Standards, Normes, Et Processus Concurrentiels.: Leçon N°10

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Leçon n°10

Standards, normes, et processus concurrentiels.


• Qu’est-ce qu’un standard ?

Un standard est un ensemble de spécifications techniques, auquel adhère un


producteur, soit tacitement, soit au terme d’un processus formel de standardisation
volontaire, soit dans le respect de l’Autorité Publique. Pour définir la standardisation
ou la normalisation, nous retiendrons la définition “normalisée” de l’International
Standard Organization, reprise par tous les organismes normalisateurs nationaux. La
norme est une « spécification technique ou autre document accessible au public,
établi avec la coopération de toutes les parties intéressées, fondé sur les résultats
conjugués de la science, de la technologie et de l’expérience, visant à l’avantage
optimal de la communauté dans son ensemble et approuvé par un organisme qualifié
sur le plan national, régional ou international »

Les standards n’ont pas tous la même origine. On distingue traditionnellement


quatre types de standards1 :
- standards non sponsorisés (unsponsored) : ensemble de spécification non liée
originellement à un quelconque intérêt privé, ni soutenu ultérieurement par une
institution, et qui existe sous une forme documentée dans le domaine public.
- standards sponsorisés : une ou plusieurs entités - producteurs, utilisateurs,
arrangements issus d’une coopération privée - créent une incitation pour l’adoption
par d’autres firmes du standard.
- standards institutionnels : il s’agit de spécifications techniques élaborées de
façon volontaire et promulguées par des organismes tels que l’AFNOR, le DIN, l’ISO.
- standards réglementaires : il s’agit de spécifications obligatoires auxquelles les
producteurs doivent se soumettre. C’est notamment le cas des normes d’hygiène
alimentaire et des normes de sécurité.

Quelque soit la nature de l’institution de normalisation, plusieurs problèmes se


posent quant à l’efficacité du processus de production de la standardisation.

En effet, l’implication des agents dans l’élaboration du standard diverge


quelque peu. Les petits producteurs ainsi que les consommateurs ne subissent pas
le même coût de participation à l’élaboration de la norme que les grandes
entreprises. Ceci est d’autant plus vrai que l’institution a une envergure
internationale. Par conséquent, les petits producteurs et les consommateurs
demeurent souvent à l’écart de l’activité de standardisation.

En outre, la nature du processus de décision qui conduit à la production de


la norme pose problème. Si tous les participants n’ont pas la même fonction de
préférence, alors il n’existe pas de procédures optimales de choix. Ceci conduit de
fait à restreindre a priori le champ des choix possibles. Cela se traduit concrètement

1 David P.A. & Greenstein S., [1990], «The economics of compatibility standard : an introduction to
recent research » in « Economics of Innovation and New Technology 1 »
par l’établissement d’un modèle ou d’un standard anticipé. D’autre part, ce problème
conduit à sélectionner les entrants dans le comité de normalisation par une politique
de filtrage (droit d’entrée, technicité des travaux). Par ailleurs, les conditions du
processus de production du consensus peuvent influer sur la durée nécessaire à
l’élaboration de la norme. Dès lors, que les divergences sont importantes, le
processus peut être extrêmement long (plusieurs années). Enfin, une forte
divergence entre les différentes parties risque de conduire à la définition d’un
standard a minima - standard incomplet - . L’efficacité d’un tel standard est très
relative, voire négative.

Le risque d’atteinte à la concurrence n’est pas nul. En effet, les membres


du comité de standardisation peuvent s’entendre pour éliminer (techniquement) un
produit nouveau en ajoutant une spécification supplémentaire. Des cas de tels
comportement existent (HydroLevel, Allied Tube)2.

Une distinction plus fondamentale doit être introduite entre les différents
standards. Il faut distinguer les standards de qualité et les standards de compatibilité.
Les effets économiques diffèrent quelque peu selon cette distinction3.

• Pourquoi des standards ?

