La Fatigue Detre Soi - Compress
La Fatigue Detre Soi - Compress
La Fatigue Detre Soi - Compress
ALAIN EHRENBERG
Elle marque l’impuissance de vivre, elle s’exprime par la tristesse, la fatigue (asthénie), l’inhibition.
La dépression est intimement liée au malheur intime. L’individu se transforme, en liaison avec les
changements de la démocratie et des mœurs. Les préjugés, les traditions, les normes ont été ébranlés , pour
laisser place à une émancipation de l’individu. L’homme devient propriétaire de lui-même. Mais cet essor de
l’individualisme a des conséquences :
- pertes des repères de l’homme moderne
- affaiblissement du lien social et déclin de la vie publique.
Ainsi, on peut émettre l’hypothèse que la dépression est apparue avec le changement de normes.
Avant : conformisme de pensée et automatisme de conduite prônent
Maintenant : initiatives et aptitudes mentales dominent.
B. L’émancipation et l’individualisme :
Ce bouleversement implique la perte des repères. Chaque individu doit se reconstruire selon sa norme, et
juger par lui-même. Sa conduite n’est plus dictée par la loi morale, les interdits ou les traditions. Sa conduite
est induite par la décision et les initiatives personnelles. Parallèlement à cela, la notion de culpabilité apparaît
lorsque l’individu n’assume pas ses choix.
La dépression résulte d’une nouvelle norme : l’interdit, la conformité à la norme sociale. La dépression est
conjointe à l’essor de l’individualisme. L’homme est confronté à la responsabilité de ses actes, ce qui le
culpabilise. La maladie de la responsabilité est dominée par le sentiment d’insuffisance.
L’individu face aux nouvelles normes, est en quête de son identité. Il se cherche entre le permis et le défendu,
le possible et l’impossible, le normal et le pathologique.
Il jongle entre la culpabilité, la responsabilité et la pathologie mentale.
Historiquement :
- A la fin du 19ème siècle : l’hystérie et la neurasthénie sont les maladies à la mode
- Dans les années 1940 : la dépression est identifiée mais non considérée
- Dans les années 1970 : la dépression est le trouble mental le plus répandu
La dépression est la maladie à la mode du monde contemporain, le mal du siècle et de cette fin du 20ème
siècle.
Une facilité s’est offerte à nous : celle de coller l’étiquette « dépression » sur les problèmes et symptômes
identifiés ou non.
La dépression fait partie de la psychiatrie mais elle est difficile à cerner : elle allie des éléments de la
psychiatrie et les changements du mode de vie.
Pour se débarrasser de la souffrance psychique, l’espoir est placé dans les médicaments et les molécules,
notamment le Prozac.
Le Prozac est perçu comme étant le médicament de l’esprit :
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- il améliore l’humeur,
- il augmente la maîtrise de soi,
- il adoucit peut-être les chocs de l’existence.
« Substance psychoactive, antidépresseur confortable, pilule psychotrope »… tous ces termes désignent le
Prozac.
Il s’agit d’un bonheur sur ordonnance. Alain Ehrenberg parle de « médicalisation du mal-être » et de
« médicament miracle » (p.12). Sa consommation est sans limite, puisqu’il n’y a pas de toxicité ni de
dépendance. Il s’agit d’un soin, d’un bien-être procuré par une drogue.
La réussite sociale et la définition d’une identité personnelle sont les leitmotiv de l’individu. Elles sont
générées par la concurrence économique et la compétition sportive.
Les pratiques de masse (programmes télévisuels…) influencent également l’homme, en intervenant en tant
que stimulation de l’humeur.
Dès lors, un rapprochement est fait entre les médicaments psychotropes et les drogues illicites.
Il convient de gérer la vie en société, au sein d’un groupe social, et l’individualisme, tout en assumant ses
choix.
Avant : la conduite de l’individu était guidée par le religieux et la soumission à un souverain.
Maintenant : l’intériorité et la notion de conflit dominent.
L’individu, avec son intériorité, est confronté à un conflit avec lui-même, et ce parce qu’il vit en société.
Une notion apparaît : celle de l’addiction. Elle implique « l’impossibilité d’une prise complète de soi sur
soi » (p.18). En réalité, l’homme est esclave de sa nouvelle capacité. Il a perdu ses repères, il est déchiré
par ses conflits.
Tout est nuancé par le rapport permis/interdit et possible/impossible.
