92923b02-3115-457c-a23b-6a3b7aafae4a(2)
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Nutrition clinique pratique, 2e édition, par J.-L. Schlienger, 2014, 334 pages.
100 situations clés en médecine générale, coordonné par J.-L. Schlienger, 2013, 462 pages.
Endocrinologie, diabète, métabolisme et nutrition pour le praticien, par J.-L. Wémeau, B. Vialettes
et J.-L. Schlienger, 2014.
Diététique en pratique médicale courante, par J.-L. Schlienger, 2e édition, 2017,
Nutrition préventive et thérapeutique, par J.-M. Lecerf et J.-L. Schlienger, 2016, 334 pages.
Manuel de nutrition
pour le patient
diabétique
Louis Monnier
Professeur émérite à la faculté de médecine de Montpellier, ancien chef de
service des maladies métaboliques au CHU de Montpellier.
Jean-Louis Schlienger
Professeur honoraire de nutrition et médecine interne, ancien chef de service
de nutrition et médecine interne au CHRU de Strasbourg.
Avec la collaboration de
Colette Claude
Docteur es Sciences, ancienne chargée de l'INSERM, Montpellier.
El Azrak Abdelilah
Docteur en médecine, médecin généraliste libéral, Casablanca.
Rochd Driss
Docteur en médecine, médecin généraliste libéral, Casablanca.
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Abréviations
XV
Abréviations
XVI
Le diabète sucré : CHAPITRE
1
généralités et un peu
d'histoire
L. Monnier
beaucoup plus importantes lorsqu'un traite- insulinodépendants » qui peuvent être contrôlés
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
ment insulinique est indispensable. Dans ce cas, par des médicaments non insuliniques. Plus loin,
c'est une ou plusieurs injections d'insuline qui nous verrons que cette classification relativement
doivent être pratiquées à des horaires précis pour simple, nous dirons simpliste, qui était encore
éviter les dérives glycémiques. en vigueur il y a quelques années, a fait l'objet de
Pour les personnes qui ne sont pas diabétiques, révisions successives pour mieux s'adapter à la
beaucoup sont au courant des contraintes liées au réalité scientifique et à l'hétérogénéité des états
diabète parce qu'elles connaissent un proche (ami diabétiques. Pour mieux comprendre le diabète
ou parent) qui est obligé de se piquer plusieurs sucré, il nous paraît utile de faire un bref rappel
fois par jour pour injecter de l'insuline, de suivre historique sur la « saga » des états diabétiques au
un régime et de contrôler sa glycémie de manière cours des siècles.
3
Partie I. Physiopathologie du diabète
connaissances scientifiques :
Un peu plus tard : la Grèce l'Europe occidentale
antique et l'Amérique du Nord
Ce n'est que plusieurs siècles plus tard, environ Avec Thomas Cawley se termine une longue
une centaine d'années avant notre ère que le nom époque que certains désignent sous le terme de
de diabète fut prononcé pour la première fois par période «préchimique » du diabète sucré. C'est à
un médecin Grec Arétée de Cappadoce. Le terme partir de ce moment-là que le rythme des décou-
grec «diabetes » qui signifie «passer à travers » vertes s'accélère de manière considérable. Dans
était destiné à caractériser des personnes ayant un cette phase d'accélération des connaissances, il
état pathologique inquiétant et qui entraînait une convient de distinguer deux grandes périodes :
fin dramatique et rapide chez des sujets jeunes. la période préinsulinique qui va de 1800 à 1921
Même le grand Hippocrate, considéré comme (date de la découverte de l'insuline) et la période
le «père de la médecine », n'avait pas, quelques suivante, post-insulinique. C'est à partir de cette
siècles plus tôt (400 ans avant notre ère) parlé de période que des personnes qui étaient condam-
diabète, alors qu'il avait observé et décrit en détail nées à une mort certaine en quelques semaines
l'un des signes cliniques majeurs de la maladie : ou quelques mois furent traitées par de l'insuline
l'émission abondante d'urine, la polyurie, en et purent vivre grâce à ce traitement. En dépit de
l'attribuant non pas au diabète mais à la consom- ses contraintes (injections multiquotidiennes ou
mation excessive de boissons. port d'une pompe à insuline), l'insulinothérapie
4
Chapitre 1. Le diabète sucré : généralités et un peu d'histoire
permet aujourd'hui à la plupart des patients dia- de nos jours. En fait, les recommandations d'Apol-
bétiques de mener une vie familiale, sociale et linaire Bouchardat consistaient à interdire tous les
professionnelle qui se rapproche de plus en plus aliments contenant des glucides y compris ceux
de la vie d'une personne non diabétique. apportant des glucides lents. En revanche, étaient
largement conseillés tous les aliments lipido-
La période préinsulinique protidiques : viandes, œufs, charcuteries. Pour les
boissons alcoolisées, les propositions d'Apollinaire
Dans les années 1800 Bouchardat étaient pour le moins inattendues et
Pendant cette période, Paul Langerhans découvre surprenantes puisqu'il préconisait pour les vins :
en Allemagne que le pancréas, un organe dont «Dans les vingt-quatre heures, un litre de vin
le poids total est de l'ordre d'une centaine de suffit pour un homme, un demi-litre pour une
grammes, contient de petites structures tissulaires femme ». Tout ceci serait considéré aujourd'hui
disséminées en son sein (1 million environ). La comme des propositions absurdes en contradic-
prouesse technique de cette découverte était évi- tion avec ce que recommandent les nutritionnistes
dente car ces structures, désignées ultérieurement et les diabétologues. Il ne faut pas s'en étonner car
sous le nom d'îlots de Langerhans, en hommage à l'hypothèse de départ étant fausse (le diabète était
leur découvreur, ont une masse totale de 2 g. Ceci attribué à une maladie de l'estomac), il était nor-
signifie que si on collecte ces structures pour les ras- mal que les conclusions le soient également.
sembler dans un dé à coudre, elles n'occupent que la
moitié de son volume. Comme nous le verrons plus Plusieurs décennies plus tard
tard, c'est malheureusement la destruction de ces À la fin du XIXe siècle, Oskar Minkowski et Josef
2 g de tissu qui conduit à la forme la plus sévère du
Von Mering démontrent à Strasbourg qu'un diabète
diabète sucré : le diabète insulino-dépendant encore
apparaît chez des chiens auxquels on a enlevé la
appelé diabète «insulinoprive» ou diabète juvénile
totalité du pancréas (pancréatectomie totale). Ces
(car il survient le plus souvent chez des enfants, des
animaux développent les mêmes symptômes que
adolescents ou des adultes jeunes). Aujourd'hui, il
les patients atteints de diabète de type 1 : polypha-
est désigné sous le terme de diabète «de type 1»
gie (faim intense), polydipsie (soif insatiable), poly-
comme nous le verrons plus loin.
urie (émission très abondante d'urine), cachexie
(perte de poids majeure) et décès au bout de quelques
En 1875 jours après un coma cétoacidosique caractérisé par
Apollinaire Bouchardat publie son célèbre une inondation de l'organisme par des composés
ouvrage De la glycosurie ou diabète sucré : son acides, les corps cétoniques, qui résultent eux-
traitement hygiénique dans lequel il fait une des- mêmes d'une mauvaise combustion des graisses
cription détaillée du régime qui devrait être suivi due à la carence en insuline. Cette dernière n'avait
par les diabétiques. En fait, il pensait que l'origine pas encore été identifiée à cette époque-là. La cause
du diabète se situait au niveau de l'estomac et que physiopathologique du coma cétoacidosique ne fut
les sujets diabétiques secrétaient une substance, réellement trouvée que dans un deuxième temps,
une diastase du suc gastrique, capable de faciliter lorsque l'insuline fut découverte, plusieurs années
la transformation en glucose des amidons conte- plus tard. Avant l'identification de l'insuline et de sa
nus dans les féculents fournis par l'alimentation. sécrétion, les deux chercheurs strasbourgeois com-
Bien que sa théorie fût complètement fausse, plétèrent leur travail en démontrant que la greffe
Apollinaire Bouchardat émit des recommanda- sous-cutanée du pancréas extirpé corrigeait le dia-
tions nutritionnelles. Pour cette raison, il peut bète expérimental qu'ils avaient provoqué par la
être considéré comme un précurseur dans le pancréatectomie. Dès lors, ils en déduisirent que le
domaine de la nutrition à l'usage des diabétiques. pancréas était le lieu de production d'une substance
Ce n'est pas pour autant que nous allons dans ce qui permettait de contrôler la glycémie et d'éviter
manuel nous inspirer des préceptes d'Apollinaire la cétoacidose. Toutefois, ils étaient encore relative-
Bouchardat. La plupart d'entre eux sont non seule- ment loin de la solution qui ne viendra que quelques
ment obsolètes mais de surcroît ils apparaîtraient années après avec la découverte de l'insuline par les
comme totalement farfelus s'ils étaient formulés chercheurs de Toronto.
5
Partie I. Physiopathologie du diabète
6
Chapitre 1. Le diabète sucré : généralités et un peu d'histoire
danois, par l'intermédiaire du laboratoire Novo type 2 ». Cette découverte fondamentale marquait
furent des pionniers dans la mise au point de pro- une nouvelle étape. En effet, c'était la première
cédés permettant de prolonger l'action de l'insu- fois que l'on pouvait proposer un traitement par
line. La célèbre insuline NPH a été mise au point comprimés pour soigner des patients diabétiques
en 1936 par Hagedorn, un chercheur des labora- dont la sécrétion insulinique était certes dimi-
toires Novo dont le siège se situe au Danemark. nuée mais encore suffisamment présente pour
L'insuline NPH existe toujours même si son être réactivée par un traitement médicamenteux
procédé de fabrication a bénéficié de multiples administré par voie orale sous forme de com-
avancées technologiques depuis sa formulation primés. Depuis cette période pionnière de nom-
initiale. L'insuline NPH dans sa version actuelle breux médicaments administrés par voie orale
n'est qu'un vague descendant du produit initial. ou injectable sont venus enrichir notre arsenal
Il n'en reste pas moins que son principe de thérapeutique. Certains à l'instar des sulfamides
fabrication reste le même : association à l'insuline hypoglycémiants, appelés aujourd'hui sulfony-
d'une protéine, la protamine, qui lui confère un lurées, stimulent l'insulinosécrétion à condition
effet retard dépassant les 12 heures. Ainsi naquit qu'il existe une insulinosécrétion résiduelle.
l'insuline NPH, insuline semi-retard dont le sigle Ceci signifie que leur prescription est inutile et
signifie « Neutral Protamine Hagedorn » pour inefficace dans le diabète de type 1, dit «insuli-
rendre hommage à celui qui découvrit ce pro- noprive ». D'autres médicaments administrés par
cédé toujours en vigueur. Depuis, l'histoire des voie orale sous forme de comprimés agissent en
préparations de l'insuline a été pavée de nom- sensibilisant nos organes et nos tissus à l'action
breuses avancées parmi lesquelles il convient de de l'insuline. C'est pour cette raison qu'ils sont
donner une place majeure au génie génétique, désignés sous le terme d'insulinosensibilisateurs.
c'est-à-dire à la production d'insuline par des Le premier d'entre eux, la metformine découverte
micro-organismes (bactéries ou levures) dans les- par un Français et mise sur le marché en 1956,
quels on a introduit le gène de l'insuline humaine reste un des médicaments phares du diabète sucré
ou d'insulines humaines modifiées pour leur de type 2. Après une longue période de dénigre-
conférer une durée d'action longue (analogues ment par les autorités sanitaires américaines, il
lents de l'insuline) ou courte (analogues rapides a été redécouvert dans les années 1990 par cer-
de l'insuline). C'est grâce à ces analogues que l'on tains diabétologues américains parmi lesquels
a pu proposer aux personnes diabétiques traitées il convient de citer l'un des meilleurs connais-
par l'insuline des schémas de traitements insu- seurs de la physiopathologie du diabète sucré de
liniques qui se rapprochent de plus en plus de la type 2, Ralph DeFronzo. Depuis, la metformine
sécrétion insulinique physiologique, telle qu'elle est devenue un produit «star » sur le continent
existe chez un sujet exempt de diabète sucré. Dans nord-américain et à l'échelle mondiale. Tout le
cet ouvrage, nous reviendrons longuement sur les monde est aujourd'hui d'accord pour proposer sa
principes de ces schémas dits «basal-bolus » ou prescription en première ligne quand on vient de
«basal-prandial » quand nous aborderons le trai- découvrir un diabète de type 2 chez une personne
tement du diabète sucré et l'adaptation des doses ayant en général dépassé la quarantaine et chez
d'insuline en fonction de l'alimentation. laquelle on vient de découvrir une hyperglycémie
Pour compléter ce tableau historique des grandes (une augmentation du glucose sanguin) sympto-
découvertes de la période post-insulinique, il matique d'un état diabétique.
convient de signaler les étapes suivantes.
Dans les années 1980
En 1943 La surveillance des états diabétiques est révolu-
C'est à Montpellier que Marcel Janbon et Auguste tionnée par la mise au point des premiers lecteurs
Loubatières découvrent les propriétés hypogly- de glycémie permettant un contrôle du glucose
cémiantes des sulfamides, médicaments qui sont sanguin après un prélèvement d'une minuscule
toujours utilisés dans le traitement du diabète gouttelette de sang au bout du doigt. C'est le début
sucré non insulinodépendant que l'on désigne de l'autosurveillance glycémique, avec la possibi-
aujourd'hui sous le qualificatif de «diabète de lité offerte à une personne diabétique de surveiller
7
Partie I. Physiopathologie du diabète
sa glycémie à son domicile, sur son lieu de travail, jours, tout en menant sa vie habituelle, d'enregis-
en d'autres termes dans sa vie de tous les jours. Les trer l'évolution de sa glycémie. Cette méthode,
personnes qui étaient déjà diabétiques avant cette plus connue sous le terme de «holter glycémique »,
période se souviennent encore des contraintes ne cesse de s'améliorer. Quand elle est utilisée,
qu'elles enduraient pour surveiller leur diabète, en elle permet à un patient diabétique de connaître
recueillant des urines et en effectuant des contrôles son profil glycémique quotidien qui varie sou-
de glycosurie (glucose urinaire) à l'aide de tablettes vent d'un jour à l'autre, de repérer des baisses
(Clinitest®) ou de bandelettes (Clinistix®) ou même anormales de la glycémie (hypoglycémies), qui
en utilisant la «vieille » liqueur de Fehling qu'il fal- en dehors du holter glycémique, seraient passées
lait ajouter aux urines pour produire une réaction inaperçues. Cette mesure continue de la glycémie,
colorimétrique, témoin de la présence de sucre couplée à une pompe à insuline qui délivrerait
dans les urines. L'autosurveillance glycémique s'est l'insuline de manière intelligente, au prorata des
transformée rapidement en autocontrôle glycé- besoins de l'organisme, ouvre la perspective de
mique dans la mesure où elle permet d'adapter le mise au point de systèmes de distribution insuli-
traitement antidiabétique. Elle permet en particu- nique capables de remplacer le pancréas normal,
lier de titrer les doses d'insuline à injecter chez les et déjà désignés sous le terme à notre avis un peu
personnes diabétiques traitées par insuline : dia- ambitieux de «pancréas artificiels ».
bète de type 1 et un nombre sans cesse croissant de Dans ces lignes qui concernent la période récente
patients diabétiques de type 2 a priori non insu- nous nous sommes limités aux avancées ayant des
linodépendants mais qui après plusieurs années retombées pratiques immédiates dans la prise en
de traitement par comprimés antidiabétiques charge des patients diabétiques. Pour être complet,
deviennent «insulino-nécessitants », comme on il ne faudrait pas oublier toutes les découvertes
dit dans le jargon médical, c'est-à-dire qui néces- «fondamentales» sur le diabète qui ont fait progres-
sitent un recours à l'insuline dans la mesure où ser notre connaissance de la maladie et qui sont en
leur insulinosécrétion s'est progressivement épui- partie à l'origine des applications pratiques que nous
sée au cours du temps. venons de décrire. Plusieurs d'entre elles ont valu à
leurs auteurs de se voir décerner le prix Nobel de
physiologie et médecine ou le prix Nobel de chimie.
Dans les mêmes années 1980
C'est à ce moment-là que furent mis au point les Les grandes découvertes
premiers dosages d'HbA1c (hémoglobine gly- fondamentales qui ont
quée). Ce dosage peut être effectué à n'importe accompagné la progression
quel moment de la journée car il n'est pas influencé de la prise en charge
par les épisodes de la vie quotidienne, en particu-
lier par les prises alimentaires. Il permet d'évaluer diagnostique et thérapeutique
le contrôle glycémique global sur un laps de temps des états diabétiques
de l'ordre de 3 mois. Aux techniques pionnières, En 1950
complexes et plus ou moins fiables, sont venues
se substituer progressivement des méthodes de Berson et Yalow, aux États-Unis, mettent au point
dosage simplifiées et bien standardisées qui per- le dosage radio-immunologique de l'insuline. Cette
mettent à tout patient diabétique de connaître son découverte permettra ultérieurement de faire un
équilibre glycémique global avec une simple prise bond considérable dans la compréhension de la phy-
de sang trimestrielle. siopathologie des états diabétiques. L'un des deux
auteurs, Rosalyn Yalow, obtint en 1977 le prix Nobel
Le début du XXI e siècle de physiologie et médecine pour cette découverte.
Il a été marqué par l'apparition des premières
méthodes d'enregistrement glycémique continu En 1955
en ambulatoire. Grâce à l'insertion sous la peau Frederick Sanger, grâce à une méthode de séquen-
d'un minicapteur capable de mesurer la concen- çage protéique, identifie la structure complexe de
tration du glucose, il est possible pendant plusieurs l'insuline, qui est une protéine constituée par deux
8
Chapitre 1. Le diabète sucré : généralités et un peu d'histoire
9
Définir et expliquer CHAPITRE
2
les différents types
de diabètes sucrés
L. Monnier
publié par le National Diabetes Data Group améri- jeun. Ainsi furent définis trois états :
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
cain, un texte définissant et classant les états dia- • la normalité (glycémie à jeun inférieure à
bétiques et d'intolérance au glucose. Les sujets dits 1,10 g/L) ;
«intolérants au glucose » sont considérés comme • l'anomalie de la glycémie à jeun (glycémie supé-
«prédiabétiques » car ils ont une forte probabilité rieure ou égale à 1,10 g/L et inférieure à 1,26 g/L) ;
d'évoluer dans les années à venir vers un diabète • le diabète sucré si la glycémie à jeun était supé-
franc (patent). Le rationnel du texte paru en 1979 rieure ou égale à 1,26 g/L.
et publié dans la revue Diabetes était justement En 2003, la limite supérieure de la normalité
de décrire l'évolution du «prédiabète » en diabète fut ramenée à 1 g/L, valeur qui est toujours en
patent. La valeur de 1,40 g/L fut choisie comme vigueur en 2017.
11
Partie I. Physiopathologie du diabète
En 2009, un comité d'experts internationaux • comme sujets à « haut risque pour le diabète
dirigés par David Nathan, directeur de la Joslin sucré » tous les sujets ayant une HbA1c com-
Clinic à Boston et l'un des plus éminents diabé- prise entre 5,7 et 6,4 %.
tologues nord-américains, entreprit de définir le
diabète sucré non plus sur la glycémie mais sur L'HbA1c est un marqueur de l'exposition chronique
l'HbA1c (cf. encadré infra). Les propositions de ce au glucose sur une période de 3 mois. C'est pour cette
comité d'experts furent définitivement validées raison que son taux est corrélé à celui de la glycémie
en 2010 puis régulièrement reconduites jusqu'à moyenne (fig. 2.1). De manière simple, une glycé-
aujourd'hui. Dans ces conditions, l'HbA1c, qui mie moyenne à 1,26 g/L intégrant à la fois les gly-
était considérée exclusivement comme un élément cémies de jeûne, interprandiales et postprandiales
de surveillance du diabète sucré, est devenue un correspond à une HbA1c égale à 6 %. Chaque fois
critère de diagnostic qui doit être rajouté à ceux que la glycémie moyenne augmente de 0,29 g/L, le
qui étaient déjà en vigueur. En outre, l'Ameri- taux de l'HbA1c augmente de 1 %. L'HbA1c, encore
can Diabetes Association (ADA), association qui appelée hémoglobine glyquée, est une fraction de
définit les normes américaines qui sont souvent l'hémoglobine qui a subi la réaction de glycation :
le point de départ des normes internationales, a fixation de glucose sur une protéine, en l'occurrence
identifié à partir du dosage de l'HbA1c une nou- l'hémoglobine, constituant normal des globules
velle catégorie de personnes dites «à haut risque de rouges qui permet le transport de l'oxygène. La gly-
devenir diabétiques ». Ce groupe englobe tous les cation est un phénomène irréversible et la durée de
sujets dont l'HbA1c est comprise entre 5,7 et 6,4 %. vie d'un globule rouge est de 120 jours. Pour cette
raison un globule rouge natif qui n'a jamais été en
Ainsi, aujourd'hui, en se basant à la fois sur
contact avec le glucose sanguin ne contient pas
les glycémies et l'HbA1c, un sujet est considéré
d'HbA1c. Au bout de 120 jours, le pourcentage de
comme diabétique s'il est dans l'une des situations l'hémoglobine qui a subi la glycation est pour un
suivantes : globule rouge à son maximum (environ 10 % chez
• glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/L un sujet ayant une glycémie normale). Étant donné
(7 mmol/L), le jeûne étant défini par une que le renouvellement des globules rouges est un
absence d'apport calorique depuis au moins phénomène continu, le dosage de l'HbA1c à un ins-
8 heures ; tant donné est un pourcentage moyen de l'hémoglo-
• ou signes cliniques d'hyperglycémie et décou- bine qui a subi le phénomène de glycation dans une
verte au hasard à un moment quelconque de cohorte de globules rouges qui naissent et meurent
la journée d'une glycémie supérieure ou égale en permanence. Chez un sujet qui n'est pas diabé-
à 2 g/L (11,1 mmol/L) et quelle que soit la dis- tique le taux d'HbA1c doit rester inférieur à 5,7 %.
tance du prélèvement sanguin par rapport à Ce taux augmente de manière linéaire avec le degré
un repas. Les symptômes de l'hyperglycémie, de l'hyperglycémie (fig. 2.1).
lorsqu'elle est suffisamment marquée, sont les
signes cardinaux classiques : polyurie, polydip- Pour simplifier la lecture et l'interprétation de
sie, perte de poids inexpliquée souvent associée ces normes un peu complexes à première vue, on a
à une polyphagie ; l'habitude de regrouper sous le terme de «prédia-
• ou glycémie à la deuxième heure d'une HGPO bète » les entités suivantes : l'anomalie de la gly-
supérieure ou égale à 2 g/L (11,1 mmol/L) ; cémie à jeun, l'intolérance au glucose et le «haut
• ou HbA1c supérieure ou égale à 6,5 %. risque de développer un diabète sucré ». La défini-
Par ailleurs sont définis : tion de ces différents états est illustrée de manière
• comme sujets présentant une « anomalie de la schématique sur la figure 2.2.
glycémie à jeun », tous les sujets ayant une gly- De plus, nous proposons au lecteur de donner
cémie à jeun comprise entre 1 g/L et 1,25 g/L ; une réponse pragmatique en posant la question sui-
• comme sujets ayant une intolérance au glucose, vante : Quelle attitude doit-on adopter en pratique?
tous les sujets dont la glycémie à jeun est infé- Les critères que nous avons énoncés précédem-
rieure à 1,26 g/L et dont la glycémie à la deux- ment semblent compliquer la tâche des profes-
ième heure d'une épreuve d'hyperglycémie sionnels de santé puisque «l'élimination » d'un
orale (75 g de glucose par voie orale) est com- état diabétique chez un sujet donné implique
prise entre 1,40 g/L et 1,99 g/L ; «stricto sensu » de pratiquer trois examens : une
12
Chapitre 2. Définir et expliquer les différents types de diabètes sucrés
1,26
1
1,26 g/L = HbA1c à 6 %
glycémique = + 0,29 g/L
HbA1c = 1 %
0 HbA1c (%)
4 5 6 7 8 9 10 11
Glycémie à jeun (g/L) HbA1c (%) • le résultat est compris entre 1 et 1,25 g/L, on
refait quelques jours après une glycémie à jeun
Diabète Diabète et on fait une HbA1c. Si le résultat est retrouvé
entre 1 et 1,25 g/L, avec une HbA1c < 5,7 %, le
1,26 6,5 sujet a une banale «anomalie de la glycémie
Anomalie Haut
de la glycémie risque de à jeun ». Si le résultat est confirmé entre 1 et
à jeun diabète 1,25 g/L avec une HbA1c entre 5,7 et 6,4 %, le
1,00 5,7 sujet est à «haut risque de diabète ». Enfin, si le
Normal Normal résultat de la glycémie à jeun est retrouvé entre
1 et 1,25 g/L avec une HbA1c ≥ 6,5 %, le sujet est
considéré comme diabétique.
Figure 2.2. Définition des états de prédiabète
et de diabète franc (patent).
D'après : American Diabetes Association. Classification
and Diagnosis of Diabetes. Diabetes Care 2017; Expression clinique
40(Suppl 1) : S11-S24.
des états diabétiques
glycémie à jeun, une glycémie à la deuxième heure Le diabète est une maladie hétérogène. Cette hété-
d'une épreuve d'HGPO et une HbA1c. Si un seul rogénéité est à la fois symptomatique, évolutive,
des critères est dans la zone du diabète, le sujet est biologique et étiopathogénique.
diabétique.
En pratique, faut-il réaliser ces trois examens ?
Hétérogénéité symptomatique
En fait, l'épreuve d'HGPO est rarement réalisée
car peu pratique dans sa mise en œuvre et peu Le diabète de type 1, caractérisé par une destruc-
fiable dans ses résultats avec une grande variabi- tion complète des îlots de Langerhans et par un
lité chez un même sujet d'un jour à l'autre. Dans déficit quasi absolu de la sécrétion insulinique,
ces conditions, le mieux est d'adopter l'algorithme apparaît en général de manière brutale en l'espace
suivant pour dépister un diabète. de quelques jours ou de quelques semaines, par-
Tout d'abord, on pratique une glycémie à jeun. fois même en quelques heures quand il touche de
Plusieurs cas de figure peuvent être rencontrés : jeunes enfants. Les signes cardinaux sont la poly-
• le résultat est < 1 g/L, on ne fait rien de plus ; urie, la polydipsie, la polyphagie et l'amaigrisse-
• le résultat est ≥ 1,26 g/L, le sujet est diabétique ment. À l'inverse, le diabète de type 2, qui touche
à condition de confirmer cette anomalie par un en général des personnes ayant dépassé la quaran-
deuxième dosage quelques jours après ; taine, a un début souvent insidieux et le diagnostic
13
Partie I. Physiopathologie du diabète
14
Chapitre 2. Définir et expliquer les différents types de diabètes sucrés
impose des contraintes qui sont indéniables. Ce glycémie est trop basse en fin d'après-midi avant
sont pourtant elles qui permettent d'éviter le déve- le dîner. À noter que dans les deux cas, les sujets
loppement ou la progression des complications étaient traités par un schéma insulinique de type
diabétiques, qu'elles soient rétiniennes, rénales, basal-bolus. Les dérives excessives de la glycémie
neurologiques ou artérielles. Quand le diabète observées en période postprandiale, quel que
de type 1 est traité, on n'arrive jamais à la «tran- soit le degré de l'équilibre glycémique, montrent
quillité glycémique » observée chez les personnes que l'insulinothérapie n'est pas suffisante pour
qui ne sont pas diabétiques (fig. 2.4). Quand un permettre un contrôle satisfaisant des glycémies.
sujet est exempt de diabète et quand sa régulation L'apport en glucides au moment des repas doit être
glycémique est normale, la glycémie basale à jeun contrôlé à la fois en quantité et en qualité afin que
et entre les repas, c'est-à-dire la nuit et au-delà de les montées glycémiques qui suivent les trois repas
2 heures après une prise alimentaire se situe entre de la journée restent dans des limites raisonnables.
0,80 et 1 g/L (fig. 2.4). Les montées glycémiques
avec les repas (glycémies postprandiales) restent
en dessous de 1,40 g/L (fig. 2.4). Chez le diabé-
Dans le diabète de type 2
tique de type 1 sous traitement insulinique, les Les désordres glycémiques sont beaucoup moins
profils glycémiques sur 24 heures restent pertur- marqués que dans le diabète de type 1. Pendant
bés (fig. 2.4). La glycémie basale est en général longtemps, ils restent modérés, ce qui explique
augmentée, les excursions glycémiques qui suivent le début insidieux de la maladie, qui survient en
les repas sont plus amples et plus longues que général chez des sujets ayant dépassé la quaran-
celles qui sont observées chez les sujets sains. À taine, en surcharge pondérale ou obèses et ayant
certains moments de la journée (la nuit et à dis- une prédisposition génétique. L'accroissement
tance des repas) la glycémie peut être trop basse du pourcentage de l'obésité dans les popula-
(on parle d'hypoglycémie quand elle est inférieure tions occidentales et même dans les pays qui
à 0,70 g/L). Sur la figure 2.5, nous avons représenté étaient jusque-là épargnés (l'Asie du Sud-Est
deux profils glycémiques. Le premier correspond par exemple) explique l'augmentation de la pré-
à un patient diabétique de type 1 relativement bien valence du diabète sucré. Dans un pays comme
équilibré (HbA1c = 7 %), le deuxième à un patient la France, c'est approximativement 5 % de la
dont l'équilibre glycémique n'est pas satisfaisant population qui est touchée par cette maladie.
(HbA1c = 8 %). Il convient de noter d'emblée que Dans la mesure où les surcharges pondérales
le sujet considéré comme bien équilibré encourt et l'obésité sont l'une des causes majeures de
un risque d'hypoglycémie. Dans le cas présent, la l'apparition de la maladie et de son évolution,
240
220
Concentrationenglucose(mg/dL)
200
180
160
140
120
100
80 Temps (heures)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Figure 2.4. Profils glycémiques sur 24 heures chez un sujet non diabétique (courbe en pointillé) et
chez un patient ayant un diabète de type 1 insuliné (courbe en trait plein).
15
Partie I. Physiopathologie du diabète
280
260
Concentrationenglucose(mg/dL)
240
220
200
180
160
140
120
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Temps (heures)
Figure 2.5. Profils glycémiques sur 24 heures chez deux patients diabétiques de type 1 insulinés.
La courbe en trait plein correspond à un patient diabétique insuffisamment équilibré (HbA1c ≈ 8 %). Les traits horizontaux
en pointillé correspondent aux moyennes glycémiques sur 24 heures : 155 mg/dL pour le premier patient et 195 mg/dL
pour le deuxième.
16
Chapitre 2. Définir et expliquer les différents types de diabètes sucrés
200
100
0
0 8 12 19 0 8 12 19 0 8 12 19 Heures
Sujets avec un diabète insuffisamment équilibré (HbA1c ≥ 7,0 %)
HbA1c entre 7,0 et 7,4 % HbA1c entre 7,5 et 7,9 % HbA1c ≥ 8,0 %
300
Glycémie(mg/dL)
200
100
0
0 8
Exposition 12
normale au19 0 chez des sujets
glucose 8 12 19
non diabétiques 0 8 12 19 Heures
Hyperglycémie basale (AUCbasal) Hyperglycémie postprandiale (AUCpp)
Figure 2.6. Évolution des désordres glycémiques chez des patients ayant un diabète de type 2
en fonction du niveau de l'HbA1c en prenant pour référence des sujets non diabétiques (en haut
et à gauche).
Par ordre chronologique, les désordres glycémiques apparaissent selon la séquence suivante :
Ŕ première anomalie : présence d'un phénomène de l'aube (en haut au milieu) ;
Ŕ deuxième anomalie : dérives excessives des glycémies après les repas (en haut et à droite) ;
Ŕ troisième anomalie : hyperglycémie nocturne et interprandiale (hyperglycémie basale) qui ne cesse de s'aggraver
(en allant de la gauche vers la droite dans les cases de la partie inférieure de la figure).
postprandiale) se traduit par une augmentation de la Ils peuvent être regroupés dans deux grandes
glycémie nocturne, par une élévation des glycémies rubriques : les facteurs génétiques et les facteurs
avant chaque repas (glycémies préprandiales) et de d'environnement. Les deux variétés de diabète,
manière encore plus générale par une dérive vers le qu'ils soient de type 1 ou de type 2, ont une com-
haut de toutes les glycémies interprandiales (entre les posante génétique forte mais les gènes impliqués
repas). Cette hyperglycémie basale prend une place ne sont pas les mêmes dans les deux maladies. Les
de plus en plus importante dans les désordres glycé- facteurs d'environnement qui précipitent l'évolu-
miques quand on va d'une HbA1c de 7 % vers une tion vers le diabète patent sont également différents
HbA1c de 8, 9, 10 % et au-delà. Sa progression se dans les deux grandes variétés de diabète.
fait pratiquement au prorata du niveau de l'HbA1c Dans le diabète de type 1, le facteur déclenchant
(fig. 2.6). Dans le chapitre 4 consacré à la thérapeu- de la maladie est une réaction auto-immune du sujet
tique du diabète de type 2, nous verrons que toutes contre ses propres cellules bêta-langerhansiennes.
ces données sont extrêmement importantes pour La réaction auto-immune peut être déclenchée
choisir le meilleur traitement, qu'il soit médicamen- par des agents extrêmement divers. Le plus sou-
teux ou hygiéno-diététique. vent, il s'agit d'infections virales assez banales et
souvent hivernales (infections à virus Coxsackie
Hétérogénéité étiopathogénique par exemple). Compte tenu de la banalité des virus
ou comment devient-on incriminés, toute prévention est impossible. Étant
diabétique donné que le diabète sucré de type 1 survient chez
des sujets jeunes, souvent chez des enfants, les
Comme pour de nombreuses maladies chroniques, parents culpabilisent parce qu'ils pensent avoir
plusieurs facteurs étiopathogéniques interviennent été trop laxistes vis-à-vis de la consommation de
dans le développement des états diabétiques. sucreries par leur enfant qui a développé un diabète
17
Partie I. Physiopathologie du diabète
de type 1. Il faut leur dire que les facteurs nutrition- il n'évolue jamais vers la cétose («diabète non
nels n'ont rien à voir avec l'apparition du diabète de cétosique ») et ne nécessite pas de traitement insu-
leur enfant. linique («diabète non insulinodépendant »).
Dans le diabète de type 2, ce sont en revanche
les facteurs nutritionnels qui sont au premier plan Diabètes intermédiaires
des facteurs d'environnement responsables de la
maladie. Les surcharges pondérales et l'obésité, En fait, la séparation entre les deux variétés de
par l'insulinorésistance qu'elles induisent, jouent diabète que nous venons de décrire est beaucoup
un rôle majeur dans l'apparition du diabète de moins tranchée dans la réalité. En effet, il existe
type 2. La prévention passe par des mesures toute une série de formes intermédiaires, qui s'ex-
hygiéno-diététiques essentiellement basées sur le pliquent par la dégradation plus ou moins rapide
contrôle du poids corporel et sur une augmen- de la sécrétion insulinique, plus rapide que dans le
tation de l'activité physique compatible avec les diabète de type 2 et moins rapide que dans le dia-
capacités du sujet. Ce n'est donc pas un hasard si bète de type 1 (fig. 2.7). En fait, les états diabétiques
le diabète de type 2 avait été autrefois désigné sous sont constitués par un «spectre continu» d'états
le terme de «diabète pléthorique ». pathologiques qui vont du diabète de type 1 où la
destruction des îlots de Langerhans est relative-
ment rapide sous l'influence de mécanismes auto-
immuns au diabète de type 2 où la dégradation de la
Classification, filiation fonction bêta-langerhansienne est lente et indépen-
dante de toute auto-immunité. C'est entre les deux
des états diabétiques et formes que se situent les diabètes intermédiaires. La vitesse
particulières de diabète sucré de dégradation de la fonction bêta-langerhansienne
conditionne les caractéristiques cliniques des états
Comme nous l'avons déjà indiqué, les états dia- diabétiques : début brutal pour le diabète de type 1,
bétiques sont classiquement et un peu artificiel- installation insidieuse pour le diabète de type 2,
lement séparés en diabètes de type 1 et de type 2. avec toute une série d'états intermédiaires qui se
La séparation est justifiée par les caractéristiques rapprochent cliniquement des deux variétés préci-
très antinomiques de ces deux variétés de diabète. tées selon leur mécanisme étiopathogénique.
L'insulinodépendance ou la non-insulino-
Diabète de type 1 dépendance sont également conditionnées par
les mécanismes impliqués dans la genèse des
Il touche environ 200 000 personnes en France, états diabétiques. L'insulinodépendance est
survient de manière plus ou moins brutale chez précoce et l'insulinothérapie s'impose dans
des sujets jeunes (« diabète juvénile »), s'accom- l'urgence pour les diabètes de type 1 classiques.
pagne d'un amaigrissement («diabète maigre ») L'insulinodépendance et l'insulinothérapie sont
et évolue rapidement vers la cétoacidose quand beaucoup plus tardives dans les formes intermé-
il n'est pas traité («diabète cétoacidosique »). Il diaires. L'insulinodépendance est absente dans
est caractérisé par une carence absolue ou quasi les diabètes de type 2 classiques. Dans certaines
absolue en insuline («diabète insulinoprive ») et formes intermédiaires, l'insulinodépendance peut
nécessite un traitement insulinique chronique et être relativement précoce. C'est le cas dans les
définitif («diabète insulinodépendant »). diabètes de type LADA («Latent Auto-immune
Diabetes in Adults ») qui sont en fait des formes
Diabète de type 2 lentes du diabète de type 1 au cours desquelles les
îlots de Langerhans sont soumis à une destruc-
Il touche approximativement 3 000 000 de per- tion provoquée par un processus auto-immun,
sonnes en France, concerne surtout des sujets mais beaucoup plus lente que dans le diabète de
d'âge mûr (plus de 40 ans) («diabète de la matu- type 1 classique. Il n'en reste pas moins que les dia-
rité »). Il est associé à un excès pondéral («dia- bètes intermédiaires évoluent pratiquement dans
bète pléthorique ») et s'installe progressivement tous les cas vers l'insulinodépendance ou l'insu-
de manière insidieuse. Dans sa forme classique, linorequérance après quelques années au cours
18
Chapitre 2. Définir et expliquer les différents types de diabètes sucrés
Non
diabétique
100
Sécrétioninsuliniquerelative(%)
Intolérance
au glucose
50
Type 2 non
insulinorequérant
desquelles le sujet a pu être maintenu sous traite- indépendante du devenir des anomalies de la
ment par antidiabétiques oraux. Dans ces formes glycorégulation après la grossesse. Certains de ces
intermédiaires, les mesures hygiéno-diététiques états peuvent disparaître, d'autres peuvent persis-
peuvent ralentir l'évolution vers l'insulinodépen- ter, voire même s'aggraver. Dans une population
dance. Ces mesures sont beaucoup plus efficaces américaine prise pour référence, il a été déterminé
quand le diabète intermédiaire est plus proche que le diabète gestationnel est présent chez 7 %
d'un diabète de type 2 (excès pondéral, absence de des femmes enceintes. Compte tenu des risques
processus auto-immun) que d'un diabète de type 1 encourus par la mère et le nouveau-né, ces états
(absence de surcharge pondérale et présence d'un doivent être dépistés. Les résultats de l'Hypergly-
processus auto-immun). Il convient de noter que cemia and Adverse Pregnancy Outcome (HAPO)
l'absence ou la présence de processus auto-immun Study ont démontré que les risques pour la mère,
peut être jugée par la recherche sur un prélève- le fœtus et l'enfant augmentent de manière pro-
ment sanguin d'anticorps anti-îlots de Langerhans gressive en fonction de la glycémie de la mère
ou anti-insuline. Ce dosage n'est pas facile mais il entre la 24e et la 28e semaine d'aménorrhée, même
peut être utile chez certaines personnes. lorsque les glycémies sont dans une fourchette
qui était autrefois considérée comme normale. La
complication principale est la macrosomie (aug-
mentation du poids du fœtus), mais d'autres com-
Quelques formes particulières plications peuvent être observées : hypoglycémie
de diabète sucré néonatale au moment de l'accouchement, malfor-
mation fœtale. Ces complications sont d'autant
Diabète gestationnel plus fréquentes que le poids de la mère est élevé.
Ceci signifie que les mesures diététiques (régime
Le diabète gestationnel est une entité qui est contrôlé en calories sans toutefois descendre en
définie par la présence d'un trouble quelconque dessous de 1 600 kcal/j) soient primordiales en cas
de la glycorégulation pendant la grossesse. Cette de diabète gestationnel.
anomalie englobe à la fois les états d'intolérance Les tests de dépistage devraient être pratiqués
au glucose et les diabètes patents qui sont détec- entre la 24e et la 28e semaine de la grossesse
tés pendant la grossesse. Cette définition est (semaine d'aménorrhée). Deux modalités peuvent
19
Partie I. Physiopathologie du diabète
être envisagées selon que le dépistage est envisagé à des mutations sur le récepteur de l'insuline. Les
en deux temps ou en une seule étape. Aujourd'hui, désordres glycémiques peuvent aller d'une hyper-
c'est la stratégie en une seule étape grâce à une glycémie modérée jusqu'à des diabètes sévères.
hyperglycémie provoquée orale classique (HGPO)
(75 g de glucose) qui est le plus souvent utilisée. Ce Maladies du pancréas exocrine
test devrait être pratiqué chez toutes les femmes
Toute affection qui touche le pancréas peut provo-
enceintes à risque : âge supérieur à 35 ans, excès
quer un diabète. La liste des affections comprend :
de poids, antécédents familiaux ou personnels de
• les pancréatites, quelle qu'en soit la cause ;
diabète sucré ou de troubles de la régulation glycé-
• les traumatismes du pancréas ;
mique. Les prélèvements sanguins pour le dosage
• les pancréatectomies ;
de la glycémie sont pratiqués avant l'HGPO et à
• les cancers du pancréas.
la première et la deuxième heure après l'ingestion
du glucose. Les valeurs seuil retenues en 2010
par «l'International Association of Diabetes and Certaines maladies
Pregnancy Study Groups » sont les suivants : endocriniennes
• glycémie avant l'HGPO = 0,92 g/L ; Ces endocrinopathies qui touchent l'hypophyse ou
• glycémie à la première heure = 1,80 g/L ; les surrénales et qui s'accompagnent d'une hyper-
• glycémie à la deuxième heure = 1,53 g/L. sécrétion d'hormones hyperglycémiantes (hormone
de croissance, cortisol, adrénaline, noradrénaline)
Autres formes particulières rares peuvent entraîner des troubles de la glycémie.
Compte tenu de leur rareté et de leurs relations
assez lointaines avec d'éventuels désordres nutri- Médicaments ou agents
tionnels, nous ne ferons que les citer brièvement. chimiques
De nombreux médicaments peuvent altérer la
Déficits génétiques des cellules sécrétion insulinique ou diminuer son action en
des îlots de Langerhans créant un état d'insulinorésistance. Les médica-
Plusieurs formes de diabète sont associées à des ments ne sont pas capables par eux-mêmes de
mutations monogéniques portant sur la régu- déclencher un diabète sucré, mais ils peuvent
lation de la sécrétion insulinique par les îlots de faciliter son apparition chez des sujets insulino-
Langerhans. Ces variétés de diabète sont en géné- résistants. Parmi ces médicaments, ce sont les
ral caractérisées par la survenue d'un diabète chez glucocorticoïdes qui sont le plus souvent incri-
des sujets jeunes ayant moins de 25 ans. Elles sont minés. C'est pour cette raison qu'il est possible de
désignées sous le terme générique de diabète de la voir l'apparition d'un diabète ou la dégradation de
maturité chez le sujet jeune (MODY). Elles sont l'équilibre glycémique chez un diabétique connu
caractérisées par une altération de la sécrétion au cours des traitements par dérivés de la corti-
insulinique et par une absence de trouble de la sen- sone. Si ces traitements doivent être poursuivis
sibilité à l'insuline. Elles sont d'origine génétique, sur de longues périodes de temps, des mesures
transmises de manière autosomique dominante. diététiques précises doivent être envisagées :
régime hyposodé, improprement désigné sous le
terme de régime «sans sel » pour éviter une aug-
Déficits génétiques au niveau
mentation des valeurs de la pression artérielle,
de l'action de l'insuline régime pauvre en sucres rapides voire même res-
Ce sont des causes peu habituelles de diabète triction calorique pour lutter contre les désordres
sucré. Les anomalies métaboliques sont associées glycémiques.
20
Complications CHAPITRE
3
aiguës et chroniques
du diabète sucré
J.-L. Schlienger
rieure ou égale à 0,70 g/L (3,9 mmol/L). Son expres- tions peut faire accepter par certains sujets la
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
sion clinique est très variable d'un sujet à l'autre répétition des épisodes hypoglycémiques ce qui
mais est souvent la même chez un sujet donné expose à un risque accru de malaises sévères, les
bien qu'elle dépende également des conditions de signes d'alerte étant de moins en moins ressentis.
survenue (cinétique d'installation, effort, chro-
nologie dans le nycthémère…). L'hypoglycémie
Circonstances
est considérée comme sévère lorsqu'elle nécessite Les malaises hypoglycémiques liés à la prise de
l'intervention d'une tierce personne. médicaments antidiabétiques (hypoglycémies
La symptomatologie des malaises hypogly- iatrogènes) sont fréquents au cours des diabètes
cémiques comporte habituellement des signes de types 1 et 2. L'inadaptation des doses d'insu-
d'alerte de type neurovégétatif (sueurs, flush, line ou des agents qui stimulent la sécrétion de
21
Partie I. Physiopathologie du diabète
l'insuline (insulinosécrétagogues comme les sul- injectant 1 mg de glucagon par voie intramuscu-
fonylurées et les glinides) en regard des apports laire ou sous-cutanée (Glucagen®) ou en injectant
alimentaires ou de l'activité physique est une par voie intraveineuse 15 à 20 mL de soluté glu-
cause évidente. Les hypoglycémies induites par cosé à 30 %, suivi éventuellement d'une consoli-
les insulinosécrétagogues peuvent être prolongées dation par une perfusion de sérum glucosé à 10 %
et récidivantes à distance du resucrage. si le sujet n'est pas totalement conscient. Après le
Les circonstances d'apparition des malaises malaise, surtout s'il est la conséquence d'une acti-
sont souvent stéréotypées Ŕ comme les malaises Ŕ vité physique intense et imprévue ou s'il survient
et doivent être bien identifiées par le sujet et son dans un contexte de traitement par sulfonylurées
entourage. Une prise alimentaire insuffisante ou (sulfamides hypoglycémiants) ou par une insuline
décalée, le fait de sauter un repas, la mise en place «lente », il est prudent de consolider le resucrage
d'un régime restrictif ou pauvre en glucides com- par la consommation d'une portion d'un aliment
plexes sont des causes classiques. Tout comme la glucidique à type de pain ou de biscuit.
consommation d'alcool qui a pour effet d'inhiber Tout malaise hypoglycémique fournit l'occa-
la néoglucogenèse hépatique (production de glu- sion de faire la check-list des connaissances du
cose par le foie à partir de substrats non gluci- patient ainsi qu'une réévaluation du traitement et
diques) et de favoriser des hypoglycémies sévères des habitudes alimentaires et de vie. La prévention
et prolongées puisque la correction endogène de la récidive est la finalité première de la prise en
médiée par les hormones de la contre-régulation charge d'un malaise hypoglycémique resucré.
(glucagon, catécholamines et cortisol) qui agit
par cette voie devenue indisponible, n'est plus Acidocétose
opérante. L'activité physique non programmée ou Conséquence d'une carence absolue ou relative en
trop intense est une autre cause classique d'hypo-
insuline, l'acidocétose survient presque exclusive-
glycémie. Elle a pour particularité de ne surve-
ment dans le diabète de type 1. Elle peut en être
nir, parfois, que plusieurs heures après l'effort si
le mode de révélation ou être la conséquence d'un
aucune mesure de compensation diététique n'a été
traitement insulinique inadapté à la suite d'une
prise (cf. chapitre 25 § Activité physique). En pra-
augmentation des besoins en insuline (infection,
tique, la survenue d'un malaise hypoglycémique
corticothérapie…) ou après une manipulation des
impose de réaliser une investigation approfon-
doses ou une interruption du traitement (inci-
die pour bien en comprendre la cause et préve-
dent mécanique de la pompe à insuline, arrêt
nir la récidive. Parmi les causes d'hypoglycémie
délibéré…). Exceptionnellement, une acidocétose
figurent en bonne place l'insuffisance d'apport
peut être observée dans le diabète de type 2. Parce
glucidique, l'erreur de titration de l'insuline ou
qu'elle s'installe relativement lentement, cette com-
l'effet additif d'une interférence médicamenteuse.
plication peut être prévenue lorsque surviennent
les signes avant-coureurs Ŕ nausées, polyurie, dou-
Traitement leurs abdominales Ŕ et qu'est mise en évidence une
Le traitement immédiat de l'hypoglycémie se hyperglycémie marquée associée à la présence de
limite au resucrage réalisé selon des modalités qui corps cétoniques.
dépendent de l'état du sujet. Lorsque le malade La carence insulinique absolue ou relative
est conscient et qu'il n'y a pas de risque de fausse entraîne une hyperglycémie et une diurèse
route, il suffit d'administrer 15 à 20 g de sucre (sac- osmotique, une déshydratation majeure, des per-
charose) sous la forme de 3 à 4 morceaux de sucre turbations électrolytiques et une hypovolémie.
de cuisine délayé dans un peu d'eau (tout patient, L'inhibition du métabolisme oxydatif du glucose
où qu'il soit, devrait avoir sur lui des morceaux stimule la lipolyse et la cétogenèse. Il en résulte
de sucre) ou une préparation commerciale dédiée une accumulation de corps cétoniques entraî-
ou un verre de jus de fruit ou de soda standard nant une acidose métabolique et des troubles
ou encore une barre sucrée. Lorsque le malaise de la vigilance pouvant conduire à un coma.
est sévère avec des troubles de la conscience et un Réhydratation, insulinothérapie et correction des
risque de fausse route ou lorsque le sujet est oppo- troubles électrolytiques (hypokaliémie) sont les
sant, il revient à un tiers d'assurer le resucrage en piliers du traitement. Le dépistage et le diagnostic
22
Chapitre 3. Complications aiguës et chroniques du diabète sucré
reposent sur la recherche de corps cétoniques dans des épisodes de canicule ou au cours d'affections
les urines ou le sang couplée à la détermination aiguës intercurrentes) et la mesure à intervalles
de la glycémie capillaire pour faire le diagnostic réguliers de la glycémie capillaire. Il n'y a pas de
différentiel avec une hypothétique cétose de jeûne mesures nutritionnelles spécifiques.
ou secondaire à un traitement par un inhibiteur
du cotransporteur sodium-glucose de type 2 au Acidose lactique
niveau du tubule rénal (iSGLT2).
La prévention nutritionnelle consiste à main- Cette complication aussi rare que redoutable du
tenir des apports glucidiques adaptés à la dose diabète de type 2 est une acidose secondaire à
d'insuline et vice et versa, et à empêcher tout l'accumulation de lactates. La surproduction de
jeûne volontaire ou subi (traumatisme, maladie lactates est la conséquence d'une glycolyse anaé-
aiguë, geste chirurgical, etc.). Lors du traite- robie consécutive à une situation d'anoxie tissu-
ment de l'épisode d'acidocétose par l'insuline, laire (infarctus étendus, défaillance hépatique,
le risque d'hypoglycémie est minimisé par la choc cardiogénique, sepsis sévère, intoxication
consommation de solutions sucrées en petites oxycarbonée) ou à la suite d'une intoxication
quantités sous forme d'eau sucrée, ou de com- par la metformine (en cas d'insuffisance rénale
potes de fruits. Cette consommation doit être sévère). La symptomatologie s'installe progres-
suivie dès que la tolérance digestive le permet, sivement et associe des douleurs musculaires et
par l'ingestion d'une bouillie de flocons d'avoine diffuses, une oligurie confinant à l'anurie, une
ou équivalent. altération de la conscience et un profil biologique
évocateur associant une acidose métabolique et
un trou anionique > 10 mmol/L. Le dosage de la
Coma hyperosmolaire lactacidémie (> 6 mmol/L) confirme le diagnostic.
Cette complication métabolique touche surtout les Le traitement nécessite des mesures de réanima-
tion et parfois une dialyse. Il n'y a pas de mesures
personnes âgées fragiles dont le diabète de type 2
diététiques spécifiques à envisager.
est méconnu ou négligé. Elle est la conséquence
d'un défaut d'apport hydrique et d'une hyper-
glycémie, chacun de ces éléments ayant un effet
néfaste sur l'autre : l'hyperglycémie aggrave la Complications chroniques
déshydratation en augmentant la diurèse et la dés-
hydratation majore l'hyperglycémie. Il en résulte Les complications chroniques attribuables au
une déshydratation majeure intra- et extracellu- diabète sont nombreuses, locales ou générales,
laire pouvant se compliquer de collapsus, d'insuf- insidieuses et souvent graves puisqu'elles altèrent
fisances cardiaque et rénale et d'œdème cérébral la qualité de vie et les capacités fonctionnelles
associé à des thromboses. Le pronostic vital est et réduisent l'espérance de vie. Elles sont la tra-
engagé. L'issue dépend moins du traitement que duction d'une microangiopathie Ŕ prépondé-
du terrain. Outre la déshydratation globale et les rante dans le diabète de type 1 Ŕ et/ou d'une
troubles de la vigilance le tableau est dominé par macroangiopathie Ŕ qui s'exprime davantage
une hyperglycémie majeure (> 5 g/L) sans acidose dans le diabète de type 2 Ŕ dont les mécanismes
et une hypernatrémie responsables d'une hyper- sont fondés sur le trépied physiopathologique du
osmolalité et d'une hémoconcentration. diabète : hyperglycémie, insulinorésistance et
Le traitement consiste à corriger l'hypergly- inflammation de bas grade. Des études prospec-
cémie par l'insuline, à réhydrater massivement tives randomisées telles que le Diabetes Control
par des solutés iso- ou hypotoniques, à corriger and Complications Trial (DCCT) ou l'United
progressivement les désordres électrolytiques Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS)
et à traiter une éventuelle cause infectieuse. Par ont démontré le rôle primordial de l'hyperglycé-
la suite, l'effort devra porter sur un traitement mie. Pour autant une intensification trop rapide
diététique et médicamenteux adapté aux caracté- du traitement n'est pas sans risques et la préven-
ristiques du diabète et sur une prévention ciblée tion des complications ne se résume pas au seul
comportant un programme d'hydratation (lors contrôle glycémique. Des traitements associés
23
Partie I. Physiopathologie du diabète
utilisés à bon escient comme les antihyperten- complications vasculaires, rénales et hépatiques.
seurs, les antiagrégants ou les statines ainsi que Les parois vasculaires, les membranes basales glo-
la lutte contre des facteurs de risque (tabagisme, mérulaires et les hépatocytes sont le siège d'une
sédentarité, excès de poids) font partie de l'arsenal infiltration macrophagique et d'une augmenta-
de la prévention. Les complications microvascu- tion de l'adhésion des cellules inflammatoires
laires sont sensibles à l'amélioration de l'équilibre responsables, à terme, de macroangiopathie.
glycémique alors que les complications macrovas- L'hyperglycémie participe à la genèse de l'inflam-
culaires sont davantage sensibles à la gestion de mation de bas grade.
l'ensemble des facteurs de risque souvent présents
au cours du diabète de type 2. Insulinorésistance
Les cytokines contribuent à induire une insulino-
Mécanismes généraux résistance par un mécanisme complexe mettant
en jeu un réseau de phosphatases et de protéines
des complications chroniques kinases qui agissent de concert pour bloquer la
Hyperglycémie voie de signalisation du récepteur de l'insuline.
L'augmentation des acides gras non estérifiés
Il existe une relation forte et indiscutable entre contribue à l'insulinorésistance par compétition de
l'hyperglycémie et la microangiopathie confortée substrat. Il en est de même du stress endoplasmique.
par les études observationnelles et les résultats des
grands essais d'intensification thérapeutique. Une
diminution de l'HbA1c (hémoglobine glyquée) est
Mécanismes
associée à une réduction conséquente du risque de de l'athérosclérose accélérée
rétinopathie et de néphropathie. L'hyperglycémie Au-delà de ces mécanismes contribuant à l'en-
entraîne des modifications structurelles des com- semble des complications, la macroangiopathie
posantes protéiques des membranes et des orga- est plus particulièrement la conséquence d'un
nelles cellulaires, notamment par le phénomène processus athéromateux dégénératif favorisé par
de glycation, favorisant la rigidité et la porosité et l'hypertension artérielle, la dyslipidémie (hyper-
aboutissant à une perturbation des grandes fonc- triglycéridémie et une diminution du HDL-
tions. L'hyperglycémie est aussi responsable de cholestérol) et l'hyperagrégabilité plaquettaire.
modifications hémodynamiques se traduisant par Si l'on admet que la macroangiopathie diabé-
un épaississement des membranes basales et une tique procède d'un phénomène d'accélération du
hyperviscosité et est associée à un dysfonction- processus athéromateux, il apparaît qu'elle est
nement des cellules endothéliales. Enfin, elle est peu influencée par l'hyperglycémie en tant que
génératrice de radicaux libres qui endommagent telle si ce n'est que cette dernière est aussi à même
les membranes et perturbent le métabolisme d'induire un stress oxydant, d'augmenter l'agré-
cellulaire en activant entre autres les voies des gabilité plaquettaire, d'inhiber la capacité de fibri-
hexosamines, des prostanoïdes, des polyols et de nolyse et de modifier l'affinité des apoprotéines B
la protéine kinase C. à leur récepteur par le phénomène de glycation.
24
Chapitre 3. Complications aiguës et chroniques du diabète sucré
25
Partie I. Physiopathologie du diabète
26
Chapitre 3. Complications aiguës et chroniques du diabète sucré
Conclusion
Le cancer fait partie des complications émer-
gentes du diabète de type 2. Des liens entre le dia-
bète et le cancer ont été évoqués de longue date.
Pour certains, le cancer pourrait être considéré Le diabète est une pathologie complexe qui
comme une complication du diabète exprimée à expose à de nombreuses complications aiguës
la faveur de l'allongement de l'espérance de vie des et surtout chroniques aux mécanismes intri-
diabétiques. Dans une étude issue de la cohorte qués. Parce qu'il est un facteur de risque
27
Partie I. Physiopathologie du diabète
cardiovasculaire indépendant et qu'il est associé Les mesures diététiques ont une place de choix
au cancer, les deux principales causes de sur- dans cette stratégie multicibles en combinant les
mortalité diabétique, le diabète doit être plus recommandations, le plus souvent communes,
que jamais prévenu par des mesures portant sur visant à prévenir le surpoids, le diabète et les
le mode de vie et traité au mieux et au plus tôt variations glycémiques, et la dyslipidémie. Cette
afin de contrer les principales responsables des stratégie passe par une gestion exemplaire de
complications que sont l'hyperglycémie, l'insuli- tous les facteurs alimentaires impliqués dans
norésistance, l'inflammation de bas grade, l'athé- les maladies chroniques parmi lesquelles figure
rogenèse accélérée et la sensibilité aux infections. désormais le cancer.
28
Traiter les états CHAPITRE
4
diabétiques : comment
et jusqu'où ?
L. Monnier
PLAN DU CHAPITRE 1,60 g/L dans la période qui suit les repas selon
Buts du traitement, objectifs et bases 29 que l'on applique les règles nord-américaines
Médicaments antidiabétiques 35 (ADA) ou internationales (International Diabetes
Efficacité comparée des différents antidiabétiques 43 Federation). Il convient toutefois de souligner
Stratégies thérapeutiques dans le diabète de type 2 45 que ces stratégies, qui consistent à intensifier le
Conclusion 49 traitement jusqu'à obtenir un profil glycémique
voisin de la normale, doivent être ajustées en
Buts du traitement, fonction de la « vulnérabilité » des patients dia-
bétiques. En effet, certaines études, qui ont été
objectifs et bases réalisées au cours des dernières années (en par-
ticulier l'étude ACCORD publiée en 2008), ont
Atteindre les objectifs montré que le pourcentage de décès par accident
glycémiques cardiovasculaire (2,6 % versus 1,3 %) est signi-
Tout traitement antidiabétique doit chercher à ficativement plus élevé quand on applique un
traitement intensif (HbA1c moyenne aux alen-
atteindre un contrôle glycémique aussi proche
tours de 6,5 %) que lorsqu'on laisse les patients
que possible de la normale. En effet, de nom-
sous un traitement standard (HbA1c moyenne de
breuses études ont prouvé que l'hyperglycémie
7,5 %). Par ailleurs, dans cette étude la fréquence
exerce des effets délétères sur le développement
des hypoglycémies est 3 fois plus élevée quand on
et la progression des complications diabétiques,
cherche à obtenir un contrôle glycémique strict
en particulier vasculaires, qui touchent les petits
que lorsqu'on se contente d'un contrôle glycé-
vaisseaux de l'organisme (rétine, reins) ou les
mique un peu moins rigoureux.
gros vaisseaux (artères coronaires, cérébrales
Cette association hypoglycémies et décès par
ou des membres inférieurs). Dans le premier
accident cardiovasculaire a soulevé de nombreuses
cas, on parle de complications microangiopa-
questions sur les risques encourus lors de l'inten-
thiques, dans le deuxième cas de complications
sification des traitements, en particulier dans le
macroangiopathiques. C'est pour cette rai-
diabète de type 2. À ce jour, de nombreux auteurs
son que des recommandations de plus en plus
conseillent d'avoir des objectifs thérapeutiques
strictes ont été données en termes d'équilibre
moins stricts chez les sujets porteurs de compli-
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés
29
Partie I. Physiopathologie du diabète
30
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
Buts du traitement
– Réduire l’hyperglycémie basale
3,00
– Réduire l’hyperglycémie
Concentrationenglucose(g/L)
postprandiale
– Éviter les hypoglycémies
2,00
1,00
0 8 12 19 0 8 12 19 Heures
Figure 4.1.
Les trois composantes de l'exposition globale au glucose sont décrites sur la partie gauche de la figure :
Ŕ (a) l'exposition «incontournable » correspond à toutes les glycémies qui sont inférieures à 1 g/L (rectangle blanc) ;
Ŕ (b) l'exposition liée à l'hyperglycémie basale est représentée par la surface noire ;
Ŕ (c) l'exposition liée à l'hyperglycémie postprandiale est représentée par les surfaces grisées.
La somme (b) + (c) correspond à l'hyperglycémie additionnelle qui est la caractéristique des états diabétiques. Le but du
traitement est de réduire (b) et (c) sans toucher à (a) pour éviter les hypoglycémies (partie droite de la figure).
9,0
Chez un sujet sain, il faut se rappeler que l'on peut
Glycémie(mmol/L)
Insulinémie(mU/L)
60
dérer que la sécrétion basale d'insuline couvre 320
31
Partie I. Physiopathologie du diabète
2 heures du matin. C'est à ce moment-là que la qui assurent une adéquation encore plus précise
sécrétion insulinique est la plus basse chez un entre les réponses glycémiques et insuliniques
sujet non diabétique. Les patients diabétiques après ingestion d'un repas. L'une des prépara-
de type 1 n'échappent pas à cette règle physio- tions les plus prometteuses semble reposer sur
logique et c'est souvent dans la période entre 2 l'association d'un analogue rapide avec de la
et 4 heures du matin que le risque d'hypoglycé- nicotinamide (vitamine PP) et de la L-arginine
mie est le plus élevé. Ceci signifie que le choix (un acide aminé).
de la préparation insulinique destinée à couvrir Pour résumer ce paragraphe, il apparaît que les
les besoins nocturnes doit être le plus judicieux schémas les plus physiologiques sont des schémas
possible et que les doses doivent être conve- de type basal-bolus, qui peuvent être adminis-
nablement ajustées pour éviter les épisodes trés sous deux formes. La première méthode est
d'hypoglycémie nocturne ou tout au moins représentée par des schémas thérapeutiques avec
pour minimiser le risque de leur survenue. En multi-injections d'insuline. Ces schémas com-
dépit de ces fluctuations, les taux plasmatiques binent l'administration d'analogues insuliniques
de l'insuline dans les périodes interprandiales à action prolongée (la durée d'action est aux
chez un sujet non diabétique en poids normal alentours de 24 heures voire même plus avec les
restent relativement bas (fig. 4.2). nouvelles préparations) et des analogues d'action
courte (durée d'action de l'ordre de 3 à 4 heures,
voire même moins, fig. 4.3). L'autre possibilité est
• La deuxième composante de la sécrétion insu- d'administrer l'insuline grâce à une pompe por-
linique chez un sujet non diabétique est celle qui table sous-cutanée qui assure un débit continu
permet de couvrir les besoins insuliniques pran- mais variable d'insuline pour couvrir les besoins
diaux. Chez un sujet non diabétique, la sécrétion de base et qui permet également d'injecter des
insulinique démarre dès que le sujet commence bolus au moment des repas. Dans les deux cas, il
à ingérer son repas. L'intensité de cette sécrétion s'agit d'une insulinothérapie de type basal-bolus.
prandiale est proportionnelle à la charge gluci- Toutefois, il convient de souligner que même avec
dique du repas qui dépend à la fois de la quantité
les schémas insuliniques les plus optimisés, il est
et de la qualité des glucides ingérés. La réponse
quasiment impossible de reproduire des profils
insulinique suit en général de manière à peu près
parallèle la montée glycémique postprandiale insulinémiques comme on les observe chez les
en sachant que les pics glycémiques et insuliné- sujets non diabétiques (fig. 4.2).
miques se situent en général aux alentours de la
30e minute après le début de la prise alimentaire Dans le diabète de type 2
(fig. 4.2). Ces périodes postprandiales s'étalent en
Régulation de la glycémie
général sur une durée de l'ordre de 3 à 4 heures.
chez une personne qui n'est pas diabétique
Elles correspondent au temps de digestion puis
d'absorption des glucides alimentaires à travers Elle peut être représentée sous la forme d'un
la barrière intestinale. Dans les 30 premières schéma extrêmement simple (fig. 4.4). Si le glu-
minutes, le passage est relativement intense et cose sanguin est représenté par un compartiment
rapide. Il ralentit ultérieurement pour disparaître unique, le contrôle de la glycémie est sous la
quand le bol alimentaire du repas a été totalement dépendance de deux flux de glucose, l'un entrant
digéré et absorbé, c'est-à-dire au-delà de 4 heures. qui correspond à la production hépatique du glu-
cose et l'autre sortant qui correspond à l'utilisation
périphérique du glucose par les muscles, le tissu
Chez le diabétique de type 1, il faut essayer adipeux et d'autres organes tels que le cerveau par
de mimer cette réponse insulinique prandiale exemple. À noter d'emblée que le cerveau utilise
et postprandiale par l'injection de préparations une quantité relativement fixe de glucose (150 g
insuliniques à absorption rapide. Les analogues par jour environ). Cette utilisation du glucose par
rapides de l'insuline commercialisés depuis une le cerveau est indépendante de l'insuline alors
vingtaine d'années répondent en partie à cet que pour tous les autres tissus (muscles, tissu adi-
impératif. Certains laboratoires ont même mis peux) l'utilisation du glucose se fait grâce à l'action
au point des analogues ultrarapides de l'insuline de l'insuline. L'insuline sécrétée par les cellules
32
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
8h 12 h 19 h 24 h 8h
Figure 4.3. Principe de l'insulinothérapie de type basal-bolus avec une injection d'analogue
prolongé (durée d'action de l'ordre de 24 heures voire même plus) pour assurer les besoins
insuliniques de base.
La couverture des besoins prandiaux est assurée par 3 injections préprandiales (bolus) d'analogue rapide de l'insuline
(durée d'action à peu près égale à 3 ou 4 heures voire même moins) pour tenter de mimer la réponse insulinique
prandiale telle qu'elle est observée chez les sujets non diabétiques.
SÉCRÉTION
SÉCRÉTION
SENSIBILITÉ
SENSIBILITÉ
– +
GLYCÉMIE Utilisation
périphérique
du glucose
Production
hépatique de
glucose
Absorption Excrétion
intestinale de rénale du
glucose glucose = 0
Figure 4.4. Représentation synthétique de la régulation physiologique de la glycémie chez un
sujet non diabétique. Les récepteurs insuliniques sont représentés par les « cupules».
bêta des îlots de Langerhans freine la produc- • une diminution de la sensibilité du foie à l'insu-
tion hépatique du glucose et stimule l'utilisation line, qui se traduit par une production exagérée
périphérique du glucose. Son action s'exerce par de glucose par le foie ;
l'intermédiaire de récepteurs spécifiques situés • une diminution de la sécrétion insulinique par
sur les membranes cellulaires des hépatocytes, des les cellules bêta des îlots de Langerhans. Cette
adipocytes, des cellules musculaires. En freinant diminution aggrave le défaut d'utilisation péri-
le flux d'entrée du glucose et en stimulant le flux phérique du glucose par les tissus périphériques
de sortie, l'insuline a une action hypoglycémiante. et l'excès de production de glucose par le foie.
Ainsi, le diabète de type 2 apparaît comme une
Perturbations observées dans le diabète
maladie liée à un déséquilibre entre le flux entrant
de type 2 (fig. 4.5)
de glucose (production de glucose par le foie) et le
Le diabète sucré est caractérisé par trois anomalies : flux sortant du glucose (utilisation de glucose par
• une diminution de la sensibilité des tissus péri- les tissus périphériques). Trois principaux organes
phériques à l'insuline, qui se traduit par une sont impliqués dans ce déséquilibre : les cellules
diminution de l'utilisation du glucose au niveau des îlots de Langerhans, les muscles et le foie (le
des muscles et du tissu adipeux en particulier ; «triumvirat » de DeFronzo).
33
Partie I. Physiopathologie du diabète
Diminution de la
Diminution de la sécrétion insulinique
sécrétion insulinique
Diminution de la
SENSIBILITÉ
Diminution de la
SENSIBILITÉ
HYPERGLYCÉMIE
Diminution de
l’utilisation
périphérique
Augmentation de la
du glucose
production
hépatique du
glucose
Absorption Excrétion rénale de
intestinale de glucose quand
glucose la glycémie est > 1,80 g/L
Figure 4.5. Mécanisme de l'hyperglycémie chez les patients diabétiques de type 2.
La physiopathologie du diabète de type 2 est caractérisée par l'association à un degré variable d'une insulinopénie
et d'un état d'insulinorésistance. La combinaison des deux conduit à une hyperglycémie avec augmentation de la
production hépatique du glucose et diminution de son utilisation périphérique. Les récepteurs insuliniques sont
représentés par les «cupules ».
34
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
a) Insuline
a) Insuline ou
ou b) insulinosécrétagogues :
b) insulinosécrétagogues : – Sulfonylurées
– Sulfonylurées – Thérapeutiques basées sur l’effet
– Thérapeutiques basées sur l’effet incrétine
incrétine
– +
GLYCÉMIE Utilisation
périphérique
Production – + du glucose
hépatique de
glucose
e) Inhibiteurs du
d) Inhibiteurs des
alpha-glucosidases SGLT2
Figure 4.6.
Sites d'action des différentes thérapeutiques hypoglycémiantes utilisées dans le traitement du diabète de type 2. Les
moyens d'action sont les suivants :
Ŕ (a) remplacer l'insulinosécrétion déficiente par des injections d'insuline quand l'insulinosécrétion résiduelle est trop altérée;
Ŕ (b) prescrire un insulinosécrétagogue quand l'insulinosécrétion résiduelle est encore «réactivable »;
Ŕ (c) utiliser des insulinosensibilisateurs pour renforcer l'action de l'insuline au niveau du foie et/ou des tissus périphériques;
Ŕ (d) ralentir l'absorption intestinale des glucides ;
Ŕ (e) augmenter l'excrétion urinaire du glucose.
Ces mesures diététiques peuvent être potentialisées injectées aux patients étaient des insulines extraites
par des traitements pharmacologiques qui agissent de pancréas de porc ou de bœuf. Bien que ces insu-
en ralentissant la digestion des glucides alimentaires lines aient bénéficié de procédés de purification
et en étalant leur absorption au niveau de la bar- de plus en plus performants au cours du temps,
rière intestinale (inhibiteurs des alpha-glucosidases). c'est dans les années 1980 que tous les efforts
Enfin, il est possible, grâce aux nouveaux traite- convergèrent pour produire des insulines ayant la
ments par inhibiteurs de la réabsorption rénale du même structure que l'insuline humaine native. Le
glucose, d'ouvrir un flux de sortie qui n'existe pas premier procédé de fabrication reposait sur une
chez le sujet sain : la glycosurie. L'ouverture de ce constatation simple : l'insuline de porc ne diffère
flux permet d'obtenir une glycosurie de l'ordre de l'insuline humaine que par la présence d'un
de 50 g par jour chez des sujets jusque-là aglyco- résidu alanine à l'extrémité carboxyl de la chaîne B
suriques ou d'augmenter la glycosurie chez des (position B30) alors que cette position est norma-
sujets dont la glycosurie restait modérée (10 à 20 g lement occupée par de la thréonine dans l'insuline
par jour). Les points d'impact des différentes thé- humaine (fig. 4.7). Dès lors il suffisait de rempla-
rapeutiques sont schématisés sur la figure 4.6. cer par un procédé enzymatique l'alanine par de
la thréonine pour obtenir une insuline humaine,
hémisynthétique, encore appelée «insuline huma-
Médicaments antidiabétiques nisée ». En dépit de sa simplicité apparente, ce pro-
cédé était fort laborieux. Dans ces conditions, il
Préparations insuliniques n'est pas étonnant qu'il ait été détrôné au cours de la
décennie 1980Ŕ1990 par la fabrication biosynthé-
Depuis sa première utilisation en 1922, jusqu'aux tique des premières insulines obtenues par génie
années 1980, toutes les préparations insuliniques génétique en insérant le gène de l'insuline dans des
35
Partie I. Physiopathologie du diabète
A
S S
Insuline humaine
S S 30
B
Thr
A
Insuline de porc S S
S S 30
B
Ala
Figure 4.7. Structure primaire de l'insuline humaine native et comparaison avec l'insuline de porc.
La différence se situe au niveau de l'acide aminé en position 30 de la chaîne B : thréonine pour l'insuline humaine
et alanine pour l'insuline de porc.
micro-organismes (bactéries ou levures) pour leur d'être déversée dans la circulation générale. Étant
faire fabriquer de l'insuline humaine. L'insuline donné que c'est la partie carboxyterminale de la
humaine native, dite ordinaire, est constituée par chaîne B de l'insuline qui est impliquée dans le
deux chaînes protéiques reliées par deux ponts phénomène d'auto-association, la production des
disulfures : 21 acides aminés pour la chaîne A et 30 analogues rapides est basée sur la modification de
pour la chaîne B (fig. 4.7). Lorsque les premières cette partie de l'insuline pour rendre son auto-
insulines humaines obtenues par génie génétique association impossible. C'est ce qui a été réalisé
apparurent sur le marché, elles détrônèrent toutes pour les trois analogues rapides qui sont actuel-
les autres préparations insuliniques, en particulier lement commercialisés : l'asparte ou NovoRapid®,
les insulines d'origine animale. la lispro ou Humalog®, et la glulisine ou Apidra®.
La révolution du génie génétique fut suivie, à Le profil d'action des analogues rapides leur
partir des années 1990, par l'avènement des analo- confère le statut d'insulines «prandiales » car elles
gues de l'insuline. En effet, dès que les biochimistes ont une action qui est calquée sur les profils des
maîtrisèrent le génie génétique, ils furent capables montées glycémiques postprandiales. Les trois
de modifier le gène de l'insuline et d'utiliser le génie analogues rapides (lispro, asparte et glulisine) ont,
génétique pour produire des insulines modifiées à quelques nuances près, le même profil : action
sur certains acides aminés. Le but était d'obtenir immédiate dès l'injection, pic d'activité 30 à
des insulines ayant un profil d'action plus court 40 minutes après l'administration sous-cutanée et
(analogues rapides) ou plus long (analogues pro- durée d'action de l'ordre de 3 à 4 heures (fig. 4.8).
longés) que celui des insulines humaines classiques. Les analogues rapides sont, comme toutes les
insulines, titrés à 100 unités/mL (U100). Depuis
Analogues rapides ou insulines quelques mois, certains laboratoires ont déve-
loppé des analogues rapides (lispro par exemple)
ultratrapides titrés à 200 unités/mL (Humalog® U200).
L'insuline humaine native a une forte tendance Aujourd'hui, le besoin se fait sentir d'enrichir
à l'auto-association, qui conduit à des dimères notre arsenal thérapeutique avec des insulines
(association de deux molécules d'insuline) et à encore plus rapides que les analogues rapides, pour
des hexamères (association de six molécules d'in- optimiser la couverture des besoins insuliniques sur
suline). Cette agrégation ralentit la résorption de l'ensemble de la période postprandiale. Plusieurs
l'insuline dans le tissu cellulaire sous-cutané car procédés ont été proposés mais aucun n'est actuel-
l'insuline injectée doit être redissociée en mono- lement validé pour le traitement des patients diabé-
mères pour traverser la paroi capillaire avant tiques. Ces méthodes sont basées sur l'adjonction
36
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
Analogues rapides (3 h)
20 h 23 h 8h 20 h
Insulines régulières (6 h)
20 h 2h 8h 20 h
Insuline NPH (12 h)
20 h 8h 20 h
Insuline détémir (14 h)
20 h 8h 20 h
Insuline glargine U100 (24 h)
20 h 8h 20 h
Insuline glargine U300 (36 h)
20 h 8h 20 h 8h
20 h 8h 20 h 20 h
37
Partie I. Physiopathologie du diabète
le nom de Toujeo®, est venue s'ajouter la dégludec • Vaut-il mieux choisir un médicament ayant
dont la durée d'action dépasse les 48 heures. Cette une action sur l'hyperglycémie basale ou sur
insuline est disponible dans certains pays sous le l'hyperglycémie postprandiale ?
nom de Tresiba®. En France, elle n'est disponible Les choix seront détaillés dans les paragraphes des
que sous une forme combinée à un agoniste des stratégies et des recommandations thérapeutiques.
récepteurs du GLP-1, le liraglutide. Cette prépara-
tion où les deux produits sont combinés dans un Les médicaments qui stimulent
rapport fixe (50 unités de dégludec pour 1,8 mg de l'insulinosécrétion
liraglutide) porte le nom de Xultophy®. L'auteur de (les insulinosécrétagogues)
ce chapitre a de la peine à comprendre pourquoi
l'insuline dégludec est commercialisée en France Dans le groupe des insulinosécrétagogues, deux
en association avec le liraglutide alors qu'elle n'est grandes classes peuvent être distinguées. La
pas disponible isolément. première catégorie est constituée par des insuli-
Ainsi, il apparaît que les préparations insuli- nosécrétagogues classiques, qui se fixent sur un
niques dont nous disposons aujourd'hui n'ont récepteur membranaire de la cellule bêta pour sti-
jamais été aussi nombreuses. La mise sur le mar- muler l'insulinosécrétion. Ils sont représentés par
ché des analogues insuliniques, avec des prépa- deux types de molécules : les sulfonylurées et les
rations rapides (dites prandiales) ou prolongées glinides. La deuxième catégorie est représentée par
(dites basales), permet une personnalisation des les médicaments qui agissent par la voie des incré-
traitements insuliniques en particulier lorsqu'il tines : les incrétinomodulateurs (inhibiteurs de la
s'agit de schémas basal-bolus tels qu'on les pra- DPP-4) et les incrétinomimétiques (agonistes des
tique aujourd'hui. Il est probable que les nouvelles récepteurs du GLP-1). Ces derniers ne sont pas des
formulations d'insuline déjà existantes ou le déve- antidiabétiques oraux puisqu'ils ne peuvent être
loppement de nouvelles préparations insuliniques administrés que par voie sous-cutanée. Nous les
contribueront à améliorer encore un peu plus le décrirons malgré tout dans ce paragraphe car ils
caractère basal ou prandial des insulines. appartiennent au groupe des médications antidia-
bétiques non insuliniques. Comme indiqué sur le
Antidiabétiques tableau 4.1, les sulfonylurées sont plutôt des médi-
en dehors de l'insuline caments qui agissent sur l'hyperglycémie basale,
tandis que les médicaments qui exercent leur effet
À chaque étape de la maladie et chaque fois que par la voie des incrétines agissent préférentielle-
les objectifs ne sont pas atteints, les choix des anti- ment sur l'hyperglycémie postprandiale. Les gli-
diabétiques dans le traitement du diabète de type 2 nides ont, quant à eux, un effet quasi équivalent
doivent être appréhendés avec un double regard. sur la glycémie basale et la glycémie postprandiale.
• Est-il préférable de prescrire un insulinosécré- Les insulinosensibilisateurs sont essentielle-
tagogue ou un insulinosensibilisateur ? ment des médicaments de l'hyperglycémie basale.
Tableau 4.1. Mode d'action des différents antidiabétiques (en dehors de l'insuline)
utilisés dans le traitement du diabète sucré.
Réduisent la
glycémie à jeun glycémie postprandiale
Insulinosécrétagogues Sulfonylurées +++ +
Glinides ++ ++
Gliptines ou analogues du GLP-1 + +++
Insulinosensibilisateurs Metformine +++ +
Glitazones +++ +
Inhibiteurs des SGLT (gliflozines) +++ +
Alpha-glucosidase inhibiteurs + ++
38
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
39
Partie I. Physiopathologie du diabète
chez les patients ayant une insuffisance hépa- Insulinosécrétagogues qui agissent
tique ou rénale. Dans ce cas, les sulfonylurées par la voie des incrétines
risquent de s'accumuler dans l'organisme pour Généralités
entraîner des accidents hypoglycémiques. L'action de cette nouvelle classe de médicaments
repose sur l'effet incrétine décrit il y a plus de
Glinides 30 ans. Quand on induit une montée glycémique
Cette classe de médicaments ne concerne en identique après une charge orale ou intraveineuse
France qu'un seul médicament : le répaglinide en glucose (fig. 4.9), la réponse insulinique est
commercialisé sous le nom de Novonorm®. Les nettement plus importante lorsque le glucose est
glinides sont des médicaments dont le mode administré par voie orale. Cet effet fut attribué à
d'action se rapproche des sulfonylurées, mais la stimulation par le bol alimentaire d'hormones
leur fixation sur le récepteur SUR1 est beaucoup intestinales désignées sous le nom d'incrétines.
plus faible que pour les sulfonylurées. Par voie de Parmi les hormones qui ont été identifiées, l'une
conséquence, les glinides ont un pouvoir hypo- d'elles, le glucagon-like peptide-1 (GLP-1), a été
glycémiant plus faible et une action plus courte. l'objet d'un développement thérapeutique. Le
C'est pour cette raison qu'ils apparaissent comme GLP-1 est libéré au niveau du tube digestif dans
des médicaments de la glycémie postprandiale, les minutes qui suivent l'ingestion d'un repas. Sa
lorsqu'ils sont prescrits avant un repas. Leur durée libération est suivie d'une sécrétion d'insuline
d'action courte explique pourquoi ils doivent en glucodépendante (en réponse au glucose qui est
général être administrés 3 fois par jour, avant absorbé au cours du repas). Le GLP-1 est donc
chaque repas. Comme pour les sulfonylurées, considéré comme une hormone insulinotrope
l'effet secondaire le plus ennuyeux est le risque glucodépendante qui ne stimule l'insulinosé-
d'hypoglycémie bien que ces dernières soient crétion qu'en présence de glucose intestinal.
moins fréquentes et moins intenses qu'avec les De manière un peu abusive, on peut étique-
sulfonylurées. ter le GLP-1 comme un facteur insulinotrope
HGPO
200 Perfusion IV de glucose
Glycémie(mg/dL)
150
100
50
0,4
Insulinémie(nmol/L)
0,2
0,1
0
0 30 60 90 120 150 180
Minutes
Figure 4.9. Description de l'effet incrétine.
À montée glycémique égale, une charge orale en glucose entraîne une réponse insulinique plus forte qu'une charge
intraveineuse en glucose. La différence, illustrée par l'aire grise, correspond à l'effet incrétine. D'après Nauck MA,
Homberger E, Siegel EG, Allen RC, Eaton RP, Ebert R, Creutzfeldt W. J Clin Endocrinol Metab 1986 ; 63(2) : 492-8.
40
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
41
Partie I. Physiopathologie du diabète
42
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
Efficacité comparée
les inhibiteurs des alpha-glucosidases. Cette effi-
cacité plus modeste pour les médicaments de la
des différents antidiabétiques glycémie postprandiale n'a rien de surprenant
quand on sait que l'impact absolu de la glycémie
Efficacité sur l'équilibre postprandiale sur l'HbA1c est de l'ordre de 1 %,
quel que soit le niveau de l'HbA1c. Pour résumer
glycémique les choses, deux points doivent être soulignés :
Le meilleur critère pour évaluer l'efficacité des anti- • les médicaments de la glycémie basale sont glo-
diabétiques est de mesurer la baisse de l'HbA1c après balement plus actifs que ceux de l'hyperglycé-
la mise en route du traitement. Les moyennes obser- mie postprandiale ;
vées dans les différentes études sont indiquées sur la • parmi les médicaments de l'hyperglycémie
figure 4.10. Les médicaments peuvent être adminis- basale, les plus anciens (les sulfonylurées et la
trés soit comme thérapeutique de première ligne en metformine) sont plus efficaces que les plus
monothérapie, soit comme traitement de deuxième récents (glitazones et inhibiteurs du SGLT2).
intention en addition à la metformine. Lorsque les antidiabétiques oraux sont pres-
crits en deuxième intention, en addition à la
metformine, l'efficacité sur l'HbA1c est souvent
identique : Ŕ 1,5 % pour les sulfonylurées, Ŕ 1 %
pour les glitazones ; Ŕ 0,9 % pour les analogues
du GLP-1 et Ŕ 0,8 % pour les inhibiteurs de la
0
DPP-4. Toutefois, deux remarques doivent être
formulées. La première concerne la diminu-
–0,5
tion de l'efficacité des traitements de deuxième
–1 intention lorsqu'ils sont prescrits tardivement
–1,5 dans l'évolution de la maladie. À titre d'exemple,
–2
l'efficacité d'une sulfonylurée risque de baisser à
0,7-0,8 % en termes de chute d'HbA1c lorsque
–2,5
le médicament est ajouté à la metformine après
–3 plusieurs mois ou plusieurs années d'une mono-
Médications agissant préférentiellement thérapie qui n'a pas permis d'atteindre les cibles
sur les glycémies postprandiales thérapeutiques. À noter que les inhibiteurs du
Médications destinées à réduire l’hyperglycémie basale SGLT2 gardent leur efficacité sur l'HbA1c,
Figure 4.10. Efficacité comparée sur l'HbA1c même lorsqu'ils sont prescrits tardivement dans
(exprimée en baisse de pourcentage de point) l'histoire naturelle du diabète de type 2. La baisse
des différentes médications hypoglycémiantes d'efficacité des inhibiteurs du SGLT2, quand
lorsqu'elles sont administrées en elle survient, est liée à la présence d'une alté-
monothérapie. ration des fonctions rénales, mais dans ce cas,
43
Partie I. Physiopathologie du diabète
ils sont contre-indiqués. La baisse de l'efficacité 0,8 % peut faire chuter l'HbA1c de 1,5 % chez un
de la plupart des antidiabétiques est fréquente patient dont l'HbA1c de départ est à 9 %.
en pratique clinique. Ceci est un argument en Sur la figure 4.10, nous avons fixé l'efficacité de
faveur d'une bithérapie voire d'une trithérapie l'insuline à Ŕ 2,5 % dans le diabète de type 2. Ceci
précoce dès que les objectifs d'HbA1c ne sont est une moyenne car cette efficacité dépend de la
pas pleinement remplis. La deuxième remarque dose d'insuline administrée et du degré d'insulino-
concerne l'efficacité des médicaments antidia- résistance du sujet.
bétiques. Il est possible de définir des moyennes,
mais l'efficacité est variable d'un sujet à l'autre. Efficacité sur le poids corporel
De manière globale, la chute de l'HbA1c est
plus marquée chez les patients qui ont les taux Ce point est particulièrement important à envisa-
d'HbA1c les plus élevés. La metformine pres- ger dans un ouvrage qui s'intéresse à la prise en
crite en première intention à un sujet dont charge nutritionnelle des personnes ayant un dia-
l'HbA1c est à 6,5 % ne fait baisser l'HbA1c que bète sucré. Comme nous l'avons déjà mentionné
de 0,5 à 1 %, alors que son efficacité moyenne est plus haut, le diabète sucré de type 2 est très fré-
de 1,5 %. À l'inverse, un inhibiteur de la DPP-4 quemment (dans plus de 80 % des cas) associé à
qui entraîne une baisse moyenne de l'HbA1c de un excès pondéral.
Les mesures hygiéno-diététiques (activité physique faut signaler que les glitazones faisaient partie des
et régime de restriction calorique) sont destinées à médications antidiabétiques qui faisaient prendre
réduire cet excès pondéral, responsable de l'insu- du poids. Nous parlons à l'imparfait puisque cette
linorésistance. Malheureusement, les mesures classe de médicament a été retirée de la pharmaco-
hygiéno-diététiques peuvent être entravées par pée française en 2011.
certains traitements antidiabétiques qui non seule- Les médicaments antidiabétiques
ment freinent la perte de poids mais qui de surcroît qui ont un effet neutre sur le poids
peuvent favoriser la prise de poids.
