Excision
Excision
Excision
Digest Innocenti
CHANGER
UNE CONVENTION SOCIALE NEFASTE :
LA PRATIQUE DE
L’EXCISION/MUTILATION
GENITALE FEMININE
Digest Innocenti
CHANGER
UNE CONVENTION SOCIALE NEFASTE :
LA PRATIQUE DE L’EXCISION/MUTILATION
GENITALE FEMININE
2 Digest Innocenti
Remerciements
Le Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, situé à Florence, en Italie, a été créé en 1988 pour renforcer le
potentiel de recherche du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et soutenir son engagement en
faveur des enfants du monde entier. Le Centre (connu officiellement sous le nom de Centre international pour
le développement de l’enfant) contribue à déterminer et à approfondir les domaines d’activité de l’UNICEF pré-
sents et à venir. Ses principaux objectifs consistent à améliorer la compréhension internationale des questions
liées aux droits des enfants et à faciliter la pleine application de la Convention des Nations Unies relative aux
droits de l’enfant tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Les Digests Innocenti
sont produits par le Centre dans le but de fournir des informations fiables et accessibles sur des questions spé-
cifiques concernant les droits des enfants.
Le présent Digest Innocenti est dû principalement au travail de recherche et de rédaction de Michael Miller
et de Francesca Moneti, avec la contribution à la recherche de Camilla Landini. Il a été préparé sous la supervi-
sion de la Directrice du Centre, Marta Santos Pais. Claire Akehurst s’est occupée du soutien administratif.
Des remerciements particuliers sont adressés à Samira Ahmed, Farida Ali, Daniela Colombo, Maria Gabriella
De Vita, Malik Diagne, Neil Ford, Gerry Mackie, Molly Melching, Rada Noeva, Cristiana Scoppa, Mamadou Wane et
Stan Yoder pour leur contribution spécialisée, leur soutien et leurs conseils tout au long de l’entreprise.
Cette publication a bénéficié de l’apport des participants à la consultation sur l’E/MGF tenue au Centre de
recherche Innocenti de l’UNICEF en octobre 2004, parmi lesquels Zewdie Abegaz, Heli Bathija, Nafissatou Diop,
Amna Hassan, Khady Koita, Edilberto Loaiza, Diye Ndiaye, Eiman Sharief et Nadra Zaki. Elle a également tiré
profit des informations recueillies lors de la réunion technique sur l’E/MGF organisée par la Section de protec-
tion de l’enfance des services de l’UNICEF de New York, qui s’est déroulée au CRI de l’UNICEF en octobre 2004.
Le Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF est reconnaissant aux Comités nationaux hollandais, espagnol
et suisse de l’UNICEF de lui avoir fourni des informations supplémentaires, et au bureaux nationaux et régio-
naux d’Afrique de l’Est et du Sud, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, et d’Afrique occidentale et centrale
pour leur contribution et leur assistance.
Le Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF exprime sa gratitude pour l’aide financière dont il a bénéficié,
et en particulier, pour ce projet, aux gouvernements de l’Italie et du Japon.
Pour plus de renseignements et pour télécharger ces publications et autres, veuillez visiter notre site Inter-
net à www.unicef-irc.org or, pour commander des publications veuillez contacter florenceorders@unicef.org
Les publications du Centre sont des contributions à un débat global sur des questions relatives aux droits
de l’enfant et contiennent un vaste éventail d’opinions. Pour cette raison, le Centre peut produire des publica-
tions qui ne reflètent pas nécessairement les politiques ou les points de vue de l’UNICEF sur certains thèmes.
Les opinions exprimées sont celles des auteurs et sont publiées par le Centre afin de stimuler et de faire pro-
gresser le débat sur les droits des enfants. En cas de divergence dans le contenu du texte, vous êtes prié de
faire référence à la version original en anglais.
Des extraits de cette publication peuvent être librement reproduits à condition que soient dûment cités la
source et l’UNICEF. Le Centre invite les lecteurs à lui adresser leurs commentaires et leurs éventuelles sugges-
tions d’amélioration sur le contenu et la présentation du Digest en tant qu’instrument d’information.
Digest Innocenti 3
Mona Omar, éducatrice, lors d'une session de sensibilisation à l'E/MGF, avec une affiche disant que "du point de vue médical,
l'E/MGF est la pratique la plus néfaste".
District de Nazlet Ebeed, Haute-Egypte, Better Life Association.
