Mesures Appliquées de L'accommodation

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Dossier Revue francophone d'orthoptie 2020;13:110–114

Mesures appliquées de
l'accommodation
Applied measures of accommodation

Marion Cuvier (orthoptiste) OphtalmoPôle de Paris, Hôpital Cochin, 27, rue du


Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France

RÉSUMÉ MOTS CLÉS


L'accommodation, donnée sensorielle souvent négligée ou peu exploitée du bilan orthoptique, Accommodation
est pourtant indispensable pour garantir un confort visuel au patient et lui permettre d'utiliser sa Emmétropisation
vision efficacement dans ses activités quotidiennes. L'orthoptiste dispose de moyens simples Test selon Swaine
pour la mesurer et la rendre efficiente dès que possible. Punctum Proximum
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. d'Accommodation (PPA)
Réserve accommodative
Rock accommodatif

KEYWORDS
SUMMARY Accommodation
Accommodation, an often neglected or underused sensory aspect of the orthoptic check-up, is Emmetropisation
nevertheless essential to guarantee visual comfort for the patient and to enable him to use his Swaine test
vision effectively in his daily activities. The orthoptist has simple ways to measure it and make it Punctum Proximum
efficient as soon as possible. d'Accommodation (PPA)
© 2020 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Accommodative reserve
Accommodative rock

Un trouble accommodatif doit être également


INTRODUCTION recherché devant tout problème de concentra-
L'accommodation, exprimée en dioptries (D), tion ou difficulté d'apprentissage chez l'enfant,
désigne l'étude qualitative et quantitative de la en cas de perte d'efficience dans l'activité chez
capacité d'un sujet parfaitement emmétropisé l'adulte ou lorsqu'un équipement optique est mal
à voir net à toute distance et dans toute direction. toléré.
Certains éléments peuvent faire varier
l'accommodation : l'état général du patient,
la prise de médicaments (neuroleptique, anti-
ACCOMMODATION ET BILAN parkinsonien. . .), les pathologies associées
ORTHOPTIQUE (diabète, trouble neurologique. . .), les facteurs
hormonaux, la présence d'une anisométropie
Entretien avec le patient ou d'une amblyopie, le mode de compensa-
L'orthoptiste détermine le motif du bilan. Les tion chez le fort amétrope ou encore les condi-
signes fonctionnels les plus fréquemment tions d'examen.
décrits en lien avec un dysfonctionnement D'où l'importance pour l'orthoptiste de réaliser
accommodatif sont d'ordre : une anamnèse approfondie, précise,
 visuels (asthénopie à la fixation de près, flou rigoureuse en début d'examen et d'utiliser
visuel, diplopie binoculaire intermittente, dif- des tests calibrés et standardisés.
ficulté ressentie lors des changements de
distance. . .) ;
 oculaires (douleurs oculaires, Importance de l'emmétropisation
larmoiements. . .) ; La réfraction permet de déterminer l'amétropie
 généraux (céphalées frontales, douleurs du patient. L'état accommodatif est parfois Adresse e-mail :
posturales. . .). difficile à contrôler. Il est fréquent que le sujet cuvierortho@gmail.com

https://doi.org/10.1016/j.rfo.2020.07.012
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Mesures appliquées de l'accommodation
Dossier

« jeune » parvienne à accommoder malgré une réfraction faite


par la méthode du brouillard [1].
L'orthoptiste doit prendre en compte l'âge, la profession, l'œil
directeur et les besoins du patient afin de lui garantir un confort
visuel avec son équipement optique.
En vision de près, l'orthoptiste doit savoir adapter la puissance
de l'addition chez le sujet presbyte, en fonction des activités du
patient et de sa distance de Harmon (distance entre le coude et
le pouce tendu).
Un examen sous cycloplégique, sur prescription médicale, est
incontournable chez l'enfant compte-tenu du fort pouvoir
accommodatif de celui-ci et sera réalisé chez le jeune adulte
et l'adulte non presbyte devant tout strabisme constant ou
intermittent ou tout signe évocateur d'une part accommodative
lors de l'examen (réponses fluctuantes, incohérence entre
l'acuité visuelle sans correction et la réfraction subjective. . .).
Lors du bilan orthoptique un test simple et rapide, le test selon
Swaine, permet de vérifier l'emmétropisation du patient, sur le
principe de la méthode du brouillard et suivant la règle de
Swaine [2].
En ajoutant en binoculaire un verre convexe de +1.50 D devant
la correction optique de loin du patient, l'acuité visuelle doit
chuter à 0.16.
Si ce n'est pas le cas, l'orthoptiste peut émettre les hypothèses
suivantes :
 AV < 0.16 : hypermétropie sur-corrigée ou myopie sous-
corrigée ;
 AV > 0.16 : hypermétropie sous-corrigée ou myopie sur-
corrigée.
Attention toutefois à ce que l'astigmatisme soit bien
compensé.