Trois d'entre eux au moins sont à ranger dans ce
Les catégories de traitements antidiabétiques groupe : la metformine, les inhibiteurs de la DPP-4,
qui font prendre du poids les inhibiteurs des alpha-glucosidases. Pour ces
L'insuline et les sulfonylurées font partie de cette derniers, leur prescription est devenue tellement
catégorie. Ceci est particulièrement vrai pour l'in- confidentielle qu'il est préférable de ne retenir que
suline. Ainsi, il a été reconnu que toute baisse de les deux premières classes.
l'HbA1c de 1 % à l'occasion de la mise en route d'un Les médicaments antidiabétiques
traitement insulinique chez une personne ayant qui font perdre du poids
un diabète de type 2 s'accompagne d'une prise
Au premier rang, il faut mentionner les agonistes
de poids de 2 kg. Prenons l'exemple d'un patient
des récepteurs du GLP-1. Par leur action directe
traité par comprimés antidiabétiques et ayant une
sur les centres nerveux qui régulent l'appétit,
HbA1c à 9 %. Son médecin décide de le «mettre
ils conduisent à une diminution de la prise ali-
sous insuline ». Grâce à ce traitement, son HbA1c
mentaire. Les pertes de poids sont variables, en
diminue pour descendre à 7 %. Statistiquement, la
moyenne de 2 à 3 kg. Les inhibiteurs du SGLT2,
chute de 2 % de l'HbA1c doit s'accompagner d'une
par la glycosurie qu'ils induisent, entraînent un
prise pondérale de 4 kg. Il faut toutefois noter que
gaspillage énergétique qui permet une perte pon-
cette prise de poids peut être évitée ou minimisée
dérale de 2 à 3 kg, c'est-à-dire de même ordre de
si des consignes diététiques strictes sont données
grandeur que celle induite par les agonistes des
au patient. De toute manière, ceci signifie que le
récepteurs du GLP-1. Ceci signifie clairement que
passage d'un patient diabétique de type 2 à l'insu-
la prescription d'inhibiteurs du SGLT2 ou d'ago-
line doit s'accompagner d'un renforcement des
nistes des récepteurs du GLP-1 devrait être prise
mesures hygiéno-diététiques. L'erreur serait de
en considération chez des personnes obèses ayant
dire à ce patient que la mise sous insuline va enfin
un diabète de type 2.
le dispenser de toute contrainte alimentaire. Il
44
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
TZD SU SU SU SU TZD
ou ou ou ou ou ou
45
Partie I. Physiopathologie du diabète
de l'HbA1c de l'ordre de 1,5 % quand il est prescrit • Est-il préférable de choisir un médicament de
en première intention. De plus, il a l'avantage d'être l'hyperglycémie basale ou un médicament de
adapté à la correction des désordres physiopatho- l'hyperglycémie postprandiale ?
logiques qui sont présents au moment de la découverte Pour chacun de ces choix, il convient de disposer
du diabète sucré : prédominance de l'insulinorésis- d'outils faciles à mettre en œuvre et ne nécessitant
tance et excès de la production hépatique du glucose. pas d'explorations complexes. Comme nous l'avons
indiqué plus haut, nous disposons actuellement
Étape 2 d'un arsenal thérapeutique assez large au sein
Si l'objectif n'est pas atteint (HbA1c supérieure duquel le médecin peut trouver le médicament le
ou égale à 7 %), le traitement doit être intensifié, plus approprié chez un patient donné à un stade
toutes les thérapeutiques antidiabétiques orales ou défini de sa maladie. En effet, comme les experts
injectables pouvant être à ce stade rajoutées à la du consensus ADA/EASD l'ont bien noté, le trai-
metformine : sulfonylurées, glitazones, inhibiteurs tement doit suivre un certain nombre d'étapes qui
de la DPP-4, inhibiteurs du SGLT2, agonistes des sont rythmées par les échecs successifs des thé-
récepteurs du GLP-1 ou insuline. Ces recommanda- rapeutiques proposées. Ces échecs, qui émaillent
tions sont parfaitement défendables. Toutefois, nous l'itinéraire thérapeutique du diabète de type 2, sont
sommes peu enclins à prescrire des thérapeutiques illustrés sur la figure 4.12. À chaque échec théra-
injectables comme les agonistes des récepteurs du peutique correspond une nouvelle étape qui se tra-
GLP-1 ou l'insuline lorsque les traitements par anti- duit par un renforcement du traitement en cours.
diabétiques oraux peuvent suffire (sulfonylurées,
inhibiteurs de la DPP-4 ou inhibiteurs du SGLT2). Étape 1
Notre opinion personnelle est que les thérapeutiques Tout le monde est d'accord pour considérer qu'au
injectables devraient plutôt être placées à un stade moment de la découverte du diabète de type 2, la
ultérieur quand toutes les thérapeutiques orales uti- metformine est le traitement de choix parce qu'à ce
lisées aux doses maximales tolérées ne suffisent plus stade c'est l'insulinorésistance qui est prépondérante
à assurer un contrôle correct des glycémies. par rapport aux troubles de la sécrétion insulinique
Étape 3 (insulinopénie). Ce n'est que lorsqu'il y a une contre-
indication à la metformine que d'autres médications
En cas d'échec de la bithérapie proposée en deu- antidiabétiques devraient être proposées.
xième ligne (fig. 4.11), le comité d'experts de
l'ADA/EASD propose une trithérapie dont le prin- Étape 2
cipe est relativement simple : il suffit d'ajouter l'un
des médicaments qui n'a pas été utilisé jusque-là. En cas d'échec de la metformine, le choix se
Toutefois il convient de noter que dans tous les bras résume à trois options :
thérapeutiques proposés, il est déconseillé d'asso- • un insulinosécrétagogue glucodépendant type
cier les inhibiteurs de la DPP-4 et les agonistes des inhibiteur de la DPP-4, qui agit surtout sur l'hy-
récepteurs du GLP-1. Cette proposition est parfai- perglycémie postprandiale, qui ne comporte
tement logique dans la mesure où ces deux classes pas de risque hypoglycémique, et qui a un effet
de médications agissent par la voie des incrétines, neutre sur le poids ;
les premiers en modulant la sécrétion du GLP-1 • un insulinosécrétagogue non glucodépendant
endogène (incrétinomodulateurs), les deuxièmes (type sulfonylurée), qui agit surtout sur l'hypergly-
en mimant son action (incrétinomimétiques). cémie basale mais qui entraîne en général une prise
de poids et qui peut entraîner des hypoglycémies ;
Stratégie thérapeutique par étapes • un inhibiteur du SGLT2, qui agit sur l'hyper-
fondée sur le raisonnement glycémie basale, qui ne comporte pas de risque
hypoglycémique, et qui fait perdre du poids.
Les choix rationnels des stratégies thérapeutiques Compte tenu de ces données, la discussion thé-
du diabète de type 2 devraient être faits avec un rapeutique devrait prendre en considération trois
double regard. paramètres : l'HbA1c, le poids, et la «vulnérabi-
• Est-il préférable de choisir un insulinosensibili- lité» vis-à-vis des hypoglycémies. L'HbA1c est
sateur ou un insulinosécrétagogue ? un paramètre important car il a été démontré que
46
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
RÉGIME
SEUL
9% Insuline
METFORMINE Ins Autres ADO type basal-plus
SEULE ou basal-bolus
uline basale ou ou
ou
Analogue du GLP-1 Analogue du GLP-1
Insuline basale-
analogue du GLP-1
HbA1c
7%
6,5 %
l'hyperglycémie postprandiale joue un rôle prépon- • Les agonistes des récepteurs du GLP-1 agissent
dérant dans l'hyperglycémie totale quand l'HbA1c à la fois sur l'hyperglycémie basale et post-
est inférieure à 8 %. En revanche, c'est l'hyperglycé- prandiale avec toutefois des nuances. Les ago-
mie basale qui est le principal contributeur à l'hyper- nistes des récepteurs du GLP-1 à action courte
glycémie totale quand l'HbA1c est supérieure à 8 %. (exénatide et lixisénatide) agissent plutôt sur
À l'étape 2 (échec de la metformine seule), le choix l'hyperglycémie postprandiale tandis que les
sera plutôt porté vers un inhibiteur de la DPP-4 si préparations à action longue (liraglutide, exé-
l'HbA1c est < 8 %, si le sujet est en excès pondéral natide à libération prolongée et dulaglutide)
et si le risque d'hypoglycémie est fort ou moyen agissent plutôt sur l'hyperglycémie basale.
(fig. 4.13 à 4.15). L'option sulfonylurée sera plutôt Tous les agonistes des récepteurs du GLP-1 ont
retenue quand l'HbA1c est > 8 %, quand le sujet n'est l'avantage de faire perdre un peu de poids et de
pas obèse (index de masse corporelle < 30 kg/m2) ne pas comporter de risque hypoglycémique.
et quand le risque hypoglycémique est faible ou nul • L'insuline agit sur l'hyperglycémie basale et
(fig. 4.13 à 4.15). Les inhibiteurs du SGLT2 sont une postprandiale en fonction du type des prépa-
alternative aux sulfonylurées. Ils sont particulière- rations utilisées : réduction de l'hyperglycémie
ment indiqués quand le sujet est en excès pondéral. basale pour les analogues lents, réduction de
l'hyperglycémie postprandiale pour les ana-
Les étapes ultérieures logues rapides. Toutes les préparations insuli-
Elles sont représentées par l'échec des antidiabétiques niques ont l'inconvénient de faire prendre du
oraux à doses maximales tolérées ou par l'échec de poids et d'être à risque d'hypoglycémie. Dans
l'insulinothérapie basale seule (fig. 4.13 à 4.15). ces conditions, on choisira plutôt un agoniste
des récepteurs du GLP-1 quand l'HbA1c est
Échec des antidiabétiques oraux
< 8 % (fig. 4.13), quand le poids est excessif
à doses maximales tolérées (fig. 4.14) et quand le sujet a un risque fort ou
À ce stade, deux options sont offertes mais toutes moyen de présenter des épisodes hypoglycé-
les deux passent par un traitement injectable, soit miques (fig. 4.15). L'insulinothérapie basale
un agoniste des récepteurs du GLP-1, soit la mise seule dans un premier temps sera réservée aux
en route d'un traitement insulinique. personnes ayant une HbA1c > 8 % (fig. 4.13), un
47
Partie I. Physiopathologie du diabète
HbA1c (%)
6,5 7 7,5 8 8,5 9 9,5
Échecs de : Renforcement avec : Renforcement avec :
• INSULINOTHéRAPIE Insulinothérapie
Agonistes des
récepteurs du GLP-1 intensifiée
basale
34 33 32 31 30 29 28 27 26 25
Insulinothérapie
Agonistes des
• INSULINOTHéRAPIE intensifiée
récepteurs du GLP-1
BASALe
index de masse corporelle < 30 kg/m2 (fig. 4.14) sans avoir encore testé l'association avec des
et un risque hypoglycémique faible (fig. 4.15). agonistes du GLP-1, il est possible de l'entre-
prendre. Ce choix est particulièrement oppor-
Échec de l'insulinothérapie basale
tun quand l'HbA1c est < 8 % (fig. 4.13), quand
Cette étape est celle où les conduites thérapeu- le poids est excessif (fig. 4.14), et quand le risque
tiques sont les moins bien définies. Si le sujet est d'hypoglycémie est présent (fig. 4.15). Dans le
uniquement sous insulinothérapie basale seule cas contraire, c'est plutôt une intensification
48
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
RISQUE D’HYPOGLYCéMIE
Insulinothérapie
• INSULINOTHéRAPIE Agonistes des
récepteurs du GLP-1 intensifiée
BASALe
du schéma insulinique qui est préférable. À ce du diabète sucré. Dans ces conditions, deux ques-
moment-là, il faut envisager d'ajouter à l'insu- tions méritent d'être posées. La première est pour-
line basale des bolus d'insulines prandiaux quoi nous ne disposons pas de «l'arme absolue »
(analogues rapides de l'insuline) avant chaque médicamenteuse qui permettrait d'assurer chez le
repas ou avant les repas qui sont les plus hyper- diabétique la même stabilité, nous allions dire la
glycémiants (schémas désignés sous le terme de même tranquillité glycémique, que chez les sujets
basal-bolus ou basal-plus, respectivement). Si le qui ne sont pas diabétiques.
patient est déjà traité par une association insu-
line basale-agoniste des récepteurs du GLP-1
et si l'HbA1c reste trop élevée, le seul recours La deuxième est pourquoi, quel que soit le type de
est l'intensification du schéma insulinique pour diabète, les mesures hygiéno-diététiques restent-
passer à un schéma basal-bolus. La décision de elles le socle indispensable sur lequel doivent
maintenir ou non l'agoniste des récepteurs du se greffer les traitements pharmacologiques
GLP-1 doit dépendre d'une attitude pragma- en sachant d'emblée que les mesures hygiéno-
tique fixée cas par cas. diététiques doivent autant que possible s'adapter
à la vie du sujet et non l'inverse. Les réponses aux
problèmes soulevés par les règles diététiques vont
Conclusion faire l'objet de cet ouvrage. Nous les intégrerons
dans le cadre plus large des mesures hygiéno-
Au terme de ce chapitre sur le traitement des diététiques car il est impossible de concevoir les
états diabétiques, il apparaît que nous disposons «régimes » des diabétiques sans tenir compte de
la situation sociale, psychologique, profession-
d'un arsenal pharmacologique très étendu pour
nelle, économique, de la personne diabétique.
essayer de contrôler les désordres glycémiques
49
Partie I. Physiopathologie du diabète
Ins
Régime
+
exercice
Met Autres
Ins Ins
Figure 4.16. Indication des différentes modalités thérapeutiques en fonction du type de diabète.
Le régime et l'exercice sont le dénominateur commun de toutes les thérapeutiques. Pour les thérapeutiques
pharmacologiques nous avons individualisé trois grandes catégories : la metformine, l'insuline et les « autres » parmi
lesquelles il faut inclure les glitazones, les sulfonylurées, les inhibiteurs de la DPP-4, les inhibiteurs du SGLT2 et les
agonistes des récepteurs du GLP-1.
50
Chapitre 4. Traiter les états diabétiques : comment et jusqu'où ?
D'un point de vue synthétique, le traitement du • la metformine seule dans le diabète de type 2 au
diabète sucré repose sur un quatuor thérapeutique début ;
représenté par trois groupes de mesures pharmacolo- • la metformine et les autres traitements pharma-
giques : l'insuline, la metformine et les autres médica- cologiques non insuliniques dans le diabète de
tions antidiabétiques au centre desquelles se trouvent type 2 à un stade plus évolué ;
en dénominateur commun et de manière incon- • l'insuline, la metformine et les autres traite-
tournable les mesures hygiéno-diététiques (fig. 4.16). ments pharmacologiques dans le diabète de
L'importance respective des traitements pharmacolo- type 2 insulino-nécessitant ;
giques dépend bien sûr du type de diabète : • l'insuline dans le diabète de type 1.
51
Bréviaire de base pour CHAPITRE
5
comprendre la nutrition
en général et, plus
particulièrement,
chez le diabétique
J.-L. Schlienger
Aliments
cultures, les modes et les voyages. La disponibi-
lité alimentaire a facilité le choix des aliments.
Les progrès technologiques et la maîtrise de la
Comme tous les organismes animaux, l'espèce chimie ont permis de transformer ou de créer
humaine est dépendante de son environnement des aliments. La cuisine et la gastronomie sont
pour assurer ses besoins primaires en nourriture devenues des phénomènes identitaires et socio-
par l'intermédiaire de l'ingestion d'aliments issus culturels importants. À titre d'exemple, en France
du règne végétal ou animal. Ils apportent sous des l'alimentation se distingue entre autres par la
formes diverses et souvent complexes l'ensemble consommation d'un grand nombre de fromages
des substances nécessaires au développement et et la consommation occasionnelle d'escargots et
à l'entretien de l'organisme. Les aliments four- de grenouilles alors que sous d'autres cieux on
nissent également l'énergie nécessaire aux pro- consomme traditionnellement des insectes ou des
cessus vitaux (dépense énergétique de repos ou de algues.
base) et à l'activité. Les progrès de la médecine et le développement
Par définition les aliments sont comestibles de la nutrition scientifique ont donné un nouveau
soit crus, soit cuits. Contaminés par des micro- statut aux aliments en fonction de leur composi-
organismes ou des polluants, les aliments peuvent tion chimique avant ou après leur transformation
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés
être les vecteurs de maladies. Au fil de son histoire, par des procédés culinaires et ont contribué à
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
l'homme a cherché à améliorer la disponibilité des redéfinir l'impact de l'alimentation sur la santé
aliments par la culture, l'élevage et en améliorant déjà pressenti par Hippocrate qui faisait de l'ali-
leur durée de vie par divers artifices comme la mentation une «médecine ».
salaison ou la conservation dans l'huile. Très tôt,
les aliments ont été l'objet d'un important inves-
tissement culturel. La pensée magique et le prin- Classification des aliments
cipe d'incorporation ont donné aux aliments une
signification qui dépasse largement le cadre nutri- Pour Jean Trémolières, l'un des fondateurs de la
tionnel. «Il ne suffit pas qu'un aliment soit bon nutrition en France, les aliments sont des «denrées
à manger, encore faut-il qu'il soit bon à penser » alimentaires comestibles, nourrissantes, appétentes
53
Partie I. Physiopathologie du diabète
et coutumières Ŕ c'est-à-dire susceptibles d'être les substrats des réactions chimiques nécessaires
partagées au cours d'un repas selon les traditions à la vie. À quelques exceptions près, ils sont issus
alimentaires ». Plus prosaïquement on peut défi- de la transformation des aliments par la digestion.
nir l'aliment comme étant la forme accessible des
nutriments et des micronutriments nécessaires à
l'organisme en rappelant que l'homme ne se nour-
Nutriments énergétiques
rit pas de nutriments mais d'aliments. ou macronutriments
En dépit de leur extrême diversité, les aliments L'organisme a besoin en grandes quantités de glu-
peuvent être regroupés en fonction de certains points cides, de lipides et de protéines. L'alcool est stricto
communs. La FAD (Food and Drug Administration) sensu un nutriment dont le statut est ambigu.
propose de faire les distinctions suivantes. Les micronutriments qui n'ont pas de rôle éner-
• Les aliments « énergétiques ». Ils sont à forte gétique direct sont néanmoins indispensables de
teneur en glucides et/ou en lipides : pain, par leur fonction qualitative notamment comme
céréales, riz, pomme de terre, aliments sucrés, cofacteurs des enzymes impliquées dans toutes les
huile, matières grasses et graines oléagineuses. voies métaboliques et de synthèse.
• Les aliments « bâtisseurs ». Ils tirent ce qualifi-
catif de leur haute teneur en protéines animales
ou végétales : aliments carnés, poisson, œuf, Nutriments essentiels
fromages, légumes secs et soja. ou micronutriments
• Les aliments « protecteurs ». Ils tirent leur qua-
Ils sont indispensables au bon fonctionnement
lificatif de leur richesse en micronutriments :
de l'organisme qui est incapable d'en faire la syn-
fruits et légumes, produits laitiers.
thèse. Ils sont subdivisés en acides gras (oméga 3
La classification la plus courante utilisée dans le
ou n-3 et oméga 6 ou n-6 notamment), acides ami-
Programme national nutrition santé (PNNS) dis-
nés, minéraux (Na, K, Ca, P, Mg, S, Fe, Zn, etc.),
tingue les sources de protéines animales (viandes,
vitamines et oligoéléments (I, Cu, Co, Cr, Mn,
poissons, œuf), les produits laitiers qui ont en
V, Mo, Ni, Pb, etc.). La majorité des nutriments
commun leur origine et leur teneur élevée en cal-
essentiels sont stockés et utilisés par l'organisme
cium, les céréales et féculents pourvoyeurs de glu-
en fonction de ses besoins.
cides complexes énergétiques, les fruits et légumes
D'autres nutriments ont un rôle lié à leur fonc-
peu énergétiques mais pourvoyeurs de micro-
tion mécanique comme les fibres alimentaires
nutriments, les corps gras, les aliments sucrés et
(cellulose, hémicelluloses) qui sont peu ou pas
les boissons. Il paraît nutritionnellement intéres-
absorbables tout en ayant un retentissement
sant d'enrichir cette classification en séparant les
nutritionnel significatif.
viandes, charcuteries, œuf et fromages d'une part et
les poissons et les produits de la mer d'autre part.
Les deux groupes apportent des protéines de bonne L'eau
qualité mais le premier se singularise par des lipides Elle peut être considérée comme un nutriment.
principalement saturés alors que le deuxième se
Son importance dans le fonctionnement de l'orga-
distingue par une teneur remarquable en acides
nisme est considérable bien qu'elle soit acalorique,
gras oméga 3 à longue chaîne. Enfin, les oléagineux
dépourvue de nutriments essentiels et parfois
sont si différents des fruits qu'ils mériteraient d'être
même de micronutriments. Constituant de la plu-
regroupés dans une classe spécifique en raison de
part des aliments elle est également ingérée sous
leur haute teneur lipidique et protéique qui leur
forme de boisson.
confère une fonction énergétique.
Nutriments Alicaments
Les nutriments ou éléments nutritifs sont les Le rôle quantitatif et qualitatif des nutriments
constituants des aliments utilisés par l'organisme et des micronutriments en termes de santé est
pour satisfaire ses besoins physiologiques. Ce sont considérable. En théorie, la présence de tel ou tel
54
Chapitre 5. Bréviaire de base pour comprendre la nutrition en général...
(micro)nutriment pourrait conférer des propriétés ne permettent pas d'affirmer un lien de causa-
préventives ou thérapeutiques particulières appli- lité. À titre d'exemple, il en est ainsi des aliments
cables dans le contexte d'une alimentation «fonc- riches ou enrichis en acides gras oméga 3 dont
tionnelle » (en réalité toute alimentation a un rôle l'effet préventif cardiovasculaire peine quelque
fonctionnel). L'espoir de pouvoir interagir sur la peu à s'imposer. Faut-il se contenter de consom-
santé et la longévité a suscité l'engouement des mer du poisson 2 à 3 fois par semaine ou recourir
consommateurs pour les aliments porteurs d'une à des margarines ou à d'autres aliments (produits
connotation «santé » en raison de leur teneur en laitiers et œufs obtenus après une modification
un nutriment particulier. C'est ainsi qu'ont été de l'alimentation animale) pour obtenir un
conçus des «alicaments » (contraction des mots apport alimentaire suffisant et atteindre un rap-
aliment et nutriment) Ŕ et des «nutraceutiques » port oméga 6/oméga 3 satisfaisant (4 à 5/1 alors
(contraction de nutriment et de pharmaceutique). qu'il est spontanément de 10 à 15/1) ? D'autres ali-
En pratique, tout aliment, tout nutriment ou ments sont obtenus à la suite d'une modification
tout composant dont la consommation est sus- de la composition native comme certains laits fer-
ceptible d'apporter un bénéfice prétendu ou réel mentés qui contiennent, en plus des ferments tra-
pour la santé peut être considéré un alicament. ditionnels du yaourt, un probiotique spécifique
Ces néologismes ont été relayés auprès du grand qui contribuerait au bon équilibre du microbiote
public par l'industrie alimentaire qui en a fait un intestinal et aurait des effets systémiques. Les
argument de vente avec un argumentaire souvent alicaments hypocholestérolémiants Ŕ margarines
plus théorique que réel. Considérant que certains ou yaourts Ŕ contiennent des quantités notables
aliments traditionnels ont potentiellement des de phytostérols, composés naturellement pré-
effets bénéfiques spécifiques allant au-delà de sents dans les plantes, qui ont la propriété de
la fourniture des besoins de base, les industriels réduire le taux de cholestérol sanguin en entrant
ont mis au point des aliments nouveaux incorpo- en compétition avec son absorption au niveau
rant les composants bénéfiques des aliments dits intestinal. L'augmentation de la consommation
«fonctionnels ». On peut aussi considérer que tous en phytostérols induit effectivement une dimi-
les aliments sont fonctionnels puisqu'ils ont des nution de la cholestérolémie mais il n'a pas été
effets directs ou indirects sur le fonctionnement démontré que celle-ci était associée à une dimi-
de l'organisme. Il en est ainsi des aliments sucrés nution du risque cardiovasculaire. Dans le dia-
qui fournissent le glucose à des fins énergétiques bète, il en est de même pour les aliments enrichis
ou de la viande qui fournit les protéines néces- en fibres alimentaires qui contribuent à réduire la
saires au renouvellement tissulaire. Pour l'Anses, charge glycémique et les excursions glycémiques.
la notion d'alicament n'a pas de réalité scienti- En réalité, l'augmentation de la consommation
fique et ce terme n'existe pas sur le plan réglemen- de fibres qui est hautement souhaitable pour
taire. Un produit appartient soit à la famille des l'ensemble de la population devrait se faire sur la
aliments, soit à la famille des médicaments. Il ne base d'une consommation diversifiée d'aliments
peut être les deux à la fois. Même lorsque l'aliment vecteurs de fibres dont il existe une offre diver-
candidat porte une allégation santé il n'a pas pour sifiée mais souvent méconnue ou sous une forme
autant un effet thérapeutique car si tel était le peu appréciée par les consommateurs.
cas il deviendrait ipso facto un médicament et ne Bien que les alicaments soient souvent dotés
serait plus un aliment. d'une allégation «santé », la preuve de la supério-
L'alimentation « fonctionnelle » ne consiste rité de ces aliments sur les aliments de référence
pas à juxtaposer un ensemble d'aliments ou de ou natifs est difficile à apporter. En dehors de cas
substances affichant des propriétés « santé » par- d'espèce, mieux vaut profiter de l'offre alimen-
ticulières mais à assembler des aliments issus taire conventionnelle pour améliorer la nutrition
de toutes les classes alimentaires en quantité qualitative par un choix éclairé des aliments
suffisante pour satisfaire l'ensemble des besoins communs et une composition judicieuse des
nutritionnels. Quelques nutriments émergent repas. Plutôt que de se focaliser sur les aliments
de l'ensemble en raison de leur intérêt démon- prétendument fonctionnels à valeur ajoutée, il
tré dans la prévention de certaines pathologies, appartient à l'industrie agroalimentaire de four-
le plus souvent par des études d'observation qui nir des produits conformes aux normes les plus
55
Partie I. Physiopathologie du diabète
Compléments et fortifications
positive (tout composé ne figurant pas sur la liste
n'est pas autorisé). Parmi les aliments fortifiés
alimentaires les plus intéressants figurent le lait enrichi en
vitamine D et le sel supplémenté en iode, deux
Le but micronutriments dont les apports alimentaires
coutumiers sont réputés insuffisants.
L'objectif est de compléter l'alimentation habi- Il y a plusieurs milliers de compléments dispo-
tuelle pour l'améliorer d'un point de vue de la nibles sur le marché, chaque complément alimen-
santé, soit par une source concentrée de (micro) taire prétendant avoir un effet spécifique même
nutriments commercialisés sous forme de doses s'il n'est pas toujours prouvé. Les études sont diffi-
destinées à être ingérées (comprimés, gélules, ciles à mener et à interpréter. Elles visent à identi-
ampoules, sachets de poudre) comme les médi- fier les substances actives naturellement présentes
caments, soit en fortifiant les aliments natifs en dans les aliments, à faire la part de l'interaction
une substance dont l'alimentation est déficitaire. avec la matrice des aliments qui peut modifier la
En pratique, les «compléments » complètent biodisponibilité et à rechercher la dose utile. Les
une alimentation déficitaire jusqu'au niveau des compléments alimentaires englobent les complé-
apports nutritionnels conseillés (ANC) alors que ments nutritionnels (vitamines, minéraux, acides
les « suppléments » sont apportés au-delà de 100 % gras, acides aminés…) mais aussi des composés
des ANC même lorsque l'alimentation n'est pas et ingrédients isolés et concentrés à partir des
déficitaire (fig. 5.1). Théoriquement, la complé- aliments comme les fibres, les extraits de plantes,
mentation ou la fortification a un but nutritionnel les prébiotiques et les probiotiques, les peptides
Apport suffisant ?
NON OUI
56
Chapitre 5. Bréviaire de base pour comprendre la nutrition en général...
57
Partie I. Physiopathologie du diabète
à lui fournir les informations nécessaires pour pour les solides ou 0,75 g/100 mL pour les
faire des choix en toute connaissance de cause et liquides. Dans tous les cas la somme des deux
à créer des conditions de concurrence égales pour acides gras ne doit pas fournir plus de 10 % de
l'industrie alimentaire. Par ailleurs, un profil l'énergie du produit.
nutritionnel spécifique est établi pour préciser les • Sans graisses saturées : la somme des acides
conditions d'utilisation des allégations en prenant gras saturés et des acides gras trans ne dépasse
en compte les quantités des autres nutriments et pas 0,1 g/100 g ou 100 mL.
substances contenus dans la denrée concernée qui
pourraient s'avérer délétères (acides gras saturés et Allégations diverses
trans, sucres et sel) et établir le rôle et l'importance • Source de fibres : teneur en fibres égale à au
de la denrée alimentaire notamment chez certains
moins 3 g/100 g pour les solides et 1,5 g/100 kcal.
groupes à risque (enfants, grossesse). Tout doit
• Riche en fibre : le produit apporte au moins 6 g
être fait pour qu'il n'y ait pas d'amalgame entre
de fibres pour 100 g ou 3 g pour 100 kcal.
aliments et médicaments tant pour les alicaments
• Source de protéines : au moins 12 % de la
que pour les denrées porteuses d'une allégation
valeur énergétique du produit provient des
santé. Seule une évaluation scientifique fondée
protéines.
sur des études méthodologiquement recevables
• Hyperprotidique : les protéines représentent au
est à même d'éviter les dérives tant de la part du
moins 20 % de la valeur énergétique du produit.
consommateur séduit par le monde foisonnant
• Source de vitamines ou de minéraux : cor-
des allégations et des aliments dits fonctionnels
respond à un produit contenant une quantité
que de la part de l'industriel tenté d'en profiter et
significative de vitamines ou de minéraux défi-
d'en faire un argument marketing trompeur.
nie dans une annexe de la directive. Exemple :
«riche en calcium » si la teneur en calcium/100 g
Quelques allégations est supérieure à 15 % des ANC (800 mg/j).
nutritionnelles autorisées • Riche en vitamines ou en minéraux si le produit
contient au moins 2 fois la valeur précédente.
Denrées pauvres en énergie • Augmentation en un nutriment : si l'augmen-
Le produit ne contient pas plus de 40 kcal/100 g tation de la teneur en nutriment est d'au moins
pour les solides et 20 kcal/100 mL pour les 30 % par rapport au produit de référence.
liquides. Pour les édulcorants, l'équivalent de 6 g • Teneur réduite en un nutriment : la réduction
de saccharose (1 cuillère à café) ne doit pas appor- atteint au moins 30 % sauf pour les micronutri-
ter plus de 4 kcal (contre 24 pour le sucre). ments pour lesquelles une diminution de 10 %
est requise.
Apport énergétique réduit • « Light » : un produit allégé doit remplir les
conditions prévues pour le terme «réduit en ».
Dans ce cas, la valeur énergétique d'un produit est
• Source d'acides gras oméga 3 : si la teneur
réduite d'au moins 30 %. en acide alpha-linolénique est supérieure à
0,3 g/100 g ou si la somme des acides eicosapen-
Apport réduit en graisses taénoïque et docosahexaénoïque est supérieure
• « Low fat » : l'allégation « pauvre en graisse » à 40 mg/100 g ou 100 kcal.
peut s'appliquer à un produit apportant moins • Haute teneur en acides gras oméga 3 : les valeurs
de 3 g de matières grasses (MG)/100 g pour les précédentes sont portées à 0,6 g et 80 mg.
solides et moins de 1,5 g de MG/100 mL pour les • Haute teneur en acides gras monoinsaturés
liquides (1,8 g pour le lait 1/2 écrémé). (AGMIS) : 45 % des acides gras présents dans le
• « Fat free » : l'allégation s'applique aux produits produit sont des AGMIS.
contenant moins de 0,5 g de MG/100 g ou 100 mL. • Pauvre en sodium : la teneur en sodium est infé-
• Faible teneur en acides gras saturés : l'allégation rieure à 0,12 g de sodium pour 100 g ou 100 mL
signifie que la somme des acides gras saturés et à l'exception des eaux minérales où la teneur en
des acides gras trans ne dépasse pas 1,5 g/100 g sodium ne doit pas dépasser 2 mg/100 mL.
58
Chapitre 5. Bréviaire de base pour comprendre la nutrition en général...
Allégations particulières
à l'intention des sujets
diabétiques
• Faible teneur en sucre : le produit contient
moins de 5 g/100 g pour les solides et moins de
2,5 g/100 mL pour les liquides.
59
Les glucides CHAPITRE
6
alimentaires en général
et, en particulier, chez
le patient diabétique
L. Monnier, C. Colette
63
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
SUCRES LIBRES
MONOSACCHARIDES
Glucose
Fructose
OLIGOSACCHARIDES
GLUCIDES Saccharose
ASSIMILABLES Lactose
Maltose GLUCIDES
POLYSACCHARIDES DIGESTIBLES
De réserve
Dextrines
Amidons
De structure
NON
Pectines
ASSIMILABLES Hémicellulose
(FIBRES
ALIMENTAIRES) Cellulose NON DIGESTIBLES
Lignine (FIBRES BRUTES)
64
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
O O O O O
Liaison 1-4
b) Amylose cristallisée dans le grain d’amidon
Liaison hydrogène
Chaîne linéaire
constituée par
des unités
de D-glucose
STRUCTURE CHIMIQUE DE L’AMYLOSE
Figure 6.2. Structure de l'amylose, qui est une des deux formes de l'amidon (haut polymère
du glucose dans lequel les unités de glucose sont reliées par des liaisons 1–4).
Structure de l’amylopectine
H
H O
C Unité de D-glucose
O
O O O O O
2O
Liaison 1-4
Glucides non assimilables cellulose, lignine. Dans la mesure où elles ne sont pas
Ils appartiennent au groupe des fibres alimentaires : assimilables, les fibres alimentaires ne contribuent
gommes, mucilages, pectines, hémicelluloses, pas à la fourniture d'énergie à l'organisme humain.
65
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
66
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
Ce concept de glucides rapides et lents est illus- aliments glucidiques, qu'il s'agisse de féculents,
tré sur la figure 6.4. Les sucres rapides suivent de céréales, de légumineuses, de pâtes alimen-
un itinéraire rapide, donnant naissance à des taires… À cet égard, les préparations culinaires de
montées glycémiques courtes mais également pâtes sur le mode «al dente » sont beaucoup moins
plus intenses que les glucides lents pour lesquels hyperglycémiantes.
l'itinéraire est étalé au cours du temps. Pour cette Traitements mécaniques
raison, on utilise souvent le qualificatif de glu-
cides à pouvoir plus ou moins hyperglycémiant. Le broyage, la réduction en purée (pommes de
Ce pouvoir peut être quantifié par la détermina- terre), la réduction en marmelade (fruits), aug-
tion des index glycémiques. mentent la digestibilité des aliments glucidiques
auxquels ces traitements sont appliqués. Dans ce
cas, les traitements mécaniques détruisent les
Les facteurs qui modifient structures cellulaires et font éclater les grains
la disponibilité digestive des d'amidon qui sont mieux hydrolysés par les
glucides enzymes du tube digestif.
Le concept de sucres lents et rapides, basé sur la Interactions entre glucides et autres
nature biochimique de glucides plus ou moins nutriments
hyperglycémiants reste un concept un peu trop Tous les autres nutriments (protéines, lipides,
théorique. En effet, pour une variété de glucides
fibres alimentaires), quand ils sont mélangés aux
donnée, la disponibilité digestive va dépendre de
glucides, ralentissent la vidange gastrique. De
toute une série de facteurs qui peuvent modifier
plus, il a été démontré que les autres nutriments
sa dégradation et son absorption.
(protéines, fibres alimentaires) peuvent par leur
Modes de cuisson présence ralentir l'action des enzymes digestives
sur les glucides (amidons en particulier). La
Les traitements thermiques qui accompagnent
farine de blé sans gluten est digérée plus rapide-
la cuisson font éclater les structures cellulaires
ment chez le sujet sain que la farine de blé avec
et les grains d'amidon. De ce fait, l'ébullition, la
gluten. Les céréales complètes, qui contiennent
cuisson au four, augmentent la digestibilité des
des fibres alimentaires, sont en général digérées
plus lentement que les céréales correspondantes
débarrassées de leur enveloppe riche en fibres.
Certaines substances présentes dans les aliments
A B (phytates, lectines, saponines, tannins) peuvent
également jouer un rôle d'inhibiteur enzymatique
et ralentir la digestion des glucides assimilables.
La digestion et l'absorption des glucides dits
«rapides » peuvent être différentes selon que ces
glucides sont ingérés isolément, au début ou à la
fin d'un repas. Ainsi, une pâtisserie a un pouvoir
1,5 1,5 hyperglycémiant plus fort lorsqu'elle est ingérée
Glycémie(g/L)
Glycémie(g/L)
67
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
68
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
1 PORTION
200 g
UNE PORTION = 1 FRUIT
DE FRUITS 12 g 50
OU LÉGUMES
LAIT YAOURTS
UNE PORTION
DE PRODUITS
LAITIERS 10 g 120
AVEC
GLUCIDES
200 mL 2
1,5
GLYCÉMIE(g/L)
Temps (heures)
1 2 3 4
S1 : aliment à tester
S2 : pain blanc
69
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
GLUCIDES
140 RAPIDES
120 SEMI-LENTS
Indexglycémique
100 LENTS
80
cracottes
ULTRA LENTS
60
40
pommes
riz
20
Figure 6.7. Index glycémique (IG) de certaines catégories d'aliments glucidiques, le pain blanc
étant pris pour référence : IG = 100.
Le concept d'index glycémique, bien qu'il paraisse un impact significatif sur l'équilibre glycémique
clair dans sa définition, reste l'objet de contro- global (en moyenne + 0,4 % en point de pourcen-
verses. Le manque de reproductibilité de l'index tage d'HbA1c), il convient d'éviter la consomma-
glycémique d'un individu à l'autre est l'une des tion d'aliments à fort index glycémique au petit
principales critiques formulées à l'encontre de déjeuner et de manière plus générale chaque fois
cette méthode. Des facteurs tels que l'âge, le qu'il y a rupture d'un jeûne de plus de 8 heures.
poids, le sexe, la présence ou l'absence de diabète, C'est en ce sens que le terme anglais «breakfast »
le type du diabète, peuvent modifier la valeur de est mieux adapté que son équivalent en français
l'index glycémique pour un aliment donné. Bien «petit déjeuner ».
que certains prétendent qu'en raison de sa varia- Ainsi dans toutes les conditions où il y a rupture
bilité excessive l'index glycémique ne peut être du jeûne, le petit déjeuner étant la plus typique, il
utilisé en pratique médicale courante, il n'en reste est préférable de consommer :
pas moins qu'il donne des indications précieuses • des fruits frais entiers plutôt que des jus de
pour la prescription diététique chez le diabétique. fruits pressés et a fortiori des jus de fruits du
En effet, même si les réponses glycémiques sont commerce ;
différentes entre les diabétiques et les non-diabé- • des produits laitiers tels que le lait ou les yaourts
tiques, un aliment qui a un index glycémique fort qui contiennent du lactose dont le pouvoir
donne en général naissance à une excursion gly- hyperglycémiant est faible ou des produits
cémique plus élevée qu'un aliment à index glycé- laitiers dans lesquels les quantités de glucides
mique faible. Ceci est valable chez tous les patients sont nulles ou négligeables. C'est le cas pour les
diabétiques, qu'ils aient un diabète de type 1 ou fromages ;
un diabète de type 2. Pour la pratique, il fau- • des quantités contrôlées de pain car ce dernier a
drait retenir que les consommations d'aliments à un index glycémique relativement élevé.
index glycémique élevé devraient être évitées au Les aliments glucidiques à fort index glycé-
moment de la journée où les dérives glycémiques mique devraient être évités. En général, il s'agit
ont tendance à être les plus fortes. C'est le cas pour de produits à goût sucré tels que les confitures,
la période qui suit le petit déjeuner. Chez les dia- le sucre en morceaux. Toutefois, certains pro-
bétiques, la fin de nuit et le début de la matinée duits alimentaires qui n'ont pas de goût sucré
sont les périodes de la journée où la production mais qui contiennent des amidons prédigérés
hépatique du glucose et l'insulinorésistance sont à comme les corn flakes sont déconseillés. Dans la
leur maximum. La conséquence est la présence de mesure où les protéines amortissent les montées
dérives hyperglycémiques avant le petit déjeuner glycémiques secondaires à l'ingestion d'aliments
(phénomène de l'aube) et après le petit déjeuner glucidiques, il est conseillé de consommer une
(phénomène de l'aube prolongé). Pour contre- demi-tranche de jambon maigre au petit déjeu-
carrer ces deux phénomènes qui peuvent avoir ner. Ces considérations indiquent que le recours
70
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
aux index glycémiques peut être utile, mais l'in- Tableau 6.1. Équivalences glucidiques
dexation des aliments en fonction de leur pouvoir physiologiques basées sur la détermination
hyperglycémiant doit être simplifiée pour ne pas de la « charge glucosée» qui est égale à la
compliquer la tâche du patient et du prescripteur. [quantité de glucides contenus dans la portion
Normalement, il faudrait remplacer les tables d'aliments considérée] × [index glycémique].
d'équivalences classiques basées sur les quan-
tités de glucides contenus dans les aliments par 25 g de glucides 25 g de charge IG
des tables permettant de connaître les quantités glucosée
d'aliments à ingérer pour obtenir un effet hyper- 5 morceaux de sucre 5 morceaux de sucre 1
glycémiant donné, choisi comme standard. En 1 petit pain de 50 g 1 petit pain de 50 g 1
d'autres termes, aux tables d'équivalences quan- 120 g de purée de 120 g de purée de 1
titatives devraient se substituer des tables d'équi- pommes de terre pommes de terre
valences physiologiques. Malgré tous les travaux
1 pomme 1 pomme de terre 0,7
qui ont été réalisés sur les index glycémiques, ce de terre de 120 g et demie (180 g)
type de table n'est pas disponible.
1 banane de 120 g 1 banane 0,7
et demie (180 g)
Charge glucosée : un paramètre
120 g de riz cuit 180 g de riz cuit 0,7
qui intègre la quantité et la qualité
des glucides 2 pommes ≈ 4 pommes ≈ 0,4
71
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
une quantité infime qui conduirait à une charge (15Ŕ20 g/kg de muscle), le glucose circulant
glucosée égale à 4 g, c'est-à-dire une montée (1 g/L de plasma). L'effort musculaire intense
glycémique identique à celle des 2 yaourts suffit à épuiser les réserves en glycogène. Dès que
« nature ». Ce simple exemple suffit à démontrer les réserves en glycogène sont épuisées, le foie
qu'il est préférable de consommer des yaourts au synthétise du glucose à partir de substrats non
petit déjeuner que du pain si on est diabétique. glucidiques comme les lactates et l'alanine : c'est
Cette mesure permettra de mieux contrôler les le phénomène de néoglucogenèse. Ce glucose syn-
montées glycémiques. En revanche, il convient thétisé est indispensable pour couvrir les besoins
de souligner que 2 yaourts vont apporter une énergétiques des tissus qui ne consomment que
centaine de calories alors que 8 g de pain n'ap- du glucose (système nerveux, érythrocytes,
portent qu'une vingtaine de calories. Les avan- médullaire rénale). Au bout de quelques jours de
tages et inconvénients de ces considérations jeûne, la consommation obligatoire de glucose par
diététiques liées à cet exemple sont résumés sur ces tissus est de l'ordre de 85 g par jour (au bout de
le tableau 6.2 : « Charge glucosée faible pour un quelques jours de jeûne, le système nerveux peut
apport alimentaire substantiel avec les yaourts, utiliser une partie des corps cétoniques fournis
charge glucosée qui ne reste faible avec le pain par la lipolyse du tissu adipeux).
que pour un apport alimentaire infime ».
Chez un sujet
normalement nourri
Rôle des glucides On peut considérer que l'alimentation apporte
environ 250 g de glucides par jour : 150 g sont
Rôle énergétique utilisés par les tissus glucodépendants (système
nerveux en particulier) et 100 g sont utilisés par
Il est schématisé sur la figure 6.8. Les glucides les autres tissus. Le reste des besoins énergétiques
sont une source importante d'énergie : l'oxydation est assuré par les autres nutriments (lipides ali-
de 1 g de glucides libère 4 kcal. Les glucides sont mentaires en particulier).
le carburant prioritaire de l'organisme. Dans l'ali-
mentation équilibrée normale, les glucides repré- Chez un sujet soumis
sentent entre 40 et 50 % (moyenne = 45 %) des
calories totales. Plus des deux tiers environ des à un jeûne prolongé
calories glucidiques devraient être consommées Le glucose nécessaire pour couvrir les besoins éner-
sous forme de glucides complexes tandis que le gétiques du cerveau (150 g/j) est fourni par le glucose
tiers restant peut être consommé sous forme de néoformé à partir des lactates ou de l'alanine (phé-
glucides simples. La réserve en glucides de l'orga- nomène de néoglucogenèse) (fig. 6.8). L'alanine est
nisme est faible. Elle est constituée par le glyco- un acide aminé qui provient du catabolisme mus-
gène hépatique (70 g), le glycogène musculaire culaire. Tout jeûne prolongé s'accompagne d'une
72
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
Glucides
250 g/j xg?
fonte musculaire rapide. Le reste de l'énergie est l'effort. Au cours d'efforts particulièrement prolon-
fourni par les acides gras et les corps cétoniques qui gés, il est conseillé d'utiliser des mesures compen-
sont libérés ou synthétisés à partir de la lipolyse du satoires : apports de glucides simples à absorption
tissu adipeux. Bien que le concept de besoin mini- rapide, immédiatement disponibles pour assurer
mum en matière de glucides soit arbitraire, on peut les besoins énergétiques du muscle et pour recons-
considérer qu'un apport de 100 à 120 g par jour cor- tituer le stock de glycogène musculaire.
respond au besoin minimum : quantité de glucose
minimale, indispensable au fonctionnement des Rôle de structure
tissus glucodépendants.
Une petite fraction des glucides joue un rôle de
Après un effort musculaire structure. Bien que ce rôle soit mineur sur le
intense de 1 à 2 heures plan quantitatif, il est majeur sur le plan fonc-
tionnel. Par exemple, les glycoprotéines sont des
Le sujet utilise ses réserves lipidiques pour assurer constituants essentiels des membranes basales
le fonctionnement musculaire puisque la réserve des vaisseaux et du cartilage (acide chondroïtine
en glycogène musculaire (15 à 20 g/kg) est épuisée. sulfurique). De nombreux récepteurs hormonaux
Cependant, une alimentation riche en glucides situés à la surface des cellules sont de nature glyco-
(plus de 60 % de calories sous forme de glucides) protéique. Par ailleurs, le ribose et le désoxyribose
entraîne une augmentation de la teneur en glyco- entrent dans la structure des acides nucléiques.
gène du muscle (35 g/kg de muscle). Un régime
riche en glucides permet donc des efforts intenses
plus prolongés (3 heures) avant que la réserve en Sources des glucides
glycogène musculaire ne soit épuisée. Chez les alimentaires
sportifs, il est donc conseillé d'enrichir la ration
glucidique (mesure anticipatoire) en glucides com- Elles sont essentiellement végétales en dehors du
plexes pour permettre une meilleure résistance à lait qui apporte du lactose
73
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
Sucre raffiné et produits sucrés amidon légèrement plus faible que celle du pain
blanc (40 à 45 %), mais il contient en revanche des
Le sucre raffiné est fabriqué soit à partir du sucre
fibres alimentaires puisque les enveloppes riches
de canne (60 %) soit à partir du sucre de betterave en fibres n'ont pas été séparées du grain de blé ni
(40 %). Quelle que soit son origine, le sucre raf- éliminées lors des opérations de meunerie. Les
finé est constitué par du saccharose. Il peut être graines de la plupart des céréales (maïs, riz, etc.)
consommé soit de manière isolée (morceaux de contiennent environ 65 % d'amidon (teneur avant
sucre) soit rajouté ou mélangé lors du processus cuisson). Les graines des principales légumi-
de fabrication d'aliments composés à goût sucré : neuses (haricots, pois chiches, lentilles) ont une
pâtisseries, confiseries, sucreries, chocolats, teneur en amidon identique à celles des céréales
confitures, crèmes glacées, etc. La consommation (60 à 65 % avant cuisson).
de sucre raffiné est le plus souvent excessive dans
les pays dits «développés » et largement supé- Produits amylacés dérivés des céréales
rieure au quart de l'apport calorique total. Cette Les pâtes alimentaires sont fabriquées à partir
consommation devrait rester inférieure à 25 % en de semoules de blé dur. Lors de la cuisson, elles
sachant que la consommation de sucres raffinés absorbent environ 2 fois leur poids d'eau : mul-
se fait sous forme de sucres libres (saccharose, glu- tiplication par 3 du volume et du poids. Après
cose, fructose) qui constituent le 1/5e du total, les cuisson, les pâtes alimentaires ont une teneur en
4/5e restants étant représentés par les sucres dits amidon voisine de 20 g pour 100 g.
«ajoutés ». Cette variété est plus pernicieuse et La pâte utilisée en biscuiterie et en pâtisserie
moins visible car elle est mélangée au moment de est préparée à partir de blés tendres. La différence
la fabrication des aliments ou des boissons vendus entre biscuiterie et pâtisserie est que l'on emploie
par la grande distribution. Les quantités sont donc moins d'eau en biscuiterie. Pour la préparation
plus difficiles à évaluer. Chez les patients diabé- des biscuits et des gâteaux, de nombreux ingré-
tiques, cette consommation de sucres raffinés ne dients sont ajoutés à la farine : saccharose, œufs,
doit pas être interdite mais elle doit être limitée lait.
car une consommation excessive pourrait entraî-
ner des dérives hyperglycémiques postprandiales. Pommes de terre
Elles contiennent 20 g d'amidon pour 100 g.
Autres sources de glucides
Aliments amylacés (source Fruits et légumes
Leur contenu en glucides varie qualitativement
d'amidon)
d'un aliment à l'autre : amidon (bananes), fruc-
Graines de céréales et de légumineuses tose (agrumes), saccharose, glucides non assimi-
Les graines de céréales et de légumineuses sont lables (fibres alimentaires). Si l'on se limite aux
les principales sources d'amidon. Le grain de blé glucides assimilables, les légumes à feuilles ont
contient environ 65 % d'amidon, inégalement une teneur faible (5 g pour 100 g). Les légumes à
réparti entre les différentes parties du grain. La racines (carottes, navets) sont 2 fois plus riches en
majorité de l'amidon se trouve dans la partie glucides (10 g pour 100 g). Les légumes à tuber-
interne, qui fournit la farine blanche après les cules (pommes de terre) contiennent environ 20 g
opérations de meunerie : blutage (suppression pour 100 g mais sur le plan nutritionnel ils sont
des enveloppes externes), broyage, etc. La farine considérés non comme des légumes mais comme
blanche de blé contient environ 80 % d'amidon. des féculents.
Au cours du processus de panification, la farine
est mélangée avec de l'eau, du sel et de la levure
puis pétrie pour obtenir un mélange homogène. Conclusion
La pâte obtenue est ensuite cuite au four. La teneur
en amidon du pain est donc plus faible que celle de Chez un patient diabétique, l'apport glucidique
la farine. En moyenne, le pain contient 50 g d'ami- doit être maintenu à un niveau qui est iden-
don pour 100 g. Le pain complet a une teneur en tique à celui d'un sujet qui n'est pas diabétique.
74
Chapitre 6. Les glucides alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
Tableau 6.3. Exemple de répartition des aliments glucidiques chez un patient diabétique pour
lequel on a fixé l'apport glucidique à 200 g/j.
En revanche, quelques différences doivent être insulinés, elle conduirait à des épisodes hypogly-
notées. Alors que chez un sujet qui n'est pas dia- cémiques en fin de matinée. Enfin, les glucides
bétique l'apport quantitatif peut varier d'un jour doivent être répartis de manière régulière sur les
à l'autre, il doit rester relativement stable au cours trois repas de la journée. En général, on considère
du temps chez la personne diabétique. Toute que 20 % des glucides doivent être apportés au
variation intempestive peut se traduire par des moment du petit déjeuner et 40 % sur les deux
montées glycémiques exagérées ou au contraire autres repas de midi et du soir. Pour un sujet chez
par des épisodes hypoglycémiques selon que lequel l'apport glucidique sur 24 heures serait
l'apport est excessif ou insuffisant. Une attention fixé à 200 g par jour, ceci correspond à 40 g au
particulière doit être donnée à la qualité des glu- petit déjeuner et 80 g aux deux autres repas. Le
cides en évitant les sucres rapides, en particulier tableau 6.3 donne un exemple pratique de cette
au moment du petit déjeuner. Ce dernier est sou- répartition. Seuls sont indiqués les aliments
vent trop riche en glucides rapides dans le petit glucidiques. Les apports caloriques doivent être
déjeuner français. L'attitude inverse, qui consiste complétés avec des aliments lipido-protidiques
à prendre un petit déjeuner sans glucides doit et dépourvus de glucides (ex. : viandes, fromages,
être également proscrite car, chez les diabétiques corps gras…).
75
Les graisses CHAPITRE
7
alimentaires en général
et, en particulier,
chez le patient diabétique
L. Monnier, C. Colette
PLAN DU CHAPITRE de lipides, c'est 160 g de lipides qui vont être appor-
Compréhension générale du métabolisme des graisses 78 tés quotidiennement par son alimentation, soit le
Classification et familles d'acides gras 81 double de la consommation recommandée pour se
Classification biochimique des lipides 84 maintenir en bonne santé. Il est bien évident que
Effets des acides gras dans la prévention des maladies malgré les possibilités d'adaptation de son orga-
cardiovasculaires et conséquences en termes de
recommandations nutritionnelles 89 nisme à un apport supraphysiologique en lipides,
Quelques remarques supplémentaires 92 cette personne sera dans l'incapacité de «brûler »
les 80 g de lipides en excès. Une grande partie sera
stockée dans l'organisme dans différents tissus.
Les graisses ont mauvaise réputation. Depuis de
Au niveau du tissu adipeux cet excès de lipides
nombreuses années, leur consommation, surtout
conduira à une surcharge pondérale voire même à
quand elle est excessive, est accusée d'être en
un état d'obésité. Dans le foie, la conséquence sera
partie responsable d'une augmentation de la pré-
une stéatose avec éventuellement une évolution
valence des maladies cardiovasculaires. Au cours
vers une cirrhose. Ce syndrome est décrit depuis
de la période qui a suivi la Seconde Guerre mon-
plusieurs années sous l'acronyme «NASH » pour
diale et jusqu'à nos jours, de nombreuses études
«nonalcoholic steatohepatitis ». Enfin, les lipides,
épidémiologiques ont été pratiquées. Toutes ont
en particulier les graisses saturées se déposent dans
démontré que le régime alimentaire des habitants
les parois artérielles pour conduire aux plaques
des pays développés, appelé «Western diet » est
d'athérome et aux lésions d'athérosclérose. Ainsi,
caractérisé par une consommation de graisses
l'augmentation des apports lipidiques est toujours
trop élevée. Cette augmentation porte d'abord
néfaste, surtout quand elle porte sur la consomma-
sur le pourcentage de l'apport énergétique total :
tion excessive de graisses saturées. C'est pour cette
entre 40 et 50 % alors qu'il ne devrait pas dépas-
raison que les recommandations nutritionnelles
ser 35 %. Dans la mesure où les apports caloriques
les plus récentes éditées en décembre 2015 (Dietary
totaux n'ont jamais cessé de croître au cours des
Guidelines for Americans) ont confirmé que les
dernières années, il est aisé de comprendre que
apports en graisses saturées (acides gras saturés)
l'excès de consommation en pourcentage se tra-
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés
77
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
dès que leur niveau de vie s'élève. Plusieurs causes d'être égales en matière de santé. L'inégalité entre
expliquent la surconsommation de graisses. La pre- les acides gras repose sur leur structure chimique
mière est liée au fait que les graisses alimentaires et leur métabolisme, sur leur rôle physiologique
sont le vecteur de l'onctueux, l'une des «sensations dans l'organisme et sur leurs conséquences en
en bouche» les plus prisées par les consommateurs. termes de santé. Ce sont des aspects qui vont être
Tout le monde sait que toute préparation culinaire développés en premier lieu dans les lignes qui
est d'autant plus appréciée que sa teneur en graisse suivent avant d'envisager dans d'autres chapitres
est plus élevée. Quand les graisses sont absentes les recommandations nutritionnelles en fonction
dans un aliment, le consommateur a tendance des phénotypes du patient diabétique selon qu'il
à rajouter du gras sous forme de beurre, sauces, s'agit d'une personne insulinée ou non insulinée,
crèmes ou huiles d'assaisonnements diverses pour en surcharge pondérale ou en poids normal, por-
améliorer son goût (sa palatabilité). Pour les crudi- teuse ou non d'une hyperlipidémie (qu'elle soit ou
tés, on privilégie en général les huiles végétales dont non dépendante du diabète) et atteinte ou non de
la majorité, mais pas toutes, sont pauvres en acides complications vasculaires. Avant d'envisager tous
gras saturés et sont au contraire riches en acides ces points dans un chapitre ultérieur, il convient
gras désaturés. Ces derniers ont une réputation de rappeler une constante dans la prise en charge
santé relativement bien établie à condition de ne pas du patient diabétique. L'apport lipidique comme
être consommés de manière excessive. Ce point sera toutes les mesures diététiques ou pharmaco-
développé de manière beaucoup plus exhaustive logiques devrait être personnalisé et adapté à la
quand seront détaillées les grandes classes d'acides vie du patient diabétique. Pour un professionnel
gras. En revanche, le beurre, les sauces, la crème, de santé, bien comprendre le mécanisme de ses
sont majoritairement constitués par des acides gras recommandations et transmettre cette compré-
saturés : 80 à 85 % pour le beurre, 40 à 50 % pour les hension à son patient sont des prérequis indis-
sauces et la crème de lait. pensables pour que l'action proposée soit non
La deuxième cause, qui explique la surconsom- seulement efficace mais également acceptée par
mation de graisses est leur coût relativement faible son patient. En effet, ce dernier est souvent peu
par rapport à celui des aliments tels que les fruits enclin à suivre des prescriptions diététiques tou-
et légumes. Bien qu'ils soient justifiés, les conseils jours un peu contraignantes et de bonnes explica-
théoriques de consommer cinq portions de fruits tions sont toujours bienvenues.
et légumes par jour sont confrontés au défi de la
réalité pratique : pourquoi se priver de produits
alimentaires plus «graisseux », plus «goûteux » et Compréhension générale
de surcroît moins «coûteux ». C'est cette réalité sur
laquelle surfent allégrement l'industrie agroalimen- du métabolisme des graisses
taire et la grande distribution qui proposent aux Après leur absorption intestinale, les acides
consommateurs des produits alimentaires prêts à
gras qui sont les constituants fondamentaux des
la consommation à des prix relativement modé-
graisses suivent un itinéraire métabolique bien
rés, faciles à réchauffer et d'un goût somme toute
particulier (fig. 7.1) qui les conduit à assurer
assez agréable pour une consommation régulière.
quatre rôles majeurs : fourniture d'énergie, rôle
Pour rester dans une marge de prix compétitifs,
de structure au niveau des membranes cellulaires,
les fabricants de produits prêts à la consommation
rôle fonctionnel à l'intérieur des cellules et enfin
privilégient les graisses saturées. Ces dernières sont
rôle de vecteur pour le transport plasmatique de
contenues dans les margarines fabriquées à partir
certaines substances comme certaines vitamines.
d'huile de palme riche comme son nom l'indique
en acide palmitique, un des acides gras saturés les
plus abondants dans l'alimentation humaine. Elles Digestion et absorption
sont également contenues dans les préparations des acides gras
provenant des dérivés du lait.
Ce tableau relativement pessimiste qui vient Les graisses alimentaires sont formées à plus de
d'être brossé à propos des graisses doit être tem- 95 % par des triglycérides ou triacylglycérols qui
péré par le fait que toutes les graisses sont loin résultent de la combinaison d'une molécule de
78
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
Tissu adipeux
A. palmitique : 30 %
Acides gras Cellules périphériques
A. oléique : 45 %
Autres : 15 %
Polyinsaturés : 10 % Voie
Tube digestif oxydative
(Énergie)
TG
Chylo TG
Acides gras
TG
AG alimentaires Foie
transportés par
des TG Désaturation
+
Incorporation dans
Élongation
les PL membranaires
A. arachidonique
A. eicosapentaènoïque
Figure 7.1. Itinéraire métabolique des acides gras à l'intérieur de l'organisme en allant de leur
absorption au niveau du tube digestif jusqu'à leur incorporation dans les membranes et les
organites des cellules périphériques.
Entre les deux existent des étapes intermédiaires de stockage dans le tissu adipeux sous forme de triglycérides (lipides
de réserve), puis de relargage avec ultérieurement des transformations métaboliques (désaturation et élongation) dans
le foie. Au niveau des cellules périphériques, les acides gras peuvent fournir de l'énergie (voie oxydative), participer à
la cohésion physicochimique des membranes cellulaires (rôle de structure) ou jouer le rôle de précurseurs métaboliques
(rôle fonctionnel, production de prostaglandines par exemple).
79
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
volume moléculaire
Couches
riches en MEMBRANE
acides gras PEU FLUIDE
saturés
volume moléculaire
Couches
riches en MEMBRANE
mobilité acides gras FLUIDE
transversale polyinsaturés
mobilité latérale
Figure 7.3. Structure en double couche d'une membrane cellulaire.
Les têtes hydrophiles sont représentées par les points noirs et les pôles hydrophobes (acides gras) par les lignes brisées.
Les propriétés de la membrane cellulaire (fluide ou peu fluide) dépendent de la nature des acides gras qui la composent.
En haut : membrane constituée par des acides gras saturés. Chaque phospholipide occupe un faible volume. La mobilité
des phospholipides est limitée. La fluidité de la membrane est faible.
En bas : membrane constituée par des acides gras désaturés. Chaque phospholipide occupe un volume relativement
grand. La mobilité des phospholipides est assez forte et la fluidité de la membrane est élevée.
80
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
Ac. oléique
C C C C C C C C C18:19
Acides gras polyinsaturés
H3C C C C C C C C
Ac. linoléique
C C C C C C C C C COOH
C18:26
C C C C C C C
Ac. alpha-linolénique
COOH
C18:33
H3C C C C C C C C C C
C C C C C C C
Ac. eicosapentaénoïque
C COOH
H3C C C C C CC CC C C C20:53
81
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
Synthèse
endogène
Huiles Huiles Huiles
(tournesol, maïs) Autres
(olive, arachide) (colza, soja, noix)
aliments
82
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
L'acide oléique, largement présent dans cer- des parois vasculaires, est antiagrégante. Tout
taines huiles végétales (75 % dans l'huile d'olive, déséquilibre de la balance TXA2/PGI2 au profit du
50 % dans l'huile d'arachide) (fig. 7.6), n'est pas TXA2 et aux dépens de la PGI2 se traduit par une
un acide gras essentiel car l'organisme humain hyperagrégabilité plaquettaire qui peut conduire
est capable de le synthétiser au niveau du foie en à des phénomènes de thrombose. L'aspirine, en
dehors de tout apport alimentaire (fig. 7.5). modifiant l'équilibre TXA2/PGI2 au profit de la
PGI2 et aux dépens du TXA2, exerce un effet anti-
Acide linoléique pour la famille ω6 agrégant et antithrombotique. Certaines inter-
ventions diététiques en particulier en enrichissant
Cet acide gras possède 18 atomes de carbone et l'alimentation en acides gras ω3 peuvent égale-
2 doubles liaisons, la première étant située entre ment modifier l'équilibre TXA2/PGI2 au profit de
les carbones 6 et 7 (position ω6) en partant du la PGI2 et exercer un effet antiagrégant.
radical méthyle (CH3). Sa formule simplifiée est
donc C18:2ω6 (fig. 7.4). L'acide linoléique est un Acide alpha-linolénique
acide gras essentiel non synthétisable par l'orga- pour la famille ω3
nisme humain. Ses principales sources nutrition-
nelles sont les huiles de tournesol, de maïs et de Cet acide gras possède 18 atomes de carbone
pépin de raisin (teneur de l'ordre de 60 %) (fig. 7.6). et 3 doubles liaisons, la première étant située
Après deux désaturations et une élongation, il entre les carbones 3 et 4 (ω3), d'où sa désigna-
peut être transformé par le foie en acide arachi- tion C18:3ω3 (fig. 7.4). Comme son homologue,
donique (C20:4ω6) qui est un constituant fonda- l'acide linoléique, l'acide alpha-linolénique est un
mental des phospholipides membranaires et qui acide gras essentiel car il ne peut être synthétisé
est le précurseur des prostaglandines de la série par l'organisme humain. Certaines huiles végé-
2 : le thromboxane A2 (TXA2) et la prostacycline tales contiennent de l'acide alpha-linolénique, par
(PGI2) (fig. 7.5). Ces deux prostaglandines jouent exemple les huiles de soja, de colza et surtout de
un rôle important dans la régulation de la fonction noix (fig. 7.6). En revanche, comme son homologue
des plaquettes sanguines. Le thromboxane A2, qui l'acide linoléique, il peut être transformé par le
est synthétisé au niveau des plaquettes est proa- foie en acide eicosapentaénoïque (C20:5ω3) après
grégant tandis que la prostacycline (PGI2), qui est deux désaturations et une élongation (fig. 7.5). Ce
synthétisée au niveau des cellules endothéliales dérivé supérieur de la série ω3 est un constituant
3 4 12
30
20
57
65 53
73
50
62
30 25
23
15 20
12 13 8 15
83
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
84
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
Mortalitécoronaire
maladies cardiovasculaires, le régime dit « médi- 800
terranéen » étant le plus représentatif d'entre eux.
600
C'est à Ancel Keys (1904Ŕ2004), un docteur
en biologie et physiologie de l'université du 400
Minnesota, devenu ultérieurement épidémiolo- 200
giste, que l'on doit l'idée que l'alimentation, telle
qu'elle existait en Grèce et dans le bassin médi- 0 2,5 5 7,5 10 12,5 15 17,5 20 22,5 25
terranéen dans les années 1950, pouvait avoir A Graisses saturées (calories [%])
un rôle de protection contre les maladies car-
diovasculaires. En 1950, ces maladies commen- 1400
çaient à devenir un problème de santé publique 1200
dans les populations nord-américaines. La force
Mortalitécoronaire
1000
d'Ancel Keys fut de valider son postulat de régime
800
méditerranéen protecteur en lançant au début
des années 1950 une grande enquête épidémio- 600
logique. Appelée « étude des sept pays », elle 400
consista à étudier l'influence de certains facteurs 200
de risque sur l'incidence des maladies corona-
0
riennes dans les pays suivants : les États-Unis, la
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5
Finlande, la Grèce, l'Italie, le Japon, les Pays-Bas B Graisses monoinsaturées/saturées
et la Yougoslavie. Après une quinzaine d'années
de suivi de ces populations, les deux premières Figure 7.7. Étude des 7 pays (d'après Ancel
constatations d'Ancel Keys furent les suivantes : la Keys).
A. Relation entre la mortalité par maladie coronarienne
mortalité coronarienne était beaucoup plus faible et la consommation de graisses saturées exprimée
en Grèce que dans les pays de l'Europe du Nord et en pourcentage des calories. B. Relation entre la
du continent nord-américain et elle était d'autant mortalité par maladie coronarienne et le rapport de la
plus importante que la consommation de graisses consommation graisses monoinsaturées/graisses saturées.
saturées était plus élevée (fig. 7.7A). Étant donné Dans les figures A et B, la mortalité par maladie
que parmi les Grecs, les Crétois bénéficiaient coronarienne (exprimée en nombre de décès pour
10000 personnes) a été évaluée au bout de 15 ans de
d'une protection accrue, cette alimentation suivi, dans une population d'hommes âgés de 40 à 59 ans
«vertueuse » car protectrice contre les maladies et considérés comme en «bonne santé» à l'entrée de
cardiovasculaires fut désignée sous le nom de l'étude des sept pays : États-Unis (carré noir) ; différentes
«régime Crétois ». Dans un premier temps, Ancel régions de Finlande (carrés grisés) ; Pays-Bas (carré
Keys n'avait pas perçu le rôle protecteur des acides blanc) ; différentes régions d'Italie (cercles en gris clair) ;
gras monoinsaturés, c'est-à-dire de l'acide oléique différentes régions de Yougoslavie (cercles en gris foncé);
différentes régions de Grèce (Corfou et Crète, cercles
qui est un des constituants majeurs (75 %) de noirs) ; différentes régions du Japon (cercles blancs).
l'huile d'olive. Il fallut attendre les années 1980,
au moment où d'autres nutritionnistes commen-
cèrent à souligner le rôle bénéfique des acides gras un rôle indiscutable dans la découverte du rôle
monoinsaturés, pour qu'Ancel Keys en réanaly- bénéfique ou délétère des acides gras alimentaires
sant les données de ses propres registres, constate vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, même si
que la mortalité coronarienne était d'autant plus ses concepts restent aujourd'hui l'objet de débats
faible que le rapport alimentaire graisses monoin- et méritent d'être modulés.
saturées/graisses saturées était le plus élevé L'étude épidémiologique internationale «MONICA»
(fig. 7.7B). À ce moment-là, en 1986, Ancel Keys (Multinational monitoring of trends and determinants
était âgé de plus de 80 ans ce qui ne lui permit of cardiovascular diseases) mise en place en 1984 a
pas de poursuivre ses travaux. Il n'en reste pas permis d'établir qu'il existait un gradient Nord-Sud de
moins que grâce à son intuition de départ il a joué la mortalité cardiovasculaire, celle-ci étant plus élevée
85
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
Lipides amphiphiles
Le qualificatif d'amphiphile signifie que cette
CH3
variété de lipides possède deux pôles, l'un hydro-
phile, l'autre hydrophobe. On les désigne sous le
Figure 7.8. Structure schématique des
terme de phospholipides car la fonction alcool
du glycérol en position 3 est estérifiée par une glycérophospholipides.
La nature du radical R caractérise le glycérophospholipide :
molécule d'acide phosphorique, elle-même reliée lécithine si R = choline; céphaline si R = éthanolamine.
à des alcools aminés comme la choline, l'éthano- L'acide gras en position 2 du glycérol est le plus souvent
lamine par exemple (fig. 7.8). Les phospholipides un acide gras polyinsaturé à chaîne longue. Dans le cas
qui contiennent de la choline sont désignés sous le présent, il s'agit de l'acide arachidonique (C20:4ω6). Les
nom de lécithines, l'un des constituants du jaune glycérophospholipides sont des lipides amphiphiles avec
d'œuf. La partie de la molécule constituée par un pôle hydrophile et un pôle hydrophobe.
l'acide phosphorique et l'alcool aminé (la choline
par exemple) est une tête polaire hydrophile qui a
une affinité importante pour l'eau. Les deux autres
fonctions alcool du glycérol en position 1 et 2 sont
estérifiées par des acides gras qui correspondent
au pôle hydrophobe de la molécule de phospho-
lipides (fig. 7.8).
Dans l'alimentation, les phospholipides, en
particulier la lécithine, sont utilisés comme émul-
sifiants pour stabiliser les émulsions d'eau dans
l'huile ou d'huile dans l'eau. À titre d'exemple,
la lécithine contenue dans le jaune d'œuf joue un
rôle majeur dans la stabilisation de la mayonnaise Pôle lipophile Huile = phase dispersée
qui est une émulsion d'huile (phase dispersée) Lécithine
Pôle hydrophile
Eau = phase continue
dans l'eau (phase continue). En l'absence de léci-
Figure 7.9. Structure d'une émulsion d'huile
thine, dont le pôle hydrophile se met au contact de
l'eau et dont le pôle hydrophobe (lipophile) se met dans l'eau (type mayonnaise).
L'huile est appelée la phase dispersée dans l'eau, laquelle est
au contact de l'huile, il serait impossible de fabri- désignée sous le terme de phase continue. Pour assurer la
quer une mayonnaise (fig. 7.9). Les lécithines sont stabilité de l'émulsion, il est nécessaire d'avoir un émulsifiant
également utilisées comme émulsifiants indus- (lipide amphiphile). Dans la mayonnaise ce sont les lécithines
triels quand on veut fabriquer des beurres ou des du jaune d'œuf qui jouent le rôle d'émulsifiant.
86
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
margarines allégés dont la dénomination exacte correspondent à une mobilité latérale au sein de
dans le Codex Alimentarius est celle de pâtes à la même couche, d'autres à des échanges trans-
tartiner. Ces produits alimentaires, qui sont enri- versaux (flip-flop) entre les deux couches (fig. 7.3).
chis en eau jusqu'à en contenir plus de 80 %, alors Tous sont des mouvements rapides et intenses. En
que le beurre ou les margarines classiques n'en une seconde, une molécule de phospholipides peut
contiennent que 10 à 15 %, ne peuvent garder une franchir une distance de 2μ, ce qui à l'échelle d'un
consistance solide que par l'usage d'émulsifiants homme correspondrait à un déplacement entre les
polaires dont les lécithines font partie. côtes de la Méditerranée et Paris en une seconde.
Dans l'organisme humain, les phospholipides La fluidité d'une membrane est un phénomène
participent comme nous l'avons indiqué plus haut avantageux dans le fonctionnement de certaines
à la cohérence physicochimique des membranes cellules. Au niveau des plaquettes sanguines une
cellulaires. Le caractère amphiphile polaire des bonne fluidité est le garant d'une faible capa-
phospholipides leur confère la propriété de former cité d'agrégation et d'adhésion. Ainsi, enrichir la
des doubles couches, les têtes hydrophiles étant dis- membrane plaquettaire en acides gras très polyin-
posées du côté des milieux hydriques, c'est-à-dire saturés, en acide eicosapentaénoïque par exemple,
au contact de l'eau extracellulaire (versant externe est une piste utilisée pour lutter contre le risque
des membranes cellulaires) ou au contact de l'eau thrombotique. Les modifications de la fluidité
intracellulaire (versant interne des membranes membranaire peuvent être extrapolées à d'autres
cellulaires). Les pôles hydrophobes de chaque fonctions car elles ont un impact sur l'activité
couche sont au contact l'un de l'autre et se font face des protéines (transporteurs ou récepteurs) qui
au sein même de la membrane cellulaire (fig. 7.3). sont enchâssées dans la membrane cellulaire. Il
La nature des acides gras des phospholipides convient toutefois de souligner que l'excès d'acides
membranaires dépend en partie de l'alimentation. gras désaturés dans une membrane cellulaire peut
Les acides gras qui entrent dans la composition des conduire à des phénomènes de peroxydation lipi-
phospholipides membranaires sont en général à dique capables de la désorganiser et de compro-
chaîne longue et sont fortement désaturés (l'acide mettre son bon fonctionnement. Les acides gras
arachidonique et l'acide eicosapentaénoïque). La désaturés sont des cibles privilégiées pour des
présence des doubles liaisons (4 pour l'acide ara- métabolites très agressifs désignés sous le terme
chidonique, 5 pour l'acide eicosapentaénoïque) de radicaux libres, dont certains sont des dérivés
introduit des coudures dans les chaînes carbonées de l'oxygène (l'anion superoxyde). Ces radicaux
des acides gras désaturés, le nombre de coudures libres possèdent un électron libre très réactif qu'ils
étant proportionnel au nombre de doubles liai- transfèrent sur d'autres molécules (les acides gras
sons. Dans la mesure où chaque coudure aug- polyinsaturés) pour les transformer eux-mêmes en
mente le volume occupé par chaque acide gras, on radicaux libres. La présence d'anion superoxyde,
conçoit que dans les membranes cellulaires riches et il y en a toujours dans une membrane cellu-
en acides gras fortement désaturés l'espace occupé laire trop riche en acides gras polyinsaturés, se
par chaque molécule de phospholipides est beau- traduit par une réaction en chaîne qui ne s'arrête
coup plus vaste que lorsque les acides gras sont que lorsque deux radicaux libres se rencontrent,
saturés, car ces derniers ont une structure linéaire nous dirions s'accouplent, avec neutralisation des
qui occupe peu de place (fig. 7.3). deux électrons libres. Au cours de la propaga-
Le volume occupé par chaque unité phospholi- tion de la réaction en chaîne, les acides gras de la
pidique conditionne la «rigidité » ou la «fluidité » membrane cellulaire sont dénaturés lors de leur
de la membrane cellulaire. La rigidité correspond attaque par les radicaux libres. Cette agression
à une membrane cellulaire dont les phospholipides de la membrane avec formation de peroxydes
sont riches en acides gras saturés et occupent un lipidiques conduit à une modification de la cohé-
faible volume. La fluidité de la membrane est carac- sion physicochimique des membranes et à leur
térisée par la présence de phospholipides riches en vieillissement accéléré. C'est pour cette raison que
acides gras désaturés qui se déploient dans un large les apports alimentaires en acides gras polyinsa-
volume. En effet, il convient de savoir que les phos- turés doivent être compris dans une «fourchette
pholipides sont animés de mouvements intenses idéale ». Une présence d'acides gras polyinsatu-
au sein de la structure membranaire. Certains rés en quantité insuffisante dans les membranes
87
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
cellulaires, contribuerait à leur rigidité, un excès général inutiles. Les antioxydants ne se limitent
de ces mêmes acides polyinsaturés conduirait à pas aux vitamines. Certains polyphénols présents
une exposition excessive aux radicaux libres et à dans les fruits, les légumes, l'huile d'olive, sont
une dénaturation des membranes par ce qui est des substances qui ont une action antiradicaux
désigné sous le terme de «stress oxydant ». Parmi libres. Ce n'est donc pas un hasard si les orga-
les facteurs qui interviennent dans les complica- nismes (associations ou sociétés) qui établissent
tions cardiovasculaires du diabète sucré, le «stress les recommandations nutritionnelles préconisent
oxydant » occupe une place importante. Au cours cinq portions de fruits et légumes par jour et la
des états diabétiques, il est nécessaire de le com- consommation d'huiles d'olive vierges ou extra-
battre aussi efficacement que possible. vierges, car ce sont celles qui contiennent le plus
de polyphénols «antioxydants ». L'huile d'olive, qui
est riche en acide oléique (75 %), agit également en
Trois leviers d'action sont possibles pour agir sur
raréfiant les cibles potentielles des radicaux libres.
le «stress oxydant ». En effet, l'acide oléique, acide gras monoinsaturé,
Premier levier : réduire la production des est nettement moins susceptible d'être peroxydé
radicaux libres que les acides gras très désaturés. Il est donc sou-
Dans le diabète de type 2, la dysglycémie et haitable d'augmenter la teneur en acide oléique
l'insulinopénie sont les deux facteurs majeurs à des phospholipides des membranes cellulaires en
l'origine de la production excessive de radicaux enrichissant l'alimentation en acide oléique. Il faut
libres. La dysglycémie sera combattue par des toutefois savoir que les modifications du contenu
mesures diététiques et pharmacologiques. Parmi en acides gras des phospholipides membranaires
les mesures diététiques, il faudra privilégier celles sont toujours différées par rapport à l'intervention
qui agissent sur l'exposition chronique au glucose diététique en raison des «interfaces » multiples
(l'hyperglycémie ambiante) et celles qui per- qui existent entre les acides gras contenus dans les
mettent de réduire les fluctuations aiguës de la triglycérides alimentaires et ceux présents dans les
glycémie entre pics et nadirs. En effet, en dehors
phospholipides des membranes. De plus, l'inter-
de l'hyperglycémie chronique, il a été démontré
vention nutritionnelle est toujours limitée dans
que les fluctuations glycémiques, en particulier
les excursions glycémiques postprandiales, sont
son amplitude car les «interfaces » (barrière intes-
des activateurs du stress oxydant. tinale, tissu adipeux, foie) (fig. 7.1) jouent un rôle
«d'amortisseurs » pour maintenir une homéostasie
Deuxième levier : inhiber l'action des radicaux
des acides gras au sein des membranes cellulaires
libres
et pour éviter des variations intempestives diéto-
Troisième levier : raréfier les cibles potentielles dépendantes qui pourraient être nuisibles pour le
des radicaux libres métabolisme cellulaire. Les autres mesures diété-
tiques antistress oxydant passent par l'action sur les
désordres glycémiques puisque ces derniers sont
La poursuite de ces trois objectifs nécessite des des activateurs du «stress oxydant ». Réduire l'hy-
mesures pharmacologiques et nutritionnelles, perglycémie chronique du diabète de type 2 grâce à
la frontière entre la nutrition et la pharmacolo- un contrôle quantitatif des apports glucidiques et à
gie n'étant pas toujours clairement définie. Cette des régimes de restriction calorique qui combattent
absence de frontière est par exemple illustrée l'insulinorésistance, réduire les excursions glycé-
par les supplémentations vitaminiques à visée miques postprandiales dans les diabètes de types 1
antioxydante. Bien que les études d'intervention et 2 en jouant sur la charge glucidique des aliments
n'aient pas montré d'effets bénéfiques avec des (quantité et qualité), sont autant de mesures nutri-
supplémentations en vitamines E et C, il est pro- tionnelles destinées à réduire la production de radi-
bablement important de se préoccuper du statut caux libres. Une attention particulière devra être
vitaminique des diabétiques en s'assurant que les portée sur le pouvoir hyperglycémiant des aliments
besoins en vitamines antioxydantes sont correc- évalué par la mesure de leur index glycémique.
tement couverts. L'alimentation normale dans les Les mesures nutritionnelles doivent être sou-
pays développés permet de couvrir ces besoins et vent complétées par un traitement pharmacolo-
les supplémentations médicamenteuses sont en gique destiné à traiter les désordres glycémiques.
88
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
Parmi ces traitements médicamenteux, l'un des cinquante dernières années. Après la décou-
d'entre eux est plus important que les autres : l'in- verte par Ancel Keys de l'effet délétère des acides
sulinothérapie. Indiscutable et inévitable dans le gras saturés, il fut unanimement admis que l'apport
diabète de type 1, elle est souvent retardée dans le des aliments riches en graisses saturées devrait
diabète de type 2, même quand les traitements non être réduit. Aujourd'hui, les recommandations
insuliniques ont prouvé depuis un certain temps conseillent de ne pas dépasser le seuil de 10 % de
leur insuffisance d'efficacité. L'action de l'insuline l'apport calorique total. Les régimes trop pauvres
n'est pas limitée à son effet hypoglycémiant car en graisses saturées font baisser le cholestérol plas-
l'insuline par elle-même exerce des effets hypolipi- matique mais la diminution porte à la fois sur le bon
démiants, antithrombogènes, anti-inflammatoires cholestérol (HDL-cholestérol ou cholestérol anti-
et antioxydants. Tous ces effets, quand ils s'addi- risque) et le mauvais (LDL-cholestérol). La baisse
tionnent ne peuvent qu'exercer un effet protecteur est même plus importante sur le bon que sur le
contre les complications cardiovasculaires. mauvais, conduisant à une diminution du rapport
Pour terminer ce paragraphe nous avons illus- HDL-cholestérol/cholestérol total (fig. 7.11). Dans
tré sur la figure 7.10 les facteurs qui agissent pour les années 1960 et 1970, les acides gras polyinsa-
activer le stress oxydant dans le diabète sucré et turés, en particulier ceux de la série ω6 (acide lino-
les contre-mesures qui peuvent être mises en léique), étaient considérés comme bénéfiques pour
œuvre pour contrecarrer cette activation. la santé. En effet, à des doses importantes, de l'ordre
de 20 à 30 g par jour, ils conduisaient à une baisse
du cholestérol plasmatique. Malheureusement, il
Effets des acides gras fut observé dans un deuxième temps qu'une partie
de la baisse du cholestérol se faisait aux dépens du
dans la prévention des HDL-cholestérol, conduisant à un rapport HDL-
maladies cardiovasculaires cholestérol/cholestérol total inchangé (fig. 7.11). De
plus, un apport excessif en acides gras désaturés de
et conséquences en termes de la famille ω6 est susceptible d'accélérer la produc-
recommandations nutritionnelles tion de radicaux libres, générateurs de vieillisse-
ment des parois vasculaires. Pour cette raison, il fut
Les recommandations nutritionnelles en termes unanimement recommandé de limiter leur apport
d'acides gras ont considérablement évolué au cours à 10 % de l'apport énergétique total.
Facteurs d’activation
du « stress oxydant » Mesures « antistress oxydant »
dans le diabète sucré
Toutes les mesures nutritionnelles
Exposition chronique au glucose destinées à réduire la dysglycémie
Figure 7.10. Description des facteurs, qui agissent pour activer le « stress oxydatif» dans le
diabète sucré, et des mesures « antistress oxydatif», qui peuvent être mises en œuvre.
À l'état normal, un équilibre doit être obtenu entre les deux.
89
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
Suite à ces recommandations, la place flatteuse huile, non purifiée et non raffinée, contient des
occupée jusque-là par les acides gras polyinsatu- arômes considérés comme très agréables au moins
rés de la série ω6 fut progressivement et ultérieu- pour ceux qui apprécient les «senteurs » de la cui-
rement prise par les acides gras monoinsaturés sine méditerranéenne.
(acide oléique) et les acides gras polyinsaturés de
la série ω3.
En ce qui concerne l'acide oléique, c'est dans les
années 1985 que les nutritionnistes nord améri- Les recommandations nutritionnelles furent amé-
cains découvrirent ses propriétés qu'ils jugèrent nagées pour intégrer les apports en acides gras
intéressantes pour prévenir les maladies cardio- monoinsaturés. À ce jour, l'une des recomman-
vasculaires. Comme les acides gras de la série dations nutritionnelles les plus importantes est
certainement la suivante : «la somme des calories
ω6, les monoinsaturés entraînent une baisse du
apportées par les glucides et les graisses monoin-
cholestérol plasmatique, mais avec l'énorme avan-
saturées doit être égale aux 2/3 (65 %) de l'apport
tage de n'entraîner aucune diminution du HDL- énergétique total ». Ceci signifie que la balance
cholestérol, voire même une légère augmentation. glucides/graisses monoinsaturés est modulable
Le résultat est une augmentation du rapport HDL- avec en pratique deux limites (fig. 7.12) :
cholestérol/cholestérol total (fig. 7.11). En raison de • une limite inférieure : apport en glucides (40 %
leur structure chimique (une seule double liaison) des calories totales) + apport en graisses monoin-
ils sont peu susceptibles d'être dénaturés en pré- saturées (25 % des calories totales) ;
sence de radicaux libres. Dès lors il n'y avait pas de • une limite supérieure : apport en glucides
raison de réduire leur apport à condition de res- (55 % des calories totales) + apport en graisses
ter dans des limites raisonnables, car il convient monoinsaturées (10 % des calories totales).
de ne pas oublier que comme toute graisse, les Le curseur entre ces deux limites est souvent
acides gras monoinsaturés apportent 9 kcal/g. Ces positionné chez les diabétiques plus près de la
bases physiopathologiques furent confortées par limite inférieure que de la limite supérieure :
le fait que les études d'intervention nutritionnelle apport en glucides (45 % des calories totales) +
basées sur des régimes méditerranéens riches en apport en graisses monoinsaturées (20 % des
huile d'olive, en particulier lorsqu'elle est vierge calories totales). Cette recommandation est
ou extravierge (riches en polyphénols), ont montré expliquée par le fait que chez les diabétiques de
un effet protecteur contre les maladies cardiovas- type 2 insulinorésistants, obèses, présentant une
hypertriglycéridémie et une baisse du HDL-
culaires. Dès lors, l'huile d'olive devint la nouvelle
cholestérol, un régime trop riche en glucides (50 à
«star » de la nutrition et ce d'autant plus que cette
Niveau de départ
−10%
)
Cholestéroltotal(
)
HDL-chol(
90
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
10 %
MONOINSATURÉS
25 % 20 %
55 %
40 % 45 % GLUCIDES
91
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
commercialisé des préparations concentrées ainsi libéré est ensuite absorbé au niveau du pôle
sous forme de gélules : Maxepa® et Omacor®. Ces luminal des cellules intestinales. À ce niveau-là,
préparations ne nous paraissent pas d'un intérêt il entre en compétition avec les stérols végétaux
majeur. Les doses administrées probablement (phytostérols). Alors que le cholestérol est un stérol
excessives conduisent à des teneurs trop impor- d'origine animale (300 mg dans un jaune d'œuf,
tantes en acide eicosapentaénoïque dans les phos- 100 mg dans une portion de viande de 100 g) les
pholipides membranaires avec pour conséquence phytostérols sont apportés par les huiles végé-
des effets délétères : peroxydations lipidiques et tales dont la teneur en phytostérols va de 300 mg
dénaturation des membranes cellulaires. L'apport à 1 400 mg pour 100 g. Les études d'intervention
nutritionnel paraît donc suffisant d'autant plus ont montré qu'il faut environ 2 g de phytostérols
que l'industrie agroalimentaire fournit des mar- pour entraîner une baisse du cholestérol plasma-
garines enrichies en ω3, qui peuvent être utiles tique de l'ordre de 10 %. Avec l'huile de tournesol
quand la consommation trihebdomadaire de pois- dont la teneur en phytostérols est de l'ordre de
son gras n'est pas réalisable. Toutefois la publicité 500 mg/100 g, il faudrait donc consommer près
faite par l'industrie agroalimentaire sur les mar- d'un demi-litre d'huile par jour pour arriver à un
garines enrichies en ω3 n'est pas exempte d'ar- apport de 2 g/j. C'est en raison de cette consta-
rière-pensée, surtout quand elle vante leurs effets tation «absurde » que l'industrie agroalimentaire
antiathérogènes. À ce jour, il faut bien reconnaître propose des margarines enrichies en phytostérols
qu'à part quelques études isolées on manque (margarine ProActiv par exemple) qui permettent
d'éléments prouvant que les supplémentations en un apport en phytostérols de l'ordre de 2 g avec
acides gras ω3 ont un effet bénéfique indiscutable une consommation raisonnable de margarine de
sur le plan cardiovasculaire. L'une des rares études l'ordre de 20 g par jour.
positives a été conduite en Italie avec le nom de Certains lecteurs se poseront la question de
code GISSI pour («Gruppo Italiano por lo Studio savoir pourquoi nous n'avons pas d'emblée pro-
della Soprawivenza nell'Infarto miocardico »). En posé les régimes pauvres en cholestérol pour
2004, un groupe de travail du National Institute réduire les concentrations de cholestérol plas-
of Health (Bethesda, États-Unis) avait rendu l'avis matique. La réponse réside dans le fait que ces
suivant : «Il y a un ensemble d'éléments qui sont régimes sont très contraignants et dans l'ensemble
en faveur de l'hypothèse selon laquelle les acides peu efficaces. Pour comprendre cette faible effica-
gras ω3 réduisent le risque cardiovasculaire, mais cité, un bref rappel de physiologie est nécessaire.
il serait indispensable de disposer d'une étude Le cholestérol circulant dans le sang a schémati-
pour en apporter la preuve définitive ». Le mal- quement deux origines : le cholestérol fourni par
heur est que près de 15 ans après, la preuve n'est l'alimentation et le cholestérol synthétisé par le
toujours pas au rendez-vous. Elle a même été réfu- foie. La contribution est d'un tiers pour le cho-
tée par certaines études conduites en particulier lestérol alimentaire (500 mg d'apport par jour
chez des sujets à haut risque cardiovasculaire, chez un sujet normalement nourri) et de deux
porteurs d'un prédiabète, voire d'un diabète sucré tiers pour le cholestérol synthétisé par le foie soit
patent (étude ORIGIN). 1 g/j (fig. 7.13). Les régimes dits hypocholestérolé-
miants (moins de 300 mg/j) sont difficiles à mettre
en œuvre et surtout à suivre sur le long terme car
Quelques remarques ils conduisent à supprimer de nombreux produits
supplémentaires d'origine animale (un simple jaune d'œuf apporte
300 mg de cholestérol). De plus, toute réduction
Cholestérol des apports alimentaires en cholestérol s'accom-
pagne d'une augmentation compensatoire de la
Bien que cette substance soit chimiquement un production hépatique du cholestérol, qui s'oppose
stéroïde, elle est associée aux graisses. Dans la à la baisse du cholestérol plasmatique. C'est pour
lumière du tube digestif, le cholestérol est com- cette raison que le résultat reste limité, avec une
biné aux graisses sous forme de micelles qui diminution de la cholestérolémie de l'ordre de
libèrent le cholestérol sous l'influence de l'action 10 %, même avec des régimes hypocholestéro-
des sels biliaires sécrétés par le foie. Le cholestérol lémiants très contraignants. Quand on sait que
92
Chapitre 7. Les graisses alimentaires en général et, en particulier, chez le patient diabétique
n'importe quelle statine (la classe d'hypocholesté- le sujet est obèse, la réduction des apports gluci-
rolémiants la plus utilisée) est capable de réduire diques en particulier en sucres rapides, l'augmen-
le taux de cholestérol plasmatique de 30 à 40 %, tation des graisses monoinsaturées et l'arrêt des
on comprend que les mesures diététiques appa- boissons alcoolisées.
raissent relativement secondaires dans les hyper-
cholestérolémies essentielles. À noter que cette Acides gras trans
remarque n'est pas valable dans les hyperlipidé-
mies mixtes (hypercholestérolémie + hypertrigly- Ce sont des acides gras qui sont des isomères
céridémie). Dans ce dernier cas, qui sera discuté d'acides gras naturels. Dans l'alimentation, les
dans le traitement des diabétiques ayant une dys- acides gras sont normalement présents en configu-
lipidémie, les mesures diététiques sont efficaces à ration cis. Si on prend l'exemple de l'acide oléique,
la fois sur les triglycérides et le cholestérol. Dans il possède une double liaison entre les carbones 9
ce cas de figure, les mesures diététiques dépassent et 10. Les deux parties de la chaîne carbonée de
largement la réduction du cholestérol alimentaire. part et d'autre de la double liaison sont situées
Elles doivent combiner la restriction calorique si du même côté du plan qui passe par la double
liaison (configuration cis) (fig. 7.14). Au cours
de l'hydrogénation (naturelle ou industrielle) de
Foie Intestin
l'acide oléique pour le transformer en acide gras
saturé (l'acide stéarique), certaines molécules
d'acide oléique ne subissent pas le phénomène
de saturation par hydrogénation. Toutefois, elles
sont transformées pour conduire à un acide gras,
l'acide élaïdique (isomère trans) avec les deux
2/3 1/3 parties de la chaîne carbonée de part et d'autre
LDL du plan horizontal qui passe par la double liaison
Cholestérol (fig. 7.14). Cette transformation de la configura-
Figure 7.13. Contributions respectives, chez tion de l'acide gras se traduit par une linéarisation
un sujet sain, du cholestérol alimentaire de la chaîne carbonée. Ces acides gras trans ainsi
(exogène) et du cholestérol synthétisé par le formés se comportent biologiquement comme des
foie (endogène) au cholestérol plasmatique. acides gras saturés et sont ainsi «proathérogènes ».
