bn)wn = 0 pour tout w dans un voisinage de 0:
Donc, en appliquant la proposition 1.2.1, on voit qu’on a an = bn pour tout n.
Théorème 1.2.4 (Principe du prolongement analytique). Soit U un ouvert connexe de C et soient
f , g deux fonctions analytiques sur U. Si f et g coïncident sur une partie Σ de U qui a un point
d’accumulation dans U, alors elles coïncident sur U.
Démonstration. Soit a un point d’accumulation de Σ dans U et V un voisinage de a sur lequel f et
g sont développables en série entière. Considérons la fonction h = f ; g. Elle est analytique sur U
puisque f et g le sont. Elle est développable en série entière sur V et ses zéros ont un point d’accu-
mulation dans V donc, en vertu de la proposition 1.2.1, hjV = 0. Soit
A = fa 2 U j h = 0 au voisinage de ag :
4 CHAPITRE 1. SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

C’est un ouvert de U par définition. Il contient l’ouvert non vide V et n’est donc pas vide. Montrons
maintenant qu’il est aussi fermé.

Figure 1

Soit u un élément de la frontière de A dans U . Si u 2


= A, il existe une suite un d’éléments de A tels

que u = lim un . Comme un est dans A, h(un ) = 0 pour tout n. Mais u 2 U et h est analytique dans U ,
donc elle se développe en série entière au voisinage de u :
+∞
h(z) = ∑ an (z ; u)n
n=0

sur la boule B = fz 2 U j jz ; uj < rg. Si n est assez grand, un est dans B et h a une infinité de zéros
dans B, ce qui serait contraire au principe des zéros isolés si l’un des an n’était pas nul. Donc tous les
an sont nuls et h = 0 sur un voisinage de u. Ainsi u est dans A, ce qui fait que A est fermé.
En conclusion, A est ouvert, fermé et non vide. Comme U est connexe, on a A = U.

Remarque 1.2.5. En particulier, si une fonction analytique est nulle sur un tout petit ouvert inclus
dans U , elle est nulle sur U tout entier. Il est clair que ce résultat est faux pour des fonctions simple-
ment supposées C ∞ (voir l’exercice 1.5.9).

Si U et V sont deux ouverts non vides avec V  U et U connexe et si f est une fonction analytique
sur V , on appelle prolongement analytique de f à U toute fonction analytique sur U qui coïncide avec
f sur V . Il se pourrait très bien qu’il n’existe pas de tel prolongement, mais, s’il en existe un, il est
unique.

Remarque 1.2.6. On applique souvent le théorème 1.2.4 au cas où Σ est un ouvert de U mais aussi
dans le cas où Σ est une courbe dessinée dans U. On l’applique par exemple Σ est l’intersection de U
avec l’axe réel.

Proposition 1.2.7 (Principe des zéros isolés). Soit f une fonction analytique sur un ouvert connexe
U . Si f n’est pas identiquement nulle, ses zéros sont isolés.

Démonstration. Si ce n’était pas le cas, il existerait une suite infinie un de zéros de f qui convergerait
vers un point u 2 U . D’après la démonstration précédente, f serait nulle au voisinage de u et donc
serait identiquement nulle sur U .
1.3. DÉRIVATION ET ANALYTICITÉ DES SÉRIES ENTIÈRES CONVERGENTES 5

1.3. Dérivation et analyticité des séries entières convergentes


Proposition 1.3.1. Soit f (z) = ∑n 0 an zn une série entière de rayon de convergence ρ et soit f 0 (z) =
∑n 1 nanzn;1 . Son rayon de convergence est ρ et, pour tout z tel que jzj < ρ, on a
f (z + h) ; f (z)
f 0 (z) = lim :
h!0 h
Il semble naturel d’appeler f 0 la dérivée de f . On discutera des relations entre cette dérivée et les
dérivées partielles ou la différentielle de f au chapitre suivant.

Corollaire 1.3.2. Une fonction analytique sur U y admet des dérivées de tous ordres.

Démonstration de la proposition. Appelons ρ0 le rayon de convergence de f 0 . En posant αn = jan j,


on sait donc que, pour r < ρ0 , la série ∑ nαn rn;1 converge et donc que
 !
∑ αn rn  r ∑ nαn rn;1 < +∞
n 1 n 1

donc r  ρ (on a montré r < ρ0 ) r  ρ).


Inversement, soit r < ρ et soit r0 tel que r < r0 < ρ. Alors
 
n r n;1
nαn rn;1 = 0 αn r0
n
r0
:
r
À cause de l’inégalité r0 < ρ, la suite αn r0 n est majorée, disons par M, de sorte que
 r n;1
nαn rn;1  0 Mn 0
1
:
r r
La série de terme général n(r=r0 )n;1 est convergente, donc nαn rn;1 est le terme général d’une série
convergente et donc r  ρ0 (on a montré r < ρ ) r  ρ0 ).
Donc ρ = ρ0 . Il reste à vérifier que f 0 est bien la dérivée, au sens exprimé dans la proposition, de f .
On fixe z et on choisit r de façon que jzj < r < ρ.

jhj z

Figure 2

On suppose que h est un nombre complexe non nul tel que jhj  r ; jzj de sorte que
jz + hj  jzj + jhj  r
et que f est définie en z + h. On a alors
f (z + h) ; f (z) 0
; f (z) = ∑ un (z h)
h n 1
6 CHAPITRE 1. SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

avec
; 
un (z h) = an (z + h)n;1 + z(z + h)n;2 + + zn;1 ; nzn;1
et donc
; 
jun (z h)j  αn rn;1 + r(r)n;2 + + rn;1 + nrn;1 = 2nαnrn;1 :

À cause de l’inégalité r < ρ, la série ∑ nαn rn;1 converge et on a donc


ε
8 ε > 0 9 N ∑ 2nαn rn;1  :
n>N 2

La somme finie ∑nN un (z h) est un polynôme en h, nul pour h = 0. Il existe donc un réel positif η
tel qu’on ait, pour tout h tel que jhj < η,
 
 un(z h) ε
∑
nN
  
2
:

Finalement, si jhj < inf(r ; jzj  η),


   
 f (z + h) ; f (z)
f (z)
0  un (z h) + 2nαn rn;1
h
; 
∑
nN  ∑

n>N
 ε:

Cette proposition permet de démontrer (enfin !) qu’il existe des fonctions analytiques (autres que
les polynômes).

Théorème 1.3.3 (Analyticité des séries entières). La somme d’une série entière est analytique à l’in-
térieur de son disque de convergence.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce résultat n’a rien d’évident. On va montrer un résultat
beaucoup plus précis : une série entière est somme de sa série de Taylor en tout point de l’intérieur de
son disque de convergence.

Proposition 1.3.4. Soit f (z) = ∑ anzn une série entière dont le rayon de convergence ρ n’est pas nul.
Soit z0 un point de l’intérieur du disque de convergence. Alors la série entière

∑ n! f (n) (z0 )wn


1
n 0

a un rayon de convergence au moins égal à ρ ; jz0 j et on a

f (z) = ∑ n! f (n) (z0 )(z z0 )n


1
;
n 0

pour tout z tel que jz ; z0 j < ρ ; jz0 j.

Démonstration. Posons r0 = jz0 j, αn = janj. Calculons la dérivée p-ième de f :

f ( p)(z0 ) =
( p + q)! a

q
p+q z0
q 0 q!
et
 ( p) 
 f (z0 ) ∑ ( p +q!q)! α p+q r0q
 :
1.4. EXPONENTIELLE ET SURTOUT LOGARITHME 7

Pour r0  r < ρ, on a
1  ( p) 
∑ p!  f ( z0 )  (r ; r0 ) p  ∑ ( pp!q!
+ q)! α rq(r ; r ) p
p+q 0 0
pq
p 0
 !
n; p
∑ p!(n ; p)! (r ; r0 ) p r0
n!
 ∑ αn
0 pn
n 0
| {z }
(r ; r0 + r0 ) n

 ∑ αn r n
< +∞ :
n 0
On a utilisé le fait que la série était à termes positifs pour regrouper les termes. Donc le rayon de
convergence de la série ∑ f (n)(z0 )zn est plus grand que ou égal à r ; r0, mais on pouvait choisir r
1
n!
arbitrairement proche de ρ, donc le rayon de convergence est supérieur ou égal à ρ ; jz0 j.
Calculons maintenant ∑n 0 f (n)(z0 )(z ; z0 )n =n!. L’inégalité ci-dessus montre que la série double
( p + q)! a (z z0 ) p
∑ q
p+q z0 ;
pq p!q!
converge absolument. On peut donc calculer sa somme en regroupant les termes de façon arbitraire.
Il y a deux façons intéressantes de le faire :
– ce qu’on a déjà fait (regrouper selon p + q = n) :
 !
n; p
∑ p!(n ; p)! (z ; z0 ) p z0 = ∑ anzn = f (z)
n!
∑ an 
n 0 0 pn n 0

– mais aussi  !
(z ;z0 ) p ( p + q)! a
∑ ∑
q
p+q z0 :
p! q!
p 0
| q 0
{z }
f ( p)(z0 )

1.4. Exponentielle et surtout logarithme


Exponentielle complexe. Elle est définie par la série entière
+∞ zn
exp(z) = ez = ∑ :
n=0 n!
Il est clair que le rayon de convergence de cette série est infini (exercice 1.5.2 si nécessaire). La
convergence absolue implique que l’on peut calculer
 ∞ k ! ∞ ` ! ∞ n
k n;k

(a + b)n
∑ k! ∑ ! = ∑ n! ∑ k!(n k)! a b = ∑ n!
a b 1 n!
k=0 `=0 ` n=0 k=0 ;
n=0
ce qui fait que la fonction exponentielle vérifie la formule d’addition (ou « équation fonctionnelle »)
exp(a) exp(b) = exp(a + b) 8 a b 2 C:
Cette relation implique que e0 = 1 et que ez e;z = 1. Les coefficients de la série sont des nombres
réels ce qui fait que ex est réel pour x réel. On appelle e le nombre (réel) e = e1 (ce qui justifie la
notation !).
Le théorème suivant résume les propriétés les plus importantes de la fonction exponentielle.
8 CHAPITRE 1. SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

Théorème 1.4.1
(1) L’application exp est une surjection C ! C ; f0g.
(2) Elle est égale à sa dérivée (exp0 = exp).
(3) La restriction de exp à R est une fonction réelle strictement croissante et positive qui vérifie
lim exp(x) = +∞ lim exp(x) = 0:
x!+∞ x!;∞

(4) Il existe un nombre réel positif, noté π, tel que exp(iπ=2) = i et tel que ez = 1 si et seulement si
z=(2iπ) 2 Z.
(5) La fonction exp est périodique de période 2iπ.
(6) L’application t 7! eit envoie l’axe réel sur le cercle unité.

Démonstration. D’abord, l’équation fonctionnelle donne ez e;z = 1, donc ez 6= 0, et exp est à valeurs
dans C ; f0g (mais il reste à prouver que tous les nombres complexes non nuls sont atteints).
Ensuite la série dérivée de celle définissant exp est évidemment la même et donc exp0 = exp.
On a déjà dit que exp se restreignait à l’axe réel en une fonction réelle. En contemplant le déve-
loppement en série, on voit immédiatement que exp est strictement croissante sur les réels positifs et
aussi que sa limite en +∞ est +∞. Pour les réels négatifs et la limite en ;∞, on utilise e;x = 1=ex.
Le développement en série montre aussi que, si t est réel, on a e;it = eit . Ainsi
 it 2 it
e =e eit = eit e;it = eit ;it = e0 = 1
donc l’axe réel est bien envoyé dans le cercle unité (il restera à vérifier que tous les points en sont
atteints).
Définissons(1) deux fonctions réelles de variable réelle
cost = Ré(eit ) sint = Im(eit )
et dérivons la relation eit = cost + i sint :
cos0 t + i sin0 t = ieit = ; sint + i cost
de sorte que
cos0 = ; sin sin0 = cos :
Comme partie réelle de eit , la fonction cos a un développement en série
t2 t4
cos t = 1 ;
+ +
2! 4!
convergeant pour tout t réel. Considérons la valeur de la fonction cos en 2. Les termes de la série vont
décroître en valeur absolue, avec des signes alternés, de sorte que cos 2 est majoré par la somme des
trois premiers termes (avec t = 2). Tous calculs faits, on trouve cos 2 < ;1=2. Comme cos 0 = 1 et
que cos est continue sur R, elle doit s’annuler entre 0 et 2. Soit t0 le plus petit nombre réel positif tel
que cost0 = 0. On définit
π = 2t0:
Comme cost + i sint est de module 1, sint0 = 1, comme sin0 t = cos t > 0 sur ]0 t0, la fonction
sin est croissante sur ]0 t0 et comme sin0 = 0, on a sint0 > 0, bref, sin t0 = 1. D’où l’on déduit que
eiπ=2 = i:
(1)
Voir aussi la discussion page 10 pour des remarques sur cette définition.
1.4. EXPONENTIELLE ET SURTOUT LOGARITHME 9

On en déduit aussi que eiπ = i2 = ;1, que e2iπ = (;1)2 = 1, que e2inπ = 1 pour tout n 2 Z et que
ez+2iπ = ez e2iπ = ez
. . . et donc que la fonction exponentielle est périodique de période 2iπ.
Supposons maintenant que z soit tel que ez = 1 et montrons que z est un multiple entier de 2iπ. Si
z = x + iy (avec x et y réels), on a ez = ex eiy , donc jez j = ex . Comme ez = 1, on a forcément ex = 1 et
donc x = 0 (exp est strictement croissante et en particulier injective sur R). Reste à montrer que y=2π
est un entier, et pour ça, il suffit de montrer que eiy 6= 1 pour y 2]0 2π.
Soit donc y 2]0 2π. Écrivons les parties réelle et imaginaire de exp iy=4 :
eiy=4 = u + iv u v 2 R:
Comme y=4 2]0 π=2, les réels u et v sont strictement positifs. D’autre part, on a
eiy = (u + iv)4 = u4 ; 6u2v2 + v4 + 4iuv(u2 ; v2):
Le membre de droite ne peut être réel que si u2 ; v2 = 0. Comme u2 + v2 = 1, ce n’est possible qu’avec
u2 = v2 = 1=2. Mais alors la partie réelle est ;1 et pas 1.
Il ne reste plus à montrer que les deux assertions de surjectivité que nous avons laissées de côté.
Commençons par le cercle. Fixons un nombre complexe w de module 1 et montrons qu’il s’écrit
w = eit pour un certain t 2 R. Supposons d’abord que ses parties réelle u et imaginaire v sont toutes
deux positives. Comme u  1, le théorème des valeurs intermédiaires (encore) affirme qu’il existe un
t 2 0 π=2] tel que u = cost. Comme sin2 t = 1 ; u2 = v2 , et comme v  0 et t 2 0 π=2], on a v = sint
et donc w = eit .
Si u < 0 et v  0, on peut appliquer ce qui précède à ;iw, on trouve ;iw = eit et donc w = ei(t +π=2).
Enfin, si v < 0, on sait que ;w = eit et donc w = ei(t +π).
Pour finir, fixons un w 6= 0 et écrivons w = α jwj avec α de module 1. On vient de voir qu’alors,
α = eiy pour un certain y 2 R. Toujours en utilisant le théorème des valeurs intermédiaires, il existe
un réel x tel que jwj = ex . Alors w = ex+iy . On a bien démontré que exp est surjective de C dans
C ; f0g.
La figure 3 montre quelques droites parallèles aux axes réel et imaginaire et leurs images par
l’exponentielle. Voir aussi l’exercice 1.5.14.

Figure 3

Logarithme népérien. La fonction exp est continue et strictement croissante sur R. Elle admet une
fonction réciproque continue et strictement croissante ]0 +∞! R, appelée « logarithme népérien »
et notée log. On remarquera que log(1) = 0 et que, comme exp0 = exp, log0 (x) = 1=x. . . c’est bien le
même logarithme népérien que les années précédentes.
10 CHAPITRE 1. SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

Mesure des angles et arguments d’un nombre complexe. Appelons S1 le cercle unité :
S1 = fz 2 C j jzj = 1g :
On a vu que l’application y 7! eiy est une application continue et un homomorphisme surjectif de
groupes R ! S1 . On a aussi déterminé son noyau, le groupe des multiples entiers de 2π. Ainsi l’ex-
ponentielle définit un isomorphisme de groupes
ϕ : R=2πZ ;;;! S1 :
Si on munit R=2πZ de la topologie quotient, ϕ devient un homéomorphisme (exercice 1.5.15).
L’application réciproque associe, à tout nombre complexe de module 1, une classe modulo 2πZ de
réels, ses arguments. De même, si z 6= 0, on définit arg(z) = arg(z= jzj), à l’addition d’un multiple
entier de 2π près.

Immortel Archimède. . . Dans les classes du secondaire, on a défini sinus et cosinus d’un angle
(géométrique)
sinA =  cos A =
a b
c c
(côté opposé sur hypothénuse, côté adjacent sur hypothénuse). On a aussi parlé des fonctions sinus et
cosinus que l’on vient de définir ici — sans les définir rigoureusement. Ici il s’agit de sinus et cosinus
d’un nombre réel. Le passage de l’un (angle) à l’autre (nombre) se fait via la mesure des angles : si
une mesure de l’angle en A est t, on a bien
cos A = cost  sin A = sint :
De même, le nombre π défini ici comme le double du premier zéro positif de la fonction cosinus est
bien le nombre π qui permet de calculer la longueur d’une circonférence depuis l’école élémentaire
(ou depuis Archimède, selon la notion qu’on a du temps historique) : on calcule la longueur du cercle
unité en le paramétrant par (cost  sint ) ou eit , t 2 0 2π]. La longueur est l’intégrale de la norme du
vecteur dérivé (; sint  cost ) ou ieit :
Z  it 
= ie dt = 2π

` :
0
La longueur de la circonférence est bien 2π. On peut définir π par cette égalité. . . à condition d’avoir
défini la longueur des courbes avant.

Logarithme complexe. Il s’agit d’inverser la fonction exponentielle. . . dont nous savons fort bien
qu’elle n’est pas inversible, n’étant pas injective. On peut donc s’attendre à des problèmes. Nous
savons cependant pourquoi elle n’est pas injective (en d’autres termes nous connaissons le noyau de
l’homomorphisme de groupes exp).
Donnons-nous un nombre complexe t et cherchons tous les nombres complexes z tels que ez = t. Il
est nécessaire que t ne soit pas nul. Écrivons, après avoir choisi un argument de t,
t = jt j exp(i argt )
et cherchons z sous la forme z = x + iy, c’est-à-dire résolvons
ex eiy = jt j exp(i argt ):
On trouve
x = log jt j  y = argt
cette deuxième relation étant à manier avec des pincettes. Donc on aimerait écrire
z = log jt j + i argt
1.4. EXPONENTIELLE ET SURTOUT LOGARITHME 11

relation dans laquelle on voit bien, comme il fallait s’y attendre, que le logarithme complexe n’est pas
bien défini, ou qu’il est défini à l’addition d’un multiple entier de 2iπ près.

Définition 1.4.2. On dit qu’une fonction continue f de la variable complexe t, définie sur un ouvert
connexe U  C ne contenant pas 0, est une détermination du logarithme sur U si

8 t 2 U exp( f (t )) = t :

Remarque 1.4.3. Une telle détermination n’existe pas forcément. C’est le cas par exemple pour U =
C ; f0g, comme on va le voir dans la proposition 1.4.5. Par contre, s’il en existe une, il y en a
beaucoup d’autres, comme le précise la proposition suivante.

Proposition 1.4.4. Si f est une détermination du logarithme sur U (ouvert connexe ne contenant pas
0), toute autre détermination du logarithme sur U est de la forme f + 2ikπ pour un certain entier k.
Réciproquement, toute f + 2ikπ est une détermination du logarithme sur U.

Démonstration. Supposons que f et g soient deux déterminations du logarithme sur U. Par définition,
elles sont continues sur U . Donc la fonction
f (t ) ; g(t )
h(t ) =
2iπ
est continue sur l’ouvert connexe U . Elle ne prend que des valeurs entières et donc est constante. La
réciproque est claire.

Proposition 1.4.5. Il n’existe pas de détermination (continue) du logarithme sur C ; f0g.

Démonstration. Supposons qu’une telle détermination existe, appelons-la f . Posons u(z) = Im f (z).
Alors u serait une détermination continue de l’argument sur C ; f0g.
Restreignons-nous au cercle S1 et posons v(θ) = u(eiθ ), définissant ainsi une fonction v : R ! R
continue et périodique de période 2π. Pour tout θ, θ et v(θ) sont des arguments de eiθ , donc il existe
un entier n(θ) tel que
v(θ) ; θ = 2n(θ)π:
Comme v est continue, n est une fonction continue de R dans Z, donc elle est constante. Il existe
donc un entier n tel que
v(θ) = θ + 2nπ:

La contradiction vient maintenant du fait que v doit aussi être périodique :

θ + 2nπ = v(θ) = v(θ + 2π) = (θ + 2π)+ 2nπ:

Remarque 1.4.6. Compte-tenu de tout ce a été dit dans ce paragraphe, la plus grande prudence est
de rigueur quand on utilise des déterminations du logarithme. Je réserverai la notation logt pour le
logarithme népérien, c’est-à-dire pour les variables t réelles. Je préciserai : « soit f la détermination
du logarithme sur l’ouvert U telle que etc. ». Je conseille une prudence analogue aux lecteurs.
12 CHAPITRE 1. SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

Développement en série du logarithme


Proposition 1.4.7. La série entière
n
n;1 z
∑ ( 1);
n
n 1
converge pour jzj < 1. La somme de la série
(t 1)n
f (t ) = ∑ ( 1)n;1
;
;
n 1 n
est une détermination du logarithme sur le disque ouvert de centre 1 et de rayon 1.

