Cours D'histoire Des Obligations
Cours D'histoire Des Obligations
Cours D'histoire Des Obligations
Ce cours d’histoire du droit des obligations portera essentiellement sur l’histoire du droit
romain des obligations, avec quelques incursions vers le droit médiéval, moderne et
contemporain.
La période faste du droit romain est l’époque classique, dominée par la personnalité du
préteur.
Ces étapes politiques n’ont pas de conséquences déterminantes sur l’évolution du droit à
Rome.
On divise traditionnellement cette histoire juridique en 3 étapes / périodes, qui ne
correspondent pas aux 3 régimes :
1- la période archaïque ;
2- la période classique ;
3- la période post-classique.
Les romains prêtent une origine sacrée à ces coutumes des anciens, comme le montre le
vocabulaire utilisé : jus (”droit”) renvoie à ce qui a été réalisé par un processus religieux.
Ce droit répond à une espèce de formalisme quasi religieux.
Jus fasque (littéralement, “droit et droit”) rappelle un vieux terme qui signifie “dire” et
💡
renvoie à l’idée de révélation / de parole prononcée par les dieux.
Un des premiers rois de Rome est censé avoir reçu dans son sommeil la révélation des
coutumes originelles de la cité.
La connaissance du droit par les pontifes patriciens est un outil de la domination des
patriciens sur la cité.
Après -509, la mise par écrit du droit va être une exigence régulièrement réitérée par la plèbe,
pour briser la puissance patricienne sur la cité en brisant le monopole patricien sur la
connaissance du droit.
En effet, au milieu du 5e siècle avant J.-C., Rome est dans une situation de guerre civile
ouverte, à l’origine d’une influence grecque sur les mœurs.
En effet, les grecs ont déjà connu cette guerre plus d’1 siècle plus tôt, et ont ramené la paix
dans leur cité par le droit.
On met donc à l’écrit les coutumes ; les règles juridiques mises par écrit sont ensuite
publiées.
Une fois publiées, elles sont connues de tous → cessent d’être un outil de domination
politique par le droit.
Vers -451, la loi des Douze Tables, issue d’un héritage grec, est publiée.
Écrire le droit permet de connaître le droit.
Écrire le droit permet aussi de figer le droit, qui est extrêmement souple.
Les comices sont les assemblées du peuple romain, soit l’instance qui est censée légiférer
dans la République romaine, et donc modifier la loi des Douze Tables.
Elles sont présidées par un magistrat supérieur.
Mais les assemblées du peuple romain ne touchent quasiment pas aux Douze Tables : on ne
connaît en plus de 6 siècles qu’une vingtaine d’initiatives législatives, qui apportent des
modifications marginales au droit fixé par les Douze Tables.
L’évolution du droit romain n’est pas le fait du législateur, mais le fait d’une collaboration
très étroite entre la doctrine et la jurisprudence. C’est ce qui caractérise la 2e période :
B – La période classique (du milieu du 2e siècle avant J.-C. au milieu du 3e siècle après
J.-C.)
Elle vient consacrer la souveraineté du préteur sur l’encadrement du procès civil romain.
Il a la liberté de créer de nouvelles procédures et de nouvelles actions en justice, qui lui
permettent de faire évoluer – parfois très profondément – le droit matériel figé par la loi des
Douze Tables.
Avoir un droit à Rome, c’est posséder concrètement une action en justice qui permet
d’obtenir ce que tel ou tel acte juridique nous reconnaît.
Les romains n’ont pas du tout une approche idéaliste du droit : le droit n’existe pas
idéalement, indépendamment du moyen concret de l’obtenir en justice.
→ Avoir un droit, c’est avoir une action en justice.
Il devient très aisé pour le préteur, en créant des actions, de créer du droit.
Le mandat d’un magistrat préteur dure 1 an.
Chaque nouvelle génération de préteur crée de nouvelles actions (= du droit nouveau).
D’année en année, ces inventions nouvelles s’accumulent : l’édit du préteur s’enrichit
d’année en année.
Cette évolution très profonde que connaît le droit romain à l’époque répond aux évolutions de
la société romaine, sans dépendre d’évolutions législatives.
Le préteur (= magistrat judiciaire) est d’abord un homme politique. Il est élu par le peuple
romain.
En théorie, il est incapable en matière juridique. Il est donc entouré d’une équipe de
personnalités qui connaissent à fond le droit : des jurisconsultes.
Ces jurisconsultes ont acquis une culture juridique très poussée, souvent par l’exercice de
charges.
Ces juristes savants en coulisses suggèrent aux magistrats, mais aussi aux parties au procès,
de nouvelles techniques procédurales qui peuvent résoudre de nouvelles difficultés
juridiques.
On vient écouter les conseils juridiques donnés par un savant, qui a souvent exercé.
Le préteur est le moteur de l’évolution du droit à l’époque classique : c’est donc l’épuisement
de ces magistratures à l’époque impériale qui va caractériser l’époque postclassique :
La période post-classique est caractérisée par une mise sous tutelle du droit par l’autorité
impériale (”étatisation”).
Le préteur continue de rendre la justice, mais la justice ordinaire est concurrencée par
d’autres formes de justice.
L’empereur dispose d’une fonction juridictionnelle, qu’il peut exercer lui-même ou par ses
délégués.
On voit se développer l’appel hiérarchique contre les décisions du préteur, ce qui était
inimaginable à l’époque républicaine, puisqu’il était souverain (il n’avait personne au-dessus
de lui).
La période impériale correspond à une période de subversion de cette organisation
républicaine : l’empereur rend la justice et contrôle par voie d’appel hiérarchique les
décisions des magistrats.
L’édit du préteur va être codifié dans les années 125-130 par l’empereur Hadrien.
À partir du 2e siècle, c’est l’empereur dans son tribunal qui crée de nouvelles actions.
Ce travail de création du droit par la procédure est permis par le fait que l’empereur va
satelliser tous les jurisconsultes : il fonctionnarise les connaisseurs du droit.
→ Déplacement de la production du droit du préteur vers l’empereur.
À partir du 3ème siècle après J.-C., cela entraîne une inflation législative, qui est
problématique parce que la jurisprudence de l’empereur contient des normes juridiques
obligatoires.
Certains particuliers décident de procéder à des codifications privées, pour permettre aux
juristes de connaître l’état du droit fixé par la jurisprudence impériale.
Au début du 5e siècle, cette codification qui permet la connaissance du droit est prise en main
par l’empereur Théodose.
Ce Code théodosien (438) est très imparfait, parce qu’il manque à cette bibliothèque juridique
toutes les opinions des jurisconsultes, qui étaient considérées comme quasi obligatoires à
cause de l’autorité de la doctrine.
Justinien, un général devenu empereur, termine la codification du droit romain alors que
l’empire est menacé par des barbares lors de révoltes contre l’autorité impériale.
Des peuples germaniques sont enrôlés dans l’armée romaine et leurs élites sont romanisées et
gouvernent comme des romains.
Justinien veut reprendre la main sur ces dominations barbares irrégulières : pour cela, il
légifère et codifie à partir de 529. Il est à l’origine d’une grande compilation :
> Code de Justinien
> Digeste de Justinien (rassemble l’essentiel de la culture juridique romaine) ;
> Institutes (manuel officiel ayant force de loi) ;
> Novelles.
→ Ensemble massif de droit composé par le meilleur juriste à l’époque : Tribonien,
professeur à Beyrouth.
Le procédure de droit commun suivie à Rome jusqu’au 3e siècle après J.-C. est fixée par la
loi des Douze Tables.
La procédure de l’action de la loi est simplifiée par la loi aebutia, qui consacre le rôle du
préteur.
Ensuite, la réforme de la procédure à l’époque impériale marque une rupture dans la pratique
du procès romain, en favorisant le rôle de l’empereur.
À partir du milieu du 5e siècle avant J.-C., on connaît relativement bien la manière dont est
conduit un procès civil à Rome. Il se divise en 2 parties, qui voient intervenir 2 parties
différentes :
⚠️
2. Ensuite, la phase in judicio.
Elle voit intervenir un judex ( ≠ juge), qui est un arbitre institué par l’autorité
publique. C’est un notable que le magistrat désigne à la fin de la phase in jure pour
trancher le procès.
Les parties comparaissent, en présence d’un avocat. L’administration de la preuve est
libre (témoins…).
Quand le judex s’estime suffisamment éclairé, il clôt les débats et rend sa sentence.
Cette sentence arbitrale est rendue au nom de la cité.
Cette procédure des actions de la loi est simplifiée par la lex aebutia : désormais, le rituel
n’est plus obligatoire.
Les parties comparaissent devant le magistrat et exposent sans aucune formalité leurs
demandes, fins et moyens.
(procédure approchant celle des prud’hommes aujourd’hui)
Au terme de cette 1ère phase du procès, le préteur rédige un acte appelé la formula, où sont
résumés les demandes, fins et moyens des parties, ainsi que le résumé de la mission de
l’arbitre pendant la phase in judicio.
C’est un acte de procédure très technique, que le magistrat pourra modifier pour produire des
conséquences juridiques différentes ou nouvelles.
→ C’est par cet instrument qu’est la formula que le préteur crée du droit.
Puisqu’il faut posséder une action pour posséder un droit, la loi crée des actions à chaque fois
qu’elle reconnaît un droit.
Actions in jus = en droit.
La loi aebutia reconnaît aux magistrats une totale maîtrise sur la procédure ; ils sont donc
tentés de modifier les actions.
Ce sont ces modifications des actions in jus qui permettent de modifier le droit et de créer du
droit.
Mais, parfois, le résultat produit par l’action directe peut ne pas être satisfaisant.
Que se passe-t-il si la loi des Douze Tables ne peut plus s’appliquer ?
Le préteur ne peut pas abolir la loi. Lorsqu’il considère que la solution à laquelle aboutirait
l’action directe n’est pas satisfaisante, il modifie la formule et la trajectoire de l’action directe
pour lui faire produire un effet juridique satisfaisant.
Il peut introduire une exception : par exemple, le magistrat introduit une exception de dol
dans la formule (alors que la formule de l’action directe ne la prévoyait pas) pour mettre une
action et donc une obligation.
C’est là le travail d’orfèvre plus subtil du préteur : il va utiliser une action directe dans un
domaine qui n’est pas normalement prévu par la loi.
On parle alors d’action utile.
Exemple : en matière d’action de vol, la loi des Douze Tables prévoit que seuls les citoyens
romains peuvent intenter l’action furtum.
Le préteur trouve cette situation anormale et cherche à accorder l’action furtum à des
non-romains. Il obtient ce résultat en modifiant, de manière marginale, la formule directe de
l’action de vol.
Il utilise la fiction juridique : pour permettre à un non-romain d’utiliser l’action de vol, le
préteur (qui fixe l’action du judex dans la formule) ordonne au judex de faire comme si le
demandeur était un citoyen romain.
On parle d’action fictis, parce qu’elle contient une fiction.
Le préteur est libre de créer de nouvelles actions : on lui reconnaît une liberté totale en
matière de procédure.
À côté des actions in jus directes ou utiles, on a des actions in factum, dans lesquelles le
magistrat commande à l’arbitre d’agir comme il veut qu’il agisse.
Idée : si le magistrat veut protéger une situation jusque là non protégée par le droit, il décrit
dans sa formule les faits (in factum), il demande au juré de vérifier les faits dans leur
exactitude matérielle et, si les faits sont vérifiés, de prononcer telle ou telle sentence.
→ Les actions utiles et in factum sont de véritables actions créées et imaginées par le préteur,
grâce au jurisconsulte.
On parle d’action prétorienne.
C – La procédure extraordinaire
La procédure ordinaire fonctionne jusqu’à la fin du 2ème siècle, avant d’être concurrencée
puis évincée par une procédure extraordinaire (= qui sort de l’ordre du procès ordinaire).
Les causes civiles sont jugées selon une procédure administrative, qui ignore la division du
procès en 2 parties.
Donc le fonctionnaire-juge est à la fois magistrat et judex.
Il règle la question de la procédure en même temps qu’il est compétent pour introduire le
procès au fond.
