Analyse - Schematique-Jacques Roumain
Analyse - Schematique-Jacques Roumain
Analyse - Schematique-Jacques Roumain
Analyse schématique
1932-1934
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Courriels :
Jacques ROUMAIN
Écrivain haïtien et homme politique communiste [1907-1944]
Quatrième de couverture
Avertissement [27]
Le sacrifice du Tambour-Assôtô (R) [28]
L’entrée du sacrifice [31]
Le sacrifice de l’Assôtô (R) [74]
Possession par le Loa de l’Assôtô (R) [87]
L’expulsion de l’Assôtô (R) [89]
Appendice. Description sommaire de l’Assôtô (R) figurant au
frontispice de cet ouvrage [92]
Bibliographie [94]
Glossaire des termes créoles [96]
[3]
Analyse schématique
[5]
L’ÉCROULEMENT
DU MYTHE NATIONALISTE
PRÉJUGÉ DE COULEUR
ET LUTTE DE CLASSES *
Le préjugé de couleur est une réalité qu'il est vain de vouloir esca-
moter. Et c'est du jésuitisme que de paraître le considérer comme un
problème d'ordre moral. Le préjugé de couleur est l'expression senti-
mentale de l’opposition des classes, de la lutte des classes : la réaction
psychologique d'un fait historique et économique, l'exploitation sans
frein des masses haïtiennes par la bourgeoisie. Il est symptomatique
de constater, au moment où la misère des ouvriers et des paysans est à
son comble, que la prolétarisation de la petite bourgeoisie se poursuit
à un rythme accéléré, le réveil de cette plus que séculaire question. Le
Parti Communiste Haïtien considère le problème du préjugé de cou-
leur comme étant d'une importance exceptionnelle, parce qu'il est le
masque sous lequel politiciens noirs et politiciens mulâtres voudraient
escamoter la lutte de classes. Ces jours-ci circulent sous le manteau
différents manifestes où la question est soulevée. Il est à retenir de
ces manifestes qu'ils exposent 1° : sentimentalement des vérités, en
réalité, économiques et, par conséquent, sociales et politiques ; 2° : la
paupérisation de la classe moyenne dont les raisons sont expliquées
dans la critique du Manifeste de la « Réaction Démocratique ». 2 Mais
il s'agit ici de préciser que l'avilissement social, économique et poli-
tique des [8] noirs n'est nullement dû à une simple opposition de cou-
leur. Le fait concret est celui-ci : un prolétariat noir, une petite bour-
geoisie en majorité noire, est opprimé impitoyablement par une infime
* Ce titre est celui d'un ouvrage à paraître de notre camarade Roumain qui
examinera la question minutieusement. (N. de l'originale.)
2 La critique de ce manifeste constitue le troisième chapitre de l'ouvrage.
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 14
LE MANIFESTE DE LA RÉACTION
DÉMOCRATIQUE 5
gure, parce que ses intérêts de classe y trouveront leur compte, parce
que ses intérêts de classe se confondent en ce moment avec l'intérêt
général bien compris.
Il n'est pas inutile de déterminer le contenu du Prolétariat National,
étant donné que nous sommes en un pays à paralysie intellectuelle ca-
ractérisée.
La classe d'un type social donné se détermine non point en fonc-
tion de sa couleur mais en fonction de sa position économique. ** Le
véritable bourgeois est un propriétaire de certains moyens de produc-
tion considérables et qui lui [16] permettent d'acheter à fins produc-
tives la force de travail prolétarienne. En partant de ce point de vue -
le seul scientifique - et en tenant compte du statut de la grande majori-
té des familles noires et mulâtres de ce pays, il n'est pas difficile de se
rendre compte que nous sommes un pays radicalement prolétarien. Ce
qui n'est pas étonnant, étant donné le caractère aux trois quarts colo-
nial de notre Economie. Notre pays constitue simplement un fief du
Grand Capitalisme International, notamment du Capitalisme Améri-
cain avec ou sans contrat de rachat de la Banque dite Nationale.
Nés prolétaires, mais devenus soudainement maîtres d'un pays infi-
niment riche par le droit de la force, une véritable bourgeoisie natio-
nale, à racines profondément plongées dans l'Économie, eût pu se cris-
talliser, mais dès le point de départ, le handicap fut terrible : lourd em-
prunt de l'Indépendance pour décourager toute entreprise criminelle
des anciens maîtres, classe dirigeante absolument au-dessous de sa
tâche, par suite de sa formation historique elle-même, développement
irrésistible de l'Impérialisme économique et financier des Grandes
Puissances Capitalistes au 19ème siècle. La classe dirigeante rendit les
armes sans avoir combattu ! L'Indépendance avait fait d'elle la grande
propriétaire terrienne du Pays : elle pratiqua systématiquement l'ab-
sentéisme et fît de la politique. Ce qui permit au Capitalisme Interna-
tional d'occuper la place. Si bien qu'à l'heure où nous écrivons les
seules entreprises agricoles dignes de ce nom et installées dans le pays
sont des entreprises américaines (Hasco, Pettigrew, Cie d'ananas, etc.),
les seules entreprises industrielles dignes de ce nom installées dans le
pays sont des entreprises étrangères (les usines à mantègue, 13 les prin-
cipales usines à café, la Cie Électrique, la Cie du Wharf, l'Usine à glace,
etc.), les principales maisons de commerce sont des maisons de com-
merce étrangères (Reinbold, SiegeL, Silvera, Altieri, etc..) : notre
« bourgeoisie », dans son ensemble, est simplement une bourgeoisie
boutiquière vendant au détail, et de fonctionnaires. En d'autres termes,
ce n'est pas scientifiquement une bourgeoisie : c'est simplement une
couche privilégiée d'une classe en voie de prolétarisation accélérée.
Et il en sera de plus en plus ainsi.
En effet, le processus de prolétarisation se poursuit à un rythme fa-
tal. Au point de vue de l'accélération du mouvement de prolétarisation
de l'élément indigène, la période de l'Occupation Américaine constitue
un véritable record : les petites industries locales (notamment la cor-
donnerie) ont complètement disparu et fait place à la marchandise fa-
briquée en série et scientifiquement aux États-Unis ou ailleurs, la guil-
diverie haïtienne n'est déjà plus qu'un thème pour promesses électo-
rales insincères. D'autre part, cette prolétarisation fut particulièrement
remarquable chez le paysan moyen. Le paysan de la plaine du Nord en
[17] particulier a été violemment séparé de ses moyens de production
et il en est arrivé à n'avoir à vendre que sa peau, sa force de travail ex-
ploitable à fond.
Et toute tentative d'autonomie économique de la part de l'élément
indigène rencontre l'opposition systématique de nos tuteurs. Il y a
quelque temps un groupe textile haïtien tenta de se former. Mr le
Conseiller-Financier américain y mit bon ordre.
Est-ce à dire que ce prolétariat constitue un tout homogène ? Loin
de là ! D'ailleurs, comment le pourrait-il être ? Qui se soucia jamais de
lui dire la vérité, ou tout au moins, qui jamais présenta la question
sous son aspect scientifique ? Le Prolétariat haïtien constitue donc un
tout hétérogène. Comme tout prolétariat, il comporte des couches plus
favorisées La petite dactylo de la Banque du Canada est évidemment
une privilégiée en comparaison de l'ouvrier de la Hasco, mais leurs in-
térêts n'en sont pas moins les mêmes : l'ouvrier de la Hasco et la petite
dactylo sentimentale et raffinée ne continueront pas moins à payer
leur tribut au Capital sous la forme d'un nombre d'heures de travail ex-
cessif, si ne se développe un large front syndical, qui comprenne les
13 Mantègue ou mantèque : saindoux.
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 26
14 Sans doute référence aux velléités d'unification de toute l'île sous la domi-
nation haïtienne.
