Cours Astro2000
Cours Astro2000
Cours Astro2000
ASTROPHYSIQUE
Les Etoiles: la Vie, la Mort et tout le Bazar
Jonathan Ferreira
Novembre 2000
2
TABLE DES MATIERES i
Chapitre 1
Introduction au Transfert de
Rayonnement
Denitions de l'intensite specique et des grandeurs associees
Equation de transfert et ses moments
Notions d'equilibre radiatif et ETL
Cas limites: regimes opaque et transparent
Force radiative et limite d'Eddington
Fig. 1.1 { Rayon lumineux allant dans une direction ~k (vecteur unitaire a ne pas
confondre avec un nombre d'onde) et d'angle solide d.
~k est simplement
E = I (~r ~k t) ~k ~n dA d dt d
(1.1)
ce qui denit l'intensite specique monochromatique I (~r ~k t) (unites: J s;1 m;2
st;1 Hz;1). En astrophysique, on utilise aussi l'energie rayonnee par intervalle de
longueur d'onde, ce qui conduit a denir une intensite specique en longueur d'onde
I. L'egalite d'energie entraine Id = I d , c'est a dire
I = c2 I (1.2)
Propriete
On peut montrer tres facilement qu'il y a bien conservation de l'intensite speci-
que le long du trajet d'un rayon lumineux dans le vide.
Soit un rayon lumineux allant de de dS a dS 0. Se propageant dans le vide, il y
a conservation de l'energie transportee par ce rayon lumineux. Cette energie peut
se calculer de deux facons, soit en partant de P, soit de P'. L'energie traversant dS
s'ecrit
E = I~k ~n dS d dt d (1.3)
ou d est l'angle solide soutendant dS 0 depuis P. On a donc d = ~k (;~n0) dS 0=PP 02.
Par ailleurs, l'energie traversant dS 0 s'ecrit
E = I0 ~k ~n0 dS 0 d dt d0 (1.4)
ou d0 = (;~k)~n dS=PP 02 est l'angle solide soutendant dS depuis P'. La conservation
de l'energie entre P et P' implique bien
I0 = I : (1.5)
En consequence, la mesure de E, energie recue dans une bande de frequence donnee,
sur un recepteur de surface collectrice dS 0 permet de determiner l'intensite specique
du rayonnement emis par une source dS, a condition de connaitre d0 . La determi-
nation de cette derniere grandeur necessite toutefois que 1) dS soit spatialement
resolue (impossible pour les etoiles) et 2) la distance a l'objet soit connue.
1.1. DESCRIPTION DU CHAMP DE RAYONNEMENT 3
J = R I d4
(1.6)
C'est une grandeur qui intervient souvent dans les problemes de transfert car tout
ecart a la moyenne provoque un ajustement du champ. Pour un champ de rayonne-
ment isotrope, on a I = J .
Fig. 1.3 { Densite d'energie radiative contenue dans un faisceau traversant une
surface dA.
s'ecrit
dF~ = I d~k
(1.9)
et a pour unites des J s;1 m;2 Hz;1. Ce qui nous interesse est souvent le ux
d'energie recu a travers une surface donnee (car c'est ce qui est mesure, appele
egalement \eclat") d^u a toutes les directions ~k, autrement dit
R R
F = dF~ ~n = I cos
d
(1.10)
(le faisceau \voit" une surface ecace dA= cos
).
Dans le cas d'une etoile, la surface consideree est une surface fermee: le premier
terme correspond au ux \sortant" (s'echappant hors de la surface) et le deuxieme
au ux entrant. Or, le rayonnement qui pourrait rentrer (d^u a la presence d'autres
etoiles) est negligeable et l'on a
F = I (1.12)
ou l'on a fait l'hypothese supplementaire que le champ de rayonnement I est iso-
trope.
Si le champ de rayonnement I est globalement isotrope (autant d'energie qui
passe dans un sens que dans l'autre),
Z
F = I cos
d = 0 (1.13)
1.1. DESCRIPTION DU CHAMP DE RAYONNEMENT 5
Loi de decroissance du
ux en 1=r2
Considerons le cas particulier d'une etoile de rayon R, emettant de facon isotrope
dans l'espace. La puissance ou luminosite monochromatique rayonnee vaut
Z
L = F~ dA ~ = 4R2F : (1.14)
Une sphere de rayon r > R interceptant tous les rayons lumineux issus de l'etoile,
la conservation de l'intensite specique de chaque rayon implique la conservation de
la puissance rayonnee et on a donc bien
F (r) = 4Lr 2 (1.15)
une decroissance du ux radiatif en 1=r2 .
mais celle qui est transferee dans la direction normale a la surface est dp = d~p ~n.
La pression resultant du transfert d'impulsion associe aux rayons dans la direction
~k s'ecrit
dp = I cos2
d
dP = dtdA (1.17)
c
Ainsi, la pression de radiation monochromatique due a l'ensemble des rayons lumi-
neux vaut
P = 1c R I cos2
d
(1.18)
Dans le cas d'un champ de rayonnement isotrope (I = J ), la pression de radiation
s'ecrit simplement
P = 43c J = u3 (1.19)
fournissant une pression totale (integree sur toutes les frequences) Prad = urad=3.
Di
usion
La diusion de la lumiere par des particules depend, comme l'absorption, du
champ de rayonnement incident. En toute generalite, la diusion change la direction
de propagation d'un photon, mais peut egalement modier son energie et donc agir
comme une \source" (par ex, eet Compton). Dans ce cas, la diusion ne depend
plus des proprietes locales et c'est ce qui rend sa prise en compte beaucoup plus
dicile: diusion avec un electron libre (diusion Thomson), avec un atome ou
molecule (diusion Rayleigh), avec de la poussiere (diusion de Mie).
On se place dans le cas simple ou la diusion est elastique (par ex, diusion
Thomson), la frequence des photons diuses reste donc inchangee. La diminution
d'intensite due a la diusion des photons hors du faisceau lumineux peut alors s'ecrire
facilement
dI = ; I ds (1.26)
ou est le coe
cient de diusion (unites: m;1). Mais de la diusion se produisant a
l'exterieur du faisceau peut ramener des photons a l'interieur de celui-ci et augmenter
son intensite d'un facteur
Z 0
dI = ( 0)I (0) d4 ds
0
(1.27)
agissant ainsi comme une nouvelle fonction source. Si le milieu et le processus de
diusion considere sont isotropes, l'eet de la diusion seule peut s'ecrire
dI = ; (I ; J ) (1.28)
ds
ou l'on peut remarquer que J agit eectivement comme une source. La diusion
isotrope et elastique produit une sorte de relaxation puisque, sous son eet seul, le
champ de rayonnement va tendre a devenir isotrope (I tend vers J , cf Eq. (1.28)).
Opacites
On voit donc que dans la theorie du transfert de rayonnement, toute la phy-
sique de l'interaction matiere-rayonnement (emission, absorption et diusion) est
cachee dans les divers coecients. Il existe plusieurs groupes de recherche unique-
ment voues au calcul de ces divers coecients essentiels. En eet, il faut employer
des moyens numeriques lourds si l'on veut les calculer pour des gaz constitues de
plusieurs atomes et molecules (voire des grains de poussieres et des glaces pour le
milieu interstellaire), chaque espece ayant plusieurs transitions atomiques possibles
ou bien encore subissant des transformations irreversibles (destruction des grains,
sublimation de la glace).
Dans la plupart des cas cependant, les coecients importants a connaitre sont
l'absorption et la diusion. On utilise souvent les coecients massiques ou opacites
= +
(1.29)
1.2. EQUATION DE TRANSFERT DE RAYONNEMENT ET SES DERIVEES9
Fig. 1.5 { Rayon lumineux produit par une source se trouvant derriere un milieu
purement absorbant (j = = 0).
(unites: m2 kg;1 ) ou est la densite de la matiere. On parle d'opacites grises lorsque
ces opacites sont independantes de la frequence. A partir des calculs numeriques
lourds evoques plus haut, il est ensuite d'usage (car pratique) d'utiliser des ajuste-
ments analytiques des tables d'opacites, du type = o T , ou o et les indices
et sont connus et varient selon les domaines en densite et en temperature.
c'est-a-dire une decroissance exponentielle de l'intensite specique due aux sources si-
tuees derriere. Cette decroissance est d'autant plus forte pour un milieu ou l'epaisseur
optique Zs
= (s0)ds0 (1.32)
so
est grande. On qualie d'optiquement epais ou opaque, un milieu ou > 1, d'op-
tiquement mince ou transparent un milieu ou < 1. Noter que l'epaisseur optique
depend de la frequence. Par exemple, un nuage interstellaire peut ^etre opaque en
lumiere visible mais transparent en ondes radio.
En presence simultanee d'absorption et d'emission ( = 0), l'equation de trans-
fert s'ecrit souvent sous la forme
dI
d = S ; I
(1.33)
ou d = ds est epaisseur optique sur ds et S = j = est appelee fonction
source. On peut interpreter cette equation comme une equation de \relaxation". En
10 CHAPITRE 1. INTRODUCTION AU TRANSFERT DE RAYONNEMENT
eet, dans des milieux susamment opaques, la variation d'intensite specique avec
l'epaisseur optique varie peu et I tend vers S .
Lorsque I et S ne sont que des fonctions de l'epaisseur optique , cette equation
a pour solution generale
Z
I ( ) = I (
0 )e 0; + S (0 )e ; d0 :
0
(1.34)
0
L'intensite est donc la somme de deux contributions, l'une due uniquement a l'ab-
sorption et l'autre due a l'emission integree corrigee de l'absorption.
La presence de diusion ( 6= 0) introduit une modication de la fonction source
d'un milieu. L'equation de transfert se met sous une forme similaire
dI = S ; I (1.35)
d
mais ou la nouvelle fonction source est
S = j ++J (1.36)
et ou l'epaisseur optique est denie par d = ( + )ds. Le coecient ( +
) est quelquefois appele le coe
cient d'extinction. L'introduction de la diusion
(m^eme elastique et isotrope) a considerablement accru la complexite de l'equation
de transfert.
1 @ F~rad
c2 @t
~ P~ rad = ; R01
c F~ d
+r
(1.41)
Dans ce cours, nous ne considererons que les cas simples ou le tenseur de pression
~ rad = Prad~I, ~I etant le tenseur identite. L'eet de la pression radiative est
s'ecrit P
alors equivalent a un gradient de pression \hydrostatique": r ~ P~ rad = r
~ Prad.
12 CHAPITRE 1. INTRODUCTION AU TRANSFERT DE RAYONNEMENT
Ici aussi, l'equation portant sur le ux F~rad fait intervenir une nouvelle inconnue,
qui est le tenseur de pression radiative P ~ rad. La methode qui consiste a prendre
les moments d'ordre de plus en plus eleves n'a en fait pas de n et il faut faire
intervenir une relation dite de fermeture. Par exemple, pour les equations uides de
l'hydrodynamique, c'est l'equation d'etat qui fournit la relation P ( T ) permettant
de fermer le systeme d'equations. De m^eme, il nous faudra utiliser une relation de
fermeture de ce type lorsqu'on ne voudra (ou pourra) pas resoudre l'equation de
transfert (1.37) directement, mais passer par les equations de conservation (1.39)
et (1.41). Cette relation de fermeture doit donc ^etre motivee (et obtenue) par des
considerations physiques qui dependent du systeme etudie.
Fig. 1.6 { Geometrie plan-parallele. Toutes les grandeurs sont supposees invariantes
selon x et y. Une telle geometrie est souvent utilisee pour les atmospheres stellaires.
Fig. 1.7 { Detection d'un rayon lumineux produit par un nuage spherique de rayon
R.
et l'intensite specique (solution de l'equation de transfert (1.34) dans la limite
! 0, ou ce qui est equivalent, en l'absence de source de rayonnement) s'ecrit
I (z ) = I (0 1)e; = (1.53)
l'epaisseur optique = R0z dz0 etant exprimee independamment de l'angle. Or,
dans un milieu optiquement mince, on peut considerer que les rayons lumineux
ne sont pratiquement pas devies par la matiere. En premiere approximation, ils se
propagent donc en ligne droite. On peut alors, dans ce cas extr^eme, ecrire I (z ) '
I (z)(=1), avec I (z) = I (0 1)e; . Du coup, les autres grandeurs associees au
champ de rayonnement deviennent
Z1
u = c ;1 I (z )d ' 2 Ic
2 (1.54)
Z1
F = 2 I (z )d ' 2I (1.55)
;1
Z1
P = c 2 I (z )2d ' 2 Ic (1.56)
;1
Dans ce cas extr^eme, on a donc
P = u = Fc (1.57)
c'est a dire une sorte d'equipartition entre pression, densite d'energie et ux. Plus
le milieu devient opaque et plus les interactions avec la matiere introduisent des
deviations des rayons lumineux, brisant cette equipartition.
Exercice 1: Un nuage sur la ligne de visee
Soit un nuage spherique optiquement mince a l'ETL, de rayon R et temperature
T , situe a une distance D de la Terre. Ce nuage homogene est constitue d'un gaz
ayant un coe
cient d'emission spontanee isotrope j (unites: J s;1 m;3 st;1 Hz;1 )
et un coe
cient d'absorption independant de la frequence. Calculer son inten-
site specique, le
ux monochromatique recu, la temperature eective estimee et sa
temperature de couleur.
Puisqu'il est optiquement mince, l'intensite specique du nuage peut se calculer
directement par Z p
I (d) = j dz = 2j R2 ; d2 (1.58)
16 CHAPITRE 1. INTRODUCTION AU TRANSFERT DE RAYONNEMENT
ou d est la distance entre le rayon considere et celui passant par le diametre. On
retrouve le m^eme resultat par un autre raisonnement. A l'ETL et pour des processus
thermiques on a S = B (T ), c'est a dire j = B . L'intensite specique s'obtient
apres integration de l'equation de transfert et s'ecrit
I (d) = B (1 ; e; (d)) ' B (d) (1.59)
R p
ou (d) = dz = 2 R2 ; d2. Ces deux expressions sont donc bien semblables.
Le ux monochromatique du nuage atteignant la Terre est relie a la luminosite
monochromatique L = 4D2F . Le nuage etant optiquement mince et j etant une
puissance par unite de volume, d'angle solide et de frequence, on a
Z Z
L = d3v j d = 43 R34j (1.60)
d'ou le ux monochromatique recu sur Terre
F = 4R j :
3
3D2 (1.61)
La temperature eective Teff du nuage est celle qu'il aurait s'il avait un ux
bolometrique (integre sur toutes les frequences) egal a celui d'un corps noir. Or, la
luminosite totale du nuage vaut
Z1 Z1
Lrad = L d = 34 R34 B (T )d (1.62)
0 0
4R2Teff 4 (1.63)
d'ou l'on tire une temperature eective
4 1=4
Teff = 3 R T (1.64)
beaucoup plus petite que sa temperature reelle T (le produit R est une mesure de
l'epaisseur optique du nuage, qui est ici supposee faible).
Enn, la temperature de couleur ou temperature de brillance Tb est la tempera-
ture deduite du champ de rayonnement mesure en posant I = B (Tb). En regime
optiquement mince, on a I ' B (T ) B (T ), donc on \mesure" Tb T .
Evidemment, Tb = Teff = T pour un corps noir.
Exercice 2: Une etoile et son atmosph ere
On considere une etoile de temperature eective Tc entouree d'une atmosphere a
l'ETL de temperature eective Ts < Tc. Cette atmosphere possede une raie d'absorp-
tion etroite autour de la frequence 0 et on regarde a deux frequences, 0 et 1 > 0
(en dehors de la raie, mais su
samment proche de 0 pour qu'on puisse conside-
rer que la fonction source ne varie pas entre les deux). Comment varie l'intensite
specique, pour chaque frequence, et pour les deux rayons A et B?
1.3. CAS PARTICULIERS IMPORTANTS EN ASTROPHYSIQUE 17
Fig. 1.8 { (a)Rayons lumineux produits par une etoile de temperature eective Tc
entouree d'une atmosphere a l'ETL de temperature eective Ts. (b) Prol du coe
-
cient d'absorption en fonction de la frequence.
Fig. 1.9 { Intensite specique pour deux rayons A et B issus d'un corps noir de
temperature Tc entoure par une atmosphere a la temperature Ts : (a) Tc > Ts (b)
Tc < Ts.
F~rad = ;radr
~T
(1.72)
u = 4c J = 4c a
Z1
F = 2 I d = 43 b (1.74)
;1
Z
P = 2c I 2d = 43c a
1
;1
Nous obtenons donc le resultat suivant (connu sous le nom d'approximation d'Ed-
dington),
P = u3
(1.75)
valable quelque soit a (m^eme lorsque a 6= B (T )), pourvu que le champ de rayonne-
ment soit seulement faiblement anisotrope (au premier ordre). Cette approximation
constitue donc une relation de fermeture tres couramment employee (quelque fois
sous la forme Prad = urad=3). Valable en regime optiquement epais et a la transi-
tion epais-transparent, elle est clairement fausse en regime optiquement mince (ou
P = u ).
Exercice: Photosph ere stellaire
Calculer la distribution de temperature d'une atmosphere stellaire grise, a la
transition entre les regions optiquement epaisse et optiquement mince.
Il est d'usage, dans le traitement des atmospheres stellaires, d'orienter l'axe
R des
z vers le \bas" avec ds = ;dz=. Ainsi, la \profondeur optique" (z) = 0 dz z
est nulle a la \surface" de l'atmosphere puis grandit vers l'interieur, en conformite
avec ce que voit un observateur. L'equation de transfert s'ecrit alors
dI = I ; S
d (1.76)
En l'integrant sur tous les angles, on obtient les equations suivantes
1 dF = J ; S
4 d
c dP
d = F (1.77)
Pour une atmosphere ou les opacites sont independantes de la frequence, on a
1 dFrad = Z 1 (J ; S )d
4 d 0
c dPdrad = Frad (1.78)
Puisque nous considerons un regime stationnaire, l'atmosphere doit ^etre en equilibre
radiatif (sinon, cela impliquerait qu'elle recoive en permanence de l'energie des zones
1.3. CAS PARTICULIERS IMPORTANTS EN ASTROPHYSIQUE 21
Or, d3 x = cdt(~k ~ndA) est le volume occupe pendant en temps dt et d3p = p2dpd
si les photons possedent une dispersion d autour de leur direction de propagation
~k. L'energie peut alors s'ecrire
X
E = hc2 f (~k:~n) dt d dAd
2 4 3
(1.104)
=1
et on peut donc identier immediatement
X
I = hc2 f
2 4 3
(1.105)
=1
ou n2 est la densite d'atomes dans l'etat 2. Dans des intervalles de frequences d et
d'angle solide d, l'energie vaut
dE = A21dt n2dV h ( ) d d4
= j dA ds dt d d (1.112)
ce qui permet donc d'obtenir le coecient d'emission spontanee
j = h4 ( )n2A21 : (1.113)
On fait de m^eme pour le coecient d'absorption. Comme les caracteristiques des
photons emis par stimulation sont les m^emes que ceux absorbes, on peut directement
ecrire que l'energie totale vaut
Z Z
E = dtdV (n1B12 ; n2B21) h( )I d d4 (1.114)
et ainsi, obtenir le coecient d'absorption
= h
4 ( )(n1B12 ; n2B21) (1.115)
qui inclue les eets de l'emission stimulee.
= +1 =
1
(1.116)
est la distance moyenne que peut parcourir un photon avant d'^etre absorbe (avec
une probabilite = =( + )) ou diuse (avec une probabilite 1 ; ).
Connaissant les proprietes d'extinction d'un milieu, on peut donc determiner la
distance moyenne que va parcourir un photon, de son lieu de creation a son lieu de
destruction (par vraie absorption). La trajectoire d'un photon est en eet assimilable
a une marche au hasard, de longueur totale et constituee de N lignes brisees de
longueur chacune. On a donc en moyenne
2 = N2 (1.117)
avec N = 1 par denition de N , ce qui fournit une longueur totale parcourue
= ( ( + )];1=2 : (1.118)
Cette longueur, appelee longueur de diusion ou parcours moyen eectif, est egale-
ment la longueur de thermalisation. En eet, c'est la longueur minimale d'homoge-
neisation du milieu (transport de l'information) par les photons.