La névrose est caractérisée par la notion de culpabilité, alors que la dépression résulte de l’insuffisance.
Ils ont instauré la notion de psychique. Dès lors, on peut considérer que l’esprit est malade. Mais ils
s’opposent sur une notion :
- Freud : il pense la névrose à partir du conflit.
- Janet : il se réfère à une insuffisance ou à un déficit.
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PREMIERE PARTIE : UN SUJET MALADE.
- Ensuite, nous avons le délire, perçu comme étant une possession démoniaque et ce jusqu'au XVIIIe
siècle.
- Arrive alors la période de la psychiatrie contemporaine : une maladie domine : l’aliénation. Le délire n’est
en soit qu’une souffrance de type affectif.
Autre point important : au début du XIXe siècle, la folie est considérée comme étant une maladie unique
composée de multiples symptômes. Par opposition à l'état de raison.
- Autre maladie : la psychose maniaco-dépressive. Elle apparaît à partir des années 1850 1860. Elle est
caractérisée par des phases d'agitation maniaque alternées avec des phases d'effondrement dépressif. La
mélancolie a été considérée comme étant un aspect de cette psychose.
- Une autre folie est définie : il s'agit de la schizophrénie. Sa manifestation la plus courante demeure le
délire, elle résulte d'une dissociation de la personnalité.
- À partir de 1870, d'autres douleurs morales sont considérées comme étant moins graves que la folie,
elles ont pour nom : neurasthénie, psychasthénie, ou coeur irritable. Ces symptômes sont regroupés sous
le terme de névrose.
Un tournant se marque dans la psychiatrie durant l'entre-deux-guerres. Il s'agit alors des traitements
utilisés ou des méthodes employées pour guérir ses maladies. Ainsi l'on voit apparaître :
- des techniques de choc tel que l'électrochoc, efficace sur la mélancolie.
- l'arrivée des médicaments : neuroleptiques (1952), permettant d'apaiser l'angoisse extrême est
de faire reculer le délire ; les antidépresseurs (1957) soignent les troubles disparates ; ces troubles
sont regroupés sous la dénomination « dépression » ; l'invention des anxiolytiques modernes
(benzodiazépines en 1960).
Certes il s'agit de l'invention de nouvelles substances mais également d’un changement dans la
compréhension du système nerveux et des récepteurs neuronaux. On note alors le progrès de
l’étiopathogénie, c'est-à-dire « la compréhension des mécanismes par lesquels des causes déclenchent des
syndrome ou des maladies. »
Ce rappel historique montre la place des innovations techniques. Seulement, l'épreuve thérapeutique n'a
pas réponse à tout: d'une part concernant l'anxiété, d'autre part les pathologies mentales .
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Il faut noter le progrès technique réalisé : les antidépresseurs ne sont plus aussi toxiques, ils offrent un
confort aux patients et deviennent plus simples d'utilisation. À l'inverse, nous pouvons être confronté à des
abus de prescription.
Une nouvelle tendance arrive en France, des années 1940 à 1970 : coupler le traitement médical avec une
psychothérapie.
Ainsi,
- Dans le premier chapitre, le cadre général est présenté, instituant l'idée d'une souffrance psychique.
- Dans le second chapitre, la dépression et le sujet malade sont abordés .
- Dans la troisième partie, l'électrochoc avec tout ce qu’il implique, ouvre les débats.
A. Quelques repères.
Une date importante : novembre 1954 : conférence d'ouverture du premier colloque sur les états
dépressifs, tenue à Sainte-Anne en France.
Un nom important : Pierre Janet et sa théorie de la psychasthénie basée sur une baisse de la tension
psychologique. Pour lui, « l'asthénie, la baisse, la faiblesse » sont un état dépressif et résulte d'une
insuffisance.
Autre personne : Freud. Il s'est intéressé à l'angoisse qui résulte de la culpabilité de l'homme. Nous
soulignons la différence entre Janet et Freud : la culpabilité.
Une distinction est à faire entre le sujet en tant qu'être humain et le malade en tant que corps. Cette
opposition est significative pour la définition d'une maladie et ses traitements. Une notion importante
apparaît à la fin du 19ème siècle : l'animalité.
Aujourd'hui la pathologie mentale est bien associée à une souffrance psychique.
Ce chapitre consiste à :
-- montrer la spécificité de la psychiatrie
-- signifier la souffrance et la mélancolie
-- présenter 2 modèles de maladies avec pour figure emblématique Freud et Janet.
