Cours Droit de L'environnement 2022-2023
Cours Droit de L'environnement 2022-2023
Cours Droit de L'environnement 2022-2023
La compétition pour l’accès aux ressources naturelles par les technologies avancées a permis
de dompter la nature. Les appétits économiques d’une société de consommation et les
conséquences des changements climatiques exacerbent la vulnérabilité des écosystèmes. La
manifestation de cette dégradation continue et accélérée, apparaît de façon notoire par la
modification des écosystèmes planétaires et affecte la structure et le fonctionnement du
système écosystémique. La déforestation accrue, la dégradation de l’environnement et les
activités d’exploitation des ressources naturelles font peser une menace sérieuse sur les
populations et les écosystèmes.
Face à cette situation, une mise en garde de la communauté scientifique a donné lieu, dans les
années 1970, à une réaction politique dans le domaine de l’environnement. L’environnement
est désormais au cœur de toutes les préoccupations dans la perspective d’un développement
durable, autant pour les pays industriels les plus avancés que pour ceux qui sont en voie de
développement.
Le droit de l’environnement est l’outil par excellence pour prévenir les problèmes
environnementaux, pour réparer les préjudices subis ou pour réhabiliter des milieux. En
répondant aux besoins du développement durable par la gestion de l’usage des ressources par
les humains, le droit de l’environnement touche à toutes les activités humaines. Il repose sur
des principes fondamentaux tels que la préservation de la diversité biologique et la
conservation des ressources naturelles, la précaution, la prévention et l’évaluation des
conséquences environnementales de tout projet, la concertation et la participation de toutes les
parties prenantes, l’accès à l’information. Il repose également sur d’autres outils comme le
droit à l’environnement, qui implique en matière de justice environnementale, le droit à un
niveau de protection sans aucune discrimination. Son respect suppose donc l'existence aussi
bien de mécanismes procéduraux que d'un cadre de vie apte à en assurer une jouissance
effective.
Dans l’ordre interne, le droit de l’environnement régit toutes les activités humaines. Ainsi,
l’environnement bénéficie d’une protection juridique. Aujourd’hui, presque toutes les
constitutions consacrent le droit à un environnement sain. Des textes législatifs et
réglementaires sont intervenus pour compléter les chartes fondamentales.
Arriver à un traité international dans le domaine de l’environnement est souvent très difficile.
C’est ainsi que des règles plus souples ont été adoptées. C’est le cas des recommandations et
déclarations.
Par ailleurs, on peut citer la Convention sur la biodiversité. Ouverte à la signature lors du
Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, le 5 juin 1992, et est entrée en vigueur le 29 décembre
1993, elle a pour principaux objectifs la conservation de la diversité biologique, l’utilisation
durable de la diversité biologique et le partage juste et équitable des avantages découlant de
l’utilisation des ressources génétiques.
Les traités environnementaux sont différents des autres types de traités, car ils ont des
caractéristiques qui répondent aux besoins spécifiques de la protection de l’environnement. Ils
sont contraignants. Il faut préciser que les conventions environnementales qui mobilisent le
plus la communauté internationale actuellement sont la convention sur les changements
climatiques et de la convention sur la diversité biologique, la convention sur la lutte contre la
désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse élaborée à Paris en 1994 et
la Convention de Bâle (1991) sur le Contrôle des Mouvements Transfrontières de Déchets
Dangereux et de leur Élimination, ratifié en novembre 1992 par le Sénégal.
Cet alignement aux conventions internationales relatives à l’environnement est posé par le
Code de l’environnement du Sénégal qui prévoit le droit à tout individu de vivre dans un
environnement sain dans les conditions définies par les textes internationaux. Dans presque
tous les secteurs, le Sénégal s’efforce de s’aligner aux normes internationales.
En dehors des conventions universelles, les Etats africains ont aussi adopté des normes
environnementales qui pour l’essentiel s’appliquent aux Etats signataires.
Pour lutter contre les atteintes à l’environnement, les Etats ne peuvent limiter leurs
actions au cadre national, il leur faut surtout une approche holistique pour apporter des
réponses idoines aux problèmes environnementaux. Ce qui favorise une dynamique
d’intégration régionale (A) et sous régionale reconnues par la déclaration de Rio (B).
