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ΕΚΔΟΣΙΣ

Author(s): B. A. van Groningen


Source: Mnemosyne, Fourth Series, Vol. 16, Fasc. 1 (1963), pp. 1-17
Published by: BRILL
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/4428739 .
Accessed: 28/08/2014 13:32

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????S?S

PAR

?. ?. VAN GRONINGEN

Le but du pr?sent article est de pr?ciser le sens du substantif


e?d?s??, ainsi que celui des termes apparent?s, dans la mesure o? ils
se rapportent ? la diffusion des textes antiques. On a l'habitude de le
traduire, et machinalement,
directement par ??dition". Nous allons
voir jusqu'? quel point cette traduction est exacte ou fausse.
Distinguons-le d'abord de deux autres termes, d??d?s??*) et
pa??d?s??. Tous les trois s'emploient pour indiquer une phase
sp?ciale de l'histoire d'un texte et d'un livre. Il est ?vident ? priori
que l'ordre chronologique est: ?'?d?s??, d??d?s??, pa??d?s??. Mais,
puisque la premi?re fait l'objet de cette ?tude, disons au pr?alable
quelques mots des deux autres, qui pr?tent beaucoup moins ?
discussion.
Ce n'est pas, en v?rit?, la pa??d?s??
des livres eux-m?mes qui nous
int?resse, puisqu'elle n'implique que le passage de main en main, de
g?n?ration en g?n?ration, de si?cle en si?cle, des rouleaux de
papyrus ou des codex de papyrus ou de parchemin, au sens mat?riel
du mot. C'est plut?t celle des textes. A part les changements
apport?s par les correcteurs successifs, le texte reste, dans un livre
d?termin?, quelle que soit la forme mat?rielle de celui-ci, ce qu'il
?tait d?s la d?but. La v?ritable pa??d?s?? commence quand le
texte est recopi? et passe de manuscrit en manuscrit. Ceci l'expose
? des risques d'alt?ration, plus ou moins graves d'apr?s les circon-
stances, ce qui nous permet souvent d'en tracer l'histoire. Et, par
cons?quent, on peut lire, par exemple, dans les scholies A de
YIliade (? 138, p. 175 Dind.): ??t?? ???sta????, ?a? ?pe?s?? a?t?
? pa??d?s??, c'est ? dire le texte transmis, la vulgate, si l'on veut 2).

?) Th. Birt, Kritik und Hermeneutik (Munich 1913), 308, consid?re d??d?s??
et ??d?s?? comme synonymes. Nous verrons qu'il n'en est rien.
2) Cf. encore, p. ex., Schol. A, I 73, p. 303 Dind. ; Schol. ABT, ? 47, p. 93
Dind., etc.
Mnemosyne, XVI

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2 ????S?S

Passons ? d??d?s??. Il signifie, en g?n?ral, la distribution de


quelque chose entre plusieurs personnes: de victuailles entre les
soldats x), d'hommes ? surveiller entre les tri?rarques 2), d'argent
entre qui de droit 3). Pour ce qui est du livre, il convient de citer
avant tout un passage important de Galien. Dans l'introduction
de son De Ordine Librorum (XIX 49 ss. K., 80 s. M?.) il expose les
motifs qui l'ont engag? ? ?crire ce trait?. Voici ce qu'il dit :
1. j'ai ?crit mes ouvrages soit ? l'intention de d?butants, mes
?l?ves, soit pour des amis ;
2. je n'avais nullement le d?sir de les mettre en circulation;
3. ni d'?crire pour les g?n?rations futures;
4. en g?n?ral, ni les m?decins, ni les philosophes ne savent ce
que leurs confr?res ont ?crit ;
5. on n'apprend que difficilement ? distinguer l'ouvrage authen-
tique du faux;
6. normalement, les connaissances vont du p?re au fils, du
ma?tre ? l'?l?ve, de l'ami ? l'ami, de la c?l?brit? locale ? son en-
tourage imm?diat;
7. personnellement, je n'ai jamais tenu ? ce que mes ?crits fussent
r?pandus ;
8. pourtant un grand nombre a ?t? r?pandu malgr? moi 4) ;
9. aussi, plus tard dans la vie, j'ai souvent longtemps h?sit? avant
de confier un de mes ouvrages ? un ami.
Ces remarques sont presque toutes dignes d'attention. Nous
pouvons n?gliger ici celles qui portent les num?ros 4, 5, et 6; nous
pouvons m?me douter de la sinc?rit? de celle qui porte le num?ro 3.
Mais les autres remarques n'ont rien de subjectif; elles constatent
des faits. Or elles nous apprennent comment les ouvrages de Galien
ont trouv? des lecteurs. Ce qu'il avait ?crit, il le destinait toujours
soit ? un personnage d?termin?, soit ? ses ?l?ves, et il le mettait ?
leur disposition. Ceci implique, semble-t-il, l'existence de deux
exemplaires, celui qu'il conservait dans sa propre biblioth?que et
celui qu'il offrait au destinataire ou mettait ? la disposition des

i) X?nophon, Anab. I ??, 18.


2) Thucydide IV 38, 4.
3) D?mosth?ne, Timoth. 14.
4) Cf. Galien, De anat. admin. 1 (II 217 K.), cit? p. 14-15.