Ce procès de type administratif romain, où le magistrat juge, est la procédure civile comme
pénale que nous appliquons aujourd’hui.
L’origine du terme obligation est très prosaïque : le mot n’a pas de signification juridique très
claire.
Cela signifie d’abord “lier” ou “nouer”.
Ce terme est synonyme du terme nectere, qui vient d’un contrat archaïque qui s’appelle le
nexum.
Le nexum est le contrat par lequel on garantit une créance avec son propre corps. Si on ne
paie pas, notre créancier peut nous réduire en esclavage.
→ Le contrat est donc ce qui nous expose au risque d’être entravé si l’on ne paie pas.
Les juristes romains vont abstraire de cette approche de l’obligation une notion juridique.
La définition classique de l’obligation, reprise par Justinien dans ses Institutes, décrit
l’obligation comme un juris vinculum = un lien de droit par lequel, de toute nécessité, l’on
est astreint à payer quelque chose à quelqu’un selon les lois de la cité.
Cette définition nous ramène à l’essentiel de l’obligation : c’est un lien entre le créancier et le
débiteur qui peut contraindre le débiteur à faire ou à donner ce qu’il a promis en faisant appel
à la justice.
C’est la condamnation judiciaire qui donne sa pleine efficacité à l’obligation : le lien de droit
donne accès au préteur et donc à une condamnation contre celui qui n’a pas payé.
Solvere = idée de dénouer → le fait d’accomplir ce qui a été promis dénoue le lien de droit.
Cette définition est complétée par une autre du jurisconsulte Paul, qui est prise dans le
Digeste de Justinien et qui parle de la substance de l’obligation.
Idée : fondamentalement, l’obligation ne consiste pas à exercer une puissance sur une chose,
mais à contraindre quelqu’un à donner, faire ou garantir quelque chose.
L’obligation ne relève donc pas du droit réel, mais du droit personnel.
L’obligation est donc un lien de droit, qui est efficace parce qu’il permet de se rapprocher de
la justice (ce qui peut déboucher sur une condamnation).
Idée : toute obligation naît ou bien d’un contrat, ou bien d’un délit.
Cette classification semble suffisamment pertinente à Gaïus pour former un juriste débutant,
mais lorsqu’il enseigne à ses collègues, il tient un discours un peu plus élaboré :
Il ajoute une 3ème catégorie : celle des différentes figures de cause, lorsque le lien de droit
💡
est noué dans des circonstances juridiques qui ne correspondent ni à un contrat ni à un délit.
Ici, la cause = ce qui génère le lien de droit / l’obligation.
Cette dernière catégorie va être retravaillée par les juristes, pour donner naissance aux
quasi-contrats et aux quasi-délits.
Cette classification est un peu artificielle, mais les bases du droit des obligations sont ainsi
posées.
On retrouve toutes ces classifications dans le corpus de Justinien.
À partir de la fin du 11ème siècle, l’imaginaire est marqué par ces définitions / techniques /
classifications romaines.
Idée : les matériaux sont antiques, mais les constructions juridiques que vont réaliser les
juristes médiévaux et modernes ne le sont pas.
Cela nous dit beaucoup sur la manière dont on doit comprendre le droit romain des contrats.
Il existe des contrats consensuels (4 types : vente, louage, société, mandat), mais ils sont tout
à fait marginaux.
En réalité, le droit romain des contrats ne se construit pas autour de l’idée de l’autonomie de
la volonté, mais autour de l’idée que la seule volonté manifestée par les parties serait capable
de nouer le lien de droit / de faire naître l’obligation.
Gaïus constate qu’en dehors de ces 4 contrats consensuels, il faut des formalités pour
s’engager juridiquement et créer une obligation contractuelle.
→ Le droit romain des contrats n’est pas un droit consensuel, mais un droit formaliste.
Le droit romain des contrats est un empilement de contrats spéciaux, qui naissent à
différentes époques et qui vont s’empiler comme des strates archéologiques.
Certains contrats tombent en désuétude, tandis que d’autres traversent l’histoire de la loi des
Douze Tables jusqu’à Justinien.
Chaque contrat a un régime juridique spécifique très largement déterminé par l’action en
justice qui le sanctionne.
La 1ère génération de contrats est à peu près contemporaine à la loi des Douze Tables de
l’époque archaïque.
Ces contrats archaïques sont tous sanctionnés par une catégorie d’actions en justice que l’on
appelle les actio(nes) stricti juris (= les actions de droit strict).
D’un point de vue technique, les contrats archaïques et les actions de droit strict ne sont pas
très élaborées, mais ils répondent à des besoins juridiques et économiques très élémentaires.
Parmi les contrats de l’époque archaïque, aucun n’est consensuel. Il règne un important
formalisme contractuel ; si ce formalisme n’est pas respecté, on n’a pas accès au préteur.
Le pacte est un simple accord de volontés, qui ne donne jamais accès au préteur (à l’époque
archaïque).
Par principe, le consensualisme contractuel est condamné par la pratique.
→ Les romains ne pensent pas comme nous.
L’ancien article 1134 du Code civil est un plagiat complet d’un passage du traité Les lois
civiles dans leur ordre naturel de Jean Domat, jurisconsulte clermontois.
”Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites”.
La réforme de 2016 a corrigé cet article, pour mettre fin à la querelle doctrinale pour savoir
si, dans l’esprit du législateur de 1804, “contrat” et “convention” étaient synonymes.
Aujourd’hui, le Code civil dispose que “le contrat est un accord de volontés” = ce que les
romains appelaient une “convention”.
À Rome, il est clair que l’assimilation de l’un à l’autre est impossible. Par définition, il n’y a
que quelques contrats consensuels (4).
Les formalités sont une réminiscence de ce qu’est originellement le droit : pour que naisse
quelque chose de juridique (pour rattacher ce que l’on fait au jus), il faut qu’un rituel soit
accompli.
Il faut que des actes connus par tous manifestent la création de ce lien entre débiteur et
créancier et la possibilité de comparaître devant le préteur en cas de contentieux.
Si l’on a pas pris le soin d’effectuer les rituels imposés par la loi (= si l’on n’a pas posé le
formalisme exigé par le droit de la cité), ce dont on a convenu n’a pas été tiré du champ du
fait pour le poser dans le droit, donc on ne pourra rien exiger de l’autre en justice.
Les romains sont très conservateurs dans l’approche qu’ils ont du droit et du respect des
formes et des coutumes.
L’excès de formalisme peut conduire à des résultats aberrants.
Illustration :
Varro, un grammairien romain du 12ème siècle, donne l’hypothèse de l’acteur qui, sur scène,
va respecter le formalisme de parole qui permet de s’engager.
Si l’on fait confiance au formalisme jusqu’au bout, on doit admettre que c’est la seule vertu
des paroles rituelles qui noue le lien de droit.
C’est un raisonnement par l’absurde, qui signale l’absurde d’un excès de formalisme : ici, il
est clair que l’acteur n’a pas agir pour s’engager, mais pour mimer l’engagement.
→ Apparence de manifestation de volonté, mais il n’y a pas de véritable volonté.
⚠️ Ce n’est pas la volonté qui noue l’obligation, mais c’est la volonté manifestée dans la
conventio qui rend efficace le formalisme contractuel et permet de générer l’obligation.
Ce n’est pas du consensualisme, mais juste de la psychologie de base, parce que le contrat est
un acte de la vie civile qui doit être dominé par la raison.
Pedius dit bien que “il n’y a aucun contrat, aucune obligation, qui ne comporte en soit une
convention”.
C’est sur cette affirmation que la doctrine romaine va admettre la possibilité de sanctionner
l’erreur.
Ulpien : “ne sont pas présumés consentir ceux qui se trompent”.
L’erreur annule la convention, donc l’absence de convention rend inefficace le formalisme.
→ L’absence de formalisme fait tomber le contrat et donc la convention.
À l’époque archaïque, il n’y a pas de contrat consensuel : tous les contrats sont formalistes !
Le droit des contrats, à l’époque archaïque, est une accumulation de plusieurs contrats
spéciaux qui répondent à tel ou tel besoin très spécifique de la société (patriarcale) et de
l’économie romaine (essentiellement agraire).
Gaïus indique, dans son énumération des formes du contrat, que certains contrats formalistes
sont des contrats solennels et que d’autres sont des contrats réels.
Ce formalisme correspond à des paroles codifiées ou à des jeux d’écriture recueillis dans un
livre particulier.
Ici, c’est un dialogue codifié entre le créancier et le débiteur qui fait naître l’obligation.
La stipulatio est un contrat verbis d’un usage courant qui a connu une grande pérennité.
Il existe dans 2 formes différentes, en fonction de la qualité des parties au contrat :
● quand les 2 parties à l’acte sont des citoyens romains, on est face à une sponsio ;
● quand l’une des parties est un non-romain (un pérégrin), on recourt à la fidepromissio.
On fait intervenir la déesse Fides (divinité des engagements).
Dans l’un et l’autre cas, on exige – à peine d’invalidité – l’emploi de termes prédéfinis par les
parties présentes l’une et l’autre accomplissant le rituel dans un trait de temps.
Cette pureté de principe originelle va rapidement être altérée par la pratique, qui montre bien
qu’on croit de moins en moins en l’efficacité intrinsèque des paroles prononcées.
L’utilisation d’une autre langue que le latin naît, avec par exemple le grec (qui est alors la
langue de commerce).
Ce qui va compter : la parfaite concordance matérielle entre la question et la réponse.
La stipulatio est appelée le moule à contrats : la forme des paroles rituelles peut accueillir
tout type d’opération juridique, quel que soit le but juridique envisagé.
Dès qu’on recourt à la stipulatio, ce qu’on y met acquiert une force obligatoire qui nous
permet d’agir en justice en cas de contentieux.
→ Tout ce qu’accueille le formalisme est obligatoire.
Tout ce qui entre et tout ce qui sort est noté dans le commerce, soit en crédit, soit en débit. Du
point de vue comptable, on retrouve en crédit ou en débit ce qui m’a été avancé et ce que j’ai
décaissé.
Ce sont ces écritures comptables symétriques qui rendent créancier ou débiteur ceux qui sont
acteurs de l’opération.
Les contrats réels sont les contrats où le lien de droit (= l’obligation) se noue par la remise
de la chose (res).
Le contrat archaïque réel le mieux connu est le mutuum, qui est un contrat de prêt à la
consommation.
Idée : je m’engage, dès que j’ai reçu la chose, à rendre l’équivalent → situation banale de la
vie juridique, dans un monde encore agraire.
Le mutuum concerne toujours des biens consomptibles (= qui se détruisent par le premier
usage).
Exemple : blé, argent…
≠ biens fongibles.
Le prêt romain exclut par hypothèse de restituer davantage que ce que l’on a reçu.
Le contrat de prêt est un contrat de bienfaisance : c’est un service qui est rendu.
La tentation est alors forte de prévoir un intérêt, en ajoutant au contrat de mutuum une
stipulation d’intérêts qui prévoit de donner / payer une certaine somme d’argent (ou un
surcroît de blé, de vin, d’huile…).
Ce taux d’intérêt va très vite être réglementé à 12%, mais il ne concerne pas les
professionnels.
Cette opération complexe, qui lie le contrat réel de mutuum et le contrat verbal de stipulation
d’intérêt, est appelée l’usure.
L’approche réaliste du droit des obligations par les romains implique la nécessité d’avoir une
action pour pouvoir se dire réellement créancier d’une obligation.
Le formalisme de l’époque archaïque permet de donner l’accès au créancier si jamais le
débiteur ne s’exécute pas.
Tous les contrats de l’époque archaïque sont sanctionnés par une catégorie d’actions que les
juristes de la fin de l’époque classique appelleront actions de droit strict.
≠ actions de bonne foi = deuxième génération de contrats, qui naissent au début de l’époque
classique.
Cette catégorie des actions de droit strict renvoie à un schéma procédural commun
extrêmement rigoureux.
Ces actions de droit strict naissent à la fin de l’époque archaïque, pour éclipser des actions
formalistes beaucoup plus anciennes.