Ce dernier est en grande partie transporté par les Le procédé d'hydrogénation est utilisé par l'indus-
particules de LDL (LDL-cholestérol). trie agroalimentaire pour produire des corps gras
CH3 COOH
9 10 COOH
CH3
Acide élaïdique : AG en configuration TRANS
Figure 7.14. Structures comparées de l'acide oléique (cis) et de son isomère trans
(l'acide élaïdique).
93
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
solides à partir d'huiles liquides. Pour diminuer Au terme de ce chapitre, il apparaît que les
la quantité d'acides gras trans dans l'alimentation acides gras jouent un rôle majeur dans l'alimen-
le procédé d'hydrogénation est de plus en plus tation. Toutefois, leur apport doit être raisonnable
remplacé par le procédé d'interestérification qui et équilibré entre différentes catégories d'acides
ne conduit pas à la production d'acides gras trans. gras. Une attention particulière doit être portée
Il convient de souligner que l'hydrogénation des à l'équilibre quantitatif et qualitatif des acides
acides gras se produit également de manière natu- gras quand on est en présence de maladies chro-
relle dans le rumen des animaux. Ceci signifie niques à haut risque cardiovasculaire comme les
que les produits laitiers (lait, fromage, beurre, états diabétiques. Le problème a été abordé dans
crème de lait, yaourts…) contiennent des acides ce chapitre mais il sera complété quand nous
gras trans ainsi que les viandes de ruminants. Les l'envisagerons dans un autre chapitre consacré au
quantités restent toutefois modérées et ne posent régime des patients diabétiques atteints de dysli-
pas de problème de santé publique. pidémie (chapitre 19).
94
Protéines animales CHAPITRE
8
et végétales
J.-L. Schlienger
Acides aminés
2 1 3
Phénylalanine , thréonine , Proline, sérine, cystéine ,
tryptophane tyrosine2, 3
1. AA dits branchés.
Les acides aminés (AA) sont les substrats de la syn- 2. AA aromatiques.
thèse protéique endogène. Ils peuvent être classés 3. Ces AA deviennent essentiels si leurs précurseurs (méthionine
selon leur structure, leur destinée métabolique ou et phénylalanine) sont présents en quantité limitée.
95
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
96
Chapitre 8. Protéines animales et végétales
97
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
La qualité d'une protéine est d'autant meilleure 1,5 g/kg/j chez le sujet en situation d'agression
qu'elle comporte davantage d'AA essentiels. Les métabolique et de 1,5 à 2,0 g/kg/j en cas de perte
protéines d'origine animale satisfont ce critère. tissulaire (brûlures, ulcérations cutanées éten-
Au contraire, aucun aliment d'origine végétale ne dues, escarres…).
couvre les besoins en AA essentiels du fait d'une
teneur insuffisante en un ou plusieurs AA quali-
fiés dès lors de «limitants ». L'association de plu- Sources des protéines
sieurs aliments végétaux permet de satisfaire les
besoins selon le principe de la complémentarité
alimentaires
qui supplée l'AA limitant. Ainsi les protéines des Les protéines sont présentes dans le règne animal
céréales ne contenant pas de lysine peuvent être et végétal. Les protéines fibreuses sont des pro-
compensées par les protéines des légumineuses téines de structure des tissus, les protéines glo-
qui ne contiennent ni méthionine ni cystéine. En bulaires sont des protéines de réserve des graines.
cas de nécessité, les AA essentiels peuvent être pui-
sés dans le pool protéique tissulaire.
L'indice DISCO qui est le produit de la digesti- Protéines animales
bilité et de l'indice chimique ou l'indice DIAAS
La viande est la source de protéines animales la
fondé sur la mesure de la digestibilité réelle de
chaque AA indispensable ont été mis au point plus remarquable (15 à 20 % de protéines de la
pour mieux définir la qualité d'une protéine. matière humide et 50 à 90 % de la matière sèche).
La chair de poisson a une composition proche. Le
blanc d'œuf est composé à 90 % de protéines dont
Modification des protéines l'ovalbumine qui est la protéine de référence. Le
par les préparations culinaires jaune d'œuf est constitué pour 30 % de protéines
Certaines protéines peuvent être dénaturées dont la lipovitelline. Les protéines du lactosé-
rum obtenues après élimination du lactose et des
et perdre en valeur biologique lorsqu'elles sont
matières grasses sont des protéines d'absorption
soumises à une température élevée. Par ailleurs,
«rapides » qui ont la capacité de stimuler la sécré-
le phénomène de brunissement de la viande,
tion d'insuline chez les sujets sains ou diabétiques
conséquence de la réaction de Maillard, entraîne
de type 2. Le lait de vache contient 30 à 35 g/L de
une glycation des protéines et la production de
protéines dont la caséine (80 %) et les protéines du
produits terminaux de la glycation (AGE) qui
lactosérum (20 %). La teneur en protéines des déri-
sont absorbés et associés à un excès de risque
vés du lait est intéressante mais dépend du procédé
cardiovasculaire.
de fabrication. Les protéines d'origine animale
ont globalement une qualité nutritionnelle élevée
Besoins protéiques
parce qu'elles contiennent tous les AA essentiels.
98
Chapitre 8. Protéines animales et végétales
99
Fibres alimentaires
J.-L. Schlienger
CHAPITRE
9
PLAN DU CHAPITRE L'apport en fibres alimentaires est considéré
Composition biochimique 101 comme un déterminant de santé important.
Propriétés des fibres alimentaires 102 Toutefois, l'effet bénéfique intrinsèque des fibres est
Origine des fibres alimentaires 103 assez difficile à préciser parce qu'elles sont consom-
Inconvénients des fibres alimentaires 104 mées en même temps que d'autres nutriments
Recommandations et allégations 104 potentiellement bénéfiques auxquels elles sont asso-
Effets métaboliques de la consommation de fibres 105 ciées au sein de la matrice alimentaire : vitamines,
Comment supplémenter en fibres? 106 minéraux et autres microconstituants végétaux.
Synthèse 107
101
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
102
Chapitre 9. Fibres alimentaires
et à la formation d'une interface de gel entre le L'ensemble de ces effets locaux, métaboliques et
contenu de l'intestin et les entérocytes ce qui systémiques explique le rôle important des fibres
diffère l'absorption des glucides. en nutrition préventive et thérapeutique.
• Rassasiement favorisé par le ralentissement
103
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
passe par une consommation variée d'aliments de blé et les céréales ainsi que dans les légumes à
végétaux et par la consommation d'aliments peu maturité atteinte ou dépassée. Les hémicelluloses
raffinés et non industriels plutôt que par une sont présentes dans le son de blé.
supplémentation. Une alimentation à densité
nutritionnelle élevée est habituellement associée à
une dotation satisfaisante et variée en fibres. Inconvénients
des fibres alimentaires
Les fibres proviennent de différentes sources
alimentaires : son (l'enveloppe) des céréales,
légumes et légumineuses, fruits et graines oléagi- Les risques liés à la consommation de fibres sont
neuses. Il est de coutume de distinguer les fibres
limités chez le sujet sain. Toutefois, il est préfé-
solubles et les fibres dures ou insolubles dont les
rable d'augmenter la consommation de fibres
effets «santé » sont complémentaires.
graduellement pour maîtriser de petits « incon-
forts » (flatulences, douleurs abdominales, gaz)
Fibres solubles et de boire beaucoup de liquide au cours de la
Ces fibres forment dans l'eau des solutions visqueuses journée, car l'eau augmente l'efficacité des fibres.
ou des gels. Elles regroupent les pectines, certaines Les fibres ont l'inconvénient potentiel de chélater
hémicelluloses, la gomme de guar ou le son d'avoine des minéraux (zinc, calcium, fer) mais cet effet
(β-glucanes). L'épaississement du liquide digestif a délétère est compensé par la richesse en vita-
des effets favorables sur la vidange gastrique, l'absorp- mines et minéraux des aliments riches en fibres.
tion des nutriments et le microbiote. Elles ont des La consommation de fibres insolubles et fermen-
effets métaboliques mais stimulent peu le transit tescibles peut être déconseillée dans les maladies
qu'elles contribuent à régulariser. Les sources princi- inflammatoires du tube digestif et dans les colo-
pales de fibres solubles sont les légumineuses (hari- pathies fonctionnelles sévères et anciennes. Quoi
cots rouges, blancs…), les fruits riches en pectine qu'il en soit la consommation variée d'aliments
(pommes, coings, oranges, pamplemousses, riches en fibres alimentaires fait partie des cri-
fraises, poires…), les fruits secs (figues, pruneaux), tères d'une alimentation saine.
les légumes frais (carotte, courgette, haricots, pois
verts, choux de Bruxelles, asperge…), l'orge, le
seigle et l'avoine (flocons, son, farine), le psyllium… Recommandations et allégations
Les β-glucanes sont présents dans les couches
d'aleurone de l'avoine et de l'orge, les galacto-oli- Les aliments les plus riches en fibres sont les
gosaccharides dans les légumineuses et le lait; les sons de céréales (blé et avoine), les céréales
xylo-oligosaccharides dans le blé; les fructo-oligosac- complètes, les légumes secs (lentilles, haricots)
charides et l'inuline dans certains légumes (artichaut, et les fruits secs (pruneaux, abricots). Du fait de
chicorée, asperge, oignon, poireau, topinambour, sal- leur forte teneur en eau les fruits et les légumes
sifis). On peut aussi les trouver dans les algues sous frais apportent relativement peu de fibres rap-
forme d'alginates. portées au poids frais mais ces aliments sont
évidemment riches en fibres pour 100 kcal
Fibres insolubles (tableau 9.2). Ainsi, les céréales apportent en
moyenne 36 à 65 % de la ration quotidienne en
La cellulose, certaines hémicelluloses et le son de blé fibres dans les pays industrialisés, les fruits 6 à
sont des fibres insolubles hydrophiles qui restent en 24 %, les légumes de 22 à 47 % et les légumes
suspension et peuvent absorber jusqu'à 20 fois leur secs de 2 à 8 %. Basés sur les résultats des études
poids en eau. Cette caractéristique explique en par- épidémiologiques montrant un abaissement
tie les différences d'effets physiologiques des fibres. des risques relatifs pour une consommation de
Constituants fermentescibles du ballast elles sti- fibres supérieures à 25 g/j, il est recommandé de
mulent le transit et ont des effets sur la muqueuse consommer au moins 25 g de fibres par jour et si
colique et le microbiote. Elles se trouvent dans la possible 30 g pour les adultes (tableau 9.3). Afin
peau, les graines, les légumes feuilles et les racines. d'augmenter la consommation de fibres des
La cellulose et la lignine sont présentes dans le son Français, la promotion des fibres est assurée par
104
Chapitre 9. Fibres alimentaires
Effets métaboliques
solubles ou insolubles n'a pas fait la preuve de
son efficacité.
de la consommation de fibres
Fibres et contrôle glycémique
Fibres et poids La viscosité des fibres solubles joue un rôle signi-
De nombreuses études observationnelles sug- ficatif sur le contrôle de la glycémie postprandiale
gèrent l'existence d'une relation bénéfique entre et sur la réponse insulinique. Par l'intermédiaire
la consommation de fibres et le poids mais il du ralentissement de la vidange gastrique et de
persiste un débat quant à la réalité d'un effet l'absorption des nutriments. Pourtant, et de façon
intrinsèque des fibres parce qu'une alimenta- inattendue, la plupart des études prospectives ont
tion à forte charge en fibres apporte d'autres montré que ce sont les fibres insolubles et non les
105
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
fibres solubles qui étaient corrélées inversement L'action hypocholestérolémiante des fibres
avec l'incidence du diabète de type 2 (DT2). Le est expliquée par une réduction du cycle enté-
risque de DT2 est réduit de 20 à 80 % lorsqu'on rohépatique du cholestérol secondaire à une
compare le quartile supérieur de consommation moindre absorption des sels biliaires avec
de fibres (environ 30 g/j de fibres) et le quartile une augmentation de la perte fécale des acides
inférieur (< 16 g/j). Ces données ne sont pas suf- biliaires. Par ailleurs du fait de leurs propriétés
fisantes pour affirmer que la consommation de physicochimiques, les fibres solubles modifient
céréales entières prévient le DT2. la viscosité et la masse du contenu intestinal
Plusieurs études expérimentales et des essais cli- entraînant des modifications du métabolisme
niques randomisés ont exploré l'impact des fibres hépatique du cholestérol et du LDL-cholestérol.
sur les paramètres du métabolisme glucosé et, D'autres études suggèrent une augmentation de
notamment, la sensibilité à l'insuline. La technique l'activité de la 7-α-cholestérol hydroxylase qui
du glucose clamp euglycémique-hyperinsulinique régule la transformation du cholestérol en acides
réalisée après une charge alimentaire en fibres inso- biliaires ce qui aboutit à une déplétion en cho-
lubles a montré une amélioration de la sensibilité à lestérol, une stimulation de la synthèse endogène
l'insuline chez des sujets obèses. Il existe par ail- du cholestérol et une majoration de la présenta-
leurs une amélioration du profil et de la variabilité tion des récepteurs des LDL avec une épuration
glycémiques chez des sujets diabétiques. Au long accrue du cholestérol estérifié à partir des LDL.
cours, il a été décrit une amélioration de l'HbA1c Il a également été suggéré que l'augmentation
et une diminution du nombre des hypoglycémies de la synthèse des propionates par le microbiote
après l'augmentation des apports en fibres solubles entraînait une diminution de la synthèse du cho-
et insolubles chez des sujets DT2 traités. Les résul- lestérol et des lipoprotéines de très basse densité
tats des études d'intervention sont loin d'être uni- (VLDL).
voques. Dans la plupart des études cliniques seules
la supplémentation en fibres solubles réduit la
glycémie postprandiale ce qui est en contradiction
avec les données épidémiologiques qui mettent en
Comment supplémenter
exergue le rôle des fibres insolubles dans la préven- en fibres?
tion du risque de diabète.
L'augmentation de la teneur en fibres de l'alimen-
Le psyllium (ispaghul), la gomme guar et la
pectine sont les fibres solubles qui ont été les plus tation peut se faire en choisissant des aliments
étudiées. Dans presque tous les cas leur ingestion naturellement riches ou enrichis, voire en supplé-
est associée à une meilleure réponse métabo- mentant l'alimentation par des fibres disponibles
lique postprandiale. Actuellement l'Association dans le commerce. La consommation de céréales
américaine du diabète (ADA) recommande de enrichies en fibres est efficace mais n'assure pas la
consommer 14 g/1 000 kcal/j de fibres ce qui est diversité des sources souhaitable. Il faut veiller à
très supérieur à la consommation habituelle. Bien ce que le son et les fibres utilisés dans les céréales
qu'une alimentation riche en fibres soit palatable du petit déjeuner ou disponibles sous forme de
et coutumière dans de nombreuses régions du tablettes de blé répondent aux conditions de qua-
monde, son acceptation au long cours est assez lité et de sécurité (contaminants, pesticides) et
médiocre dans les pays occidentaux, raison pour de palatabilité qui conditionnent l'acceptabilité
laquelle certains préconisent une supplémentation. par le consommateur. Les β-glucanes d'avoine
ou d'orge sont des fibres solubles dont l'efficacité
Fibres et profil lipidique sur l'écrêtement de la glycémie et sur l'hypercho-
lestérolémie a été démontrée. La pectine est une
Les régimes riches en fibres sont associés à une fibre soluble utilisée comme épaississant (E440)
prévalence plus faible des maladies corona- ou comme traitement de la constipation. À la dose
riennes. Toutefois dans ce type d'alimentation de 10 g administrée pendant le repas elle peut pré-
les apports lipidiques sont également réduits et il tendre réduire le pic de glycémie postprandiale
est difficile de faire la part des choses même si les mais non augmenter l'impression de satiété ou
cholestérolémies totales et LDL sont plus basses. réduire le poids. La gomme guar extraite d'une
106
Chapitre 9. Fibres alimentaires
graine de légumineuse est utilisée soit comme équilibrée « naturellement » riche en fibres est
épaississant soit comme additif (E412) ou comme préférable à un enrichissement en fibres par
traitement du reflux gastro-œsophagien. Elle est supplémentation. L'augmentation de la part
souvent présentée comme un «coupe-faim natu- des légumineuses, des fruits et légumes et la
rel » mais n'a pas d'indication validée. consommation de céréales et de pain peu raffi-
nés permettent de parvenir aux niveaux fixés par
les recommandations formulées par les groupes
Synthèse d'experts. La variété des sources de fibres assure
la diversité de leur nature et permet de composer
Une alimentation comportant un apport élevé un cocktail de fibres solubles et insolubles, caté-
en fibres a des effets favorables sur la santé et sur gories qui présentent toutes les deux un intérêt
le risque cardiométabolique quelles qu'en soient démontré dans la gestion du poids et des métabo-
les explications proposées et quelle que soit la lismes glucosé et lipidique et dans la prévention
nature des fibres. Une alimentation diversifiée et du DT2 et des maladies coronariennes.
107
Micronutriments et CHAPITRE
10
microconstituants
J.-L. Schlienger
PLAN DU CHAPITRE devrait contenir 1/20e des ANC pour chaque micro-
Micronutriments nutritifs 109 nutriment, ce qui correspond à une densité nutri-
Microconstituants non nutritifs 113 tionnelle (exprimée en mg ou en μg pour 100 kcal)
satisfaisante. La diversité alimentaire réalisée par
Ces composés apportés par l'alimentation ont en l'assemblage d'aliments ayant une bonne densité
commun d'être nécessaires en très petites quan- nutritionnelle est la clé de l'alimentation équilibrée
tités, d'être non énergétiques et de ne pas être surtout si les aliments ayant une bonne densité
synthétisables par l'organisme (à l'exception de nutritionnelle du fait de leur haute teneur en micro-
la vitamine D). On distingue d'une part les vita- nutriments ont également une faible densité énergé-
mines, les minéraux et les oligoéléments qui sont tique (kcal/100 g) comme les fruits et légumes. Les
des micronutriments nutritifs indispensables et, aliments de faible densité nutritionnelle sont souvent
d'autre part, les microconstituants des végétaux très énergétiques Ŕ car riches en sucres et en graisses Ŕ
(polyphénols, la plupart des caroténoïdes…) qui et pauvres en micronutriments et inversement.
ne sont pas véritablement des nutriments. Les micronutriments nutritifs regroupent les vita-
mines et les minéraux indispensables parmi lesquels
on distingue les macroéléments (calcium, phos-
Micronutriments nutritifs phore, magnésium, sodium, potassium, chlore) et
les oligoéléments ou éléments trace (zinc, fer, cuivre,
L'insuffisance d'apport par l'alimentation des iode, sélénium, fluor, cobalt, chrome, lithium, etc.).
micronutriments détermine un tableau clinico-
biologique de carence réversible par une supplé- Vitamines
mentation. Les besoins minimaux correspondent
aux apports nécessaires pour éviter la survenue Les vitamines, molécules organiques indispen-
d'un état carentiel. Le niveau des besoins est défini sables à la vie, sont classiquement réparties en
par des méthodes expérimentales. Les apports vitamines hydrosolubles (groupe B, C) et liposo-
nutritionnels conseillés (ANC) sont calculés lubles (A, D, E et K) (tableau 10.1). La couverture
de telle sorte qu'ils assurent la couverture des des besoins est assurée par l'alimentation à l'ex-
besoins de 97,5 % de la population. On distingue ception de la vitamine D dont l'essentiel provient
les sujets carencés dont les apports nutritionnels de la photosynthèse cutanée sous l'influence des
sont inférieurs aux ANC d'un facteur 4, les sujets rayons ultraviolets du rayonnement solaire.
subcarencés ayant un apport insuffisant (apport Le statut vitaminique est globalement satisfaisant
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés
compris entre 1/4 et 1/2 des ANC) et les sujets pour l'ensemble de la population des pays dévelop-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
ayant des apports suboptimaux (apports compris pés mais il persiste des îlots de subcarence sans
entre l'ANC/2 et l'ANC). Des apports inférieurs expression symptomatique dans des groupes sen-
aux ANC Ŕ même en l'absence de pathologie sibles (enfants, adolescents, femmes enceintes, per-
carentielle Ŕ sont associés à un risque accru de sonnes âgées, malades, pratiques à risque comme
certaines pathologies dégénératives. Il en est ainsi l'alcoolisme, misère sociale) ou en cas de restric-
des micronutriments à effet antioxydant (vita- tion alimentaire, volontaire ou non. Néanmoins,
mines C et E, bêta-carotène, zinc et sélénium). les apports alimentaires seraient insuffisants chez
Il revient à l'alimentation de couvrir les ANC près d'un quart de la population (notamment pour
sans recourir à des supplémentations. Idéalement l'acide folique) et il existerait des critères de défi-
chaque portion de 100 kcal de l'alimentation cience biologique chez 10 % des individus.
109
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
110
Chapitre 10. Micronutriments et microconstituants
111
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
du processus auto-immun qui a justifié les études bien que des arguments expérimentaux plaident
de supplémentation en vitamine D et les études en faveur d'un impact des vitamines B et de la vita-
cas-témoins dans le diabète de type 1, affection mine C sur le métabolisme glucidique.
dans la physiopathologie de laquelle l'auto-immu-
nité joue un rôle majeur. Dans quelques études, Obésité
la supplémentation vitaminique semble associée à Une diminution des taux plasmatiques de thiamine
une réduction du risque de développer un diabète (vitamine B1) et une baisse de la folatémie contras-
de type 1. Dans le diabète de type 2, aucune étude tant avec une augmentation des folates intracellu-
ne permet à ce jour de conclure à un effet béné- laires ont été rapportées dans l'obésité mais il n'y
fique d'une supplémentation en vitamine D. a pas eu d'études randomisées de supplémentaion.
Vitamine D et maladies cardiovasculaires En revanche, le problème de la supplémentation en
vitamines B se pose avec acuité au décours de la
Les études observationnelles ont décrit une chirurgie bariatrique. Dans ce contexte un déficit
association entre une carence en vitamine D et en vitamine B1 quoique rare peut être potentielle-
l'augmentation du risque cardiovasculaire. En ment grave et induire des troubles neurologiques
revanche, toutes les études interventionnelles se irréversibles à type de polyneuropathie ou même
sont avérées négatives. d'encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Les déficits
Vitamine D et syndrome plurimétabolique
en folates et surtout en vitamine B12 peuvent égale-
ment se manifester par des complications neuro-
Des études observationnelles ont suggéré l'exis- logiques et par une anémie macrocytaire. Il est
tence d'une relation inverse avec les taux circu- essentiel de prévenir l'apparition d'authentiques
lants de vitamine D. Aucune étude d'intervention carences par une supplémentation systématique
randomisée ne vient appuyer la réalité de cette au long cours adaptée au type de geste chirurgical.
relation.
À ce jour, il n'existe pas de preuve établissant Diabète
l'intérêt d'une supplémentations en vitamine D Les vitamines hydrosolubles interviennent dans
dans la prévention ou le traitement des maladies la régulation du métabolisme des nutriments
cardiométaboliques. À titre curatif, la vitamine D énergétiques mais le statut des vitamines hydro-
ne favorise pas la perte de poids, ne prévient ni solubles paraît globalement préservé au cours du
le diabète ni sa guérison et n'a pas d'effet sur la diabète en dehors des épisodes de décompen-
régression du syndrome plurimétabolique. sation métabolique aigus. Les essais de supplé-
Vitamine E mentation polyvitaminique n'ont pas permis de
conclure à un effet sur la prévention du DT2 ni
Mise en exergue pour ses propriétés antioxydantes sur l'apparition ou l'évolution de ses complica-
remarquables, la vitamine E (α-tocophérol) connu tions. Toutefois, des études récentes ont souligné
un véritable engouement après la mise en évidence le risque de diminution de l'absorption des folates
d'une corrélation inverse entre les taux plasma- et de la vitamine B12 secondaire à un traitement
tiques de vitamine E et la mortalité par cardio- par metformine, ouvrant peut-être un domaine
pathie ischémique. Le mécanisme avancé était la de supplémentation qui reste à valider.
moindre oxydation des LDL, condition nécessaire
pour qu'elles deviennent athérogènes. Les études Maladies cardiovasculaires
d'intervention par supplémentation en vitamine E
La supplémentation en micronutriments a pour
se sont toutes avérées négatives. Non seulement la
objectif principal de lutter contre le stress oxydant
supplémentation de la vitamine E n'a pas d'effets
pourralentirouinhiberleprocessusathéromateux.
bénéfiques démontrés mais elle pourrait même se
La vitamine C est la seule vitamine hydrosoluble
révéler délétère à dose pharmacologique.
à pouvoir prétendre avoir un effet antioxydant.
Une méta-analyse a suggéré l'existence d'une
Vitamines hydrosolubles relation inverse entre les apports alimentaires en
La supplémentation par des vitamines hydrosolubles vitamine C, les taux circulants de vitamine C et le
a été peu explorée dans les maladies métaboliques risque d'accident cardio-cérébro-vasculaire.
112
Chapitre 10. Micronutriments et microconstituants
Protéines
Acide folique,
Vitamine B12
MTHFR
Méth Synthèse
CH3 de myéline
Transfert de
méthyl
CH3 Hcyst
Transsulfuration
CBS Vitamine B6
X3
Toxicité vasculaire
neurologique
Cystéine
113
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
114
Stress oxydant CHAPITRE
11
et alimentation
J.-L. Schlienger
Stress oxydant
Le métabolisme aérobie produit des espèces réac-
tives de l'oxygène (ERO) ou radicaux libres (RL) Le stress oxydant (SO) est la conséquence d'un désé-
à l'origine d'altérations oxydatives des biomolé- quilibre entre la production de RL et les capacités
cules. Les ERO regroupent des radicaux libres antioxydantes cellulaires. La production excessive
oxygénés porteurs d'un électron célibataire très ou la non-neutralisation des RL entraînent une alté-
réactif (superoxyde, hydroxyle, oxygène singu- ration des macromolécules et accélèrent le vieillisse-
let) et des espèces oxydantes non radicalaires ment cellulaire. Le SO favorise la fragmentation de
toxiques (peroxyde d'hydrogène, acide hypo- l'ADN, la peroxydation lipidique ou la carbonylation
chloreux, peroxynitrite). La production des RL des protéines. Un système de réparation enzyma-
se fait au sein de la cellule par divers mécanismes tique est prévu pour limiter la peroxydation lipidique
mais le site principal est la chaîne respiratoire membranaire ou l'altération des bases nucléiques.
mitochondriale où environ 2 % de l'oxygène est Le SO favorise également la formation des produits
transformé en radicaux superoxydes. Du fait de avancés de la glycosylation (AGE). Il en résulte une
leur instabilité ces molécules tendent à réagir par augmentation de ces composés dans les protéines à
une réaction d'oxydation ou de peroxydation avec longue durée de vie, comme le collagène ou la lami-
de nombreux composés dont les macromolécules nine. La liaison des AGE à leurs récepteurs entraîne
situées à proximité de leur site de génération. l'activation de la MAP-kinase (mitogen-activated pro-
tein kinase) et des facteurs de transcription sensibles
à l'équilibre oxydant/antioxydant, tels que le NFκB
(nuclear factor κB) qui stimule en retour la produc-
Défense antiradicalaire tion d'ERO. La peroxydation lipidique dépend étroi-
tement du statut oxydant et conduit à de nombreuses
La ligne de défense antiradicalaire est constituée altérations structurelles ou fonctionnelles notam-
d'antioxydants soit enzymatiques (superoxyde ment au niveau des membranes cellulaires.
dismutase zinc dépendante, glutathion-peroxy- Si l'excès de RL détermine un SO il n'en reste pas
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dase sélénodépendante, glutathion S-transférase, moins que les RL sont également des molécules
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
catalase) soit non enzymatiques endogènes qui indispensables à de nombreuses réactions biolo-
agissent en piégeant les radicaux libres (gluta- giques. Ce qui fait que l'excès de neutralisation est
thion, acide urique, nicotinamide NADPH, albu- aussi délétère que l'excès de production. La modu-
mine et bilirubine). À ces antioxydants s'ajoutent lation de ces deux phénomènes est fondamentale
des molécules réductrices exogènes apportées pour désamorcer le rôle pathogène des RL.
par l'alimentation (vitamine E, alpha-tocophérol,
vitamine C ou acide ascorbique, caroténoïdes,
polyphénols, sélénium et zinc). Ce système de Rôle crucial de l'alimentation
défense permet à l'organisme de maintenir les
ERO à une concentration acceptable et de retarder L'alimentation est au premier plan des multiples
l'oxydation d'un substrat. Il existe une interaction facteurs aboutissant à un excès de production
115
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
d'ERO du fait soit d'un excès d'apport énergé- et l'excès d'apport en glucides contribuent à la
tique, soit d'une carence en micronutriments production de radicaux libres et au stress oxydant.
impliqués dans le système antiradiculaire Une alimentation optimale devrait posséder
(tableaux 11.1 et 11.2). un fort pouvoir oxydant favorisé par une densité
Tout apport énergétique excédentaire qui n'est énergétique basse et une densité nutritionnelle
pas stocké dans le tissu adipeux est oxydé au élevée avec, entre autres, un apport important en
niveau mitochondrial et produit des RL. Tous les micronutriments par les fruits et légumes.
macronutriments en excès activent la production
de RL. Parmi ceux-ci les acides gras saturés ont
un rôle particulièrement délétère contrairement Stress oxydant et diabète
aux AG monoinsaturés et polyinsaturés qui ont un
effet plutôt neutre. Les relations entre le SO et le diabète sont étayées
Les glucides à index glycémique élevé dont l'ab- par des expériences ex vivo et in vivo (fig. 11.1).
sorption induit une hyperglycémie postprandiale Les RL participent à la transduction du signal de
Tableau 11.2. Le stress oxydant provient d'un déséquilibre de la balance entre les mécanismes
et substrats antioxydants et pro-oxydants.
Antioxydants Pro-oxydants
endogènes exogènes endogènes exogènes
Enzymes : Vitamines : Métabolisme UV, radiations
Ŕ SOD ŔC énergétique Pollution
Ŕ GP ŔE Tabagisme
Ŕ catalase Ŕ caroténoïdes Alcool
Ŕ peroxirédoxine
Protéines du choc Polyphénols, flavonoïdes Inflammation Alimentation hyperénergétique
thermique ou hyperlipidique
Glycosylates d'ADN Oligoélements : Hyperglycémie
Ŕ zinc,
Ŕ sélénium
SOD : superoxyde dismutase; GP : glutathion peroxydase.
116
Chapitre 11. Stress oxydant et alimentation
117
Aliments et diabète : CHAPITRE
12
quels enjeux ?
J.-L. Schlienger
119
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
120
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?
121
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
une large place aux laitages, fruits et légumes. À alimentation riche en fruits et légumes est moins
titre indicatif un régime de type méditerranéen a énergétique et qu'elle apporte davantage de fibres.
une faible charge acide. D'autres hypothèses mettent en exergue le pouvoir
Le risque accru de DT2 lié à l'acidose métabo- antioxydant des fruits et légumes et font jouer un
lique chronique est imputable à une majoration rôle aux vitamines mais il n'y a guère d'arguments
de la résistance à l'insuline mais les mécanismes en faveur d'une relation causale. La mise en évi-
sous-jacents restent à préciser. D'autres études de dence d'une relation inverse entre la dotation en
grande ampleur sont nécessaires pour soutenir caroténoïdes ou en vitamine C et l'incidence du
la promotion d'une alimentation à charge acide DT2 semble liée à l'existence de facteurs de confu-
faible dans le cadre de la prévention du diabète. sion. Aucune supplémentation n'a fait la preuve de
Néanmoins, il est remarquable que les aliments à son intérêt dans la prévention du DT2.
faible charge acide sont précisément ceux qui sont
caractéristiques du régime méditerranéen et qui Céréales complètes
ont la densité nutritionnelle la plus élevée.
Les études épidémiologiques sont en faveur d'un
Rythmes alimentaires effet protecteur de la consommation de céréales
complètes. Une méta-analyse récente conclut à la
Ils méritent d'être pris en compte. réduction de 26 % du risque de DT2 chez les sujets
Les méfaits vraisemblables du travail posté sur qui consomment 50 à 80 g par jour de céréales
la prise de poids et la résistance à l'insuline ont complètes (soit 2 à 3 portions !). La réduction de
été décrits par ailleurs (cf. chapitre 25). L'altération l'index glycémique par les fibres est le mécanisme
des rythmes alimentaires stricto sensu est suspec- généralement mis en avant bien que d'autres
tée d'être diabétogène bien que le DT2 ne soit pas nutriments pourraient intervenir.
plus fréquent chez les grignoteurs dont le poids
reste stable. Il existe quelques arguments obser-
vationnels plaidant en faveur d'une relation entre
Produits laitiers
une prise irrégulière du petit déjeuner et l'aug- La mise en évidence d'un effet protecteur des
mentation du risque de DT2. Toutefois cette asso- produits laitiers est plutôt inattendue. Plusieurs
ciation est entachée de facteurs de confusion car méta-analyses comportant des études de cohorte
ce type de pratique est probablement le marqueur prospectives sont en faveur d'une association
d'autres comportements potentiellement à risque. inverse entre la consommation de produits laitiers
Dans le doute, mieux vaut adopter un rythme ali- et le risque de diabète de type 2.
mentaire régulier. Les données disponibles à ce jour suggèrent que
la consommation de produits laitiers est associée
Facteurs alimentaires
à un risque réduit de diabète de type 2 de l'ordre
de 20 à 40 %. L'effet protecteur est particulière-
protecteurs ment net avec les produits laitiers allégés et plus
inconstant pour ceux qui sont à pleine teneur en
Divers facteurs alimentaires s'avèrent protecteurs matières grasses. Une relation dose-effet inverse
vis-à-vis du risque de DT2 et ce, indépendam- a été décrite pour le yogourt et le fromage. Dans
ment du maintien d'une corpulence normale et de une méta-analyse récente regroupant les grandes
la pratique d'une activité physique régulière. cohortes nord-américaines l'ensemble des pro-
duits laitiers n'était pas associé au risque de DT2
Fruits et légumes alors que la consommation de yaourt était associée
à une réduction de 18 % du risque de DT2. Dans
De nombreuses études ont souligné le rôle béné- la cohorte PREDIMED, la consommation de fro-
fique de la consommation de fruits et de légumes mage et de beurre était associée à un risque majoré
sans que cet effet puisse être attribué à un (micro) de DT2 alors que la consommation de yaourt
nutriment particulier ou à un mécanisme précis. entier était associée à une diminution du risque.
Le bénéfice paraît particulièrement net pour les Dans une autre méta-analyse, le risque était réduit
légumes verts. L'hypothèse première est qu'une de 20 % par strate de 30 g/j de fromage et de 9 %
122
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?
pour 50 g de yaourt. Par ailleurs l'acide pentadé- été retrouvé que la boisson contienne de la caféine
canoïque sérique, marqueur biologique spécifique ou pas n'est pas expliqué. Divers composants du
de la consommation de produits laitiers est associé café comme la niacine et les antioxydants mais
à une réduction de 27 % de l'incidence du DT2, le aussi la caféine pourraient interagir avec le méta-
tertile le plus élevé étant associé à une réduction du bolisme glucosé. En revanche, dans le diabète
risque relatif de 53 % après 5 ans (RR = 0,47 ; IC à avéré la caféine aurait un effet délétère au-delà de
95 % : 0,26Ŕ0,86). L'acide pentadécanoïque sérique 4 tasses par jour. La consommation de café supé-
et d'autres marqueurs tels que l'acide linolénique rieure à la consommation d'usage ne peut être
conjugué, l'acide transpalmitoléique et l'acide hep- préconisée pour prévenir le DT2.
tadécanoïque sont également inversement corré-
lés à la glycémie à jeun, à l'aire sous la courbe de Cacao
glucose et à l'insulinorésistance. Les mécanismes
avancés pour expliquer l'effet protecteur sont Il est également associé à une diminution de l'in-
encore au stade d'hypothèse : effet sur le poids et cidence de DT2 et des maladies coronariennes.
sur la sensibilité à l'insuline, rôle de l'apport vita- Cet effet est attribué à son potentiel antioxydant.
mino-calcique élevé et, surtout, effet des protéines
du lacto-sérum (cf. chapitre 8). Les acides gras pré-
cités pourraient agir directement sur la prévention
de l'obésité, sur le syndrome métabolique et sur la
Rôle du style alimentaire
sensibilité à l'insuline. Enfin, l'effet probiotique dans la protection
des produits laitiers fermentés semble à même
d'améliorer la dysbiose intestinale et le statut L'identification d'aliments protecteurs à partir
antioxydant des sujets atteints d'un DT2. d'études descriptives est intéressante mais ne pré-
juge pas de l'efficacité spécifique de ces aliments
sur le risque. L'approche consistant à envisager
Huile d'olive l'alimentation dans sa globalité mettant en scène
Pilier des différents types de régimes méditerra- ces différents aliments est plus productive en
néens, l'huile d'olive vierge riche en acides gras termes de stratégie de prévention. Le régime de
monoinsaturés est un facteur de protection contre type méditerranéen qui s'oppose par de nombreux
l'insulinorésistance validé par de nombreuses études points au régime occidental, tout en restant com-
qui améliore de surcroît le profil lipidique mieux que patible avec une pratique alimentaire réaliste et
ne le fait un régime riche en glucides complexes. palatable, apparaît comme le modèle alimentaire
le plus compatible avec une stratégie de prévention
Alcool nutritionnelle du diabète.
123
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
124
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?
La rigidité artérielle est un autre aspect de la acides gras saturés/acide gras polyinsaturés est
pathologie vasculaire qui peut être influencé par étroitement corrélé au risque coronaire et qu'une
les aliments et les nutriments. Quelques études diminution des acides gras saturés alimentaires
d'intervention de petite envergure suggèrent que entraînant une diminution de la cholestérolémie
les AG oméga 3 apportés par les produits marins totale et LDL contribuait à une diminution de
et les isoflavones du soja sont à même de réduire l'incidence des maladies ischémiques du cœur. La
la rigidité artérielle tout comme la restriction en substitution des acides gras saturés par des acides
sel. Par ailleurs la caféine, les biopeptides des laits gras monoinsaturés diminue la concentration des
fermentés et des composés de l'ail ont le même LDL et les rend moins oxydables sans diminuer
potentiel. Les mécanismes en cause sont nom- le HDL-cholestérol. Il existe donc un avantage à
breux mais l'effet dominant est la capacité des AG consommer davantage d'AG monoinsaturés et
oméga 3 et surtout des polyphénols d'induire la polyinsaturés et moins d'AG saturés. Plusieurs
production de NO (monoxyde d'azote). méta-analyses récentes ont créé la polémique en
remettant en question cette assertion pourtant
Apports lipidiques largement reprise dans les recommandations de
Cholestérol alimentaire prévention du risque coronarien. En réalité leur
comparaison portait sur les acides gras par rap-
Bien que le cholestérol ne soit pas un lipide d'un port aux glucides. De fait, il n'existe pas de dif-
point de vue chimique il est d'usage de le consi- férence entre les AG saturés et les glucides sur
dérer comme tel d'un point de vue nutritionnel. le ratio cholestérol/HDL-cholestérol. Il en est de
Contrairement à une opinion répandue, les résul- même pour l'acide linoléique qui n'est pourtant
tats des essais d'intervention nutritionnelle ayant pas un AG saturé. Il existe bel et bien un bénéfice
évalué l'incidence des maladies cardiovasculaires coronaire à substituer les acides gras saturés par
en réponse à une intervention diététique ne plaident des acides gras polyinsaturés ce qui est en accord
pas en faveur de l'importance du cholestérol ali- avec les résultats des études observationnelles à
mentaire dans la survenue de ces maladies même partir desquelles ont été conçues les recomman-
s'il augmente modérément le LDL-cholestérol. dations. La conception actuelle est que les effets
Dans l'étude randomisée PREDIMED menée chez cardiovasculaires des AG saturés dépendent de
des sujets à haut risque cardiovasculaire, le régime leur source. C'est ainsi qu'il existe une augmen-
méditerranéen enrichi en huile d'olive ou le régime tation de la mortalité cardiovasculaire associée à
méditerranéen enrichi en noix et en amandes la consommation de viande et surtout de charcu-
réduisent de 30 % l'incidence des événements terie alors qu'il n'y a pas d'effets de la consomma-
cardiovasculaires par rapport à un régime hypoli- tion des produits laitiers. Si les AG saturés dans
pidique traditionnel en dépit d'un apport en choles- leur ensemble n'ont pas d'effets aussi négatifs sur
térol supérieur aux recommandations américaines le plan cardiovasculaire que ne le proclamait le
et européennes. D'après cette étude, la réduction du dogme en vigueur jusqu'à tout récemment, ce
cholestérol alimentaire n'est donc pas une mesure n'est vrai que si les apports en AG polyinsaturés
indispensable ou efficace pour réduire la morbi- sont suffisants sans être excessifs.
mortalité cardiovasculaire des sujets à risque. Il
n'est pas possible d'affirmer avec certitude en l'état Acides gras monoinsaturés
de nos connaissances que le cholestérol alimentaire Comparativement aux AG gras saturés, les AG
a une véritable importance sur la cholestérolémie monoinsaturés représentés par l'acide oléique
plasmatique et sur la survenue des maladies car- (huile d'olive, de colza ou de tournesol oléique)
diovasculaires. Le cholestérol alimentaire n'est plus entraînant une baisse du LDL-cholestérol ont un
une cible prioritaire dans la stratégie antiathéroma- effet neutre ou favorable sur le HDL-cholestérol.
teuse sauf, probablement, chez le sujet diabétique. À noter que les différences entre les acides oléique,
Acides gras stéarique et linoléique sont modérées. L'acide
oléique entraîne un stress oxydant moindre que
Acides gras saturés et polyinsaturés les AG polyinsaturés. Les AG monoinsaturés
D'assez nombreuses études de prévention pri- abaissent le LDL-cholestérol et élèvent le HDL-
maire et secondaire ont confirmé que l'équilibre cholestérol ; ils sont moins sensibles à l'oxydation
125
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
et ils augmentent l'insulinosensibilité. Une ali- sont responsables d'une augmentation du LDL-
mentation riche en AG monoinsaturés est asso- cholestérol, d'une diminution du HDL-cholestérol
ciée à des taux plus bas de triglycérides et plus et d'une augmentation du risque cardiovasculaire
élevés de HDL-cholestérol qu'un régime riche en de plus de 20 %. Ces effets délétères seraient liés
glucides. Ce fait est mis à profit lors de l'élabora- à un effet pro-inflammatoire et à un dysfonction-
tion d'un régime en cas de syndrome métabolique nement de l'endothélium vasculaire. En réalité, en
ou de DT2 hypertriglycéridémique, la somme des Europe et en France où la consommation des AG
AG monoinsaturés et des glucides ne devant pas trans représente moins de 1,5 % des apports éner-
dépasser 65 % de la ration énergétique. gétiques totaux, ils peuvent être considérés comme
neutres par rapport au risque cardiovasculaire.
Acides gras ω3
Sources d'acides gras en pratique
Les études de cohorte ont mis en évidence une
association favorable entre la consommation
de poisson et la survenue d'événements cardio-
vasculaires. Elle a été imputée à l'apport en AG Pour atteindre un apport en AG monoinsaturés
oméga 3 puisque les produits de la mer et surtout et polyinsaturés en accord avec les apports nutri-
les poissons gras, sont la source principale des AG tionnels conseillés (ANC) il est important de
oméga 3 fonctionnels, l'acide éicosapentaénoïque privilégier les matières grasses d'origine végétale
en variant les sources, aucune huile n'ayant une
(EPA) (C20:5ω3) et l'acide docosahexaénoïque
composition idéale. Il est souhaitable de consom-
(DHA) (C22:6ω3). L'acide alpha-linolénique
mer au moins deux huiles distinctes. L'acide
(ALA) (C18:2ω3), AG essentiel d'origine végétale oléique se trouve surtout dans l'huile d'olive mais
est un précurseur de ces deux AG mais le ren- aussi dans l'huile de tournesol oléique. L'huile de
dement de la conversion est faible. Les AG ω3 tournesol classique est riche en AG ω6. L'huile
n'ont pas d'effets directs sur l'athérome bien qu'ils de colza est une source intéressante d'AG ω3.
agissent sur quelques facteurs de risque. En effet, Les repères de consommations sont : 1 à 2 cuil-
l'ingestion d'EPA et de DHA diminue les trigly- lerées à soupe d'huile par personne et par jour
cérides plasmatiques et augmente modérément pour cuire et assaisonner et une noix de beurre
le HDL- et le LDL-cholestérol chez l'homme. ou de margarine par jour et par personne pour
L'augmentation du LDL-cholestérol est faible et les tartines ; disposer d'au moins deux huiles
inversement proportionnelle à la diminution des distinctes chez soi en réservant l'huile de colza à
triglycérides qui est dose-dépendante. Les AG l'assaisonnement.
ω3 sont également associés à une diminution Les apports en AG ω3 sont très en dessous des
modeste de la pression artérielle. Les effets favo- recommandations dans la population française.
rables rapportés il y a déjà près de trois décennies L'ALA, principale source végétale se trouve dans
dans deux grands essais d'intervention nutrition- les huiles végétales de colza, de noix et de lin.
nelle de prévention secondaire (DART et GISSI) Les AG ω3 d'origine animale (EPA et DHA) se
portent sur la diminution des événements cardio- trouvent dans les poissons gras comme le maque-
reau, le thon, les sardines ou le saumon. À titres
vasculaires fatals et des morts subites.
d'exemple, la consommation de 2 cuillères à
Acides gras trans soupe d'huile de colza par jour ou d'une cuillère
à soupe d'huile de colza et deux cerneaux de noix
Ce sont des AG insaturés possédant une ou plu-
(soit 10 g) apporte environ 2 g d'ALA pour un
sieurs doubles liaisons de configuration géomé- ANC de 2 à 2,5 g par jour.
trique trans. Les AG trans monoinsaturés sont soit
présents naturellement dans les produits laitiers,
soit ils apparaissent lors de traitements techno- Aliments antioxydants
logiques (hydrogénation partielle catalytique).
Les AG trans polyinsaturés sont formés lors du Les aliments contiennent des composés ayant des
traitement thermique des huiles végétales (raf- propriétés antioxydantes :
finage, friture). À dose nutritionnelle (dans les • terpénoïdes, phytostérols, glucosinolates, poly-
populations nord-américaines) les AG trans d'ori- phénols, flavonoïdes, ou anthocyanidines obte-
gine industrielle mais non les AG trans naturels nus par extraction ;
126
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?
127
Partie II. Place des mesures nutritionnelles dans la prévention et le traitement des états diabétiques
monoinsaturés sur les AG saturés. Plusieurs études taux de LDL-cholestérol (environ 50 % d'AG satu-
prospectives ont confirmé le bénéfice de la consom- rés de type myristique, laurique et palmitique) mais
mation de cette huile en termes de mortalité glo- aussi 10 % d'AG à chaîne courte (< C12), d'acide
bale ou cardiovasculaire mais il n'existe que peu stéarique et 30 % d'acide oléique qui sont hypo-
de preuves directes de l'action spécifique de l'huile cholestérolémiants ou induisent un phénotype de
d'olive sur la longévité et la santé. Fait remarquable, LDL moins athérogène. L'acide ruménique est un
la consommation exclusive d'huile d'olive semble AG trans naturel spécifique (C18:2 cis 9-trans 11),
associée à une réduction significative de risque de conjugué de l'acide linoléique conjugué, qui n'a pas
maladie coronarienne, indépendamment de l'ad- d'effet sur les lipides plasmatiques chez l'homme.
hésion à l'alimentation méditerranéenne. Par ail- L'acide transvaccénique est un autre AG trans
leurs, une alimentation méditerranéenne enrichie naturel qui augmente le HDL-cholestérol.
en huile d'olive comme dans l'étude PREDIMED On ne peut affirmer avec certitudes que les pro-
est associée à une réduction du risque de diabète et duits laitiers sont antiathérogènes ou protecteurs
à une amélioration des symptômes caractérisant le vis-à-vis des maladies cardiovasculaires mais leur
syndrome métabolique. consommation usuelle est compatible avec les
objectifs de prévention cardiovasculaire.
Effet fruits et légumes
La consommation quotidienne de 400 g de Noix et équivalents
fruits et légumes est associée à une diminution Les noix sont caractérisées par leur richesse en AG
du risque de maladies chroniques. Dans l'étude insaturés, en protéines végétales de bonne qualité,
Interheart qui a recherché les facteurs prédic- en fibres, en minéraux (potassium, magnésium)
tifs ou protecteurs de l'infarctus du myocarde à et en divers micronutriments et microconsti-
l'échelle de la planète, les légumes crus à feuilles, tuants bioactifs tels que tocophérol, polyphénols
les racines, les légumes cuits et les fruits appa- et phytostérols. Les études observationnelles et
raissent protecteurs alors que les aliments frits, d'intervention et une méta-analyse récente ont
les snacks et, à un moindre degré, la viande sont montré que la consommation de noix était asso-
des aliments à risque. Les nutriments en cause ciée à une diminution de l'incidence des maladies
sont nombreux : fibres, minéraux et vitamines coronariennes et même de la mortalité globale.
mais aussi des milliers de microconstituants dont Par ailleurs, des effets bénéfiques ont été rappor-
il est aussi difficile d'en faire la liste que de leur tés sur le profil lipidique, la sensibilité à l'insuline,
attribuer une fonction spécifique. Leur pouvoir l'inflammation et la pression artérielle.
antioxydant et antiagrégant mais aussi leurs pro-
priétés anti-inflammatoires jouent probablement
un rôle important.
Boissons alcooliques
Dans toutes les études observationnelles la
Cas particulier des produits consommation modérée et régulière de boissons
alcooliques est associée à une diminution de
laitiers l'incidence des maladies ischémiques du cœur
D'origine animale, source notoire de graisses satu- et même de la mortalité globale. La relation avec
rées, les produits laitiers ont été considérés comme la mortalité se fait selon une courbe en J. Les
délétères sur le plan cardiovasculaire. Pourtant mécanismes d'action sont complexes et liés d'une
la consommation de produits laitiers n'est pas part à l'alcool et d'autre part aux constituants
associée à une augmentation du risque cardiovas- particuliers du vin rouge dont l'effet cardiovas-
culaire. De nombreuses études suggèrent même culaire semble supérieur à celui des autres bois-
qu'elle est associée à une réduction de risque de sons alcooliques. La consommation régulière est
syndrome métabolique. Cet effet favorable ou associée à une augmentation du taux de HDL-
neutre serait lié aux constituants des produits lai- cholestérol et à une diminution de l'agrégation
tiers tels le calcium, les peptides fonctionnels et le plaquettaire. Le vin rouge est particulièrement
profil particulier des AG. En effet le lait contient riche en polyphénols dont les effets antioxydants
certes des AG saturés susceptibles d'augmenter le peuvent avoir un effet protecteur propre.
128
Chapitre 12. Aliments et diabète : quels enjeux ?
129
Les repères CHAPITRE
13
de l'équilibre
alimentaire : rythmes,
choix des aliments,
composition des repas,
choix des portions
J.-L. Schlienger
L'homme a la faculté de s'adapter à son environ- au moyen de repères nutritionnels simples dont
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
133
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
134
Chapitre 13. Les repères de l'équilibre alimentaire : rythmes, choix des aliments…
de leur impact sur l'apport énergétique : la portion alimentation spontanée pour des raisons médi-
des aliments et la densité énergétique. cales. Insidieusement de nouvelles normes s'im-
posent dont les enfants et les adolescents sont
Portions alimentaires souvent les complices zélés.
Le poids corporel fournit des indications
Un repas peut être décomposé en nutriments, en approximatives pour savoir si les portions sont
classes d'aliments ou en portions alimentaires adaptées aux besoins dans la mesure où une rela-
qui sont autant de variables modifiables par le tion assez étroite a été mise en évidence entre la
consommateur. La définition des portions sou- taille des portions consommées et le poids. On
haitables n'est pas aisée. Elle dépend de chaque estime que les portions sont satisfaisantes lorsque
individu, de sa culture de table, de l'environne- le poids est normal et stable et qu'elles sont exces-
ment et, dans bien des cas de la taille du conte- sives lorsque le poids est élevé.
nant et de la pression consumériste. La tendance L'auto-estimation des portions est un exercice
actuelle est à l'augmentation de la taille des difficile pour le consommateur. L'identification de
portions. Les qualificatifs de « géant », « maxi », la taille des portions usuelles est facilitée par l'uti-
« jumbo », sont considérés comme des arguments lisation de conditionnements usuels et de mesures
de vente. « En avoir plus pour son argent » ne ménagères Ŕ assiette, bol, tasse, verre, plat, cuil-
laisse pas le consommateur insensible, ce qui lère Ŕ utilisés également lors des enquêtes alimen-
fait que de nombreuses actions promotionnelles taires. En pratique, l'utilisation d'ustensiles plus
proposent une augmentation du volume à prix petits permet de réduire les portions sans créer de
constant. La restauration rapide et les « discoun- frustration. Une portion standard, servie dans une
ters » ont progressivement modifié la donne, et le grande assiette, inspire un sentiment de manque
consommateur a perdu les repères lui permettant avec une incitation à se servir davantage, alors
d'évaluer la juste taille d'une portion, c'est-à-dire que la même portion servie dans une assiette de
celle qui est adaptée à ses besoins. Ce qui est vrai taille moyenne apparaît rassasiante. Les enquêtes
pour tout un chacun l'est, davantage encore, pour démontrent qu'acheter plus fait manger davan-
les sujets ayant des problèmes de surpoids et pour tage… à moins de reconditionner les achats dans
tous ceux qui sont contraints de modifier leur des sachets correspondant à la portion souhaitable.
Poisson
Viande
Noix de beurre
Pain
Fromage Fruit
La main Le poing
135
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
% de graisses d° d’hydratation
100 beurre eau
100 laitue
jus orange
yaourt
75 fromage
75
Graisses(%énergie)
pomme
d°hydratation(%)
Figure 13.2. Quelques repères pour estimer la densité énergétique en fonction de la teneur
en graisse ou du pourcentage d'hydratation.
136
Chapitre 13. Les repères de l'équilibre alimentaire : rythmes, choix des aliments…
Figure 13.3. Moyen mnémotechnique permettant de retenir les principales classes alimentaires
tout en les situant dans la ration alimentaire.
137
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Tableau 13.3. Le principe du 421 GPL Tableau 13.4. Exemple de repas structurés
pour élaborer un repas. en appliquant la formule 421 GPL.
138
Chapitre 13. Les repères de l'équilibre alimentaire : rythmes, choix des aliments…
Figure 13.5. Représentation des différentes classes alimentaires sous la forme d'un bateau.
Source : Extrait de : J.-L. Schlienger. Nutrition clinique pratique. © 2014 Elsevier-Masson SAS. Tous droits réservés.
D'autres propositions ont été faites pour représen- L'ensemble de ces considérations permet d'éla-
ter de façon pédagogique le concept d'équilibre borer un repas type « vertueux » (tableau 13.5)
alimentaire. Il en est ainsi du «bateau populaire » qui convient bien aux sujets diabétiques
dont la coque, les voiles et l'annexe illustrent la moyennant quelques aménagements limités
place relative des différentes classes alimentaires dans la mesure où il permet de prévenir ou de
(fig. 13.5). contrôler la plupart des maladies chroniques
139
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Tableau 13.5. Composition du repas « vertueux» (matin, midi et soir) dont la structure devrait
inspirer chaque prescription.
Repas types
Petit déjeuner Lait 1/2 écrémé Lait 1/2 écrémé Lait 1/2 écrémé
Café, thé, chocolat Café, thé, chocolat Café, thé, chocolat
Jus d'agrume Pétales de céréales Jus d'agrume
Pain complet Fruits secs (pruneaux) Muesli
Confiture
Œuf à la coque
Déjeuner Avocat, dés de tomate Salade de légumes Taboulé de quinoa à la menthe
Purée de pommes de terre, Lentilles, pleurotes Houmous de pois chiches
tofu Pain complet Fromage bleu
Pain complet Yaourt Pain
Petit suisse Gâteau aux carottes Muffins
Fruit
Dîner Jus de tomate Soupe aux pois cassés Soupe aux flocons d'avoine
Quiche aux courgettes ou Pizza à la mozzarella et aux Omelette aux légumes ou aux
aux poireaux tomates pommes de terre
Mousse au chocolat Fruit Yaourt
Salade de fruits
140
Modèles alimentaires CHAPITRE
14
et diabète : du régime
méditerranéen au
végétarisme
J.-L. Schlienger
PLAN DU CHAPITRE
Régime occidental ou «western diet» 141
Régime occidental
Régime méditerranéen 142 ou « western diet»
Régime méditerranéen et diabète 143
Diète nordique ou scandinave 143 Le régime dit «western» décrit la tendance actuelle
Régime paléolithique 144 qui est de manger davantage que ce qui est néces-
Régimes végétariens et végétaliens 144 saire pour couvrir les besoins énergétiques et
Existe-t-il un régime alimentaire vertueux? 147 nutritionnels avec une alimentation de plus en plus
grasse, de plus en plus sucrée et de plus en plus salée.
L'industrialisation, l'urbanisation, le développe- Ce type d'habitudes alimentaires fort répandu dans
ment économique, l'amélioration des ressources les pays occidentaux a des répercussions néfastes
et la mondialisation du marché ont été à l'origine indiscutables en termes de santé publique.
d'une évolution rapide des modes de vie et des L'association entre prise de poids exces-
choix alimentaires dans les pays occidentaux sive, adiposité abdominale et diabète de type 2
développés avec des effets considérables sur (DT2) repose sur un haut niveau de preuve.
la santé et l'état nutritionnel des populations. L'augmentation de la prévalence et de l'incidence
L'évolution des habitudes marquée par une du DT2 est un phénomène mondial particulière-
grande disponibilité alimentaire, la baisse des ment spectaculaire dans les sociétés en transition
dépenses énergétiques, un mode de vie séden- économique, dans une grande partie du monde
taire et une population vieillissante sont les nouvellement industrialisé et dans les pays en
principaux facteurs de risque responsables de développement, lié à une alimentation hyper-
maladies chroniques parmi lesquelles figurent en calorique et à la sédentarité. Le régime « western »
bonne place l'obésité, le diabète et les maladies contemporain concentre des facteurs alimentaires
cardiovasculaires. Le phénomène s'est accéléré impliqués avec une certaine probabilité dans la
au cours de la dernière décennie dans les pays survenue du diabète :
en développement et les pays en transition éco- • apport élevé en acides gras saturés (produits
carnés et dérivés, graisses concrètes, aliments
©2018,ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés
141
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
142
Chapitre 14. Modèles alimentaires et diabète : du régime méditerranéen au végétarisme
Les points forts de ce régime sont une consom- protecteurs du régime sont attribués à un effet sur
mation relativement élevée de produits d'origine le tour de taille mais aussi vraisemblablement à
végétale riches en fibres, l'utilisation d'huile certains de ses constituants tels que l'huile d'olive,
d'olive comme corps gras de prédilection, la les noix, la faible teneur en graisses saturées au
consommation modérée de boissons alcoolisées profit des insaturées et l'effet exercé par les fibres
et la faible consommation d'aliments d'origine sur l'insulinosensibilité.
animale (tableau 14.1). Nombre des ingrédients En conclusion, le régime méditerranéen,
prônés par les nutritionnistes contemporains sont témoin d'une culture et reconnu à ce titre comme
présents : appartenant au patrimoine immatériel de l'huma-
• dotation importante en acides gras monoinsa- nité par l'Unesco, peut être considéré dans une
turés sous forme d'huile d'olive ; optique de santé publique comme le meilleur
• équilibre idéal entre les acides gras polyinsatu- régime omnivore traditionnel avec un faisceau de
rés de la série ω6 et de la série ω3 ; preuves très important. En plus des vertus nutri-
• dotation réduite en acides gras saturés d'origine tionnelles dont il est paré, il laisse une belle place
animale avec un ratio acides gras monoinsatu- à la convivialité et au plaisir alimentaire. Il appar-
rés/acides gras saturés élevé ; tient à chaque population de construire un style
• un apport important en glucides complexes et alimentaire s'en rapprochant tout en respectant
en fibres avec une faible charge glycémique. ses valeurs identitaires. En France, pays en partie
méditerranéen, ce régime convivial, équilibré et
source de plaisir gustatif peut être assez facile-
Régime méditerranéen ment adapté et adopté. Il suffit d'en garder l'esprit
et diabète
et les principes et de limiter les produits raffinés,
sucrés. Paradoxalement, ce régime est menacé
Le régime méditerranéen est un régime varié dans les pays où il était traditionnel du fait de
la transition nutritionnelle et de la disponibilité
composé de glucides à index glycémique bas.
croissante des aliments industriels.
Porteur d'une charge glycémique faible, il a été
Un autre bénéfice probable de ce régime tient
associé à une diminution de l'incidence du DT2
à la convivialité des repas Ŕ moments clés de la
de l'ordre de 50 % dans une étude d'intervention.
sociabilité Ŕ oubliée ou négligée dans une bonne
Dans une cohorte grecque, il existait une relation
partie des pays occidentaux non méditerranéens.
inverse entre le niveau d'adhésion des participants
au régime et l'incidence du diabète. Celle-ci était
réduite de 18 % chez les sujets observants par
rapport à ceux qui l'étaient peu, indépendam- Diète nordique ou scandinave
ment de l'âge et de l'index de masse corporelle
(IMC). L'étude PREDIMED a confirmé l'intérêt Cette proposition alimentaire vient en contre-
de ce régime dans les états prédiabétiques. Les point du modèle méditerranéen qui ne peut
mécanismes en cause sont mal connus. Les effets s'appliquer dans des régions où les traditions et
Consommation
importante et quotidienne quotidienne quotidienne et diversifiée limitée
Fruits (dont les fruits à coque) Huile olive Produits laitiers Poisson environ deux fois
par semaine
Légumes Herbes aromatiques Viande rouge
Légumineuses Vin rouge durant les repas
Céréales
143
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
les disponibilités alimentaires ne s'y prêtent pas. certains modes de cuisson et le stress oxydant,
Dans ces contrées une «diète nordique » plus tous facteurs impliqués dans la pathogénie du
adaptée a été validée par plusieurs études épidé- diabète et de ses complications. Toutefois, à en
miologiques montrant une moindre prévalence de croire certains c'est ce régime originel pauvre en
l'obésité en Scandinavie. En raison d'une relation glucides qui aurait favorisé l'apparition du phéno-
favorable avec le risque cardiovasculaire, la diète type d'insulinorésistance Ŕ seule façon de réduire
nordique riche en AG ω3 et en antioxydants est l'utilisation périphérique du glucose au profit du
apparue comme un succédané de la diète méditer- cerveau Ŕ dont l'héritage favoriserait l'apparition
ranéenne plus conforme au goût des Scandinaves du diabète en l'absence d'activité physique suffi-
et nettement plus économique. L'assiette nordique sante comme dans les sociétés industrialisées.
qui propose des céréales complètes, des légumes Ce régime a pour avantages une densité énergé-
et des poissons gras riches en AG ω3 contribue à la tiquefaible,unedensiténutritionnelleélevéeavecune
prévention des maladies métaboliques et cardio- forte teneur en fibres et en phyto-micronutriments,
vasculaires à condition de limiter la consomma- un faible apport en graisses saturées et une faible
tion de viande et de réduire la part des graisses charge glycémique. Nutritionnellement, il a fait ses
animales non marines. preuves dans les états d'insulinorésistance et s'est
avéré plus performant que le régime méditerra-
néen dans les situations de syndrome métabolique
Régime paléolithique ou de DT2.
Le régime paléolithique est l'émanation d'une
D'aucuns ont postulé que les transformations idéologie un peu doctrinaire qui, de rationalité,
industrielles, la cuisson et le raffinement exces- prétend imposer des contraintes peu applicables
sif des aliments sont responsables de l'essentiel au quotidien pour prévenir la plupart des mala-
des méfaits de l'alimentation contemporaine dies de société. À vrai dire l'absence d'indicateurs
en termes de santé (obésité, diabète et tout un de santé et la brièveté de l'espérance de vie ne per-
ensemble de maladies chroniques et dégénéra- mettent pas de confirmer ces bienfaits alors que les
tives). Par réaction, ils ont proposé un retour à bénéfices pour la croissance et le développement
l'alimentation originelle de nos ancêtres cueil- d'une alimentation plus diversifiée, plus digeste
leurs et chasseurs. Les travaux des paléontologues grâce à l'apparition du feu et plus abondante grâce
et les études menées dans des tribus indigènes aux procédés de conservation sont bien établis.
vivant encore de la chasse et de la cueillette il y Aujourd'hui, certains prosélytes ne craignent pas
a peu, ont permis de concevoir un style alimen- d'affirmer que les produits issus de l'élevage et de
taire fondé sur la consommation d'aliments natifs l'agriculture comme le lait ou le gluten des céréales
non transformés et non raffinés et sur l'utilisation sont à écarter de l'alimentation santé.
de procédés culinaires sommaires. Le but est de En conclusion, le régime paléolithique est plus
reproduire l'alimentation des premiers hommes proche d'une vision utopique de la nutrition que
avant l'apparition de l'élevage et de l'agriculture d'une réalité acceptable. Il a l'intérêt d'illustrer
au néolithique. Le régime paléolithique est carac- l'importance des aliments dans la gestion des
térisé par une forte consommation de fruits, maladies métaboliques et tout particulièrement
de légumes, de racines, de noix, de graines et du diabète pour ceux qui en douteraient encore.
de baies et par une consommation modérée de
viande et de poisson peu cuisinés. Les céréales
et les féculents y ont peu de place tout comme les
produits sucrés. Il en résulte un apport élevé en Régimes végétariens
protéines (35Ŕ45 %) et en fibres et très faible en
glucides. L'apport lipidique est variable selon les
et végétaliens
sources animales, le gibier ayant une composition Définitions
en acides gras différente des animaux d'élevage.
L'intérêt de ce régime est de réduire l'insulino- Le végétarisme soutenu par les médias et diverses
résistance, l'inflammation de bas grade, l'excès personnalités connaît un engouement certain
de produits avancés de la glycation (AGE) dû à auprès des jeunes et de quelques moins jeunes.
144
Chapitre 14. Modèles alimentaires et diabète : du régime méditerranéen au végétarisme
145
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
146
Chapitre 14. Modèles alimentaires et diabète : du régime méditerranéen au végétarisme
de légumes, céréales complètes, légumineuses et il n'y a pas lieu de les convertir à l'omnivorisme
et noix, ont été associées à une amélioration du dès lors que les besoins en nutriments sont cou-
contrôle glycémique chez les sujets diabétiques ou verts et que le principe de complémentarité et de
prédiabétiques. diversité des sources protéiques est respecté.
Il n'y a pas de contre-indication à la pratique
d'un régime végétarien en cas de DT2 tant que
l'alimentation est régulière, suffisante et diversi-
fiée. Il n'en est pas de même du régime végétalien
Existe-t-il un régime alimentaire
bien qu'il améliore de façon importante le contrôle vertueux ?
glycémique chez les personnes ayant un DT2 et
permette de réduire la prise de médicaments anti- Les styles alimentaires envisagés dans ce cha-
diabétiques chez plus de 40 % des patients diabé- pitre sont tous plus ou moins compatibles avec les
tiques de type 2 après 5 mois de suivi. Ce type de objectifs de prévention et de traitement du diabète
régime est déconseillé en raison du déséquilibre pour autant qu'ils assurent des apports suffisants,
alimentaire qu'il induit. adaptés, réguliers et diversifiés. Le régime médi-
En revanche, peut-on prescrire un régime terranéen dans sa déclinaison «grecque ou cré-
végétarien dans le diabète de type 2? toise » semble le plus à même d'infléchir dans le
Fort des résultats rapportés dans la littérature bon sens les travers de l'alimentation des sociétés
cette question est légitime. Pourtant, il n'est pas industrielles moyennant quelques adaptations
raisonnable de prescrire un tel régime à un patient assez simples : remplacement d'une partie des
car cela bouleverse par trop les repères et risque graisses par l'huile d'olive, préférence donnée
de créer des situations de déséquilibre alimentaire aux céréales moins raffinées, consommation
et de subcarences notamment chez les personnes plus importante de fruits et légumes et moindre
âgées. Il est plus raisonnable de s'inspirer du d'aliments industriels… Il répond de façon satis-
végétarisme pour augmenter la consommation de faisante aux valeurs de convivialité et de plaisir
fibres et de céréales peu raffinées et réduire celle alimentaire qui font partie des fondements de
des viandes rouges ou de charcuterie. l'alimentation «à la française ». Adopter ces
Le végétarisme n'est pas une panacée mais un grands principes serait assurément un grand pas
guide qui permet d'éclairer les comportements vers la prévention des maladies chroniques dites
pour accéder à un meilleur équilibre nutritionnel. de société. Le PNNS en propose une déclinaison
Chez les pratiquants, il n'est pas incompatible avec très acceptable qui a toute sa place chez les sujets
un traitement optimal du diabète de type 1 ou 2 diabétiques ou à risque de le devenir.
147
Prescrire un régime CHAPITRE
15
chez le patient
diabétique : principes
généraux
L. Monnier, C. Colette
149
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
l'escalade médicamenteuse qui caractérise l'his- mesures nutritionnelles : respecter les saveurs, les
toire naturelle du diabète de type 2. Le passage arômes, l'onctueux et de manière plus générale la
progressif d'une monothérapie orale vers une sensation en bouche. Ainsi comme tout traitement,
bithérapie orale, puis vers une des thérapeutiques les régimes doivent répondre à un critère essentiel :
injectables (agonistes des récepteurs du GLP-1 l'efficience, qui englobe efficacité, sécurité, qualité
ou insuline) est, semble-t-il, plus lent quand les de vie et satisfaction du patient. Efficacité et sécu-
mesures diététiques sont respectées. Enfin, il est rité dépendent essentiellement du médecin. Par
indéniable que les traitements hygiéno-diété- exemple, un régime hypocalorique prescrit chez un
tiques participent à la lutte contre les facteurs de patient diabétique obèse doit conduire à une perte
risque qui sont fréquemment associés au diabète pondérale. Ainsi, avant toute mise en œuvre d'un
et qui favorisent l'apparition ou la progression régime, il convient d'établir un diagnostic nutri-
des complications vasculaires. Ainsi, la prise en tionnel qui comprend une évaluation des désordres
charge nutritionnelle des diabétiques, à condi- à corriger par les mesures diététiques. L'enquête ali-
tion qu'elle soit bien comprise et observée, reste mentaire fait partie de cette étape. La sécurité d'un
la «clé de voûte » des mesures thérapeutiques régime sous-entend qu'il ne faut pas augmenter le
des états diabétiques. De plus, à l'instar des risque hypoglycémique et même le réduire ou le
traitements pharmacologiques, les traitements supprimer autant que faire se peut. C'est dans cet
nutritionnels devraient s'éloigner d'une vision esprit que chez un diabétique insuliné, les régimes
purement « glucocentrique » ciblant uniquement trop restrictifs ou déséquilibrés et qui ne respectent
les désordres glycémiques, pour s'élargir vers des pas les grands équilibres nutritionnels et métabo-
objectifs « multifactoriels », ciblant l'ensemble des liques doivent être évités ou proscrits. La qualité de
facteurs de risque et des pathologies associées au vie et la satisfaction du patient diabétique devraient
diabète sucré comme l'hypertension artérielle, les faire l'objet d'une attention particulière car il est
désordres lipidiques, les troubles de l'hémostase. impossible d'inscrire un régime dans la durée s'il
ne respecte pas les composantes sociales, cultu-
Les constats pratiques : qu'en relles, hédonistes, professionnelles ou religieuses
est-il dans la vie quotidienne ? de chaque personne. Les objectifs médicaux des
mesures diététiques doivent être discutés avec le
Tout serait parfait si les bonnes pratiques recom- patient en fonction de ses souhaits et de son mode
mandées par la médecine académique se décli- de vie. Un programme nutritionnel plus que des
naient de manière fluide et systématique au niveau mesures diététiques devrait être défini. La déno-
de la pratique quotidienne. Malheureusement, la mination idéale bien qu'elle soit un peu longue
mise en œuvre et la poursuite sur le long terme devrait être la suivante : «programme nutritionnel
des mesures diététiques sont souvent assimilables médicalisé à visée thérapeutique». Cette dénomi-
à une course d'obstacles où les échecs et la non- nation intègre en effet l'ensemble des caractéris-
observance sont plus fréquents que les succès et la tiques de ce que l'on appelle plus communément
bonne compliance. Nombreux sont les facteurs qui les «régimes » ou les «mesures diététiques». Le
sont à la base de ce constat. En tout premier lieu, terme «nutritionnel» est plus large que celui de
il convient de reconnaître que la prescription d'un diététique, car ce dernier ne concerne que la partie
régime est l'un des actes thérapeutiques les plus technique de la prescription. Le terme «médica-
difficiles à mettre en œuvre car il nécessite de la lisé» signifie que la prescription doit être réalisée
part du thérapeute une connaissance étendue de la par des professionnels de santé, médecins et diété-
nutrition, de l'équilibre nutritionnel et des tables ticiens. Le terme «thérapeutique» sous-entend que
de composition alimentaires. En deuxième lieu, il les mesures nutritionnelles ne devraient pas être
convient de rendre le suivi du régime réalisable et considérées comme accessoires mais qu'elles sont
acceptable sur de longues périodes de temps, sur- à positionner au même niveau que les traitements
tout quand la prescription diététique s'adresse à des pharmacologiques. Enfin le terme «programme»
patients atteints d'affections chroniques comme les signifie comme nous l'avons mentionné plus haut
états diabétiques qu'ils soient ou non accompagnés que la prescription nutritionnelle doit être faite à
d'autres pathologies. La faisabilité des régimes est partir d'un plan thérapeutique librement discuté
fondée sur le maintien de la qualité gustative des avec le patient.
150
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
151
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Adhésion
au régime (%)
0 100
observée
Modificationdepoids(kg) –5 75
–10 50
prédite
–15 25
–20 0
0 25 50 75 100
Semaines
Figure 15.1. Perte de poids observée et prédite chez des obèses soumis à des régimes de
restriction calorique.
La différence entre la perte de poids observée et prédite est liée à l'érosion de l'observance des mesures diététiques au cours du
temps.D'après : Heymsfield SB, Harp JB,Reitman ML, Beetsch JW, Schoeller DA, Erondu N, Pietrobelli A. Why do obese patients
not lose more weight when treated with low-calorie diets? A mechanistic perspective.Am J Clin Nutr 2007; 85(2) : 346-54.
152
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
Tableau 15.1. Estimation de l'activité physique Tableau 15.3. Dépenses énergétiques globales
du patient à partir d'un questionnaire simple. (niveau calorique) en fonction de l'âge, du
sexe et de l'activité physique chez un adulte.
Réponses à la question Niveau d'activité
Question 1 : Que faites-vous pendant votre Niveau Âge Sexe Activité
travail ? calorique
Période
pubertaire
Besoinsénergétiques(kcal/j)
3000
2500
2000
1500
1100
1 5 10 15 20
Âge (années)
Figure 15.2. Dépenses et besoins énergétiques chez l'enfant et l'adolescent en fonction de l'âge.
L
Calorimétrie indirecte
2 2 Elle permet de mesurer la dépense énergétique à
IMPÉDANCE = Z = . L /V V = .L /Z
= résistivité (ohm-cm) partir de la quantification des échanges respira-
L = longueur du conducteur taille du patient toires : quantification du volume d'O2 consommé
V = volume du conducteur = volume de la masse maigre (VO2) et de la quantité de gaz carbonique produit
Figure 15.3. Principe de la (VCO2). En effet, la métabolisation de tout substrat
bio-impédancemétrie. chimique (S) en présence d'O2 conduit à la pro-
Cette méthode permet de mesurer le volume de la masse duction d'eau, de gaz carbonique et d'énergie selon
maigre (V) et par extrapolation le métabolisme de base l'équation : S + O2 → H2O + CO2 + Énergie (E).
qui lui est proportionnel. Si le sujet est au repos, l'énergie produite cor-
respond au métabolisme de base. En appliquant
La résistivité dépend de la température du les lois de la physiologie et de la thermodyna-
sujet, de son équilibre hydroélectrolytique mique, l'énergie produite (E) est donnée par une
(en particulier des taux de sodium [Na] et de équation linéaire dont les variables sont VO2,
potassium [K]). Pour un sujet n'ayant pas de VCO2 et N (quantité d'azote excrétée par voie
fièvre (température 37 °C), n'ayant pas de désé- urinaire par 24 heures). Les constantes a, b et c
quilibre ionique et au repos depuis plusieurs de l'équation linéaire E = aVO2 + bVCO2 + cN
minutes, la résistivité est une constante. Z est sont données par la physiologie. Pour réaliser
donné par l'impédancemètre, L est la taille du cette mesure, il faut disposer d'un calorimètre
sujet donnée par la toise. Dans ces conditions, qui permet, en faisant respirer la personne sous
le calcul du volume (V) de la masse maigre est un canopy, de mesurer les quantités VO2 et
donné par l'équation : V = ρ × L2/Z. De plus, la VCO2 à partir des flux entrant (Fin) et sortant
bio-impédancemétrie peut donner accès à une (Fout) d'oxygène et de gaz carbonique dans le
évaluation des dépenses de repos (DER) car ces canopy (fig. 15.4). Malheureusement, la mesure
dernières sont proportionnelles au volume de la de la DER par calorimétrie exige l'acquisition
masse maigre : DER = kV. Bien que tous les bio- d'un appareillage complexe et coûteux dont
impédancemètres permettent de mesurer à la l'utilisation reste limitée aux services hospita-
fois la dépense énergétique de repos et d'évaluer liers spécialisés. De toute manière, la mesure de
la composition corporelle, cette méthode reste la dépense énergétique de repos (DER) four-
approximative car elle suppose une modélisation nie par bio-impédancemétrie ou calorimétrie
154
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
Canopy
FoutO2 FoutCO2
FinO2
FinCO2
E = a VO2˙ + b VCO2˙ + c N ˙
Figure 15.4. Principe de la détermination du métabolisme de base (E) en calorimétrie indirecte.
VO2 et VCO2 sont respectivement les volumes d'O2 consommés et de CO2 produits au cours de la respiration. N est la
quantité d'azote excrétée par les urines. Les quantités VO2 et VCO2 sont automatiquement calculées en mesurant les flux
d'O2 et de CO2 qui pénètrent (Fin) et qui sortent du canopy (Fout).
indirecte doit être ultérieurement multipliée par l'interview. Les deux problèmes liés à ce type
le coefficient de correction lié à l'activité phy- d'enquête sont : la durée du recueil des données et
sique (en général 1,5) afin d'obtenir la dépense les incertitudes de la méthode.
énergétique globale (W). Les omissions sont nombreuses et aboutissent à
une sous-estimation des apports : phénomène de
Évaluation des apports sous-déclaration ou «under-reporting ».
énergétiques (Q)
Elle ne peut être réalisée que par la technique Rappels des habitudes alimentaires
des enquêtes alimentaires. Plusieurs méthodes ou « food frequency recalls »
peuvent être envisagées mais il convient d'emblée Ce type de méthode a pour but d'essayer de
de souligner que toutes sont entachées d'erreur. reconstituer l'histoire alimentaire d'un individu
La faille la plus fréquente est une sous-déclaration sur une période de plusieurs semaines ou plu-
(« under-reporting ») des apports nutritionnels. sieurs mois. Les questions portent sur toutes les
Elle est surtout marquée chez les sujets obèses prises alimentaires. Les fréquences hebdoma-
et plus particulièrement chez les femmes. Cette daires et éventuellement mensuelles sont évaluées.
sous-déclaration peut atteindre Ŕ30 à Ŕ40 % par Comme la précédente, cette méthode fait appel à
rapport aux apports réels. Schématiquement, les la mémoire et demande du temps. En revanche,
techniques d'enquête alimentaire peuvent être elle est certainement plus fiable que la précédente
subdivisées en deux grands groupes : les enquêtes dans la mesure où elle est moins influencée par
par interrogatoire et les enquêtes par journal les variations de l'alimentation à court terme voire
alimentaire. même au jour le jour. L'interrogatoire sur l'utilisa-
Enquêtes par interrogatoire tion des corps gras doit être particulièrement soi-
gné (nombre de bouteilles d'huile, de plaquettes
Enquêtes par rappel diététique à court de beurre ou de margarine achetées par semaine),
terme car c'est à ce niveau que les erreurs sont les plus
Elles sont réalisées en questionnant le sujet sur importantes.
ses consommations alimentaires pendant le Pour éviter la sous-estimation des apports
jour ou les jours qui ont précédé l'interview. La caloriques et pour que l'enquête alimentaire soit
durée de la période explorée peut aller jusqu'à réalisée dans un délai de temps raisonnable, il
une semaine mais la méthode la plus simple est est possible d'utiliser une enquête alimentaire
bien évidemment le rappel des 24 heures («24-h rapide qui est un compromis entre l'enquête clas-
recall »), le recueil des données ne portant que sur sique par interrogatoire et les « food-frequency
la consommation alimentaire du jour qui précède recalls ». Sans entrer dans les détails que le
155
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
lecteur intéressé pourra trouver dans la publi- Tableau 15.4. Enquête alimentaire rapide.
Les trois premières questions portent sur les aliments
cation originale de cette méthode1, nous sou-
riches en protéines.
haitons rappeler les bases et les principes de sa
mise en œuvre. Cette enquête est basée sur deux Calcul des Résultat
constats : le recueil des aliments riches en pro- protides
tides est relativement exact et les apports proti- Question 1
diques représentent un pourcentage relativement Petite portion n= n × 20 g =
fixe (15 %) de l'apport énergétique total. La réali- (100 g)
sation pratique de l'enquête comporte huit ques-
Portion n= n × 25 g =
tions simples (tableaux 15.4 et 15.5). moyenne
• Les trois premières portent sur les aliments (125 g)
riches en protéines (tableau 15.4). L'apport pro-
Grande n= n × 30 g =
téique lié aux trois catégories d'aliments riches portion
en protides est donné par les équations d'équi- (> 150 g)
valence indiquées sur la figure 15.5. La somme Question 2
des apports protidiques est ensuite calculée. À
cette somme il faut ultérieurement ajouter 10 g Lait (1 bol) n= n× 7g=
de protéines « forfaitaires » qui sont systéma- Yaourts n= n × 3,5 g =
tiquement apportées par les autres aliments : (1 pot)
riz, pâtes alimentaires… La valeur ainsi obte- Fromage n= n× 7g=
nue est ensuite multipliée par 24 pour obtenir (30 g)
le niveau des calories associées aux protéines. Fromage n= n× 7g=
Le coefficient multiplicateur 24 est lié au fait blanc (100 g)
que 1 g de protéines = 4 kcal et que les calories Question 3
protéiques représentent 15 % (environ 1/6e) des
1/4 de n= n× 5g=
calories totales. baguette
• Les cinq questions suivantes portent sur cer- (50 g)
tains comportements alimentaires spécifiques
1/2 baguette n= n × 10 g =
(tableau 15.5) : le grignotage, la consommation (100 g)
de boissons caloriques, d'entrées salées, de
3/4 de n= n × 15 g =
desserts sucrés et de repas «festifs ». Le grigno-
baguette
tage est estimé de manière semi-quantitative (150 g)
à 150 kcal/j s'il est modéré et à 300 kcal/j s'il
1 baguette n= n × 20 g =
est important. L'apport calorique fourni par
(200 g)
les boissons caloriques, qu'elles soient sucrées
ou alcoolisées est calculé sur la base suivante : Protéines 10 g
«forfaitaires »
1 portion = 1 verre (120 mL) = 70 kcal pour les
boissons telles que le vin, la bière, les sirops et les Total des protides Pg
jus de fruits ; les volumes par portion sont évi- Conversion en calories : (total des protides) × 24 = P × 24 = E1 kcal.
demment moindres pour les boissons fortement n = nombre de portions (les portions de référence sont définies
sur la figure 15.5. La somme des protides (P en g) est effectuée
alcoolisées : apéritifs, liqueurs. Les entrées salées dans la colonne de droite et multipliée ultérieurement par 24
sont représentées par les tartes ou les feuille- pour obtenir le niveau des calories E1 associées aux protéines
tés salés et par les charcuteries. Considérant (cf. texte pour le détail).
qu'une portion moyenne d'entrée salée fournit D'après : Monnier L, Colette C, Percheron C, Pham TC, Sauvanet JP, Ledevehat
C, Vialettes B. [Dietary assessment in current clinical practice: how to conciliate
approximativement 350 kcal, ceci signifie que rapidity, simplicity and reliability?]. Diabetes Metab 2001; 27(3) : 388-95.
1. Monnier L, Colette C, Percheron C, Pham TC, la prise d'une portion d'entrée salée une fois
Sauvanet JP, Ledevehat C, Vialettes B.[Dietary assess-
ment in current clinical practice: how to conciliate par semaine correspond à un apport calorique
rapidity, simplicity and reliability?]. Diabetes Metab quotidien moyen de 350 kcal/7, soit 50 kcal. Le
2001 ; 27(3) : 388-95. même raisonnement est utilisé pour les desserts
156
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
sucrés : tartes sucrées, gâteaux, entremets sucrés, Cette enquête rapide, que nous avons dévelop-
flans, crèmes glacées… Pour chaque portion pée il y a près de 15 ans et que nous avons infor-
moyenne on estime que l'apport énergétique est matisée grâce à un logiciel de manipulation simple
de 350 kcal, soit un apport moyen de 50 kcal par permet une estimation fiable des apports ali-
jour, pour une consommation égale à une fois mentaires (Q). Un exemple de calcul des apports
par semaine. La dernière question concerne le protidiques et caloriques par enquête alimentaire
nombre hebdomadaire de repas «festifs », c'est- rapide est donné dans le chapitre 16.
à-dire qui sortent de l'ordinaire. Un repas de En tout état de cause, elle est beaucoup plus
ce type apporte 2 000 à 2 200 kcal soit environ fiable que celle qui est réalisée par les enquêtes
1 400 kcal de plus qu'un repas normal. Ceci alimentaires avec recueil des consommations sur
signifie que la contribution supplémentaire d'un un journal alimentaire, méthode développée dans
repas «festif » par semaine à l'apport calorique le paragraphe qui suit.
quotidien est de 1 400 kcal/7, soit 200 kcal.
Enquêtes basées sur l'enregistrement
• Le calcul de l'apport énergétique total (Q) est
effectué en additionnant le résultat obtenu à des consommations dans un journal
partir des trois questions portant sur les protides alimentaire
(tableau 15.4) et des cinq questions relatives aux Cette méthode fait appel le plus souvent au
comportements spécifiques (tableau 15.5). remplissage d'un semainier quand le recueil des
157
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
PAIN
(UN PETIT PAIN 4 BISCOTTES
UNE PORTION
= 1/4 DE BAGUETTE)
DE PAIN OU
5g 120
ÉQUIVALENT
PAIN
50 g 30 g
données porte sur une période de 7 jours. Ceci à la sous-estimation des apports nutritionnels
permet de mieux appréhender la moyenne des (« under-reporting ») surtout pour les aliments à
consommations quotidiennes. Pour simpli- forte teneur glucidique et lipidique. C'est pour
fier le relevé des données, certains ont proposé cette raison que l'enquête rapide basée sur les
de réaliser des journaux alimentaires sur 3 ou « food frequency recalls » a notre préférence
4 jours, l'un d'entre eux étant un jour de congé. depuis de nombreuses années.
