Anthropologie Juridique Semestre I
Anthropologie Juridique Semestre I
Anthropologie Juridique Semestre I
Introduction générale:
Cette introduction générale vise à préciser l’objet et le champ d’investigation de
l’anthropologique juridique. Ce faisant, nous verrons d’abord la définition et l’historique de
la matière, ensuite nous la situerons par rapport à d’autres disciplines proches.
L’anthropologie juridique est née certes des voyages et découvertes réalisés dans les
siècles qui ont précédé, mais c’est à travers les études menées par de nombreuses écoles
qu’elle s’est développée. Ainsi, nous verrons d’abord les grands courants, ensuite les
principales méthodes d’investigation et enfin quelques concepts majeurs de la discipline
.
CHAPITRE I : LES ECOLES ET LES COURANTS EN ANTHROPOLOGIE
Il y a les premières écoles qui ont posé les jalons de la discipline qu’on qualifie aujourd’hui
de courant traditionnel et les écoles plus récentes appelées courant moderne.
A l’instar de ces théories, d’autres courants ont fait leur apparition au XXème siècle.
2
Sur les théories juridiques de Malinowski, cf. I. Schapera, Malinowski's Theories of Law, in Man and
Culture, R. Firth ed., Londres, Roudedge & Kegan Paul, 1968, 139-155.
L’analyse processuelle : Elle prend le contre-pied de l’analyse normative : elle refuse de lier
le droit à l’existence d’une sanction émanant d’un pouvoir central. Le droit doit être défini par
sa fonction et non par les modalités de ses manifestations. Le droit assume avant tout une
fonction de réciprocité : la force qui lie les individus et les groupes et permet la vie en société
résulte de rapports réciproques d’obligations. C’est la réciprocité de ces obligations qui assure
la cohérence de la société, et non une contrainte exercée par une autorité centrale ou l’Etat.
Autrement dit, le comportement d’un individu est plus modèle par les relations sociales que
par des normes et institutions.
Qu’est-ce qu’un comportement juridique ? Pour la plupart des acteurs, c’est à l’occasion de sa
contestation que l’on peut le mieux saisir ce qu’est le droit effectivement vécu et observe par
les individus. Le droit est donc plus explicite par des processus (les modalités de règlement
des conflits) que par ces normes.
L’analyse processuelle est fondée sur l’analyse de cas.
L’analyse processuelle offre beaucoup d’avantages, d’une part, d’un point de vue
anthropologique : elle se prête infiniment mieux que la normative à la comparaison
interculturelle et ramène nombre de société dans l’orbite du droit. Sur le plan juridique, elle
conforte les tenants de la thèse de l’universalité du droit. D’autre part, elle est plus adaptée
que la normative à l’étude du changement. Etude si importante aujourd’hui ou l’on assiste à la
multiplication des phénomènes d’acculturation. Enfin, elle permet d’intégrer au vécu les
représentations idéales, car la décision rendue dans un litige à tendance à devenir un modèle
pour la solution des cas semblables dans l’avenir (c’est la base de l’idée actuelle de
jurisprudence).
Cependant, si l’analyse processuelle permet une connaissance plus large des
phénomènes juridiques que l’approche normative, la méthode du cas sur laquelle elle s’appuie
ne peut prétendre en restituer la totalité, car le droit n’est pas réductible aux seuls processus
conflictuels. Parce que l’obéissance au droit constitue la forme la plus courante d’observation
du droit.
Comme l’a affirmé Nobert Rouland, l’homme peut aussi vivre le droit en dehors du conflit.
C’est pour cela que certains auteurs (J.-L. Comaroff et S. Robert : Rules and Processes, 1981)
ont estimé qu’il est nécessaire de substituer au dualisme normatif/processuel une approche
synthétique. L’étude des normes n’est pas inutile, non seulement dans leur contenu, mais
surtout la façon suivant laquelle, les parties au litige les conçoivent et les négocient au cours
des conflits. Les règles ne sont pas seulement un cadre, mais aussi un enjeu. On doit
également étudier les raisons pour lesquelles elles sont appliquées, négligées ou violées, et la
séquence du conflit peut effectivement être un bon terrain d’observation.
1. La culture est avant tout un appareil instrumental qui permet à l'homme de mieux
résoudre les problèmes concrets et spécifiques qu'il doit affronter dans son milieu.
2. C'est un système d'objets, d'activités et d'attitudes dont chaque élément constitue un
moyen adapté à une fin.
3. C'est un tout indivis dont les divers éléments sont interdépendants.
4. Ces activités, ces attitudes et ces objets sont organisés autour d'une besogne
importante et vitale et forment des institutions comme le clan, la tribu, la famille, la
communauté locale ainsi que des équipes organisées de coopération économique,
d'activité politique, juridique et pédagogique.
Malinowski considère la théorie des « besoins » comme le fondement de son édifice Ainsi, il
part du constat que les hommes ont des besoins universels. La culture est un moyen qui
permet de les satisfaire. A chaque besoin, il y a une réponse culturelle. On peut ainsi dresser
un tableau à deux colonnes, où les rubriques de l’un à l’autre se répondent.
