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Juin 2018

Perturbateurs endocriniens
#  De quoi parle-t-on ?
Effets suspectés
Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des subs- sur la santé
tances chimiques ou des mélanges, d’origine natu-
relle ou artificielle, qui interfèrent sur le système Les PE sont soupçonnés d’être à l’origine
endocrinien en empêchant la fixation d’une hor- de multiples effets. Toutefois, très peu
mone sur son récepteur, en perturbant la synthèse, d’études permettent d’établir un lien
le transport, l’excrétion ou la régu- causal clair entre l’exposition à des PE
Les dangers lation d’une hormone naturelle et la survenue de pathologies chez l’homme.
peuvent concerner ou de son récepteur, et en imitant Les effets ont été majoritairement observés
les individus l’action d’une hormone. Ces subs- chez l’animal. Ils incitent néanmoins
directement exposés tances sont susceptibles de modi- à la prudence.
ou leur descendance. fier le fonctionnement du système
endocrinien et de provoquer des
* S ystème reproducteur mâle (baisse
de la qualité du sperme, malformations
effets nocifs pour la santé portant congénitales de l’appareil urogénital,
sur la reproduction, la croissance, le développe- baisse de la testostérone).
ment ou le comportement… Les dangers peuvent
concerner les individus directement exposés ou * S ystème reproducteur femelle
leur descendance. (endométriose, puberté précoce,
anomalies de l’ovaire…)
Actuellement, cette thématique récente (l’OMS a
apporté sa première définition en 2002) est majo- * C ancers hormono-dépendants (tumeurs
ritairement associée dans l’opinion publique à des et cancers du sein, cancers de l’utérus,
problématiques de santé publique et de santé des ovaires, des testicules et de la prostate).
environnementale : médicaments, produits de
consommation, cosmétiques, rejets environne-
* A nomalies du développement
(faible poids de naissance, prématurité,
mentaux… L’aspect professionnel n’est cependant troubles du comportement, pathologies
pas à négliger : les travailleurs sont susceptibles métaboliques, obésité, diabète
d’être exposés à un grand nombre de substances insulinodépendant de type 2).
potentiellement perturbatrices endocriniennes
lors de leur fabrication ou utilisation et, ce, parfois Pour en savoir plus, voir le dossier
de façon importante. De plus, à travers les théma- web sur le site Internet de l’INRS
tiques déchets et recyclage, même les substances http://www.inrs.fr/risques/perturbateurs-
interdites sont à considérer. endocriniens/effets-sur-la-sante.html

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#  Quelles sont les actions en cours à l’INRS ?


L’INRS est fortement engagé dans l’évaluation La production d’informations et la communica-
et la prévention des risques chimiques en entre- tion à travers la publication et la diffusion de mes-
prise. Les perturbateurs endocriniens sont intégrés sages et de solutions de prévention adaptés aux
dans une approche globale d’évaluation et de pré- différents publics concernés (fiches toxicologiques
vention des risques chimiques, et plus spécifique- et DEMETER, articles techniques et scientifiques,
ment des risques CMR (cancérogènes, mutagènes, presse, dossier…).
reprotoxiques).
La formation de spécialistes en prévention des
Tous les modes d’action de l’INRS sont engagés sur risques chimiques pour diffuser une culture de pré-
la thématique des perturbateurs endocriniens : vention et développer les compétences techniques
des acteurs de terrain (formation des CARSAT, des
La recherche à travers : médecins du travail, des IPRP…).

* des
 études toxicologiques expérimentales sur La veille documentaire.
les dangers et les mécanismes d’action (études
des effets de certains phtalates sur l’appareil
Ces travaux ont contribué au renforcement de
reproducteur du rongeur mâle et du rôle déter-
la réglementation sur les phtalates et le BPA (par
minant des éléments de leur structure chimique
exemple, le classement du phtalate de diiso-
dans leur toxicité ; étude des effets des insecti-
butyle comme reprotoxique de catégorie 1B « Peut
cides pyréthrinoïdes sur le testicule fœtal de rats
nuire au fœtus et à la fertilité », et celui du BPA
exposés in utero en analysant la production de
comme reprotoxique de catégorie 1B « Peut nuire
testostérone),
à la fertilité »). Ils sont également utilisés pour
* des
 études épidémiologiques sur les dangers l’établissement des valeurs
(étude de l’impact du phtalate de diisononyle limites d’exposition profes- Ces travaux
(DiNP) proposé en substitution des phtalates sionnelle, des valeurs limites ont contribué
les plus toxiques sur le niveau de testostérone biologiques…, qui permettent au renforcement
sanguine de salariés de la plasturgie), d’évaluer les risques liés aux de la prévention.
expositions des personnes dans
* des
 études sur les voies d’exposition et, en par- un cadre professionnel.
ticulier, la voie cutanée (études sur la caractéri-
sation du flux de passage du bisphénol A et du
Quant aux données d’exposition sur le BPA, elles
phtalate de dibutyle (DBP) à travers la peau),
ont été prises en compte dans la proposition de
* des
 études de biométrologie chez les sujets pro- restriction du BPA dans les papiers thermiques par
fessionnellement exposés (étude de l’exposition l’European Chemicals Agency (ECHA).
aux bisphénols A et S (BPA, BPS) des agents de
caisse manipulant des tickets thermiques par De plus, des informations nouvelles sur le poten-
des dosages urinaires de BPA et BPS ; étude de tiel embryotoxique (en fonction notamment de la
l’exposition au phtalate de diéthylhexyl (DEHP) longueur et de la ramification de la chaîne ester) et
des salariés des établissements hospitaliers por- les seuils de doses sans effet nocif de six phtalates
teurs de gants vinyle tout au long de la journée sont une aide précieuse pour la substitution des
de travail par des dosages urinaires de métabo- phtalates les plus dangereux.
lites du DEHP),
L’ensemble des actions de l’INRS sur ce sujet est
* le
 développement de techniques de mesurage en cohérence avec l’action 1.12 du Plan Santé
(analyses des substances dans l’air, dans les
au Travail 3 (http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/
matériaux et des aérosols semi-volatils…).
pst3.pdf) « Renforcer la connaissance des expo-
sitions professionnelles aux PE » et « Mettre en
L’assistance médicale, technique et juridique aux
place une action d’information concernant les PE
entreprises, aux services de santé au travail et aux
les plus identifiés sur les lieux de travail, comme le
partenaires institutionnels (CNAM, CARSAT, DGT,
bisphénol A ».
ANSES…).