1.4. QUELQUES REMARQUES ANNEXES 29
Distances astrophysiques
Unite Astrophysique 1 AU = 1:4959 1011 m
Annee lumiere 1 al = 9:4605 1015 m
Parsec 1 pc = 3:26 al = 3:0857 1016 m
31
Chapitre 2
L'Impermanence des E toiles
Denitions des magnitudes et couleurs
Diagramme HR: interpretation, ordres de grandeur
Scenario de formation stellaire
Theoreme du Viriel (sans champ magnetique) et applications
Modeles polytropiques: comment construire une etoile
Physique stellaire: transport de l'energie (rayonnement et convection)
Scenario d'evolution stellaire
milliers d'etoiles dans le voisinage du Soleil. Pour des etoiles plus lointaines, d'autres
methodes seront necessaires.
La moitie environ des etoiles forme un systeme binaire gravitationnellement lie.
En utilisant les lois de la gravitation keplerienne, il est alors possible de determiner
les parametres du systeme et de remonter ainsi a la masse de chaque composante.
Lorsque la distance d'une etoile est connue, la mesure de son diametre angulaire
permet de connaitre son rayon. Le probleme est donc le manque de resolution angu-
laire actuel et la plupart des etoiles restent ponctuelles. La methode d'occultation
(qui consiste a mesurer le temps de passage d'un objet devant l'etoile), par la Lune
ou bien par l'une des composantes dans un systeme binaire a eclipses, permet ce-
pendant d'obtenir les rayons de certaines de ces etoiles proches. Il faut noter que
la denition precise du rayon d'une etoile est delicate. En eet, lorsque celle-ci est
bien opaque a toutes les frequences, le rayon correpond a la photosphere ( = 2=3).
Lorsque ce n'est plus le cas (comme pour une geante rouge), le rayon depend de la
frequence.
Chaque element chimique possede sa signature spectroscopique. L'analyse des
spectres stellaires a pu ainsi determiner la presence dans l'atmosphere stellaire de
tous les elements stables connus sur Terre, depuis 1H jusqu'a 209Bi. L'abondance
exacte est dependante du modele d'atmosphere.
Magnitudes apparentes et
ux recu
Hipparque (au IIe siecle avant J.C.) classia les etoiles les unes par rapport aux
autres par leur eclat apparent. Ainsi, les etoiles les plus brillantes du ciel etaient
dites de \premiere grandeur", tandis que les suivantes, plus faibles, etaient dites de
\deuxieme", troisieme" grandeur etc... (jusqu'a six). Cette classication, eectuee
a l'oeil nu, a en fait suivi une echelle logarithmique, puisqu'elle correspondait a la
reponse logarithmique de l'oeil humain.
Lorsqu'au siecle dernier les astronomes ont voulu quantier les ux recus par les
etoiles, ils ont choisi un systeme de mesure des ux qui retrouve les observations des
\Anciens". Ce systeme est celui des magnitudes, ou la magnitude apparente d'une
etoile m
1, vue a une frequence , se compare celle d'une autre etoile m
2 de la
facon suivante
m
1 ; m
2 = ;2:5 log ff12
(2.1)
ou f est le ux monochromatique recu. Ainsi, la magnitude d'une etoile, dans une
bande de frequence donnee, se compare necessairement a une etoile de reference.
En fait, les observations s'eectuent dans des bandes de frequence donnees et
bien repertoriees (systeme photometrique UBV). Ces bandes plut^ot larges corres-
pondent a des ltres precis et sont reperees par des lettres de l'alphabet: on note
traditionnellement dans le domaine visible U (0:36m), B (0:43m), V (0:54m), R
(0:7m) et dans le proche infrarouge I (0:9m), J(1:25m), H (1:65m), K (2:2m),
L (3:6m), M (4:8m), N (10m). Une magnitude apparente visuelle s'ecrit mV ou
directement V .
2.1. QU'EST-CE QU'UNE ETOILE? 33
Le choix de la reference s'est porte sur les etoiles de type spectral A0 (voir plus
bas), de telle sorte que leur ux dans chaque bande photometrique corresponde a
une magnitude apparente nulle. Du fait de ce choix, le Soleil devient une etoile de
magnitude apparente visuelle mV
= ;26:74 1. On peut distinguer a l'oeil nu des
etoiles jusqu'a des magnitudes de +7, +26 avec le telescope spatial.
Magnitudes absolues et luminosite bolometrique
Les magnitudes apparentes sont une mesure du ux recu dans une bande de
frequence, mais ce que l'on cherche a estimer est le ux total (integre sur toutes
frequences) emis par l'etoile, an de remonter a sa luminosite bolometrique.
En l'absence d'extinction (absorption et diusion) du milieu interstellaire, l'in-
tensite specique est conservee et le ux monochromatique recu f est donc relie a
la luminosite monochromatique L par
f = 4Ld 2 (2.2)
ou d est la distance de l'etoile, qui doit donc ^etre connue. Mais le milieu interstel-
laire agit sur le rayonnement et modie ses caracteristiques. Par exemple, dans le cas
simple ou il n'y aurait que de l'absorption, I (d) = I (0)e; (d) ou (d) est l'epais-
seur optique le long du trajet lumineux. Le ux recu est donc diminue d'autant ce
qui, en termes de magnitudes, s'ecrit
m = ;2:5 log L + 5 log d + (2:5 log e) + Cte : (2.3)
D'une facon generale, on introduit un facteur d'extinction interstellaire A (en ma-
gnitudes) qui mesure l'absorption mais egalement la diusion, donc une redistribu-
tion en frequences. Ainsi, les grains de poussiere du milieu interstellaire absorbent
dans le visible mais reemettent dans l'infrarouge (eet dit de rougissement des
spectres), avec un AV ' 1 pour une distance de 1 kpc.
Le ux monochromatique emis par une etoile est alors mesure par la magnitude
absolue M , denie par
m ; M = 5 log dpc ; 5 + A
(2.4)
a savoir, la magnitude apparente qu'aurait l'etoile si elle se trouvait a une distance
de 10 pc, corrigee de l'extinction. Pour le soleil, elle vaut MV
= 4:83. Si l'on prend
le Soleil comme deuxieme etoile, les denitions (2.1) et (2.4) fournissent immediate-
ment
M ; M
= ;2:5 log LL
(2.5)
On note M o la magnitude absolue corrigee de l'extinction.
1. L'un des avantages des magnitudes est \l'oubli" des unites de
ux (J s;1 m;2 Hz;1 ).
34 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
L = 4R2Teff
4
(2.8)
pour un rayon R et une temperature de corps noir Teff . Connaissant le rayon et
la luminosite bolometrique, il est alors possible de determiner Teff . L'inconvenient
est que le rayon ne peut ^etre mesure que dans quelques cas et que, sans lui, il reste
une indetermination. Ainsi, des etoiles tres lumineuses et a grands rayons pourraient
avoir la m^eme temperature eective que des etoiles plus petites et moins lumineuses.
Un moyen photometrique d'obtenir la temperature eective d'une etoile consiste
en l'utilisation des indices de couleur. La fonction de Planck B (Teff ) possede une
valeur maximale en max = 2:9 10;3 =Teff m, ce qui signie que le ux est domine par
cette longueur d'onde. C'est ce qui permet de parler de la \couleur" d'un corps noir
(et par consequent d'une etoile). En principe, il surait de faire la dierence entre
deux magnitudes apparentes, obtenues pour deux frequences dierentes. Cette die-
rence est independante de la distance et il y aurait une seule courbe de Planck (une
seule temperature) qui passerait par ces deux points. Cette dierence est appelee
l'indice de couleur et le plus utilise est
(B ; V )o mB ; mV = MB ; MV + (AB ; AV ) (2.9)
2.1. QU'EST-CE QU'UNE ETOILE? 35
car l'extinction interstellaire varie peu du jaune au bleu (AV ' AB ). On note avec
un indice \o" lorsque les indices sont corriges de l'extinction.
Cette methode n'est cependant pas utilisee car les etoiles, selon leur phase d'evo-
lution, peuvent avoir un ecart a la loi du corps noir (ex, geantes rouges). Nous verrons
plus bas que les etoiles s'agencent en cinq classes de luminosites. L'usage est alors
de faire une sorte d'etalonnage entre l'indice de couleur B ; V observe et Teff pour
des etoiles de chaque classe pour lesquelles le rayon est egalement mesure (donc Teff
connu). L'hypothese (raisonnable) est ensuite qu'a l'interieur de chaque classe les
etoiles suivent la m^eme loi Teff = F (B ; V ).
Types spectraux et temperature e
ective
Le type spectral d'une etoile est determine par l'analyse du spectre de ses raies
(voir gure 2.1). En eet, les caracteristiques d'une raie en absorption (presence,
intensite et forme) fournissent des informations sur:
(1) les conditions physiques locales, telles que la temperature eective, la pres-
sion (gravite) et la luminosite!
(2) la composition chimique de l'atmosphere.
Cette analyse fournit donc un autre moyen d'obtenir la temperature eective
d'une etoile. Actuellement, il y a une bonne entente entre methodes spectroscopique
et photometrique (ce qui n'etait pas le cas auparavant...). La diculte de cette
methode reside dans le fait qu'elle necessite l'etude detaillee de l'ensemble du spectre
de raies.
Il y a ainsi 10 grands types spectraux 2
O B A F G K M (R N S)
correspondant a un classement par ordre decroissant de la temperature eective
stellaire 3. Par exemple, les etoile O sont bleues avec 25000 < Teff < 65000 K, les
etoile A sont blanches avec 7500 < Teff < 11000 K, les etoiles G sont jaunes avec
5300 < Teff < 6300 K, les etoiles M sont rouges avec 2400 < Teff < 3900 K. Les
etoiles de types R, N et S ne sont pas plus froides que celle de type M, mais possedent
des abondances particulieres en elements lourds.
Dix subdivisions supplementaires (notees de 0 a 9) furent introduites corres-
pondant a des temperatures intermediaires (et donc a l'observation de nouveaux
elements chimiques).
A m^eme temperature eective, un grand rayon correspond a une grande lu-
minosite. Or, plus le rayon d'une etoile est grand et plus sa gravite est faible
(g = GM=R2 ), ce qui diminue la pression atmospherique. Celle-ci diminuant, les
raies d'absorption sont moins elargies. Il y a donc une correlation directe entre la
largeur des raies spectrales d'une etoile et sa classe de luminosite. Par ailleurs, la
gravite peut aecter egalement le degre d'ionisation des elements chimiques et ainsi
modier les diagnostics spectraux sur la temperature eective. Par exemple, des
2. Une facon commode pour s'en rappeler: \Oh, be a ne girl/guy, kiss me! (Right now! Smack!)"
3. Historiquement, cela correspond a un classement des spectres du plus simple au plus compli-
que.
36 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
Fig. 2.1 { En haut: principaux types de spectres stellaires. Les bandes sombres cor-
respondent a des raies d'absorption, les brillantes a des raies d'emission. En bas:
forces de raies relatives utilisees pour determiner un type spectral.
2.1. QU'EST-CE QU'UNE ETOILE? 37
etoiles geantes de m^eme type spectral (m^emes degres d'ionisation et m^emes ele-
ments presents) que des etoiles naines peuvent cependant avoir une temperature
eective plus basse.
En pratique, la classication spectrale permet de remonter a la temperature
eective d'une etoile moyennant la connaissance de sa classe de luminosite. Le Soleil
est ainsi une etoile de type G2 V (les classes de luminosite sont notees I,II,...V).
Fig. 2.2 { Diagramme de Hertzsprung-Russel (HR) pour les etoiles situees dans
le voisinage du Soleil. Les lignes correspondent aux dierentes classes de lumino-
site. Situee sous la Sequence Principale se trouve la region des naines blanches. Ce
diagramme rassemble des informations photometriques (magnitude absolue M ) et
spectroscopiques (types spectraux).
2.1. QU'EST-CE QU'UNE ETOILE? 39
grande variation
0:08 < MM < 60
0:02 < RR < 800
5 10;3 < LL < 8 105
2000 K < Teff < 150000 K
Cette grande dispersion des proprietes stellaires se comprend dans une perspective
evolutive. Ainsi, la vie d'une etoile serait une succession de phases d'equilibre ou elle
consomme son combustible et de phases hors equilibre ou elle se contracte jusqu'a
trouver un nouveau combustible.
L'existence de masses limites se comprend aisement. Pour M < 0:08 M , l'etoile
n'est pas assez massive pour produire une temperature centrale susante pour de-
clencher des reactions thermonucleaires. De tels astres seront donc des Jupiter (dont
la masse est un millieme la masse du Soleil). Pour M > 60 M , l'etoile devient
rapidement tellement chaude que sa pression de radiation domine la gravite (limite
d'Eddington), emp^echant ainsi la formation d'une etoile plus massive.
Relations Masse-Luminosite, Masse-Rayon
A partir du diagramme HR, on peut voir qu'il existe une relation de proportio-
nalite entre ces diverses grandeurs pour les etoiles de la Sequence Principale (gures
2.3 et 2.4). Ces relations sont de la forme
L / M
R / M (2.10)
ou = 3:3 pour des etoiles de masse comprise entre 0.1 et 10 M et = 0:8 pour
M < 1:1 M , = 0:57 pour des etoiles plus massives. L'existence d'une relation
40 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
Fig. 2.5 { Paradigme actuel de la Galaxie. Notre galaxie, de type spirale, serait
constituee de trois composantes: un mince disque d'etoiles (Population I), de gaz et
de poussieres un bulbe central et un halo constitue de vieilles etoiles (dites de Popu-
lation II). Les amas globulaires se trouvent dans ce halo de forme quasi-spherique.
Leurs distances peuvent ^etre mesurees precisement gr^ace a une relation periode-
luminosite de certaines etoiles variables (RR Lyrae) qui s'y trouvent. Une valeur
typique de cette distance est 30000 annees lumieres.
42 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
d'etoiles existent et sont de deux sortes: les amas ouverts situes dans le disque ga-
lactique et constitues d'une centaine d'etoile, et les amas globulaires situes dans le
halo galactique et formes d'environ 105 etoiles (voir gure 2.5).
Le diagramme HR d'un amas est compact, ce qui montre que la dispersion depend
essentiellement d'un parametre, la masse. Mais ces diagrammes etant dierents d'un
amas a l'autre, cela signie que la masse n'est pas le seul facteur important.
En particulier, certains amas galactiques ont des supergeantes alors que d'autres
n'en ont pas. Ce fait trouve une explication dans la theorie de l'evolution stellaire,
ou ces etoiles sont dans une phase evoluee de leur vie. Ainsi, les calculs d'evolution
stellaire permettent de determiner l'^age de l'amas. Plus celui-ci est vieux et moins il
y aura d'etoiles brillantes bleues (et plus il y aura de naines blanches, stade nal de
l'evolution stellaire): le coude du diagramme HR se deplace vers les etoiles froides
(voir gure 2.8).
En suivant ce raisonnement, il apparait que les amas globulaires sont tous tres
vieux (gure 2.9). Cependant, l'analyse spectroscopique montre que les elements
chimiques plus lourds que H ou He y sont environ dix fois moins abondants que dans
les amas galactiques. La theorie de l'evolution stellaire ore egalement une reponse.
Les etoiles evoluent par consommation de leur combustible nucleaire, c'est a dire
qu'elles agissent comme des convertisseurs de matiere: a partir d'elements legers,
elles fabriquent des elements lourds qu'elles dispersent dans le milieu interstellaire.
Il sut donc d'imaginer un scenario ou les etoiles des amas globulaires se seraient
formees a partir de gaz interstellaire pauvre en elements lourds 5. Ceci est coherent
avec le grand ^age de ces amas: leurs etoiles formeraient les premieres generations,
tandis que celles des amas galactiques seraient de generations ulterieures.
On designe par population I les etoiles riches en elements lourds (etoiles du disque
galactique), par population II les etoiles pauvres en elements lourds (etoiles du halo).
Un fait reste inexplique: les etoiles de la population II correspondent a des etoiles
de faible masse.
5. Il faut egalement faire l'hypothese que la composition chimique de l'atmosphere d'une etoile
re
ete encore sa composition chimique initiale, autrement dit qu'il n'y a pas eu de grand brassage
de la matiere stellaire lors de son evolution. Cette hypothese est coherente avec celle d'une evolution
quasi-statique. Les etoiles de type spectral S font cependant exception.
2.1. QU'EST-CE QU'UNE ETOILE? 43
Fig. 2.6 { Amas ouvert (galactique) des Pleades (M45): situe a 0:38 103 annees-
lumieres (al), d'un a^ge estime a 100 millions d'annees et ayant une magnitude ab-
solue MV = 1:6 mag. Si 9 etoiles sont visibles a l'oeil nu, 500 sont en fait detectees.
Fig. 2.7 { Amas globulaire d'Hercules (M13): situe a une distance de 22:8 103
annees-lumieres (al), d'un a^ge estime a 24 milliards d'annees et ayant une ma-
gnitude absolue MV = 5:8 mag. On estime qu'il est constitue d'environ 105 etoiles.
44 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
Fig. 2.8 { Diagrammes HR de divers amas ouverts (galactiques). Les
eches in-
diquent des etoiles (Population I) situees a la m^eme position sur les deux dia-
grammes. L'existence d'etoiles plus chaudes (donc plus massives, donc plus jeunes)
dans l'amas de gauche montre que celui-ci est plus jeune que celui de droite. Ainsi,
la position de la n (ou coude) de la Sequence Principale permet de dater un amas.
2.1. QU'EST-CE QU'UNE ETOILE? 45
Fig. 2.11 { Nebuleuse de la Tride (M20) situee dans le Sagittaire, a une distance
de 5:2 103 al et d'une magnitude absolue MV = 9:0 mag. Nebuleuse en emission
et re
ection. L'etoile centrale, ADS 10991, est en fait un systeme triple dont la
composante la plus massive est une etoile de type O5. Les \cornes" que l'on observe
sont des jets de matiere issus de la region comprimee par la pression de radiation
(zone brillante): ils sont les traceurs d'etoiles en formation dans cette zone.
48 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
Fig. 2.12 { Nebuleuse de l'Aigle (M16), situee dans un amas ouvert dans la constel-
lation du Serpent, a 7 103 al et d'une magnitude absolue MV = 6:4 mag. Son a^ge
est estime a 5:5 106 ans. C'est une nebuleuse en emission (molecule H2 , due a de
la photoevaporation par l'UV emis par des etoiles de type spectral O6. En rouge:
emission du soure SII (S+ ), en vert hydrogene HII (H+ ) et en bleu oxygene OIII
(O2+ ).
50 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
Fig. 2.13 { Image d'une region du Taureau. Les contours designent les intensites
mesurees en radio de l'emission de la molecule CO. Ils montrent ainsi la concentra-
tion de matiere sous forme moleculaire. Les symboles designent de jeunes etoiles en
formation de faible masse (les T-Tauri). On remarque que toutes ces proto-etoiles
naissent au coeur m^eme des nuages.
Fig. 2.14 { Diagramme HR d'etoiles du type T-Tauri, observees dans les nuages
sombres du Taureau. Ces proto-etoiles sont systematiquement situees en haut (plus
lumineuses) et a droite (plus rouges) de la Sequence Principale. Les courbes designent
des trajets evolutifs, calcules en supposant une contraction quasi-statique de la proto-
etoile, en fonction de sa masse (en M ).
2.2. FORMATION STELLAIRE 51
Fig. 2.15 { Premieres images de disques circumstellaires vus par absorption (situes
devant une region HII) dans la nebuleuse d'Orion. La taille caracteristique de ces
disques est de quelques centaines d'unites astronomiques. Au centre, suivant l'incli-
naison du disque, on distingue la protoetoile (T-Tauri classique, qui donnera lieu a
une etoile de faible masse).
52 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
Fig. 2.16 { Images ( emission dans le domaine visible) de trois jets issus de jeunes
etoiles en formation (protoetoiles), encore enfouies dans leur cocon. Pour HH30,
on voit clairement le disque circumstellaire par la tranche. Pour HH47, la protoe-
toile est situee a gauche. Les vitesses caracteristiques de ces jets sont de l'ordre de
300 km/s. La production de tels jets met tres probablement en jeu l'existence d'un
champ magnetique a grande echelle, soit a partir du disque seul, soit a partir d'une
interaction magnetospherique entre le disque et la protoetoile.
