Université Du Québec À Montréal
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THÈSE
PRÉSENTÉE
DU DOCTORAT EN PSYCHOLOGIE
PAR
GABRIÈLE GILBERT
JANVIER 2023
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques
Avertissement
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commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERCIEMENTS
J’aimerais aussi offrir un merci spécial à Sarah de m’avoir guidée et inspirée tout
au long de mon parcours. Merci à David de m’y avoir accompagnée et d’avoir su
me réconforter et me faire rire aux larmes dans les moments de plus grand
découragement. Votre amitié a été et continue d’être pour moi le lieu des plus
beaux échanges ainsi que des plus grandes démonstrations de solidarités
mutuelles.
À mes amis proches, je vous remercie sincèrement pour votre présence, vos
encouragements et votre soutien. Merci pour les échanges d’affection, les
moments de folie et de défoulement, les fous rires, les pleurs à des moments
inattendus et parfois dans des lieux inusités ainsi que les réflexions et les
discussions trop ou pas assez profondes. Je me sens choyée de vous avoir près de
moi.
Finalement, je suis reconnaissante pour l’intérêt démontré par mon père au cours
des dernières années à investir davantage le lien entre nous. Ces mouvements
vécus au sein de la relation prennent un sens particulier au terme de cette
recherche.
v
DÉDICACE
Je dédie ce travail à
REMERCIEMENTS ........................................................................................... ii
DÉDICACE ......................................................................................................... v
ABSTRACT ....................................................................................................... xv
INTRODUCTION ............................................................................................... 1
RÉFÉRENCES................................................................................................. 161
LISTE DES TABLEAUX
En Haïti, il est courant de retrouver des pères absents du foyer ou éprouvant des
difficultés au niveau du plein investissement de leur progéniture, et ce,
indépendamment de leur niveau d’éducation ou de leur statut social et
économique. Lorsqu’elle n’est pas banalisée, cette situation – qui a des
conséquences négatives sur les femmes et les enfants – est associée, dans
l’imaginaire populaire, au choix conscient de géniteurs volages, irresponsables
et insouciants. Or, qu’en est-il du point de vue subjectif des pères eux-mêmes sur
la question ? Afin d’aller au-delà des présupposés (souvent teintés de préjugés
négatifs) généralement établis et de pallier le manque de publications
scientifiques sur le sujet, cette étude propose d’aller à la rencontre des principaux
intéressés pour écouter ce qu’ils ont à nous dire et à nous apprendre sur la
question.
ABSTRACT
The main objective of this research is to explore the way Haitian fathers portray
fatherhood, particularly in relation to their personal and family backgrounds as
well as some aspects of their culture. The first sub-objective of the study is to
better understand and describe the obstacles to the fathers’ full involvement in
Haiti, as they are imagined and articulated by the fathers who took part in this
study. The second sub-objective of the research is to better understand and
describe what is at play on the phantasmatic level for the participants regarding
to their paternity. The following questions nourished the researcher’s thinking
throughout the study, until the objectives were achieved: how do the participants
understand the phenomenon of the absentee father in Haiti? How do they relate
to this issue? What fantasies and perceptions do they carry in relation to
fatherhood?
A qualitative research methodology has been used for this study. The theoretical
and clinical psychoanalytic framework that was used highlighted the meaning
given by the participants to the research problem, thus resulting in a better
understanding of the psychic functioning that might underlie low father
involvement in Haiti. To collect data, a total of 21 non-directive interviews were
conducted on site (in Haitian Creole and French) with 11 fathers who did not
have regular contact with at least one of their children. Adopting an inductive
approach, the researcher asked a limited number of open-ended questions to the
fathers, thus providing them with a space to unfold their stories and share their
fatherhood experiences. The thematic analysis of Paillé and Mucchielli (2016)
was used to reduce data. Consistent with the respective nature of the sub-
objectives of the research, the results were divided into two subsets (real
fatherhood and imagined fatherhood), each presented through an article.
this research advocates for the inclusion and involvement of Haitian fathers in
research and community interventions aimed at breaking the generational
repetition of the absentee father or of his difficulty to fully invest his fatherhood
in Haiti.
Problématique
1
Terme faisant référence au processus psychique soutenant le devenir parent (Le Camus,
2006).
2
Dans d’autres cas de figure, n’arrivant pas à assumer seules les coûts et les
responsabilités inhérentes à la parentalité, des mères monoparentales haïtiennes
se retrouvent à placer certains de leurs enfants en adoption (Billy et Klein, 2019).