À l’origine, en matière de contrat, on plaidait sur le fondement du sacramentum, qui est une
action de la loi.
Cette action de la loi par le sacramentum suppose l’accomplissement d’un rituel judiciaire
réalisé devant le préteur.
Il existait 2 formes de sacramentum :
Le sacramentum in personam est très mal connu : ce sont les Institutes de Gaïus qui décrivent
cette procédure archaïque.
Il semble que les parties au procès procédaient à des déclarations solennelles devant le
magistrat. Celui qui se présentait comme créancier déclarait que l’autre devait lui donner ou
faire quelque chose, et le prétendu débiteur niait cette déclaration solennelle du prétendu
créancier → qui provoque l’autre au procès = au sacramentum.
C’est ensuite le judex qui dit qui a dit vrai devant le préteur et qui prononce une
condamnation contre celui qui a menti, qui succombe à l’action (amende).
Au 3ème siècle, de nouvelles actions s’ajoute aux autres : la condictio et l’action ex stipulatu.
Puisque ces nouvelles actions sont plus efficaces que le sacramentum, elles le condamnent à
la désuétude.
Les juristes désignent tardivement ces actions comme des actions de droit strict, parce que le
judex a une très faible marge d’appréciation pour déterminer le montant de la condamnation à
partir de la réforme de la lex aebutia.
Même si la condictio est très efficace, elle ne peut pas s’adapter à des hypothèses plus
complexes, où certains faits entrent en jeu ou lorsque l’on ne connaît pas précisément le
montant de la créance ou l’objet qui doit être livré par le débiteur.
Dans ces hypothèses, on utilise le schéma procédural de la condictio et on ajoute au début de
la formule une demonstratio, où l’on indique le caractère incertain de la formule, ce qui
contraint le judex à se prononcer plus tard sur la valeur de la créance avant de décider d’une
condamnation.
L’usage pratique amène à recourir à la condictio quand la créance est juridiquement certaine,
et à l’action ex stipulatu quand elle est juridiquement incertaine.
Lorsque la créance porte sur une somme ou une chose d’argent certaine et déterminée, on dit
qu’elle est certaine.
1. On utilise la formule condictio certae pecuniae :
2. lorsque quelqu’un a promis de payer une somme d’argent clairement
définie ; ou
3. lorsque, dans 2 codex, on a fait mention de la même somme d’argent en
crédit ou en débit.
2. Exemple : pour le mutuum (crédit de consommation).
2. On utilise la formule condictio certae rei lorsqu’une chose est juridiquement certaine.
Idée : une chose est juridiquement certaine lorsqu’il s’agit d’un corps certain (ex :
blé).
On est ici face à une difficulté pour régler la question de la teneur de l’obligation (→ la
teneur de l’obligation est un litige).
Le schéma des 2 formes de condictio n’est pas du tout adapté ici, puisqu’il faut y faire
mention de la cause de l’obligation pour que le judexs’engage dans l’instruction.
On considère aussi qu’une créance est juridiquement incertaine lorsqu’elle porte sur une
obligation de faire quelque chose.
Dans ce cas, le juré doit pouvoir déterminer la valeur de la prestation qui fait l’objet de la
stipulatio.
La demonstratio qui est ajoutée dans la formule lui permet d’accomplir cette tâche.
Le caractère strict de l’action ex stipulatu est marqué par l’alternative dans laquelle le juré est
engagé : soit il condamne, soit il déboute.
Dès que Rome commence à dominer le Latium et le bassin méditerranéen, les richesses
affluent, ce qui modifie l’économie romaine. Rome devient une puissance commerciale voire
bancaire.
On invente alors des outils juridiques qui répondent à une économie marchande.
Cette seconde génération de contrats qui voit le jour au 2ème siècle avant J.-C. est
parfaitement adaptée aux échanges, à la mobilisation des capitaux, à la garantie des emprunts,
des créances…
La technique juridique des contrats s’améliore : ils deviennent tous bilatéraux.
Cela témoigne aussi d’une évolution des mentalités juridiques romaines : on fait référence à
une notion éthique (la bonne foi) pour désigner une technique contractuelle et sa sanction
judiciaire.
Les contrats de bonne foi naissent dans le sillage d’une révolution économique :
l’avènement d’une société marchande.
Idée : il faut que le lien de droit (= l’obligation) et la sanction judiciaire offrent un cadre à ces
nouvelles activités et leurs subtilités.
Gaïus, en établissant une liste de formation des contrats, dit que l’on peut toujours contracter
re, verbis, litteris et consensu.
Dans la catégorie des contrats de bonne foi, on retrouve 4 contrats spéciaux consensuels.
A – L’existence de contrats re
Parmi les contrats de bonne foi, certains se concluent par la remise de la chose, de sa
propriété ou de sa possession, qui oblige celui qui la reçoit à la restituer.
Ces contrats réels correspondent à plusieurs opérations économiques liées au commerce.
Par exemple, le commoda est un prêt à usage ; celui qui utilise la chose prêtée à titre gratuit
peut engager sa responsabilité s’il fait un usage illicite de la chose ou commet quelque
négligence.
Ici, l’action est engagée sur la base du principe de bonne foi.
Parmi les contrats de bonne foi, certains sont conclus re et permettent des garanties réelles.
Idée : quand on a une chose de valeur, on peut en tirer profit.
4 contrats spéciaux peuvent, par exception absolue, se conclure par le simple consentement.
Ces 4 contrats sont essentiels à la vie des affaires romaine.
Dans ces 4 cas, la maxime ex nudo pacto, actio non nascitur ne s’applique pas (”du pacte nu
[= revêtu d’aucune forme] ne naît aucune action”).
On n’est pas encore dans un schéma consensualiste moderne, mais c’est le fait de se mettre
d’accord (= la conventio) qui crée l’obligation.
Pour ces 4 contrats, on est dispensé du formalisme ; idée : la conventiodispense de ces
formalités.
Gaïus explique que, dans ces contrats consensuels, les obligations naissent par consentement
mutuel, parce qu’elles n’exigent ni parole ni écrits spéciaux, tant que les contractants sont
d’accord.
Il souligne la souplesse de ces contrats : il est possible de contracter entre absents. Cette
souplesse est très adaptée à la vie des affaires et du commerce.
Par exemple, dès lors qu’on se met d’accord sur la chose et sur le prix, l’action du contrat de
vente est donnée.
La doctrine juridique romaine insiste bien sur la nécessité d’un accord absolu des parties.
On peut se fier à un certain nombre de pratiques et de coutumes : Gaïus signale que l’on
remet parfois un anneau à celui avec qui on a contracté, ou que l’on verse un acompte qui,
dans certaines provinces romaines, fait partie des arrhes (= somme à valoir versée à la
conclusion d’un contrat pour valider la transaction).
Il est par ailleurs possible que ces contrats consensuels n’aient été que de simples pactes, qui
ne donnaient pas la possibilité de s’adresser à la justice en cas de litige.
Ces contrats se sont néanmoins installés dans la pratique comme de véritables contrats
consensuels, sanctionnés par une véritable action.
Tous les contrats de l’époque archaïque sont unilatéraux et tous les contrats de bonne foi sont
bilatéraux.
La doctrine romaine perçoit très bien ce saut qualitatif qui a été accompli et analyse cette
connexité des obligations qui caractérise le contrat de vente.
La sanction juridique et judiciaire va changer en fonction de la nature du contrat.
Gaïus dit que, dans ce type de contrats, l’une des parties est obligée envers l’autre, en vertu
de la prestation que l’autre partie doit lui fournir.
C’est la symétrie des obligations qui caractérise cette bilatéralité.
De plus, les juristes romains vont solliciter des juristes romains d’Orient – pour qui le grec est
la langue la plus naturelle.
C’est le juriste Labéon qui va utiliser le terme grec de synallagma, qui veut dire “échange de
relations” → la convention.
Les romains n’entendent pas le contrat synallagmatique comme nous l’entendons aujourd’hui
: ce qui le caractérise, c’est que chacune des obligations sert de cause juridique à l’autre
obligation.
La conception médiévale et moderne du contrat synallagmatique, qui fait appel à la notion de
cause juridique, n’est pas celle des romains, qui ne font jamais référence à la cause.
Idée : aujourd’hui, on ne fait pas dépendre la validité d’une obligation à l’existence d’une
autre réciproque.
Tous ces contrats sont synallagmatiques, mais certains sont parfaits et d’autres sont
imparfaits.
● Pour les contrats synallagmatiques parfaits, les obligations naissent en même temps
que le contrat ;
● Pour les contrats synallagmatiques imparfaits, il se peut que la contre-prestation
n’advienne qu’à l’exécution du contrat.
Les contrats de la 2ème génération sont sanctionnés par des judicia bonae fidei = actions de
bonne foi.
Elles sont d’un usage beaucoup plus simple que les anciennes actions de droit strict,
puisqu’elles donnent au judex, pendant la 2ème phase du procès, une marge d’appréciation et
une capacité de moduler la sentence beaucoup plus grande.
Cette idée, suivant laquelle il doit régner une entente entre les parties qui dépasse la lettre du
contrat, arrive naturellement chez les romains, grâce à l’influence de l’éthique grecque sur
leur mentalité.
Elle est tributaire des conceptions grecques, essentiellement stoïciennes, que les romains vont
aller piller en Grèce.
Exemple : Cicéron, qui promouvait des idées stoïciennes, expliquait que ce qui impose à
l’homme de bien respecter les obligations du contrat, c’est aussi bien un substrat moral que
l’autorité de la loi.
Idée : les parties aux contrats doivent témoigner d’une certaine attention à l’égard de leurs
cocontractants ; elles doivent faire en sorte de ne rien exiger de malhonnête/d’excessif et
doivent coopérer pour rendre simple l’exécution par l’autre partie de ce qui a été convenu.
Cette recherche du juste et de l’équitable s’observe chez Cicéron, qui parle de Quintus
Scaevola, l’un des 1ers jurisconsultes connus.
À l’origine, Fides désignait la divinité des serments ; elle garantissait l’efficacité de serments
par la menace des vengeances qu’auraient pu prononcer les dieux contre les parjures.
Dès l’époque classique, elle devient une exigence éthique qu’on attend du citoyen.
Tout cela reste néanmoins très abstrait ; il faut passer ensuite à une phase de technicisation :
B – Une phrase de technicisation : la formule de l’action de bonne foi
L’actuel article 1104 du Code civil (ancien article 1134) dispose que “les conventions doivent
être exécutées de bonne foi”.
En 1804, cette disposition fait référence explicitement à la bonne foi des contrats de la 2ème
génération.
⚠️
En droit romain, certains contrats sont de bonne foi et contiennent cette clause tacite de
respect de la bonne foi.
≠ en droit français, par la volonté du législateur, tous les contrats sont des contrats de bonne
foi.
Au cours du 19ème siècle, on s’est empressé de réduire la portée de l’article 1134, car ces
dispositions risquaient d’accorder au juge un pouvoir de refaire le contrat, sous le prétexte de
la bonne foi.
L’éthique du juge aurait pu, sous couleur de foi, imposer une nouvelle économie du contrat,
indépendamment de ce que les parties auraient pu concevoir.
On a donc limité la bonne foi aux nouvelles que les parties n’avaient pas nécessairement en
vue, pour empêcher le juge d’imposer sa loi aux parties.
→ Vision individualiste du droit au 19ème siècle.
La vision romaine de la bonne foi est exactement inverse : au nom de l’idéal du bien et du
juste, il faut précisément permettre au judex de modifier l’économie du contrat au nom de
nom de la bonne foi, pour éviter les actes malveillants ou déloyaux entre les parties.
On ajoute dans le contrat une clause qui permet au judex de condamner aux
dommages-intérêts la partie qui n’aura pas fait ce qu’exigeait d’elle la bonne foi, de manière
active ou par abstention.
Il analyse l’attitude des parties, leur collaboration dans l’exécution du contrat, et corrige
l’équilibre contractuel, en sanctionnant ce qui a été déloyal.
→ Il ne s’agit pas seulement de punir celui qui agit de mauvaise foi ; il s’agit aussi de créer,
sur la base de la bonne foi, des obligations nouvelles.