Fig. 2.18 { Paradigme actuel de la formation des etoiles de faible masse (M <
3 M ). Les objets tres jeunes (classe 0) sont completement enfouis (ils ne sont
visibles que dans le domaine millimetrique et X) et donnent lieu a des jets optiques
et
ots moleculaires tres puissants. Les objets de classe I sont un peu moins enfouis
(visibles en IR et en X) et ont des jets moins puissants. Les objets de classe II
sont visibles dans tout le domaine electromagnetique et correspondent aux etoiles
T-Tauri dites classiques: ils ont encore des signatures d'ejection (raies) ainsi que
d'accretion (disque). Enn, les objets de classe III, les T-Tauri dites \nues" ou
de faible emission, ne possedent plus aucune indication detectable d'accretion ou
d'ejection.
54 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
protoetoile atteint tres rapidement la temperature susante pour initier les reactions
nucleaires. Le rayonnement stellaire ionise alors la matiere environnante (ce qui a
pour eet d'augmenter sa pression interne) et exerce une pression de radiation. Pour
se refroidir, le gaz ionise tend alors a se diluer, avec une vitesse atteignant 10 km s;1.
La cavite ainsi creee est connue sous le nom de region HII. Il faut noter que cette
pression peut contribuer a l'eondrement gravitationnel de coeurs denses voisins, ce
qui expliquerait la presence d'etoiles massives en associations.
Ces m^emes etoiles, pendant leur phase sur la Sequence Principale, emettent
d'intenses vents stellaires (v 2000 km s;1 et un ux de masse M_ 10;6 M yr;1).
Ces vents agissent comme un piston et forment des fronts de chocs qui compriment
et ionisent le milieu interstellaire (de densite typique n 108 m;3).
Enn, les plus massives de ces etoiles subissent une phase extr^emement violente,
ou elles ejectent presque la moitie de leur masse a des vitesses tres rapides (v
1 ; 6000 km s;1). Ce sont les supernovae, explosions fantastiques ou non seulement
une quantite enorme d'energie est liberee (E 1042 ; 1044 J), mais ou egalement
l'etoile enrichit le milieu interstellaire (de densite typique n 106 m;3) en elements
lourds. Le passage du front de choc dans un nuage peut egalement induire son
eondrement.
Les etoiles de faible masse mettent plus de temps a atteindre la temperature
d'ignition nucleaire et ont une luminosite bien plus faible. En consequence, la ma-
tiere en eondrement a le temps de s'organiser en un disque aplati, en rotation
quasi-keplerienne autour de la proto-etoile (T Tauri). La formation de ce disque
est due a l'existence d'un moment cinetique non nul du coeur dense. Lors de son
eondrement, la conservation du moment cinetique produit une force centrifuge qui
va compenser l'attraction gravitationnelle de la proto-etoile (barriere centrifuge).
Ces etoiles jeunes, munies de leurs disques, sont alors la source de jets puissants
(v ' 300 km s;1, pour un ux de masse M_ 10;8 ; 10;5 M yr;1) et collimates
(bipolaires). Ces jets deposent matiere et energie dans le milieu interstellaire, a des
distances de l'ordre du parsec de l'etoile.
d~
v = ;r
dt
~ P + f~ (2.15)
ou P est la pression du gaz et f~ est la somme des forces appliquees (en pratique,
forces gravitationnelle et magnetique). Le Viriel est obtenu en formant le produit
scalaire de cette equation avec le vecteur position ~r et en integrant sur tout le volume
2.2. FORMATION STELLAIRE 55
ou I est le moment d'inertie associe a la masse M et T est son energie cinetique
(noter que l'on a suppose dM=dt = 0).
Le terme de pression donne, en coordonnees spheriques
Z Z Z
~ ~
dV~r rP = V dV r P~r ; V dV P r ~ ~r
V Z Z
~
= P~r dA ; 3 PdV
V
ou , est la surface fermee englobant le volume V . Pour un gaz parfait non degenere
dP = ( ; 1)d , ou est l'energie interne volumique et l'indice adiabatique du
gaz. On peut donc ecrire 6
Z Z
~
dV~r rP ;3( ; 1)U + P~r dA ~
V
R
ou U = V dV est l'energie interne totale.
La densite de force gravitationnelle exercee par l'ensemble du volume vaut
Z
f~g (~r) = ;(~r) dV 0G(~r0 ) j(~r~r;;~r~r0j)3 :
0
(2.16)
V
L'integrale sur le volume du produit scalaire s'ecrit
Z Z Z (~r ; ~
r 0 ) ~r
~
dV~r fg = ;G dV dV (~r) (~r ) j~r ; ~r0j3 :
0 0
V V V
De part la nature de la force gravitationnelle, cette integrale doit donner le m^eme
resultat si on echange les primes. On peut alors faire l'astuce suivante
Z Z Z 0 ) ~r (~r0 ; ~r) ~r0 !
dV~r f~g = ; 2 G (~r ; ~
r
dV dV 0 (~r) (~r0) j~r ; ~r0j3 + j~r ; ~r0j3
V V V
Z Z
= ; G2 dV dV 0 (~r) (~r0) jj~~rr ; ~r0j2
; ~r0j3
V V
Z Z
= ; G2 V V (~r) (~r0) jd~rV;d~Vr0j
0
V
6. Ici, devient un indice moyen dans le volume.
56 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
ou V est donc l'energie gravitationnelle contenue dans le volume V . Le facteur 1=2
qui est apparu decrit le fait que les deux couples f(~r~r0) (~r0~r)g mettent en jeu la
m^eme energie d'interaction gravitationnelle.
Le champ magnetique est present dans les nuages moleculaires et possede une
energie comparable a l'energie interne. Si la matiere est susamment ionisee (ou bien
si le couplage ions-neutres est susant), le champ va donc exercer une inuence sur
la matiere, qui va se traduire par une modication des bilans energetiques. La prise
en compte du champ magnetique, par la magnetohydrodynamique, n'est pas chose
aisee. La description la plus simple consiste a faire l'hypothese de l'ecoulement a un
uide 7. Dans ce contexte, la contribution du champ vaut
Z Z 2 3
~
B B 2
dV~r f~m Wm + dA ~ 4(B~ ~r) ; ~r5
o 2o
V
ou Z
Wm = d V B2
V 2 o
est l'energie magnetique totale contenue dans le volume V .
En regoupant l'ensemble de ces resultats on obtient l'expression uide du theo-
reme du Viriel pour un systeme autogravitant, magnetise, isole 8 et occupant un
volume donne,
Z 2 ! 3
~
2T + 3( ; 1)U + V + Wm = 12 ddtI2 ; dA ~ 4(B~ ~r) B ; P + B ~r5 : (2.17)
2 2
o 2o
Le Viriel relie donc les energies cinetique T , interne U , gravitationnelle V et magne-
tique Wm de ce systeme aux variations temporelles de son moment d'inertie I et aux
conditions aux limites s'exercant sur sa surface ,. Lorsque le champ magnetique est
negligeable, le Viriel s'ecrit plus simplement
R ~
2T + 3( ; 1)U + V = 12 ddt22I + dA P~r
(2.18)
Si on prend le cas simple d'une etoile en regime stationnaire et pour laquelle on
neglige le champ magnetique 9 et la pression externe, le Viriel nous donne la valeur
de l'energie interne emmagasinee
U = ; 12 V (2.19)
7. autant de neutres que d'ions, la vitesse du
uide etant la moyenne des deux vitesses ponderee
par la masse.
8. puisqu'on n'a pas tenu compte de forces d'interaction supplementaires.
9. Cette hypothese est justiee observationnellement mais pose du coup un grave probleme:
comment la matiere interstellaire en eondrement a-t-elle pu se debarrasser de son champ magne-
tique?
2.2. FORMATION STELLAIRE 57
ou l'on a pris = 5=3 (atomes) comme indice adiabatique moyen. Le calcul de V
necessite la connaissance de la repartition de la masse dans l'etoile. Par ailleurs, cette
expression n'est valable que pour les etoiles qui tournent lentement (T negligeable
devant V ).
devrait se conserver lors d'une eventuelle contraction du nuage. Mais dans le milieu
interstellaire, le couplage ions-neutres n'est pas parfait et les neutres peuvent diuser
a travers le champ (par un processus appele diusion ambipolaire). Les consequences
de cette diusion sont de taille: un nuage initialement sous-critique peut perdre du
ux magnetique (il diuse hors du nuage) et devenir ainsi super-critique. L'eon-
drement serait dans ce cas spontane, mais il faut du temps pour que cette diusion
se produise.
Un calcul d'instabilite: le crit ere de Jeans
L'approche du Viriel est une approche energetique de l'eondrement. Ici, on
va avoir une approche basee sur un calcul d'instabilite. Les equations du nuage
(autogravitant, sans rotation ni champ magnetique) sont les suivantes
@ + r~ ~v = 0
@t
d~
v = ;r
dt
~ P ; r ~$
4$ = 4G
La methode consiste a supposer connue une solution d'equilibre (indexee par 0),
puis a faire une perturbation
= 0 + 1
P = P0 + P1
~v = ~v0 + ~v1
$ = $0 + $1
Ensuite, on ne considere que les termes d'ordre un (l'ordre zero est l'equilibre) et on
obtient le systeme linearise suivant
@1 + r
~ 0~v1 + r~ 1~v0 = 0
@t
@~v1 + (~v r
0 ~ )~v1 + (~v1 r
~ )~v0 = ;r ~ $1 ; (r
~ P1 ; (1=0)r
~ P0)=0
@t
4$1 = 4G1
Le modele de Jeans fut obtenu (en 1902) pour les conditions d'equilibre suivantes 10
~v0 = ~0
0 = Constante
P0 = 0Cs2 = Constante
Apres simplication du systeme linearise, on obtient l'equation pour 1
41 ; C12 @@t21 + 4G
2 0
C 2 1 = 0 (2.24)
s s
10. Cet equilibre est trivial (il implique 0 = 0) et ne constitue donc pas un cas interessant. Il
permet cependant d'illustrer de facon simple un calcul d'instabilite.
60 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
qui est une equation d'ondes. Il y a donc des solutions de la forme ei(~k~r;!t), qui
doivent obeir a l'equation de dispersion du systeme
!2 = k2Cs2 ; 4G0 : (2.25)
Cette equation regit les modes de perturbations stables et instables. Pour !2 >
0, les perturbations sont des ondes qui varient periodiquement avec le temps et
dont l'amplitude reste faible. Par contre, les perturbations avec !2 < 0 voient leur
amplitude croitre exponentiellement avec le temps. On obtient ainsi le nombre d'onde
critique kJ en-deca duquel le nuage est instable. A ce nombre d'onde est associe la
longueur d'onde 2 !1=2
LJ = k = C
2
G
s (2.26)
J 0
dite longueur de Jeans. Tout nuage de taille R > LJ est donc gravitationnellement
instable. On peut remarquer que cette expression donne sensiblement le m^eme re-
sultat que par le Viriel (a des facteurs de l'ordre de l'unite pres). La dierence
essentielle est qu'ici, nous avons un reel calcul d'instabilite, tandis qu'avec le Viriel
nous n'avions qu'un argument de plausibilite. On peut reexprimer cette longueur en
une masse, appelee la masse de Jeans
nH
T 3=2
;1=2
MJ = 43 L3J ' 105 100 K 106 m; 3 M
(2.27)
Seuls les nuages de masse superieure a la masse de Jeans sont instables et peuvent
s'eondrer gravitationnellement sous l'eet de la moindre perturbation. Observa-
tionnellement, il est possible d'evaluer la masse d'un nuage (souvent a partir de
son rayonnement) ainsi que la masse de Jeans. S'il apparait que le nuage est super-
critique (M > MJ ) mais qu'aucun eondrement n'est observe, on en conclu qu'il
existe un support supplementaire contre l'eondrement, non pris en compte dans le
calcul. Ce support est generalement fourni par un champ magnetique.
Calcul d'un e
ondrement: la sph ere isotherme
L'equation de dispersion (2.25) montre que le temps caracteristique de l'instabi-
lite c 2!;1 vaut
c (G0 );1=2 (2.28)
c'est a dire que la contraction du nuage s'eectue avec le temps de chute libre.
Pour une coeur dense de densite n 106 m;3, ce temps serait de l'ordre de 108
annees. Mais lors de la contraction, la densite augmente ce qui accelere d'autant
plus la contraction (c diminue). Cela signie egalement que les regions centrales
des nuages s'eondrent plus vite que les regions externes (en l'absence d'un piston
exterieur).
Pourquoi un eondrement isotherme? Le nuage sera considere isotherme s'il a le
temps de se thermaliser lors de l'eondrement, autrement dit si le temps caracteris-
tique d'ajustement thermique est plus court que celui de la contraction. Si ce n'est
2.2. FORMATION STELLAIRE 61
et ce n'est plus une chute libre. L'eondrement s'arr^ete donc et ceci se produit dans
les regions les plus centrales. On obtient donc trois situations dierentes:
(1) coeur central auto-gravitant de masse M (proto-etoile) en contraction
(equilibre quasi-hydrostatique) mais accretant de la masse de son environnement!
(2) enveloppe en e
ondrement avec une vitesse de chute libre (auto-gravite
negligee devant celle du coeur central)!
(3) zone exterieure quasi-statique.
Soit M_ = 4r2v le taux d'accretion de matiere sur le coeur central. Si tacc '
M=M_ >> tchute , alors on peut considerer que ce taux d'accetion reste constant au
cours du temps et que la vitesse de chute libre vaut v ' (2GM=r)1=2 . Dans ce cas,
on obtient une enveloppe avec une stratication en densite de la forme
_
= 4(GMM)1=2r3=2 / r;3=2
Dans la region quasi-statique, l'equilibre entre l'auto-gravite et la pression s'ecrit
Cs2 d = ; d$
dr! dr
d r2 d$ = 4r2G
dr dr
systeme d'equations qui possede comme solution particuliere celle dite de la sphere
singuliere
Cs2 / r;2 :
= 2Gr 2
Les observations millimetriques recentes de condensations protostellaires montrent
que ce type de stratication simple semble ^etre eectivement grossierement suivi. La
cause de deviations a ces comportements reside dans les eets thermiques (chauage
et refroidissement de la matiere) et dynamiques (rotation, champ magnetique) non
pris en compte dans ce modele simple.
Formation spontanee (isolee) vs. formation induite (groupee)
Les mecanismes qui amenent a l'eondrement d'un nuage sont encore mal com-
pris et deux processus semblent a l'oeuvre.
Par exemple, le nuage du Taureau, vaste nuage moleculaire de masse d'environ
10 M, est le lieu de formation d'une centaine d'etoiles (densite surfacique de
4
0:3 etoiles/pc2). Ces jeunes etoiles sont plut^ot isolees et se trouvent enfouies dans
des coeurs denses de quelques M , chaque coeur abritant de une a quelques etoiles.
Par contre, le complexe moleculaire -Ophiuchus, d'une m^eme masse totale de
104 M , contient lui des coeurs denses bien plus gros que dans le Taureau, de l'ordre
de 600 M. On observe dans ces coeurs denses egalement une centaine d'etoiles
jeunes, ce qui correspond a une densite surfacique de 50 etoiles/pc2. Ainsi, il apparait
que les etoiles de ce nuage se forment en associations et que ce mode de formation
groupee ait une ecacite superieure.
2.2. FORMATION STELLAIRE 63
L'une des explications possible serait que chaque mode corresponde a un pro-
cessus d'eondrement dierent: soit contr^ole par l'auto-gravite seule (eondrement
spontane pour les regions moins denses, donnant lieu a des etoiles isolees), soit in-
duit par une compression exterieure (eondrement induit par la presence d'etoiles
proches, donnant lieu a des etoiles en associations).
Quelques dicultes...
Environ 50% des etoiles appartiennent a des systemes multiples (binaires, quelques
fois en systemes triples, tres rarement quadruples). Cela signie que dans le proces-
sus d'eondrement quelque chose va determiner si le nuage va se fragmenter en
plusieurs etoiles peu massives ou bien former une seule etoile tres massive. Il est
certain que la rotation initiale du nuage joue un r^ole crucial dans la fragmentation.
Mais ce r^ole est encore mal compris et requiert de gros calculs numeriques.
Mais le contraste en densite est tel, d'un coeur moleculaire a une etoile, qu'on ne
peut pas suivre les calculs numeriques d'eondrement jusqu'a la formation du coeur
protostellaire. Par ailleurs, l'inence du champ magnetique de ces nuages n'est pas
encore correctement prise en compte. C'est ce qui explique notre meconnaissance
actuelle des parametres stellaires initiaux (masse, rayon, vitesse de rotation, champ
magnetique).
Enn, il n'y a pas de theorie a l'heure actuelle qui decrive de facon satisfai-
sante l'evolution pre-Sequence Principale. Ainsi, les jeunes etoiles du type T-Tauri
continuent a accreter de la masse par l'intermediaire d'un disque de matiere circum-
stellaire tout en se contractant. Cet apport de masse (et de moment cinetique) peut
profondement bouleverser les calculs de structure stellaire actuels, ou l'on suppose
qu'une etoile evolue dans le vide.
64 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
V = ; R0M dm Gm
r
(2.41)
puisque m(r) est la masse contenue dans une sphere de rayon r. En utilisant l'equi-
libre hydrostatique (2.31) et les conditions aux limites m=r(0) = 0, $(R) = 0, on
obtient en integrant par parties
GM 2 1Z M
V = ; 2R + 2 $dm
0
GM 2 1 ZMP
= ; 2R ; 2 ; 1 0 dm (2.42)
Or, pour un polytrope on a egalement l'egalite
ZM @P dm
V = 0 4r3 @m
ZMP
= ;3 dm (2.43)
0
En injectant cette expression dans la precedente on obtient alors l'energie gravita-
tionnelle d'un polytrope en equilibre hydrostatique
; ; 1 GM 2
V = ;3 5; (2.44)
;6 R
2.3.3 Quels sont les etats de la matiere stellaire?
La composition chimique
La matiere stellaire est formee d'un ensemble d'elements chimiques dont la com-
position exacte a une enorme inuence sur la structure interne de l'etoile et son
evolution temporelle. En eet, la composition chimique intervient dans le transport
radiatif de l'energie (a travers l'opacite et la conduction thermique par ex.) mais
egalement dans la production elle-m^eme de l'energie (a travers les taux de reactions
nucleaires).
Soit un element chimique i, son abondance dans la composition chimique de la
matiere stellaire est decrite par le rapport
Xi = mini = i (2.45)
ou est la densite stellaire (PNi Xi = 1 pour N elements dierents en presence).
Traditionnellement, on note
X XH
Y XHe
Z 1;X ;Y
70 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
Fig. 2.19 { Energie de liaison en MeV par nucleon B=A en fonction du nombre
A de nucleons. Cette courbe indique directement les noyaux stables, c'est a dire
necessitant un apport d'energie pour ^etre detruits. Le Beryllium (A = 8) est stable
ainsi que tous les elements au-dela du Fer (A = 56).
rapport et il se trouve qu'il varie assez peu avec A (en moyenne de l'ordre de 8
Mev/nucleon). Ceci est d^u a la courte portee de l'interaction nucleaire forte, res-
ponsable de la cohesion du noyau (tout se passe comme si un nucleon n'interagissait
qu'avec ses voisins proches).
Une consequence importante de ceci se voit en termes de quantite d'energie Q
degagee lors d'une reaction nucleaire. Prenons la reaction suivante,
X1 + X2 ! X3 + X4 : (2.55)
La conservation de l'energie se traduit par
E = (Mnoy (1) + Mnoy (2)]c2 + T1 + T2 = (Mnoy (3) + Mnoy (4)]c2 + T3 + T4 (2.56)
ou Ti est l'energie cinetique du noyau i dans le referentiel d'observation. On pose
alors
Q = (Mnoy (1) + Mnoy (2) ; Mnoy (3) ; Mnoy (4)]c2 (2.57)
grandeur independante du referentiel. La conservation du nombre de nucleons impose
alors
Q = BN (3) + BN (4) ; BN (1) ; BN (2) : (2.58)
On peut donc denir trois types de reactions:
{ Q = 0 reactions elastiques: en general, ce sont des diusions elastiques d'ele-
ments ne modiant pas leur structure interne!
{ Q < 0 reactions endothermiques: il faut fournir une energie seuil (egale a Q
dans le referentiel du centre de masse) pour que cette reaction puisse eecti-
vement se produire. Elle ne sera donc pas spontanee!
{ Q > 0 reactions exothermiques: se produisant spontanement des que certaines
conditions sont reunies et degageant de l'energie.