15 Allusion énigmatique. Pour « Le Sammy » faut-il lire « Le soldat de
l'Oncle Sam » ?
16 Une composition défectueuse a rendu incompréhensible le début du para-
graphe. Nous reprenons le texte avec : « [La] question de l'Impérialisme... ».
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 28
rait pour un petit peuple de 3 millions de se dresser sur tous ces États 17
à tendance blancophile qui nous entourent. Notamment l'Amérique. Et
même l'Amérique des Nègres qui certes ont vis-à-vis de nous les
meilleures intentions mais qui n'ont aucune raison d'accepter d'être
considérés un peu comme des êtres inférieurs par nous.
De plus, à l'intérieur de chaque Communauté nationale il y a de
grands partis politiques nettement antiracistes (les partis commu-
nistes), qui se trouvent être précisément les seuls partis anti-impéria-
listes. L'absence de culture de notre personnel politique n'a pas su en
tirer profit jusqu'à présent. Tout racisme haïtien rencontrera leur hosti-
lité marquée. Nous ne savons pas si le racisme haïtien résistera mieux
que le racisme allemand.
S'ensuit-il de tout ce qui précède que le problème auquel la R.D. a
voulu porter une solution n'existe pas et qu'il ne faut pas s'en préoccu-
per ? Absolument non ! Il est certain que notre milieu est affligé d'un
redoutable complexe d'infériorité raciale à origine coloniale : le mu-
lâtre est à plat ventre devant le premier blanc débarqué en contrebande
sur nos rives, simplement parce qu'il a la peau [20] blanche. Et cer-
taines catégories de noirs, surtout appartenant par leur puissance éco-
nomique à la bourgeoisie, se comportent de la même façon vis-à-vis
du mulâtre et du blanc. Ce complexe d'infériorité doit être détruit : il
faut APPRENDRE au noir et au mulâtre à être lui-même. Il faut leur
apprendre à respecter et à faire respecter leur qualité d'homme. Et ceci
suffit amplement, sans qu'il y ait lieu de recourir à un racisme ridicule
qui nous vaudrait des inimitiés à l'extérieur et qui, à l'intérieur, per-
mettrait la continuation de l'exploitation politicienne, l'exploitation
politicienne bourgeoise, elle, sans couleur, noire et mulâtre à la fois.
[21]
INTRODUCTION :
NÉCESSITÉ DE LA THÉORIE *
[23]
COMPLOT CONTRE
LA SÛRETÉ DE L'ÉTAT *
lui donnai et les choses en restèrent là. Ces précautions prises sont-
elles inutiles ? Le lieutenant Mode lui-même vous a dit qu'on arrêtait
ceux-là qui m'apportaient des brochures bien qu'aucune loi ne s'op-
pose à ce qu'on reçoive des livres de cette façon. Ces précautions
étaient-elles justifiées ?
Je n'ai pas parlé de l'acte d'accusation car le Major Holly n'en a pas
parlé non plus. Cet acte dit que je voulais troubler Tordre par des
moyens violents, c'est-à-dire avec des explosifs, des fusils-mi-
trailleurs, des mitrailleuses : ces explosifs se résument en quelques
mots. Voici anéanti l'acte d'accusation et cela d'après le lieutenant
Mode lui-même. Je me suis servi d'un pseudonyme, Tavelu, précau-
tion prise quand le Parti Communiste Haïtien n'était pas fondé. C'est
un nom de guerre peut-être et non une arme de guerre. Pour ce que le
Major Holly a dit de la Russie, je lui ferai avoir un livre à l'occasion
pour voir ce que la Russie pense de l'impérialisme, et sous quel jour
favorable elle envisage la question des nègres.
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 37
[25]
Le sacrifice
du tambour-assôtô(r) *
[26]
[27]
AVERTISSEMENT
JACQUES ROUMAIN
Mexico, le 25 mars 1943.
[28]
LE SACRIFICE
DU TAMBOUR ASSÔTÔ(R) 26
« L'établissement d'un contact entre les morts et les vivants est une no-
tion déterminante de toutes les civilisations dont la religion prend sa
source dans le culte des Ancêtres... Dans la danse imitative et concrète, la
notion de ce rapprochement s'intensifie jusqu'à la matérialisation du défunt
sous les traits d'une poupée ou d'un danseur à masque. Une coutume des
couvents du Tibet franchit une étape de plus ; là deux bouffons viennent se
joindre à la ronde des vivants ; puis deux autres personnages coiffés de
crânes et vêtus de maillots collants et blancs sur lesquels est dessiné le
squelette humain ; il ne s'agit plus ici d'un défunt quelconque, mais de
l'idée même de la mort, aspect ultime de tout être qui participe à la vie ».
[31]
L'ENTRÉE DU SACRIFICE
Cette formule des textes sanscrits est employée avec une égale pré-
cision par les fidèles du vaudou. Il s'agit avant la cérémonie religieuse
d'attribuer aux instruments, au sacrificateur, aux sacrifiants, au lieu du
sacrifice, un caractère sacré grâce à des rites appropriés. Une fois la
place consacrée, le tambour baptisé, le sacrificateur purifié, le sacri-
fice devra être introduit obligatoirement par la cérémonie de Legba, la
divinité dahoméenne qui ouvre le chemin et « doit être rassasiée avant
que les autres dieux puissent manger ».
Le Baptême du Tambour-Assôtô(r) ou Cérémonie du Placer
n'âme (Placer l'âme) : l’Assôtô(r) est le plus grand tambour du culte
vaudou. Il dépasse souvent deux mètres. Celui que nous reproduisons
dans cet ouvrage mesure un mètre trente-huit (Frontispice).
Le bois choisi pour sa fabrication est le chêne, a l'acajou, b le cèdre c
et surtout le mahaudème, d car nous dit un de nos informateurs : c'est
un bois qui a beaucoup de sang.
Il faut que le bois soit coupé à la période de la pleine lune et la
membrane qui recouvre le tambour doit être placée à midi sonnant.
Le baptême a lieu sous une tonnelle -, il est indifférent que ce soit
pendant la journée ou à la tombée de la nuit. La famille qui sacrifie a
a Catalpa longissima (Jacq.) Sims, (Note de J. R.)
b Swietenia mahogany Jacq. (Note de J. R.)
c Cedrela odorata. (Note de J.R.)
d Ochroma pyramidalis (Cav.) Urb. (Note de J.R,)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 44
préparé une nappe blanche neuve qui est étendue sur une natte. Le
Houngan place le tambour, couché, sur la nappe après l'avoir habillé
d'une robe blanche et coiffé d'un bonnet de même couleur. Les che-
villes sont décorées de rubans multicolores. La baguette est placée à
côté du tambour. Le Houngan trace le vêvê a C'est le dessin magique
qui consacre la place. Il est tracé à l'aide de quatre « farines ». En réa-
lité, il s'agit de la farine de blé, de la farine de maïs, de la cendre, ap-
pelée farine de Guinée (farine Guinin) et de la poudre de café.
[32]
D'après un de nos informateurs :
la farine de blé représenterait les nations des Blancs ;
la farine de maïs, les nations de race jaune ;
la cendre ou farine de Guinée, les peuples' africains qui ne sont pas
entièrement nègres ;
la poudre de café, les peuples africains vraiment nègres tels que les
Ibo tfloucou ou Ibo Bouches-rouges.