💡
À Rome, la vente de la chose d’autrui n’entraîne pas la nullité radicale du contrat de vente
( aujourd’hui, si).
Il est donc possible que l’acquéreur se fasse évincer par le véritable propriétaire.
Si l’acquéreur voulait être garanti contre l’éviction, il fallait ajouter au contrat de vente des
stipulations spéciales de garantie contre l’éviction, afin d’ajouter à l’obligation pour le
vendeur de livrer induite dans le contrat de vente l’obligation de garantir contre l’éviction.
Ici, l’existence de la clause de bonne foi permet de dispenser l’acquéreur d’avoir à exiger du
vendeur qu’il stipule une obligation de garantie.
Le préteur estime que refuser d’indemniser l’acquéreur en cas d’éviction était, pour le
vendeur, une infraction à la bonne foi.
→ L’obligation abstraite de bonne foi devient très concrète ; dans le contrat de vente, elle
s’incarne dans l’obligation de garantie contre l’éviction.
L’inexécution par l’une des parties offre à son cocontractant la possibilité de demander
l’annulation du contrat : c’est l’exception non adimpleti contractus.
Cette exception a un nom romain, mais elle n’est pas romaine : elle a été imaginée par les
juristes médiévaux, qui ont réfléchi sur la notion de cause juridique.
Dans un contrat synallagmatique, la cause juridique de chaque obligation est l’obligation
réciproque : par exemple, la cause de l’obligation de livrer, c’est l’obligation de payer le prix,
et vice-versa.
Donc l’inexécution d’une obligation prive l’obligation réciproque de sa cause et justifie donc
l’annulation du contrat.
En pratique, la mise en jeu de la bonne foi permet d’aboutir à une situation de nullité concrète
du contrat non exécuté.
Les romains ne recourent pas ici à la notion de cause juridique, ils recourent simplement à
l’exigence concrète du respect de la bonne foi.
→ Grande plasticité du régime juridique de ces contrats de bonne foi de la 2ème génération.
Cette plasticité est particulièrement bien venue, car ces contrats de bonne foi sont les contrats
de la vie des affaires.
Le préteur (= magistrat) de l’époque classique a tiré parti de la souveraineté qui lui est
reconnue en matière procédurale.
Le droit des contrats évolue parce que les sanctions judiciaires des contrats se complexifient,
s’affinent et se perfectionnent.
Par exemple, la garantie est incorporée à l’obligation de bonne foi par l’initiative du préteur.
Le législateur est absent pour l’essentiel de l’évolution des techniques contractuelles à Rome.
Passé l’époque classique, il n’y a plus de contrats à proprement parler qui apparaissent : il n’y
a plus que des techniques paracontractuelles qui sont reconnues par le préteur et protégées par
des actions prétoriennes.
Les romains n’imaginent pas un régime abstrait, mais règlent les difficultés au cas par cas.
Le préteur, avec beaucoup de pragmatisme, utilise la responsabilité civile et les actions
pénales pour sanctionner la violence, le dol, ou les atteintes aux intérêts des créanciers.
Le pacte convenu (pactum conventum) n’est ni plus ni moins qu’un simple accord de
volontés.
Au sens strict, le pacte n’est qu’une convention unilatérale, mais comme il existe des contrats
bilatéraux, il existe des pactes bilatéraux.
Le préteur s’adapte au schéma conventionnel des 2 types de pactes, pour tenter d’apporter
une réponse judiciaire à des pactes fréquemment conçus et socialement utiles, qui appellent
de la part de l’autorité publique une initiative pour en garantir le droit.
Les pactes sont liés à la vie des affaires : en fonction de l’hypothèse qui dicte la condition du
pacte, la qualification juridique de la situation va varier.
Un pacte peut être destiné à aménager l’exécution d’un contrat → il n’a pas d’effets
juridiques obligatoires, mais le contrat en a.
Donner un certain effet obligatoire à un pacte adjoint au contrat principal sera beaucoup plus
simple et sollicitera moins l’initiative du préteur.
→ Théorie de l’accessoire.
Dans la vie concrète des affaires, les parties à un contrat peuvent être amenées à en modifier
certaines dispositions ou à en aménager l’exécution.
Les juristes romains vont dessiner une typologie de ces pactes unilatéraux adjoints à un
contrat principal, en fonction de la date à laquelle il a été conclu et en fonction de son objet.
La date permet de distinguer les contrats in continenti des contrats ex intervallo (= après la
date de conclusion du contrat principal).
L’objet permet de distinguer les contrats ad augendum (qui augmenter l’obligation prévue
dans le contrat principal → pacte de renforcement) des contrats minuendum obligationem
(pacte minutoire).
Cette typologie permet de combiner les critères d’imaginer la possibilité de donner ou non
une certaine efficacité au pacte.
Les romains réfléchissent toujours en termes de procédure, avec cette alternance essentielle
entre l’exception et l’action ou entre moyen de défense et moyen offensif.
Cette manière d’aborder par la procédure la question du pacte oblige à faire intervenir la
nature de l’action découlant du contrat principal, et par voie de conséquence la manière dont
la formule de l’action a été écrite et la marge d’appréciation et la marge d’action dont
disposera le judex pendant la seconde phase du procès.
Il est beaucoup plus facile d’admettre que le pacte soit invoqué par celui qui l’invoque en
défense → exceptio pacti = exception de pacte.
En revanche, à l’autre bout du spectre, il sera difficile voire impossible d’invoquer comme
demandeur un pacte de renforcement adjoint à un contrat de droit strict, parce que la
substance de l’obligation serait modifiée ici par une simple convention.
Un contrat de bonne foi est beaucoup plus facile à modifier par un pacte.
En effet, le fait que les parties se soient mises d’accord dans un pacte et que l’une des parties
fasse mine d’ignorer cet accord peut conduire le judex à constater une infraction à la bonne
foi.
Le préteur peut constater un simple pacte, qu’il va traiter pour ce qu’elle est : un pur fait.
Les parties se sont mises d’accord sur certaines choses, mais c’est un pacte nul.
Le préteur ne donne pas d’action directe, car ce n’est pas un contrat, mais il dispose de la
technique des actions in factum.
Idée : il saisit le pacte, décrit dans la formule de l’action in factum ses faits, comment les
parties se sont mises d’accord, et sur quoi ; puis, usant de son autorité, il commande au judex
d’enquêter sur l’exactitude matérielle des faits. Si les faits sont constatés, il lui ordonne de
prononcer la peine qu’il a fixé.
→ Le pacte reste un fait, mais le préteur accepte de donner une action in factum qui rend le
pacte efficace.
Ce qui amène le préteur à protéger certains pactes, c’est qu’ils sont socialement et
économiquement utiles.
C’est notamment le cas pour la garantie bancaire apportée par un banquier, qui ne correspond
pas à un cautionnement et n’est donc qu’un simple pacte.
Idée : il faut donner au client du banquier une action in factum contre le banquier s’il ne joue
pas le jeu.
On parle de pacte prétorien, parce que la sanction judiciaire est de nature prétorienne.
Mais quand la figure du préteur s’efface à la fin de l’époque classique pour laisser la place au
rôle de l’empereur (juge suprême), ce sont les empereurs qui accordent leur protection à tel
ou tel acte, à raison de sa fréquence, de son utilité…
On parle alors de pacte légitime, parce que les jugements de l’empereur sont des
constitutions.
Ces pactes légitimes sont des contrats reconnus tardivement qui ne disent pas leurs noms.
→ À l’époque postclassique, les catégories classiques sont assez malmenées par les
initiatives des empereurs.
La vie des affaires amène à conclure des pactes qui ont un caractère bilatéral.
Ces pactes vont recevoir eux aussi une sanction judiciaire. Grâce à cette sanction, ils vont
devenir d’un usage tellement courant que la doctrine les rapproche assez volontiers des
contrats synallagmatiques de bonne foi consensuels.
On les appelle synallagma ou nova regalia, ce qui montre la force juridique qu’obtiennent de
simples pactes bilatéraux.
Les juristes médiévaux iront encore plus loin, en les appelant les contrats innommés.
Ces pactes bilatéraux vont simplifier considérablement la tâche des juristes romains : l’une
des parties au pacte va exécuter spontanément ce à quoi elle s’est engagée dans l’espoir de
recevoir une contre prestation en retour.
Si celui qui a payé spontanément invoque le pacte pour contraindre l’autre à faire ce qu’il
aurait dû faire ou à donner ce qu’il aurait dû donner, le préteur va refuser d’agir.
Mais si l’on a un avocat astucieux, on ne plaide pas sur le fondement du pacte, mais on
cherche à qualifier juridiquement le fait matériel qui a consisté pour nous à faire ce qui a été
promis.
→ Les pactes bilatéraux sont une source indirecte d’obligations.
Les juristes romains classent les pactes bilatéraux en fonction de ce que les parties ont en vue
au moment où elles se mettent d’accord.
Ils constatent qu’il y a 4 catégories irréductibles de pactes bilatéraux :
Or, quand je sors un élément de mon patrimoine et que l’autre reçoit cette chose dans son
patrimoine sans faire en contrepartie ce qu’il avait promis de faire ou de donner, celui qui a
reçu s’est enrichi sans cause.
On peut donc qualifier cette situation d’enrichissement injuste.
Ici, on fait un pas de côté qui permet de passer du contractuel (qui n’existe pas) au
quasi-contractuel (qui est très réel).
Le quasi-contrat me donne une action ; il y a une vraie obligation sanctionnée par une vraie
action civile directe.
J’obtiendrai une indemnisation proportionnelle à la valeur de la chose dont je me suis défait
spontanément.
Ce n’est pas le pacte bilatéral qui permet d’obtenir une action, mais l’exécution spontanée qui
altère la situation des faits et le statut patrimonial des parties à la convention → permet
d’obtenir une action en justice.
Les actions en indemnisation ne sont pas du tout satisfaisantes, puisque ce qu’avait en vue
celle des parties qui a accompli la conventio, ce n’est pas d’obtenir une indemnité, mais
d’obtenir ce qui a été convenu.
Le préteur cherche donc le moyen procédural de tordre le bras de celui qui a reçu le bénéfice
de la prestation spontanée.
Ce moyen s’appelle une action arbitraire, parce qu’on arbitre : le préteur laisse le
demandeur à l’action évaluer lui-même sous serment la valeur de la contreprestation qu’il
attendait et qui n’est pas venue mais qu’il souhaite obtenir.
L’évaluation par ce demandeur aboutit à une somme qui est surévaluée, mais pas de manière
excessive, puisque l’évaluation a été faite sous serment (= sous le regard des dieux).
Le défendeur est condamné à payer la somme qui a été fixée par le demandeur, mais on laisse
la possibilité à celui qui a succombé à l’action (= qui a perdu le procès) d’arbitrer : il peut
choisir entre la condamnation pécuniaire (qui est manifestement défavorable) ou l’exécution
de la prestation qui était envisagée à l’origine dans le pacte bilatéral.
→ Une contrainte financière pèse sur le défendeur pour accomplir ce qu’il avait promis.
Dans l’analyse juridique stricte de la situation, c’est toujours l’exécution spontanée par l’une
des parties qui crée cette situation.
En pratique, toute convention bilatérale est assortie d’une action dès lors que celui qui veut se
prévaloir de cette convention bilatérale exécute spontanément.
Ces pactes bilatéraux vont jouer un rôle important pour imposer l’idée que les conventions
légalement conclues sont susceptibles de tenir lieu de lois à ceux qui les ont faites.
C’est d’abord en raison des rôles des juridictions d’Église au Moyen-Âge, qui ont à connaître
d’une partie du contentieux contractuel. En effet, beaucoup de contrats sont assortis d’un
serment → si quelqu’un n’exécute pas le contrat, il est parjure, ce qui relève évidemment de
la compétence des juridictions d’Église, qui se saisissent du même coup de la question du
contrat.
Les juristes médiévaux vont chercher à contourner, par une interprétation créatrice, l’interdit
ex nudo pacto.
Ils vont s’intéresser à la question de la nudité du pacte, en se disant que s’il existe des pactes
nus, c’est qu’il existe des pactes vêtus → invention de la théorie du vêtement.