La gure 2.19 montre la courbe experimentale B=A en fonction de A. Celle-ci est
croissante jusqu'a A = 7 (Lithium), possede un decrochement en A = 8 (Beryllium),
puis croit a nouveau jusqu'a A = 56 (Fer). Au dela du Fer, cette courbe decroit avec
A. Cela signie que la fusion de deux elements legers (sauf pour A = 8, voir plus
bas) ne posera pas de probleme jusqu'au Fer puisqu'on aura bien des reactions
exothermiques (Q > 0). Par contre, il sera impossible de synthetiser des elements
plus lourds par des reactions a l'equilibre statistique.
De l'Hydrog ene a l'Helium: la chaine proton-proton (pp)
La chaine de reactions les plus probables qui permettent de former un atome
d'Helium-4 a partir de quatre atomes d'Hydrogene est la suivante (gure 2.20):
1 H + 1 H ! 2 H + 0e' + 0
1 1 1 1 0
2H + 1 H ! 3 He + 0
1 1 2 0
3 He + 3He ! 4 He + 1H + 1 H
2 2 2 1 1
74 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
La presence du neutrino 00 dans la premiere de ces reactions montre qu'elle s'eectue
en partie gr^ace a la force nucleaire faible. C'est ce qui explique que ce type de reaction
s'eectue avec une faible probabilite (la force faible etant de courte portee, la section
ecace de la reaction est petite). Non seulement la barriere Coulombienne doit ^etre
vaincue, mais il faut que la force faible agisse pendant le court instant ou elle l'est
(lors de la collision entre deux atomes d'hydrogene).
Enn, les neutrinos interagissant peu avec la matiere, quittent les etoiles en
emportant de l'energie. Le ux de neutrinos constitue donc une perte de puissance
pour l'etoile et une mine de renseignements sur les interieurs stellaires.
La chaine pp est le moyen utilise par les etoiles de faible masse (M < 2 ; 3 M,
type spectral F, G, K, M) pour br^uler leur combustible (Tc < 1:5 107 K). Elle libere
26.731 Mev, c'est a dire
&EH = 6:35 1014 J kg;1 (2.59)
mais les neutrinos emportent de 2 a 30% de cette energie. Cette reaction est tres
exothermique car la particule (atome d'Helium) est tres stable.
De l'Hydrog ene a l'Helium: le cyle Carbone-Azote-Oxyg ene (CNO)
Ce cycle, decouvert par Bethe et von Weizs.acker, synthetise egalement de l'Helium-
4 a partir d'Hydrogene mais utilise des elements plus lourds comme catalyseurs
(gure 2.21):
12 C + 1 H ! 13 N + 0
6 1 7 0
13N ! 13 C + 0 e' + 0
7 6 1 0
13 C + 1 H ! 14 N + 0
6 1 7 0
14N + 1 H ! 15 O + 0
7 1 8 0
15 O ! 15 N + 0e' + 0
8 7 1 0
15 N + 1H ! 12C +4 He
7 1 6 2
Les deux reactions impliquant la radioactivite beta s'eectuent aussi gr^ace a la force
faible. Ici, cela ne ralenti pas le taux de reaction du cycle car il ne faut pas vaincre
de barriere Coulombienne.
2.3. STRUCTURE STELLAIRE 75
L'energie liberee est de 7.275 Mev par atome de Carbone-12, c'est a dire
&EHe = 2:4 1014 J kg;1 (2.60)
une liberation d'energie par unite de masse environ 10 fois moindre que lors du cycle
CNO.
Mais le Carbone-12 ainsi produit va egalement reagir avec son environnement,
12C + 4He ! 16 O + 0
6 2 8 0
16 O + 4 He ! 20Ne + 0
8 2 10 0
et donc former un coeur compose d'un melange de 12C et 16O, plus quelques autres
elements plus massifs (rarement au dela du 20Ne).
Au del a du Carbone
Une fois le Carbone-12 synthetise, le processus de formation des autres elements
chimique est clair. Il necessite seulement une temperature centrale de plus en plus
forte, an de vaincre une barriere Coulombienne de plus en plus elevee. Ainsi, le
Carbone-12 est lui-m^eme br^ule pour Tc 5 ; 8 108 K, correspondant aux reactions
suivantes
12 C + 12C
6 6 ! 24Mg +
12
0
0
! 23Mg +
12
1n
0
! 23Na +
11
1p
1
! 20Mg +
10
4He
2
ou les neutrons et protons produits interagissent eux-m^emes avec les elements am-
biants.
Le br^ulage de l'Oxygene necessite Tc ' 1:5 109 K et forme
16 O + 16O
8 8 ! 32 S + 0
16 0
! 31 P + 1 p
15 1
! 31 S + 1 n
16 0
! 28 Si + 4He
14 2
! 24 Mg + 4 He + 4 He
12 2 2
ainsi de suite, jusqu'au 56Fe (a partir d'un coeur chaud compose de Silicium-28).
Au-dela du fer, les elements ne sont plus stables car ils deviennent trop \gros"
et la force nucleaire forte ne peut plus maintenir leur cohesion contre la repulsion
electromagnetique. Les elements plus lourds ne peuvent donc pas ^etre formes dans
les etoiles par des reactions a l'equilibre. Mais leur presence dans l'Univers prouve
qu'ils ont bien ete formes et ceci, a une epoque plus recente que leur duree de vie.
Alors?
2.3. STRUCTURE STELLAIRE 77
son environnement, l'equation d'energie du uide est remplacee par une condition
d'adiabaticite. Pour un gaz parfait, par exemple, cette condition s'ecrit
!
d
Pi = Ki c'est a dire radia d ln P
ln T = ;
1 (2.70)
adia
Pour un gaz plus general, cette condition met en jeu sa composition chimique ainsi
que le degre d'ionisation de chaque composant. Puisque la particule reste a l'equilibre
de pression avec son environnement et qu'elle-m^eme ne subie pas de variation de
composition chimique, la condition d'instabilite (2.68) devient
! ! !
d ln T ; d ln T ; ' d ln < 0 : (2.71)
dr dr i dr
En multipliant cette inegalite par ;dr=d ln P > 0 (echelle caracteristique de pres-
sion), on obtient ! ! !
d ln T > d ln T + ' d ln (2.72)
d ln P d ln P d ln P
i
c'est a dire, en introduisant les notations habituelles en structure stellaire,
r > radia + ' r : (2.73)
le critere de Ledoux. En l'absence de modication chimique (r = 0), cette condition
d'instabilite se resume au celebrissime critere de Schwarzschild
r > radia
(2.74)
Des que le gradient local de temperature devient superieur au gradient adiabatique,
le transport convectif se met en place.
Le seuil d'instabilite convective etant connu, reste a comprendre comment va s'ef-
fectuer le transport d'energie. Grossierement, des mouvements de matiere a grande
echelle (cellules de convection) vont se mettre en place, permettant ainsi un bras-
sage de la matiere centrale chaude avec la matiere supercielle plus froide. Ces
mouvements sont globaux, c'est a dire qu'ils dependent des conditions aux limites
et non pas de la physique locale (bien que le seuil d'instabilite soit local). On voit
donc toute la diculte de decrire, par un vecteur ux F~conv local, un phenomene
de transport global. Par ailleurs la forme des cellules de convection depend de la
rotation et egalement du champ magnetique, deux eets non pris en compte dans
la structure interne stellaire.
A ce stade, il y a deux possibilites de modelisation. L'eet de la convection
s'arr^etant des que le gradient devient adiabatique, on peut simplement dire que
la convection maintient le gradient au niveau adiabatique. L'equation d'energie est
alors remplacee par la condition d'adiabaticite dans la region convective.
80 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
Une facon plus precise consiste a utiliser le modele dit de la longueur de melange.
Le ux convectif est alors decrit par
F~conv = cP (&T )~vconv (2.75)
ou cP est la chaleur specique a pression constante, ~vconv est une vitesse caracteris-
tique des particules convectives et &T = T 0 ; T est la dierence de temperature
entre ces particules (T 0) et le milieu ambiant (T ). Cette dierence de temperature
est reliee au gradient local par
0 dT
&T = -( dTdr ; dr ) (2.76)
ou l'on a introduit la longueur de melange -. Cette longueur est une distance ca-
racteristique au bout de laquelle un element de matiere chaude ascendant (pousse
par la force d'Archimede) se dissout dans l'environnement ambiant. Comme cette
longueur doit ^etre reliee a l'echelle de variation de la pression H , il fut adopte la
prescription suivante
- = H ou H P=jrP j (2.77)
avec un nombre compris typiquement entre 1 et 2 pour les interieurs stellaires (an
d'obtenir des calculs d'evolution solaire comparables aux observations actuelles du
Soleil). Des considerations energetiques et thermodynamiques (relativement) simples
permettent ensuite de connaitre F~conv en fonction des conditions locales (ux d'ener-
gie qui doit ^etre evacuee L(r) et F~rad). Dans ce type de traitement, les globules de
matiere convective ne produisent pas eux-m^emes d'energie mais se contentent de la
transporter ailleurs.
Fig. 2.23 { Vision schematique de l'evolution d'une etoile de faible masse et trajet
dans un diagramme HR theorique. Apres une phase spectaculaire de nebuleuse pla-
netaire, le coeur degenere d'une telle etoile va lentement se refroidir sous la forme
d'un objet compact peu massif, une naine blanche.
2.4. EVOLUTION STELLAIRE 85
duite. On obtient alors une etoile au coeur d'He stable, entouree d'une enveloppe
d'H (deux sources d'energie).
Sur le diagramme HR, l'etoile migre vers le bas a gauche (Teff plus grand, L plus
petit): c'est la branche horizontale. Les trajets exacts dependent fortement de la
perte de masse pendant la phase precedente de geante. Cette phase de combustion
calme de l'Helium dure environ 107 ans pour une etoile de masse M = 1:3 M : c'est
l'analogue de la sequence principale, mais pour l'Helium.
Fig. 2.24 { Nebuleuse planetaire du Dragon (NGC 6543) ou \l'oeil du chat", situee
a 3:6 103 al, d'une magnitude absolue MV = 8:1 mag et d'un ^age estime a 103
ans. En rouge, la raie H (HI), bleu OI, vert NII. Les proprietes de cette nebuleuse
pourraient s'expliquer par l'existence d'un systeme double (imposant une precession
au vent vu en HI). L'emission en NII pourrait provenir d'un choc entre ce vent et
un jet a grande vitesse issu du compagnon...
Fig. 2.25 { Nebuleuse planetaire MyCn18, situee a 8 kpc. En rouge, Azote ionise
(NII), en vert l'Hydrogene et en bleu Oxygene (OIII). Dans cette nebuleuse, l'etoile
n'est pas au centre de l'ejection! La forme bipolaire de l'ejection (et non spherique)
peut s'expliquer par une densite plus elevee a l'equateur qu'aux p^oles.
88 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
subitement tres petit apres la perte de son enveloppe) decrit donc une courbe descen-
dante dans le diagramme HR et vient \nir ses jours" dans le cimetierre des naines
blanches, petits astres peu lumineux. Ce trajet, une fois l'enveloppe disparue, prend
environ 104 ans.
La Sequence Principale
L'etoile, de type spectral O, B ou A, br^ule son Hydrogene par le cycle CNO.
Elle possede un coeur convectif et une enveloppe radiative. Elle quitte la SP des que
l'Hydrogene est epuise au coeur, ce qui se produit au bout de 6 107 ans pour une
etoile de 5 M (gure 2.26).
Fig. 2.28 { Image des debris de l'explosion resultant de la Supernova 1987A, ayant
eu lieu dans le Grand Nuage de Magellan, situe a 167 kpc. Les anneaux en rouge
(Azote NII) seraient les restes d'une nebuleuse planetaire, tandis qu'on observe des
ejecta envoyes dans des directions opposees. Leur vitesse est de l'ordre de 3000 km/s.
du coeur est transforme en Fer, l'etoile perd son support contre sa propre gravite et
le coeur commence a se contracter. L'enveloppe de l'etoile, privee du rayonnement
intense des regions centrales, entreprend elle aussi de s'eondrer sur elle-m^eme.
En se contractant, le coeur se rechaue (Tc > 5 109 K) et le champ de rayonne-
ment devient susamment dur pour photodissocier les noyaux massifs de Fer. Ces
reactions sont endothermiques et privent le milieu de son energie. Par ailleurs, la
production intense de neutrinos contribue egalement a la perte d'energie du coeur,
ce qui accelere l'eondrement gravitationnel.
Ce qui arrive exactement a l'enveloppe est encore mal compris. Les modeles
actuels (bases sur la theorie des couches successives 15) prevoient la chute de l'en-
veloppe sur le noyau dense de Fer. Le choc qui en resulterait serait responsable de
la gigantesque deagration qui expulse violemment toute l'enveloppe et la disperse
dans le milieu interstellaire: c'est une supernova de type II 16 (gure 2.28).
Les reactions nucleaires dominantes sont alors celles de capture radiative de
neutrons
n + AZX ! AZ+1Y + : (2.79)
Or, cette capture repetee de neutrons produit des isotopes excedentaires en neutrons,
donc instables vis-a-vis de la desintegration ;:
A+1 X
Z ! A+1 Y
Z +1 (2.80)
Si le ux de neutrons est susamment important pour que le noyau forme ait le
temps de capturer un nouveau neutron avant de se desintegrer, on a aaire a un
processus r (rapide). Si ce n'est pas le cas, c'est un processus s (slow=lent).
Le processus s peut se produire lors de la combustion de l'Helium, mais dans des
etoiles ayant deja des elements lourds allant jusqu'au Fer. Par contre, le processus
r necessite des ux enormes de neutrons ( 1023 par seconde) et ne peut se realiser
que dans des phases explosives. Ainsi, les supernovae permettent eectivement la
nucleosynthese des elements plus lourds que le Fer (Or, Uranium etc...).
Seules les etoiles massives de la population I (etoiles riches en elements lourds)
donnent lieu a des supernovae de type II. La frequence de ces evenements specta-
culaires est de l'ordre de 0.02 par an et par galaxie (ie, de l'ordre d'une vingtaine
de SNII par an). L'energie moyenne fournie au milieu interstellaire est de l'ordre de
1042 J et il faut attendre pres de 70 jours en moyenne pour voir une decroissance de
leur luminosite de 3 magnitudes.
Les exemples les plus celebres de SNII sont celui du Crabe (dans le Taureau)
qui fut observee en 1054 par les \astronomes" chinois et SN87A (dans le Grand
Nuage de Magellan), observee le 24 fevrier 1987. Le progeniteur de SN87A etait une
supergeante bleue (R 40 R, L 105 L, M 15 ; 20 M).
Lors d'une supernova, la matiere stellaire riche en elements lourds se disperse
dans le milieu interstellaire. Apres quelques dizaines de milliers d'annees, elle sera a
15. couches tres probablement mises a mal par la convection.
16. Les supernovae sont classiees spectroscopiquement par Type I et II, selon l'absence ou la
presence de l'Hydrogene dans leur spectre. Nous verrons au chapitre 4 ce que sont les supernovae
de Type I.
2.4. EVOLUTION STELLAIRE 93
nouveau incorporee a la matiere d'une jeune etoile qui, si elle est peu massive, verra
se former autour d'elle un cortege de planetes, elles-m^emes enrichies de ces elements
lourds (comme le Carbone, si necessaire a la vie sur Terre).
Residus d'etoiles massives: E toiles a Neutrons et Trous Noirs
Au cours de ce cataclysme stellaire, le coeur, toujours en contraction, n'est pas
detruit.
Si celui-ci est peu massif (1:44 M < Mc < 2 ; 3 M) l'augmentation de la
densite va provoquer une neutronisation du milieu. Cette ultime transformation va
fournir un support susant contre la gravite et l'avenement d'un nouvel astre: une
etoile a neutrons.
Si le coeur est susamment massif (Mc > 2 ; 3 M), m^eme la pression fournie
par les neutrons est insusante a arr^eter l'eondrement. Celui-ci se poursuit donc
jusqu'a ce que la densite locale soit trop grande et modie profondement la structure
de l'espace-temps: c'est la formation d'un trou noir stellaire.
A l'heure actuelle, il n'existe pas de simulations numeriques permettant de decrire
la genese d'un trou noir a partir d'un eondrement. Quelques groupes de recherche,
en particulier aux USA et en Allemagne, developpent de gros moyens numeriques
dans ce sens.
94 CHAPITRE 2. L'IMPERMANENCE DES ETOILES
95
Chapitre 3
Les Objets Compacts
Ordres de grandeur (masses, rayons)
Condition de degenerescence (transition classique, quantique)
Calcul de la masse de Chandrasekhar (naines blanches et etoiles a neutrons)
Pulsars: ordres de grandeur, culture generale
Trous noirs: rayon de Schwarzschild, observations
Disques d'accretion
Nous avons vu au chapitre precedent que les objets compacts sont les residus
stellaires, les resultats de l'ultime transformation des etoiles. Les modeles actuels
d'evolution stellaire fournissent les predictions suivantes:
Autrement dit, seules les etoiles initialement tres massives peuvent donner lieu a
un trou noir. Les etoiles de faible masse (M < 2 M ) et de masse intermediaire
(2 M < M < 8 M) nissent leurs jours sous forme d'une naine blanche.
La compacite d'un objet est la qualite de celui-ci a creer un champ gravita-
tionnel intense tout en occupant une petite region de l'espace. La facon precise de
mesurer cette compacite est de calculer le rapport M=R, autrement dit le potentiel
gravitationnel. Dans le tableau ci-dessous (issu de Shapiro & Teukolski) se trouvent
quelques donnees caracteristiques des objets compacts, a comparer aux valeurs so-
laires.
Objet Masse Rayon Densite moyenne Potentiel normalise
(M) (R) (kg m;3) GM=Rc2
Soleil M R 10 3 10;6
Naine blanche < 1:45 M
;
10 R
2 < 10 10 10;4
les observations de tels astres compacts que l'on peut etudier l'etat de la matiere dans
des conditions impossibles a realiser en laboratoire. Par exemple, les observations
d'Adams, en montrant un decalage gravitationnel des raies spectrales, fournirent le
premier test de la relativite generale.
ce qui fournit le volume occupe par un electron dans l'espace des phases
(&pe&xe)3 34M R3 m 12m GM m 3=2
e u e
7R! u ! !
e 3=2 M 1=2 R 3=2
200 h 2 12=7
3
M R (3.6)
ou h est la constante de Planck. On voit immediatement que pour des rayons de
l'ordre de R 3 10;2 R, ce volume devient plus petit que h3, ce qui signie que
des eets quantiques doivent intervenir. Les electrons etant des fermions, c'est le
principe d'exclusion de Pauli qui devient important. En-deca d'un certain rayon, il
ne faut plus utiliser la statistique de Maxwell-Boltzmann, mais celle de Fermi-Dirac.
Notez que l'on aurait pu faire ce calcul avec les ions. Dans ce cas, me serait
remplace par mu (et e par mais c'est sans grande importance) ce qui fournit un
rayon critique beaucoup plus petit. Ceci justie donc pourquoi ce sont les electrons
qui, les premiers, deviennent degeneres.
Rappels de theorie cinetique
Soit dN le nombre de particules (pour une espece ) comprises dans l'intervalle
~x + d~x et ~p + d~p de l'espace des phases. Ce nombre d'occupation de particules est
relie a la densite de probabilite f par
dN = g f (3.7)
d xd3p h3
3
ou est ici le potentiel chimique (a ne pas confondre avec le poids moleculaire
moyen). Le signe + decrit les fermions (statistique de Fermi-Dirac), le signe - les
bosons (statistique de Bose-Einstein). La statistique de Maxwell-Boltzmann est ob-
tenue comme une limite a petite temperature.
Gaz d'electrons degeneres
A mesure que la densite augmente, nous avons vu que ce sont les electrons qui
subissent les premiers les eets du principe de Pauli. Nous allons utiliser un modele
simplie ou les electrons sont completement degeneres. Dans ce cas, la densite de
probabilite peut ^etre approximee par
(
f (E ) = 10 E EF (3.12)
E > EF
ou EF2 = p2F c2 + m2e c4 est l'energie de Pauli des electrons (pF l'impulsion de Pauli).
Dans ce cas tres simple, on peut calculer la densite electronique
Z pF
ne = h3 2 4p2dp = 38h3 p3F
0
= 323x3
(3.13)
e
ou e = h' =mec a la dimension d'une longueur 2 et
x = mpFc (3.14)
e
est un parametre mesurant l'importance des aspects relativistes. Au fur et a mesure
que le coeur se contracte, les electrons initialement non relativistes (x << 1) vont
atteindre des energies plus elevees et devenir ultra-relativistes (x >> 1).