Quoi qu'il en soit, il y a orientation magique aux quatre parties du
monde.
Sept parrains et marraines ou bien trois fois sept b parrains et mar-
raines sont choisis. Chaque couple reçoit une bougie allumée et com-
mence à tourner autour du tambour. Les bougies sont soufflées à la fin
de la circumambulation après une révérence au tambour.
Assôtô(r) Micho
N'a po rhélé Jean a
Jean Assôtô(r) n'a po rhélé'r
Pou nous baptisé tambou Assôtô(r)
Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit
Après Bon Dieu, m'ap baptisé'r
Ou sôti n'ans Guinin
Ou vini ouè créoles-la yo
Nous contents ouè'r, Assôtô(r) Micho (bis)
M'ap baptisé'r Assôtô(r)
Assôtô(r) Micho
Nous appelons Jean
Jean Assôtô(r), je t'appelle
Afin que nous baptisions le tambour- Assôtô(r).
Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit
Après le Bon Dieu, je te baptise
Assôtô(r) Micho, je te baptise
Tu as quitté la Guinée
Pour venir voir les créoles
Nous sommes contents de te voir, Assôtô(r) Mich
Je te baptise Assôtô(r).
[33]
La cérémonie de Ogoun-fer ou Ogoun-feraille. Ce loa a des
formes multiples. On connaît en Haïti : Ogoun Badagri, Ogoun Bata-
la, Ogoun Balindjo, Ogoun Shango, b et même de Ogoun de création
récente telles que Ogoun-Balisage et Ogoun-Barthélemy, identifiés à
Saint Florian et à Saint Antoine l'Hermite. Mais nous nous occupons
ici d'Ogoun-feraille associé synerétiquement à Saint Jacques le Ma-
jeur.
Kimalada b semblé
Ce pas mouin seul, ho, qui pou sévi loa
Bolada c yo semblé (bis)
Bolada Kimalada, o Kimalada
Ou canni la fleu vodoun
Ou canni la race Vélékété fleu vodoun
Ah criez : Abobo
Sodiémé Vodoun en tout Dieu d
[34]
a Haematoxylon campechianum. L.-leg. (Note de J. R)
b Signifie en langage : « la famille des Allada » ou comme nous disons : des
Àrada. (Note de J. R.)
c En langage : « les bons enfants Arada ». (Note de J. R)
d Formule du serment. (Note de J. R)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 47
Nous sommes déjà des Arada, nous sommes déjà des Àrada
Ce n'est pas moi seul qui dois servir Ogoun-feraiile
La famille est grande, je ne suis qu'un de ses membres.
Grâce la miséricorde
Des possessions ont lieu. Elles sont d'une extrême violence. Le
possédé fait de grands bonds, il est parcouru de tremblements et il
parle d'une voix tonnante.
Aussitôt les tambours saluent l'arrivée de la divinité. Le corps des
drapeaux l'entoure. Le La Place 28 lui présente un sabre ou une ma-
chette à large lame qu'il embrasse. On l'habille de rouge, on le coiffe
d'un bonnet rouge, on attache à ses bras des mouchoirs rouges, et on
lui met en main un bâton rouge. J'insiste sur cette couleur parce qu'elle
est l'attribut du dieu, d'Ogoun forgeron et guerrier, la couleur de la
flamme et du sang.
[35]
On fait asseoir le dieu cérémonieusement. Les membres de la fa-
mille s'agenouillent devant lui et lui présentent un cigare et une bou-
teille de rhum. Il boit à longs traits. On l'interroge ; il répond, donnant
des conseils et des nouvelles des défunts de la famille.
Le Houngan oriente les animaux aux quatre directions du monde
en faisant l'invocation suivante :
Trois gouttes de sang sont versées dans la forge « afin qu'elle puisse
absorber l'âme des animaux sacrifiés ».
Le Houngan pour sacrer la cérémonie dispose devant la forge trois
petits tas de poudre à canon qu'il fait exploser. Tout le monde crie :
Abobo ! et les membres de la famille se signent sur le front et la
bouche avec le sang sacrificiel.
CHANT
[36]
Oy, Oy,
Ogoun Shango, O nègre-fèraille
Le sang est versé, o Feraille, le sang est versé
Ogoun-feraille a tué
O le Koklo de Feraille est tué (bis)
Nous allons te donner à dîner (bis)
O Feraille
Saigne, saigne, saigne
Vois comme nous avons tué le Koklo
Saigne, saigne, saigne.
Saluez Nago, ey
Nago rivé, oh
Li l'heu, li temps (bis)
O Batala (bis)
Saluez Nago jodi-a, aibobo !
Li l'heu, M temps (bis)
Olisha (bis)
Aibobo !
Criez Abobo pou Nègue Olisha Baguita Wanguita
Ashade Nègue bôkô a Olisha
[37]
Saluez le Nago, ey
O le Nago est arrivé
Il est l'heure, il est temps (bis)
O Batala (bis)
Il est intéressant de noter que pour saluer le loa Nago, ce n'est plus
cette dénomination mais celle d'Olisha, corruption d'Orisha qui est
employée. Ce terme désigne à Cuba et au Brésil, où l'influence Yoruba
est prédominante, la divinité que nous appelons loa en Haïti.
Les repas étant cuit, il est offert au dieu, c'est-à-dire au possédé.
Tous les aliments sont versés dans une grande terrine par les Hounssi
tandis que tout le monde danse en chantant :
Trou-a, o trou-a
Olisha, n'ap' offri'r
N'a po fouillé trou Olisha
Pou nous ba li mangé
N’a po fouillé trou Ogoun
Pou nous bali mangé
N'a po fouillé trou Shango
[39]
Le Houngan trace un vêvê, tandis que tout le monde chante :
du bras, nous paraît devoir être mise en relation avec les Anatinkpo ou
bâtons noueux que les Yoruba plantent autour de la figuration du dieu,
et qui pourraient, selon Herskovits, dériver de Oshe, l'arme du Egba
Shango.
Le Houngan a tracé un vêvê et planté une bougie allumée devant
l'arbre sacré au pied duquel un sac de vannerie (macoute) a été déposé
et qui contient des liqueurs sucrées, un épis de maïs boucané arrosé de
sirop de canne et d'huile d'olive, toutes sortes de vivres également
boucanés, des salaisons, des gâteaux.
Toute l'assistance conduite par le corps des drapeaux danse une
Ronde-Yanvalou autour du poteau central ou poteau-mitan : un tour
vers le levant, un tour vers le couchant et ainsi de suite. Le Yanvalou
est une dansé rituelle originaire du Dahomey et du Nigeria. D'après
Herskovits, le mot Yanvalou signifie supplication, dans le langage de
Whydah. Cette danse appelée aussi Yanvalou-Genoux et qui est carac-
térisée par un mouvement alterné d'élévation et d'abaissement sur les
genoux fléchis est en somme une danse boitillante. De là son singulier
intérêt. Boiter, c'est commencer, remarque Curt Sachs. Rappelons
qu'ici
[40]
Aochè-Nago !
O papa Ogoun,
O papa Ogoun
Je m'en vais chez moi
Mon cheval est sellé.
[41]
La cérémonie de Legba-Assôtô(r) : Tout sacrifice, nous l'avons
déjà indiqué, doit obligatoirement commencer par le service de Leg-
ba. Mais pour le sacrifice de l'Assôtô(r), sacrifice général offert au
Chef de Guinée (Chef-Guinin), l'entrée de la cérémonie se complique
des services d'Aizan, de Loko et d'Ogoun.