Les indications fournies par le patient sont sou-
vent entachées d'erreurs car les consommations
de corps gras d'accompagnement, utilisés pour
l'assaisonnement ou la cuisson, sont le plus sou- Prérequis pour la prescription
vent sous-estimées ou parfois même non men- diététique
tionnées (« under-recording »). Par ailleurs, un
patient auquel on remet un journal alimentaire Il est constitué par la connaissance de la composi-
prend souvent conscience des erreurs alimen- tion des aliments. En France, il est conseillé d'utili-
taires qu'il commet, surtout lorsqu'il est obèse, et ser les tables du Centre informatique sur la qualité
il a tendance à réduire spontanément ses apports des aliments (Ciqual). Pour certains aliments peu
alimentaires en dehors de toute prescription courants, il est parfois indispensable de recourir à
diététique. Ce patient ne consignera sur son d'autres tables établies dans d'autres pays. Le pro-
semainier qu'une consommation modifiée et en blème est que tous ces documents sont difficiles à
général inférieure à ses apports habituels. Ainsi consulter et se prêtent mal à une prescription diété-
au phénomène bien connu d'« under-recording » tique en pratique courante. Pour cette raison, nous
(sous-déclaration dans les relevés alimentaires), avons l'habitude d'utiliser des tableaux d'équiva-
vient se surajouter un phénomène d'« under- lences très simplifiés ne contenant qu'une quantité
eating » (sous-consommation par rapport aux limitée de données quantitatives. C'est ainsi que la
apports habituels). Ces deux phénomènes ont un plupart des aliments de consommation courante
effet additionnel et contribuent dans tous les cas peuvent être regroupés dans les trois tableaux
158
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
1 PORTION
200 g
UNE PORTION = 1 FRUIT
DE FRUITS 12 g 50
OU LÉGUMES
LAIT YAOURTS
UNE PORTION
DE PRODUITS
LAITIERS 10 g 120
AVEC
GLUCIDES
200 mL 2
159
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
UNE RATION
DE BOISSONS 70
CALORIQUES
Figure 15.7. Description des grandes équivalences nutritionnelles concernant les corps gras et les
boissons énergétiques.
Figure 15.8. Organigramme décrivant la stratégie générale à mettre en œuvre pour la prescription
diététique chez le patient diabétique selon qu'il est en excès pondéral ou en poids normal.
La stratégie pour la prescription diététique doit être également modulée en fonction de la présence ou de l'absence
d'une autre pathologie diétosensible associée au diabète.
160
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
161
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Tableau 15.6. Calcul des niveaux des apports avec deux positions extrêmes entre 40 et 55 %
caloriques lors de la prescription d'un régime (cf. chapitre 7). Si nous revenons au cas de la patiente
hypocalorique chez un patient en excès pris pour exemple, l'objectif glucidique sera fixé à
pondéral. [1 600 × 0,45]/4 soit 180 g de glucides par jour dans
la mesure où 1 g de glucides fournit 4 kcal.
Niveau Âge Sexe Activité
calorique physique
(kcal) Hiérarchisation et remplissage
1 800 Jeune M Moyenne des objectifs
ou ou
Les objectifs ayant été définis pour les calories,
adulte élevée
les protides et les glucides, encore faut-il les hié-
jeune
rarchiser pour rendre la prescription diététique
1 600 2 critères de la ligne du haut réalisable et rationnelle. Pour des raisons que le
1 400 1 critère de la ligne du haut lecteur saisira au fil des lignes qui suivent, l'ordre
1 200 Aucun des critères de la ligne du haut hiérarchique et de remplissage sera le suivant :
l'objectif protidique d'abord, l'objectif glucidique
Cette même règle s'applique à un patient diabétique dès lors
en second et le calorique en dernier (fig. 15.9).
qu'il est obèse ou en surcharge pondérale.
162
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
Z2
Objectif calorique kcal/j
(kcal/j) Corps gras à ajouter Portions de
pour atteindre corps
l’objectif calorique gras
Y2 Z1
en g/j Portions de kcal/j
Objectif glucidique
féculents
(g/j)
Aliments à ajouter 5 portions
pour atteindre d’Eq fruits Quantité de
l’objectif glucidique et/ou légumes calories
soit 60 g de apportées par
glucides tous les
Y1
Pain aliments
en g/j
Objectif protidique ou Eq Pain Quantité de en dehors
(X en g/j) Lait glucides des corps
ou Eq Lait apportés par gras
Viande les aliments
ou Eq Viande riches en
10 g protides
“forfaitaires”
de glucides apportés par les aliments utilisés pour Troisième étape : remplir l'objectif
atteindre l'objectif protidique. Par exemple, si dans calorique (Z2 en kcal) (fig. 15.9)
la colonne des aliments protidiques on a intro-
L'objectif glucidique étant atteint, il faut calculer
duit deux équivalents pain (soit 100 g de pain),
on a apporté sous forme de pain 50 g de glucides le total des calories apportées par les aliments
(cf. fig. 15.6). Ces 50 g seront représentés dans la utilisés dans les deux premières colonnes pour
colonne des apports glucidiques (partie inférieure : remplir les deux premiers objectifs : proti-
«Quantité de glucides apportés par les aliments dique et glucidique. Supposons que le nombre
riches en protides»). Supposons que cette rubrique de calories fournies par ces aliments soit égal
conduise à Y1 g de glucides et que l'objectif glu- à Z1. L'objectif calorique final (Z2 en calories)
cidique soit de Y2 g. Il faudra trouver (Y2 Ŕ Y1) sera atteint en ajoutant des portions de corps
grammes de glucides pour atteindre l'objectif glu- gras et en procédant de telle manière que le
cides. Ceci sera réalisé tout d'abord grâce aux ali- nombre d'équivalents lipides (fig. 15.7) permette
ments répertoriés sur la figure 15.6 avec en premier d'assurer un apport calorique égal à Z2 Ŕ Z1.
lieu un apport de cinq portions de fruits et légumes Cette partie « corps gras » (partie supérieure de
par jour (recommandation du PNNS «Programme la colonne des apports caloriques) nous paraît
national nutrition santé»). Ces cinq portions appor- importante car les corps gras permettent par
teront 5 × 12 = 60 g de glucides (cf. fig. 15.6). Pour le biais de l'onctueux de conférer une certaine
atteindre l'objectif final de Y2 gde glucides, il faudra palatabilité au régime. Ceci est indispensable si
ajouter des portions de féculents (partie haute de la l'on veut que le régime soit accepté et surtout
colonne des apports glucidiques) en se référant à la suivi sur la durée. Un régime trop appauvri en
figure 15.6. Il faudra calculer le nombre de portions lipides est souvent rejeté par les patients au bout
de féculents nécessaires pour compléter la colonne de quelques semaines, ce qui explique les échecs
et atteindre l'objectif glucidique. des régimes par simple « abandon » d'observance.
163
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
De surcroît, si on recommande que les corps gras Première étape : remplir l'objectif
soient au moins partiellement fournis par les protidique (X = 80 g)
huiles aromatiques comme l'huile d'olive, il est
possible d'augmenter la palatabilité de l'alimen- Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
tation. Normalement, il est conseillé d'apporter Ŕ 1,5 Eq viande qui apportent 25 × = 37 g
1 cuillerée à soupe d'huile d'olive chaque fois que 1,5 g de protides
l'on apporte 700 kcal. Ŕ 3 Eq lait qui apportent 7 × 3 g de = 21 g
protides
164
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
165
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Z2= 1 600
kcal/j
Objectif calorique
(1 600 kcal/j) Corps gras à ajouter 3 portions de
pour atteindre corps
l’objectif calorique gras
Y2
2 portions de kcal/j
Objectif glucidique féculents
(180 g/j) (50 g de Glu) Z1
Aliments àen ajouter Z1=1 360 kcal
g/j 5 portions
pour atteindre d’Eq fruits =
l’objectif glucidique et/ou légumes
Quantité de
soit 60 g de calories
apportées par
glucides
tous les
2 Eq Pain aliments
Objectif protidique 70 g de en dehors
(X = 80 g/j) 3 Eq Lait glucides des corps
apportés par gras
1,5 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”
2 000 kcal/j (2 repas festifs par semaine). Cette Saveur salée de l'alimentation
solution est souvent choisie par les patients Elle est apportée par le chlorure de sodium dont
car elle permet de rétablir une vie sociale et l'apport doit être plus ou moins diminué en cas
conviviale. Évidemment, l'important est de ne de régime hyposodé. Les sels de régime à base de
pas dépasser deux repas festifs par semaine car chlorure de potassium sont de substituts gustatifs
au-delà la stabilisation du poids corporel après de pauvre qualité car ils ont un goût amer.
cure d'amaigrissement n'est plus garantie.
Saveur sucrée de l'alimentation
Utilisation des saveurs, Elle est en général sous la dépendance du saccha-
rose qui a l'inconvénient d'apporter des calories
des sensations en bouche (4 kcal/g) et d'entraîner des hyperglycémies post-
et des arômes dans la prandiales chez les diabétiques. Les édulcorants
intenses (cyclamates, saccharine, aspartame, acé-
prescription diététique sulfame, sucralose, le rébaudioside A plus connu
Nombreux sont les régimes qui sont contraignants, en sous le nom de stévia) peuvent être utilisés pour
reproduire le goût sucré quand les apports en
particulier ceux qui comportent une restriction calo-
sucres doivent être limités. Certains monosac-
rique. Pour que ces régimes puissent être suivis sur le
charides comme le glucose ou le fructose ont un
long terme, il faut qu'ils soient acceptables sur le plan
goût sucré bien marqué. C'est en particulier le cas
gustatif. Il faut donc rétablir un certain équilibre dans
pour le fructose dont le pouvoir sucrant est même
le triangle de la palatabilité qui comprend : la sensa-
supérieur à celui du saccharose. Ceci explique
tion en bouche, les saveurs et les arômes (fig. 15.11).
que le fructose soit utilisé comme substitut du
Saveurs saccharose dans les confitures allégées dites pour
diabétiques. Ces confitures sont deux fois moins
Elles sont au nombre de cinq : le salé, le sucré, riches en glucides que les confitures normales. À
l'amer, l'acide et l'umami. quantités égales, elles sont moins caloriques, ce
166
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
Onctueux
Palatabilité
Saveurs Arômes
• Salé (plus de 5 000)
• Sucré
• Acide
• Amer
• Umami
Figure 15.11. Le triangle de la palatabilité avec ses trois composantes : la saveur, les arômes et la
sensation en bouche.
qui explique leur qualificatif de confitures « allé- c'est-à-dire en ayant une bonne connaissance de
gées ». De plus, le fructose, constituant glucidique leurs avantages et de leurs inconvénients. À titre
essentiel de ce type de confiture a un pouvoir d'exemple, il convient de se méfier de certains
hyperglycémiant plus faible que celui du saccha- produits dits « sans sucre » où le pouvoir sucrant
rose d'où le terme utilisé de confiture «pour dia- est apporté par des édulcorants de charge tels que
bétiques ». De notre point de vue, l'utilisation de les sucres-alcools (xylose, sorbitol). Ces derniers
ce type de confiture par les patients diabétiques ont un pouvoir hyperglycémiant quasiment nul
n'est pas à privilégier. Il est préférable de recom- mais ils apportent autant de calories que le sac-
mander l'utilisation de confitures normales aux charose : 3,2 kcal/g contre 4 kcal/g. C'est ainsi que
patients diabétiques qui revendiquent un pen- certaines confiseries (bonbons «dits » sans sucre)
chant pour le goût sucré. Toutefois il convient de ou le chocolat «sans sucre » contiennent autant
limiter la consommation des confitures normales de calories que leurs équivalents traditionnels.
et de connaître exactement leur composition en Le patient doit être informé de ces problèmes, en
glucides. Une confiture normale a une teneur particulier lorsqu'il est en excès pondéral.
calorique de l'ordre de 270 kcal/100 g et une
teneur glucidique aux alentours de 60 g/100 g Saveurs acides et amères
(une vingtaine de calories et 5 g de glucides pour Elles sont en général peu appréciées par les
une cuillère à café bien remplie). Ces teneurs sont consommateurs, sauf quand elles sont neutrali-
en moyenne de 150 kcal/100 g et 30 g/100 g pour sées par des saveurs agréables telles que le salé et
une confiture allégée, mais avec d'assez grandes le sucré. Quelques exemples permettent d'illustrer
variations d'un produit à l'autre. Le problème des cette observation. Les yaourts naturels ont une
édulcorants et des produits allégés sera envisagé petite saveur acidulée qui provient de la trans-
ultérieurement dans un chapitre spécifique, mais formation d'une partie du lactose du lait en acide
d'ores et déjà, il convient de souligner que ces lactique qui est utilisé lors de la fabrication des
produits peuvent être d'une aide certaine chez les yaourts. Pour rendre les yaourts plus agréables,
patients diabétiques lorsqu'ils souhaitent, pour les consommateurs ont tendance à y ajouter du
des raisons évidentes, se faire plaisir en consom- sucré et les industriels de l'agroalimentaire à les
mant des aliments à goût sucré (entremets en additionner en édulcorants ou en fruits. Le choco-
particulier). Insistons dès maintenant sur le fait lat serait difficile à consommer si la saveur amère
que ces produits dits « sans sucre » ou « allégés en très prononcée du cacao n'était pas neutralisée
sucre » doivent être consommés intelligemment, par l'adjonction de saccharose. Les chocolats trop
167
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
noirs qui ont des teneurs en cacao supérieures à polyphénols. C'est le cas pour l'huile d'olive qui
75 % reçoivent un accueil mitigé car leur saveur possède en plus l'énorme avantage de fournir des
trop amère est jugée défavorablement par les acides gras monoinsaturés (acide oléique) dont le
consommateurs. rôle bénéfique a été démontré en termes de santé.
Étant donné que l'onctueux est l'une des sensa-
Umami tions les plus difficiles à reproduire, les graisses
gardent toujours une supériorité en bouche
C'est une saveur qui est surtout rencontrée dans la
incontestable sur toutes les pseudo-solutions
cuisine asiatique. L'umami est apporté par les sels
proposées par l'industrie agroalimentaire. C'est
d'acides aminés tels que le glutamate de sodium
ainsi que les substituts protéiques introduits dans
qui se trouve dans les sauces de soja par exemple.
les crèmes allégées, les amidons modifiés utilisés
L'utilisation de ces sauces conduit à une augmen-
dans les sauces à faible teneur calorique, n'ar-
tation des apports en sodium, ce qui peut être pré-
rivent jamais à reproduire le caractère onctueux
judiciable chez les personnes hypertendues.
et crémeux de l'aliment de référence.
Sensations en bouche
Arômes
L'onctueux est fourni par les graisses. C'est pour
cette raison qu'un régime trop appauvri en Quand les réductions d'apports en sel, en sucres
graisses est rarement compatible avec une pres- ou en graisses sont indispensables, les arômes
cription diététique sur le long terme. Maintenir peuvent venir au secours du consommateur.
un apport en corps gras est donc indispensable Les arômes se différencient des saveurs par leur
si l'on souhaite que les régimes soient suivis. taille et leur mode de perception. Les saveurs
Dans l'exemple que nous avons pris (régime à sont en général apportées par des molécules de
1 600 kcal), nous avons volontairement maintenu taille variable, mais dont le poids moléculaire
trois portions de corps gras. Le choix peut être varie entre habituellement entre 150 et 10 000 Da
panaché entre corps gras solides (beurre, marga- (fig. 15.12). Elles sont perçues exclusivement par
rine) et liquides (huiles végétales). Si l'on souhaite la langue. En revanche, les arômes sont des molé-
combiner l'onctueux et les arômes, le mieux est cules de petite taille (esters, cétones, aldéhydes,
de privilégier la consommation d'huiles végétales composés hétérocycliques). Leur poids molécu-
qui apportent des arômes naturels sous forme de laire est faible (< 200 Da) (fig. 15.12). En raison
Volatilité
Haute Arôme
+ Saveur
Arôme
Faible
+ Saveur
Nulle Sensation
Saveur en bouche
Figure 15.12. Volatilité des différentes substances en fonction de leur poids moléculaire.
Les arômes ont un poids moléculaire < 150Ŕ250. Les saveurs ont un poids moléculaire entre 150 et 10000. Les
substances qui interviennent dans la sensation en bouche ont un poids moléculaire > 5000Ŕ10 000.
168
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
de leur structure chimique et de leur petite taille, d'olive aient des goûts très différents en fonction
ils sont fortement volatils. Ceci explique que les du terroir d'origine et en fonction du procédé de
arômes soient perçus par les récepteurs olfactifs, fabrication qui leur est appliqué. Les arômes sont
par perception directe (olfaction directe ou odo- d'autant plus conservés que la filtration est faible.
rat) ou indirecte (rétro-olfaction) par volatilisa-
Arômes obtenus après transformation
tion dans l'arrière-gorge (fig. 15.13).
Leur production se fait sous l'influence de deux
Arômes : où les trouve-t-on ? processus : la fermentation et le brunissement.
Comment les produit-on ? Les noms de deux grands biologistes français sont
attachés à ces deux processus : Louis Pasteur pour
Les arômes sont largement répandus dans la la fermentation et Louis-Camille Maillard pour le
nature. Bien que leur nombre soit considérable brunissement. Quelques exemples vont permettre
(plus de 5 000) il est possible de les regrouper en de mieux comprendre les choses.
seize classes élémentaires qui sont indiquées sur • Les arômes du vin (polyphénols) sont naturel-
la roue des arômes (fig. 15.14). lement présents dans la peau du raisin (arômes
Arômes naturels primaires), mais la fermentation, qui trans-
forme le jus de raisin en vin, produit de nou-
Les légumes et les fruits en contiennent de veaux arômes qui enrichissent la qualité du
grandes quantités : 358 arômes dans une fraise ! vin : ce sont les arômes secondaires.
Certains corps gras contiennent des arômes natu- • Les arômes des fromages proviennent des
rels. C'est le cas des huiles d'olive et des huiles de réactions de fermentation dues à la présence
noix. Les autres huiles (tournesol, maïs) en sont de micro-organismes (levures, champignons)
dépourvues car elles sont soumises à un proces- qui sont introduits lors de la maturation du
sus de purification industrielle. L'huile d'olive est fromage. Tous les fromages sont fabriqués
riche en arômes car elle n'est jamais purifiée. Elle après coagulation du lait par une enzyme : la
est obtenue par pression-filtration. Ce procédé présure. Les fromages frais qui en résultent sont
de fabrication rudimentaire, venu du fond des ensuite soumis à un processus d'affinage par
âges, permet de garder tous les arômes contenus des traitements physicochimiques (pression,
dans le fruit. C'est ce qui explique que les huiles cuisson…) ou biologiques, par introduction
169
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
S S N
O
SH N O
N O
Aillé Herbacé
C O CHO
él Fruité
S 16 1
O er Citron
i 15 2
3
C Beurré Roue Menthe OH
O 13 4
des
h 12 5 OH
11 Fleur
a
6
CHO 10 7 Épicé
SH
m 9 8
pi
R
a
n
c
e
a
r
ô
m
e
s
C
H
O
V
ia
n
d
e
B
o
ui
ll
o
n
Boisé
Caramel OH
N Grillé OH
O
N
HO S OH
O N
Figure 15.14. La roue des arômes avec ses seize composantes fondamentales.
170
Chapitre 15. Prescrire un régime chez le patient diabétique : principes généraux
Tous ces arômes se recombinent entre eux pour C'est ce qui explique que certains médecins consi-
donner le goût de «grillé». Pour que les viandes ou dèrent qu'un traitement pharmacologique doit
les poissons maigres retrouvent un certain goût, il être mis en train dès que le diagnostic de dia-
est d'usage d'associer des sauces, mais le bénéfice bète sucré est posé. Les optimistes diront que les
diététique de la viande ou du poisson maigre est régimes peuvent être suivis à condition d'être cor-
immédiatement annihilé par l'adjonction d'une rectement expliqués et de s'intégrer dans un pro-
sauce riche en graisse. C'est pour cette raison que la gramme éducatif. Les réalistes dont nous faisons
grillade peut être utilisée pour conférer des arômes partie diront que les mesures diététiques devraient
à des viandes ou à des poissons qui en seraient toujours être mises en œuvre. L'important est
dépourvus, mais les arômes seront nettement moins de donner au patient diabétique un outil et de
prononcés que dans les viandes ou les poissons gras, lui expliquer l'intérêt qu'il représente. La suite
car les teneurs en phospholipides sont plus faibles. dépend évidemment du patient et de ses choix
Par voie de conséquence, les arômes provenant de de vie : accepter quelques contraintes diététiques
l'oxydation des acides gras polyinsaturés seront très ou se reposer entièrement sur la prise en charge
nettement diminués. La grillade ne doit pas être pharmacologique. Dans tous les cas de figure,
utilisée de manière systématique ni trop fréquente, il est indispensable de réduire les contraintes
car elle peut conduire à la production de composés au minimum car comme le disait il y a près de
cycliques, aromatiques, à potentiel cancérigène. 20 ans le célèbre gastronome et auteur culinaire
Cette production est d'autant plus forte que les tem- Jean-Anthelme Brillat Savarin dans son traité de
pératures appliquées sont plus élevées. C'est pour la physiologie du goût : «Les grands efforts sont
cette raison que le braisé est préférable au grillé. rares ; et si l'on veut être suivi, il ne faut proposer
aux hommes que ce qui leur est facile et même,
quand on le peut, ce qui leur est agréable ».
Avenir de la prescription
diététique
Les pessimistes diront que les régimes sont trop
difficiles à expliquer pour des résultats aléatoires.
171
Prescrire un régime CHAPITRE
16
chez une personne
prédiabétique
L. Monnier
bète de type 2 franc est de l'ordre de 10 % par an. la majorité des auteurs ont proposé des mesures
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
En d'autres termes, si on prend pour référence un nutritionnelles plus spécifiques que la simple
groupe de 100 sujets adultes ayant une intolérance restriction calorique. Elles reposent sur les prin-
au glucose, 50 d'entre eux, soit la moitié, seront cipes du régime méditerranéen : réduction des
devenus diabétiques au bout de 5 ans. Grâce à apports en acides gras saturés (moins de 10 %
des mesures hygiéno-diététiques, il a été démon- de l'apport énergétique total), augmentation des
tré par au moins deux études publiées dans les apports en acides gras désaturés, augmentation de
années 2000 (une étude finlandaise et une étude la consommation de fruits, légumes et fibres ali-
nord-américaine appelée « Diabetes Prevention mentaires. Dans une étude récente publiée dans
Program ») que l'on pouvait réduire le taux de le British Medical Journal Open Diabetes Research
173
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Tableau 16.1. Variations du risque relatif de convertir une intolérance au glucose (prédiabète) en
diabète de type 2 patent.
and Care2, des résultats intéressants ont été rap- haute teneur protéique sur le long terme. Toutefois,
portés avec une intervention nutritionnelle chez il est intéressant de noter que la masse maigre des
des patients obèses prédiabétiques. Les auteurs sujets a augmenté avec le régime à haute teneur
ont utilisé une restriction calorique (Ŕ 500 kcal protéique, alors qu'il a baissé avec le régime riche
par rapport aux besoins énergétiques du sujet) et en glucides. Ces résultats suggèrent fortement que
l'ont associée à l'une des deux catégories suivantes la préservation de la masse maigre, c'est-à-dire du
de prescription diététique. La première était riche capital musculaire, est un élément sur lequel on
en protéines (30 % de l'apport énergétique total) et doit porter un regard particulier quand on veut
relativement pauvre en glucides (40 % de l'apport prévenir l'apparition d'un diabète sucré. Dans
énergétique). La deuxième prescription était nor- ces conditions, l'activité physique qui préserve
moprotéique (15 % de l'apport énergétique total) la diminution des masses musculaires au cours
et riche en glucides (55 % de l'apport énergétique des cures d'amaigrissement apparaît également
total). La comparaison des deux régimes montre comme une mesure clé qui fait partie intégrante
une rémission de l'état prédiabétique chez la tota- de la stratégie préventive du diabète.
lité des sujets recevant le régime à haute teneur Ces principes généraux ayant été développés,
protéique, alors que le taux de rémission n'est que il apparaît souhaitable de donner un exemple
d'un tiers dans le groupe sous régime riche en concret, pour mieux comprendre la stratégie à
glucides. Compte tenu du faible nombre de sujets mettre en œuvre.
inclus et de la courte durée de l'étude (6 mois), il
Exemple pratique
est indispensable d'émettre un certain nombre de
bémols en ce qui concerne l'efficacité du régime à
Prenons l'exemple d'un sujet de 42 ans, chez
2. Stentz FB, Brewer A, Wan J, Garber C, Daniels B,
Sands C, Kitabchi AE. Remission of pre-diabetes to lequel on a fait un diagnostic de « prédiabète » :
normal glucose tolerance in obese adults with high glycémie à jeun à 1,15 g/L, HbA1c à 6,4 % et
protein versus high carbohydrate diet: randomized antécédents familiaux de diabète sucré (père dia-
control trial. BMJ Open Diabetes Res Care 2016 ; 4(1) : bétique et un frère de 50 ans qui est diabétique
e000258. depuis plusieurs années). Ce sujet est en excès
3. le Roux CW, Astrup A, Fujioka K, Greenway F, Lau pondéral (IMC = 30 kg/m2, poids = 89 kg, taille
DCW, Van Gaal L et al. 3 years of liraglutide versus
= 172 cm). À l'interrogatoire, il a une activité
placebo for type 2 diabetes risk reduction and weight
management in individuals with prediabetes: a ran- physique moyenne. Devant ces observations,
domised, double-blind trial. Lancet 2017; 389(10077) : le médecin fait pratiquer une hyperglycémie
1399-409. provoquée orale (HGPO), qui donne le résultat
174
Chapitre 16. Prescrire un régime chez une personne prédiabétique
2,0
1,8
Avant régime et
1,6 perte de poids
Glycémie(g/L)
1,4
1,2
Après régime et
1,0 perte de poids
0 30 60 90 120
Minutes
Figure 16.1. Résultats des hyperglycémies provoquées orales (HGPO) du patient qui a été pris
pour exemple.
Les résultats sont indiqués au départ et après 6 mois de traitement hygiéno-diététique (régime hypocalorique).
175
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Tableau 16.2. Résultats de l'enquête alimentaire rapide pratiquée chez le patient pris pour exemple
en utilisant la méthode des « Food frequency recalls».
Questions portant sur les aliments riches en protides.
176
Chapitre 16. Prescrire un régime chez une personne prédiabétique
Tableau 16.3. Résultats de l'enquête alimentaire rapide chez le patient pris pour exemple
en utilisant la méthode des « Food frequency recalls».
Questions supplémentaires portant sur les comportements alimentaires spécifiques et permettant d'évaluer la quantité
de calories correspondante (E2).
• Préserver la masse maigre en apportant une puisque nous avons indiqué plus haut qu'une
quantité de protides suffisante (au moins 20 % étude avait montré qu'un régime à 40 % de
de l'apport calorique total). Dans le cas de ce glucides et 30 % de protides était une stratégie
patient, ceci correspond à 100 g de protides/j. efficace pour faire régresser un état prédiabétique.
• Réduire les apports glucidiques entre 40 et 45 % Si le choix de 40 % de glucides nous paraît justi-
de l'apport énergétique total. Si on choisit 40 % fié, notre opinion est plus mitigée sur les 30 % de
de l'apport énergétique sous forme de glucides, protides que nous considérons comme excessifs.
ceci correspond à 200 g de glucides/j. Dans le Pour cette raison notre choix s'est porté sur 20 %
cas présent, 40 % paraissent préférables à 45 % de protides c'est-à-dire 100 g par jour.
177
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Comme nous l'avons déjà développé plus haut, il Ŕ 2,5 Eq viande = 180 × 2,5 = 450 kcal
faut hiérarchiser les objectifs selon la séquence sui- Ŕ 3 Eq lait = 120 × 3 = 360 kcal
vante : objectif protidique, glucidique et calorique.
Ŕ 2 Eq pain = 120 × 2 = 240 kcal
Première étape : remplir l'objectif Ŕ 5portionsdefruits et légumes = 50 × 5 = 250 kcal
protidique (X = 100 g)
Ŕ 3 portions de féculents = 120 × 3 = 360 kcal
Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
Z1 = 1 660 kcal
Ŕ 2,5 Eq viande qui apportent = 62,5 g
2,5 fois 25 g de protides
• En complétant pour atteindre Z2 (2 000 kcal).
Ŕ 3 Eq lait qui apportent = 21 g Il faut trouver (Z2 Ŕ Z1) = 2 000 Ŕ 1 660 =
3 fois 7 g de protides
340 kcal.
Ŕ 2 Eq pain qui apportent = 10 g
2 fois 5 g de protides
Ŕ Avec 4 Eq de corps gras 4 × 90 = 360 kcal
Total protides X = 103,5 g Le total calories obtenu est : Z2 = 2 020 kcal
178
Chapitre 16. Prescrire un régime chez une personne prédiabétique
Z2 = 2 000
kcal/j
Objectif calorique
Corps gras à ajouter 4 portions de
(Z2 = 2 000 kcal/j)
pour atteindre corps
l’objectif calorique gras
Y2 Z1
g/j 3 portions de kcal/j
Objectif glucidique féculents
(Y2 = 200 g/j) (75 g de Glu)
Aliments à ajouter Z1 = 1 660 kcal
5 portions
pour atteindre =
d’Eq fruits
l’objectif glucidique et/ou légumes Quantité de
soit 60 g de calories
glucides apportées par
Y1 tous les
Objectif protidique 2 Eq Pain aliments
70 g de en dehors
(X = 100 g/j) 3 Eq Lait glucides des corps
apportés par gras
2,5 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”
179
Prescrire un régime CHAPITRE
17
chez un patient
diabétique de type 2
obèse
L. Monnier
régimes hypocaloriques exercent leur action diététiques dans les premières années après la
bénéfique sur les désordres glycémiques. Dans le découverte du diabète. Si le diabète est ancien et
diabète de type 2, l'insulinorésistance s'exprime si l'obésité n'a pas régressé, les différentes théra-
sur plusieurs sites tissulaires. Au niveau du foie, peutiques, qu'elles soient médicamenteuses ou
elle entraîne une exagération de la production nutritionnelles, perdront de leur efficacité et les
hépatique du glucose. Au niveau des tissus péri- désordres glycémiques deviendront de plus en
phériques, en particulier au niveau des muscles, plus difficiles à combattre. Ceci explique en par-
elle conduit à une diminution de l'utilisation du tie l'escalade thérapeutique qui caractérise l'évo-
glucose. L'origine de cette insulinorésistance est lution du diabète de type 2 au cours du temps.
181
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
INSULINORÉSISTANCE
Protéine C
Réactive
FOIE
IL-6
Résistine
Muscle
OBÉSITÉ +
OBÉSITÉ OBÉSITÉ
récente installée
INSULINORÉSISTANCE
À partir de ces constatations, il apparaît que avec les régimes les plus restrictifs, mais «in fine »
la prise en charge hygiéno-diététique du diabète l'intensité de la baisse glycémique à moyen terme,
de type 2 doit être précoce et efficace. De plus, au bout de quelques mois, dépend de l'amplitude
elle doit être maintenue sur le long terme, ce qui de la perte pondérale et non pas de la vitesse avec
est un des objectifs les plus difficiles à atteindre. laquelle elle a été obtenue. En paraphrasant le
L'efficacité des régimes au moment de la décou- célèbre vers de la fable du lièvre et de la tortue, on
verte du diabète sucré est un fait bien établi. peut dire : «Rien ne sert de courir, il faut partir à
L'une des meilleures preuves a été apportée par point mais en plus et surtout il faut atteindre la
la célèbre étude de l'UKPDS («United Kingdom ligne d'arrivée ». Ces observations sont résumées
Prospective Diabetes Study »). Chez des patients et illustrées sur la figure 17.2. Dans la mesure où
diabétiques dont on vient de découvrir la maladie les régimes à très basses calories ne sont pas plus
et dont l'HbA1c était à 9 %, un simple régime de efficaces sur le moyen et le long terme que les
restriction calorique apportant 1 361 kcal/j a per- régimes moins restrictifs, l'objectif est d'obtenir
mis une perte de poids de l'ordre de 6 kg sur une une perte pondérale entre 2 et 4 kg par mois avec
période de 3 mois avec une baisse concomitante de un objectif raisonnable : 5 à 10 % de réduction du
l'HbA1c qui est passée de 9 à 7 %. Avec des régimes poids corporel par rapport au poids de départ. Si
hypocaloriques plus ou moins restrictifs, il a été cet objectif est atteint, l'un des problèmes majeurs
démontré que l'on pouvait faire passer la glycémie sera ultérieurement de stabiliser le poids corporel
à jeun de 3 g/L à moins de 1,5 g/L après quelques de manière durable. Malheureusement, toutes les
jours ou semaines de régime chez des patients dia- études montrent que cette stabilisation est loin
bétiques de découverte récente n'ayant reçu aucun d'être la règle et qu'elle est même l'exception.
traitement médicamenteux (fig. 17.2). La perte de Quand on suit des cohortes de patients diabé-
poids et la baisse de la glycémie sont plus rapides tiques sur le long terme, on constate que la perte
182
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse
Poids de départ
(b)
POIDS
(a) (c)
Poids d’arrivée
Glycémie de départ
(b)
GLYCÉMIE
(c)
Glycémie d’arrivée
(a)
de poids est satisfaisante au cours de la première avec une surcharge pondérale majeure, installée
année mais avec une reprise de poids progressive depuis plusieurs années ou décennies avec un état
au cours des années qui suivent. L'exemple type de d'insulinorésistance très marqué.
ce genre d'évolution est fourni par l'étude Look
AHEAD (Action for Health in Diabetes) où il a été
démontré qu'un régime de restriction calorique
(1 200 à 1 800 kcal/j) couplé à une augmentation
Stratégie générale
modérée de l'activité physique entraîne une perte Objectifs
de poids de l'ordre de 8 kg au cours de la première
année (fig. 17.3A). Malheureusement, au cours des Les trois objectifs à poursuivre sont les suivants :
neuf années qui suivirent, les investigateurs assis- • réduire l'excès pondéral pour réduire l'insuli-
tèrent à une reprise du poids conduisant à une norésistance et pour combattre l'hyperglycémie
différence pondérale de 2 kg entre le groupe sou- globale dite hyperglycémie «ambiante »;
mis à des mesures hygiéno-diététiques intensives • réduire les excursions glycémiques postpran-
et le groupe standard. En termes d'HbA1c, après diales dont la contribution à l'HbA1c est de l'ordre
une amélioration significative de l'HbA1c (Ŕ 0,65 de 1 % en termes de points de pourcentage. À titre
point de pourcentage) au cours de la première d'exemple, chez un sujet dont l'HbA1c est à 8 %, la
année, le différentiel à 10 ans n'était plus que de 0,1 simple éradication ou réduction des montées gly-
en faveur du groupe intensif (fig. 17.3B). Encore cémiques après le repas doit permettre de rame-
faut-il préciser que ces interventions hygiéno- ner l'HbA1c aux alentours de 7 %;
diététiques furent réalisées chez des patients • éviter les épisodes hypoglycémiques au moins
diabétiques, soit au moment de la découverte de chez les patients qui sont traités par des antidia-
leur maladie (UKPDS) soit après quelques années bétiques oraux comme les sulfonylurées ou les
d'évolution (étude Look AHEAD) sans pour glinides qui sont susceptibles de provoquer ce
autant inclure des sujets ayant un diabète ancien, type d'événement.
183
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
102
100 * * *
* * * *
*
Poidscorporel(kg)
98
* Groupe standard
*
96
94
Groupe intensif
92
90
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
A Années
Groupe standard
7.4
* * * * Groupe intensif
7.2
7
HbA1c(%)
6.8
6.6
6.4
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
B Années
Figure 17.3. A. Évolution du poids corporel au cours de l'étude Look AHEAD chez des patients
diabétiques de type 2 obèses. Comparaison du groupe prise en charge diététique « intensive»
et du groupe prise en charge diététique « standard». B. Évolution de l'HbA1c au cours de l'étude
Look AHEAD chez des patients diabétiques de type 2 obèses. Comparaison du groupe prise en
charge diététique « intensive» et du groupe prise en charge diététique « standard».
184
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse
185
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Figure 17.4. Représentation imagée du concept de sucres qui « rampent», qui « marchent» et qui
« courent».
Cette illustration peut être utilisée dans les séances d'éducation thérapeutique pour permettre aux patients diabétiques
de mieux comprendre les différences de pouvoir hyperglycémiant entre catégories d'aliments
186
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse
Z2 = 1 200
kcal/j
Objectif calorique 2,5 portions de
(1 200 kcal/j) Corps gras à ajouter
corps
pour atteindre
gras
l’objectif calorique
Y2 Z1
en g/j 1 portions de kcal/j
Objectif glucidique
féculent
(135 g/j) (25 g de Glu)
Aliments à ajouter 4 portions Z1 = 980 kcal
pour atteindre d’Eq fruits =
l’objectif glucidique et/ou légumes Quantité de
soit 48 g de calories
glucides apportées par
tous les
2 Eq Pain aliments
Objectif protidique
Y1 = 60 g de en dehors
(60 g/j) 2 Eq Lait glucides des corps
apportés par gras
1 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”
187
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Z2 = 1 400
kcal/j
Objectif calorique 3 portions de
(1 400 kcal/j) Corps gras à ajouter
corps
pour atteindre
gras
l’objectif calorique
Y2 Z1
en g/j 1 portion de kcal/j
Objectif glucidique
féculents
(160 g/j) (25 g de Glu)
Aliments à ajouter 5 portions Z1 = 1 120 kcal
pour atteindre d’Eq fruits =
l’objectif glucidique et/ou légumes Quantité de
soit 60 g de calories
glucides apportées par
tous les
2 Eq Pain aliments
Objectif protidique
Y1 = 70 g de en dehors
(70 g/j) 2 Eq Lait des corps
glucides
apportés par gras
1,5 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”
188
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse
• En reportant les glucides apportés par les ali- Le calcul est illustré sur la figure 17.7.
ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
protidique (Y1 g).
Ŕ 2 Eq viande = 0 g de
Quelques informations
glucides complémentaires pour assurer
Ŕ 3 Eq lait répartis l'équilibre nutritionnel
en lait (200 mL) = 1 Eq lait = 10 g
et pour prévenir le risque
en 2 yaourts = 1 Eq lait = 10 g
cardiovasculaire
en 30 g de fromage = 1 Eq lait =0g
Ŕ 2 Eq pain 25 × 2 = 50 g Faire maigrir les patients diabétiques obèses pour
Y1 = 70 g réduire les désordres glycémiques est une mesure
indispensable pour prévenir le risque cardiovascu-
laire qui est augmenté chez ces patients. Toutefois,
• En complétant pour atteindre Y2. Il faut trouver cette mesure n'est pas suffisante. Pour compléter
Y2 Ŕ Y1 = 200 Ŕ 70 = 130 g de glucides. les mesures diététiques, encore faudrait-il qu'elles
Ŕ Avec 5 portions de fruits 12 × 5 = 60 g de glucides soient antiathérogènes, antithrombogènes et
et légumes antioxydantes. Ces trois objectifs peuvent être
Ŕ Avec 3 portions de 25 × 3 = 75 g de glucides obtenus par les mesures suivantes.
féculents
Y2 Ŕ Y1 (réel) = 135 g de Augmenter les apports
glucides en graisses monoinsaturées
Total glucides Y2 = 70 + 135 = 205 g
de glucides
Pour atteindre cet objectif, il est conseillé d'uti-
liser préférentiellement les huiles végétales qui
contiennent un fort pourcentage d'acides gras
Troisième étape : remplir l'objectif
monoinsaturés. L'huile d'olive (75 % d'acide
calorique (Z2 = 1800 kcal) oléique) administrée à raison de 1 cuillerée à
• En reportant les calories apportées par les ali- soupe pour chaque apport de 700 kcal est sûre-
ments utilisés pour le remplissage des objectifs ment la meilleure méthode pour assurer un
protidiques et glucidiques (Z1 kcal). apport en graisses monoinsaturées égal à 20 %
189
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Z2 = 1 800
kcal/j
Objectif calorique 2,5 portions de
(1 800 kcal/j) Corps gras à ajouter
corps
pour atteindre
gras
l’objectif calorique
Y2 Z1
en g/j 3 portions de kcal/j
Objectif glucidique
féculents
(200 g/j) (75 g de Glu)
Aliments à ajouter 5 portions Z1 = 1 570 kcal
pour atteindre d’Eq fruits =
l’objectif glucidique et/ou légumes Quantité de
soit 60 g de calories
glucides apportées par
tous les
2 Eq Pain aliments
Objectif protidique
Y1 = 70 g de en dehors
(90 g/j) 3 Eq Lait des corps
glucides
apportés par gras
2 Eq Viande les aliments
riches en
10 g protides
“forfaitaires”
de l'apport énergétique total. L'huile d'arachide d'autres substances odorantes dont la perception
(50 % d'acide oléique) peut être utilisée pour rem- olfactive est agréable et que l'on a l'habitude de
placer l'huile d'olive comme corps gras dans les désigner sous le terme d'« arômes ».
préparations culinaires qui nécessitent une cuis-
son. L'huile de colza (62 % d'acide oléique) peut La répartition des glucides
également être utilisée comme substitut de l'huile
d'olive. Par rapport à l'huile d'olive, elle a l'avan-
sur les trois repas de la journée
tage d'apporter des acides gras ω3. En revanche, et au cours des repas doit obéir
elle a l'inconvénient de ne pas apporter de poly- à un ordre bien précis
phénols. Ces derniers ont des propriétés antioxy-
Pour les raisons que nous avons évoquées plus
dantes qui ne sont pas négligeables en termes de
haut, les glucides à pouvoir hyperglycémiant
protection cardiovasculaire. De plus, les polyphé-
faible ou intermédiaire (qui «rampent » ou qui
nols confèrent à l'huile d'olive son goût particulier
«marchent ») devraient être réservés pour le petit
car ces substances sont des composés aroma-
déjeuner et pour les entrées des deux autres repas.
tiques. Cette propriété est liée au fait que l'huile
d'olive n'est pas purifiée alors que la majorité des
autres huiles végétales (colza et arachide) le sont. Les apports en NaCl devraient être
La purification des huiles élimine les polyphénols inférieurs à 6 g par jour même si le
et toutes les substances odorantes. Cette puri-
sujet n'est pas hypertendu
fication est parfois nécessaire car la présence de
substances odorantes n'est pas synonyme de goût Cet objectif est en général réalisé spontanément
agréable. En effet, certaines substances chimiques quand on prescrit un régime hypocalorique car la
dites «odorantes » ont une odeur désagréable plupart des aliments qui sont recommandés dans
bien qu'elles soient parfois chimiquement proches ce type de régime ont en général des teneurs en
190
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse
sodium (Na) faibles ou modérées. L'important est perte pondérale de l'ordre de 2 à 3 kg par mois
que le sujet qui suit le régime hypocalorique ne au moins pendant les premières semaines/mois.
sale pas ses aliments avec du sel de cuisine, soit au
moment de leur préparation, soit au moment de Les apports en fruits
leur consommation : la salière ne doit pas être sur la
table. Les régimes restrictifs en calories sont spon-
et légumes doivent être de l'ordre
tanément hyposodés car comme nous avons pu le de 4 à 5 portions par jour comme
voir dans les exemples qui ont été donnés, ils abou- le préconise le PNNS
tissent à une suppression des aliments suivants :
Cette recommandation repose sur plusieurs éléments.
• les tartes salées ;
Les fruits et les légumes sont riches en minéraux et
• les feuilletés salés ;
en vitamines hydrosolubles. De plus, ils apportent
• les plats précuisinés commercialisés par la
des fibres alimentaires (pectines, cellulose, hémi-
grande distribution ;
celluloses) qui amortissent les montées glycémiques
• les petits gâteaux salés d'apéritif ;
postprandiales. Enfin, certains contiennent des
• les olives ;
antioxydants naturels qui pourraient jouer un rôle
• les amandes salées, les cacahuètes, les noix de
dans la prévention cardiovasculaire. Leur teneur en
cajou (à noter que les cacahuètes apportent
glucides à absorption rapide reste en général modérée
10 kcal par unité).
bien que tous les fruits et tous les légumes n'aient pas
De plus un régime hypocalorique conduit à
la même teneur glucidique. Pour simplifier la pres-
une limitation des apports en fromages affinés
cription des régimes, nous avons considéré qu'une
et salés dont la densité énergétique est élevée,
portion de légumes frais (200 g) et qu'une portion
surtout quand il s'agit de fromages à pâte cuite
de fruits (une orange, une poire ou une pomme)
ou pressée. Dans les régimes hypocaloriques, la
apportent 50 kcal et 12 g de glucides. En toute rigueur,
consommation de pain est en général contingen-
il faudrait distinguer deux catégories de légumes
tée. Dans les régimes que nous avons proposés, la
frais : d'un côté les légumes à feuilles (salade), à fruits
consommation proposée pour le pain n'a jamais
(tomates), à branches (céleris) ou à fleurs (chou-fleur)
dépassé deux équivalents pain par jour, soit
et de l'autre les légumes à racines (carottes) et les petits
100 g de pain (1/2 baguette). Cette limitation est
pois. Cette deuxième catégorie de légumes frais a une
basée sur deux arguments : en premier lieu, le
teneur en glucides qui est environ le double de celle
pain normal est salé (1 à 2 g de NaCl pour 100 g) ;
de la première catégorie. De même, les bananes, les
en deuxième lieu, le pain a un pouvoir hypergly-
raisins, les cerises, sont plus riches en glucides que
cémiant relativement élevé (index glycémique
les autres fruits (pommes, poires, agrumes). Dans la
= 100). Ceci nous amène à une remarque qui a
prescription d'un régime ceci n'a guère d'importance
une certaine importance. Le suivi de l'obser-
car il est rare qu'une personne consomme spontané-
vance d'un régime hypocalorique, à condition
ment tous les jours les mêmes fruits et légumes. C'est
que le patient ne sale pas ses aliments, peut être
pour cette raison qu'il est préférable de raisonner en
évalué en mesurant l'excrétion du Na urinaire
termes de moyenne dans la mesure où les apports
sur les urines recueillies pendant une durée de
sont en général différents d'un jour à l'autre.
24 heures. Dans la mesure où la prise de 3 g de
NaCl entraîne une excrétion sodée de 50 mmol/j,
191
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
index de masse corporelle ≥ 35 kg/m2. Ces per- nutritionnelles très restrictives sont très variables
sonnes ont en général leurs tissus périphériques et souvent non prévisibles. Certains répondent
et leur foie qui sont très résistants à l'action de rapidement de manière favorable, d'autres
l'insuline. Quand ils nécessitent un traitement résistent à la réduction calorique. Enfin un dernier
insulinique, on peut se rendre compte que ces groupe répond de manière excessive. C'est parmi
patients sont très insulinorésistants parce qu'il eux que se recrutent les sujets qui vont présenter
faut utiliser des doses d'insuline fortes (plus de des hypoglycémies. De toute manière, ces régimes
1 unité par kilogramme de poids et par jour). très restrictifs en calories ne peuvent être mainte-
En dépit de ces doses fortes que l'on est amené nus que sur une durée de quelques jours. Au-delà,
souvent à augmenter de manière progressive, les apports énergétiques doivent être élargis et
ces sujets restent souvent mal équilibrés. Chez portés à un niveau de l'ordre de 1 400 à 1 600 kcal.
les sujets diabétiques très insulinorésistants non La vitesse de perte de poids subit assez rapide-
insulinés, cet état se manifeste par un mauvais ment une première décélération pour se stabiliser
contrôle glycémique qui persiste même lorsque pendant un certain temps à 0,5 kg/semaine. Un
les traitements par antidiabétiques oraux ou par peu plus tard, au bout de quelques semaines (par
antidiabétiques injectables non insuliniques (ago- adaptation des dépenses énergétiques aux apports
nistes des récepteurs du GLP-1) sont portés à leurs caloriques) une deuxième décélération se produit,
doses maximales. De plus, ces patients sont sou- la vitesse de perte de poids devenant largement
vent hypertendus, présentent une stéatose ou une inférieure à 0,5 kg/semaine. Étant donné que
stéatohépatite non alcoolique et une dyslipidémie le résultat à long terme sur l'insulinorésistance
associées au diabète. dépend du degré de la perte de poids, c'est un
délai de plusieurs mois qui est souvent nécessaire
pour observer des résultats significatifs. L'objectif
Réduction de l'insulinorésistance de perte de poids étant de l'ordre d'une dizaine
par la voie diététique de kilogrammes, c'est pendant cette période que
les patients se découragent. Si la perte de poids
La meilleure méthode pour réduire l'insulino-
devient de 200 g par semaine, l'atteinte de l'objec-
résistance sévère chez les personnes ayant un tif pondéral (Ŕ 10 kg) va demander une période de
diabète de type 2 avec une obésité majeure est de 10 mois. C'est pour cette raison que la chirurgie
leur faire perdre du poids. En général une mise dite «métabolique » connaît un succès croissant
en route rapide d'un régime très restrictif (1 000 chez ce type de personne.
à 1 200 kcal/j) permet en quelques jours de lever
une partie de l'insulinorésistance. Le résultat est
une amélioration assez rapide des glycémies. La Chirurgie « métabolique »
levée partielle de l'insulinorésistance est attestée ou bariatrique
par la réduction drastique (de moitié en général)
des doses d'insuline chez les patients diabétiques Ce type de traitement est en général proposé
de type 2 insulinés avec de fortes doses. À titre chez des patients qui ont un index de masse cor-
d'exemple, un sujet de 120 kg pour une taille de porelle ≥ 35 kg/m2 et qui n'arrivent pas à obtenir
180 cm et traité par une dose de 150 unités/j et un équilibre métabolique satisfaisant avec les
consommant 2 500 kcal/j peut passer à 75 unités/j règles hygiéno-diététiques classiques et avec un
en l'espace de 3 à 4 jours si on institue un régime traitement antidiabétique optimisé à des doses
à 1 000 kcal/j. Le problème est que cette réduction maximales tolérées, qu'il s'agisse de préparations
drastique des apports énergétiques avec baisse orales ou injectables. Le côté positif de cette
concomitante et rapide des doses d'insuline ne chirurgie métabolique est lié au fait que les pertes
peut se faire que sous surveillance médicale stricte. pondérales peuvent atteindre 20 à 30 kg chez des
Ceci signifie concrètement qu'une hospitalisation patients où les mesures classiques ne permettent
est nécessaire pour éviter tout risque d'accident d'atteindre généralement et péniblement qu'une
aigu (hypoglycémie sévère par exemple) au cours perte pondérale de 5 à 10 kg. Le côté négatif est la
de la mise en place de ce type de régime. En effet, nécessité de réaliser une intervention chirurgicale
les réponses des patients à ces manipulations qui peut être relativement lourde et qui entraîne
192
Chapitre 17. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2 obèse
des conséquences digestives et métaboliques. sont beaucoup plus lourdes car en plus de la
Deux types de techniques chirurgicales peuvent réduction de la poche gastrique (50 mL environ)
être envisagées. on réalise un court-circuit digestif par montée
d'une anse intestinale en «Y » (fig. 17.8). Au cours
Techniques restrictives de cette intervention la partie biliopancréatique
du tube digestif est isolée. L'intestin grêle est sec-
Elles consistent à réduire le volume de l'estomac soit
tionné à une distance de 25 cm de l'angle de Treitz
en cerclant l'estomac avec un anneau ajustable, soit
(jonction du duodénum et du jéjunum). L'anse
en réalisant un agrafage vertical le long de la petite
ainsi isolée est ensuite réabouchée dans l'intestin
courbure de l'estomac (fig. 17.8). L'anneau ajustable
grêle à une distance de l'ordre de 90 à 150 cm en
réduit le volume de l'estomac à une poche inférieure
aval de la transsection intestinale. Cette dernière
à une centaine de millilitres. L'intervention est
est anastomosée à la poche gastrique pour réta-
relativement simple et l'anneau peut toujours être
blir la continuité du tube digestif. À l'issue de
retiré. Les résultats sur le poids sont moins marqués
cette intervention, la partie qui sert à l'absorption
qu'avec l'agrafage vertical dont la variété la plus
des nutriments (anse commune) est réduite à un
classique est la gastrectomie en manchon («sleeve
segment de 450 à 550 cm de long. C'est l'anse
gastrectomy»). Dans ce cas on procède à une abla-
commune qui se trouve en aval du «Y ». Si l'on
tion complète du fundus et de la grande courbure
souhaite augmenter la malabsorption, il faut
de l'estomac qui se trouve réduit à un tube de faible
réduire la longueur de l'anse commune.
calibre qui va du cardia au pylore. Cette interven-
Ces techniques restrictives et malabsorptives
tion est plus efficace que l'anneau gastrique mais
sont indiscutablement les plus efficaces sur le
elle à l'inconvénient d'être irréversible.
plan pondéral. L'inconvénient majeur est qu'elles
Techniques restrictives ne sont pas anodines : risque péri- et postopé-
ratoire et à distance, possibilités de carences
et malabsorptives minérales et vitaminiques si une surveillance
Ce deuxième groupe de techniques chirurgi- nutritionnelle de longue durée n'est pas conduite
cales consiste à restreindre à la fois le volume de manière stricte. Les supplémentations vitami-
de l'estomac et l'absorption des nutriments. Ces niques doivent être réalisées avec des prépara-
techniques dites restrictives et malabsorptives tions polyvitaminées. Une attention particulière
A B
Figure 17.8. Illustration des deux grandes catégories de techniques utilisées en chirurgie métabolique.
A. Méthode restrictive et malabsorptive. Intervention avec réduction de la poche gastrique (50 mL) et réalisation d'un
court-circuit digestif avec montée d'une anse en «Y ». B. Méthode restrictive avec gastrectomie en manchon («sleeve
gastrectomy»).
193
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
doit être portée sur les supplémentations en fer, l'index de masse corporelle est ≥ 35 kg/m2. Devant
en vitamine B12 et en calcium sous peine de voir l'inflation du nombre des obèses dans certains
apparaître des anémies ou des déminéralisations pays comme les États-Unis, certaines recomman-
osseuses. Toutefois, toutes les vitamines sont dations, qui nous paraissent exagérées, suggèrent
concernées après ce type de chirurgie. Enfin, il que la chirurgie métabolique peut devenir une
faut être également vigilant sur le statut protéique option thérapeutique chez les personnes ayant un
des individus. Une balance protidique négative diabète de type 2, un index de masse corporelle
par diminution des apports protidiques peut compris entre 30 et 34,9 kg/m2 et qui ne sont pas
conduire à une réduction de la masse maigre et équilibrées de manière satisfaisante lorsqu'un
au-delà à une baisse du taux des protides plas- traitement antidiabétique optimisé a été mis en
matiques. Nous avons indiqué plus haut que la place, qu'il s'agisse d'antidiabétiques oraux ou
chirurgie métabolique peut être envisagée quand injectables, insuline incluse.
194
Prescrire un régime CHAPITRE
18
chez un patient
diabétique de type 2
en échec du traitement
par antidiabétiques oraux
L. Monnier
par antidiabétiques oraux pour passer progres- des récepteurs du GLP-1. À ce stade, l'obtention
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
sivement à des bithérapies puis éventuellement à d'une HbA1c inférieure à 7 % ne peut être obser-
des trithérapies orales. Quand on arrive au stade vée que si le patient en excès pondéral consent
de l'échec secondaire des thérapies orales à doses en plus à suivre une prescription diététique afin
maximales tolérées, la question qui se pose natu- de perdre du poids. Le régime de restriction calo-
rellement est de savoir s'il ne faut pas avoir recours rique est donc important pour placer le traitement
à l'insulinothérapie. Aujourd'hui en France, c'est par agonistes des récepteurs du GLP-1 dans des
plus de 80 000 patients traités jusque-là par anti- conditions optimales d'efficacité. Si les objectifs
diabétiques oraux qui doivent avoir recours à un d'HbA1c ne sont pas atteints, l'insulinothérapie
traitement insulinique. Depuis quelques années, va devenir indispensable. Si cette option est rete-
le patient en échec des antidiabétiques oraux peut nue, et si le patient est en surcharge pondérale,
195
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
non seulement le régime ne doit pas être aban- les crèmes glacées… ». Jusqu'ici il n'y a eu ni
donné ou négligé, mais il devrait au contraire être évaluation des apports nutritionnels ni prescrip-
poursuivi et même renforcé pour éviter tout gain tion diététique détaillée, quantifiée, personnali-
pondéral lors de la mise en route du traitement sée et clairement expliquée.
insulinique. En général, l'insuline est démarrée Après une monothérapie initiale par metfor-
sous la forme d'un schéma de type basal, c'est- mine à la dose de 1,7 g/j, les médecins ont été ame-
à-dire une seule injection quotidienne d'un ana- nés progressivement à intensifier le traitement
logue prolongé de l'insuline : détémir ou glargine. devant une détérioration de l'équilibre glycé-
Dans la majorité des cas l'injection est pratiquée mique de cette patiente. Après 15 ans d'évolution
avant le repas du soir. Si la mise sous insuline a le traitement en cours est le suivant :
été précédée par un essai thérapeutique par un • metformine (1,7 g/j) ;
agoniste des récepteurs du GLP-1, ce dernier • glimépiride (6 mg/j) ;
peut être poursuivi ou arrêté. La décision dépend • sitagliptine (100 mg/j).
le plus souvent des résultats obtenus pendant la Malgré ce traitement, l'HbA1c reste depuis
période de quelques mois ou semaines durant plusieurs mois supérieure à 8 %. Depuis plu-
laquelle l'agoniste des récepteurs du GLP-1 a été sieurs semaines, la glycémie avant le petit
testé. Si un effet même modéré a été obtenu sur le déjeuner est régulièrement comprise entre 1,8 et
poids et l'HbA1c, la poursuite de l'agoniste « en 2 g/L. Cette patiente ne fait qu'un seul contrôle
duo » avec l'insuline paraît justifiée. Dans le cas glycémique par jour. Enfin, la dernière HbA1c
contraire, il semble inutile de le continuer. Dès est à 8,7 %. Son médecin actuel pense que l'insu-
lors, l'amélioration de l'équilibre glycémique linothérapie est nécessaire mais la patiente est
repose sur l'insulinothérapie en sachant que dans réticente car elle ne se plaint de rien si ce n'est
ce cas il faut titrer au mieux le traitement afin depuis quelque temps de se lever en milieu de
d'éviter deux pièges. Le premier serait une « sous- nuit pour uriner.
titration » de l'insuline qui conduirait au maintien Cette observation pose de multiples problèmes.
d'une « surexposition » glycémique ; le deuxième • Dans la mesure où l'IMC est à 27,2 kg/m2,
serait un « surdosage » insulinique qui conduirait peut-on envisager une amélioration de l'équi-
à une prise de poids et au risque d'hypoglycémie. libre glycémique en maintenant seulement le
La titration optimale de l'insuline ne peut être traitement par antidiabétiques oraux, mais en
obtenue que si les règles hygiéno-diététiques sont demandant à la patiente de suivre une prescrip-
observées de manière correcte. C'est cet aspect tion diététique stricte ?
du problème qui va être développé dans les lignes • Faut-il envisager un traitement par un agoniste
qui suivent en se basant sur un exemple concret. des récepteurs du GLP-1 en couplant la mise
en route de ce traitement avec une prescription
diététique stricte ?
Cas clinique • Faut-il lui proposer d'emblée ou de manière
différée de débuter une insulinothérapie ? Dans
Une femme de 67 ans (poids : 72 kg, taille 162 cm, ce cas, quelles sont les mesures diététiques qui
IMC = 27,2 kg/m2) a un diabète de type 2 depuis doivent être envisagées ?
plus de 15 ans. Dans un premier temps, elle a reçu
des recommandations diététiques qui n'ont jamais
été réellement suivies au cours des 15 années Réponses aux différentes
d'évolution du diabète. Il faut également recon-
naître que ces recommandations n'ont jamais été questions posées avec discussion
établies sur des bases solides. En effet les deux ou des options proposées
trois médecins qui avaient ou ont assuré son suivi
s'étaient ou se sont contentés de prodiguer quelques Avant d'envisager cette discussion, il convient
vagues conseils du style : «éviter les charcuteries, de faire quelques commentaires sur la quasi-
les plats précuisinés achetés dans les grandes absence de prescription diététique et de ce fait
surfaces, les boissons sucrées, les pâtisseries, sur l'absence d'observance vis-à-vis de mesures
196
Chapitre 18. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2
diététiques qui n'ont pas été réellement claire- Première question – Peut-on
ment formulées. En effet, il apparaît que pendant envisager une amélioration
les 15 ans qui se sont écoulés depuis la découverte
de l'équilibre glycémique de cette
du diabète, c'est le traitement pharmacologique
qui a toujours été privilégié. Focaliser l'attitude patiente par la prescription
thérapeutique sur l'option médicamenteuse par d'une diététique stricte?
rapport à la prise en charge nutritionnelle est un
Première étape – Convaincre
cas de figure qui est loin d'être l'exception. Il est
même souvent la règle dans la mesure où certains la patiente du bien-fondé
experts diabétologues nord-américains ont pré- des renforcements thérapeutiques
tendu, il y a quelques années, qu'il était inutile (diététique en premier,
ou au moins peu utile de faire une prescription pharmacologique en second)
diététique chez les patients diabétiques de type 2
dont on venait de découvrir la maladie. Cette Cette première étape est loin d'être gagnée car la
attitude un peu surprenante, si ce n'est un peu patiente n'a pas de plainte particulière. Une HbA1c
consternante, est fondée sur l'argument que les à 8,7 % est certes élevée mais ce dosage n'est pas
prescriptions diététiques sont rarement suivies toujours «parlant » pour les patients alors qu'il
par les patients et que la durée de temps consa- correspond en général à une glycémie moyenne
cré à l'éducation diététique par rapport à son sur 24 heures de l'ordre de 1,8 g/L. Cette patiente
bénéfice éventuel est beaucoup trop importante. pratique une seule glycémie par jour avant le
Aujourd'hui, la revue américaine Diabetes Care, petit déjeuner. Bien que cette glycémie soit régu-
première référence internationale en matière lièrement comprise entre 1,8 et 2 g/L, il n'est pas
d'éducation et de recherche clinique et appli- sûr que ce contrôle ponctuel soit un élément de
quée dans le domaine du diabète, publie envi- motivation. Pour cette raison, il est indispensable
ron tous les 2 ans des recommandations portant d'aller plus loin et de montrer à la patiente que
sur la thématique « Nutrition et Diabète ». Bien cette élévation glycémique n'est ni ponctuelle, ni
qu'elles soient bien documentées, ces recom- isolée, mais qu'elle correspond à une hyperglycé-
mandations restent à notre avis un peu trop mie chronique qui concerne l'ensemble des glycé-
théoriques et peu exploitables en pratique par mies de la journée.
le médecin prescripteur. Par ailleurs, les arbres Le plus simple est de pratiquer quelques pro-
thérapeutiques proposés par le consensus ADA/ fils glycémiques sur la journée à condition qu'ils
EASD (American Diabetes Association/European comportent plusieurs contrôles glycémiques choi-
Association for the Study of Diabetes) indiquent sis de manière sélective pour refléter au mieux
clairement que les mesures hygiéno-diététiques l'évolution des glycémies sur la journée. Ceci peut
sont nécessaires dans le diabète sucré, sans être réalisé en mesurant la glycémie aux instants
toutefois en détailler les modalités alors que les suivants :
traitements pharmacologiques sont dévelop- • avant les trois repas de la journée ;
pés de manière exhaustive. Tous ces éléments • une heure et demie à 2 heures après le début
indiquent que la nutrition ne fait pas malheu- de chaque repas pour avoir une estimation de
reusement partie des préoccupations priori- ce que l'on désigne sous le terme de glycémies
taires de nombreux experts diabétologues, bien postprandiales ;
que tout le monde s'accorde pour en reconnaître • une glycémie avant le coucher.
les bienfaits potentiels. Dans ces conditions, on Ce profil glycémique dit «7 points » répété sur
comprend que les médecins prescripteurs ne se 2 à 3 jours consécutifs permet d'avoir une idée
sentent pas particulièrement investis dans cette beaucoup plus précise des désordres glycémiques
tâche. La conséquence est que de nombreuses qu'une simple glycémie ponctuelle. Dans le cas
personnes comme la patiente que nous avons présent, la patiente accepte de réaliser ce profil
prise pour exemple n'observent pas les recom- glycémique avec le lecteur de glycémie qui lui a été
mandations nutritionnelles lorsqu'elles sont for- prescrit il y a quelques années. Les résultats sont
mulées de manière trop imprécise. les suivants (fig. 18.1) :
197
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
2,0 Résultats
1,5 Petit déjeuner
1,0
• 1 tasse de café au lait sans sucre tous les jours :
60 kcal.
0,5 • 2 biscottes (60 kcal) et 1 cuillerée à café de
8 12 19 23 confiture normale (25 kcal).
Heures de la journée • 1 fruit (50 kcal).
Le dimanche, la patiente remplace les 2 bis-
Figure 18.1. Profil glycémique « 7 points»
cottes et la confiture par 1 croissant (250 kcal).
chez la patiente prise pour exemple.
Profil sous antidiabétiques oraux à doses maximales, Repas de midi
avant tout renforcement du traitement diététique ou
médicamenteux par un agoniste des récepteurs du GLP-1 • Entrées : 100 g de crudités (25 kcal) avec dit-
ou par insuline. elle 1 cuillerée à café d'huile végétale (45 kcal).
Deux fois par semaine, les crudités sont rempla-
• glycémie avant le petit déjeuner = 2 g/L ; cées par 3 tranches de saucisson (300 kcal).
• glycémie une heure et demie après le petit • Plat principal :
déjeuner = 2,5 g/L ; Ŕ 200 g de féculents sous forme de pommes de
• glycémie avant le repas de midi = 2 g/L ; terre, de pâtes ou de riz (200 kcal) avec un
• glycémie une heure et demie après le repas de peu de sauce : 1 cuillerée à café ou à soupe (la
midi = 2,30 g/L ; patiente ne sait pas trop)? Dans ces conditions,
• glycémie avant le repas du soir = 1,5 g/L ; l'apport calorique peut aller de 25 à 50 kcal;
• glycémie une heure et demie après le repas du Ŕ 100 g de viande grillée ou 1 portion de poisson
soir = 2,20 g/L ; cuit au four (1 à 2 fois par semaine) (150 kcal).
• glycémie avant le coucher = 2,10 g/L ; • Dessert :
La moyenne glycémique est à 2,08 g/L. Ŕ 1 fruit (50 kcal).
Au vu de ce profil, la patiente prend conscience Ŕ 1 portion de fromage (120 kcal).
du mauvais équilibre de «son » diabète et se dit Le dimanche, la patiente remplace le fruit et la
prête à suivre les recommandations. portion de fromage par une pâtisserie (350 kcal).
À noter que la patiente consomme régulière-
ment environ 1/4 de baguette de pain (50 g), soit
Deuxième étape – 120 kcal au repas de midi.
La prescription diététique
Évaluation des dépenses Repas du soir
énergétiques (W) • Entrées : 100 g de crudités (25 kcal) avec dit-
La patiente a une activité physique moyenne. elle 1 cuillerée à café d'huile végétale (45 kcal).
Compte tenu de son âge et des données indi- Jamais de charcuterie.
quées sur le tableau 15.3 ses besoins énergé- • Plat principal :
tiques sont de l'ordre de 2 200 kcal/j. Si l'on Ŕ 200 g de féculents (200 kcal) sous forme de
souhaite lui faire perdre du poids, c'est donc pommes de terre ou de pâtes ou de riz avec
un régime aux alentours de 1 400 à 1 600 kcal/j un peu de sauce : 1 cuillerée à café ou à soupe
(tableau 15.6) qu'il faudrait lui prescrire. Une (comme précédemment, la patiente ne sait
enquête alimentaire préalable est toutefois pas trop). Dans ces conditions, l'apport calo-
souhaitable pour préciser les habitudes alimen- rique peut aller de 25 à 50 kcal ;
taires de la patiente. Ŕ 100 g de viande grillée (150 kcal).
198
Chapitre 18. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2
Deux fois par semaine, la patiente remplace Grand total des apports caloriques
les féculents et la viande par une portion de tarte moyens sur une journée
salée (quiche ou pizza) (350 kcal). 219 + 827 + 667 = 1 773 kcal/j.
• Dessert : 1 fruit (50 kcal) et 1 yaourt (60 kcal).
Interprétation
À noter que la patiente consomme régulière-
ment environ 1/4 de baguette de pain (50 g), soit Au terme de cette enquête alimentaire, trois
120 kcal au repas du soir. remarques évidentes peuvent être émises : le
recueil des données est long, le calcul est « beso-
Calcul des apports caloriques
gneux » et, de surcroît, le résultat fourni est
Petit déjeuner probablement sous-estimé. Le calcul conduit à
• Petit déjeuner habituel : 195 kcal. un résultat Q = 1 773 kcal/j alors que la dépense
• Petit déjeuner du dimanche : 360 kcal. calorique (W) de cette patiente, qui est en poids
• Moyenne des apports caloriques au petit déjeu- stable, est estimée à 2 200 kcal/j. En application
ner sur chaque jour de la semaine = [(195 × 6) du premier principe de la thermodynamique,
+ 360] divisé par 7 = 219 kcal/j. Q devrait être égal à W, ce qui indique que
l'enquête alimentaire pratiquée par interroga-
Repas de midi toire a conduit à une sous-estimation en pour-
• Entrées : centage égale à (2 200 Ŕ 1 773)/2 200 = −19 %.
Ŕ repas de midi habituel : 70 kcal ; La sous-estimation est certainement liée à une
Ŕ repas de midi avec charcuterie : 300 kcal ; sous-déclaration des apports lipidiques car il est
Ŕ moyenne des apports caloriques en probable que tous les corps gras (beurre, marga-
entrées sur chaque jour de la semaine = rines, huiles végétales) n'ont pas été répertoriés.
[(70 × 5) + (300 × 2)] divisé par 7 = 136 kcal/j. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que
• Plat principal : moyenne des apports caloriques les médecins soient peu enclins à se lancer dans
du plat principal sur chaque jour de la semaine une enquête alimentaire classique dans leur pra-
= [(200 + 25) × 7] + [150 × 7], somme totale tique quotidienne au cours d'une consultation
ensuite divisée par 7 = 375 kcal. dont la durée est forcément limitée. Pourquoi
• Dessert : passeraient-ils un temps considérable pour arri-
Ŕ moyenne des apports caloriques au dessert ver à un résultat qui est manifestement sous-
sur chaque jour de la semaine = [(50 + 120) estimé ? C'est pour cette raison que l'enquête
× 6] + [350], somme totale ensuite divisée par alimentaire rapide telle que nous l'avons déve-
7 = 196 kcal/j ; loppée dans d'autres chapitres nous paraît une
Ŕ moyenne des apports caloriques totaux du méthode beaucoup plus appropriée pour estimer
repas de midi sur chaque jour de la semaine les apports nutritionnels. Rappelons que cette
= 136 + 375 + 196 + 120 (pain) = 827 kcal/j. enquête peut être faite en quelques minutes sur le
principe des « Food Frequency Recalls » et qu'elle
Repas du soir donne un résultat voisin de celui qui correspond
• Entrées : moyenne des apports caloriques en à la réalité avec une sous-estimation nulle ou très
entrées sur chaque jour de la semaine = 70 kcal/j. modeste. Toutefois, certains diront : « pourquoi
• Plat principal : moyenne des apports caloriques faire une enquête alimentaire, même rapide, si
du plat principal sur chaque jour de la semaine le résultat est identique à celui de l'estimation
[(200 + 25 + 150) × 5 + (350) × 2], somme divi- des dépenses caloriques ». Cette remarque est
sée ensuite par 7 = 367 kcal/j. parfaitement légitime, mais elle omet de dire que
• Dessert : moyenne des apports caloriques au l'enquête alimentaire apporte des données com-
dessert sur chaque jour de la semaine = 50 + 60 plémentaires sur la consommation en protides et
= 110 kcal/j. sur les comportements alimentaires spécifiques.
• Moyenne des apports caloriques totaux du De plus et surtout, elle permet d'amorcer un dia-
repas du soir sur chaque jour de la semaine = 70 logue avec le patient ce qui est un prélude indis-
+ 367 + 110 + 120 (pain) = 667 kcal/j. pensable avant toute prescription diététique.
199
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
200
Chapitre 18. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2
Glycémie (mg/dL)
160
140
Delta basal
120 80 mg/dL
= 0,80 g/L
100
80
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Temps de la journée (heures)
Figure 18.2. Enregistrement continu de la glycémie sur 24 heures chez la patiente prise pour exemple.
Profil enregistré après quelques mois de traitement par mesures diététiques renforcées et par un agoniste des récepteurs
du GLP-1. Les résultats montrent une persistance des désordres glycémiques avec une hyperglycémie basale fortement
prédominante. La contribution du basal par rapport au postprandial (PP) peut être évaluée en calculant le rapport
Δbasal/ΔPP où Δbasal est égal à la différence entre la glycémie avant le petit déjeuner et 1 g/L, et où ΔPP est égal à la
différence entre le pic glycémique post-petit déjeuner et la glycémie avant le petit déjeuner.
Chez la patiente prise pour exemple Δbasal = 0,80 g/L et ΔPP = 0,40 g/L avec un rapport Δbasal/ΔPP = 2.
l'hyperglycémie basale sur l'hyperglycémie post- masse corporelle (IMC) a été ramené au voisinage
prandiale. Devant ces constatations, le médecin de la normale grâce aux traitements antérieurs
décide de traiter la patiente par une insulinothéra- qu'ils soient nutritionnels ou médicamenteux. En
pie basale sous la forme d'un analogue prolongé de revanche, compte tenu du fait que l'insulinothéra-
l'insuline, la glargine U100 (Lantus®), dont la durée pie comporte un risque d'hypoglycémie (un épi-
d'action est environ de 24 heures. L'injection est sode symptomatique par mois en moyenne chez
réalisée une fois par jour, avant le dîner, avec une ce type de patiente), il est indispensable de com-
posologie de départ égale à 10 unités. pléter les recommandations diététiques quantita-
L'instauration de l'insulinothérapie sous- tives par des conseils plus qualitatifs portant sur la
entend que plusieurs messages éducatifs soient répartition des glucides au cours de la journée au
transmis à la patiente. moment des trois repas principaux et au moment
des collations quand elles sont nécessaires ou
Premier message – souhaitables. L'introduction de collations inter-
Maintenir le régime prandiales ou avant le coucher doit être prise en
considération quand on considère que le risque
Cette mesure est indispensable sous peine d'assis- d'hypoglycémie est élevé à un moment donné de
ter à une prise pondérale sous traitement insuli- la journée. Le plus souvent c'est au milieu de la
nique. Toutefois pour éviter les hypoglycémies nuit avec ce type de schéma insulinique.
et dans la mesure où la patiente a perdu un peu Dans ces conditions il est parfois utile de refaire
de poids pendant les quelques mois qui ont pré- un holter glycémique en ambulatoire lorsque
cédé le traitement insulinique, il est recommandé les doses optimales auront été trouvées après
d'élargir l'apport calorique et de le porter à un quelques semaines de titration.
niveau compris entre 1 800 et 2 000 kcal/j, alors
que le régime initial avait été fixé à 1 600 kcal/j.
Deuxième message – Définir
Si on choisit 2 000 kcal/j, c'est-à-dire un régime
quasiment normocalorique, ceci signifie que des objectifs glycémiques clairs
l'on cherche à stabiliser le poids. Cette attitude La cible thérapeutique recommandée chez cette
semble raisonnable dans la mesure où l'index de patiente était d'atteindre une glycémie avant le
201
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
petit déjeuner (glycémie de référence) comprise avant le dîner qui sert de glycémie de sécurité. De
approximativement entre 1,1 et 1,5 g/L. Après plus de temps en temps, tous les 15 jours ou tous
une augmentation progressive des doses d'insu- les mois, il est préférable de demander au patient
line, la glycémie finit par se stabiliser entre 1,2 d'effectuer un profil glycémique « 7 points » pour
et 1,4 g/L avec une dose d'insuline glargine U100 vérifier que le couplage mesures diététiques-
de 28 unités par jour. Le holter glycémique pra- insuline est correct.
tiqué à ce moment-là (fig. 18.3) montre que les
glycémies les plus basses (nadirs glycémiques) se
situent aux alentours de 1,05 g/L vers 4Ŕ5 heures
du matin et en fin d'après-midi, juste avant le Conclusion
dîner. Il convient de noter que ce type de pro-
fil glycémique est tout à fait classique avec une Au terme de cette observation, il apparaît que
glycémie de fin d'après-midi qui est, en général, la nature de la prescription diététique n'est pas
identique au nadir glycémique nocturne. C'est immuable chez un patient diabétique. Elle doit
pour cette raison que la glycémie qui précède le être personnalisée et adaptée en fonction du
dîner peut être considérée comme une glycémie poids et du type de traitement. Dans le cas pré-
de « sécurité » qui devrait être maintenue au- sent la prescription diététique a été différente
dessus de 1 g/L pour éviter les hypoglycémies au moment de l'échec secondaire des antidia-
autant que faire se peut. La présence de glycémies bétiques oraux à doses maximales tolérées et
trop basses en fin d'après-midi et la survenue lorsque la patiente a été mise sous traitement
d'hypoglycémies nocturnes doivent conduire à insulinique. Quand ce type de traitement a été
un réajustement à la baisse des doses d'insuline mis en train il doit être surveillé pour adapter les
et, éventuellement, à l'introduction d'une colla- doses d'insuline mais également pour réviser les
tion apportant 20 g de glucides avant le coucher. consignes diététiques en fonction du profil gly-
Par ailleurs, ceci signifie qu'une personne sous cémique. C'est ainsi que l'on peut être conduit à
insulinothérapie basale devrait faire au moins modifier la répartition des glucides sur les trois
deux glycémies par jour, l'une avant le petit principaux repas et à introduire de nouvelles col-
déjeuner pour titrer les doses d'insuline, l'autre lations ou au contraire à en supprimer.
Glycémie (mg/dL)
Petit déjeuner Dîner
220
200
180
160
140
Glycémie de sécurité
120
Glycémie de référence
100
80
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24
Temps de la journée (heures)
Figure 18.3. Enregistrement continu de la glycémie sur 24 heures chez la patiente prise pour exemple.
Profil enregistré après initiation et titration de l'insulinothérapie (profil en trait plein). Pour mémoire est rappelé en trait
pointillé le profil avant l'initiation de l'insulinothérapie. Les deux glycémies les plus importantes pour la surveillance
ultérieure de l'équilibre glycémique sous insuline sont indiquées par les points noirs.
202
Prescrire un régime chez CHAPITRE
19
un patient diabétique
de type 2 avec des
facteurs de risque
cardiovasculaires
associés au diabète
L. Monnier
203
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Diabète Diabéto-dépendance
Dyslipidémie
de type 2 « diabétique »
Insulinorésistance
Obésité
Figure 19.1. Relations entre diabète de type 2, dyslipidémie du diabétique, insulinorésistance liée
à l'obésité et facteurs environnementaux nutritionnels.
pouvant atteindre 85 % dans certaines séries. diabétiques de type 2 pour lesquels on peut consi-
La forme la plus fréquente est une hypertrigly- dérer que les taux de LDL-cholestérol sont trop
céridémie associée à une diminution du HDL- élevés. Ainsi, la situation du patient diabétique est
cholestérol. Ces anomalies quantitatives cachent très différente de celle du sujet non diabétique et
des désordres plus subtils tels que la présence de les normes que l'on doit appliquer au diabétique
petites LDL denses très athérogènes. Ces dernières n'ont rien à voir avec celles qui sont définies pour
ne peuvent être détectées que par des techniques les sujets exempts de diabète.
comme l'ultracentrifugation qui est hors du Le phénotypage simple de la dyslipidémie du
champ de l'exploration routinière des désordres diabétique (ou associée au diabète) conduit à
lipidiques. C'est pour cette raison qu'en pratique identifier trois entités (fig. 19.2).
clinique on se contente d'un phénotypage simple
basé sur le dosage plasmatique du cholestérol Hypertriglycéridémie
total, des triglycérides et du HDL-cholestérol. pure sans hypercholestérolémie
En utilisant le calcul basé sur la formule de
C'est la forme la plus fréquente. Elle est carac-
Friedewald et à condition que les triglycérides
térisée par une hypertriglycéridémie (taux de
soient inférieurs à 3 g/L, il est possible d'avoir une
triglycérides > 1,5 g/L) et une diminution du
estimation du LDL-cholestérol. Ce dernier n'est
HDL-cholestérol (< 0,40 g/L chez les hommes et
classiquement pas augmenté dans la dyslipidémie
< 0,50 g/L chez les femmes). Cette forme pourrait
du diabétique si on prend pour référence les seuils
être caractérisée comme une hypertriglycéridé-
qui sont habituellement proposés chez les sujets
mie pure sans hypercholestérolémie.
non diabétiques : 1,60 g/L par exemple. Toutefois,
si l'on considère que le diabétique de type 2 est Hypercholestérolémies isolées
un sujet à haut risque d'accident cardiovascu-
(avec augmentation élective
laire, on devrait normalement considérer que le
LDL-cholestérol devrait être inférieur à 1 g/L et du LDL-cholestérol)
même à 0,70 g/L pour certains. Si l'on prend ces En principe, elles ne sont pas plus fréquentes chez
valeurs seuil pour référence, c'est une majorité de les patients diabétiques que chez les personnes qui
204
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...
LDL-cholestérol (g/L)
Limite
LDL-chol
supérieure
dépend du
nombre
de facteurs de
risque
Triglycérides (g/L)
1,5 g/L
205
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
néfaste pour tous les secteurs vasculaires avec hormonosensible dont le rôle est d'hydrolyser
peut-être une spécificité pour les artères des les triglycérides plasmatiques transportés par les
membres inférieurs. L'agressivité de l'association VLDL ou very low density lipoproteins (fig. 19.3).
diabète-dyslipidémie pour les parois vasculaires La baisse du HDL-cholestérol (dit d'« antirisque »)
des artères coronaires a été confirmée par les est mécaniquement liée à l'augmentation des tri-
études d'intervention. L'étude STENO, publiée glycérides plasmatiques. La relation inverse entre
il y a quelques années a montré que la réduction les deux paramètres a été établie par de nom-
de la dyslipidémie est aussi importante si ce n'est breuses études (fig. 19.4). Cette baisse du HDL-
plus que l'amélioration de l'équilibre glycémique. cholestérol peut être expliquée par les désordres
Dans ces conditions, la prise en charge d'une engendrés par l'insulinorésistance et l'insuli-
dyslipidémie associée au diabète sucré est cru- nopénie relative au niveau du métabolisme du
ciale si on souhaite réduire les risques d'accidents HDL-cholestérol. Le déficit en lipoprotéine lipase
cardiovasculaires. entraîne un défaut de formation des HDL natives
qui proviennent du catabolisme des chylomicrons
Mécanisme et des VLDL. De plus, le cholestérol transporté
par les HDL est transféré préférentiellement dans
des dyslipidémies du diabète les VLDL et les LDL par la CETP (cholesteryl ester
L'insulinorésistance et l'insulinopénie relative transfer protein) dont l'activité est augmentée
sont les deux causes principales de ce type de dys- dans les états d'insulinorésistance et d'insulino-
lipidémie. En effet, l'insuline est une hormone clé pénie relative. Ainsi le défaut de la production des
dans la régulation du métabolisme des triglycé- HDL et l'excès de transfert du cholestérol des HDL
rides plasmatiques. De manière globale, elle freine vers des lipoprotéines athérogènes conduisent à la
la production des triglycérides plasmatiques par diminution du HDL-cholestérol, qui constitue
le foie et elle stimule l'épuration plasmatique des l'une des caractéristiques de la dyslipidémie du
triglycérides en activant la lipoprotéine lipase diabétique de type 2 (fig. 19.5). Toutes les mesures
CE
Production de Insuline Tissu
TG + adipeux
triglycérides et de
cholestérol par le foie LPL
VLDL
Catabolisme des
triglycérides
des VLDL
Triglycérides
Cholestérol estérifié
Catabolisme des
triglycérides
des IDL Tissu
Autres adipeux
CE LPL
tissus Catabolisme du
cholestérol
TG +
des LDL LDL Insuline
Figure 19.3. Représentation simplifiée de la circulation des triglycérides et du cholestérol à
l'intérieur de l'organisme. Il faut noter que l'insuline active la lipoprotéine lipase (LPL).
TG : triglycérides ; CE : cholestérol estérifié ; VLDL : very low density lipoprotein ; LDL : low density lipoprotein.
206
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...
CHOL
VLDL+LDL
FOIE
Chylo LPL
HDL
+VLDL natives
Artère
CETP avec dépôt
CHOL intrapariétal
CHOL de cholestérol
HDL
VLDL+LDL
207
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
riche en fructose, mais il faut savoir que certains Dans les hyperlipidémies de type mixte, leur
fruits secs comme les dattes contiennent à par- efficacité est en général bonne sur la composante
ties égales de grandes quantités de fructose et de hypertriglycéridémique. En revanche, il persiste
glucose. Le goût très sucré du miel est en grande souvent une hypercholestérolémie résiduelle car
partie lié à sa grande teneur en fructose (40 %). Le les taux de cholestérol plasmatique sont beau-
saccharose apporté par l'alimentation est hydro- coup moins sensibles aux mesures diététiques
lysé au niveau des entérocytes pour libérer du glu- (diéto-sensibilité) et au contrôle des désordres
cose et du fructose, lesquels sont ensuite déversés glycémiques (diabéto-sensibilité). Ceci s'explique
dans le torrent circulatoire pour être métabolisés. aisément par le fait que le cholestérol non HDL
De toute manière, chez des sujets prédisposés est la somme du LDL-cholestérol et du VLDL-
comme le sont les diabétiques insulinorésistants cholestérol (fig. 19.3 et 19.5). La production des
avec une insulinosécrétion résiduelle altérée, un VLDL étant très sensible aux mesures diététiques
apport excessif en sucres simples peut entraîner et à l'équilibre diabétique, c'est cette fraction qui
une production exagérée de triglycérides par le va être impactée dans les hyperlipidémies de
foie avec pour conséquence une hypertriglycé- type mixte. Toutefois le cholestérol des VLDL est
ridémie endogène. Le terme «apport excessif » une composante mineure du cholestérol plasma-
correspond pour le patient diabétique à un apport tique non HDL qui est surtout transporté sous
qui serait souvent considéré comme «raison- forme de LDL-cholestérol (fig. 19.3) dont les taux
nable » pour un sujet exempt de diabète sucré. Il sont peu sensibles au régime et au contrôle du
s'agit donc d'un excès relatif. Ceci signifie que la diabète. Le caractère diéto- et diabéto-résistant
réduction de ce type de dyslipidémie doit passer des hypercholestérolémies, qu'elles soient ou non
obligatoirement par une limitation des substrats combinées aux hypertriglycéridémies, impose
qui participent à la production des triglycérides. souvent d'avoir recours à des traitements pharma-
La réduction des acides gras se fait naturellement cologiques qui seront envisagés en parallèle.
à travers la restriction calorique. La réduction des
sucres simples implique de limiter au minimum Conduite pratique
les apports en aliments ou boissons à goût sucré dans les hypertriglycéridémies pures
(confitures, miel, pâtisseries, entremets sucrés,
Deux éléments dont il convient
boissons sucrées du commerce). Enfin, les bois-
de tenir compte en priorité
sons alcoolisées doivent être proscrites car l'alcool
est un puissant inducteur des hypertriglycéridé- Le sujet est obèse
mies chez les sujets comme les diabétiques qui ou en surcharge pondérale
sont prédisposés à ce type de désordre lipidique. Il faut envisager un régime de restriction calorique
en le couplant à une réduction des glucides simples
Conduite pratique (aliments et boissons à goût sucré) et un arrêt des
du régime en cas de dyslipidémie boissons alcoolisées. L'apport total en glucides doit
chez un patient diabétique être fixé aux alentours de 45 % des calories totales.
Dans certains cas, la restriction glucidique doit
Trois cas de figure vont être envisagés : hyper- être portée à 40 % de l'apport énergétique total.
triglycéridémie endogène pure, hyperlipidémie
Le sujet a un diabète mal équilibré
de type mixte et hypercholestérolémie pure sans
hypertriglycéridémie. D'emblée, il faut souligner Il faut revoir le traitement pharmacologique anti-
que la sensibilité aux mesures diététiques décroît diabétique afin de ramener l'HbA1c en dessous de
en fonction du type de la dyslipidémie en allant 7 % selon les recommandations des organismes
des hypertriglycéridémies vers les hypercholes- nationaux (Haute Autorité de santé ou HAS) et
térolémies. Il en est de même pour la diabéto- internationaux (American Diabetes Association
dépendance. Concrètement, ceci signifie que ou ADA et International Diabetes Federation ou
les prescriptions diététiques et l'amélioration IDF). Cet objectif de 7 % doit être évidemment
de l'équilibre glycémique sont efficaces sur les modulé en fonction de la «vulnérabilité » du
hypertriglycéridémies pures et qu'elles ont peu patient (âge, présence de complications cardiovas-
d'action sur les hypercholestérolémies pures. culaires) et du risque d'hypoglycémie.
208
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...