Idée : tout est explicable en droit par ce qu’on trouve dans le corpus de Justinien, y compris
les lacunes et les contradictions.
De grands juristes tels que Bartole ou Balde vont expliquer que, parmi les vêtements
possibles, il peut exister la cause juridique.
Toute convention qui possède une cause juridique est vêtue et a donc une force obligatoire.
Preuve : les conventions bilatérales → tout accord de volonté qui a une cause est vêtue et
donne droit à une action.
Ce concept de cause, qui a été vidé du Code civil en 2016, a joué un rôle essentiel dans le
triomphe du consensualisme.
En droit français, à partir de la 2e moitié du 16ème siècle, le grand avocat parisien Antoine
Loysel dit que “on lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles” → l’échange de
volontés suffit, il n’est plus nécessaire de recourir au formalisme.
Mais tous les contrats ne sont pas de bonne foi : rares sont les contrats où l’obligation de
respecter la bonne foi est censée être tacitement incorporée au contrat.
Pour la stipulatio, qui est le moule à contrats, l’on exige pas des parties autre chose que
d’avoir respecté le formalisme contractuel.
Conséquence : dès lors que les formalités verbis ont été accomplies, le débiteur perdra
toujours face à son créancier, quand bien même le créancier aurait utilisé des moyens
frauduleux pour obtenir la conclusion du contrat.
Le préteur va utiliser un biais pour pouvoir atteindre ces comportements qui faussent le jeu
contractuel en contraignant quelqu’un à conclure le contrat formaliste : il qualifie ces
comportements anormaux de délits et les réprime comme tels.
Ce n’est pas une sanction de nature pénale, mais c’est le même moyen de nature pénale que le
préteur Paulus va utiliser contre certains comportements frauduleux accomplis par un
débiteur au détriment de ses créanciers.
Jusqu’au 1er siècle avant J.-C., en fonction de la nature du contrat, il sera possible ou non de
reprocher à son créancier des comportements violents ou des comportements dolosifs.
💡
Rappel : le droit romain des contrats est un empilement de contrats spéciaux, avec chacun son
régime juridique.
En revanche, quand un cocontractant n’a pas à sa disposition une action de bonne foi et qu’il
a des motifs sérieux de reprocher la violence ou le dol de son créancier, le magistrat imagine
des expédients procéduraux pour corriger cette lacune.
→ La violence et le dol sont qualifiés de délits par le préteur et sanctionnés par une sanction
pénale.
À l’origine, il s’agit des exactions qui ont été commises par les partisans du général Sylla.
> Si ces contrats sont formalistes, il n’est pas question de faire valoir la bonne ou mauvaise
foi de son créancier à l’occasion d’un procès.
> S’il s’agit d’un contrat de la 1ère génération, sanctionné par une action de droit stricte, la
formule de l’action de droit strict n’autorise pas le judex, pendant la seconde phase du procès,
à aborder cette question.
Le préteur incrimine le comportement de ceux qui utilisent la violence pour obtenir quelque
chose d’un débiteur.
Comme il s’agit d’un délit, il faut que la violence ait atteint un certain niveau pour produire
l’abolition de la volonté.
Le metus que le préteur aura en vue doit être “le plus atroce qui soit” ; pour mesurer le niveau
de l’atrocité, la crainte la plus atroce aurait dû effrayer “l’homme le plus courageux”.
Les romains vont imposer une distinction entre le mauvais et le bon dol : c’est le mauvais dol
qui ouvre la voie à une sanction pénale.
Selon Labéon (juriste romain), le mauvais dol est “toute finesse excessive, tromperie,
machination, artifice destiné à circonvenir, tromper, décevoir autrui”.
Le préteur réalise très vite que ces moyens, qui sont de nature judiciaire, ne sont pas toujours
efficaces dans certaines situations marginales.
On passe alors à l’arme extrajudiciaire : la restitution.
Il suffit d’attendre le créancier violent et/ou escroc nous assigne en justice sur le fondement
du contrat (unilatéral de droit strict, sinon on bénéficierait de la bonne foi).
Celui qui veut repousser la demande de son créancier en invoquant la violence ou le dol
réclame l’exception au préteur, qui l’inscrit dans la formule.
Pendant la seconde phase du procès, il suffit d’apporter au judex la preuve des faits
délictueux.
L’avantage de cette exception est qu’elle est perpétuelle (il n’y a pas de délai) et péremptoire
(je prouve, l’autre perd).
En matière de violence, c’est le préteur Octavius qui imagine le schéma procédural de cette
action pénale.
En matière de dolus, c’est Aquilius Gallus.
S’agissant de la violence, l’objectif d’Octavius n’est pas seulement d’indemniser, mais aussi
de punir.
Objectif : réprimer la violence, pour maintenir l’ordre public.
On encourage le demandeur à agir très vite, dans un délai d’1 an, parce que c’est dans ce
délai que l’action de metus possède sa dimension pénale.
Autre caractéristique de l’action pénale : elle est intransmissible passivement → les héritiers
n’héritent pas du droit de poursuivre → ça n’est pas une créance.
Cette action de dol est transmissible passivement : les héritiers de la victime de dol pourront
intenter l’action de dol comme s’il s’agissait d’une créance.
Dans certains cas particuliers, il peut arriver que ni l’action ni l’exception ne soient efficaces.
Si tel est le cas, le préteur utilise son pouvoir de juris dictio et son imperium (pouvoir de
commandement) pour créer le moyen offensif extraordinaire : l’in integrum restitutio.
Idée : le préteur commande à celui qui possède le bien de rendre le bien obtenu par violence
ou escroquerie, ou commande de réaliser tous les actes juridiques nécessaires pour annuler en
pratique toutes les conséquences juridiques de la violence ou du dol.
C’est un pouvoir d’essence jupitérienne : il commande. Ce commandement ne donne pas lui à
une quelconque contestation.
On se plaint au préteur → il enquête → il commande.
C’est un correctif qui vise à ramener les patrimoines des parties dans l’état dans lequel ils se
trouvaient au moment de la conclusion du contrat.
💡
En résumé : la crainte, la violence et le dol sont des délits qui viennent altérer le rapport
contractuel, mais ne sont pas des causes de nullité du contrat.
Dans la Rome archaïque, être obligé juridiquement peut ouvrir la perspective peu réjouissante
d’être vendu comme esclave.
Ces dispositions de l’époque archaïque tombent assez vite en désuétude, puisqu’elles sont
considérées comme contraires à la faveur de la liberté.
La tentation peut donc être grande, pour certains débiteurs, de prendre des risques dans
l’administration de leurs affaires, au détriment des créanciers.
Le préteur va considérer que le fait de mettre délibérément en danger les intérêts de ses
créanciers est un délit.
→ Délit de fraus creditorum (”la fraude des créanciers”).
À l’origine, la répression de ce délit ne passe pas par l’utilisation du pouvoir de juris dictio,
mais sur l’utilisation de son imperium (= capacité de donner des ordres inconditionnels).
C’est de l’imperium que découle l’interdit fraudatoire.
→ Dès que l’on crée ou que l’on aggrave délibérément son insolvabilité, on s’expose à ces
mesures particulièrement contraignantes, ordonnées par le préteur.
Ces mesures découlant de l’imperium sont des “armes juridiques de destruction massive”,
puisqu’elles ne permettent pas vraiment de descendre dans le détail des situations et de régler
un certain nombre de difficultés.
Le préteur Paulus crée donc une action de nature pénale, qui vient s’ajouter à l’interdit et à la
restitution, pour garantir la position des créanciers face à des actes juridiques qui provoquent
au aggravent l’insolvabilité du débiteur :
Le schéma le plus simple est celui du créancier qui suspecte la fraude de son débiteur et qui
lui demande raison au moyen de cette action pénale qu’est l’action paulienne.
Ce schéma est dans les faits le schéma le moins probable, puisqu’il est assez fréquent qu’un
même débiteur ait plusieurs créanciers, ce qui accélère le creusement de l’insolvabilité.
Les dispositions actuelles du Code civil (article 1341-2) prévoient que chaque créancier agit
aujourd’hui pour la défense de ses propres intérêts.
Raison simple : de droit commun, il n’existe pas de faillite civile en droit français.
En revanche, à Rome, il existe une véritable procédure collective qui peut être intentée par
des créanciers faisant masse contre leur débiteur commun.
C’est ce qu’on appelle la procédure de venditio bonorum (”la vente des biens”), qui est
l’ancêtre de la technique de la faillite.
Les créanciers constituent une seule masse et sont envoyés en possession de l’intégralité du
patrimoine du débiteur.
Ils désignent une personne qui va les représenter : le curateur aux biens (curator bonorum).
C’est lui qui liquide le patrimoine et qui répartit l’argent entre les créanciers, en fonction du
montant de leurs créances et de leurs dates.
Le curateur peut intenter, au nom de la masse des créanciers, l’action paulienne, pour voir
rétabli dans le gage commun (= le patrimoine du débiteur) certains actifs ou biens qui s’en
sont échappés frauduleusement, au détriment des intérêts de la masse des créanciers.
💡 Pour le défendeur, les choses sont beaucoup plus simples à Rome qu’aujourd’hui.
Hypothèse la moins fréquente : qu’il s’agit personnellement du débiteur ; en effet, le/les
créancier(s) n’ont pas vraiment intérêt à assigner en justice un débiteur qui, par hypothèse, est
insolvable.
L’action paulienne est habituellement dirigée contre les coauteurs ou les complices de la
fraude = tous ceux qui ont pu détenir un actif du débiteur en ayant parfaitement conscience de
frauder les droits des créanciers.
Plusieurs conditions sont posées : on ne peut intenter l’action qu’à raison d’actes juridiques
qui ont provoqué l’insolvabilité.
Exemple : un débiteur qui mettrait le feu à ses récoltes, ou qui égorge tout son troupeau → ce
ne sont pas des actes juridiques, même s’il y a un appauvrissement qui conduit à
l’insolvabilité.
L’acte juridique qui consomme l’insolvabilité ou l’aggrave doit par ailleurs être révocable.
Exemple : il est inutile de contester l’acte d’affranchissement d’un esclave.
On peut intenter l’action paulienne contre des actes juridiques d’appauvrissement positifs :
libéralités, remises de dette…
On peut aussi l’intenter à raison d’actes juridiques d’abstention ; ex : laisser s’éteindre une
servitude.
On ne peut pas reprocher à quelqu’un, par l’action paulienne, d’avoir refusé de s’enrichir, par
exemple en refusant un legs.
Idée : c’est une décision personnelle, qu’on ne peut pas critiquer.
Il existe une présomption de fraude qui pèse sur tous les actes dangereux en eux-mêmes
évoqués précédemment (ex : libéralité = donner quelque chose à quelqu’un).
On peut échapper à cette présomption par la preuve contraire.
Par exemple : un armateur consent des actes de libéralité ou accorde son cautionnement (très
dangereux) au moment où sa flotte de commerce vient de faire naufrage au nord de la Sicile.
S’il n’est pas au courant du naufrage quand il le fait, il n’y a pas de consilium fraudis de sa
part, donc ces actes échappent à l’action paulienne.
Les actes de libéralité sont par principe toujours révocables, à la différence des actes à titre
onéreux.
Les romains expliquent cette différence de traitement par des considérations d’équité à
l’égard des tiers :
Dans une libéralité, celui qui en bénéficie et qui voit l’acte de libéralité annulé perd une
chance de s’enrichir → il n’y a pas de perte.
On ne peut admettre en équité l’annulation d’un tel acte par action paulienne que si et
seulement si celui qui a bénéficié de l’acte a aussi participé à la fraude.
Objectif : lui éviter un dommage, qui n’est admissible que si celui-ci est lui-même de
mauvaise foi.
L’action paulienne est conçue par Paulus comme une action arbitraire.
La sentence laisse au débiteur ou au défendeur à l’action une alternative :
● soit il paie de lourds dommages-intérêts appréciés sous serment par le demandeur (qui
ne va pas se montrer trop chiche…) ;
● soit il procède à l’annulation de l’acte frauduleux et de toutes ses conséquences (qui
sont évidemment nuisibles aux intérêts des créanciers).