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????S?S 3

?l?ves. L'existence de ce deuxi?me exemplaire est m?me plus cer-


taine que celle du premier. Il insiste ensuite qu'il n'avait, dans
aucun de ces deux cas l'intention
(s??p?? ep' ??det???? ????t?? ???)
de les voir r?pandus dans le monde (d?ad????a? t??? ?????p???). Il
constate plut?t qu'ils ont ?t? livr?s au public contre sa volont?
(d?ad????t?? e?? p?????? ????t?? ????). Il n'est pas difficile de se
repr?senter comment cela s'est fait. L'ami a permis ? d'autres
int?ress?s de copier son exemplaire; les ?l?ves ont copi? ou fait
copier le texte afin de poss?der leur propre exemplaire, et l'ont, ?
leur tour, mis ? la disposition d'autrui. Ainsi les copies se sont
multipli?es et sont venues dans les mains
d'un grand nombre de
lecteurs sans intervention aucune de la part de l'auteur. Ce ph?-
nom?ne de distribution et de diffusion est la d??d?s??. Elle d?pend
uniquement de l'int?r?t personnel des lecteurs; elle est arbitraire;
elle n'a rien de syst?matique. On ne constate chez Galien pas la
moindre trace d'un service de librairie, aussi modeste et limit? qu'il
f?t. Notons, en passant, que Galien n'emploie nulle part dans tout
ce passage le terme ?'e?d?s??.
Rappelons ici une discussion qui a eu lieu, il y a quelque temps,
au sujet de l'intervention des libraires. D'une part x) on a argument?
que le bibliopola n'a jou? qu'un r?le excessivement restreint dans la
distribution des livres; normalement, l'exemplaire d?finitif, sortant
des mains de l'auteur, ?tait d?pos? chez un ami influent2). On a
ripost? 3), en citant surtout Martial, qu'un auteur confiait souvent
son manuscrit autographe ? un libraire, Secundus, Tryphon,
Atr?ctus, pour qu'il en confectionn?t des copies destin?es ? la
vente ; si Martial4) recommande un livre ? Faustin ou ? Julius
Martialis, il ne s'agit que d'un hommage personnel qui n'a rien ?
voir avec une v?ritable ,,publication" de son ouvrage.
Les deux points de vue p?chent par leur exclusivit?. Le d?p?t
d'un autographe, soit chez un personnage illustre, soit chez un

?) H.-I. Marrou, La technique de V?dition ? V?poque patristique, Vigiliae


Christianae 3 (1949), 208 ss.
2) Birt, o.e., 314 pr?cise m?me que cet ami prend soin de la premi?re
?dition !
3) M. H. A. van der Valk, On the Edition of Books in Antiquity, Vigiliae
Christianae 11 (1957), 1 ss.
4) ?? 2 et 5.

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4 ????S?S

libraire disposant de copistes (soit encore, comme dans le cas de


Cicer?n, chez un Atticus, qui semble avoir ?t? les deux ? la fois)
ne constitue que la toute premi?re phase de la d??d?s??, la seule
dans laquelle l'auteur intervienne. Les phases ult?rieures n'ont
rien de syst?matique, comme le texte de Galien le prouve. Chaque
copie re?ue de l'auteur ou achet?e chez un libraire, peut ?tre
recopi?e et multipli?e par n'importe qui, avec soin ou n?gligemment.
Ce proc?d? ne peut gu?re ?tre qualifi? d'?dition, voire de publi-
cation. Et puis, la situation ? Rome, capitale de l'Empire, ne
prouve rien pour la province ; Pline le Jeune x) nous apprend qu'il
doutait de la pr?sence de libraires dans une ville importante comme
Lyon. Le ph?nom?ne de la d??d?s?? ne nous permet d'aucune fa?on
d'admettre l'existence, dans l'Antiquit?, de quelque chose qui
ressembl?t ? nos ,,?ditions" modernes qui jettent sur le march?, ?
un moment donn?, un nombre plus ou moins consid?rable d'exem-
plaires identiques. Aujourd'hui ces exemplaires se r?pandent par-
tout dans le monde; le nombre de lecteurs de ce texte strictement
identique peut monter ? l'infini et couvrir plusieurs g?n?rations.
L'influence de ,,?dition"
pareille peut ?tre ?norme et rapide.
Songeons, par exemple, ? l'Aristote de l'Acad?mie de Berlin, ?
l'Hippocrate de Littr?, plus r?cemment au Callimaque de Pfeiffer.
Nous y lisons tous exactement la m?me chose que nos pr?d?cesseurs
et nos successeurs. Quelque chose de semblable n'a pas ?t? connue
des Anciens; elle ne pouvait pas l'?tre. Ils ne disposaient pas d'une
technique qui leur perm?t de fabriquer des livres absolument
identiques; ils ne connaissaient ni droits d'auteur, ni droits d'?di-
teur. Le premier venu pouvait copier tout ce qui lui tombait sous
la main. Une fois mis en circulation, un texte ?tait, pour ainsi dire,
mis hors la loi et ? la merci de quiconque le poss?dait, ? bonne ou ?
mauvaise fortune 2).
Seulement, dira-t-on, on ne peut nier l'existence et l'emploi du
terme e?d?s?? {editto en latin) 3), dont la traduction naturelle et

?) IX ii, 2: bibliopolas Lugduni esse non putabam.


2 ) La m?me situation se repr?sentera ? la Renaissance et encore au d?but
de l'?ge de Fimprimerie.
3) L'examen des termes latins me semble confirmer tout ce que les mots
grecs nous apprennent; d'ailleurs les situations ?taient identiques.

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directe ne peut ?tre que notre ??dition", et qui est le repr?sentant


principal de toute une famille de termes apparent?s: les verbes
??d?d??a?, ?pe?d?d??a?, p??e?d?d??a?, le substantif p????d?s??, et
l'adjectif a???d?t?? *?).
Rappelons tout d'abord
que ??d?d??a? s'emploie couramment
dans le sens de ?donner ? ferme" (??d?d??a? ?????, ??d??p?d??), de
?donner en mariage" (??d?d??a? t?? ???at??a e?? ?????), d'?offrir
en adoption" (??d?d??a? t?? ???? p??? e?sp???s??) 2). Dans tous ces
cas, l'id?e de fond est la m?me : on c?de ? autrui une chose ou une
personne sur laquelle on avait
des droits, de propri?t? par exemple ;
on laisse au pouvoir d'un autre ce dont auparavant on disposait
soi-m?me; en un mot on ?abandonne", et la chose abandonn?e est
laiss?e d?sormais ? la discr?tion d'autrui et expos?e ? tous les
risques que cette mesurecomporte.
Il ressort aussit?t de ceci que Ge?d?s?? d'un livre doit ?tre, en
premier lieu et essentiellement, l'acte de l'auteur et de nul autre.
C'est lui qui, ? un moment donn?, constatant que son ouvrage est
termin?, met le texte ? la disposition d'autrui, l'abandonne ? ceux
qui veulent en prendre connaissance, et, partant, l'expose ? toutes
les aventures que les circonstances et les hommes pourront lui faire
encourir. Voyons si l'emploi pratique des termes confirme, oui ou
non, cette consid?ration th?orique d'? priori.