La pression dans le cas d'un gaz ideal d'electrons degeneres est
8 m 4c5 Z x x 4 dx0 0
Pe = 3h3e 0 (1 + x 2)1=2 0
= me3c (x)
2
(3.15)
e
ou la fonction (x) est sans dimension et vaut
1 1=2 2 2 h i
(x) = 82 x 1 + x 2
3
x ; 1 + ln x + (1 + x )
2 1 = 2 (3.16)
2. c'est la longueur Compton de l'electron, qui prend un sens particulier en theorie quantique
des champs. Dans cette theorie, une force entre deux particules resulte d'un echange d'information
entre elles. Cet echange s'eectue par l'emission de particules virtuelles dont les proprietes carac-
terisent le type d'interaction. La creation, a partir du vide, d'une particule virtuelle de masse au
repos m0 (d'energie "E = m0 c2 ) ne viole pas la conservation de l'energie tant que la particule ne
s'actualise que pendant "t < #h="E. Or, la distance maximale parcourue par cette particule vir-
tuelle est c"t. Ainsi, la portee maximale d'une interaction est
#h=m0c, longueur Compton de la
particule virtuelle echangee. Pour la force electromagnetique comme pour la force gravitationnelle,
la particule echangee est un boson de masse nulle: la portee est innie.
100 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
Bien que la pression du gaz soit due aux electrons degeneres, la densite de l'etoile
est due aux especes les plus massives, a savoir les ions. On peut alors ecrire
= e mune ' 9:7 108e x3 kg m;3 (3.17)
Ainsi, on a une relation du type x = x() et Pe = Pe (x). Autrement dit, un gaz ideal
d'electrons completement degeneres possede une equation du type polytropique
Pe = K;
(3.18)
ou K et l'indice polytropique ; dependent de la valeur de x. Deux cas extr^emes se
presentent:
(1) Electrons non-relativistes (x << 1): Dans ce cas la fonction $(x) devient
1 5 5
(x) ' 152 x ; 14 x + 24 x + :::
5 7 9
Nous avons donc maintenant tous les outils necessaires pour construire un modele
polytropique d'une naine blanche en equilibre hydrostatique. Noter qu'en regime
degenere, la temperature ne joue plus de r^ole dans l'equilibre mecanique de l'etoile.
C'est la raison pour laquelle certaines phases de l'evolution stellaire sont instables
et donnent lieu a de violents sursauts (ex, ash de l'Helium).
ou ici, xn = R=R est le rayon stellaire normalise pour un parametre n donne (a ne
pas confondre avec le parametre de relativite).
Dans le cas non-relativiste, nous avons demontre que n = 3=2 etait une bonne
approximation et les tables fournissent x3=2 ' 3:65 et (x2'0)x3=2 = 2:71, ce qui donne
e ;5=6 c !;1=6
R = 1:12 10 2 4 km (3.22)
109 kg m;3
e ;5=2 c !1=2
M = 0:49 2 M (3.23)
109 kg m;3
;5 R ;3
= 0:7 2e 104 km M (3.24)
Que signie cette relation masse-rayon? L'equilibre hydrostatique du coeur de-
genere impose que si la masse de celui-ci vient a augmenter, alors le coeur doit se
contracter! La masse du coeur augmente car les couches supercielles continuent
de br^uler de l'helium, ce qui produit ainsi du carbone qui vient alimenter le coeur.
Cette augmentation de masse entraine donc une contraction supplementaire, donc
une augmentation de l'energie des electrons. S'il y a susamment de masse dans les
couches externes, alors le coeur va inevitablement passer dans l'autre regime.
Lorsque le coeur devient ultra-relativiste alors n = 3, x3 ' 6:89 et (x2'0)x3 =
2:01, ce qui impose un nouvel equilibre devant verier
e ;2=3 c !;1=3
R = 3:35 104 2 km (3.25)
109 kg m;3
et posseder une masse
e 2
MCh = 1:457 2 M
(3.26)
ou MCh , la masse de Chandrasekhar, apparait independante du rayon! Ce nouvel
equilibre semble encore plus etrange que le precedent. Si le coeur, lorsqu'il devient
ultra-relativiste, a une masse Mc < MCh , il n'est pas a l'equilibre et le gradient de
pression fait ener le coeur. Ceci peut eventuellement avoir pour resultat de le \re-
froidir" (les electrons deviennent non-relativistes) et l'on se retrouve sur l'equilibre
precedent (P = Pe = K15=3) avec un rayon plus grand. Mais si le coeur devient
ultra-relativiste avec une masse Mc > MCh , l'equilibre est rompu et la gravite l'em-
porte: l'eondrement gravitationnel est inevitable.
Ainsi, la masse de Chandrasekhar est necessairement la masse maximale d'une
naine blanche (voir gure 3.2). Du coup, cela implique egalement que les etoiles
102 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
massives, qui vont former un coeur degenere avec une masse tres probablement su-
perieure a cette masse limite, doivent avoir une evolution dramatiquement dierente
des etoiles moins massives.
Structure thermique
Une naine blanche est constituee d'un coeur compose essentiellement d'atomes
de Carbone, mais dont la pression est fournie par des electrons degeneres. Cette
degenerescence introduit un element physique nouveau: la conduction de la chaleur
par les electrons a la surface de la mer de Fermi est environ 4000 fois plus ecace
que le transport radiatif. Ceci et la petite taille de la naine blanche implique que la
moindre inhomogeneite locale en temperature est presque instantanement repartie
3.1. LES NAINES BLANCHES 103
ou L = 4R2Teff 4 est la luminosite emise (attention Teff 6= T)et E l'energie totale
de la naine. En l'absence de reactions nucleaires, le reservoir d'energie disponible est
l'energie interne stockee dans la naine blanche par les ions. L'energie interne d'un
ion s'ecrit Z Z 3
u = cV dT = 2 kdT = 32 kT (3.36)
ou la capacite calorique a volume constant cV ne vaut 3k=2 que pour un gaz ideal
monoatomique et ou T est la temperature du coeur. L'energie interne de la naine,
constituee de M=Amu ions, vaut alors
!
3 M
U = 2 Am kT ' 10 M 40 M T
u 106 K J (3.37)
L'energie stockee est donc considerable, ce qui laisse supposer qu'une naine blanche
va \vivre sur ses rentes" pendant encore de longues annees. On peut faire le calcul
de la duree de vie d'une naine blanche, a savoir la duree tvie = t ; t0 au bout de
laquelle elle s'est susamment refroidie pour que T(t) << T(t0). L'equation (3.34)
peut s'ecrire L = CMT7=2, ou C est une constante. La conservation de l'energie
pour la naine s'ecrit alors
CMT7=2 = ; 23Am kM dT (3.38)
u dt
ce qui s'integre facilement et fournit
! !
tvie = t ; t0 = 5CAm 3 k 1 ; 1
u T5=2(t) T5=2(t0)
' 5CAm 3k 1
u T5=2(t)
3 k L ;5=7
' 5AC 2=7m M (3.39)
u
!;5=7 !5=7
' 10 10;3 L
9 L M ans (3.40)
M
Cette expression montre que plus une naine blanche est lumineuse et plus sa duree
de vie est courte: elle se refroidit d'autant plus vite qu'elle est chaude. Lorsqu'elle
est blanche, la naine est jeune puis elle vieillit et devient rouge puis noire 4. La
comparaison aux observations se fait en regardant le nombre de naines blanches
detectees ayant une luminosite donnee. Plus la duree de vie d'une naine blanche
ayant une certaine luminosite est grande et plus on va en detecter. Ainsi, la courbe
du nombre de naines detectees en fonction de la luminosite devrait suivre celle de
tvie(L). En fait, on trouve que l'expression ci-dessus decrit assez bien la distribution
4. Attention a l'abus de langage concernant les naines brunes: celles-ci sont des soleils avortes,
ie des planetes gazeuses de masse M < 0:08 M trop faible pour allumer les reactions thermonu-
cleaires.
106 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
des naines jusqu'a une luminosite de l'ordre de 10;4 L , mais au-dela, elle predit
un nombre trop eleve de naines blanches. Cela signie donc qu'en deca de cette
luminosite, la theorie simple que nous avons developpe prevoit un refroidissement
trop lent et donc une surestimation du nombre de naines observable.
Ce \manque" de naines noires pourrait peut-^etre s'expliquer par la cristallisation
des ions dans le coeur de l'astre moribond. En se refroidissant, les ions peuvent former
un cristal ce qui va diminuer brusquement la capacite calorique cV et entraine
donc un refroidissement supplementaire non pris en compte ici. Ce type de calcul
(equation d'etat) n'a pas encore ete fait de facon pleinement satisfaisante.
Cependant, un calcul recent (Hansen, 1998) du refroidissement d'une naine blan-
che, incluant les eets de transfert de rayonnement dans son atmosphere, semblent
montrer que la composition chimique de celle-ci joue un r^ole crucial dans sa lu-
minosite. Ainsi, seules les naines ayant une atmosphere composee essentiellement
d'Helium suivraient le scenario decrit ci-dessus. Par contre, celles ayant encore de
l'Hydrogene auraient un comportement dierent a faible temperature: comme l'Hy-
drogene devient moleculaire, l'opacite dans le rouge augmente (par la possibilite qu'a
H2 d'absorber du rayonnement par des transitions moleculaires) ce qui, (1) maintient
la chaleur de la naine plus longtemps et rallonge ainsi la duree de son observabilite
et (2) la rend bleue et non rouge au fur et a mesure qu'elle vieillit (gure 3.5).
\Quelques" dicultes
Toutes les naines blanches sont des rotateurs lents, c'est a dire des objets dont
la vitesse equatoriale observee est beaucoup plus petite que la vitesse keplerienne
(V sin i < 100 km s;1, ou i est l'angle d'observation). Or, si le moment cinetique de
l'etoile progenitrice a bien ete conserve, la naine blanche devrait tourner beaucoup
plus rapidement! Il faut donc imaginer un processus de freinage lors de la formation
de la naine, ou bien un processus d'extraction du moment cinetique de l'etoile lorsque
celle-ci expulse ses couches externes et engendre une nebuleuse planetaire. Il n'y a
plus qu'a...
Environ 2% des naines blanches possedent un fort champ magnetique ( 102 ;105
T). L'explication de la presence de ce champ si intense est reportee sur le progeniteur:
ce champ serait simplement le champ residuel qu'avait une etoile particuliere de type
spectral A ou B. De telles etoiles sont en eet connues pour posseder de forts champs
magnetiques, mais dont l'origine reste encore inconnue: champ fossile ou bien eet
dynamo particulierement ecace?
La physique de ces objets compacts est loin d'^etre simple et fait appel a des
modeles de plus en plus complexes: comportement de la matiere atmospherique
en presence de forts champs gravitationnel et magnetique, mouvements convectifs
dans l'atmosphere, accretion de matiere eventuelle (cf. chapitre suivant), perte de
masse par pression de radiation, br^ulage nucleaire residuel surfacique, diusion de
la composition chimique etc...
Exercice: Validation a-posteriori des hypoth eses
Verier l'hypothese d'une atmosphere optiquement epaisse et pour laquelle m(r)
3.1. LES NAINES BLANCHES 107
Fig. 3.4 { Images de l'amas globulaire (donc vieux) M4, le plus proche de nous (il est
situe a 7000 al) et donc le meilleur candidat pour la recherche de naines blanches.
L'image de gauche a ete obtenue a partir d'un telescope au sol, celle de droite a
partir du telescope spatial Hubble. Les cercles montrent 8 objets identies comme
des naines blanches. A partir de la determination rigoureuse de l'^age des naines
blanches, on obtient des valeurs inferieures de l'^age de l'univers.
Cs = (kT=mu )1=2 etant la vitesse du son. Dans une atmosphere isotherme (ou dans
laquelle la variation de pression est surtout due a la densite), on peut ecrire cette
equation en ordre de grandeur
& &r GM
R2Cs2
qui, lorsqu'on obtient une variation relative de densite de l'ordre de l'unite, nous
fournit l'echelle caracteristique &r = R2 Cs2=GM ' 6 103 m, de l'ordre du kilometre.
En integrant l'equation hydrostatique pour une atmosphere isotherme et en posant
r = R + h avec h << R, on obtient
(h) = (R)e; Cs2R2 h
GM
Il existe donc une masse maximale Mmax ' 5:86 M independante du rayon
au-dela de laquelle il n'est plus possible d'obtenir une situation d'equilibre hydro-
statique. D'apres ce modele simple, tout coeur constitue de neutrons degeneres de
masse superieure a cette masse critique s'eondre sur lui-m^eme. Pour ces densites,
on ne connait pas d'autre source de pression susceptible d'arr^eter l'eondrement: le
coeur devient donc un trou noir.
L'importance de l'equation d'etat
La determination precise de Mmax est cruciale pour savoir si tel astre \invisible" 5
est un trou noir ou bien une etoile a neutrons. Or, cette masse maximale depend
fortement de l'equation d'etat. En eet, pour une equation d'etat polytropique P /
;, plus ; est petit (ie, une equation \douce") et plus la matiere est compressible,
ce qui permet une Mmax plus elevee.
En fait, une erreur a ete commise dans le calcul ci-dessus de l'equation d'etat
lorsque les neutrons deviennent ultra-relativistes. En eet, la densite de matiere doit
^etre corrigee par des eets relativistes. Dans le cas des naines blanches, cela n'inter-
vient pas puisque le gaz de Carbone, responsable de la densite, reste non-relativiste
et parfait. Ici, la densite est celle des neutrons et l'on doit ecrire l'expression relati-
viste
= 0 + cu2 (3.51)
5. c'est a dire dont la presence n'est detectable que par les mouvements apparents d'une etoile
normale compagnon.
112 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
ou 0 est la densite de masse au repos et u est la densite d'energie interne. Les rela-
tions utilisees plus haut doivent donc ^etre comprises sous la forme P = K;0. Dans le
cas non-relativiste, ca ne change evidemment rien aux resultats precedents puisque
' 0. Par contre, lorsque les neutrons deviennent ultra-relativistes, leur \poids"
resulte essentiellement de leur energie interne. Dans cette limite, on demontre que
P ' u3 ' c3 :
2
(3.52)
On doit donc plut^ot ecrire une relation du type P / avec = 5=3 dans le cas non-
relativiste et = 1 dans le cas ultra-relativiste. Noter que cette derniere expression
fournit une equation d'etat encore plus \douce" que la precedente, et donc une masse
maximale encore plus elevee. Cependant, il n'est pas dit que les neutrons atteignent
jamais les conditions ou Pn u=3 (et 1).
On peut egalement se convaincre de l'existence d'une masse limite a partir de
considerations de stabilite. L'equilibre hydrostatique impose en eet
P / M R R4/ M 2 / M 2=3;4=3 (3.53)
En combinant ceci avec l'equation d'etat P / , on obtient
M / 2 (; 3 ) : (3.54)
3 4
Les dicultes liees a une bonne connaissance de l'equation d'etat de cet astre
compact sont de deux natures:
Physique: le gaz de neutrons est non-ideal. Au fur et a mesure de la contraction du
coeur, certains eets deviennent de plus en plus importants et ne peuvent ^etre
negliges. Malheureusement, nous manquons de donnees experimentales sur ces
conditions extr^emes de la matiere:
(a) eets electrostatiques produisant une cristallisation des neutrons!
(b) apparition de nouvelles particules (resonances) a forte densite, les hyperons
(-, ,, &), qui rendent le gaz plus compressible!
(c) formation eventuelle d'une \soupe" de quarks a plus forte densite encore!
(d) superuidite des neutrons et supraconductivite des protons des regions
centrales!
Mathematique: pour calculer une equation d'etat, il faut prendre en compte tout
un ensemble de processus physiques quantiques liant N particules. La formula-
tion mathematique ainsi que la resolution numerique d'un probleme a N corps
quantiques n'est pas encore chose realisee...
Fig. 3.8 { Coupe sch ematique d'une etoile a neutrons de 1:4 M, obtenue avec une
equation d'etat \raide" (Sauls 1989).
Fig. 3.9 { Representation schematique de l'etat super
uide d'une etoile a neutrons.
La rotation s'organise en vortex transportant un moment cinetique quantie. Pour
une etoile a neutrons de periode 100 ms, chaque vortex ferait 100 fermi et
serait espace des autres d'environ 4 10;3 cm. La distribution radiale des vitesses
angulaires portees par ces vortex reproduit une rotation rigide (Sauls 1989).
3.2. LES ETOILES A NEUTRONS 115
Fig. 3.10 { En haut, photographie d'un reseau dessine par des tubes de
ux quan-
ties dans un supraconducteur (reseau d'Abrikosov). Chaque quanta de
ux vaut
$ = hc=2e = 2 10;7 G cm2. En bas, representation schematique du champ magne-
tique d'une etoile a neutrons du fait que les protons constituent probablement un
supraconducteur de type II. Pour un champ exterieur de 1012 G, le nombre de
uxoides serait de l'ordre de 1031 .
116 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
Ensuite vient une region de densite 4:1014 kg m;3 < < 2:1017 kg m;3, ou se m^ele
au cristal de fer et aux electrons un liquide de neutrons degeneres.
Dans les regions centrales, de densite > 2:4 1017 kg m;3, les neutrons forment
un superuide tandis que les quelques protons sont supraconducteurs. D'apres les
mesures en laboratoire, nous savons qu'un superuide en rotation s'organise quanti-
quement: des quantas de vorticite (des sortes de tourbillons ou vortex) apparaissent
dans le uide parallelement a l'axe de rotation. Hors de ces vortex, le uide est ir-
rotationnel, toute la vorticite etant contenue dans ces zones connees. Globalement
cependant, le uide peut ^etre considere en rotation uniforme. Plus la rotation est
elevee et plus le nombre de quantas presents est grand (gure 3.9). De m^eme, dans
un superuide, le champ magnetique s'organise en tubes de ux quanties (gure
3.10).
En fait, la presence de ces etats quantiques macroscopiques fut une hypothese
avancee pour expliquer certaines caracteristiques des pulsars, en particulier l'evolu-
tion de leur periode de rotation lors des \glitches" (voir plus bas).
Fig. 3.11 { En (a): Les courbes du bas sont des sequences de pulses individuels
du pulsar PSR 1133+16, de periode 1.19 s. Chaque pulse est lui-m^eme compose de
sous-structures a petite echelle temporelle et tres variables. La courbe du haut est la
moyenne des 100 pulses du dessous. Elle est a double prole et est caracteristique
de ce pulsar: elle reste identique sur plusieurs annees. En (b): prols moyens du
pulsar PSR 2002+31 (periode 2.11 s) a 430, 1400 et 2400 Hz. Ces prols changent
en fonction de la frequence: les deux composantes apparaissant a haute frequence
sont des signatures attendues d'un c^one d'emission.
118 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
Fig. 3.12 { Exemples de prols radio de pulsars, presentant une, deux ou trois
composantes.
{ environ 60% des pulsars ont des prols a 3 composantes (1 centrale et 2 sy-
metriques), les autres ayant soit la composante centrale seule, soit les 2 syme-
triques!
{ l'emission est fortement polarisee lineairement, independament de la frequence,
avec une croissance puis une decroissance monotone de cette polarisation au
cours d'un pulse!
{ quelques sous-structures periodiques (de periode dierente de celle du pulsar)
peuvent disparaitre momentanement, mais lorsqu'elles reapparaissent, elles
sont en phase avec leur periode precedente.
Les jeunes pulsars (courtes periodes, voir plus bas) ont egalement une emission
pulsee a plus haute energie, mais ne representant que quelques pourcents de l'energie
totale liberee: en optique (le Crabe, Vela, BO540-69, Geminga), en rayons X (27
detections mais seulement 13 sont pulses) et (6 detectes, tous pulses).
Aujourd'hui, nous connaissons environ 700 pulsars dans la Galaxie. Il y a es-
sentiellement deux arguments observationnels pour dire que ce sont des objets qui
appartiennent bien a notre galaxie: (1) ils sont concentres dans le plan du disque
Galactique, la ou se trouvent la majorite des etoiles 6! (2) leur signal radio presente
une dispersion (c'est a dire un retard) en fonction de la frequence caracteristique
de la propagation a travers le milieu interstellaire 7. Par ailleurs, il existe plusieurs
restes de supernova qui peuvent ^etre associes sans ambiguite a un pulsar central (le
Crabe, Vela).