Comme solution à la précarité et dans l’espoir de leur offrir un avenir meilleur,
d’autres confient leur(s) enfant(s) à des personnes mieux nanties s’étant engagées
à les loger, les nourrir et les scolariser en échange de travaux domestiques (Lubin,
2002). Dans les faits, ces enfants appelés « restavek » (un terme en créole
pouvant être traduit en français par « reste avec ») sont souvent condamnés à la
pauvreté et à l’exclusion sociale et parfois même réduits à des conditions
d’esclavage (Joseph et Kahou, 2011 ; Lubin, 2002). L’absence d’un milieu
familial stable, de soins adéquats et d’une présence parentale investie
(notamment sur le plan affectif) n’est pas sans conséquences sur le lien
d’attachement de ces enfants, lequel joue un rôle déterminant dans leur
développement psychique.
2
Avec l’appui du Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes, le mouvement
féministe haïtien a contribué à la réactivation de certains dossiers gouvernementaux suspendus,
notamment celui portant sur la paternité responsable (Côté, 2014).
3
Les cinq fois où j’ai vu mon père de Guy Régis Jr (2020) et Pays sans chapeau de Dany
Laferrière (2006) abordent l’absence du père haïtien.
3
Paternités sans frontières dans quelques romans haïtiens contemporains est une étude qui
s’intéresse à trois romans haïtiens récents qui dépeignent le père d’une façon différente, plus
positive (attentif, attentionné, responsable et soucieux du bien-être de ses enfants) qu’il ne l’est
classiquement. Selon l’autrice, il semble s’effectuer une « transformation du paysage sociale
dans l’imaginaire romanesque haïtien » (Ndiaye, 2016, p.106).
3
Cette étude propose de réhabiliter les pères haïtiens dans le questionnement (et
éventuellement dans l’intervention) portant sur le devenir et le mieux-être des
familles haïtiennes. L’objectif principal de l’étude est d’aller explorer les
représentations de la paternité chez des pères haïtiens vivant en Haïti et n’ayant
pas de contacts réguliers avec au moins un de leurs enfants. Le premier sous-
objectif de l’étude est de décrire les obstacles (externes et intrapsychiques) au
plein investissement de la paternité en Haïti, tel que se les figurent les pères
rencontrés. Le second sous-objectif de la recherche est de mieux comprendre ce
qui se joue au niveau fantasmatique (notamment au niveau des idéaux et des
désirs) chez les participants en ce qui concerne leur paternité. L’exploration de
ces deux pans (réalité et imaginaire) complémentaires de la vie psychique a
permis de découvrir le sens qu’accordent les participants à la problématique de
recherche et, par le fait même, de mieux comprendre les enjeux pouvant sous-
4
À titre d’exemple, le projet Appui au continuum de santé mère-enfant (ACOSME) est à
l’origine de plusieurs initiatives visant à améliorer la santé maternelle et infantile dans le nord
d’Haïti (Letarte, 2021). Le programme La santé des mères, des nouveau-nés et des enfants
(SMNE) de la Croix-Rouge canadienne prévoit également des interventions destinées
spécifiquement aux mères et aux enfants dans le pays (Croix-Rouge canadienne, 2022).
5
Baret et Gilbert (2015) reprennent L’auto-exclusion chez Furtos (2009) afin de témoigner du
processus qui amène le sujet (à son insu et malgré lui) à se replier sur lui-même et, de ce fait, à
renoncer à une place ou une posture, par exemple de père au sein de la dynamique familiale.
4
La méthode utilisée
Une méthode de recherche qualitative a été utilisée dans le cadre de cette étude.
Les entretiens qualitatifs, effectués sur place auprès des participants, ont permis
d’avoir accès à leur point de vue subjectif concernant la problématique complexe
de la difficulté d’investissement de la paternité en Haïti. La méthode d’analyse
thématique selon Paillé et Mucchielli (2016) a été employée afin d’organiser et
de hiérarchiser les données obtenues.
La théorie de référence
La démarche menée
La structure de la thèse
Chacun des articles visera à répondre à l’un des deux sous-objectifs de recherche
mentionnés plus haut.
Haïti est reconnue comme étant la première république noire à avoir acquis son
indépendance face au régime colonial qui sévissait à l’époque de l’esclavage
(Nicholls, 1996). Malgré la force admise du peuple haïtien (en termes de luttes,
de résistance et de capacité de résilience), il est établi que l’Histoire traumatique
– dans ce cas-ci associée aux vestiges de l’esclavage – exerce une influence
pernicieuse sur l’inconscient collectif dans le présent (Gimenez Ramos, 2011).