Démonstration. Il est clair que le rayon de convergence de la série entière est 1 et donc que la série
définissant f (t ) converge pour jt ; 1j < 1. La fonction f vérifie f (1) = 0 et

f 0 (t ) = ∑ ( 1)n (t 1)n =
1
; ;
n 0 t
donc sa restriction aux t réels (dans ]0 2) est log(t ). La fonction exp f est analytique comme com-
posée de deux fonctions analytiques(2), coïncide avec t pour t réel, donc, en vertu du théorème du
prolongement analytique (ici le théorème 1.2.4), elle coïncide avec t partout.
On a ainsi montré l’existence de déterminations analytiques du logarithme sur le disque de centre
1 et de rayon 1. Il en existe sur tous les disques contenus dans C ; f0g :

1 t0

Figure 4

Corollaire 1.4.8. Soit t0 un nombre complexe non nul et soit θ0 un argument de t0. Sur le disque

n;1 t ; t n
jt ; t0 j < jt0 j, la série

g(t ) = log jt0 j + iθ0 + ∑


( ;1) 0

n 1 n t 0

définit une détermination analytique du logarithme.

Démonstration. On applique la proposition 1.4.7 qui dit que la série


( 1)n;1
; t ; t0
n
∑ n t0
n 1

(2)
Il n’est pas très facile de démontrer directement que la composée de deux fonctions analytiques est analytique. On
pourra le faire en exercice (exercice 1.5.3) ou attendre les théorèmes du chapitre suivant qui le donneront sans fatigue.
1.4. EXPONENTIELLE ET SURTOUT LOGARITHME 13

 
converge, sur le disque défini par  1 1, vers f (t =t0 ). Ainsi
t
; <
t0

exp g(t ) = jt0 j e = t0 tt = t
iθ0 t
exp f :
t0 0

La détermination « principale » du logarithme. Traditionnellement, il y a une détermination du


logarithme considérée (ce n’est pas mon avis) comme meilleure que les autres. Commençons par
définir une fonction réelle de variable réelle, la fonction Arcsin (prononcer « arcsinus »).
La fonction sinus est continue et strictement croissante sur ] ; π=2 π=2. Elle admet donc une
fonction réciproque strictement croissante
Arcsin :] ; 1 1;;;!] ; π=2 π=2:

Proposition 1.4.9. Soit Uπ le complémentaire dans C de l’ensemble des réels négatifs ou nuls. Les
formules 8
< Arcsin(y= jt j) si x  0
f (t ) = log jt j + i π ; Arcsin(y= jt j)
: ;π ; Arcsin(y= jt j) sisi xx  0 et y  0
 0 et y  0

(avec x = Rét, y = Imt) définissent une fonction f sur Uπ qui est une détermination analytique du
logarithme.

Démonstration. Montrons d’abord que ces formules définissent bien une fonction f continue sur Uπ.
Elle est continue sur le demi-plan x  0 et sur chacun des deux quadrants du demi-plan x < 0. Il suffit
de vérifier que les différentes formules donnent la même chose sur l’axe des y (privé de 0).
Si x = 0 et y > 0, la première formule donne log jt j + iπ=2 et la deuxième log jt j + i(π ; π=2). De
même, si x = 0 et y < 0, les première et troisième formule donnent respectivement log jt j ; iπ=2 et
log jt j ; i(π ; π=2). Donc f est bien continue sur Uπ. De plus, il est clair que les formules en Arcsin
définissent un argument et donc que f est une détermination du logarithme sur Uπ.
Il reste à vérifier qu’elle est analytique. Montrons donc qu’elle a un développement en série entière
au voisinage de chaque point de Uπ. Soit donc t0 2 Uπ et soit D un disque ouvert de centre t0 contenu
dans Uπ. Le disque D est contenu dans le disque jt ; t0j < jt0 j et donc, sur D, nous connaissons deux
déterminations du logarithme, celle donnée par le corollaire 1.4.8 et celle que nous sommes en train
de considérer. En vertu de la proposition 1.4.4, elles diffèrent d’un multiple de 2iπ. Comme l’une est
analytique, l’autre l’est aussi.

Remarque 1.4.10. Les formules données dans l’énoncé servent à convaincre les lecteurs que la fonc-
tion f est continue. Il est assez rare qu’on ait effectivement besoin de calculer un arcsinus pour évaluer
un argument.

C’est cette détermination qu’on appelle la détermination « principale » du logarithme. Mis à part
le fait qu’elle coïncide avec le logarithme népérien sur les réels positifs, elle n’a vraiment rien de
particulier.

Corollaire 1.4.11. Si θ 2 R, soit Uθ l’ensemble des nombres complexes dont θ n’est pas un argument.
Il existe dans Uθ des déterminations analytiques du logarithme.

Démonstration. On ramène simplement Uθ sur Uπ par une rotation. Soit ϕ = θ ; π, de sorte que la
rotation
z 7;;;! e;iϕ z
14 CHAPITRE 1. SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

D θ

Uπ Uθ

Figure 5

envoie la demi-droite d’argument θ sur celle d’argument π (y = 0, x < 0) et Uθ sur Uπ. Posons
; 
g(t ) = f e;iϕt + iϕ
où f est la fonction définie par la proposition 1.4.9. Alors g est analytique sur Uθ et
; ; 
exp g(t ) = exp f e;iϕt eiϕ = e;iϕteiϕ = t :

1.5. Exercices
1.5.1. Rayon de convergence, formule d’Hadamard. Montrer que le rayon de convergence ρ de la
série entière ∑ anzn vérifie
1
ρ
= lim sup janj1=n :

1.5.2. Trouver les rayons de convergence des séries entières


zn 1 1
∑ n!z ∑ n!  ∑ qn zn ∑ zn ∑ n zn ∑ n2 zn
n 2
   

et comparer ce qui se passe pour les trois dernières quand jzj = 1.

1.5.3. Soient S(z) = ∑n 0 an z


n
et T (z) = ∑n 1 bn z
n
deux séries entières (on remarquera que T (0) =
0).
(1) Montrer que l’expression U (z) = ∑n 0 an (T (z))n définit une série entière, que l’on note U =
S T.
(2) On suppose que les rayons de convergence ρ(S) et ρ(T ) sont strictement positifs. Montrer
qu’il en est alors de même de celui de U et que, à l’intérieur du disque de convergence de U ,
U (z) = S(T (z)).
(3) Que peut-on dire de la composée de deux fonctions analytiques ?
1.5. EXERCICES 15

1.5.4. Soient (un ) et (vn ) deux séries absolument convergentes. Soit


wn = ∑ u pvn; p :
0 pn

Montrer que la série (wn ) est absolument convergente et que sa somme est égale au produit
 ! !
∑ up ∑ vq :
p 0 q 0

1.5.5. Soit
f (z) =  z(1 ; z)]4
1

n

n 1 pn

où pn est le plus grand des coefficients apparaissant dans le développement de z(1 + z)]4 . On déve-
n

loppe les termes apparaissant dans la définition de f , obtenant ainsi une série entière. Calculer son
rayon de convergence. Montrer que f converge pour jzj < 1 et pour jz ; 1j < 1.

1.5.6. Soit f une fonction analytique sur un ouvert U de C. Montrer que si f n’est pas constante au
voisinage de z0 2 U , il existe un voisinage V de z0 sur lequel on a
z 2 V et f (z) = f (z0 ) ) z = z0 :

1.5.7. Avec les mêmes hypothèses, soit u 2 C. Montrer que


Uu = fz 2 U j f est constante égale à u au voisinage de zg
est ouvert et fermé dans U .

1.5.8. Soit f (z) = ∑ an zn une série entière dont on suppose que le rayon de convergence vaut 1 et qui
vérifie
0 < ∑ n janj  ja1j :
n 2
Montrer que f est injective et que la série converge pour jzj = 1.

1.5.9. Montrer que la fonction f : R ! R définie par


8 
< exp ;
1
pour x  0
x 7;;;!
:0 x2
pour x  0
est une fonction de classe C ∞ . En déduire que le principe du prolongement analytique ne s’applique
pas aux fonctions de classe C ∞ de R dans R. En utilisant f , construire une fonction de classe C ∞ sur
C qui ne satisfait pas le principe du prolongement analytique.

1.5.10. Montrer que l’anneau des séries formelles est un anneau intègre. Montrer que l’anneau des
fonctions analytiques sur un ouvert U est un anneau intègre si et seulement si l’ouvert U est connexe.

1.5.11. Soit f (z) = sin 1 π z . Montrer que f est analytique sur le disque ouvert
;
z
j j < 1. Quels sont
les zéros de f sur ce disque ? Est-ce contradictoire avec le principe des zéros isolés ?

1.5.12. Montrer que si f est une fonction analytique sur un ouvert connexe U et s’il existe un point
z0 dans U où f et toutes ses dérivées de f s’annulent, f est identiquement nulle sur U .
16 CHAPITRE 1. SÉRIES ENTIÈRES ET FONCTIONS ANALYTIQUES

1.5.13. Existe-t-il une fonction analytique f définie sur un ouvert connexe U contenant 0 et telle que
 
(1) Pour tout n tel que 1=n 2 U , f
1
n
=f 1
2n + 1
= 1n .
 
(2) Pour tout n tel que 1=n 2 U , f
1
n
= f ;
1
n
= n13 .
1.5.14. Dessiner les images par l’exponentielle des demi-droites issues de l’origine.

1.5.15. Montrer que R=2πZ, muni de la topologie quotient, est un espace topologique compact.
Montrer que l’application ϕ : R=2πZ ! S1 définie par l’exponentielle (§ 1.4) est un homéomorphisme.

1.5.16. On suppose que f est une fonction analytique non nulle sur un ouvert connexe U contenant
0 de C et qu’elle vérifie, pour tous z, z0 de U tels que z + z0 2 U,
f (z + z0 ) = f (z) f (z0 )
Montrer qu’il existe un nombre complexe b tel que f (z) = ebz .
 z n
1.5.17. Montrer que limn!+∞ 1 + = exp z pour tout nombre complexe z (on pourra développer
n
(1 + z n)n
= par la formule du binôme).

1.5.18. On considère les deux séries

f1 (z) = ∑
zn
et f2 (z) = iπ + ∑ (;1)n
(z 2)n
;
:
n 1 n n 1 n
Démontrer qu’il existe un ouvert connexe U contenant les deux disques ouverts
fz 2 C j jzj < 1g et fz 2 C j jz ; 2j < 1g
et une fonction g analytique sur U telle que
g(z) = f1 (z) si jzj < 1 et g(z) = f2 (z) si jz ; 2j < 1:

1.5.19. Soit U un ouvert connexe de C ne contenant pas 0. On suppose que f est une fonction
analytique sur U et qu’elle vérifie

f 0 (t ) =
et 9 t0 tel que exp f (t0 ) = t0 :
1
t
Montrer que f est une détermination du logarithme.

1.5.20. Soit f une fonction analytique sur un ouvert U et z0 un point de U tel que f (z0 ) 6= 0. Montrer
que pour tout entier m  1 il existe un voisinage ouvert V de z0 et une fonction analytique g sur V tels
qu’on ait sur V , f (z) = g(z)m . Combien existe-t-il de telles fonctions ?

1.5.21. Déterminer une fonction continue (analytique) définie sur


U =C ;f (x 0)
 j x < ;1 ou x > 1g
et telle que
f (0) = i et ( f (z))2 = z2 ; 1 8 z 2 U:
1.5. EXERCICES 17

1.5.22. Montrer qu’il existe une détermination f du logarithme dans


C ; fz j Ré(z) = 0 Im(z) < 0g
telle que f (1) = 0. Calculer f (i), f (;1), f (;2), f (2 ; 3i).
La suite d’égalités suivantes est une « démonstration » du fait que, si log est une détermination du
logarithme, on a log(;z) = log(z) :
log(;z)2 = log(z2 )
log(;z)+ log(;z) = log(z)+ log(z)
2 log(;z) = 2 log(z)
log(;z) = log(z):
Qu’en pensez-vous ?

1.5.23. Considérer les deux ouverts connexes U1 et U2 de la figure 6 et étudier s’il existe des déter-
minations continues sur U1 et U2 des fonctions
p2 p2 q q
log(z2 ; 1) z(z2 ; 1) z(z2 ; 1):
3 3
z ; 1 z ; 1

;1 0 1 ;1 0 1

U1
U2

Figure 6
CHAPITRE 2

FONCTIONS HOLOMORPHES

Dans ce chapitre, on définit les fonctions holomorphes, qui sont les fonctions dérivables au sens
complexe (la définition précise est 2.1.1). Nous avons déjà rencontré cette notion dans la proposition
1.3.1, que nous allons exprimer ici en disant que les fonctions analytiques sont holomorphes.
Le but principal de ce chapitre est de démontrer la réciproque de cette propriété : pour qu’une
fonction soit analytique, c’est-à-dire somme de sa série de Taylor en tout point, il suffit qu’elle soit
holomorphe (dérivable une fois) !
Ce résultat remarquable (et sans analogue en analyse réelle) a de nombreuses applications, nous
étudierons les plus classiques : le principe du module maximum, le théorème de d’Alembert, le théo-
rème de Liouville.

2.1. Définition des fonctions holomorphes


Applications linéaires de C dans lui-même. Une application linéaire de R2 dans lui-même peut être
décrite, par exemple, par sa matrice dans la base canonique. C’est une matrice carrée d’ordre 2. Elle
contient donc quatre coefficients réels.
Une application linéaire (sur C) de C dans lui-même est, elle, de la forme z 7! az, elle est donc
définie par un nombre complexe unique, ou, si l’on préfère, par deux nombres réels.
Identifions R2 à C en envoyant les vecteurs de la base canonique sur 1 et i. Il faut faire un peu
attention en parlant d’applications linéaires : il y a des applications linéaires sur R (un espace vectoriel
réel de dimension 4) et des applications linéaires sur C (un espace vectoriel complexe de dimension
1).
Les applications C-linéaires sont, en particulier, des applications R-linéaires. Si a = u + iv, l’appli-
cation z 7! az s’écrit, en termes réels
(x y)
 7;;;! (Ré(a(x + iy)) Im(a(x + iy))) = (ux
 ; vy vx + uy):

u ;v
La matrice de cette application linéaire est donc . Inversement, on peut caractériser les
v u
matrices des applications C-linéaires parmi celles des applications R-linéaires comme les matrices de
cette forme.

Fonctions holomorphes et équations de Cauchy-Riemann


Définition 2.1.1. Soit U un ouvert de C. Une fonction f : U ! C est dérivable au sens complexe en
z 2 U si la limite
f (z + h) ; f (z)
f 0 (z) = lim
h!0 h
20 CHAPITRE 2. FONCTIONS HOLOMORPHES

existe. Si cette limite existe pour tout point z de U et si la fonction f 0 : U ! C qu’elle définit est
continue sur U, on dit que f est holomorphe sur U .

La condition d’existence de la limite s’écrit aussi :

f (z + h) ; f (z) = f 0 (z) h + α(h) jhj où lim α(h) = 0:


h!0

On remarquera que c’est exactement la définition d’une fonction différentiable : un terme linéaire plus
des termes qui tendent vers 0 assez vite. . . à cela près que le terme linéaire est un terme C-linéaire.
Comme on l’a fait ci-dessus pour les applications linéaires, on peut caractériser les fonctions déri-
vables au sens complexe parmi les fonctions différentiables en un point de R2 . Ecrivons donc C = R2
et rappelons ce qu’est une fonction différentiable, au sens usuel, de U dans C :
p2
f (x + k y + `) ; f (x y) = a k + b ` + β(k ) ` k + `2 avec lim β(k `) = 0:
(k`)!0
Ici a et b sont des nombres complexes, a = ∂ f =∂x(x y), b = ∂ f =∂y(x y) parce que f est à valeurs dans
C, mais l’application linéaire
(k ) ` 7;;;! (a k b ` )
est R-linéaire. L’application f sera dérivable au sens complexe si elle est différentiable et si
∂f ∂f
k + ` = f 0 (z)(k + i`):
∂x ∂y
Ceci peut s’écrire
∂f ∂f
f 0 (z) = (x y) i f 0 (z) = (x y)
∂x ∂y
ou, de façon équivalente
∂f ∂f
∂x
+ i
∂y
=0 :

On peut aussi considérer que l’espace d’arrivée de f est R2 plutôt que C, c’est-à-dire écrire
f (x y) = P(x y)+ iQ(x y) où P et Q sont des fonctions de R2 dans R. Alors
∂f
∂x
= ∂P
∂x
+ i
∂Q
∂x

∂f
∂y
= ∂P
∂y
+ i
∂Q
∂y
:

L’équation ci-dessus devient


∂P ∂Q ∂Q ∂P

;
∂x ∂y
+ i +
∂x ∂y
=0 :

Cette équation est en fait composée de deux équations réelles, les célèbres équations de Cauchy-
Riemann :
∂P ∂Q ∂Q ∂P
∂x
= ∂y

∂x
= ;
∂y
:

En conclusion :

Proposition 2.1.2. Pour que f : U ! C soit dérivable au sens complexe en un point, il faut et il suffit
qu’elle y soit différentiable comme fonction de deux variables réelles et que ses dérivées partielles en
ce point vérifient les équations de Cauchy-Riemann.
2.1. DÉFINITION DES FONCTIONS HOLOMORPHES 21

Propriétés des fonctions holomorphes. On démontre facilement :

Proposition 2.1.3. Si U est un ouvert de C, l’ensemble des fonctions holomorphes sur U est une
algèbre sur C. De plus, si λ 2 C et si f et g sont holomorphes sur U,
(1) (λ f )0 = λ f 0,
(2) ( f + g)0 = f 0 + g0,
(3) ( f g)0 = f 0 g + f g0 .
(4) Si de plus f ne s’annule pas sur U, 1= f est holomorphe sur U et

1 0 f0
f
= ;
f2
:

Si f est holomorphe sur U et si g est holomorphe sur un ouvert U0 et prend ses valeurs dans U, alors
f g est holomorphe sur U 0 et
( f g)0 = ( f 0 g) g0:
Remarque 2.1.4. La composée de deux fonctions holomorphes est une fonction holomorphe, affirme
l’énoncé précédent. On sait que la composée de deux applications de classe C1 est une application
de classe C 1 . On utilisera en particulier le cas où f est holomorphe sur U et où g est une fonction
de classe C 1 d’un ouvert I de R dans U. Alors, f g est C 1 sur I et sa dérivée (comme fonction de
variable réelle) s’exprime par la formule
( f g)0 = ( f 0 g)
g0 :

Formulation géométrique. Tous les élèves de terminale savent qu’une application C-linéaire de C
dans lui-même (z 7! az) est une similitude (si elle n’est pas nulle). Ceci se traduit ici par « les fonctions
holomorphes conservent les angles ». Précisons le sens de cette phrase. On suppose que γ1 et γ2 sont
deux courbes de classe C 1 dessinées dans un ouvert U de C qui se coupent en un point z0 de U :
0 1] ;;γ;1! U 0 1] ;;γ;2! U avec γ1(t0) = γ2(t0) = z0:
t 7;;;! γ1 (t ) t 7;;;! γ2 (t )

γ2
f  γ2
z0
f (z0)
γ1
f  γ1
U

f (U )

Figure 1

On suppose aussi qu’elles ont un vecteur tangent en z0 , c’est-à-dire qu’on a


dγ1
dt
(t0 ) 6= 0 et
dγ2
dt
(t0) 6= 0:
22 CHAPITRE 2. FONCTIONS HOLOMORPHES

On regarde maintenant leurs images par une fonction holomorphe f : U ! C, les deux courbes
f γ1 et f γ2 dessinées dans f (U ). Elles se coupent en f (z0 ). Leurs vecteurs tangents en ce point
vérifient l’égalité 
d 0
( f γ1)(t0) = ( f γ1)(t0) dt (t0):
dγ1
dt
On a bien sûr
( f 0 γ1)(t0) = f 0(z0 ):
On voit ainsi que le vecteur tangent à la courbe f γ1 est l’image par l’application linéaire « multipli-
cation par f 0 (z0 ) » du vecteur tangent à γ1 . De même pour le vecteur tangent à f γ2 . Si on suppose que
f 0 (z0 ) n’est pas nul, cette application linéaire est une similitude et donc l’angle des courbes images
f γ1 et f γ2 est le même que celui des courbes originelles.
Exemple 2.1.5. Les droites parallèles à l’axe des x sont orthogonales aux droites parallèles à l’axe
des y. L’exponentielle envoie l’une de ces familles de droites sur la famille des cercles centrés en 0 et
l’autre sur la famille des demi-droites issues de l’origine (figure 3 du chapitre 1). Chacune des demi-
droites est bien orthogonale à chacun des cercles. Voir aussi l’exercice 2.4.11. . . et revoir l’exercice
1.5.14.