Legba, selon toute probabilité a, est une déité empruntée, avec le
culte de Fa', par les dahoméens, aux Yoruba, qui le nomment Elegba,
Elegbara ou Eshu. D'après une légende Dahoméenne, Legba remplit le
rôle d'interprète entre le royaume des dieux et les dieux et entre ceux-
ci et les hommes. Il possède non seulement la connaissance du « lan-
gage » de Mawu-Lisa, mais aussi la connaissance de tous les langages
« parlés » par les autres dieux et c'est pourquoi toutes les créatures
« vivantes » doivent s'adresser à lui avant qu’elles puissent être com-
prises des dieux.
Legba est appelé à Cuba, où prédomine le culte Yoruba, Elegua
Echo ou Echu : c'est le maître des chemins. Romulo Lachatanere écrit
que pour l'Afro-cubain les chemins expriment cosmologique ment les
quatre coins de l'univers qui au point de vue de ses spéculations philo-
sophiques, représentent le Destin, le hasard individuel, son insécurité
dans la lutte contre le milieu ; de sorte que dans l'oracle du ekuelé, la
divination se fait sur une tablette ronde couverte d'une fine couche de
farine de blé, divisée en quatre parties par un trait horizontal et une
ligne verticale.
Ce dessin magique joue un rôle fondamental dans l'intervention
des déités qui déchiffrent le destin de l'homme. Alors qu'en Dahomey
Legba est un dieu phallique, il a perdu ce caractère en Haïti, et à Cuba
il est même identifié à Saint Antoine à cause de sa frigidité sexuelle.
D'accord avec des versions mythologiques recueillies par Lachatanere,
Elegua se fait un malin plaisir d'interrompre les relations amoureuses
entre Shango et Ochun.
La cérémonie de Legba commence à la barrière. Le Houngan s'y
présente avec sa société qui se compose généralement de dix-sept,
cinquante ou quatre-vingts personnes, parmi lesquelles : la Hounssi-
Témérai(re), qui en importance ne le cède qu'au Houngan, les autres
a Herskovits. (Note de J. R.)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 57
Trou-a, o trou-a
Trou Olisha
Abobo !
Le trou, ô le trou
Olisha, nous t'offrons
Nous fouillons le trou d'Olisha
Pour lui donner à manger
Nous fouillons le trou d'Ogoun
Pour lui donner à manger
Nous fouillons le trou de Shango
Le trou, ô le trou
Le trou d'Olisha
Abobo !
[43]
nous sommes au commencement du service, à l'entrée du sacrifice
de l’Assôtô(r). On retrouve la danse boitillante dans la mythologie de
presque tous les peuples. Le dieu boiteux est Dionysos en Grèce ;
Harpocrate, l'adolescent d'Osiris, en Egypte. Les Australiens
connaissent la danse boitillante. Dans la Chine antique, le héros lu-
naire Yü exécute une danse sautillante extatique. Le motif a même
subsisté en Bavière, dans le Chiemgau, où la jeune épousée boite pour
la danse qui doit l'introduire à son nouvel état.
Tout en dansant, les sacrifiants chantent ; et ici, il nous faut sou-
mettre quelques remarques générales qui ont leur intérêt pour les étu-
diants de l'ethnologie. Nous avons déjà dit qu'il serait arbitraire de
segmenter la musique, la danse et le chant : ils forment un tout.
L'appareil vocal est en lui-même un instrument et des plus riches
en timbres et en ductilité. Les poumons, la trachée-artère et la glotte
forment un instrument à vent et un instrument à anche double. Le pha-
a Litt. : qui est monté en mer. (Note de J. R.)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 59
a Appelle le Congo (To ni : forme archaïque créole ; litt : toi vas appeler
Congo ?) (Note de J R.)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 62
[46]
Kokolo, au Dahomey, signifie poulet. En Haïti, Koklo est le nom
rituel du coq sacrifie.
Le Houngan verse le sang au pied de l'arbre. Lui, les Hounssi et les
membres de la famille trempent un doigt dans le sang et s'en signent
sur le front.
Les Hounssi font le tour de l'arbre, chantent et dansent, et au pas-
sage chacune délie arrache une poignée de plumes jusqu'à ce que le
coq soit entièrement dépouillé.
CHANT
Poule-la
O... poule-la
Poule-la maqué nom mouin
Poula-la maqué nom Alegba
Poule-la maqué nom li-vrai
Poule-la
Poule-la
Poule-la maqué dé me plai
Poule-la maqué nom mouin vaillant Legba
li maqué nom Kataroulo
li maqué nom Vaillant Legba.
La poule
O la poule
La poule est marquée de mon nom
La poule est marquée du nom d'Alegba
Ou mangé poule-la
Ou pas ban mouin
Koklo cila-a, ce Koklo Alegba
Legba-si, Legba-signangnan
Abobo (ter)
Vaillant Legba
Les sept Legba Kataroulo
Vaillant Legba
Alegba-sé, c'est nous deux
Ago, yé !
Eh Aizan, eh ! (bis)
Aizan ou même qui poté laurier blanc-a
Eh Aizan, eeh !
Eh Awannin, wannin(r) b (bis)
Aizan dé (bis)
Aizan ou même qui pôté laurier blanc-a
Eh Aizan, eeh !
Eh Aizan Gassouyêmê c
Eh Aizan, eeh !
Aizan ou même qui pôté laurier blanc-a
Eh Aizan, eeh !
Abobo.
Eh Aizan, eh ! (bis)
Ça m'a dit, oh
Ça m'a dit Aizan (bis)
Ça m'a dit ?
C'est Bon Die qui ban mouin lé Saint-a quimbé
Ça m'a dit lé Saint, oh (bis)
Ça m'a dit ?
C'est Bon dié qui ban mouin loa-a quimbé
Ça m'a dit loa-a, ça m'a dit, oh !
Ça m'a dit la Vierge Marie, Dossou, Dossa a
C'est Bon Dié qui ban mouin loa-a-quimbé
Ça m'a dit la Côte Guinin
Ça m'a dit yo ?
Abobo !
Que dirai-je, oh
Aizan-deux
Hountô-Legui, b c'est l'argent
Yo vini gadé m'pou yo pôté m'allé (bis)
Aizan-deux, bua dit Hountô-Legui, c'est l'agent
Aizan eh, Hountô-Legui gain l'agent.
Agassou-miroi, c Hountô-Legui, c'est l'agent
Yo vini gadé mouin pou yo pôté m'allé
Yo vini veillé mouin pou yo pôté m'allé
Aizan-deux, oua dit Hountô-Legui, c'est l'agent.
Abobo !
a CF. Dr. J.C. Dorsainvil. (Note de J.R.)
b Loa Rada. Hountô est l'esprit sacré du tambour. (Note de J.R.)
c Loa Rada. (Note de J.R)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 69
Aizan-deux
Hountô-Legui, c'est de l'argent
Ils sont venus me regarder pour m'emporter (bis)
Aizan-deux, tu diras que Hountô-Legui, c'est de l'argent
Aizan eh, Hountô-Legui a de l'argent
Agassou-miroir, Hountô-Legui, c'est de l'argent
Ils sont venus me regarder pour m'emporter
Ils sont venus me surveiller pour m'emporter
Aizan-deux, tu diras que Hountô-Legui, c'est de l'argent.
Abobo !
[52]
Le Houngan arrache la tête du coq. Trois gouttes sont versées au
pied de l'arbre. Les sacrifiants se sacrent en se signant sur la bouche
et sur le front avec le sang du coq qui est remis à la Hounssi-
Témérai(re). Celle-ci tout en dansant autour du médicinier arrache les
plumes et tout le monde chante :
a choual = cheval. Soulignons que l'individu possédé par le loa est désigné
comme étant son cheval. (Note de J. R.)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 70
Aizan marche
Marche, marche, marche Aizan
Aochè-Nago.
