Autempsdesmehall 00 Loui
Autempsdesmehall 00 Loui
Autempsdesmehall 00 Loui
littps://arcliive.org/details/autempsdesmeliallOOIoui
LE RÈGNE DE SIDI MOHAMMED BEN ABDERRAHMAN 13
canons.
Non loin de là, les askar groupaient leurs petites tentes
I
de peaux autour de la tente centrale de l'allef ou ministre
j
de la Guerre, le « tabor askar el abid » se trouvant le plus
rapproché du campement impérial et je vais t'en dire la
raison le sultan emmène avec lui en harka, un certain nombre
:
I
et que les rafales ébranlaient le mur de toile de l'afrag, on
i
14 AU TEMPS DES MEHALLAS
Il aurait fallu un
la poudre
Sous Moulay Abd el-Aziz, on délivrera encore de
a toujours de vieux
dans des paquets de papier, parce qu'il y
fusils que l'on ne veut pas
détruire. Il y a aussi une quantité
(Gras, Martini Henry,
de fusils et de carabines modernes
tort et à tra-
Winchester, Mauser) qui ont été distribués à
cette variété nécessitait une
variété correspondante
vers ;
des vôtres.
d'hommes et de chevaux,
Pour la nourriture de cette masse
ou de magasins
il n'y avait point d'approvisionnements
traverse une tribu soumise celle-ci doit
apporter
prévus. On :
deux ou trois
(1) La première
ambassade italienne au Maroc vint en 1875, Moulay
septembre 1873.
el-Hassan étant sur le trône depuis
provisions de bouche, fournies chaque jour aux gens|
(2) Mouna :
de passage.
EL HADJ SALEM EL ABDI
KHALIFA A LA GARDE CHÉR[F1EN^'E
(1863 (?)-1938).
UN COIN DU C.^MP DE LA HARKA. d'eL HADJ THAMl EL GLAOUl
SUR l'oUED DR a a
(Cliclu' du D>' Hérisson).
(1) Parmi ses sept fils, quatre avaient été élevés à la Médersa de
?GZ : Ismaïl, Arafa, Rechid et Hassan ; c'est ce dernier que Sidi Moham-
ned avait choisi pour successeur, dès qu'ils atteignirent l'âge d'homme.
2
18 AU TEMPS DES MEHALLAS
le visage fin et brun, avec deux grands yeux noirs très per-
royaume de Marrakech.
Après un séjour d'un mois environ, toutes les affaires
urgentes étant réglées, Moulay el-Hassan décide de gagner
Meknès par Rabat et de faire le pèlerinage habituel à Moulay
Idriss du Zerhoun, sans lequel il n'y a pas d'investiture
valable. On traverse l'Oum-er-rebia à Mechra ben Abbou,
puis on vint camper à Sidi Hajej, où la mehalla reçut une
pluie si le camp détrempé ne maintenait plus
diluvienne que
les tentes et que les hommes enfonçaient dans la boue jus-
qu'à mi-jambe (octobre 1873). On traversa ensuite le Mzab,
puis par les Zaers, on arriva à Rabat. De là, Moulay el-Hassan'
envoie suivant l'habitude, une reconnaissance vers les Beni
Ahsen, dont les dispositions à l'égard du pouvoir sont tou-
(1) Chorfa (déjà écrit plus haut) est le pluriel de « chérif » qui
:
La garde habituelle du —
qui était constituée de
palais
Bouakher, logés dans des « nouaïl » (2) près de Bab er Rouâ —
fut renforcée par des hommes d'El Hadj Abd el-Kader le
Bokhari. Il n'y a rien d'étonnant à cela j'ai déjà dit que :
(1) Ce camp est non loin des remparts de la ville, près de l'autru-
cherie.
(2) Voir note 1, page 9.
(3) La garde sédentaire était fournie pour les palais de Fez par
Gheraga et Oulad Djamaa de Marrakech, par Oudaïa et Sous de
; ;
Meknès, par les Bouakher de Rabat (terminé en 1864, par Sidi Moham-
;
Moulay el- Hassan, qui était marié, avait avec lui, dans sa
marche de Marrakech à Meknès une trentaine de femmes, y
compris ses concubines et ses esclaves. Elles allaient, comme
tu sais, à mule, sous la surveillance d'une quinzaine d'eu-
nuques et sous la garde du « tabor askar el abid ».
sultan.
—
Que me racontes-tu là? répartit ce dernier. C'est insensé !
Chebli est bien avec nous, mais ce sont bien aussi des Beni
(1) Une
des cinq prières du jour entre 3 et 4 heures du soir.
:
— n'en
et je pas sûr — ce ne sont certainement que
suis
quelques bandits, quelques têtes brûlées il y en a comme
dans toutes ne puis pas répondre de ces vau-
les tribus. Je
riens. Mais je suis à tes ordres, et, si tu le désires, je vais
entière est en rébellion ouverte elle parle fort dans les souks
;
lui Le sultan fait dire par son caïd méchouar que tous les
I
ou grades d'ouléma.
LE RÈGNE DE MOULAY EL-HASSAN 29
il avait été fixé par ses espions sur l'attitude des gens de Fez
à l'égard du Makhzen. Il savait qu'ils s'étaient révoltés contre
« l'amin kébir » (1) de la ville, El Madani Bennis (2), lequel
était chargé au nom du sultan de faire recueillir les droits
des portes et des marchés dans la ville. Il avait été une fois
houspillé et dépouillé dans la rue ; un autre soir, il avait failli
(1) Amin
(au pluriel, oumana) intendants chargés de l'adminis-
:
I
34 AU TEMPS DES MEHALLAS
cour des « beniqas » (3) fait dire à son monde d'aller doucement
et de piller et tuer le moins possible.
Des soldats reviennent du théâtre de la lutte, ramenant
des prisonniers, des étoffes, des marchandises de toutes sortes,
et de l'argent dans leurs poches. Tout le quartier de Bou
Jeloud est tenu solidement par El Hadj Menou. Il n'a, en
face de lui, qu'un gros réduit qui résiste encore c'est la :
kasba Filala, tenue par des gens du Tafilalet, qui font cause
commune avec les Fassis. Il hésite sur le parti à prendre,
lorsque, tout d'un coup,on vient lui dire que les Filala tirent
maintenant sur les Fassis du « Talâa » (4), se mettant ainsi
du côté du Makhzen.
Voici ce qui s'était passé :
-{
—
Que le sultan soit victorieux Voilà ce que I je souhaite,
par Moulay Idriss Débrouillez-vous maintenant
! et faites ce
que vous voudrez. Je ne suis plus rien pour vous.