Si le sujet n'est ni en excès pondéral, Nous n'insisterons jamais assez sur le fait que la
ni mal équilibré sur le plan glycémique somme des calories fournies par les glucides et
Dans ce cas, qui est dans l'ensemble le moins les acides gras monoinsaturés doit représenter
fréquent, il faut prescrire un régime normoca- environ les deux tiers de l'apport énergétique soit
lorique avec des mesures diététiques spécifiques 45 % de glucides et 20 % sous forme d'acides gras
qui rejoignent celles que nous avons évoquées monoinsaturés (cf. fig. 7.12). Cette répartition
précédemment. paraît la plus efficace chez les patients diabétiques
• Arrêt des boissons alcoolisées. de type 2 depuis que les travaux de Reaven aux
• Contrôle des apports glucidiques aux alentours États-Unis ont montré que c'est elle qui conduit
de 40Ŕ45 % de l'apport énergétique total. aux meilleurs profils en termes de glycémie et
• Réduction drastique ou suppression des sucres de triglycérides plasmatiques lorsque ces deux
rapides. La vigilance devrait surtout s'exercer paramètres sont enregistrés sur une durée de
au niveau des boissons sucrées dont la teneur en 24 heures (fig. 19.6).
saccharose par litre est de l'ordre de 120 g. Tous
les produits alimentaires à goût sucré : confi- L'huile d'olive : indispensable pour
series, confitures, miel, pâtisseries, biscuits atteindre l'objectif de 20 % de calories
sucrés, doivent être déconseillés. sous forme de graisses monoinsaturées
Ces mesures doivent être conjuguées avec un Pour que la prescription soit facile à réaliser, nous
apport substantiel en acides gras monoinsaturés. réitérons la proposition simple que nous avons
16 P< 0,001
GLYCÉMIEmmol/L
12
8
4
0
5
TRIGLYCÉRIDESmmol/L
P< 0,001
4
3
2
1
0
8 10 12 14 16 18 20 22 24 2 4 6 8
Heures de la journée
209
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
déjà énoncée à plusieurs reprises : prévoir un Tableau 19.1. Calcul de l'apport en acides
apport en huile d'olive égal à une cuillerée à soupe gras monoinsaturés (MIS) dans un régime
chaque fois que l'on apporte 700 kcal. à 1 400 kcal/j dans lequel on préconise la
Pour donner une démonstration claire de consommation quotidienne de 2 cuillerées à
cette proposition, nous proposons au lecteur soupe d'huile d'olive.*.
de revenir au régime à 1 400 kcal décrit dans
Type d'aliment Quantité Apport en
le chapitre 17 et de compléter le calcul. En
MIS (g)
reprenant les données de ce régime nous allons
démontrer que l'objectif à 20 % de calories sous Viande ou Eq viande 1,5 Eq 7,5
forme d'acides gras monoinsaturés est bien Lait ou 2 Eq lait repartis en :
atteint en se basant sur la recommandation de
consommer 2 cuillerées à soupe d'huile d'olive Ŕ lait Ŕ 200 mL 2
qui apportent 15 g de graisses monoinsaturées. Ŕ pots de yaourts Ŕ 2 pots 1
Avant de se lancer dans ce calcul qui est indiqué
sur le tableau 19.1, il convient de rappeler que Portions de corps gras : 3 Eq
répartis en :
l'huile d'olive a une teneur moyenne en acide
oléique de l'ordre de 75 % et que de nombreux
aliments comme la viande contiennent une Ŕ càs d'huile d'olive Ŕ2 15
quantité non négligeable d'acide oléique comme Ŕ beurre Ŕ 10 g 2,5
indiqué ci-dessous. Apports forfaitaires en MIS 3
par les autres aliments
Total des apports 31 g
• Côtelette d'agneau : 10 g pour 100 g. en monoinsaturés
• Viande de bœuf : 5 g pour 100 g.
Les 31 g d'acides gras monoinsaturés correspondent à un apport
• Volaille : 2Ŕ3 g pour 100 g.
calorique égal à 279 kcal pour un apport calorique total de
• Poisson gras : 2 à 3 g pour 100 g. 1400 kcal/j, soit ≈ 20 % de l'apport énergétique quotidien.
• Œufs : 2 à 3 g pour 100 g. * L'huile d'olive ayant une teneur moyenne en acide oléique de
• Lait : 2 g pour 200 mL. l'ordre de 75 %, 2 cuillerées à soupe apportent 15 g d'acide oléique.
• Fromages affinés : 6Ŕ10 g pour 100 g.
Que faut-il envisager quand les mesures
• Fromage blanc : 2 g pour 100 g.
• Yaourts : 0,5 g pour 100 g. diététiques ne suffisent pas pour corriger
• Beurre : 25 g pour 100 g. l'hypertriglycéridémie ?
Après s'être assuré que le régime a été correctement
suivi, il est possible, si l'hypertriglycéridémie n'a pas
Le beurre est riche en acide oléique, été corrigée, de prescrire un traitement médicamen-
mais il contient également beaucoup d'acides teux sous forme de fibrates. Ces médicaments, qui
gras saturés. En tenant compte de tous les sont des activateurs de la lipoprotéine lipase (LPL),
aliments qui apportent des quantités substan- exercent une action hypotriglycéridémiante. En
tielles d'acides gras monoinsaturés et en consi- général, ils permettent une réduction de l'hypertri-
dérant que l'ensemble des aliments pauvres en glycéridémie «résiduelle» de l'ordre de 40 %. Ainsi,
acides gras monoinsaturés correspond à un on peut considérer que chez un sujet qui garde un
apport forfaitaire de 3 g, on arrive à un total taux de triglycérides compris entre 1,5 et 2,5 g/L après
de 31 g par jour avec le régime à 1 400 kcal pris des mesures diététiques et l'obtention d'un contrôle
pour exemple et que nous avions proposé dans glycémique correct, il est possible d'arriver à un taux
le chapitre 17. Cet objectif est bien obtenu à < 1,5 g/L si on rajoute un traitement par fibrates
condition que deux des trois portions de corps (fénofibrate ou bézafibrate, par exemple). L'autre
gras soient consommées sous forme d'huile alternative, qui donne des résultats superposables,
d'olive. Dans ces conditions, 31 g de graisses est l'utilisation d'un traitement par niacine. Toutefois
monoinsaturées apportent 31 × 9 = 279 kcal les fibrates nous paraissent préférables car la niacine
soit environ 20 % de l'ensemble des 1 400 kcal a des effets secondaires relativement fréquents qui
fournies par ce régime. importunent la vie du sujet (épisodes de «flush»).
210
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...
Conduite pratique dans les signifie qu'il faut déployer beaucoup d'efforts
hyperlipidémies mixtes pour peu de résultats. C'est pour cette raison
qu'une hypercholestérolémie absolue ou relative,
Les principes thérapeutiques sont tout à fait
lorsqu'elle est détectée chez un patient diabétique,
superposables à ceux des hypertriglycéridémies requiert un traitement pharmacologique par sta-
pures. La seule différence réside dans les résul- tine : pravastatine, simvastatine, atorvastatine ou
tats des mesures diététiques et de l'équilibration rosuvastatine. La plupart des statines permettent
du diabète, qui sont en général satisfaisants d'obtenir une baisse du LDL-cholestérol comprise
sur la composante « triglycérides » mais beau- entre 30 et 50 % avec des différences assez mar-
coup moins sur la composante cholestérol. En quées entre les différents produits (fig. 19.7). Si les
cas d'hypercholestérolémie « résiduelle » après résultats sont insuffisants il est toujours possible
application des mesures diététiques communes d'ajouter un traitement par ézétimibe (Ezétrol®)
à toutes les hypertriglycéridémies, qu'elles soient qui permet de gagner 15 % supplémentaires.
pures ou mixtes, il est possible d'envisager des Chez de nombreux patients diabétiques, il faut
traitements nutritionnels plus spécifiques. Parmi bien reconnaître que les taux plasmatiques du
ces derniers, on peut citer la réduction à moins LDL-cholestérol sont au-dessus des seuils conseil-
de 300 mg/j des apports alimentaires en choles- lés dans la mesure où le diabète sucré est un fac-
térol ou la supplémentation de l'alimentation teur de risque indépendant majeur. Certains
en phytostérols. Toutefois ces mesures restent considèrent même que le diabète est un équivalent
souvent insuffisantes pour normaliser les taux de maladie cardiovasculaire. Dans ces conditions,
de cholestérol plasmatique. À ce moment-là, la les patients diabétiques devraient avoir un taux
seule solution est d'envisager un traitement par plasmatique de LDL-cholestérol au moins infé-
statine à la dose minimale efficace pour rame- rieur à 1 g/L. Pour atteindre cet objectif c'est une
ner le LDL-cholestérol en dessous du seuil qui majorité de diabétiques qui devraient recevoir
a été fixé : moins de 1 g/L dans la majorité des un traitement par statine car, spontanément et à
cas ; moins de 0,70 g/L si le sujet est à haut risque l'instar de ce qui est observé dans la population
d'accident cardiovasculaire. générale non diabétique, c'est plus de 80 % des
Conduite pratique personnes diabétiques qui ont un taux plasma-
tique de LDL-cholestérol supérieur à 1 g/L.
dans les hypercholestérolémies pures
Les mesures diététiques sont en général déce-
vantes. De surcroît, elles sont contraignantes Diabète de type 2
pour le patient car elles impliquent de réduire les et hypertension artérielle
apports alimentaires en cholestérol à moins de
300 mg/j, voire même à moins de 200 mg/j. Quand Les valeurs tensionnelles devraient être mainte-
on sait qu'un jaune d'œuf contient 300 mg de nues en dessous de 130/80 mmHg car l'élévation
cholestérol et qu'une petite portion de viande en de la pression artérielle est un facteur de risque
apporte 100 mg, il est facile de comprendre qu'un cardiovasculaire bien identifié. L'augmentation
régime pauvre en cholestérol soit difficile à mettre de la pression artérielle exerce ses effets délétères
en œuvre et surtout à suivre sur le long terme. sur l'ensemble du réseau artériel avec toutefois
Des produits diététiques enrichis en phytostérols une cible préférentielle : les vaisseaux cervicaux
peuvent être proposés. L'apport doit être au moins (artères carotides et vertébrales). Au niveau des
de 1,6 g/j pour espérer atteindre péniblement reins et de la rétine, l'hypertension artérielle
une diminution du LDL-cholestérol de l'ordre de aggrave les risques de néphropathie et de réti-
10 %. Ceci peut être obtenu grâce à l'utilisation nopathie par ses effets néfastes sur les endothé-
de margarines enrichies en phytostérols dont la lium des capillaires des glomérules rénaux et des
teneur est de l'ordre de 800 mg pour 10 g (mar- vaisseaux rétiniens. En d'autres termes tous les
garine ProActiv par exemple). Dans la majorité vaisseaux de l'organisme sont concernés par les
des cas, les mesures diététiques restent modestes conséquences d'une pression artérielle excessive
en matière d'hypercholestérolémies pures, ce qui et mal contrôlée.
211
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
–10
RéductionduLDL-Cholestérol(%)
–20
–30 Pravastatine
–40 Simvastatine
–50
–60 Atorvastatine
–70 Rosuvastatine
Dose le plus souvent utilisée
ou recommandée
Doses de statines
10 20 40 80 (mg/j)
Figure 19.7. Effets de différentes catégories de statines sur le LDL-cholestérol.
Pour chaque statine, il existe une dose recommandée qui correspond en général à la posologie qui entraîne la baisse la
plus forte du LDL-cholestérol. Au-delà de cette dose, la chute de LDL-cholestérol est beaucoup plus faible (en moyenne Ŕ
6 % chaque fois que l'on double la dose).
Dans la majorité des cas le contrôle de la pres- déconseiller au sujet le fâcheux réflexe d'utiliser
sion artérielle nécessite un traitement médica- la salière à table.
menteux, préférentiellement par inhibiteurs de
l'enzyme de conversion (IEC) ou par antagonistes Le régime hyposodé :
de l'angiotensine II (ARA II ou sartans). Quand une mesure nécessaire
ces médicaments prescrits en monothérapie sont
insuffisants il est possible d'associer d'autres
dans la majorité des cas de figure
antihypertenseurs : diurétiques, antagonistes cal- Le sel (NaCl ou chlorure de sodium) est l'une
ciques, bêtabloquants. des saveurs fondamentales qui permet de don-
Bien que l'efficacité des traitements pharma- ner du goût aux aliments. Un repas trop fade est
cologiques soit largement prouvée, leur impact mal perçu par le patient qui est également un
bénéfique sur la pression artérielle est potentialisé consommateur. Ceci peut avoir des conséquences
par l'observance de mesures diététiques. chez des sujets âgés ayant un appétit diminué. Un
régime trop pauvre en sel risque de les inciter à
Chez le patient diabétique réduire leurs prises alimentaires et à les conduire
en excès pondéral à des états de dénutrition très préjudiciables chez
cette catégorie de personnes. Ceci sous-entend
Une perte de poids de l'ordre de 5 à 10 % par que les régimes hyposodés devraient être mani-
rapport au poids de départ permet dans certains pulés avec précaution et qu'ils ne devraient pas
cas, lorsque les chiffres tensionnels sont peu aug- être trop excessifs.
mentés, de normaliser la pression artérielle. Si À l'inverse, le sel stimule l'appétit. Les indus-
cette dernière reste au-dessus des seuils recom- triels de l'agroalimentaire et de la grande distribu-
mandés, la perte de poids conduit le plus souvent tion ne s'y sont pas trompés quand ils proposent
à une amélioration des valeurs tensionnelles et des plats précuisinés ayant une teneur en sel exces-
contribue à rendre le traitement pharmacolo- sive. Il en est de même dans les restaurants où le
gique ultérieur plus efficace. Il convient de noter chef cuisinier à parfois tendance à avoir la main
qu'en général tout régime de restriction calorique, un peu lourde en ajoutant du sel afin de flatter les
quand il est correctement suivi et à condition que papilles gustatives de ses clients. L'hôte qui reçoit
le sujet évite de saler son alimentation, est auto- des convives a également le même réflexe. Dans
matiquement hyposodé. S'il ne l'est pas, il faut ces conditions, il convient de se méfier des repas
212
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...
festifs qui, de surcroît, sont souvent précédés par Sel ajouté à table
ou au moment
un apéritif où biscuits salés, olives, cacahuètes, 4g de la cuisson
pistaches, noix de cajou et autres condiments salés
Aliments ayant
font partie de la tradition. Les meilleurs cocktails subi un traitement
d'accueil sont ceux qui sont constitués par des 4g
Aliments naturels
«petits légumes » (tomates cerises, branches de
1à2g
chou-fleur, carottes découpées en lamelles). Tous
ces constituants d'apéritif ont l'avantage d'être Figure 19.8. Contribution des différentes
peu caloriques et d'être dépourvus de sel. sources d'apports sodés chez un adulte
Pour en revenir au titre de ce paragraphe, les correctement nourri qui ne fait pas attention
régimes hyposodés sont recommandés chez la à sa consommation de sel ou d'aliment
plupart des patients diabétiques hypertendus. apportant du sodium.
La restriction sodée doit en général rester modé- Le Français consomme en moyenne 8 à 9 g de NaCl par jour.
rée : moins de 6 g de NaCl par jour. Ce régime
hyposodé dit «standard » est dans l'ensemble correctement nourri et ne faisant pas attention à
peu contraignant et s'avère en général suffi- ses apports sodés, l'alimentation fournit environ
samment efficace. Les restrictions plus sévères 8 à 9 g de NaCl par jour. Les aliments naturels
(moins de 3 g de NaCl par jour) ne doivent être ont une contribution qui se situe entre 1 et 2 g de
réservées qu'à des cas relativement rares (hyper- NaCl (fig. 19.8). Dès qu'un aliment subit un «trai-
tension artérielle prononcée) ou à des situations tement » (pain, biscotte, fromages) sa teneur en
particulières (insuffisance cardiaque, syndromes NaCl augmente. En effet, lors des «traitements »
œdémateux…). artisanaux ou industriels, les boulangers ou les
fabricants de fromage ajoutent du sel pour exhaus-
Conduite pratique ter le goût ou pour l'utiliser comme conservateur.
d'un régime hyposodé Il faut garder à l'esprit que le sel a été employé très
tôt (2 à 3 siècles avant notre ère) comme conser-
Prérequis : connaître vateur alimentaire. Les aliments ayant une teneur
la teneur en sel des aliments modérée en NaCl ont une contribution moyenne
La première question est de savoir de quoi on à l'apport sodé aux alentours de 4 g/j (fig. 19.8). Si
parle quand on aborde le problème du sel. Au sens l'apport du consommateur français atteint 8 à 9 g
nutritionnel du terme, le sel est le NaCl (chlorure de NaCl par jour c'est parce que les 4 g restants
de sodium). Toutefois, au sens physiologique sont fournis par le sel ajouté (sel de cuisson ou
du terme, c'est le sodium (Na) qui joue un rôle sel de table) ou par des aliments à forte teneur en
dans la régulation de la pression artérielle. Ceci NaCl : charcuteries, conserves de viandes, viandes
signifie que certains «sels » tels que le bicarbo- fumées, poissons séchés, tartes salées (pizzas,
nate de sodium contenus dans certaines boissons quiche), feuilletés salés et surtout les plats précui-
gazeuses (Vichy, Vals…) doivent être pris en sinés achetés dans les supermarchés (fig. 19.8).
compte dans les régimes hyposodés. Pour connaître la quantité de Na élément
apporté par le NaCl ou pour convertir le NaCl en
Teneur en sodium des aliments Na élément, il faut appliquer la règle suivante :
et des boissons
Les aliments peuvent être classés en faiblement, 3 g de NaCl = 50 mmol de Na élément = 1,2 g
modérément ou fortement salés selon que leur de Na élément.
teneur en Na élément est comprise entre 50 et
100 mg/100 g, entre 500 mg et 1 g/100 g et supé- Pour le bicarbonate de sodium, l'équation serait
rieur à 1 g/100 g (tableau 19.2). Les aliments la suivante :
naturels n'ayant subi aucun traitement (viandes,
poisson frais, légumes, fruits, féculents tels que
1 g de bicarbonate de Na = 11 mmol
le riz, les pommes de terre, les légumes secs)
de Na élément = 0,27 g de Na élément
ont des teneurs faibles en sodium. Chez un sujet
213
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
214
Chapitre 19. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 2...
devrait se traduire respectivement par des excré- associés au diabète de type 2 consiste dans la
tions urinaires de Na < 100 mmol/j et 50 mmol/j. majorité des cas à recommander une restriction
À noter que le terme régime «sans sel » utilisé calorique pour entraîner une perte de poids de
communément est un raccourci de langage car l'ordre de Ŕ 5 à Ŕ 10 % par rapport au poids de
tous les régimes, même les plus stricts, apportent départ. Des mesures diététiques complémentaires
toujours une certaine quantité de sodium. Stricto peuvent être mises en place si la perte de poids
sensu, c'est le terme de régime hyposodé qu'il faut reste insuffisante. Toutefois, ce sont le plus sou-
utiliser. vent des traitements pharmacologiques par hypo-
En conclusion de ce chapitre, il apparaît que lipidémiants ou antihypertenseurs qui devront
la prescription diététique des facteurs de risque être envisagés en cas d'échec.
215
Prescrire un régime CHAPITRE
20
chez un patient
diabétique de type 1
en poids normal
L. Monnier
à 4 heures après l'ingestion d'un repas. Compte patient en raison de leur caractère répétitif : un
tenu de ces remarques, les personnes qui déve- à deux épisodes par semaine en moyenne. Les
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
loppent un diabète de type 1 doivent se traiter cas sévères avec trouble neurologiques, nécessi-
par des schémas insuliniques de type basal-bolus tant l'assistance d'une tierce personne et au pire
administrés par multi-injections ou par pompe conduisant à une hospitalisation d'urgence sont
à insuline (cf. chapitre 4). De nombreux progrès rares. Toutefois, il est impossible d'assurer à un
ont été réalisés en termes de traitement insuli- patient diabétique de type 1 qu'il ne fera pas un
nique. Toutefois, malgré la mise au point d'insu- jour ou l'autre une hypoglycémie sévère. Certains
lines dont les profils d'action sont de plus en plus patients diabétiques, pour se mettre à l'abri des
adaptés à la couverture des besoins insuliniques hypoglycémies, ont tendance à garder des glycé-
de base et prandiaux, il n'en reste pas moins que mies plutôt élevées avec une exposition chronique
217
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
218
Chapitre 20. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 1 en poids normal
mention très particulière pour la prévention diabétiques insulinés, lorsque la libération d'acides
et le traitement des hypoglycémies. C'est à ce gras devient excessive par rapport à la couverture
niveau que le couplage régime-insulinothérapie insulinique. Dans ce cas, un régime trop restrictif
joue un rôle clé avec la nécessité d'adapter les en glucides et trop consommateur d'acides gras
doses d'insuline à la quantité et à la qualité des endogènes ou exogènes risque de conduire à la
glucides apportés au moment des repas. production excessive de corps cétoniques et à des
états de cétose auxquels les patients diabétiques de
Définir les niveaux calorique, type 1 sont particulièrement exposés si l'insulino-
thérapie est mal ajustée. De plus, les régimes trop
protidique et glucidique
hypoglucidiques sont sources d'épisodes hypogly-
des mesures diététiques cémiques. Ainsi, le patient diabétique de type 1
La personnalisation de ces mesures est essentielle- insuliné est exposé à la «double peine » : risque
ment basée sur les critères suivants : poids corpo- de cétose et augmentation des hypoglycémies si le
rel, âge, sexe et activité physique. Si le sujet est en niveau de l'apport glucidique n'est pas maintenu à
poids normal, le niveau de l'apport calorique doit un niveau suffisant. Un pourcentage de calories
être fixé au niveau des besoins caloriques décrits glucidiques fixé à 45 % semble pour de nombreux
et définis tableau 15.3. Si le sujet est en excès pon- patients être un compromis satisfaisant.
déral (cas beaucoup plus rare chez le patient dia-
bétique de type 1) c'est le tableau 15.6 qui devrait
Répartition des prises glucidiques
être utilisé pour fixer le niveau des apports calo-
riques. La réduction des calories ne devrait pas au cours de la journée
excéder Ŕ 33 % par rapport au niveau des dépenses La répartition des glucides au cours de la journée
caloriques habituelles du sujet. Si le régime est doit être personnalisée en fonction de l'activité
normocalorique, les apports protidiques sont professionnelle du sujet, de son activité physique,
fixés à 15 % de l'apport énergétique total. En cas et du risque d'hypoglycémie. En général, on pré-
de régime hypocalorique, c'est 20 % de l'apport conise une répartition de 1/5e des glucides au petit
énergétique total qui est le pourcentage recom- déjeuner et de 2/5e aux deux autres repas. Cette
mandé. Dans tous les cas, l'apport glucidique doit répartition doit être modulée en fonction de
être maintenu à un niveau suffisant, supérieur à l'activité physique du sujet pendant et en dehors
40 % de l'apport énergétique total. Dans la plu- du travail. Une activité physique plus importante
part des cas, c'est entre 45 et 50 % que l'on fixe dans l'une des périodes postprandiales impose
le niveau de l'apport glucidique. Pour certains, de majorer la prise glucidique au cours du repas
il pourrait paraître paradoxal de préconiser un qui précède cette activité physique accrue. À titre
apport substantiel en glucides alimentaires chez d'exemple, si l'activité physique est importante
des sujets pour lesquels il faut éviter les dérives dans la matinée, il faut renforcer l'apport gluci-
hyperglycémiques. C'est pourtant ce qui est pré- dique de 10 à 20 g au moment du petit déjeuner.
conisé à partir des données de la physiologie, À l'inverse, une faible activité physique dans la
laquelle, il ne faut pas l'oublier, devrait servir de matinée devrait conduire à réduire l'apport glu-
guide chaque fois que l'on préconise des mesures cidique de 10 à 20 g au moment du petit déjeuner.
diététiques. La physiologie nous apprend qu'un Le risque hypoglycémique doit être pris en
régime trop pauvre en glucides conduit à une uti- compte. En dehors de la réduction des doses
lisation des substrats énergétiques de substitution d'insuline couvrant les périodes où les hypo-
(les lipides) pour couvrir les besoins énergétiques glycémies s'expriment, il est souvent indispen-
de l'individu. Les lipides, c'est-à-dire les acides sable d'introduire des collations interprandiales
gras, qu'ils soient d'origine endogène (provenant apportant en général 20 g de glucides. Ainsi, la
du tissu adipeux) ou exogène (provenant de l'ali- survenue d'hypoglycémies en fin de matinée doit
mentation) fournissent l'énergie de substitution inciter à introduire une collation glucidique entre
en étant oxydés pour fournir in fine du gaz 10 et 11 heures du matin. Dans certains cas, on
carbonique et de l'eau. Toutefois, cette combus- se trouve confronté à une montée glycémique
tion peut rester incomplète, en particulier chez les rapide et intense dans les 30 minutes qui suivent
219
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
le petit déjeuner et à des hypoglycémies en fin d'insuline prandiale doit être augmentée. À l'in-
de matinée. Cette situation peut être en partie verse, elle doit être diminuée si elle est en dessous
solutionnée en diminuant la quantité de glucides de la limite inférieure.
et en proposant des aliments à faible pouvoir
hyperglycémiant au moment du petit déjeuner Prévenir et corriger
et en reportant la quantité de glucides retranchés
au petit déjeuner sur une collation prise entre 10 les hypoglycémies
et 11 heures du matin. Les collations, quand elles La fréquence des hypoglycémies symptomatiques
sont recommandées, doivent être constituées par mais pas forcément sévères est de l'ordre d'une
un mélange de glucides à pouvoir hyperglycé- par semaine chez le patient diabétique de type 1
miant faible et intermédiaire avec éventuellement insuliné. L'instabilité du diabète augmente la fré-
un aliment lipido-protidique pour que la montée quence des hypoglycémies. C'est pour cette raison
glycémique de la collation ne soit pas excessive. qu'il convient d'identifier les diabètes instables
Pour atteindre cet objectif, la collation type peut et de corriger cette instabilité autant que faire se
être constituée par un fruit (12 g de glucides et peut. La meilleure méthode pour évaluer l'ins-
50 kcal), une biscotte (7 g de glucides et 30 kcal) et tabilité d'un diabète est de mesurer la variabilité
10 g de fromage ou 5 g de beurre (0 g de glucides glycémique par l'utilisation d'un enregistrement
et 40 kcal). Ainsi une collation de ce type fournit glycémique continu en ambulatoire. Cette tech-
environ 20 g de glucides et 120 kcal. nique, mieux connue sous le qualificatif de holter
Les doses d'insuline doivent être adaptées à la glycémique, permet de calculer plusieurs index
quantité de glucides apportés par l'alimentation. qui évaluent la variabilité glycémique sur une
Cette adaptation est surtout valable pour les même journée ou d'un jour à l'autre. La répartition
doses d'insuline prandiales délivrées en géné- des glycémies autour de la moyenne glycémique
ral sous forme d'analogues rapides de l'insuline des 24 heures est statistiquement quantifiée par
(NovoRapid®, Humalog® ou Apidra®). Chez un le calcul de la déviation standard (DS autour de
sujet exempt de diabète sucré ayant une sécré- la moyenne). Toutefois, l'amplitude de la DS est
tion insulinique normale et une activité physique toujours positivement corrélée avec le niveau de
moyenne, l'utilisation du glucose est de l'ordre de la moyenne glycémique. Ceci signifie qu'un sujet
10 g par heure. Dans les périodes postprandiales, ayant une moyenne glycémique élevée (hypergly-
la sécrétion insulinique augmente, entraînant cémie «ambiante ») peut avoir une DS augmentée
une augmentation de l'utilisation du glucose. sans être pour autant instable. En revanche, un
Chez le diabétique de type 1 insulinopénique, il sujet ayant une moyenne glycémique subnormale
est généralement admis que pour métaboliser peut avoir une DS en apparence dans des limites
10 g de glucides alimentaires il faut injecter de raisonnables sans pour autant avoir un diabète
1,5 à 2 unités d'analogue rapide de l'insuline au considéré comme stable. Il est donc indispensable
petit déjeuner. Pour les deux autres repas, la dose d'avoir un index corrigé par la moyenne glycé-
d'analogue rapide et de l'ordre de 1 unité pour mique. La meilleure façon d'y parvenir est de
10 g de glucides. Ces données connues depuis de calculer le coefficient de variation pour le glucose
nombreuses années ont été confirmées par l'insu- dont la valeur en pourcentage est égale à CV (%)
linothérapie dite «fonctionnelle ». Toutefois, dans = [DS/moyenne glycémique de 24 heures] × 100.
la mesure où il s'agit de données moyennes elles Nous avons récemment démontré qu'une valeur
doivent être personnalisées et adaptées à chaque du CV (%) > 36 % correspond à un diabète de
patient diabétique. De plus, la dose d'insuline type 1 instable (fig. 20.1). Cet état concerne plus
prandiale à injecter en bolus avant chaque repas de la moitié des patients diabétiques de type 1
doit être modulée en fonction du niveau de la (fig. 20.1). Cette définition de l'instabilité est
glycémie préprandiale. Pour cela, il convient de basée sur le fait que dans une population de
définir une zone de glycémie optimale avec deux patients diabétiques de type 2 traités uniquement
limites inférieure et supérieure entre lesquelles par insulinosensibilisateurs et donc exempt de
la glycémie préprandiale devrait se situer. Si elle risque hypoglycémique, le coefficient de variation
dépasse la limite supérieure vers le haut, la dose du glucose ne dépasse jamais 36 % (fig. 20.1).
220
Chapitre 20. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 1 en poids normal
40 40
Groupe 1 Groupe 2
30 30
Fréquencerelative(%dutotal)
36 % 36 %
20 20
55,7 % au-dessus
10 10
0 0
0 10 20 30 40 50 60 0 10 20 30 40 50 60 70 80
Coefficient de variation pour le glucose (%)
Figure 20.1. Distributions de la variabilité glycémique estimée à partir du coefficient de variation
pour le glucose (CV %) dans deux populations.
Ŕ Groupe 1 : patients diabétiques de type 2 traités uniquement par des insulinosensibilisateurs (metformine ou
glitazones) c'est-à-dire par des médications antidiabétiques ne comportant aucun risque d'hypoglycémie et considérés
comme stables (population de référence).
Ŕ Groupe 2 : patients diabétiques de type 1 traités par multi-injections d'insuline ou pompe à insuline (schéma basal-
bolus). Dans ce groupe, 55,7 % des patients ont un CV % > 36 % et peuvent être considérés comme ayant un diabète
instable.D'après Monnier L, Colette C, Wojtusciszyn A, Dejager S, Renard E, Molinari N, Owens DR. Toward Defining the
Threshold Between Low and High Glucose Variability in Diabetes. Diabetes Care. 2017; 40(7) : 832-8.
221
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
222
Chapitre 20. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 1 en poids normal
niveau de la glycémie devra être suivi par une protidique (15 % des calories) devrait être égal à
collation qui apporte 20 à 30 g de glucides afin [2 400 × 0,15]/4 = 90 g/j et l'apport glucidique (si
d'apporter le carburant glucidique. Une à deux on le fixe à 45 % des calories totales) devrait être
heures après, la glycémie devra être mesurée de [2 400 × 0,45]/4 = 270 g/j.
et les corps cétoniques devront être recherchés
dans l'urine ou dans le sang. À noter que les Étapes de la mise en place
glucides apportés par cette collation devront
être des glucides rapides, afin de les rendre dis-
du régime de 2400 kcal
ponibles et métabolisables dans les meilleurs Première étape, remplir
délais. Si l'épisode cétosique précède un repas l'objectif protidique (X = 90 g)
(par exemple le petit déjeuner), il faut appor- Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
ter la quantité totale de glucides alimentaires
Ŕ 1,5 Eq viande qui apporte 1,5 fois 25 g = 37 g
normalement prévus (40 g par exemple pour de protides
un petit déjeuner). Toutefois et contrairement
à ce qui est prévu habituellement, il faut que les Ŕ 4 Eq lait qui apportent 4 fois 7 g de protides = 28 g
glucides soient en majorité fournis sous forme Ŕ 3 Eqpain qui apportent 3 fois 5 g de protides = 15 g
de sucres facilement assimilables : jus de fruits, Total protides X = 90 g
compotes, confitures, purées… Il va de soi que
la dose d'insuline ultrarapide qui est injectée Deuxième étape : remplir
en bolus préprandial devra être augmentée au l'objectif glucidique (Y2 = 270 g)
prorata de l'hyperglycémie. Prenons l'exemple
d'un sujet qui a une glycémie à 3,5 g/L avant le • En reportant les glucides apportés par les ali-
petit déjeuner et qui reçoit habituellement un ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
bolus d'insuline ultrarapide (analogue rapide protidique (Y1 g).
de l'insuline) égal à 5 unités. Dans ce cas de Ŕ 1,5 Eq viande = 0 g de
figure on essayera de ramener la glycémie en glucides
dessous de 2 g/L dans l'heure qui suit en faisant Ŕ 4 Eq lait répartis :
un rajout de 4 à 5 unités d'analogue rapide de
l'insuline, soit un bolus total de 9 à 10 unités. - en lait = 10 g
(200 mL) = 1 Eq
La mesure de la glycémie est indispensable une
lait
heure après pour évaluer l'efficacité de cette
- en 2 yaourts = 10 g
supplémentation et pour s'assurer que son effet = 1 Eq lait
n'a pas été excessif.
- en 60 g de = 0 g
fromage = 2 Eq
lait
223
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Z2
6 portions de
Objectif calorique Corps gras à ajouter corps
(Z2 = 2 400 kcal/j) pour atteindre gras
l’objectif calorique + 1 verre de
vin
Y2 Z1
4 portions de
Objectif glucidique féculents
(100 g de Glu) Z1= 1 890 kcal
(Y2 = 270 g/j)
Aliments à ajouter 6 portions =
pour atteindre d’Eq fruits Quantité de
l’objectif glucidique et/ou légumes calories
soit 72 g de apportées
glucides par
Y1
tous les
3 Eq Pain 95 g de aliments
Objectif protidique
4 Eq Lait glucides en dehors
(X = 90 g/j)
apportés par des corps
1,5 Eq les aliments gras
Viande riches en
10 g protides
“forfaitaires”
Colonne des Colonne des Colonne des
aliments riches apports apports
en protides glucidiques caloriques
Figure 20.3. Illustration du remplissage des objectifs protidiques (X), glucidique (Y2) et calorique
(Z2). Dans le cas de la patiente prise pour exemple : X = 90 g de protides; Y2 = 270 g de glucides
et Z2 = 2 400 kcal.
Les objectifs doivent être hiérarchisés : protidique en premier (colonne de gauche), glucidique en second (colonne du
milieu) et in fine calorique (colonne de droite). Pour les calculs intermédiaires (Y1 = quantité de glucides apportés par les
aliments de la première colonne et Z1 = quantité de calories apportées par l'apport cumulé des aliments des colonnes de
gauche et du milieu) nous demandons au lecteur de se reporter au texte.
Pour connaître les teneurs nutritionnelles des différentes portions, se reporter aux figures 15.5, 15.6 et 15.7.
224
Chapitre 20. Prescrire un régime chez un patient diabétique de type 1 en poids normal
Tableau 20.1. Répartition des glucides chez la patiente prise pour exemple.
La proposition porte sur une journée de 24 heures pour un apport glucidique total de 270 g/j.
Petit Glu Collation Glu Repas de Glu Collation Glu Dîner Glu Collation Glu
déjeuner (g) (milieu de (g) midi (g) (milieu (g) (g) (avant (g)
matinée) d'après-midi) coucher)
Pain 20 2 biscottes 13 Pain (30 g) 15 2 biscottes 13 Pain (20 g) 10 1 biscotte 7
(40 g) 1 yaourt 5 1 fruit 12 1 yaourt 5 1 fruit 12 1 fruit 12
1 fruit 12 1 portion 12 1 portion 12
Lait 10 de légumes de légumes
(200 mL) 240 g de 50 240 g de 50
féculents féculents
Total 42 18 89 18 84 19
glucides
225
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
négligeable. Enfin, il convient de souligner que repas, on peut admettre en première approxima-
«recommandation diététique » et «prescription tion que les besoins insuliniques prandiaux sous
d'un régime » ne sont pas synonymes de «prohibi- forme d'analogues rapides de l'insuline seront en
tion ». Compte tenu de cette remarque, il n'est pas moyenne de 6 unités le matin, 9 unités à midi et
interdit à un patient diabétique de type 1 insuliné 8 unités le soir, soit un total de 23 unités d'insu-
de s'octroyer le plaisir de consommer une pâtis- lines prandiales. Chez un diabétique de type 1
serie ou un entremets sucré à la fin d'un repas à en poids normal, les doses totales d'insuline sur
condition que la taille de la portion reste raison- la journée (doses prandiales + dose basale) sont
nable et que cette pratique reste peu fréquente en général de l'ordre de 0,5 à 0,7 unité/kg/j, soit
(une fois par semaine par exemple). En effet, 33 unités ou 46 unités selon que le patient se situe
il faut savoir qu'une portion de gâteau apporte dans la zone basse ou haute. Si 23 unités d'insu-
environ 350 kcal et 30 à 40 g de glucides. Dans line sont administrées en prandial, la dose d'in-
ces conditions, le patient devra augmenter sa dose suline basale devrait être logiquement comprise
prandiale d'analogue rapide de l'insuline de 3 à entre [33 Ŕ 23] = 10 unités et [46 Ŕ 23] = 24 unités.
4 unités environ avant le repas concerné par cette Il est bien certain que ces doses ne sont données
prise glucidique supplémentaire. qu'à titre indicatif et qu'elles doivent être adaptées
En conclusion de ce chapitre, nous sommes quotidiennement en fonction des besoins du sujet
conduits à donner quelques informations sur les qui sont sous la dépendance des prises alimen-
doses d'insuline qui devraient être normalement taires mais également de toute une série d'autres
administrées à la patiente que nous avons prise facteurs parmi lesquels il faut citer l'activité phy-
pour exemple dans les lignes qui précèdent. En sique, et tous les autres facteurs qui sont inquan-
se basant sur 1,5 unité/10 g de glucides au petit tifiables comme les soucis ou les contrariétés de la
déjeuner et 1 g/10 g de glucides aux deux autres vie quotidienne.
226
Prescrire un régime CHAPITRE
21
chez un diabétique
ayant une insuffisance
rénale chronique
L. Monnier
Quand les lésions rénales continuent à évoluer, le patient diabétique de type 2 d'un certain âge, il
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
patient entre dans la phase de néphropathie avé- faut éviter un état de dénutrition qui s'accompa-
rée, hypertensive d'abord et macroalbuminurique gnerait d'une anémie et d'une sarcopénie avec
(> 300 mg/j) puis urémigène et œdémateuse ulté- fonte des masses musculaires. Ceci signifie que les
rieurement. À ce stade, la filtration glomérulaire apports protidiques doivent être maintenus à un
ne cesse de se dégrader pour conduire à une insuf- niveau suffisant. Enfin, la survenue d'une altéra-
fisance rénale chronique. Dans un premier temps, tion des fonctions rénales et plus particulièrement
la filtration glomérulaire reste comprise entre 10 d'une insuffisance rénale chronique terminale
et 50 mL/min/1,73 m2 de surface corporelle. À ce introduit des éléments d'instabilité glycémique
stade-là, les méthodes d'épuration extrarénale ne tout d'abord en générant ou en aggravant les états
227
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
Protéines alimentaires
4 g/kg/j 12–14 kg
50–80 g
1 g/kg/j
Catabolisme
urée
N urinaire créatinine
Ac. urique
228
Chapitre 21. Prescrire un régime chez un diabétique ayant une insuffisance rénale chronique
Au cours de l'insuffisance rénale chronique, d'un catabolisme azoté. Chez l'insuffisant rénal
la perturbation la plus importante est une dimi- chronique, il est indispensable de ne pas ajouter
nution de l'excrétion des déchets azotés avec un supplément de catabolisme azoté chez une
hyperazotémie, hypercréatininémie et hype- personne qui est déjà orientée vers l'hypercatabo-
ruricémie. Par ailleurs, l'insuffisance rénale lisme protidique.
chronique s'accompagne d'une diminution de
l'appétit. La balance azotée devient négative et le Contrôle des désordres lipidiques
catabolisme prend le dessus sur l'anabolisme pour
conduire à une diminution de la masse maigre Il s'agit le plus souvent d'une dyslipidémie qui
(protéines de réserve) et à un état de dénutrition. associe hypertriglycéridémie et diminution du
Ceci implique que les protéines alimentaires uti- HDL-cholestérol. L'attitude thérapeutique sur
lisées chez l'insuffisant rénal chronique doivent le plan nutritionnel est superposable à celle qui
être choisies parmi celles qui se fixent le mieux a été développée dans le chapitre 19. L'une des
sur les tissus de l'organisme. Ces protéines dites mesures essentielles est de maintenir un apport
à haute valeur biologique doivent avoir la préfé- en acides gras monoinsaturés de l'ordre de 20 %
rence car elles possèdent le meilleur rapport azote de l'apport énergétique total afin que la somme
fixé/azote absorbé. Elles sont essentiellement des calories fournies par les glucides et les acides
d'origine animale : œuf, produits laitiers et viande gras monoinsaturés soit égale aux deux tiers de
(tableau 21.1). En revanche, les protéines végétales l'apport calorique total.
ont un rendement d'utilisation beaucoup plus
faible, de l'ordre de 60 % (tableau 21.1). Contrôle des apports sodés
Dans la plupart des cas, il est conseillé de pres-
Contrôle des désordres
crire un régime apportant moins de 5 à 6 g de
du métabolisme glucidique NaCl soit moins de 80 à 100 mmol de Na élément.
Il doit faire appel aux mêmes principes que ceux Cette attitude est recommandée aussi bien chez le
qui ont été développés dans les autres chapitres : patient ayant une insuffisance rénale chronique
contrôle des apports glucidiques aux alentours de non dialysé que chez les personnes déjà soumises
45 à 50 % de l'apport énergétique total, limitation à des séances d'épuration rénale par dialyse.
des apports en glucides à fort pouvoir hyperglycé-
miant. Quand le patient est obèse, une restriction
calorique doit être envisagée. Toutefois, le niveau
Traiter les carences en vitamines
de l'apport calorique ne devrait pas descendre en et en minéraux
dessous de 2 000Ŕ2 100 kcal/j car il faut garder en L'insuffisant rénal chronique souffre fréquem-
mémoire que tout régime de restriction calorique
ment de carences vitaminiques et en oligoélé-
s'accompagne d'une perte de masse maigre et
ments. Ces carences sont liées aux perturbations
du métabolisme rénal, à des apports alimentaires
Tableau 21.1. Valeur biologique des protéines insuffisants et à des troubles de l'absorption intes-
en fonction de leurs sources alimentaires. tinale. Quand le sujet est traité par séances d'épu-
ration extrarénale, la carence en minéraux et
Protéines alimentaires Valeur biologique (%) vitamines peut être aggravée par des pertes exces-
Œuf 95 sives dans les bains de dialyse. Les supplémenta-
Lait et produits laitiers 80 tions vitaminiques journalières recommandées
sont indiquées sur le tableau 21.2. À noter que ces
Viande 75
supplémentations peuvent être obtenues grâce
Céréales et graines 60 à l'administration d'une tablette de préparation
oléagineuses
multivitaminique commercialisée sous des noms
Légumineuse 60 divers. Pour la vitamine D, les supplémentations
La valeur biologique d'une protéine est définie comme le rapport doivent être fixées en fonction de la calcémie, de
de l'azote (N) fixé sur les tissus/l'azote (N) absorbé. la phosphorémie et du statut osseux du patient.
229
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
230
Chapitre 21. Prescrire un régime chez un diabétique ayant une insuffisance rénale chronique
231
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
• En complétant pour atteindre Z2 (2 200 kcal). pour lequel on a fixé l'apport calorique à
Il faut trouver Z2 Ŕ Z1 = 2 200 Ŕ 1 600 = 600 kcal. 2 200 kcal/j. Dans ce cas, il est dialysé avec un
Ŕ Avec 6,5 Eq de corps = 6,5 × 90 = 585 kcal apport protidique à 1,2 g/kg/j, soit 84 g par
gras jour. L'apport glucidique comme précédemment
est fixé à 45 % des calories totales soit [2 200 ×
Le total des calories Z2 = 2 185 kcal
obtenues est : 0,45]/4 = 250 g de glucides.
Les objectifs sont les suivants :
Le calcul est illustré sur la figure 21.2. • protides = 84 g ;
• glucides = 250 g ;
• calories = 2 200 kcal.
Chez un patient ayant Première étape : remplir
une insuffisance rénale l'objectif protidique (X = 84 g)
chronique dialysée Ŕ 10 g de protéines «forfaitaires » = 10 g
Dans cette situation, pour éviter toute dénutrition Ŕ 2 Eq viande (125 g) qui apportent 2 fois = 50 g
25 g de protéines
protéique et dans la mesure où l'élimination des
déchets azotés est assurée par les séances d'hémodia- Ŕ 2 Eq pain soit 2 fois 5 g de protides = 10 g
lyse, l'apport protidique doit non seulement être égal Ŕ 3,5 Eq lait qui apportent 3,5 fois 7 g de = 24,5 g
aux ANC (0,8 g/kg de poids corporel/j), mais il doit protéines
même être légèrement supérieur (1,2 par kg de poids Total protides = 84,5 g
corporel/j). Comme dans le cas précédent, l'apport
protéique doit être assuré par des aliments riches en
Deuxième étape : remplir l'objectif
protides et à haute valeur biologique : œufs, viandes,
glucidique (Y2 = 250 g)
produits laitiers. L'apport calorique doit être en
moyenne de 35 kcal par kg de poids idéal et par jour. • En reportant les glucides apportés par les ali-
Comme dans le cas précédent, prenons ments utilisés pour le remplissage de l'objectif
l'exemple d'un patient diabétique pesant 70 kg protidique (Y1 g).
Z2
232
Chapitre 21. Prescrire un régime chez un diabétique ayant une insuffisance rénale chronique
Z2
233
Partie III. Comment personnaliser les mesures diététiques
alimentation ayant une bonne qualité gustative. Le hyperglycémie. Ceci implique que le jour avec
maintien d'un apport lipidique correct (6,5 portions dialyse le sujet est à risque d'épisode hypogly-
de corps gras dans le premier régime et 3,5 dans le cémique en fin de séance. Dans ces conditions,
second) est indispensable pour assurer l'onctueux. il est peut-être recommandé de baisser de 3 ou
Dans la mesure où le régime doit être hyposodé, 4 unités la dose de glargine U100 qui est injectée
il est toujours possible d'introduire des boissons la veille avant le repas du soir. En fin de dialyse,
sucrées ou des entremets sucrés pour stimuler l'ap- il est souvent recommandé de prendre le repas
pétit. Dans ces conditions, il est préférable d'avoir du soir immédiatement et de commencer par des
quelques dérives hyperglycémiques que d'avoir un glucides rapides pour éviter les épisodes hypo-
patient qui devient dénutri par manque d'appétit. Si glycémiques qui peuvent survenir au moment
l'on voit que le sujet est inappétent, il faudra rem- du « débranchement » du patient. Enfin, il est
placer des portions de féculents par des entremets recommandé vers 17 heures de faire un contrôle
sucrés par exemple. De toute manière, on a toujours glycémique. Si ce dernier montre une glycémie
la possibilité d'utiliser des édulcorants intenses un peu basse, il faut prévoir une collation appor-
pour apporter le goût «sucré». tant une vingtaine de grammes de glucides.
234
Transformer les aliments CHAPITRE
22
industriellement :
comment? Pourquoi ?
Est-ce utile pour le diabétique
et pour le consommateur en général ?
L. Monnier, C. Colette
que l'homme de Tautavel, forme européenne de tion qui sont impliquées dans la fabrication de
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
237
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
d'améliorer la qualité des aliments et d'augmenter de pression, qui trouvent que l'information est
leur sécurité sanitaire. Toutefois, la chimie ali- biaisée car trop favorable à certains produits
mentaire est de plus en plus décriée et les additifs alimentaires ou à l'inverse trop défavorable à
sont l'objet de débats incessants au cours desquels d'autres. Si dans les lignes qui suivent nous pou-
s'affrontent «supporters » et «détracteurs ». Dans vons aider le médecin prescripteur et le patient
ce contexte, où le consommateur a de la peine à à retrouver leur chemin dans le dédale des pro-
séparer le vrai du faux, se développent des peurs duits proposés, ce chapitre pourrait être considéré
multiples plus ou moins fondées. Certains consi- comme utile, voire même indispensable.
dèrent que l'industrie agroalimentaire est surtout
mobilisée par les profits immédiats et reste peu
disposée à fournir toutes les informations objec-
tives et claires que tout consommateur est en droit
Quelques données
d'attendre quel que soit son état de santé. Ainsi, le pratiques sur la dégradation
but de ce chapitre est d'essayer, autant que faire et la transformation des aliments
se peut, de démêler le vrai du faux en sachant que
cette tâche est difficile. C'est pour cette raison Dégradation des aliments
que nous essayerons de rester le plus objectif pos-
sible en rappelant cependant quelques données Tout consommateur sait que tous les aliments se
essentielles : l'espérance de vie n'a jamais été aussi dégradent sous l'influence de l'oxydation, de la
longue que de nos jours, les grandes épidémies chaleur, de l'exposition à la lumière, des modifi-
ou intoxications alimentaires qui se propageaient cations de pH, mais surtout sous l'influence de
autrefois sur une grande échelle ont aujourd'hui l'action de micro-organismes dont il convient
disparu du paysage sanitaire des pays dits «déve- d'éviter la prolifération. Toutefois, ces micro-
loppés ». Les contrôles et les normes sur la qualité organismes ne sont pas l'enfer promis au consom-
des aliments définis par les organismes nationaux mateur. S'ils ne sont pas pathogènes, ils peuvent
et internationaux (Food and Drug Administration être utiles, voire même indispensables. N'oublions
ou FDA et European Food Safety Authority ou pas que ce sont les réactions de fermentation
EFSA) n'ont jamais été aussi nombreux. D'autre découvertes par Louis Pasteur, qui permettent
part, l'information alimentaire ou nutritionnelle à certains aliments de s'enrichir en arômes. Le
par le canal des médias et d'internet n'a jamais roquefort sans Penicillium roqueforti et le camem-
été aussi abondante. D'ailleurs, c'est peut-être bert sans Penicillium camenberti resteraient des
cette dernière constatation qui pose le plus de pro- fromages insipides. C'est malheureusement à
blèmes. En effet, comme dans beaucoup d'autres ce triste sort que ces fromages sont condamnés
domaines, c'est la «profusion » qui peut conduire lorsqu'ils sont exportés aux États-Unis après une
à la confusion. La lecture des étiquettes, préco- stérilisation imposée par les autorités sanitaires
nisée par ceux qui font de l'information nutri- américaines, obsédées par la destruction de tous
tionnelle, reste un exercice délicat car la grande les micro-organismes même quand ils sont inof-
distribution a davantage tendance à «brouiller » fensifs et utiles pour conférer des arômes à des
les pistes qu'à clarifier la lecture des informations produits alimentaires qui en seraient dépourvus
théoriquement indiquées sur les emballages. La après avoir été soumis à une stérilisation abusive.
lecture simplifiée par des pastilles de couleurs Tout Européen qui a voyagé aux États-Unis a pu
différentes en fonction de la qualité nutritionnelle se faire une idée de la faible palatabilité (c'est un
«supposée » des produits commercialisés devrait euphémisme) des fromages français consommés
faciliter l'information. Toutefois, il n'est pas sûr sur le continent Nord-Américain.
qu'elle réponde à toutes les questions car elle Dans un autre registre, l'adjonction de sucre, de
risque de rester limitée à des informations rela- sel, le séchage et le fumage font partie des procé-
tivement simplistes, les pastilles rouges étant par dés ancestraux utilisés pour la conservation des
exemple attribuées aux aliments trop riches en sel, aliments Au IIe millénaire avant J.-C., c'est-à-dire
en sucre, en acides gras saturés. De toute manière, avant la fondation de Rome, la salaison était uti-
cette mesure est déjà contestée par divers groupes lisée comme méthode de conservation pour les
238
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
viandes, les poissons, les olives. Le séchage et le (ultra-haute température) qui peut être conservé
fumage sont des moyens de conservation connus pendant 3 mois quand l'emballage reste fermé.
depuis l'antiquité. La fumée contient de nombreux À l'inverse de la pasteurisation, la stérilisation
composés volatiles, comme l'acétaldéhyde, l'acé- détruit les micro-organismes présents dans le
tone, des phénols et polyphénols qui ont un pou- produit.
voir antiseptique dont nos ancêtres, utilisateurs
du fumage, ignoraient le mécanisme d'action. Le
sel, conservateur de base de nombreux produits Conservation par le froid :
alimentaires, a été pendant plusieurs siècles une réfrigération, congélation
denrée stratégique. Ce n'est pas par hasard que la et surgélation
gabelle avait été instaurée comme impôt par les
rois de France dès le Moyen Âge. Aujourd'hui, ces La réfrigération est un procédé de conservation à
procédés de conservation ancestraux sont tou- courttermeàunetempératurede2à5 °C.Ellen'em-
jours d'actualité et parfois même sur la sellette. La pêche pas la croissance des micro-organismes. Au
guerre incessante, livrée à juste titre par les nutri- contraire, la congélation bloque la croissance des
tionnistes et en particulier par les spécialistes micro-organismes sans pour autant détruire ceux
de l'hypertension artérielle aux industriels de qui sont déjà présents dans le produit. Même si la
l'agroalimentaire suspectés de saler abusivement croissance des micro-organismes est bloquée à
les aliments qu'ils produisent et commercialisent, partir de Ŕ3 °C, la température de sécurité utilisée
n'est qu'un épisode de plus à verser au dossier en congélation est de Ŕ18 °C. Pour certaines den-
de la saga du sel utilisé comme conservateur à rées alimentaires comme les poissons, les crèmes
travers les siècles. À ces procédés ancestraux de glacées, les températures de congélation sont plus
conservation des aliments sont venus se surajou- basses : Ŕ30 °C. La congélation peut détériorer les
ter les procédés de conservation thermiques par structures cellulaires des produits alimentaires
la chaleur (pasteurisation, stérilisation) ou par le lorsqu'elle est appliquée de manière trop lente. En
froid (réfrigération, congélation), les procédés de effet, toute congélation conduit à la formation de
conservation chimique (en agissant sur le pH, en cristaux de glace à l'intérieur des cellules lorsque
ajoutant des antioxydants et au sens le plus large la température du produit traverse la strate ther-
du terme des additifs alimentaires). La lyophilisa- mique comprise entre de + 4 et Ŕ4 °C (zone de for-
tion (version moderne du séchage) et l'irradiation mation maximale de cristaux de glace), (fig. 22.1).
des aliments viennent compléter cette liste. Plus le produit alimentaire restera longtemps
dans cette zone, plus la taille des cristaux de glace
Conservation par la chaleur : sera importante. C'est pour cette raison qu'une
pasteurisation et stérilisation congélation lente (baisse de température < 10 °C/
minute) entraîne la formation de cristaux de
D'un point de vue pratique, la pasteurisation est un glace relativement volumineux, qui dilacèrent les
procédé de chauffage à température relativement membranes cellulaires dont la rupture entraîne
peu élevée (+ 85 °C) pendant 15 à 20 secondes. un déplacement d'eau du milieu intracellulaire
La pasteurisation ne détruit pas les germes. Elle vers le milieu extracellulaire avec effondrement
stabilise le produit mais n'empêche pas la pro- des structures cellulaires au moment de la décon-
lifération ultérieure de micro-organismes. Ce gélation. La libération d'enzymes et de substrats
procédé est appliqué à la conservation du lait, des normalement emprisonnés dans le cytoplasme
jus de fruits et de conserves à base de fruits. Une accélère la dégradation des tissus qui se ramol-
boisson ou un produit alimentaire pasteurisé doit lissent pour revêtir un aspect peu présentable
être conservé à une température de 0 à 6 °C après après décongélation (fig. 22.2). Pour minimiser
ouverture et consommé en moins de 7 jours. La ces phénomènes d'effondrement des structures
stérilisation ou appertisation est un procédé de cellulaires (en particulier végétales), il faut rem-
conservation par application d'une température placer la congélation par la surgélation (congé-
élevée sur un intervalle de temps court : chauffage lation cryogénique) qui permet d'atteindre très
à 140Ŕ150 °C pendant 2 secondes pour le lait UHT rapidement une température très basse : Ŕ 40 °C.
239
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Température (° C)
20
15
10
−5
−10
Congélation
−20 lente
Congélation
rapide
Temps
Figure 22.1. Effet de la vitesse de congélation sur le temps passé dans la zone de formation
maximum des cristaux de glace dans les structures cellulaires.
La durée du temps de passage dans cette zone est indiquée par les deux intervalles horizontaux et fléchés.
Macrocristaux
Exsudation +
d’eau
Effondrement cellulaire
Congélation
lente
Structurecellulaire
audépart
Décongélation
Surgélation
Préservation des
Microcristaux structures
d’eau
Figure 22.2. Effet de la congélation lente ou rapide (surgélation ou cryocongélation)
sur les structures tissulaires des aliments.
La surgélation, en conduisant à la production de cristaux de glace de petite taille, assure la préservation des structures
cellulaires. La congélation lente conduit à la formation de macrocristaux de glace à l'intérieur des cellules, à une rupture
des membranes cellulaires et à une désorganisation de l'architecture des cellules.
Dans ce cas, il y a formation de microcristaux D'un point de vue général, ce sont les procédés
sans éclatement des structures cellulaires. Ceci thermiques les plus intenses et les plus courts (sté-
permet de minimiser les phénomènes d'exsuda- rilisation et surgélation) qui assurent la meilleure
tion et de libération enzymatique au moment de préservation des qualités physiques (texture) et
la décongélation. organoleptiques des aliments.
240
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
Autres aliments
(n’importe quel micro-organisme peut proliférer)
0,91
Fromages à pâte dure, saucisson sec
(pas de prolifération bactérienne, mais levures et moisissures peuvent
0,88 proliférer)
Farine, riz
(pas de prolifération de levures, mais les moisissures peuvent
proliférer)
0,80
Aliments très riches en sel
Fruits secs
Confitures très sucrées
Pâtes alimentaires
Biscuits
(pas de prolifération de moisissures)
Figure 22.3. Activité de l'eau dans les aliments en fonction de leur type.
Possibilité de prolifération de micro-organismes (bactéries, levures, moisissures) en fonction du niveau de l'activité de l'eau.
241
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
• Entre 0,8 et 0,88, les levures sont incapables et nutritionnelles au cours du temps. Les corps
de pousser, mais la prolifération des moisis- gras utilisés dans l'alimentation, qu'ils soient
sures reste possible. C'est le cas pour le riz et les solides ou liquides, peuvent être dégradés soit
farines. Lorsque l'activité de l'eau est inférieure par oxydation (rancissement des graisses) soit au
à 0,80, aucun micro-organisme ne peut plus se cours du chauffage lorsqu'ils sont utilisés pour la
développer. Ce groupe de produits alimentaires cuisson des aliments.
englobe les confitures très sucrées, les aliments
très riches en sel, les fruits secs, les pâtes ali- Oxydation des lipides
mentaires, les biscuits.
Elle conduit à l'apparition d'espèces chimiques
Pour illustrer ces propos, prenons deux exemples.
(aldéhydes ou cétones) volatiles qui confèrent au
• Le premier est celui des confitures. Classiquement,
produit alimentaire qui a été oxydé une odeur
elles contiennent environ 60 g de glucides pour
rance et un goût désagréable. Tous les produits
100 g. En revanche, les confitures allégées dites
alimentaires qui contiennent des lipides peuvent
pour «diabétiques» ont une teneur glucidique
rancir, mais certains produits sont plus exposés
2 fois plus faible : 30 g pour 100 g, la majorité des
que d'autres à ce phénomène en particulier les
glucides étant sous forme de fructose dont le pou-
corps gras qui sont riches en acides gras polyin-
voir sucrant est plus élevé que celui du saccharose,
saturés. Ce sont donc les huiles végétales, riches
constituant majoritaire des confitures normales.
en acide linoléique (huile de tournesol, de maïs,
La faible teneur en glucides des confitures dites
de pépin de raisin) et en acide alpha-linolénique
pour diabétiques les expose aux proliférations de
(huile de colza, de soja, de noix), qui sont les
moisissures. En pratique quotidienne, toutes les
plus touchées par ce phénomène (cf. fig. 7.6). Le
ménagères savent que des filaments blanchâtres,
rancissement est une réaction en chaîne qui com-
dus à la prolifération de moisissures, apparaissent
porte plusieurs phases : initiation, propagation et
rapidement à la surface d'une confiture allégée si
terminaison.
le pot n'a pas été conservé au réfrigérateur après
ouverture. Ceci est lié au fait que l'activité de l'eau Phase d'initiation
dans les confitures allégées est supérieure à 0,80
Elle est caractérisée par la réaction d'un radi- .
alors qu'elle est inférieure à 0,80 dans les confitures cal libre (en général l'anion superoxyde OŔ2)
traditionnelles.
pourvu d'un électron « célibataire » particuliè-
• Le deuxième exemple est celui des produits lyo-
philisés tels que le lait en poudre. Aucun micro- rement agressif et qui va réagir avec un acide
gras polyinsaturé (R1H) présent dans.le produit
organisme ne peut se développer et proliférer
sur le lait en poudre tant qu'il n'a pas été recons- alimentaire. L'anion superoxyde (OŔ) est 2 lui-
titué. Sa sécurité d'emploi devrait donc être même fabriqué à partir de l'oxygène de l'air (O2)
totale. En fait, les épisodes de gastroentérites sous l'effet de la lumière ou de la chaleur. Ceci
sont fréquents dans certains pays du continent signifie que toute préparation d'huile végétale,
africain lorsque le lait en poudre est reconstitué ouverte, mal refermée, conditionnée dans une
avec une eau non potable contaminée. Ce n'est bouteille qui laisse passer les rayons lumi-
pas le produit initial qui pose problème mais neux et entreposée à température ordinaire,
l'eau qui a servi à sa reconstitution. Il est donc est un milieu de production idéal pour l'anion
indispensable qu'une information très précise superoxyde. Si cette production survient dans
soit prodiguée aux utilisateurs de lait en poudre un produit alimentaire pauvre en acides gras
dans tous les pays où l'eau ne répond pas aux polyinsaturés, l'anion superoxyde n'exercera
normes d'hygiène et de potabilité. pas son agressivité naturelle puisqu'il ne ren-
contrera pas de substrats susceptibles de déclen-
Dégradation des aliments cher la réaction en chaîne de rancissement. En
riches en lipides revanche, supposons que l'anion superoxyde
apparaisse dans un milieu riche en acides gras
L'une des questions posées régulièrement par les désaturés de la série ω6 (acide linoléique à deux
patients concerne la préservation des corps gras et doubles liaisons) ou encore plus désaturés de
la conservation de leurs qualités organoleptiques la série ω3 (acide alpha-linolénique et acide
242
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
_
R1H Initiation
O2
Propagation
R2OOH R2OO°
R3H
R3OOH R3OO°
Terminaison
X° R3 − OOX
par un pontage
entre R3 et X
Figure 22.4. Différentes phases qui conduisent à l'oxydation et au rancissement des lipides
contenus dans les corps gras alimentaires représentés par le symbole RnH.
Chaque substrat réactif est affecté d'un électron libre. À partir du premier substrat réactif (l'anion superoxyde O2−)
se forme une chaîne de substrats réactifs (radicaux RnOO°) qui donnent naissance à des composés volatils.
Ce sont eux qui donnent l'odeur rance aux huiles végétales qui ont été l'objet de ces phénomènes d'oxydation.
243
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
gras solides (margarines enrichies en acides l'acide oléique (une seule double liaison). Si l'on
gras ω6 ou ω3), ou les huiles végétales riches en prend comme exemple l'huile de tournesol, on
acides gras polyinsaturés sont les plus exposés peut considérer qu'à l'état de base (avant tout
au phénomène de rancissement, d'autres pro- chauffage) elle contient 60 % d'acide linoléique
duits alimentaires peuvent rancir à condition et 25 % d'acide oléique. Après 20 chauffages
de contenir une petite quantité d'acides gras successifs à 180 °C, la teneur en acide linoléique
polyinsaturés. Les viandes, en particulier quand passe de 60 à 45 % et celle de l'acide oléique
elles sont hachées, peuvent faire l'objet d'un de 25 à 23 %. Après 20 chauffages successifs
processus d'oxydation. Les poissons gras, même à 240 °C, la teneur en acide linoléique passe
surgelés, peuvent rancir au bout de quelques de 60 à 30 % et celle de l'acide oléique de 25
mois. L'entreposage du lait à basse température à 22 %. Ainsi, il apparaît que la perte d'acides
n'empêche pas totalement son oxydation. En gras polyinsaturés des huiles peut devenir
revanche, l'huile d'olive, riche en acide oléique importante après chauffages répétés et lorsque
(75 %), acide gras monoinsaturé, a peu tendance les températures sont élevées. En revanche, la
à s'oxyder. perte d'acides gras monoinsaturés est faible, de
l'ordre de 2 à 3 %.
Altération des corps gras
au cours du chauffage Production de composés nouveaux
Le chauffage peut modifier la composition des Les composés d'oxydation qui apparaissent
corps gras par disparition des acides gras polyin- au cours du chauffage sont de structures très
saturés et par apparition de composés nouveaux variables (fig. 22.5).
dont certains sont toxiques. • Les composés d'oxydation primaire sont consti-
tués par des hydroperoxydes d'acides gras. Ils
Perte d'acides gras insaturés
n'ont pas de toxicité connue car ils sont rapide-
Elle dépend du nombre et de la température des ment dégradés sans être stockés par les tissus de
chauffages, mais aussi de la nature des graisses. l'organisme.
Les acides gras polyinsaturés de l'huile de tour- • Les produits d'oxydation secondaire sont
nesol (acide linoléique à deux doubles liaisons) constitués par les oxymonomères et des oxy-
disparaissent en quantité plus importante que polymères. Ces derniers sont mal métabolisés
OH
Produits d’oxydation d’acides gras
O
PRIMAIRES
CH3 COOH (Hydroperoxydes)
OH
SECONDAIRES
CH3 COOH (Oxymonomères)
CH3 COOH (Oxydimères)
O et
CH3 COOH Oxypolymères
Hydrocarbures polycycliques
Benzopyrène
Figure 22.5. Composés d'oxydation qui apparaissent au cours du chauffage des acides gras
contenus dans les aliments
244
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
10 TOURNESOL
Pourcentagedecomposésnouveaux
(60 à 66 % d’ac. linoléique)
ARACHIDE
(50 à 60 % d’ac. oléique)
5
PALME
(40 à 50 % d’ac. palmitique)
0
0 5 10 15
Nombre de chauffages
Figure 22.6. Pourcentage de formation de composés nouveaux au cours du chauffage répété de
différentes catégories d'huiles végétales (palme, arachide, tournesol).
D'après : Causeret J. Chauffage des corps gras et risques de toxicité. Cah Nutr Diet 1982; 17 :19Ŕ33.
245
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
246
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
− Protides
Lipides
− Amidons modifiés
− Eau
− Édulcorants de charge
Glucides − Édulcorants intenses
Protides
7
Glucoseplasmatique(mmol/L)
Temps d’ingestion
4
Temps (min)
– 40 0 30 60 90 120 150 180
Figure 22.8. Réponse glycémique après ingestion de glucose (trait plein) ou de xylitol (trait
pointillé) chez des sujets témoins.
D'après : Natah SS, Hussien KR, Tuominen JA, Koivisto VA. Metabolic response to lactitol and xylitol in healthy men. Am J
Clin Nutr 1997; 65(4) : 947Ŕ50.
malheureusement pas toujours possible, ce qui à celui du saccharose qui est par définition égal
explique que le jugement qualitatif des consom- à 1. La valeur énergétique des sucres-alcools
mateurs soit fréquemment en défaveur du produit (polyols), même si elle est plus faible que celle
allégé par rapport à l'aliment de référence. des sucres (2,4 kcal/g au lieu de 4 kcal/g) est loin
d'être négligeable. Les produits alimentaires
qui en contiennent (bonbons «sans sucre » et
Utilisation des édulcorants chocolat «sans sucre ») doivent être évités ou
Qu'ils soient naturels ou non, les édulcorants utilisés de manière prudente par les personnes
ont pour dénominateur commun de conférer en excès pondéral. En revanche, leurs faibles
une saveur sucrée qui est perçue au niveau de index glycémiques (de l'ordre de 8 quand on
la langue. L'information est ensuite transmise et prend pour référence le glucose dont l'index
interprétée au niveau du système nerveux central. glycémique est égal à 100) en font des produits
Les édulcorants sont habituellement classés en intéressants chez les diabétiques en poids nor-
deux catégories : les édulcorants de charge et les mal. Sur la figure 22.8, nous avons illustré de
édulcorants intenses. manière comparative la réponse glycémique
• Les édulcorants de charge sont des sucres- après ingestion d'une quantité équivalente de
alcools (xylitol, sorbitol, mannitol) dont le pou- glucose et de xylitol, l'un des polyols les plus
voir sucrant est voisin ou légèrement supérieur utilisés comme édulcorant de charge.
247
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
• Ce sont surtout les édulcorants intenses qui d'autres des accouchements prématurés chez les
sont utilisés comme substituts caloriques dans femmes enceintes, il n'y a aujourd'hui aucun élé-
les produits alimentaires. En effet, les édulco- ment permettant de dire que l'aspartame exerce
rants intenses ont un pouvoir sucrant qui est un quelconque effet délétère quand on reste dans
en général 100 à 300 fois supérieur à celui du les limites de la dose journalière autorisée (DJA
saccharose. Prenons l'exemple de l'aspartame = 40 mg/j/kg). Dans la mesure où 1 litre de Coca-
dont le pouvoir sucrant est égal à 200, ceci signi- Cola light contient 240 mg d'aspartame, il faudrait
fie que 25 mg d'aspartame (0,1 kcal) donnent la qu'un adulte boive plus de 10 litres de Coca-Cola
même perception sucrée qu'un morceau de sucre light par jour pour dépasser cette dose. De plus,
contenant 5 g de saccharose (20 kcal). Dès lors, il convient de noter que la DJA est calculée en
il est facile de comprendre pourquoi les édulco- divisant par 100 la DSEIO (dose sans effet indési-
rants intenses sont largement utilisés dans les rable observé) qui est de 4 000 mg/kg/j (fig. 22.9).
produits ou boissons allégés. L'exemple le plus Ceci signifie que le principe de précaution a été
typique est celui des sodas dits «light » qui sont appliqué de manière plus que stricte pour l'aspar-
dépourvus de tout apport calorique alors qu'un tame. Pour clore ce débat, nous ajouterons que la
soda normal apporte environ 40 kcal/100 mL. consommation quotidienne d'aspartame par per-
L'aspartame et l'acésulfame de potassium sont sonne dans l'Union européenne est en moyenne
les édulcorants les plus communément utilisés. de 4 mg/kg/j, soit 10 fois plus faible que la DJA
Ils entrent dans la composition des yaourts, des (fig. 22.9).
entremets et crèmes glacées allégés. L'acésulfame D'autres édulcorants intenses sont utilisés : le
de potassium a une structure chimique proche de sucralose (dérivé synthétique du saccharose sur
la saccharine, découverte il y a plus de 100 ans. lequel trois radicaux hydroxylés ont été remplacés
L'aspartame est un dipeptide méthylé constitué par trois atomes de chlore), le néotame (dérivé de
par de l'acide aspartique et de la phénylalanine. l'aspartame mais avec un pouvoir sucrant multi-
Sa seule vraie contre-indication est la phénylcé- plié par 4 000 par rapport au saccharose) et enfin
tonurie, maladie génétique rare qui touche envi- le rébaudioside A, plus connu sous le nom de
ron 1 enfant sur 27 000 naissances. En revanche, stévia.
l'aspartame est depuis plusieurs décennies la cible Ce dernier édulcorant mérite quelques com-
de croisades menées par des intégristes de la lutte mentaires supplémentaires car il bénéficie
anti-aspartame. Accusé par les uns de provoquer d'un préjugé favorable lié à son statut de pro-
des hépatocarcinomes chez les rongeurs et par duit «naturel ». Extrait d'une plante originaire
Consommation
DSEIO journalière
divisée est 10 fois
par 100 inférieure à
= DJA la DJA
1 2
248
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
RÉTROGRADATION
AMIDONS MODIFIÉS
Figure 22.10. Les chaînes d'amidon sont des polymères du glucose à haut poids moléculaire.
Lors du refroidissement après chauffage, les chaînes d'amidon organisées en réseau sont soumises au phénomène de
rétrogradation (effondrement de la structure). Ce phénomène s'accompagne d'une exsudation des molécules d'eau
(représentée par les points noirs) qui sont normalement emprisonnées dans le réseau des chaînes d'amidon. Pour éviter
ces phénomènes, on peut modifier les amidons en insérant dans les chaînes des radicaux phosphorés (points blancs) qui
stabilisent la structure du réseau. Les molécules d'eau restent ainsi emprisonnées dans les mailles du réseau.
249
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
on peut modifier les amidons en introduisant Pour fabriquer un corps gras solide (margarine
par exemple des radicaux phosphorés, qui stabi- au tournesol) à partir de l'huile de tournesol, il
lisent leur structure. Cette transformation permet est donc indispensable de réduire le pourcentage
au réseau des chaînes d'amidon de garder l'eau d'acide linoléique soit par interestérification soit
emprisonnée dans leurs mailles (fig. 22.10). Leur par hydrogénation.
texture est ainsi préservée donnant au consom- Le procédé d'interestérification consiste à faire
mateur une sensation en bouche qui reproduit au une recombinaison entre deux types de triglycé-
moins partiellement l'onctuosité des produits de rides, les uns provenant de l'huile de tournesol
référence : sauces et desserts glacés. À cet égard, (riche en acides gras polyinsaturés), les autres pro-
rappelons qu'une sauce traditionnelle est en géné- venant d'un corps gras riche en acides gras satu-
ral un mélange à parts égales d'eau et de lipides. rés. Par échange on obtient un corps gras ayant
une teneur intermédiaire en acides gras saturés
et polyinsaturés avec un point de fusion situé à
Traitement des corps gras mi-chemin entre celui de l'huile de tournesol et
alimentaires pour les faire passer celui du corps gras riche en acides gras saturés.
de l'état liquide à l'état solide En choisissant judicieusement les proportions
respectives des triglycérides riches en acides gras
Deux procédés peuvent être utilisés : l'interesté-
saturés et polyinsaturés, on peut obtenir un corps
rification et l'hydrogénation. Les corps gras ali- gras dont le point de fusion est supérieur à la tem-
mentaires sont constitués par des triglycérides pérature ambiante habituelle, c'est-à-dire qui reste
dont les fonctions alcool du glycérol sont estéri- solide à l'état normal.
fiées par des acides gras qui peuvent être saturés Le procédé d'hydrogénation consiste à trans-
ou désaturés. Le point de fusion du corps gras est former une partie des acides gras polyinsaturés
élevé quand l'acide gras est saturé, il diminue avec en acides gras saturés en hydrogénant les doubles
le degré de désaturation de l'acide gras. liaisons, c'est-à-dire en les faisant disparaître.
Le point de fusion est la température qui Malheureusement, ce procédé aboutit à la fabrica-
marque la frontière entre l'état liquide et solide tion d'isomères trans d'acides gras (les acides gras
du corps gras. En dessus du point de fusion, le naturels ont normalement une configuration cis).
corps gras est sous forme liquide, en dessous La transformation d'un acide gras désaturé en son
il est solide. À titre d'exemple, voici quelques isomère trans s'accompagne d'une linéarisation
points de fusion : de la chaîne carbonée avec perte des propriétés
• triglycérides constitués par de l'acide palmi- antiathérogènes et antithrombogènes de l'acide
tique (saturé) = 63 °C ; gras dont il est issu.
• triglycérides constitués par de l'acide oléique C'est pour cette raison que le procédé d'interes-
(monoinsaturé) = 13 °C ; térification est de plus en plus utilisé.
• triglycérides constitués par de l'acide élaïdique
(isomère trans monoinsaturé de l'acide oléique) Fabrication des corps gras allégés
= 44 °C ;
• triglycérides constitués par de l'acide linoléique Les régimes amaigrissants sont en général basés
(polyinsaturé) = Ŕ5 °C. sur une réduction des apports en graisses alimen-
Considérons les deux extrêmes : l'acide pal- taires car leur métabolisme est préférentiellement
mitique et l'acide linoléique. Un corps gras riche orienté vers le stockage dans le tissu adipeux.
en acide palmitique reste solide tant que la tem- La réduction des apports en graisses alimen-
pérature ne dépasse pas 63 °C. Ceci explique que taires est malheureusement accompagnée par
les margarines riches en acide palmitique soient une perte de la «palatabilité » alimentaire, car les
toujours solides à la température ambiante. En graisses sont vectrices de l'onctueux (l'une des
revanche, un corps gras riche en acide linoléique composantes majeures de la sensation en bouche)
devient liquide dès que la température est supé- mais également de nombreux arômes. Le consom-
rieure à Ŕ5 °C. C'est pour cette raison que l'huile mateur se trouve donc confronté à un dilemme :
de tournesol, qui contient 65 % d'acide linoléique perdre en qualité alimentaire pour perdre du
est toujours liquide à température ambiante. poids. L'utilisation de corps gras allégés est en
250
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
251
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
glucose à structure linéaire (amylose) ou ramifiée des amidons rétrogradés. Pour éviter ce phéno-
(amylopectine) (cf. fig. 6.1 et 6.2). mène, il faut modifier les amidons pour empêcher
Les amidons peuvent être modifiés, dénaturés leur rétrogradation et donc leur effondrement.
ou dégradés par la double action de l'eau et du Ceci peut être obtenu grâce à l'introduction de
chauffage (gélatinisation) avec ultérieurement radicaux phosphorés qui stabilisent le réseau des
une rétrogradation lors du refroidissement. chaînes d'amidon (amidons réticulés) (fig. 22.10).
Ce type de modification est utilisé pour la fabri-
Gélatinisation des amidons cation des sauces industrielles, ou des desserts
sucrés allégés et surgelés.
Sous l'effet du chauffage et de l'eau, les grains
d'amidon augmentent en volume, perdent leur
structure semi-cristalline, et une partie de l'ami-
don (amylose surtout) est solubilisée dans l'eau.
La solution devient visqueuse. Il se forme de l'em-
Quelques données
pois d'amidon. Ce phénomène est appelé gélatini- supplémentaires en prenant
sation des amidons. pour exemple les transformations
Rétrogradation des amidons des produits laitiers
Si on refroidit les amidons gélatinisés, ils vont être Le lait, produit «naturel », peut être consommé
l'objet d'un nouveau phénomène appelé rétrogra- directement. Ses propriétés nutritionnelles posi-
dation des amidons (fig. 22.10). Sur le plan physi- tives et bien connues sont sa richesse en protéines
cochimique, ce phénomène est caractérisé par une à haute valeur biologique (7 g dans 200 mL), sa
perte d'eau et par un remaniement des amidons richesse en calcium (200 mg pour 200 mL) et son
qui se condensent pour donner une structure apport en glucides (10 g pour 200 mL) sous forme
semi-cristalline différente de celle des amidons de lactose. En revanche, le lait contient des acides
natifs initiaux. C'est le phénomène de la rétrogra- gras saturés (7 g pour 200 mL) (fig. 22.12). Cette
dation (fig. 22.10). Le phénomène de rétrograda- richesse en acides gras saturés a incité l'industrie
tion sera d'autant plus intense que le chauffage agroalimentaire à produire des laits totalement
initial aura été plus fort, que l'empesage (forma- écrémés ou demi-écrémés. L'avantage évident est
tion d'empois d'amidon) aura été plus poussé et la suppression totale ou la réduction drastique
que la perte d'eau aura été plus importante. (de moitié) des acides gras saturés que l'on accuse
Les deux phénomènes, gélatinisation suivie habituellement de favoriser le développement des
d'une rétrogradation plus ou moins forte, sont maladies cardiovasculaires quand leur apport est
utilisés dans l'industrie agroalimentaire pour excessif. La suppression des graisses saturées ou
la fabrication de produits industriels ou semi- leur réduction s'accompagnent bien évidemment
industriels : farines instantanées, corn flakes, d'une réduction de l'apport calorique. En général
«vermicelles chinois »… Les amidons fortement 200 mL de lait (1 bol) fournissent 120 kcal. Le lait
rétrogradés, tels qu'ils sont obtenus dans les écrémé n'en fournit que 40 et le lait demi-écrémé
«vermicelles chinois » aboutissent à des aliments environ 80. Le lactose du lait a l'avantage d'être un
lentement dégradables dans la lumière du tube glucide lent, peu hyperglycémiant, dont l'index
digestif, c'est-à-dire à index glycémiques faibles. glycémique est de l'ordre de 50 %. Cette propriété
La rétrogradation des amidons est un phéno- est liée au fait que l'absorption du lactose par la
mène qui n'est pas toujours avantageux. C'est le barrière intestinale nécessite une hydrolyse préa-
cas en particulier pour la fabrication de sauces lable par une lactase qui clive le lactose pour libé-
industrielles fabriquées à partir d'amidons. Dans rer une unité de glucose et une unité de galactose.
ce cas, il faut éviter le phénomène de rétrograda- La lactase étant une enzyme peu active, la diges-
tion qui aboutirait à des sauces peu gélifiables au tion du lactose est lente et la montée glycémique
moment du réchauffage et donc peu présentables, reste faible. La contrepartie de la faible activité de
avec apparition de deux phases : l'une hydrique la lactase est la possibilité d'« intolérance au lac-
en surface et l'autre semi-solide caractéristique tose », qui se manifeste par des troubles digestifs
252
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
253
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Lait cru
Barrattage Affinage
Différentes variétés
Babeurre Beurre de fromages
Figure 22.13. Description synthétique des différentes transformations dont le lait cru peut être l'objet.
Petit lait
Coagulation de la caséine
Caillé
Égouttage
Maturation Pâte
• Molle
• PRESSéE
• CUITE
• DURE
Figure 22.14. Description synthétique de la fabrication des fromages avec les deux étapes
successives : la coagulation qui conduit du lait aux fromages frais et la maturation (affinage) qui
conduit des fromages frais aux fromages affinés.
dans le milieu liquide du lait (fig. 22.15). La dispa- obtient le fromage frais ou blanc. La deuxième
rition de la K-caséine sous l'influence de la présure est constituée par le surnageant, désigné sous le
réduit la solubilité des micelles qui vont s'agréger terme de «petit-lait ». Ce dernier, qui est éliminé
les unes aux autres. Pour compléter l'agrégation, en grande partie lors de l'égouttage initial, contient
il est indispensable d'acidifier le milieu afin d'en- la majorité du lactose. Si on part d'une quantité
traîner une précipitation des autres molécules de de lait de l'ordre de 200 mL, on obtient après
caséine (α et β), dont la solubilité minimum se égouttage environ 100 g de fromage frais. Puisque
situe en milieu légèrement acide (point isoélec- les lipides et les protéines qui étaient présents dans
trique, pHi ≈ 4,6). Le résultat est une agrégation les 200 mL de lait se retrouvent entièrement dans
des micelles lipidiques dans le réseau de caséine les 100 g de fromage frais on peut considérer que
ainsi néoformé (fig. 22.15). Après coagulation, les 100 g de fromage frais ont la composition sui-
deux fractions peuvent être individualisées et vante (fig. 22.12) :
séparées. La première est constituée par ce que • 7 g de protéines/100 g ;
l'on désigne sous le terme de caillé (phase molle • 7 g de lipides/100 g ;
lipido-protidique). C'est à partir du caillé que l'on • lactose (glucides ≈ 0).
254
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
Lait entier
Le fromage blanc est le point de départ des
fromages affinés, l'affinage portant le terme de
maturation. Selon le procédé utilisé, on peut obte- Crème Crème
255
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
FABRICATION
DES FROMAGES
Coagulation en présence
de présure
Petit lait pour donner le caillé
ou fromage blanc
Fromage blanc
Maturation (affinage) à partir du fromage blanc après avoir éliminé le petit lait
256
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
orifice, s'effectue une séparation par décantation est compromise lorsque l'on essaie d'introduire
entre deux fractions. La première est la crème des quantités d'eau supplémentaires. La tech-
du lait, riche en lipides (30Ŕ35 %) et qui tend à nique des beurres dits allégés qu'il convient de
prendre une voie ascendante dans le séparateur désigner sous le terme de « pâtes à tartiner » fait
centrifuge. La deuxième fraction est représentée appel à des agents tensioactifs ; lécithines, digly-
par le lait écrémé. Elle est liquide, plus lourde cérides, monoglycérides, protéines, caséinate de
et elle prend une voie descendante quand elle sodium. La quantité d'agents tensioactifs (émul-
parvient au niveau des orifices de décantation. sifiants) est d'autant plus élevée que la quantité
Cette fraction est riche en eau, en protéines et d'eau est plus forte. Les quantités d'eau dans les
en lactose, mais elle est évidemment dépourvue pâtes à tartiner peuvent aller jusqu'à 80 % du
de lipides. Ainsi, après de multiples rotations, les produit final. Toutefois, il convient de souligner
deux phases se trouvent ainsi séparées. La crème que ces produits font de moins en moins appel
peut être consommée telle quelle mais elle est à des constituants d'origine laitière. Dans cer-
également un constituant essentiel des sauces et taines pâtes à tartiner, les mono- et diglycérides
des crèmes glacées. En effet, son onctuosité liée sont fournis par des huiles végétales. Le seul
à sa richesse en lipides lui confère une sensation constituant d'origine laitière est représenté par
en bouche inégalable. Toutes les tentatives de les protéines qui jouent le rôle d'agent tensioac-
l'industrie agroalimentaire pour remplacer l'onc- tif. Le produit final n'a donc presque plus rien
tueux lipidique des sauces et des crèmes glacées à voir avec le lait. C'est pour cette raison que le
traditionnelles par des protéines ou des amidons terme de pâte à tartiner doit être utilisé à la place
modifiés pour produire des sauces ou des glaces du terme de beurre allégé qui est totalement
allégées ne se traduisent en général que par des impropre dans le vocabulaire alimentaire.
demi-succès. Le babeurre, qui est la partie de la crème de lait
qui reste après barattage et fabrication du beurre,
Barattage se présente sous l'aspect d'un liquide blanc de goût
aigrelet. Le babeurre encore appelé «lait battu » ou
Le beurre est obtenu à partir de la crème de lait. lait de beurre a une valeur nutritionnelle indiscu-
Le mode de production du beurre repose sur table. Moins riche en lipides que le lait, il contient
un traitement mécanique qui consiste à agiter des protéines et du lactose dont une partie s'est
la crème de lait dans une chambre cylindrique transformée en acide lactique sous l'influence de
munie de battes destinées à briser la membrane ferments lactiques. Ceci explique le goût aigre-
des lobules graisseux contenus dans la crème. let du babeurre. Les protéines du babeurre en
Les petits grains de beurre formés suite à ce trai- raison de leur pouvoir émulsifiant peuvent être
tement mécanique sont ensuite séparés du reste utilisées dans la fabrication des pâtes à tartiner
de la mixture (le babeurre) dans un tambour dont elles sont parfois l'un des principaux agents
muni d'un filtre perforé. Cette deuxième étape émulsifiants. En résumé, la composition en nutri-
permet de concentrer les lipides pour créer une ments du babeurre s'apparente à celle des yaourts.
émulsion dont la phase continue très riche en Toutefois leur teneur calorique et lipidique est
graisses (85 % de lipides environ) englobe une plus faible que celle des yaourts naturels (environ
phase hydrique dispersée peu abondante (moins 40 kcal pour moins de 1 g de lipides pour 100 g).
de 15 %). Ainsi se forme une émulsion stable type
eau/huile grâce à une opération appelée barat-
tage et qui englobe les deux étapes qui viennent Procédés de fermentation
d'être décrites. La stabilité est indispensable appliqués aux produits laitiers
pour l'obtention d'un corps gras solide comme le
beurre dans lequel cohabitent deux constituants, Comme nous l'avons indiqué plus haut, la réaction
l'eau et les graisses, qui à l'état normal ne sont de fermentation appliquée à l'affinage des fromages
pas miscibles et ont une tendance spontanée à se conduit à certaines variétés de fromages : camem-
séparer. Quelques agents tensioactifs normale- bert, brie, roquefort. C'est cette réaction qui confère
ment présents dans la crème de lait permettent à ces fromages leur teneur en arômes et leur goût
d'assurer la stabilité de l'émulsion. Cette stabilité si particulier. En revanche, dans la fabrication des
257
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
258
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
Régime A Régime B
Repas Aliments Cal G (g) Aliments Cal G (g)
(kcal) (kcal)
Petit déjeuner Lait normal (200 mL) 120 10 Lait écrémé (200 mL) 40 10
Biscottes (2) 60 14 Biscottes (2) 60 14
Confiture (1 càc) 20 4 Confiture pour diabétiques (2 càc) 20 4
Beurre (5 g) 40 0 Pâte à tartiner à 50 % de MG (10 g) 40 0
Fruit (1) 50 12 Fruit (1) 50 12
Repas de midi Crudités (1 portion) 50 12 Crudités (1 portion) 50 12
Huile (1 càs) 90 0 Huile (1 càs) 90 0
Viande (125 g) 180 0 Viande (150 g) 220 0
Riz (240 g) 240 50 Riz (240 g) 240 50
Sauce normale (1 càs) 90 0 Sauce allégée avec amidons 45 10
Fromage (30 g) 120 0 modifiés (2 càs)
Compote normale (100 g) 100 25 Fromage à 0 % de MG (30 g) 40 0
Pain (50 g) 120 25 Compote allégée (200 g) 140 30
Pain (50 g) 120 25
Repas du soir Crudités (1 portion) 50 12 Crudités (1 portion) 50 12
Huile (1 càs) 90 0 Huile (1 càs) 90 0
Poisson (100 g) 120 0 Poisson (150 g) 180 0
2 pommes de terre (taille 3 pommes de terre (taille moyenne) 180 37
moyenne) 120 25
Pâte à tartiner à 20 % de MG (20 g) 20 0
Sauce normale (2 càs) 90 0 Fruits (2) 100 24
Fruit (1) 50 12 Yaourt à 0 % de MG enrichi 100 15
Yaourt normal (1 pot) 60 5 en fruits (1 pot)
Pain (50 g) 120 25 Pain (50 g) 120 25
Total 1 980 226 1 995 280
Le régime A est construit en utilisant des produits alimentaires traditionnels de référence.
Le régime B est construit en substituant des produits alimentaires allégés (indiqués en gras) aux produits alimentaires traditionnels.
La substitution étant réalisée pour arriver au même total calorique il apparaît que l'apport glucidique est plus important avec le régime B
qu'avec le A. MG = matière grasse; cas = cuillère à soupe; cac = cuillère à café.