Le caractère davantage pénal de l’action paulienne tient au fait que l’on peut l’intenter contre
tous les auteurs, co-auteurs et complices de la fraude → le cumul de l’action est possible.
→ Le coefficient multiplicateur qui caractérise l’action pénale est pertinent concernant
l’action pénale.
Il n’existe pas, en droit romain, d’équivalent à l’article 1140 du Code civil, qui ferait de
l’autonomie de la volonté le pivot du droit des contrats.
Il n’existe pas non plus d’équivalent à l’article 1240, qui ferait de la responsabilité le pivot du
droit à une indemnisation.
Il existe, en droit romain, un empilement de délits spéciaux qui permettent d’obtenir une
indemnité en fonction de l’acte nuisible et préjudiciable (du maleficium dont on est victime).
Le principe commun est celui de la responsabilité pour faute.
Le maleficium est une notion juridique qui recouvre à la fois le crime (crimen – une infraction
très grave qui porte gravement atteinte à la paix publique) et le délit (delictum).
La répression du crime se réalise au moyen d’actions à caractère public, qui débouchent sur le
prononcé de peines ayant un caractère afflictif et infamant.
Les tribunaux criminels à Rome s’appellent les quaestiones ; ce sont des jurys qui sont très
spécialisés dans la répression de tel ou tel crime.
Le délit est un maleficium qui ne porte atteinte qu’à des intérêts privés.
Ce sont des intérêts privés qui sont lésés, donc on utilise la procédure civile ordinaire. On a
recours à une action qui débouche sur une poena(une peine) : des dommages-intérêts ou
indemnités.
Le délit est une atteinte qui peut être très grave, mais à nos seuls intérêts privés → on obtient
une poena.
→ Le délit à Rome est civil par nature.
C’est tardivement que certains délits vont donner lieu parallèlement à une action criminelle,
avec des actions pénales réprimant des délits spéciaux : dolus, metus, fraus creditorum… qui
débouchent sur des dommages-intérêts auxquels on peut échapper par des actes contraires ou
des actes de restitution.
Il y en a quelques-uns dans la loi des Douze Tables, qui sont très liés à l’activité rustique de la
Rome archaïque : l’abattage d’arbres, l’incendie volontaire de récoltes, le pacage (laisser des
animaux déambuler et brouter) sur le fond du voisin…
Tardivement, on crée le délit aquilien, qui naît d’une loi spéciale (lex aquilia) dont
l’interprétation très extensive permet de dessiner les contours de ce qui deviendra notre
💡
responsabilité pour faute.
On parle encore, au 19ème siècle, de la “responsabilité aquilienne” pour désigner le
régime de l’ancien article 1382.
À l’époque classique, on substitue aux modes anciens du furtum une action pénale en bonne
et due forme, qui aboutit au prononcé d’une poena, qui peut aller jusqu’à 4 fois la chose
volée.
→ Coefficient multiplicateur = vraie action pénale.
● la mutilation (membrum ruptum) conduit à l’origine à la peine du talion (œil pour œil,
dent pour dent) ;
● pour une simple blessure sans mutilation (os fractum), il s’agit d’une amende légale
calculée en fonction d’un barème, qui prend en compte la qualité de la personne lésée
(libre ou esclave, enfant ou adulte…).
Au bas de l’échelle, on a l’injuria simple, qui est l’atteinte à la personne qui ne laisse aucune
trace (par exemple, la baffe).
Elle donne lieu à une amende forfaitaire ; mais avec l’inflation, cette amende se révèle vite
illusoire.
On raconte parfois l’histoire d’un chevalier qui se promène sur le forum romain en baffant
les gens, suivi par son esclave qui leur donne 25 as en échange.
Après une réforme de l’indemnisation de l’injure, le barème légal et la peine du talion sont
abolis, et l’on confie l’estimation du préjudice à un collège qui fixera la peine à prononcer.
Ce système n’est pas sans imperfections ; c’est pourquoi une loi spéciale va naturellement
intervenir, à une date encore sujette à discussion : la lex aquilia :
En dépit de son nom, la lex aquilia n’est pas une loi, mais un plébiscite (= une résolution
votée par la plèbe, qui a force de loi).
Il est vraisemblable que cette résolution de la plèbe soit intervenue pour régler des différents
entre l’aristocratie romaine (les patriciens) et les plébéiens : des plébéiens auraient été
victimes d’exactions qui leur auraient causé des préjudices patrimoniaux, sans bénéficier
d’une action pénale spéciale susceptible d’indemniser.
Ces 3 chapitres constituent la base légale d’un nouveau délit d’atteinte aux biens.
Damnum injuria datum = le dommage causé sans droit.
Le recours à ces dispositions reste très limité – c’est l’interprétation par la doctrine qui va
permettre d’étendre le champ d’application de cette loi.
Cette lex aquilia a un caractère très composite ; son apport au droit semble résider dans le
système de l’indemnisation du préjudice subi.
Cette loi, comme toute loi spéciale instituant des délits spéciaux, comporte en elle-même des
restrictions quant à la consommation du délit aquilien et quant au moyen d’être indemnisé.
Les termes de la loi semblent avoir posé des conditions bien particulières pour que le judex
soit autorisé à indemniser.
À l’origine, tout dommage causé aux biens ne sera pas un délit aquilien, car la nature de ce
dommage est fixée en des termes stricts.
Le chapitre 1er vise le fait de tuer un esclave ou un quadrupède vivant en troupeau. Cela
signifie qu’on ne peut pas se plaindre si un autre animal a été tué.
Le chapitre 3 est moins restrictif quant aux choses pour lesquelles l’atteinte physique donne
lieu à indemnisation.
On admet vite que les biens meubles animés ou inanimés pour être indemnisés.
Ce préjudice résulte d’une action particulière, résumé par la triade “urere – frangere –
rumpere” = “brûler – casser – briser”.
→ Le dommage doit résulter de cette action.
Du côté de celui qui a commis l’atteinte produisant le dommage, la lex aquilia attend, pour
appliquer la répression, que l’on ait agi d’une certaine manière.
Idée : dans damnum injuria datum, il y a injuria, qui désigne ce qui est commis sans droit.
Celui qui est en état de légitime défense, qui repousse l’agression de l’esclave, qui tue
l’animal qui le charge… ne commet pas une action sans droit (il a le droit de se défendre).
La répression n’est possible que lorsqu’on a commis le dommage en n’ayant pas le droit de le
faire.
Par ailleurs, il est nécessaire que le dommage ait été commis par l’agent corpori corpore
(”avec le corps sur le corps”).
Idée : on sanctionne un coup de glaive / le coup de poing / la flèche…
La répression implique un contact physique direct entre l’auteur du dommage et la chose qui
subit le dommage.
Exemple : celui qui a effrayé le troupeau et qui voit le troupeau tomber dans un ravin ne peut
pas être poursuivi.
Cette action semble avoir un caractère surtout réipersécutoire : la peine que l’on obtient est
destinée à indemniser le plus complètement possible le propriétaire de la chose, grâce à un
barème qui tient compte des variations du marché.
(soit 1 an → chapitre 1 ; soit 1 mois → chapitre 3)
On peut réclamer la somme à l’auteur et au co-auteur, mais les caractéristiques de cette action
pénale introduisent une subtilité concernant les moyens pour le défendeur de se défendre :
Le défendeur peut nier son implication dans la perpétration du délit, ou bien reconnaître son
implication et seulement discuter le montant de la poena (= dommages-intérêts qui seront
prononcés contre lui).
Si le défendeur nie être l’auteur, mais que l’instruction à l’audience montre qu’il est
coupable, il y a dénégation téméraire donc la peine sera le double du montant de l’indemnité.
La loi aquilia, comme toutes les lois de circonstances votées à la hâte, est donc extrêmement
imparfaite.
Idée : ça coince partout, il y a plein de restrictions et de termes qui empêchent la
condamnation aisée de l’auteur des faits, il y a un luxe de détails dans les conditions dans
lesquelles le délit est perpétré, elle n’a une dimension pénale que dans certains cas.
Il faut donc que le préteur se saisisse de cette loi pour créer une sorte de principe général de
responsabilité délictuelle :
Une loi à Rome est l’expression de la volonté d’une assemblée présidée par un magistrat ou
un tribun.
Elle est classée puis enregistrée dans les archives.
Les générations de juristes qui vont l’appliquer vont l’enrichir de stipulations nouvelles – et
donc d’une portée nouvelle.
Ce qui préoccupe un juriste romain, c’est d’attirer dans le champ d’application d’une loi utile
un maximum de situations particulières lorsque ça l’arrange.
Pour cela, il doit être habile, pour faire dire à la loi ce qu’elle n’avait pas imaginé.
Exemple : si je m’entraîne au javelot sur un stade, qu’un esclave passe et qu’il meurt, je n’ai
pas fait exprès ; je me livrais à une activité qui est conforme à la destination du stade, donc
l’esclave devait faire attention.
On procède donc à une analyse des cas pour savoir si, dans une situation particulière, un acte
fautif a été commis (qu’il s’agisse d’un acte de commission ou d’abstention).
→ Permet d’étendre le champ d’application.
L’enfant et le fou, qui n’ont pas de vie morale du point de vue du droit, ne peuvent jamais être
condamnés (un enfant commet des bêtises, mais juridiquement pas de faute).
La lex aquilia, qui est une loi de la fin de l’époque archaïque, avait retenu un mode de calcul
de l’indemnité très rigide, puisque fondée sur un barème prédéterminé.
Le problème de ce barème, c’est qu’il ne permettait pas d’indemniser l’entier préjudice.
Exemple :
Un quadrige est un équipage de 4 chevaux dans les courses de char.
Si l’on tue 1 des chevaux, la lex aquilia s’applique et l’on est indemnisé sur la base de la plus
haute valeur acquise par le cheval dans l’année qui précède.
Mais l’entier préjudice n’est pas indemnisé, parce que la valeur du cheval dépend aussi de la
valeur du quadrige (des 3 autres), puisque ce sont des chevaux qui ont été dressés pour
travailler tous les 4.
→ Perte de valeur du quadrige pas indemnisé.
Exemple : si un esclave est institué héritier, il peut être tué avant d’avoir fait adition
d’hérédité (= d’avoir accepté la succession).
La perte sèche occasionnée par l’impossibilité de percevoir la succession n’est pas
indemnisée.
Ces remèdes prétoriens laissent de côté d’une part ces limites et d’autre part des possibilités
d’indemniser autre chose qu’une atteinte aux biens (sachant que, juridiquement, l’esclave est
un bien).
Le préteur a déjà manipulé un peu les termes de la formule de l’action de la loi aquilia.
À côté de l’action directe, les magistrats vont inventer une action utile destinée à étendre à
des situations non prévues par la loi l’avantage technique offert par l’action de la loi
aquilienne.
1) La limite subjective
La loi aquilia est destinée à réprimer des atteintes aux biens, mais en faveur des propriétaires
civils de la chose endommagée.
En principe, les non-romains (= les pérégrins) ne peuvent pas invoquer le droit civil et ne
peuvent donc pas invoquer la loi aquilia en cas d’atteinte à leur patrimoine.
Le préteur invente donc une action utile, qui consiste à introduire une fiction dans la formule
du préteur.
Cette fiction consiste à présenter le demandeur comme romain même s’il ne l’est pas : on
présume, de manière absolue, la qualité romaine du demandeur.
2) La limite objective
Le préteur utilise alors, par voie d’interprétation analogique, les dispositions de la loi aquilia
concernant l’esclave.
L’esclave se caractérise par le fait d’être soumis à la puissance du père de famille ; or les
enfants et les épouses sont soumis ou ont été soumis à cette même puissance, même s’ils sont
libres.
On applique donc aux atteintes corporelles involontaires subies par les enfants ou l’épouse le
remède de la loi aquilia.
Cependant, l’homme libre n’est soumis à aucune puissance, donc on ne peut pas appliquer le
remède de la loi aquilia.