Pour le verbe ??d?d??a? on trouve :

Aristote, Po?t. p. 1454 b 18: e???ta? d? pe?? a?t?? ?? t??? ??de-


15,
d??????? ?????? ??a???;
Polybe II y], 6 : d?? t? t?? ??? ?p?? t?? p???e????t?? pa?' a?t???
(savoir les habitants de l'Asie et de l'Egypte) ?st???a? ?p? p?e?????
??ded?s?a? ;
Strabon L 2, 2 : d???? d? ?a? ? pe?? t?? a?a??? e?d??e?sa ?p' a?t??
(savoir Bion) p?a??ate?a;

i) La langue a sans doute connu d'autres d?riv?s qui ne nous sont pas
transmis ou que je n'ai pas rencontr?s.
2) Les papyrus donnent des exemples partout. P. ex. ??d?d??a?: confier un
apprenti ? son ma?tre (B.G.U. 1021, 6); un enfant ? la nourrice (ibid. 1058,
1); d?livrer un document ? la personne comp?tente (ibid. 260, 6). De
m?me G??d?s?? de la mari?e (P. Lond. 1711, 16), de documents (B.G.U.
825, 15).

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Plutarque, Th?s. 20, p. 9 a: ?d??? d? t??a pe?? t??t?? (savoir les en-
fants de Th?s?e et d'Ariane) ????? ??d?d??e ?a??? ? ??a???s???;
le m?me, Rom. 8, p. 22 c : ????????? d? d??e? p??t?? ??d???a? '?????
?t?s?? ;
le m?me, NumaI, p. 60 b: t?? '????p??????? . . . ?? t?? ??a??af??
d?? fas?? ?pp?a? ??d???a? t?? ??e???;
le m?me, Fab. Max. 24, p. 188 c: t? d' ???????? . . . a?t?? e?pe . . .
?a? ????a? t?? ????? ???d??e?;
Diogene La?rce Vili 89: ?? d? (fas??) ?e??af??a? ??? ????pt???? t?
a?t?? f???, t??t?? (savoir Eudoxe) de ?e?e????e?sa?ta ??d???a?
t??? ????s?;
Ath?n?e IV ?. l68 e: '???t???? t? t?? '???a???? ?st???a? ??ded???t?
t? ??????? f??? ;
Isocrate, Phil. 11: ? p??te??? e?d??e?? (savoir ?????) ne peut signi-
fier, dans le contexte, que le discours mis en circulation par lui-
m?me ;
Polybe XVI 26, 3: comme Attale refuse, pour des motifs de bien-
s?ance, de se pr?senter personnellement devant l'eccl?sie ath?-
nienne afin d'y ?num?rer ses bienfaits, ????a?ta a?t?? ??????
??d???a? pe?? ?? ?p??a????e? s??f??e?? p??? t??? e?est?ta? ?a?????.
Ici il est donc question d'une lettre officielle.
Le verbe a des
compos?s pour lesquels je cite:
Schol. A, T 365-368
Horn. (p. 190 Dind.): ? ???t?? '???????? ?? t?
pe?? t?? ?pe?d??e?s?? d?????se?? ??d?? t????t? ???e?;
Denys d'Halicarnasse, Thuc. ? : ?? t??? p??e?d??e?s? pe?? t?? ????se??
?p?????at?s???? ?pe??????? ??? ?pe????a??? ep?fa??stat??? e??a?;
le m?me, Ad Amm. 6: ???' ?? t? ??at?st? ?e????? (savoir Aristote)
a??? ?a? p??e?ded???? ?d? t?? te t?p??a? s??t??e?? ?a? t?? ??a-
??t???? ;
ibid. 3.' ?? t??? p??e?d??e?sa?? ???? s???a??;
Apollonios Dyscolos, Synt. 98 (II g, p. 134 Uhlig) : t? p??e?d??e?s?
s??t??e? t?? ?????? ????????? ?p??a????? ... ;
Galien, Muscul. Diss. (XVIII, 2 p. 1024 ?.): ta p??e?d????ta pe??
t?? ?at? t?? p?da ???? ;
Papyrus de Tebtynis 27, 59: a???????? t??? p??e?ded??????? ????a-
t?s???? (ce sont donc des documents officiels ?manant des auto-
rit?s comp?tentes);

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Polybe XVI 20,7.' Polybe a ?crit une lettre ? Zenon ? propos


d'erreurs de celui-ci; ? d? ?a??? t?? ?p?st???? ?a? ????? ad??at??
e??a? t?? ?et??es?? d?a t? p??e?ded????a? 1) t?? s??t??e??, ???p???
??? ?? e?? ????sta, p??e?? d' ??d?? e??e.
L'adjectif a???d?t??, employ? ? propos d'un livre, se lit dans
Diodore I
4, 6: ? ??? ?p??es?? ??e? t????, a? ?????? d? ????? ???
a???d?t?? t???????s?? ?dsa?, et dans Cicer?n, Ad. Att. XIV 17, 6:
librum meum illum ????d?t?? nondum ut volui per polivi.
Un ou deux passages ne permettent aucune conclusion, ni dans
un sens ni dans un autre, mais la presque totalit? est parfaitement
claire et confirme ce que nous avons dit : c'est l'auteur qui ??d?d?s?
son ouvrage; il le met, par cet acte, ? la disposition de ceux qui s'y
int?ressent. Dans ces circonstances, parler d',,?dition" ne peut
pr?ter qu'? confusion. Avant donc de passer ? l'?tude du substantif
?'?d?s??, essayons de nous repr?senter, provisoirement, ce que cet
acte de l'auteur implique.
Il vient de terminer
son ouvrage; celui-ci se trouve sur sa table de
travail dans sa forme
d?finitive, sur un ou plusieurs rouleaux de
papyrus. Admettons qu'il d?sire garder cet exemplaire chez lui, ?
son propre usage. Il ?crit donc, ou fait ?crire, une copie destin?e ?
l'ami, au protecteur, ? l'?l?ve, ou encore au libraire. Quand cet
exemplaire est pr?t, il le donne ? celui pour lequel il l'a fait con-
fectionner; il le fait passer dans les mains d'autrui, ??d?d?s? t?
???????2). Mais en m?me temps, par cet acte m?me, il renonce ?
toute influence personnelle sur les destin?es ult?rieures de son
ouvrage 3), tout comme le p?re qui ??d?d??e son fils ou sa fille.
D?sormais le sort de l'ouvrage d?pend des d?cisions ou des caprices
des lecteurs et de circonstances g?n?rales ou particuli?res ; le texte
se trouve expos? ? toutes les initiatives favorables ou d?favorables
de lecteurs individuels, et il convient de se rappeler une fois de plus
que chaque copie manuscrite est unique, pr?sentant ses propres
caract?ristiques, ses propres ?carts de l'original, intentionnels ou

? ) Notez que Polybe emploie le mode actif, non pas le passif !