UNICEF/Egypt/2005/838/Pirozzi
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
Qu’entend-on par E/MGF ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
7. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43
Liens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45
Digest Innocenti 5
ENCADRE
Encadré 1 - Classification des différents types d’E/MGF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10
Encadré 2 - Enquêtes démographiques et sanitaires et Enquêtes en grappes à indicateurs multiples . . . . . . .13
Encadré 3 - L’E/MGF et la pratique des pieds bandés:
une façon d’accéder au mariage et à une meilleure position sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20
Encadré 4 - Délarations de dirigeants religieux islamiques et coptes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Encadre 5 - Histoire d’une mère : le dilemme des initiateurs du processus de changement . . . . . . . . . . . . . . .21
Encadré 6 - L’émergence de l’E/MGF en tant que question relevant des droits humains . . . . . . . . . . . . . . . . . .24
Encadré 7 - La tendance à la médicalisation et aux interventions “symboliques” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25
Encadré 8 - Quelques observations finales récentes du Comité des droits de l’enfant sur les E/MGF . . . . . . .27
Encadre 9 - Les débuts de la diffusion organisée au Sénégal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32
Encadré 10 - La communication visant le changement social . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33
Encadré 11 - Nantoondiral: le cinéma au service de la discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34
Encadré 12 - Les lois contre l’E/MGF en Europe occidentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .38
Encadré 13 - Les campagnes médiatiques de la TAMWA en Tanzanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39
Encadré 14 - La participation croissante des Nations Unies
à l’effort de mettre fin à l’E/MGF et autres pratiques traditionnelles nuisibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41
CARTE
Carte 1 - Pays dans lesquels est pratiquée l’E/MGF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12
Carte 2 - République centrafricaine, 2000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
TABLEAU
Tableau 1 - Prévalence d’E/MGF par pays chez les femmes de 15 à 49 ans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12
Tableau 2 - Prévalence (pour cent) d’E/MGF chez les filles, en fonction de l’éducation des mères . . . . . . . . . .14
Tableau 3 - Prévalence d’E/MGF dans les pays où ont été effectuées deux enquêtes EDS . . . . . . . . . . . . . . . . .15
6 Digest Innocenti
AVANT-PROPOS
Chaque année, trois millions de filles et de Prenant cela comme point de départ, le Digest pré-
femmes subissent l’excision/mutilation génitale, sente quelques-unes des stratégies les plus promet-
intervention dangereuse, voire mortelle, ainsi que teuses pour encourager les communautés à aban-
source de douleurs et de maux indicibles. Cette pra- donner l’E/MGF. Ces approches prennent acte du fait
tique viole les droits humains fondamentaux des que la décision d’abandonner la pratique doit venir
filles et des femmes car elle les prive de leur intégri- des communautés elles-mêmes et refléter un choix
té physique et mentale, de leur droit à une existence collectif, publiquement revendiqué, solidement ancré
exempte de violence et de discrimination, et dans le dans le respect des droits humains. Une meilleure
pire des cas, de la vie même. compréhension des droits humains fournit aux com-
munautés l’instrument de leur propre transformation
La question de l’excision/mutilation génitale fémi- sociale. La dimension collective explicite renforce le
nine (E/MGF) concerne le monde entier. Cette pratique pouvoir des familles individuelles et leur épargne le
a lieu non seulement dans certaines communautés choix difficile de devoir rompre avec la tradition.
d’Afrique et du Moyen-Orient, mais également au sein
des communautés d’immigrés à travers le monde. En Ce Digest Innocenti apporte une contribution au
mouvement croissant visant à mettre fin à l’E/MGF
outre, des données récentes ont révélé qu’elle est bien
dans le monde entier. Dès 1952, la Commission des
plus répandue qu’on ne pensait. Aujourd’hui encore,
droits de l’homme des Nations Unies a adopté une
elle constitue une des violations des droits humains
résolution sur la question. La Convention de 1979 sur
les plus obstinées, les plus agressives et les plus sou-
l’élimination de toutes les formes de discrimination à
mises à la loi du silence.
l’égard des femmes a marqué une étape importante
Ce Digest Innocenti examine la dynamique socia- dans la reconnaissance des conséquences de
le de l’E/MGF. Dans les communautés où elle est pra- l’E/MGF en matière de droits humains. Dans la
tiquée, l’E/MGF détient un rôle important au niveau Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, le
de l’identité culturelle et de genre des femmes et des procédé a été dénoncé à la fois comme pratique tra-
filles. Le procédé transmet un sentiment de fierté, ditionnelle néfaste compromettant le droit de l’enfant
d’entrée dans l’âge adulte et d’appartenance à la au meilleur niveau de santé possible, et comme une
communauté. De plus, le refus de s’y conformer stig- forme de violence. La question a été régulièrement
matise et isole les filles et leurs familles, entraînant la suivie par le Comité des droits de l’enfant ainsi que
perte de leur statut social. Il s’agit d’une convention par d’autres instances issues d’un traité et d’autres
sociale profondément enracinée si puissante que, dispositifs concernant les droits humains.
sous la pression de la communauté, c’est pour le bien L’engagement international pour lutter contre
de leurs filles que les parents souhaitent qu’elles l’E/MGF continue de croître. Les objectifs de déve-
soient excisées. Le poids social de l’E/MGF représen- loppement du Millénaire établissent des indicateurs
te un obstacle majeur pour les familles qui sinon choi- et des buts de développement mesurables qui ont
siraient peut-être de renoncer à cette pratique. une incidence directe sur l’abandon de l’E/MGF, à
Digest Innocenti 7
savoir la promotion de l’égalité des sexes et possibilités d’attirer l’attention sur la question et de
l’autonomisation des femmes, la réduction de la mor- stimuler l’action afin que cet objectif devienne une
talité infantile et l’amélioration de la santé maternel- réalité.
le. Un monde digne des enfants, le document final de Aujourd´hui, comme jamais auparavant, la com-
la Session spéciale de l’Assemblée générale des munauté mondiale a une comprehension approfon-
Nations Unies consacrée aux enfants en 2002, appel- die des causes de la persistance de l’E/MGF, ainsi que
le expressément à mettre fin « aux pratiques tradi- des preuves encourageantes des effets des pro-
tionnelles et coutumières nuisibles, telles que le grammes innovateurs. Il y a de bonnes raisons
mariage précoce ou forcé, et les mutilations génitales d’espérer que ces connaissances permettront de
féminines ». Certains pays peuvent atteindre cet rendre l’E/MGF inacceptable dans n’importe quelle
objectif s’ils obtiennent les ressources nécessaires, perspective et sous n’importe quelle forme que ce
tandis que d’autres peuvent faire d’importants pro- soit, et que la pratique pourra être éliminée en
grès en ce sens. Les Etudes spéciales menées actuel- l’espace d’une seule génération.
lement par les Nations Unies sur la violence à l’égard
des enfants et des femmes fournissent de nouvelles Marta Santos Pais
Directrice du Centre de recherche Innocenti
8 Digest Innocenti
1
INTRODUCTION
On estime à 130 millions le nombre de filles1 et de
femmes actuellement en vie, dont les droits humains
• énonce les formes décisives sous lesquelles
l’E/MGF viole les droits humains des filles et des
ont été violés par l’excision/mutilation génitale femmes, y compris les graves conséquences phy-
(E/MGF). Cette pratique nuisible ne concerne pas siques, psychologiques et sociales entraînées par
seulement les filles et les femmes en Afrique et au cette pratique néfaste ;
Moyen-Orient, où elle appartient à la tradition, elle
• examine les facteurs qui contribuent à perpétuer
affecte aussi la vie de filles et de femmes au sein des
l’E/MGF ;
communautés d’immigrés dans les pays industriali-
sés. Même si, au cours des dernières décennies, une • fournit un aperçu des mesures effectives et com-
politique générale de sensibilisation a suscité un plémentaires au niveau local, national et interna-
vaste mouvement de lutte contre cette pratique, les tional pour mettre fin à l’E/MGF.