Ces différents textes prévoient des voies de recours devant les instances communautaires en
cas de violation, de difficultés d’interprétation ou de mise en œuvre. Ainsi, toutes les
questions relatives à la violation de la directive précitée peuvent être portées à la connaissance
des États membres pour résolution. Dans le cas où, elles n’ont pu être résolues, elles sont
portées à la connaissance du Président de la Commission de la CEDEAO qui soumet les
plaintes à la Cour de Justice de La CEDEAO. La procédure d’examen des plaintes n’empêche
pas un Etat, un individu ou une partie prenante de porter l’affaire devant la Cour de Justice de
la CEDEAO ou d’invoquer la procédure d’arbitrage ou la compétence de toute autre
juridiction internationale telle que la Cour Africaine de Justice ou la Cour Africaine des
Droits de l’Homme.
D’ailleurs, depuis sa création, la Cour de justice de la CEDEAO a rendu plusieurs arrêts. C'est
le cas de l'arrêt SERAP/Nigéria. Dans cet arrêt, la Cour de Justice de la Communauté
Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a sanctionné l’incapacité du
gouvernement à promulguer des lois efficaces et à établir des institutions capables de
réglementer les activités des entreprises, associée à son incapacité à traduire en justice les
auteurs de la pollution, équivalait à une violation des obligations et engagements
internationaux du Nigeria en matière de droits humains » en soulignant que « la qualité de vie
des personnes étant déterminée par la qualité de l’environnement, le gouvernement avait
manqué à son devoir de maintenir un environnement satisfaisant et propice au
développement de la région du delta du Niger ».
L’harmonisation des politiques environnementales est, par ailleurs, très poussée dans
le cadre de l’Union Européenne avec des normes communautaires directement applicables. Le
droit de l’Union européenne est aujourd’hui une des principales sources du droit de
l'environnement en Europe. C’est en 1972 que les chefs d’Etat et de gouvernement réunis à
Paris avaient décidé de la création d’une politique environnementale communautaire, le Traité
de Rome comportant aucun article sur la question. C’est ce qui donne lieu à l’Acte Unique
intégrant la protection de l’environnement dans le Traité de Rome en 1987. L’entrée en
vigueur du Traité de Lisbonne intégra la question environnementale aussi bien dans le Traité
sur l’Union (Préambule, art.3.3 ET 21) qu’au Traité sur son fonctionnement (art. 191.1 et s. et
art. 11. Plusieurs directives interviendront pour compléter ce droit originaire. Si ce corpus
5 Voir article 13 de la directive
législatif européen est assez complet, sa mise en œuvre, en revanche, reste assez
problématique. C’est dans cette perspective qu’il faut rappeler la consécration de l’effet
direct des directives par le CE français sous certaines conditions lorsqu’il y’a expiration du
délai (CE ASS 20 octobre 2009, PEURREUX). Les principes énoncés dans cet arrêt : la
Haute juridiction a considéré que la transposition en droit interne des directives
communautaires revêt en outre le caractère d’une obligation constitutionnelle ; que, pour
chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national de garantir l’effectivité des droits que
toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques ; que tout justiciable
peut en conséquence demander l’annulation des dispositions réglementaires qui seraient
contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision
administrative, faire valoir qu’après l’expiration des délais impartis, les autorités nationales ne
peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer à faire application
des règles qui seraient incompatibles avec les objectifs définis par les directives ; qu’en outre,
tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non
réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a
pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transpositions nécessaires. La
prééminence de principe du droit communautaire sur le droit interne qui est l’un des piliers de
la légitimité conférée à l’organisation oblige les Etats membres à adopter des règles nationales
pour assurer l’effectivité des normes communautaires.
En gros, bien qu’intéressante, les normes communautaires ne sont pas toujours elles-
mêmes suffisantes pour garantir, en Afrique, le respect de l’environnement malgré
l’existence d’une jurisprudence prometteuse, pourtant, l’article 98 de la constitution
sénégalaise dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés par le
Sénégal ont, dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois sous réserve pour
chaque accord ou traité de son application par l’autre partie.
Par ailleurs, la constitutionnalisation est renforcée par la référence faite dans le préambule à la
Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui consacre le droit à un
environnement sain pour les peuples, à l’attachement également du Sénégal aux droits
fondamentaux définis dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et
dans la Déclaration universelle du 10 Décembre 1948. Ces deux textes garantissent
l’intangibilité du droit de propriété et des droits économiques et sociaux. Il est à rappeler que
le constituant sénégalais a fait du préambule une partie intégrante de la constitution. C’est
dans cette perspective que l’on comprend, en France, l’annexion de la charte de
l’environnement dans le préambule de la Constitution de 1958 7. L’ère de la Charte de
l’environnement (10 articles) constitue une révolution juridique en matière environnementale.