Comment mesurer l'accommodation en pratique ?


Quel intérêt ?
« La mesure de l'amplitude d'accommodation est une donnée
physiologique aussi importante que celle de l'acuité visuelle
pour tous les amétropes et obligatoire pour les pré-presbytes
et presbytes » d'après J-P. Bonnac.
Elle diminue avec l'âge.
Deux méthodes existent :
 La mesure par le test du PPA (Punctum Proximum
d'Accommodation), avancé et reculé.
Ce test, permettant de mesurer en centimètres le point le plus Figure 1. La palette de Bernell, outil simple et pratique permettant
rapproché de vision nette, s'effectue avec la palette de Bernell la mesure du PPA (Punctum Proximum d'Accommodation).
(Fig. 1) [3], en monoculaire et en binoculaire, avec un éclairage
adapté dirigé sur le test. La mise en jeu (PPA avancé) et le
relâchement (PPA reculé) accommodatifs sont étudiés et elle due à la présence d'une amétropie mal compensée res-
comparés, à la recherche d'une disparité accommodative ponsable de la gêne fonctionnelle ?
(significative à partir d'une différence de 2 cm entre les deux Exemple : Samuel, 15 ans, ne porte pas de correction optique.
yeux), en lien avec la plainte du patient. Il se plaint de fatigue visuelle à la fixation prolongée. Son œil
Il s'agit d'un moyen simple et rapide pour estimer l'amplitude gauche est directeur.
d'accommodation du sujet. Chez l'enfant (dès que possible), OD PPA (avancé) = PPA (reculé) à 10 cm
l'adolescent et l'adulte non presbyte, l'orthoptiste privilégiera OG PPA (avancé) à 12 cm et PPA (reculé) à 14 cm
ce test. Soit une réserve accommodative pour l'œil droit de 1/
0.10 = 10 D et pour l'œil gauche de 1/0.12  8 D. Le PPA
(reculé) de l'œil gauche met en évidence un déficit de relâ-
Analyse des résultats obtenus chement de  1 D.
Accommodation disponible (en D) = 1/PPA (en m) La réserve accommodative n'est pas conforme à l'âge (norme
L'amplitude d'accommodation est-elle conforme à l'âge (Fig. 2) ? pour son âge = 12 D). Il y a une disparité accommodative de
Existe-t-il une disparité (différence) accommodative entre les 2 D entre les 2 yeux ainsi qu'un déficit de relâchement, aux
deux yeux ? Si oui, peut-elle être expliquée par la clinique dépens de son œil directeur, expliquant la plainte.
(amblyopie, forte anisométropie, microstrabisme. . .) ou est-  La mesure de l'amplitude d'accommodation

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Figure 2. PPA et amplitude d'accommodation estimée.