Historiquement , le siècle des Lumières se pose comme celui de la raison et du bonheur : Habermas
souligne : « une sphère privée dans laquelle une vie personnelle, indépendante de l'autorité divine ou
royale, est l'objet d'une immense littérature ». La société de cette époque est basée sur la sociabilité :
l'homme n'est qu'un animal sociable, son instinct le porte vers les autres. La notion de sociabilité est la
norme. Ce qui rompt la notion de bonheur, c'est la passion. Elle rend déraisonnée et conduit à la
mélancolie. La mélancolie est une norme à cette époque.
Lors du Romantisme, l'artiste symbolise la mélancolie et le génie . La mélancolie est liée à la conscience de
soi. Elle en est une exacerbation. Au XVIIIe siècle, elle devient nerveuse et nécessite du repos, de la
détente. Elle se caractérise par de la tristesse, un abattement, le dégoût de vivre.
Dans les années 1880, une maladie fait fureur : la neurasthénie. C'est la première maladie à la mode,
dont s’empare l'opinion publique, la presse, la science, les artistes…. Ainsi, c'est un phénomène social.
Pour accueillir les personnes souffrants de troubles diverses, il existe des asiles, hôpitaux, cliniques
privées... Dans les années 1860, une clientèle bourgeoise qui souffrait de torture mentale, souffrant de
« nervosisme », y est logée.
Cette maladie à la mode résulte des temps nouveaux, de l'industrie et de la grande ville. L'inquiétude naît
de la disparition d'une époque et des repères. Les temps changent et perturbent l'homme. La neurasthénie
est bien définie comme étant « un épuisement nerveux résultant de la vie moderne et non d'une
dégénérescence » (p.45).
Pour expliquer ce malaise, le coupable c’est le facteur social.
Ses troubles résultent de la fatigue et du surmenage : fatigue physique, surmenage intellectuel etc...
Toutes les classes sociales en sont touchées.
Les changements opérés au 19e siècle et au 20e siècle, génèrent les mêmes troubles qu'aujourd'hui. Ils
ont pour cause : la diffusion de la richesse et du luxe, le poids des masses dans la société, le déclin de la
religion etc. autant de raisons de ne plus retrouver ses points de repère. De nouvelles exigences
s’emparent de l'homme et le remettent en cause. La neurasthénie résulte d'un ébranlement du système
nerveux, une intensité trop forte. Les nerfs sont à fleur de peau.
À l'origine du traumatisme, chose étonnante : l'accident de train ébranle les mentalités. Le train au 19e
siècle est le symbole de la modernité, la toute-puissance technique et matérielle. L'ébranlement de cette
notion se répercute sur les certitudes.
Au cours des années 1870, un personnage s'impose dans le domaine de l’hystérie : Charcot. Selon lui,
l'hystérie est une maladie héréditaire qui résulte de traumatisme provoqué par des accidents, ou la
consommation de substances toxiques et l'alcool. Autant, chez la femme, elle est provoquée par des
émotions, autant chez l'homme elle a pour cause des accidents ou des toxiques…
La naissance de la névrose s'opère en même temps qu'une thérapie efficace apparaît : l'hypnose.
Particularité : l'esprit est la cause de la maladie, et en même temps la cible d'une thérapie.
La névrose a souvent été utilisée comme un « tiroir commode » pour définir les troubles qui n'étaient pas
explicables physiologiquement.
Pour Janet, la névrose est une maladie des fonctions et non des organes. Elle se manifeste par une
déprime ou un épuisement. Ainsi, la dépression provoque l'hystérie ou la psychasthénie, c'est-à-dire des
troubles de la personnalité de la volonté. Cette théorie est alors en contradiction avec celle de Charcot.
Janet fait primer les symptômes moraux sur la manifestation corporelle de l'hystérie. L'hystérie se
manifeste par un dédoublement permanent et complet de la personnalité. Elle apparaît comme une
maladie de la personnalité où les fonctions n’arrivent plus à se réunir dans la conscience personnelle. Ainsi
on a deux personnalités inconnues l'une de l'autre.
La théorie de Janet concernant la neurasthénie montre que les malades sont « des obsédés, des
phobiques, des maniaques, des douteurs». La faiblesse ne porte pas sur les nerfs mais sur l'esprit. La
neurasthénie se rapproche de la psychasthénie. La psychasthénie se manifeste par l'obsession ,
caractérisée par l'indécision et les doutes.