259
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
facteurs sont impliqués dans ce phénomène. En pondérale chez les sujets obèses qui souhaitent
premier lieu, les produits allégés n'assurent pas la maigrir. La réduction de densité énergique
même sensation de satiété, ce qui incite le sujet à (moins de calories dans le même volume) des
consommer davantage. La deuxième raison est produits allégés par rapport à l'aliment tradition-
que le consommateur pense qu'il peut augmenter nel de référence ne conduit pas forcément à une
le volume des portions alimentaires parce qu'elles baisse de l'apport calorique global car les sujets
contiennent moins de calories. Le résultat montre qui utilisent des produits allégés ont tendance
que les deux régimes A et B sont équivalents à augmenter leur consommation en termes de
en termes d'apports caloriques. En revanche, le volume et in fine à consommer la même quantité
régime B apporte davantage de glucides (280 g et de calories. La personne qui consomme 20 g de
56 % de l'apport énergétique total) que le régime A pâte à tartiner à 45 % de matière grasse ou 10 g
(226 g et 46 % de l'apport énergétique total). Ceci de beurre normal contenant 90 % de matière
n'est pas forcément une bonne nouvelle pour les grasse aura un apport calorique de l'ordre de 80
personnes qui sont diabétiques car l'apport glu- à 90 kcal dans les deux cas de figure. L'utilisation
cidique en pourcentage devrait rester en dessous de produits allégés ne pourra être efficace que si
de 50 % de l'apport énergétique total. Si l'on tient elle s'insère dans le cadre d'un plan alimentaire
compte de toutes ces données, il apparaît que la défini par le médecin et observé par le patient.
consommation de produits transformés (allégés L'emploi d'édulcorants intenses permet aux
pour la plupart d'entre eux) n'est pas indispensable. patients diabétiques de retrouver le goût du sucré
En effet, il est tout à fait possible de contrôler les sans risque d'entraîner des dérives hyperglycé-
apports caloriques sans avoir recours à des pro- miques. Les polémiques qui ont eu lieu contre
duits alimentaires allégés même si leur consom- certains édulcorants intenses comme l'aspartame
mation peut s'avérer utile chez certaines personnes. ne reposent sur aucune base scientifique sérieuse
Dans tous les cas de figure, et plus particulièrement et ne servent qu'à perpétuer des frayeurs qui ne
chez les personnes diabétiques, l'utilisation de pro- profitent en général qu'à ceux qui les agitent. Ce
duits alimentaires allégés devrait toujours être cor- n'est pas pour autant que les édulcorants doivent
rectement expliquée par un professionnel de santé être utilisés sans discernement. Certains comme
averti et elle devrait s'intégrer dans le cadre d'un les édulcorants de charge (sucres-alcools) sont
programme nutritionnel bien défini. aussi caloriques que les sucres qu'ils sont cen-
sés remplacer. De plus, les édulcorants, quels
qu'ils soient, entraînent une accoutumance au
goût sucré qui peut avoir des effets «pervers »
Conclusion pour induire ultérieurement une consommation
excessive d'aliments caloriques ayant une teneur
Pour revenir au titre de ce chapitre, les transfor- élevée en sucres rapides. Il faut savoir aussi que
mations industrielles sont-elles utiles, inutiles, certaines transformations alimentaires (la gril-
voire même néfastes pour le consommateur lade, le fumage par exemple) peuvent conduire à
en général et pour les patients diabétiques plus la formation d'espèces chimiques dont certaines
particulièrement ? Le côté utile de ces transfor- ont une toxicité évidente. L'une des recomman-
mations est indiscutable quand il s'agit d'assurer dations essentielles est donc de diversifier son
la sécurité alimentaire en termes de préserva- alimentation et les modes de préparation des
tion et de conservation des aliments. Il est éga- aliments. Consommer des grillades ou des pro-
lement au premier plan si on se place du côté duits fumés de temps en temps ne présente pas
de la présentation des aliments, c'est-à-dire des de danger particulier ; en consommer tous les
qualités organoleptiques des aliments (goûts, jours est en revanche fortement déconseillé.
textures, couleurs…). L'utilité est-elle au rendez- Les additifs alimentaires ajoutés par l'industrie
vous quand on cherche à produire des aliments agroalimentaire sont soumis à des normes d'uti-
allégés ou des boissons dites light ? L'utilisation lisation définies par les organismes nationaux
de produits alimentaires «allégés » en calories, ou internationaux. En revanche, nous regrettons
en graisses et en sucres n'a jamais apporté la que leur présence dans les aliments ne soit le plus
preuve de son efficacité en termes de réduction souvent indiquée sur l'étiquetage que par des
260
Chapitre 22. Transformer les aliments industriellement : comment ? Pourquoi ?
261
Structurer la prise CHAPITRE
23
alimentaire chez le
patient diabétique :
pourquoi ? Comment ?
La place de l'insulinothérapie
dite « fonctionnelle »
L. Monnier
à la maintenir idéalement entre 0,80 et 1 g/L. tissus périphériques (muscles, tissu adipeux)
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
Après la prise d'un repas glucidique, les taux qui métabolisent le glucose sous l'influence de
plasmatiques de l'insuline s'élèvent rapidement l'insuline. L'insulinorésistance hépatique conduit
pour atteindre en moyenne 40 à 60 mU/L (240 à une mauvaise freination de la production hépa-
à 360 pmole/L) (cf. fig. 4.2). La limitation de la tique du glucose en période postprandiale. Les
montée glycémique est également liée à la freina- dérives glycémiques postprandiales sont donc la
tion de la sécrétion du glucagon en période post- résultante des perturbations hormonales et méta-
prandiale. Ainsi, l'augmentation de l'hormone boliques multiples, qui sont reliées entre elles.
hypoglycémiante (l'insuline) et la diminution de À titre d'exemple, le maintien d'une production
l'hormone hyperglycémiante (le glucagon) sont hépatique de glucose excessive en période post-
les deux mécanismes principaux qui permettent prandiale est la conséquence de la diminution de
263
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Stimulation de l’insuline
− +
+ −
Figure 23.1. Régulation de la réponse glycémique avec un repas glucidique chez un sujet sain (A)
et chez un patient diabétique (B).
La montée glycémique anormalement ample et prolongée chez le patient diabétique est due à une anomalie de la
réponse hormonale postprandiale : déficit de la réponse insulinique et défaut de freination de la sécrétion du glucagon.
La conséquence est une production hépatique du glucose non freinée et une diminution de l'utilisation du glucose.
la réponse insulinique, de la baisse de sensibilité médicamenteux ont une action sur la glycémie
des cellules hépatiques à l'insuline et de l'absence postprandiale, il apparaît indispensable de struc-
de freination du glucagon. turer les prises alimentaires chez le patient diabé-
Enfin, il ne faut pas oublier que la réponse insu- tique pour faciliter l'action de ces médicaments à
linique en période postprandiale n'est pas exclusi- visée postprandiale, voire même pour éviter leur
vement stimulée par la montée glycémique, mais utilisation.
qu'elle dépend également d'autres facteurs comme
les incrétines intestinales dont le GLP-1 (gluca-
gon-like peptide-1) est le représentant le plus mar-
quant. Chez les patients diabétiques de type 2, la
Les périodes qui suivent une
diminution de la sécrétion du GLP-1 et l'insensi- prise alimentaire : description
bilité des cellules bêta-langerhansiennes au GLP-1 des profils glycémiques
participent à la baisse de la capacité de la réponse
insulinique. Ainsi, suite à une altération anato- postprandiaux chez les sujets
mique (disparition ou déficit de réplication) ou à qu'ils soient diabétiques ou non
des troubles fonctionnels par diminution de leur
sensibilité aux stimuli habituels, les cellules bêta- Chez une personne qui n'est pas diabétique, trois
langerhansiennes qui sécrètent l'insuline n'as- séquences (postprandiale, postabsorptive et de
surent plus la couverture habituelle des besoins jeûne) se succèdent après l'ingestion d'un repas.
insuliniques en période postprandiale. La première (fig. 23.2) a une durée qui débute avec
Dans le diabète de type 2, ces altérations s'ex- l'ingestion des aliments glucidiques et qui se ter-
priment d'une manière séquentielle. Au cours mine avec le passage de la dernière molécule de
d'une première étape, c'est la réponse insulinique monosaccharides (glucose ou autre ose simple) de
postprandiale qui est altérée, ce qui explique que la lumière du tube digestif vers le torrent circula-
les désordres de la glycémie postprandiale appa- toire. Cette période couvre donc la digestion des
raissent précocement dans l'histoire naturelle du glucides et leur absorption intestinale. Sa durée
diabète (cf. fig. 2.6). Même si certains traitements totale est de l'ordre de 4 heures, mais la montée
264
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?
glycémique au-dessus de la ligne de base (avant la glycémie qui revient à un niveau normal à partir
l'ingestion du repas) est beaucoup plus courte : de la 120e minute (fig. 23.3A). Les altérations de la
moins de 2 heures. Au-delà, la glycémie retourne à réponse insulinique chez les patients diabétiques
son niveau de départ. Ce décalage entre la durée de de type 2 conduisent souvent à une montée glycé-
la période postprandiale et celle de la montée gly- mique qui dépasse largement les 4 heures, c'est-
cémique au-dessus de son niveau de base (moins à-dire la durée de la période postprandiale pour
de 2 heures) est expliqué par la réponse insuli- déborder sur la période suivante, c'est-à-dire sur
nique. Cette dernière est parallèle à la montée gly- la période postabsorptive (fig. 23.3B). Dans ces
cémique au début du repas. Ultérieurement, elle conditions, il est facile de comprendre qu'à raison
reste légèrement décalée vers le haut par rapport à de trois repas par jour, un sujet puisse avoir une
hyperglycémie postprandiale qui s'étale sur une
REPAS durée de temps supérieure à 12 heures. «Vivre en
hyperglycémie postprandiale pendant plus de la
moitié de leur existence », c'est ce qui est souvent
observé chez de nombreux patients diabétiques
de type 2 si les prises alimentaires ne sont pas
Postprandiale Postabsorptive De jeûne correctement structurées et si le traitement médi-
4 heures 6 heures camenteux (insuline ou autres médications anti-
Figure 23.2. Séquences métaboliques qui diabétiques) n'est pas suffisamment ajusté à ces
suivent un repas glucidique. prises alimentaires.
La période postprandiale démarre avec le début du La situation va être sensiblement différente
repas et se termine lorsque les glucides alimentaires ont entre les patients diabétiques de type 1 chez les-
totalement été digérés et absorbés. quels la sécrétion insulinique a totalement disparu
15 A B C D
1500
Glycémie(mmol/L)
Insulinémie(pmol/L)
1000
10
500
5 0
0 60 120 0 60 120 0 60 120 0 60 120
Minutes Minutes Minutes Minutes
Dose Dose
d’insuline d’insuline
(analogue (analogue
rapide) rapide)
Figure 23.3. Réponses glycémiques (points noirs) et insulinémiques (points blancs) après un repas
glucidique.
Pour les réponses insulinémiques, elles correspondent soit au dosage de l'insuline endogène (traits pleins, figures A et
B) soit au dosage de l'insuline exogène qui résulte de l'injection de la dose d'analogue rapide de l'insuline avant le repas
(traits pointillés, C et D).
A. Chez des sujets n'ayant aucun trouble de la glucorégulation. Les deux réponses sont totalement parallèles.
B. Chez des sujets ayant un diabète de type 2. La réponse insulinique est retardée, caractérisée par un hyperinsulinisme
tardif mais relatif et qui reste en général incapable de contrecarrer l'état d'insulinorésistance responsable de cet
hyperinsulinisme. C. Chez des sujets ayant un diabète de type 1 avec une glycémie élevée avant le repas et recevant un
analogue rapide de l'insuline sous forme de bolus préprandial. D. Chez un sujet ayant un diabète de type 1 avec une
glycémie normale avant le repas et recevant un analogue rapide de l'insuline sous forme de bolus préprandial. La période
tardive à la deuxième heure est marquée par un excès d'insuline et par un risque hypoglycémique.
265
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
et les diabétiques de type 2 chez lesquels il persiste cet hyperinsulinisme réactionnel s'il a été stimulé
une sécrétion insulinique résiduelle même si de manière excessive par un repas trop riche en
celle-ci est insuffisante et retardée. Toutefois, les glucides, peut conduire à des hypoglycémies dites
deux types de patients se rejoignent au moins sur réactionnelles ou fonctionnelles, qui surviennent
un point : l'absence d'ajustement entre les taux à distance de la prise alimentaire entre la 3e et la
plasmatiques de l'insuline et du glucagon après 4e heure. Cette survenue d'hypoglycémies dites
ingestion d'un repas glucidique (fig. 23.3). «réactionnelles » paraît en apparence paradoxale
Chez les diabétiques de type 1, il est classique dans la mesure où les deux premières heures ont
d'injecter une dose d'insuline à action rapide sous été au contraire marquées par une montée gly-
forme de bolus avant chaque repas pour tenter cémique anormalement élevée. Ainsi, l'un des
de contrôler les montées glycémiques postpran- points communs aux diabètes de types 1 et 2 est
diales. Toutefois, malgré les progrès qui ont été constitué d'un côté par une montée glycémique
réalisés, les analogues rapides de l'insuline (lis- excessive dans la période qui suit la prise alimen-
pro, asparte, glulisine) ont une action qui est tou- taire par manque d'insuline exogène ou endogène
jours décalée par rapport à la montée glycémique : et d'un autre côté par un risque d'hypoglycémie à
leur maximum d'action survient en général vers distance entre la 3e et la 4e heure par excès d'insu-
la 60e minute (fig. 23.3C et D) alors qu'il devrait line, qu'elle soit exogène (diabète de type 1) ou
se situer aux alentours de la 30e minute. De plus, endogène (diabète de type 2) (fig. 23.3). Le plus
leur durée totale d'action est de 4 à 5 heures souvent ces hypoglycémies surviennent chez les
alors qu'elle ne devrait pas dépasser 2 heures de patients diabétiques de type 1 et beaucoup plus
manière idéale. Les nouvelles préparations ultra- exceptionnellement chez les diabétiques de type 2
rapides telles que l'« ultra-fast aspart » (Fiasp®) car l'hyperinsulinisme du diabétique de type 2 est
semblent agir plus vite (gain de quelques minutes) une conséquence de l'insulinorésistance qui pro-
et sur une période plus courte (3 à 4 heures). Il a tège en théorie contre les risques d'hypoglycémie.
été démontré avec ces insulines dites ultrarapides Ce point commun qui traduit une inadéquation
que les valeurs glycémiques observées 1 heure et entre l'insulinémie et la glycémie est illustré sur la
2 heures après l'ingestion d'un repas sont plus figure 23.3 (fig. 23.3B pour le diabète de type 2 et
basses qu'avec l'analogue rapide de référence, en fig. 23.3C et D pour le diabète de type 1).
l'occurrence l'insuline asparte (NovoRapid®).
Chez le patient diabétique de type 2, la réponse
insulinique est retardée (fig. 23.3B). Pour imager Conséquences
ce retard, certains diabétologues parlent de pan-
créas «paresseux ». Toujours est-il que la sécrétion sur la structuration des repas
endogène d'insuline ne répond pas de manière
immédiate lors d'une ingestion glucidique. Ce
Répartition des nutriments
temps de latence entraîne une montée glycémique sur un repas donné (fig. 23.4)
excessive au cours des 30 à 120 minutes qui suivent Un repas glucidique apporte normalement entre
le début de la prise alimentaire. Dans certains cas,
30 et 100 g de glucides.
en particulier lorsque le patient se trouve au stade
précoce des désordres glycémiques, c'est-à-dire
dans la période de transition entre le prédiabète et Petit déjeuner
le diabète sucré avéré, la phase d'hyposécrétion ini- Dans la plupart des sociétés, la consommation
tiale est le plus souvent suivie d'une hypersécrétion de glucides est en général beaucoup plus faible
tardive entre la 2e et la 3e heure. Cette hypersécré- au moment du petit déjeuner qu'aux autres repas
tion est liée à l'insulinorésistance qui caractérise le de la journée. Les quantités de glucides sont aux
diabète de type 2. Elle est donc réactionnelle, mais alentours de 30 à 40 g le matin et de 70 à 100 g
également relative, car elle est en général inca- aux deux autres repas. La qualité des glucides est
pable de ramener la glycémie à la normale dans les également variable entre les trois repas. Le plus
délais habituels (moins de 2 heures) en raison de souvent, le petit déjeuner est relativement riche
l'insulinorésistance. Dans certains cas, pour peu en glucides à fort pouvoir hyperglycémiant (jus
que l'insulinorésistance ne soit pas trop marquée, de fruits, viennoiseries, confitures, biscottes,
266
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?
A Petit déjeuner
Figure 23.4. Structuration d'un repas glucidique recommandée chez un patient diabétique.
A. Petit déjeuner. B. Repas de midi et du soir.
flocons d'avoine). Il convient de noter que le pain d'éviter une charge glucosée trop importante
grillé souvent consommé au petit déjeuner a un au moment du petit déjeuner. La quantité de
pouvoir hyperglycémiant plus élevé que celui du glucides ne devrait pas dépasser 40 g et l'apport
pain blanc, lequel a lui-même un index glycé- glucidique devrait être assuré par des aliments à
mique relativement fort, égal à 100 dans l'échelle index glycémique faible ou modéré (fruits frais,
de référence qui est habituellement utilisée (cf. lait, yaourts). À titre d'exemple, il est préférable
chapitre 6). La montée glycémique liée à l'inges- de consommer des fruits frais plutôt que des jus
tion de ces glucides dits «rapides » peut être en de fruits pressés. La plus mauvaise solution serait
partie amortie soit par la consommation de glu- de prendre des jus de fruits du commerce qui sont
cides plus lents sous la forme de fruits entiers ou toujours plus sucrés que les jus de fruits pressés,
de lait (le lactose a un index glycémique faible, surtout lorsqu'ils contiennent des sucres ajoutés. Il
voisin de 50), soit par la consommation conco- est bien certain que le petit déjeuner ne se prête
mitante d'aliments lipido-protidiques (beurre, guère à la consommation de légumineuses bien
jambon, fromages). Il n'en reste pas moins que que certains nutritionnistes anglais aient, il y a une
sauf cas particulier, ce sont les glucides à fort pou- trentaine d'années, préconisé la consommation de
voir hyperglycémiant qui constituent la majeure lentilles au petit déjeuner. À notre connaissance, ce
partie de l'apport nutritionnel du petit déjeuner. message n'a guère reçu d'écho favorable auprès des
C'est pourtant au moment de ce premier repas de consommateurs. En revanche, même si la consom-
la journée que l'on devrait être le plus vigilant sur mation d'aliments comme le pain, qui a un index
le pouvoir hyperglycémiant des aliments. En effet, glycémique non négligeable, ne peut être évitée,
c'est en fin de nuit et pendant la première partie de son pouvoir hyperglycémiant peut être «tam-
la matinée que la sensibilité des tissus à l'insuline ponné » par la prise concomitante de fromage,
est la plus faible et que la production hépatique du de jambon et de corps gras (beurre par exemple).
glucose est à son maximum. Dès lors, il est facile De plus en plus dans les buffets de restaurant sont
de comprendre que, au moins chez les patients proposées au petit déjeuner des salades compo-
diabétiques de type 2, c'est la glycémie qui suit le sées avec des légumes frais (carottes, tomates) et
petit déjeuner qui est la plus forte de la journée. des céréales (maïs). Cette consommation ne peut
Chez les diabétiques, il est donc recommandé qu'être recommandée aux personnes diabétiques.
267
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
268
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?
palatabilité du petit déjeuner. En revanche, le salés en entrées ou en tant que plat principal.
repas de midi devra être relativement copieux avec La portion moyenne de tarte salée ou de feuilleté
un apport glucidique de plus de 100 g. Cet objectif apporte 360 à 400 kcal avec un apport glucidique
peut être atteint avec par exemple : 2 portions de qui est de l'ordre de 25 à 30 g. Le pouvoir hyper-
120 g de riz soit 50 g de glucides, 1/4 de baguette glycémiant de ces glucides est indiscutable même
de pain, soit 25 g de glucides, 1 fruit soit 12 g s'il reste moins important que celui des pâtisse-
de glucides et une assiette de crudités en entrée : ries ou des entremets sucrés. En effet, les autres
12 g de glucides. Pour dépasser les 100 g de glucides, constituants nutritionnels de la tarte salée, qui
il suffit d'ajouter du pain au prorata de l'objectif sont le plus souvent de nature lipido-protidique
qui est poursuivi : 20 g de pain supplémentaire (jambon, fromages par exemple) ont tendance
pour chaque incrément glucidique de 10 g. Enfin, à tamponner le pouvoir hyperglycémiant de la
des collations glucidiques apportant une vingtaine pâte qui entre dans la composition des tartes ou
de grammes de glucides peuvent être program- des feuilletés salés. Si on a le choix, il est préfé-
mées dans les périodes interprandiales (milieu de rable de les consommer en remplacement du plat
matinée ou d'après-midi) ou à distance des repas principal plutôt qu'en entrée afin de ne pas posi-
(avant le coucher) en fonction du risque d'hypo- tionner des glucides à pouvoir hyperglycémiant
glycémie dans les périodes correspondantes. Un non négligeable en première partie du repas,
sujet diabétique insuliné, qui fait des hypoglycé- c'est-à-dire dans la période où ils sont susceptibles
mies nocturnes, devrait prendre avant le coucher de conduire aux montées glycémiques les plus
une collation comportant par exemple 1 fruit (12 g marquées.
de glucides) et un ou 2 yaourts (5 à 10 g de glu-
cides) soit un total de 17 à 22 g de glucides.
Adaptation du traitement
médicamenteux antidiabétique
Répartition des glucides à la structure des repas
sur la semaine Ce problème est surtout crucial pour les
La plupart des personnes ont coutume de prendre patients diabétiques qui sont traités par
pendant le week-end un à deux repas plus copieux insuline. Chez ceux qui ne reçoivent qu'un
qu'à l'habitude. Ces repas sont en général accom- traitement par antidiabétiques oraux ou par
pagnés de la prise de pâtisseries ou d'entremets agonistes des récepteurs du GLP-1, c'est-à-dire
sucrés qui augmentent la ration glucidique. Une par des médications non insuliniques, l'adap-
pâtisserie de taille moyenne apporte une quantité tation du traitement à la structure des repas
de glucides de l'ordre d'une trentaine de grammes. est simple. La seule précaution est d'éviter de
L'une des solutions pour éviter l'excès de glucides prendre un antidiabétique oral type sulfony-
est de réduire la quantité de pain en sachant que lurée quand on est à jeun ou quand on saute
30 g de glucides sont apportés par 60 g de pain. un repas. En effet, les sulfonylurées font sécré-
Ainsi, c'est cette quantité de pain qu'il faudrait ter de l'insuline de manière indépendante du
en théorie supprimer pour contrôler l'apport glucose. Le risque d'une prise de sulfonylurée
glucidique. Toutefois, ceci n'est pas toujours pos- en dehors de toute prise alimentaire est donc
sible sauf à supprimer complètement l'apport de celui de l'hypoglycémie. En revanche, chez les
pain au moment des repas festifs. Pour éviter cet patients traités par insuline, il est nécessaire de
inconvénient, il est toujours possible de combiner moduler les doses d'insuline, en particulier les
la réduction du pain avec celle des féculents qui bolus d'insuline préprandiaux, pour contrôler
accompagnent le plat principal. Quelle que soit la les excursions glycémiques postprandiales. La
solution choisie, la pâtisserie ou l'entremet sucré distribution quantitative des insulines pran-
doivent être consommés en fin de repas car c'est à diales sur les trois repas de la journée varie
ce moment-là qu'ils seront les moins hyperglycé- d'un sujet à l'autre et même souvent d'un jour
miants. L'un des problèmes qui se posent au cours à l'autre chez un même sujet. La teneur en
des repas du week-end est la consommation de glucides des repas et la qualité des glucides
tartes salées (quiches ou pizzas) ou de feuilletés ingérés jouent un rôle dans cette variabilité.
269
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
270
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?
peuvent être ainsi déterminées (fig. 23.5). Le flux même dans les formes qui sont considérées a priori
de glucose intestinal ou prandial est ultérieure- comme relativement stables.
ment rétabli en réintroduisant des repas dont la
teneur en glucides est quantifiée. Les doses pran- Instabilité des paramètres
diales d'insuline permettant de contrôler les glycé- métaboliques impliqués
mies postprandiales sont ainsi considérées comme dans la régulation glycémique
représentatives des bolus à administrer au moment
des trois principaux repas de la journée (fig. 23.6).
et conséquence sur la
Ce calcul élémentaire est basé sur l'hypothèse que détermination des besoins
la régulation de la glycémie obéirait chez les dia- insuliniques
bétiques à un modèle stable au cours du temps. La variabilité des montées glycémiques postpran-
L'expérience clinique montre malheureusement diales qui sont plus longues et plus intenses que
que la régulation de la glycémie obéit au contraire chez les non diabétiques est conditionnée par de
à un modèle variable (fig. 23.7) au cours du temps, nombreux facteurs.
sur une même journée et d'un jour à l'autre. Il en
est ainsi pour l'absorption intestinale des glucides Besoins insuliniques prandiaux
et pour la métabolisation des médicaments hypo- • Certains sont de nature purement alimentaire :
glycémiants, avec une mention particulière pour charge en glucides au moment de chaque repas,
l'insuline. C'est donc l'instabilité et non la stabi- index glycémique des aliments, association
lité qui est la règle dans le diabète sucré insuliné, des glucides à d'autres nutriments (protides,
Métabolisme
du glucose Réponse glycémique
postprandiale
Absorption
intestinale
des glucides
Métabolisme
Glycémie
Pharmacocinétique
et pharmacodynamie
de l’insuline
Figure 23.7. Le métabolisme du glucose répond à un modèle aléatoire dans lequel les différents
paramètres varient continuellement au cours du temps chez un même patient.
271
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
lipides). À titre d'exemple, une portion de pain d'analogues rapides de l'insuline qu'il convient de
blanc apportant 50 g de glucides entraîne une donner sont en général égales à 1,5 unité avant le
réponse glycémique deux fois plus forte que petit déjeuner et à 1 unité avant le repas de midi ou
celle obtenue avec une demi-portion de pain avant le repas du soir. Ces doses ne sont bien évi-
blanc apportant 25 g de glucides. De plus, le demment que des moyennes qui sont à moduler
pouvoir hyperglycémiant des glucides alimen- d'un individu à l'autre et qui peuvent même fluc-
taires diffère d'un aliment à l'autre en fonction tuer au cours du temps chez un même individu.
de l'index glycémique des aliments et des traite- Comme nous l'avons déjà signalé, il convient de
ments thermiques et mécaniques qui leur sont remarquer que les doses d'insuline à fournir avant
appliqués. Ces problèmes ont déjà été largement le petit déjeuner sont chez la majorité des patients
évoqués dans le chapitre consacré aux «glucides plus élevées que celles à injecter avant les deux
alimentaires » (chapitre 6). autres repas. Cette différence est due au fait que
• La période de la journée joue un rôle. Les petits c'est en fin de nuit et dans la matinée que la sen-
déjeuners sont les repas qui donnent naissance sibilité à l'insuline est la plus faible et par voie de
aux excursions glycémiques postprandiales les conséquence que les besoins insuliniques sont les
plus fortes, au moins chez les diabétiques de plus importants.
type 2. Dans ce groupe de patients, ce sont les
Besoins insuliniques de base
montées glycémiques qui suivent les repas qui
conditionnent la variabilité glycémique globale. Si l'insulinothérapie fonctionnelle a permis de
• La variabilité glycémique dépend du type de dia- définir des règles relativement claires pour les
bète et du traitement qui lui est appliqué. La classi- besoins insuliniques prandiaux, il n'en est pas de
fication se fait selon un ordre décroissant qui est le même pour les besoins insuliniques de base. En
suivant : diabète de type 1 > diabète de type 2 insu- effet, la détermination de ce type de besoin en
liné > diabète de type 2 traité par antidiabétiques insulinothérapie fonctionnelle est conduite grâce
oraux (ADO) > sujets sains. Comparativement à un jeûne total ou glucidique. Dans les deux cas,
aux sujets sains dont la variabilité glycémique ce jeûne induit des modifications métaboliques
reste faible, les patients diabétiques ont une importantes (fig. 23.8). Chez une personne nor-
variabilité glycémique qui est augmentée d'un malement nourrie, le maintien de la glycémie à la
facteur de l'ordre de 2 pour les diabètes de type 2 normale provient de la glycogénolyse hépatique
non insulinés, de l'ordre de 3 pour les diabètes tant que les réserves en glycogène hépatique ne
de type 2 insulinés et de l'ordre de 4 voire même sont pas épuisées. Ce phénomène couvre toute
plus pour les diabètes de type 1. En dépit de cette la période postabsorptive qui va de la 4e à la
absence de stabilité, l'insulinothérapie fonction- 10e heure après l'ingestion d'un repas. Au cours
nelle a permis de donner des consignes pour défi- de cette période, la production hépatique de glu-
nir les doses d'insuline prandiale en fonction de la cose par glycogénolyse est de 5 g/h, la production
quantité de glucides ingérés à tel ou tel repas. Pour de corps cétoniques reste faible (1 g/h), le muscle
une prise de 10 g de glucides, les doses moyennes libère environ 1,5 g d'acides aminés par heure et
272
Chapitre 23. Structurer la prise alimentaire chez le patient diabétique : pourquoi ? Comment ?
le tissu adipeux déverse 7 g d'acides gras libres pour maintenir la glycémie à un niveau normal
toutes les heures. Quand le sujet entre en période après une injection d'insuline a un coefficient de
de jeûne (au-delà de la 10e heure après l'ingestion variation égal à 68 % pour la NPH, 48 % pour la
d'un repas), les métabolismes subissent des alté- glargine et 27 % pour la détémir.
rations importantes qui ne cessent de s'aggraver Dans tous les cas de figure et quelle que soit la
au fur et à mesure que le jeûne se prolonge. La nature de l'insuline, la reproductibilité des profils
production de glucose par le foie ne provient plus d'action insulinique est peu prévisible d'un jour à
de la glycogénolyse mais de la néoglucogenèse l'autre chez un même sujet. Cette variabilité s'ex-
(qui est de l'ordre de 2 g/h). La production de plique en partie par les variations de résorption
corps cétoniques passe de 1 à 2,5 g/h, la libération de l'insuline au niveau du site d'injection. Pour
d'acides gras libres au niveau du tissu adipeux une même préparation d'insuline, la résorption
passe de 7 à 14 g/h. Ces différents phénomènes de l'insuline dépend de facteurs non prévisibles
contribuent à modifier la sensibilité à l'insuline et non quantifiables. Dans ces conditions, l'insu-
des tissus périphériques car il est bien connu que linothérapie fonctionnelle n'apparaît pas comme
les corps cétoniques et les acides gras libres sont la meilleure méthode pour mesurer les besoins
des facteurs d'insulinorésistance. insuliniques. Peut-on lui trouver un substitut ?
En conclusion, le jeûne, lorsqu'il se prolonge,
crée un état d'insulinorésistance croissant qui Holter glycémique :
modifie les besoins insuliniques. Il est donc phy- une technologie d'avenir
siologiquement impossible de déterminer une
dose d'insuline basale à partir d'un jeûne prolongé pour éduquer les diabétiques
dans la mesure où le système métabolique est en et pour ajuster les traitements
dérive permanente. Si chiffre il y a pour la dose, il Le holter glycémique en ambulatoire a actuellement
est obligatoirement entaché d'erreur et en tout état atteint un degré de fiabilité suffisant pour permettre
de cause il n'est pas extrapolable à la vraie vie du une analyse correcte de l'évolution glycémique sur
patient diabétique insuliné chez lequel le jeûne est une durée de quelques jours. Son intérêt est évident
fortement déconseillé et chez lequel la prise régu- dans les deux types de diabète (type 1 et type 2).
lière de trois repas quotidiens est au contraire for-
tement recommandée. Cette remarque s'applique Holter glycémique dans le diabète de type 2
en particulier au jeûne religieux du ramadan, La pratique de l'enregistrement glycémique
lequel modifie les besoins insuliniques de base continu en ambulatoire a permis de montrer que
et prandiaux. Ceci explique qu'il soit préférable chez les diabétiques de type 2 l'hyperglycémie
d'exempter les patients diabétiques insulinés de la postprandiale précède l'hyperglycémie basale.
pratique du ramadan. Pour en revenir à l'insuli- Dès que l'HbA1c est comprise entre 6,5 et 7 %,
nothérapie fonctionnelle, l'interprétation de ses les montées glycémiques postprandiales sont
résultats devient encore plus complexe quand anormales. De plus, ces dérives hyperglycémiques
on sait que la résorption et la métabolisation des sont surtout bien marquées après le petit déjeuner.
préparations d'insuline (ce que les scientifiques La maîtrise d'une glycémie matinale correcte est
désignent sous les termes de pharmacocinétique et donc indispensable si on veut améliorer l'équilibre
de pharmacodynamie) sont l'objet de larges varia- des patients diabétiques de type 2. La réduction
tions intra-individuelles. En effet, la durée d'action des hyperglycémies postprandiales et de l'hyper-
des insulines n'est qu'une donnée moyenne qui glycémie de fin de nuit et de la matinée permet de
varie d'un sujet à l'autre et surtout chez un même gagner entre 1 et 1,4 % d'HbA1c. Ceci signifie qu'il
sujet d'un jour à l'autre. Plusieurs études ont mon- est important de prescrire des mesures diététiques
tré une variabilité intra-individuelle importante et de se préoccuper de la structure des repas pour
du taux de l'insuline plasmatique après injection améliorer le contrôle glycémique des patients
d'insuline : 28 % pour la NPH, 14 % pour la dété- diabétiques de type 2. Ces mesures ne peuvent
mir et 33 % pour la glargine. Ces résultats ont été être qu'utiles pour potentialiser l'action des
confirmés par les études de pharmacodynamie. En traitements médicamenteux destinés à contrôler
effet, le débit de perfusion glucosée indispensable les excursions glycémiques qui suivent les repas.
273
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Holter glycémique dans le diabète de type 1 excessif. En effet, après un repas du soir pris à
En analysant les profils glycémiques de patients 20 heures, il est classique de s'installer tranquille-
ayant un diabète de type 1 traité par multi- ment dans un fauteuil plutôt que d'avoir une acti-
injections d'insuline (schéma basal-bolus), on vité physique. Si de surcroît la personne se couche
peut observer qu'ils sont différents en fin d'après- relativement tôt, il est facile de comprendre que la
midi selon que l'HbA1c est supérieure ou infé- baisse glycémique après une montée glycémique
rieure à 8 % (fig. 23.9). Les malades ayant une après le dîner sera difficile à obtenir.
HbA1c inférieure à 8 % ont souvent une glycémie
Conclusion
de fin d'après-midi proche de la normale. Dans
ces conditions, le dîner entraîne une montée gly-
cémique relativement modeste et les glycémies
moyennes nocturnes se situent souvent dans une Pour conclure ce chapitre, il apparaît que l'apport
zone acceptable. En revanche, les patients ayant glucidique en quantité et en qualité doit être maî-
une HbA1c ≥ 8 % gardent souvent des glycémies trisé chez tous les patients diabétiques. Tous les
fortes en fin d'après-midi. Dans la période qui repas de la journée sont concernés avec cependant
suit le dîner les glycémies atteignent des niveaux une vigilance particulière pour le petit déjeuner
élevés qui se perpétuent pendant la période noc- et le dîner. Les repas festifs sont possibles chez le
turne. Ces différences peuvent être liées à un patient diabétique à condition de suivre quelques
sous-dosage insulinique plus ou moins volontaire règles simples : consommer les aliments sucrés
au moment du repas de midi, pour essayer d'éviter en fin de repas plutôt qu'en début et si c'est pos-
les hypoglycémies de fin d'après-midi et surtout sible réduire la quantité de pain au moment de ce
nocturnes. Ces dernières sont l'une des craintes type de repas pour compenser l'augmentation de
majeures des diabétiques de type 1 insulinés. Ces l'apport glucidique liée aux pâtisseries et entre-
patients devraient donc exercer une vigilance mets sucrés. Enfin, pour terminer, il est toujours
particulière sur la glycémie de fin d'après-midi préférable quel que soit le repas de le structurer de
afin de la maintenir dans une zone intermédiaire la manière suivante : les glucides lents en entrée,
pour qu'elle soit ni trop basse ni trop élevée. Ces les glucides à pouvoir hyperglycémiant intermé-
observations indiquent également que l'apport diaire avec le plat principal et les glucides rapides,
glucidique au moment du dîner ne doit pas être s'il y en a, en dessert.
240
220
Glucoseconcentration(mg/dL)
200 HbA1c 8 %
180
160
140
HbA1c 8 %
120
100
0 200 400 600 800 1000 1200 1400
Temps (minutes)
Figure 23.9. Profils glycémiques chez des patients de type 1 traités par schémas basal-bolus.
En trait plein : sujets ayant une Hba1c supérieure ou égale à 8 %. En trait pointillé sujet ayant une HbA1c inférieure
à 8 %.
274
Éviter les CHAPITRE
24
comportements
alimentaires délétères
J.-L. Schlienger
d'ordre sanitaire en s'imposant un régime duisent habituellement par une réponse répétitive
alimentaire particulier mais ne parvient pas univoque et systématique, une situation de mal-
toujours à s'abstraire d'autres motivations être, de mésestime de soi, de dépression ou de
d'ordre psychoaffectif qui se surimposent aux restriction chronique. L'hyperphagie prime large-
besoins physiologiques. Le cerveau produit ment sur l'anorexie ou la boulimie. Des TCA aty-
des conduites alimentaires résultant de la piques, moins visibles mais fréquents, se situent à
combinaison d'un ensemble d'informations l'interface du normal et du pathologique. Ils sont
provenant de plusieurs systèmes sensoriels et volontiers une réponse au stress, aux contraintes
cognitifs. La faim, l'appétit et la satiété régis- et aux émotions et souvent associés à une baisse
sant la conduite alimentaire primaire sont de l'estime de soi et à un sentiment de culpabilité.
275
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
276
Chapitre 24. Éviter les comportements alimentaires délétères
• altération de la perception du poids ou de sa considéré comme une entité propre. Les critères
forme corporelle, influence excessive du poids diagnostiques sont :
corporel ou de la silhouette sur l'évaluation de • épisodes récurrents de crises de boulimie avec
soi ou absence persistante de reconnaissance de sentiment de perte de contrôle (sentiment ce
la dangerosité du faible poids actuel (déni retar- ne pas pouvoir s'arrêter de manger ou de ne
dant la prise en charge). pas pouvoir contrôler ce que l'on mange ou en
L'aménorrhée ne fait plus partie des critères du quelle quantité) ;
DSM-5 : ce critère était difficilement applicable • les épisodes de boulimie sont associés à au
aux jeunes filles avant leurs premières règles, aux moins trois des caractéristiques suivantes :
femmes sous contraception orale, aux femmes manger beaucoup plus rapidement que la nor-
ménopausées et aux hommes. male ; manger jusqu'à ressentir une sensation
L'anorexie mentale se présente soit sous une de plénitude inconfortable ; manger de grandes
forme restrictive pure, soit sous une forme com- quantités de nourriture sans ressentir de sen-
portant des crises de boulimie avec un comporte- sation de faim physique ; s'isoler pour manger
ment de purge (vomissement, laxatifs,...). en raison de la gêne ressentie à ingérer une
quantité excessive de nourriture ; ressentir un
Boulimie dégoût de soi et/ou une grande culpabilité voire
se sentir déprimé après avoir trop mangé ;
Elle est avec l'anorexie mentale, à laquelle elle peut • le comportement boulimique est la source
être associée, le TCA le plus emblématique. Les d'une souffrance marquée ;
critères diagnostiques sont : • le comportement boulimique survient en
• survenue récurrente de crises alimentaires. moyenne au moins 1 ×/semaine depuis 3 mois ;
Une crise de boulimie se caractérise par deux • le comportement boulimique n'est pas associé à
critères : l'utilisation récurrente de comportements com-
Ŕ manger en peu de temps une quantité impor- pensatoires inappropriés comme dans la bouli-
tante de nourriture, mie et ne survient pas exclusivement au cours
Ŕ sentiment de perte de contrôle durant l'épisode; de l'anorexie ou de la boulimie.
• comportements compensatoires inappro- L'hyperphagie boulimique nocturne est carac-
priés et récurrents visant à prévenir la prise de térisée par la survenue des accès la nuit.
poids (vomissements, laxatifs, jeûne, activité
physique…) ;
• crises et comportements compensatoires surve-
Autres troubles des conduites
nant au moins 1 ×/semaine sur une période de alimentaires non répertoriés
3 mois ; dans le DSM-5
• estime de soi influencée de façon excessive par
le poids et la silhouette.
Restriction « cognitive »
Le trouble ne survient pas exclusivement pendant Il s'agit d'une restriction délibérée de la prise ali-
des épisodes d'anorexie mentale dont il est, par cer- mentaire dans le but de perdre du poids ou de ne
tains côtés, un équivalent. Il peut également survenir pas en prendre (repas sautés, limitation drastique
au décours d'une anorexie mentale en rémission. Il des apports).
existe diverses présentations : avec vomissements ou La restriction cognitive est un syndrome
prise de purgatifs ou d'autres stratégies de contrôle qui complique habituellement la pratique de
du poids (jeûne, activité physique excessive). régimes restrictifs infligés à répétition dans
le but de maintenir une silhouette idéalisée et
Hyperphagie boulimique parfois de perdre du poids sans motif médical.
ou « binge eating disorder » Le comportement alimentaire devient réflexif
ou frénésie alimentaire et non plus intuitif. Le sujet exerce un contrôle
d'ordre cognitif sur sa conduite alimentaire
C'est une variante de la boulimie qui s'en dis- en vue de maigrir ou de ne pas grossir. Il en
tingue par l'absence de comportement compensa- résulte une perte du contrôle des sensations
toire. C'est le TCA probablement le plus fréquent, alimentaires perçues aboutissant à un ressenti
277
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Données épidémiologiques
finit par manger plus et plus mal parce que le
système de contrôle mental est débordé par des
émotions induites et extra-alimentaires. Il en
résulte une dégradation de l'estime de soi, une En France, la prévalence des TCA, tous types
altération de l'humeur et des difficultés rela- confondus, est estimée à plus de 4 % avec un pic
tionnelles associées à une souffrance psychique chez les adolescents et les femmes jeunes. Elle est
relevant d'une prise en charge psychologique. sensiblement plus importante (> 10 %) lorsque
La phase volontariste est dominée par le refus les troubles sont recherchés dans ces populations
d'écouter les signaux de faim et de satiété pour à risque à l'aide de questionnaires spécifiques
leur substituer des règles alimentaires strictes et comme le questionnaire SCOFF (tableau 24.2).
rigides glanées auprès des médias et des profes- Le risque relatif d'anorexie mentale (AM) est de
sionnels de santé dans le but de contrôler le poids. 1 homme pour 10 femmes. Entre 12 et 18 ans, la
Il en résulte un comportement alimentaire non prévalence est de 1,2 % chez les filles et de 0,03 %
adapté ne prenant pas en compte les systèmes de chez les garçons. L'âge de début se situe entre 14
régulation physiologiques. Les efforts déployés et 19 ans mais un âge plus précoce ou plus tardif
pour lutter contre les appétits spécifiques et les est possible. La puberté est une période à risque.
envies de manger conduisent à élaborer des stra- L'incidence de l'AM qui a augmenté dans les pays
tégies de résistance en proscrivant les aliments développés entre les années 1950 et 1990 semble
réputés énergétiques, en définissant le permis et actuellement stabilisée.
l'interdit, en mettant en place des conduites d'évi- La prévalence et l'incidence de la boulimie
tement pour éviter toute perte de contrôle (refus sont moins bien connues parce qu'elle est souvent
des repas festifs, conviviaux) et en gérant les dissimulée. La prévalence est estimée autour de
écarts alimentaires par un système de punition- 1 à 1,7 % chez les femmes et 0,1 à 0,5 % chez les
récompense. L'installation de rituels alimentaires hommes. Les garçons souffrant de TCA ont plus
(pesée des aliments, consommation ritualisée souvent que les filles des antécédents de surpoids
de certains aliments) participe à l'obsession ali- et de troubles de l'attention.
mentaire qui envahit peu à peu tout le champ de L'hyperphagie boulimique est plus fréquente
réflexion et abolit toute notion de plaisir, la seule chez les adultes que chez les adolescents. La pré-
satisfaction provenant du respect des règles. valence est estimée entre 1 et 4,5 %. Elle est fré-
À la phase d'hypercontrôle succède une phase quemment associée à l'obésité.
de perte de contrôle favorisée par des événements Les formes atypiques (EDNOS) sont beaucoup
de vie, le stress, la fatigue, un déséquilibre psy- plus fréquentes. D'après une méta-analyse portant
chologique ou l'exposition à des aliments inter- sur plus d'une centaine d'études, les symptômes
dits. Elle est à l'origine d'accès alimentaires avec alimentaires et la psychopathologie des EDNOS
une prise de poids pouvant mener à l'obésité en sont comparables à ceux de l'anorexie et de la
l'absence de reprise du contrôle cognitif. Selon la boulimie raison pour laquelle les EDNOS sont
fréquence et l'intensité de ces phases s'installent regroupés sous le terme de «troubles de l'alimen-
des TCA pérennes. tation ou de l'ingestion d'aliments non spécifiés ».
278
Chapitre 24. Éviter les comportements alimentaires délétères
279
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
280
Chapitre 24. Éviter les comportements alimentaires délétères
Comptage calorique/
Hypoglycémie interdits alimentaires Restriction
cognitive
Faim Dépression
impérieuse TCA anxiété
Omission/
réduction insuline
Hyperglycémie
Diabète instable Correction par
insuline
Figure 24.1. Principaux déterminants des troubles des conduites alimentaires dans le diabète
de type 1 et leurs conséquences sur le contrôle du métabolisme glucosé.
dans le but de gérer le poids. L'interdiction de la un certain nombre de signes d'alerte gagnent à
consommation de certains aliments et une pres- être connus. Un contrôle glycémique médiocre
cription diététique trop restrictive créent l'envie est habituel et le taux d'HbA1c est significative-
de consommer les aliments interdits et favorisent ment plus élevé en cas de TCA. Les épisodes de
le grignotage allant parfois jusqu'à la frénésie cétose ou d'acidocétose sont plus fréquents et
alimentaire, sans compensation insulinique. La correspondent parfois à une réduction intem-
survenue d'épisodes hypoglycémiques récurrents pestive ou subreptice des doses d'insuline dans
accompagnés de faim et leur correction par la un but d'amaigrissement. Les épisodes récur-
consommation d'aliments et de boissons sucrés rents d'hypoglycémie, surtout lorsqu'ils ne sont
normalement interdits perturbent l'ordonnance- pas expliqués par une modification de l'activité,
ment alimentaire et peuvent induire un sentiment sont également des signes pouvant faire suspec-
de culpabilité suivi d'une période de restriction ter un comportement de purge après un épisode
alimentaire responsable de nouveaux accès hypo- de frénésie alimentaire. Ces éléments qui ne
glycémiques avec installation d'un cercle vicieux. sont pas exclusifs les uns des autres conduisent
La survenue d'hypoglycémies à l'occasion d'une à suspecter des TCA. Les situations de stress
pratique sportive peut également susciter des majorent le risque de TCA davantage encore
habitudes de surconsommation alimentaire anti- que dans la population générale. D'autres signes
cipatoire assimilable à un TCA. incitent à suspecter des TCA : refus de se peser,
préoccupations envahissantes de l'apparence,
Signes d'appel en faveur calcul des calories et pesée des aliments, perte de
de troubles du comportement poids soi-disant inexpliquée, hypoglycémie après
une alimentation insuffisante, activité physique
alimentaire dans le diabète excessive, perte du contrôle glycémique après
Le diagnostic de TCA atypiques ou modérés n'est une période de stabilité… Le recours à un ques-
pas facile en raison d'une tendance aux conduites tionnaire simple comme le questionnaire SCOFF
de dissimulation, de banalisation et de déni. En (tableau 24.2), permet de conforter une suspicion
plus des facteurs de risque décrits précédemment et d'envisager une stratégie thérapeutique.
281
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Risques liés aux troubles référent organise la prise en charge avec le souci de
du comportement alimentaire la cohérence dans la continuité des soins face à des
patients prompts à manipuler et à faire s'affronter
dans le diabète
les différents soignants (médecin, diététicien[ne],
Les TCA sont à l'origine d'un mauvais contrôle assistante sociale, thérapeute familial, etc.).
métabolique et favorisent la survenue de com- La grande disparité des conceptions des soi-
plications aiguës et chroniques. La première gnants, la résistance des patient(e)s et de leur
conséquence des TCA est l'instabilité glycémique entourage à une prise en charge psychiatrique,
pouvant confiner à un authentique diabète ins- des conseils diététiques parfois inappropriés et
table. Les accès alimentaires et les omissions la mauvaise compréhension de ces troubles par
des injections d'insuline sont associés à des épi- l'entourage sont les principaux freins à la mise en
sodes d'hyperglycémie hectique et à des périodes place d'un projet thérapeutique mené en ambu-
d'acidocétose. Les TCA restrictifs sont associés latoire ou en hospitalisation avec le support de
aux épisodes itératifs d'hypoglycémie grave. structures à type d'hôpital de jour ou de réseau
Les hospitalisations sont significativement plus de soins. Les indications d'hospitalisation ont fait
fréquentes en cas de TCA. Plusieurs études ont l'objet de recommandations par la Haute Autorité
mis en évidence la plus grande fréquence des de santé pour l'anorexie mentale. Elles n'ont pas
dyslipidémies, de l'hypertension artérielle et des encore été formalisées pour la boulimie. À titre
complications microvasculaires en cas de TCA ou indicatif les recommandations du NICE (National
d'antécédents de TCA (risque de rétinopathie × Institute for Health and Care Excellence) préco-
2,5 en cas de boulimie ou de frénésie alimentaire). nisent de traiter ambulatoirement la majorité des
La durée et la fréquence des omissions d'injec- patients souffrant de boulimie ou d'équivalents,
tion d'insuline motivées par des préoccupations l'hospitalisation étant à envisager pour les patients
alimentaires ou pondérales sont associées à une à risque suicidaire ou à risque de passage à l'acte
augmentation de l'incidence de la rétinopathie et auto-agressif grave. L'hospitalisation conven-
de la néphropathie. Certaines études font même tionnelle s'impose dans les formes très sévères
état d'une augmentation de la mortalité à moyen ou comportant des complications somatiques ou
et long terme chez les adolescentes diabétiques psychiatriques graves et paraît souhaitable en cas
présentant ou ayant présenté des TCA et des com- de comorbidité comme le diabète qui est instabi-
portements de restriction insulinique. lisé par ces pratiques.
Approche nutritionnelle
Traitement des troubles Toujours nécessaire mais rarement suffisante, elle
du comportement alimentaire est cruciale en cas de précarité somatique. Dans
l'anorexie mentale, la lutte contre la dénutrition
La prise en charge thérapeutique s'adresse aux et ses complications est conditionnelle pour per-
composantes comportementales et psychiques mettre d'entreprendre un travail psychiatrique de
des TCA. Elle est adaptée à la gravité des troubles qualité.
et à la personnalité des patients dont certains, au- Les troubles du comportement alimentaire ne
delà du déni, ne sont pas prêts à abandonner leurs relèvent pas d'un régime stricto sensu.
pratiques. L'hospitalisation ou un séjour dans La « normalisation » alimentaire qualitative
une structure de soins de suite sont indiqués en et quantitative passe par le respect du rythme
cas de troubles sévères pour entreprendre selon et de la structure des repas et la redécouverte de
le cas une renutrition, un sevrage ou un éloigne- la diversité. Elle constitue un objectif important
ment du milieu habituel. Chez l'adolescent se aussi bien dans l'anorexie que dans la boulimie.
pose de surcroît la question de l'autonomie et de Son intérêt est à la fois somatique et symbo-
la signification des troubles. Une prise en charge lique. La tenue d'un livre de bord alimentaire
multidisciplinaire prolongée, reposant sur un relatant tous les événements alimentaires faci-
tandem psychiatre/somaticien est nécessaire pour lite les échanges avec les soignants et restitue
répondre à la complexité du trouble. Un soignant une certaine réalité alimentaire objective, bien
282
Chapitre 24. Éviter les comportements alimentaires délétères
qu'il existe d'importants biais dans l'estimation supériorité sur les autres. La thérapie familiale
quantitative. La lutte contre la déstructuration favorisant la reconstruction de relations familiales
des repas (horaires et contenu), facteur d'auto- apaisées et de confiance semble la plus adaptée
entretien et de récidive des troubles, est fonda- chez les jeunes en panne d'adolescence. Les tech-
mentale. L'apprentissage du partage des repas niques cognitivo-comportementales semblent
intégrés dans un cadre familial ou social est mieux convenir aux troubles boulimiques. Les
un autre moyen de « normalisation » de la prise approches d'inspiration analytique ciblent bien
alimentaire. En revanche, la prescription de les enjeux narcissiques surgissant au moment de
« régimes », souvent réclamée par les patients, est l'adolescence. Les antidépresseurs et les anxioly-
un piège dans lequel il faut se garder de tomber. tiques peuvent présenter un intérêt ponctuel en
Les conseils d'éviction alimentaire ou la mise complément d'une psychothérapie pour traiter les
en scène de repas aberrants ou dissociés sont à symptômes spécifiques concomitants.
proscrire car ils risquent d'aggraver les troubles
en confortant certains fantasmes alimentaires.
Les conseils diététiques se limitent à une négo-
ciation pour tenir compte de la lipophobie et de la
Prévention et traitement
saccharophobie, fréquemment mises en avant, en des troubles du comportement
privilégiant les aliments énergétiques «neutres »
comme les féculents, les céréales et les légumi-
alimentaire dans le diabète
neuses. Les TCA ne constituent pas une bonne de type 1
opportunité d'éducation nutritionnelle. Il est
souhaitable de se limiter à un rappel de l'impor- Aspect préventif
tance de la diversité alimentaire et de la hiérarchie La prévention des TCA consiste à ne pas mécon-
des aliments en fonction de leur teneur en nutri- naître la personnalité de l'adolescente, son degré
ments. À ce stade, l'effort éducatif porte davan- d'acceptation et de compréhension du diabète et
tage sur le comportement et les pratiques que la présence de facteurs susceptibles de favoriser
sur la composition précise des repas. Quelques les TCA. Les prescriptions concernant le mode de
pare-feu peuvent être proposés au cas par cas vie et l'alimentation doivent être empreintes d'une
dans les formes compulsives, bien qu'ils aient un certaine souplesse. Les préoccupations ayant trait
impact limité et puissent eux-mêmes être source à l'apparence et au poids doivent être prises en
de dérives alimentaires : substitution des aliments considération par les professionnels de santé et par
habituels par des leurres peu énergétiques comme la famille avec bienveillance en évitant les mesures
la prise d'un verre d'eau ou de crudités (croquer restrictives mais sans faire preuve d'un trop grand
une carotte, par exemple), prise systématique laxisme complice. L'objectif est d'aider l'adolescente
d'une collation à visée anticipative décomptée des à s'accepter et à mener une vie proche de celle de
repas principaux. son cercle sans perdre de vue que les adolescentes
diabétiques ont une faible motivation à changer
Approche psychothérapique leurs habitudes alimentaires et qu'elles ont du mal à
accepter les frustrations dans ce domaine.
et médicamenteuse
Elle est indispensable dans tous les troubles
Aspect thérapeutique
du comportement et a fait ses preuves dans un
contexte de prise en charge multidisciplinaire. Le traitement des TCA graves est crucial en
Son but est de créer les conditions d'une relation raison de leurs répercussions sur l'équilibre
thérapeutique de confiance facilitant l'évoca- glycémique. La cause pressentie des TCA est
tion du vécu, des représentations intimes et des la principale cible thérapeutique. La prise en
symptômes ressentis comme honteux. Toutes les charge psychologique est fondamentale tant
approches psychothérapeutiques remplissant ce est forte l'intrication entre les troubles de l'hu-
cahier des charges sont recevables puisqu'aucune meur et les TCA. L'objectif de contrôle glycé-
d'entre elles ne semble avoir démontré de réelle mique, en dehors des situations de déséquilibre
283
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
caricatural, se situe en deuxième ligne. Un dis- documentant sans attitude culpabilisante les
cours trop directif et des prescriptions trop circonstances de survenue. Les contraintes
restrictives aboutissent souvent à l'opposé de ce de l'insulinothérapie et des injections mul-
qui est souhaité. Les soignants doivent savoir tiples peuvent être atténuées par la mise en
freiner les exigences des parents sans les déni- place d'une pompe à insuline qui permet de
grer et accompagner l'adolescent(e) par l'écoute réagir en temps réel aux conduites respon-
sans perdre de vue leur rôle de guide. Les théra- sables de variations glycémiques, de réduire
pies cognitivo-comportementales et les groupes le risque d'hypoglycémie et de limiter la prise
de paroles entre pairs sont particulièrement de poids. Une étude multicentrique récente
indiqués alors que l'éducation thérapeutique et a confirmé que l'initiation d'un traitement
nutritionnelle conventionnelle suscite souvent par pompe à insuline s'accompagnait d'une
méfiance et rejet. Un traitement spécifique de la diminution des conduites alimentaires per-
dépression ou de l'anxiété au besoin pharmaco- turbées et d'une amélioration de l'équilibre
logique peut s'avérer intéressant. glycémique. Le diabétologue et le médecin
traitant ne peuvent faire l'économie d'une
Aspects spécifiques au diabète approche multidisciplinaire tant sont com-
plexes et interconnectés les déterminants
Les objectifs glycémiques sont à assou- psychosociaux, médicaux et diététiques des
plir pour éviter les hypoglycémies tout en TCA et de leurs solutions.
284
Personnaliser les CHAPITRE
25
conseils diététiques
en fonction du mode
de vie de la personne
diabétique
J.-L. Schlienger
En cas de diabète, le projet professionnel devrait conduite de véhicules (chauffeurs de poids lourds
être élaboré très en amont chez l'adolescent et chez ou de transports en commun), conduite d'engins
l'adulte jeune. Les textes ne prévoient pas l'obliga- (chariot élévateur, engins de chantier, grue…),
tion d'informer l'employeur ni même le médecin contact avec des courants à haute tension, aiguil-
du travail de l'existence d'un diabète pour éviter leur, poste de travail isolé.
tout risque de discrimination… bien qu'une telle L'aptitude au travail peut être remise en cause
discrimination soit elle-même illégale (article au stade de diabète compliqué : déficit visuel, réti-
L1132-1 du Code du travail). Mis dans la confi- nopathie proliférative, néphropathie évoluée…
dence, le médecin du travail est à même de vérifier Une réorientation professionnelle ou une adapta-
si l'état de santé et le traitement sont compatibles tion de poste permettent souvent la poursuite de
285
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
286
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...
287
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Diabète et activité physique les sujets les plus actifs par rapport aux sujets les
moins actifs. La réduction des affections corona-
Quelques définitions riennes imputable à l'activité physique est du même
ordre que celle obtenue par la correction des grands
L'activité physique correspond à toute activité facteurs de risque modifiables tels que le tabagisme
de contraction des muscles squelettiques qui ou l'hypercholestérolémie. Le bénéfice tient davan-
augmente significativement la dépense d'éner- tage au volume total et à la pratique d'une activité
gie au-dessus de la dépense de repos alors que la d'endurance (aérobie) augmentant la capacité car-
sédentarité Ŕ qui n'est pas synonyme d'inactivité Ŕ diorespiratoire qu'à l'intensité de l'activité.
comporte des activités entraînant une dépense énergé- L'effet cardiovasculaire bénéfique d'une activité
tique proche de la valeur de repos (occupations assises : physique régulière s'explique principalement par
lecture, télévision, ordinateur, transports passifs…). la diminution du travail cardiaque liée à la réduc-
L'activité physique est caractérisée par l'intensité, la tion des résistances périphériques en dépit d'une
durée, la fréquence et le type. Elle se décline en quatre augmentation du volume circulant. Il en résulte
types principaux : l'activité physique professionnelle, une diminution de la fréquence cardiaque de
liée aux transports (transport «actif» à pied ou à vélo repos et de la pression artérielle. Par ailleurs, l'ac-
par opposition au transport motorisé), de loisirs (acti- tivité physique augmente la sensibilité à l'insuline,
vités sportives) et domestique. L'intensité de l'activité augmente le HDL-cholestérol, diminue les trigly-
physique est définie par le nombre de MET (metabolic cérides et la lipémie postprandiale, réduit l'agré-
equivalent task) qui correspond à la dépense énergé- gation plaquettaire et a un effet antithrombogène.
tique au repos. Lesport est une sous-catégorie de l'acti- Enfin l'activité physique participe au maintien du
vité physique qui requiert un effort physique encadré poids en réduisant le gain de poids lié à l'âge. Pour
par des règles et coutumes et se déroule habituellement avoir un effet sur ce type de paramètres, l'activité
dans un cadre de compétition. physique doit donc être pratiquée régulièrement.
288
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...
prévention cardiométaboliques sans compter son que dans le DT2, l'activité physique n'en est pas
impact sur la mobilité des sujets obèses. moins intéressante dans la mesure où elle améliore
la représentation de la maladie pour le patient et son
Activité physique et diabète entourage et contribue à l'intégration sociale qu'il
s'agisse d'activité physique programmée, de sport
De grandes études observationnelles ont clairement de loisir ou de compétition. L'activité physique a en
mis en évidence que le risque de diabète était directe- commun avec la diététique d'avoir des effets favo-
ment en rapport avec le niveau d'activité physique et le rables multiples mais de durée limitée dans le temps.
niveau de sédentarité, ces deux paramètres étant indé- Seule une bonne adhésion à ces deux approches
pendants l'un de l'autre. Dans la cohorte de la Nurse's thérapeutiques fondamentales, c'est-à-dire une pra-
Health Study, une heure supplémentaire de marche tique régulière soutenue par un support éducatif, un
rapide par jour diminuait le risque de diabète de 34 % suivi au très long cours et l'appoint des réseaux et des
alors que chaque tranche de deux heures passées à associations, assure la pérennisation des bénéfices.
regarder la télévision augmentait le risque de 14 %.
Les études d'intervention comme la DPS (Diabetes Activité physique comme
Prevention Study), le DPP (Diabetes Prevention traitement du diabète de type 2
Program) ou l'étude Da Quing ont souligné le rôle
décisif de l'activité physique sur la réduction du risque Les effets bénéfiques de l'activité physique sur l'équi-
d'apparition de diabète de type 2 chez les sujets à haut libre glycémique du DT2 indépendamment de la perte
risque métabolique. Dans l'étude finlandaise DPS, de poids ou d'un régime alimentaire ont été démon-
toutes choses étant égales par ailleurs, une marche de trés par plusieurs méta-analyses. Tous les types d'acti-
2,5 heures par semaine réduisait le risque relatif de vité physique Ŕ endurance, renforcement musculaire
développer un diabète de type 2 de 70 % par rapport à ou combinaison des deux Ŕ sont efficaces ainsi qu'en
une marche de moins d'une heure par semaine. Dans atteste une diminution de l'HbA1c de Ŕ 0,5 à Ŕ 0,7 %
l'étude DPP qui associait un régime hypocalorique et par rapport aux sujets peu actifs, soit autant que ce
une activité physique programmée la réduction de la que l'on est en droit d'attendre de diverses molécules
conversion reste significative au-delà d'une décennie. antidiabétiques (metformine, glitazones, gliptines,
Dans une méta-analyse, l'activité physique et l'ali- inhibiteurs de l'α-glucosidase…). Une activité phy-
mentation contrôlées comparée à des conseils seuls sique structurée est associée à une réduction plus
fait baisser la glycémie de 0,15 g/L et l'incidence du importante de l'HbA1c lorsqu'elle dépasse 150 min/
diabète de type 2 de 30 à 67 %. Une activité physique semaine (Ŕ 0,8 % versusŔ 0,4 % pour une activité phy-
équivalente à au moins 2,5 heures de marche par sique < 150 min/semaine). La diminution de l'HbA1c
semaine entraîne une baisse du risque d'apparition observée après une activité physique régulière est plus
du diabète de type 2 de 65 %, indépendamment de la marquée lorsque le diabète de type 2 est peu sévère.
diététique, de l'IMC de départ ou de sa variation. Par L'activité physique a l'avantage sur les molécules
ailleurs, les personnes dont l'aptitude aérobie était la antidiabétiques d'être un facteur de protection
plus faible avaient 3 fois plus de risque de développer vasculaire qui participe au contrôle des facteurs de
un diabète de type 2 que ceux dont l'aptitude aérobie risque intrinsèques que sont l'excès de graisse viscé-
était élevée et ce, indépendamment de l'IMC. rale, l'hypertension artérielle et la dyslipidémie à quoi
En agissant sur l'équilibre glycémique et les fac- s'ajoute un effet anti-ischémique, antiarythmique,
teurs de risque cardiovasculaire, l'activité physique antithrombotique et anti-inflammatoire. Le niveau
est aussi un traitement non médicamenteux du dia- d'activité physique habituelle, sans intervention, est
bète de type 2 validé par plusieurs méta-analyses. Sa un prédicteur de mortalité totale dans le DT2. Dans
mise en œuvre peut nécessiter quelques adaptations une méta-analyse portant sur 17 cohortes, une aug-
nutritionnelles afin que le remède ne devienne pas mentation de l'activité physique de 1 MET-h/semaine
pire que le mal en déstabilisant l'équilibre glycé- était associée à une diminution de la mortalité totale
mique et en générant des hypoglycémies. Comme et cardiovasculaire respectivement de 9 % et 7 %.
tout traitement, l'activité physique se prescrit. Dans La prescription d'une activité physique dans le
le diabète de type 1 (DT1), bien que le bénéfice de DT2 est d'autant plus intéressante que chez les dia-
l'activité physique sur l'équilibre glycémique n'ait bétiques le niveau d'AP spontanée est près de 2 fois
pas été démontré avec le même niveau de preuve moindre que dans la population générale à âge
289
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
comparable du fait d'une obésité et de comorbidités une amélioration de la sensation de bien-être qui
plus fréquentes. L'activité physique régulière favo- peuvent concourir à l'installation et à la pérenni-
rise une diminution de la masse grasse viscérale sation d'une attitude favorable à la santé combi-
qui est bien corrélée avec la baisse de la glycémie nant le bien manger au bien bouger.
et de l'insulinémie. Par ailleurs, l'activité physique
permet de s'opposer à la perte de la masse muscu-
laire et des capacités physiques qui est plus mar- Besoins nutritionnels particuliers
quée que dans la population générale. Les sujets Énergétique de l'effort –
DT2 de l'étude LOOK-AHEAD qui ont bénéficié
d'une intervention vigoureuse comportant une Implications nutritionnelles
activité physique supervisée et un plan alimentaire L'activité physique entraîne une augmentation de
ont vu la sévérité de l'incapacité réduite de près de la dépense énergétique liée aux contractions mus-
moitié par rapport à un groupe témoin. culaires. L'énergie provient de la transformation
Les effets de l'entraînement sur le métabolisme d'énergie chimique en énergie mécanique et en
glucosé peuvent se résumer à une amélioration de la chaleur par hydrolyse de l'adénosine triphosphate
sensibilité à l'insuline et de la disponibilité du glucose. (ATP), chaque molécule fournissant 7,3 kcal. Le
Schématiquement, l'activité physique d'endurance muscle contient 3 g d'ATP/kg ce qui correspond à
favorise les processus oxydatifs et la sensibilité à l'in- 50 kcal. Cette source immédiatement disponible ne
suline alors que l'activité physique contre résistance nécessite pas d'oxygène mais n'autorise qu'un effort
augmente la masse musculaire et la capacité d'utili- très bref de l'ordre de 3 secondes à puissance maxi-
sation du glucose. Les principaux mécanismes sont : male. La poursuite de l'exercice dépend de la capa-
• l'optimisation de la signalisation post-réceptorielle cité de resynthèse de l'ATP dont les concentrations
de l'insuline; musculaires sont faibles. Le métabolisme anaérobie
• l'augmentation du transfert de glucose du foie vers mis en jeu lors des efforts intenses et très brefs, exi-
le muscle, avec épargne d'insuline : la consomma- gés par la pratique de certains sports, occupe une
tion d'énergie et de glucose induite par l'activité place insignifiante d'un point de vue nutritionnel.
physique diminue la glycémie et les réserves gly- Il est d'abord alactique puis lactique par transfor-
cogéniques des muscles sollicités ce qui améliore le mation du glycogène musculaire en lactates dont
taux de captation musculaire du glucose sanguin l'accumulation entraîne une diminution du pH et
indépendamment de l'insuline. L'augmentation des des crampes musculaires. Il est mis en route dès
récepteurs GLUT4 par une voie non insulinodé- que l'effort dépasse 10 à 15 secondes et permet de
pendante est un effet majeur de l'activité physique; produire 120 à 130 kcal/min. Sa capacité dépend
• l'activation de la glycogène synthétase et de la des stocks de glycogène musculaire et de l'accu-
glycolyse par l'augmentation de l'hexokinase à mulation des lactates et de l'acidose qui en résulte.
l'origine d'une augmentation de la capacité oxy- Le système anaérobie lactique est amélioré par
dative musculaire ; l'entraînement et permet d'espérer une production
• un remodelage musculaire avec le maintien des de 350 à 400 kcal à puissance maximale. Au-delà
fibres musculaires de type I les plus sensibles à de quelques minutes, le métabolisme aérobie pour-
l'insuline lors des efforts d'endurance ; voit à l'énergie nécessaire par l'intermédiaire d'une
• une augmentation de la sensibilité musculaire à oxydation du glucose et des acides gras au niveau
l'insuline du fait de la déplétion en glycogène pen- de la chaîne respiratoire mitochondriale et, à un
dant plusieurs heures après l'arrêt de l'exercice; moindre degré, par l'oxydation des acides aminés (5
• l'augmentation de la densité capillaire (capillari- à 15 %). Il représente la principale source d'ATP et
sation) et du débit sanguin musculaire par une assure la fourniture d'énergie dans des conditions
vasodilatation NO-dépendante majore la quan- basales et dès que l'effort se prolonge. La consom-
tité de glucose et d'insuline délivrée au muscle ; mation maximale d'oxygène (VO2 max), facile à
• une diminution de la masse grasse viscérale mesurer au cours de l'exercice, traduit la puissance
bien corrélée avec la baisse de la glycémie et de maximale du métabolisme aérobie (directement
l'insulinémie. sous la dépendance des apports alimentaires). La
À ces effets s'ajoutent une amélioration du profil capacité du système aérobie dépend de la VO2 max
lipidique, une amélioration du profil tensionnel et et donc de l'entraînement et des stocks énergétiques.
290
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...
291
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
des boissons énergisantes (tableau 25.2). Les pre- population générale ne nécessite pas d'adaptation
mières sont des boissons de l'effort, ont une com- significative des apports dès lors que l'alimenta-
position réglementée et proposent une formulation tion est suffisante (poids stable) et équilibrée. Il
en accord avec les besoins spécifiques du sportif n'en est pas de même lors de la pratique sportive
dont la dépense énergétique est intense. Elles ne de compétition.
doivent pas être acides, gazeuses ou trop sucrées.
Les boissons énergisantes sont issues d'un Période d'entraînement
concept marketing et contiennent des substances
L'alimentation comporte trois repas par jour et
stimulantes, voire excitantes (caféine, guarana,
une ou deux collations si le délai entre deux repas
taurine, arginine, ginseng, glucuronate, etc.). Ces
est supérieur à 4 heures. Chaque repas principal
boissons peuvent provoquer un retard à la percep-
comporte quatre portions de glucides (féculents,
tion du seuil de fatigue et favoriser des troubles
légumes, fruits crus ou cuits, sucre simple) et est
du rythme. Leur consommation doit être enca-
basé sur les principes de l'alimentation équilibrée
drée chez les mineurs et est déconseillée chez les
et diversifiée en tenant compte des préférences et
femmes enceintes ou allaitantes, lors de la pratique
des intolérances de chacun. Les apports énergé-
d'une activité physique intense ou en association
tiques sont évalués par la taille des portions de
avec l'alcool. Elle est contre-indiquée en cas de
féculents (céréales, légumineux, farineux et fécu-
diabète du fait d'une teneur excessive en glucides.
lents). En réalité les besoins ne sont guère modifiés
chez le pratiquant occasionnel ou de loisir (jusqu'à
Compléments alimentaires trois séances par semaine). Les niveaux d'activité
La problématique des compléments alimentaires physique sont indiqués dans le tableau 25.3.
interpelle de nombreux sportifs qui y voient • Féculents : ils sont à consommer à chaque repas ou
un moyen d'augmenter les performances et de lors des collations en quantités proportionnelles à
réduire la fatigue. L'analyse objective des effets la dépense énergétique. Ils représentent la princi-
potentiels des compléments est le plus souvent pale variable d'ajustement pour gérer le poids. Les
décevante et proche d'un effet placebo. pâtes et le riz sont les féculents de référence.
Pour l'Anses, la consommation des complé- • Produits laitiers : sources majeures de calcium
ments alimentaires ne se justifie que par la néces- bien assimilable et de protéines, le lait demi-
sité de compléter des apports jugés insuffisants écrémé, les yaourts et le fromage blanc sont à
par un médecin ou un diététicien. consommer à hauteur de trois à quatre portions
par jour.
Les grands repères • Viandes, poissons et œufs : ils assurent la cou-
de l'alimentation lors d'une verture des besoins protéiques augmentés par
l'activité musculaire (de l'ordre de 1 à 2 g de
activité sportive de compétition protéines/kg/j selon l'intensité et la nature de
La pratique d'une activité physique programmée l'activité). Ceux dont la teneur en lipides est très
en accord avec les recommandations pour la élevée sont à éviter.
292
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...
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Partie IV. Grandes questions et idées fausses
294
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...
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Partie IV. Grandes questions et idées fausses
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Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...
transporteurs de glucose GLUT4. La persistance l'effort facilitent l'adaptation des apports alimen-
de cet effet plusieurs heures après l'effort et la taires et de l'insulinothérapie. L'entraînement
nécessité de reconstituer les stocks hépatiques et reproduisant les conditions de la compétition
musculaires de glycogène imposent un apport fournit des indications utiles pour l'adapta-
glucidique conséquent au décours de l'effort. La tion des doses d'insuline nécessaires avant une
production endogène de glucose combinée à la épreuve longue. Toute pratique sportive de haut
diminution de l'insulinosécrétion et l'augmenta- niveau devrait être précédée par une vérification
tion de la glucagonémie parvient habituellement du statut glycémique et par un conditionnement
à maintenir la glycémie dans les limites basses de et un échauffement progressifs dans le but d'éviter
la normale. Dans le diabète de type 1 où l'insuli- des variations glycémiques trop importantes.
némie exogène n'est pas rétrorégulable par la gly- Lors d'un effort prolongé, l'alimentation est
cémie, l'inadaptation entre la production glucosée la principale variable d'ajustement ce qui ne
et l'excès de consommation glucosée musculaire dispense pas de réduire la dose d'insuline de 2
expose à un risque majeur d'hypoglycémie res- ou 4 unités avant l'épreuve. Durant les épreuves
ponsable d'une chute brutale des performances. de longue durée, la compensation des apports
L'hypoglycémie est d'autant plus redoutable qu'elle glucidiques prime sur la diminution des doses
accentue l'insensibilité aux signes adrénergiques d'insuline qui reste néanmoins nécessaire pour
d'alerte. La prévention des hypoglycémies passe empêcher les hypoglycémies tardives surve-
par une augmentation des apports glucidiques nant jusqu'à 24 heures après l'effort tant que
et une réduction modeste des doses d'insuline, persiste l'exacerbation de la sensibilité muscu-
la diminution de l'insulinémie étant nécessaire laire à l'insuline. Les épreuves de longue durée
pour favoriser la production de glucose (glycogé- (randonnée, trekking, trail, course de fond,
nolyse et néoglucogenèse) et la mise en circulation cyclisme) se préparent par une alimentation
de substrats énergétiques tels que les AG libres particulière visant à accroître les réserves gly-
permettant d'épargner le glucose. À l'opposé, un cogéniques en augmentant la ration glucidique
excès de sécrétion catécholergique lié au stress de (pâtes, riz, pain) des deux repas qui précèdent
l'effort peut induire une hyperglycémie dont la l'exercice. Il est recommandé de ne pas prendre
prévention passe principalement par l'entraîne- de repas consistant moins de 3 heures avant un
ment régulier et la préparation psychologique. effort intense de durée intermédiaire ou longue
en vertu de la « règle des 3 heures ». L'apport frac-
tionné et régulier en boisson et en glucides dès le
Préalables à l'effort
début des épreuves de longue durée (marathon,
et à la performance cyclisme) est la meilleure façon de prévenir le
Si la pratique de la plupart des sports est possible, risque d'hypoglycémie. En pratique, il est indis-
elle ne peut se faire sans précaution dont la pre- pensable d'avoir à disposition des aliments ou
mière est d'informer ses proches et l'entraîneur ou des boissons sucrées tout au long de l'épreuve
le coach du diabète et des mesures à prendre en et de consommer toutes les 30 à 45 minutes des
cas d'hypoglycémie. L'insuline étant un produit glucides à index glycémique élevé par fractions
interdit par l'Agence française de lutte contre le de 15 à 30 g. Par ailleurs la consommation anti-
dopage (décret du 22/12/2014, en application de la cipative (avant d'avoir soif) d'au moins 1/2 litre
convention internationale contre le dopage dans d'une boisson (eau ou boisson de l'effort pou-
le sport), une demande d'autorisation d'usage thé- vant contenir du sucre), adaptée aux conditions
rapeutique devrait être faite lors des compétitions climatiques, évite la déshydratation qui serait
officielles. sanctionnée par une contre-performance et par
Un entraînement régulier permet de dévelop- un risque d'hyperglycémie aiguë.
per les capacités physiques et de connaître les Lors d'un effort violent et bref, il n'y a guère
réactions individuelles à l'effort, dont les varia- de mesures diététiques ni d'adaptation des
tions glycémiques. Par principe, mieux vaut éviter doses d'insuline à envisager avant l'épreuve. En
les efforts imprévus et non planifiés. Les mesures revanche une collation glucidique est recomman-
répétées de la glycémie capillaire avant et après dée après l'épreuve.
297
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Prévenir et corriger sans délai d'un effort intense et prolongé ne met pas à l'abri
une hypoglycémie au cours d'une hypoglycémie en cours d'épreuve. De plus,
il n'existe pas de corrélation entre la diminution
d'une activité physique intense
des doses d'insuline et l'hypoglycémie alors
L'hypoglycémie d'effort a pour caractéristiques qu'une telle corrélation existe entre les supplé-
d'entraîner une perte brutale de la performance ments glucidiques et le nombre d'hypoglycémie.
lorsqu'elle se manifeste durant l'effort, de sur- Ces constatations devraient dissuader les sportifs
venir parfois plusieurs heures après l'effort et de se mettre volontairement en hyperglycémie
d'être mal ressentie. La martingale qui parvient comme certains en ont la tentation pour échapper
à la prévenir combine la reconnaissance des à la fatalité de l'hypoglycémie. Il est souhaitable
signes d'alerte modifiés par l'effort, l'ajustement de présenter un état glycémique stable Ŕ c'est-à-
du traitement insulinique et l'ingestion adaptée dire une glycémie comprise entre 1,10 et 1,5 g/L
de glucides. L'identification précoce des signes pour aborder une épreuve puis de s'alimenter tout
d'hypoglycémie durant l'effort est capitale car au long des épreuves sportives ou lors des entraî-
ils sont différents de l'hypoglycémie survenant nements intensifs de longue durée (> 1 heure). Des
au repos. Le stress de la compétition détourne correspondances entre le type d'activité physique
l'attention. La tachycardie, la sudation et les sen- et les modifications des doses d'insuline ont été
sations musculaires et respiratoires inhérentes proposées en dépit d'une grande variabilité indi-
à l'effort perturbent les repères. L'attention doit viduelle (tableau 25.5). Dans les épreuves durant
porter sur la prévention plutôt que sur la correc- moins d'une heure l'ingestion de 10 à 20 g de glu-
tion de l'hypoglycémie. La prévention exige une cides sous la forme de barres de céréales ou de pâte
participation active du sujet qui doit savoir uti- de fruit est conseillée 30 minutes avant l'effort Ŕ
liser à bon escient les données de l'auto-mesure de principe ou lorsque la glycémie capillaire est
glycémique au cours de l'entraînement puis avant, < 1,5 g/L. Ainsi dans une épreuve de demi-fond
pendant et après l'épreuve. Réduire la fréquence et d'une durée de 45 minutes se déroulant le matin
la gravité des hypoglycémies permet de préserver il est souhaitable de consommer 20 g de glucides
les signes d'alerte adrénergiques de l'hypoglycé- en plus du petit déjeuner standard et de réduire de
mie. L'existence d'une hyperglycémie au début 50 % le bolus d'insuline du matin. Les manipula-
Tableau 25.5. Propositions de modification des doses d'insuline rapide (IR) et basale (IB) et ration
glucidique supplémentaire avant ou durant l'épreuve en fonction de son intensité et de sa durée.
Intensité (en % de FMC) Durée < 20 min 20 min < durée < 60 min Durée > 60 min
Insuline (U) Insuline (U) Insuline (U)
Glucides (g/h) Glucides (g/h) Glucides (g/h)
Faible : < 60 % 0Ŕ10 g/h 10Ŕ20 g/h IR : Ŕ 5 %Ŕ 10 %
10Ŕ20 g/h
IB : Ŕ 5 %Ŕ 10 %
Modérée : 60Ŕ75 % IR : Ŕ 5 %Ŕ 10 % IR : Ŕ 5 %Ŕ 10 % IR : Ŕ 10 %Ŕ 20 %
0Ŕ20 g/h 20Ŕ60 g/h 20Ŕ100 g/h
IB : Ŕ 5 %Ŕ 10 % IB : Ŕ 10 %Ŕ 20 %
Forte : > 75 % IR : Ŕ 5 %Ŕ 30 % IR : Ŕ 5 %Ŕ 10 % IR : Ŕ 10 %Ŕ 30 %
10Ŕ30 g/h 30Ŕ100 g/h 30Ŕ100 g/h
IB : Ŕ 5 %Ŕ 20 % IB : Ŕ 10 %Ŕ 30 %
Ces valeurs définies pour une insulinothérapie de type basale-bolus sont données à titre indicatif et sujettes à d'importantes variations
individuelles.
FMC : fréquence cardiaque maximale.
D'après: Grimm JJ, Ybarra J, Berné C, Muchnick S, Golay A. A new table for prevention of hypoglycemia during physical activities in type 1 patients.
Diabetes Metab 2004; 30(5) : 465-70.
298
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...
tions des doses d'insuline sont plus faciles à effec- En post-compétition, tout comme chez les
tuer lorsque l'insuline est administrée en continu sportifs non diabétiques, il est recommandé d'in-
à l'aide d'une pompe à insuline dans la mesure où gérer rapidement une boisson bicarbonatée pour
elles sont directement pilotées par les résultats des prévenir la survenue de crampes musculaires
glycémies capillaires (tableau 25.6). ainsi qu'une boisson sucrée (50 g de glucides)
Une collation glucidique est souhaitable avant puis de consommer un repas enrichi en glucides
le coucher après une épreuve (match, par exemple) (70 % de la ration). Des collations glucidiques au
ou un entraînement intensif pour éviter l'hypo- coucher (prévention de l'hypoglycémie nocturne)
glycémie nocturne. et interprandiales sont conseillées en fonction du
La survenue d'une hypoglycémie en cours niveau de la glycémie capillaire. Ces conseils sont
d'effort est possible en dépit de la mise en œuvre également valables lors des périodes d'entraîne-
de ces dispositions. Il importe alors de réagir sans ment intensif. En revanche, ils sont moins adaptés
délai en interrompant l'activité pour se resucrer aux épreuves brèves et intenses (courses de vitesse
au moyen de glucides à index glycémique élevé par exemple).
facilement transportables et disponibles et rapi-
dement absorbables à hauteur de 15 g (200 mL de Risques liés à l'hyperglycémie
jus de fruit sucré, 150 mL de soda ou 3 morceaux
Une glycémie capillaire > 3 g/L avant l'épreuve
de sucre). Une glycémie capillaire supérieure à
doit faire rechercher des corps cétoniques dans
1,25 g/L autorise la reprise de l'activité moyen-
le sang ou les urines. Leur présence devrait
nant un apport supplémentaire de glucides à
faire renoncer à l'épreuve en raison du risque de
index glycémique moyen (banane, biscuit, barre
décompensation acidocétosique. La correction de
de céréale…). En cas d'hypoglycémie sévère sur-
l'hyperglycémie par un bolus d'insuline rapide
venant lors d'un effort prolongé ou en cas d'inca-
doit être prudente (dose réduite de moitié par
pacité de se resucrer seul, l'injection de glucagon
rapport à la prescription habituelle). Il n'y a pas
est inopérante du fait de l'épuisement des réserves
de mesures alimentaires à préconiser dans cette
glycogéniques ; l'injection IV de glucose à 30 %
situation sinon de rappeler qu'une hyperglycémie
est alors la seule alternative et l'épreuve doit être
en début d'épreuve longue ne prémunit pas contre
durablement interrompue.
le risque d'hypoglycémie et ne dispense pas de la
L'hypoglycémie tardive post-compétition après
prise régulière de petites collations glucidiques
une épreuve de longue durée ou après une épreuve
en cours d'épreuve. Un exercice brutal et intense
intense comme un match traduit une reconstitu-
sans préparation peut entraîner une hyperglycé-
tion insuffisante des réserves glycogéniques alors
mie paradoxale liée à la décharge des hormones
que l'insulinosensibilité demeure accrue.
de stress et d'effort (adrénaline, cortisol…).
299
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
300
Chapitre 25. Personnaliser les conseils diététiques en fonction du mode de vie...
sucres. Il en est ainsi des sandwichs (hamburgers, avec farine correspond à un fruit plus 30 à 50 g
tortillas), frites, boissons sucrées et desserts gour- de pain. La prise en compte de la teneur en glu-
mands. Il faut également se méfier de certains cides lors des plats précédents, permet de choisir
yaourts ou sauces de salades qui sont d'apparence le dessert comme une variable de compensation
sains mais peuvent contenir beaucoup de crème lorsque l'apport glucidique est insuffisant. En cas
(comme la salade césar, par exemple). d'apport glucidique important un morceau de
fromage et un peu de pain complet remplacent
Quelques conseils pour manger avantageusement un dessert conventionnel.
• Contrôler les portions et ne pas se resservir.
sainement au restaurant • Boire au maximum un verre de vin ou équiva-
Un apport en glucides en quantité nécessaire lent et étancher sa soif avec de l'eau.
et suffisante à chaque repas est indispensable. • Manger lentement, déguster.
L'apport lipidique est garant de sapidité et d'onc-
tuosité mais mieux vaut éviter l'excès (notamment Gestion spécifique du traitement
en graisses saturées). L'alcool est un plaisir dont il quand la personne diabétique
faut user à très petite dose.
• Au restaurant, il ne faut pas succomber à la
va au restaurant
tentation de tout manger au prétexte «qu'on a Aller au restaurant conduit souvent à modifier
payé » surtout si les portions sont très copieuses. l'horaire habituel des repas. On y dîne habituel-
La fréquentation du restaurant même occasion- lement plus tard que chez soi. Le temps d'attente
nelle ne permet pas de faire n'importe quoi, entre la commande et le service est fréquent et
même «pour une fois »... souvent meublé par un apéritif liquide et solide
• Refuser les boissons apéritives alcoolisées et volontiers hypercalorique. L'horaire de la prise
bien maîtriser les aliments apéritifs hyperé- alimentaire peut poser un problème en cas d'insu-
nergétiques et gras (petits canapés, cacahuètes, linothérapie conventionnelle par deux injections
noix diverses, chips) et préférer si possible des matin et soir d'un analogue lent et d'un analogue
légumes crus (dips) ou les chips de légumes. retard. L'adaptation est plus facile lors d'un trai-
• Construire son repas selon la formule entrée + tement par basal-bolus ou par pompe externe. Il
plat + dessert en associant des légumes et des suffit de faire le bolus d'un analogue rapide au
féculents, en évitant la charcuterie, en privilé- début du repas, voire au moment où le premier
giant les plats de poisson et les fruits. plat est servi en cas de risque élevé d'hypogly-
• Repérer les plats contenant des féculents. Il cémie. Les médicaments insulinosécrétagogues
devrait y avoir toujours au moins un féculent à exposent à un risque très faible dans ce contexte.
chaque repas. Pour un repas retardé de plus d'une heure, il est
• Éviter les graisses cachées en prêtant attention recommandé de prendre une collation d'environ
aux termes utilisés pour décrire les plats (frit, 15 g de glucides (fruit, pain) quitte à soustraire
pané, sauté, crémeux, feuilleté…). Dans le ces glucides lors du repas qui va suivre. L'injection
doute, se renseigner sur la composition précise d'insuline est à faire avec le repas retardé. En cas
d'un plat. La restauration en général et, surtout, d'incertitude, il ne faut pas hésiter à mesurer une
les restaurants «bon marché » proposent sou- glycémie capillaire avant et après le repas afin de
vent des plats riches en graisses cachées pour prendre des dispositions permettant de prévenir
améliorer leurs qualités organoleptiques. une hypoglycémie ou, à distance du repas, de cor-
• Veiller à la nature de la garniture des plats et riger une hyperglycémie importante par un bolus.
s'assurer de la présence de féculents.
• Contrôler la consommation de pain qui a pour Repas festifs
intérêt de compléter les apports glucidiques si
ceux-ci sont insuffisants et ne pas se rabattre Les fêtes de famille sont l'occasion de repas fes-
sur le pain en attendant les plats. tifs qui font partie des plaisirs de la vie. L'impact
• Être vigilant face aux desserts. Un dessert sans de ces repas d'exception pour tout un chacun sur
farine est équivalent à un fruit mais un dessert l'équilibre glycémique peut être minimisé par la
301
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
connaissance de quelques fondamentaux. Il n'y a avec le diabète. Un plat principal copieux peut être
lieu ni d'exiger un repas particulier ni d'imposer compensé par une entrée simple à base de poisson
des contraintes à ses hôtes au prétexte du diabète. ou de fruits de mer sans débauche de mayonnaise
Lors des repas de fête, la quantité consommée et par un dessert léger avec des fruits et sans
pose plus de problèmes que la nature des mets. crème. L'originalité consiste à mélanger tradition
Les repas festifs se distinguent, outre l'excellence et modernité en substituant par exemple les mar-
des mets, par leur durée avec une attente prolon- rons de la dinde ou le foie gras du chapon par des
gée entre les plats, par le déséquilibre nutritionnel petits légumes cuisinés ou des légumes oubliés
de plats volontiers copieux et riches en lipides comme le panais, les cardons ou le topinambour
et pauvres en féculents et par l'offre (trop) géné- à la manière des grands chefs d'aujourd'hui...
reuse de boissons alcoolisées, l'ensemble étant Quant au choix des desserts il est infini : sorbets,
consommé dans une ambiance qui ne prédispose gâteau léger accompagné de fruits en coulis, île
à la tempérance et la retenue. Le traitement doit flottante, salade de fruits...
