Reg 0035-2039 1967 Num 80 379 3944
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Résumé
Dans le passage du Cratyle qui donne l'étymologie de ἥρως (398 D-E), φωνή est à traduire par « orthographe » et l'expression
κατά τὴν Άττικὴν τὴν πάλαιὰν φωνήν fait allusion à la réforme qui avait été introduite dans la graphie attique en 403/402 sous
l'archontat d'Euclide.
Leroy Maurice. Sur un emploi de φωνή chez Platon. In: Revue des Études Grecques, tome 80, fascicule 379-383, Janvier-
décembre 1967. pp. 234-241;
doi : https://doi.org/10.3406/reg.1967.3944
https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1967_num_80_379_3944
(7) Voyez dans l'imitation que Molière, Le Misanthrope, Acte II, Se. V α
faite de ce passage —· à travers l'adaptation de Lucrèce, De rerum nalura, IV,
1160-1170 — ces deux vers (715-716) :
Ils comptent les défauts pour des perfections,
Et savent y donner de favorables noms.
(8) Nous laissons de côté les passages 321 D et 321 Ε de la Lettre V (où φωνή
a un sens semblable) qui est un texte manifestement apocryphe.
(9) "Ισως οδν και το χαλεπόν αδ οι Κεΐοι καί ό Σιμωνίδης ή κακόν ύπολαμ-
βάνουσιν ή άλλο τι δ σύ ού μανθάνεις * έρώμεθα οδν Πρόδικον " δίκαιον γαρ τήν
Σιμωνίδου φωνήν τοϋτον έρωταν : il s'agit donc bien de la langue employée par
Simonide comme le montre la longue discussion (340 E-347 A) qui s'engage à ce
propos et il n'est pas justifié de traduire ici φωνή par « maxime, sentence » ou
« phrase, saying » comme le font les dictionnaires de Bailly et de Liddell-Scott-
Jones.
(10) Dans une communication faite aux journées d'étude du Centenaire de
l'Université de Jassy (Du « Cratyle » de Platon à la linguistique moderne dans
Analele §tiinfiflce aie Unwersifalii « Al. I. Cuza » din Iasi, sect. Ill, t. VI, 1960,
fasc. 2 : Supliment, pp. 41-44), nous avons esquissé cette position à laquelle nous
comptons revenir bientôt de façon plus détaillée. Sur le plan philosophique
(place du dialogue dans l'évolution de la pensée platonicienne), de nombreuses
SUR UN EMPLOI DE φωνή CHEZ PLATON 237
éludes ont été consacrées au Cralule ; la plus pénétrante reste celle de V. Gold-
sc ii mi ut, Essai sur le « Cratyle », Paris, 1940.
(11) On notera d'ailleurs que, parallèlement à cette conception
néogrammairienne, des études se développent aujourd'hui sur le plan d'une étymologie
statique qui groupe les mots selon le champ sémantique auquel ils appartiennent ;
cf. notre volume Les grands courants de la linguistique moderne (Paris-Bruxelles,
l'.»63), pp. 166-172.
238 MAURICE LEROY
θέντος ή θεοΰ θνητής ή θνητού θεάς. 'Εάν οΰν σκοπης και τοΰτο κατά
την Άττικήν την πάλαιαν φωνήν, μάλλον εϊσει ' δηλώσει γάρ σοι
δτι παρά το του έρωτος όνομα, Οθεν γεγόνασιν οι ήρωες, σμικρόν
παρηγμένον εστίν ονόματος χάριν. Και ήτοι τοΰτο λέγει τους ήρωας,
ή δτι σοφοί ήσαν και ρήτορες δεινοί και διαλεκτικοί, έρωτάν ικανοί
οντες * το γαρ εΐ'ρειν λέγειν εστίν. "Οπερ ουν άρτι λέγομεν, εν τη
'Αττική φωνή λεγόμενοι οί ήρωες ρήτορες τίνες και έρωτητικοί
συμβαίνουσιν, ώστε ρητόρων και σοφιστών γένος γίγνεται το ήρωικόν
φΰλον (398 D-E).
Soulignons tout d'abord, dans ce passage comme dans nombre
d'autres, le sourire de Platon, ce sourire discret qui apparaît même
dans les pages les plus austères et qui contribue tant au charme
prenant des Dialogues : car, en énumérant les évocations suggérées
par le mot ήρως, notre philosophe ne fait que tracer avec beaucoup
de finesse et une apparente candeur le portrait psychologique du
Grec πολύμητις, intelligent , débrouillard, voire retors, qui, par son
éloquence subtile et ses questions insidieuses, est apte à triompher
dans les jeux de la discussion rhétorique...
Pour la forme, ήρως est donc comparé successivement à έρως,
έρωτάν et είρειν et on en appelle à l'« ancienne φωνή attique » : dans
le premier cas on dit qu'il y a eu un léger changement (σμικρόν
παρηγμένον), dans les deuxième et troisième, on confronte
simplement ήρως avec έρωτάν et είρειν. Nous croyons que Platon se réfère
ici à un événement récent qui, dans le milieu cultivé où il évolue,
devait avoir eu un certain retentissement : en 403/402, sous l'archon-
tat d'Euclide, Athènes adoptait une proposition d'Archinos et
imposait désormais, dans les documents officiels comme dans la pratique
de l'enseignement, l'usage de l'alphabet milésien (12) ; la décision
était d'importance, car les autres cités suivirent bientôt l'exemple
attique et cette unification de la graphie préluda à l'établissement
de la κοινή.
L'innovation essentielle (outre l'introduction des lettres doubles
Ξ et Ψ) consistait en la distinction de la quantité et du timbre des
voyelles e et o. L'ancien alphabet ne comportait en effet pour les
(12) Get edit ne faisait que ratifier une tendance décelable à partir du milieu
du ve siècle dans les inscriptions attiques où les notations ioniennes gagnaient
constamment du terrain ; cf. W. LARFEr.n, Griechische Epigraphik, 3e éd.
(Munich, 1914), pp. 257-263.
SUR UN EMPLOI DE φωνή CHEZ PLATON 239
vers le deuxième siècle de notre ère : Suétone, Apollonius Dyscole, Sextus Empi-
ricus ; chez Vitruve, orthographia est un terme d'architecture (« plan en
élévation »).
(19) L'explication est en effet passablement embrouillée : le beau (καλόν)
serait appelé ainsi parce que c'est la pensée qui donne son appellation (καλούν)
aux beaux ouvrages qu'elle conçoit !
SIR IN EMPLOI DE φωνή CHEZ PLATON 241
(20) Preuve de plus que ει et ου étaient bien sentis comme des digrammes
valant non une diphtongue mais une voyelle longue ; ει et οδ sont d'ailleurs en
attique les noms des voyelles fermées (brèves ou longues) par opposition à ήτα
et & (ώ μέγα est tardif) qui désignent les voyelles longues ouvertes ; cf. Schwyzer,
Griech. Gramm., t. I, p. 140.
(21) Introduite par L. Méridier dans l'édition Budé (Paris, 1931, p. 73) du
Cratyle et généralement admise par les éditeurs et commentateurs modernes,
ainsi Goldschmidt, Essai sur le « Cratyle », p. 113. Toutefois Fowler conserve
à juste titre la leçon des manuscrits.