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# Quels enjeux ?
L’INRS engage des travaux lorsqu’il existe des spé- pour classer une substance comme PE paraît
cificités vis-à-vis du travail, comme un manque de très élevé. Ainsi, une substance pourrait présen-
connaissances sur les dangers d’une substance ter de premières données présumant d’effets PE
source d’expositions professionnelles ou sur les sans pour autant satisfaire au niveau de preuve
moyens d’évaluation et de prévention à mettre suffisant à son classement définitif comme PE.
en place en milieu de travail. Contrairement aux agents chimiques CMR, aucune
classe de perturbateurs endocriniens suspectés ou
Recherche présumés n’a été établie dans la réglementation
européenne.
Concernant les dangers, l’INRS étudie les effets sur
la reproduction (fertilité et développement) des
Prévention
PE et les cancers hormonaux dépendants. Pour les
actions de recherche fondamentale, comme les L’autre débat scientifique sur les PE concerne leurs
mécanismes hormonaux de la perturbation endo- potentiels effets à faibles doses : contrairement
crinienne, l’INRS s’appuie sur l’expertise des insti- à la toxicologie classique, les effets pourraient
tuts scientifiques (ANSES, INSERM, INRA, CNRS et apparaître à faibles doses, diminuer lorsqu’on les
universités) travaillant dans accroît et augmenter à nouveau pour des doses
le cadre de la stratégie natio- plus élevées (absence de relation dose-réponse
L’INRS engage nale sur les perturbateurs monotone). De plus, les mélanges de plusieurs
des travaux lorsqu’il endocriniens (SNPE). substances PE peuvent présenter des effets com-
existe des spécificités plexes (ou effets cocktail) très
Concernant les expositions
vis-à-vis du travail. différents de l’exposition aux Ces questions
professionnelles, l’INRS déve-
substances seules. Ces ques- controversées
loppe des méthodes et des
tions controversées rendent dif- affaiblissent la notion
outils pour détecter au plus
ficile l’établissement de valeurs de valeur limite
tôt, évaluer et limiter les expositions : mesures des
seuils sans effet et affaiblissent d’exposition
substances dans l’air ou dans les matériaux (mises
la notion de valeur limite d’ex- professionnelle.
au point de techniques analytiques, valorisées
position professionnelle.
en fiches Métropol), biométrologie
(étude DEHP en plasturgie, étude
BPA/BPS et tickets thermiques, base
Pour l’INRS, il convient, sur ce sujet des perturbateurs
de données Biotox) et études épi-
endocriniens avérés, suspectés ou présumés, de suivre
démiologiques (priorisation des PE,
les principes généraux de prévention spécifiques
puis étude ciblée pour apprécier des
aux agents chimiques CMR :
effets, même pour les faibles doses).
1. Éviter les risques, si possible en les supprimant.
Réglementaire
2. Évaluer les risques et les combattre à la source.
Une définition réglementaire euro-
3. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas
péenne a été adoptée en septembre
ou ce qui l’est moins (principe de substitution des produits
2017 pour les PE utilisés comme
dangereux par des produits présentant moins de risques).
principes actifs biocides, et en avril
2018 pour ceux utilisés comme pes- 4. Privilégier les mesures de protection collective
ticides. Elle devrait probablement (ventilation et assainissement de l’air, système clos,
être reprise par la suite dans les mécanisation, encoffrement…) par rapport aux mesures
règlements REACH et CLP. À terme, de protection individuelle.
un étiquetage des produits conte-
5. Former et informer les salariés, en particulier les femmes
nant des perturbateurs endocri-
en âge de procréer, sur les risques et leur prévention,
niens, voire des retraits du marché,
sans négliger les mesures d’hygiène et d’urgence.
pourrait être mis en place. Néan-
moins, le niveau de preuve suffisant

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En attendant de nouvelles données scientifiques


sur cette question, l’INRS, toujours en suivant les
principes généraux de prévention, conseille de La problématique des PE avérés,
privilégier la suppression du risque et la substitu- suspectés ou présumés doit être
tion des PE avérés et suspectés et, uniquement à
intégrée dans une approche globale
défaut, de limiter les expositions au niveau le plus
bas techniquement possible. Lors de la substitu-
d’évaluation et de prévention
tion, une attention particulière doit être portée à des risques chimiques dans les
ne pas engendrer de déplacements de risque en entreprises. L’INRS souhaite donc
remplaçant les PE par des substances présentant que la question des PE soit traitée
d’autres effets dangereux. selon les mêmes principes de
prévention que les CMR avérés (1A)
et suspectés (1B).

Édition INRS ED 8001 • Juin 2018


© INRS • ISBN 978-2-7389-2371-4 • Disponible uniquement en version électronique
Conception graphique : Béatrice-Anne Fournier. Mise en pages : Sophie Boulet
Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles
65, boulevard Richard-Lenoir 75011 Paris • Tél. 01 40 44 30 00 • www.inrs.fr • info@inrs.fr

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