être adapté en conséquence en s'aidant au besoin Après le festin, il reste à compenser les dérives
de la détermination de la glycémie capillaire pour et les excès éventuels par des repas conformes aux
guide en cas d'insulinothérapie par basal-bolus recommandations afin de restaurer peu à peu
ou par pompe externe. Il faut se méfier d'une aug- l'équilibre alimentaire qui se joue sur plusieurs
mentation anticipatoire et intempestive ou trop jours et non sur un seul repas.
précoce des doses d'insuline rapide sous peine
d'hypoglycémie. Restauration rapide
En tant qu'invité il ne faut pas bouder son plaisir
ou refuser des plats mais se montrer responsable Ce type de restauration, de plus en plus pratiquée,
face aux mets sucrés ou ayant un indice glycémique a pour inconvénient de proposer des plats riches
élevé et face aux boissons alcoolisées (2 verres en graisses et en sucres : hamburgers, pizzas,
maximum et pas d'apéritif alcoolisé pour éviter quiches, frites, desserts gourmands et boissons
une hypoglycémie alcoolo-induite tardive) et face sucrées… Il n'y a guère d'autres conseils à don-
aux glucides. L'apport en glucides doit être suffisant ner que d'éviter le plus possible ce type de res-
sans être excessif. Le pain permet de compléter une tauration bien que mieux vaut manger un repas
dotation insuffisante en glucides si les mets ne de type « fast-food » que de sauter un repas. En
comportent pas de féculents ce qui est souvent le fait, le choix des mets est limité et il faut essayer
cas lors des repas gastronomiques qui privilégient d'adapter le reste du menu à partir du plat le plus
des plats protéino-lipidiques. Le dessert peut être riche qui est le plus tentant, qu'il s'agisse du met
consommé en quantité modérée immédiatement à principal ou du dessert. Enfin, même dans les
l'issue du repas mais ne compense qu'imparfaite- « temples » du fast-food ou aux abords des « food
ment un déficit en glucides à index glycémique bas. trucks » il faut essayer de prendre son temps et
En tant qu'hôte, il est possible de composer un de mâcher longtemps pour manger moins de ce
menu original, savoureux et néanmoins compatible type d'aliments.
302
Nutrition et diabète CHAPITRE
26
de l'enfant
J.-L. Schlienger
sée se compliquant rarement. Le DT2 est rare et en compte le degré d'autonomie de l'enfant, les
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
303
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
réguliers d'injections effectuées à 12 heures d'in- en compte les besoins accrus par la croissance.
tervalle et une alimentation standardisée puisque Ils constituent l'essentiel de l'apport énergétique,
la dose d'insuline a été prédéfinie. La collation du c'est pourquoi il ne faut pas céder à la tentation de
goûter est peu souhaitable ou très restreinte du vouloir normaliser la glycémie en réduisant l'ap-
fait de la cinétique d'action de l'insuline (semi- port glucidique mais adapter les doses d'insuline
lente). La modulation de l'injection du matin ou la aux apports maîtrisés et privilégier les aliments à
modulation de l'alimentation permettent de gérer index glycémique (IG) bas pour limiter les excur-
l'activité physique programmée par anticipation. sions glycémiques. Il appartient à la famille de
Le recours au principe du « basal-bolus » ou à la donner l'exemple de l'équilibre et de la régularité
pompe à insuline lève une partie des contraintes alimentaire sans imposer des restrictions injusti-
en permettant d'adapter la dose d'insuline à la fiées. En simplifiant, l'alimentation d'un enfant
glycémie capillaire et aux événements de vie tels diabétique se résume à une alimentation équili-
que les repas, les collations ou l'activité physique brée. Il n'y a donc pas de raison d'envisager une
inopinée ou programmée. L'injection d'un ana- alimentation autre que celle du reste de la famille.
logue rapide avant chaque prise alimentaire ou
la réduction de la dose de l'analogue lent avant « Douceurs »
l'exercice programmé puis de l'analogue rapide
lors du repas qui suit permet de prévenir et les Comme pour les autres enfants, les desserts, les bois-
hyperglycémies postprandiales et les hypoglycé- sons sucrées et les bonbons ne sont pas totalement
mies post-exercice. Souplesse du traitement n'est interdits à condition que leur consommation soit
pas synonyme de laxisme, la liberté apparente occasionnelle et se fasse de préférence au cours ou
de ce schéma n'étant réelle que chez des enfants à l'issue d'un repas pour éviter les pics hyperglycé-
éduqués et motivés. L'éducation nutritionnelle est miques. Il faut en tenir compte dans l'estimation des
un élément essentiel du traitement du diabète qui doses d'insuline préprandiales. Il est nécessaire que
contribue grandement à harmoniser les variations l'enfant porte toujours sur lui du sucre ou des confi-
de l'alimentation et de l'activité à l'insulinothéra- series utilisables pour la correction d'une hypoglycé-
pie et vice et versa. L'administration de l'insuline mie. Les boissons sucrées peuvent être intéressantes
par basal-bolus ou par pompe externe est possible en cas d'activité physique intense et prolongée.
et plutôt bien acceptée par l'enfant et ses parents.
Collations
Prise en charge nutritionnelle Les collations n'ont pas d'indication médicale en
dehors du diabète instable où elles peuvent contri-
L'alimentation constitue une partie essentielle du buer à la prévention des hypoglycémies. Il n'y a pas
traitement du diabète chez l'enfant. Les apports lieu de fractionner l'alimentation dès lors que la prise
alimentaires doivent être en accord avec les des repas est synchronisée avec l'action de l'insuline.
besoins métaboliques et les dépenses propres à Le goûter est à la fois un repas et un temps de
l'enfance pour assurer une croissance et un déve- repos qu'il faut organiser soigneusement avec les
loppement psychologique normaux. Le terme de parents et l'entourage scolaire afin de ne pas perdre
régime diabétique, stricto sensu, n'a plus cours de vue que cet apport énergétique s'ajoute à la
chez l'enfant. Il s'agit d'un plan alimentaire prô- dotation journalière et qu'une charge glycémique
nant l'équilibre alimentaire sans grignotage et élevée peut perturber durablement l'équilibre
sans consommation de confiserie en dehors des glycémique. Idéalement, la collation de 16 heures
repas. La première consigne porte sur la régularité devrait s'adosser à un temps d'activité physique.
sur la base de trois repas par jour équilibrés (50 à
55 % de glucides dont 10 % de sucres «rapides » à Importance des horaires
index glycémique élevé et au goût sucré, 30 à 35 %
de lipides et 10 à 15 % de protéines) et de collations La contrainte principale de l'alimentation chez le
adaptées aux besoins mais aussi aux attentes de jeune diabétique n'est pas liée à l'interdiction rela-
l'enfant (plaisir alimentaire, socialisation avec les tive des sucreries mais à la nécessité de respecter
autres enfants). L'apport en glucose doit prendre des horaires de prise alimentaire et de s'astreindre à
304
Chapitre 26. Nutrition et diabète de l'enfant
respecter un plan alimentaire répétitif pour éviter les décisions anxiogènes (aliments, doses d'insuline,
à-coups alimentaires. Un enfant diabétique ne peut interprétation des glycémies capillaires, injec-
manger ni n'importe quoi, ni n'importe quand. Cela tions supplémentaires, activité physique…) pou-
est d'autant plus vrai en cas de traitement insulinique vant générer stress et anxiété pour les parents et
conventionnel puisque chaque injection d'insuline l'enfant avec des conséquences néfastes sur l'équi-
d'action rapide doit être suivie d'un repas contenant libre glycémique et la qualité de vie.
des glucides. L'utilisation des analogues rapides ou de L'investissement parental dans l'aide au soin ne
la pompe à insuline autorise davantage de souplesse. doit pas se transformer en relation négative géné-
ratrice de frustration qu'il s'agisse de l'alimenta-
Portions tion ou des activités de loisir. Prudence et mesure
ne sont pas synonymes d'interdit. L'information et
Les quantités ingérées ne sont pas indifférentes. la compréhension des camarades à bon escient ont
Suffisantes pour couvrir les besoins, elles ne doivent pour effet de faciliter l'acceptation et l'observance.
pas être excessives pour éviter le surpoids. Le chal-
lenge est de trouver le juste équilibre entre l'alimenta-
tion, l'activité physique et le traitement par insuline. Hypoglycémies
La définition des quantités est difficile et technique,
c'est pourquoi l'AJD (Association d'aide aux jeunes Elles ne sont jamais spontanées. Il appartient à
diabétiques) propose des équivalences simples pour l'enfant, aux parents et à l'entourage d'en déter-
stabiliser la quantité de glucides d'un repas : miner la cause pour les prévenir car elles sont
Féculents = légumes + pain = légumes + un peu anxiogènes et suscitent des comportements délé-
de féculents + un peu de pain tères pour l'équilibre métabolique tels que l'hype-
Il n'est pas inutile de connaître quelques corres- ralimentation avant une activité physique ou au
pondances entre les féculents et les unités ména- coucher dans le but de prévenir les hypoglycémies
gères : cuillerées, verres, tasses… nocturnes ou encore un resucrage intempestif.
Le traitement de l'hypoglycémie par voie orale ou
par voie parentérale pour les hypoglycémies sévères
Éducation nutritionnelle a pour objectif de restaurer une glycémie d'au moins
1 g/L. Le resucrage oral se fait toujours par un sucre
de l'enfant et des parents d'absorption rapide sur la base d'un morceau de
sucre (5 g) pour 20 kg de poids (soit 0,3 g/kg). Le
Pour toutes ces raisons l'éducation nutritionnelle
resucrage peut également être réalisé par du fruc-
s'adresse davantage aux parents qu'à l'enfant, du tose ou du dextrose. Les produits sucrés contenant
moins tant qu'il n'est pas autonome. Une fois les des graisses comme le chocolat ou les produits lai-
grands principes de l'insulinothérapie et de l'ali- tiers sont à éviter car ils ralentissent l'absorption du
mentation acquis, il est possible d'évoluer vers sucre. Le resucrage est complété par un glucide plus
l'insulinothérapie fonctionnelle en apprenant à «lent» pour consolider la normalisation de la gly-
quantifier les apports glucidiques à chaque repas et cémie surtout si l'hypoglycémie survient pendant
à les convertir en unités d'insuline correspondantes. la période d'action de l'insuline lente ou après un
Cette méthode apparemment complexe donne une effort physique. En l'absence de normalisation de la
certaine liberté dans l'élaboration des repas et évite glycémie capillaire après un délai de 10 à 15 minutes
qu'ils soient par trop standardisés et stéréotypés. un nouveau resucrage est nécessaire.
Même si le terme de régime a été remplacé par
celui de plan alimentaire, le fait d'être diabétique
a un retentissement non négligeable sur la vie
quotidienne de l'enfant et de sa famille. L'écoute Intégration scolaire
de l'enfant et de la famille au sein d'une prise en et restauration collective
charge pluridisciplinaire, voire un soutien psy-
chologique, facilite l'acceptation de la maladie et L'intégration scolaire d'un enfant diabétique com-
de tous les volets de son traitement. Au quotidien, porte de nombreuses contraintes. L'information
la gestion de la maladie comporte des prises de des enseignants est indispensable pour faire
305
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
accepter certaines particularités et pour éviter et des conditions de délivrance. En cas d'oppo-
que les symptômes d'une hypoglycémie soient sition de la part du cadre administratif de res-
mal interprétés ou méconnus. Le diabète doit tauration, il est stipulé « que tout enfant ayant,
être intégré dans les contraintes d'organisation pour des problèmes médicaux, besoin d'un
familiale et scolaire afin que l'enfant ne pâtisse régime alimentaire particulier, défini dans le
pas d'une attitude ostracisante de la part des PAI, puisse profiter des services de restauration
camarades ou au contraire surprotectrice de la collective ». En cas de préconisation alimen-
part des enseignants. Information et anticipation taire particulière et médicalement justifiée des
sont les maîtres mots pour faire accepter et faire paniers repas fournis par la famille peuvent être
comprendre les particularités liées au traitement autorisés sous réserve de respecter la chaîne du
d'une maladie peu visible. froid par l'utilisation d'un sac de congélation
Le projet d'accueil individualisé (PAI) vise avec des glaçons pour conserver les aliments
à améliorer l'accompagnement de l'enfant dia- potentiellement à risque.
bétique afin qu'il ait une scolarité normale avec En cas de difficultés, notamment pour la parti-
les mêmes exigences que pour ses camarades en cipation aux activités périscolaires et aux voyages
termes d'alimentation saine et équilibrée, et les scolaires, une concertation entre le médecin trai-
mêmes activités périscolaires. Une circulaire tant, le médecin scolaire ou l'infirmière scolaire et
interministérielle (n° 2003-135 du 8 septembre les parents permet habituellement de trouver une
2003) définit les conditions d'accueil en collec- solution honorable pour l'enfant.
tivité des enfants et des adolescents porteurs L'objectif qui est d'assurer à l'enfant un déve-
d'une maladie chronique évoluant sur une longue loppement global normal sur les plans staturo-
période. pondéral, cognitif, psychologique et social doit
L'une des grandes inquiétudes des parents guider l'ensemble des attitudes et des postures
concerne la restauration scolaire collective. des intervenants : parents, camarades, ensei-
L'alimentation recommandée doit être équili- gnants et professionnels de santé. C'est à ce prix
brée et suffisante pour l'ensemble des enfants que l'enfant aura une qualité de vie satisfaisante
qu'ils soient ou non diabétiques ce qui, en théo- et sans frustration ressentie. Une alimentation
rie du moins, ne devrait pas nécessiter d'adapta- respectant les recommandations générales de
tion spécifique en cas de diabète. Il appartient à l'équilibre et de la diversité alimentaire y contri-
l'infirmière ou au médecin scolaire de s'assurer bue grandement que ce soit en milieu scolaire ou
du respect de la bonne composition des repas dans le milieu familial.
306
Nutrition et diabète CHAPITRE
27
à l'adolescence
J.-L. Schlienger
Généralités L'adolescence
est une période singulière
Le diabète de l'adolescent diabétique est un défi
dans la vie d'un diabétique
thérapeutique pouvant être difficile à relever du
fait de besoins particuliers, d'une vulnérabilité D'un point de vue psychologique
liée au phénomène de transition et d'une posture L'adolescent est psychologiquement vulnérable.
ne favorisant ni l'observance ni l'analyse critique Il est confronté à la nécessité de s'approprier une
des comportements. L'éducation thérapeutique, la maladie chronique asymptomatique au moment
correction des erreurs alimentaires les plus gros- crucial où l'emprise parentale s'assouplit sans
sières, l'écoute empathique, le coaching et l'incita- s'effacer totalement, L'adolescent est enclin à
tion à l'activité physique sont les armes qui, bien prêter une importance excessive au regard des
prescrites, peuvent éviter un déséquilibre glycé- pairs sur les marques apparentes de sa maladie
mique trop marqué pendant toute la période qui qu'il cherche à dissimuler en évitant à tout prix
sépare de l'âge adulte où la prise en charge devient les hypoglycémies par une alimentation riche en
plus simple. Si les soignants et l'entourage doivent produits énergétiques et sucrés, en refusant les
faire preuve de compréhension, de patience et de signes ostentatoires (port d'une pompe à insuline,
tolérance, il n'en reste pas moins qu'ils ne doivent pratiques de l'autosurveillance glycémique ou
se montrer ni attentistes ni laxistes car un mau- pratique de bolus préprandiaux) et en calquant
vais contrôle métabolique fait le lit des complica- son comportement sur celui de ses camarades
tions micro- puis macrovasculaires. pour donner le change. Il s'ensuit la tentation
du déni avec un rejet du traitement et, souvent,
Adolescence et découverte une anxiété sociale associée à une dégradation
de l'autonomie de l'équilibre métabolique, notamment chez les
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307
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
des hormones sexuelles. Les besoins quotidiens pour mieux s'intégrer à ses pairs. La prescription
en insuline s'accroissent en même temps que les répond à des objectifs précis et hiérarchisés au
besoins nutritionnels. premier rang desquels figurent la prévention des
grandes variations glycémiques et des hypoglycé-
Comportements dans le traitement mies et le maintien d'un poids normal sans perdre
de vue la prévention des complications micro-
du diabète : un rôle essentiel vasculaires qui peuvent apparaître dès cet âge.
L'obtention d'un équilibre métabolique est capi- La prescription porte davantage sur la régularité
tale pour prévenir les complications immédiates et le choix des aliments que sur un programme
et lointaines. Le traitement du diabète de l'ado- alimentaire très structuré et bien quantifié. Elle se
lescent s'avère difficile parce qu'il ne peut pas fonde sur les données d'une enquête alimentaire,
être mené à bien sans la participation active de s'applique à rester compatible avec une bonne
l'adolescent, avec une implication minorée de qualité de vie et se fait sur un mode empathique,
l'emprise parentale, et sans une prise en charge en évitant d'exclure un aliment, quitte à le repo-
multidisciplinaire des professionnels de santé. La sitionner dans la journée alimentaire, tel un ali-
diététique et l'augmentation de l'activité physique ment sucré à la fin d'un repas plutôt qu'entre les
gagnent à être associées à un soutien psycholo- repas ou à autoriser la consommation de boissons
gique permanent. édulcorées. Le maintien d'un volume conséquent
des portions, en privilégiant des aliments à faible
densité énergétique (fruits et légumes, légumi-
Besoins nutritionnels neuses et céréales complètes), facilite le rassasie-
ment. Des conseils précis sont donnés pour éviter
de l'adolescent la survenue des hypoglycémies spontanées ou à
l'occasion d'une activité physique.
Les apports énergétiques assurés par toutes les Les recommandations alimentaires sont théo-
classes alimentaires sont estimés à 60 kcal/kg de riquement proches d'une alimentation dite «nor-
11 à 14 ans et de 50 et 40 kcal/kg, respectivement, male » telle qu'elle est proposée par exemple par
chez les garçons et les filles de 15 à 18 ans (les le PNNS. Sauf qu'à l'adolescence l'alimentation
besoins d'un adulte sont de l'ordre de 30 à 35 kcal/ n'est le plus souvent pas «normale ». Le «grigno-
kg). Les besoins calciques sont élevés (1 200 mg/j, tage social » ou réactionnel y est particulièrement
contre 800 mg/j chez l'adulte), conjointement aux fréquent et admis. De nouveaux comportements à
apports en vitamine D afin d'obtenir une masse risque apparaissent. Parmi ceux-ci l'alcoolisation
osseuse satisfaisante, ce qui peut être obtenu par parfois massive mérite une mention particulière
la consommation d'au moins trois portions de en ce qu'elle peut être à l'origine, en plus des
produits laitiers chaque jour. Les besoins en fer troubles psychocomportementaux, d'hypoglycé-
sont majorés par l'augmentation de la masse éry- mies graves méconnues dans ce contexte.
throcytaire et par les menstruations chez les filles,
ce qui incite à consommer des aliments riches en
fer héminique (viande, poisson). Faire attention aux troubles
des conduites alimentaires
La connaissance du rôle de l'insuline sur la régula-
Prescription nutritionnelle tion pondérale peut inciter les adolescentes en mal
de contrôle pondéral à réduire les doses d'insu-
Recommandations générales line ou à mettre en place un régime aberrant dans
un climat de restriction cognitive. Il importe de
La prescription nutritionnelle est un temps impor- dépister les éléments de fragilité prédisposant aux
tant mais difficile du traitement du diabète chez troubles des conduites alimentaires (TCA) : émo-
l'adolescent qui a tendance à s'écarter du modèle tivité alimentaire ou troubles psychologiques plus
alimentaire familial, notamment lors des études caractérisés, prises alimentaires interprandiales,
supérieures ou de la formation professionnelle, consommation impulsive d'un aliment, ou accès
308
Chapitre 27. Nutrition et diabète à l'adolescence
309
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
310
Nutrition CHAPITRE
28
de la personne
diabétique enceinte
J.-L. Schlienger
le stade. Les besoins en nutriments et en micro- postprandiale au prix d'un accroissement consi-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
nutriments sont accrus du fait du développement dérable des besoins en insuline. Chez les femmes
des tissus maternels (masse sanguine, placenta, non diabétiques à risque, ce même phénomène
glande mammaire) et du fœtus. La première favorise la survenue d'un diabète gestationnel.
phase anabolique avec constitution de réserves
nutritives maternelles est suivie d'une phase Modifications
catabolique dont la finalité est de diriger les flux du métabolisme énergétique
nutritionnels de la mère vers le fœtus, sans alté-
rer l'homéostasie maternelle grâce à l'utilisation Les besoins énergétiques augmentent progressive-
des réserves accumulées. Des apports nutrition- ment à partir du deuxième trimestre pour atteindre
nels inadéquats sont préjudiciables à la fois pour + 20 % en fin de grossesse. Le surcoût énergétique
311
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
de la grossesse est estimé à environ 150 kcal/j pen- • Une prise de poids insuffisante s'accompagne
dant le premier semestre et à 250 kcal durant le der- d'un risque accru de retard de croissance intra-
nier trimestre soit un total de 20 000 à 30000 kcal utérin (RCIU), d'accouchement prématuré et
auxquels il faut ajouter 60000 à 70000 kcal de stoc- d'hypotrophie à la naissance.
kage des nutriments. Le coût lié au développement
fœtal en représente moins de la moitié. Il en résulte
une prise de poids physiologique qui est l'un des
déterminants du bon déroulement de la grossesse.
Besoins alimentaires
Au premier semestre, elle correspond à la consti-
tution de réserves adipeuses et à l'augmentation de
Besoins en nutriments
la masse sanguine de la mère. En fin de grossesse, Une alimentation diversifiée assurant un gain
la prise de poids maternelle correspond pour 60 % pondéral normal et progressif suffit à préserver
à une prise de poids obligatoire (masse sanguine, le statut nutritionnel de la mère et à éviter toute
développement utérin et des seins, liquide amnio- carence préjudiciable pour le fœtus.
tique et croissance fœto-placentaire), la partie Les glucides constituent l'essentiel de la ration
variable de la prise de poids étant due au stockage énergétique (50 à 55 %), soit un apport de 200 à
de réserves adipeuses et à l'inflation des liquides 300 g/j en fin de grossesse en privilégiant les glu-
extracellulaires. La prise pondérale moyenne est cides à index glycémique bas. Tout doit être fait
d'au moins 7,5 kg à terme. Elle dépend du poids pour éviter les situations à risque d'hypoglycé-
préconceptionnel comme le rappellent les recom- mie ou de cétogenèse qui sont toutes deux délé-
mandations internationales qui s'appliquent égale- tère pour la fonction cérébrale fœtale. Un déficit
ment en cas de DT1 (tableau 28.1). d'apport glucidique prolongé peut être à l'origine
• Une prise de poids excessive est associée à une d'une hypotrophie fœtale. Un excès d'apport favo-
prévalence accrue d'infections urinaires, d'hy- rise l'obésité maternelle.
pertension artérielle, de toxémie, de complica- Les besoins protéiques uniformément répar-
tions thromboemboliques et d'une majoration tis tout au long de la grossesse sont proches de
des indications de césarienne sans compter 1 g/kg par jour.
l'accentuation de l'hyperinsulinisme avec une Les apports lipidiques représentent environ
augmentation importante des besoins en insu- 30 % de la ration en veillant à assurer une dotation
line et, surtout, la macrosomie. Elle prédispose suffisante en acides gras ω3 grâce à la consomma-
également à la constitution d'une obésité mater- tion de poissons, de noix et l'utilisation d'huile de
nelle ultérieure. colza.
Tableau 28.1. Prise de poids recommandée Besoins spécifiques
durant la grossesse selon l'IMC
(recommandations internationales). L'augmentation des besoins en certains micronu-
triments a ouvert un débat sur l'opportunité d'une
IMC à la Prise de poids Prise de poids/ supplémentation prophylactique systématique ou,
conception totale (kg) semaine (kg) au contraire, ciblée pour quelques micronutri-
(kg/m 2) aux 2 e et ments : fer, calcium et vitamine D, vitamines B
3 e trimestres
notamment B9 (acide folique) et iode. L'adaptation
Maigreur : 12,5Ŕ18,0 0,51 maternelle des capacités d'absorption des apports
< 18,5 nutritionnels dispense a priori de toute sup-
Poids normal : 11,5Ŕ16,0 0,42 plémentation autre que celle de l'acide folique
18,5Ŕ24,9 qui doit être systématique et universelle dès la
Surpoids : 7,0Ŕ11,5 0,28 phase préconceptionnelle et pendant tout le pre-
25Ŕ29,9 mier trimestre. En effet, elle permet de prévenir
Obésité : > 30 5,0Ŕ9,0 0,22 les anomalies de fermeture du tube neural. Une
supplémentation en vitamine D durant le dernier
D'après: Rasmussen KM, Caalano PM, Yaktine AL. New guidelines for
trimestre (200 000 UI) est préconisée dans les
weight gain during pregnancy: what obstetrician/gynecologists should
know. Curr Opin Obstet Gynecol 2009; 21(6) : 521-6. régions septentrionales ou lorsque l'exposition au
312
Chapitre 28. Nutrition de la personne diabétique enceinte
soleil est restreinte. La supplémentation en iode soignants et la future mère, sans l'alliance d'une
est souhaitable quoique les apports iodés aient hygiène de vie parfaite, et d'une insulinothérapie
beaucoup crû au fil des dernières décennies. adaptée en permanence aux glycémies capillaires.
Le diabète n'induit pas de besoins spécifiques et
n'est pas une cause validée de supplémentation en Influence de la grossesse
micronutriments. Celle-ci n'est légitime que dans
les populations fragiles (revenus insuffisants,
sur le contrôle glycémique
alimentation déséquilibrée, comportements à de la mère
risque). La grossesse modifie les besoins en insuline et
majore le risque des complications métaboliques
aiguës. Au cours du premier trimestre, les besoins
Risques liés au diabète en insuline peuvent baisser transitoirement avec
un risque d'hypoglycémie accru du fait de la sur-
Risques généraux venue habituelle au premier trimestre de nausées
et de vomissements. Les épisodes d'hypoglycé-
pour la mère et l'enfant mie peuvent également être la conséquence de
Le maintien de la glycémie maternelle dans les l'intensification du traitement antidiabétique afin
limites de la normoglycémie Ŕ 0,60 g/L à 0,90 g/L d'obtenir une normoglycémie stricte. Par la suite
en préprandial, < 1,40 g/L 1 heure après les repas les besoins augmentent jusqu'au terme (d'environ
et < 1,20 g/L 2 heures après les repas Ŕ réduit les 50 %) ce qui nécessite une adaptation permanente
risques au maximum. Chez la mère, le diabète du traitement. Le risque d'acidocétose concerne
augmente le risque d'hypertension artérielle gra- principalement la dernière moitié de la grossesse
vidique et de pré-éclampsie (HTA associée à une et est favorisé par les infections intercurrentes ou
protéinurie > 300 mg/24 h). Ce risque augmente l'utilisation de β-mimétiques. En cas de traite-
particulièrement en cas de rétinopathie ou de ment par pompe à insuline les accès d'acidocétose
néphropathie préexistantes dont l'évolution est peuvent être liés à des problèmes techniques ou au
elle-même accélérée par la grossesse. Ces situa- relâchement de l'autocontrôle.
tions sont également associées à une incidence plus
élevée de RCIU. Le diabète mal contrôlé induit ou
majore les complications microvasculaires.
Le diabète a des répercussions sur l'organoge- Prise en charge diététique :
nèse, la croissance et la vitalité fœtale. Les fausses les grands principes
couches sont 2 fois plus fréquentes. L'embryo-
fœtopathie diabétique est la conséquence de l'effet Les recommandations diététiques valables chez
tératogène de l'hyperglycémie durant les huit pre- les femmes enceintes non diabétiques restent
mières semaines de la grossesse. Il s'agit principale- pertinentes moyennant quelques aménage-
ment de malformations cardiaques, urogénitales et ments. Leur but est de favoriser la normoglycé-
du système nerveux central. La macrosomie fœtale mie sans nuire ni au fœtus ni à la future mère.
s'explique par un hyperanabolisme en lien avec En théorie, l'apport alimentaire devrait être
l'hyperinsulinisme fœtale. Le risque de mortalité augmenté de 150 kcal/j au 1er trimestre et de
in utero tardive est également majoré par l'hyper- 250 kcal/j aux 2e et 3e trimestres. En pratique,
glycémie maternelle. Enfin, le diabète est associé à c'est sur l'évolution pondérale que se juge l'adé-
un risque plus élevé de prématurité et de retard de quation des apports énergétiques. Une prise de
maturation du surfactant pulmonaire. poids conforme aux objectifs (tableau 28.1) est
Tous ces risques peuvent être quasiment annu- le premier garant de l'équilibre métabolique.
lés par un excellent contrôle glycémique. Au cours La grossesse étant une période à haut risque de
de la grossesse diabétique, c'est donc l'objectif de prise de poids excessive une grande vigilance est
la normoglycémie qui est recherché de la phase nécessaire pour adapter le niveau des apports
préconceptionnelle jusqu'au terme. Il ne peut être énergétiques en veillant à ce qu'ils ne soient
atteint sans une étroite collaboration entre les jamais inférieurs à 1 600 kcal/j.
313
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
314
Chapitre 28. Nutrition de la personne diabétique enceinte
jeûne nocturne, prévient d'éventuelles hypoglycé- énergétiques et une adaptation très réactive
mies nocturnes plus ou moins symptomatiques et des modalités et des doses d'insuline dans le
limite l'hyperglycémie matinale réactionnelle. cadre d'une intensification du traitement :
injections préprandiales d'analogues rapides
associées à des analogues lents, insulinothé-
Synthèse
rapie continue par pompe avec éventuellement
une insulinothérapie fonctionnelle si elle est
déjà en cours et bien maîtrisée à la période
À peu de chose près, l'alimentation de la femme préconceptionnelle.
enceinte diabétique est similaire à celle d'une La prise en charge diététique devrait se pour-
femme enceinte non diabétique et à celle d'une suivre pendant la période postnatale pour éviter
femme diabétique non enceinte (tableau 28.2). les variations de la glycémie et favoriser le retour
Il faut éviter tout dogmatisme mais ne pas être au poids initial. Les apports énergétiques assurés
laxiste. Le plaisir de s'alimenter doit être pré- par une alimentation régulière et diversifiée sont
servé. C'est en définitive un dialogue entre une adaptés aux objectifs pondéraux en maintenant le
alimentation diversifiée, à faible charge gly- seuil minimum de 1 600 kcal/j tout au long de la
cémique, suffisante et conforme aux besoins période d'allaitement.
315
Nutrition CHAPITRE
29
dans la prévention
et le traitement
du diabète gestationnel
J.-L. Schlienger
nelle et les complications périnatales et a précisé de surpoids ou d'obésité pour l'enfant, compli-
le seuil de glycémie à partir duquel apparaissaient cations néonatales (hypoglycémie rare en cas de
des complications materno-fœtales. DG mais plus fréquente en cas de macrosomie,
hypocalcémie, fragilité vis-à-vis des infections).
Épidémiologie
En revanche, il n'a pas été démontré de bénéfice
certain du traitement du DG sur le devenir méta-
bolique ultérieur de la mère qui reste à risque de
D'après les données de l'étude Épifane développer rapidement un DT2, et ce d'autant plus
(Épidémiologie en France de l'alimentation et de que le diagnostic de DG a été précoce. Même si les
l'état nutritionnel des enfants pendant leur pre- troubles métaboliques du DG sont réversibles, à
317
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
condition d'adopter de bonnes habitudes diété- Tableau 29.1. Valeurs seuil pour le diagnostic
tiques et d'avoir une activité physique adaptée, le de diabète gestationnel après une charge
DG n'en est pas moins un précurseur du DT2. orale (HGPO) de 75 g de glucose.
Physiopathologie
Temps de l'HGPO mmol/L g/L
À jeun 5,1 0,92
du diabète gestationnel À 1 heure 10 1,80
À 2 heures 8,5 1,53
Le diabète gestationnel est la résultante d'une insu-
linorésistance marquée et d'une sécrétion insuli- D'après: CNGOF/SFD. Le diabète gestationnel. J Gynecol Obstet Biol
nique réactionnelle insuffisante. La diminution Reprod (Paris) 2010; 39(8 Suppl 2) : S139, S338-42.
de la sensibilité à l'insuline, trait physiologique de
toute grossesse, est ici plus précoce et plus sévère suffisants pour réaliser un dépistage en l'absence
(souvent elle existait déjà avant la grossesse) et s'ac- des critères de risque. L'existence d'un seul facteur
centue tout au long de la grossesse. L'hyperglycémie de risque suffit pour proposer un dépistage.
traduit une sécrétion d'insuline réactionnelle com-
pensatoire inadaptée qui s'aggrave tout au long
de la grossesse. Ce défaut de sécrétion d'insuline
Prise en charge
est lié à l'incapacité des cellules β à s'accroître en Les risques de complications materno-fœtales justi-
nombre et à sécréter davantage d'insuline. fient une prise en charge spécifique comportant des
mesures permettant d'obtenir une normoglycémie
Dépistage et diagnostic associées à une surveillance obstétricale particu-
lière. Il est à présent démontré à la suite d'études de
du diabète gestationnel cohortes randomisées contrôlées qu'un traitement
insuffisant du DG est associé à une augmentation de
En France, les modalités de prise en charge du DG la morbidité périnatale. Par ailleurs, l'exposition du
ont été précisées en 2010 par les recommandations fœtus in utero au diabète gestationnel de la mère peut
communes du Collège national des gynécologues modifier le statut métabolique postnatal de l'enfant
et obstétriciens français (CNGOF) et de la Société avec un risque accru d'intolérance au glucose et un
francophone du diabète (SFD). défaut de sécrétion d'insuline à l'âge adulte, indépen-
Le dépistage est indiqué, en présence de facteurs damment de la prédisposition génétique au diabète
de risque (âge maternel ≥ 35 ans, IMC ≥ 25 kg/m2, de type 2. Ce phénomène est attribué à un processus
antécédents de diabète au premier degré, anté- résultant d'une l'interaction génotype-environnement
cédent personnel de DG ou de macrosomie). Il conduisant à des changements épigénétiques respon-
consiste en : sables entre autres de la méthylation de l'ADN de
• une glycémie à jeun au 1er trimestre avec un gènes candidats pouvant avoir un impact sur le risque
seuil fixé à 0,92 g/L ; de développer un diabète de type 2 à l'âge adulte.
• une HGPO avec 75 g de glucose entre 24 et La modification du style de vie est fondamentale.
28 semaines d'aménorrhée avec trois valeurs Elle comporte d'une part un encouragement à une
dont une seule pathologique permet de retenir activité physique adaptée et régulière à hauteur de
le diagnostic de diabète gestationnel : 30 minutes 5 ×/semaine en l'absence de contre-
glycémie à H0 ≥ 0,92 g/L, à H1 ≥ 1,80 g/L, à H2 indication obstétricale et, d'autre part, une incon-
≥ 1,53 g/L (tableau 29.1). tournable prescription diététique. Le respect des
Pour le suivi l'objectif est : consignes diététiques est un préalable à tout autre
• à jeun : une glycémie < 0,95 g/L ; traitement. Ce n'est que lorsque les objectifs glycé-
• à 2 heures en postprandial : une glycémie miques ne sont pas atteints après une semaine de
< 1,20 g/L. «régime» bien suivi que peut être envisagé le recours
Il persiste un débat quant à l'opportunité d'un à l'insuline, seul traitement pharmacologique una-
dépistage systématique plutôt qu'un dépistage nimement validé du DG, bien que la metformine et
ciblé. À ce jour il n'existe pas de données en termes le glibenclamide, utilisés dans les pays anglo-saxons,
de rapport coût/efficacité ni d'autres arguments ne soient ni mutagènes ni tératogènes.
318
Chapitre 29. Nutrition dans la prévention et le traitement du diabète gestationnel
Tableau 29.2. Exemple de répartition des apports alimentaires en cas de diabète gestationnel.
319
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Évaluation de l'efficacité peu cuites (al dente) et les pommes de terre cuites
de la diétothérapie à l'eau ou à la vapeur avec la peau (purée, pommes
Elle est réalisée grâce à l'autosurveillance des sautées ou frites sont déconseillées). Consommer
des féculents à glucides plus complexes (légumes
glycémies capillaires sur la base de quatre à six secs, riz complet, pâtes au blé complet, pain aux
contrôles quotidiens avec au moins un contrôle céréales).
à jeun et 2 heures après le début du repas. En 4. Associer des légumes verts (cuits si le sérodia-
pratique, l'équilibre glycémique est jugé satisfai- gnostic de la rubéole est négatif) aux glucides
sant si la glycémie préprandiale est inférieure à parce que leur richesse en fibres contribue à la
0,95 g/L et si la glycémie postprandiale n'excède bonne régulation de la glycémie.
pas 1,20 g/L. L'autosurveillance est de surcroît un 5. Une collation est composée par exemple d'un
outil éducatif qui contribue à la compréhension fruit (sauf banane ou raisin) et d'un laitage sans
des effets des mesures diététiques ce qui facilite sucre.
l'observance. 6. En application du principe de précaution, les
L'indication d'une insulinothérapie selon un boissons édulcorées par des édulcorants intenses
schéma adapté au profil glycémique est posée sont déconseillées durant la grossesse.
lorsque la diététique ne suffit pas à atteindre les
objectifs glycémiques. La vigilance diététique
reste plus que jamais de mise pour éviter une prise Après la grossesse
de poids trop importante liée à l'effet intrinsèque
de l'insuline et pour minimiser le risque d'hypo- Dans le DG authentique, la glycémie se norma-
glycémie à vrai dire assez faible dans ce contexte lise habituellement rapidement après la grossesse
d'insulinorésistance. et le traitement pharmacologique (insuline) peut
être interrompu. Néanmoins, il convient de pour-
suivre l'incitation à modifier l'hygiène de vie pour
Les points forts du régime réduire le risque d'apparition d'un DT2 précoce
au cours du diabète gestationnel chez la mère. La prescription d'une alimentation
1. Avoir une alimentation équilibrée avec des équilibrée à faible densité énergétique et à faible
heures de repas régulières (petit déjeuner, déjeu- charge glycémique et une activité physique signi-
ner, dîner). ficative sont indispensables au très long cours
2. Supprimer les sucres et produits sucrés à index qu'il y ait ou non persistance de troubles de la
glycémique élevé (sucre en morceaux, en poudre régulation glycémique, qu'il y ait ou non de sur-
ou en sirop) ; miel, confiture, chocolat en mor- charge pondérale. Ces mesures soutenues par des
ceaux ou en boisson, laitages sucrés (entremets, séquences périodiques d'éducation thérapeutique
yaourt et petits-suisses sucrés, aromatisés ou permettent de réduire de moitié le risque de DT2.
fruités…), gâteaux, biscuits, barres de céréales, La survenue d'une nouvelle grossesse est habi-
confiserie ; jus de fruits (même 100 % aux tuellement responsable d'une rechute du DG
fruits), sodas, sirops ; céréales sucrées. Les fruits qu'il convient d'anticiper par la mise en place de
contiennent des sucres simples ayant un index consignes diététiques avec un contrôle strict de la
glycémique bas. Ils ont l'avantage d'être riches en
prise pondérale.
fibres et en micronutriments.
Les besoins d'une femme diabétique allaitante
3. Fractionner les glucides du repas (pain, fruits,
féculents…) en trois repas et une ou deux colla- sont globalement les mêmes qu'au cours de la
tions (après-midi, milieu de matinée) voire trois grossesse et ne présentent pas de particularités
collations (avant le coucher) selon la prescription. remarquables. Une alimentation variée et équi-
Chacun des repas doit apporter une quantité librée tant en qualité qu'en quantité, comportant
comparable de glucides à index glycémique rela- peu de glucides à index glycémique élevé, répond
tivement bas (pain, pâtes, riz, pommes de terre, aux besoins. La part recommandée de lipides
semoule, manioc, farine, céréales sans sucre). Par reste identique mais il faut veiller à ce que l'apport
ailleurs, dans le même but, les pâtes devront être en acides gras ω3 soit satisfait par la consomma-
tion de poissons gras et d'huiles végétales riches
320
Chapitre 29. Nutrition dans la prévention et le traitement du diabète gestationnel
en oméga 3 et 6 (huile de colza) (tableau 29.3). végétariennes strictes ou les végétaliennes relèvent
L'apport en protéines de la mère reste stable car la d'une supplémentation en fer, calcium, acide
teneur protéique du lait maternel est assez faible. docosahexaénoïque (DHA) et en vitamines B12,
Les mères allaitantes dites «à risque » comme les A et D.
Tableau 29.3. Propositions d'aliments chez une femme diabétique allaitante sur la base d'une
ration journalière de 2 500 kcal.
321
Nutrition chez le CHAPITRE
30
patient diabétique
qui pratique le jeûne
religieux du ramadan
L. Monnier, A. El Azrak, D. Rochd, C. Colette
stricte, sont rarement capables à elles seules miques) est multipliée approximativement par
d'assurer un équilibre glycémique satisfaisant un facteur 5, qu'il s'agisse de diabètes de type 1
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
chez les personnes diabétiques. Dans la majo- ou 2. Plus sournois mais peut-être encore plus
rité des cas, les mesures diététiques doivent importants, sont les désordres glycémiques
être complétées par des traitements pharmaco- chroniques engendrés par le ramadan. À cet
logiques, qu'il s'agisse de comprimés (antidia- égard, il convient de rappeler que le ramadan
bétiques oraux) ou de préparations injectables dure un mois et que toute exposition excessive
(agonistes des récepteurs du GLP-1 ou insu- au glucose, pour peu qu'elle s'étale sur quelques
line). Certaines de ces médications comme les semaines, entraîne une glycation anormale des
sulfonylurées, les glinides, et surtout l'insuline protéines des parois vasculaires, c'est-à-dire un
peuvent provoquer des hypoglycémies parfois vieillissement des petits et des gros vaisseaux
323
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
de l'organisme, avec un effet mémoire qui peut cette hyperglycémie. Souvent le taux du glucose
avoir un retentissement plusieurs années après. sanguin ne retrouve son niveau basal qu'en fin
Ainsi, une période d'exposition anormale à d'après-midi, après une décroissance progres-
l'hyperglycémie pendant 1 mois, mais répétée sive mais lente pendant la période diurne d'abs-
tous les ans, correspond sur « N » années à une tinence alimentaire. Étant donné que le jeûne
hyperglycémie soutenue et cumulée de « N » du ramadan peut entraîner des désordres aigus
mois (fig. 30.1). Nul ne peut affirmer que cette et chroniques, plusieurs conférences de consen-
hyperglycémie est anodine. Il est même forte- sus (Casablanca, 1995) et plusieurs organisa-
ment probable qu'elle puisse être délétère par tions (Fédération internationale du diabète en
effet « mémoire ». De plus, après une période de collaboration avec l'Alliance internationale du
déséquilibre liée au ramadan, personne ne sait diabète et du ramadan) ont établi des recom-
en combien de temps le sujet retrouve son équi- mandations pour savoir si certaines personnes
libre glycémique de base (fig. 30.1). Les études diabétiques doivent être exemptées du jeûne
effectuées grâce à la technique de l'enregistre- religieux. À ce jour, il est difficile d'énoncer des
ment glycémique continu en ambulatoire n'ont règles générales et les décisions sont souvent
pour l'instant donné que des résultats fragmen- prises au cas par cas, les souhaits du patient
taires. La seule donnée sûre est que le repas de étant prioritaires, même si les conseils des pro-
rupture du jeûne (Iftar) après le coucher du fessionnels de santé devraient jouer à l'avenir
soleil s'accompagne d'un incrément glycémique un rôle de plus en plus important. De nombreux
franc de l'ordre de 1 g/L mais qui a tendance à facteurs doivent être pris en compte pour guider
persister pendant une bonne partie de la nuit, le patient dans sa décision. Ces facteurs seront
en particulier chez les patients diabétiques qui analysés à la fin de ce chapitre, mais il est bien
sont traités par insuline. Le repas pris avant le certain que l'adhésion aux mesures diététiques
lever du soleil (Sohour) contribue à réactiver se trouve en première ligne.
Niveaudel’hyperglycémie
324
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan
325
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
elle s'arrête au stade de cétose sans signe clinique dernier sera pris relativement tôt si le ramadan est
particulier. L'évolution vers la cétoacidose est rare. en période hivernale et même encore plus tôt si la
Toutefois, au cours du ramadan, il a été rapporté personne habite dans une zone septentrionale. En
que les épisodes de cétoacidoses sont 4 à 5 fois plus revanche, le repas de rupture du jeûne sera pris
fréquents que chez le diabète de type 1 insuliné beaucoup plus tard, vers 20 heures par exemple, si
«en régime de croisière ». Même si les cétoacidoses le ramadan est en période estivale et si la personne
sont devenues rares dans le diabète de type 1, séjourne dans un pays du Sud. La durée de l'état
cette multiplication par 5 peut conduire à une physiologique de jeûne sera également condition-
fréquence non négligeable d'épisodes cétoacido- née par l'horaire du repas de l'aube, d'autant plus
siques. C'est pour cette raison qu'il est préférable longue que le repas de l'aube aura été pris plus
d'éviter l'évolution vers ce type de complication tôt. Pour la clarté du propos, prenons l'exemple
car un coma cétoacidosique nécessite une hospi- de la ville de Casablanca. Si le ramadan est au
talisation d'urgence et peut avoir une issue fatale mois de décembre, les repas de l'aube et de rup-
si la réanimation est entreprise avec retard. ture du jeûne seront pris respectivement à 6 h 50
et 18 h 30 avec un état physiologique de jeûne très
court, de moins de 2 heures, compris entre 16 h 50
et 18 h 30. En revanche, si le ramadan est au mois
Modification du rythme de juin, le repas de l'aube et le repas de rupture du
des prises alimentaires au cours jeûne seront pris respectivement à 3 h 30 du matin
et à 19 h 50 avec un état physiologique de jeûne
du ramadan et conséquences beaucoup plus long, supérieur à 6 heures compris
sur la durée et le moment entre 13 h 30 et 19 h 50. Ce simple exemple suffit
à démontrer que les recommandations à donner à
de l'état de jeune un patient diabétique devront tenir compte de la
période de l'année et de la géographie. De manière
Le passage d'une alimentation diurne à une ali-
générale, l'exemption du jeûne religieux du rama-
mentation nocturne entraîne des perturbations dan sera d'autant plus recommandée que l'état
métaboliques importantes. Prenons l'exemple physiologique de jeûne sera plus long. En effet, la
d'un sujet qui, en dehors du ramadan, a un prolongation de l'état de jeûne expose le sujet au
rythme de prises alimentaires constitué par un risque d'hypoglycémie, surtout quand les sujets
petit déjeuner à 8 heures, un repas de milieu de sont traités par des sulfonylurées ou par insuline.
journée vers midi et un dîner vers 20 heures. Pour conclure ce paragraphe, ce sont donc des
Si on tient compte du fait que les périodes décisions au cas par cas qui devront être envisa-
postprandiales et postabsorptives durent respec- gées en tenant compte non seulement de l'état du
tivement 4 et 6 heures et que l'état de jeûne phy- patient mais également de paramètres indépen-
siologique commence 10 heures après le début de dants de son état, tels que la saison et la géographie.
la dernière prise alimentaire, la période de jeûne
pour ce sujet ne durera que 2 heures en fin de nuit,
de 6 à 8 heures du matin. Pour ce sujet, la répar-
tition conseillée des apports glucidiques peut être Comment répartir
fixée à 1/5e au petit déjeuner et 2/5e aux repas de
midi et du soir.
les prises glucidiques
Au cours du ramadan, le rythme des prises au cours du ramadan pour
alimentaires de ce sujet va être modifié mais essayer d'éviter les montées
les modifications vont dépendre du calendrier
lunaire et de la zone géographique. De manière glycémiques excessives après
générale, l'état physiologique de jeûne sera les repas chez le diabétique
déplacé pour passer de la fin de nuit à la deu-
xième partie de l'après-midi, dans une tranche La solution la plus pertinente serait de tendre vers
de temps qui débutera vers 14-15 heures pour se une répartition proche de l'« isoglucidie » entre les
terminer avec le repas de rupture du jeûne. Ce trois repas (30 % pour l'Iftar, 40 % pour le repas
326
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan
de minuit et 30 % pour le Sohour). Cette solution à 7 g pour 100 g) et par le fait que le fructose, bien
permet d'étaler les montées glycémiques post- qu'il soit un monosaccharide, est beaucoup moins
prandiales sur la totalité de la durée de la période hyperglycémiant que le glucose. Toutefois, leur
nocturne puisque les prises alimentaires sont richesse en glucides fait que les dattes sont hyper-
concentrées et limitées sur cette période. glycémiantes en particulier lorsqu'elles viennent
s'ajouter aux petits gâteaux sucrés. La recomman-
Au moment de l'Iftar dation générale est que la quantité de glucides
consommés au moment du repas de rupture du
Quand le sujet n'a plus consommé d'aliments
jeûne ne devrait pas être excessive. Si on considère
glucidiques depuis un repas de l'aube pris très tôt qu'un «breakfast » normal apporte aux alentours
et dans la mesure où l'état de jeûne s'est prolongé de 40 g de glucides en moyenne, le repas de rup-
pendant plusieurs heures (plus de 6 heures dans ture du jeûne devrait se situer au maximum aux
certains cas), il est bien certain que le sujet éprou- alentours de 60 à 80 g de glucides en mixant les
vera normalement une grande sensation de faim glucides rapides et lents et en apportant conjoin-
au moment de la rupture du jeûne (vers 20 heures tement des aliments lipidiques ou protidiques
par exemple). Dans ces conditions, un apport tels que les produits laitiers (beurre, yaourts, fro-
glucidique est indispensable surtout si le sujet est mages, babeurre) pour essayer d'amortir les mon-
diabétique insuliné. Il est donc normal que cette tées glycémiques. À cet égard, signalons que les
prise glucidique soit plus importante (30 % de yaourts et le babeurre sont des aliments intéres-
l'apport glucidique quotidien) que pour le petit sants car ils apportent des glucides lents (du lac-
déjeuner traditionnel (environ 20 % de l'apport tose, 4 à 5 g pour 100 g) et des protéines (3 à 3,5 g
glucidique quotidien). Il ne faut pas oublier que le pour 100 g). Le babeurre est appelé encore «lait
terme «breakfast » signifie «rupture du jeûne » et battu ». Il est parfois désigné, mais de manière un
que l'Iftar (rupture du jeûne religieux) peut être en peu inappropriée, sous le terme de « petit-lait ».
première approximation comparé au petit déjeu- C'est le babeurre présenté sous forme d'une pré-
ner. Les deux ruptures du jeûne sont cependant paration semi-liquide et un peu aigrelette, qui est
très différentes car elles ne se situent pas au même traditionnellement consommé en accompagne-
moment de la journée et parce qu'elles sont précé- ment du couscous marocain le jour de la grande
dées par des états métaboliques de jeûne dont les prière du vendredi.
durées peuvent être très différentes (2 heures pour
le petit déjeuner classique, deux à plusieurs heures
pour le repas de rupture du jeûne en fonction du Glucides au moment
calendrier lunaire et de la zone géographique). des deux autres repas
Plus la durée de l'état de jeûne qui précède sera
longue, plus l'envie de consommer des glucides L'un des problèmes lors du ramadan est une
sera élevée. Une consommation excessive de glu- consommation excessive de glucides sur la
cides risque d'entraîner une montée glycémique période nocturne. Les enquêtes alimentaires qui
brutale, surtout si la rupture du jeûne est effectuée ont pu être conduites au moment du ramadan
avec des glucides très hyperglycémiants à index montrent une surconsommation de glucides par
glycémique élevé. Cette situation est observée avec rapport à l'alimentation habituelle. Les statis-
la consommation de jus de fruits et de pâtisseries tiques indiquent que la consommation de pro-
sous forme de petits gâteaux certes délicieux mais duits sucrés augmente de 30 g par jour (données
malheureusement très riches en sucres rapides. égyptiennes), que les dépenses ménagères en
Une consommation excessive de dattes sèches en fruits frais et secs et en boissons sucrées augmen-
début de repas de rupture du jeûne peut ampli- tent respectivement de 100 % et 50 % (données
fier la montée glycémique. En effet, il convient marocaines). Normalement, la consommation
de rappeler que les dattes sèches contiennent 70 g totale de glucides sur l'ensemble de la période
de glucides pour 100 g, qui se partagent à parts nocturne devrait rester entre 220 et 280 g de glu-
égales entre deux monosaccharides (le glucose et cides pour un adulte en poids normal. Chez un
le fructose). Par bonheur, leur pouvoir hypergly- diabétique, la consommation est fixée en fonction
cémiant est tamponné par la présence de fibres (6 du niveau calorique du régime en sachant que le
327
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
pourcentage de glucides doit se situer aux alen- gâteaux sucrés, boissons sucrées). Chez le diabé-
tours de 45 % de la ration énergétique totale. Si on tique, les collations entretiennent l'hyperglycémie
se rapporte aux régimes que nous avons dévelop- nocturne car elles conduisent à un grignotage sur
pés dans le chapitre 15, l'apport glucidique total l'ensemble de la nuit. La deuxième question est de
peut être fixé de la manière suivante. savoir si le repas de minuit (dîner) doit être main-
tenu quand le repas de rupture du jeûne est suf-
• Régime à 1 400 kcal : 160 g de glucides. fisamment copieux et riche en glucides. En effet,
• Régime à 1 600 kcal : 180 g de glucides.
deux repas (l'Iftar et le Sohour) peuvent s'avérer
• Régime à 1 800 kcal : 200 g de glucides. suffisants. Si on court-circuite le dîner, l'Iftar
• Régime à 2 000 kcal : 225 g de glucides. devrait apporter environ les deux tiers de l'apport
• Régime à 2 200 kcal : 250 g de glucides. glucidique total et le Sohour un tiers. Pour en
• Régime à 2 400 kcal : 270 g de glucides. revenir à l'exemple d'un diabétique de type 1 dont
l'apport glucidique est de 270 g par jour, on peut
concevoir que le repas de rupture du jeûne devrait
Si nous prenons l'exemple d'un patient diabé- apporter environ 160 g de glucides et le Sohour
tique de type 1 en poids normal, dont l'apport 110 g. Dans la mesure où 160 g de glucides repré-
glucidique a été fixé à 270 g de glucides, la réparti- sentent un apport relativement fort sur un seul
tion glucidique pourrait être établie de la manière repas, ce dernier devrait être étalé sur une période
suivante. relativement longue de 2 à 3 heures par exemple
entre 21 heures et minuit. Le dîner de minuit peut
être une source de dérapage important en termes
• 80 g au moment de l'Iftar.
d'apport glucidique nocturne. À titre d'exemple,
• 110 g au moment du dîner.
nous avons calculé les apports nutritionnels four-
• 80 g au moment du Sohour.
nis par un dîner constitué par un tajine d'agneau
avec pastilla sucrée, les deux étant accompagnés
Pour le Sohour (repas qui précède l'aube), il est par 30 g de pain, 250 mL de Coca-Cola et des
dans tous les cas de figure indispensable d'insister mandarines (tableau 30.1). Même si on considère
sur la prise de glucides lents car il faut éviter la qu'une partie (environ 40 %) n'est pas consommée,
montée glycémique excessive à un moment de la l'apport énergétique par personne reste très élevé
journée où l'insulinorésistance est en train d'évo- (environ 2 000 kcal) avec un apport en glucides de
luer vers son maximum. De plus, il faut que cet l'ordre de 100 g. Cet exemple montre clairement
apport glucidique qui arrive en fin de nuit assure que le dîner à lui seul peut fournir une grande
une couverture glucidique relativement longue et partie des calories (2 000 kcal) chez un patient
permette d'attendre le repas de rupture du jeûne ayant un diabète de type 1 en poids normal et
qui ne sera pris qu'en début de soirée. pour lequel l'apport énergétique recommandé a
été fixé à 2 400 kcal pour toute la journée.
328
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan
Tableau 30.1. Exemple de dîner de minuit basé sur une pastilla sucrée et un tajine d'agneau.
24
22
20
Glucoseinterstitiel(mmol/L)
18
16
Repas
14 aube
(07h00)
12
10
8
Repas
6 aube
(07h00)
4
00h00 12h00 24h00 12h00 24h00 12h00 24h00 Temps
00h00 00h00 00h00 (heures)
glycémique au moment de la rupture du jeûne, plateau à 4 g/L pendant toute la nuit jusqu'au matin
quel que soit le jour. Dans la soirée et la nuit du et avec un retour très lent et linéaire pour atteindre
samedi (jour 2) au dimanche (jour 3), on note une un taux subnormal (1,30 g/L) en fin d'après-midi.
hyperglycémie soutenue qui s'est maintenue en Ce patient était traité par une injection d'insuline
329
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
avant le repas de rupture du jeûne. Cette injec- démontré que pendant le ramadan un traitement
tion associait un analogue prolongé de l'insuline optimisé par pompe à insuline chez des patients
(la glargine U100 à la dose de 44 unités) et un diabétiques de type 1 ne fait pas mieux qu'un
analogue rapide (la glulisine à la dose de 16 uni- schéma insulinique de type basal-bolus adminis-
tés). De plus, il recevait un traitement oral par tré en multi-injections. Les glycémies moyennes,
un insulinosensibilisateur, la metformine (2 g/j) la fréquence des épisodes hypoglycémiques et les
et une sulfonylurée, le glibenclamide (10 mg/j). profils glycémiques sont en tout point identiques
Cette observation montre clairement que le jeûne avec les deux traitements insuliniques alors qu'un
du ramadan peut s'accompagner de perturbations traitement par pompe devrait en principe amélio-
glycémiques majeures quand le patient ne respecte rer l'équilibre glycémique par rapport à un traite-
pas un programme nutritionnel et pharmacolo- ment par multi-injections. Bien que nous n'ayons
gique structuré et lorsque l'équilibre glycémique pas de preuve directe, il est probable que dans
est loin d'être satisfaisant (HbA1c > 8 %) avant le cette étude une amélioration franche de l'équi-
ramadan. De plus, l'observation que nous venons libre glycémique aurait été obtenue si l'un des
de relater soulève deux problèmes majeurs : deux groupes avait mieux suivi les recommanda-
• le retour très lent vers une normoglycémie au tions diététiques quelles que soient les modalités
cours de la période du jeûne diurne, lorsque la du traitement insulinique.
glycémie du matin est très élevée ;
• et la détérioration considérable de la glycémie
pendant la nuit avec une montée glycémique Adaptation du traitement
très rapide et très prononcée au moment de la
rupture du jeûne.
médicamenteux antidiabétique
Dans le cas présent, il est probable que l'hyper- au cours du ramadan
glycémie nocturne a été entretenue par un repas
(dîner) et par des collations répétées qui ont suivi Chez les patients diabétiques
le repas de rupture du jeûne. Ainsi, il apparaît que de type 2 non insulinés
les excès nutritionnels en particulier glucidiques
Le traitement médicamenteux peut être maintenu
chez un diabétique insuliné peuvent conduire à
des perturbations glycémiques durables. Pour les à son niveau habituel, au moins lorsqu'il n'existe
maîtriser, le traitement insulinique doit être cor- aucun risque d'hypoglycémie iatrogène : met-
rectement adapté et titré. Toutefois quand ces excès formine, inhibiteurs de la DPP-4, agonistes des
deviennent trop importants, il n'est pas sûr que récepteurs du GLP-1, inhibiteurs des alpha-glu-
l'adaptation des doses d'insuline soit suffisante. cosidases et pour le futur, inhibiteurs du SGLT2
(tableau 30.2).
Pour cette dernière classe de médicaments, la
Preuves que la diététique prudence d'utilisation ne porte pas sur le risque
est aussi importante que le hypoglycémique, mais sur le danger de déshy-
traitement antidiabétique dratation. En effet, les inhibiteurs du SGLT2
entraînent une perte d'eau et de sodium avec
L'observation que nous venons de rapporter risque d'hypovolémie. De plus, il a été rapporté
montre que l'absence de compliance aux mesures que les inhibiteurs du SGLT2 augmentent le
diététiques conduit à des dérives hyperglycé- risque de cétoacidose. Pour toutes ces raisons, les
miques au cours du ramadan. Dans une étude inhibiteurs du SGLT2 devraient être fortement
récente réalisée en Arabie saoudite5, il a été déconseillés au cours du ramadan, en particulier
chez tous les diabétiques qui séjournent dans les
pays très chauds et a fortiori lorsque la période
5. Alamoudi R, Alsubaiee M, Alqarni A3 Saleh Y, du jeûne religieux coïncide avec la saison la plus
Aljaser S, Salam A, Eledrisi M. Comparison of Insulin chaude.
Pump Therapy and Multiple Daily Injections Insulin
Regimen in Patients with Type 1 Diabetes During Par ailleurs, la prudence devrait être la règle
Ramadan Fasting. Diabetes Technol Ther 2017 ; lorsque le patient diabétique de type 2 est traité
19(6) : 349-54. par des antidiabétiques oraux susceptibles d'en-
330
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan
Tableau 30.2. Utilisation des traitements antidiabétiques non insuliniques pendant le ramadan :
risques et recommandations pratiques.
traîner des hypoglycémies comme les sulfonylu- Chez les patients diabétiques
rées et les glinides. Bien que certains auteurs aient insulinés (tableau 30.3)
proposé d'interrompre ces médicaments pendant
le ramadan, les hypoglycémies induites par les Qu'ils soient de type 1 ou de type 2, deux options
sulfonylurées et les glinides ne sont pas suffi- sont envisageables. La première consiste à prôner
samment fréquentes pour conduire à leur arrêt. l'exemption du jeûne religieux en particulier si
Certains proposent de remplacer les sulfonylurées l'équilibre glycémique est insuffisamment maî-
par les glinides, qui comportent moins de risque trisé en dehors du ramadan et surtout dans les
hypoglycémique. Le mieux est de titrer la dose de jours qui précèdent la période du jeûne religieux.
ces médicaments à un niveau qui permet d'évi- La deuxième option consiste à proposer au patient
ter les hypoglycémies en utilisant la glycémie de le passage à un schéma insulinique de type basal-
fin d'après-midi, avant le repas de rupture du bolus. Si le sujet est déjà sous ce schéma insuli-
jeûne. En effet, cette glycémie est la plus basse nique, il faut optimiser ce schéma et surtout le
de la journée chez tous les diabétiques de type 2 revoir afin que les injections d'insuline soient réa-
et plus particulièrement chez ceux qui suivent lisées avant les prises alimentaires qui comportent
le ramadan (fig. 30.2). Dans ces conditions, une charge glucidique significative en qualité et
la dose de sulfonylurée ou de glinide devrait quantité. Pour la pratique, nous considérerons
être ajustée de telle manière que ce minimum que tout apport glucidique de plus de 40 à 50 g,
(nadir) glycémique de fin d'après-midi, dit « de surtout s'il s'agit de glucides à index glycémique
sécurité », reste supérieur à 0,70-0,80 g/L. Très élevé, devrait être accompagné par une injection
récemment, certains ont proposé de remplacer d'analogue rapide selon les modalités suivantes :
la sulfonylurée par un agoniste des récepteurs 1 unité d'analogue rapide pour 10 g de glucides.
du GLP-1, le liraglutide ou Victoza®, à la dose de Pour le repas avant l'aube, cette dose devrait être
1,8 mg/j. Dans cette étude (LIRA-RAMADAN) portée à 1,5 unité pour 10 g de glucides, car c'est
il a été montré que les hypoglycémies étaient en fin de nuit que l'insulinorésistance et la pro-
beaucoup moins fréquentes sous liraglutide que duction hépatique de glucose sont à leur maxi-
sous sulfonylurée avec de surcroît un meilleur mum avec pour conséquences un phénomène de
contrôle glycémique global sous liraglutide. La l'aube (remontée glycémique en fin de nuit même
solution serait donc de remplacer la sulfony- en dehors de toute prise glucidique nocturne) et
lurée par un agoniste des récepteurs du GLP-1 un phénomène de l'aube étendu. Ce dernier se
avec toutefois un bémol : quid de la faisabilité de traduit par une excursion marquée de la glycémie
cette substitution quand la prise en charge par postprandiale en milieu de matinée.
les caisses d'Assurance maladie n'est pas totale- Au cours du ramadan, la prise d'un repas avant
ment assurée. l'aube, relativement riche en glucides, ne peut que
331
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
12 h
16 h
Dîner suivant le repas
de rupture du jeûne
(2 heures après)
100 g de glucides :
Analogue rapide 10 unités 20 h
Repas de rupture
du jeûne
90 g de glucides :
Analogue rapide 9 unités
Figure 30.3. Répartition suggérée pour les bolus d'analogue rapide de l'insuline au cours du
ramadan chez un patient traité par un schéma insulinique de type basal-bolus et prenant trois
repas pendant la nuit avec les apports glucidiques suivants : 90 g au repas de rupture du jeûne
(Iftar), 100 g au dîner qui suit, 80 g au repas pris avant l'aube (Sohour).
332
Chapitre 30. Nutrition chez le patient diabétique qui pratique le jeûne religieux du ramadan
Exemption Exemption
facultative recommandée
Figure 30.4. Proposition de schéma décisionnel pour savoir si la personne diabétique peut
pratiquer le jeûne religieux ou doit en être exemptée pendant la période du ramadan.
333
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
334
Traitement du CHAPITRE
31
diabète induit
par des médicaments
diabétogènes
Le diabète cortico-induit
J.-L. Schlienger
335
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
indépendamment de toute prise de poids. Des lipodystrophique et le diabète dont l'incidence est
données expérimentales suggèrent que les nou- multipliée par 4. Les inhibiteurs des protéases ont
veaux antipsychotiques interfèrent avec la régu- un rôle causal direct dans le développement de
lation de la sécrétion de l'insuline en bloquant l'insensibilité à l'insuline et du diabète.
les récepteurs des neuromédiateurs sérotoniner-
giques et dopaminergiques et en antagonisant les Immunosuppresseurs
récepteurs muscariniques présents dans la cellule
β. Une perturbation du profil des adipokines a Ces médicaments, indispensables chez les trans-
également été avancée pour expliquer la diminu- plantés d'organe, sont responsables d'une inci-
tion de la sensibilité à l'insuline. La balance entre dence élevée de diabète de novo (de 15 à 35 %
ces mécanismes supposés expliquerait que ces selon les protocoles utilisés). Les corticoïdes en
molécules puissent induire selon le cas un diabète sont la cause principale. Les anticalcineurines
progressif de type 2 ou un diabète aigu de type 1. (la ciclosporine et plus particulièrement le tacro-
limus) y contribuent également en diminuant
l'insulinosécrétion.
Thérapies ciblées développées
en cancérologie
Certaines d'entre elles exposent à un risque accru Conduite à tenir pour prévenir
de diabète. Parmi d'autres effets endocriniens et
métaboliques, les inhibiteurs des tyrosine kinases un diabète cortico-induit ou le
dont l'action n'est pas sélective peuvent entraîner traiter
des hyperglycémies ou plus rarement des hypo-
glycémies justifiant une vigilance glycémique Les propositions de gestion de l'équilibre glycé-
d'autant que de telles actions opposées peuvent mique formulées dans le cadre de la corticothé-
survenir avec la même molécule chez un même rapie s'appliquent globalement aux perturbations
patient. Les inhibiteurs de mTOR (mammalian métaboliques induites par les autres molécules
target of rapamycin) modulant la voie de signa- potentiellement diabétogènes. L'exemple des
lisation PI3Kinase-Akt sont à l'origine d'hyper- (gluco)corticoïdes dont les indications sont nom-
glycémies fréquentes et parfois sévères liées à la breuses chez les sujets à risque de diabète ou chez
fois à une résistance accrue à l'insuline et à une les diabétiques avérés sera développé pour illus-
réduction de l'insulinosécrétion. trer l'attitude à avoir.
336
Chapitre 31. Traitement du diabète induit par des médicaments diabétogènes
337
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
338
Chapitre 31. Traitement du diabète induit par des médicaments diabétogènes
Ce n'est qu'en cas d'HTA préexistante ou secon- gras et de pâtisserie est à réduire en fonction des
daire que la prescription diététique est renforcée objectifs. La réduction du risque athéromateux
par une réduction des apports sodés à 3 ou 4 g de majoré par les GC passe par une diminution de la
sel par jour (les apports souhaitables se situant consommation de graisses saturées et en privilé-
normalement au maximum 6 g/j). giant les graisses végétales.
La mise en place d'une corticothérapie est une La lutte contre l'inactivité permet de limiter les
excellente occasion pour «revisiter » et corriger les méfaits musculaires et osseux liés à l'effet pro-
habitudes alimentaires. Les principes du régime téolytique des GC tout en améliorant la sensibi-
diabétique s'appliquent en cas de diabète préexis- lité à l'insuline. Un apport suffisant en protéines
tant ou secondaire avec une vigilance glycémique (viandes maigres, poissons, œufs, produits laitiers
accrue au moyen d'une autosurveillance glycé- et légumineuses) poursuit le même objectif.
mique 3 fois par jour. À l'attention particulière Le régime est poursuivi aussi longtemps que le
apportée aux sucres ajoutés et à l'interdiction des traitement, sans interdits non justifiés mais avec
prises interprandiales de produits sucrés s'ajoute un accompagnement diététique régulier et empa-
une restriction énergétique mise en place avec thique. C'est dire l'importance de l'éducation thé-
tact et doigté afin d'éviter une prise de poids par- rapeutique et nutritionnelle du patient.
ticulièrement délétère dans ce contexte. L'exercice La prescription de potassium, de calcium et de
consiste donc à renforcer les mesures diététiques vitamine D, voire de biphosphonates, complète
qui sont de mises dans tout diabète. Les objectifs habituellement ces préconisations diététiques
sont le maintien du poids et le contrôle des excur- pour éviter que le traitement d'une maladie par
sions glycémiques postprandiales. Les sucres lents les GC ne soit à l'origine d'une autre maladie. En
sont autorisés en quantités adaptées à la situation effet, les pertes en potassium sont difficilement
pondérale. Les glucides ne doivent jamais être contrées par l'alimentation même lorsqu'elle est
ingérés en dehors d'un repas structuré y compris riche en fruits et légumes. L'apport calcique doit
lors des collations. La survenue d'une dérive glycé- être légèrement au-dessus des recommandations.
mique à la hausse en dépit de la bonne observance Ce seuil est facile à atteindre moyennant la prise
diététique nécessite une adaptation du traitement de 3 à 4 produits laitiers journaliers intégrés à une
hypoglycémiant en privilégiant les insulinosensi- alimentation standard. Néanmoins, les apports ali-
bilisateurs et les incrétinomimétiques et en évitant mentaires en vitamine D ne sont pas faciles à aug-
autant que faire se peut l'insulinothérapie pour menter et ne représentent au mieux que le quart
éviter la prise de poids. Par principe, la prise de des besoins d'où la nécessité d'une supplémenta-
poids est la conséquence d'une alimentation ina- tion vitaminique médicamenteuse systématique.
daptée aux besoins et un témoin de la facilité avec
laquelle les graisses sont stockées sous l'effet des Choix des aliments
GC lorsque les apports énergétiques sont majorés
par l'exacerbation de l'appétit. La consommation Les aliments autorisés ou déconseillés sont men-
de matières grasses, de plats en sauce, de fromages tionnés dans le tableau 31.1.
340
Perdre du poids CHAPITRE
32
avec des médicaments :
est-ce possible ?
J.-L. Schlienger
tant par les médecins et par les diététiciens que tale. Un sujet obèse qui a maigri dépense moins
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
par les gourous du Net qui cherchent à se démar- d'énergie que ne le laisserait supposer sa compo-
quer de la diététique académique peu performante sition corporelle du fait d'une diminution adap-
par des «coups médiatiques » qui sont autant tative de tous les postes de dépense énergétique.
d'aberrations métaboliques. L'activité physique, Concomitamment, la régulation hormonale du
souvent difficile à mettre en œuvre chez le sujet comportement alimentaire est bouleversée et tend
obèse, contribue à maintenir la perte de poids à accroître la sensation de faim par une augmenta-
obtenue par d'autres moyens mais ne peut à elle tion des taux de ghréline en phase interprandiale
seule induire une perte de poids. Quant à l'édu- tardive et une diminution des peptides anorexi-
cation thérapeutique qui informe, autonomise et gènes. Par ailleurs, les MTMV imposent tous les
du même coup responsabilise, elle ne suffit pas jours une gestion complexe en famille, en société
341
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
et au travail au prix d'une maîtrise de soi difficile été brièvement commercialisé avant d'être retiré
à assumer au long cours. Autant dire que la perte en raison d'un risque de dépression grave.
de poids durable est une mission impossible pour Parce que le rapport bénéfice/risque de ces
le plus grand nombre et que des thérapeutiques médicaments était incompatible avec leur main-
complémentaires sont nécessaires. L'exercice phy- tien sur le marché, l'anathème a été jeté sur tous
sique est un élément facilitant et protecteur face à les médicaments de l'obésité. Du même coup, la
l'adaptation de la dépense énergétique induite par recherche de nouvelles molécules s'est trouvée
le régime. Les mesures d'accompagnement par ralentie à un moment où l'obésité était devenue
des actions éducatives, des mesures de coaching et un véritable fléau et où le recours à un médica-
les thérapies cognitivo-comportementales ont ment agissant sur la balance énergétique Ŕ en
toutes une grande utilité. Et pourtant, à en juger sus des MTMV Ŕ apparaissait plus que jamais
par les résultats, leur prescription ne suffit pas souhaitable.
souvent à obtenir une perte de poids thérapeu- Actuellement seul subsiste en France l'orlistat
tique. D'où l'intérêt porté aux médicaments qui, (Xenical®). Cette molécule dénuée d'action cen-
dans l'obésité comme dans toute maladie chro- trale et peu absorbée réduit ipso facto l'absorption
nique, ont une place légitime pour autant qu'ils des graisses intestinales en bloquant les lipases
permettent d'atteindre l'objectif sans dégâts col- pancréatiques ce qui réduit l'apport calorique et
latéraux mettant à mal la balance bénéfice/risque. provoque, en cas d'apports excessifs de graisses,
une diarrhée avec stéatorrhée. Les effets secon-
daires sont modestes et principalement intes-
tinaux lorsque l'alimentation est restreinte en
Une offre médicamenteuse graisses. Après un recul d'une vingtaine d'an-
nées, les effets secondaires plus sévères semblent
très limitée rares. Plusieurs études contrôlées contre placebo
Les premiers médicaments dits « coupe-faim » ont permis de démontrer l'efficacité de l'orlistat :
perte de poids supplémentaire de l'ordre de 4 à
ont été proposés il y a quelques décennies, à une
5 kg, plus durable Ŕ y compris dans le DT2 Ŕ et
époque où l'on considérait que l'obésité était due
amélioration des anomalies biologiques asso-
à une « faim excessive » qu'il suffisait de « cou-
ciées et de l'équilibre glycémique chez les sujets
per » pour solutionner le problème. Il s'agissait de
diabétiques.
produits appartenant à une classe thérapeutique
mal délimitée responsables d'addiction et d'effets
342
Chapitre 32. Perdre du poids avec des médicaments : est-ce possible ?
sions ou de dépression sont possibles. Le Saxenda® pose à une prise de poids. Une perte de poids est
n'est autre que le liraglutide utilisé depuis une habituelle chez les sujets DT2 obèses traités par
décennie dans le traitement du diabète à la dose un analogue du GLP-1 associé ou non à un traite-
maximale de 1,8 mg/j sous le nom de Victoza®. ment par insuline.
Une étude contrôlée randomisée contre placebo
Pas de traitement
a montré chez des sujets obèses que l'administra-
tion de 3 mg de liraglutide pendant 56 semaines
entraînait une perte de poids moyenne de 8,4 kg pharmacologique sans
contre 2,8 kg dans le groupe placebo. Deux tiers
des patients ont perdu plus de 5 % de leur poids modification thérapeutique
et un tiers plus de 10 % de leur poids contre res- du mode de vie (MTMV)
pectivement 27 % et 14 % sous placebo. Les effets
indésirables digestifs étaient fréquents mais Pour restreintes qu'elles soient, les possibilités du
habituellement transitoires. D'autres effets secon- traitement médicamenteux de l'obésité ne sont
daires rares mais potentiellement graves comme pas sans intérêt à condition de respecter les indi-
la lithiase biliaire, la cholécystite aiguë et la pan- cations de prescription et d'accompagner celle-ci
créatite aiguë ont motivé la décision de différer systématiquement d'une action sur la MTMV.
la commercialisation de Saxenda® en France. Le Aucun médicament ne peut répondre de manière
liraglutide, analogue du GLP-1 favorise la perte de univoque à la complexité de l'obésité dont les
poids en modifiant le comportement alimentaire mécanismes neurobiologiques sous-jacents sont
par l'intermédiaire d'une action sur les récepteurs variables suivant les individus. La problématique
du GLP-1 situés dans l'hypothalamus. Il augmente ne se limite pas au contrôle de la faim comme on
la sensation de rassasiement et diminue la sensa- le pensait naïvement mais à celui de la globalité
tion de faim. L'imagerie cérébrale fonctionnelle a du comportement alimentaire qui découle d'une
révélé que le liraglutide diminuait l'activation du interaction entre l'alimentation et le plaisir, la
cortex à la vue d'aliments palatables et l'activation récompense et l'humeur, le dialogue entre le tissu
des régions cérébrales impliquées dans le circuit adipeux et le cerveau, sans omettre la prise en
de la récompense. Accessoirement, il ralentit la compte de l'hétérogénéité des obésités.
vidange gastrique ce qui explique les nausées et L'utilisation des médicaments de l'obésité
les vomissements et diminue la prise alimentaire. s'inscrit dans une stratégie où les moyens
Sans surprise, à la dose de 3 mg le liraglutide doivent être proportionnés aux objectifs. La
améliore la tolérance glucosée et réduit l'inci- perte durable de 4 ou 5 kg supplémentaires n'a
dence du diabète chez les sujets obèses. Chez les pas de sens dans une obésité commune sans
sujets diabétiques, il améliore l'HbA1c de 1,3 % et facteurs de risque notables ; elle en a chez un
permet souvent une réduction des médicaments sujet diabétique à haut risque cardiovasculaire !
antidiabétiques. La prescription de liraglutide Aussi faut-il appeler de ses vœux le développe-
«standard » (Victoza®) est d'ores et déjà indiquée ment de nouvelles molécules efficaces comme
comme traitement de deuxième ligne chez les par exemple la lorcasérine et l'association de
sujets diabétiques obèses, et davantage encore topiramate et de phentermine (Qsymia®) déjà
en association avec l'insulinothérapie qui prédis- commercialisées aux États-Unis.
343
Consommation d'alcool CHAPITRE
33
et diabète
J.-L. Schlienger
PLAN DU CHAPITRE
Métabolisme de l'alcool 345
Métabolisme de l'alcool
Pharmacocinétique de l'alcool 346
Le métabolisme de l'alcool est prépondérant dans
Principales boissons pourvoyeuses d'alcool 347
le foie mais peut aussi se faire dans l'estomac et,
Alcool et santé 348
pour une très faible part, dans le pancréas et le
Alcool et maladies métaboliques 349
cerveau.
Conclusion 352
L'absorption digestive de l'alcool est rapide
et quasi totale parce qu'elle s'effectue par un
La consommation de boissons alcooliques a une
mécanisme de diffusion. Après un premier pas-
dimension culturelle, sociale et hédonique qui
sage hépatique, l'alcool passe dans la circulation
contribue à marquer un style alimentaire. Inutile
générale et est distribué à l'ensemble des tissus
d'un point de vue physiologique, les boissons
et organes. L'élimination de l'alcool absorbé est
alcooliques répondent pourtant à la définition des
principalement de type catabolique par oxydation
aliments proposée par J. Trémolières : elles sont
hépatique, sans possibilité de stockage.
nourrissantes, appétentes et coutumières. Dans les
L'éthanol non métabolisé est excrété, via le
sociétés judéo-chrétiennes, elles sont un élément
poumon dans l'air expiré (< 10 %, estimés par
important du bien-vivre et de la convivialité. Pour
l'éthylomètre), la sueur, les urines et même le lait
le nutritionniste l'alcool est un nutriment énergé-
maternel.
tique qui fournit 7,1 kcal/g et qui se distingue des
L'impact énergétique de l'alcool ou éthanol est
autres nutriments par bien des points :
ambigu et dépend du niveau de consommation
• il possède d'importants effets psychotropes
(fig. 33.1).
pouvant entraîner des altérations du jugement,
des troubles du comportement (ivresse) et une
perte de conscience (coma éthylique) lors d'une En cas de consommation
consommation excessive aiguë ; modérée et intermittente
• sa consommation chronique peut conduire à
une dépendance alcoolique imprévisible ; Le métabolisme se fait en trois étapes :
• son métabolisme est particulier dans la mesure • transformation de l'alcool en acétaldéhyde ;
où l'alcool qui n'est pas stocké dans l'organisme • transformation de l'acétaldéhyde en acétate ;
est transformé en composés toxiques (acétaldé- • incorporation de l'acétate dans le cycle de
hyde) avant d'être éliminé par voie respiratoire Krebs.
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345
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
MEOS
(microsome)
Catalase
(peroxysome)
H2O2 H2O
Figure 33.1. Voies métaboliques de l'alcool et mécanisme de la production de corps cétoniques
(βOH butyrate) à partir du métabolisme de l'alcool.
ADH : alcool déshydrogénase; ALDH : acétaldéhyde déshydrogénase.Source : Dali-Youcef N, Schlienger JL. Métabolisme
de l'alcool. EMC - Hépatologie 2015; 11(1) : 1-8 [7-005-C-10].
de corps cétoniques mais aussi, en cas d'effort, d'alcoolisation aiguë ou chronique importantes
à la fourniture d'énergie et à la production de (fig. 33.2) :
bicarbonates. Dans ces conditions, les produits • synthèse accrue de triglycérides hépatiques et
du métabolisme de l'alcool peuvent aboutir, de lipoprotéines de très basse densité du fait de
secondairement, par l'intermédiaire de la chaîne l'accumulation d'α-glycérophosphate ;
respiratoire, à la synthèse d'adénosine triphos- • excès de production de lactates favorisant l'hy-
phate (ATP). perlactacidémie et l'hyperuricémie ;
• inhibition de la néoglucogenèse pouvant
En cas de consommation importante induire des hypoglycémies sévères ;
• réduction de l'α-oxydation des acides gras favo-
D'autres voies métaboliques n'impliquant pas risant la stéatose hépatique ;
l'alcool déshydrogénase sont mises en œuvre : • interférence avec le métabolisme des amines
• la voie de la catalase conduit aussi à l'acétaldé- biogènes et des endorphines puisque les
hyde en présence de H2O2 (eau oxygénée) ; enzymes de dégradation de ces amines (nora-
• la voie du système d'oxydation microso- drénaline, dopamine, sérotonine, acide gamma-
mial de l'éthanol (ou MEOS) mise en œuvre aminobutyrique) sont les mêmes que celles
lorsque la consommation dépasse 30 g impliquées dans la dégradation de l'alcool.
conduit également à l'acétaldéhyde en pré-
sence de NADPH. Cette voie est activée par
la consommation répétée d'alcool. Elle n'est
pas couplée avec la chaîne respiratoire, et Pharmacocinétique de l'alcool
conduit donc à partir de l'éthanol à un gas-
pillage d'énergie sous forme de chaleur, sans L'alcoolémie dépend de la quantité d'alcool
synthèse d'ATP. Dans ces conditions, l'alcool absorbée, de la vitesse de consommation, de la
apporte des calories qualifiées de « vides », présence d'aliments dans l'estomac, de l'espace
sans aucun impact énergétique. de diffusion (70 % du poids corporel chez
La diminution du NAD+ due à l'oxydation l'homme et 60 % chez la femme), et de l'efficience
hépatique de l'alcool est à l'origine de plusieurs du métabolisme. La quantité d'alcool ingérée se
perturbations pouvant être conséquentes en cas calcule par la formule :
346
Chapitre 33. Consommation d'alcool et diabète
Alcool
Lactate
Consommation d’O2 Acidose
Hyperuricémie
Radicaux libres MEOS ADH NADH/NAD
Hypoglycémie
Stress oxydatif
Dyslipidémie
Stéatose hépatique
ALDH
Acétate
Volume ingéré (mL) × degré alcoolique × 0,8 La teneur en alcool d'une boisson alcoolisée
(densité)/K × poids en kg. est exprimée par son degré alcoolique. Il corres-
K représente le coefficient de diffusion (0,6 chez pond au volume d'alcool par litre. Sa conversion
la femme et 0,7 chez l'homme). quantitative tient compte de la densité de l'alcool
Le taux d'élimination de l'alcool est de l'ordre (0,8) : volume en dL × (degré alcoolique × 0,8).
de 0,15 g/L/h avec des variations individuelles Ainsi, 1 litre de vin à 12 % apporte 96 g d'alcool.
notables. L'alcoolémie peut être mesurée directement
La courbe d'alcoolémie présente une phase (prise de sang) ou calculée grossièrement en fai-
ascendante avec un pic entre 15 et 90 minutes sant le rapport de la quantité ingérée sur le poids
après l'ingestion suivie d'une phase en plateau cor- corporel multiplié par 0,68 chez l'homme et
respondant à la distribution et enfin une phase de 0,55 chez la femme. D'un point de vue médico-
décroissance sur plusieurs heures (2 à 6 heures) légal, l'alcoolémie est estimée indirectement
correspondant au métabolisme hépatique et à l'éli- dans l'air expiré en utilisant la correspondance :
mination de l'alcool non oxydé. Le pic est d'autant 1 g d'alcoolémie (22 mmol/L) équivaut à 0,5 mg
plus tardif et plus élevé que la consommation a d'alcool par litre d'air expiré.
été plus importante. Le volume de distribution est
réduit en cas de compartiment hydrique restreint
comme chez les femmes et les personnes âgées qui Principales boissons
ont une masse maigre relativement moins impor- pourvoyeuses d'alcool
tante. À jeun, l'absorption de l'alcool est plus
rapide ce qui détermine un pic plus élevé. L'alcool L'alcool est obtenu à la suite de la fermentation
est absorbé plus lentement et son métabolisme lors d'hydrates de carbone ou d'un processus de dis-
du passage hépatique est plus rapide et efficace tillation. Il est apporté par diverses boissons.
s'il est consommé au cours d'un repas. Un repas Traditionnellement, chaque volume d'un verre
glucidique est associé à une alcoolémie moindre d'usage pour une boisson alcoolique donnée
qu'après un repas lipidique ou protéique. apporte environ 10 g d'alcool ce qui correspond
347
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
couramment à une «unité » d'alcool. Ainsi un sujet présente une affection susceptible d'être
verre de vin à 12° (10 cL) apporte 12 × 0,8 = 9,6 g aggravée par l'alcool même à très faible dose.
d'alcool, que l'on arrondit à 10 g. Il en est de même La composition nutritionnelle des boissons
d'un verre de bière ou de cidre de 25 cl à 5° ou d'un alcooliques est variable selon le type de boisson. Le
verre de whisky de 2,5 cL à 45°. vin rouge et à un moindre degré le vin blanc et la
La tendance actuelle d'augmenter la teneur bière sont intéressants par leur teneur en polyphé-
alcoolique du vin (13°, voire davantage) et de nols. La bière est relativement riche en folates et en
la bière doit faire revoir ces valeurs à la hausse. vitamine B12 mais la problématique nutritionnelle
Il est remarquable de noter que les alcools forts est dominée par l'apport énergétique. Les boissons
obtenus par distillation ou le vin standard qui est fermentées contiennent peu de glucides à l'excep-
«sec » ne contiennent que très peu de glucides. tion des vins doux et des vins cuits. La teneur en
En revanche, la bière et les boissons alcooliques glucides des alcools forts est négligeable. Les bois-
moelleuses ou sucrées contiennent des quantités sons dites sans alcool (< 1 % d'alcool) comme la
non négligeables de sucres soit résiduels, c'est-à- bière sans alcool contiennent parfois davantage de
dire n'ayant pas subi une fermentation alcoolique glucides lorsque la technique fait appel à un blo-
complète, soit ajoutés dont il faut tenir compte lors cage de la fermentation (tableau 33.1).
de l'estimation de l'apport énergétique mais aussi L'enquête alimentaire ne doit pas omettre de
en tant qu'aliment hyperglycémiant (tableau 33.1). préciser le niveau de la consommation de bois-
Bien que l'alcool apporte des calories pouvant sons alcooliques. Une consommation régulière
participer à la couverture des besoins énergé- contribue à positiver la balance énergétique et peut
tiques, il n'est pas pris en compte dans les recom- favoriser une prise de poids. En revanche, en cas de
mandations nutritionnelles. Tout au plus fixe-t-on consommation très élevée c'est la voie du «gaspil-
arbitrairement la limite supérieure de consom- lage» énergétique (voie du MEOS) qui est emprun-
mation à 30 g d'alcool par jour chez l'homme et tée, expliquant l'amaigrissement des gros buveurs
à 20 g/j chez la femme en se fondant sur un seuil d'autant plus que leurs autres apports nutritionnels
d'apparition de complications pathologiques en sont souvent réduits et ce, indépendamment d'éven-
rapport avec la consommation d'alcool. En réalité, tuelles carences spécifiques ou de comorbidités.
il n'existe pas de seuil validé car la relation entre
alcool et maladies se fait selon un continuum. Une
autre façon d'exprimer la quantité tolérable est de Alcool et santé
limiter la consommation à 5 % de la ration énergé-
tique totale ce qui représente environ 1,5 unité de Au regard des connaissances actuelles et dans
boisson alcoolique chez une femme et deux verres un climat de santé publique quelque peu liberti-
chez un homme. Il va de soi que l'éviction de toute cide, l'alcool pourrait être considéré comme une
boisson alcoolique est indispensable dès lors qu'un drogue parmi d'autres générant une dépendance
Tableau 33.1. Apport énergétique et teneur en sucre des boissons alcooliques d'usage.