résultats ont été limités – à quelques importantes Sur la base des analyses effectuées, on peut rai-
exceptions près.
sonnablement espérer qu’avec un soutien approprié,
Ce Digest Innocenti répond à la pressante néces- de nombreuses communautés abandonneront la pra-
sité d’évaluer les progrès accomplis à ce jour tique de l’E/MGF en l’espace d’une unique génération.
d’identifier les défis persistants, ainsi que de mettre
en lumière les stratégies d’élimination de l’E/MGF les
plus efficaces. Dans le contexte des droits humains, il
unit les connaissances tirées de l’expérience de ter- Qu’entend-on par E/MGF ?
rain aux théories scientifiques afin de permettre à la L’excision/mutilation génitale féminine recouvre
communauté mondiale de mieux appréhender les “une série de pratiques incluant l’ablation ou la
causes de la persistance de l’E/MGF. Cette pratique lésion partielle ou totale des organes génitaux
nuisible est une convention sociale profondément externes pour des raisons non médicales”.2 Cette pro-
enracinée: elle apporte aux filles et à leurs familles cédure peut comporter l’utilisation d’instruments
un statut social et le respect de la communauté. Ne non stérilisés, artisanaux, ou rudimentaires.
pas se soumettre à l’E/MGF signifie la honte et
La terminologie appliquée à cette procédure a
l’exclusion. Il est indispensable de comprendre com-
connu plusieurs modifications importantes. Lorsque
ment et pourquoi l’E/MGF continue à avoir lieu, afin
d’élaborer des méthodes susceptibles de conduire à la pratique commença à être connue au-delà des
l’abandon de la pratique. sociétés dans lesquelles elle appartenait à la tradi-
tion, elle était généralement désignée sous le terme
Ce Digest Innocenti se veut un instrument pra- de “circoncision féminine”. Cette appellation, cepen-
tique porteur d’un changement positif pour les filles dant, établit un parallèle direct avec la circoncision
et les femmes, qui : masculine et prête à confusion entre deux pratiques
• s’appuie sur les données les plus récentes pour bien distinctes. Dans le cas des filles et des femmes,
établir la distribution géographique de l’E/MGF et le phénomène illustre une inégalité de genre aux
souligner les tendances principales; racines profondes, qui assigne à la femme une posi-
Notes
1 Le terme “filles” est utilisé dans le texte suivant la définition femmes et des enfants, établi par Mme Halima Embarek
indiqué par la Convention relative aux droits de l’enfant Warzazi conformément à la résolution 1998/16 de la Sous-
dans l’article 1 : “Au sens de la présente Convention, un commission, de la Commission des droits de l’homme, de
enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix- la Sous-commission pour la prévention de la discrimination
huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de et la protection des minorités, E/CN.4/Sub.2/1999/14, 9 juillet
la législation qui lui est applicable.” 1999.
2 Shell-Duncan, Bettina et Ylva Hernlund, ed., (2000), Female 7 OMS/FNUAP/UNICEF (1997), Mutilations génitales fémi-
“Circumcision” in Africa: Culture, Controversy and Change, nines. Déclaration commune OMS/UNICEF/FNUAP, Organi-
Lynne Rienner Publisher, Londres. L’OMS propose également sation mondiale de la Santé, Genève.
une définition de l’E/MGF, laquelle est cependant actuelle- 8 Sous sa forme de projet actuelle, le type I se rapporte à
ment en révision. Voir OMS/UNICEF/UNFPA (1997), Mutila- l’excision du prépuce avec ablation partielle ou totale du cli-
tions génitales féminines. Déclaration commune toris (clitoridectomie) ; le type II se rapporte à l’ablation par-
OMS/UNICEF/FNUAP, Orgnisation mondiale de la santé, tielle ou totale des petites lèvres, et au scellement des deux
Genève. bords au moyen de points de suture ou par soudure natu-
3 Yoder, P. Stanley, Noureddine Abderrahim et Arlinda Zhuz- relle, avec ou sans excision partielle ou totale du clitoris ; le
huni, Female Genital Cutting in the Demographic and Heal- type III se rapporte à l’excision partielle ou quasi-totale des
th Surveys : A Critical and Comparative Analysis, DHS Com- organes génitaux externes et à la suture, au rétrécissement
parative Reports N° 7, septembre 2004, ORC Macro. ou au scellement des grandes lèvres ; on le désigne souvent
4 Reynolds SJ, Sheperd ME, Risbud AR, Gangakhedkar RR, sous le terme d’ “infibulation” ; le type 4 se rapporte spéci-
Brookmeyer RS, Divekar AD, Mehendale SM, Bollinger RC fiquement à une série de pratiques variées ou non réperto-
(2004) “Male circumcision and risk of HIV-1 and other riées recouvrant l’étirement du clitoris et/ou des lèvres, la
sexually transmitted infections in India”,The Lancet, 27 mars cautérisation par brûlure du clitoris et des tissus adjacents,
2004; 363(9414); 1039-40. le curetage (angurya) de l’orifice vaginal ou la scarification
5 Shell-Duncan, Bettina et Ylva Hernlund, ed., (2000), Female (gishiri) du vagin, ainsi que l’introduction de substances
“Circumcision” in Africa: Culture, Controversy and Change, corrosives ou de plantes dans le vagin pour provoquer sai-
Lynne Rienner Publisher, Londres. gnements, resserrement ou rétrécissement ; le type 5 se
6 “Troisième rapport sur la situation en matière d’élimination rapporte à des pratiques symboliques comportant l’incision
des pratiques traditionnelles néfastes pour la santé des ou le perçage du clitoris pour faire apparaître quelques
gouttes de sang.