Holomorphie des fonctions analytiques. La proposition 1.3.1 affirme que les séries entières sont
dérivables au sens complexe. On en déduit que les fonctions analytiques sont holomorphes. La réci-
proque est plus étonnante. C’est elle qu’on démontre dans le paragraphe suivant.

2.2. Analyticité des fonctions holomorphes


Il est remarquable que la dérivabilité au sens complexe implique l’analyticité, c’est-à-dire une pro-
priété encore plus forte que la dérivabilité de tous ordres.
Théorème 2.2.1 (Cauchy). Soit f une fonction holomorphe sur le disque ouvert de centre z0 et de
rayon ρ. Alors
– le nombre Z
an = f (reit + z0 )e;int dt
1 2π
n
2πr 0
ne dépend pas du choix de r < ρ,
– la série entière ∑ an zn a un rayon de convergence au moins égal à ρ
– et on a l’égalité
f (z) = ∑ an (z ; z0 )n pour jz ; z0 j < ρ:
n 0

Démonstration. On commence par faire un changement de variable pour se ramener au cas où z0 = 0,


ce qu’on suppose désormais.
Soit z un point du disque ouvert de rayon ρ et soit r tel que jzj < r < ρ. Considérons la fonction
g : 0 1] ! C définie par
Z f (1 ; λ)z + λreit ] ; f (z) it
g(λ) =

re dt :
0 reit ; z
La fonction de (λ t ) figurant dans l’intégrale est continue et différentiable (z est fixé et le dénomina-

Z
teur ne s’annule pas) donc g est continue, dérivable et sa dérivée est donnée par

g0 (λ) = f 0 (1 ; λ)z + λreit ]reit dt :


0
2.2. ANALYTICITÉ DES FONCTIONS HOLOMORPHES 23

Mais l’expression figurant dans cette dernière intégrale est nulle : c’est la dérivée par rapport à t de

F (t ) = f (1 ; λ)z + λreit ]


1
λi
qui est périodique de période 2π. Ainsi, pour λ 6= 0,

g0 (λ) = F (2π) ; F (0) = 0:

Comme sa dérivée est identiquement nulle sur ]0 1], g est constante sur 0 1]. Comme g(0) = 0, la
constante est nulle. En particulier g(1) = 0, ce qui s’écrit
Z f (reit ) ; f (z) it
re dt = 0

0 reit ; z
ou encore
Z reit
Z reit
f (z) dt = f (reit )dt :
2π 2π

0 reit ; z 0
it
re ; z
Rappelons-nous maintenant que r > jzj donc

reit  z n
reit ; z
= 1 + rezit + + reit
+
et cette série converge normalement pour tout t 2 R. On peut l’intégrer terme à terme, ce qui donne
Z reit
dt = 2π:

0 reit ; z

Enfin, la fonction de variable réelle f (reit ) est bornée, donc on peut aussi intégrer terme à terme son
produit avec le développement en série ci-dessus. On obtient ainsi l’égalité
Z reit
Z f (reit )
2π f (z) = f (reit )dt = ∑ zn
2π 2π
dt
0 reit ; z n 0 0 rn eint

soit, avec les notations de l’énoncé :


f (z) = ∑ an zn :

Ceci étant dit, la démonstration est terminée : le fait que an ne dépend pas de r est conséquence de
l’unicité du développement en série entière.

La démonstration précédente contient un résultat utile :

Corollaire 2.2.2 (Formule de Cauchy)


Z reit
f (z) = f (reit )dt :
1 2π

2π 0 reit ; z

Un autre résultat remarquable contenu dans le théorème de Cauchy (théorème 2.2.1) est le suivant :

Corollaire 2.2.3. Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert U de C et soit z0 un point de U . La
fonction f est somme de sa série de Taylor en z0 sur tous les disques de centre z0 contenus dans U .
24 CHAPITRE 2. FONCTIONS HOLOMORPHES

Les inégalités de Cauchy. Le théorème précédent, qui calculait les coefficients de la série de Taylor
de la fonction holomorphe f , permet donc d’exprimer les dérivées successives de f en z0 par les
intégrales
1 (n) 1 2π f (reit + z0 )
Z
f (z0 ) = dt :
n! 2π 0 rn eint
On en déduit par une simple majoration :

Proposition 2.2.4 (Inégalités de Cauchy). Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert U de C.
Soit z0 2 U et soit r > 0 tel que le disque fermé de centre z0 et de rayon r soit contenu dans U. Pour
tout entier n, on a l’inégalité
   
 f (z0 )
1 ( n )  r;n sup f (z0 + reit ) :
n! t 202π]

Z 2π Z
Démonstration. Utilisons les notations du théorème précédent. Il faut majorer les janj. Mais
  
1  f (reit + z0)  ; n 1
2π  f (reit + z ) 
 int 0  dt
2π 
dt   r
Z
n
r e int 2π 0 e
0

;n 1 2π 
 f (reit + z0 ) dt
r
2π 0
 
r
; n
sup  f (reit + z0 ) :
t 202π]

On peut démontrer un résultat un peu plus précis :

Proposition 2.2.5. Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert U de C. Soit z0 un point de U et
soit r > 0 tel que le disque fermé de centre z0 et de rayon r soit contenu dans U. Alors on a
 2 Z
1 2π  2
∑  n! f (z0 ) r = 2π 0 f (z0 + reit ) dt
 
1 (n) 2n
:
n 0

Z
Remarque 2.2.6. Comme
 2  2
f (z0 + reit ) dt f (z0 + reit )
1 2π
 sup 
2π 0 t 202π]

cette égalité implique les inégalités de Cauchy.

Démonstration. Il s’agit d’une simple application de la formule de Parseval à la série

f (z0 + reit ) = ∑ n! f (n)(z0 )rn eint


1
n 0

(qui converge uniformément en t). Pour ceux qui ignoreraient cette formule, voici une démonstration
(équivalente !).
Comme U est ouvert, on peut inclure le disque fermé dans un disque ouvert de rayon ρ > r qui soit
encore contenu dans U. D’après le théorème de Cauchy (théorème 2.2.1), la série de Taylor de f a un
rayon de convergence au moins égal à ρ et converge uniformément sur le disque fermé de centre z0 et
de rayon r. On peut donc écrire

f (z0 + reit ) = ∑ n! f (n)(z0 )rn eint


1
:
n 0
2.3. LES GRANDS THÉORÈMES SUR LES FONCTIONS HOLOMORPHES 25

On calcule ensuite
 ! !
 
f (z0 + reit ) = ∑ f (n)(z0 )rn eint ∑ m! f (m)(z0 )rm e;imt
2 1 1
n! n 0 m 0
1 (n)
= ∑ n!m! f (z0 ) f (m) (z0 )rn+m ei(n;m)t :
nm 0

Si on intègre les deux membres sur 0 2π] en remarquant que


Z 2π i(n;m)t 8< R02π dt h= 2π i


si n = m
dt =
e
: i(n;1 m) ei(n;m)t = 0 par périodicité si n = m

0 6
0
on obtient
Z  2 +∞ 2   
 f (n)(z0 )2 = +∞  1 f (n)(z0 )2 r2n
f (z0 + reit ) dt = ∑
1 2π 1 n
r ∑  n!  :
2π 0 n=0 n! n=0

2.3. Les grands théorèmes sur les fonctions holomorphes


Le théorème de Liouville. En plus d’être un résultat remarquable et intéressant en lui-même, le
théorème de Cauchy (théorème 2.2.1) a de nombreuses conséquences spectaculaires.
On appelle les fonctions holomorphes sur C tout entier (comme les polynômes, l’exponentielle,
etc.) des fonctions entières.
Théorème 2.3.1. Toute fonction entière et bornée est constante.
Démonstration. C’est une application simple des inégalités de Cauchy (proposition 2.2.4). Supposons
que la fonction f soit entière et bornée. Soit M un majorant de j f j. D’après les inégalités de Cauchy
(en z0 = 0)  
 f (0)  Mr;n pour tout r
1 ( n )
n!
donc f (0) = 0 pour tout n  1 et le développement de Taylor de f en 0 est réduit à son terme
( n)

constant. Comme f est holomorphe, elle est somme de sa série de Taylor en 0 sur un voisinage de 0,
donc constante au voisinage de 0. Le principe du prolongement analytique (théorème 1.2.4) dit alors
que f est constante sur C.
Le corollaire le plus célèbre est le soi-disant « théorème fondamental de l’algèbre », qui dit que C
est un corps algébriquement clos, c’est-à-dire que les polynômes irréductibles sur C sont les poly-
nômes de degré 1 :
Corollaire 2.3.2 (Théorème de d’Alembert-Gauss). Soit P 2 CX ] un polynôme. Si P n’a pas de
racine dans C, alors il est constant.
Démonstration. Supposons que P soit un polynôme sans racine. Alors 1=P est une fonction entière.
Montrons qu’elle est bornée. Si n est le degré de P, on a
an;1

P(z) = z an + + + zn
n a0
z
avec an 6= 0, donc limjzj!+∞ jP(z)j = +∞. On peut donc trouver un disque fermé D tel que
– en dehors de D, la fonction 1= jPj est bornée (parce que jPj tend vers +∞)
– dans D, elle est bornée aussi (parce qu’elle est continue et D compact).
Comme 1=P est entière et bornée, elle est constante, ainsi P est constant et donc de degré 0.
26 CHAPITRE 2. FONCTIONS HOLOMORPHES

On trouvera une autre démonstration (peut-être moins mystérieuse) de ce théorème dans les exer-
cices du chapitre 3.

Le principe du maximum. Il s’agit du résultat remarquable suivant :

Théorème 2.3.3 (Principe du module maximum). Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert
connexe U de C. Si j f j admet un maximum local en z0 2 U, alors f est constante.

Démonstration. On applique l’inégalité de Cauchy correspondant à n = 0. On a donc :


 
j f (z)j  sup f (z + reit )
t 202π]

pour tout z dans U et tout r > 0 tel que le disque fermé de centre z et de rayon r soit contenu dans U .
Supposons maintenant que j f j admette un maximum local en z0 . On aura j f (z0 )j  j f (z)j pour tout
z dans un voisinage de z0 et en particulier sur un disque fermé de centre z0 et de rayon suffisamment
petit. Sur un tel disque, l’inégalité de Cauchy ci-dessus est donc forcément une égalité.
Examinons le cas d’égalité :
 
j f (z0 )j = sup f (z0 + reit ) :
t 202π]

Le raffinement des inégalités de Cauchy exprimé par la proposition 2.2.5 implique que toutes les
dérivées successives de f en z0 sont nulles. Donc f , qui est somme de sa série de Taylor en z0 au
voisinage de z0 est constante au voisiange de z0 et donc (principe du prolongement analytique 1.2.4),
elle est constante sur l’ouvert connexe U .
Le principe du maximum oblige le module d’une fonction holomorphe non constante à ne pas avoir
de maximum local sur un ouvert connexe. Mais une fonction holomorphe est continue, et, pour peu
qu’elle soit définie un peu au-delà de l’ouvert considéré et que celui-ci soit borné, son module va avoir
un maximum sur l’adhérence. Ce maximum va donc forcément être atteint sur le bord. Ce qu’affirme
en termes plus précis le corollaire suivant.

Corollaire 2.3.4 (Principe du module maximum, deuxième version)


Soit U un ouvert connexe et borné dans C. Soit f une fonction définie et continue sur l’adhérence
U de U et holomorphe sur U. Soit M le maximum de j f j sur la frontière de U. Alors on a
 j f (z)j  M pour tout z 2 U

 si j f (z0 )j = M pour un z0 2 U, f est constante sur U.

Démonstration. La frontière de U est une partie compacte de C, ce qui fait que la fonction continue
f y a un maximum. D’où l’existence de M. Appelons M0 le maximum de j f j sur U, qui existe pour
j j

la même raison.
– Si un des points z0 où le maximum est atteint est dans l’ouvert U, f est constante sur U d’après
la première version du principe du maximum (théorème 2.3.3), donc f (z) = f (z0 ) pour tout z de
U . Comme f est continue sur U, on a aussi f (z) = f (z0 ) pour tout z de U et en particulier les
deux assertions de l’énoncé.
– Si aucun des points où le maximum est atteint n’est dans U , appelons z0 un de ces points (z0 2
U ; U ). On a, pour tout z dans U ,
j f (z)j < j f (z0 )j :
On a évidemment M  M0 en général, mais ici j f (z0 )j = M0 = M. En particulier
j f (z)j  j f (z0 )j = M pour tout z 2 U 
2.4. EXERCICES 27

ce qui est la première assertion à démontrer. De plus j f (z)j 6= M pour tout z dans U donc la
deuxième est automatique.

2.4. Exercices
2.4.1. Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert connexe U de C.
(1) On suppose que f 0 est identiquement nulle sur C. Que peut-on dire de f ?
(2) On suppose qu’en tout point z de U , on a f (z) = 0 ou f 0 (z) = 0. Que peut-on dire de f ?

2.4.2. On définit les « opérateurs différentiels » (s’appliquant à des fonctions de classe C 1 de R2 dans
C)
1 ∂ ∂
 1 ∂ ∂

∂= ;i et ∂ = + i ∂y :
2 ∂x ∂y 2 ∂x
 U  C = R2 et à valeurs dans C. Montrer que
Soit f une fonction de classe C 1 définie sur unouvert
f est holomorphe en z0 2 U si et seulement si ∂ f (z0 ) = 0. Que vaut (∂ f )(z0 ) dans ce cas ?

2.4.3. Parmi les fonctions suivantes de R2 dans C, lesquelles sont dérivables au sens complexe ?
(1) x4 y5 + ixy3,
(2) y2 sin x + iy,
(3) sin2 (x + y)+ i cos2(x + y),
(4) ; 6(cos x + i siny)+(2 ; 2i)y3 + 15(y2 + 2y).

2.4.4. Quelles sont toutes les fonctions holomorphes sur C dont la partie réelle est la fonction
z = x + iy 7;;;! 2xy?

2.4.5. Construire une fonction f : C ! C, polynomiale en x et y, telle que l’ensemble des z en


lesquels f est dérivable au sens complexe soit la réunion
0
f gf z j jzj = 1g
et telle que f 0 (0) = 0.

2.4.6. Pour chacune des fonctions u : C ! R suivantes, trouver une fonction v : C ! R telle que
u + iv soit holomorphe.
(1) u(x + iy) = 2x3 ; 6xy2 + x2 ; y2 ; y,
(2) u(x + iy) = x2 ; y2 + e;y sin x ; e;y cos x:

2.4.7. Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert connexe U de C. On suppose que la partie réelle
de f est constante. Montrer que f est constante.

2.4.8. La fonction f définie sur C ; f0g par f (z) =


1
est-elle holomorphe ? Quelle est sa différen-
z
tielle ? Montrer que f conserve les angles non orientés.

2.4.9. Montrer que z 7! jzj2 n’est pas holomorphe, de même que Ré z, Imz.

2.4.10. Est-ce qu’une fonction holomorphe sur un ouvert non vide U de C peut ne prendre que
des valeurs réelles ? Est-ce que son image peut être contenue dans une droite (réelle, c’est-à-dire
d’équation y = ax + b, a, b 2 R) ?
28 CHAPITRE 2. FONCTIONS HOLOMORPHES

2.4.11. Dessiner les images des droites parallèles aux axes par la fonction z 7! z2 .

2.4.12. Dessiner les images des cercles centrés en 0 et des demi-droites (ouvertes) issues de l’origine
par

z+
1 1
z 7;;;! :
2 z

2.4.13. Montrer que la fonction f (z) =1 est holomorphe au voisinage de 0. Soit f (z) =
1
; z ; z2
∑n 0 anzn son développement en série entière en 0. Montrer que les coefficients an vérifient
a0 = a1 = 1 et an = an;1 + an;2 pour n  2:
Quel est le rayon de convergence de cette série entière ?

2.4.14. Soit f une fonction entière qui tend vers l’infini quand z tend vers l’infini. Montrer que f
s’annule en un nombre fini de points α1  : : :  αN . Considérer
f (z)
g(z) =
(z ; α1 ) (z ; αN )
et montrer que f est un polynôme.

2.4.15. Soient f et g deux fonctions entières. On suppose que


j f (z)j  jg(z)j pour tout z:
Quelle conclusion peut-on en tirer ?

2.4.16. On donne deux nombres positifs A et α. Déterminer toutes les fonctions entières qui vérifient
j f (z)j  A exp (α Ré(z))
pour tout z de module assez grand.

2.4.17. Soit f une fonction entière. On suppose qu’il existe des réels positifs A, B et a tels que
j f (z)j  A + B jzja
pour tout z de module assez grand. Montrer que f est un polynôme.

2.4.18. Trouver toutes les fonctions entières f vérifiant


j f (z)j = jzj2 :

2.4.19. Soit c un nombre réel strictement positif. Existe-t-il une fonction f holomorphe sur un ouvert
U contenant 0 telle que
j f (z)j = jzj2 + c?

2.4.20. Soit f une fonction entière non bornée. On veut montrer que son image est dense dans C.
On suppose au contraire qu’il existe un disque ouvert centré en w0 qui ne rencontre pas f (C). Que
peut-on dire de la fonction 1=( f (z) ; w0 ) ? Conclure.
2.4. EXERCICES 29

2.4.21. Le lemme de Schwarz. On appelle D le disque unité ouvert. Soit f une fonction holomorphe
sur D. On suppose que f (0) = 0 et que j f (z)j < 1 pour tout z dans D ( f envoie D dans lui-même et
fixe 0).
Montrer que z 7! f (z)=z définit une fonction holomorphe sur D. Soit r 2]0 1. Montrer que
 
 f (z)  <
1
pour jzj  r:
z r
En déduire que
j f (z)j  jzj pour tout z dans D:
Supposons maintenant qu’il existe un z0 non nul tel que j f (z0 )j = jz0 j. Montrer qu’il existe un
nombre complexe λ de module 1 tel que f (z) = λz pour tout z 2 D.

2.4.22. Soit f une fonction continue sur le disque fermé de centre 0 et de rayon 1, analytique sur le
disque ouvert et nulle sur le demi-cercle
fz 2 C j jzj = 1 Im(z)  0g :
Montrer que f est nulle (on pourra considérer z 7! f (z) f (;z)).

2.4.23. Automorphismes du disque unité. On utilise les notations (et le résultat) de l’exercice
2.4.21. On appelle automorphisme de D une bijection holomorphe dant l’application réciproque est
holomorphe. Le but de cet exercice est de déterminer tous les automorphismes du disque D.
(1) Déterminer les automorphismes de D qui fixent 0.
(2) Soient a, b 2 C tels que jaj2 ; jbj2 = 1. Montrer que fab , définie par
az + b
fab (z) =
bz + a


est un automorphisme de D.
(3) Montrer que, pour tout w 2 D, il existe des nombres complexes a et b tels que
j j a 2 ; jbj2 = 1 et fab (w) = 0:

(4) Déterminer tous les automorphismes de D.

2.4.24. Soit H le demi-plan des nombres complexes de partie imaginaire strictement positive et soit
f : H ! C une fonction continue, bornée, et dont la restriction à H est holomorphe. On suppose de
plus que j f (z)j  1 quand z est réel. On veut montrer que la même inégalité est vraie pour tous les
éléments de H.
(1) Soit t un réel strictement positif. On considère la fonction g définie par
f (z)
g(z) =
i + tz
:

Montrer qu’elle est continue sur H et holomorphe sur H.


(2) Montrer que jg(z)j  1 pour z réel et que limjzj!+∞ jg(z)j = 0.
(3) Montrer que jg(z)j  1 pour tout z dans H. En déduire que j f (z)j  1 pour tout z dans H.
(4) L’hypothèse que f est bornée est-elle vraiment nécessaire ?
30 CHAPITRE 2. FONCTIONS HOLOMORPHES

2.4.25. Théorème de l’application ouverte.


(1) Montrer que si f est une fonction analytique sur un ouvert U de C alors f définit une application
ouverte U ! C (i.e. l’image par f de tout ouvert de U est un ouvert de C). En particulier, f (U )
est un ouvert de C. Pour cela, montrer que pour tout z0 2 U il existe un disque ouvert de centre
z0 sur lequel on a
f (z) = f (z0 )+ ϕ(z)m
où m est un entier et ϕ une fonction holomorphe telle que ϕ0 (z0 ) 6= 0.
(2) On suppose de plus que f est injective, donc induit une bijection U ! f (U ). Montrer qu’alors
sa dérivée f 0 ne s’annule en aucun point de U et que la bijection réciproque de f est holo-
morphe.
CHAPITRE 3

INTÉGRALES CURVILIGNES, PRIMITIVES

On s’intéresse maintenant au problème des primitives des fonctions holomorphes. Il devrait déjà
être clair que ce n’est pas un problème facile : la fonction z 7! 1=z est holomorphe sur C ; f0g mais
on a bien compris qu’elle ne possédait pas de primitive sur cet ouvert (voir la discussion page 10 et
suivantes).
Dans le cas où f est une fonction réelle de variable réelle (disons, continue), pour trouver une
primitive de f , on fixe un x0 et on définit
Z
F (x) = f (t )dt :
x

x0
On peut essayer une tactique analogue dans le cas complexe : on fixe z0 2 U, on choisit un chemin γ
de z0 à z et on calcule Z
F (z) = f (w)dw
γ
. . . tout irait bien si cette intégrale ne dépendait pas du choix du chemin γ utilisé. Il n’en est, hélas,
rien. Mais la considération de ces intégrales « curvilignes » est riche de conséquences, on va le voir
dans ce chapitre et le suivant.