A. B.
Besoins élémentaires Réponses culturelles
1- Métabolisme. 1- Subsistances.
2- Reproduction. 2- Parenté.
4- Sécurité. 4- Protection.
5- Mouvement. 5- Activités.
6- Croissance. 6- Éducation.
7- Santé. 7- Hygiène.
Cependant, les besoins humains sont de plusieurs sortes. D’abord, les besoins primaires, que
l’homme partage avec les animaux et qui manifestent sa constitution biologique : besoin de
nourriture, de reproduction, de conservation, de protection contre les intempéries et les
espèces hostiles, etc. Certains sont cependant propres à l’espèce humaine : ainsi, ceux qui sont
liés à la longue durée de l’enfance, exigeant protection particulière. L’homme, moins armé
physiquement que les animaux, plus armé intellectuellement résout ses problèmes
fondamentaux de façon plus complexe : culturelle.
Il doit en outre satisfaire des besoins « dérivés », ce qui conduit à des élaborations culturelles
plus complexe encore. Ces besoins dérivés n’apparaissent que chez l’homme. Ils résultent de
sa vie en groupe : besoin de transmettre la culture auquel répondra un système d’éducation,
besoin de communiquer auquel répondra le langage.
Une troisième catégorie des besoins complètera le tableau de Malinowski. Ainsi, au besoin
d’exprimer des sentiments collectifs et au besoin d’exprimer un sentiment de confiance
correspond à un sentiment religieux. Il s’agit là des besoins « intégratifs » ou « synthétiques ».
Ainsi, B. Malinowski envisage la culture comme « une totalité cohérente, et tous les aspects
qu’elle présente, parenté, religion, économie, politique etc. ne peuvent à aucun cas être
interprété séparément ».
Paragraphe 2 : Le structuralisme
Claude Levis Strauss (1908) est le fondateur de l’école structuraliste. Il interprète toute
la réalité sociale par la théorie des échanges, de la réciprocité et de la « communication ».
C’est par ce biais, à son sens que l’analyse « des règles de jeu social » est plus efficace.
La communication des femmes « parenté et mariage », la communication des messages
« linguistique » et celle qui porte sur les biens et services « économie » fournissent des points
d’attaque privilégier de la réalité sociale. En fondant ainsi son système social sur la
communication, l’homme passe de l’état de nature à l’état de culture.
C. Lévi-Strauss note que : « l’anthropologie vise à une connaissance globale de l’homme
embarrassant son sujet dans toute son extension historique et géographique, aspirant à
une connaissance applicable à l’ensemble du développement humain ; et tendant à des
conclusions positives ou négatives, mais valable pour toutes les sociétés humaines depuis
la grande ville moderne jusqu’à la petite tribu mélanésienne. »
Autrement dit, Levis Strauss s’intéresse aux sociétés moyennement avancé car selon lui, ce
sont ces sociétés qui révèlent très nettement le système de parenté et la relation entre celle-ci
et le système linguistique. Ainsi déclare-t-il, « l’anthropologie est l’exploration de la
relation authentique et de la communication non pervertie, la recherche de ce que
l’homme a de plus profond, ces structures inconscientes »
Pour appréhender la réalité sociale, Levis Strauss distingue trois niveaux de la recherche :
1- l’ethnographie : qui correspond à la collecte des informations préliminaires sur la
société
2- l’ethnologie : qui correspond à la première phase d’analyse et de synthèse assortie
d’observation
3- l’anthropologie : qui s’attache à faire une connaissance globale de l’homme.
Ainsi, sa notion de structure se rapporte au modèle construit sur la réalité sociale. Les
instruments de la science structurale sont donc la construction de modèle. Et le modèle est une
hypothèse de travail construite à partir de la réalité sociale. Il devient structure quand il passe
au plan de la théorie. Pour cela, le modèle doit remplir quatre conditions pour qu’il soit une
structure :
1- Avoir un caractère de système (la cohérence)
2- appartenir à un groupe de transformation dont chacun correspond à un modèle
3- permettre la prévision et l’anticipation (comment le modèle réagira en cas de
modification de l’un de ces éléments)
4- rendre compte des faits observés
Paragraphe 1: Le sondage
Il s’agit d’interroger un nombre représentatif de personnes appartenant à des groupes bien
définis, qu’elles représentent du point de vue statistique.
Tous les membres d’un groupe ne peuvent pas toujours être interrogés. Il faut disposer d’un
échantillon représentatif.
L’enquête reposant sur un tel principe s’appelle un sondage.
On peut constater qu’il soit possible de savoir ce que pensait l’ensemble d’une population en
n’interrogeant qu’un échantillon aussi restreint qu’un millier ou deux de personnes. On peut
critiquer le fait que certaines questions orientent à la base les réponses. On peut discuter de la
fiabilité d’un sondage, de ses objectifs avoués ou non.
Mais à son avantage, la technique paraît simple, banale, sûre. Elle a fait ses preuves en
matière d’enquêtes sur les intentions de vote. On peut corriger certaines déviations, par
exemple apporter une attention spéciale à la formulation des questions.
