Le Mal en Ce Jardin... Nathalène Isnard-Davezac
Le Mal en Ce Jardin... Nathalène Isnard-Davezac
Le Mal en Ce Jardin... Nathalène Isnard-Davezac
Nathalène Isnard-Davezac
Dans Le Coq-héron 2009/1 (n° 196), pages 20 à 27
Éditions Érès
ISSN 0335-7899
ISBN 9782749210384
DOI 10.3917/cohe.196.0020
© Érès | Téléchargé le 18/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 146.70.194.83)
Le mal en ce jardin 1…
Par le Serpent, nous dit la Bible, le mal s’introduit dans la Création. Bien que
le mal ne fasse pas partie de l’appareil conceptuel de la psychanalyse, son repé-
rage dans la pratique clinique, ainsi que les constructions théoriques auxquelles ses
manifestations protéiformes ont donné lieu, permettent d’en considérer l’action et
les effets, à la fois comme la butée et comme l’un des points d’ancrage de la théorie
freudienne des pulsions…
Si je me suis intéressée au célèbre passage où le Serpent dialogue avec Ève,
dans le second récit de la Création, ce n’est pas pour y chercher une réponse aux
questions posées par les aspects les plus obscurs de la psyché mais parce que ce
texte interprète, dans le langage, le discours, et les images qui lui sont propres, l’hu-
main aux prises avec le mal. Dans cette perspective j’ai privilégié comme axes de
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Un interdit paradoxal ?
Peu avant que le Serpent fasse irruption dans ce récit, la Bible nous conte que :
« Iahvé Elohim prit l’homme et l’installa dans le jardin d’Éden pour le cultiver et
pour le garder. »
Dans la perspective du judaïsme, Dieu n’a pas créé l’homme pour qu’il
demeure dans la paresseuse quiétude d’un univers sûr et protégé car, sous la méta-
phore bucolique, c’est un programme de vie, une éthique qui lui est proposée :
cultiver le jardin, c’est préférer à toute autre voie d’accomplissement celle de la
connaissance. C’est, pour le dire autrement, travailler à donner du sens à ce qui est
inaccessible à l’entendement humain, non dans une visée de récompense ou de féli-
cité mais dans celle d’une quête de la vérité recherchée pour elle-même, parce c’est
sur cette exigence de vérité que se fonde le plus sûrement la relation de l’homme
1. Conférence du 15.12.2007
au IVe Groupe OPLF. à lui-même, à ses frères en condition humaine, au monde qui l’environne et au
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C’est à l’homme que Dieu a adressé son commandement. Il avait été promu
gardien du jardin d’Éden, voilà que maintenant il devient gardien de l’interdit alors
que la femme n’a pas encore d’existence. Or c’est à elle, et à elle seule, que va
s’adresser le discours du Serpent. Pourquoi s’adresse-t-il à la femme et non à l’homme
qui a reçu le commandement et la Loi ? Où est donc Adam ? Pourquoi le Serpent
va-t-il instituer la femme, à son insu, comme instrument métonymique de l’objet de
la connaissance, le fruit interdit, qu’elle va prendre puis donner à l’homme ? Pour-
quoi en fait-il la médiatrice entre l’interdit et la transgression, le vecteur inconscient
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Bibliographie
Résumé
En avançant pas à pas dans le récit de la rencontre d’Ève avec le Serpent que nous
propose la Bible, cet article interroge le statut de la connaissance – notion qui circule
tout au long de ce texte – dans sa relation aux couples bien/mal, vie/mort : valeur éthique
ou source d’excitation pulsionnelle ? Appel à la sublimation ou incitation à la transgres-
sion ? Dans le droit fil de cette interrogation, il s’intéresse plus particulièrement à la
figure du Serpent, à la fonction symbolique qu’il occupe dans ce récit, à sa complexité
en tant qu’agent du mal.
Mots-clés
Adam, Ève, bien, mal, loi, connaissance, mélange.
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