La prise en considération de l’existence des standards dans l’analyse micro-


économique est récente et n’est pas sans poser d’épineux problèmes théoriques. En
effet, comment comprendre que dans le cadre de la micro-économie, les agents ne
recourent pas au mécanisme de prix pour coordonner leurs actions ? Pourquoi les
agents doivent-ils se réunir et décider, sans recours au mécanisme de prix, les
spécifications des biens à échanger ? La logique voudrait que chaque producteur
propose un produit et que le marché sélectionne parmi l’offre. La réalité est autre.

En effet, les échanges s’effectuent dans un environnement radicalement


incertain. Cette incertitude a plusieurs origines : la rationalité limitée des agents, le
hasard moral. Il existe de fortes asymétries d’informations entre les agents sur la
qualité des biens. Par ailleurs, l’existence de multiples variétés entraîne des
gaspillages et réduit de fait le bien-être collectif. Plus généralement, l’existence de
standards permet la réduction des niveaux d’entropie et de variété de l’économie.
Les standards constituent donc un puissant mécanisme de régulation des économies
industrielles contemporaines4.

2 Swankin D., [1990], « How due process in the development of voluntary standards can reduce the
risk of anti-trust liability », US Department of Commerce.
3 cf. section « Standard de compatibilité et concurrence ».
4 A cet égard, il faut noter que les mécanismes de standardisation se développent constamment. Ils
ne portent plus uniquement sur les produits, mais également sur les process de production (normes
ISO 9001, 9002,9003), et plus récemment sur les méthodes de management (norme ISO 9004). Il
faut également noter que les arguments avancés à propos des standards ne relèvent d’aucun
raisonnement théorique précis, mais relève plutôt du bon sens. Le cadre théorique micro-économique
ne peut rendre compte de façon cohérente (selon nous) de ce mouvement global de normalisation.
Sur ce mouvement général de normalisation voir Gomez P.Y., [1996], « Normalisation et gestion des
entreprises: une approche conventionnaliste », Revue d’économie industrielle, n°75. Plus
généralement, sur la normalisation, voir Foucault M., [1975], « Surveiller et punir », Paris, Gallimard.
L’utilité de la standardisation peut être précisée par une analyse des
différentes fonctions qu’elle remplit. Celles-ci sont au nombre de trois5 :

- fonction de référence dans l’échange. Les incertitudes qualitatives et l’asymétrie


d’information entre vendeurs/consommateurs entraîne la mise en place de
mécanismes coûteux de contrôle et de certification. Ces situation génèrent des coûts
de transaction. Le standard serait un moyen d’économiser des coûts de transaction.

Le standard réduit le coût d’acquisition d’information sur les produits et limitent


le hasard moral des vendeurs. Le standard permet également une coordination des
échanges au sein d’une industrie. Sur un marché final d’un bien, lorsqu’un produit est
fabriqué en conformité avec un standard de référence, la quantité d’informations
nécessaires pour évaluer le produit sera réduite6.

En effet, la publication d’informations techniques favorisant la coordination


réduit les disparités de coûts et de surplus, engendrés par les asymétries dans
l’accès à l’information. D’autre part, la standardisation, en réduisant la variété,
simplifie les estimations du ratio prix-performance. Ceci réduit la concurrence à une
concurrence de prix et/ou de services connexes. Ceci peut donc limiter les pouvoirs
de marché issus d’une domination informationnelle.

Il y aurait émergence d’un standard dès lors que les coûts d’établissement de
ce dernier sont inférieurs aux coûts de transaction qu’il permet d’économiser.