Quoiqu’il en soit, il existe une grande diversité entre les enquêtes réalisées par les instituts de
sondage points communs entre les opérations estimations après la clôture d’un scrutin, les
enquêtes sur les intentions de vote, les enquêtes périodiques sur les cotes de popularité des
leaders, des enquêtes d’opinion sur de grands sujets ...
Paragraphe 2: La modélisation mathématique
C’est une méthode d’analyse quantitative qui consiste à produire “une analyse globale de
l’interaction réciproque des facteurs par simulation”. En anthropologie, la modélisation
mathématique n’utilise pas un seul langage comme la norme dans le domaine juridique, mais
recherche également d’autres facteurs et leurs interactions pour parvenir à des conclusions
anticipant des résultats futures.
La plupart des anthropologues du Droit sont aujourd'hui très sensibles aux divers thèmes
envisagés par les théories du pluralisme juridique. Ces anthropologues forment depuis une
dizaine d'années une communauté internationale, qui demeure marquée par de grandes
disparités du développement de la discipline dans chaque nation.
Le pluralisme juridique 4
Il y a de certaines idées d'uniformité qui saisissent quelquefois les grands esprits [...] mais
qui frappent infailliblement les petits [...] la grandeur du génie ne consisterait-elle pas à
savoir dans quel cas il faut l'uniformité, et dans quels cas il faut des différences ? [...]
Lorsque les citoyens suivent les lois, qu'importe qu'ils suivent la même ?
Montesquieu, L’Esprit des lois,
XXXIX, 18.
4
Cf. J. Vanderlinden, Le pluralisme juridique. Essai de synthèse, dans Le pluralisme juridique, J. Gilissen, éd.
Univ. Bruxelles, 1972, 19-56 ; J. Griffiths, What is Legal Pluralism ? Journal of Legal Pluralism 24, 1986, 1-
55 ; N. Rouland, Pluralisme juridique, dans Dictionnaire de théorie et de sociologie juridique, dir. A. J.
Arnaud, Paris, LGDJ, 1988, 303-304.
Le pluralisme juridique est l'une des thématiques importantes des recherches en anthropologie
juridique. Pour Jacques Vanderlinden, doyen de l'Université de Moncton, « le pluralisme
juridique (peut) être considéré comme la soumission simultanée d'un individu à une
multiplicité d'ordonnancements juridiques. Dès lors l'expérience nous apprend que le
pluralisme est de l'essence même du droit. »5 Concrètement, on peut observer cette situation,
dans beaucoup d’Etats ; en revanche, l'histoire juridique et politique française est un long
processus qui a tout mis en œuvre pour freiner le pluralisme juridique. Précisons que le
pluralisme juridique n'est pas un but en soi. A la fois processus et fruit de ce processus
juridique, il est un phénomène qui reflète et tente de répondre aux aspirations sociales des
populations qui expriment le besoin de ce pluralisme juridique.
Le pluralisme juridique est un courant doctrinal. Il insiste sur le fait que toute société, à
des degrés d'intensité variable, possède une multiplicité hiérarchisée d'ordonnancements
juridiques, que le Droit officiel reconnaît, tolère ou nie. Selon la définition de J. Griffiths
(1986), il y a pluralisme juridique lorsqu’ on peut discerner des comportements relatifs à
plus d'un seul ordre juridique dans un champ social déterminé.
Sur le plan méthodologique, les diverses théories du pluralisme juridique insistent sur la
nécessité de rechercher les manifestations du Droit ailleurs que dans les domaines où la
théorie classique du Droit les situe.
Sur le plan politique, les mêmes théories relativisent la tendance de l'État à se présenter, par
le relais de la prééminence de la loi dans la hiérarchie des sources du Droit, comme la source
principale ou exclusive du Droit.
Si, d'après leurs partisans, le pluralisme juridique est un phénomène universel (toute
société pratique plusieurs systèmes de Droits), certaines le valorisent plus que d'autres.
Dans les sociétés traditionnelles, la cohérence de la société est assurée par des
représentations (légitimées par des mythes) insistant sur la complémentarité entre les groupes
sociaux. La forme minimale de pluralisme juridique réside alors dans la différence
existant entre les règles régissant les rapports externes ou internes aux groupes (comme
pour le contrat, la propriété et la vengeance). Dans les sociétés occidentales modernes, la
tendance de l'État à monopoliser le Droit l'incite à la diffusion d'une idéologie présentant
5
VANDERLINDEN Jacques, "Vers une nouvelle conception du pluralisme juridique." Revue de la recherche
juridique. Droit prospectif, 1993-2, pp. 573-583, p. 582.
l'uniformité du Droit comme le souverain Bien (l'apogée du système légaliste, sous la
Révolution, en est un bon exemple).
À l'heure actuelle, on doit constater que l'anthropologie juridique, qui s'est formée grâce aux
données collectées dans les anciens territoires coloniaux, reste un luxe de pays occidentaux
industrialisés.
6
Cf. P. Fitzpatrick, Is it simple to be a Marxist in Legal Anthropology ?, Modem Law Review, 48, 1985, 472-
485.