La Naissance de Gargantua, pp.42-44, Peu de Temps Par L'oreille., Chap. VI

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La naissance de Gargantua, pp.42-44, « Peu de temps… par l’oreille. », chap. VI.

Peu de temps après, elle commença à soupirer, lamenter et crier. Aussi


vite les sages-femmes arrivèrent en foule de tous les côtés. Et la tâtant
par le bas, trouvèrent quelques morceaux de peau, d'assez mauvais goût,
et elles pensaient que c'était l'enfant, mais c'était le fondement qui lui
échappait, à cause du ramollissement de l'intes n de droite que vous
appelez le boyau culier, parce qu'elle avait mangé trop de tripes, comme
nous l'avons expliqué ci-dessus. Donc une repoussante vieille de la
compagnie, qui avait la réputa on d'être une grande guérisseuse, et qui
était venue là soixante ans auparavant de Brisepaille près de
Saint-Genoust, lui fit un restric f si horrible, que tous ses trous en furent
si étranglés et resserrés que vous les auriez à grand-peine élargis avec les
dents - ce qui est une chose bien horrible à penser _, à la façon dont le
diable écrivant le caquet de deux commères à la messe de la Saint-Mar n,
allongea son parchemin. Par cet inconvénient, furent au-dessus relâchés
les côtés de la matrice, par lesquels l'enfant sursauta ; il entra dans la
veine creuse, et grimpant par le diaphragme jusqu'au-dessus des épaules
(où ladite veine cave se partage en deux) prit son chemin à gauche et
sor t par l'oreille gauche. Dès qu'il fut né, il ne cria pas comme les autres
enfants « Mies, mies », mais à haute voix s'écriait « à boire, à boire, à
boire», comme s'il invitait tout le monde à boire, si bien qu'il fut entendu
dans tout le pays de Beauce et de Vivarais. Je me doute que vous ne
croyez absolument pas ce e étrange naissance. Si vous ne la croyez pas,
je m'en fiche, mais un homme de bien, un homme de bon sens, croit
toujours ce qu'on lui dit et qu'il trouve par écrit. Est-ce contre notre loi,
contre notre foi, contre la Sainte Écriture ? Pour ma part je ne trouve rien
écrit dans les Bibles saintes qui s'y oppose. Mais si le vouloir de Dieu eût
été tel, diriez-vous qu'il ne l'ait pu faire ? Ha, par grâce, ne triturez pas vos
esprits de ces pensées vaines. Car je vous dis qu'à Dieu rien n'est
impossible, et s'il le voulait, les femmes auraient ainsi dorénavant leurs
enfants par l'oreille.

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