Il n’en demeure pas moins que cette explication est quelque peu tronquée, et
n’est pas totalement convaincante. En effet, si les agents raisonnaient de la sorte, on
devrait assister à la multiplicité des standards sponsorisés et des standards
volontaires. Comment comprendre alors que les normes de sécurité et d’hygiène
soient imposées par l’Autorité Publique et que les agents ne les édictent pas d’eux-
mêmes ? En outre, s’il n’est pas déraisonnable de penser qu’un standard diminue le
coût d’acquisition de l’information, encore faut-il que l’acquéreur soit en mesure de la
traiter, ce qui suppose une rationalité substantive des agents. Si l’on considère les
normes pour les produits qui s’adressent au consommateur final, force est de
constater que l’asymétrie d’information subsiste dans de très nombreux cas. Il s’agit
dans ce cas plus d’un outil de pilotage des transactions entre industriels que d’un
support d’information pour le consommateur final, qui serait bien en peine de
comprendre le langage technique de la norme. La traduction en langage profane
pose problème car elle est souvent le fait du revendeur, ce qui ne diminue pas de fait
l’asymétrie d’information; la possibilité de tromper le consommateur dans cette phase
de traduction n’est pas totalement éliminée. Le consommateur final peut être
convaincu, ou non. C’est la confiance qu’il accordera au vendeur qui le décidera
dans ses choix. La confiance est un mécanisme important de coordination des
échanges7. C’est plus la confiance dans le standard que le standard lui-même qui
permet une coordination moins coûteuse. Le standard en tant que tel ne suffit pas à
limiter les coûts de transaction liés à l’incertitude qualitative.

5 Kindelberger C., [1983], « Standards as Public, Collective and Private Goods », Kykos, Vol. 36.
6 David P.A., Steimueller W.E., [1993], « Economics of compatibility standards and competition in
telecommunication networks », ITS Conference, Göteborg.
7 cf. Bidault F., Gomez P.Y., Marion G., [1995], « Confiance, entreprise et société », Eska, 220 p.
- fonction de compatibilité. Cette fonction du standard est la plus visible et celle
dont la manifestation débouche sur des externalités positives. Ces externalités sont
semblables aux externalités de réseaux. Parmi les différentes formes d’externalités
de ce type, on distingue « l’effet-club ». Cette externalité correspond à une
augmentation de l’utilité du consommateur liée à l’augmentation du nombre
d’utilisateurs du bien. De fait, l’hypothèse d’autonomie de l’individu n’est plus
respectée dans ce type d’analyse puisque l’utilité d’un individu dépend du
comportement des autres individus.

Cette externalité bien connue8 n’est pas la seule et l’on peut mettre en
évidence d’autres externalités liées à l’offre de produits compatibles : c’est ce que
l’on dénomme les « effets de réseaux indirects ». Cette externalité se manifeste pour
le consommateur par le fait que le nombre de produits compatibles augmentant, il a
une gamme de combinaisons techniques supérieure qui induit des effets
réseaux9.L’informatique ou les réseaux téléphoniques constituent des exemples de
ce type de manifestation d’externalités. Dans le cas du réseau téléphonique, la taille
de l’infrastructure du réseau affecte l’utilité du consommateur. Par exemple, le
réseau de téléphonie mobile Bouygues est actuellement moins choisie que celui des
deux autres opérateurs car il couvre une surface du territoire bien inférieure à celle
couverte par les réseaux concurrents.

Prenons l’exemple de l’informatique. L’existence d’un standard permet


l’échange entre machines et des économies de coût de conversion (switching costs).
Ainsi, le réseau Internet repose essentiellement sur une norme commune d’échange
des données (IP, Internet Protocol).Ce standard est complété par quelques autres (le
langage HTML, le langage Java). Le standard permet l’existence d’une variété
importante de programme fonctionnant sur différentes machines. Ainsi l’offre et le
choix sont supérieurs dans les produits complémentaires au hardware (les logiciels,
les imprimantes, les scanners, etc. ...). Le standard permet également des
économies d’apprentissage sur le mode opératoire d’un ordinateur. Exemple, vous
savez vous servir d’un ordinateur Apple, il de très fortes chances que vous puissiez
vous servir d’un autre ordinateur produit sous licence Apple (Umax, Motorola, IC
Computers) sans coût d’apprentissage élevé. Par ailleurs, le standard permet de
diminuer les coûts de maintenance et de réparation par le fait qu’il y a une meilleure
connaissance des réparateurs sur les produits liés.