Tableau 1 - Prévalence d’E/MGF par pays chez les d’un pays donné. Au Nigeria, par exemple, la préva-
femmes de 15 à 49 ans7 lence nationale est de 19 pour cent ; dans les régions
du sud, elle atteint presque 60 pour cent, alors que
Pays Type d’enquête Prévalence nationale dans le nord elle varie de 0 à 2 pour cent.
et date E/MGF %
La pratique de l’E/MGF ne se limite plus aux pays
Bénin EDS 2001 17 dans lesquels elle fait partie de la tradition. Depuis la
Burkina Faso EDS 2003 77 fin de la deuxième guerre mondiale, les migrations
de l’Afrique vers les pays industrialisés n’ont pas
République cessé, une grande partie des migrants provenant de
centrafricaine MICS 2000 36 pays qui pratiquent l’E/MGF. Outre les facteurs éco-
Tchad (provisoire) EDS 2004 45 nomiques, les schémas migratoires reflètent souvent
les liens tissés au temps de la colonisation. Par
Côte d’Ivoire EDS 1998-9 45
exemple, les citoyens du Bénin, du Tchad, de Guinée,
Egypte * EDS 2003 97 du Mali, du Niger et du Sénégal ont souvent élu la
Erythrée EDS 2002 89 France comme pays de destination, alors que ceux
du Kenya, du Nigeria et de l’Ouganda ont majoritai-
Ethiopie EDS 2000 80 rement émigré vers le Royaume-Uni.
Ghana EDS 2003 5 Dans les années 70, les guerres, les conflits civils
Guinée EDS 1999 99 et la sécheresse qui ont sévi dans plusieurs Etats afri-
Kenya EDS 2003 32 cains, notamment en Erythrée, en Ethiopie et en
Somalie, ont provoqué l’afflux de réfugiés vers
Mali EDS 2001 92 l’Europe occidentale, dont certains pays, comme la
Mauritanie EDS 2000-1 71 Norvège et la Suède, avaient été jusqu’alors relative-
ment peu touchés par les migrations. Outre l’Europe
Niger EDS 1998 5
occidentale, le Canada et les Etats-Unis en Amérique
Nigeria EDS 2003 19 du Nord, et l’Australie et la Nouvelle-Zélande en Aus-
Soudan* + MICS 2000 90 tralasie accueillent également des femmes et des
enfants qui ont déjà subi, ou risquent de subir l’E/MGF.
Tanzanie EDS 1996 18
On dispose de peu de données sur la prévalence
Yémen* EDS 1997 23 et les caractéristiques de l’E/MGF dans les pays indus-
* Echantillon de femmes ayant été mariées au moins une fois trialisés, et il arrive qu’on extrapole pour avoir une
+ Les enquêtes ont été effectuées dans le nord du Soudan idée de l’étendue de la pratique. En associant les don-
Prévalence d’E/MGF
0-19.9%
20-39.9%
40-54.9%
55-69.9%
70-84.9%
85-100%
18 Digest Innocenti
3
LA DYNAMIQUE SOCIALE DE L’E/MGF
Au sein de toutes les sociétés où elle est en usage,
l’E/MGF constitue une manifestation de l’inégalité des
d’appartenance à la communauté. Les filles qui subis-
sent le rite sont récompensées par la considération
genres profondément ancrée dans les structures collective, ainsi que par des cérémonies et des
sociales, économiques et politiques. Dans la pratique, cadeaux. En outre, dans les communautés au sein
cependant, cette dimension n’est pas explicitement desquelles l’E/MGF est quasiment la norme, ne pas se
abordée et parfois même pas reconnue par les per- conformer à la pratique peut entraîner le blâme,
sonnes qui approuvent et perpétuent l’E/MGF. l’exclusion sociale et l’impossibilité de trouver un
Les chercheurs qui tentent de comprendre le pour- mari. Il arrive aussi que les filles et les femmes vivant
quoi et le comment de la persistance de l’E/MGF sont dans des communautés d’immigrés considèrent la
confrontés à ce qui apparaît comme un paradoxe: pratique comme une façon de renforcer leur identité
dans de nombreux cas, les parents ou autres culturelle au sein d’un contexte étranger.
membres de la famille perpétuent une tradition qu’ils Considérer l’E/MGF comme une convention socia-
savent être nuisible pour la santé physique et psycho- le permet de mieux comprendre pourquoi les femmes
logique de leurs filles. Cela s’explique par la dyna- ayant elles-mêmes enduré la pratique et ses consé-
mique sociale au sein des communautés qui prati- quences néfastes, encouragent sa continuation.4 Ces
quent l’E/MGF. Les mères organisent le rite car elles femmes s’opposent aux initiatives qui ont pour but de
considèrent que cela fait partie de leur devoir mettre fin à l’E/MGF non pas par ignorance de ses
d’éduquer convenablement leur fille1 et de la préparer aspects nuisibles, mais par crainte que cela n’entraîne
à l’âge adulte et au mariage. Lors des débats sur une perte de statut et de protection. Cela explique éga-
l’E/MGF, des femmes Maninka de Guinée centrale ont lement pourquoi les familles individuelles qui décla-
expliqué que les parents ont un triple devoir envers rent leur désir d’abandonner la pratique y soumettent
leurs filles: les éduquer convenablement, les faire toutefois leurs filles. La convention ne peut être modi-
exciser, et leur trouver un mari.2 L’obligation de faire fiée que si, au sein d’une communauté donnée, un
exciser leur fille peut être perçue comme une conven- nombre significatif de familles choisit collectivement
tion sociale à laquelle les parents se conforment, et unanimement d’abandonner la pratique, de telle
même si la pratique est nuisible. Dans cette perspecti- sorte qu’aucune fille ou famille individuelle ne soit
ve, le non respect de la convention serait plus néfaste désavantagée par la décision.5
encore car il signifierait la honte et l’exclusion sociale.