Deux notions sont importantes pour Janet : la force psychologique en tant que quantité d'énergie
possédée par une personne, la tension psychologique en tant que capacité à utiliser cette force. La
psychasthénie est caractérisée par une insuffisance psychique qui empêche la synthèse psychique
ou la dérègle.
La thérapie utilisée demeure l'hypnose ou des médications psychologiques. L'hypnose agit sur l'inconscient,
sur la faiblesse de la personne ; ainsi, on lutte contre la fatigue pathologique. L'importance du médecin est
primordiale dans cette thérapie avec les malades : le médecin est actif, il donne aux patients une vision
améliorée d'un événement, c'est-à-dire sans les aspects nocifs et insupportables. Le traumatisme ou
événement qui a causé la maladie doit être reconsidéré de façon positive. La thérapie intervient comme
une réparation de l'esprit. L'hypnose de Janet active la fonction de l'oubli.
Pour Freud, l’hystérique souffre de réminiscence. Souvent c’est le passé infantile qui est en cause. À
l'inverse d'un déficit, la cause est souvent liée à un excès. On a alors un patient qui refoule ses conflits.
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Deux types de névrose sont distincts :
-- la névrose toxique réunie sous le nom de neurasthénie, peut être produite par des influences
nocives de la vie sexuelle.
-- la psychonévrose de défense, est provoqué par l'influence de l'hérédité. Une psychanalyse
permet d'analyser ses troubles que sont hystéries, névroses obsessionnelles et phobies. Il y a alors
un refoulement inconscient dû à un conflit intrapsychique qui se joue dans la filiation. Ce
refoulement produit l’amnésie, la paralysie…afin que le malade se défende contre l'angoisse et la
culpabilité.
Une distinction s'opère entre l'exogène et le psychogène. Freud démontre qu'il existe un endogène
psychique. Par une distinction entre la psychonévrose et les névroses, Freud instaure une maladie du
conflit.
Pour Freud, la guérison ne dépend pas de la réparation d'un raté (théorie de Janet) mais d'un
remaniement du psychisme. Ainsi le comportement sain et la maladie doivent cohabiter.
Pour Janet, la faiblesse, l'insuffisance sont compensées par la désinfection de l'esprit, des souvenirs
parasitaires.
Pour Freud, l'inconscient est intentionnel. La faiblesse est absente ainsi, il s'agit de vaincre une force
psychique et non une insuffisance. Cette théorie fait apparaître la notion de sujet de l'inconscient. Pour
Freud, le malade est à la fois l'agent et le patient d ‘un conflit. Son soi est divisé.
Pour Freud, le symptôme est une trace mnésique produite par le refoulement, et non un signe médical.
Une notion est importante : guérir, c'est se détaché de ses fantasmes infantiles à l'égard de ses parents.
La névrose est un ressort de la civilisation. Selon Durkheim, elle est l'instrument du progrès.
La neurasthénie pour Durkheim et la psychonévrose pour Freud sont à la fois des ratés et des
conditions de la civilisation.
Pour Janet, une névrose est un raté psychologique de la conduite qui « diminue la force ou la tension de
l'activité mentale ».
-Pour Lacan, la culpabilité s'exprime à travers l'angoisse de la castration. Il s'agit de sortir de l'enfance, et
cela passe par la confrontation à l'interdit. À la fin du XIXème siècle, la culpabilité est couplé à l'animalité.
Entre Freud et Janet, la tension s'opère entre les notions d'animal et d’humain.
Après la seconde Guerre Mondiale, la dépression se détache de la mélancolie. Deux troubles apparaissent :
l'angoisse m'indiquant que je franchis un interdit, nous sommes alors face à la culpabilité et au conflit ; la
fatigue m'épuisant et me rendant incapables d'agir, nous sommes face à la responsabilité et à ce
l'insuffisance. C'est la figure de l'individu émancipé.
Dans les années 1830 on s'intéresse à la souffrance de l'aliéné ; à la fin du XXe siècle, la souffrance et la
dépression sont combinés. Une question se pose alors : La vie moderne génère de la fatigue, comment y
résister ?
Le bourgeois connaît alors une crise de l'identité à la fin du XIXème siècle, à la différence du peuple qui
la connaît à la seconde moitié du XXème siècle.
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