- fonction de seuil minimal et de limite. Le standard agit comme un mécanisme de


réduction de l’entropie10 d’un système. Que serait une économie où chaque industriel
aurait son propre référentiel technique ? Où les produits seraient totalement
incompatibles entre eux ? Imaginons une économie sans standard pour les prises
électriques ! La fonction du standard est donc de réduire l’incompatibilité et d’éviter

8 cf. par exemple : Farell J., Saloner G., [1992], « Converters, Compatibility and the control of
interfaces », Journal of Industrial Economics, Vol. 19, pp. 123-137. Economides N., White L., [1994],
«Networks and compatibility : implications for Antitrust », European Economic Review, Vol. 38, pp.
651-662.
9 Katz M., Shapiro C., [1994], « Systems competition and network effects », Journal of Economics
Perpectives, Vol. 8, pp. 1673-1710.
10 En thermodynamique, l’entropie est une fonction définissant l’état de désordre d’un système. cette
fonction est croissante lorsque ce système évolue vers un désordre accru. Par extension, l’entropie
désigne l’état de désordre d’un système.
des gaspillages qui diminuent le bien-être collectif d’une société. Notons à cet égard
que le marché n’agit en rien dans le mécanisme de sélection du « bon » standard. A
cet égard, il faut nuancer ce propos selon la nature du standard, public ou privé. Les
standards de fait - comme le système d’exploitation d’ordinateurs Windows 95 - s’ils
restent la propriété d’une seule firme peuvent engendrer de graves distorsions à la
concurrence, comme la Cour de Justice américaine l’a récemment souligné dans un
arrêt sur un litige opposant Microsoft et plusieurs éditeurs de logiciels
informatiques11. Ceci nous amène à discuter des processus concurrentiels en
présence de standard et d’effets réseaux.

• Standards et processus concurrentiels.

Que se passe-t-il lorsque les produits sont fabriqués à partir d’une même
norme technique ? Les mécanismes concurrentiels sont-ils affecter par cette
homogénéité technique des produits ? Les consommateurs bénéficient-ils d’un
surplus supplémentaire ? Assiste-t-on à des phénomènes anticoncurrentiels plus
importants ? Plusieurs situations sont donc à envisager dans une telle analyse : le
caractère public ou privé du standard, la nature du standard (référence ou
compatibilité). Force est de constater que les nombreux modèles développés par les
économistes n’apportent à ce jour que peu de résultats définitifs quant aux effets de
l’existence des standards sur les mécanismes concurrentiels. Nous tentons ci-après
de synthétiser les différents résultats de plusieurs modèles quant aux question
évoquées.

• Concurrence entre standards avec externalité de réseaux (du côté de la demande).

On considère deux firmes A et B, chacune ayant un réseau et offrant un


standard différent. On envisage deux situations, celle de la compatibilité et celle de
l’incompatibilité. Grâce à un modèle simple de duopole, dans lequel les entreprises
se livrent une concurrence en quantités (conjecture de Cournot12), on montre
aisément qu’ils existent plusieurs équilibres13. En effet, tous les consommateurs
peuvent choisir soit le standard A (Equilibre 1), soit le standard B (Equilibre 2), soit
les deux standards A et B (Equilibre 3).

En considérant que chacun des standards obtient 50% de la demande, on


obtient un équilibre symétrique. Dans cette situation, la solution d’équilibre en
compatibilité est supérieure à la solution en cas d’incompatibilité des réseaux (au
sens de Pareto). Par conséquent le surplus social est augmenté en cas de
compatibilité. Ce résultat traduit bien l’effet bénéfique de l’existence de standard de
compatibilité.