3.1. Intégration le long des chemins


On appellera chemin une application continue γ : a b] ! C définie sur un intervalle fermé de R, de
classe C 1 par morceaux et à dérivée bornée. Cette condition signifie qu’il existe des nombres c1  : : :  ck
tels que a = c0 < c1 < < ck < ck +1 = b, que γ soit de classe C sur ]ci  ci+1 et qu’il existe un réel
1

M tel que jγ0 (t )j soit majoré par M. En particulier, l’intégrale


Z  0 
γ (t ) dt
b

a
existe. On l’appelle la longueur du chemin γ.
Si le chemin « se referme » (c’est-à-dire si γ(a) = γ(b)) on dit que c’est un lacet.
On notera que je désigne ici par « chemins » ou « lacets » des applications, c’est-à-dire des chemins
et lacets paramétrés.
Exemples 3.1.1
(1) Le cercle de centre z0 et de rayon r, paramétré par
C(z0  r) : 0 2π] ;;;! C
t 7;;;! z0 + reit
est un lacet. Dans la suite, on utilisera la notation C(z0  r) pour désigner ce paramétrage du
cercle.
32 CHAPITRE 3. INTÉGRALES CURVILIGNES, PRIMITIVES

(2) Si α et β sont deux points fixés dans C, le chemin


0 1]
 ;;;! C
t 7;;;! α + t (β ; α)
est un paramétrage du segment α β].

Si f : U ! C est une fonction continue et si γ : a b] ! U est un chemin, on peut intégrer f sur γ.
Par définition,
Z Z
f (z)dz = f (γ(t ))γ0 (t )dt :
b

γ a
J’insiste, je n’ai pas défini d’« intégrale complexe » dans aucun sens, mais simplement remarqué
que la fonction
t 7;;;! f (γ(t ))γ0 (t )
étant continue par morceaux sur a b], y était intégrable comme fonction de variable réelle et j’ai
défini l’intégrale de f (z)dz le long du chemin comme l’intégrale de cette fonction de variable réelle.

Exemples 3.1.2
(1) Intégrons par exemple la fonction z 7! f (z)=(z ; z0 )n+1 sur le cercle C(z0  r). Comme il est
paramétré par C(z0  r)(t ) = z0 + reit , on a C(z0  r)0 (t ) = ireit et
Z f (z)
Z f (z0 + reit ) it
Z f (z0 + reit )
dz = ire dt = i
2π 2π

C(z0r) (z ; z0 )
n+1
dt :
0 rn+1 ei(n+1)t 0 rn eint
Ce nombre est, d’après le théorème de Cauchy (théorème 2.2.1), justement 2iπan , où an est le
n-ième coefficient de la série de Taylor de f en z0 .
L’essentiel de ce chapitre vise à généraliser le fait, affirmé par le théorème de Cauchy, que
cette intégrale ne dépend pas du rayon r du cercle sur lequel elle est calculée.
(2) Considérons maintenant la fonction z 7! 1=z. Elle est holomorphe, donc continue sur C ; f0g.

Z Z
Intégrons-la sur le cercle unité :

=
dz 2π 1 it
ie dt
C(01) z
Z 0 eit

= 0

idt
= 2iπ :

Établissons maintenant une liste de propriétés de ces intégrales. Pour m’excuser d’avoir appelé
« chemin » un chemin paramétré plutôt qu’un chemin géométrique, je commence par signaler que
l’intégrale, elle, ne dépend que du « chemin géométrique » orienté.

Proposition 3.1.3. Soit ϕ : a0  b0 ] ! a b] une bijection croissante de classe C 1 . Alors
Z Z
f (z)dz = f (z)dz:
γϕ γ

Une bijection croissante et C 1 n’est autre qu’un changement de paramétrage du chemin géomé-
trique γ, la croissance impose que les deux chemins paramétrés soient parcourus dans le même sens.
Il s’agit donc bien d’un chemin non paramétré mais orienté.
3.1. INTÉGRATION LE LONG DES CHEMINS 33

Démonstration. Le chemin δ = γ ϕ est un chemin a0  b0 ] ! U et


Z b0 Z b0
f (δ(t ))δ0 (t )dt = f (γ(ϕ(t )))γ0 (ϕ(t ))ϕ0 (t )dt
a 0

Za 0

= f (γ(u))γ0 (u)du
b

en faisant le changement de variable u = ϕ(t ).

On décrit maintenant ce qui se passe pour le même chemin géométrique, mais parcouru dans l’autre
sens. Si γ : a b] ! U est un chemin, soit γ? le chemin défini par γ? (t ) = γ(a + b ; t ).

Proposition 3.1.4
Z Z
f (z)dz = ; f (z)dz:
γ? γ

Démonstration. Comme pour la proposition précédente, il suffit de faire le changement de variable


indiqué (ici u = a + b ; t) dans l’intégrale :
Z Z
f (z)dz = f (γ? (t ))(γ? )0 (t )dt
b

γ? a
Z
= f (γ(a + b ; t ))γ0 (a + b ; t )dt
b

Z
;
a

= f (γ(u))γ0 (u)du:
b
;
a

On peut aussi « composer » les chemins, comme sur la figure 1, c’est-à-dire suivre γ1 puis γ2 (si
l’extrémité de γ1 coïncide avec l’origine de γ2 ).
γ2

γ(a) γ(c)

γ1

γ(b)

Figure 1

Proposition 3.1.5. Soient γ : a b] ! U un chemin, c 2]a b et soient γ1 = γjac] , γ2 = γjcb] . Alors
Z Z Z
f (z)dz = f (z)dz + f (z)dz:
γ γ1 γ2

C’est évident.
34 CHAPITRE 3. INTÉGRALES CURVILIGNES, PRIMITIVES

Remarquons maintenant que


Z  Z
 f (z)dz 
b
j

f γ(t )j γ0 (t ) dt

γ a
Z  0 
sup j f γ(t )j γ (t ) dt
b
 
t 2ab] a

la dermière intégrale n’étant autre que la longueur du chemin (géométrique) γ.

On en déduit :

Proposition 3.1.6. Si ( fn )n2N est une suite de fonctions continues U ! C convergeant uniformément

Z Z
vers une fonction f sur les compacts de U, alors

lim fn (z)dz = f (z)dz:


n!+∞ γ γ

Démonstration. On applique l’inégalité précédente à la fonction f ; fn . On en déduit le résultat (dont


on remarquera qu’il s’applique aux séries).

Les fonctions f intégrées jusqu’ici étaient seulement supposées continues. Revenons maintenant à
nos fonctions favorites et supposons que f est holomorphe.

= F0 , alors
Z
Proposition 3.1.7. Si F : U ! C est une fonction holomorphe et si f

f (z)dz = F (γ(b)) ; F (γ(a)):


γ

Démonstration. La fonction F γ est une primitive de la fonction à intégrer ( f γ) γ0 .

Un corollaire immédiat de cette proposition quasi-évidente est très important :

Corollaire 3.1.8. Si γ est un lacet dans U et si f admet une primitive holomorphe sur U, alors l’inté-
grale de f sur γ est nulle.

Exemples 3.1.9
(1) Soit γ le cercle unité. Alors on a
Z
zm dz = 0 pour m  0:
γ

En effet F (z) = zm+1 =(m + 1) est une fonction holomorphe sur C dont zm est la dérivée et γ est
un lacet.
(2) Sur le même lacet, on a
Z dz
γ z
= 2iπ

comme on l’a vu en 3.1.2. Il n’existe donc aucun ouvert contenant le cercle unité et sur lequel la
fonction 1=z possède des primitives. Ceci est cohérent avec ce que nous savons des logarithmes
complexes. Voir les pages 10 et suivantes.
3.2. HOMOTOPIE DES CHEMINS ET INTÉGRALES DE FONCTIONS HOLOMORPHES 35

3.2. Homotopie des chemins et intégrales de fonctions holomorphes


On va montrer maintenant que l’intégrale d’une fonction holomorphe sur un chemin tracé dans
U ne change pas quand on « déforme » ce chemin dans U. Ce sera plus précis dans l’énoncé 3.2.3
ci-dessous.
Avant de pouvoir l’énoncer, il faut définir ce que veut dire « déformer ». Un chemin est paramétré
par un segment, deux chemins le sont par deux segments, dans la déformation on considère que ces
deux segments sont deux côtés parallèles d’un carré et que la « déformation » est une application
définie sur tout le carré (figure 2).

(0 1) (1 1)

(0 0) (1 0)

∂Γ

Figure 2

Soit Γ : 0 1]2 ! C une application de classe C 1 (un « carré »). On va intégrer les fonctions sur le
« bord » de ce carré, c’est-à-dire sur un chemin paramétré image par Γ d’un paramétrage du bord de
0 1]2. On peut par exemple paramétrer le bord par
β : 0 4] ;;;! R2
où β est affine sur chacun des intervalles k k + 1] (k = 0 : : :  3) et que β(0) = β(4) = 0.
On en déduit par composition un lacet C 1 par morceaux
∂Γ = Γ β : 0 4] ;;;! C
qu’on appelle bord de Γ et qu’on note ∂Γ (voir la figure 2). ; 
Si maintenant f est une fonction définie au voisinage du bord Γ 0 1]2;]0 12 ,
Z Z Z Z Z
f (z)dz = f (z)dz + f (z)dz ; f (z)dz ; f (z)dz
∂Γ Γ(0) Γ(1) Γ(1) Γ(0)

où Γ(  0) désigne le chemin t 7! Γ(t  0), etc. En effet, ∂Γ est obtenu en « composant » les chemins
apparaissant dans ces intégrales, les signes sont dus au changement de sens. Cette décomposition est
une application directe des propriétés 3.1.3, 3.1.4 et 3.1.5.
Théorème 3.2.1. Pour toute fonction holomorphe et toute application
Γ : 0 1]2 ;;;! U
de classe C 2 , on a Z
f (z)dz = 0:
∂Γ
Remarques 3.2.2
36 CHAPITRE 3. INTÉGRALES CURVILIGNES, PRIMITIVES

(1) L’hypothèse sur f est locale, c’est-à-dire qu’elle se vérifie en chaque point : on demande qu’elle
soit holomorphe. Par contre, la conclusion est globale, il s’agit de l’intégrale sur un lacet.
(2) Il est indispensable que tout le carré soit envoyé par Γ dans l’ouvert U. Par exemple, sur le bord
du carré
;1  Ré (z)  1 ;1  Im(z)  1

l’intégrale de la fonction 1=z n’est pas nulle (exercice). Le carré n’est pas contenu dans C ; f0g,
ouvert où 1=z est holomorphe.
(3) Pour pouvoir dire que Γ est de classe C 2 , il faut qu’elle soit définie sur un ouvert. On suppose
donc ici qu’elle est définie sur un petit voisinage du carré dans R2 . Cette hypothèse (classe C 2 )
n’est pas indispensable pour obtenir le résultat, mais elle simplifie la démonstration (elle est
indispensable dans la démonstration donnée ici) et elle suffit pour toutes les applications.

Démonstration. Si s 2 0 1], on considère le segment t 7! (s t ) dans 0 1]2 et le chemin
γs : 0 1] ;;;! U
t 7;;;! Γ(s t )
ainsi que
δs : 0 s] ;;;! U
u 7;;;! Γ(u 0)
et
δ0s : 0 s] ;;;! U
u 7;;;! Γ(u 1)
(voir la figure 3).

δs
0

(0 1) (1 1)

γ0
γs

(0 0) (s 0) (1 0)
δs
∂Γ

Figure 3

Pour démontrer le théorème (l’intégrale sur le bord de Γ est nulle), on va démontrer que, pour tout s
dans 0 1], l’intégrale sur le bord du petit rectangle défini par s (figure 3) est nulle, c’est-à-dire qu’on
a Z Z Z Z
8 s 2 0 1] f (z)dz ; f (z)dz = f (z)dz ; f (z)dz :
| γs
{z γ0
} | δ0s
{z δs
}
G(s) D(s)
Le théorème est cette formule pour s = 1.
3.2. HOMOTOPIE DES CHEMINS ET INTÉGRALES DE FONCTIONS HOLOMORPHES 37

Calculons maintenant les expressions G(s) et D(s) constituant les deux membres de l’égalité espé-
rée :
Z Z
G(s) = f (z)dz ; f (z)dz
Z γs

γ0
Z ∂
= f (Γ(s t )) (Γ(s t )) dt ; f (Γ(0 t )) (Γ(0 t )) dt
1 1

0 ∂t 0 ∂t
et
Z ∂
Z ∂
D(s) = f (Γ(u 1)) (Γ(u 1)) du ; f (Γ(u 0)) (Γ(u 0)) du:
s s

0 ∂u 0 ∂u
La fonction f est holomorphe et en particulier de classe C 1 , l’application Γ est de classe C 2 , de
sorte que l’application
(s t ) 7;;;! f (Γ(s t )) ∂Γ
∂t
(s t )
est de classe C 1 sur 0 1]2. Donc G est une fonction de classe C 1 de la variable s 2 0 1]. De plus,

Z
pour tout s dans cet intervalle,

 ∂Γ

G0 (s) = f (Γ(s t )) (s t ) dt :
1

0 ∂s ∂t
Pour D, c’est encore plus simple : c’est l’intégrale d’une fonction continue sur 0 s]. Donc D est de
classe C 1 et, pour tout s dans 0 1], on a
∂Γ ∂Γ
D0 (s) = f (Γ(s 1))
( s 1) ; f (Γ(s 0)) (s 0):
∂s ∂s
On va donc évaluer G (s) et montrer que c’est égal à D (s). La fonction de t à intégrer est
0 0

 
∂Γ
= f 0 (Γ(s t )) ∂Γ ∂Γ ∂ Γ 2
f (Γ(s t )) (s t ) (s t ) (s t )+ f (Γ(s t ))
  (s t )  
∂s ∂t ∂s ∂t ∂s∂t
 
= ∂t∂ ∂Γ
f (Γ(s t )) (s t )
∂s
:

On a donc

Z
∂Γ
 
G0 (s) =
f (Γ(s t )) (s t ) dt = D0 (s):
1

0 ∂t ∂s
Les fonctions G et D ont la même dérivée, elles diffèrent donc d’une constante. Mais G(0) =
D(0) = 0 donc G(s) = D(s) pour tout s.

Corollaire 3.2.3. Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert U de C et soit


Γ : 0 1]2 ;;;! C
une application de classe C 2 . On suppose que les chemins
γs = Γ(s ) : 0 1]
 ;;;! U
vérifient l’une des conditions suivantes
(1) Pour tout s, γs est un lacet.
(2) Les extrémités γs (0) et γs (1) ne dépendent pas de s.
Alors Z Z
f (z)dz = f (z)dz:
γ1 γ0
38 CHAPITRE 3. INTÉGRALES CURVILIGNES, PRIMITIVES

Démonstration. Dans le premier cas, on déforme un lacet sur un autre (figure 4), on a Γ(s 0) = Γ(s 1)
pour tout s dans 0 1]. Dans le deuxième cas, on déforme un chemin de α à β en un autre chemin de
α à β (figure 4) et les deux chemins t 7! Γ(t  0) et t 7! Γ(t  1) sont constants. Dans les deux cas,
Z Z
f (z)dz = f (z)dz
Γ(1) Γ(0)
donc le théorème donne
Z Z Z
0= f (z)dz = f (z)dz f (z)dz
Z Z
;
∂Γ ( )
Γ 1 ( ) Γ 0

= γ1
f (z)dz ;
γ2
f (z)dz:

γ1

γ0
ou

γs(0)
s γ0

γ1
γs (1)

Figure 4 : Homotopies

Sous l’une ou l’autre des hypothèses du corollaire, on appelle homotopie de γ0 à γ1 une application
Γ.

3.3. Problèmes de primitives


Revenons maintenant au problème des primitives. Une conséquence simple du corollaire 3.2.3 est
l’illusoire proposition suivante :
Proposition 3.3.1. S’il existe dans l’ouvert connexe U un point z0 tel que deux chemins de z0 à un
point z de U soient toujours homotopes, alors toute fonction holomorphe sur U y admet une primitive
holomorphe.
Démonstration. On remarque d’abord (et c’est là qu’on utilise le corollaire 3.2.3) que, si γ est un
chemin de z0 à z, Z
Fγ (z) = f (w)dw
γ
ne dépend pas de γ. En effet, si γ0 et γ1 sont deux tels chemins, il y a une homotopie de l’un à l’autre
par hypothèse et on applique la deuxième assertion de 3.2.3.
3.3. PROBLÈMES DE PRIMITIVES 39

R
Ainsi la formule F (z) = γ f (w)dw définit bien une fonction sur U. Si h est un nombre complexe
de très petit module, le segment (paramétré) δ joignant z à z + h est contenu dans un petit disque de
centre z contenu dans U . On peut calculer F (z + h) en intégrant f le long d’un chemin de z0 à z suivi
de δ. D’après la propriété 3.1.5,
Z
F (z + h) ; F (z) = f (w)dw

Z
δ
ou encore
F (z + h) ; F (z) f (w) ; f (z)
; f (z) = dw:
h δ h
  Z
On majore le module de cette expression comme au § 3.1 pour trouver

 F (z + h) ; F (z) ; f (z) =  f (w) ; f (z) dw  sup j f (z + th) ; f (z)j
0t 1
R
h δ h
puisque 1 0
0 jδ (t ) dt = 1. Ce dernier terme tend vers 0 quand h tend vers 0. Donc F est holomorphe.
j

Si j’ai qualifié cet énoncé d’« illusoire », c’est parce que dans la pratique, il est très difficile de
démontrer qu’un ouvert vérifie cette hypothèse (il est par contre facile de montrer qu’un ouvert ne la
vérifie pas).
Les ouverts étoilés la vérifient, mais je ne vais pas le démontrer. Par contre, l’argument donné dans
la démonstration s’applique pour démontrer qu’ils vérifient la conclusion.
Proposition 3.3.2. Si U est un ouvert de C étoilé par rapport à un de ses points, toute fonction
holomorphe sur U y admet une primitive holomorphe.

z+h
z

z0

Figure 5

Rappelons qu’un ouvert U est étoilé par rapport à un point z0 si, quand il contient un point z, il
contient tous le segment joignant ce point à z0 . Par exemple, les ouverts convexes sont étoilés par
rapport à tous leurs points. Il y a bien d’autres exemples (les étoiles notamment) parmi lesquels il faut
noter les Uθ, étoilés par rapport aux points de la demi-droite d’argument θ + π.
Démonstration de la proposition. On imite la démonstration de la proposition 3.3.1, mais on n’utilise
que des segments : on définit F (z) comme l’intégrale de f le long du segment joignant z0 à z.
On montre que l’on peut aussi calculer F (z + h) en intégrant sur la ligne brisée z0  z z + h. Si h est
assez petit, le triangle est contenu dans U et on écrit explicitement une homotopie
Γ(s t ) = z0 + s(z ; z0 )+ sth
(figure 5). La fin de l’argument est identique à celle de 3.3.1 où l’on intégrait, comme ici, sur le
segment de z à z + h.
40 CHAPITRE 3. INTÉGRALES CURVILIGNES, PRIMITIVES