La mesure de la réserve accommodative est réalisée en bino- Exemple : si le sujet ne lit plus avec -1 D, sa réserve accommo-
culaire, chez un patient muni de sa correction optique totale de dative est donc de 3.25 D.
loin. La distance d'examen doit être constante pour une éva-  Le sujet ne lit pas le Parinaud 2.
luation précise et reproductible. L'orthoptiste va interposer des verres convexes par palier de
Le Proximètre® (Essilor) (Fig. 3) [4], bien qu'il ne soit malheu- 0.25 D afin de soulager l'accommodation du patient jusqu'à ce
reusement plus commercialisé actuellement, est un outil intér- que celui-ci puisse tout juste deviner le texte.
essant dans ce sens puisqu'il permet d'effectuer la mesure Réserve accommodative = 2.50 - (additif sphérique)
à une distance fixe (33 cm, 40 cm ou 55 cm). Exemple : si le sujet commence à lire avec +0.50 D, sa réserve
Le test Parinaud 2 est présenté au patient, par défaut à 40 cm. accommodative est donc de 2 D.
Accommodation nécessaire (en D) = 1/d (en m) A partir des valeurs recueillies, l'orthoptiste peut en déduire
Soit une accommodation nécessaire pour voir le test à 40 cm l'accommodation de confort du patient selon la loi de Percival :
de 1/0.40 = 2.50 D. Accommodation de confort (en D) = 2/3 de l'accommodation
Deux observations sont alors possibles : disponible
 Le sujet lit le Parinaud 2. Cette donnée est précieuse pour le dosage de l'addition chez
Sa réserve accommodative est d'au moins 2.50 D. le sujet presbyte (Fig. 4).
L'orthoptiste va interposer des verres concaves par palier de Addition = Accommodation nécessaire - Accommodation de
0.25 D afin de solliciter l'accommodation du patient jusqu'à ce confort
que celui-ci ne puisse plus lire. Le verre retenu étant celui Exemple : Madame D., 49 ans, architecte d'intérieur décrit un
permettant encore la lecture. inconfort visuel à la lecture prolongée de près et sur écran
Réserve accommodative = 2.50 + (additif sphérique) depuis le port de ses verres progressifs (1ère paire), associé
à des céphalées frontales et des cervicalgies récentes.
L'ergonomie de son poste de travail semble adaptée.
Elle porte depuis 1 mois : OD +0.75/OG +0.50 Add
+ 1.75 ODG.
Acuité visuelle :
 Vision de loin ASC OD/OG 10/10ème et 12.5/10ème ODG
(échelle MODE 4 m)
 Vision de près ASC OD/OG/ODG P2 (échelle Lissac 40 cm)
Après vérification de l'emmétropisation par un test selon
Swaine (acuité visuelle diminuée à 1.6/10ème OD/OG avec
+1.50), l'orthoptiste détermine l'amplitude d'accommodation
de la patiente avec le Proximètre®.
A 40 cm, Madame D. lit le P2. L'orthoptiste interpose donc des
verres concaves pour stimuler l'accommodation. Avec -0.25,
elle ne lit plus.
Figure 3. Le Proximètre®, avec ses faces binoculaires. Son accommodation disponible est donc de 1/0.40 = 2.50 D.

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Mesures appliquées de l'accommodation
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Figure 4. Addition nécessaire à 40 cm chez le sujet presbyte selon l'accommodation disponible.

Selon Percival, elle ne peut utiliser de façon confortable que 2/ La flexibilité accommodative
3 de son accommodation disponible.
L'orthoptiste étudie la flexibilité accommodative, à la recherche
Son accommodation de confort est donc de : 2/3  2.50 
d'une asthénopie accommodative, par le test du rock accommo-
1.50 D.
datif. Il objective l'aisance du patient à mettre en jeu son
A 40 cm (sa distance de Harmon), l'accommodation néces-
accommodation et à la relâcher (désaccommodation) en lui
saire est de 2.50 D. Une addition de +1 est donc suffisante
présentant en binoculaire alternativement des verres de +2/-
pour cette patiente.
2 grâce à un face-à-main (la réserve accommodative devant
L'équipement optique actuel de Madame D. la contraint à un
être suffisante, la variation de l'amplitude d'accommodation impo-
effort postural lors de la lecture de près puisqu'elle se met
sée allant de 0.50 D à 4.50 D) ; l'objectif pour le patient étant
spontanément en flexion afin d'utiliser sa vision intermédiaire
d'obtenir un retour à la vision nette du texte présenté, celui-ci
(cause des cervicalgies ?). L'addition trop forte peut expliquer
étant incliné vers le bas. En pratique, l'orthoptiste commence
les signes fonctionnels décrits, mais il faudra bien évidemment
toujours par relâcher l'accommodation avec les verres convexes.
étudier ensuite les autres éléments sensori-moteurs du bilan
Le nombre de cycles/min (cpm) réalisé par le sujet est noté et
afin de réaliser un diagnostic orthoptique précis.
comparé à la norme (13 cpm + - 5), un résultat de moins de
En pratique, deux tests simples du CheckTestTM permettent
8 cpm étant considéré comme anormal.
à l'orthoptiste de vérifier rapidement si le dosage de l'addition
L'endurance accommodative est également testée subjective-
est en adéquation avec les besoins visuels du patient : le test
ment durant le bilan orthoptique lors de l'étude des vergences
rouge-vert et le test de la mire de Helmoltz.
(passage vision de loin-vision intermédiaire-vision de près) sur
Le sujet presbyte, équipé de sa correction optique de près,
mire accommodative.
place le CheckTestTM à sa distance habituelle de lecture ou de
travail.
Au test rouge-vert (basé sur le principe optique des aberrations L'accommodation au cœur du bilan orthoptique
chromatiques de l'œil), si le sujet voit les optotypes avec la
L'accommodation soutient-elle la vision ou la perturbe-t-elle ?
même netteté sur les deux plages (ou si les optotypes sont
En fonction de la problématique initiale et du tableau clinique,
légèrement plus contrastés sur le fond vert), alors l'addition est
l'orthoptiste sélectionne les critères des axes sensoriel et
adaptée. Si les lettres ou lignes sont vues plus nettes sur le
moteur à étudier selon leur pertinence, évalue leur relation
fond rouge, l'addition est probablement trop forte.
avec l'accommodation et met en évidence leurs interactions
Au test de la mire de Helmoltz, si l'addition est adaptée, les
dans l'activité. La confrontation des résultats permet de faire le
cercles du centre de la mire sont vus nets. S'ils sont vus
lien avec la plainte du patient [5].
déformés, cela signifie au contraire que l'addition est soit
L'étude de l'accommodation est essentielle dans tout bilan
insuffisante, soit excessive.
orthoptique. Selon le type et l'importance du dysfonctionnement