La convention sociale a un tel poids que les filles
elles-mêmes désirent parfois être excisées, poussées Les mécanismes qui renforcent
par leurs pairs, et par la crainte – non sans fondement
- d’être blâmées et rejetées par la communauté si la convention sociale
elles ne suivent pas la tradition.3 L’E/MGF joue un rôle Les arguments avancés pour justifier l’E/MGF sont
important dans l’identité culturelle et de genre des nombreux et, dans leur contexte spécifique, convain-
filles et des femmes et peut également transmettre un cants. S’ils peuvent varier selon les communautés, ils
sentiment de fierté, d’entrée dans l’âge adulte et présentent cependant un tronc commun: l’E/MGF
Notes
1 Gruenbaum, Ellen (2001), The Female Circumcision Contro- The Carr Center for Human Rights Policy, John F. Kennedy
versy: An anthropological perspective, University of Penn- School of Government, Harvard University.
sylvania Press, Philadelphie. 9 Gachiri, Ephigenia W. (2000), Female Circumcision. With refe-
2 Yoder, P. Stanley, papa Ousmane Camara, et Baba Soumao- rence to the Agikuyo of Kenya, Paulines Publication, Nairobi.
ro (1999), Female genital cutting and coming of age in Gui- 10 Information fournie par Ananilea Nkya, directrice de la Tan-
nea, Macro International Inc., Calverton, MD. zanian Media Women’s Association, 21 juin 2004.
3 Plusieurs observateurs ont relevé le pouvoir de la pression 11 Dorkenoo, Efua et Scilla Elworthy (1992), Female genital
exercée par leurs pairs sur les filles et les jeunes femmes en mutilation : proposals for change, Londres, série: MRG
matière d’E/MGF. Voir les chapitres 7, 9, 12 et 14 de Female report; n° 92/3.
“Circumcision” in Africa: Culture, Controversy and Change, 12 Dorkenoo, Efua et Scilla Elworthy (1992), Female genital
par Shell-Duncan, Bettina et Ylva Hernlund, ed., (2000), mutilation : proposals for change, Londres, série: MRG
Lynne Rienner Publisher, Londres. report; n° 92/3.
4 Carr, Dara (1997), Female Genital Cutting: Findings form the 13 Carla Pasquinelli (2004), “Anthropology of Female Genital
Demographic and Health Surveys Program, Macro Interna- Mutilation” in Normes législatives pour la prévention des
tional Inc, Calverton MD. mutilations génitales féminine, actes de la Consultation
5 Pour en savoir plus sur l’E/MGF en tant que convention afro-arabe d’experts, Le Caire, Egypte, 21-23 juin 2003 Non
sociale, voir Mackie, Gerry (1996), “Ending Footbinding and c’è pace senza giustizia, supplément spécial 1/2004. Pour
Infibulation: A Convention Account”, American Sociological d’ultérieurs débats sur les E/MGF et la théologie islamique,
Review, vol. 61, n° 6, décembre 1996. voir par exemple Johnsdotter, S. (2003), “Somali Woman in
6 Pour en savoir plus sur les similitudes entre la pratique des Western Exile: Reassessing Female Circumcision in the
pieds bandés et l’E/MGF, voir Mackie, Gerry (1996), “Ending Light of Islamic Teachings”, Journal of Muslim Minority
Footbinding and Infibulation: A Convention Account”, Ame- Affairs, vol. 23, n° 2, octobre 2003.
rican Sociological Review, vol. 61, n° 6, décembre 1996. 14 Déclaration faite lors de la Consultation afro-arabe
7 Par exemple, les Taguana de Côte d’Ivoire font partie des d’experts sur “Normes législatives pour la prévention des
groupes qui croient que les femmes n’ayant pas subi le rite mutilations génitales féminnines, Le Caire 21-23 juin 2003”,
ne peuvent pas avoir d’enfants, voir Dorkenoo, Efua et Scil- rapportée en Normes législatives pour la prévention des
la Elworthy (1992), Female genital mutilation : proposals for mutilations génitales féminines, actes de la Consultation
change, Londres, série: MRG report ; n° 92/3. Dans certaines afro-arabe d’experts, Egypte, 21-23 juin 2003 Non c’è pace
communautés on pense que les organes génitaux externes senza giustizia, supplément spécial 1/2004.
d´une femme ont le pouvoir de rendre aveugle toute per- 15 Déclaration faite lors de la Consultation afro-arabe
sonne qui l’assiste lors de l’accouchement, ou de causer la d’experts sur “Normes législatives pour la prévention des
mort du nouveau-né si la tête de l’enfant entre en contact mutilations génitales féminines, Le Caire 21-23 juin 2003”,
avec le clitoris de la mère lors de la naissance. Selon rapportée in Normes législatives pour la prévention des
d’autres croyances une femme non excisée peut devenir mutilations génitales féminines, actes de la Consultation
physiquement monstrueuse, perdre la raison, ou causer la afro-arabe d’experts, Le Caire, Egypte, 21-23 juin 2003 Non
mort de son mari. Voir OMS (2001), FGM. Integrating the c’è pace senza giustizia, supplément spécial 1/2004.
