Ludidactica
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1. INTRODUCTION
1. Appel lancé en 1975 par l’équipe animée par J.-M. Caré et F. Debyser. On notera aussi la
publication dans la revue Le Français dans le monde n° 123 de « Jeux et enseignement du fran-
çais » (août-sept. 1976) et dans le n° 151, « Laissez-les rire » (février-mars 1980). Signalons égale-
ment l’importance des travaux de l’équipe du BELC fondés sur la créativité et la libération de
l’imaginaire et plus particulièrement les techniques de simulations globales proposées par
F. Debyser : L’Immeuble, les îles, le cirque, Cartes noires… Les années 1980 verront apparaître,
dans le sillage des approches communicatives de nombreux manuels aux titres programmatiques :
Cartes sur table, Avec plaisir, Entrée libre…
hension, le décodage des signes par lesquels les hommes communiquent et,
ce faisant, favorise l’insertion dans le corps social étranger. Il ne s’agit pas de
divertir, de distraire après un travail « sérieux » (grammaire, conjugaison,
analyse) mais de mettre le rire au service d’une éducation à la perception
sémiolinguistique du quotidien. Les justifications didactiques à la constitu-
tion de l’humour en objet à enseigner relèvent du simple constat : la seule
maîtrise des composantes fonctionnelles de la langue conduit à la lisière de
la communication, à l’exclusion de la connivence culturelle. Avoir de l’es-
prit 11, le sens de la répartie et de l’à-propos caractérise un homme raffiné,
distingué et cultivé. Et on le sait personne n’aime passer pour un « mufle »,
pour quelqu’un « qui n’a pas le sens de l’humour », pour un « lourdaud ».
Aussi soutiendrons-nous que la socialisation, l’intégration dans une
société autre, la maîtrise de la langue-culture de l’autre passent aussi par le
3. LA COMPÉTENCE ESTHÉTICO-LUDICO-RÉFÉRENTIELLE
AU QUOTIDIEN
12. H. Boyer (1990 : p. 48-51) : « Cette compétence ethnosocioculturelle qui permet de saisir et de
faire fonctionner toutes sortes d’implicites plus ou moins codés, plus ou moins partagés, dans les échan-
ges quotidiens et les “mises en scènes” de tous ordres (en particulier médiatiques), intègre non seulement
ce qu’on peut appeler “l’air du temps” mais aussi des mythologies plus anciennes, plus ou moins stables,
plus ou moins figés et un patrimoine historique et culturel (souvent fossilisé, “mythifié”). Elle est le
préalable indispensable à l’intelligence de certaines pratiques langagières, comme l’humour […]. »
13. « Par compétence sémiotique, […] on pourrait admettre l’ensemble des capacités et aptitudes don-
nant à l’individu les moyens de percevoir le caractère arbitraire, multisystémique, et, nécessairement
mutable des signes d’expression sociale et des productions langagières. Elle se concrétise notamment par
la compréhension et la pratique des opérations de production, de conservation et de régénération du sens,
soit dans le cadre d’une adéquation au réel, soit dans celui d’un jeu de l’imaginaire recourant au langage
pour y manifester les marques du fantasme ou du plaisir », A. Abbou. 1980. « La didactique de 3° géné-
ration : des hypothèses aux projets », ÉLA, n° 37, p. 5-22, citation p. 16.
14. Le Canard enchaîné du 20/10/03 titrera à propos du même thème : « La vache folle rattrape
les ministres. »
4. ENSEIGNER LE RIRE ?
17. T. Glachant. 2002. « Sens de l’humour et grammaire du sens », Le Français dans le monde,
n° spécial « Humour et enseignement des langues », juillet, p. 149 : « Les étudiants, eux, adorent
s’amuser avec ce que les temps des verbes disent, ce que les prépositions racontent, ce que les
subjonctifs ou les conditionnels peuvent sous-entendre… »
sur l’omniprésence de la métaphore dans notre vie quotidienne 23, joue tout
à la fois sur la fonction poétique 24 et sur les dimensions référentielles du
contexte 25 socio-politique, sollicite des compétences ethnosocioculturelles
et permet de dire sur le mode ludique des référents saillants dans l’univers
des communicants que nous avons appelé « ludico-esthético-référentiel ».
Dans Bouguerra 2003 nous avions donné de la composante esthético-ludico-
référentielle la définition suivante :
Dans la communication médiatique, qui a pour raison d’être de « donner des informa-
tions » (cela va sans dire), qui se caractérise par un « contrat de parole » (Charaudeau
1994), un contrat de communication à dominante informative, il en va tout autrement.
L’activité de thématisation (constitution d’un objet discursif en thème) concerne pour
l’essentiel la vie politique française, les faits de société, l’actualité internationale et
20. Pour S. Moirand et J. Peytard (1992 : p. 61) « le Texte littéraire a vocation connotative » ; le
Document a vocation dénotative ; l’un s’oriente vers le dispositif et les jeux du langage, l’autre vers
un objet référentiel ».