348
Chapitre 33. Consommation d'alcool et diabète
chez certains sujets ayant une susceptibilité par- gène parce qu'il perturbe les facultés de jugement
ticulière (génétique, socioculturelle, fragilité et les réflexes. Il peut entraîner une addiction
psychologique…). En fait l'alcool a des effets sys- avec accoutumance et dépendance (symptômes
témiques paradoxaux. Toxique, facteur indiscu- de sevrage à l'arrêt). Indépendamment des effets
table de surmortalité lorsqu'il est consommé en liés à la dépendance, de très nombreuses affec-
excès, il est aussi reconnu à la suite de nombreuses tions aiguës ou chroniques sont imputables à un
études épidémiologiques aux résultats conver- excès de consommation d'alcool. Une consomma-
gents comme un facteur susceptible de réduire la tion excessive favorise la production de radicaux
mortalité globale Ŕ tout particulièrement corona- libres et crée un stress oxydant. Même à dose
rienne Ŕ lorsqu'il est consommé régulièrement et faible l'alcool peut être un promoteur de la can-
avec modération. En plus des lésions tissulaires cérogenèse et un agent mutagène, notamment en
parfois caricaturales qu'il peut induire (cirrhose, association à d'autres toxiques comme le tabac. Le
pancréatite, neuropathies et atteintes cérébrales), seuil pathogène est mal connu du fait de grandes
l'alcool a également des effets métaboliques assez variations individuelles. Aussi la consommation
mal connus et encore discutés. d'alcool doit-elle être proscrite dans un certain
nombre de situations bien tranchées :
Effets potentiellement bénéfiques • chez la femme enceinte dès le début de la
conception en raison d'un effet tératogène bien
d'une consommation modérée démontré. Par extension la consommation doit
et régulière être très limitée chez toute femme susceptible
La consommation modérée et régulière de bois- d'être enceinte ;
sons alcooliques au cours des repas avec une • chez les enfants et les adolescents ;
alimentation variée et une activité physique régu- • chez les conducteurs de machine ou de véhicule
lière est associée à une diminution de l'incidence parce que le temps de réponse réflexe est aug-
des maladies coronariennes, du diabète de type menté dès le seuil de 0,16 g/litre de sang ;
2 (DT2) et du déclin cognitif lié à l'âge sans qu'il • chez les sujets ayant présenté une addic-
soit possible d'affirmer une relation de causalité. tion quelconque ou chez les anciens buveurs
D'ailleurs, la consommation de vin rouge fait par- excessifs ;
tie du régime méditerranéen considéré comme le • chez les sujets hypertendus traités ou non car
modèle alimentaire le mieux à même de réduire l'alcool peut être hypertensiogène même à dose
l'incidence les maladies cardiométaboliques et les faible ;
autres maladies chroniques. Ces effets bénéfiques • lors de toutes les maladies induites par la
s'expliqueraient, en partie au moins, par ; consommation d'alcool ou susceptibles d'être
• la capacité de l'alcool à augmenter le HDL- aggravées par celle-ci : maladies digestives,
cholestérol ce qui expliquerait l'effet cardiovas- stéatose et cirrhose hépatiques, pancréatite
culaire bénéfique ; chronique, maladies cardiovasculaires, mala-
• l'amélioration de la sensibilité à l'insuline qui pour- dies neuropsychiatriques, cancers, certaines
rait expliquer la réduction du risque de diabète; dermatopathies comme le psoriasis et d'une
• la forte teneur du vin rouge en polyphénols aux façon générale toutes les maladies évolutives de
propriétés antioxydantes ; quelque sévérité.
• la modification du microbiote intestinal qui
augmenterait la disponibilité des polyphénols.
Alcool et maladies métaboliques
Effets délétères
de la consommation Sa consommation régulière a été associée à la pré-
excessive d'alcool vention du diabète de type 2 mais aussi à la surve-
nue d'hypoglycémie ou de désordres glycémiques
L'alcool est un psychotrope qui modifie l'humeur chez le sujet sain et chez le sujet diabétique. Les
(euphorie, dépression, agressivité) et le compor- données expérimentales ne pouvant pas être
tement (violence, désinhibition). Il est accidento- extrapolées à l'homme et les facteurs de confusion
349
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
étant trop nombreux, il n'est pas facile de tenir un redouter chez un diabétique ayant une alimenta-
discours sans ambiguïté quant à la relation entre tion équilibrée suffisante et une consommation
alcool et métabolisme glucosé. alcoolique modérée. L'alcool ne majore pas l'effet
hypoglycémiant des sulfonylurées.
Alcool et glycémie
Les effets de l'alcool sur la glycémie dépendent des Quid de l'effet hyperglycémiant
conditions de consommation. Chez un sujet en de l'alcool ?
bonne santé il n'y a guère de répercussions lorsque Les résultats rapportés dans la littérature sont
la consommation est modérée et au cours d'un contradictoires. L'ingestion aiguë d'alcool ne
repas. Chez un sujet en bonne santé et en bon état semble pas véritablement hyperglycémiante
nutritionnel elle n'a pas de conséquence mesurable même si, expérimentalement, l'alcool en excès sti-
sur la glycémie lors du jeûne nocturne. Selon une mule la glycogénolyse et inhibe la mise en réserve
méta-analyse récente la consommation de 10 à 70 g du glycogène hépatique chez un animal nourri.
d'alcool/j (1 à 7 verres standards de vin ou de bière)
n'entraîne pas de perturbation glycémique chez le Effet sur l'utilisation glucosée
sujet non diabétique. En revanche, la consomma- L'étude des effets de l'alcool sur le métabolisme
tion aiguë d'alcool peut déclencher une hypogly- glucosé musculaire et des autres tissus ne fournit
cémie sévère chez un buveur excessif dénutri ou pas de résultats univoques. Les données sont par-
ayant une insuffisance hépatocellulaire. Quant à fois contradictoires et variables selon l'espèce et
l'effet hyperglycémiant des boissons alcoolisées les modalités d'administration de l'alcool. Dans
non sucrées il s'agit d'une fausse idée reçue. Un certaines études, l'alcool augmente la captation
sujet diabétique peut consommer un verre de bois- musculaire du glucose, dans d'autres il l'inhibe.
son alcoolique durant le repas sans conséquence Néanmoins, on admet qu'une consommation chro-
sur l'équilibre glycémique sous réserve qu'il n'existe nique modérée n'a pas de conséquences significa-
pas de contre-indication par ailleurs. tives sur le métabolisme glucosé périphérique. De
fait, la teneur en glycogène musculaire n'est dimi-
Hypoglycémie alcoolo-induite nuée que dans les modèles d'alcoolisation aiguë,
L'hypoglycémie induite par l'alcool est une com- bien que l'alcool soit un inhibiteur de la libération
plication redoutable survenant habituellement du glycogène musculaire. Par ailleurs, l'alcool ne
dans un contexte de jeûne prolongé et à l'occa- modifie pas la captation glucosée du myocarde ou
sion d'une consommation excessive. Elle est la du tissu adipeux et n'a pas d'effets métaboliques
conséquence de l'inhibition de la néoglucoge- sur les autres tissus périphériques. L'alcoolisation
nèse. Expérimentalement, l'alcool augmente la aiguë diminue la captation cérébrale du glucose
libération des lactates musculaires et empêche et la consommation glucosée cérébrale ainsi qu'en
l'utilisation hépatique des lactates ce qui explique atteste l'imagerie par PET-scan.
l'hyperlactacidémie observée chez les sujets Effets sur la tolérance glucosée
ayant ingéré de grandes quantités d'alcool à jeun.
L'alcool inhibe également la synthèse de glucose La diminution modérée de la vitesse de la vidange
de novo à partir du glycérol et de l'alanine mais gastrique et un possible impact de l'alcool sur la
n'a pas d'effet sur la néoglucogenèse à partir du sécrétion des incrétines pourraient contribuer à
pyruvate. L'inhibition de la néoglucogenèse est améliorer la tolérance au glucose. Les effets décrits
liée au métabolisme oxydatif de l'alcool par l'al- sont modestes et parfois contradictoires. Un effet
cool déshydrogénase qui élève le rapport NADH/ dose-réponse selon une courbe en U ou en J a été
NAD et, de ce fait, le rapport pyruvate/lactate. Par proposé pour expliquer les constatations discor-
ailleurs l'alcool réduit l'activité de la pyruvate car- dantes : un apport élevé n'aurait pas de répercus-
boxylase, enzyme limitante de la néoglucogenèse. sions mesurables alors qu'un apport modéré et
Dans les modèles de consommation chronique régulier améliorerait la tolérance glucosée. Cette
la capacité de néoglucogenèse n'est que modéré- vision conciliatrice est corroborée par les études
ment réduite. Cette complication n'est donc pas à de population rapportant une amélioration de la
350
Chapitre 33. Consommation d'alcool et diabète
tolérance au glucose et de la sensibilité à l'insuline gras libres (AGL) dont l'oxydation est dimi-
chez les consommateurs modérés et réguliers par nuée en présence d'un excès de NAD qui agit
rapport aux abstinents. Les effets délétères sur la comme un inhibiteur du cycle de Krebs. Il en
tolérance glucosée d'une consommation exces- résulte une cétogenèse à partir de l'acétoacétate
sive chronique sans hépatopathie seraient dus à provenant de l'alcool et des AGL, puis une aci-
l'un des métabolites de l'alcool plutôt qu'à l'alcool dose. L'acidocétose alcoolique est associée à une
lui-même. diminution de la sécrétion d'insuline et à une
élévation des hormones de la contre-régulation.
Effets sur l'insulinémie
Exceptionnellement et dans des conditions nutri-
et la sécrétion d'insuline
tionnelles précaires comportant notamment une
In vitro, l'alcool inhibe la phase précoce et la phase carence vitaminique B, l'ingestion excessive d'al-
tardive de l'insulinosécrétion. Il en est de même cool peut également se compliquer d'une acidose
pour son métabolite l'acétaldéhyde. Cet effet médié lactique.
par l'activation de la protéine kinase C (PKC) est
indépendant des canaux calciques. En réalité, ni
l'ingestion aiguë, ni la perfusion d'alcool, ni l'inges- Alcool et diabète
tion chronique d'alcool ne modifient l'insulinémie L'ensemble des données colligées dans des condi-
de façon univoque et tangible dans les différents tions expérimentales chez l'animal ou chez
modèles animaux. Chez l'homme, les modifications l'homme sain s'avère d'interprétation délicate.
observées sont d'interprétation difficile. Des études
L'impression globale était qu'une consommation
par glucose clamp ont suggéré que l'alcool potentia-
aiguë ou chronique pouvait contrarier l'utilisa-
lise la phase précoce et la phase tardive de la sécrétion
tion optimale du glucose par l'organisme et qu'elle
d'insuline et stimule la riposte d'insuline au stimu-
pouvait supprimer la production hépatique de
lus glucosé mais inhibe la stimulation de l'insuline glucose exacerbant à la fois le risque d'intolé-
par les sulfamides. En l'occurrence les effets in vitro rance au glucose ou de diabète et d'hypoglycémie
et in vivo sont très contradictoires et leur extrapola-
selon les circonstances nutritionnelles. En réalité
tion à l'homme pour le moins hasardeuse.
les études épidémiologiques ont fourni de façon
Impact de l'alcool sur l'action de l'insuline assez consensuelle des indications rassurantes. Si
une consommation massive ou excessive d'alcool
L'intoxication alcoolique aiguë expérimentale est
(> 60 g/j chez l'homme ou > 50 g/j chez la femme)
responsable d'une résistance à l'insuline dose-
a des effets systémiques et métaboliques délé-
dépendante. Cette insulinorésistance est à la
tères, une consommation modérée et régulière
fois hépatique et musculaire. Son mécanisme est
(< 30 g/j chez l'homme et < 20 g/j chez la femme)
encore discuté mais il impliquerait une diminu-
ne semble pas avoir de conséquences significa-
tion de la translocation du transporteur GLUT4.
tives sur l'équilibre glycémique, notamment sur
Au niveau du tissu adipeux, elle se manifeste par
la glycémie postprandiale. Il n'y a donc pas lieu
une moindre suppression de la lipolyse par l'insu-
de prohiber la consommation de boissons alcoo-
line. Chez l'homme, l'insulinorésistance globale
liques non sucrées chez un diabétique pourvu
et hépatique a été retrouvée lors de la réalisa-
que l'ingestion se fasse au cours d'un repas et qu'il
tion d'un clamp euglycémique hyperinsulinique
n'existe pas de comorbidités ou de complications
comme le suggère la réduction du débit glucosé
susceptibles d'être aggravées par l'alcool comme
nécessaire au maintien de la glycémie.
par exemple une neuropathie périphérique ou
une stéatose ou une stéatohépatite dites non
Acidocétose alcoolique alcooliques (tableau 33.2). Ces recommandations
L'acidocétose alcoolique est une complication rare et ces restrictions sont les mêmes que chez un
observée après une consommation massive dans sujet non diabétique. Le bilan nutritionnel doit
un contexte d'éthylisme chronique. Elle survient à prendre en compte l'apport énergétique lié à une
la suite d'un épuisement des réserves glycogéniques consommation modérée d'alcool dans l'optique
après un jeûne ou des vomissements. Les triglycé- d'une gestion pondérale optimale souvent néces-
rides du tissu adipeux sont hydrolysés en acides saire dans le DT2.
351
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Tableau 33.2. Contre-indications (CI) absolues occasionnelles ne peuvent être encouragées mais
ou relatives à la consommation de boissons exposent peu au risque d'hypoglycémie.
alcooliques en cas de diabète. Compte tenu des effets favorables sur la pré-
vention du risque coronarien et sur la mortalité
CI absolues CI relatives globale observés dans les populations de consom-
Enfance et adolescence Conduite de machine ou mateurs réguliers par rapport aux abstinents,
Grossesse de véhicule des recommandations précises sont difficiles à
Antécédents de sevrage Période formuler chez les sujets diabétiques tout comme
alcoolique périconceptionnelle dans la population générale.
Addictions Antécédents familiaux La consommation régulière d'alcool expose-t-elle
d'alcoolisme à un surrisque de diabète ?
Comorbidités :
Diabète instable Non ! Elle est même associée à une réduction
Ŕ stéatose ou
stéatohépatite Surpoids de l'incidence du DT2 de l'ordre de 25 % dans
Ŕ pancréatite les études observationnelles. L'effet préventif est
Ŕ neuropathie diabétique
plus constant et plus marqué chez la femme que
chez l'homme. On admet à présent qu'il existe
Consommation
de médicaments
une relation selon une courbe en U ou en J entre
incompatibles la consommation d'alcool et l'insulinémie ou la
sensibilité à l'insuline. En pratique, il n'y a guère à
attendre d'une abstinence chez les sujets à risque
En pratique et hormis ces réserves de bon sens de diabète, bien au contraire.
il n'y a pas lieu d'imposer l'abstinence alcoo-
lique du seul fait de l'existence d'un diabète.
Si la consommation « culturelle » et «sociale » Conclusion
modérée et régulière doit être évaluée systéma-
tiquement afin de corriger d'éventuelles dérives, La consommation modérée et régulière d'une
il n'y a pas à la dramatiser puisqu'elle n'interfère boisson alcoolisée non sucrée chez un sujet en bon
ni avec l'équilibre glycémique ni avec l'efficacité état nutritionnel n'a pas d'effets significatifs sur le
des médicaments. Il importe de mettre en garde métabolisme glucosé. Un diabétique peut consom-
contre les excès aigus occasionnels ou chroniques mer des boissons alcoolisées non sucrées dans les
qui sont potentiellement générateurs de complica- mêmes conditions qu'un sujet indemne de diabète
tions métaboliques aiguës comme l'hypoglycémie (< de 30 g/j chez les hommes et < de 20 g/j chez
ou l'acidocétose à glycémie normale (ou presque) les femmes, exclusivement au cours d'un repas) et
ou l'exceptionnelle acidose lactique. Outre les en tenant compte des mêmes contre-indications
conséquences accidentogènes, les méfaits neuro- (grossesse, antécédents de dépendance, sevrage
psychiatriques et les lésions tissulaires auxquels alcoolique, comorbidité influencée par la prise
expose une consommation excessive aiguë ou d'alcool…). En revanche, les excès aigus ou chro-
chronique, il convient de ne pas omettre le risque niques exposent à un accroissement du risque
d'hypoglycémie grave notamment chez les diabé- d'hypoglycémie et, exceptionnellement, d'acidose
tiques dénutris ou en situation de jeûne a fortiori lactique et d'acidocétose alcoolique à glycémie
lorsqu'ils sont sous traitement hypoglycémiant normale ou élevée.
(sulfamides ou insuline). Les libations festives
352
La stéatose hépatique : CHAPITRE
34
complication du
diabète ou association ?
J.-L. Schlienger
353
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
ayant un DT2 selon certaines données épidémio- inhibition insuffisante de la lipase hormonosen-
logiques récentes. Dans plus de la moitié des cas sible) et à une synthèse de novo accrue. Ces deux
la stéatose est une stéatohépatite. Les principaux derniers phénomènes sont favorisés par l'insuli-
facteurs de risque sont les états d'insulinorésis- norésistance périphérique. L'afflux des AGL dans
tance (obésité viscérale, syndrome métabolique, le foie déclenche une cascade métabolique avec
DT2), le surpoids, l'hypertriglycéridémie et les hyperproduction d'acyl- et d'acétyl-coenzyme A
antécédents familiaux de stéatose. et de malonyl-coenzyme A, substrats de la syn-
thèse des triglycérides par la voie de la lipogenèse
intra-hépatique favorisée par l'augmentation de la
Physiopathologie : concentration d'insuline via un facteur de trans-
cription (SREBP1c).
l'insulinorésistance en première Les dépôts ectopiques de lipides dans le foie
ligne s'accompagnent d'une insulinorésistance hépa-
tique avec une augmentation de la néoglucoge-
La stéatose hépatique non alcoolique est la consé- nèse hépatique, une diminution de la synthèse
quence d'un ensemble de facteurs métaboliques de glycogène et une altération de la signalisation
liés à l'insulinorésistance auxquels s'ajoute la par- moléculaire de l'insuline.
ticipation de facteurs moléculaires profibrotiques À ce mécanisme principal s'ajoute celui de la
(fig. 34.1). Les données épidémiologiques incitent lipotoxicité des AGL. Les troubles de l'oxydation
à considérer la stéatose non alcoolique comme des AG dus au stress oxydant mitochondrial et l'ac-
une manifestation phénotypique de l'insulinoré- cumulation des lipides dans les cellules de Kupffer
sistance. Il est admis que la dégénérescence grais- déterminent un stress du réticulum endoplas-
seuse initiale des hépatocytes est la conséquence mique et une activation de facteurs inflammatoires
d'un afflux d'acides gras libres (AGL) secondaire comme NF-κB qui aggravent l'insulinorésistance
à un apport alimentaire excessif, à une lipolyse hépatique et induisent la production de cytokines
accentuée au niveau du tissu adipeux (du fait d'une pro-inflammatoires (TNFα, IL-6) majorant la
Syndrome
métabolique Cytokines et
adipokines pro-
inflammatoires
Activation Stress oxydant
Insulino-
d’interactions Apoptose
résistance Surexpression
récepteurs toll-
like
Foie Inflammation
normal
Stéatose Stéatohépatite
Cirrhose
NAFLD NASH
Hépatokines Risque
AGL
cardiovasculaires
Lipotoxicité
354
Chapitre 34. La stéatose hépatique : complication du diabète ou association ?
Diagnostic
progression vers la fibrose.
Traitement
à une nette régression de la stéatose visible sur
l'échographie de contrôle. D'autres examens
d'imagerie comme la tomodensitométrie (TDM)
et l'imagerie en résonance magnétique nucléaire Qu'elle soit banale ou avérée la stéatose non
(IRM) peuvent révéler la stéatose lorsqu'elle est alcoolique liée à l'insulinorésistance mérite d'être
> 20 % mais ne permettent pas de distinguer la diagnostiquée afin de proposer une stratégie
355
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Tableau 34.1. Score de risque aussi bien chez l'adulte que chez l'enfant. Deux
de la stéatohépatite (NASH). études systématiques récentes soulignent que la
réduction pondérale de plus de 5 % est associée
Facteur Points Score à une diminution 10 à 80 % de la teneur lipi-
HTA 1 dique du foie, des transaminases et d'autres
marqueurs de lipotoxicité. La diminution de
Diabète de 1
type 2 l'inflammation et de la progression de la NASH
nécessite une perte de poids de plus de 10 %.
Transaminases 1
L'amélioration de la stéatose est proportionnelle
ASAT > 27 UI/L à la perte de poids.
Transaminases 1 Dans une étude d'intervention menée pendant
ALAT > 27 UI/L 48 semaines avec la réalisation d'une biopsie
Apnées du 1 hépatique avant et après, les signes histologiques
sommeil d'inflammation et la ballonisation des hépa-
tocytes avaient régressé de façon significative
Type caucasien 2
lorsque la perte de poids atteignait 7 %. Chez les
Risque de NASH 0Ŕ2 points = faible enfants porteurs d'une NAFLD une modification
3Ŕ4 points = moyen du style de vie aboutit également à une améliora-
5 = élevé tion au bout de 2 ans.
D'après: Pulzi FB, Cisternas R, Melo MR, Ribeiro CM, Malheiros CA, Le type de régime hypocalorique à privilé-
Salles JE. New clinical score to diagnose nonalcoholic steatohepatitis in gier en cas de stéatose est encore discuté. Dans
obese patients. Diabetol Metab Syndr 2011; 3(1) : 3. certaines études les régimes hypoglucidiques et
hypolipidiques avaient des effets comparables sur
thérapeutique adaptée en raison du risque d'évo- l'amélioration des transaminases, l'obésité vis-
lutivité de l'affection hépatique et en raison de cérale et la sensibilité à l'insuline. Dans d'autres
son association avec l'augmentation du risque études la restriction en glucides était plus béné-
cardiovasculaire. fique que la restriction en graisses. En fait, la
restriction glucidique s'avère particulièrement
Diététique : traitement bénéfique lorsque la stéatose s'est installée dans
de référence un contexte d'apports glucidiques excessifs. La
comparaison d'un régime diabétique dit «stan-
En l'absence d'autre traitement spécifique, la dard » (60 % de glucides, 20 % de lipides), d'un
stratégie consiste à traiter les maladies associées régime à index glycémique bas (50 à 55 % de glu-
de façon à prévenir l'évolution vers une cirrhose. cides et 30 % de lipides) et d'un régime de type
L'objectif est d'obtenir une modification du style méditerranéen (35 % de glucides à faible index
de vie pour obtenir une amélioration de la sensi- glycémique, 45 % de graisses monoinsaturées)
bilité à l'insuline moyennant une perte pondérale montre que les transaminases diminuent dans
progressive de 5 à 10 % ce qui est habituellement les trois groupes mais davantage dans le groupe
suffisant pour améliorer les lésions histologiques «régime méditerranéen ».
et les enzymes hépatiques mais pas la fibrose.
Restrictions diététiques
Restriction calorique plus spécifiques
À ce jour, le traitement de choix de la NAFLD et Alcool
de la NASH est donc nutritionnel. L'objectif est
d'obtenir une réduction du poids et de l'obésité C'est un nutriment clairement associé à la patho-
viscérale à l'aide d'une prescription diététique génie de la stéatose de par son métabolisme hépa-
fondée sur une réduction des apports énergé- tique. La limitation de la consommation d'alcool à
tiques d'environ 25 % et la lutte contre l'inacti- < 20 g/j, voire son exclusion complète, est un pré-
vité. Les recommandations nord-américaines et alable à toute prise en charge de la stéatose quelle
européennes mettent cette stratégie en exergue qu'en soit l'origine.
356
Chapitre 34. La stéatose hépatique : complication du diabète ou association ?
357
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
amélioration de l'imagerie sans amélioration (diabète, dyslipidémie). Cette stratégie a pour but
significative des lésions inflammatoires et de la de prévenir l'évolution des lésions hépatiques vers
fibrose. Il reste que dans le cadre du diabète de la cirrhose et les complications cardiovasculaires
type 2, la metformine a bien un effet positif sur la associées de façon non fortuites.
stéatose et ses marqueurs plasmatiques. Ce béné-
fice disparaît toutefois à l'arrêt du traitement.
Les agents antioxydants et antifibrotiques, Conclusion
telles la vitamine E (800 UI/j) et la pentoxifyl-
line, ne sont pas approuvés pour le traitement de La stéatose et la stéatohépatite non alcooliques
la NASH/NAFLD. Il n'existe que peu de données sont très fréquemment associées au diabète de
émanant d'études contrôlées en double aveugle type 2 et aux situations comportant une insuli-
avec ces produits dont l'efficacité est incertaine. norésistance. En l'état, le traitement diététique
D'autres molécules ont été testées sans convaincre est le plus à même de limiter le développement
soit du fait d'une efficacité insuffisante, soit du de ces hépatopathies et d'en empêcher l'évolution
fait d'effets indésirables (orlistat, acide ursodé- à défaut de disposer de traitements médicamen-
soxycholique, bétaïne, probucol). teux spécifiques. La perte de poids par un régime
En dehors des options thérapeutiques encore hypocalorique équilibré soutenu par une activité
expérimentales, le traitement de la NASH est physique régulière, l'éviction des boissons alcoo-
similaire à celui du syndrome métabolique et liques, la diminution des apports en fructose
repose d'une part sur une modification des (notamment dans les boissons sucrées) et la limi-
comportements (activité physique et équilibre tation des acides gras «trans » sont les points forts
alimentaire avec restriction calorique) et d'autre du traitement de la stéatose non alcoolique qu'elle
part sur le traitement précoce des comorbidités soit ou non associée à un syndrome métabolique.
358
Flore intestinale CHAPITRE
35
et diabète
Le concept de dysbiose et son rôle
dans le diabète de type 2
J.-L. Schlienger
PLAN DU CHAPITRE
Microbiote intestinal : un écosystème hébergé
Microbiote intestinal :
et intégré 359
un écosystème hébergé et intégré
Déterminants du microbiote : importance
de l'alimentation 360 Le nouveau-né qui est dépourvu de microbiote
Concept de dysbiose 360
à la naissance est exposé aux bactéries de son
Microbiote et métabolisme 360
environnement qui colonisent peu à peu toutes
Dysbiose, obésité et diabète 361
ses cavités pour constituer son microbiote per-
Relation microbiote-diabète de type 2 : les mécanismes 361
sonnel spécifique, l'essentiel se situant dans le
Modifier le microbiote pour empêcher ou améliorer
le diabète 363 tube digestif et représentant une masse de près
Conclusion 364 de 2 kg. Les espèces bactériennes ne sont pas
les mêmes tout au long du tube digestif et leur
interaction avec l'hôte varie vraisemblablement
Le microbiote (« petit vivant »), terme qui a selon le site. Les bactéries aérobies et anaérobies
supplanté celui plus poétique de microf lore facultatives sont dominantes dans le grêle où
intestinale, un monde en soi (à tous les sens elles participent à la métabolisation rapide des
du terme) peuplé de cent mille milliards de glucides simples alors que les bactéries de l'il-
bactéries appartenant à plus d'un millier éon ont la faculté de dégrader les fibres solubles
d'espèces est un écosystème, voire un organe comme les fructo-oligosaccharides complexes.
à part entière. Le microbiome qui regroupe Dans le côlon, l'enrichissement en bactéries
l'ensemble des informations génétiques conte- anaérobies facilite les réactions de fermentation
nues dans ces bactéries équivaut à plus de à partir des fibres non digestibles ainsi que le
150 fois le génome humain. Considéré comme métabolisme des acides biliaires conjugués. Le
un « autre génome », il participe intimement séquençage de l'ensemble des gènes des bacté-
à l'équilibre de l'hôte et à la régulation de ses ries hébergées par le tube digestif (métagénome
métabolismes. L'étude du microbiote a connu ou microbiome) a mis en évidence des diffé-
un essor important grâce au développement rences selon les individus et l'absence de cer-
des méthodes d'analyse moléculaire qui ont tains gènes dans des maladies comme l'obésité,
permis de s'affranchir des aléas de la culture
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359
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
360
Chapitre 35. Flore intestinale et diabète
noté chez les premières. Le transfert du micro- positivement avec la glycémie mais les résultats
biote inhibe également la FIAF, protéine régulant sont loin d'être univoques. Les études métagé-
la hauteur des villosités intestinales et modulant nomiques effectuées dans des populations très
le rendement énergétique. Des corrélations ont différentes (chinoise et suédoise) ont montré que
pu être établies dans des modèles animaux et les diabétiques n'avaient qu'une diminution des
chez l'homme entre les populations bactériennes bactéries productrices de butyrate, sans modifica-
du microbiote et l'IMC, la résistance à l'insuline, tion univoque des rapports précités. Les résultats
la glycémie à jeun et les marqueurs de l'inflam- disponibles, encore très disparates, sont néan-
mation de bas grade, accréditant l'hypothèse moins en faveur d'une participation du microbiote
de médiateur ou de régulateur métabolique du dans la pathogénie du diabète. Ainsi Roseburia et
microbiote et du microbiome. Faecalibacterium prausnitzii sont des espèces bac-
Les acides gras à chaîne courte interagissent avec tériennes moins abondantes dans le DT2. Dans
les cellules intestinales L et K et stimulent la sécré- une étude de cohorte, les lactobacilles sont corré-
tion des incrétines (glucagon-like peptides, gastric lés positivement avec la glycémie et l'HbA1c alors
inhibitory polypeptide) et du peptide YY. Les acides que les Clostridia sont corrélés négativement avec
gras formés dans le côlon agiraient sur les cellules l'HbA1c, l'insulinémie, le peptide C et les trigly-
sécrétrices situées dans la partie distale du grêle par cérides. La méthode des clusters métagénomiques
l'activation de récepteurs couplés à la protéine G montre des disparités plus importantes entre les
par le biais d'un signal neuro-encéphalique. sujets DT2 et les sujets indemnes de DT2. Enfin,
le taux circulant de 16SrDNA, marqueur bacté-
rien spécifique, apparaît comme un facteur indé-
Dysbiose, obésité et diabète pendant du risque d'adiposité viscérale et de DT2
dans une population générale. S'il est prématuré
Le rôle métabolique d'une dysbiose a d'abord été d'établir un phénotype diabétique du microbiote
évoqué puis démontré dans l'obésité. La balance il n'en reste pas moins que le microbiote du DT2
énergétique positive pourrait être la conséquence se distingue par un déficit des bactéries Gram+
d'une augmentation de la capacité d'extraction produisant des acides gras volatils comme le buty-
calorique, phénomène transférable expérimen- rate (Clostridium) et la prolifération de pathogènes
talement, due au déséquilibre des familles bacté- opportunistes GramŔ comme les bacteroïdètes et
riennes. Elle pourrait également être due à l'action les protobactéries. Des études transversales ont
des métabolites de la fermentation microbienne mis en évidence des différences de composition
(acétate, propionate) qui agiraient comme des et de fonctionnalité du microbiote des patients
signaux par l'intermédiaire de récepteurs des cel- ayant un DT2 ou un prédiabète par rapport aux
lules épithéliales intestinales et en modulant par sujets ayant une tolérance glucosée normale. Un
exemple le comportement alimentaire par un effet transfert de flore de souris intolérantes au glucose
sur l'axe entérocérébral. vers des souris axéniques induit une intolérance
Des travaux récents suggèrent que le microbiome glucosée et, chez l'homme, le transfert du micro-
intestinal joue un rôle dans la physiopathologie du biote fécal de sujets témoins à des sujets atteints
diabète. Comme pour l'obésité, l'hypothèse d'une de syndrome métabolique améliore la biodiversité
interaction entre le microbiote et le métabolisme microbienne et les perturbations métaboliques.
glucosé est née de l'expérimentation chez les sou- Les faits sont assez probants mais les mécanismes
ris axéniques dont la tolérance glucosée restait en cause restent encore hypothétiques.
normale en dépit de manipulations diabétogènes.
Dans le modèle des souris diabétiques résistantes à
la leptine db/db, le microbiote comporte davantage
de Firmicutes que chez les témoins.
Relation microbiote-diabète
Chez l'homme, les résultats sont moins tranchés de type 2 : les mécanismes
et même parfois discordants selon les populations
étudiées. Les rapports Bacteroïdetes/Firmicutes Les mécanismes possibles sont nombreux et
et Prevotella/Clostridia coccoïdes sont corrélés synergiques (fig. 35.1 et 35.2).
361
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Microbiote
+ –
Lipogenèse
Signaux épithélium néoglucogenèse
AGCC hépatique
Modulation
Extraction
appétit/satiété
énergétique
Dysbiose
intestinale
Obésité
Inflammation
Perméabilité
barrière
intestinale LPS
La théorie la mieux étayée est celle de l'aug- sérique des cytokines pro-inflammatoires favori-
mentation de la perméabilité intestinale et de sant un état inflammatoire de bas grade qui fait
l'altération de la couche muqueuse intestinale le lit de l'insulinorésistance. L'augmentation des
secondaire à la prolifération de certaines espèces concentrations sériques de LPS est associée à une
à l'origine d'une hyperabsorption de lipopoly- insulinorésistance et à un syndrome inflamma-
saccharides (LPS) provenant des membranes des toire. L'hyperperméabilité intestinale expliquerait
bactéries GramŔ et d'une endotoxinémie. Cette l'augmentation des taux circulants de LPS décrite
dernière est corrélée à l'absorption des graisses dans le DT2. Chez l'homme un repas riche en
chez l'homme sain et contribue à l'augmentation graisses induit une augmentation nette des taux
362
Chapitre 35. Flore intestinale et diabète
363
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Globalement, une alimentation à faible densité affections particulières, ce n'est pas encore le cas
énergétique, pauvre en graisses et en glucides à dans l'obésité ou le diabète. La pharmacobiotique
index glycémique élevé et riches en fibres solubles qui propose d'administrer des prébiotiques non
comme les fructo-oligosaccharides accroît la absorbables, des probiotiques ou des substances
quantité de bactéries «bénéfiques ». Une alimen- ayant ces deux propriétés (symbiotiques) dans le
tation riche en fibres, toutes choses étant égales but de promouvoir de façon sélective la croissance
par ailleurs, améliore l'équilibre glycémique et la de certaines bactéries et de stimuler l'activité
sensibilité à l'insuline aussi bien chez les sujets en métagénomique ou métabolomique pour obtenir
surpoids que chez les sujets témoins. Le régime de des effets bénéfiques est une voie prometteuse
type méditerranéen répond bien à ce cahier des dans la prévention et le traitement des mala-
charges et permet d'améliorer la dysbiose Ŕ du dies métaboliques. Reste encore la possibilité de
moins dans l'obésité Ŕ avec des résultats promet- recourir à la transplantation fécale qui a déjà fait
teurs sur les marqueurs de la tolérance glucosée ses preuves dans certaines affections digestives
et de l'inflammation. L'utilisation des prébio- inflammatoires.
tiques et des probiotiques est une autre approche Dans l'immédiat, seuls les régimes pauvres
pour optimiser la composition et les fonctions du en graisse et en glucides et riches en fibres ali-
microbiote. mentaires fermentescibles ont prouvé quelque
efficacité dans le domaine des maladies méta-
Prébiotiques boliques. Ils sont proches de ce qui est recom-
mandé dans le traitement du diabète de type 2
Ce sont des substances dont la fermentation ou de l'obésité et agissent de façon directe sur
induit des modifications de la flore avec des les métabolismes et, vraisemblablement, de
répercussions bénéfiques pour le microbiote, le façon indirecte par l'intermédiaire du rééquili-
microbiome et l'hôte. Les fibres de type fructanes brage du microbiote.
abondantes dans certains aliments (β-fructanes
dans l'avoine, inuline dans l'artichaut ou le topi-
nambour) et toute la famille des fructo-oligosac-
charides (poireau, oignon, asperge, salsifis), des Conclusion
xylo-oligosaccharides (présents dans certaines
fractions du blé) ou des galacto-saccharides (pré- En l'état des connaissances, le microbiote d'un
sents dans les légumes secs et dans une moindre individu est un trait phénotypique qui fait sens en
mesure dans le lait) répondent à cette définition. tant que facteur prédisposant de l'obésité, du DT2
et de l'inflammation de bas grade qui participe à
Probiotiques l'insulinorésistance et au risque cardiovasculaire.
D'ores et déjà, en dépit de l'incertitude persistante
Ils sont naturellement présents dans les aliments quant aux mécanismes en cause, il est souhaitable
fermentés. Ce sont des micro-organismes vivants de modifier le microbiote des sujets DT2 par un
qui ont un effet favorable sur la santé de l'hôte régime alimentaire évitant les apports excessifs en
lorsqu'ils sont ingérés en quantité suffisante à graisses et en sucres et assurant un apport consé-
condition d'être inoffensifs, de survivre dans le quent en fibres. La consommation de prébiotiques
tube digestif et d'adhérer à l'épithélium intestinal. (certaines fibres alimentaires) et de probiotiques
Les aliments contenant un probiotique sont cou- sous la forme de yaourts et de laits fermentés
ramment appelés «probiotiques ». Les plus repré- améliore, en théorie du moins, le profil «santé »
sentatifs sont les laits fermentés comme le yaourt du microbiote. Quoi qu'il en soit l'étude du micro-
ou le kéfir. Les probiotiques sont aussi contenus biote et la compréhension des mécanismes en jeu
dans certains compléments alimentaires ou des dans la relation microbiote-microbiome-hôte font
médicaments (utilisés en post-antibiothérapie). Si partie d'un front de recherche en plein développe-
leurs effets bénéfiques sont établis pour la préven- ment qui aboutira, peut-être, à la mise au point de
tion ou le traitement de la diarrhée du voyageur, nouveaux supports pharmacobiotiques utilisables
de la diarrhée post-antibiotiques ou dans quelques dans le cadre du diabète.
364
Risques alimentaires CHAPITRE
36
et polluants
J.-L. Schlienger
Additifs alimentaires
intentionnelle. Leurs origines sont multiples :
agricoles (pesticides, nitrates, résidus d'antibio-
tiques), industrielles et agroalimentaires (PCB,
L'usage des additifs alimentaires a plusieurs dioxines, phtalates,…), naturelles (mycotoxines,
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365
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
Certains de ces composés ont des effets délé- Les études toxicologiques permettent de déter-
tères pour la santé. Les amines hétérocycliques et miner la dose la plus basse sans effet chez l'animal
les hydrocarbures aromatiques polycycliques se à partir de la toxicité classique sur 18 à 24 mois.
lient à l'ADN et peuvent avoir un effet mutagène Assortie d'un facteur de sécurité de 100 au moins,
avec un potentiel cancérogène démontré. elle permet de calculer la dose journalière admis-
Les produits avancés de la glycation ou AGE sible (DJA) qui, prise pendant la vie entière n'en-
(Advanced Glycation End products) sont formés traîne aucun risque appréciable ou identifiable
lors de la réaction de Maillard. Cette réaction res- pour la santé de l'homme. La DJA comparée à
ponsable du brunissement des aliments lors du l'exposition évaluée par l'analyse de la teneur en
chauffage des aliments est irréversible. Les AGE résidus d'une plante (limite maximale de résidus
peuvent être produits de façon endogène (comme ou LMR admise par kilo d'aliment) permet de
par exemple l'hémoglobine glycosylée ou glyquée calculer l'apport journalier maximal théorique
et la fructosamine au contact du glucose et des (AJMT) pour un aliment donné. Actuellement,
protéines) ou être néoformés de façon exogène par les résidus de pesticides sont bien présents sur
les procédés culinaires comme l'acrylamide. Les les aliments d'origine végétale mais dans des
AGE exogènes alimentaires considérés comme des limites jugées sans effet sur la santé. Néanmoins,
glycotoxines sont absorbés et s'ajoutent au pool des par principe mieux vaut consommer des fruits et
AGE endogènes, ils représentent environ 20 % de légumes issus de l'agriculture biologique.
l'ensemble des AGE circulants. Les AGE sont recon-
nus par des récepteurs membranaires (les RAGE) Mycotoxines
et activent la voie de signalisation cellulaire en Ce sont des contaminants toxiques naturels des
initiant la cascade de l'inflammation de bas grade. céréales, des oléagineux, des fruits et des légumes.
Les AGE sont considérés comme des produits pro- Elles sont produites par des moisissures et ont des
inflammatoires et pro-oxydants. Leur concen- effets sur la santé qui peuvent être redoutables
tration circulante ou intratissulaire est associée à comme la toxine de l'ergot de seigle qui était
l'athérome. Dans le diabète, une corrélation posi- responsable de l'ergotisme ou «mal des ardents »
tive a été décrite entre l'augmentation des AGE, la qui a sévi de façon épidémique au Moyen Âge.
progression des lésions de néphropathie diabétique Paradoxalement, les produits «bio » ont une
et la progression de l'athérosclérose. Un profil de teneur plus élevée en mycotoxines et les végéta-
syndrome métabolique avec insulinorésistance a riens y sont plus exposés que les omnivores.
été rapporté en cas d'excès d'AGE circulants. Enfin
in vitro, l'acrylamide s'avère cancérogène. Résidus d'antibiotiques
Les aliments qui ont la plus forte teneur en AGE Leur présence dans les tissus animaux accroît les
sont les chips, les frites, les tortillas, les céréales du petit risques d'antibiorésistance et peut induire des
déjeuner, la croûte du pain, les rôtis et les grillades. allergies.
Contaminants involontaires
Nitrates et les nitrites
Ce groupe très hétérogène comprend des subs- Ils ne sont pas intrinsèquement toxiques.
tances d'origine très diverse exposant à des risques • Les nitrates sont naturellement présents dans le
inégaux. Les consommateurs sont exposés directe- sol et dans les végétaux (ils sont indispensables
ment par voie aérienne ou cutanée à une multitude pour leur croissance) et dans l'eau de boisson.
de produits ayant des effets présumés toxiques • Les nitrites proviennent de la réduction des
quantifiables ou par voie indirecte et plus. nitrates par des enzymes bactériennes et sont
également apportés par les végétaux, en quan-
Produits phytosanitaires (PPS) tité beaucoup plus faible. La source principale
Les PPS regroupent les insecticides, les fongicides, des nitrites est représentée par les produits de
les herbicides, les nématicides… Dans leur usage charcuterie où ils sont utilisés comme inhibi-
agricole, ils sont utilisés avant, mais également teur de la croissance microbienne. Après leur
après la récolte pour empêcher la destruction par ingestion, les nitrates peuvent se transformer
des « ravageurs ». en nitrites dans le tube digestif sous l'action
366
Chapitre 36. Risques alimentaires et polluants
d'une nitrate réductase bactérienne. Un excès telle que celle du développement fœtal. En effet,
de nitrite est responsable chez le nourrisson ils n'ont pas d'effet monotoxique mais des effets
d'une anémie par methémoglobinémie. de type «cocktail » par un effet combinatoire d'un
• Les nitrosamines sont formées à partir des mélange de toxiques avec des effets possiblement
nitrites dans des conditions particulières. Les plus néfastes à faible dose qu'à forte dose. Les tra-
nitrosamines sont cancérigènes ce qui a justifié vaux les plus récents démontrent que l'exposition
la limitation de la consommation de charcute- à plusieurs perturbateurs endocriniens conduit
rie riche en nitrites à 25 g/j par l'OMS. à des effets de cumul de doses et non d'addition
des réponses qui sont a priori nulles lorsque la
Dioxines, furanes concentration de chacun des perturbateurs est
et polychlorobiphényles (PCB) inférieure au seuil d'une action de type toxique.
Le défi de la toxicologie moderne est de ne pas se
Ce sont des polluants organiques persistants contenter de vérifier que chaque contaminant se
(POP) qui appartiennent au groupe des perturba- situe en dessous du seuil de tolérance mais d'ap-
teurs endocriniens. Présents dans l'atmosphère, préhender les effets des doses cumulées.
ils peuvent contaminer les aliments et s'accumu- Les perturbateurs endocriniens regroupent des
ler dans le tissu adipeux d'où ils sont progressive- insecticides, des POP, des solvants plastiques (phta-
ment relargués. lates), des molécules entrant dans la constitution
des cosmétiques (parabènes,…), des métaux lourds
Métaux lourds tels que le cadmium, des phyto-œstrogènes, des
Ils peuvent s'accumuler et entraîner des risques mycotoxines (zéaralénone) et des molécules entrant
pour la santé. L'arsenic, le cadmium, le mercure et dans la constitution des plastiques (bisphénol A).
le plomb peuvent être problématiques. Le mercure Le bisphénol A (BPA) composant chimique pré-
est particulièrement présent dans la chair des pois- sent dans un type de plastique le polycarbonate est
sons carnivores situés en bout de chaîne alimen- l'archétype des perturbateurs endocriniens de syn-
taire qui ont la capacité de l'accumuler. D'origine thèse. Le BPA libéré de sa matrice plastique notam-
tellurique naturelle pour 80 % le risque mercuriel a ment lors du chauffage des récipients, contamine
conduit à prendre des mesures préventives quant à les aliments. C'est le cas des biberons en matière
l'usage du mercure. Il n'en reste pas moins souhai- plastique qui ont été interdits en Europe. Comme
table de consommer du poisson au moins 2 fois par d'autres perturbateurs, le BPA peut agir directe-
semaine. Un excès de consommation de mercure ment en modifiant l'activité du cytochrome P450
est associé au risque cardiovasculaire ; on estime hépatique qui participe à la synthèse, l'activation
que sa présence dans la chair de poissons contami- ou l'inactivation des hormones ou indirectement
nés atténue le bénéfice lié aux acides gras oméga 3. en augmentant certains facteurs de risque des
L'arsenic peut entraîner des affections cutanées. Le cancers hormonodépendants (âge de la puberté,
cadmium fait partie des perturbateurs endocri- poids). Des effets métaboliques susceptibles
niens. Le plomb induit le classique saturnisme. d'expliquer la pandémie d'obésité ou de favoriser
l'apparition d'un diabète sont également imputés
aux perturbateurs endocriniens. Les mécanismes
Perturbateurs endocriniens sont encore discutés. En mimant les effets de l'œs-
Les perturbateurs ou «disrupteurs » endocri- tradiol, le BPA pourrait intervenir sur l'homéosta-
niens sont des substances capables de simuler ou sie du glucose au niveau des cellules pancréatiques
de modifier les actions hormonales en se liant par le biais des récepteurs des œstrogènes de la
aux récepteurs hormonaux ou en modifiant leur membrane plasmique. Les perturbateurs agiraient
synthèse, leur transport et leur métabolisme. Ils sur le fœtus, particulièrement vulnérable, selon un
ont en commun d'exercer des effets subtils à dose effet épigénétique entraînant un sur-risque d'obé-
faible pendant un temps prolongé, parfois plu- sité et de diabète ultérieur chez l'enfant. D'aucuns
sieurs décennies Ŕ voire même générations Ŕ qui n'hésitent pas à expliquer d'ores et déjà l'augmen-
échappent au champ de vision de la toxicologie tation de l'incidence de l'obésité et du diabète
traditionnelle en ce qu'il n'est plus question de par l'exposition aux perturbateurs endocriniens
dose mais d'exposition et de phase de vulnérabilité durant la vie fœtale.
367
Y a-t-il des régimes CHAPITRE
37
« miracles » pour traiter
le diabète sucré ?
L. Monnier
pertension artérielle pulmonaire pour les séroto- presque toujours tendance à s'opposer aux modi-
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
ninergiques. Les antagonistes des récepteurs aux fications induites par les régimes de restriction
cannabinoïdes (rimonabant), qui avaient soulevé calorique. Cette résistance à la perte de poids
quelques espoirs il y a quelques années n'ont été après l'instauration de régimes hypocaloriques
commercialisés que sur une période de temps traditionnels a ouvert la porte à toute une série
courte et ils ont été retirés du marché rapide- de propositions plus ou moins honnêtes pour
ment en raison de leurs effets secondaires. Aux essayer d'accélérer les pertes pondérales et pour
États-Unis où l'obésité et le diabète de type 2 sont tenter de les rendre moins contraignantes. Les
beaucoup plus fréquents qu'en Europe, certains régimes à très basse teneur calorique et certains
produits médicamenteux sont prescrits dans le régimes déséquilibrés font partie de ces propo-
traitement de l'obésité. Certains d'entre eux nous sitions. Une analyse critique de ces propositions
369
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
370
Chapitre 37. Y a-t-il des régimes «miracles » pour traiter le diabète sucré ?
(2 000 kcal/j). Étant donné que la perte de poids une activité physique adaptée aux capacités du
n'est plus que de 0,2 kg/semaine, on peut supposer patient. Ces deux mesures restent toutefois insuf-
que la nouvelle dépense calorique s'est stabilisée à fisantes et l'on peut considérer que toute perte de
2 200 kcal et que le différentiel entre les dépenses poids de 1 kg peut être subdivisée en deux com-
et les apports n'est plus que de 200 kcal/j (fig. 37.1). posantes : une diminution de masse adipeuse
de l'ordre de 700 g, le reste (300 g) étant consti-
tué par une diminution de la masse maigre. En
La perte de masse maigre d'autres termes, un sujet qui aura perdu un total
obligatoire au cours des cures de 10 kg aura diminué sa masse grasse de 7 kg et
d'amaigrissement est responsable sa masse maigre, c'est-à-dire sa masse protéique
d'une baisse de la dépense avec l'eau intracellulaire associée de l'ordre de
énergétique de repos (DER) 3 kg. La dépense énergétique de repos (méta-
bolisme de base) étant proportionnelle à la masse
chez tout obèse qui maigrit maigre, il est facile de comprendre que la dimi-
La perte de poids idéale au cours d'une cure nution de cette dernière entraîne mécaniquement
d'amaigrissement serait celle qui s'accompagne- une baisse de la dépense énergétique de base et
rait d'une perte de masse grasse sans toucher à ipso facto de la dépense énergétique totale. Chez
la masse maigre (muscles en particulier). Cette un sujet ayant une activité physique moyenne, la
vision optimiste des choses n'a malheureusement dépense énergétique de repos représente environ
aucune chance de se produire car le deuxième les deux tiers de la dépense totale. Pour mieux
principe de la thermodynamique s'y oppose. La expliciter le problème, revenons à l'exemple pré-
seule possibilité est de limiter la «casse » de masse cédent. Au bout de quelques mois, le sujet a perdu
maigre, c'est-à-dire de perte des réserves pro- 10 kg grâce au régime de restriction calorique
téiques en maintenant un apport protéique égal (2 000 kcal/j) qui lui a été prescrit. Sur ces 10 kg,
ou supérieur aux apports nutritionnels conseillés 3 ont été perdus sous forme de masse maigre avec
(ANC) : 1 g/kg de poids idéal/j et en conseillant une perte du métabolisme de base de l'ordre de 10
Dépenses énergétiques
2 500 kcal/j
− 500 kcal/j − 200 kcal/j
Apports énergétiques
Temps
Évolution du poids
− 0,5 kg/semaine
Temps
Figure 37.1. Évolutions parallèles et schématiques des dépenses énergétiques et du poids
corporel lors de la prescription d'un régime de restriction calorique avec diminution de 500 kcal
des apports énergétiques quotidiens par rapport au niveau de départ (2 500 kcal/j).
371
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
à 15 %. Si nous admettons que ce dernier était de glycosurie résiduelle, car il est rare que le régime
1 600 kcal avant la cure d'amaigrissement (≈ 2 500 à lui seul ramène toutes les glycémies en dessous
× 2/3), on peut considérer qu'il est aux alentours de 1,80 g/L surtout chez les personnes dont les
de 1 300 à 1 400 kcal lorsque les 10 kg de poids désordres glycémiques étaient marqués avant la
ont été perdus (fig. 37.2). C'est cette perte de cure d'amaigrissement. Quoi qu'il en soit (réduc-
200 à 300 kcal qui explique que la dépense éner- tion ou disparition de la glycosurie), le résultat
gétique totale soit passée de 2 500 à 2 200 kcal avec est le suivant : la quantité de glucose, qui était
les conséquences que nous avons décrites sur la éliminée par les urines et par voie de conséquence
vitesse de perte pondérale. gaspillée sur le plan énergétique, ne l'est plus. Ce
phénomène contribuera à ajouter une entrave
Les conséquences de la réduction supplémentaire à la perte pondérale.
de la glycosurie elle-même liée Reprenons à nouveau l'exemple précédent et
supposons que la glycosurie de ce patient ait été
à l'amélioration du contrôle de 50 g par jour avant la cure d'amaigrissement.
glycémique chez un patient Supposons qu'elle soit devenue égale à 20 g après
diabétique obèse qui a maigri perte de poids. Dans ce cas, c'est 30 g de glucose
Il est bien établi que toute perte de poids chez une qui ne sont plus gaspillés par la voie de l'émonc-
personne obèse ayant un diabète de type 2 amé- toire urinaire. Dans la mesure où 1 g de glucose
liore l'insulinorésistance qui est l'un des méca- a une valeur énergétique égale à 4 kcal, ce sont
nismes clé à l'origine des désordres glycémiques. 120 kcal qui ne sont plus gaspillées et qui sont
La diminution de la production hépatique du glu- désormais métabolisées et éventuellement stoc-
cose et l'amélioration de l'utilisation du glucose kées par l'organisme. Dès lors, il est facile de com-
au niveau des tissus périphériques se conjuguent prendre pourquoi l'amélioration de l'équilibre
pour entraîner une réduction de l'hyperglycémie. glycémique, phénomène bénéfique recherché par
Si ce sujet était glycosurique, ce qui se produit dès la cure d'amaigrissement, se transforme en un
que la glycémie dépasse 1,80 g/L, on peut assister phénomène défavorable si on se place sur le plan
à une disparition complète de l'élimination uri- de l'efficacité de la perte de poids.
naire du glucose si toutes les glycémies, y compris
les postprandiales, sont en dessous de 1,80 g/L. Pour résumer ce chapitre, il apparaît que la phy-
Toutefois, dans la plupart des cas, il persiste une siologie tend à contrecarrer les modifications
qu'on lui impose et s'oppose naturellement à
Perte de : l'efficacité des régimes de restriction calorique,
expliquant leur perte d'efficacité sur le moyen et
Masse Masse le long terme.
Poids DER
grasse maigre
372
Chapitre 37. Y a-t-il des régimes «miracles » pour traiter le diabète sucré ?
glycémique n'est pas suffisamment assuré. Ces nutriments. Malheureusement, les prescriptions
régimes sont donc formellement contre-indiqués de régimes à très basses calories ignorent ou
chez les patients diabétiques de type 1 chez les- feignent d'ignorer que le système nerveux (le cer-
quels les états de cétose ou de cétoacidose peuvent veau en majorité) utilise obligatoirement 150 g de
survenir quand les besoins insuliniques ne sont glucose par jour et que la différence, si elle n'est
pas couverts soit par sous-dosage insulinique soit pas apportée par les glucides alimentaires doit
parce que les besoins insuliniques augmentent en être obligatoirement fournie par la néoglucoge-
raison d'un état pathologique intercurrent. nèse à partir des acides aminés musculaires. En
Ces régimes très restrictifs peuvent être classés résumé, un régime à très basses calories, fournis-
en deux grandes catégories. sant une quantité absolue de protéines en appa-
rence suffisante, conduit à une fonte musculaire
rapide dès lors que l'apport glucidique est forte-
Régimes à très faible valeur ment restreint. La position des professionnels de
calorique (very low calorie diets) santé par rapport aux régimes à très basses calo-
ries devrait donc rester extrêmement réservée et la
Le succès de ces régimes est basé sur le fait que prudence est de mise. De plus, après une période
la plupart des obèses souhaitent maigrir le plus de succès transitoire, ils conduisent la plupart du
rapidement possible. Les VLCD reposent sur un temps à une reprise de poids rapide. Étant donné
apport calorique de l'ordre de 600 à 800 kcal par que la reconstitution de la masse protéique c'est-
jour. Le déséquilibre hebdomadaire de la balance à-dire de la masse maigre, est toujours difficile, la
énergétique entre les apports (Q) et les dépenses reprise de poids porte électivement sur la masse
(W) devient supérieur à 7 000 kcal assurant une adipeuse. Ainsi, quand ils sont utilisés de manière
perte de poids qui devrait être théoriquement itérative, avec perte et reprise de poids successives,
de l'ordre de 1 kg par semaine. En fait, ce type les régimes à très basses calories contribuent à
de régime oriente la perte de poids vers la masse enrichir progressivement le sujet en tissu adipeux
maigre (c'est-à-dire vers la fonte de la masse mus- et à l'appauvrir en masse musculaire. Le résultat
culaire) de manière préférentielle. Ce phénomène est la transformation d'une obésité à dépenses
aboutit à un amaigrissement beaucoup plus rapide caloriques fortes en obésité à dépenses caloriques
car le coût énergétique de la perte de 1 kg de faibles, c'est-à-dire de plus en plus résistante aux
muscle est de l'ordre de 1 500 kcal alors qu'il est de régimes de restriction calorique classiques et
8 500 kcal pour 1 kg de tissu adipeux et de l'ordre équilibrés.
de 7 700 kcal pour 1 kg de masse corporelle.
Ainsi, les régimes à très basses calories, en Régimes charlatanesques
orientant la perte de poids vers la masse maigre,
permettent un amaigrissement de plusieurs kilos Il est impossible de recenser tous les régimes farfelus
en quelques jours, mais au prix d'une fonte de la qui ont été proposés au cours des dernières décen-
masse musculaire dont la reconstitution sera tou- nies. L'imagination de leurs auteurs, nous allions
jours problématique. À cette critique, à notre avis dire de leurs «géniteurs», se situe d'ailleurs beau-
majeure, les partisans des régimes à très basses coup plus dans les appellations que dans les concepts
calories répondent que ces régimes sont conçus qui les sous-tendent. Les appellations peuvent être
pour couvrir les besoins protéiques en assurant celles de leurs «géniteurs» (Atkins et autres…)
un apport de l'ordre de 0,6 à 0,8 g de protéines/ ou celles d'un endroit considéré comme idyllique
kg/j. En pratique, ces régimes apportent 60 à (Hollywood) ou renommé (Mayo Clinic). En ce qui
80 g de protéines le plus souvent fournies par concerne l'endroit, il s'agit en général d'un emprunt
des poudres conditionnées sous forme de sachets qui n'a rien à voir avec le régime. En revanche, dans
et à boire après dilution dans un verre d'eau en tous les cas, les bases de ces régimes sont de désé-
guise de repas. Le pourcentage des calories proti- quilibrer les apports alimentaires en supprimant de
diques devient supérieur à 50 %. Le reste (une part manière sélective une catégorie de nutriments (glu-
minime d'environ 300 kcal) est fourni par les glu- cides ou graisses en général), de dissocier les prises
cides et les lipides, soit une vingtaine de grammes de nutriments pour qu'ils ne soient pas consommés
par jour pour chacune de ces deux catégories de au même repas (on ne sait pas pourquoi), et d'agir
373
Partie IV. Grandes questions et idées fausses
374
Chapitre 37. Y a-t-il des régimes «miracles » pour traiter le diabète sucré ?
Ce régime consiste en une restriction calorique sur le très court terme : perte de poids rapide.
drastique : 1 000 kcal/j. L'apport en glucides et Ils ne le sont pas sur le moyen et le long terme
lipides est pratiquement absent. Les glucides sont car les sujets reprennent du poids et souvent
uniquement fournis par des pamplemousses (pour- de manière très rapide dès qu'ils se remettent
quoi ? nul ne le sait !) qui peuvent être consommés à une alimentation normale. La satisfaction
à volonté. Viandes et poissons complètent l'apport du patient, parfois bonne dans l'immédiat, ne
protidique. Ce régime très déséquilibré a eu son l'est jamais sur le moyen et le long terme. La
heure de gloire dans les années 1980 pour induire qualité de vie, après quelques jours/semaines,
des cures d'amaigrissement. Depuis, victime des devient mauvaise quand le sujet découvre la
modes, il est heureusement tombé dans un quasi- monotonie et les contraintes de ces régimes,
oubli. Les modes ne s'arrêtent jamais. La nouvelle surtout quand ils reposent sur la consomma-
est celle du jeûne absolu pendant quelques jours tion de poudres protéinées. De surcroît, la
ou de manière alternée, par exemple un jour sur fonte de la masse maigre et la fatigue qui l'ac-
deux. Il est bien certain que la personne perd du compagne contribuent à rendre ces régimes
poids si elle arrête toute prise alimentaire. Comme inacceptables sur le moyen terme. Pour en
toujours, la conséquence est une perte élective de terminer, leur sécurité est loin d'être assurée
masse maigre. Cette dernière est responsable des car ils peuvent entraîner des déficits miné-
conséquences néfastes de ces régimes : fonte mus- raux et vitaminiques. Des décès ont même
culaire, état d'asthénie, ostéoporose, carences pro- été rapportés dans le cadre de ces régimes
téiques et déficits en minéraux et vitamines, même lorsqu'ils sont poursuivis sur de trop longues
lorsque des supplémentations médicamenteuses sont périodes sans surveillance médicale.
prescrites. • Chez les personnes diabétiques, les régimes à
très basses calories ou déséquilibrés («char-
latanesques») peuvent être particulièrement
Conclusion dangereux car ils conduisent soit à un risque
d'hypoglycémie sévère soit à la production exces-
Pour terminer ce chapitre, il est possible d'énon- sive de corps cétoniques dans la mesure où ils
cer les messages suivants. ne couvrent pas les besoins glucidiques. Ceci est
• Les régimes à très basses calories et de manière particulièrement vrai chez les diabétiques de type
plus générale tous les régimes dits charlata- 1 ayant une tendance à évoluer vers la cétose et
nesques ne sont pas des formules miracles pour faisant des hypoglycémies. Il est donc dangereux
perdre du poids de manière durable. Ils peuvent de leur conseiller des régimes qui ne peuvent
même être particulièrement dangereux quand que précipiter les états de cétose, qui augmen-
ils sont prescrits à des patients diabétiques. tent le risque d'hypoglycémie et transforment les
• Pour qu'un régime soit préconisé, il convient épisodes hypoglycémiques mineurs en formes
de rappeler qu'il doit répondre à quatre cri- sévères avec troubles neurologiques (comas,
tères : l'efficacité, la sécurité, la qualité de vie crises comitiales…). Ainsi à la question posée
et la satisfaction du patient. Si l'on applique dans le titre de ce chapitre : «Y a-t-il des régimes
cette définition aux régimes « miracles » «miracles» pour traiter le diabète sucré?», la
que nous venons de décrire, ils sont efficaces réponse est simplement et clairement : Non!
375
Fiches diététiques
J.-L. Schlienger
CHAPITRE
38
PLAN DU CHAPITRE
Fiche diététique 38.1. Repas «vertueux» (midi et soir) 379 Fiche diététique 38.6. Diabète de type 1 387
Fiche diététique 38.2. Alimentation végétarienne Fiche diététique 38.7. Diabète de type 2 392
chez un sujet diabétique 380 Fiche diététique 38.8. Repas festif 395
Fiche diététique 38.3. Les collations 382 Fiche diététique 38.9. Diabète gestationnel 396
Fiche diététique 38.4. Surpoids avec intolérance glucosée Fiche diététique 38.10. Diabète de l'enfant 398
ou prédiabète 383
Fiche diététique 38.11. Stéatose et stéatohépatite
Fiche diététique 38.5. Traitement hygiéno-diététique
chez un sujet DT2 401
du syndrome métabolique 385
Légumes verts et/ou salade verte : crudités et Réduction des aliments riches en acides
Manueldenutritionpourlepatientdiabétique
379
Partie V. Fiches diététiques
380
Chapitre 38. Fiches diététiques
Repas types
381
Partie V. Fiches diététiques
Les collations
La collation est un repas léger et structuré pris bas éventuellement associé à un aliment
entre les repas principaux à ne pas confondre protéique à faible teneur en graisse en est la
avec le grignotage. Bien conçue, la collation base. Un fruit cru, un produit laitier peu sucré
permet d'éviter le grignotage, de compléter comme le yaourt, un biscuit complet, une
les apports nutritionnels et de mieux répartir barre de céréales, une biscotte aux céréales ou
les apports énergétiques et surtout gluci- des flocons de céréales sans sucre, voire du pain
diques ce qui prévient à la fois les hypergly- complet, répondent à ce cahier des charges. À
cémies excessives au décours des principaux titre d'exemple, une collation composée d'une
repas et les hypoglycémies à distance des biscotte avec 10 g de fromage ou 5 g de beurre
repas. Elle a de surcroît un effet satiétogène. et 1 fruit apporte environ 20 g de glucides et
Ses apports sont décomptés dans l'apport 120 kcal. La boisson idéale est l'eau. Les bois-
nutritionnel global de la journée puisqu'elle sons caloriques sont à éviter à l'exception du
s'intègre totalement dans l'équilibre alimen- lait. La collation ne s'ajoute pas aux apports
taire. Les collations sont indiquées au cours énergétiques journaliers mais en fait partie.
du diabète dans des circonstances assez bien
codifiées. Elles contribuent à la réduction
des glycémies postprandiales et à la variabi- Exemples de collations.
lité glycémique, réduisent le temps de jeûne
nocturne, préviennent de façon anticipatoire Collation de Collation de Collation au
10 heures l'après-midi coucher
l'hypoglycémie survenant après un exercice
programmé prolongé et participent à la ges- (15 à 20 g de (15 à 20 g de (30 g de
tion métabolique du diabète instable et du glucides) glucides) glucides)
diabète gestationnel. 2 biscuits 1 laitage 2 tranches de
D'autres justifications des collations sont moins complets au (yaourt non pain complet
licites. Il en est ainsi du recours aux collations germe de blé sucré) et moyennes
matinales pour pallier un petit déjeuner insuf- ou 1 biscotte et 1 pomme et 1 fruit ou
fisant, notamment chez les enfants ou encore 1 yaourt 1 laitage ou
1/2 tranche
des collations en milieu d'après-midi ou le soir
de jambon
au coucher par crainte d'une hypoglycémie maigre
non démontrée et non systématique.
Dans le diabète, la collation est un outil théra- 1 tasse de 1 yaourt et des 1 toast au
céréales noix fromage
peutique dont la composition doit consolider
sans sucre et 1 biscotte
l'équilibre glycémique et la prévention des 1/2 verre de lait
complications. Un glucide à index glycémique beurrée et 1 fruit
382
Chapitre 38. Fiches diététiques
383
Partie V. Fiches diététiques
▶
Fiche diététique 38.4
des pièges dans la mesure où ils peuvent être plus un régime équilibré. Quant au recours aux édul-
caloriques que l'aliment natif et qu'ils incitent à corants intenses, ils sont à utiliser avec parcimo-
consommer quantitativement davantage. Les nie et discernement. A priori, il n'y a pas de place
succédanés de repas n'ont pas leur place dans ici pour des boissons sucrées édulcorées.
Aide au choix des aliments dans l'optique d'une perte de poids en cas d'intolérance
glucosée ou de prédiabète.
Repas types
Repas 1 Repas 2
Petit déjeuner
Lait demi-écrémé : 1 bol Thé
2 tranches de pain beurrées 2 à 3 tranches de pain beurrées
1 tranche de jambon de Paris Fromage blanc à 20 %, 1 petit pot
Déjeuner
Salade de tomates Cocktail de crevettes roses avec un
Rôti de veau pamplemousse
Jardinière de légumes Cabillaud
1 tranche de pain complet Riz
Yaourt nature 1 tranche de pain complet
1 portion de camembert
Fraises
Dîner
Soupe de légumes sans crème Tomates farcies à la viande
Filet de merlan Salade verte
Haricots verts 1 tranche de pain
1 tranche de pain Petit-suisse
1 portion de camembert Fruit
384
Chapitre 38. Fiches diététiques
385
Partie V. Fiches diététiques
▶
Fiche diététique 38.5
La consommation modérée de vin toute boisson alcoolique doit être évitée
(2 verres/j) peut contribuer à la prévention en cas d'hypertriglycéridémie, anomalie
cardiométabolique en l'absence de toute fréquemment rencontré dans les états
contre-indication. En revanche, la consom- d'insulinorésistance dont le syndrome plu-
mation de vin et plus généralement de rimétabolique est l'une des expressions.
Repas types
386
Chapitre 38. Fiches diététiques
Diabète de type 1
Le régime diabétique a pour but de limiter Choix des aliments et boissons
les variations glycémiques Ŕ notamment
l'hyperglycémie postprandiale Ŕ de contrôler Contrôler l'apport glucidique
le poids et de prévenir les complications car- La consommation de glucides en quantité suffi-
diovasculaires tout en satisfaisant l'ensemble sante et sous des formes diversifiées fait partie
des besoins énergétiques et en nutriments. Il de l'équilibre alimentaire. Les glucides doivent
devrait être proche de l'alimentation équili- représenter entre 50 et 55 % de l'apport énergé-
brée et diversifiée « normale » ou « vertueuse » tique total. Il importe d'apprendre à les consom-
et comporter le moins de contraintes possible mer et à les différencier pour éviter que leur
afin d'être compatible avec la vie quotidienne impact sur la glycémie ne soit trop important.
et de ne pas altérer la qualité de vie. C'est Les glucides complexes sont présents dans
en tout cas à cette condition que l'adhésion différents groupes d'aliments : céréales
au régime sera optimale. Les modalités de (riz, blé, maïs, seigle, avoine…) et produits
l'insulinothérapie (basal-bolus, pompe à insu- céréaliers (pain, pâtes, biscottes, semoule,
line, insulinothérapie fonctionnelle…) et de polenta…), légumes secs (lentilles, pois cas-
l'autocontrôle autorisent une certaine sou- sés, pois chiches, haricots secs, fèves…).
plesse dans les horaires des prises alimentaires Les glucides simples sont présents dans
bien que le respect des rythmes alimentaires les fruits frais et secs et dans leurs dérivés
conventionnels soit souhaitable chaque fois (jus, compotes…), les légumes et le lait.
que possible. La prescription de collations est Les sucreries et les boissons sucrées en
subordonnée aux caractéristiques du profil contiennent en quantité importante.
glycémique et n'est pas systématique, tant
s'en faut. Utiliser les équivalences glucidiques
et l'index glycémique des aliments
Principes généraux L'estimation de la quantité de glucides fournis
par l'alimentation est un élément essentiel de
Faire trois repas par jour (petit déjeuner, déjeu- l'éducation nutritionnelle dans le diabète. Il est
ner et dîner), les collations étant facultatives. d'usage de le faire en convertissant les aliments
Consommer à chaque repas des féculents en équivalents glucidiques de 20 g de glucides.
en préférant ceux qui sont riches en fibres La connaissance de l'index glycémique des
(légumineuses, pain aux céréales, au son) aliments glucidique est intéressante mais d'uti-
et les pâtes al dente. lisation assez difficile en pratique puisqu'elle
Consommer au moins cinq portions de végé- dépasse la notion de sucres « simples » et de
taux (légumes et fruits) crus et cuits par jour. sucres « complexes ». Ainsi les fruits contenant
Leur apport en fibres permet de limiter l'aug- un sucre simple, le fructose, ont un index gly-
mentation de la glycémie postprandiale. cémique plus bas que le pain blanc qui contient
Consommer deux à trois portions de pro- un sucre complexe, l'amidon. De principe il
duits laitiers par jour. faut préférer les aliments glucidiques riches
Consommer une portion de viandes ou pois- en fibres dits « complets », ne consommer de
sons ou œufs (VPO) au déjeuner et au dîner. glucides qu'au sein d'un repas mixte apportant
Limiter la consommation de graisses des fibres sous forme de légumes et n'ingé-
saturées (charcuterie, viandes grasses, rer une petite quantité de glucides simples
fromages à pâte, beurre, mayonnaise, pro- « rapides » qu'à la fin d'un repas et jamais entre
duits industriels). les repas pour atténuer l'impact sur la glycémie
Privilégier les graisses insaturées : huiles postprandiale. Les aliments solides à mastiquer
(olive, colza, noix, soja) et poissons gras ont un impact moindre que leurs équivalents
(saumon, anguille, maquereau, sardines). sous forme de bouillie ou de liquide.
▶
387
Partie V. Fiches diététiques
▶
Fiche diététique 38.6
Boissons consommé le ventre vide. Les boissons alcoo-
L'eau est la boisson recommandée. Les bois- liques sont imitées à 20 g/j soit deux verres. Le
sons sucrées non édulcorées sont proscrites a vin de référence apporte une quantité négli-
priori. Toutefois un verre de jus de fruit sans geable de glucides. En revanche, un verre de
sucre ajouté peut être considéré comme l'équi- vin doux, un verre de bière ou une bolée de
valent d'un fruit à condition de ne pas être cidre apportent environ 20 g de glucides.
Pains et équivalents
Pains 40 g de pain blanc : 1/6 de baguette
2 tranches fines de pain conventionnel
40 g de pain de mie : 2 petites tranches
40 g de pain de campagne
40 g de pain au son
Il est préférable de choisir des pains à haute teneur en fibres (pain de
tradition, pain bis, de campagne, complet, au son…) et d'éviter les pains de
mie et le pain blanc
Produits de viennoiserie 1 croissant
1 petit pain au lait nature
1 brioche ou 2 tranches de brioche prédécoupées
Biscottes ou équivalents 3 biscottes
4 Cracottes
2 toasts ronds briochés
Céréales 25 g de corn flakes
30 g de muesli «nature »
30 g de flocons d'avoine
30 g de céréales allégées «sans sucres»
45 g de céréales enrichis en fibres «sans sucres »
Féculents et équivalents
100 g de féculents cuits 2 pommes de terre de la taille d'un œuf
2 càs de purée
4 càs de riz
4 càs de pâtes
3 càs de blé
4 càs de maïs
5 càs de légumes secs
50 g de châtaignes
60 g de frites
40 g de chips
388
Chapitre 38. Fiches diététiques
Fruits et équivalents
Fruits frais 1 pomme (environ 150 g), 1 poire, 1 pêche, 1 brugnon, 1 orange,
2 mandarines, 3 clémentines, 3 grosses prunes, 2 kiwis, 3 abricots, 250 g
de baies rouges, melon, fraises, pastèque, pamplemousse blanc, 15 grains
de raisin, 15 cerises, 1/2 banane, 10 à 12 lychees
1 verre de jus de fruit (100 %) ou une briquette de 20 cl
Fruits en compote 80 à 100 g de fruits au sirop
100 g de compote sucrée
200 g de compote sans sucre ajouté
Fruits secs 1 à 2 figues sèches
3 pruneaux
3 abricots secs
3 dattes
Produits laitiers et dérivés
Produits laitiers 1 yaourt aux fruits
3 yaourts nature
1 petit pot de dessert lacté (environ 100 g)
150 g de yaourt à boire
20 cl de lait chocolaté
1 fromage blanc aux fruits sucrés
Glaces 2 boules de glace ou de sorbet
Biscuits et gâteaux
3 petits-beurre
30 g de quatre-quarts
4 gaufrettes fourrées
1 crêpe confiture ou chocolat
1 tranche et demie de pain d'épice
2 cookies nature ou 1 cookie au chocolat
1/2 part de tarte
1/2 pâtisserie (éclair, chou à la crème)
389
Partie V. Fiches diététiques
▶
Fiche diététique 38.6
Quelques repères pratiques pour orienter le choix des aliments glucidiques
selon leur index glycémique (IG).
IG faible : < 40 Produits laitiers : yaourt édulcoré, tous les laits, yaourt nature édulcoré, crème anglaise
A Pain au son, aux céréales postpr
u Féculents : Pâtes, raviolis, petit pois, pois chiches, lentilles, haricots rouges, blancs, andiale et
t All-Bran pour évit
er des hy
r Légumes : presque tous… carottes
poglycé-
e Fruits : cerise, pamplemousse, pomme, poire, raisin mies i
s Jus de pomme nterprandi
Produits sucrés : fructose, chocolat noir ales ou n
o octurnes.
IG moyen : 40Ŕ70 Produits laitiers : crème glacée
b A priori,
Pain : blanc, complet c'est l
j
Féculents : riz blanc, basmati, semoule, pommes de terre nouvelles, chips, croissant, 'insulinoth
e
pâtisseries, porridge érapie qui
c
Fruits : kiwi, banane, ananas est adapt
t
Jus d'orange ée aux
i
prises
f IG élevé : > 70 Pain : baguette
alimentaire
s Féculents : riz «rapide », pommes de terre frites, purée de pommes de terre, céréales de
s et non l'i
petit déjeuner type Spécial K, corn flakes
nverse.
q Fruits : pastèque
u Produits sucrés : glucose, miel, gaufres, pâtisseries, viennoiseries Petit
e
le contrôle déjeuner
de la glycémie Un petit déjeuner équilibré et rassasiant qui
Dans le diabète de type 1 comme dans tout dia- évite la collation de milieu de matinée se com-
bète, le régime diabétique n'a pas pour seul but pose au moins :
de réduire les variations de la glycémie après un d'une boisson chaude Ŕ thé, café, infusion,
repas, mais également de prévenir et de traiter lait (nature 1/2 écrémé ou chocolaté) Ŕ éven-
les complications cardiovasculaires en : tuellement sucrée à hauteur de 5 g (1 mor-
contrôlant le poids par une alimentation hypo- ceau de sucre taille 4 pour un bol de 30 cL);
calorique (surtout dans le diabète de type 2); de glucides complexes Ŕ pain complet, aux
réduisant le risque cardiovasculaire : limita- céréales, pain bis, biscottes au blé complet Ŕ
tion des graisses saturées ; voire céréales complètes sans sucre. Éviter
limitant les apports en sel. la baguette traditionnelle dont l'index gly-
La pratique d'une activité physique est un cémique est élevé et les viennoiseries (crois-
auxiliaire thérapeutique indispensable. sant, brioche, petits pains) qui apportent
des graisses saturées et du sucre ;
Composition des repas d'un laitage nature simple : yaourt, fro-
La prise régulière des repas Ŕ petit déjeuner, mage blanc, faisselle, petit-suisse… ou fro-
déjeuner et dîner Ŕ est un préalable pour mage à pâte dure (portion de 30 g).
simplifier l'administration de l'insuline et
pour prévenir les excursions glycémiques trop
marquées et le risque d'hypoglycémie. Le 390
recours aux collations standardisées peut se
justifier pour mieux écrêter l'hyperglycémie
Chapitre 38. Fiches diététiques
Repas types
Repas 1 Repas 2 Repas 3
Petit déjeuner
Lait ou yaourt Lait ou yaourt Lait ou yaourt
60 g de pain (1/4 de baguette) 3 biscottes complètes Pain complet beurré
Beurre 1 œuf coque 1/2 tranche de jambon
1 càc de confiture 1 fruit 1 fruit sec
1 fruit
Déjeuner
Crudités Escalope de dinde Crudités
Viande Pâtes à la sauce tomate Viande ou poisson
Féculents Pain (1 tranche) Légumes verts à volonté et
Légumes verts Salade iceberg lentilles (150 g cuits, 3 càs)
Fromage Petit-suisse Fromage
Pain complet Compote de rhubarbe édulcorée Fruit
Dîner
Soupe de légumes Radis au beurre Potage ou bouillon
Jambon maigre ou poisson Poisson grillé Blanc de poulet
Féculents Riz Salade de lentilles
Salade Pain Pain (1 à 2 tranches)
Pain Fromage à pâte dure Camembert (1/8 )
e
391
Partie V. Fiches diététiques
Diabète de type 2
Le traitement diététique est aussi utile qu'in- l'origine d'une alimentation « émotionnelle »
dispensable à tous les stades du diabète de perturbant les conduites alimentaires.
type 2. Associé à l'activité physique, il est le La réduction des portions usuelles est un
traitement de première ligne qui précède toute moyen important de contrôle des apports
option pharmacologique. À la phase initiale il énergétiques. Il faut à cet effet s'aider de
réduit de moitié le taux de conversion de l'état mesures pour les estimer plutôt que de recou-
d'intolérance au glucose à celui de diabète rir à l'exercice fastidieux de la pesée : unités
patent. Par la suite, il assure un contrôle satis- ménagères, atlas de mets, astuces diverses…
faisant de la glycémie permettant de différer le Le régime doit être appétissant : présentation
traitement médicamenteux. Il reste indispen- soignée des aliments et aromatisation des
sable pour renforcer l'efficacité du traitement mets.
pharmacologique et augmente sa durabilité. Les procédés culinaires sont variés mais tous
Au stade de l'insulinothérapie, les mesures économes en graisses d'ajout : à l'eau, à la
diététiques doivent être renforcées pour limi- vapeur, au gril, au four, utilisation de poêles à
ter l'importance de la prise de poids favorisée revêtement antiadhésif, micro-ondes…
par l'insuline. Dans le DT2, le régime a égale- Les boissons non caloriques sont à consom-
ment pour but de diminuer l'excès de poids et mer en abondance.
la dyslipidémie très fréquemment associés au L'efficacité du régime est évaluée toutes les
DT2. Il est de plus un auxiliaire important de semaines ou quinzaines par une pesée le matin
la prévention des complications macrovascu- à jeun, dans des conditions reproductibles.
laires, éléments majeurs du pronostic du DT2.
Améliorer la sensibilité à l'insuline
Principes généraux et réduire la charge glycémique
Les objectifs sont de réduire tout à la fois les Lors de la découverte d'un diabète de type 2
apports énergétiques, la charge glycémique, chez un sujet en surpoids ou obèse, le régime
les apports en acides gras saturés et les a pour but premier d'obtenir une perte de
apports sodés en maintenant néanmoins une poids par un régime de restriction calorique
alimentation structurée, équilibrée, diversifiée pour améliorer la sensibilité à l'insuline qui
et palatable. se traduit par une amélioration des glycémies
moyennes. La restriction énergétique com-
Réduire les apports énergétiques
porte habituellement une moindre consom-
L'objectif devrait être de diminuer l'IMC de 5 à mation de produits sucrés. La diminution
10 % quand il est supérieur à 27. de la charge glycémique est obtenue par la
Le degré de la restriction calorique dépend de diminution de la consommation des aliments
l'importance de l'excès de poids et, surtout, glucidiques à index glycémique élevé et par
des données de l'enquête alimentaire qui la réduction globale des apports glucidiques
permettent de préciser le niveau des apports (implicite dans un régime hypocalorique) mais
énergétiques. La modification des habitudes sans exclusion des aliments glucidiques « com-
de vie et la modification des habitudes ali- plexes » et riches en fibres.
mentaires sont intimement liées. La prescrip- Les glucides doivent représenter entre 50 et
tion d'un régime hypocalorique n'a de sens 55 % de l'apport énergétique total. Les glu-
que si elle s'accompagne d'une lutte contre cides complexes sont présents dans différents
la sédentarité et d'une correction des erreurs groupes d'aliments (céréales : riz, blé, maïs,
alimentaires. Une large place doit être faite à seigle, avoine… ; produits céréaliers : pain,
l'activité physique, à la régularité de la prise pâtes, biscottes, semoule, polenta ; légumes
alimentaire dans de bonnes conditions et secs : lentilles, pois cassés, pois chiches, hari-
à la maîtrise des facteurs psychologiques à cots secs, fèves…). Ces aliments glucidiques
392
Chapitre 38. Fiches diététiques
gagnent toujours à être consommés sous une des laitages, constituent souvent un piège
forme solide et peu raffinées en raison d'un pouvant aboutir à une augmentation de la
moindre impact sur la glycémie postprandiale. consommation globale.
Les édulcorants intenses (aspartame, stévia, L'estimation de la quantité de glucides fournis
etc.) sont à utiliser avec discernement dans la par l'alimentation est souhaitable et peut être
mesure où ils peuvent renforcer le goût pour acquise dans le cadre d'un programme d'édu-
le sucre. Les aliments allégés, à l'exception cation thérapeutique.
393
Partie V. Fiches diététiques
▶
Fiche diététique 38.7
Aide au choix des aliments dans l'optique d'une perte de poids en cas d'intolérance
glucosée ou de diabète de type 2.
394
Chapitre 38. Fiches diététiques
Repas types
Repas 1 Repas 2
Petit déjeuner Thé ou café sans sucre Bol de café au lait
2 tranches de pain complet ou aux 3 biscottes
multicéréales 1 càc de confiture
Beurre < 10 g 1 orange
Yaourt nature
Déjeuner Salade de crudités à volonté Radis
assaisonnée Dos de cabillaud
Viande grillée (100 g) 2 pommes de terre vapeur
4 càs de pâtes Brocolis à volonté
1/2 tranche de pain 1 tranche de pain
30 g de fromage < 45 % MG 1 yaourt nature
Fruit
Dîner Soupe de légumes Omelette (2 œufs)
Blanc de poulet Salade (assaisonnement à l'huile d'olive)
Haricots verts 2 tranches de pain
2 tranches de pain Fromage de Comté (30 g)
Fruit 1 salade de fruits sans sucre
Repas festif
Un repas festif est synonyme d'apport calo- et… ne pas oublier d'avoir 6 morceaux de
rique excessif (de l'ordre de 500 kcal de la sucre sur soi.
mise en bouche au dessert) et d'horaires déca- En cas de traitement par l'insuline antici-
lés et a, par définition, un caractère exception- per l'hyperglycémie par une augmentation
nel et inhabituel. Il n'y a évidemment pas de modérée de la dose (+ 2 unités) au moment
fiche diététique possible pour faire face à un de passer à table. En cas de traitement
repas festif. Néanmoins la connaissance de par pompe choisir l'injection d'un bolus
quelques conseils de bon sens évite des inci- « carré ». En cas de traitement oral, ne rien
dents gênants (hypoglycémie) ou une hyper- modifier.
glycémie majeure. Ne pas surestimer les apports glucidiques
Ne pas modifier la composition et les car tous les mets d'exception ne sont pas
horaires du petit déjeuner et du déjeuner glucidiques (huîtres et autres fruits de mer,
(si le repas festif a lieu le soir). Ne pas sauter foie gras, saumon, pièce de viande…).
le repas du soir si le repas festif a lieu au Évaluer grossièrement la quantité de glu-
déjeuner. cides à index glycémique bas ingérés avant
Ne pas aborder un repas de fête sans avoir d'aborder le dessert et compenser des
à disposition la panoplie permettant de apports glucidiques insuffisants par une
contrôler la glycémie, d'injecter l'insuline tranche de pain.
▶
395
Partie V. Fiches diététiques
▶
Fiche diététique 38.8
Ne pas grignoter de pain en attendant les même si la consommation modérée de
plats. boissons alcooliques est autorisée chez
Limiter la consommation des boissons alcoo- le patient diabétique au cours d'un repas
liques à trois verres maximum : un à l'apéritif, festif, elle est à éviter quand le sujet a une
un avec le plat de poisson et un avec le plat de hypertriglycéridémie.
résistance et le fromage. Ne pas consommer Se limiter à une portion de dessert quitte
de boissons alcooliques pendant le dessert et à prendre deux demi-portions s'il y a deux
ne pas succomber à la tradition du digestif. desserts. La salade de fruit ou un fruit sont
La consommation de boissons sucrées les desserts de choix.
sans alcool est fortement déconseillée Après le repas festif, ne pas modifier les habi-
chez le patient diabétique, en particulier tudes alimentaires et les horaires au prétexte
quand elles sont consommées en début de vouloir « rattraper » les excès. Corriger
de repas, c'est-à-dire au moment où elles secondairement une hyperglycémie impor-
sont le plus hyperglycémiantes. Enfin, tante en adaptant le traitement.
396
Chapitre 38. Fiches diététiques
397
Partie V. Fiches diététiques
▶
Fiche diététique 38.9
Dîner
Potage de légumes
Viande, poisson ou œuf
Légumes
Féculents (ou pain)
Laitage
1 portion de fruit cru
Avant le coucher : une collation glucido-protéique
1 tranche de pain complet et 1 yaourt
ou 1 tranche de pain, un fruit et 1 yaourt
Diabète de l'enfant
Les grands principes Le repas est le même que celui du reste de la
famille et de la fratrie, moyennant un amé-
Couvrir les besoins nutritionnels nagement des quantités à l'âge et à l'activité
Les besoins nutritionnels sont les mêmes physique, afin que l'enfant ne soit pas isolé.
que ceux des autres enfants. Aucun aliment Le repas familial devrait être exemplaire :
n'est véritablement interdit. Toutefois, le bon équilibré, structuré (avec idéalement un ali-
contrôle du diabète suppose une alimenta- ment de chaque classe alimentaire), pris à
tion régulière, équilibrée avec une teneur en horaires réguliers dans le calme.
glucides maîtrisée et reproductible d'un jour Chaque repas devrait apporter au moins
à l'autre. L'alimentation est synchronisée par un féculent ou équivalent : pain, pâtes, riz,
rapport à l'action de l'insuline sans fraction- pommes de terre, légumes secs.
nement des apports a priori. En effet, il n'y Repas de fête
a pas lieu de réduire les apports glucidiques
Ils sont possibles en respectant des règles
pour normaliser la glycémie mais d'adapter les
doses d'insuline. simples : pas d'injection d'insuline rapide
Le diabète ne modifie pas les besoins nutri- avant le début du repas, compenser le
tionnels qui sont définis par l'âge, la corpu- manque de féculents par du pain, consommer
lence et le niveau d'activité physique. Un les aliments sucrés à l'issue du repas, ne pas
enfant sous insuline n'est pas plus à risque de oublier que l'eau est la boisson de base.
prendre du poids qu'un autre enfant. Collations
La consommation d'une quantité fixe de glucides Le goûter n'est pas indispensable pas plus que
à chaque repas permet de simplifier le choix de
les autres collations qui sont à négocier selon
la dose d'insuline. Le pain sert de variable d'ajus-
les objectifs du traitement insulinique.
tement lorsque le repas n'apporte pas suffisam-
La consommation de produits sucrés devrait
ment de féculents (ex. : salades de crudités,
être occasionnelle et consciente. Bien que le
steak, haricots verts, faisselle).
recours aux édulcorants intenses soit possible
398
Chapitre 38. Fiches diététiques
après l'âge de 3 ans il ne doit pas être encou- d'une part sur l'apprentissage de la lecture
ragé afin de déshabituer l'enfant du goût sucré. des étiquettes nutritionnelles des produits
manufacturés et des équivalences gluci-
Éducation nutritionnelle et erreurs
diques des aliments et d'autre part sur la
alimentaires
prévention et la correction des principales
L'éducation nutritionnelle concerne à la fois erreurs alimentaires.
les parents et l'enfant. Elle devrait porter
399
Partie V. Fiches diététiques
▶
Fiche diététique 38.10
sucres complexes (sucres lents contenus dans chaque journée alimentaire devrait propo-
les féculents). Même si cette distinction pra- ser trois produits laitiers et cinq portions de
tique souffre des exceptions (c'est la raison fruits et légumes ;
d'être de l'index glycémique plus difficile à les aliments « gras » et les plats en sauce
utiliser en pratique) elle permet de composer sont à éviter ;
les repas en appliquant la règle d'au moins un la consommation maîtrisée de boissons et
féculent ou équivalent à chaque repas (pain, produits sucrés est indiquée pour les jours
pommes de terre, riz, pâtes, légumes secs…) : de sport intense ou pour la correction
un « féculent » = pain + légumes = un peu d'une hypoglycémie.
de pain et un peu de féculent ; Certains aliments et certaines erreurs alimen-
la consommation de produits sucrés doit taires méritent d'être listées.
être très occasionnelle et toujours au sein
d'un repas mixte ;
Petit déjeuner 1 bol de lait 1/2 écrémé, cacao en poudre, 2 tranches de pain beurré
Collation de 10 heures 1 tranche de pain ou 2 biscuits au germe de blé et 1 fruit
Déjeuner Salade de concombre-vinaigrette, poisson, riz (3Ŕ4 càs), yaourt, 2 kiwis
Collation goûter Céréales sans sucre (30 g), 1 carré de fromage blanc
Dîner Salade de carottes, poulet rôti, pâtes (3Ŕ4 càs), 1/2 tranche de pain, 1 pomme
400
Chapitre 38. Fiches diététiques
Repas type
Petit déjeuner 1 bol de lait 1/2 écrémé ou café ou thé au lait, 2 tranches de pain complet ou 1/4 de
baguette ou 1 portion de muesli, 1 orange
Déjeuner Crudité de légumes, dos de cabillaud, riz 3-4 càs, 1/2 tranche de pain complet, yaourt
ou petit-suisse, 1 pomme
Diner Soupe de légumes, 1 tranche mince de jambon dégraissé, salade verte, 1 tranche de
pain, 1 portion de camembert
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