Pendant ce temps-là, on entendait toujours la fusillade
très vive dans le Talâa, et le bruit sourd des canons. Mais le
36 AU TEMPS DES MEHALLAS
|
N'ayez aucune crainte. On ne vous frappera pas, car
vous n'êtes pas les fautifs. Je vous accorde le pardon et
allez en paix 1
dit :
— Gette|ville
est|vraiment remarquable par son anarchiè
qu'il en existe beau-
et son mauvais esprit. Crois-tu, Driss,
coup de semblables? J'en doute. D'où vient le mal?
LE RÈGNE DE MOULAY EL-HASSAN 37
c'est pour cela qu'ils ne veulent pas accepter les mesures que
l'on applique aux autres.
— Non Driss Gela vient seulement qu'ils se sentent
! !
fais prisonnier.
garde pour une lutte plus sacrée, car, je vous le dis, Houara
qui m'écoutez, je suis pour la Guerre Sainte !
marabout.
Ainsi fut fait.
Idriss.
I pliquer :
46 AU TEMPS DES MEHALLAS
—
Je ne veux pas rester ainsi, disait-il, et je n'ai pas de
patience pour attendre l'été. Que l'on monte l'afrag sans
plus tarder au camp du Sebou.
Et il fait écrire à toutes les tribus qui se rassemblent et se
groupent autour du camp chérifien. Et l'on part ; et le voilà
chez les Hayaïna, puis chez les Ghiata, qui font toujours les
plus. Le bruit courait que les tentes et les bagages portés par
les mulets avaient aussi disparu dans le sol qui s'était entrou-
vert sous eux. On se cherchait, on se perdait, on s'appelait,
quelques-uns se retrouvaient toujours parce qu'ils tournaient
en cercle, éperdus, sans pouvoir avancer, d'autres s'arrê-
taient sans courage dans un creux de roc, pour panser leurs
pieds saignants. Le spectacle était pitoyable. Ces belles
troupes s'abîmaient sans pouvoir combattre et elles flottaient
désemparées, perdus ou ne sachant quelle direction
les chefs
plus (1).
—
Tu peux entrer et rester là. Tu n'as pas de peur à avoir.
N'es-tu pas le maître ici? Sidna est très content de la belle
réception que tu lui as faite et à laquelle il ne s'attendait
pas.
Et Bachir prend place, et voici les fractions successives
des Beni Snassen qui font la « hédiya » (3) et qui apportent
l'on tasse les grains pour le transport à dos de bêtes, et qui s'équilibrent
de chaque côté d'une bande large et médiane.
(3) Hédiya voir note 1, page 6. Il s'agit ici d'offrandes bénévoles,
:
53
54 AU TEMPS DES MEHALLAS
sultan fit appeler Djilali ben Hamou, pacha de Fez, et lui dit :
—
-
Sidna, ce n'est pas le moment. Voici les pluies qui
arrivent avec l'hiver ; le froid sévira dans les montagnes et
l'on aura peu de vivres. On peut être assuré que des désordres
se mettront dans les contingents, qui ne sont pas habitués
à marcher dans la mauvaise saison ; les désertions seront
très nombreuses et, si les « Djebala » (1) attaquent, le MakhzenJ
Désigne ici les tribus rif aines des régions d'Ouezzan (est), Chechaouenr
et Tétouan dont la réunion est désignée sous le vocable de « Djebala ». •
LE RÈGNE DE MOULAY EL-HASSAN 55
Et Djilali s'inclinant :
assez forts pour lutter contre cette armée qui épuise leurs
vallées, décident de se soumettre et ils apportent l'argent
qu'on leur réclame, le bétail, les chevaux ne et les mulets. Je
Chaboun pour les Aït Arzalla ; Ould Taraght pour les Ait Na-
man : il se promettait bien d'emprisonner ces énergumènes,
lors de leur venue obligatoire pour une hédya quelconque.
Le sultan séjourna ensuite un peu plus d'une année à
Fez, puis il repartit pour Marrakech (dans le courant de
gers ayant fui à notre approche, sur des vapeurs qui les
I
peine formuler que Sidna permette à mes femmes
: d'aller
donner la hédiya aux femmes du Sultan,
Cette faveur fut vite accordée, et, lorsque le soleil fut
jcouché, les femmes du Mtougui passèrent chez les sultanes,
Ahmed :
notre ami.
Ainsi fut fait. Après des festins, des danses, des séances
de musique, des bouffonneries sans nombre, on regagna Mar-
rakech, où l'on séjourna quelque temps.
De là, le une souga chez les Smala du Tadla,
Sultan fît
là, comme je t'ai dit, des fusils, des canons de petit calibre et
DERNIÈRES MEHALLAS
MORT DE MOULAY EL-HASSAN (6 JUIN 1894)
disant que le sultan leur avait donné par les traités des droits
sur ces terrains.
Moulay el-Hassan consentit à verser 4 millions de douros
pour avoir la paix : les Espagnols en demandaient 6. Il ne
se sentait pas assez fort pour entrer en guerre avec les Espa-
gnols. L'hiver fut passé à Marrakech et le sultan fut plusieurs
fois souffrant et mal portant.
Quand le printemps fut venu, on prépara le départ habituel
pour Fez ; mais le sultan n'oubliait pas les Ait Ghokman et
il se promettait de faire un crochet vers eux. Aussi fit-il
— Sidna,
qu'y a-t-il?... Ah! tu es vraiment trop fatigué
pour continuer la harka. Il serait plus prudent de rentrer à
Marrakech et ta parole comme ton prestige seraient donnés
à Mohammed Seghir pour la suite des opérations que tu as
projetées.
— Tiens ! dit le sultan, je t'avais cru un brave homme
et je vois que je me trompe. Comment? Mon grand-père,
Sidi Mohammed ben Abdallah, qui repose à Rabat — que
Dieu le protège —
est mort au Tadla et tu voudrais que son
malade retournât à Marrakech II faut que je me
petit- fils I
—
Que veux-tu, mon pauvre Bâ Ahmed? Nous n'y pou-
vons rien, ni toi, ni moi.
Etchambellan de dire
le :
—
Si l'échéance fixée par Dieu qu'il soit béni et exalté — —
doit arriver bientôt pour Notre Seigneur et Maître, et si
Notre Seigneur désire que Moulay Abd el-Aziz devienne
sultan à sa place, rien n'est plus facile : tout est prêt.
— Gomment? Tout est prêt? Tu veux rire. Si mon visage
disparait, qui peut m'assurer que le travail sera fait, puisque
je n'aurai plus mes yeux pour le voir exécuté?
— Que Sidna ne s'inquiète pas. Tout se passera, comme
s'il était encore parmi nous. Il n'a qu'à prendre du papier
et à écrire ses volontés. Ses ordres seront fidèlement exécutés
comme de son vivant. Et puisque Notre Seigneur le désire
tu signeras ensuite.
Le ministre étonné lit ces dispositions testamentaires et
dit en levant la tête et regardant les autres intrigués :
tombe inanimé, moitié sur les tapis, moitié sur les matelas.