Eh Aizan
Santayé laissé yo fait
Santayi papa, yo contrarié-nous
Aizan papa, yo contrarié nous
Aizan laissé yo fait (bis)
N'en point en rien là passé Bon Dié
Aizan, ou pas ouè créoles contrarié nous
Santayé laissé yo fait (bis)
N'en point en rien là passé Bon Dié
INPap gadé oh, n'apé gadé mambo Aizan
N'ap gadé yo là
Aizan-Gwèto laissé yo fait
N'en point en rien là passé bon Dié, oh
Créoles contrarié mouin
Après Dié, m'ap rangé pou mouin* gadé, oh
Mouin gadé la Côte Guinin
Après toi notre Seigneur suprême
[54]
Faut nous gadé les Saints
Aizan-ça, c'est loa dans Guinin
Nans Guinin la
Côte Guinin Nans Guinin, ooh Abobo !
Eh Aizan
Santayi les a laissés faire
Santayi papa, ils nous contrarient
Aizan papa, ils nous contrarient
Aizan les a laissés faire (bis)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 72
[55]
Vêvê d'l'eau
C'est Hounssi qui fait Houngan
Vêvê d'l'eau.
Houngan tombé, Hounssi levé
Vêvê d’l’eau
Combien Hounssi qui fait Houngan
Vêvê d’l’eau
Combien Hounssi qui fait Houngan
Vêvê d’l’eau
Dépi dans Guinin
Hounssi trahi Houngan (bis)
Vêvê d’l’eau
Combien Hounssi qui fait Houngan
Vêvê d’l’eau
Vêvê d’l’eau la Côte Guinin
Vêvê d’l’eau
Abobo !
Vêvê d'eau
Ce sont les Hounssi qui font le Houngan
Vêvê d'eau
Les Houngan tombent, les Hounssi se lèvent
Vêvê d'eau
Combien de Hounssi pour faire un Houngan
Vêvê d'eau
Les Hounssi tombent, le Houngan se lève (bis)
Vêvê d'eau
Depuis en Guinée
Les Hounssi trahissent le Houngan (bis)
Vêvê d'eau
Combien de Hounssi pour faire un Houngan
Vêvê d'eau
Veve d'eau de la Cote de Guinée
Vêvê d'eau
Abobo !
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 74
Trois fois les sacrifiants frappent leurs mains l'une contre l'autre.
C'est le signal pour relever les tambours qui aussitôt se remettent à
jouer. Tout le monde chante un chant-carabinier :
[56]
CHANT
S'os comment ça yé
Aizan papa, comment ça yé
Si Hounssi tombé là, pinga quitté li gâté
Avant yo fouillé trou li
Mouin dit : s'os comment ça yé
Ah s'os qui fait Houngan mouin
Comment ça yé
Si Hounssi tombé là, Oh, pinga quitté li gâté
Avant ou fouillé trou li
Fouillé trou s'os Klimo
S'os Klimo, Hounssi Kanzô, Ladégouéssan a
Sophie Bade, b Okominawé Vélékété Okomalada,
O ou canni la fleu vodoun. c
[57]
Os, comment allez-vous
Papa Aizan, comment vas-tu
Si les Hounssi tombent, prenez garde à ne pas les laisser se gâ-
ter
Avant de fouiller leur trou
Je dis : os, comment allez-vous
Ah, os qui font mon Houngan
Gomment allez-vous
Si les Hounssi tombent, oh prenez garde à ne pas les laisser se
gâter
Avant de fouiller leur trou
Fouillez le trou des os Klimo
Les os Klimo, Hounssi Kanzô, Ladégouéssan
Sophie Badè Okominawé Vélékété Okomalada,
O ou canni la fleur Vodoun.
a Loa. (Note de J.R.)
b Loa. (Note de J.R.)
c Cette phrase de « langage », d’après un de nos informateurs, appellerait
tous les loa à s’assembler pour assister à la cérémonie. (Note de J.R.)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 76
Dominus vobiscum
Yo va gâté Loko
O s'autes menti Agaza a
[59]
Nous déjà ayé nous déjà
Nous pas sa gâté
O criez : Ahobo ! Nous crié : Abobo !
Ah Loko-Atisou
O mangnanva b
Abobo (ter)
Vê, Atisugwê
Nin Yanvalou Loko
Atisou qui mandé parent Fyo (bis)
Atisou, o min famille-an yo
Loko-Atisou papa, min famille-an yo
Y'apé sévi Loko (bis)
Pou nous ba Loko mangé
Ah Loko Atisou
Min Yanvalou Loko.
Vê, Atisugwê
Voici le Yanvalou-Loko
Atisou qui réclame ses parents (bis)
Atisou, o voici la famille
Papa Loko Atisou, voici la famille
Elle sert b Loko
Afin que nous donnions à manger à Loko
Ah Loko Atisou
Voici le Yanvalou-Loko.
Abobo !
M'mandé ou padon
Papa Loko, m'mandé ou padon
Papa m'mandé ou padon
Papa Loko, mouin ce pitite ou déjà
Pinga ou mode m'jouste dans os
M'mandé padon Loko Atisou
Papa Loko, papa, mouin mandé padon
Ah Loko, m'cé pitite ou déjà
O pinga ou mode m'jouste nan zo
O padon loa mouin yo
Mouin mandé nous padon
Padon Guinin, padon les Saints
Ah Loko, nous ce pitite ou déjà
O pinga ou mode nous jouste dans os.
Criez : Abobo Loko Atisou
O criez Abobo ho, Houngan mouin
O criez Abobo, Hounssi Kanzô
Houngan mouin, eeh !
Mouin crié Abobo, la place caye-la
Houngan mouin, oh
[62]
Papa Loko, n'a pr'allé d'acco
Papa Loko, papa, nous pr'allé d'acco
Yo poco Houngan
O créoles yo dit con ça
Yo va mangnin vêvê Loko (bis)
C'est créoles jodi
Qui montré Guinin chansons créoles (bis)
Mouin crié : Abobo
Papa Loko, papa
N'a pr'aUé d'acco
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 82
Je te demande pardon
Papa Loko, je te demande pardon
Papa, je te demande pardon
Papa Loko, je suis ton enfant déjà
Ne me mords pas jusqu'aux os
Je te demande pardon Loko Atisou
Papa Loko, papa, je te demande pardon
Ah Loko, je suis ton enfant déjà
On ne me mords pas jusqu'aux os O pardon, mon loa
Je te demande pardon
Pardon Guinée, pardon les Saints
Ah Loko, nous sommes tes enfants déjà
One nous mords pas jusqu'aux os
[63]
O criez Abobo Loko Atisou
O criez Abobo, ho, mon Houngan
O criez Abobo, Hounssi Kanzô,
Mon Houngan, eeh !
Je crie Abobo, La Place de la maison
O, Mon Houngan,
Papa Loko, nous allons être d'accord
Papa Loko, papa
Nous allons être d'accord
Ils ne sont pas encore Houngan
a Loa rada. (Note de J.R.)
b Loa rada. (Note de J.R.)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 83
Ah Loko Atisugwê, ho
O min Yanvalou Cêgwêlo
C'est nous dé
Ah Loko,o Kisigwé
Papa Loko-Kisigwé
O min Yanvalou Cêgwêlo
C'est nous dé
O bœuf la mouri
Li quitté misé pou poule li
An Loko, o gadé mise n’a pou passé.