+ Autre problème : pour un homme libre, on ne peut faire aucune estimation de la valeur du
corps, donc il est juridiquement impossible de calculer l’indemnisation.
Le préteur contourne cette maxime qui empêche l’indemnisation, en indemnisant par exemple
les frais médicaux, la perte des journées de travail…
Mais le préjudice esthétique a une valeur infinie.
L’objectif de Justinien n’est pas de poser législativement des grands principes doctrinaux,
mais plutôt de simplifier l’administration de la justice en matière d’indemnisation.
Désormais, à chaque fois qu’un justiciable ne disposera pas d’une action spéciale découlant
d’un délit spécial, il disposera de l’action in factum generalis.
Cette action délictuelle permet d’indemniser les dommages causés aux biens et aux
personnes, à l’exception de l’homme libre, que ce dommage ait été commis volontairement
ou involontairement.
Dans les conditions de délivrance de l’action in factum generalis, les juristes médiévaux – et
surtout les juristes de l’école du droit naturel moderne – vont dégager les 3 conditions
permettant d’engager la responsabilité civile d’une personne :
1. le dommage (damnum) ;
2. la faute (culpa) ;
3. le lien de causalité (datum).
C’est ce que le Code civil de 1804 résumera dans la formule de l’article 1240 du Code civil
(article 1382 avant 2016) :
”Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute
duquel il est arrivé à le réparer.”
Sûreté = garantie.
Techniquement, la garantie que l’on peut apporter peut être personnelle ou réelle.
Sûreté personnelle : on a 2 patrimoines qui servent de gage général au créancier.
Sûreté réelle : on extrait du patrimoine un bien qui sert de garantie à la dette.
À l’origine, les romains ont plutôt tendance à recourir aux sûretés personnelles, parce que la
Rome ancienne est une société dans laquelle les solidarités familiales/claniques/politiques
sont très fortes, donc il est assez simple de trouver quelqu’un qui se portera caution à nos
côtés.
Plus tard, ces solidarités s’affaiblissent, donc mécaniquement les sûretés réelles vont avoir
plus d’efficacité.
La corréalité désigne la situation particulière d’un codébiteur subsidiaire qui, en théorie, est
distinct de la situation d’une simple caution, qui répond à titre subsidiaire d’une obligation
qui est l’accessoire de la créance principale.
C’est une législation spéciale de la fin de l’époque républicaine qui imposera une distinction
plus nette entre caution et codébiteur solidaire.
Le créancier a contre chacun des codébiteurs solidaires l’action du contrat, et il peut réclamer
à chacun le tout, parce que chacun a promis la même chose.
La corréalité passive ne présente à première vue que des avantages pour le créancier qui, en
cas de besoin, dirigera son action contre celui qui paraît le plus solvable, et pourra lui
réclamer le tout.
Idée : mon droit est éteint, mais il est remplacé par le droit d’obtenir une condamnation.
Si j’obtiens une condamnation sur le fondement de la créance qui a été éteinte, et si cette
condamnation ne peut pas être exécutée parce que le débiteur est insolvable, j’ai beau être le
créancier d’une obligation in solidum, cette créance a été éteinte quand j’ai introduit l’action.
→ La condamnation d’1 des codébiteurs solidaires a libéré les autres.
→ Je ne peux pas faire exécuter la décision.
💡 Suivant le principe non bis in indem, on ne peut pas intenter, à raison d’une même
créance, la même action plusieurs fois.
Celui qui a payé et a libéré tous les autres en payant peut espérer voir les autres contribuer.
Mais difficulté : posséder une action en justice qui fonderait ce recours contributoire de celui
qui a payé contre ceux qui ont été libérés par le paiement.
→ Celui qui a payé n’a aucun moyen de se retourner contre les codébiteurs solidaires.
Si on analyse la situation, on constate qu’il n’y a qu’une seule obligation qui lie les débiteurs
corréels au créancier.
À l’époque classique, le préteur va examiner la raison pour laquelle celui qui a payé a payé.
Idée : si les codébiteurs ont accepté la solidarité passive, c’est peut-être parce qu’existait en
amont un contrat de société qui les liait les uns aux autres.
On estime que, quand ce contrat de société existe, le codébiteur qui a payé utilisera l’action
du contrat de société (pro socio) pour intenter ce recours contributoire.
La société est un contrat consensuel, donc on peut interpréter l’attitude des codébiteurs
solidaires pour présumer l’existence d’une volonté de s’associer.
+ L’action pro socio est une action de bonne foi, et il serait contraire à la bonne foi qu’un
associé refuse de s’associer au paiement d’une créance qui était liée à l’objet social de la
société.
Quand il n’y a pas de société, on peut envisager l’existence d’un mandat tacite, puisque le
contrat de mandat est aussi un contrat consensuel sanctionné par une action de bonne foi.
Pour cette raison, le créancier a tendance à actionner directement la caution, pour peu qu’elle
ait des apparences de solvabilité, sans s’assurer préalablement dans le cadre d’une action
judiciaire de la solvabilité du débiteur principal.
Raison : actionner le débiteur principal en premier lui ferait perdre son titre et la possibilité,
en cas de défaut, d’actionner la caution.
En pratique, ce mode de cautionnement qu’est l’adpromissio n’est donc pas très différent de
la solidarité passive.
Entre le 2ème et le 1er siècle avant J.-C., le législateur intervient pour renforcer le caractère
réellement accessoire et subsidiaire de l’obligation de la caution, avec 3 lois :
1. La lex publia oblige le débiteur à rembourser la caution dans les 6 mois si elle a été
actionnée directement.
S’il ne le fait pas, la caution dispose de la possibilité de saisir des éléments du
patrimoine du débiteur principal.
2. La lex appuleia traite du cas où il y a une pluralité de cautions.
Si l’une des cautions a été actionnée directement et a payé la totalité de la créance, il
ne possède à priori aucune action fondant un recours contributoire contre les autres
cautions ; en effet, chaque caution est liée au créancier mais les cautions ne sont pas
liées entre elles par un lien d’obligation → pas d’action.
La loi appuleia présume l’existence d’une société entre les différentes cautions.
Cela permet de donner à la caution qui a payé l’action du contrat de société contre
chacune des autres cautions pour leur réclamer leur part dans le paiement de la
créance.
En effet, si l’on présume que ces cautions entretiennent entre elles un rapport
juridique fondé sur un contrat de société, chacune des cautions possède une action
contre chacune des autres cautions.
3. La lex furia est beaucoup plus complète et aboutie.
Elle introduit une prescription libératoire : dans les 2 ans qui suivent la date
d’exigibilité de la créance, les cautions sont libérées si elles n’ont pas été actionnées
par le créancier.
Cette loi contraint aussi le créancier poursuivant à diviser ses poursuites en cas de
pluralité de cautions : il ne doit pas demander à chacun caution le paiement du tout,
ou de davantage que sa part.
La caution dispose contre le créancier de voies d’exécution pour réclamer le
trop-plein perçu par le créancier.
Ces 3 lois de circonstances sont destinées à protéger la caution et à lui offrir des recours →
contre le débiteur principal, contre le créancier, contre les autres cautions.
Mais comme souvent en droit, l’excès de protection conduit les praticiens à chercher les
moyens de contourner ces législations protectrices :
Les lois républicaines s’appliquent à la forme de cautionnement que l’on connaît à cette
époque : l’adpromissio.
Les juristes, pour éluder les dispositions de ces lois, inventent d’autres techniques de
cautionnements.
On voit ainsi s’ajouter à l’adpromissio 3 autres techniques ; il y a donc 4 formes de
cautionnement, qui répondent à des régimes juridiques parfois très différents, que Justinien
unifiera plus tard.
Dans un premier temps, les praticiens romains recourent au formalisme pour créer, à côté de
l’adpromissio, un autre cautionnement formaliste qui n’est pas concerné par les 3 lois de
protection de la caution.
+ À côté de ce nouveau mode de fonctionnement formaliste, les juristes romains imaginent de
détourner des techniques contractuelles pour les transformer en modes non formalistes de
cautionnement.
L’obligation principale qui est garantie peut naître de n’importe quel contrat, et non plus
exclusivement de la stipulatio comme pour l’adpromissio.
Le formalisme ne concerne que l’obligation de garantie.
Pour faire naître la fide-jussio, on a recours à nouveau à un dialogue formaliste où la caution
promet de payer en cas de défaut du débiteur principal.
Comme l’opération est différente de l’adpromissio, toutes les garanties légales dont
bénéficiait la caution en matière d’adpromissio ne sont pas applicables.
Le créancier est donc libéré de toutes les obligations légales que les 3 lois avaient ajouté : il
peut à nouveau poursuivre directement et pour le tout le fide jussor.
En cas de pluralité de fide jussor, aucun recours contributoire légal n’est prévu.
Cette opération est donc très intéressante pour le créancier, mais pas intéressante du tout pour
la caution.
Elle est aussi destinée à favoriser les affaires (le sort du créancier est stabilisé : c’est un calcul
économique).
La doctrine conseille aux parties de faire précéder leurs poursuites d’une phase de
négociation, qui doit permettre aux créanciers de s’assurer que le débiteur principal est bel et
bien insolvable.
Objectif : faire en sorte que la situation du fide jusseur soit celle d’une personne qui est tenue
à une obligation subsidiaire et accessoire.
Dès lors, le créancier qui actionnerait directement sans négocier commettrait une injure (délit
civil) → le fide jusseur disposerait d’une action pénale contre le créancier qui l’aurait
actionné directement.
Le créancier peut craindre que, s’il commence par actionner le débiteur principal et qu’il
constate qu’il est insolvable, il se voie opposer l’effet extinctif de la litis contestatio.
La doctrine suggère donc, lors de la conclusion de la fide-jussio, de mieux distinguer
formellement l’obligation principale de l’obligation de cautionnement.
Objectif : il faut que ces obligations aient des objets différents, pour que l’effet extinctif de la
litis constatio ne puisse pas être évoqué.
Le fide jusseur ne va pas promettre de payer la créance principale si le débiteur principal fait
défaut, il promet d’indemniser le créancier en cas de défaillance du débiteur principal.
→ On disjoint l’obligation principale de l’obligation de cautionnement.
→ Aménagements par la doctrine, qui renforce les caractères accessoires et subsidiaires qui
caractérisent le cautionnement.
En cas de pluralité de fide jusseurs (= pluralité de cautions), il faut trouver les moyens
d’offrir un recours contributoire à la caution qui aurait payé.
La pratique suggère de recourir à l’idée de subrogation personnelle → le fide jusseur assigné
en paiement se voit subrogé aux droits du débiteur principal → il peut exercer en ses droits et
actions contre les autres cautions.
On demande à celui qui offre de se porter caution de donner un mandat au créancier de prêter
au débiteur principal une certaine somme d’argent.
Cette technique sert en général à garantir le contrat réel de prêt, dont on confie la tâche à
quelqu’un de réaliser l’opération.
Cette technique était habile parce qu’elle permet de contourner l’effet extinctif de la litis
contestatio.
En effet, on a ici 2 contrats absolument distincts l’un de l’autre, même s’ils sont emboîtés : ils
font naître des obligations totalement différentes.
La litis contestatio ne concerne donc pas le contrat symétrique (idée : je ne plaide pas contre
la caution sur le fondement du contrat de prêt, mais sur le fondement du contrat de mandat).
L’autre mode non formaliste consiste à recourir au pacte.
Il s’agit de l’hypothèse où un débiteur demande à son créancier un délai de répit, mais le
créancier ne lui accorde un délai que si et seulement si le débiteur lui offre une caution.
Dans ces hypothèses qui concernent la vie des affaires, on se contente d’un simple
engagement verbal / d’un simple pacte.
C’est le préteur qui protège la situation du créancier et lui offrir une action prétorienne contre
la caution qui s’est proposée de rembourser en cas de défaillance du débiteur principal au
terme du délai de répit.
→ Pacte de constitut, protégé par le préteur.
Cette technique permet aussi de contourner l’effet extinctif de la litis contestatio, parce que la
litis contestatio est une technique civile, et que l’action que délivre le préteur dans le cadre du
pacte de constitut est une action prétorienne.