On le relève, on lui verse de l'eau froide sur le visage. Il
— Gomment va le sultan ?
— Il va bien, dit Bâ Ahmed, il a transpiré cette nuit ; il
(1) Driss ben Aalem était devenu caïd méchouar, à la mort du vieux
El Hadj Mohammed ben Yaïch, survenue à Meknès vers 1890?. Son
premier khalifa fut d'abord Si Driss ben Yaïch, fils du précédent et
père de Si Mohammed ben Yaïch, qui fut caïd méchouar du sultan
Moulay-Youssef et chambellan actuel de Sidi Mohammed ben Youssef,
puis, quand Si Driss ben Yaïch fut envoyé en qualité de pacha à Oujda
en 1895, son khalifa fut son fils.
6
82 AU TEMPS DES MEHALLAS
Tout autre que Dieu est périssable... Sidna était bien trop
fatigué pour entreprendre cette expédition... (et tout ce que
l'on dit en pareille circonstance.)
Mais Bâ Ahmed reprit aussitôt :
—
Maintenant que vous savez, taisez-vous et écoutez-moi
- !
I
petite formalité ne leur avait été imposée que pour adoucir
I les derniers moments d'un mourant.
A chambellan durcit son visage et dit
ces mots, le :
à l'intérieur.
Les tribus s'inclinent comme à l'habitude :
Et donnant ordres à
les l'extérieur :
c'est vous. Vous voyez bien votre rôle et votre intérêt dans
le maintien de cet édifice et je vous ai fait venir pour vous
rappeler ce rôle et cet intérêt avant de vous faire connaître
que Notre Seigneur Moulay el- Hassan est mort et que Notre
Seigneur et Maître actuel, qui doit être proclamé, est Moulay
Abd el-Aziz, suivant la volonté paternelle, contresignée ici
par tous les ministres.
({ Que Dieu fasse victorieux Notre Seigneur et Notre
Maître, Abd el-Aziz, fils de Sidna Moulay el-Hassan ! »
toire.
reha, les khalifats, les caïds mia et tous ceux qui ont un
commandement. Ils promettent tous, après avoir reconnu
Sidna Moulay Abd el-Aziz, de respecter la constitution
établie, de rester chacun dans sa fonction actuelle et de ne
pas empiéter sur les fonctions et les prérogatives du voisin.
pas dans une maison par la même porte que les vivants. Les
cérémonies habituelles se déroulèrent et Moulay el-Hassan fut
inhumé dans la Koubba du palais, à côté de Sidi Mohammed
ben Abdallah.
Le nouveau sultan était venu à l'avance de la mehalla,
sur la route de Bou Znika, escorté par tous ceux qui l'avaient
accompagné de Marrakech. Tous les ministres de Moulay el-
Hassan le reçurent avec les marques du plus profond respect
LE RÈGNE DE MOULAY EL-HASSAN 89
Note. —
El Hadj Maati Jamaï mourut dans sa prison de Tétouan
•
L'agitation dans les tribus fut très vive, dès qu'elles surent
la mort de Moulay el- Hassan c'est l'habitude à chaque
:
-
— On nous a donné Moulay Abd el-Aziz c'est l'œuvre de ;
dire quand elle pourra partir. Il est bien entendu que tous
les askar resteront avec le sultan et que l'on n'en distraira
nous sommes bien plus près des Abda commençons par eux ; ;
(1) Une partie des fantassins et des chevaux de cette mehalla avait
traversé FOum er Rebia en barques et s'était installée à Moulay Bou-
chaïb, sur la rive gauche, au sud-est d'Azemmour ; mais le gros était
resté vers Sidi Ali, attendant un ordre de route et devait franchir
le fleuve au gué de Mechra Mhéoula, ou à celui de Mechra el Kerma,
près de Bou Laouane, suivant les opérations envisagées. ce niveau, A
la largeur du fleuve est de 50 à 70 mètres.
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 95
—
Qu'est-ce que vous venez faire chez nous? Nous ne
vous demandons rien vous avez vos caïds avec vous. Laissez-
:
des Doukkala?
« Donc, pour que vous passiez chez nous, il faut que nous
qui est encore maintenant caïd des Mtougga (1) il avait été ;
chez nous. Nous sommes assez forts pour cela. Si des gens
nous disputent le passage, nous nous défendrons les armes
à la main et nous passerons. Quant à ceux qui nous laisseront
tranquilles, nous ne leur dirons rien. Pour éviter des expli-
cations et gagner du temps, j'ordonne de lever le camp de
suite et de partir vers le sud.
Pour plus de précautions, le caïd Mtougui avait envoyé les
—
Non Je doute maintenant de la parole de tous
! les
hommes. Je préfère retourner à Moulay Bouchaïb.
Ainsi fut fait. Et bientôt d'autres caïds vinrent le rejoindre
là : ils avaient appris en route que leur maison avait été
pillée, puis incendiée ou rasée, que leurs serviteurs étaient
tués ou disparus, les femmes et les filles enlevées, les trou-
peaux mangés ou volés ; tout chez eux était détruit et mort.
Ils avaient fait demi-tour : c'étaient El Hadj Larbi ben
Touma, Ghafaï el-Abdi, Si Ahmed ben Addi ben Dôh (des
Ahmar), Si Abd el-Hamid (des Rehamna), Si Larbi ould
Zeroual.
Enfin, un autre revint
aussi Si Saïd Chiadmi il a trouvé : ;
Elles avaient aussi pillé Dar Caïd Mejjat, Dar Caïd Ahmed el
j
Hahi, Dar Ould Gourma.
En somme, le Mtougui avait fait là une opération semblable
à celle que les Français devaient entreprendre plus tard, avec
des colonnes divergentes, lorsqu'ils attaquèrent les tribus
après les affaires de Casablanca.
En un mot, tout le sud de l'Empire était en discorde. et en
révolte. On se battait partout sur toutes les pistes, il y
;
Malek el M'tougui.
Les Rehamna, qui avaient donné les premiers le signal de i
voulez, mais, par Dieu qui nous protège, rentrez dans l'ordre
et faites votre soumission. Rappelez-vous combien il est
dangereux d'être en mauvais termes avec le Makhzen ;
se retint et dit :
102 AU TEMPS DES MEHALLAS
appeler près de lui tous les notables qui s'y trouvaient pour
les mettre au courant de la situation et donna l'ordre de
fermer toutes portes de la kasba. Aussitôt on se mit
les
j
coup de fusil. Aussitôt la garde sort en armes, tue Mohammed
ben Djilali et fait ses compagnons prisonniers.