Papa Loko mouri, li quitté mise pou pou li, ago ye !
Ah Loko, o Kisigwê
O min Yanvalou Cêgwêlo
C'est nous deux
Diole en haut (bis)
Diole en bas (bis)
O Papa Loko quitté misé pou poule li
Criez : Adobo Loka Atisou
Criez : Adobo Loko Azamblou, Azamblou Kidi
Criez : Adobo-Hounssi yo
Abobo les Saints yo
Abobo Guinin-en yo
N'a po rélé yo
O vini dounou ac nous
Nous crié : Adobo Hounganikon, o
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 85
[65]
O la Place caye-la a
Nous rélé Abobo, Papa Loko, Papa nous
Papa Loko, Papa nous, nous crié : Abobo !
Ah Loko Atisugwê, ho
O voici le Yanvahou Cêgwêlo
C'est nous deux
Ah Loko, o Kisigwé
O voici le Yanvalou Cêgwêlo
C'est nous deux
O le bœuf est mort
Il a laissé sa misère pour sa poule
Ah Loko, vois dans quelle misère nous sommes
Papa Loko est mort, il a laissé sa misère pour sa poule Agoyé
Ah Loko, o Kisigwê
O voici le Yanvalou Cêgwêlo
C'est nous deux
La gueule en haut (bis)
La gueule en bas (bis)
O Papa Loko a laissé sa misère pour sa poule
Criez Abobo Loko Atisou
Criez Abobo Loko Azamblou Azamblou Kidi
Criez Abobo, les Hounssi
Abobo, les Saints
Abobo, les Guinéens
Nous les appelons
O venez dîner avec nous
Nous crions Abobo Hounganikon,
O La Place de la maison b
Nous crions Abobo, Papa Loko, notre père
Papa Loko, notre père, nous crions : Abobo !
[66]
Le Houngan ou Je La Place trace le vêvê de l'adoration, au milieu
duquel il dispose une assiette blanche. Tout le monde chante en dan-
sant la ronde Ba-boul-Loko autour de l'assiette, vingt et une fois, en
alternant trois tours vers le levant et vers le couchant. Après chaque
tour, les membres de la famille accomplissent la cérémonie de l'adora-
tion en déposant une pièce de monnaie dans l'assiette.
CHANT
O calebasses
Les rats mangent même les bouteilles, que dire des calebasses
En Guinée, nous allons
En Guinée, je m'en vais
Maintenant les créoles ne servent plus Loko
Loko dit qu'il s'en va en Guinée, il s'en va, il s'en va
[67]
Papa Loko dit
Les rats mangent même les bouteilles, que dire des calebasses
Excuse-nous Loko, nous partons
Bonne santé Loko, nous partons
Excuse-nous Loko, nous partons (bis).
[68]
Cette danse et ce chant sont suivis par un Djouba-Alété chanté et
dansé quatorze fois alternativement vers le levant et le couchant :
Papa Loko, papa, les femmes sont vieilles, les femmes sont
vieilles
Les femmes demandent à être propres, les femmes ne sont ja-
mais vieilles
Kadiamisou dit que les femmes de Loko sont vieilles
Les femmes ne sont jamais vieilles
Le devant de leur robe demande à être propre (bis)
Où prenez-vous que les femmes de Loko sont vieilles a
Le devant de leurs robes demande à être propre
Dès qu'une femme demande de la propreté, elle n'est pas vieille
Je dis : vieille, Kadiamisou dit que les femmes de Loko sont
vieilles
Les femmes ne sont jamais vieilles, o reine
Les femmes ne sont jamais vieilles
Ayayay la reine, nous disons
Les femmes ne sont jamais vieilles
Les femmes sont vieilles, les femmes ne sont jamais vieilles
[69]
Pourvu qu'elles soient propres
Les femmes ne sont jamais vieilles
Loko Atisou dit que Madame Loko est vieille
Elle n'est pas vieille
Pourvu qu'une femme soit propre
Elle n'est jamais vieille.
Saluez mambo a
O Saluez mambo caye-la, m'apr'allé
Ça qui besoin aouè, mâché pou yo ouè
Ça qui besoin tende, mâché ya tende
Saluez mambo
Saluez mambo caye la, n'ap entré
Saluez mambo caye la
Houngan caye la
Hounssi-témérai
O La Place caye la
Mouin dit : Saluez mambo
O Saluez mambo caye-ia, eya ! m'ap entré
Ça qui besoin ouè, mâché pou ouè, eeh
Ça qui besoin tende, mâché ya tende
Saluez mambo, ey !
O Saluez mambo caye-la, eya ! nous rentré
Abobo !
Saluez la mambo
O Saluez la mambo
O Saluez la mambo de la maison, je m'en vais
Ceux qui veulent voir, qu'ils marchent pour voir
Ceux qui veulent entendre, qu'ils marchent, ils entendront
Saluez la mambo de la maison, nous entrons
Saluez la mambo de la maison
Le Houngan de la maison
La Hounssi-témérai(re)
[70]
O le La Place de la maison
Je dis : saluez la mambo
O saluez la mambo de la maison, eya ! J'entre
Ceux qui ont besoin de voir, qu'ils marchent pour voir, eeh !
Ceux qui ont besoin d'entendre, qu'ils marchent, ils entendront
Saluez la mambo, ey !
On interroge le loa :
a Vraisemblablement, ici : poteau signifie l'arbre, c'est-à-dire Loko lui-
même. (Note de J. R)
b Esclave en révolte, brûlé vif en 1758. (Note de J. R.)
c C'est-à-dire qu'on l'a tué. (Note de J. R.)
d Jamber : enjamber. Atisou s'en va ; il retourne en « Guinée », patrie des
loa. (Note de J. R.)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 94
Pinga Loko,
Loko mangnin wanga chaud
Pinga Loko
Loko mangnin mangé chaud
Pinga Loko
[74]
LE SACRIFICE DE L'ASSÔTÔ(R)
[75]
Le Houngan verse dans le trou du Guignolet, du rhum et d'autres
boissons assorties ; des morceaux de gâteaux, des grains de maïs
grillé, quelques pièces de monnaie. Devant le trou, il place une bougie
allumée.
Tous les membres de la famille, mains réunies autour du piquet,
orientent ensemble aux quatre directions cardinales, tout en pronon-
çant la formule :
Abobo (ter)
Assôtô Micho
Main manger m'ap' ba ou
Ce Assôtô qui mandé manger
Main manger m'ap' ba ou
Année - a boute
Main manger m'ap' ba ou
Sodiémé en Tout Dieu.
Assôtô Micho
Voici le repas que je te donne
C'est Assôtô qui demande à manger
Voici le repas que je te donne
Sodiémé en tout Dieu.
[77]
Pendant le chant, et le bœuf ayant déjà accepté les feuilles de
mombin, ce qui veut dire qu'il s'est purifié et qu'il accepte de mourir,
les Hounssi tiennent en main 2, ou 3 paires de poules, et procèdent à
la cérémonie de « poule ventaillée ». Elles font le tour du tambour et
du bœuf agitant les poules, traçant par cette circumambulation un
cercle magique dansé autour du dieu tandis que l'assistance entonne le
chant de Legba-Àssoto :
Alegba Micho
Assôtô Micho
L'ouvri bayè-a pou mouin
Pou mouin passé
Lô m'arrivé m'a remercié loa-yo a
17, 21 ou 41 assiettes
17, 21 ou 41 couteaux
17, 21 ou 41 fourchettes
17, 21 ou 41 cuillers
« Simeón Soleil,
M’évoqu r'pou ou dessende assister cérémonie cilà-a
pou moi, s'il vous plaît, nommé Micho, Assôtô Micho ».