2) C'est donc bien ? tort que Birt, o.e., p. 309 ?crit: ,,Da nun jede ^?d?s??
Vervielf?ltigung des Textes voraussetzt . . ."
3) Cf. Symmaque, Ep. ad Auson. I 31 (p. 17, 6 Seeck) : Cum semel a te pro-
fectum carmen est, ius omne posuisti: oratio publicata res libera est. C'est
encore ce que Stace sugg?re dans la pr?face au livre II des Silvae.

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accidentels, et qu'elle n'est pas le repr?sentant d'un groupe d'exem-


plaires identiques ; elle ne fait point partie de ce que nous appelons
actuellement une ?dition, un tirage. L'impossibilit? pour l'auteur de
rattraper un texte qu'il et d'y changer
a mis en circulation encore
quoi que ce soit ressort du clairement
passage de Polybe cit? ci-
dessus ? propos des fautes commises par Zenon, et tout le monde
sait que Cicer?n a demand? ? Atticus de remplacer non modo in
libris tuts sed etiam in aliorum per librarios tuos le nom d'Eupolis
par celui d'Aristophane x). Apparemment, des copies n'avaient pas
encore ?t? mises ? la disposition des amateurset, cette fois-ci,
Atticus ne s'?tait pas rendu coupable de la pr?cipitation dont il
avait fait
preuve ? une autre occasion et qui lui avait valu les
reproches de l'auteur2).
M?me l'intervention des Atticus, des Sosii, des Tryphon, ne
change rien d'essentiel ? la situation g?n?rale dans laquelle le
hasard, l'impr?vu, l'arbitraire jouent le r?le d?cisif et ? laquelle
manque tout ce qui pourrait faire songer ? un syst?me d?termin?
ou ? un mode d'action tant
soit peu r?gulier.
Il convient d'envisager ici un cas sp?cial, celui des ?coles, philoso-
phiques et autres. Galien nous a d?j? appris que des ouvrages ?crits
par lui ? l'intention de ses ?l?ves, avaient, contre son gr?, ?t? r?-
pandus dans le monde. Ceci donne ? croire qu'ils ?taient, en principe
et selon la pens?e de l'auteur, destin?s ? rester a???d?t??. A cet
?gard, un passage de Diogene La?rce 3) est excessivement important.
Il y est question des ouvrages de Platon, ta ?????a, expression dans
laquelle l'article d?fini montre qu'il s'agit, non de quelques ouvrages
du philosophe, mais de l'ensemble de son 4). Or voici ce que
?uvre
nous lisons: (ta ?????a) ?pe?, ?? '??t?????? ? ?a??st??? ?? t? pe??
???????, ?e?st? e?d????ta e? t?? ??e?e d?a????a? (? corriger en d???a-

?) Ad Att. XII 6, 3: mihi gratum est et erit . . . si . . . ?Aristophanem"


reposueris pro ?Eupoli"'. Des cas semblables ibid. VI 2, 3; XIII 44, 3.
2) J6??. XIII 21, 4: die mihi, placetne tibi primum edere iniussu meo?
L'article de R. Sommer, T. Pomponius Atticus und Ciceros Werke, Hermes 61
(1926), 389 ss. non seulement expose avec clart? ce qu'Atticus a fait pour la
diffusion des ?uvres de Cicer?n, mais ?carte avec vigueur toutes sortes de
fausses id?es concernant,, G?dition" de textes latins.
3) III (Pol?mon) 67.
4) Voir pourtant ci-dessous la p. 10, n. 1.

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????a?), ??s??? ?t??e? t??? ?e?t???????. Chaque mot, dans ce passage,


a son importance. Analysons-le d'aussi pr?s que possible.
Il y a donc des personnes d?sireuses de prendre connaissance des
?crits de Platon. Antigonos de Carystos en parle dans une mono-
graphie traitant de Zenon, le fondateur de la Stoa. Celui-ci vint ?
Ath?nes vers 313 et y ?couta notamment les conf?rences de Pol?-
mon, le chef de l'Acad?mie. On peut donc admettre que Zenon fut
un de ceux qui d?siraient prendre directement connaissance par la
lecture, et non par les discours des disciples, de la doctrine pla-
tonicienne. Et c'est bien une exp?rience ? lui qu'Antigonos rap-
porte 1). Seulement il ressort encore du texte qu'il n'?tait pas
possible de se procurer les ouvrages de Platon chez des libraires.
Le seul moyen de les lire ?tait de s'adresser ? ceux qui les poss?-
daient (?? ?e?t??????). Or ceux-ci exigeaient un payement de
quiconque voulait les lire soigneusement d'un bout ? l'autre
(d?a?a????a?) ! De nouveau, si l'on prend le texte ? la lettre (et
pourquoi faire autrement?), il n'est point question de permettre
de faire une copie (p. ex. a?t???afa p???sa?), mais uniquement de
lecture, de consultation sur place 2). Qui sont alors ces propri?-
taires qui r?clament la r?tribution? Un seul groupe entre en ligne
de compte: ce sont les directeur et membres de l'Acad?mie; c'est
l'?cole, qui a h?rit? non seulement de la doctrine, mais encore des
biens-fonds et de la biblioth?que. On sait jusqu'? quel degr? les
?coles grecques ont souvent form? des congr?gations ferm?es,
jalouses de leurs pr?rogatives et de leurs secrets. Nous ne con-
naissons point le d?tail, mais on peut croire que n'entrait pas ?
l'Acad?mie qui voulait et que l'admission n'entra?nait pas seulement
des droits, mais encore des obligations, des engagements plus ou