A cette nouvelle, Ben Daoud court chez Ouida et lui conte
l'incident. Ce dernier, ennuyé, lui dit :
les Tekna, les Oudaïa, les Ida ou Blal, les Ait Immour, les
vos familles dans nos murs. Ne restez pas dans vos cam-
pagnes, si vous ne voulez pas tomber dans les mains des
Rehamna. Ici, vous avez les chevaux, les armes et l'équipe-
ment du guerrier.
Et ils vinrent et on leur distribua les armes dont les chefs
(1) Le caïd investi reçoit un cachet à son nom, pour sceller les pièces
qu'il signe. On considère comme très important, cet attribut de la
fonction, comme une sorte de diplôme officiel.
110 AU TEMPS DES MEHALLAS
1
7000 m.
Bastion
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 111
1
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 113
j
mehalla du sultan qui sort de Fez (septem-
Et voilà la
jbre 1895) et qui vient lentement par les Zemmour, sous le
!
commandement direct du pacha, Hammou ben Djilali. On
a laissé à Fez, pour représenter le sultan pendant son absence,
son oncle, Moulay Arafa. La marche du sultan est lente :
(2) Bou Guelib c'est le choléra. Il avait été apporté par un bateau;
:
viendra dans la soirée des boutons violacés sur la face, vous vomirez,
vous ferez du sang, le froid vous gagnera le ventre, puis le cœur. Aucune
médecine ne peut vous sauver. Si le nain ne vous a pas vu, vous êtes,
sauvé. » (Commentaire de mon informateur.) i
vivant des offrandes apportées au saint par les fidèles et des revenuî
de la zaouïa, ayant sa juridiction propre, avec les principaux de l'en-
droit :les « chorfa » ou princes descendants du saint, s'il fut chérif ;
LE RÈGNE DE MOÛLAY ABD EL-AZIZ 119
— Épargne-le, Excellence.
Il a fauté, mais il a été entraîné
— Certes
Je vénère Sidi Ali ben Brahim autant que vous.
1
Mais que croyez-vous qu'aurait fait Sidi Ali, s'il avait ren-
contré de son vivant un révolté comme Tahar? Il l'aurait
conduit par la main au Makhzen, afin qu'il soit châtié. Je
vous dis donc : pas de pardon pour celui-là I
une brebis perdue qui n'a plus droit à l'asile du troupeau des
et célèbre Bâ Ahmed.
Quelques jours après, les prisonniers, toujours enchaînés,
puis une troisième qui devait opérer vers l'oued Massa, avec
le caïd El Hadj Mohammed Ouida, celui qui avait si bien
défendu Marrakech, et Moulay Abd el-Hafid, frère du sultan.
Cette dernière devait se renforcer là de la garnison fixe de
la kasba de Tiznit, commandée par le caïd Abdesselam el
Yettou. Il y eut, pour le Makhzen, des jours heureux et des
jours néfastes, des succès et des revers une fois, le camp
:
I
128 AU TEMPS DES MEHALLAS
ponsables.
Le sultan réfléchit un moment, puis dit aux deux hommes :
Tiznit est assiégée par les rebelles et l'on envoie encore des
gens pour la délivrer.
Le Sultan reste à Marrakech et mène la même existence.
On a reçu des canots électriques pour les bassins de l'Aguedall
« Hassani » qui avait disparu
ce qui fait penser à remplacer le
peu après la mort de Moulay el-Hassan, après le licenciement
de son équipage espagnol et l'on acheta une petite frégate,
le Bachir, Et le Makhzen présente toujours les mêmes luttes
sournoises. El Menehbi, qui guette son heure, triomphe enfin
et trouve le prétexte qui va écarter El Moktar et ceux qui
le gênent.
Le caïd des Oulad Bou Aziz (Doukkala), El Hadj Embarek
ben Bouchta, qui partageait son autorité dans la tribu avec
un second caïd, Kaddour el Khellal, désirait vivement être
le seul maître. En différend, ils sont présentés tous deux
—
Il y en a.
— Lesquels?
— Si Feddoul Gharnit, par exemple.
— Qui est-ce? Où est-il? je ne l'ai jamais vu.
— Je le connais, repartit l'autre, il a déjà été au Makhzen ;
—
Oui, je m'en doute, répondit le savant. Mais, je vous
en prie : laissez-moi ces « chouaris (1) ». Il n'y a là -dedans
que des livres, qui sont mes bons amis et parmi eux, il se
trouve un exemplaire du saint livre, le « Sahih » d'El Bokhari,
auquel je tiens plus qu'à mes yeux. Vous ne pouvez pas
emporter cela.
fait tous ses efforts pour orienter le jeune homme vers une
vie plus sérieuse.
— Sidna, lui nous allons travailler avec tes pères,
disait-il,
se pressent sur le port, les uns avec des sourires et des révé-
rences, les autres indifférents ou haineux, bousculant ceux
qui s'empressent. Ce n'est pas là l'accueil réservé à un favori
du sultan et le retour ne ressemble guère au départ. Mais
le gaillard qui était solide, reste froid et ne laisse rien paraître.
tout heureux.
— Bien, dit l'autre. Nous sommes amis et j'en suis bien
content. Mais dis-moi un peu franchement ce que tu penses
de toute cette comédie. Ne crois-tu pas que des hommes
comme ce vieux singe de Gharnit sont des êtres curieux et
incompréhensibles? Gomment! Voilà un homme que j'ai été
chercher moi-même, que j'ai placé sur le siège de grand vizir,
parce qu'il est âgé et d'expérience, pour en faire mon soutien
dans les conseils. A-t-il à se plaindre de moi, en quelque façon?
Je ne le crois pas. C'est donc un ingrat, un cœur infâme et
traître.
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 149
(1) Gomme tout musulman illettré, Salem el-Abdi n'a pas la notion
du temps. Il est impossible de lui faire préciser une date il a cepen- :
153
154 AU TEMPS DES MEHALLAS
—
Dites ce que vous voudrez Je n'arrive pas à com-
!
Vous allez donner des ordres pour qu'il soit amené ici. Je
i l'attends.
Quelques instants après, l'homme arrive au Dar-el-Makhzen.
il porte appuyée des deux mains, la planchette
Sur la poitrine,
d'école, où l'on écrit les versets du Coran et qui a, dit-on,
servi au vénéré Moulay Idriss.
Le sultan est sorti de son bureau, assis sur une chaise ;
tuer?
L'homme baissa la tête et dit :
de profaner la zaouïa.
I
156 AU TEMPS DES MEHALLAS
chambellan. Si Ahmed
Reqina, auquel incombait cette tâch
normalement, on le voit, très délaissé. Un nouveai
était,
passage les grains qu'il voulait voir germer et il s'en fut chez
les Hayaïna, chez les Beni Sadden, chez les Beni Ouaraïn,
chez les Tsoul et leurs voisins, les Branès, qui sont toutes
tribus peu favorables au Makhzen. Il racontait aux notables
des villages qu'il traversait la grande faiblesse du gouverne-
ment, les tendances européennes des chefs qui ne voyaient
Et il raconte l'histoire.