Définition 3.3.3. Un ouvert U de C est dit élémentaire si


– il n’est pas vide,
– il est connexe,
– toute fonction holomorphe f : U ! C admet une primitive F : U ! C.
Par exemple, les ouverts étoilés sont élémentaires (c’est exactement ce qu’affirme la proposi-
tion 3.3.2) mais C ; f0g n’est pas élémentaire. La proposition suivante permet de construire d’autres
exemples (voir aussi l’exercice 3.5.9).
Proposition 3.3.4. Soient U et V deux ouverts élémentaires de C. Si U \ V est non vide et connexe,
alors U  V est un ouvert élémentaire.
Remarque 3.3.5. L’hypothèse de connexité de l’intersection est indispensable. On s’en convaincra en
considérant les ouverts étoilés (et donc élémentaires)
U =C ;f x 2 R j x  0g  V =C ;f x 2 R j x  0g
dont la réunion est C ; f0g.
Avant de démontrer la proposition, démontrons un lemme.
Lemme 3.3.6. Soit U un ouvert non vide de C et soit z0 un point de U. L’ouvert U est élémentaire si
et seulement si toute fonction holomorphe sur U possède une unique primitive sur U qui s’annule en
z0 .
Démonstration. Si l’ouvert U satisfait cette propriété, il n’est pas vide, toute fonction holomorphe y
admet une primitive et la connexité est donnée par l’unicité d’une primitive de la fonction nulle qui
prend la valeur 0 en z0 .
Réciproquement, si U est élémentaire, soit f une fonction holomorphe sur U. Elle y admet une
primitive F . Soit F1 = F ; F (z0 ). C’est une primitive de F qui est nulle en z0 . Si F2 est une autre
primitive, F2 ; F1 est localement constante. Comme U est connexe, elle est constante et donc la seule
primitive qui s’annule en z0 est F1 .
Démonstration de la proposition 3.3.4. Soit z0 un point de U \ V et soit f une fonction holomorphe
sur U  V . Elle est holomorphe sur U donc il existe une unique primitive F1 de la restriction f jU
vérifiant F1 (z0 ) = 0. De même, il existe une unique primitive F2 de f sur V telle qu’on ait F2 (z0 ) = 0.
Maintenant, sur U \ V , on a deux fonctions holomorphes F1 et F2 qui ont la même dérivée et qui
prennent la même valeur en z0 . Comme U \ V est connexe, elles sont égales sur U \ V . Alors la
fonction définie par 
F1 (z) si z 2 U
F (z) =
F2 (z) si z 2 V
est holomorphe sur U  V , est une primitive de f , s’annule en z0 . Bref, U  V est élémentaire.
Dans les énoncés précédents, il était question d’ouverts sur lesquels toutes les fonctions holo-
morphes ont des primitives. Avec le même type de démonstration, on peut aussi donner une condition
pour qu’une fonction soit holomorphe.
Théorème 3.3.7 (Morera). Soit U un ouvert de C et soit f : U ! C une fonction. Alors pour que f
soit holomorphe, il faut et il suffit qu’elle soit continue et que, pour tout triplet de points A, B et C tels

Z
que le triangle ABC soit contenu dans U, on ait
Z Z
f (z)dz + f (z)dz + f (z)dz = 0:
AB] BC] CA]
3.4. INDICE D’UN POINT PAR RAPPORT À UN LACET 41

Démonstration. Si f est holomorphe sur U, on applique le corollaire 3.2.3 et le carré reliant la ligne
brisée ABC et le segment AC déjà utilisé dans la démonstration de 3.3.2 (et sur la figure 5)
Γ(s t ) = a + s(b ; a)+ st (c ; b):
Réciproquement, suppososn l’égalité de l’énoncé vérifiée et montrons que f est holomorphe en un
point z0 de U. Choisissons un disque D de centre z0 et de rayon r contenu dans U. Définissons une
fonction F sur D par Z
F (z) = f (w)dw:
z0z]
Pour tout point z de U , en appliquant l’hypothèse au triangle de sommets z0 , z et z + h, on voit que
Z
F (z + h) ; F (z) = f (w)dw:
zz+h]
Les mêmes arguments que dans la démonstration de 3.3.1 montrent alors que F est holomorphe et
que sa dérivée est f . . . qui ne peut donc pas s’empêcher d’être holomorphe.
Le théorème de Morera a de nombreuses applications, on en trouvera dans l’exercice 3.5.10. En
voici une spectaculaire.
Corollaire 3.3.8. Soit U un ouvert de C. Si une suite ( fn )n2N de fonctions holomorphes converge
uniformément sur tous les compacts de U, la limite est holomorphe sur U.
Démonstration. Comme la convergence est uniforme sur les compacts, la limite f est une fonction
continue sur U. Pour montrer qu’elle est holomorphe, il suffit donc de montrer que son intégrale sur
les bords des triangles est nulle. Maintenant chaque bord de triangle est un compact et donc la suite
( fn ) y converge uniformément vers f . L’intégrale de f est donc la limite des intégrales des fn , qui
sont nulles puisque ce sont des fonctions holomorphes.

3.4. Indice d’un point par rapport à un lacet


La fonction 1=z n’a pas de primitive sur C ; f0g et son intégrale sur un cercle centré en 0 mesure
la différence entre deux déterminations du logarithme (ou de l’argument), soit 2iπ. Si on fait n fois
le tour de l’origine, en intégrant sur le cercle paramétré par eint (t 2 0 2π]), l’intégrale est 2niπ.
Autrement dit, rien qu’en calculant l’intégrale, on sait combien de fois on a fait le tour de l’origine.
Dans ce paragraphe, on va généraliser et prolonger cette remarque. Considérons un lacet γ : 0 1] ! C.
On va montrer que

1 dw
Z
Proposition 3.4.1. Pour tout nombre complexe z qui n’est pas dans l’image de γ, le nombre

2iπ γ w ; z
est un entier.
Définition 3.4.2. Le nombre entier défini dans la proposition 3.4.1 est appelé l’indice de z par rapport
à γ. On le note Indγ (z).
Démonstration. Considérons la fonction ϕ définie par
Z
t γ0 (s)

ϕ(t ) = exp
0 γ(s) ; z
ds :

On a
ϕ0 (t ) γ0 (t )
ϕ(t )
= γ(t ) ; z
42 CHAPITRE 3. INTÉGRALES CURVILIGNES, PRIMITIVES

sur 0 1] ; S, où S est l’ensemble (fini) des valeurs où la dérivée de γ n’est pas continue. On voit ainsi
que la fonction ϕ=(γ ; z) est continue, C 1 par morceaux et a une dérivée nulle sur 0 1] ; S. Elle est
donc constante. Cette constante vaut ϕ(0)=(γ(0) ; z) = 1=(γ(0) ; z). Par suite on a
γ(t ) ; z
ϕ(t ) =
γ(0) ; z
:

Puisque γ est un chemin fermé, on a γ(1) = γ(0) et donc ϕ(1) = 1. Ainsi le nombre
Z 1 γ0 (t )
γ(t ) ; z
dt
0
est un multiple entier de 2iπ, ce que nous voulions démontrer.
L’indice de z est bien défini pour tout z dans le complémentaire Ω de l’image γ(0 1]). Cet entier
ne peut changer que si z traverse l’image de γ. En termes plus précis :

Proposition 3.4.3. L’indice Indγ (z) est constant sur chaque composante connexe de Ω. L’ouvert Ω
possède une unique composante connexe non bornée, sur laquelle l’indice est nul.

Démonstration. La fonction
1 dw
Z
z 7!
2iπ γ w ; z
est une fonction continue de z sur l’ouvert Ω : la fonction z 7! γ0 (t )=(γ(t ) ; z) est continue (en fait
holomorphe) pour tout t dans 0 1], l’intégrale définit donc une fonction continue de z (on peut même
montrer qu’elle est holomorphe). Elle prend ses valeurs dans l’espace discret Z, donc elle est constante
sur chaque composante de Ω.
Il est facile de se convaincre que Ω n’a qu’une composante non bornée. En effet, l’image de l’inter-
valle compact 0 1] par la fonction continue γ est un compact de C, elle est donc bornée et contenue
dans un disque. Le complémentaire de ce disque est à la fois connexe par arcs et contenu dans la
réunion des composantes non bornées de Ω. Il n’y a donc qu’une telle composante.
Soit z un point de cette composante. Son indice par rapport à γ est le même que celui de n’importe
quel autre point de cette composante. Si (zn )n2N est une suite de points dont le module tend vers
l’infini, on a donc
Indγ (z) = lim Indγ (zn ):
n!+∞
Et, bien entendu, cette limite est nulle.

3.5. Exercices
3.5.1. On considère le rectangle
R = fz 2 C j ;r < Ré(z) < r et ; s < Im(z) < sg

Z
(r et s sont des réels positifs). Calculer les intégrales
dz
Z dz
et 2
:
∂R z ∂R z

3.5.2. On considère le carré Γ : 0 1]2 ! C de sommets 0, 1, 1 + i et i. Calculer


Z
Ré(z)dz
∂Γ
et comparer le résultat au théorème 3.2.1.
3.5. EXERCICES 43

3.5.3. Montrer que la fonction f (z) = 1=(z2 ; z) n’a pas de primitive dans
U = f z 2 C j 0 < jz ; 1j < 1g :

3.5.4. Existe-t-il une homotopie de γ0 à γ1 dans l’ouvert U dans les cas suivants (si oui, en écrire une
explicitement, sinon, donner un argument rigoureux) ?
(1) γ0 (t ) = eit , γ1 (t ) = ;1 + 2eit (t 2 0 2π]), U
=C 0 , ;f g

(2) γ0 (t ) = e2it , γ1 (t ) = 1 + 2eit (t 0 2π]), U = C


; 2  0 , ;f g

(3) γ0 (t ) = 2eit , γ1 (t ) = 2 cost + i sint (t 0 2π]), U = C 0 1]


2  ; 

(4) γ0 (t ) = eit , γ1 (t ) = i (t 0 2π]), U = C


2  2i , ;f g

(5) γ0 (t ) = eit , γ1 (t ) = i (t 0 2π]), U = C


2  i 2 . ; f; = g

3.5.5. Dessiner rapidement les lacets t 7! 2(cos t + i sin(2t )) (t 2 0 2π]) et t


 7! 2eit (t 2 0 2π]).


Sont-ils homotopes dans C ; f;1 1g ?

3.5.6. Pour chacun des ouverts suivants, dire s’il est ou non étoilé par rapport à un de ses points : un
disque, l’intérieur d’un carré, le complémentaire dans C d’un point, d’une demi-droite, d’un segment,
d’une droite, de deux demi-droites de la même droite, d’un disque ?

3.5.7. Soit U un ouvert élémentaire contenant le cercle C = fz 2 C j jz ; z0 j = rg. Montrer que U


contient tout le disque fermé
D = fz 2 C j jz ; z0 j  rg :

3.5.8. Pour chacun des ouverts de C suivants, dire s’il est élémentaire ou pas :
C ; f1g  z 2 C j 2 Ré(z) < Im(z) < 3 Ré(z) et Ré(z) > 0g :
f

3.5.9. Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert U et soit ϕ : V ! U une transformation ho-
lomorphe. On suppose que V est élémentaire. Vérifier que g = ( f ϕ) ϕ0 a une primitive G. On
suppose que ϕ est une bijection et que son inverse est holomorphe (on dit que ϕ est une application
biholomorphe). Trouver une primitive de f .
En déduire que s’il existe une application biholomorphe d’un ouvert V de C sur un ouvert U de C,
alors U est élémentaire si et seulement si V est élémentaire.

3.5.10. Soit U un ouvert de C. On suppose que f est holomorphe sur U ; U \ R et continue sur U .
Montrer que f est holomorphe sur U.
Principe de réflexion de Schwarz. Soit U un ouvert de C invariant par conjugaison complexe. On
appelle
U + = fz 2 U j Im(z) > 0g et U 0
+ = fz 2 U j Im(z)  0g :
Soit f : U 0+ ! C une fonction continue, holomorphe sur l’ouvert U + et prenant des valeurs réelles
sur U \ R. Montrer que
 f (z) si Im(z)  0
F (z) =
f (z) si Im(z)  0
définit un prolongement holomorphe de f à U.
44 CHAPITRE 3. INTÉGRALES CURVILIGNES, PRIMITIVES

3.5.11. Montrer qu’il existe


– une fonction holomorphe g1, définie sur C;] ; ∞ 0] et telle que
g1 (1) = 1 et 8 z 2 C;] ; ∞ 0] g1 (z)2 = z
– et une fonction holomorphe g2 , définie sur C;] ; ∞ ;1] et telle que
g2 (1) = 2 et 8 z 2 C;] ; ∞ ;1] g2 (z)2 = z + 1:
p

Montrer que la fonction f : C;] ; ∞ 0] ;;;! C qui à z associe g1(z)g2 (z) se prolonge en une fonction
continue sur C ; ;1 0].
Montrer qu’il existe une fonction holomorphe h définie sur C ; ;1 0] telle que
h(1) = 2 et 8 z 2 C ; ;1 0] h(z)2 = z(z + 1):
p

3.5.12. On suppose que γ(0 1]) est un polygone convexe (parcouru une fois). Montrer que Indγ (z) =
1 pour tout z dans la composante connexe bornée du complémentaire Ω de l’image de γ.

3.5.13. Soient γ0 et γ1 deux tels chemins fermés paramétrés par 0 1] et soit z 2 C tel que
γ0 (t ) ; γ1 (t )j < jz ; γ0 (t )j
j

pour tout t 2 0 1]. Montrer que les nombres Indγ0 (z) et Indγ1 (z) sont bien définis et qu’ils sont égaux.

3.5.14. Théorème de d’Alembert-Gauss. Soit P 2 CX ] un polynôme de degré n  1.


(1) Pour R > 0, on appelle γR l’image du cercle de centre 0 et de rayon R par P. Montrer que, pour
R assez grand, le lacet γR ne passe pas par 0.
(2) Vérifier que, pour R assez grand,
 
z
j j R ) jzn j > an;1 zn;1 + + a0 :

Montrer que IndγR (0) est égal à l’indice par rapport à l’origine de l’image du cercle jzj = R par
l’application z 7! zn .
(3) Que vaut IndγR (0) ? Montrer que P a une racine.

3.5.15. Montrer que, si 0 n’est pas dans l’image de γ,


1
Z xdy ; ydx
2π γ x2 + y2
est un entier.

3.5.16. Soit f (z) = a(z ; z1 )m1 (z ; zr )mr , où a est un nombre complexe non nul, z1  : : :  zr sont
des nombres complexes deux à deux distincts, et les mi sont des entiers relatifs non nuls.
Montrer que s’il existe une détermination du logarithme de f sur un ouvert connexe D, alors
r
∑ mi Ind(γ zi ) = 0

i=1
pour tout lacet γ dans D.
Soit g(z) = 1 ; 2 . Existe-t-il une détermination du logarithme de g dans C ; A avec
1
z
– A = ;1 0]  1 +∞
– A =] ; ∞ 0]  1 +∞.
3.5. EXERCICES 45

3.5.17. Logarithme, le retour. Existe-t-il une détermination de la « fonction » log(z + 1 ; z) sur


p

un domaine contenant le segment joignant l’origine au point 1 + i ? Quelle est la valeur d’une telle
détermination en 1 + i sachant qu’elle est nulle en 0 ?
Montrer qu’il existe une détermination de la racine cubique de z2 (2 ; z) sur un disque assez petit
centré en 1. On choisit celle qui vaut 1 en 1. Montrer qu’on peut la prolonger par continuité le long
du chemin t 7! eit (t 2 0 π=2]). Quelle est la valeur en i ? Même question avec le chemin t 7! e;it
(t 2 0 3π=2]).
CHAPITRE 4

POINTS SINGULIERS, FONCTIONS MÉROMORPHES

4.1. Fonctions holomorphes dans une couronne et séries de Laurent


Une couronne est la partie du plan délimitée par deux cercles concentriques. Si R1 et R2 sont deux
nombres réels positifs vérifiant R1 < R2 , on notera
A(R1  R2 ) = fz 2 C j R1 < jzj < R2 g
(le A est pour « anneau »). On autorise R1 à être nul (la couronne est alors un disque épointé) et/ou R2
à être infini.

R1

R2

Figure 1 : Couronne

Soit (an )n2Z une suite de nombres complexes (indexée par Z) telle que, si ρ (resp. σ) est le rayon
de convergence de la série entière ∑n 0 an zn (resp. ∑n 0 a;n wn ), on ait
1
ρ  R2 et σ  :
R1
Alors :
– La série ∑n 0 anzn converge normalement sur les compacts du disque de rayon R2 , et y définit
une fonction holomorphe.
– La série ∑n 0 a;n wn converge normalement sur les compacts du disque de rayon 1=R1 et donc
(z = 1=w), la série ∑n0 an zn converge normalement sur les compacts de
f z 2 C j jzj > R1 g
et y définit une fonction holomorphe.
Donc leur somme ∑n2Z anzn est une série normalement convergente sur les compacts de la couronne
A(R1  R2 ) et définit une fonction holomorphe sur cet ouvert. Le but de ce paragraphe est de montrer la
48 CHAPITRE 4. POINTS SINGULIERS, FONCTIONS MÉROMORPHES

réciproque, à savoir que toute fonction holomorphe sur la couronne est somme d’une série de ce type,
dite série de Laurent.

Théorème 4.1.1 (Laurent). Toute fonction holomorphe dans une couronne A(R1  R2 ) est dévelop-
pable en série de Laurent dans cette couronne. Les coefficients du développement de f se calculent
par la formule
Z
an = z;n;1 f (z)dz
1
2iπ C(0r)
pour r 2]R1  R2  arbitraire.

Exemple 4.1.2. La fonction 1=z(1 ; z) est holomorphe sur C ; f0 1g. D’après le théorème, elle doit
être développable en série de Laurent sur toute couronne contenue dans cet ouvert. Et en effet :
– pour 0 < jzj < 1 (couronne centrée en 0 de rayons 0 et 1) :
1
;
= 1
+ zn
z(1 z) z n∑0


– pour 0 < jz ; 1j < 1 (couronne centrée en 1, rayons 0 et 1) :

z(1 z)
=1
;
;
1
z;1
+ ∑ ( 1)n(z 1)n
; ; 
n 0

– pour 1 < jzj (couronne centrée en 0, rayons 1 et ∞) :


1
z(1 z)
= ∑
1
n
; :
;
n 0z

En préparation de la démonstration du théorème, énonçons une conséquence directe du théorème


d’homotopie 3.2.3.

Lemme 4.1.3. Soit g une fonction holomorphe sur la couronne A(R1  R2 ). Alors l’intégrale
Z
g(z)dz
C(0r)

ne dépend pas de r 2]R1  R2.

Démonstration. Si R1 < r1  r2 < R2 , on déforme le cercle de rayon r1 sur le cercle de rayon r2 dans
la couronne à travers les cercles concentriques. Une formule pour cette homotopie est
Γ(s t ) = ((1 ; s)r1 + sr2 )eit :

On démontre ensuite :

Proposition 4.1.4. Soit f une fonction holomorphe sur la couronne A(R1  R2). Soit z 2 A(R1  R2 ) et

Z Z
soient r1 , r2 tels que R1 < r1 < jzj < r2 < R2 . Alors les intégrales
1 f (w) 1 f (w)
dw et dw
2iπ C(0r1 ) w ; z 2iπ C(0r2) w ; z

Z Z
ne dépendent pas de r1 et r2 . De plus, on a
f (w) f (w)
f (z) =
1 1
dw ; dw:
2iπ C(0r2 ) w ; z 2iπ C(0r1 ) w ; z
4.1. FONCTIONS HOLOMORPHES DANS UNE COURONNE ET SÉRIES DE LAURENT 49

Démonstration. On applique le lemme 4.1.3 à la fonction holomorphe


f (w)
w 7;;;!
w;z
sur la couronne A(R1  jzj) pour obtenir que la première intégrale ne dépend pas de r1 . On l’applique à
la même fonction sur A(jzj  R2) pour obtenir le résultat analogue sur la deuxième intégrale.
Il reste à démontrer la formule donnant f (z). On considère la fonction g : A(R1  R2 ) ! C définie
par 8
< f (w) ; f (z) si w 6= z
g(w) =
: f 0 (zw) ; z si w = z:
Elle est évidemment holomorphe sauf peut-être en w = z. En fait, elle l’est aussi en ce point. Il suffit
de développer la fonction holomorphe f en série entière au voisinage de z en
f (w) = ∑ bn(w ; z)n
n 0

de sorte que f 0 (z) = b1 et que


f (w) ; f (z)
= ∑ bn(ww zz)
n

w;z
;

;
; b0
= ∑ bn(w z)n;1
; :
n 1
Donc sur ce voisinage,
g(w) = ∑ bn+1(w ; z)n :
n 0
Donc g est holomorphe sur la couronne A(R1  R2 ). On peut donc lui appliquer le lemme 4.1.3 pour
obtenir : Z f (w) ; f (z)
Z
f (w) ; f (z)
dw =
1 1
dw:
2iπ C(0r1) w;z 2iπ C(0r2) w;z

Z Z
Calculons le membre de gauche. Il vaut
f (w)

dw ; f (z)
1 dw
:
2iπ C(0r1) w ; z C(0r1 ) w ; z

Z Z
Le membre de droite, lui, vaut
f (w)

dw ; f (z)
1 dw
:
2iπ C(0r2) w ; z C(0r2 ) w ; z

Z Z
Pour montrer la formule annoncée, il suffit donc de vérifier que
dw
= 0 et
dw
=1
C(0r1 ) w ; z C(0r2) w ; z
soit
IndC(0r1)(z) = 0 et IndC(0r1) = 2iπ:
Comme z est à l’extérieur du disque de rayon r1 , il est dans la composante non bornée du com-
plémentaire du cercle et donc son indice par rapport à ce cercle est nul (proposition 3.4.3). On peut
aussi dire que la fonction w 7! 1=(w ; z) est holomorphe sur le disque. On réalise une homotopie du
cercle de rayon r1 sur le lacet constant égal 0 en utilisant les cercles concentriques comme ci-dessus
(démonstration du lemme 4.1.3), donc la première intégrale est nulle.