? ) On croit lire entre les lignes que Zenon s'en est offusqu?.
2) Wilamowitz, Antigonos von Karystos (Berlin 1881), 286 ?crit ? tort:
?dass die platonischen werke zuerst nach ihrem erscheinen gegen geldent-
sch?digung verliehen wurden", et de m?me H. Erbse (dans l'ouvrage collectif
intitul? Geschichte der Text?berlieferung der antiken und mittelalterlichen
Literatur, Vol. I, Z?rich 1961, 219): ?man habe die j?ngst edierten pla-
tonischen Schriften gegen Bezahlung ausleihen k?nnen." Du moment
qu'une seule copie sortait de l'Acad?mie, les profits mat?riels devenaient
illusoires. Aulu-Gelle 5, 11 donne un autre exemple de la perception d'un
droit de lecture quand il rapporte qu'il n'a pu consulter un manuscrit
d'Ennius que studio pretioque multo.

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moins solennels. Quoiqu'il en soit, nous voyons que vers 313, c'est
? dire 34 ans apr?s la mort de Platon, on pouvait, moyennant une
redevance, avoir acc?s ? la biblioth?que et y lire les textes du
philosophe. Les lire, et rien de plus. Que signifie alors e?d????ta?
Certainement pas qu'ils aient ?t? mis en circulation, r?pandus dans
le monde, ?dit?s. Ni m?me qu'ils aient ?t? pr?t?s en dehors. Le
contexte prouve que la mesure consiste uniquement en ce que nous
venons de dire: les manuscrits ne sont plus mis au secret; leur
lecture n'est plus l'apanage des seuls membres de l'?cole ; l'embargo
est lev?. En un certain donc, mais de fa?on tr?s prudente,
sens
l'Acad?mie ,,abandonne" ses
droits. Et en 313 cet abandon est
r?cent (?e?st?). Ce qui oblige ? conclure que durant, disons, une
trentaine d'ann?es les ouvrages de Platon *) n'ont ?t? ? la dispo-
sition que des initi?s de l'?cole, qu'ils ?taient a???d?t??. C'est alors
que Pol?mon, succ?dant ? X?nocrate mort en 314, d?cida d'entre-
b?iller les portes de la biblioth?que platonicienne au profit des
int?ress?s, et au profit mat?riel de l'Acad?mie par-dessus le march?.
Nous ne savons pas grand'chose de lui, mais le peu que Diogene
La?rce rapporte suffit ? montrer qu'il ?tait capable de prendre
brusquement une mesure peut-?tre inattendue. Platon avait,
dirait-on, comme Galien un demi mill?naire plus tard, ?crit pour
ses disciples. Apr?s sa mort, les chefs de l'Acad?mie h?ritent
de tous les droits et, ? un moment donn?, l'un d'eux peut ??d?d??a?
ce qui, jusqu'alors, ?tait r?serv? aux seuls membres de la soci?t?.
Pol?mon le fait, mais de fa?on encore tr?s restreinte.
Cet ?tat de choses nous permet d'expliquer encore une anecdote
que l'on racontait afin d'expliquer le dicton ?????s?? ????d????
e?p??e?eta?. Z?nobe2) rapporte qu'Hermodore, ?l?ve de Platon,
emporta en Sicile des copies d'?crits platoniciens et les y mit en
vente (t??? ?p' a?t?? s??te?e??????? ????s???? e?? S??e??a? ?p??e?).
Il ?tait possible ? un disciple d'en faire des copies, mais en les
exportant en Sicile pour les y vendre, il se rendit coupable de deux
actes bl?mables : en premier lieu il se fit payer pour ces livres et se

? En tout cas ceux qu'il ?crivit apr?s 385, date de la fondation de l'Aca-
d?mie. Les ouvrages ant?rieurs, notamment YApologie, circulaient d?j?.
2) V 6. Cicer?n Ad Att. XIII 21, 4 conna?t ?galement l'histoire: H ermo-
dorum qui Platonis libros solitus (!) erat divulgare.

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????S?S II

livra donc ? commerce


que le ?a??? ???a??? ne pouvait faire; en
second lieu il mit en circulation des ?crits que seul l'auteur pouvait
??d?d??a?; jusqu'? nouvel ordre ils devaient rester ? la disposition des
seuls disciples.
Il est peut-?tre permis
d'expliquer dans cet ordre d'id?es la
distinction connue entre
les ????? e??te????? et es?te?????. Les
premiers seraient ceux que le ma?tre ??d?d??e?, les seconds ceux qui
?taient encore sous l'embargo et r?serv?s aux seuls membres de
l'?cole, a???d?t??.
De tout ceci il ressort d?j? en toute ?vidence combien il faut ?tre
prudent dans l'interpr?tation du mot ?'?d?s??, et combien peu cet acte
ressemble ? ce que, depuis l'invention de l'imprimerie, nous enten-
dons par une ?dition. Passons donc ? l'examen de ce substantif m?me.
Il pr?sente une signification qui ne peut ?tre que d?riv?e et
secondaire et qui est nettement concr?te, celle de ,,livre" ou de
?trait?". On la trouve par exemple chez Apollonios Dyscolos, Synt.
3, 4: ? d? ??? ????s????? e?d?s?? pe????e? ?t?., et chez Jamblique,
V. Pyth. 23, 104: t?? te d?a???e?? (des disciples de Pythagore) ?a?
t?? p??? a??????? ?????a? ?a? t??? ?p?????at?s????, ?a? a?t? ?d? ta
s???????ata ?a? e?d?se?? p?sa? ?t?. Ce deuxi?me passage distingue
clairement les trait?s eux-m?mes des discussions, interpr?tations
et annotations auxquelles ils ont donn? lieu. Faut-il distinguer
aussi les s???????ata et les e?d?se??? S'il y a une diff?rence, elle
doit consister que les e?d?se?? sont les trait?s mis ? la
en ceci dis-
position du public, et les s???????ata ceux qui ne le furent pas.
Mais le texte de Jamblique, qui ne s'y oppose pas, n'oblige pas non
plus ? la faire valoir. Bornons-nous ? constater que e?d?s?? peut
d?signer directement et simplement le livre mis en circulation et
disponible ? quiconque s'y int?resse.
Or cette signification concr?te s'applique sans la moindre diffi-
cult? ? des cas que tout le monde conna?t. Je veux dire les e?d?se??
p???t??a?, ou ?at? p??e??, ou d?a t?? p??e?? d'Hom?re dont les
scholies nous parlent, la ?assa???t???, la ??a, 1"????????, la

S???p???, la ??p????, la ???t???, G???????. On a voulu y voir x)

?) D?j? Villoison dans les prol?gom?nes de son ?dition de YIliade de 1788,


p. XXXVI. Birt, o.e., 309 croit m?me savoir que c'?taient des exemplaires
officiels destin?s ? l'enseignement!