11 Microsoft incorpore dans Windows 98 le navigateur Internet Explorer, alors qu’il existe d’autres
navigateurs comme Netscape, NCSA Mosaïc, iCab. Comme Windows 98 est le système d’exploitation
installé sur la plupart des machines, les autres éditeurs de navigateurs sont exclus du marché des
navigateurs.
12 cf. Chapitre de rappel sur l’oligopole. La conjecture de Cournot consiste, dans le cas du duopole,
pour une firme donnée à considérer les quantités de sa rivale comme données et ne variant pas après
une modification de sa propre production.
13 Katz M., Shapiro C., [1985], « Network externalities, competition and compatibility », American
Economic Review, Vol. 75, pp. 424-440. Creti A., Perrot A., [1997], « Les entreprises en réseaux », in
Perrot A. (Ed.), « Réglementation & concurrence », pp. 49-74, Economica, Paris
En revanche en cas d’équilibre asymétrique (Par exemple le réseau de la
firme A est bien plus important que celui de la firme B), la situation est quelque peu
différente en termes de concurrence. Si il y a compatibilité entre les réseaux, alors la
firme B est avantagé (ses clients peuvent se connecter également au réseau A et
bénéficier de son importance, il n’en va pas de même pour la firme A). La firme B
profite donc de la compatibilité au détriment de A. Par conséquent, la firme A a
intérêt à refuser la compatibilité avec le réseau de B14. La question du surplus social
est dans cette situation particulière dépend étroitement des préférences des
consommateurs vis-à-vis des standards, et il est difficile de parvenir à un résultat
définitif. Ce résultat permet d’expliquer la compatibilité en ordinateurs issus du
monde PC et Apple. Les ordinateurs Macintosh lisent les disquettes PC et la plupart
des fichiers PC, l’inverse n’est pas vrai. De fait le parc installé de PC est très
largement supérieur à celui des Macinstosh. Par conséquent, les producteurs de PC
compatibles n’ont aucun intérêt à rendre leurs machines compatibles avec un
Macintosh.

• Concurrence en dynamique et réseaux.

L’introduction du temps dans l’analyse des processus de concurrence permet


de mettre en évidence des mécanismes particuliers dans le cas des réseaux. Si l’on
raisonne sur deux périodes (pour simplifier) et sur deux entreprises qui proposent
chacune un réseau différent (incompatibilité), alors on montre qu’en régime
d’incompatibilité, il est vital pour les firmes concurrentes de bâtir une « base
installée » la plus importante possible en fin de première période. En effet, en
présence d’effet club, les consommateurs arrivant sur le marché en seconde période,
seront prêts à payer plus cher pour se raccorder au réseau le plus important. Ceci
augmentera le profit de la firme qui aura le réseau le plus important car elle pourra
tarifer à un prix supérieur. La capacité à attirer de nombreux consommateurs en
première période dépend du prix que l’entreprise peut proposer, par conséquent de
ses coûts à chacune des périodes. Par conséquent, il est très probable que l’on
assiste à une concurrence en prix très vive en première période afin de constituer
une base installée importante. Cette situation est caractéristique de la concurrence
entre réseaux incompatibles.
En cas de comptabilité, les entreprises se livrent à une concurrence de type
Bertrand en biens homogènes. Aucune entreprise ne tarif en dessous de son coût, et
la firme ayant le coût le plus bas à chaque période remporte le marché en tarifant au
coût de l’autre. Par conséquent, il se peut que les avantages liés à la compatibilité
soient compensés par une plus faible intensité concurrentielle.

La concurrence dans le temps permet également de mettre en évidence des


phénomènes dits de verrouillage (lock-in). En constituant en période 1 une base
installée importante en régime d’incompatibilité, une firme fait subir des coûts de
conversion pour accéder à un autre réseau (switching costs). En effet, le
consommateur qui voudrait en deuxième période effectuer un changement vers un
nouveau réseau doit subir un coût de conversion. Par conséquent, il y a un fort effet

14 Encoua D, Michel M., Moreaux M., [1992], « Network competition : joint adoption versus individual
decision », Annales d’Economie et de Statistiques, Vol. 25-26, pp. 51-69. Encoua D, Michel M., Perrot
A., [1996], « Compatibility and innovation in airlines : demand side network effect », International
Journal of Industrial Organization, Vol. 16, pp. 701-726.
d’inertie (dans les choix des consommateurs), qui joue pour les entrants potentiels
comme un mécanisme de barrière à l’entrée15.

• Nature du standard (public/privé), et accès au standard.

Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, la définition d’un standard


peut constituer un moment clé pour exclure des concurrents d’un marché. Par
conséquent, la question de la disponibilité du standard est important dans l’analyse
des mécanismes concurrentiels. L’exclusion de la définition et de son usage peut
conduire à de graves distorsions de la concurrence.