Prevention and Management of the Health Complications 16 Mackie, Gerry (2000), “Female Genital Cutting: the Beginning
into the Curricula of Nursing and Midwifery. A Teacher’s of the End” in Shell-Duncan, Bettina et Ylva Hernlund, ed.,
Guide, Organisation mondiale de la santé, Genève. (2000), Female “Circumcision” in Africa: Culture, Controver-
8 Bradford, Quiana et Kimberly Mc Clure (2003), “Qualitative sy and Change, Lynne Rienner Publisher, Londres.
Analysis of the Role of Human Rights Language in Efforts to 17 Cité par Gruenbaum, Ellen (2004), “FGM in Sudan: Knowledge,
Stop Female Genital Mutilation (FGM) in Egypt”, exercice Attitudes and Practices. Qualitative Research on Female Geni-
d’analyse politique pour le Conseil de population, bureau tal Mutilation/Cutting (FGM/FGC) in West Kardofan and Kassa-
d’Asie occidentale et d’Afrique du Nord, Le Caire, Egypte et la States”, UNICEF, Bureau national du Soudan, Khartoum.
que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue une sur toute question l’intéressant, les opinions de
considération primordiale “dans toutes les décisions l’enfant étant dûment prises en considération eu
qui concernent les enfants”. Ce principe est d’une égard à son âge et à son degré de maturité.” Dans la
importance capitale dans le contexte familial puisque majorité des cas, les filles subissent l’E/MGF contre
“la responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son leur volonté. Dans les cas de consentement apparent,
développement incombe au premier chef aux il est difficile de démêler si ce consentement a été
parents ou, le cas échéant, à ses représentants pris en connaissance de cause et s’il est valable. En
légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par effet, il est fortement assujetti à la tradition et à la cul-
l’intérêt supérieur de l’enfant ”9 (article 18 de la CDE). ture, aux attentes de la communauté et à la pression
Les parents qui décident de soumettre leur fille à des pairs – notamment par le biais de chansons et de
l’E/MGF pensent agir dans son intérêt. En répondant poèmes qui tournent en dérision les filles non exci-
à une attente sociale et culturelle en vertu de laquelle sées 11 – et conditionné par le désir de l’intéressée
les filles doivent être excisées, ils veulent consolider elle-même d’être acceptée comme membre à part
le statut et la reconnaissance de leur fille au sein de la entière de sa communauté. Tous ces aspects exercent
communauté. Bien que les parents – en particulier les une contrainte sur les filles et les femmes.12
mères et les autres femmes de la famille – soient par-
fois conscients des graves conséquences physiques Le droit à la vie et au meilleur état
et psychologiques éventuelles de l’E/MGF, ils considè- de santé possible
rent que les bénéfices procurés par l’intervention sont
L’E/MGF compromet de façon irréversible
supérieurs aux risques encourus. Cette façon de voir
ne peut en aucune façon justifier la violation des l’intégrité physique des filles et des femmes. Les
droits des filles et des femmes.10 Comme on peut le dégâts causés par l’intervention peuvent mettre gra-
voir dans d’autres sections de ce Digest, il existe des vement en danger leur santé et leur bien-être.13
modes efficaces de résoudre ce dilemme et de colla- Dans les cas extrêmes, l’E/MGF peut violer le droit
borer avec les parents, les familles et les communau- à la vie. La mort est souvent provoquée par des
tés pour promouvoir une approche qui respecte les hémorragies abondantes et incontrôlables, ou par
droits humains et encourage l’abandon de l’E/MGF. des infections successives à l’intervention.14 En outre,
Il est primordial, dans le contexte de l’E/MGF l’E/MGF peut entraîner ou causer la mort maternel-
comme dans de nombreuses autres situations, de le.15 On ignore le taux de mortalité des filles et des
prendre en considération les opinions de l’enfant. femmes soumises à l’E/MGF car les documents à cet
Comme le souligne l’article 12 de la CDE, “les Etats égard sont peu nombreux, et les décès par suite de
parties garantissent à l’enfant qui est capable de dis- l’E/MGF sont rarement déclarés comme tels.16 Les
cernement le droit d’exprimer librement son opinion dossiers médicaux ne sont guère utiles non plus
Pays-Bas. 26/10/99.
18. Le Comité apprécie les efforts de l’Etat partie et comprend les difficultés qu’il doit affronter pour protéger les filles
placées sous sa juridiction contre les mutilations génitales féminines pratiquées hors de son territoire. Toutefois, le
Comité engage l’Etat partie à entreprendre des campagnes d’information énergiques et efficacement ciblées pour
combattre le phénomène, ainsi que d’envisager l’adoption d’une législation de portée extraterritoriale susceptible
d’améliorer la protection des filles placées sous sa juridiction contre de telles pratiques traditionnelles nuisibles.
communautés et les organisations locales. L’article 24 Comme le Comité des droits de l’enfant, le Comi-
(3) de la CDE appelle les Etats parties à “prendre té qui suit la mise en oeuvre de la Convention sur
toutes les mesures efficaces appropriées en vue l’élimination de toutes les formes de discrimination à
d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à l’égard des femmes de 1979 (CEDEF), a fait spécifi-
la santé des enfants”. Ces mesures comprennent des quement référence aux obligations des Etats parties
campagnes de sensibilisation et d’éducation, la mise par rapport à l’E/MGF. Dans sa recommandation
en place de mécanismes pour protéger les enfants générale de 1990 (n° 14), le Comité recommande que
contre ces pratiques, l’introduction d’une législation les Etats parties “prennent des mesures efficaces
qui empêche ces pratiques et garantisse l’accès aux appropriées en vue d’éradiquer la pratique de la cir-
soins et à l’information sanitaires.34 concision féminine”. La Recommandation demande
Le Comité des droits de l’enfant a pour mission de également que les Etats parties “introduisent dans
suivre la mise en application de la Convention et leurs programmes de santé nationaux des actions
d’évaluer les progrès des Etats parties en ce qui visant à éradiquer la circoncision féminine dans la
concerne la garantie du respect des droits des enfants. sphère de la santé publique. Ces actions devraient
A la suite de l’examen des rapports des Etats parties tenir compte de la responsabilité particulière du per-
sur la mise en œuvre de la CDE, le Comité a souvent sonnel sanitaire, y compris les accoucheuses tradi-
exprimé des inquiétudes sur l’E/MGF, et a émis des tionnelles, d’expliquer les conséquences nuisibles de
recommandations pour la faire cesser (voir encadré la circoncision féminine”. 35 Plus récemment, le Comi-
8). En 1995, le Comité a organisé un débat général sur té a émis une Recommandation générale sur les
le statut de l’enfant féminin dans le sillage de la qua- femmes et la santé, qui demande aux Etats parties de
trième Conférence des femmes de Beijing. Ce débat a s’engager à promulguer et à faire respecter des lois
souligné l’importance de promouvoir et de protéger interdisant les mutilations génitales féminines.