Tel qu’abordé par DeGruy (2005) dans l’ouvrage « Post Traumatic Slave
Syndrome », cette influence teinte, notamment à travers la transmission
générationnelle, les rapports entre les individus dans différentes sphères, incluant
les sphères familiale, conjugale et parentale. Afin de mieux comprendre les
enjeux se rapportant à l’expression de la paternité en Haïti, des facteurs
historiques liés à l’esclavage ayant pu avoir une incidence sur ceux-ci seront
explorés. Parmi ces facteurs, un intérêt sera porté à la créolisation du peuple
haïtien, à l’influence du système de plantation ainsi qu’au processus
d’évangélisation ayant été mené par l’Église à l’époque.
1.1.1 La créolisation
Bien que ce fut aussi le cas en Haïti, l’île a ceci de particulier : que le nombre des
esclaves noirs qui s’y trouvaient au 18e siècle était beaucoup plus imposant que
celui des quelques survivants du peuple taïno (présent à l’origine) et des colons
blancs sur place (Bijoux, 1990). De cette configuration caractérisée par une
prédominance des populations noires « en est résulté un faible métissage de la
population, de même qu’une faible occidentalisation de la culture » à travers le
temps (Bijoux, 1990, p. 17). Considérant l’influence importante que leur
interaction avec des facteurs liés au contexte de l’esclavage (qui seront abordés
plus loin) a pu avoir sur l’expression de la paternité en Haïti, il apparaît essentiel
de s’intéresser à certains éléments pertinents des structures familiales, des
pratiques maritales et reproductives, et de représentations associées aux enfants
que l’on pouvait retrouver chez les ancêtres africains des Haïtiens.
S’il existe une hétérogénéité culturelle importante entre les populations noires
des différents pays d’Afrique, la littérature démontre qu’il est possible
d’identifier certaines caractéristiques (présentes depuis l’époque précoloniale
10
Parmi ces traits généraux, notons d’abord la famille élargie, qui représenterait le
modèle familial le plus répandu dans cette région (Pilon et Vimard, 1998). En
effet, selon Sawadogo (1992, cité par Pilon et Vignikin, 2006, p. 15), « dans le
contexte africain traditionnel, une définition de la famille doit dépasser le cadre
du ménage, du foyer et se situer au niveau du lignage et à celui du clan ». Cette
porosité des frontières qui caractériserait la majorité des ménages d’Afrique
subsaharienne ferait en sorte que la famille n’y serait pas seulement représentée
par la cohabitation ou par la parenté biologique de ses membres, mais aussi, et
surtout, par des fonctions, des rôles et des relations (Pilon et Vimard, 1998).
Plus précisément, il s’agirait pour les parents de confier, pour une durée variable,
un ou plusieurs de leurs enfants à une autre famille en qui ils ont confiance (Alber,
2003). Lors du plaçage, la nouvelle famille se trouverait à contribuer à
l’éducation des enfants qui lui sont confiés. Les garçons seraient le plus souvent
amenés à assister leur père d’adoption dans son travail alors que les filles seraient
appelées à aider leur mère d’adoption dans leurs tâches ménagères (Alber, 2003).
De telles qualités seraient considérées comme utiles au moment de fonder leur
11
propre foyer ou encore, d’apporter une assistance à leurs parents biologiques dans
le futur (Alber, 2003).
1.1.1.1.2 La polygamie
Une autre caractéristique générale (cette fois ayant trait à la sphère maritale) de
la majorité des pays d’Afrique subsaharienne, et plus particulièrement du côté
ouest, est la reconnaissance légale de la polygamie en tant que régime
matrimonial (Antoine, 2002). Il est à noter que : « Le terme de polygamie est
souvent employé comme synonyme de polygynie. La polygynie est une forme de
mariage où l’homme a plus d’une épouse à la fois, l’autre forme de polygamie,
la polyandrie (c’est-à-dire une femme ayant plusieurs maris) étant beaucoup plus
rare » (Antoine, 2002, p. 9). En dépit de son statut légal et en raison de différents
facteurs, le taux de pratique de la polygamie par les hommes aurait toutefois
connu une diminution au cours des dernières années pour se situer autour de 30 %
dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (Antoine, 2002 ; Locoh et Mouvagha-
Sow, 2005 ; Pilon et Vigniking, 1996).
L’Afrique de l’Ouest serait la région qui détiendrait le plus haut taux de natalité
à travers le monde, notamment en raison de l’importance qui y serait accordée à
la vie de famille et à la procréation (Duze et Mohammed, 2006 ; Institut national
d’études démographiques, 2017). Au Nigéria, les familles nombreuses seraient
un symbole de prestige (Duze et Mohammed, 2006). Selon une étude effectuée
au sein d’une population du nord du Togo « la réalisation d’une forte
descendance trouve ses justifications aux niveaux, tant individuel que collectif,
tant social, économique que politique et religieux » (Pilon, 1984, p. 7).
6
La polygamie variable décrit l’expérience des hommes qui sont redevenus monogames (à la
suite d’un divorce par exemple) au moins une fois après avoir été polygames (Donadjé, 1992).