6. La presence de pulsars a hautes latitudes galactiques s'explique par leur ejection lors de la
supernova qui leur a donne naissance.
7. De la mesure de cette dispersion et a l'aide d'un modele fournissant la densite des electrons,
il est possible d'obtenir la distance du pulsar.
3.2. LES ETOILES A NEUTRONS 119
Fig. 3.13 { Nebuleuse du Crabe, situee dans le Taureau a une distance de 6:3 103
al et d'une magnitude V = 8:4 mag. L'explosion de la supernova fut observee le 4
juillet 1054, aussi brillante que la pleine lune et visible m^eme le jour pendant 23
jours consecutifs. En 1948, cette nebuleuse fut identiee comme une forte source de
rayonnement radio, puis en 1964 en X. C'est en 1968 que fut decouvert le pulsar
au centre, avec une periode de 30 tours/sec, une masse de quelques masse solaire
et d'un diametre de 30 km. En rouge, l'emission H (visible), en bleu rayonnement
synchrotron tres polarise emis par des electrons de tres haute energie.
Fig. 3.15 { Modele de \calotte polaire" (polar cap) de Radhakrishnan & Cooke
(1969). Lors du pulse radio du pulsar, l'angle de polarisation lineaire varie (schema
a gauche). Cette observation a permis d'assimiler les pulsars a des sortes de phares
c^otiers: la zone d'emission radio aurait ainsi une faible extension spatiale, a proxi-
mite immediate des p^oles magnetiques.
que pour un angle faible, on verra passer les deux \bords" du c^one, produisant deux
composantes d'emission.
Les dierences d'etalement (duree) des prols peuvent s'expliquer par l'inclinai-
son de l'axe magnetique par rapport a l'axe de rotation: un quasi alignement se
traduirait par une observation quasi permanente de l'emission des particules (prols
larges), tandis qu'un grand angle donnerait des prols tres etroits.
Cependant, ce modele ne rend pas compte des pulsars dont le prol moyen est
forme par trois composantes. Si les deux composantes symetriques se comprennent
aisement avec l'idee ci-dessus, la composante centrale necessite des processus d'emis-
sion non lies a la courbure du champ magnetique et se produisant dans le creux du
c^one. Noter egalement que le modele de la calotte polaire n'explique ni d'ou pro-
viennent les particules ni comment elles sont accelerees...
Freinage des pulsars: le mod ele de Pacini (1967)
Ce modele fut le premier propose et est donc le plus simple. Il suppose un champ
magnetique (un pur dip^ole) faisant un angle avec l'axe de rotation de l'etoile. La
rotation de l'etoile sur elle-m^eme induit alors une variation temporelle periodique
du champ magnetique, ce qui provoque un rayonnement dipolaire magnetique dont
la puissance vaut
.2
L = 32j~cj 2 (3.56)
0
ou ~ est le moment magnetique dipolaire du pulsar. Ce moment peut s'ecrire
3
~ = Bp2R cos ~ek + sin cos t~e?1 + sin sin t~e?2 (3.57)
ou Bp est le champ mesure au p^ole magnetique, e~k est un vecteur unitaire dans
la direction parallele au vecteur rotation du pulsar et (~e?1 , ~e?2 ) engendrent le plan
122 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
!
B~ ext = Bp r3 cos
~er + 2 ~e (3.64)
La matiere serait donc litteralement arrachee a la surface solide du pulsar, les protons
pouvant a priori atteindre des facteurs de Lorentz enormes 106 ; 109! A ce titre,
les pulsars seraient potentiellement des sources de rayons cosmiques.
La dierence de potentiel entre le p^ole et l'equateur (les termes en
ont ete
omis dans les expressions ci-dessus, qui ne fournissent qu'un ordre de grandeur),
impose une charge d'espace dierente. Pour un champ magnetique dans la m^eme
direction que le vecteur vitesse angulaire du pulsar, les lignes de champ magnetique
situees au p^ole seront chargees negativement tandis que celles aux latitudes plus
basses seront chargees positivement. Ceci construit alors un circuit electrique qui
fournit une force de Laplace freinant le pulsar. Ainsi, la puissance transportee par
les particules provient in ne de la rotation du pulsar.
Nous avons vu que la magnetosphere est tres probablement remplie de particules
arrachees a la surface puis accelerees le long du champ magnetique. Mais, tant
que leur energie reste negligeable devant celle du champ, nous pouvons faire les
hypotheses simplicatrices suivantes: (1) le dip^ole restera non perturbe et (2) la
matiere sera en corotation avec lui (et lui-m^eme entraine par la rotation du pulsar).
Cependant, il existe une distance a l'axe de rotation du pulsar ou la vitesse de
rotation de la matiere \gelee" au dip^ole deviendrait egale a celle de la lumiere.
Cette distance, qui denit ce qu'on appelle le cylindre de lumiere, vaut
c P
RL = = 5 10 1 s m 7
' 0:1 1Ps R (3.69)
Au dela de ce rayon cylindrique, la matiere en stricte corotation aurait donc une
vitesse superieure a celle de la lumiere. Cela ne se peut, ce qui signie (1) que
les particules atteignent bien des vitesses ultra-relativistes mais, (2) que la champ
magnetique ne peut maintenir sa structure dipolaire au dela du cylindre de lumiere.
Physiquement, cela implique que la matiere devient susamment acceleree pour
pouvoir fortement perturber le champ. La magnetosphere d'un pulsar serait donc
constituee de deux regions: (1) une region a basse latitude de lignes de champ fermees
et en corotation avec de la matiere et (2) une region constituee de lignes de champ
ouvertes, issues des p^oles magnetiques et par ou s'ecoule un vent de particules,
accelerees a des vitesses ultra-relativistes a partir du cylindre de lumiere.
On peut faire une estimation de la puissance transportee par ces particules. Le
champ magnetique etant approximativement dipolaire jusqu'au cylindre de lumiere,
il varie comme B ' Bp(R=r)3 , ou Bp est le champ au p^ole, R le rayon du pulsar
et r la distance a l'axe. Dans cette approche electrodynamique (ou les particules ne
perturbent pas le champ magnetique), le champ electrique vaut E ' cB . Le ux
de Poynting, qui decrit le ux d'energie electromagnetique qui sera transfere aux
particules, s'ecrit alors
E~ B~ B 2 Bp2 R6
S = c c r6 (3.70)
0 0 0
126 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
Fig. 3.17 { Modele de \polar cap gap", d^u a Ruderman & Sutherland (1975). Dans
ce modele, comme dans celui de Golreich & Julian, il existe une region a l'exterieur
du pulsar, ou un champ electrique non nul est parallele au champ magnetique. Ce
champ accelere essentiellement les electrons (les protons restent colles a la surface)
jusqu'a des vitesses ultra-relativistes. Du fait de la courbure des lignes de champ et de
leur grande vitesse, ces particules emettent un rayonnement de freinage. Ces photons
vont alors creer des paires d'electrons-positrons, developpant alors une creation de
paires en cascade. Les electrons retournent vers la surface tandis que les positrons
s'echappent le long des lignes de champ ouvertes.
128 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
Fig. 3.18 { Les quatre premiers \glitch" geants observes dans le pulsar de Vela
(Downes 1981). Le changement relatif fut de l'ordre de &P=P 10;6 et il fallut
attendre plusieurs mois pour retrouver la loi normale d'evolution P (t).
Fig. 3.19 { Representation schematique d'un \glitch" (Manchester & Taylor 1977).
precedentes on obtient
_ t = 0)
Q = ; &(& (3.80)
0
_ t = 0)
= ; &( (3.81)
&. (t = 0)
Ainsi, en mesurant avec susamment de precision l'evolution de la periode apres le
\glitch", nous sommes en mesure d'obtenir ces parametres Q et . Reste maintenant
a relier Q aux caracteristiques physiques de notre pulsar.
Que se passe-t-il pendant le \glitch"? Les equations precedentes sont une tenta-
tive simpliste d'aborder l'evolution de la periode du pulsar apres le \glitch". Si l'on
regarde pendant le temps &t tres court du \glitch", on peut faire l'approximation
que chaque composante conserve son moment cinetique. En eet, dans ce modele,
c'est la brusque variation du moment d'inertie de la cro^ute qui engendre une varia-
tion de sa vitesse de rotation. De m^eme, le coeur liquide conserve tout d'abord son
moment cinetique lors du changement intervenu dans la cro^ute, et subira ensuite
une evolution a cause de son couplage avec celle-ci. La conservation du moment
cinetique de chaque composante s'ecrit
( Ic
I + =0 (3.82)
Inc + n = 0
In n
Or, en dierenciant l'equation (3.76), on obtient
&_ = &II2c ; & ; &n
c c
= ; I ; ; &n
& & (3.83)
c c
= ; II & ; & ; &n
c T c
132 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
La derniere expression utilise le fait que le couple est relie au temps caracteristique
T par = I =T (voir Eq.(3.60)). En general, IcT >> Ic (temps de freinage est
beaucoup plus long que le temps caracteristique d'ajustement interne), ce qui permet
d'ecrire
&_ = & T 1 ; &n : (3.84)
_ c &
En prenant cette expression a t = 0 et en utilisant la denition de Q, on trouve
!
I n
Q = I 1 ; &I =I & I n =In n
c c
' IIn (3.85)
Ainsi, a partir des observations et de ce modele simple, on pourrait obtenir une \me-
sure" des moments d'inertie de l'etoile a neutrons et les comparer a ce que fournissent
les modeles de structure interne pour une equation d'etat donnee. Cependant, les
dicultes de ce modele a rendre compte des observations pour tous les pulsars sont
nombreuses. En particulier, dierents pulsars ont des valeurs dierentes de Q et,
pire, Q semble varier pour un m^eme pulsar entre deux \glitches". Ce modele trop
na.3f fut donc amende avec des elements physiques supplementaires. Cette approche
permet neanmoins de montrer qu'il est a priori possible d'obtenir des diagnostics
sur la structure interne des etoiles a neutrons a partir de l'evolution de sa periode
de rotation.
& Julian, le champ n'etait pas incline uniquement par commodite de calcul. Si on
l'incline, les processus physiques etudies ne devraient pas ^etre trop modies. Dans
le modele de Pacini, l'energie du pulsar est transportee par un champ electroma-
gnetique basse frequence (identique a celle du pulsar). Or, si un electron intercepte
cette onde au-dela du cylindre de lumiere, il sera accelere par le champ electroma-
gnetique: en eet, sur un temps tres court par rapport a la periode de l'onde, le
champ electromagnetique se comporte comme un champ electrique et magnetique
statique (comme dans Goldreich & Julian). L'electron pourra donc ^etre accelere jus-
qu'a des vitesses relativistes dans la direction de propagation de l'onde. Il aura alors
la possibilite, par eet d'amortissement Landau, d'extraire l'energie de l'onde sur
laquelle il \surfe".
La dierence entre les deux modeles devient alors tres subtile. Dans les deux cas,
il existe un vent de particules ultra-relativistes transportant l'energie de rotation
du pulsar dans la nebuleuse. Dans le modele de Pacini, l'acceleration s'eectue par
l'intermediaire d'un rayonnement dipolaire basse frequence, tandis que dans celui de
Goldreich & Julian, par le biais du champ magnetique du pulsar. Deux facettes du
m^eme processus?
3.3. LES TROUS NOIRS 135
est instantane (notion d'un temps absolu). Dans celle d'Einstein, l'espace et le temps
etant tous les deux relatifs a l'observateur, il existe des evenements hors d'atteinte
de certains observateurs (l'information n'a pas encore eu le temps de se propager
vers eux). La dierence entre ces deux visions ne tient qu'a la constance et a la valeur
nie de la vitesse de la lumiere: en faisant tendre c vers l'inni, on doit pouvoir alors
retrouver la mecanique de Newton a partir de la relativite restreinte.
Espace-temps de Minkowski et transformee de Lorentz
Dorenavant, il faut donc penser en termes d'espace-temps et reperer les evene-
ments a l'aide de 4 coordonnees (3 d'espace, 1 de temps). Un \vecteur position"
sera ainsi ~x = (ct~r). Supposons maintenant qu'un observateur (on parle moins de
referentiel en relativite) se deplace avec une vitesse v constante dans la direction z,
vitesse mesuree par rapport a un autre observateur. Un evenement repere par ~x par
l'observateur immobile sera vu par l'observateur en mouvement en
0 ct0 1 0 0 0 ; 1 0 ct 1
B x0 CC B C B C
B@ y0 CA L~x = BB@ 00 10 01 00 CCA BB@ xy CCA
~x0 = B (3.86)
z0 ; 0 0 z
ou = (1 ; 2);1=2 est le facteur de Lorentz (parfois appele \boost"), = v=c.
Cette transformation L est appelee transformation de Lorentz. On peut demontrer
qu'elle est la seule permettant de rendre compte de l'invariance de c dans un espace
homogene et isotrope.
Etant donne ce que signie maintenant \changer de referentiel", quels peuvent
^etre les invariants du systeme lors d'une telle operation? La reponse a cette question
est la generalisation du principe d'inertie galileen: les lois de la physique doivent ^etre
independantes de l'observateur. Ainsi, une relation causale dans un referentiel doit
le rester dans un autre. Cela implique la conservation de la \distance" entre deux
evenements se produisant dans cet espace-temps a 4 dimensions.
La notion de distance entre deux evenements est denie a partir du produit
scalaire de deux \vecteurs" position. Placons-nous en un point ~x et en un point
situe immediatement a cote, en ~x + dx ~ . On peut verier que la forme quadratique
suivante
~ ) ~x = c2dt2 ; dl2
ds2 (~x + dx (3.87)
ou dl2 = dx2 + dy2 + dz2, est bien un invariant de Lorentz. En utilisant la convention
d'Einstein de sommation sur les indices repetes, cette expression peut s'ecrire de
facon plus compacte sous la forme
ds2 = dxdx (3.88)
ou x0 = ct, x1 = x, x2 = y, x3 = z et ou la matrice a la forme suivante
01 0 0 0 1
B 0 ;1 0 0 CC
= BB@ 0 0 ;1 0 CA (3.89)
0 0 0 ;1
3.3. LES TROUS NOIRS 137
Cette matrice constitue un tenseur de rang 2 et est appelee la metrique car elle
porte en elle toute l'information concernant la geometrie locale de l'espace-temps.
La presence du signe moins indique que l'espace-temps de la relativite restreinte
n'est pas euclidien mais riemannien: decrit l'espace-temps de Minkowski.
Ainsi, en relativite, operer un \changement de referentiel" revient tout b^etement
a faire un changement de systeme de coordonnees. Un tel changement est decrit par
une matrice de passage de la forme x0 = -x. L'element innitesimal de distance en
relativite restreinte devant rester conserve, on a alors (ecriture matricielle)
ds2 = (dx0)T dx0 = (-dx)T -dx
= (dx)T -T -dx (dx)T dx (3.90)
ce qui implique que les changements de coordonnees physiquement acceptables
doivent verier
= -T - : (3.91)
L'ensemble des matrices - qui satisfont cette condition sont connues sous le nom
des transformees de Lorentz et constituent un groupe (le groupe de Lorentz). Dans
ce groupe, on y trouve evidemment les \boosts" (matrices de la forme de L) mais
egalement les rotations.
Cinematique relativiste
Faire de la cinematique en relativite restreinte consiste a denir des grandeurs
porteuses d'une signication physique mais plongees dans l'espace-temps de Min-
kowski. Ce sont ces objets mathematiques que l'on appelle les quadrivecteurs et,
d'une maniere plus generale, les tenseurs (un quadrivecteur est un tenseur d'ordre
1, un scalaire un tenseur d'ordre 0). On peut apprehender un tenseur comme etant
un tableau de nombres obeissant a certaines proprietes lors d'un changement de sys-
teme de coordonnees. Ces proprietes mathematiques decrivent la notion physique
d'independance des lois selon les observateurs.
Ainsi, la 4-position x (ct~r) d'un evenement se transforme selon le groupe de
Lorentz et sa 4-norme est conservee (ie, independante du systeme de coordonnees):
~xa ~xb (xb ; xa) (xb ; xa) = (xb ; xa) (xb ; xa)
= c2(tb ; ta)2 ; (xb ; xa)2 ; (yb ; ya)2 ; (zb ; za)2 (3.92)
Il est utile d'introduire ici la notion de temps propre. L'element innitesimal de
distance s'ecrit ds2 = c2dt2 ; dl2 ou la variable t est le temps \vu" par un observateur
non lie a l'evenement. Au contraire, l'observateur lie a l'evenement va mesurer un
autre temps, appele temps propre. Dans ce \referentiel", l'horloge suit le mouvement
et il n'y a donc pas de deplacement mesurable, ie dl = 0. On denit donc le temps
propre par
ds2 = c2d 2 (3.93)
Ce temps propre est relie au temps mesure par l'observateur immobile par dt = d
(dilatation du temps).
138 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
T = (e + P ) U c2U ; P
(3.101)
Ceci est donc l'ecriture du tenseur energie-impulsion d'un uide parfait en relativite
restreinte.
Pourquoi restreinte?
A priori, la relativite restreinte semble donc permettre une reunication de toute
la physique fondamentale du 19eme siecle, mecanique et electromagnetisme. Pour
chacune des forces en presence, il sut de trouver une expression invariante sous le
groupe de Lorentz et redonnant, lorsque c tend vers l'inni, l'expression galileenne
connue. Mais ce principe d'invariance de Lorentz (ou principe de relativite) s'avere
^etre tres contraignant car il oblige a ecarter toutes les expressions pour les forces qui
ne seraient pas invariantes par \changement de referentiel". C'est ainsi que certaines
10. Un
uide parfait est completement caracterise par sa densite et sa pression.
140 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
Geometrisation de l'espace-temps
Lorsque Einstein se pencha sur les points faibles de la relativite restreinte, il etait
evidemment au courant du principe de Mach ce qui le guida dans sa recherche. Il
realisa ainsi que la gravitation est une force tres particuliere, et ceci a deux titres:
(1) tous les corps y sont soumis, ce qui n'est pas le cas de la force electromagne-
tique!
(2) tous les corps se comportent de la m^eme facon, du fait de l'equivalence
(prouvee experimentalement) entre masse grave et masse inerte (voir g. 3.21).
C'est donc une force dont les eets sont totalement independants des proprietes
des corps qui y sont soumis. La revolution conceptuelle d'Einstein a consiste alors
a realiser que la gravite etait de m^eme nature qu'une acceleration. Il est facile de
le voir avec l'exemple celebre de l'observateur dans un ascenseur plonge dans un
champ de gravite g uniforme. Si l'ascenseur monte avec une acceleration a constante,
l'observateur subit une gravite eective plus grande geff = g + a. L'experience
inverse consiste a laisser tomber l'ascenseur en chute libre: l'observateur se trouve
en apesanteur, libere de l'action de la gravite. Or, l'acceleration est une propriete
purement geometrique de l'espace-temps: a &x=(&t)2. Il en resulte que le champ
gravitationnel doit l'^etre egalement. Au lieu de penser a la gravite en termes d'une
force radiale qui decroit en 1=r2 (vision Newtonienne), ici la gravite est un champ
(\terrain") deforme dans (sur) lequel on se deplace.
Ainsi donc, en relativite generale, les e
ets de la gravitation et toutes
les forces d'inertie (comme on l'a vu plus haut) se trouvent d'emblee
inclus dans la metrique de l'espace-temps, c'est a dire dans les g . Par
ailleurs, la metrique elle-m^eme emerge de la distribution de masse (et donc aussi
d'energie) presente. En ce sens, la relativite generale satisfait bien au Principe de
Mach.
Principe d'equivalence
Le principe d'equivalence de la relativite generale stipule que toutes les lois de
la physique sont localement les m^emes que dans un espace plat. C'est une extension
naturelle du principe d'invariance par transformee de Lorentz. C'est un principe
extr^emement fort, qui repose sur une image geometrique de l'espace-temps. En eet,
on peut toujours approcher localement une surface courbe par son plan tangent.
Cela revient a faire un developpement limite de la metrique au voisinage d'un point
quelconque de l'espace-temps et fournit
g ' + o(jx2j) : (3.104)
Ce faisant, on voit qu'il est possible de denir localement un espace de Minkowski
(le plan tangent). Cela signie donc que les lois physiques de la relativite restreinte,
elaborees dans un espace plat, doivent ^etre encore localement valables. On peut donc
a nouveau parler de referentiels inertiels (parfois appeles Lorentziens, dans lesquels
l'observateur est en chute libre), pourvus qu'ils soient locaux. Plus la courbure locale
de l'espace-temps est grande, et plus les termes negliges lors du developpement
142 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
limite deviennent forts a mesure que l'on s'eloigne du point considere. Les eets
de relativite generale, forces inertielles et gravitationnelle, se traduisent donc par la
non-uniformite de l'espace-temps (derivees secondes de la metrique non nulles).