Quant bien même le créancier aurait actionné le débiteur principal, et que cette action aurait
éteint la créance, l’action prétorienne pourrait quand même être délivrée, parce qu’elle ne
repose pas sur le droit civil, mais sur un fait.
Dans une société archaïque, les rapports de solidarité familiale et sociale sont très présents →
il est très facile de se trouver une caution.
Plus tard, il devient plus facile de recourir à un autre type de garantie :
≠
La sûreté réelle consiste à isoler une res – une chose de valeur dans le patrimoine de son
débiteur – et à assigner cette chose au paiement de la créance.
Si le débiteur fait défaut, le créancier doit pouvoir mettre la main sur cette chose, se
l’approprier, la vendre et se payer sur le prix.
Plus la maîtrise du créancier sur la chose sera grande, plus la sûreté réelle sera efficace de son
point de vue.
L’idéal, pour le créancier, c’est d’être propriétaire de cette chose dès le début, comme ça il
pourra la conserver si le débiteur fait défaut.
Mais ce qui est favorable à un créancier n’est pas forcément favorable à l’économie en
général.
Les affaires exigent que l’on puisse tirer tout le crédit possible d’éléments de valeur de
patrimoine.
Le créancier va vouloir comme garantie un bien de valeur dont la valeur est égale ou
supérieure au montant de la créance.
Si on a une créance de 1 000, et qu’on est obligé de mobiliser une chose de 1 500, on perd
500 qu’on pourrait mobiliser pour avoir du crédit avec quelqu’un.
Donc plus la maîtrise sur la chose est grande pour le créancier, moins la capacité de tirer tout
le crédit possible de la chose est grande pour le débiteur.
C’est cette logique économique qui explique pourquoi on invente le pignus = le gage, qui
n’accorde au créancier gagiste que la possession, et non plus la propriété.
On finit par constater que même la perte de possession peut se révéler handicapante d’un
point de vue commercial et économique ; donc les romains inventent un gage sans
dépossession que nous appelons l’hypothèque.
Ce transfert n’a aucun inconvénient pour le créancier ! De son point de vue, il présente
l’intérêt de mettre la chose de valeur qui garantit sa créance à l’abri des initiatives des autres
créanciers ou du débiteur lui-même.
La remise de la chose fait néanmoins peser sur le créancier fiduciaire l’obligation personnelle
de rendre la propriété de la chose au débiteur quand celui-ci aura payé.
Si le débiteur fait défaut, le créancier reste propriétaire – il peut vendre la chose et
s’indemniser sur le prix, ou même conserver la chose → tout va bien pour lui.
Mais si le débiteur paie et que le créancier fiduciaire résiste et tarde à lui restituer la chose en
pleine propriété, le débiteur scrupuleux n’a à sa disposition qu’une action personnelle de
bonne foi, qui débouche sur le prononcé de dommages-intérêts.
On voit ici tous les dangers de l’opération : le débiteur perd la propriété, et donc l’action en
revendication.
La caractéristique du droit réel, c’est le droit de suite = la possibilité de récupérer la chose en
quelque main qu’elle se trouve.
Pour contourner cette difficulté de la perte de la chose + de la perte du droit de suite, les
romains imaginent de laisser la droit de propriété au débiteur et de n’abandonner au créancier
que la possession :
C’est à la fin de la République qu’on voit naître cette technique de sûreté réelle qu’est le
gage.
Il est possible qu’on se soit contentés pendant longtemps d’un simple pacte, mais à l’époque
classique le contrat de gage est classé parmi les contrats réels de bonne foi.
● le créancier gagiste a entre ses mains la chose, qu’il peut protéger judiciairement → il
peut empêcher le débiteur de faire n’importe quoi au détriment de ses intérêts ;
● quand le débiteur a payé, il est resté propriétaire → si le créancier gagiste tarde à
restituer la chose, l’action en revendication permet au débiteur d’aller chercher la
chose en quelque main qu’elle se trouve.
Le contrat de gage étant un contrat de bonne foi, le débiteur dispose de l’action de bonne foi
pour obtenir des dommages-intérêts à proportion des intérêts qui ont été lésés par le créancier
gagiste.
Par ailleurs, on considère que le créancier est protégé en cas d’impayé, puisqu’il peut vendre
la chose sans la réclamer à quiconque.
Le créancier gagiste ne pourra jamais acquérir la chose en pleine propriété par l’effet de
l’usucapion.
On parle de tradition nue pour désigner cette remise de la chose qui ne permet pas
d’enclencher le délai d’usucapion.
Il reste cependant une difficulté d’ordre économique : même s’il abandonne une chose en
gage à un créancier qui n’en sera que possesseur, le possesseur a une maîtrise directe et
physique sur toute la chose.
Ce surcroît de valeur s’évapore par l’effet du gage – on ne peut pas la mobiliser pour garantir
une autre créance.
C’est cette contradiction que cherche à dépasser le préteur Servius, qui s’inspire de
techniques issues du droit rural pour donner naissance à l’hypothèque.
Dans le cadre du paiement des fermages, ce qui fait souvent la fortune de l’agriculteur qui
doit payer les fermages, c’est le matériel agricole (esclaves, instruments aratoires…).
Si le bailleur exige une sûreté réelle (s’il veut être créancier gagiste), il exige de son fermer
qu’il se dépossède d’un esclave, d’un bœuf… qui sont des choses qui sont indispensables à
l’exploitation agricole.
Dans la pratique rurale, on procède à des engagements / à des pactes, par lesquels le bailleur
accepte, même s’il est créancier gagiste, de laisser les instruments aratoires à la disposition du
fermier.
Il est donc un gagiste sans gage, parce qu’il a laissé la chose gagée au débiteur gagiste, ce qui
naturellement n’est pas sans difficultés.
L’action servienne est une action réelle, qui suppose un droit de suite et la possibilité pour le
fermier d’assigner le possesseur actuel de la chose pour qu’il la restitue.
La contrepartie inventée par Salvius au renoncement par le créancier gagiste d’être mis en
possession du gage est de lui reconnaître un droit réel sur la chose.
💡
Droit réel = action réelle = droit de suite = possibilité d’aller chercher la chose en quelque
main qu’elle se trouve.
Ce gage sans dépossession qui fait naître un droit réel sur la chose au profit du créancier
concerne à l’origine des meubles (esclave, bœuf…).
Dans la pratique courante, on s’aperçoit vite de toute l’utilité que peut avoir ce gage sans
dépossession, en matière rurale comme dans des pratiques juridiques totalement différentes.
On accorde l’action servienne bien au-delà de son champ d’application originel : on parle de
l’action quasi-servienne.
Utilité de cette nouvelle technique de garantie : une même chose peut supporter plusieurs
droits réels concurrents (= supporter plusieurs droits de gagistes différents).
Il devient possible d’offrir une même chose en gage à plusieurs personnes → de tirer tout le
profit économique possible d’une chose de valeur.
Ce gage sans dépossession, qui accorde au créancier gagiste un droit réel autant sur les
meubles que les immeubles, devient le gage hypothécaire, ou tout simplement
l’hypothèque.
C’est une technique parfaitement pragmatique ; son régime juridique se construit à chaque
fois qu’une difficulté nouvelle est soulevée pour l’adapter aux besoins du commerce.
Ce gage sans dépossession qu’est l’hypothèque vient résoudre toute une série de difficultés
juridiques et économiques.
Grâce à l’hypothèque, le débiteur reste en possession de la chose gagée, mais le créancier
hypothécaire possède un droit réel sur la chose offerte comme sûreté réelle.
Il a un droit réel et un droit de suite : il peut récupérer la chose en quelque main qu’elle se
trouve, si le débiteur ne respectait pas les droits du créancier hypothécaire.
Les romains acceptent d’utiliser la technique de l’hypothèque aussi bien pour les meubles que
pour les immeubles ; aujourd’hui, l’hypothèque exclut en principe les meubles, mais c’est le
résultat d’une longue évolution du droit médiéval coutumier (adage “meubles n’ont pas de
suite par hypothèque”).
L’hypothèque peut grever des biens meubles ou immeubles + des biens corporels comme
incorporels.
Les romains admettent en effet l’existence d’une quasi-possession des choses incorporelles ;
par conséquent, une créance peut être grevée d’hypothèque.
L’hypothèque peut être créée / instituée par un acte juridique quelconque : par un contrat, un
testament, par une simple convention…
Le législateur s’empare naturelle de cette technique pour défendre les intérêts de l’État, avec
la création de la technique de l’hypothèque classique par les constitutions impériales →
garantie des droits du fisc.
Par ailleurs, le tuteur, dans l’exercice de sa charge, est censé – par la volonté du législateur –
avoir offert son patrimoine en hypothèque dans l’hypothèse où sa gestion tournerait en
défaveur de la personne protégée.
Problème : la technique de l’hypothèque se retrouve très vite victime de son succès.
On peut constituer plusieurs hypothèques à raison d’un même bien, et il existe des
hypothèques classiques grevant certains biens par la seule volonté de la loi.
Or, à la différence de ce qui existe aujourd’hui, il n’y a pas à l’époque romaine d’équivalent à
un espèce de registre où l’on inscrivait les hypothèques.
Ce système du registre connaît une sorte d’esquisse dans les provinces orientales de l’empire
romain.
En Egypte et en Grande Grèce, il arrive que certains fonds de terre hypothéqués soient
marqués par un signe distinctif indiquant qu’un droit réel grève cette terre ; mais c’est
exceptionnel : la plupart du temps les hypothèques qui grèvent un bien sont parfaitement
occultes.
L’hypothèque permet de tirer tout le crédit d’une chose, mais un débiteur indélicat peut être
tenté de tirer du crédit d’un élément de son patrimoine en l’hypothéquant, pour garantir des
créances dont la somme dépasse de beaucoup la valeur du bien.
Ce caractère occulte soulève de nombreuses difficultés le jour où plusieurs créanciers qui ne
sont pas payés vont chercher à mettre la main sur la chose et la vendre pour se désintéresser.
À Rome, cette procédure d’ordre n’existe pas. Chaque créancier hypothécaire agit pour ses
propres droits et se paie sur la vente de la chose.
Simplement, sa situation risque d’être compromise si un créancier hypothécaire plus ancien
se manifeste, prouve qu’il a un titre hypothécaire plus ancien et lui réclame la somme.
Dans l’absence d’un enregistrement des titres hypothécaires : procédure en chaîne, recours à
n’en plus finir…
Imaginons qu’il y ait 3 hypothèques : la 3ème hypothèque la plus récente se paie sur le prix,
la 2ème réclame la somme au 3ème créancier, s’aperçoit qu’il y a tout juste assez pour se
désintéresser et laisse un léger reliquat au 3ème, le 1er assigne les 2 autres…
C’est un dégât collatéral, qui démontre les limites de la technique (qui, économiquement, se
révèle très efficace).
On fait dériver certaines actions fondées sur la loi (actions directes)pour leur faire produire
des effets juridiques que la loi n’avait pas prévu(actions utiles).
Le préteur, dans ce cas, se contente de modifier un mot de la phrase de l’action directe, qui
devient une action utile en ce qu’elle offre une voie de droit à un plaideur / demandeur qui en
était dépourvu.
L’arsenal à la disposition du magistrat judiciaire est d’une très grande variété : le préteur ne
s’estime pas enfermé dans des catégories qui peuvent être arbitraires (ex : distinction entre
contractuel et délictuel) et qui n’ont pas de sens pour la vie concrète des justiciables.
L’on a pu voir que le préteur, pour défendre la justice contractuelle, ne va pas inventer une
théorie abstraite des vices du consentement : il va incriminer certains comportements
contractuels aberrants, les qualifier de délits civils et les réprimer par une action pénale.
Le droit des contrats à Rome est et demeure donc un droit des actions au service de ceux qui
ont contracté.
Le texte fondamental pour accéder au droit romain des obligations, pour le praticien romain
de l’Antiquité, reste l’édit du préteur, qui est le manuel le plus technique qui soit.
Le droit romain, ce sont des plaideurs qui viennent sur le forum devant le tribunal en
présence du préteur pour réclamer des actions.