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des qui ?taient la propri?t?


,,?ditions" de groupements nationaux
ou municipaux, ou encore faites sur leur ordre; on y a vu ?gale-
ment *) des textes trouv?s par les agents du roi d'Egypte dans la
ville ou dansle pays dont elles portent le nom 2). S'il faut en croire
certaines traditions, Pisistrate ou un de ses fils a exerc? une cer-
taine influence sur la r?citation des ?pop?es hom?riques ? l'occasion
des Panath?n?es, et l'orateur Lycurgue a fait d?poser aux archives
ath?niennes un texte des trois grands tragiques auquel les r?gis-
seurs auraient dor?navant ? se conformer. Mais ceci ne ressemble
en rien ? ce qu'on pourrait appeler une ?dition, et certainement
pas ? une ?dition savante. Jusqu'? preuve expresse du contraire
l'interpr?tation de Wolf 3) est la seule acceptable, parce que la plus
simple, la plus en accord aussi avec ce que nous avons appris ci-
dessus au sujet du sens de e?d?s??. En outre elle se trouve confirm?e
par un passage des C estes de Jules l'Africain4), 58 s., o? il est
question de quelques vers ? ins?rer apr?s ? 43 : e???se?? e? te t???
???e???? t?? a??a?a? pat??d?? ?????e?a? ????a? ?ap?t??e???? t??
?a?a?ste????, ??? ??s? t?? ?a??a?, ????? d? t?? t??s?a?de??t??
(savoir st????) ?? '???? (savoir dans la biblioth?que que l'auteur y
avait fond?e ? la demande de l'empereur S?v?re Alexandre). Ceci
prouve qu'au d?but du troisi?me si?cle de notre ?re on pouvait
trouver dans les archives
et biblioth?ques de certaines villes des
textes hom?riques, des ?exemplaires municipaux"; ce qui se traduit
sans difficult? par e?d?se?? p???t??a?.
La m?me explication, d'apr?s laquelle ?'?d?s?? ne signifie rien
d'autre que ce qu'exprime notre terme d',exemplaire", vaut encore
pour celles que les sources antiques de ????a?, ?????te?a?,
qualifient
d???de??, e??a??te?a?, fa???te?a?, ?a???ste?a?, ? ?? t?? ????????.
Mais elle ne peut valoir pour celles qui sont appel?es ?at' ??d?a:
celles d'Antimaque, de Rhianos, de Z?nodote, d'Aristophane de
Byzance, d'Aristarque de Samothrace; de ce dernier on en cite

i) En premier lieu F. ?. Wolf dans ses Prolegomena de 1795, p. CLXXV;


cf. Wilamowitz, Einleitung in die griechische Trag?die, 138: ,,^?d?s?? bedeutet
bei den Grammatikern durchaus nur ein Exemplar".
2) Je n?glige les textes dits ta ?? p?????, cf. Zeuxis ap. Galien In Hipp.
Epid. III (XVII 1, 606 K).
3) Cf. la note ? ci-dessus.
4) Pap. Oxy. 412.

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m?me deux. Les textes sont formels: le terme ne d?signe pas des
exemplaires qui ?taient leur propri?t?, mais des livres
portant
l'empreinte de leur travail critique de philologues. Pourtant, ceci
nous permet-il de parler d',,?ditions" ?
Constatons d'abord ? quelques exemples, repr?sentants de
dizaines d'autres, combien ce terme est employ? ? la l?g?re. Parlant
des ?uvres de Platon, Diogene Laerte (III 37) ?crit: ????? te
fas?? dt? F???pp?? ? ?p???t??? t??? ?????? a?t?? ?et???a?e? ??ta?
?? ????. Ceci engage W. D. R(oss) ? dire x): ,,An ancient tradition
describes him (Philippe d'Oponte) as having edited Plato's Laws
for publication". Au IVe volume de l'Isocrate de la Collection
des Universit?s de France R. Clavaud note de m?me 2) : ,,Platon . . .
dont les Lois ?t? publi?es par Philippe
avaient d'Oponte". Or il est
de toute ?vidence la tradition
que (dont l'exactitude ne nous im-
porte pas ici) dit uniquement ceci : Platon avait ?crit les Lois sur des
tablettes de cire, proc?d? pratique pour la confection d'un brouillon,
mais dangereux pour la conservation et malais? pour la lecture;
Philippe a recopi? le tout sur papyrus, provisoirement ? l'usage
des seuls membres de l'Acad?mie. Il aura en m?me temps fait
usage d'une ?criture moins cursive que celle du ma?tre. Cette copie
a ?t? la premi?re source d'erreurs dans le texte des Lois.
Dans un chapitre tr?s utile consacr? ? l'histoire des textes grecs
classiques et hell?nistiques, H. Erbse de Hambourg ?crit, de nou-
veau ? propos de Platon, ceci 3) : ,,Eine Gesamtausgabe der be-
kannten Schriften k?nnte also kurz nach dem Tode des Philo-
sophen innerhalb der unter sachkundiger
Akademie Leitung ge-
schafft worden sein. der Schulgemeinschaft,
Der Wunsch die Werke
des Meisters in einer zuverl?ssigen Edition zu besitzen, d?rfte die
wesentliche Anregung gegeben haben". R?alisons-nous d'abord
ce que cela signifie, au point de vue simplement mat?riel, et n'ou-
blions pas que la seule forme connue du livre ?tait le volumen de
papyrus. Un calcul que tout le monde peut reproduire, s'il le d?sire,
nous a appris que la copie de ce que nous lisons aujourd'hui de
Platon exige une longueur de rouleau de 350 m environ, soit 50

i) Oxford Classical Dictionary, 68o s.v. Philippus (2).