— Comment? Il a osé faire cela et tu lui as dit que la
menthe était pour moi. Bon ! tu vas voir tout de suite l'effet
qu'il existait chez les Ghiata un agitateur que les gens avaient
surnommé Bou Hamara et qui commençait à prêcher la
révolte contre le Makhzen.
— Vous, Ghiata, leur disait-il, vous avez fait la guerre
sainte autrefois autour de notre saint vénéré, Moulay Idriss.
C'est la raison pour laquelle je suis venu à vous.
— Sois le bienvenu.
— Vous, Ghiata, j'aime votre caractère franc et loyal,
votre fougue et votre adresse dans les combats et c'est parmi
vous que je veux former mon Makhzen. Tous mes ministres
seront de votre tribu...
Et tous ceux qui cherchent les mauvais coups, tous ceux
qui ont soif de pillage et de butin, tous ceux qui veulent de
l'argent et des honneurs, tous les mécontents se groupent
autour de formant une sorte de grande armée.
lui,
son effet. Dès les premiers coups de feu, les Hayaïna effrayés
font face en arrière, poursuivis par Bou Hamara et les Ghiata.
164 AU TEMPS DES MEHALLAS
une longue course chez les Hayaïna, que l'on pense suffi-
samment châtiés, on rentre. Les prisonniers, sont groupés!
par ordre de Bou Hamara et il leur dit :
—
Vous êtes dans ma main, et je puis faire de vous ce que
bon me semblera. Que voulez-vous être? Voulez-vous être
des « Mohammedins » avec nous, qui sommes le fils évincé
du trône de Notre Seigneur Glorieux, Moulay el- Hassan, oui
Hassan.)
Et voilà Djilali ben Driss, autrement dit Bou Hamara
proclamé sultan, tandis que le vrai Moulay M'hammed es1
toujours en prison.
Content de cette petite victoire, du résultat obtenu qu
l'avait fait reconnaître sultan par deux tribus importantes
Bou Hamara, avec une escorte imposante, disparait de h;
scène, laissant le feu couver sous la cendre il est allé che:j :
lî
— Sidna, ton séjour dans le Nord n'est plus utile. Tout est
maintenant tranquille tu devrais te déplacer maintenant,
;
même et la facile victoire d'un homme résolu sur des adversaires qui
ne marchent que contraints et qui sont prêts à le reconnaître. Il n'en
faut pas davantage pour créer un sultan que peut favoriser d'autre
part un courant d'opinion hostile aux dirigeants. Les origines du pou-
voir d'un Ibn Yassine ou d'un Ibn Toumert, qui firent régner au Maroc
les Almoravides et les Almohades furent analogues à celles-ci il s'en
;
plus grande quantité d'argent à sa disposition, et Fez était dans ses mains.
166 kV TEMPS DES MEHALLAS
le Sud pour opérer contre les Beni Mtir, les Guerouan et les
sante pour défendre la ville avec ses 300 hommes, qu'il était
sans nouvelles de la mehalla de Moulay Kébir, que les notables
entamaient des pourparlers avec Bou Hamara pour la reddi-
tion de la ville. Les gens du Makhzen disaient Ben Chegrâa :
que c'est ton frère... Moi, je ne sais que cela. Que voulais-tu
que je fasse?
Alors Abd el-Aziz éclata de rire et dit :
Les armes, les munitions et les canons, seront pour moi, car
174 AU TEMPS DES MEHALLAS
une trêve tacite que Bou Hamara utilisa pour écrire à toutes
les tribus du voisinage, qui n'étaient pas encore avec lui,
'
pas loin c'est Ben Sliman, c'est Ben Yaïch, c'est Cheikhi
:
El Menehbi déclara :
tige que vous avez ruiné par votre défaveur, personne n'aurait
avancé, ni reculé sans mon ordre et nos hommes se seraient
Que t'a fait encore ce Menehbi? Dis vite, que je fasse aboutir
ta plainte auprès de Sidna...
— Enfin, conclut Ben Yaïch, c'est une affaire entendue.!
Mais le remède que tu proposes?
— Je ferai, dit El Menehbi, ce que Sidna m'ordonnera.
— Eh bien ! veux que l'on fasse une autre
dit le Sultan, je
colonne et c'est toi, El Menehbi, qui la commanderas et qui
prendras mort ou vif, ce diable de Bou Hamara.
Cela se passait pendant l'hiver (1902-1903) et il y avait
alors à Fez deux personnes que tu connais peut-être, M. Des-
cos (1) et l'Algérien, Si Kaddour ben Ghabrit, qui parlaient
au Makhzen en faveur des instructeurs français, et qui profi-
tèrent de la mission à Fez du lieutenant d'artillerie, Schneider,
pour vanter le canon de 75, si bien que l'on chargea un sous-
lieutenant d'infanterie de la mission française, l'Algérien Si
Aberrahman ben Sédira, de se mettre au courant des ins-
tructions de l'artillerie et de la manœuvre de ce canon que
l'on venait d'acheter.
Que devenait Bou Hamara? Après sa victoire de Outa bou
Abane, il était rentré à Taza, y avait célébré l'Aïd Seghir avec
par des espions que Bou Hamara marche vers Tleta N'kheïla
et qu'il est assez faible et peu assuré. Dès que les deux troupes
sont au contact, une action vive s'engage, mais les Hayaïna,
! les Ghiata, les Beni Ouaraïne de Bou Hamara trouvent cette
fois des gens qui leur tiennent tête il y a dans notre mehalla
:
I
des Beni Mtir, des Zaïans, des Beni Mguild, des Ait Youssi
qui sont tous excellents au combat. La main de l'allef, El
Menehbi, qui combat lui aussi, se fait sentir. Après une
courte lutte, les Hayaïna, puis les Beni Ouaraïne lâchent
pied et Bou Hamara, entouré de ses fidèles Ghiata, est con-
itraint de battre en retraite : il avait perdu dans cette ren-
contre ses tentes, ses munitions, ses armes et une partie de
[son prestige, car ses partisans le disaient invincible (29 j an-
il
vier 1903). Fuyant par les Branès et les Tsoul, qui sont ses
I
182 AU TEMPS DES MEHALLAS
eut sept jours de fêtes tandis que Bou Hamara refaisait ses
forces, en sécurité, à Taza,
C'est le moment où le Makhzen épuisé par les frais de ces
guerres est obligé d'emprunter de l'argent en France, en
Angleterre et en Espagne il faut en effet reconstituer de
:
(1) Rogui surnom donné à celui qui aspire au trône et qui cherche
:
Dès son échec, après avoir guéri une blessure légère qu'il
avait à l'épaule,Bou Hamara avait repris la campagne, se
rendant dans les tribus voisines pour les décider à lui donner
des hommes et de l'argent. On reprochait maintenant, avec
quelque raison, au Menehbi, de ne pas avoir pris le Rogui,
d'avoir remporté un succès incomplet. Ce dernier repart aus-
sitôt (1) avec une dizaine de milliers d'hommes, tandis que Fez
est encore en fête. Bou Hamara se trouve chez les Senhadja,
à Aïn Médiouna. Dans ce pays montagneux, où
gens nous
les
par le caïd Bachir ben Sennâh. Attaqués par les Guelaïa, qui
ont reconnu îe Rogui, ils sont assiégés dans Kasba Djenada .
bien ils ont retrouvé leurs camarades dans les rangs du Rogui
ou de son khalifa, puisque, nous dit-on, c'est ce dernier qui
ils restèrent.