A ce titre, la relativite generale ne satisfait plus au Principe de Mach mais
a la vision de Newton: localement, les lois du mouvement ne sont en eet plus
aectees par les corps en presence. Le Principe d'equivalence est quelque part entre
le Principe de Mach et l'approche de Newton. Mais a cause du contenu energie-masse
de l'univers, l'egalite g = ne peut jamais ^etre realisee partout.
Notion de derivation covariante
Faire un changement de referentiel en relativite generale consiste simplement
a changer de position x ! x0 dans l'espace-temps. Il est donc necessaire de faire
appel a des notions de geometrie dierentielle, an de comprendre comment se trans-
forment les objets physiques que l'on manipule lors d'un changement de coordonnees.
Nous avons vu que l'element de distance innitesimal ds2, deni par l'equation
(3.103), devait ^etre invariant que l'on se place dans le systeme de coordonnees x ou
dans un autre x0. D'une maniere generale, le produit scalaire de deux 4-vecteurs A
et B
A~ B~ A B = g A B (3.105)
doit egalement rester invariant lors d'un changement de systeme de coordonnees.
Cela implique la transformation suivante pour les 4-vecteurs (tenseurs de rang 1)
0
Contravariant: A0 = @x @x A
(3.106)
Covariant: B0 = @x @x B
0
Covariant: G0 = @x @x @x G
0 @x0
0 @x
Mixte: H0 = @x @x @x0 H
Ainsi donc, tous les objets mathematiques que nous allons employer sont des ten-
seurs, c'est a dire des objets qui obeissent a certaines regles lors d'un changement
de coordonnees (un tenseur de rang nul est un scalaire invariant). La question qu'on
se pose ensuite est de comprendre la modication d'une grandeur lorsqu'on passe
de x a x + dx. Si l'on se place dans un nouveau systeme de coordonnees x0(x), un
deplacement innitesimal s'ecrira
@x0
dx0 = @x dx (3.107)
3.3. LES TROUS NOIRS 143
(2) Remplacer les operateurs geometriques (divergence, gradient etc...) par des ope-
rateurs covariants: ce faisant, la gravitation et toutes les forces d'inertie sont
prises en compte dans la courbure locale de l'espace-temps (symboles de Chris-
toels et leurs derivees non nuls).
(3) Trouver une equation qui nous fournisse la metrique de l'espace-temps en fonc-
tion de son contenu (demarche en conformite avec le principe de Mach).
Geodesiques
Voici un exemple simple de la procedure employee. Lorsqu'une particule ne su-
bit aucune force, sa 4-vitesse demeure inchangee: elle est alors dite en chute libre.
L'equation de sa trajectoire ou geodesique est alors obtenue facilement a partir de
l'equation du mouvement de la relativite restreinte
dU = 0 (3.113)
ds
Il sut de remplacer la derivee simple (dU ) par la derivee covariante (DU ), ce
qui donne
dU + ; U U = 0 (3.114)
ds
En l'exprimant a l'aide des coordonnees, nous obtenons la \forme normale" de l'equa-
tion des geodesiques
d2x + ; dx dx = 0 (3.115)
ds2 ds ds
qui ne depend que de la metrique. Il sut donc de connaitre celle-ci et la trajectoire
de toute particule libre pourra ^etre calculee.
Autre exemple simple, celui d'une particule soumise a un champ electromagne-
tique. A partir de l'equation (3.97) obtenue en relativite restreinte et en remplacant
la derivee simple par la derivee covariante, nous obtenons l'equation du mouvement
d'une particule soumise a un champ electromagnetique en relativite generale
dU + ; U U = q F U (3.116)
ds m0 c
ou F est le tenseur electromagnetique.
L'equation d'Einstein
Dans la theorie Newtonienne de la gravite, le champ de gravitation $G, qui donne
lieu a une force par unite de masse f~ = ;r
~ $G, est donne par l'equation de Poisson
4$G = 4G : (3.117)
Le champ (en fait, ses derivees secondes) est donc obtenu des que l'on connait sa
source, qui n'est autre que la densite locale de matiere. En relativite E = mc2, ce
146 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
qui implique que toute forme d'energie peut agir comme une source et modier ainsi
le champ gravitationnel. En relativite restreinte, la conservation de l'energie s'ecrit
@T = 0 (3.118)
@x
ou le tenseur energie-impulsion decrit le contenu energetique non-gravitationnel pre-
sent dans l'espace-temps: celui d'un champ electromagnetique et celui de la matiere.
Pour etendre la validite de cette equation a la relativite generale, il sut d'utiliser
l'expression covariante de la divergence.
Nous savons donc comment prendre en compte la gravitation mais il nous manque
toujours une equation jouant le r^ole de l'equation de Poisson et permettant de
connaitre la metrique en fonction du contenu matiere-energie de l'espace-temps.
C'est ce qu'exprime l'equation d'Einstein
G = 8G c4 T
(3.119)
ou G est un tenseur non-lineaire du deuxieme ordre agissant sur la metrique g .
Elle a ete obtenue en imposant qu'un certain nombre de contraintes soient satis-
faites. En particulier, la conservation de l'energie (3.118) et la limite Newtonnienne
(equation de Poissson obtenue dans la limite des champs faibles $G << Mc2).
L'equation d'Einstein etant locale, il est impossible de denir globalement ce
qu'est l'espace-temps. Cela signie qu'on peut parfaitement obtenir les g loca-
lement, mais qu'il est impossible d'en deduire la topologie globale de l'univers.
D'autres considerations doivent alors entrer en ligne de compte: c'est l'objet de
la cosmologie.
La relativite generale est une theorie extr^emement complexe qui, de ce fait, pos-
sede relativement peu d'applications pratiques: mirages gravitationnels, ondes gra-
vitationnelles (notamment gr^ace a l'etude de systemes binaires composes d'objets
compacts) et calcul du champ gravitationnel exterieur cree par des objets massifs
simples (stationnaires, possedant le maximum de symetries et isoles dans le vide).
Dans la plupart des cas concrets de calculs de dynamique en relativite generale, la
metrique est une donnee du probleme et on traite la dynamique de la matiere dans
une metrique xe. Ceci est valable tant que le tenseur energie-impulsion de la ma-
tiere est negligeable devant celui de la source de la metrique. C'est l'approximation
classique des particules \tests": de la m^eme maniere, on neglige toujours le champ
electromagnetique cree par une particule chargee en mouvement devant un champ
cree par des sources exterieures.
faudrait suivre l'evolution de la matiere jusqu'a des densites telles que la structure
de l'espace-temps s'en trouve profondement modiee. Il faudrait donc pouvoir de-
crire l'etat et la dynamique de la matiere, couplees de facon auto-coherente avec
l'espace-temps. Pour cela, il serait necessaire d'avoir une theorie quantique de la
gravitation, ce qui n'est pas encore le cas...
Un trou noir est decrit par seulement trois grandeurs: sa masse M , sa charge
electrique Q et son moment cinetique J . A l'heure actuelle il existe quatre types de
solutions, autrement dit, quatre types de metriques:
Schwarzschild (1917): solution statique, a symetrie spherique, avec Q = J = 0.
Reissner-Nordstrom (1918): solution statique, a symetrie spherique, avec J = 0.
Kerr (1963): solution stationnaire, axisymetrique, avec Q = 0.
Kerr-Newman (1965): solution stationnaire et axisymetrique, avec Q et J non
nuls.
A titre d'illustration, cette derniere solution s'ecrit, dans les coordonnees de Boyer-
Lindquist 13
2GMr
ds =
2 1 ; ,c2 c2dt2 + 4GMra , c2 sin
cdtd'
2
2 sin2
!
; r +a +
2 2 2 GMra sin 2
d'2 ; , dr2 ; ,d
2 (3.120)
,c 2 &
ou
& = r2 ; 2 GM 2 + GQ
2
c2 r + a 4"0
, = r + a cos
2 2 2
a = Mc J
La solution de Kerr (trou noir en rotation) est obtenue pour Q = 0, celle de Reissner-
Nordstr.om (trou noir electriquement charge) pour J = 0 et la plus simple, celle de
Schwarzschild, pour J = Q = 0.
ou d2 = d
2 + sin2
d'2 et
rS = 2GM =3 M km
c2 M
(3.122)
est le rayon de Schwarzschild. Une etoile ou un trou noir de masse M engendrent
tous deux la m^eme metrique. Ce qui les distingue est leur compacite: une etoile
possede un rayon superieur au rayon de Schwarzschild, ce qui n'est plus vrai pour
le trou noir.
La metrique de Schwarzschild est particuliere en ce sens qu'on voit apparaitre
une variable \temps" qui semble ^etre denie partout a l'exterieur de rS . Ce \temps"
semble donc jouer le r^ole d'un temps absolu et permet de synchroniser les horloges de
tous les observateurs. Mais il faut faire attention a l'interpretation de cette variable.
En-deca de rS , ds2 peut rester positive a condition d'inverser le r^ole des variables
\temps" et \distance": le champ gravitationnel n'est ni stationnaire a l'interieur de
ce rayon.
Le rayon de Schwarzschild decrit l'horizon d'un trou noir: toute particule (m^eme
un photons) qui traverse l'horizon se trouve causalement deconnectee du reste de
l'univers. Aucune information ne peut sortir du trou noir. La singularite qui apparait
dans la metrique lorsque r = rS n'est pas une vraie singularite mais depend du
systeme de coordonnees choisi. Par exemple, en coordonnees cylindriques apparait
une singularite en r = 0 (distance a l'axe nulle). Mais un changement de coordonnees
permet de lever cette singularite. A la traversee de l'horizon, il ne se produirait rien
de particulier, sauf que l'on serait irremediablement piege. Et plus l'on developperait
de l'energie pour s'en echapper, plus cette energie \peserait" sur l'espace-temps, ce
qui aurait pour consequence d'aggraver la chute.
Il en est autrement de la singularite en r = 0 car celle-ci ne peut ^etre levee par
un simple changement de variable. La presence d'une singularite pose evidemment
la question de son sens physique. Comment comprendre une telle chose? Certains
pensent qu'une theorie quantique de la gravitation modierait notre description et
resoudrait ce probleme, d'autres que cette singularite est une \porte" vers d'autres
univers etc... Dans ce domaine, la physique mathematique est portee par les ailes de
l'imagination.
Une particule peut rester en orbite keplerienne autour du trou noir sans \res-
sentir" quoi que ce soit d'etrange (mise a part la relative importance du champ
gravitationnel) jusqu'a une distance rms = 3rS . Dans la region situee entre l'horizon
et ce rayon, appelee l'ergosphere, il ne lui est pas possible de maintenir une orbite
circulaire sans fournir un travail. Par contre, elle peut encore s'echapper du puits
gravitationnel, moyennant un travail encore plus grand. Dans l'ergosphere, les tra-
jectoires circulaires sont instables: rms est l'orbite de la trajectoire marginalement
stable (toute perturbation fait basculer la particule vers le trou noir).
En fait, la notion de \rayon" d'un trou noir n'existe pas en toute rigueur puis-
qu'on ne peut mesurer quelque chose de r = 0 vers la \surface". Par contre, il est
toujours possible de mesurer la circonference d'un trou noir, sur son horizon (a t et
3.3. LES TROUS NOIRS 149
Fig. 3.23 { Simulation numerique de l'emission d'un disque de matiere situe autour
d'un trou noir de Schwarzschild, vu par un observateur situe au-dessus du plan du
disque. La courbure l'espace-temps autour du trou noir permet a cet observateur de
voir des regions situees derriere le trou noir, mais egalement sous le disque. Pour un
trou noir de Kerr, une simulation identique montrerait une anisotropie de l'emission,
due a l'entrainement de l'espace-temps par la rotation du trou noir.
noir. Si le photon se trouve a t = 0 a une distance r0, l'equation (3.124) montre qu'il
lui faudrait un temps (mesure par l'observateur lointain)
r 0 ; r rS
r0 ; rS
t = c + c ln r ; r (3.128)
S
donc inni, pour atteindre rS . Le comportement d'une particule massive au voisinage
d'un trou noir est qualitativement le m^eme.
Cet eet de \gel" du mouvement n'est qu'une apparence, due a la dierence entre
le temps propre de la particule (qui traverse l'horizon en un temps propre ni) et
le temps de l'observateur lointain. Si l'on imagine qu'une fusee tombe dans un trou
noir et, qu'a l'interieur de celle-ci une camera lme ses occupants, aurions-nous une
derniere image qui resterait gee pour l'eternite des qu'ils franchissent l'horizon?
La reponse est non, a cause de l'eet dit de decalage vers le rouge (\redshift")
gravitationnel. Dans le referentiel propre de la fusee situee en r1, ce signal sera emis
avec une frequence
1 d1 = q 1 (3.129)
1 g00(r1)dt
L'observateur situe en r2 et mesurera ce signal avec une frequence
2 d1 = q c (3.130)
2 g (r2)dxdx
3.3. LES TROUS NOIRS 151
qui ne sera pas la m^eme puisque la metrique est dierente en r1 et en r2. Ainsi,
pour un observateur lointain (r2 rS ), donc situe dans une region sans courbure,
le decalage en frequence sera
q !
2 = qg00(r1) = 1 ; rS =r1 1=2
1 g00(r2) 1 ; rS =r2
rS 1=2
= 1; r (3.131)
1
Au fur et a mesure que la fusee tombe vers le trou noir, le signal qu'elle emet devient
de plus en plus faible, avec une frequence de plus en plus petite. Lorsque la fusee
atteint l'horizon, le signal recu possede une frequence nulle: il n'y a pas de signal recu,
les photons emis sont tous \avales" par le trou noir. L'energie d'un photon decro^3t
lorsqu'il quitte le puits gravitationnel (decalage vers le rouge), augmente lorsqu'il
s'enfonce dedans (decalage vers le bleu). Cet eet fut mesure pour la premiere fois en
1915 par Adams, en mesurant le decalage subit par les raies emises dans l'atmosphere
d'une naine blanche.
Fig. 3.24 { A gauche: image visible montrant le coeur de la galaxie M84, dont la
forte luminosite suggerait la presence d'un trou noir supermassif. Par une methode
spectroscopique (a droite), il a ete prouve que dans une petite region de l'espace
(partie bleue, de dimensions 26 al), se trouve une masse d'au moins 3 108 M . Une
telle masse met en mouvement Keplerien la matiere emittrice ce qui, a partir du
decalage Doppler, a permis de mesurer des vitesses de rotation de l'ordre de 400
km/s.
_ a !1=4 M !;1=2 r ;3=4
' 107 M K
10;8 M =yr 3M 3 rS
_ !1=4 !;1=2 ;3=4
M
' 2 10 1 M =yr
5 a M r K
10 M
8 3rS
decroissante avec le rayon en r;3=4. Ainsi, pour les taux d'accretion choisis, on voit
que les regions internes d'un disque d'accretion autour d'un trou noir stellaire (M
3 M) vont emettre dans le domaine des X (T 107 K keV), tandis qu'autour
d'un trou noir supermassif (M 108 M), ce sera dans le domaine visible ou
ultraviolet (T 105 K 10 eV). La raison en est simple. Pour un trou noir stellaire,
le rayon de Schwarzschild est plus petit ce qui implique un puits gravitationnel plus
profond donc une plus grande energie liberee.
Le choix des taux d'accretion ci-dessus a ete dicte par la volonte de reproduire
la luminosite totale emise par certains objets (puisque L ne depend que M_ a): NAGs
et binaires X.
particuliere dans le domaine visible-UV. Quelle etait donc la source d'energie de ces
monstres?
Ce fut l'astrophysicien anglais Lynden-Bell qui, le premier, proposa en 1969 que
les NAG etaient constitues d'un disque de matiere (gaz interstellaire et etoiles) en ro-
tation keplerienne autour d'un trou noir supermassif (d'une masse de 104 a 1010 M ).
La source d'energie des NAG serait alors la conversion de l'energie mecanique de la
matiere en rayonnement, produisant ainsi une luminosite
_ !
Lacc ' 1:2 10 1 MMa=yr L
12 (3.135)
Ce modele de disque d'accretion autour d'un trou noir supermassif est le paradigme
a travers lequel toutes les observations actuelles de galaxies actives sont comprises.
Il n'existe que depuis peu des indices observationnels directs (signatures spectrosco-
piques des regions internes) de la presence d'un tel trou noir supermassif.
Comment un trou noir supermassif a-t-il peu se former? Cette question pose
plusieurs problemes theoriques et divers scenarii furent proposes:
E
ondrement d'une etoile, puis accretion: un trou noir stellaire se forme, puis
du gaz interstellaire le nourrit continuellement. Mais il faut expliquer d'un part,
pourquoi les trous noirs supermassifs ne se forment qu'au centre des galaxies,
et puis surtout, comment l'accretion peut ^etre susamment ecace pour faire
grossir le trou noir sur une echelle de temps inferieure a l'^age de l'univers.
E
ondrement d'un amas d'etoiles au centre: dans le noyau des galaxies, on
peut s'attendre a avoir un grand nombre d'etoiles gravitationnellement liees.
L'eondrement de cet amas sur lui-m^eme pourrait mener a la formation d'un
trou noir supermassif. Des simulations numeriques montrent eectivement
qu'un amas de 107 a 108 etoiles de 1 a 10 M chacune, ayant des vitesses
de 800 a 2000 km/s et connees dans un rayon plus petit que 0.1 pc est in-
stable.
Origine cosmologique: cependant, l'existence de quasars tres jeunes (car tres
lointains) et cependant deja tres lumineux impose que la formation des trous
noirs supermassifs se produise tres t^ot dans l'histoire de l'univers. Des uc-
tuations de densite dans l'univers primordial (a t 100 sec) permettraient
peut-^etre de former ces trous noirs supermassifs, autour desquels ensuite se
developperaient les galaxies.
la secondaire). A la dierence d'un NAG, ou la matiere accretant sur le trou noir
central provient de la concentration de gaz et d'etoiles au coeur de la galaxie, ici la
matiere provient de la secondaire elle-m^eme (cf chap 4 pour plus de details).
Le scenario evident de formation d'un trou noir stellaire est par e
ondrement
d'une etoile sur elle-m^eme, si celle-ci possedait initialement une masse superieure a
45 M . Cette limite inferieure essaye de tenir compte de l'enorme perte de masse
que l'etoile subit au cours des phases anterieures. L'important est que le residu, apres
la SNII, ait une masse superieure a la masse critique 3 M . Statistiquement, cela
signie que seulement 1=100 de SNII produisent des trous noirs.
L'autre possibilite de formation d'un trou noir stellaire est par accretion de
mati ere. Environ 50 % des etoiles sont dans des systemes binaires. Si l'une des deux
etoiles est assez massive, elle va evoluer rapidement et donner lieu a une SNII, puis
devenir une etoile a neutrons. Si, dans cette gigantesque explosion, le compagnion
n'est pas detruit, celui-ci va a son tour evoluer. Il existera alors une phase de la vie
de cette binaire, dans laquelle l'etoile a neutrons recoit de la masse du compagnion
plus jeune. Si la quantite de masse recue permet a l'etoile a neutrons de depasser la
masse critique, l'eondrement est ineluctable.
Statistiquement, en prenant en compte ces deux modes de formation, il devrait
donc y avoir entre 107 et 108 trous noirs stellaires dans notre galaxie. En fait, les
candidats trous noirs sont beaucoup moins nombreux que cela, on en denombre a
peine une dizaine.
156 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
Le premier terme estR nul puisque les points A et B sont xes tandis que le deuxieme
terme peut s'ecrire AB x C ds. Comme les variations selon chaque coordonnee sont
arbitraires, annuler l'integrale n'est possible que si tous les coecients C sont nuls,
c'est a dire !