2) Paris 1962, p. 22, ?. 2.
3) O.e., 217.

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volumina de 7 p? de long, dimension assez normale. Vu la fragilit?


du papyrus, je ne conteste nullement que l'Acad?mie, comme toute
biblioth?que antique, ait d? veiller au rajeunissement continuel des
textes, mais il n'en reste pas moins vrai que rien ne pouvait rem-
placer, pour ce qui est de la ?Zuverl?ssigkeit", les autographes
originaux. Au reste, le fait que le corpus platonicien d?finitif
comporte des parties non authentiques (par exemple toute la
quatri?me t?tralogie de Thrasylle) montre en suffisance que la
th?orie d'une ?Gesamtausgabe" x) venant peu apr?s la mort du
philosophe est inacceptable 2).
Constatons ensuite que les exemples ne manquent pas d'un
emploi du substantif ?'?d?s?? conforme ? celui que nous avons
trouv? pour le verbe; c'est ? dire simplement de la mise ? dispo-
sition d'un texte aux lecteurs d?sireux d'en prendre connaissance.
Tatien, Ad Graec, 3, 1 parle d'Heraclite qui a d?pos? l'autographe
de son ?e?? f?se?? dans le temple d'Art?mis. Il ?crit: ??d' a?
?pa???sa??? ?ata????a?ta t?? p???s?? 3) ?? t? t?? '??t???d?? ?e??
??st????d?? dp?? ?ste??? ? ta?t?? ?'?d?s?? ????ta?. D'apr?s cet
auteur, Heraclite ne juge pas opportun de livrer son trait? au
public; il le met donc au secret (?ata????a?ta) dans le sanctuaire
et ce n'est que plus tard (?ste???), peut-?tre apr?s sa mort, que
l'on pourra le lire et le multiplier; c'est une e?d?s?? remise ? une
?poque ult?rieure. Photios rapporte {Bibl. 77) qu'Eunape ?crivit
deux trait?s de m?me contenu, le premier plein de blasph?mes ?
l'endroit du christianisme, le second, la ??a e?d?s??, d?pourvu de
ces passages 4). Galien, De Anat. admin. 1 (II 217 K.) ?crit: s?????

?) Il ne faut pas oublier qu'un corpus ne devint facile ? constituer qu'?


partir du moment ou le codex remplace le volumen.
2) Dans le m?me ouvrage collectif, cit? ? la p. 9, note 2, on peut lire ? la
p. 357 (K. B?chner, ?berlieferungsgeschichte der lateinischen Literatur des
Altertums) que l'unicit? essentielle de chaque manuscrit entra?ne la n?cessit?
de consid?rer chaque livre antique comme ,,eine Ausgabe". V?ritable contra-
dictio in terminis.
3) Tatien a-t-il cru qu'Heraclite a ?crit en vers comme d'autres pr?socra-
tiques ?
4) Dans l'?dition de la Biblioth?que de la Collection des Universit?s de
France, Paris 1959, R. Henry note ? la p. 201: ,, D'apr?s ceci, il s'agirait
plus exactement de deux r?dactions du m?me ouvrage et non de deux
?ditions au sens ou nous l'entendons". En effet.

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ta ?p?????ata ??pese?? ?? ?t?sas?a? p?????? a?t? ?a?t?? ?' ?? p???


?'?d?s?? ?? ?e????ta, ce qui rappelle ce que nous avons lu ci-dessus
? la page 2. Ailleurs nous lisons chez le m?me auteur (De pr.
libr., prooem. XIX 10 K., 92 M?.) : f????? ?a? ? ?a??ta?? ?d?d?t? ?????
ep???af?? ?? ?? ??d?? p??? e?d?s??. Ce n'?tait qu'au moment de
livrer son ouvrage au public que l'auteur y ajoutait le titre et son
propre nom1). Les scholies des Argonautiques d'Apollonios de
Rhodes citent en six endroits du premier chant2) des variantes
emprunt?es ? une p????d?s??. Rien de plus
simple que d'entendre
par l? l'occasion offerte par le po?te de lire et m?me de copier son
?pop?e, peut-?tre le seul premier chant. Il ?tait d?sireux de con-
na?tre les r?actions et les appr?ciations de lecteurs avertis, et il
semble qu'elles n'aient pas ?t? trop favorables.
Mais revenons aux travaux des philologues hell?nistiques. Gr?ce
aux scholiastes nous sommes assez bien au courant. Nous savons
qu'ils ont fait usage ?'??d?se?? existantes (nous venons d'en parler)
et que le r?sultat de leurs efforts ?tait une ?'?d?s?? qui portait leur
nom. Il est indispensable de se repr?senter aussi exactement que
possible ce que cela signifie, ce qu'un ??a??at???? a fait, comment
il a pu le faire, et ce que, par cons?quent, pareille ?'?d?s?? comporte.
Mais, avant de le faire, r?alisons-nous encore une fois que le livre
?tait un rouleau de papyrus. Or la longueur totale des rouleaux
n?cessaires pour comprendre les deux grandes ?pop?es hom?riques
?tait d'environ 90 m, si nous prenons comme exemple la fameuse
Ilias Bankesiana de Londres 3) dont il reste un peu plus de 2 m. La
copie de YIliade et de Y Odyss?e ne se faisait pas en un clin d'?il4).
?) Pour le sens technique de ep???af? cf. Lucien, Hist, conscr. 30. Le
pro?me entier du trait? de Galien est int?ressant ? lire. J'ajoute en note
deux autres passages concernant ??d?s??: A propos des '???????? de Deinias
d'Argos, le Scholiaste d'Euripide, Oreste 872 note: ?? T t?? p??t?? s??t??e??,
e?d?se?? d? de?t??a? ... ; Elien le Tacticien pr. 4 : pep?????? ?d? p?p?te
s???????at?? d?at?p?s??, ??p? d? p??? ?'?d?s???t????? ????.
2) Aux vers 285, 516, 543? 72^> 7^8 et 801. Cf. ?. Emonds, Zweite Auflage
im Altertum (Leipzig 1941).
3) On peut lire la description et voir un facsimile dans E. M. Thompson,
An Introduction to Greek and Latin Palaeography (Oxford 1912), 139-141 et le
facsimile 17. Cf. encore H. J. M. Milne, Catalogue of the Literary Papyri in
the British Museum (Londres 1927), 27, no. 28.
4) X?nophon, M?mor. IV 2, 10 constate, non sans admiration et ?tonne-
ment, qu'Euthyd?me poss?de un Hom?re complet!