192 AU TEMPS DES MEHALLAS
montagnards étaient partis qui vers leur tribu, qui vers Taza.
El Menehbi furieux, laissant le camp sous bonne garde, fit
aussitôt préparer une souga sur le territoire Branès, en sui-
vant l'oued Ouertza et les hauteurs qui le dominent. Mais
on ne trouva partout que des « mechtas » vides on détruisit ;
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL- AZIZ 193
auraient tués comme des chiens, s'ils n'avaient pas voulu tirer
sur le Makhzen ; il faut aussi leur pardonner d'avoir donné
asile à ces rebelles : c'est devant la force qu'ils ont dû s'in-
cliner, mais leur cœur est resté avec le vrai sultan de Fez,
auquel ils font bien volontiers leur soumission.
Mais les troupes chérifiennes, heureuses d'être victorieuses,
se répandent dans les rues et s'excitent au pillage ; ils courent
au Mellah, dont ils forcent les portes ils défoncent ; les auvents
des boutiques, enlèvent l'argent et détruisent les marchan-
dises ; ce sont bientôt de vraies bêtes sauvages déchaînées,
qui violent les femmes et les filles juives qu'ils poursuivent,
tuant celles qui résistent, qui dévalisent les boutiques,
mettent le feu, abattent des murs et ajustent les vieux, qui
essaient de protéger leurs biens ou les leurs. On en voyait
qui conduisaient des fillettes sur la place pour les vendre
comme esclaves. El-Menehbi, prévenu, envoie des réguliers
pour rétablir l'ordre, fait restituer les femmes et les filles
et s'assure lui-même que l'ordre a été exécuté. Mais il était
déjà trop tard le Mellah n'existait plus et l'on voyait des
:
du coup.
El-Menehbi écrit au Sultan pour lui annoncer la prise
de Taza et lui faire connaître que les troupes du Makhzen
sont actuellement campées dans la ville il ajoute que Bou ;
I
(1) En
réalité, Bou Hamara, dès le mois d'avril, se trouvait dans
la région de l'oued Kert et il s'installait peu après à Kasba Selouane,
qui lui paraissait plus propice que Taza à ses projets. Ce n'est pas la
mehalla du Menehbi qui a déterminé son mouvement.
196 AU TEMPS DES MEHALLAS
j'ai été au courant et dès que cela m'a été possible, car j'ai
et le Sultan :
—
Tu peux partir pour La Mecque conclut le Sultan, !
— vous voulez,
Si le dit le caïd méchouar, je me charge
de la corvée !
— bien simple
C'est à déjeuner : je l'invite avant son
départ au moment des adieux.
et je l'arrête
— Montre-toi donc à hauteur de ta tâche la I
les blessés et les isolés. Seuls, les gens bien montés rega-
(1) De juin à août 1903, Oudjda resta entre les mains du Rogui,
qui y avait nommé comme pacha El Hadj Mohammed el-Oudiyi. Les
habitants de la ville sollicitèrent à ce moment l'intervention des troupes
françaises de Marnia, préférant la protection française à l'occupation
par les troupes de Bou Hamara. Il ne fut pas donné suite à cette demande
appuyée par Reqina et Si Mohammed Torrès, représentant du sultan
à Tanger, le Makhzen craignant une diminution nouvelle de son prestige.
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 207
mais ce n'était pas chez eux que nous voulions aller. Nous
arrivons à El Aïoun Sidi Mellouk, où l'on séjourna plus d'un
mois pendant lequel des tribus des Beni Snassen et des Angad
vinrent faire leur soumission mais malgré cela, elles firent
;
que vous êtes bien musulmans, que vous répudiez ces chrétiens qui
sont parmi vous (c'est-à-dire la mission militaire française) et il ne
vous sera fait aucun mal. »
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 213
des Finances.
214 AU TEMPS DES MEHALLAS
215
216 AU TEMPS DES MEHALLAS
(1) Depuis cette narration, Raïsouli est décédé à Ajdir le 4 mai 1925.
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 219
raison passera tel jour en tel point. Ils sont dans sa main,
si bon lui semble. Le Makhzen ne lui fait pas peur il n'est ;
(Ij Raisouli resta quatre ou cinq ans en prison, fit une tentative
d'évasion qui échoua et fut libéré par l'intervention d'El Hadj Moham-
med Torres, naïb du sultan à Tanger.
220 AU TEMPS DES MEHALLAS
pille les douars qui ont donné asile au rebelle et le cheikh Zellal,
faire aux désirs de Mac Lean, mais pour cela, certaines condi-
— Mais prêt à
je suis demander, tu
la lui si l'autorises.
— Oui Je ! pas grande confiance.
n'ai tu y vas, Si c'est
à tesrisques et périls.
— Je pas peur, Mac Lean.
n'ai dit
— Qu'à cela ne tienne Mais me lave mains de ce
l je les
231
232 AU TEMPS DES MEHALLAS
est aidé dans ses vues par d'autres ambitieux ou des mécon-
tents et ce fut le cas pour Moulay Abd el-Hafid. Il trouva en
la personne de Si Madani el-Glaoui, le plus important et le
plus riche caïd du pays, un secours inespéré. Tu te souviens
que le Madani, qui était un homme de guerre parfait, avait
commandé la mehalla chérifienne à Taza, puis à Oudjda,
au moment des affaires de Bou Hamara. Les opérations
traînant en longueur à Oudjda, il avait demandé à rejoindre
sa tribu, qu'il avait quittée depuis plus d'un an. Ce qui fut
accordé, mais El Hadj Omar Tazi lui réclama, dès sa rentrée
à Marrakech, un tribut de 70 000 douros (350 000 francs).
Malgré les blessures qu'il du sultan,
avait reçues au service
il était mal vu par le Makhzen
on voyait en:lui un parent
de l'ancien ministre de la Guerre, Si Mehdi el-Menehbi, qui
supportait le poids des ennuis du temps présent.