Z
Pour la deuxième, on applique la formule de Cauchy (le corollaire 2.2.2)
h(w)
h(z) =
1
dw
2iπ C(0r2 ) w ; z
50 CHAPITRE 4. POINTS SINGULIERS, FONCTIONS MÉROMORPHES

à la fonction identiquement égale à 1, qui est bien holomorphe. . . où on veut, et ça donne l’égalité à 1
de la deuxième intégrale, et ce faisant, finit la démonstration de la proposition.

Démonstration du théorème 4.1.1. Il n’y a plus grand chose à faire. Si z est tel que

R1 < r1 < jzj < r2 < R2 

Z Z
la proposition donne
f (w) f (w)
f (z) =
1 1
dw ; dw:
2iπ C(0r2 ) w ; z 2iπ C(0r1 ) w ; z

On écrit les développements normalement convergents


+∞ zn  z 
= wn+1 pour jwj = r2 et  w  < 1
1
w ; z n∑
=0
et
+∞ wn  
= pour jwj = r1 et   < 1
1 w
; ∑
n + 1
w;z n=0 z z
et on les reporte (puisqu’ils sont normalement convergents) dans les intégrales ci-dessus :
1 +∞
Z f (w)
1 +∞
Z 
f (z) = dw z + w f (w)dw z;n;1
2iπ n∑ 2iπ n∑
n n
n+1
=0 C(0r2 ) w =0 C(0r1 )
+∞
= ∑ anzn :
n=;∞

Corollaire 4.1.5. Soit f une fonction holomorphe dans une couronne A(R1  R2 ). Il existe une fonction
f2 , holomorphe pour jzj < R2 et une fonction f1 holomorphe pour jzj > R1 et telles qu’on ait
8 z 2 A(R1  R2) f (z) = f1 (z)+ f2 (z):

De plus cette décomposition est unique si on impose que f1 tende vers 0 quand jzj tend vers l’infini.

Démonstration. Le théorème 4.1.1 affirme l’existence d’un développement de f en série de Laurent

f (z) = ∑ an zn
n2Z

tel que les deux fonctions


f1 (z) = ∑ anzn et f2 (z) = ∑ anzn
n<0 n 0
aient les propriétés voulues.
Si f = g1 + g2 est une autre décomposition vérifiant ces propriétés, posons

f2 (z) ; g2 (z)
h(z) =
pour jzj < R2
g1 (z) ; f1 (z) pour jzj > R1 :
(ces deux formules donnent le même résultat sur la couronne). La fonction h est entière, elle tend vers
0 quand jzj tend vers l’infini, de sorte qu’elle est bornée. Elle est donc constante d’après le théorème
de Liouville (théorème 2.3.1). La constante est nulle pusique h tend vers 0 à l’infini.
4.2. POINTS SINGULIERS, FONCTIONS MÉROMORPHES 51

4.2. Points singuliers, fonctions méromorphes


On considère maintenant une fonction holomorphe sur un disque épointé (une couronne A(0 R)).
On remarque d’abord que le théorème de Laurent (théorème 4.1.1) affirme dans ce cas (R1 = 0,
R2 = R) que la fonction se développe en
∑ a;n z;n + ∑ an zn
n>0 n 0
où les séries entières ∑ a;n et ∑ an
wn wn ont
des rayons de convergence respectivement infini et au
;
moins égal à R. En particulier ∑n>0 a;n z converge normalement sur les compacts de C ; f0g.
n

On se demande maintenant si on peut prolonger une fonction holomorphe sur le disque épointé en
une fonction holomorphe sur le disque de rayon R tout entier.
Proposition 4.2.1. Pour qu’une fonction f holomorphe sur un disque épointé se prolonge au disque,
il faut et il suffit que j f j soit bornée au voisinage du centre.
Démonstration. La condition est évidemment nécessaire. Montrons qu’elle est suffisante. On suppose
pour simplifier que le disque est centré en 0.
Sur A(0 R), grâce aux résultats précédents (théorème 4.1.1), la fonction se développe en série de
Laurent
f (z) = ∑ an zn :
n2Z
Écrivons l’hypothèse : il existe deux réels r0 > 0 et M tels que
z
j j r0 ) j f (z)j  M :
Pour jzj = r  r0 , on a donc, d’après le théorème 4.1.1,
Z 
1  ;n;1 f (z)dz
an j =
2π  C(0r) 
j z

1 
Z
 2π 
r;n eit dt  = n
M
 M
2π 0 r
et ceci pour toutes les valeurs de n, positives ou négatives, et pour tout r  r0 .
Pour n < 0, cette majoration impose donc qu’on ait an = 0 et que la série de Laurent soit en fait
une série entière, qui donne le prolongement voulu en 0.
Si on ne peut pas prolonger f , on dit qu’elle a un point singulier (ou une singularité) au centre z0
du disque. Il y a alors deux possibilités :
(1) Soit presque tous les an (n < 0) sont nuls. Alors il existe un entier n > 0 tel que z 7! (z ; z0)n f (z)
se prolonge en une fonction holomorphe en z0 . On dit que f est méromorphe en z0 et que z0
est un pôle de f . Si f n’est pas holomorphe en z0 mais que z 7! (z ; z0 ) f (z) l’est, on dit que
z0 est un pôle simple de f . Par exemple, 0 est un pôle simple de 1=z. On définit de même pôle
double, pôle d’ordre k (k  1).
(2) Soit il y a une infinité de coefficients an non nuls. On dit que z0 est une singularité essentielle.
Définition 4.2.2. On appelle fonction méromorphe sur un ouvert U de C une fonction holomorphe
sur le complémentaire dans U d’une partie discrète F qui est méromorphe en tout point de F.
Exemple 4.2.3. Le quotient de deux fonctions holomorphes sur U est une fonction méromorphe sur
U . L’ensemble discret F est ici l’ensemble des zéros (isolés ! grâce à la proposition 1.2.7) du dénomi-
nateur.
52 CHAPITRE 4. POINTS SINGULIERS, FONCTIONS MÉROMORPHES

Remarque 4.2.4. L’ensemble M (U ) des fonctions méromorphes sur l’ouvert U est une algèbre. C’est
même un corps quand U est connexe.

Séries de fonctions méromorphes. Si ( fn ) est une suite des fonctions méromorphes sur U et si K
est une partie de U, on dira que la série ∑ fn converge uniformément (resp. normalement) sur K si
– l’ensemble des entiers n tels que fn a un pôle dans K est fini et
– les autres fn forment une série uniformément (resp. normalement) convergente sur K.
On démontre alors facilement que, si ( fn ) est une série de fonctions méromorphes qui converge
normalement sur les compacts de U , la somme est méromorphe sur U et qu’on peut calculer la dérivée
de la somme comme somme des dérivées des fn .

4.3. La sphère de Riemann


Une fonction méromorphe sur un ouvert U n’est pas vraiment une fonction sur U : c’est en réalité
une fonction définie sur le complémentaire d’une partie discrète. On a envie ici de prolonger ces
fonctions de façon à ce qu’elles soient définies sur U tout entier. La seule valeur qu’on puisse imaginer
de donner à une expression telle que 1=zn est « ∞ » quel que soit le sens que ça puisse avoir.
Dans cette partie, on fait une construction rigoureuse qui permet de réaliser ce désir (et même au-
delà). L’idée est d’ajouter un point à l’espace localement compact C pour le rendre compact. Notons
b l’ensemble
C
b = C  f∞g
C
où ∞ est juste le nom que je donne au point ajouté. Pour justifier ce nom, on met une topologie sur ce
qui n’est, pour le moment, qu’un ensemble.

Figure 2 : Voisinage de ∞

Pour définir cette topologie, il suffit de donner une base de voisinages de chaque point. Considérons
donc un point z de C  f∞g. De deux choses l’une :
– soit z 2 C, on alors prend pour base de voisinages de z les boules ouvertes centrées en z (c’est
une base de voisinages de z pour la topologie usuelle de C),
– soit z = ∞, cas où l’on prend pour base de voisinages de ∞ dans C b les complémentaires des
compacts de C auxquels on ajoute ∞, en d’autres termes les (C ; K )  f∞g, où K  C est un
compact.
b un espace topologique compact, homéomorphe à la
Proposition 4.3.1. Cette topologie fait de C
sphère unité de l’espace euclidien R3.
b est compact.
Démonstration. Montrons d’abord directement que C
4.3. LA SPHÈRE DE RIEMANN 53

D’abord il est séparé parce que C est séparé et localement compact : si x et y sont deux points
b , soit ils sont tous les deux dans C et peuvent être séparés comme d’habitude par des
distincts de C
disques, sinon, l’un des deux, disons y est ∞ et l’autre, x est dans C, on sépare alors x et y en prenant
– pour voisinage de x le disque de centre x et rayon r
– et pour voisinage de ∞ le complémentaire du disque ouvert de centre x et de rayon r + 1.
Soit maintenant (Ui )i2I un recouvrement de C b par des ouverts. Comme c’est un recouvrement, au
moins un des Ui contient ∞. Fixons i0 tel que Ui0 3 ∞. Le complémentaire de Ui0 est un compact K
de C. Pour tout i 6= i0 , on définit Ui0 = Ui \ C, qui est un ouvert de C (par définition, la topologie
induite par celle de C b sur C est la topologie de C). Les Ui0 recouvrent K qui est compact, on peut
donc en extraire un recouvrement fini Ui01  : : :  Ui0n . Bien entendu, les Uik avec 0  k  n forment un
recouvrement fini de C b extrait du recouvrement donné au départ.
N

Figure 3 : Projection stéréographique

b est homéomorphe à une sphère. On se place sur la sphère unité de R3 :


Montrons maintenant que C
 
S= (u v w)
  2 R3 j u2 + v2 + w2 = 1 :

On définit la projection stéréographique ϕ : S ! C  f∞g par


8 u + iv
>
> si w 6= 1
ϕ < 1;w
(u v w) ;7 ;;! >
>
:∞ si w = 1:
L’application ϕ est représentée sur la figure 3. Elle associe à un point m de la sphère le point d’inter-
section M de la droite joignant m au pôle nord N avec le plan équatorial de la sphère. Ce n’est bien
défini que si m n’est pas le pôle nord, auquel cas on lui associe le point ∞.
Au vu de la description géométrique de ϕ, il est clair qu’elle est bijective ; au vu de sa description
par une formule, il est clair que sa restriction à S ; fN g est continue.
En plus, ϕ est continue en N : montrons que l’image inverse d’un voisinage U de ∞ est un voisinage
de N. On écrit
U = (C ; K )  f∞g  ϕ;1 (U ) = S ; ϕ;1 (K ):
Mais K est compact, donc fermé dans C, la restriction de ϕ à S ; fN g est continue, donc ϕ;1 (K ) est
fermé dans S, son complémentaire est un ouvert de S qui contient N, donc un voisinage de N.
On a donc une application bijective ϕ continue de l’espace compact S dans l’espace compact C b.
Elle est bicontinue. C’est un homéomorphisme.
b la sphère de Riemann.
Définition 4.3.2. On appelle C
Remarque 4.3.3. Une remarque fondamentale est que la transformation z 7! 1=z échange voisinages
b.
de 0 dans C et voisinages de ∞ dans C
54 CHAPITRE 4. POINTS SINGULIERS, FONCTIONS MÉROMORPHES

Fonctions holomorphes, méromorphes. On dit qu’une fonction f définie sur le complémentaire


d’un disque dans C (resp. le complémentaire d’un disque moins un ensemble discret) est holomorphe
en ∞ (resp. méromorphe en ∞) si l’application

1
z 7;;;! f
z
est holomorphe (resp. méromorphe) en 0.
Exemples 4.3.4
(1) Si P est un polynôme de degré n,

P(z) = z + + a0  = + + a0
n 1 1
P
z zn
donc P est méromorphe en ∞ (et y a un pôle d’ordre n).
(2) La fonction exponentielle
  ;n
f (z) = e = exp 1z = ∑ zn!
z 1
 f
z n 0
b.
a une singularité essentielle en ∞. Elle ne définit pas une fonction méromorphe sur C
Dans ce nouveau contexte, le théorème de Liouville 2.3.1 affirme :
b est constante.
Théorème 4.3.5 (Liouville, deuxième version). Toute fonction holomorphe sur C
Démonstration. En effet, dire que f est holomorphe sur C b , c’est dire que f est holomorphe sur C
(donc entière) et que
1

z 7;;;! f
z
est bornée au voisinage de 0, soit que f est bornée sur C.
On peut faire plus précis :
b , il
Proposition 4.3.6. Pour qu’une fonction entière se prolonge en une fonction méromorphe sur C
faut et il suffit que ce soit un polynôme.
b est
Démonstration. Dire qu’une fonction entière f se prolonge en une fonction méromorphe sur C
équivalent à dire qu’il existe un entier n tel que

n 1
z 7;;;! z f
z


soit bornée au voisinage de 0 (proposition 4.2.1), soit

 1 
 z 
n
jzj  r ) z f  M:

En posant u = 1=z, ceci se réécrit

) j f (u)j  M juj :
1 n
juj 
r
Et ceci est équivalent à dire que f est un polynôme (voir au besoin l’exercice 2.4.17).
Il y a bien sûr des fonctions méromorphes sur C b qui ne sont pas des polynômes, mais alors elles
ont des pôles dans C. C’est le cas de toutes les fractions rationnelles
P(z)
f (z) = P Q 2 CX ]:
Q(z)

4.4. EXERCICES 55

b , elle a un nombre fini de pôles et un nombre fini de


Proposition 4.3.7. Si f est méromorphe sur C
b
zéros dans C.
b comme réunion de deux compacts
Démonstration. On écrit C
K0 = fz j jzj  R + 1g
et
K∞ = fz j jzj  Rg 
voisinages respectivement de 0 et ∞. Comme f est méromorphe sur C, elle a un nombre fini de zéros
et de pôles dans le compact K0 . La fonction g(z) = f
1
est aussi méromorphe sur C, elle a donc
z
un nombre fini de zéros et de pôles dans le disque jzj  1=R, de sorte que f a un nombre fini de zéros
et de pôles dans K∞ .
b.
Proposition 4.3.8. Les fractions rationnelles sont les seules fonctions méromorphes sur C

Démonstration. Soit f une fonction méromorphe sur C b , soient a1  : : :  an ses pôles dans C et k1 : : :  kn
leurs multiplicités (on utilise la proposition 4.3.7). La fonction
(z ; a1 )k1 (z ; an)kn f (z)
b , c’est donc un polynôme d’après la proposition 4.3.6.
est entière sur C, méromorphe sur C

b , on peut fabriquer une application bien définie sur tout Cb


Avec une fonction f méromorphe sur C
b:
et à valeurs dans C
b b
f :C ;
;;!
C
f (z) 2 C si z n’est pas un pôle
z 7;
;;!
∞ si z est un pôle.

4.4. Exercices
4.4.1. On suppose que a et b sont tels que 0 < jaj < jbj. Trouver le développement en série de Laurent
de la fonction 1=(z ; a)(z ; b) dans la couronne A(jaj  jbj).

4.4.2. Trouver le développement en série de Laurent de la fonction (z2 ; 2z + 5)=(z ; 2)(z2 + 1) dans
la couronne A(1 2).

4.4.3. Montrer que la série de Laurent


n
+ z1n + zn1;1 + + 1z + 2z2 + + 2nz+1 +
définit une fonction qui n’a pas de singularité essentielle en 0. Pourquoi n’est-ce pas contradictoire
avec l’étude faite au § 4.2 ?

4.4.4. On considère la fonction


f (z) = +31 z
1
:
1 ; z2 ;

Combien a-t-elle de développements en série de Laurent ? Dans quelles régions sont-ils convergents ?
Trouver les coefficients de ces développements.
56 CHAPITRE 4. POINTS SINGULIERS, FONCTIONS MÉROMORPHES

4.4.5. Pour tout R > 0, on appelle A(z0  R) le disque épointé de centre z0 et de rayon R. Soit f une
fonction holomorphe sur A(z0  R). On suppose que f a une singularité essentielle en z0 . Montrer que,
pour tout a 2 C, il existe une suite zn avec limn!∞ zn = z0 et limn!∞ f (zn ) = a. Montrer que pour tout
ε tel que 0 < ε < R, f (A(z0  ε)) est dense dans C.

4.4.6. Soit f une fonction holomorphe sur un disque épointé de centre z0 avec une singularité essen-
tielle en z0 . Soit g une fonction entière non constante. Montrer que z0 est une singularité essentielle
de g f (on pourra utiliser l’exercice 2.4.20).

4.4.7. Soit f une fonction holomorphe sur un disque épointé de centre z0 avec un pôle en z0 . Soit g
une fonction entière. Montrer que, si g n’est pas un polynôme, g f a une singularité essentielle en
z0 .

4.4.8. Soit f une fonction holomorphe sur le disque épointé A(z0  R). On suppose que f a une singu-
larité essentielle en z0 . En utilisant le théorème de l’application ouverte, montrer que
\f A z0 
1

n2N
n
est dense dans C. En déduire que l’ensemble des nombres complexes atteints une infinité de fois par
f est dense dans C.
Pensez-vous qu’une fonction avec une singularité essentielle puisse être injective ?

4.4.9. Construire un espace topologique compact R b contenant R comme sous-espace topologique en


ajoutant un point à R. Montrer que l’espace obtenu est homéomorphe à un cercle.

4.4.10. Trouver toutes les injections holomorphes de C dans C, puis toutes les injections holo-
morphes de C? dans C?.

4.4.11. Soit f une fonction analytique dans C? vérifiant


p
8 z 2 C? j f (z)j  j j z + p1 :
z
j j

Montrer que f est constante.

4.4.12. Existe-t-il une fonction holomorphe sur le disque épointé de centre 0 et de rayon R telle que
j f (z)j soit équivalent à exp
1
au voisinage de 0 ?
jzj

b . Quand
4.4.13. Dire si les fonctions suivantes sont ou ne sont pas des fonctions méromorphes sur C
elles le sont, quels sont leurs zéros et leurs pôles ?
z3 + 1 ez z6 ; 1
exp(z ; 1)
1 z sinz
z2 + 1
 exp    :
z4 ; 1 z z6 ; 5 z3 ; 1
4.4.14. On appelle homographies les fractions rationnelles de la forme
az + b
f (z) = avec ad ; bc 6= 0:
cz + d
b , que l’application réciproque d’une homogra-
Montrer que les homographies sont des bijections de C
phie est une homographie et que la composée de deux homographies est une homographie.
4.4. EXERCICES 57

4.4.15. Montrer qu’une homographie a, en général, deux points fixes. Que peut-on dire d’une homo-
graphie qui a trois points fixes ?
1
4.4.16. Montrer que toute homographie est composée de similitudes et de l’application z 7! . En
z
déduire que toute homographie transforme un cercle ou une droite de C en un cercle ou une droite.

4.4.17. Trouver les images des parties de C ci-dessous par les homographies indiquées :
– le quadrant x > 0, y > 0 par (z ; i)=(z + i),
– le demi-disque jzj < 1, Im(z) > 0 par (2z ; i)=(2 + iz),
– le secteur 0 < θ < π=4 par z=(z ; 1),
– la bande 0 < x < 1 par (z ; 1)=z, par (z ; 1)=(z ; 2)
(on pourra utiliser l’exercice précédent).

4.4.18. Trouver une homographie qui envoie le demi-plan supérieur (Im(z) > 0) sur l’intérieur du
disque unité.
CHAPITRE 5

EXEMPLES DE CONSTRUCTIONS DE FONCTIONS

5.1. Exemples de fonctions périodiques


On a déjà rencontré des fonctions holomorphes périodiques, l’exponentielle par exemple : il y a un
sous-groupe G de C (le sous-groupe 2iπZ dans le cas de l’exponentielle) et la fonction est invariante
par l’action de ce groupe par translation :
f (z + g) = f (z)
pour tout g dans G. Les fonctions sin et cos sont aussi des fonctions entières périodiques. On va
considérer ici des fonctions périodiques méromorphes.
Proposition 5.1.1. La série de fonctions méromorphes
1
∑ (z ; n)2
n2Z
converge uniformément sur les compacts de C et sa somme est
π
2
∑ (z
1
n)2
= sin πz
:
n2Z ;

Démonstration. On montre d’abord que la série converge uniformément dans toutes les bandes x0 
Ré(z)  x1 . Fixons donc une telle bande. Elle ne contient qu’un nombre fini d’entiers. Pour ceux qui
n’y sont pas :
1 1
– dans la série partielle ∑n<x0
(z ; n)2 , chaque terme est majoré par
(x0 ; n)2 , d’où la convergence
normale dans la bande,
1 1
– de même, dans la série partielle ∑n>x1
(z ; n)2
, chaque terme est majoré par
(x1 ; n)2 .
Pour calculer la somme de la série et finir de démontrer la proposition, faisons une liste de propriétés
de la somme f de la série :
(1) Elle est périodique de période 1 (c’est clair).
(2) Elle a un pôle en chaque entier n et s’écrit plus précisément

f (z) =
(z ; n)2 + h(z)
1

où h est holomorphe au voisinage de n.