21. C. Hagège (1996 : p. 257) : « L’échange de mots dépouillé d’ambiguïtés, la « communication
réussie » sont-ils la norme, ou plutôt une trouée de clarté sur fond de permanent malentendu ? »
22. G. Kleiber (1994 : p. 108) : « l’essentiel de l’interprétation obéit au principe de pertinence qui
postule qu’à toute information communiquée explicitement s’associe une présomption de perti-
nence optimale définie comme la conjonction de deux facteurs, les effets cognitifs et les effets de
calcul pour les obtenir. »
23. « […] la métaphore est partout présente dans la vie de tous les jours, non seulement dans le
langage, mais dans la pensée et l’action. Notre système conceptuel ordinaire, qui nous sert à penser,
est de nature fondamentalement métaphorique », G. Lakoff et M. Johnson (1985 :p. 13).
24. R. Jakobson (1963 : p. 218) entend par « fonction poétique » la « visée du message pour son
propre compte », « la fonction où l’attention est orientée vers le message lui-même ; c’est la forme
même du message qui véhicule le sens du message » (R. Jakobson 1973 : p. 38).
25. D. Sperber, D. Wilson (1989 : p. 31) définissent le contexte comme « ensemble des prémisses
utilisées pour l’interprétation d’un énoncé » ou encore : « Un contexte est une construction psycho-
logique, un sous-ensemble des hypothèses de l’auditeur sur le monde ».
26. Sur cette question on pourra se référer à J. Peytard et S. Moirand (1992 : p. 147-163). Parmi
les nombreuses entailles identifiées par J. Peytard on retiendra pour l’analyse de notre corpus : les
entailles scripto-visuelles (ruptures dans le continuum graphique, titres, sous-titres…), les entailles
anagrammatiques sachant que « toute déforme du signifiant a conséquence sémantique ; toute per-
mutation grapho-phonique réoriente l’énoncé ; c’est la base des jeux de mots « et les entailles inter-
textuelles » (lieu de l’interdiscurvité).
27. « La Sarkolonisation de l’UMP a-t-elle un rôle positif pour la France ? », Le Canard enchaîné
du 14 décembre 2005.
28. B.-N. Grunig (1993 :p. 104) : « La composition interne (est celle) qui est liée à la mémorisa-
tion de préconstruits de toutes sortes, y compris dans les systèmes de la langue. C’est celle, par
exemple, qui permet que j’attende une certaine fin pour des fragments comme les suivants : Aide-
toi, le ciel… ; Au fur et à… ; Pour qui sonne… ; Vivre d’amour et d’eau… »
« les cheminots cherchent leur voie et les usagers leur train » (Le Midi libre du
14/11/07)
Les expressions idiomatiques ou métaphores lexicalisées (faire le dos
rond, tenir la jambe à quelqu’un…) et le jeu qu’elles autorisent (détourne-
ment, déforme des signifiants) entrent dans la construction de nombreux pro-
jets discursifs aux effets esthétiques des plus savoureux :
– annoncer la décision de l’entraineur de l’équipe de France de football de
quitter l’équipe nationale pour diriger une équipe anglaise :
« Santini file à l’anglaise » (site internet wanadoo du 4 juin)
– dénoncer la politique du Président américain :
« Le Bush à grandes oreilles » (Le Canard enchaîné du 11/01/2006)
– savourer, exprimer la joie fusionnelle qui a accompagné la victoire des
bleus sur l’Espagne et la qualification de la France pour la finale de la
coupe du monde :
« Que c’était beau de voir Zizou remuer le couteau dans la plaie de l’orgueilleux tau-
reau » (Le Midi Libre du 28/06/06)
– rappeler les nombreux voyages en Corse et dénoncer une politique prési-
dentielle considérée comme arrogante :
« 27 voyages sur l’île en 5 ans, et maintenant un conseil des ministres décentralisé »
(surtitre) :
« Sarkozy n’en finit plus de bomber le Corse ! » (Le Canard enchaîné du 31/10/2007)
Dans la construction d’une appétence lectorale et la mise en spectacle de
l’information, la métaphore (animale et guerrière, notamment) offre par sa
29. V. Traverso (1999 : p. 85) L’« épinglage linguistique » est un procédé « qui consiste à relever,
dans le discours de son interlocuteur, un mot ou syntagme qui devient source d’une élaboration
ludique ».
6. PROPOSITIONS PÉDAGOGIQUES
2. Les activités
1. Repérer les effets esthético-ludico-référentiels sur lesquels jouent
les énoncés suivants :
– « Villepin condamné à “aménager” le CPE : Des coups de manifs dans le
contrat » (Le Canard enchaîné du 22 mars 2002).
– « Après le CNE, le CPE. Le Code du travail prend un Villepin dans la
gueule ! » (Le Canard enchaîné du 25/01/06).
– « Stop violence. Agir, c’est le dire ».
– « Rtl, y’a rien de tel » (slogan publicitaire)
CONCLUSION
30. « Tous les jeux de langue qu’ils soient écrits ou oraux témoignent de la langue, la révèlent. Du
même coup, la pratique du jeu de langue témoigne d’une certaine compétence. Jouer avec les mots,
(avec la langue), c’est en effet à la fois et successivement :
– faire l’apprentissage de la langue […]
– et faire la preuve de sa maîtrise de la langue », Le Français dans le monde n° 151.
BIBLIOGRAPHIE