Le Madani, riche et considéré à Marrakech, devenu hostile
à Moulay Abd el-Aziz, ne pouvait se retourner que vers le
khalifa du Haouz et du Sous, qui, accentuant et soulignant
les faiblesses du gouvernement de son frère, entendant les
critiques des uns et des autres, prit, d'accord avec le Glaoui,
LE REGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 233
les hommes au
surveillaient et notaient les allées et venues
Dar-el-Makhzen, qui touche la kasba (1). Les conciliabules
du khalifa et du Madani lui étaient même rapportés. Il essaya
sans doute de faire arrêter Moulay Abd el-Hafid et de le
mettre dans l'impossibilité de lui nuire. Mais dans cet ordre
d'idées, sa politique fut hésitante ; il disposait de rares fidèles
et ses troupes peu nombreuses étaient dispersées un peu par-
tout. Il avait une mehalla à Saïdia, pour tenir en respect Bou
Hamara en avait une autre à Aïn Dalia pour le Raïsouli,
; il
Aziz, conseillé par des vieux, par des timorés, par Si Feddoul
Gharnit, par Guebbas essaya des moyens timides, détournés,
qui devaient avorter.
Il envoya successivement ses oncles, Moulay el-Abbès, puis
route une mehalla envoyée par H a fid, qui les attend le fusil
chargé, que toutes les tribus de la région sont hostiles au
Makhzen et qu'elles veulent proclamer Moulay Abd el-Hafîd
et Bel Ghazi rejoint Tanger (11 juin).
Parmi ces tribus hostiles, les plus excités sont les Rehamna ;
ils ont des chevaux et des armes, ils sont gonflés parce qu'ils
n'ont pas payé d'impôt depuis le départ du sultan de Marra-
kech (1901) et tu vois maintenant combien était sage la
politique deMoulay el-Hassan, qui n'avait jamaip de repos
et parcourait l'Empire pour faire rentrer l'argent dû et
empêcher les tribus de relever la tête. Ces gens ont tout à
gagner dans une révolte contre le Makhzen d'Abd el-Aziz,
qui leur réclamerait l'arriéré de tous ces impôts et ce sont
eux qui s'opposent à l'installation de Bel Ghazi, qui sur-
veillent la piste de Safi, qui font partir les Européens restés
à Marrakech, qui font ouvrir les prisons de la ville, où se
trouvent beaucoup des leurs, qui envoient des émissaires
chez les Doukkala et chez les Ghaouïa, pour que ceux-ci leur
tendent la main. Leur précédent essai avec le prince Moulay
M'hammed avait avorté grâce à la poigne de Bâ Ahmed,
mais ce dernier n'était plus là et personne ne l'avait remplacé
au Makhzen. Ils le savaient bien ils n'ignoraient pas non
;
Hassan ;
que le Makhzen ne disposait que de rares contin-
gents de naïba. Bou Hamara
et Raïsouli par leur résistance
et leur maintien, en étaient la preuve.
On dit que la mehalla du sultan va sortir pour aller à Rabat
et de là gagner Marrakech. Ils font tous leurs efforts pour
dissuader les tribus soumises d'envoyer les contingents que
leur demande Moulay Abd el-Aziz :
et dit :
—
Nous savons tous que le sultan Moulay Abd el-Aziz a
vendu notre pays aux chrétiens pour satisfaire ses plaisirs ;
partir bien plus, ils forcent nos frères qui y sont restés à se
:
—
Que Dieu bénisse la vie de Notre Seigneur, Moulay
Abd el-Hafid !
des leurs. Non, Moulay Abd el-Hafid n'est pas fondé dans
ses prétentions, car ne peut y avoir de véritable sultan
il
flotte sur Teau. Bouchta fut ainsi débordé, trahi d'autre part
par Ould Bâ Mohammed Ghergui, qui, dès le début du combat
de Sidi ben Slimane, tourne bride avec ses cavaliers. C'était
un excellent homme de poudre et on ne peut lui reprocher
cette défaite qui porta les partisans de Moulay el-Hafid au
comble de l'enthousiasme et de la joie. Cette affaire apporta
du coup au prétendant les adhésions d'Hammou el-Zaïani
et d'Anflous.
La mehalla de Bouchta, après s'être reposée et refaite tant
bien que mal, rentre à Rabat, où se trouvait toujours le
Bien que n'ayant plus grand monde avec lui, il cherche tou-
jours à rétablir son prestige et à s'attirer des partisans ; il
Moulay Abd el-Hafid est entré à Fez, escorté par 1 500 sol-
Taza, où il excite les Ghiata et les Haïaina (23 juin) qui ont
commencé à tuer leurs caïds.
La colonne de Moulay Abd el-Aziz partit donc le 12 juillet
de Rabat et la première étape fut Temara. Puis l'on tint
route par lesZemmours, les Beni Khiran on fut à Sokhrat
;
avis les plus divers étaient émis les uns voulaient retourner
:
là. Entre les passages, ils sortaient pour voir les résultats
avec nous.
Plusieurs fois en cours de route, les membres de la mission
militaire française furent sur le point d'être assassinés, sous
les prétextes les plus divers ; mais on fit comprendre à ces
excités de quelle répression terrible serait suivi un tel mas-
VISITE DE l'empereur d'ai.LEMAGNE, GUILLAUME H,
Tanger, le 31 mars 1903. On le reconnaît sur le cheval blanc. Immé-
diatement derrière le caïd marocain monté, le caïd Mac Lean en
uniforme particulier, soutaché d'or et torsades aux épaules.
LE RÈGNE DE MOULAY ABD EL-AZIZ 257
voir filer vers le Sud, chez les Rehamna, qui étaient prêts
à le soutenir à nouveau. C'est pour cela que Moulay Abd el-
Hafid voulait le reprendre pour le mettre dans l'incapacité
de nuire.
Moulay M'hammed quitte Casablanca et gagne Kasba
PREMIERS PAS ;
263
264 AU TEMPS DES MEHALLAS
peu assuré. Ces gens sont toujours restés libres et forts. Enfin,
il installe son camp à quelques Hajeb
kilomètres de Kasba el ;
et l'Anglais Bolding.
Les Beni Mtir complètement battus, vinrent faire leur
268 AU TEMPS DES MEHALLAS
faut vivre sur le pays et ce dernier est bien épuisé par tous
ces combats. Bou Hamara une nouvelle sortie victorieuse
fait
y monte?
Mais pour avoir de l'argent des montagnards affirment
qu'il a vendu aux Espagnols les mines de plomb et de fer
qui sont près de Selouane, dans les montagnes des Beni bou
Ifrour des ingénieurs circulent, explorant la terre, prenant
;
Bab Fetouh.