(3) Elle tend vers 0 uniformément en x quand jyj tend vers l’infini, plus précisément, on a :
8 ε > 0 9 M j jy M ) j f (z)j  ε:
Remarquons ensuite que la fonction g(z) = (π= sin πz)2 possède exactement les mêmes propriétés :
60 CHAPITRE 5. EXEMPLES DE CONSTRUCTIONS DE FONCTIONS

(1) La première est claire.


(2) À cause de la périodicité, il suffit d’étudier g au voisinage de 0 :

π
2  π
!2
=
sin πz πz ; 16 π3 z3 +
;2
= 1
z2
1 ; π2 z2 +
1
6
1 π2
= z2
+ 3 + z2 ( ) 
d’où la deuxième propriété.
(3) La troisième résulte de la relation
jsin πzj2 = sin2 πx + sh2πy:
On conclut en utilisant le théorème de Liouville : la fonction f ; g est entière (en appliquant la
deuxième propriété) elle est bornée puisque périodique de période 1 (première propriété) et bornée
sur les bandes verticales (troisième propriété). Elle est donc constante, mais cette constante est nulle
puisqu’elle tend vers 0 quand y tend vers l’infini (encore la troisième propriété).
1 π2
Corollaire 5.1.2 (Euler). La somme de la série numérique ∑ est .
n2 6
Démonstration. On écrit
π
2
;
1
z2
= ∑ (z 1n)2
n6=0
sinπz ;

1
et on fait tendre z vers 0. Le deuxième membre tend vers 2 ∑n . Le calcul du développement de
1
n2
π2
g en série de Laurent en 0 ci-dessus montre que le premier membre, lui, tend vers .
3
Proposition 5.1.3. La série de fonctions méromorphes

1
+
z n∑
1
+ 1
6=0 z ; n n
converge uniformément sur les compacts de C et sa somme est
 π
1
+
z n∑
1
+ = tgπz :
1
6=0 z ; n n
Démonstration. On montre exactement comme ci-dessus l’assertion sur la convergence. Appelons f
la somme, c’est donc une fonction méromorphe sur C qui a un pôle simple en chaque entier. On
calcule sa dérivée comme somme de la série des dérivées :
f 0 (z) = ; 2 ; ∑
1 1
z n6=0
(z ; n)2 :
Mais nous savons (proposition 5.1.1) que cette somme vaut ; (π= sin πz)2 , en d’autres termes, on a
π

f 0 (z) =
d
:
dz tgπz
Donc f (z) ; π=tgπz est constante. Il est clair par définition de f que celle-ci est impaire, on en déduit
que la constante est nulle.
5.2. EXEMPLE DE FONCTION BI-PÉRIODIQUES : LA FONCTION ℘ DE WEIERSTRASS 61

Remarque 5.1.4. En regroupant les termes deux par deux, on en déduit aussi l’identité
π
1
+ ∑ 2
z n 1 z ;n
2z
2
= tgπz
:

5.2. Exemple de fonction bi-périodiques : la fonction ℘de Weierstrass

Figure 1

Dans l’exemple de l’exponentielle et dans les exemples considérés ci-dessus, le groupe de périodes
G est un groupe de translations engendré par un élément, il est isomorphe à Z. On peut se demander
s’il existe des fonctions holomorphes qui ont un groupe de périodes plus gros, engendré par deux
translations indépendantes. On se donne donc deux nombres complexes u et v, indépendants sur R
(c’est dire que la partie imaginaire du rapport u=v n’est pas nulle) et on considère le réseau
Λ = fnu + mv j n m 2 Zg :
La proposition suivante est une application du théorème de Liouville.
Proposition 5.2.1. Les seules fonctions holomorphes sur C telles que
f (z + λ) = f (z) 8 z 2 C 8 λ 2 Λ
sont les constantes.
Démonstration. Sur le parallélogramme engendré par u et v, c’est-à-dire sur le compact
fxu + yv j x 2 0 1] y 2 0 1]g
la fonction f est bornée. De la périodicité, on déduit qu’elle est bornée sur C : tout point z de C se
ramène à un point du parallélogramme en lui appliquant une translation du réseau. Donc f est entière
et bornée, donc f est constante.
Il n’y a donc pas de fonctions holomorphes « bi-périodiques » vraiment intéressantes. Par contre, il
y a des fonctions méromorphes, comme celle que nous allons définir maintenant.

Proposition 5.2.2. La série 


1
+
z2 λ2Λ∑
1
(z ; λ) λ2
2
;
1
;f0g
converge uniformément sur les compacts de C ; Λ et définit une fonction méromorphe sur C.
La démonstration est basée sur le lemme suivant :
62 CHAPITRE 5. EXEMPLES DE CONSTRUCTIONS DE FONCTIONS

1
Lemme 5.2.3. La série ∑λ2Λ;f0g est convergente.
λ3
j j

Démonstration du lemme. Pour tout entier n, on considère


Pn = fxu + yv j sup fjxj  jyjg = ng :
Sur le parallélogramme Pn , il y a 8n(= 4  2n) points de Λ. Si d est la plus petite distance des points
de P1 à 0, on a pour λ 2 Pn , jλj  dn. Ainsi

∑ jλj3  d 3 n3 = d 3n2
1 8n 8
λ2P n

d’où l’on déduit la convergence de la série.


Démonstration de la proposition. On montre que la série converge uniformément sur tous les disques
jzj  R. Le réseau est discret, son intersection avec tous les disques est finie, en particulier, on a

jλj  2R pour tous les λ sauf un nombre fini.

Pour tous ces λ et pour tout z dans le disque de rayon R,


   
 1   λ2 ; (z ; λ)2 
(z
1
; λ)
2
; =
λ2   λ2 (z ; λ)2 
 
 2λz ; z2 
=  λ2(z ; λ)2 
  z 
z 2 ; λ 
=  z 2
jλj 1 ; 
3
λ
R
 10
3
jλj

qui converge grâce au lemme.


On a utilisé les inégalités

z  5  z  1
2
λ
 ;

2
et 1 ;  
λ 2
qui viennent des positions relatives de z et λ : comme jzj  jλj =2,
– l’inégalité triangulaire donne
 z   z 
λ ; 2    2  + jλj  54 jλj
d’où la première inégalité
– et de même
jλj
jλ ; zj  jλj ; jzj 
2
pour la deuxième.
On a maintenant une série de fonctions méromorphes qui converge uniformément sur les compacts.
Sa somme est méromorphe sur C (en application du théorème de Morera, voir la démonstration du
corollaire 3.3.8). De plus, la série des dérivées converge uniformément sur les compacts vers la dérivée
de la somme, ce qu’on va utiliser tout de suite.
On note ℘ (et on appelle « la fonction ℘de Weierstrass ») la somme de cette série.
La fonction ℘ a un pôle (double) en chaque point du réseau Λ : on fixe un point λ et on écrit

℘(z) =
(z ; λ)2 + g(z)
1
5.2. EXEMPLE DE FONCTION BI-PÉRIODIQUES : LA FONCTION ℘ DE WEIERSTRASS 63

où g est holomorphe au voisinage de λ.


Elle est paire : 
℘(;z) = +
1 1 1
z2 λ∑ (z + λ)2 z2
;
6=0
expression dans laquelle il suffit de changer λ en ;λ pour voir qu’elle vaut aussi ℘(z).
Sa dérivée est la somme de la série des dérivées, comme on l’a déjà mentionné, donc

℘0 (z) = ;2 ∑
1
λ2Λ
(z ; λ)3 :
En particulier, il est clair que
℘0 (z + λ) = ℘0 (z) 8 z 2 C 8 λ 2 Λ:
Donc ℘0 est bi-périodique, de plus elle est impaire.
Proposition 5.2.4. La fonction ℘ est bi-périodique.
Démonstration. On montre que
℘(z + u) = ℘(z) et ℘(z + v) = ℘(z):
Comme ℘0 est bi-périodique, on a
d
dz
(℘(z + u) ;℘(z)) = 0
donc ℘(z + u) ; ℘(z) est constante. On calcule la constante en évaluant en z = ;u=2 (qui n’est pas
un pôle), on trouve u  u
℘ ;℘ ;
2 2
qui est nul puisque ℘est paire. On procède de même avec v.
On résume les propriétés de ℘dans une proposition :
Proposition 5.2.5. La fonction ℘ est une fonction méromorphe sur C, paire et bi-périodique. Ses
pôles sont les points du réseau Λ. En plus, ℘vérifie la relation
℘0 (z)2 = 4℘(z)3 + a2℘(z)+ a4
où a2 et a4 sont des constantes définies par le réseau Λ.
Démonstration. Seule la relation est à démontrer. On développe ℘ en série de Laurent sur un voisi-
nage épointé de 0. Le développement a la forme

℘(z) = 2 + b2 z2 + b4z4 +
1
z
parce que ℘est paire et que

℘(z) ; 2 = ∑
(z ; λ)2 ; λ2 = g(z)
1 1 1
z λ6=0
avec g(0) = 0. La fonction g permet de calculer les premiers coefficients du développement (en déri-
vant terme à terme) :
b2 = 3 ∑ 4  b4 = 5 ∑ 6 :
1 1
λ6=0
λ λ6=0
λ
On dérive terme à terme le développement de ℘pour obtenir

℘0 (z) = ;2 3 + 2b2z + 4b4 z3 +


2

z
64 CHAPITRE 5. EXEMPLES DE CONSTRUCTIONS DE FONCTIONS

relation qu’on élève au carré :


; 2
℘0 (z) = z46 ; 16b4 +
b2
; 8 :
z2
On a ainsi
; 2
℘0 (z) 4℘(z)3 = ;20 ; 28b4 +
b2
; 
z2
ce qui fait que la fonction
; 2
℘0 (z) ; 4℘(z)3 + 20b2℘(z)+ 28b4
est holomorphe au voisinage de 0 et nulle en 0. Mais elle est bi-périodique, donc elle est holomorphe
sur C et donc constante, et donc, enfin, nulle.

Le fait que ℘satisfasse une équation différentielle algébrique


(y0 )2 = P(y)
pour un polynôme P de degré 3 fait qu’elle intervient dans la solution de nombreux problèmes de
mécanique, comme par exemple la description du mouvement d’une toupie.

5.3. Produits infinis


Soit maintenant ( fn )n2N une suite de fonctions continues sur un ouvert U de C. On veut considérer
le « produit infini »
+∞
∏ fn (z) 
n=0
c’est-à-dire la limite, si elle existe, de la suite des produits finis pn, où
n
pn (z) = ∏ fi (z):
i=0
On dit que le produit infini ∏n fn converge normalement sur une partie K de U si
– on a limn!+∞ fn = 1 uniformément sur K,
– si an = fn ; 1, la série ∑ an converge normalement sur K.

Remarque 5.3.1. De l’inégalité


1 + x  ex 8 x>0 (x 2 R)
on déduit que, pour toute suite (un ) de nombres complexes, on a
n
n !
∏(1 + ui ) exp ∑
j j  ui j
j :
i=0 i=0

Donc, si la série (an ) converge normalement sur K, la suite ( pn ) converge en norme sur K.

Proposition 5.3.2. Si les fonctions fn sont holomorphes sur U et si le produit infini ∏n fn converge
normalement sur tous les compacts de U, alors la limite f = ∏n fn est holomorphe dans U. De plus,
on a ; 
– f = f0 f1 f p ∏n> p fn ,
– L’ensemble des zéros de f est la réunion de l’ensemble des zéros des fn , l’ordre de multiplicité
d’un zéro de f étant la somme des ordres de multiplicité de ce zéro pour chacune des fonctions
fn .
5.3. PRODUITS INFINIS 65

Remarque 5.3.3. Le fait qu’un produit infini de termes ne s’annule que si l’un des termes s’annule
n’a rien d’évident. C’est même faux en général (sans nos hypothèses). Par exemple le produit in-
fini ∏n 1 exp(; 1n ) est nul. . . alors qu’aucun des facteurs n’est nul. Je laisse la vérification de cette
propriété en exercice, elle est bien sûr liée au fait que la série ∑ 1n diverge.

Démonstration. Les produits finis sont holomorphes, donc la fonction f est limite (uniformément sur
tout compact) d’une suite de fonctions holomorphes. Elle est aussi holomorphe en application du
théorème de Morera.
La formule d’associativité est claire.
Montrons maintenant l’assertion sur les zéros de f . Fixons un nombre réel ε 2]0 12  et montrons
qu’il existe un entier N tel que
m > n > N ) j pm ; pn j < 2 j pn j ε:
On a en effet, pour m > n
 m
!  m
!
pm ; pn = pn ∏ fk ; 1 = pn ∏ (ak + 1) ; 1 
k=n+1 k=n+1

ce qui permet de majorer


 m   !
= pn  ∏ (ak + 1)  m
j pm ; pnj j j ; 1
 j pnj ∏ (1 + ak ) j j ; 1
k=n+1 k=n+1

(la dernière inégalité grâce à une récurrence sur le nombre de termes du produit).
Maintenant, comme la série ∑ an converge normalement, il existe N tel que pour n > N, le reste
∑k n+1 jak j soit majoré par ε. On a alors, en utilisant les inégalités de la remarque 5.3.1,
m
 !
pour n > N  ∏ (1 + ak ) j j  exp ∑ jak j < eε :
k=n+1 k >n

Enfin, en utilisant le fait que eε < 1 + 2ε, on obtient l’inégalité désirée :


j pm ; pnj  j pnj (eε ; 1) < 2 j pnj ε:
On en déduit sans mal que, pour m > n > N,
j pm j  (1 ; 2ε) j pnj
et donc aussi que, pour n > N
j f (z)j  (1 ; 2ε) j pn (z)j :
Finalement, f ne peut s’annuler que si le produit fini pn s’annule.
On s’intéresse maintenant à la dérivée de f et plus exactement, comme f est un produit, à sa dérivée
logarithmique.

Proposition 5.3.4. Si les fonctions fn sont holomorphes sur U et si le produit infini f = ∏n fn


converge normalement sur tous les compacts de U, alors la série de fonctions méromorphes ∑ fn0 = fn
converge normalement sur tous les compacts de U vers la dérivée logarithmique f0 = f de f .

Démonstration. Fixons un entier n et posons


m
gm (z) = ∏ fk (z):
k=n+1
66 CHAPITRE 5. EXEMPLES DE CONSTRUCTIONS DE FONCTIONS

Ainsi,
g0m (z) m fk0 (z) m f 0 (z)
= ∑ ou g0m (z) = gm (z) ∑ k :
gm (z) k=n+1 fk (z) k=n+1 fk (z)
Si on fait tendre m vers l’infini, la limite g des gm est une fonvction holomorphe et sa dérivée g0 est la
limite des g0m en application du théorème de Morera 3.3.7. On a
g0 fk0
= ∑ f
g k n+1 k
et
f0 fk0
n 0 fk0
=∑ f + gg =∑ :
f k=0 k k 0 fk
On a donc bien, sur l’intérieur de K,
f0 fn0
f
=∑ fn
n
avec convergence normale sur les compacts de l’intérieur de K et ceci pour tout K compact de U .

Exemple, développement de la fonction sinus. L’exemple le plus simple qu’on puisse imaginer est
celui du produit infini
z2

f (z) = z ∏ 1 ; 2 :
n 1 n
Ene effet, ce produit converge normalement sur tous les compacts puisque la série numérique ∑ 1=n2
est convergente.
En application des résultats précédents (proposition 5.3.2), la fonction f est entière et elle a pour
zéros (simples) toutes les valeurs entières de z.
On calcule sa dérivée logarithmique en utilisant la proposition 5.3.4 :
f 0 (z)
f (z)
= 1z + ∑ z2 2zn2 ;
:
n 1

Nous avons déjà remarqué (remarque 5.1.4) l’identité


π
tgπz
= 1z + ∑ z2 2zn2 ;
:
n 1

On a alors, en posant g(z) = sin(πz), les égalités


f 0 (z)
= gg((zz))
π 0
f (z)
= tgπz :

Donc f (z) = C sinπz et il ne reste plus qu’à déterminer la constante C. Par définition de f , on a
f (z)
lim
z!0 z
=1 :

Comme sin πz=z tend vers π, on en déduit que C = . En conclusion, on a obtenu la formule
1
π
z2

sinπz
πz
=∏ 1; 2
n
:
n 1
5.4. EXERCICES 67

5.4. Exercices
5.4.1. Montrer que

= ∑ ( ;1) 1 (22n 1)
π n+1
; ;

cos πz n 1 n; 2 ; z2
En déduire que l’on a
π
4
=1 ;
1
3
+ +( 1)n 2n1+ 1 +
; :

5.4.2. Soit τ un nombre complexe tel que Im(τ) > 0 et soit q = eπiτ . Montrer que la série

∑ ( 1)n qn e2πniz
2
;
;∞n+∞
converge uniformément sur tout compact de C.
On désigne par ϑ la somme de cette série. Montrer que
ϑ(z + 1) = ϑ(z) 

ϑ(z + τ) = q;1 e;2iπzϑ(z) ; :

Montrer que ϑ n’est pas identiquement nulle. On pourra montrer par exemple que
Z
ϑ(x)j2 dx = 1 + 2 ∑ jqjn
1 2
j :
0 n 1
; 
Montrer que les nombres m + n + 12 τ sont des zéros de ϑ. En évaluant l’intégrale de la fonction
ϑ0 =ϑ sur le contour d’un parallélogramme de périodes bien choisi, montrer que ϑ n’a pas d’autre zéro
(on pourra utiliser le théorème de Rouché, ici l’exercice 6.3.4).

5.4.3. Montrer que si


℘(z) = + a2z2 + a4z4 + + a2nz2n +
1
z2
est le développement de Laurent de la fonction ℘ à l’origine, l’équation différentielle vérifiée par ℘
permet de déterminer par récurrence les coefficients a2n avec n  3 comme polynômes en a2 et a4 .
Déterminer effectivement a6 et a8 .

5.4.4. Pour chaque entier n, on considère la fonction holomorphe gn définie par


 z   z  ;z
gn (z) = z(1 + z) 1 + 1+ n :
2 n
On pose
gn (z)
fn (z) =
gn;1 (z)
:

Soit log la détermination principale du logarithme.


(1) Montrer que la série ∑n 1 log f n (z) converge normalement sur tout compact de C.
(2) En déduire que la suite de fonctions gn converge normalement sur tout compact de C vers une
fonction holomorphe g(z).

(3) La fonction Γ est définie par Γ(z) =


1
g(z)
. Montrer qu’elle est méromorphe sur C. Déterminer
ses pôles et leur ordre.
68 CHAPITRE 5. EXEMPLES DE CONSTRUCTIONS DE FONCTIONS

5.4.5. On rappelle que la suite (1 + + 1n ; logn) converge vers une limite finie, la constante d’Eu-
ler, notée γ. Montrer que
e;γz  z ;1 z
Γ(z) = 1+
z ∏
en:
n
En déduire que Γ(z)Γ(1 ; z) = π= sinπz. Calculer Γ( 12 ).

Z+
5.4.6. Montrer que, pour Réz > 0,

Γ(z) = e;t t z;1 dt :
0

5.4.7. Montrer la relation fonctionnelle



Γ(z)Γ z + = π21;2z Γ(2z):
1 p

2
On pourra considérer la fonction
; 
Γ0 (z) Γ0 z + 12 Γ0 (2z)
F (z) = + ; 1
Γ(z) Γ z+ 2 Γ(2z)
; 2

et montrer qu’elle est constante.

5.4.8. On cherche à déterminer toutes les fonctions holomorphes g sur C ayant ;N comme ensemble
de zéros simples, vérifiant g(1) = 1 et telles que

πg(z)g z +
1
= 22z;1g(2z)
p
:
2
Soient g1 et g2 deux telles fonctions. Montrer que le rapport h = g1=g2 est holomorphe sur C et
vérifie

h(1) = 1 h(z)h z + = h(2z):
1
et
2
Montrer que h ne s’annule pas. En défuire qu’il existe une fonction f holomorphe sur C telle que

h = ef et f (1) = 0:

En déduire les relations fonctionnelles vérifiées par f , puis par f 0 . Montrer que f 0 est constante, en
déduire f , h et résoudre le problème.

5.4.9. On utilise les notations de l’exercice 5.4.2. Montrer que le produit infini
;; ; 
∏ 1 ; q2n;1e2iπu 1 ; q2n;1 e;2iπu
n 1

définit une fonction f (u) holomorphe dans le plan de la variable complexe u. Quels sont les zéros de
f ? Montrer que f =ϑ est doublement périodique et entière. En déduire que

f (u) = c ϑ(u)

où c est une constante.