L’adoption de la Charte de l’environnement s’est enfin traduite par un renforcement de la «
démocratie environnementale », initiant un renouvellement du rôle du citoyen, comme
titulaire de nouveaux droits dans l’action publique environnementale mais aussi de nouvelles
responsabilités8. La Charte consacre une troisième génération de droits encore appelés « droits
de solidarité » et devoirs liés à protection et à la mise en valeur de l'environnement 9. Les
citoyens ont le devoir de participer à la préservation de l'environnement, de prévenir les
atteintes à l'environnement et d'en limiter les conséquences, et de réparer les dommages
causés à l'environnement.
En Afrique, beaucoup de pays ont également adopté un code de l’environnement. C’est le cas
du Burkina Faso avec la loi n°006-2013 AN du 02 avril. Cette loi vise à protéger les êtres
vivants contre les atteintes nuisibles ou incommodantes et les risques qui gênent ou qui
mettent en péril leur existence du fait de la dégradation de leur environnement et à améliorer
leurs conditions de vie. A cette fin, toute personne peut porter plainte devant les autorités
administratives ou judiciaires compétentes afin de faire cesser les nuisances générées par les
activités qui troublent la tranquillité ou portent atteinte à la sécurité ou à la salubrité
publique12. Certaines infractions sont considérées d’ailleurs comme criminelles. C’est par
exemple, le fait de procéder à l’enfouissement ou au dépôt de déchets dangereux dans des
lieux autres que les décharges, les centres d’enfouissement techniques ou de stockage, les
centres de stockage qui sont réservés au type de déchets en cause 13. Il en est ainsi de même
pour transport, détention, le stockage, utilisation ou élimination des produits ou substances
chimiques en violation des règles posées ou encore le procéder à l’exportation ou au transit de
déchets dangereux14. Ces infractions criminelles ne peuvent faire l’objet de transaction par le
ministre chargé de l’environnement15. En dehors du ministère de l’environnement 16 et du
12 Voir article 5 de la loi 006-2013 du 2 avril 2013 portant Code de l’environnement du Burkina Faso
13 Voir article 142 du Code de l’environnement du Burkina Faso
14 Voir article 144 du Code de l’environnement du Burkina Faso
15 Voir l’article 116 du Code de l’environnement déjà cité.
16 Voir art.109 du Code de l’environnement
ministère public17, la loi burkinabé offre la possibilité aux associations de défense de
l’environnement18 de mener des actions en justice.
La Guinée s’est également dotée d’un nouveau Code de l’environnement qui, à l’instar de
celui du Sénégal et du Burkina Faso, fixe les règles de protection de l’environnement et les
règles permettant d’assurer un développement durable19.
Quant au Code pétrolier de 2019 remplaçant la loi de 98/05 du 8 janvier 1998, il constitue
également un dispositif important de promotion du développement économique et de
protection de l’environnement. Aux termes de l’article 53 du code pétrolier les opérations
pétrolières doivent être conduites conformément au code de l’environnement et ainsi qu’aux
textes nationaux et internationaux relatifs à l’hygiène, à la santé à la sécurité ainsi qu’à la
protection de l’environnement. Ainsi, les entreprises pétrolières doivent prendre des mesures
nécessaires relatives à la protection et à la prévention et à la lutte contre la pollution de
l’environnement, à la préservation des eaux du sol et du sous-sol et enfin au respect de la
réglementation applicable en matière d’hygiène et de santé.
Pour le code minier, il vise également une protection accrue de l’environnement à travers les
obligations environnementales incombant aux sociétés minières dans les différentes étapes de
l’exploration, de la recherche, de l’exploitation et de l’après exploitation. Ainsi aux termes de
l’article 102 de la loi n°2016-32 du 8 novembre 2016 relative au code minier, tout demandeur
de permis d’exploitation minière, d’autorisation d’ouverture et d’exploitation de carrière, ou
d’autorisation d’exploitation de petites mines doit préalablement au démarrage de ses
activités, réaliser à ses frais une étude d’impact sur l’environnement et la mise en œuvre du
plan de gestion environnementale conformément au code de l’environnement et aux décrets et
arrêtés y afférant. Mieux, le code oblige les détenteurs de procéder obligatoirement à la
réhabilitation des sites couverts par son titre minier. Par ailleurs, pour éviter ou anticiper des
Ces lois sont assorties chacune de décrets d’application et d’arrêtés ministériels. Enfin, les
contrats conclus par les pouvoirs publics pour l’exploitation des ressources naturelles et
minières constituent des sources d’obligations environnementales.