Il faut agir sans retard. Moulay Abd el-Hafid rappelle sa
colonne victorieuse des Beni Mtir, qui revient en laissant une
garnison à Kasba el Hajeb, et, sans attendre son arrivée, il
envoie son tabor nègre en avant-garde, soit 700 hommes
environ. Djillali était bien à ce moment-là campé à Aïn Sbit,
chez Beni Sadden, et Bou Hamara, avec quelques 500 régu-
les
(1) Cette partie du récit nous est donnée par le capitaine Ben Sédira
(c'est-à-dire la poursuite et la prise du Rogui).
278 AU TEMPS DES MEHALLAS
deux.
280 AU TEMPS DES MEHALLAS
qui commande.
— Sois tranquille on ne tue pas, on ne mutile pas des
1
rien dire, car il n'a rien. Les jours passent : l'agitateur est
toujours vivant et il commence à reprendre courage.
dit :
sortir.
bre 1909).
Ainsi périt misérablement le célèbre agitateur, qui avait
tenu en échec les troupes de Moulay Abd el-Aziz, qui avait
nommé pendant plusieurs années et destitué les caïds de
l'Est et qui, abandonné par les uns et les autres, avait terminé
sa fortune à l'oued Ouergha.
La mehalla de Si Mahboub ne novembre
revint à Fez qu'en ;
elle fit une entrée triomphale à Fez, en passant par Bab Mah-
qui ne respecte plus les traités passés, trouve qu'il est temps
de rappeler au sultan, que de vieilles affaires n'ont pas encore
été réglées (en particulier, les sanctions de l'assassinat du
D"^ Mauchamp), qu'il ya des dettes criardes en retard et que,
si les instructeurs turcs ne sont pas renvoyés, il rappellera
sa mission et ses consuls et exigera le règlement immédiat
de toutes les questions.
il vient d'être proclamé à Taza par les Hayaïna, les Tsoul, les
etun tabor du génie avec 200 hommes. Soit une petite armée
de 3 250 hommes. Par suite du manque d'argent, Moulay Abd
el-Hafid est obligé de se contenter d'une petite armée à la
mode européenne : ce qu'il ne voulait pas il y a quelques mois.
Elle lui coûtera tout de même plus de 7 000 douros par
semaine (35 000 francs).
Si les tribus n'envoient pas de contingents de naïba, et elles
sible pour que Sidna soit mal vu. C'est ainsi qu'il vient de
prescrire que les tribus makhzen seraient soumises à l'impôt,
or tu sais que, depuis des siècles, ces gens ne devaient au
sultan que le service militaire ; ce qui les dispensait des
impôts et cette mesure va mettre en révolte les Gherarda et
Taïeb el-Mokri.
El Hadj Omar Tazi avait été envoyé à Mogador, au moment
de Tandis que beaucoup de partisans du
la défaite d'Aziz.
sultan déchu gagnaient Casablanca pour se mettre en asile
auprès du gouvernement français, certains prirent peu à peu
la route de Fez, lorsque la situation fut calme, cherchant à
reprendre une fonction ou une autre dans le nouveau Makhzen.
Mais on fit comprendre à Omar Tazi qu'il n'avait que faire
auprès de Moulay Abd el-Hafid d'ailleurs le grand vizir,
:
n'a pas accompli la mission que les ouléma lui avaient confiée
et qu'il se conduit comme Abd el-Aziz en s'appuyant sur les
Chrétiens des agitateurs naissent et vont de souk en souk
;
que ces gens-là vont comme des feuilles au gré du vent. Les
Gherarda, les Beni Mtir, les Guerrouane, les Zemmour, les
Zaer, les Mejjat lui résistent : si le sultan veut se rendre dans
le Haouz comme il le dit, ils s'opposeront à son passage et il
faudra les soumettre les uns après les autres avant de tra-
verser leur territoire. On forme une mehalla à Fez pour
réduire les Gherarda ;
je veux dire que la mehalla est toute
prête, puisqu'il n'y a pas de contingents de tribus. Les régu-
liers forment environ 3 000 hommes.
Gette colonne part de Fez (le 28-2-1911). Elle est com-
mandée par le ministre de la Guerre, Si Mohammed el Arbi
ben el-Madani y a aussi comme
: il chefs. Si Mohammed el
Baghdadi, le commandant Brémond et le capitaine Le Glay.
Elle comptait des tabors d'infanterie (cinq) réunissant 1 700
à 1 800 hommes ; des tabors de cavalerie (trois) avec 350 che-
vaux et deux tabors d'artillerie, comprenant une section de 80
de montagne avec l'adjudant Pisani et une batterie de 75
avec le maréchal des logis Guerraz (Renseignements du capi-
taine Ben Sédira). Ges troupes étaient constituées suivant la
formule nouvelle, à laquelle l'allef était hostile. Gomme il ne
restait plus à Fez que avec dequelques irréguliers l'artillerie,
Othmane.
Ce sont là les derniers soubresauts impuissants du vieux
Maroc qui meurt mais, tout cela, c'est de l'histoire d'hier
:
C'est sur cette note triste qu'El Hadj Salem el-Abdi ter-
mina sa narration.
P.-S. — On
sait que Moulay Abd el-Hafid s'embarqua à Rabat,
au milieude l'indifférence générale, sur le croiseur Du Chayla,
le 12 août 1912 et remit alors seulement son abdication au général
Lyautey, qui l'avait accompagné à bord, avec M. de Saint-Aulaire et
le commandant Simon.
Tandis que ses femmes, ses enfants et ses esclaves étaient dirigés
sur Tanger, le souverain déchu fit un voyage semi-officiel en France,
avant de rejoindre à Tanger son ancien ennemi, son frère Abd el-Aziz.
Au moment de la guerre franco-allemande de 1914-1918, il passa
en Espagne où il vécut à Madrid, aux dépens de l'Allemagne qui l'avait
toujours soutenu. La guerre terminée, l'espoir d'une restauration ger-
manique déçu, il dut accepter de résider en France à Enghien, sa mai-
son de Tanger ayant été renvoyée au Dar-el-Maghzen de Fez. Il y
mourut le 4 avril 1937, à l'âge de soixante et un ans. Il fut inhumé
solennellement à Fez, à la mosquée de Sidi Abdallah, à côté de son
successeur Moulay Youssef, qui l'y avait précédé en 1927. Il y sera
rejoint par son frère, Moulay Abd el-Aziz, décédé à Tanger d'une crise
cardiaque, le 10 juin 1943.
Quant à l'aîné des fils de Moulay el-Hassan, Moulay M'hammed le
borgne, il disparaîtra en 1946 et les deux plus jeunes fils, Sidi Moham-
med el-Mehdi et Sidi Mohammed el-Meknassi mourront en 1947-1948.
L. A.
.
Pages.
Introduction i
-M 6 5
n)7.
8EC 0 LD-Liaa
FEB 1 0 1988
ê
I
;;lC'D
APR-â
LD-URL
m PEB 1
JAN 181975
Form L9-32m-8,'58(5876s4)444