[78]
(« Simeon Soleil,
Je t'invoque afin que tu descendes m'assister, s'il te
plaît, en cette cérémonie, moi nommé Micho, Assôtô Micho »).
Ce la priè-Guinin
Qui mainnin Assôtô Micho
Assôtô Micho nans Guinin
In nomino Patri spiriti sancto amen 30
[79]
Le Houngan continue :
30 Le latin employé dans les cérémonies vaudou n'est pas toujours parfait.
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 102
CHANT
Do-Do
M'a rhélé Do-Do
Vine adoré
Do
Adoré Do
Na po adoré
Pou Assôtô Micho
Do, m'a r'hélé Do
Do, m'a r'hélé Do-Do
Do-Do
Je dirai Do-Do
Venez adorer
Do
Adorer Do
Nous adorons
Assôtô Micho
Do, je diraj Do
Do, je dirai Do-Do
bour et qui doivent [80] prendre le plus grand soin à ne pas manquer
un battement, car dans ce cas, disent nos informateurs, un des
membres de la famille mourrait. « Toute faute rituelle est une coupure
dans la toile du sacrifice. Par cette coupure les forces magiques
s'échappent et font mourir ou affolent ou ruinent le sacrifiant », re-
marquent Hubert et Mauss, et les mêmes auteurs soulignent que :
« Maladie, mort et péché sont au point de vue religieux, identiques : la
plupart des fautes rituelles sont sanctionnées, par le malheur ou le mal
physique... La conscience religieuse, même celle de nos contempo-
rains, n'a jamais bien séparé l'infraction aux règles divines et ses
conséquences matérielles sur le corps, sur la situation de coupable, sur
son avenir dans l'autre monde ». Pour l'Hindou, la moindre variation
dans la prononciation des Mantras, non seulement altérerait l'effet de
celles-ci, mais provoquerait le déchaînement funeste de forces
contraires.
Helmuth von Glasenapp 31 note que « (le temple) équivaut à une
station pour l'engrangement et le développement d'énergies surnatu-
relles et le culte qui s'y pratique est dans une certaine mesure le dé-
clanchement d'une grande machinerie, qui met à la disposition des
hommes ces forces qu'il serait difficile d'atteindre autrement. Le sacri-
fice avec la continuité de chacune de ses phases, exactement précisée,
est pour ainsi dire la mise en marche de l'appareil qui contient et dé-
livre une énergie latente et éternelle. C'est pourquoi il est de la plus
haute importance pour qu'un effet soit obtenu avec succès, que rien
dans ces rituels ne soit ajouté ou négligé, car dans ce cas toute la réus-
site de l'effet recherché serait mise en question. ».
Les adorateurs dansent autour du taureau une ronde Yanvalou,
tournant de gauche à droite et de droite à gauche et à la fin de chaque
ronde l'Assôtô reçoit un coup de baguette. En passant devant l'assiette
chaque danseur y dépose une pièce de monnaie.
Les sacrifiants soulèvent le taureau. Il est pour ainsi dire bercé à
plein bras, tandis que tout le monde chante :
Assôtô signangnan, o
Ay Micho !
Assôtô Signangnan. 32
ignames rouges *
ignames-Guinin* (noires)
ignames-France* (blanches)
ignames-Siguine* (jaunes)
ignames-Ibo* (violettes)
ignames-Masôcô* (jaunes)
[82]
Malangas (noirs et jaunes) a
Bananes-matehen b
Bananes-Guinin
Figue-Guinin c
Calalou-Guinin d
Lalo e
Toutes espèces de viandes (mais le porc est tabou)
Poissons « nègre » (noirs)
Poissons « perroquet » (rouges)
Sardines-Guinin (très petits poissons)
Une poule au plumage de couleurs variées (Elle ne doit
pas être échaudée ; elle est fendue en quatre).
* Tubercules de la famille des Dioscoreaclae. (Note de J. R.)
a Xanthosoma Sehott. (Note de J. R.)
b Très grosses bananes. (Note de J. R.)
c Petites bananes. (Note de J.R.)
d Hibiscus esculentusL. (Note de J.R)
e Corchorus olitwius L. (Note de J. R.)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 106
Os Klimo, papa
Comment allez-vous ?
Si l'Assôtô tombe
Ne le laissez pas se gâter
Avant qu'on ait fouillé son trou
Je dis : Os, comment allez-vous ?
Os Klimo, papa.
Comment allez-vous ?
Si l'Assôtô tombe
Prenez garde à ne pas le laisser se gâter
Avant qu'on ait fouillé son trou
Ago yé
Je crie . Abobo !
Pour Assôtô Micho
Si l'Assôtô tombe
Prenez garde à ne pas le laisser se gâter
a Mot de langage secret. (Note de J.R)
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 108
[84]
La fosse est comblée. Le Houngan trace un vêvê au-dessus d'elle et
plante au centre une bougie allumée.
Il est utile de souligner l'importance de cette cérémonie des os, qui
est moins un enterrement que la préparation à une résurrection, et qui
obéit à une conception très largement répandue.
« Chez certains sauvages, écrit Frazer, une raison spéciale pour la-
quelle ils respectent les os du gibier et en général des animaux comes-
tibles, est une croyance que si ces os sont conservés ils se recouvriront
de chair avec le temps, et l'animal reviendra à la vie ». Les Indiens
Minetarees « croient que les os des bisons qu'ils ont tués et écorchés
se revêtent d'une chair nouvelle, s'animent d'une nouvelle vie et gros-
sissent assez pour être tués encore une fois au mois de Juin suivant.
Aussi peut-on voir dans les prairies occidentales de l'Amérique des
crânes de buffles arrangés en cercles et en piles symétriques qui at-
tendent la résurrection. Après avoir dégusté un chien, les Dacotas re-
cueillent avec soin ses os, les grattent, les lavent et les enterrent, en
partie à ce que l'on dit pour montrer à la gent canine qu'en mangeant
l'un d'eux ils ne voulaient pas manquer de respect à l'espèce même, et
en partie parce qu'ils croient que les os de l'animal renaîtront et en re-
produiront un autre. Quand ils sacrifient un animal, les Lapons
mettent toujours de côté les os, les yeux, les oreilles, les organes
sexuels (si l'animal est mâle) et un morceau de chair provenant de cha-
cun de ses membres. Puis ils mangent le reste de la viande et placent
les os et le reste rangés anatomiquement, dans un cercueil et les en-
terrent avec les rites ordinaires ; ils croient que le dieu à qui on sacri-
fie l'animal couvrira à nouveau les os de chair et ramènera l'animal à
la vie dans Jabmé-Aimo, le monde souterrain des morts... ».
Revenons à la cérémonie principale.
Le Houngan mélange dans un panier une portion de la nourriture,
cuite et crue ; des vivres, des aiguilles, du fil, de la toile, une pipe, du
tabac, des allumettes, des assiettes, des cuillères, des couteaux, des
fourchettes, de la menue monnaie, des boissons de toutes sortes mises
dans une seule bouteille et additionnées d'un peu de sang du sacrifice
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 109
[86]
Tous les tambours battent lugubrement. Les hochets rituels (ason)
sonnent intensément. C'est le roumblé. Les Hounssi, tête basse,
pleurent. Il y a grande tristesse, car c'est un adieu.
Quant à l’Homme-vaillant, on a fait claquer derrière lui, par trois
fois, la mèche d'un fouet. C'est ainsi qu'il est expédié il s'en va jeter
son fardeau sacré à la mer ou au fond d'un bois. Une certaine somme
d'argent lui a été payée, parce qu'on estime qu'il court un grave dan-
ger. Le Rite de sortie est accompli.