Lorsque le standard de qualité ou de compatibilité est accessible à tous les


agents, il tend à favoriser le développement de la concurrence entre les agents.. En
revanche lorsque cet accès est asymétrique, certaines firmes peuvent influer le
contenu même du standard, de façon par exemple à imposer des coûts importants
aux concurrents. Il y a internalisation des bénéfices de la standardisation par une
plusieurs firmes. Dès lors, le standard de vient un enjeu stratégique pour les firmes
qui peuvent ainsi augmenter leur pouvoir de marché par cette barrière à l’entrée que
constitue le standard.

Analysons un peu plus en profondeur les différentes distorsions de


concurrence que l’on peut envisager.

Dans le cas d’un standard obligatoire, les autorités publiques vont porter leur
choix vers des spécifications techniques issues de grandes entreprises. Dès lors, il y
a un risque de créer des situations de domination de marché dans le temps, alors
même que les spécifications techniques ne sont plus adaptées aux besoins des
consommateurs (exemple : le Minitel versus l’Internet en France). La définition des
normes techniques est souvent utilisée comme une barrière protectionniste par les
entreprises d’un pays et les instances publiques (tous les pays y recourent : mention
spéciale aux Allemands et aux Japonais).

Dans le cas où une firme réussit par la qualité de son produit à l’imposer
comme un standard, les risques de distorsion de la concurrence sont énormes.
L’exemple le plus caractéristique est l’interface Windows développée par Microsoft.
Devenu un standard de fait (par la faute d’IBM), cette interface occupe désormais
une situation de monopole sur le marché de la micro-informatique. La firme de
Seattle ne manque pas désormais d’utiliser sa position dominante, ce qui constitue
alors une entrave à la concurrence 16. Nous détaillons les pratiques répréhensibles de
Microsoft.

Le cas Microsoft.
Microsoft oblige les constructeurs à installer la version dite OEM de son interface Windows 98 sous
peine pour le constructeur de ne pas obtenir les spécifications de mise en conformité des matériels.
Cette version de Windows ne donne pas droit à une assistance téléphonique de la part de Microsoft.

15 Beggs A., Klemperer P., [1992], « Multiperiod competition with switching costs », Econometrica,
Vol. 60, pp. 651-666. En raisonnant en horizon temporel infini, on parvient à montrer que les coûts de
conversion sont moins importants. cf. Farell J., Shapiro C., [1988], « Dynamic competition with
switching costs », Rand Journal of Economics, Vol. 19, pp. 123-137.
16 Obtenir une position dominante n’est pas en soi répréhensible juridiquement. En abuser revient à
commettre un acte délictueux répréhensible.
Ce sont les constructeurs qui doivent donc assurer le service après-vente avec bien évidemment
moins de compétences que l’éditeur de l’original. D’autre part, Microsoft à imposer dans Windows le
Navigateur Internet Explorer cherchant par ce biais à éliminer ses concurrents, principalement
Netscape, alors même que Microsoft n’a pas bien perçu les enjeux d’Internet à ses débuts.
Désormais, Microsoft cherche également à transformer le langage Java en un langage spécifique
Microsoft (ActiveX, DCOM, ADO). Il faut, pour comprendre ce que cache cette tentative, savoir que le
langage Java est un langage informatique universel qui se joue des systèmes d’exploitation installés.
Si ce langage devenait le langage de programmation universel (ce qu’il tend un peu à devenir), alors
le système d’exploitation n’a plus aucune espèce d’importance. D’où les manœuvres de Microsoft.
Celles-ci consistent à intégrer des paramètres spécifiques dans Windows qui rendent le langage Java
incompatibles ! Le développement commercial d’Internet engendre des évolutions des langages de
description de pages, notamment pour décrire des contenus toujours plus complexes (sons, vidéos,
données confidentielles, requêtes dans des bases de données complexes). Le langage de demain
sera le XML a n’en pas douter au détriment du HTML. Encore une fois, Microsoft tente d’imposer une
version d’XML qui ne fonctionne que sur Windows. Microsoft fait actuellement l’objet d’un procès anti-
trust aux USA pour abuse de position dominante. Les conclusions de ce procès seront connus à la fin
de l’année 2000.

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