1 dx dx @g ; d g dx = 0
2 ds ds @x ds ds
En multipliant cette expression par ;g et en utilisant le fait que les indices sont
muets et que (
g g = = 10 =
6=
( est le symbole de Kronecker) on obtient
( )
dU 1 @g @g
ds + 2 U U g 2 @x ; @x = 0
( )
dU + 1 U U g @g + @g ; @g = 0
ds 2 @x @x @x
ou l'on peut reconnaitre le symbole de Christoel et se ramene donc a l'equation
des geodesiques
dU + ; U U = 0 (3.138)
ds
On ne peut appliquer directement l'equation precedente aux photons puisque
ceux-ci verient ds = 0 ! On peut toutefois denir un vecteur d'onde
k = d dx
(3.139)
ou est un parametre variant le long de la trajectoire du rayon lumineux. En optique
geometrique, la direction de propagation d'un rayon lumineux est determinee par
le vecteur d'onde, qui reste toujours tangent au rayon: dk = 0 (dans le vide). En
vertu du principe d'equivalence, on obtient alors
dk + ; kk = 0 (3.140)
d
Exercice: e
ets de courbure de l'espace-temps
Calculer les ecarts entre deux geodesiques partant l'une de x, l'autre de x + x.
On ecrit les equations normales des geodesiques aux deux points
d2x + ; (x) dx dx = 0
ds2 ds ds
d (x + x) + ; (x + x) d (x + x ) d (x + x) = 0
2
ds2 ds ds
158 CHAPITRE 3. LES OBJETS COMPACTS
Chapitre 4
Les Systemes Binaires
Classication observationnelle et physique
Mecanique des systemes binaires
Ordres de grandeur, culture generale
Ainsi, on n'imagine pas d'autre scenario pour les systemes multiples que celui de la
fragmentation initiale. Les systemes binaires, eux, peuvent utiliser les deux modes
de formation. On va donc s'interesser plus particulierement aux binaires.
Les observations montrent la tendance suivante: les binaires dont la periode est
superieure a 100 ans semblent ^etre constituees d'etoiles de masses comparables.
Celles des binaires de periode plus petite que 100 ans ont des masses qui semblent
independantes. Ceci a amene a faire la conjecture que les premieres etaient for-
mees lors de la \ssion" du nuage parent (fragmentation) tandis que les deuxiemes
etaient formees par capture gravitationnelle. Ce scenario reste evidemment tres hy-
pothetique, en l'absence (1) d'une reelle comprehension des mecanismes physiques
controlant la fragmentation et (2) d'observations directes des conditions initiales de
formation stellaire.
- Binaires visuelles: les deux etoiles sont toutes deux detectees et, de la mesure de
leur separation angulaire (ou bien directement par leur mouvement apparent),
on en deduit qu'elles sont gravitationnellement liees.
- Binaires astrometriques: on ne voit que la plus brillante des deux, mais elle
possede un mouvement apparent periodique. A partir des lois de Kepler, on
en deduit une estimation de la masse du compagnon invisible. Par ex, Sirius
A et B etaient initialement des binaires astrometriques et, gr^ace aux progres
techniques, sont devenues des binaires visuelles.
Lorb r2
_ = (GMp)1=2
(4.4)
avec p = a(1 ; e2). Si la masse totale M reste a peu pres constante et si le moment
cinetique orbital varie peu, alors on peut ecrire que la separation des deux etoiles
varie comme
a / M 2(MM; M )2 (4.5)
1 1
ce qui indique qu'elle va varier s'il existe un transfert de masse d'une etoile a l'autre.
Pour se xer les idees, voici quelques ordres de grandeur du demi-grand axe d'une
binaire, pour des periodes de 1 annee, 1 jour ou 1 heure,
8
> 215 m11=3(1 + q)1=3 Pann
2=3
a = 4:1 m1=3(1 + q)1=3 P 2=3 ee
>
<
(4.6)
R > 1 jour
: 0:5 m1 (1 + q)1=3 P
1 = 3 2= 3
heure
162 CHAPITRE 4. LES SYSTEMES BINAIRES
ou m1 = M1=M (noter que pour la Terre, q << 1 et 1 AU ' 215 R ). Si les
deux etoiles sont susamment eloignees l'une de l'autre (separation beaucoup plus
grande que leur rayon), elles n'interagissent pas ou peu entre elles, ce qui permet de
supposer que chacune va evoluer comme si elle etait seule. Ceci peut devenir faux si
l'une d'entre elles devient une supergeante ou produit une supernova...
~ 2
$(~r) = ; j~rGM 1
;~r1 j ; q GM1 ; 1
j~r;~r2 j 2 ~r
(4.8)
ou ~r1 et ~r2 sont la distance de chaque etoile au centre de masse, ~r est la distance
du point considere au centre de masse. A trois dimensions, les equipotentielles qui
resultent des trois forces ci-dessus forment des surfaces
- lobes a peu pres spheriques tres loin de la binaire ou tres pres de chaque etoile!
- en forme de cacahuete englobant les deux etoiles, a proximite de la binaire.
La forme des equipotentielles est controlee par q (si q << 1, les equipotentielles
qui entourent l'une des etoiles sont des ellipsoides), tandis que leur taille globale est
controlee par a.
Le lobe de Roche est l'equipotentielle critique, a la forme d'un \8", qui relie les
deux etoiles. Le point en X est le point de Lagrange L1 ou la force totale s'annulle
mais ou, de part et d'autre, elle est dirigee vers chaque etoile. C'est donc un lieu de
passage privilegie pour echapper a l'attraction de l'une ou l'autre des etoiles.
Dans la forme ci-dessus, on peut remarquer que le lobe de Roche neglige toutes
les autres forces: cela ne peut donc rester valide en presence de vents stellaires
puissants, de champs magnetiques intenses etc... De plus, les masses de chaque etoile
sont considerees ponctuelles, approximation valable que pour les binaires distantes
pour lesquelles, justement, ce concept est inutile puisque les etoiles n'interagissent
pas. Ainsi, le calcul du lobe de Roche a partir de l'equation (4.8) ne fournit qu'un
ordre de grandeur, ou au pire, une idee approximative de la zone d'interaction entre
deux etoiles rapprochees.
164 CHAPITRE 4. LES SYSTEMES BINAIRES
Fig. 4.1 { Equipotentielles et lobe de Roche pour un systeme binaire decrit par
l'equation 4.8. Les points de Lagrange sont notes Ln et les chires indiquent les
valeurs relatives des contours (les minima sont en L4 et L5).
Fig. 4.2 { Diagramme HR sur lequel n'ont ete representees que les composantes
sous-geantes de binaires a eclipses. La ligne continue est la Sequence Principale.
Les sous-geantes sont plus brillantes que'une etoile normale du fait de l'accretion de
matiere provenant de la secondaire.
4.2. MECANIQUE DES SYSTEMES BINAIRES 165
Fig. 4.3 { \Vue d'artiste" d'un systeme binaire proche en interaction. La primaire
est un objet compact autour duquel s'est forme un disque d'accretion. Ce disque est
alimente par la matiere stellaire du compagnon, echappant a son attraction au niveau
du point de Lagrange L1 . Ceci ne se produit que lorsque le compagnon a atteint un
stade ou son enveloppe exterieure depasse le lobe de Roche.
toute etoile, sans que la masse ne change de facon signicative. Cela implique,
inevitablement, qu'il existe une phase dans la vie de la binaire ou une etoile
geante fournit de la masse a son compagnon. Le moteur de cette perte de
masse est donc l'evolution interne de la secondaire.
- Retrecissement du lobe de Roche: la position et la forme du lobe de Roche
dont contr^oles par a et q. En particulier, si le demi-grand axe a de la binaire di-
minue, alors le lobe de Roche se retrecit et peut devenir plus petit que le rayon
de l'etoile la moins massive, provoquant ainsi l'accretion de matiere. Dans ce
cas, le moteur de l'accretion est ce qui impose la diminution de la separation
de la binaire, autrement dit ce qui permet une perte de moment cinetique
du systeme binaire. Deux processus sont envisages: (1) les vents stellaires qui
exercent sur chaque etoile un couple de freinage et qui, par l'intermediaire des
forces de maree, emportent du moment cinetique de la binaire! (2) des ondes
gravitationnelles peuvent egalement emporter du moment cinetique de facon
ecace, a condition que la binaire soit susamment rapprochee.
Nous avons vu que des binaires susamment proches etaient synchronisees. Cela
signie que dans le referentiel du centre de masse, la matiere issue de la secondaire
ne possede pas de moment cinetique: le ot tombe radialement sur la primaire. Par
contre, si la binaire est susamment eloignee, la matiere de la secondaire possede du
moment cinetique et ne peut donc tomber radialement sur la primaire. Il se forme
alors un disque de matiere en orbite quasi-keplerienne autour de la primaire. Un
point chaud (\hot spot") se forme au lieu de rencontre entre la matiere qui s'ecoule
de la secondaire et le disque en orbite autour de la primaire.
Hormis le point chaud, la presence du disque peut se detecter observationnel-
lement, car celui-ci n'est pas passif (comme peuvent l'^etre les anneaux de matiere
autour des planetes) mais actif: de multiples collisions entre particules chauent lo-
calement le disque qui rayonne et devoile ainsi sa presence. Cette energie rayonnee
provient de l'energie mecanique des particules qui, en ayant perdu une partie lors
4.3. LA ZOOLOGIE DES SYSTEMES BINAIRES 167
des collisions, tombent vers la primaire (cf chap 3.3). La trajectoire moyenne des
particules est donc une spirale nissant sur la primaire. Ce type d'ecoulement, un
disque d'accretion, est tres commun en astrophysique: on le rencontre autour des
etoiles en formation, dans des systemes binaires et dans le coeur des galaxies actives.
Le modele \standard" des disques d'accretion fut propose quasi-simultanement
par Lynden-Bell & Pringle (1972) et Shakura & Sunyaev (1973). Le taux d'accretion
M_ a dans le disque est xe par les processus locaux qui imposent les collisions, a
savoir une turbulence developpee a l'oeuvre dans le disque. Ce qui engendre la
turbulence dans les disques d'accretion est encore aujourd'hui une inconnue. Les
recherches recentes (depuis 1991) semblent cependant indiquer que cette turbulence
pourrait ^etre d'origine magnetique: il faudrait donc utiliser une description MHD
(magnetohydrodynamique) de ces disques et non HD (hydrodynamique), comme il
a ete fait depuis une trentaine d'annees. En regime stationnaire, le taux d'accretion
M_ a devrait ^etre le m^eme que celui impose par la physique agissant au point de
Lagrange. En fait, il n'y a aucune raison pour que cela soit le cas et il est probable
qu'il y ait des phases d'ajustement lorsque ceux-ci sont tres dierents (comme par
ex, une accumulation de matiere au bord externe du disque, au niveau du point
chaud).
En reprenant les calculs eectues au chapitre 3.3, la temperature eective emise
a la surface du disque s'ecrit
!;1=2 _a !1=4 !;3=4
Teff = 4:6 10 M
7 M M r K (4.9)
10 M yr
; 8 ; 1 rg
et varie en r;3=4 avec la distance a la primaire: plus l'on se rapproche de la surface
de la primaire (de rayon R) et plus la temperature d'emission est elevee. Ainsi,
la temperature eective maximale sera d'autant plus grande que la primaire est
compacte, c'est a dire rmin R ! rg = 2GM=c2 . Les regions centrales d'un disque
d'accretion autour d'un trou noir ou d'une etoile a neutrons emettront des rayons X
(Teff 107 K) tandis qu'autour d'une naine blanche se seront des UV (Teff 104
K).
Fig. 4.4 { Distribution des periodes orbitales des variables cataclysmiques (CV).
4.3. LA ZOOLOGIE DES SYSTEMES BINAIRES 169
faible masse, peu evoluee (ie, pas loin de la Sequence Principale, car il n'y a pas
de place pour une etoile plus massive et/ou evoluee). Elles sont classees en deux
categories, selon l'importance du champ magnetique de la naine blanche.
Les CV non-magnetiques
La naine blanche ne possede pas de champ magnetique signicatif. E tant alors
rapprochees, les deux etoiles sont en interaction et echangent de la masse: la primaire
(la naine blanche) accrete de la masse de la secondaire. Celle-ci remplit son lobe de
Roche et fournit de la matiere avec un taux d'accretion typique de l'ordre de M_ a
10;11 ; 10;8 M=yr. Cette matiere possede du moment cinetique et vient former
un disque d'accretion autour de la naine blanche. Ce sont ces objets qui permettent
actuellement l'etude observationnelle la plus precise des disques d'accretion (gure
4.5).
Les CV magnetiques
Le champ magnetique de la naine blanche est si intense qu'il modie fortement
l'ecoulement d'accretion. Ces objets sont subdivises en deux categories.
Les Polars, ou CV du type AM Herculis, sont les CV dont le champ magne-
tique de la naine est le plus intense, de l'ordre de 2 103 a 3 103 Tesla. Ce champ est
susamment intense pour emp^echer la formation d'un disque et d'un point chaud.
En eet, la matiere qui s'echappe de la secondaire par le point de Lagrange est
ionisee et subit donc l'inuence du champ magnetique de la naine blanche. Celui-ci
redirige l'ecoulement directement vers les p^oles magnetiques. La matiere tombe en
chute libre et y produit un choc qui libere son energie gravitationnelle,
_
L ' GMR1Ma (4.10)
1
ou M1 et R1 sont respectivement la masse et le rayon de la naine blanche. Ce
rayonnement s'avere ^etre optiquement epais et on peut alors ecrire
L ' 4(&R)2Teff 4 (4.11)
ou &R est la taille caracteristique de la calotte polaire ou se produit le choc. Cette
taille etant petite mais liberant une forte puissance, le rayonnement produit est un
rayonnement X, module avec la periode T de la naine si le rotateur est oblique
(champ magnetique non-aligne avec l'axe de rotation). Dans ces objets T = P < 3
heures, la synchronisation entre le \spin" et la periode de la binaire etant probable-
ment assure par un couplage magnetique!
Les Intermediate Polars (IP), ou CV du type DQ Herculis, sont les CV dont
le champ magnetique de la naine est plus faible, variant de 10 a 103 Tesla. Systemes
typiques: SW UMa, AO Psc, AE Aqr. Dans ce cas, un disque peut se former (avec un
point chaud) mais il est tronque a proximite immediate de la naine blanche, lorsque
B 2 ' 2r2 (4.12)
0
170 CHAPITRE 4. LES SYSTEMES BINAIRES
Fig. 4.5 { Schema montrant les courbes de lumiere observees dans diverses bandes
photometriques (W,U,B,R et V en haut) de la CV non-magnetique U Gem. Ces
courbes peuvent ^etre reproduites gr^ace a plusieurs composantes: naine blanche cen-
trale, presence d'un disque d'accretion et point chaud (\hot spot"). Le residu est
ensuite utilise pour faire de l'imagerie du disque (tomographie).
4.3. LA ZOOLOGIE DES SYSTEMES BINAIRES 171
Fig. 4.9 { Courbes de lumiere des trois types de novae associees aux variables cata-
clysmiques: nova naine, nova et supernova de type I.
4.3. LA ZOOLOGIE DES SYSTEMES BINAIRES 175
Fig. 4.10 { Les trois sous-classes d'ev^enements eruptifs associes aux novae naines:
(a) CV du type U Gem, (b) Z Cam et (c) SU UMa.
176 CHAPITRE 4. LES SYSTEMES BINAIRES
Fig. 4.11 { Images de Nova Cygni prises apres l'explosion qui eut lieu le 19/02/1992
(a gauche: + 467 jours, a droite: +467j et 7mois, avec la correction COSTAR ap-
portee au telescope spatial). Ces images montrent que la nova a ejecte de la matiere
essentiellement dans le plan de la binaire, mais que le gaz s'echappe plus facilement
en dehors de ce plan (anneau devenant plus oblong)
.
lente de la luminosite (mV 0 ; 3) puis decroit tres lentement au cours du
temps (quelques annees). Leur frequence est supposee ^etre de l'ordre de 104
annees. Du fait de l'accretion de matiere sur la naine blanche (essentiellement
de l'Hydrogene, provenant de la secondaire), une couche d'Hydrogene s'accu-
mule petit a petit a sa surface. Le choc d'accretion rechaue l'hydrogene a des
temperatures elevees jusqu'a ce que le br^ulage de l'Hydrogene en Helium se
produise. Il y ensuite deux explications possibles a l'emballement de cette reac-
tion. La premiere suppose que, du fait de la forte gravite de la naine blanche,
cette reaction s'eectue dans des conditions degenerees, donc instables. Un
deuxieme modele suppose que l'apport constant de matiere du compagnon,
riche en Carbone et Oxygene (cycle CNO) entraine un emballement sans pos-
sibilites de refroidissement.
En tout etat de cause, une nova serait donc l'explosion d'une bombe \H"
a la surface de la naine blanche. Cette explosion est capable d'expulser de
la matiere avec un taux d'ejection M_ j 10;6 ; 10;4 M=yr a des vitesses
de plusieurs milliers de km/s. Cas types: DQ Her (intermediate polar), Nova
Cygni 75 (= V1500 Cyg, polar dont l'explosion a provoque une dierence de
1.8% entre T et P ).
Supernova de type I: ce type de supernova est beaucoup plus puissant que le
type II (voir gure) mais trois fois moins frequent. Il n'y a pas d'hydrogene
dans le spectre observe (a la dierence des SNII). Il correspond a l'explosion
de la naine blanche, qui est de ce fait completement detruite (pas de residu).
Cette explosion est declenchee par l'accretion de matiere sur la naine (Hoyle &
Fowler 1960): la masse du coeur degenere augmente progressivement jusqu'a
4.3. LA ZOOLOGIE DES SYSTEMES BINAIRES 177
Fig. 4.12 { Repr esentation schematique des deux types de binaires X. EN haut,
les binaires de faible masse (LMXB) pour lesquelles l'accretion de matiere sur l'ob-
jet compact s'eectue a travers un disque. En bas, les binaires massives (HMXB)
pour lesquelles l'accretion s'eectue lors du passage de l'objet compact dans le vent
stellaire de la secondaire.
Fig. 4.13 { Orbites (a l'echelle) de quelques binaires X massives. Les plus excen-
triques sont aussi celles ayant les plus grandes separations (donc periodes). Le trait
indique une distance de 100 secondes-lumiere (environ 12.5 UA).
4.3. LA ZOOLOGIE DES SYSTEMES BINAIRES 179
Fig. 4.14 { Evolution de la periode de quelques binaires X massives sur une echelle
de plusieurs annees. Cette periode correspond egalement a la periode de rotation de
l'etoile a neutrons sur elle-m^eme. La plupart indiquent une tendance a la decrois-
sance de cette periode, impliquant que ces etoiles sont accelerees.
180 CHAPITRE 4. LES SYSTEMES BINAIRES
Fig. 4.16 { En haut: tailles relatives des orbites et des compagnons pour quelques bi-
naires X de faible masse (LMXB). La ligne indique une taille de 50 secondes lumiere
(distance Terre-Soleil: 8 secondes lumiere). En bas: lobe de Roche, disque d'accretion
et compagnon pour la LMXB 4U1626-67, mis a l'echelle du disque solaire.
4.3. LA ZOOLOGIE DES SYSTEMES BINAIRES 183
Fig. 4.17 { Schema du modele de
ash thermonucleaire pour les sursauts X. L'etoile
a neutrons accrete de l'Hydrogene du disque d'accretion, formant une couche limite
equatoriale. L'Hydrogene y est alors converti en Helium de facon stable jusqu'a ce
que la reaction se produise dans des conditions degenerees, donnant lieu a un
ash.
Puis le processus repart pour un cycle.
184 CHAPITRE 4. LES SYSTEMES BINAIRES
Type D: La secondaire est une geante froide (quelques fois du type Mira, ie etoile
variable particuliere) avec M M et la primaire est une naine blanche
(M 0:8 M ). Dans ces systemes, on ne voit pas de mouvement orbital:
P > 103 ans, correspondant a une grande separation a > 100 AU. Un fort
rayonnement infrarouge est egalement observe, provenant d'une enveloppe de
gaz et de poussieres. Ces deux etoiles ne remplissent pas leur lobe de Roche,
ce qui fait que le transfert de masse s'eectue par l'intermediaire du vent de
la geante. Cas typiques: RR Tel, V1016 Cyg.
Il n'existe pas d'explication theorique encore claire pour ces tres rares objets
(environ 0.1% des etoiles). En particulier on ne connait ni leurs precurseurs, ni
comment ils ont ete formes, ni leur devenir. Va-t-il y avoir fusion des deux etoiles ou
bien formation de deux naines blanches? Comment se font les transferts d'energie,
de masse et de moment cinetique entre les deux etoiles?