La cérémonie continue par des danses et des chants. Il y a de nom-
breuses possessions par les loa Rada. L'Assôtô(r) est battu alternative-
ment par sept Hounssi ; jusqu'au moment où avec une baguette spé-
ciale munie d'un clou, la membrane est crevée.
Le Service-Assôtô a, alors, pris fin.
[87]
POSSESSION PAR
LE LOA DE L'ASSÔTÔ(R)
Assôtô(r) Micho
Main manger y' ap' ba ou
C'est Assôtô(r) qui mandé manger
Main manger m'ap' ba ou
Anné-a boute
Main mangé m ap ba ou
Sodiémé en tout Dieu.
Assôtô(r) Micho
Voici la nourriture qu'ils te donnent
C'est rAssôtô(r) qui demande à manger
Voici la nourriture que je te donne
L'année est achevée
Voici la nourriture que je te donne
Sodiémé en tout Dieu.
[89]
L'EXPULSION DE LASSÔTÔ(R)
Nous allons décrire, pour finir, une cérémonie des plus remar-
quables qui a lieu lorsque la famille a décidé de renoncer au culte de
l’Assôtô(r).
Le lendemain du sacrifice, le Houngan fait creuser, par les
membres de la famille, à côté du piquet sacré, une grande fosse orien-
tée au couchant. Toute la famille se réunit, bras enlacés autour de la
fosse dans laquelle chacun a versé un peu d'eau.
Le Houngan trace un vêvê autour du trou encerclé de bougies allu-
mées. a Tous chantent :
Adieu, Assôtô(r),
N'expédié vous pou jamais. Je renonce.
[91]
Les membres de la famille, bras enlacés et tête basse, piétinent la
fosse comblée du pied gauche dans une danse sur place balancée
d’avant en arrière et ils chantent tristement :
La famille caba
Assôtô(r) allé
Li pas quitté déyè
C'est regret
Amen.
[92]
APPENDICE
Description sommaire de l’Assôtô(r)
figurant au frontispice
de cet ouvrage
[94]
BIBLIOGRAPHIE 33
33 Les énoncées de cette bibliographie ne sont pas conformes aux normes dé-
sormais acceptées en la matière. À part quelques corrections de coquilles évi-
dentes et une normalisation typographique, nous avons laissé tel quel.
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 121
[96]
A
Abobo ou bobo. Interjection lancée au cours et à la fin d'une
danse, d'une cérémonie, Il devient abo-bobobo, une vibration produite
par l'application et le retrait rapide de la main devant la bouche.
Anges (manger des). Offrandes à l'esprit des enfants morts. C'est
une cérémonie particulière qui peut toutefois avoir lieu pendant un
service de jumeaux (marassa).
Asson. Hochet rituel composé d'une calebasse recouverte de verro-
teries, de vertèbres de couleuvres ou contenant des cailloux. Propre à
la mambo et au houngan, il sert à invoquer les esprits.
Assôtô(r). Tambour du rite Rada. Il se distingue par sa grande
taille.
B
Bœuf rada. Bœuf destiné aux sacrifices rada.
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 123
C
Calebasse. Courge.
Cérémonie expédition. Pratique religieuse qui consiste à se libérer
des obligations envers un esprit.
Cérémonie s'os. Cérémonie au cours de laquelle on enterre les os
des victimes que l'on a pris soin de ne pas briser.
Chef-Gâteau. Grand gâteau placé au milieu des offrandes.
Créole. Loa nés à Saint-Domingue.
Croix-Arrête. Croix en fer ; borne mystique.
D
Dahomey-Debout Chant rada.
Diak (manger). Manger religieux, assimilable au Manger des
anges.
[97]
E
Expédition. V. cérémonie expédition.
G
Guinin (Farine). De la cendre ; utilisé pour les veve (v. ce mot).
J
Juba. Danse rada ayant tendance à perdre son caractère religieux.
K
Kanzo. Cérémonie au cours de laquelle on confère le grade de
Kanzo. On y subit l'épreuve du feu.
L
Laplace. Grade dans le corps sacerdotal Vodou correspondant au
titre de maître des cérémonies.
Loa. Esprits, divinités personnifiés.
M
Macoute. Sac en paille de latanier en usage chez les paysans.
[98]
Mambo. Prêtresse.
Manger. Offrande alimentaire. V.
Manger des Anges, Diak, Marassa.
Marassa. Jumeaux. Culte des Jumeaux.
Mitan (Poteau). Pilier mystique placé au centre du péristyle.
Monte. Possession par un loa.
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 125
N
Nago. Danse et famille de loa.
O
Ogan. Instrument de fer forgé servant a rythmer les danses.
Oganier. Joueur d'ogan.
Oy-oy. Trémolo vocal obtenu par un battement des doigts sur la
bouche.
P
Place n'am. Cérémonie qui consiste à infuser une âme au tambour
dans la cérémonie du baptême de l'assôtô(r).
Point. Degré de puissance mystique.
Poteau mitan. Voir mitan.
R
Racla. Un des rites principaux du Yodou.
Reposoir. Place en plein air (généralement un arbre) servant de ré-
sidence à un loa.
Roumbie. Appel de tous les loa ou des participants.
T
Téméraire (Hounssi). Initiée dont le grade vient après celui de
Houngan.
V
Vaillant. Celui qui dans la cérémonie de sortie tient le rôle de
l’homme courageux. Il ira jeter le fardeau sacré à la mer.
Ventaillée (Poule). Cérémonie au cours de laquelle les poules sont
agitées en l'air, de bas en haut.
[99]
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 126
Vêvê. Dessin magique, tracé sur le sol, qui consacre la place. Il est
tracé d'ordinaire avec de la farine de maïs, plus rarement avec de la
cendre, de la farine de froment et du marc de café.
Y
Yanvalou. Danse rada.
Z
Z'os. Os.
[100]
Jacques Roumain, Analyse schématique et autres textes scientifiques 127
[101]
Le Musé du Bureau
ethnologie *
Dès que le Bureau d'ethnologie pourra utiliser une autre salle, il or-
ganisera une section d'ethnographie montrant la vie populaire haï-
tienne dans son aspect quotidien. Instruments de travail (agriculture,
pêche, etc.), maquettes de types de maisons et industrie paysanne :
vannerie, poterie, corderie, tressage, filage, etc., pièges, jeux, vête-
ments et instruments de musique non rituelle, etc.
Tous les objets exposés ou classés seront munis, dans des archives
spéciales, d'une fiche comportant :
1. Lieu d'origine
2. Dénomination
3. Description
4. Date et condition de trouvaille ou d'acquisition. (Par qui
l'objet a été recueilli)
5. Références iconographiques
6. Bibliographie.
[103]
L’outillage lithique
des Ciboney d’Haïti *
[104]
[105]
*
* *
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* *
DESCRIPTION DE L'OUTILLAGE
ET DE LA TECHNIQUE
A. NUCLEI (PI 1 : 1, 2, 3, 4)
Les lames et les éclats ont été extraits de nodules de silex : j'ai re-
cueilli un bon nombre de ces nuclei. Tous ont subi un décapage déga-
geant une plateforme. D'une manière générale, le débitage est irrégu-
lier. Ce procédé est surtout visible sur un gros nucléus (PI I) provenant
du site de Prince qui sera décrit ultérieurement. Certaines lames
étroites et longues suggéreraient l'utilisation d'un nucléus prismatique,
mais je n'en ai pas trouvé de tels.
Fin du texte