les droits des filles en brisant le cercle des traditions et La Résolution prise en 2001 par l’Assemblée géné-
des préjudices nuisibles aux femmes, ainsi que la rale de l’ONU sur les pratiques traditionnelles ou cou-
nécessité de l’éducation pour donner aux filles tumières affectant la santé des femmes et des filles,
l’assurance et les instruments qui leur permettent de réaffirme l’obligation de tous les Etats de promouvoir
faire librement les choix les concernant. et de protéger les droits humains, et leur demande
Notes
1 Seuls deux pays n’ont pas encore ratifié la CDE : la Somalie 15 OMS (2001), “Management of pregnancy, childbirth and the
et les Etats-Unis d’Amérique. postpartum period in the presence of female genital mutila-
2 Outre la CDE et la CEDEF une série d’autres importants ins- tion”, rapport de consultation technique de l’OMS, Genève,
truments de droits humains contiennent des articles appli- 15-17 octobre 1997.
cables à l’E/MGF. Les instruments internationaux compren- 16 OMS (1996), Mutilations génitales féminines: kit
nent la Déclaration universelle des droits de l’homme de d’information, Organisation mondiale de la santé, Genève.
1948 (articles 2 et 3), le Pacte international de 1966 sur les 17 Obermeyer, C. (1999), “Female genital surgeries: The
droits civils et politiques (articles 7 et 24) et le Pacte inter- known, the unknown, and the unknowable”, Medical Anthro-
national de 1966 sur les droits économiques, sociaux et cul- pology Quarterly, 13(1), cité in Jaldesa, Guyo W., Ian Askew,
turels (article 12). Le Comité des Nations Unies des droits Carolyne Njue, Monica Wanjiru (2005), “Female Genital Cut-
économiques, sociaux et culturels a déclaré dans ses com- ting among the Somali of Kenya and Management of its
mentaires généraux sur le droit à la santé (article 12) qu’il Complications”, USAID.
est important d’entreprendre des actions pour protéger les 18 OMS (2000), Mutilations génitales féminines. Aide-mémoi-
femmes et les enfants contre les pratiques traditionnelles re n° 241, Organisation mondiale de la santé, Genève.
néfastes qui affectent leur santé. 19 OMS (1995), “Mutilations génitales féminines. Rapport du
3 Amnesty International, “Section 4: A Human Rights Issue”, groupe de travail technique de l’OMS, Genève, 17-19 juillet”,
Female Genital Mutilation – A Human Rights Information Organisation mondiale de la santé, Genève.
Pack, 1998, www.amnesty.org/ailib/intcam/femgen/fgm4. 20 Voir Jones, Heather, Nafissatou Diop, Ian Askew et Inoussa
htm, 10.2.2005. Kabore (1999), “Female genital cutting practices in Burkina
4 Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits
Faso and Mali and their negative health outcomes”, Studies
de l’homme (1997), “Pratiques traditionnelles néfastes
in Family Planning, septembre 1999, 30(3) pp. 219-30.
affectant la santé des femmes et des enfants”, UNHCDH,
21 Agpar est l’acronyme des cinq indicateurs utilisés pour éta-
aide-Mémoire n° 23.
blir le résultat: activité, grimace, pouls, aspect et respiration.
5 Certains Etats où est pratiquée l’E/MGF – y compris la Soma-
22 Morison, Linda, Caroline Sherf, Gloria Ekpo, Katie Paine,
lie et le Soudan - ne sont pas signataires de la CEDEF. Les
Beryl West, Rosalind Coleman et Gijs Walraven (2001), “The
Etats-Unis d’Amérique, où certaines communautés
long-term reproductive health consequences of female
d’immigrés pratiquent l’E/MGF, ne sont pas non plus signa-
genital cutting in rural Gambia: a community-based survey”,
taires.
6 Voir les paragraphes 49 et 224 de la Déclaration et du Pro- Tropical Medicine and International Health, vol. 6, no. 8,
gramme d’action de la Conférence mondiale sur les droits août 2001, pp. 643-53.
de l’homme, Vienne, 1993. 23 OMS (1999), Female genital mutilation - Programmes to
7 Voir les paragraphes 4.22, 5.5 et 7.6 du Programme d’action date: What works and what doesn’t - A review, Organisation
de la Conférence internationale sur la population et le déve- mondiale de la Santé, Genève.
loppement, Le Caire, 1994. 24 Yoder, P. Stanley, Noureddine Abderrahim et Arlinda Zhuz-
8 Voir les paragraphes 108, 125 et 232 de la Déclaration et de huni, Female Genital Cutting in the Demographic and Heal-
la plate-forme d’action de la quatrième Conférence mon- th Surveys: A Critical and Comparative Analysis, DHS Com-
diale des femmes, Beijing, 1995. parative Reports No. 7, septembre 2004, ORC Macro.
9 Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est établi à 25 OMS/FNUAP/UNICEF (1997), Déclaration commune, Orga-
l’article 3 de la CDE. nisation mondiale de la santé, Genève.
10 Voir, par exemple, Wheeler, Patricia (2003), “Eliminating 26 World Medical Association Statement on Condemnation of
FGM: The role of the law”, The International Journal of Chil- Female Genital Mutilation, déclaration adoptée par la 45th
dren’s Rights, 11, 2003, pp. 257-71. World Medical Assembly, Budapest, Hongrie, octobre 1993.
11 OMS (1999) Female genital mutilation - Programmes to 27 Pour plus de détails, voir Shell-Duncan, Bettina et Ylva Hern-
date: What works and what doesn’t - A review, Organisation lund, éd., (2000), Female “Circumcision” in Africa: Culture,
mondiale de la santé, Genève. Controversy and Change, Lynne Rienner Publisher, Londres.