5.4. EXERCICES 69

5.4.10. Un théorème de Weierstrass. Soit (λk )k2N une suite de nombres complexes. On se demande
s’il existe une fonction holomorphe sur C dont les zéros sont les λk .
(1) On suppose la suite (λk ) bornée. Le problème a-t-il une solution ?
(2) Pensez-vous que la formule ∏(z ; λk ) donne une solution ?
(3) On suppose maintenant que
lim jλk j = +∞
k!+∞
et que tous les λk sont différents de 0. Pour tout k  1, on considère la fonction Ek définie par
" 2 k
#
Ek (z) = exp + 2λz 2 + + zk
z
:
λk k kλk
Supposons que z vérifie jzj  R. Montrer que, si k est assez grand, on a jλk j > 2 jzj et, en appelant
log la détermination principale du logarithme, que la fonction
  
Ek (z)
z
log 1 ;
λk
est bien définie. Montrer la majoration
     k
log 1;
z
Ek (z)    z  :
λk λk
En déduire que la série   
Ek (z)
z
∑ log λk
1;
converge uniformément sur les compacts de C. Que peut-on dire du produit infini
∞ 
∏ 1 ; λk Ek (z)?
z
k=1

Résoudre le problème pour une suite générale (λk ) tendant en module vers l’infini (et dont
peut-être certains termes sont nuls).
(4) On a construit une fonction entière f avec un zéro en chaque λk . Pensez-vous que la fonction
f se prolonge en une fonction holomorphe sur C b ? méromorphe sur Cb ?
5.4.11. Existe-t-il une fonction analytique f définie sur un ouvert connexe U contenant 0 et telle que,
pour tout n tel que 1=n 2 U , 
f
1
n
= e;n:
CHAPITRE 6

LE THÉORÈME DES RÉSIDUS

6.1. Le théorème des résidus


Commençons par définir les résidus. Soit U un ouvert de C et soit z0 un point de U . Si f est
holomorphe sur U ; fz0 g, elle possède un développement de Laurent en z0 :
f (z) = ∑ an (z ; z0 )n :
n2Z

Définition 6.1.1. Le coefficient a;1 de (z ; z0 );1 dans le développement en série de Laurent de f en


z0 s’appelle le résidu de f en z0 . On le note Rés( f  z0 ).

Avant de donner une liste de propriétés (et de méthodes de calcul) des résidus, commençons par
donner une notation unifiée décrivant les ordres des zéros et des pôles d’une fonction méromorphe.

Définition 6.1.2. Soit f une fonction méromorphe non identiquement nulle au voisinage de z0 2 C.
On appelle valuation de f en z0 et on note vz0 ( f ) le nombre entier
 0 si f est holomorphe en z0 et ne s’y annule pas,

 n 2 N si f est holomorphe en z0 , f (z0 ) = 0 et z0 est un zéro d’ordre n de f ,

 ;n (n 2 N) si f a un pôle d’ordre n en z0 .

Exemples 6.1.3
(1) Pour f (z) = 1=(z ; 1), on a
v1 ( f ) = ;1 v0 ( f ) = 0 Rés( f  1) = 1 Rés( f  2) = 0:

(2) Pour f = z3 (z 2)2, on a


= ;

v0 ( f ) = 3 v2 ( f ) =
 ; 2 v1 ( f ) = 0 Rés( f  0) = 0 Rés( f  2) = 12
(cette dernière valeur s’obtient en appliquant la proposition suivante).

Proposition 6.1.4. Soient f et g deux fonctions méromorphes sur un ouvert U de C et soit z0 un point
de U .
(1) Si f a un pôle simple en z0 ,
Rés( f  z0 ) = lim (z ; z0 ) f (z):
z!z0

Plus généralement, si z0 est un pôle d’ordre k de f , alors


h(k;1)(z0 )
Rés( f  z0) = où h(z) = (z ; z0 )k f (z):
(k ; 1)!
72 CHAPITRE 6. LE THÉORÈME DES RÉSIDUS

(2) Si f est holomorphe en z0 et si g a un zéro simple en z0 , alors


 f (z )
Rés
f
g
 z0 = 0
0
g (z0 )
:

(3) La fonction f 0 = f est méromorphe sur U. Ses pôles sont les zéros et les pôles de f et
f0

Rés
f
 z0 = vz ( f )
0 :

La démonstration consiste en une simple vérification, elle est laissée en exercice.


Une application immédiate du théorème de Laurent (théorème 4.1.1) est l’écriture du coefficient
a;1 de la série de Laurent comme une intégrale
Z
2iπ Rés( f  z0) = f (z)dz:
C(z0 r)
Le théorème des résidus est une généralisation de cette égalité : il exprime l’intégrale de fonctions
le long de certains lacets à l’aide de ses résidus en ses différents points singuliers.
Théorème 6.1.5. Soient U un ouvert élémentaire de C, F un ensemble fini de points de U, f une

Z
fonction holomorphe sur U ; F et γ un lacet à valeurs dans U ; F. Alors on a
f (z)dz = 2iπ ∑ Rés( f z0 )Indγ(z0 )

γ z0 2F

Démonstration. Soit z0 2 F. La fonction f admet un développement de Laurent sur un disque épointé


centré en z0 et contenu dans U :
f (z) = ∑ bz0n (z ; z0 )n :
n2Z
On considère la « partie singulière » de f en z0 :
hz0 (z) = ∑ bz0n (z ; z0 )n :
n<0
On sait (voir le début du § 4.2) que cette série est normalement convergente sur les compacts de
C ; fz0 g.
On définit maintenant
g(z) = f (z) ; ∑ hz0 (z):
z0 2F
C’est une fonction holomorphe sur U ; F, qui, par construction, n’a pas de singularité en les points
de F. Elle définit donc une fonction holomorphe sur U.
Mais U est un ouvert élémentaire, la fonction g y a donc une primitive holomorphe et, en particulier
pour tout lacet γ, on a Z
g(z)dz = 0
γ
soit Z Z
f (z)dz = ∑ hz0 (z)dz:
γ z0 2F γ
Évaluons donc l’intégrale de hz0 . La série définissant cette fonction est, on l’a dit, normalement

Z
convergente sur les compacts de C ; fz0 g et donc
Z
hz0 (z)dz = ∑ bz0n (z ; z0 )n dz
γ γn<0
Z
= ∑ bz n γ(z 0 ; z0 )n dz:
n<0
6.1. LE THÉORÈME DES RÉSIDUS 73

Mais, si n 6= ;1, (z ; z0 )n a une primitive (à savoir (z ; z0 )n+1 =(n + 1)) sur C ; fz0 g. Donc, si n 6= ;1,
Z
(z ; z0 )n dz = 0:
γ

Il ne nous reste plus que


Z dz
= 2iπIndγ (z0) par définition :
γ z ; z0

Corollaire 6.1.6. Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert élémentaire U de C, soient z un point
de U et γ un lacet dont l’image ne contient pas z. Alors
Z f (w)
Indγ (z) f (z) =
1
dw:
2iπ γ w;z

Démonstration. C’est le théorème des résidus (théorème 6.1.5) appliqué à la fonction


f (w)
w 7;;;!
w;z
qui est holomorphe sur U ; fzg et dont le résidu en z est f (z) (voir la proposition 6.1.4).

C’est une généralisation de la formule de Cauchy, qui s’obtient pour les cercles centrés en z0 , cas
où l’indice est 1.

Ce qui se passe à l’infini. Soit g une fonction méromorphe sur C b . Soit γ le cercle de centre 0 et de
rayon R, où R est supposé assez grand pour que tous les pôles de g dansC soient à l’intérieur du
disque bordé par γ. Soit h la fonction méromorphe définie par h(u) = g
1
. Alors on a l’égalité
Z
u
h(u)

g(z)dz = ;2iπ Rés 0 :
γ u2
Paramétrons en effet le cercle par γ(t ) = Reit (t 2 0 2π]). Par définition de l’intégrale, on a
Z Z
g(z)dz = g γ(t )γ0 (t )dt 

γ 0

ce qu’on peut aussi écrire


Z γ0 (t )
g γ(t ) γ(t )2 dt :
2π ;

γ(t )2
;
0

Si l’on pose δ(t ) = Re;it (c’est le cercle parcouru dans l’autre sens), soit δ(t ) = R2
1
γ(t )
, la dernière
intégrale est égale à
Z 1 0
Z h(z)
h δ(t ) δ (t )dt = ;

δ(t )2
; dz:
0 δ z2
On conclut en appliquant le théorème des résidus.

Remarque 6.1.7. On peut définir le résidu de g en ∞ comme le résidu en 0 de ;h(u)=u2 :


h(u)

Rés (g ∞) = Rés ; 2  0 :
u
74 CHAPITRE 6. LE THÉORÈME DES RÉSIDUS

Nombres de zéros et de pôles d’une fonction méromorphe. La théorème des résidus (théorème
6.1.5) et le calcul des résidus de f 0 = f dans la proposition 6.1.4 donnent immédiatement :

Proposition 6.1.8. Soient U un ouvert élémentaire de C et f une fonction méromorphe sur U dont
l’ensemble F des zéros et des pôles est fini. Soit γ un lacet dans U ; F. Alors on a
Z f 0 (z)
dz = ∑ vz0 ( f )Indγ (z0 ):
1
2iπ γ f (z) z0 2F

Corollaire 6.1.9. Soient U un ouvert élémentaire de C et f une fonction méromorphe sur U dont
l’ensemble F des zéros et des pôles est fini. Soit γ un lacet dans U ; F dont l’indice par rapport à
tous les points de F vaut 1. Alors
Z f 0 (z)
dz = ∑ vz0 ( f ):
1
2iπ γ f (z) z0 2F

Le second membre de cette égalité s’interprète comme le nombre de zéros de f comptés avec
multiplicités moins le nombre de pôles de f (toujours comptés avec multiplicités).

Remarque 6.1.10. Une fonction méromorphe sur C b a autant de zéros que de pôles. En effte, on a
démontré que toutes les fonctions méromorphes sur C b sont des fractions rationnelles. On peut aussi
vérifier que la valuation d’une fraction rationnelle en ∞ compense la différence des degrés du numé-
rateur et du dénominateur.

Exemples 6.1.11
(1) La fraction rationnelle (zn ; 1)=(z + i) s’annule n fois dans C, a un pôle dans C, elle a donc un
pôle d’ordre n ; 1 en ∞ (ce qui se vérifie aisément !).
(2) De même (z2 ; 1)=(z + 3)3 a un pôle triple et deux zéros simples dans C, elle a donc un zéro
simple en ∞.

Homographies. Ce sont les « automorphismes » de la sphère de Riemann.


b ! C une fonction méromorphe qui définit une bijection de Cb sur lui-
Corollaire 6.1.12. Soit f : C
même. Alors il existe des nombres complexes a, b, c et d avec ad ; bc 6= 0 et tels que
az + b
f (z) =
cz + d
:

La transformation réciproque a les mêmes propriétés.

Démonstration. Nous savons grâce à la proposition 4.3.8 que f est une fraction rationnelle. Si elle
définit une bijection de C b dans lui-même, elle a un seul zéro (un unique point est envoyé sur 0) et un
seul pôle. Il reste à vérifier que ce zéro est simple. Soit z0 le point où f s’annule. On écrit
f (z) = (z ; z0 )m g(z)
où g est holomorphe et ne s’annule pas au voisinage de z0 . On vérifie que, si m  2, f n’est pas
injective au voisinage de z0 .

6.2. Applications du théorème des résidus au calcul d’intégrales


Le théorème des résidus a de nombreuses applications au calcul d’intégrales (même réelles). Le
plus simple est de donner qulques familles d’exemples.
6.2. APPLICATIONS DU THÉORÈME DES RÉSIDUS AU CALCUL D’INTÉGRALES 75

Z
Fonctions trigonométriques. Il s’agit de calculer des intégrales de la forme

R(cos t  sint )dt


0
où R est une fraction rationnelle
P(X  Y )
R(X  Y ) = P Q 2 RX  Y ]
Q(X  Y )


sans pôle sur le cercle unité (c’est dire que Q ne s’annule pas sur x2 + y2 = 1, l’intégrale est une
« intégrale définie »).
On pose z = eit , de sorte que cost = (z + ), etc. L’intégrale s’écrit
1 1

Z 2
Zz
 1  dz
R(cost  sint )dt = z+
2π 1 1 1
R  z;
0 C(01) 2 z 2i z iz
et le théorème des résidus affirme qu’elle vaut 2iπ fois la somme des résidus des pôles de la fraction
rationnelle  1 
r(z) = R z+
1 1 1 1
 z;
iz 2 z 2i z
contenus à l’intérieur du disque unité.
Exemple 6.2.1. Calculons par cette méthode
Z
I=

dt
0 a + sint
pour a > 1:
Comme le dénominateur a + sint ne s’annule pas, la méthode s’applique. Il s’agit de trouver les pôles
et les résidus de la fraction rationnelle
r(z) =
1 1
 = 2
z + 2iaz ; 1
:

a+
iz 1 1 2
z;
2i z
Les deux pôles sont z0 = ;ia + i a2 ; 1 et ;1=z0 . Seul z0 est à l’intérieur du disque unité. Le résidu
p

de r en z0 est
2z0
z0 + 1
2
= p
;i

a2 ; 1
et on trouve finalement
I=p

:
a2 ; 1
Fractions rationnelles. Dans les exemples précédents, on appliquait directement le théorème des
résidus. Dans ceux étudiés maintenant, il va y avoir un passage à la limite. Il s’agit d’intégrales de la
forme
+∞ Z
I= R(t )dt
;∞
où R 2 R(X ) est une fraction rationnelle sans pôle réel. Il faut faire une hypothèse pour que cette
intégrale existe. On peut demander que le degré du dénominateur soit au moins 2 de plus que celui du
numérateur. Il est équivalent de dire que
lim tR(t ) = 0:
jt j!+∞
Pour calculer l’intégrale, on va intégrer la fonction R(z) sur le bord d’un demi-disque de rayon r,
centré à l’origine et contenu dans le demi-plan supérieur. Le rayon est supposé assez grand pour que
tous les pôles de R soient strictement à l’intérieur du disque de rayon r.
76 CHAPITRE 6. LE THÉORÈME DES RÉSIDUS

0 r

Figure 1

Le lacet « demi-cercle » est constitué du segment ;r r] de l’axe réel et du demi-cercle proprement
dit. L’intégrale de R sur le segment tend vers I quand r tend vers l’infini, pour pouvoir calculer I en
sommant les résidus de R en ses pôles à partie imaginaire positive, il suffirait donc que l’intégrale de
R sur le demi-cercle tende vers 0 quand r tend vers l’infini. C’est ce qu’affirme le lemme facile (et un
peu plus général) suivant.
Lemme 6.2.2 (Jordan). Soit f une fonction continue définie dans un secteur θ1  θ  θ2. Si
lim z f (z) = 0
jzj!+∞
alors Z θ2
lim f (reiθ )irdθ = 0:
r!+∞ θ1

Démonstration. La fonction f est continue, son module est donc borné sur l’arc de cercle de rayon r,
soit M (r) sa borne supérieure. On a
Z θ 
 f (reiθ )irdθ
2
 M (r)r(θ2 ; θ1)
θ
1

et l’hypothèse implique que limr!+∞ rM (r) = 0.


On en déduit que
Z+ ∞ ; 
R(x)dx = 2iπ ∑ Rés R z j
;∞ j
la somme étant étendue à tous les pôles z j de R contenus dans le demi-plan supérieur.
Remarque 6.2.3. En considérant le demi-disque contenu dans le demi-plan inférieur, on obtiendrait

Z+
une formule analogue avec les pôles du demi-plan inférieur
∞ ; 
R(x)dx = ;2iπ ∑ Rés R z0j :
;∞ j

Le signe vient de l’indice du lacet par rapport aux pôles : on fait le tour dans l’autre sens. Il est
compensé in fine par le fait que z0j = z j (R est réelle).
Exemple 6.2.4. Calculons l’intégrale
Z+ ∞ dt
1 + t6
:
0
6.3. EXERCICES 77

On remarque d’abord que l’intégrale est convergente, puis que la fonction à intégrer est paire et donc
que l’intégrale considérée est la moitié de l’intégrale sur tout l’axe réel, enfin que les trois zéros de
1 + z6 qui sont dans le demi-plan supérieur sont
 π  π 5π

exp i  exp i  exp i :
6 2 6
En appliquant la recette habituelle pour le calcul du résidu en z0 , on trouve ici 1=6z50 , c’est-à-dire
;z0 =6 (parce que z = ;1). Finalement
6
0
Z
1 +∞ dt
I=
2 ;∞ 1 + t 6
 π  π 
= ; 6 exp i 6 + exp i 2 + exp i 6
iπ 5π

π π 
= 6 2 sin 6 + 1
= π3 :
On trouvera d’autres exemples de calculs et de méthodes de calcul dans les exercices.

6.3. Exercices
6.3.1. Calculer les résidus en i de f (z) = eiz =(z2 + 1).

6.3.2. Calculer le résidu en i de f (z) = eiz =(z(z2 + 1)2 ).

6.3.3. Combien de fonctions holomorphes y a-t-il sur le disque ouvert de centre 1 et de rayon 1 qui
vérifient f (z)2 = z ?
f (z)
Pour chacune d’elles, calculer le résidu en 1 de .
z;1

6.3.4. Théorème de Rouché.


(1) Soient γ1 et γ2 deux lacets (C 1 par morceaux) dans C. On suppose que 0 n’est pas dans l’image
de γ1 et que
jγ2 (t )j < jγ1 (t )j pour tout t :
γ2 (t )
δ(t ) = 1 + définit un lacet δ dans C, ne passant pas par 0 et tel que
γ1 (t )
Montrer que t 7!

Indδ (0) = 0. En déduire que


Indγ1 +γ2 (0) = Indγ1 (0):

(2) Soient f et g deux fonctions holomorphes sur un ouvert U de C. Soit K un compact contenu
dans U et dont le bord Γ admet un paramétrage C 1 par morceaux. On suppose que
j g(z)j < j f (z)j pour tout z 2 Γ:
Montrer que f et g ont le même nombre de zéros (comptés avec multiplicité) dans K.
(3) Combien le polynôme z8 ; 4z5 + z2 ; 1 a-t-il de racines dans le disque unité jzj  1 ?
78 CHAPITRE 6. LE THÉORÈME DES RÉSIDUS

Z + x sin (πx)dx
6.3.5. Calculer les intégrales réelles suivantes :
∞ 2
(1)
(x + 1)(x + 2)
Z
2 2
0

(a + cosθ) pour n = 1 2 et a


(2)  j j> 1
Z + t dt
n
0
∞ 2k

; 1+t
(3) pour 0 k n.  <

Z + cost
2n

t2 + 1
(4) dt.
0

6.3.6. Calculer
dz
Z
E 1+z
4

pour E l’ellipse d’équation x2 ; xy + y2 + x + y = 0.

6.3.7. Pour tout R > 1, on considère le triangle


TR = fz 2 C j Ré(z)  R Im(z)  Ré(z) Im(z)  ; Ré(z)g
et on pose
Z e;z
IR =
1
2iπ ∂TR (1 ; z4)2 dz:
Calculer I = limR!+∞ IR. Déterminer une fonction f : 0 +∞! R telle que
Z+ ∞
f (x)dx = I :
;∞

2π=n
0 r

Figure 2

6.3.8. Pour n > α + 1, calculer, à l’aide du contour représenté sur la figure 2, l’intégrale
Z+ ∞ dx

1 + xn
:
0

Z+
6.3.9. En utilisant le contour indiqué sur la figure 3, calculer
∞ sint
dt :
0 t
6.3. EXERCICES 79

ε r
0
Figure 3

Z+
6.3.10. Le but de cet exercice est de calculer l’intégrale réelle
∞ logx
0 (1 + x)3 dx
(log désigne le logarithme népérien).
(1) Montrer qu’il existe des déterminations du logarithme sur l’ouvert
 + 
U = z2Cjz2
= R :

Que peut-on dire de la différence de deux telles déterminations ? Montrer qu’il en existe une
unique, que l’on notera log dans cet exercice, vérifiant log(;1) = iπ.

ir R + ir

Figure 4

(2) On considère le contour Γ représenté sur la figure 4. Les nombres réels r et R vérifient 0 < r <
1 < R. Quelle est la limite de l’intégrale
Z (logz)2 dz
Γ (1 + z)
3

quand R tend vers +∞ et r vers 0 ?

Z+ Z+
(3) En déduire la valeur de l’intégrale
∞ logx ∞ dx

0 (1 + x)3 dx et celle de
0 (1 + x)3 :
80 CHAPITRE 6. LE THÉORÈME DES RÉSIDUS

Z
6.3.11. Avec les mêmes notations (et la même méthode) que dans l’exercice précédent, évaluer
logz
Γ z +z +z+1
3 2
dz
et en déduire la valeur de Z +∞ dx
x +x +x+1
:
3 2
0
BIBLIOGRAPHIE

[1] J.-B. Bost. Fonctions analytiques d’une variable complexe. École polytechnique, 1997.
[2] H. Cartan. Théorie élémentaire des fonctions analytiques d’une ou plusieurs variables complexes.
Hermann, Paris, 1961.
[3] W. Rudin. Analyse réelle et complexe. Masson, 1975.
[4] R. Silverman. Introductory complex analysis. Dover, 1972.
[5] J.-L. Verley. Fonctions analytiques. Encyclopædia Universalis, 1973.

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