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Dossier M. Cuvier

accommodatif (disparité accommodative, strabisme la mesure, analyse et croise les données recueillies ainsi que
accommodatif. . .), les répercussions sensori-motrices et fonc- les observations faites avec les autres données sensorielles et
tionnelles sont multiples (baisse d'acuité visuelle, motricité motrices du bilan, à la recherche d'un éventuel dysfonction-
conjuguée perturbée, variation de l'angle de déviation, commu- nement visuel, expliquant la plainte du patient.
nication visuelle altérée, perte d'endurance à la lecture. . .), L'emmétropisation du patient est un préalable indispensable
impactant la qualité de vie. puisqu'elle permet la focalisation de l'image sur la rétine, et
L'orthoptiste doit prendre le patient dans sa globalité afin donc l'ancrage du regard, socle d'une prise en soins orthopti-
d'établir un diagnostic orthoptique précis ainsi qu'un projet ques de qualité. Une réfraction objective et subjective sous
de soins ciblé et adapté (orientation du patient et/ou rééduca- cycloplégique, sur prescription médicale, est bien souvent
tion orthoptique). nécessaire. Chez l'enfant, elle est systématique.

L'accommodation en rééducation Déclaration de liens d'intérêts


En séance de rééducation, selon le projet de soins, l'accommo- L'auteure déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
dation peut être travaillée à différentes distances et dans diffé-
rentes directions par l'intermédiaire de mires ou de supports
sollicitant l'accommodation tant au niveau de la composante
motrice (rendre l'orientation du regard endurante et symétrique)
que sensorielle (capacités fusionnelles en statique et en dyna- RÉFÉRENCES
mique suffisantes, équilibrées selon le rapport C/D =3, symé-
triques/entrainement de la flexibilité accommodative en [1] Bourges J-L, Renard G. Presbytie. Accommodation : un ou des
binoculaire et en monoculaire/utilisation de stéréogrammes mécanismes ?. Rapport SFO, Elsevier Masson; 2012.
basés sur la relation accommodation/convergence. . .) afin de [2] Praud R. La règle de Swaine : mythe ou réalité ? Revue Franco-
restaurer une vision performante au patient. phone d'Orthoptie 2019;12.
[3] Barraud-Crouzet D. La palette de Bernell. Revue Francophone
d'Orthoptie 2008;1.
[4] Bonnac J-P, Sabiani A. Mesure de l'amplitude d'accommodation
CONCLUSION
à l'aide du Proximètre®. Revue Francophone d'Orthoptie 2012;5.
L'accommodation est un élément fondamental de tout bilan [5] Clenet M-F, Hervault C. Guide de l'orthoptie. Elsevier Masson;
orthoptique et joue un rôle majeur dans la vision. L'orthoptiste 2013.

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