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En premier lieu donc le philologue a pris comme base un texte


d?termin?, c'est ? dire toute une s?rie de volumina distincts. Nous
pouvons nous abstenir de chercher quel texte c'?tait; le probl?me
de la vulgate pr?alexandrine peut nous laisser indiff?rents. Mais
que ce philologue a bel et bien soumis ? sa critique un texte existant
et qu'il n'en a pas compos? un qui f?t enti?rement conforme ? ses
propres id?es ressort du fait qu'il n'en a pas ?cart? les vers jug?s
inauthentiques, mais qu'il les a simplement not?s de l'obel.
En second lieu, il a compar? ce texte ? d'autres, ?ventuellement ?
ceux de ses pr?d?cesseurs; c'est ainsi que certains manuscrits ont
conserv? un signe critique sp?cial, la d?p?? pe??est??????, pour
marquer les ?carts de la recension de Z?nodote.
Ensuite, les explications relatives aux signes critiques ne se
trouvaient pas consign?es sur le m?me rouleau, mais dans des com-
mentaires (?p?????ata) ?crits sur des rouleaux diff?rents ou sur des
tablettes de cire x).
Enfin arrive le moment o? le savant Alexandrin, disons Aristar-
que, a parcouru les deux ?pop?es d'un bout ? l'autre, not? en marge
tous les signes critiques auxquels sa lecture a donn? lieu, et r?uni
ses explications dans un ou plusieurs livres de commentaires. C'est
alors (je n?glige, pour ne pas compliquer l'expos?, le cas o? il le fait
pour des parties de son ?tude) qu'il met tout ceci ? la disposition
de ses confr?res du Mus?e
et de ceux qui ont la permission de con-
sulter de la biblioth?que.
les tr?sors C'est ? ce moment qu'il ??d?d?s?
son texte d'Hom?re avec le commentaire adjoint. En ce moment
il n'en existe qu'un seul exemplaire, le sien. Peut-on croire qu'aus-
sit?t les libraires d'Alexandrie, pour ne nommer que ceux-ci, se
soient empress?s (m?me s'ils en avaient la permission, ce qui est
douteux) de faire recopier et de r?pandre dans le monde, ? leurs
risques, une bonne centaine de rouleaux? C'est extr?mement impro-
bable. Ce qui s'est pass? tout naturellement, c'est que les coll?gues,
ou encore les subordonn?s et les ?l?ves, ont not? dans leur propre
exemplaire, s'ils ?taient assez heureux de poss?der un Hom?re
?) ?. Wyss, Antimachi Colophonii Reliquiae (Berlin 1936), p. XXIX de
l'introduction se demande ? propos du fr. 130, dans lequel il est dit qu'Anti-
maque consid?rait Colophon comme la patrie d'Hom?re, si ceci se lisait
in praefatione editionis ou bien in peculiari libro. M?me cette pr?face devait
consister en un volumen s?par?.

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complet, les signes critiques du ma?tre et copi? de ses commen-


taires ce qui les int?ressait sp?cialement. Le Mus?e aura eu soin,
naturellement, de faire copier par son personnel technique un
exemplaire de r?serve, et de le renouveler de temps en temps. Mais
dans tout ceci il n'y a rien, absolument rien, qui nous permette de
parler d'une ??dition". S'il n'en avait pas ?t? ainsi, on ne s'expli-
querait point comment il se fait que l'influence du travail scienti-
fique des philologues alexandrins se fait sentir si tard dans les papyrus
hom?riques de l'Egypte m?me1).
On raconte 2) que le jeune Alcibiade se rendit un jour chez un
ma?tre d'?cole pour acheter un chant d'Hom?re (apparemment la
maison du riche Cliniasne l'avait pas) et qu'il en trouva un corrig?
par le ma?tre lui-m?me (?f' a?t?? d??????????). Ce modeste institu-
teur diff?re en importance, mais non en genre d'activit?, des grands
critiques alexandrins. Lui aussi a corrig? une partie du texte
d'Hom?re, et, au moment o? il c?da son exemplaire ? Alcibiade,
on peut dire qu'il ???d??e t?? ?a??d?a?.
Le sens exact d'une expression comme ?'?d?s?? ???st???e???
semble donc ?tre celui-ci: recension qu'Aristarque a consid?r?e
comme termin?e et de nature ? ?tre mise ? la disposition de qui de
droit3).
Tout bien consid?r?, l'article qu'on vient de lire n'a fait que deux
choses: pr?ciser la signification du terme ?'?d?s??, et, par cons?-
quent, inviter le monde savant ? s'abstenir dor?navant de le tra-
duire par ,,?dition".

Leiden, van Beuningenlaan 20

? ) Les premiers exemples sont Pap. Tebt. 4, de la fin du Ile si?cle avant
notre ?re, et Pap. Br. Mus. 128 de la premi?re moiti? du si?cle suivant.
2) Plutarque, Alcib. 7, p. 194 d-e, et ?lien, Var. Hist. XIII 38.
3) Dans H?phaestion, De poem. 4, 8, p. 68 Consb. on trouve une variante de
cette signification quand il dit, traitant de la premi?re chanson d'Anacr?on :
?at? ??? ?a? t?? ??? ??d?s?? ??t?????? ?st?? ? st??f? . . ., d??ata? d? ?a?
?t???? d?a??e?s?a?. On pourrait traduire par: ,,la fa?on de pr?senter le texte".
Il se peut que ce soit la forme pr?f?r?e par Aristarque, mais ce n'est pas ce
qu'H?phaestion veut dire; il songe simplement ? la forme usuelle ? son
?poque (? ??? ??d?s??).

Mnemosyne, XVI

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