12 Pour plus de détails sur le consentement valable à l’E/MGF, 28 Frontiers in Reproductive Health et Conseil de population
voir Mackie, Gerry (2004), “Ending Harmful Conventions: (2002), Using Operation Research to Strengthen Programs
Liberal Responses to Female Genital Cutting”, préparé pour le for Encouraging Abandonment of Female Genital Cutting.
département de sciences politiques de l’université de Yale. Report of the Consultative Meeting on Methodological
13 Pour un examen plus complet des complications de santé Issues for FGC Research, 9–11 avril 2002, Nairobi, Kenya.
résultant de l’E/MGF, voir : Organisation mondiale de la 29 Stewart, Holley, Linda Morison et Richard White (2002),
santé (2000), “Examen systématique des complications de “Determinants of Coital Frequency among Married Women
santé provoquées par les mutilations génitales féminines, y in Central African Republic: the Role of Female Genital Cut-
compris lors de l’accouchement”, OMS, Genève. ting”, Journal of Biosocial Science, 34(4), pp. 525-39.
14 OMS (2000), Mutilations génitales féminines, Aide-mémoi- 30 Le lien entre l’E/MGF, les problèmes conjugaux et le divorce
re n° 241, Organisation mondiale de la santé, Genève. sont apparus clairement pendant le travail de terrain et les
30 Digest Innocenti
5
L’ACTION AU SEIN DES COMMUNAUTÉS
Au niveau des communautés, les initiatives qui
recueillent le plus de succès sont celles basées sur
Au départ, une communauté établit un comité de
gestion pour coordonner les activités et garantir la
les droits humains et qui intègrent les éléments clés durabilité. Ce comité développe, applique, gère et éva-
pour le changement (voir page 21). lue de petits projets pour répondre aux besoins définis
par la communauté, il supervise les activités des
classes et fait le lien entre Tostan et la communauté.
des programmes, rédige des projets de loi et intègre Nations Unies, de la Banque mondiale, de gouverne-
les actions en faveur de l’enfance et de la maternité ments et de fondations, s’est retrouvé régulièrement
dans les plans quinquennaux du gouvernement. Il pour faire le point sur les programmes et augmenter
appuie les initiatives locales, et favorise le dialogue leur efficacité en tant que bailleurs de fonds.26
national sur l’E/MGF ainsi que les réformes juri-
Les ONG jouent un rôle essentiel pour stimuler
diques et administratives.
l’engagement national et international à mettre fin à
Ces dernières années ont vu des progrès impor- la pratique de l’E/MGF. Au niveau régional, le Comité
tants au niveau global vers la réalisation d’une struc- inter-africain contre les pratiques traditionnelles
ture opérationnelle commune pour mettre fin à affectant la santé des femmes et des enfants (CIAF) a
l’E/MGF (encadré 14). Le sentiment d’entreprise col- été le premier réseau non gouvernemental à oeuvrer
lective est en partie renforcé par la tâche commune pour l’abandon de l’E/MGF en Afrique. Il agit par
d’avancer vers les objectifs de développement du l’intermédiaire de comités nationaux dans tous les
Millénaire. Le “Plan de campagne pour la mise en pays africains où est pratiquée l’E/MGF, et fait un tra-
oeuvre de la Déclaration du Millénaire” de l’ONU vail de sensibilisation et de propagande, d’évaluation
(2001) fait spécifiquement référence aux “pratiques des lois et des programmes en la matière, de forma-
traditionnelles nuisibles telles que les mutilations tion et de mise en valeur du potentiel. Au-delà de
génitales féminines” dans le cadre de la lutte contre l’Afrique, le Réseau européen pour la prévention de
toute forme de violence à l’égard des femmes.24 En l’E/MGF (Euronet-FGM) s’emploie à améliorer les
même temps, Un monde digne des enfants, le docu- conditions de santé des femmes immigrées en Euro-
ment final approuvé par la session spéciale de pe et à prévenir les pratiques traditionnelles nui-
l’Assemblée générale de l’ONU consacrée aux sibles affectant la santé des femmes et des enfants,
enfants en 2002, demande spécifiquement l’abandon en particulier l’E/MGF.
de telles pratiques. De façon plus générale, les objec-
tifs du Millénaire et Un monde digne des enfants La campagne STOP MGF vise à créer et à pro-
visent l’accès universel à l’éducation élémentaire mouvoir dans le public un courant d’opinion favo-
pour les filles et les garçons. L’éducation est un des rable à l’abandon de l’E/MGF, en Afrique comme dans
meilleurs moyens de vaincre la discrimination, les pays d’Europe, et à encourager les initiatives au
d’augmenter le pouvoir des filles et des femmes et niveau national et international. La campagne, lan-
de produire des sociétés basées sur les principes des cée en 2002, est coordonnée par l’ONG italienne
droits humains. Concrètement, il devient manifeste AIDOS en collaboration avec No Peace Without Justi-
que les filles qui ont reçu un certain niveau ce et diverses ONG africaines.
d’instruction sont moins susceptibles de faire exciser Ces dernières années ont vu s’amplifier le mou-
leurs propres filles que les femmes guère ou pas du vement pour mettre fin à l’E/MGF, et de nouveaux
tout instruites. acteurs, dont les gouvernements italien27 et japo-
Les institutions des Nations Unies coordonnent nais28, sont intervenus énergiquement pour faire
également de plus en plus les politiques et les avancer les choses. Compte tenu des progrès accom-
actions avec les donateurs bilatéraux. Depuis 2001, le plis pour comprendre le phénomène de l’E/MGF, et
groupe de travail des donateurs sur les mutilations des indications encourageantes selon lesquelles les
génitales féminines, composé d’institutions des bons résultats obtenus au niveau des communautés
INSTITUTIONS
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motion des droits humains. Plus
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UNICEF/MENA/2004/1288/Ellen Gruenbaum :www.ipu.org/english/home.htm
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ISSN: 1028-3528