14
Une étude menée auprès d’une population du sud-est du Nigeria révèle, quant à
elle, que l’information concernant la stérilité chez l’homme serait du domaine
privé puisqu’elle représenterait un important tabou social (Smith, 2014). En cas
de stérilité masculine, il arriverait à des couples de conclure un accord afin que
la femme tombe enceinte d’un autre homme ; la paternité qui en découlerait serait
alors attribuée au mari de celle-ci (Smith, 2014).
L’association qui serait faite dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest entre la
paternité et la masculinité pourrait être comprise par le fait que, si la vigueur
sexuelle de l’homme représente un attribut par excellence de la virilité, celle-ci
ne peut être constatée que dans la sphère privée (Ampofo et al., 2009). Ainsi,
seuls les enfants représenteraient une preuve concrète et vérifiable par la société
de la capacité de l’homme à engendrer et donc, par extension, de sa virilité
(Ampofo et al., 2009).
Tel qu’il sera exposé plus loin, il est possible de retrouver, au sein de la culture
haïtienne, certaines caractéristiques et pratiques maritales et familiales rappelant
celles pouvant être observées chez les populations issues de l’Afrique de l’Ouest.
Cela dit, l’expression de la paternité et son vécu chez l’homme haïtien ne peuvent
uniquement être compris par l’héritage africain. De fait, d’autres facteurs datant
de l’époque de l’esclavage sont à considérer, tels que l’influence du système de
plantation et de l’évangélisation.
En effet, comme le note Théodat (2004), les colons exerçaient alors un contrôle
sur la sexualité de leurs prisonniers, les forçant à se reproduire de manière
intensive. Cette manœuvre permettait aux esclavagistes de procéder au
renouvellement de la main-d’œuvre – dont l’espérance de vie était faible pour
l’époque et l’épuisement courant, notamment en raison des mauvais traitements
et du surmenage infligés – à moindre coût (Théodat, 2004).
Les captifs se trouvaient donc dans l’obligation d’avoir des relations sexuelles
avec plusieurs femmes esclaves, lesquelles étaient souvent dispersées sur
différentes terres de la plantation, ce qui n’était pas propice à la formation ou au
maintien de ménages (Allman, 1985). De plus, les enfants issus de ces rapports
7
Dans le texte, le terme « Antilles » est utilisé comme un synonyme de « Caraïbes » et
« Antillais » et « Antillaises » sont employés en référence aux populations « afro-antillaises ».
16
sexuels forcés étaient alors la propriété des maîtres de leur mère (lesquels étaient
considérés comme les pères légaux) et n’entretenaient donc pas de liens avec
leurs pères qui étaient relégués au titre de simples géniteurs (Diouf et Bosma,
2004 ; Mulot, 2009). Ainsi, c’était aux femmes noires qu’incombait l’éducation
des enfants selon les valeurs de la société coloniale alors que les hommes noirs,
eux, n’avaient aucune autorité en la matière puisqu’ils étaient entièrement
dépossédés de leur droit à la paternité (Mulot, 2009).
En outre, le Code Noir régentait entre autres les modalités relatives aux unions
entre les esclaves : seuls les mariages chrétiens étaient reconnus et ces derniers
ne pouvaient avoir lieu qu’avec le consentement des maîtres (Allman, 1985 ;
Colbert, 1665). Certains colons s’opposaient au mariage des esclaves qui, en
empêchant la séparation des familles, serait venu faire entrave aux pratiques de
revente de ces derniers (Colbert, 1665 ; Gautier, 2000). Afin de justifier leur
opposition à ce type d’union, les esclavagistes invoquaient principalement des
arguments d’ordre économique, dont le fait que les hommes esclaves étaient trop
pauvres pour pouvoir assumer les obligations du mari : subvenir aux besoins
financiers de sa femme et de ses enfants (Gautier, 2000). Ainsi, pour les colons,
l’objectif était que les esclaves produisent beaucoup d’enfants, sans égard aux
conséquences que le système qu’ils avaient implanté pouvait avoir sur les
relations familiales de ces derniers (Théodat, 2004).
1.1.3 L’évangélisation
Alors que les esclaves étaient contraints par les colons à avoir des relations
sexuelles avec plusieurs partenaires (sans être mariés) dans le but de maximiser
la reproduction, ceux-ci recevaient un message contradictoire de la part des
missionnaires. En effet, ces derniers, qui s’afféraient à convertir les esclaves au
christianisme, s’opposaient, à travers leur discours, à certaines de leurs pratiques
culturelles, dont le concubinage et la polygamie (Brasseur, 1989).
17
Bien que l’on retrouve différentes structures familiales en Haïti (dont les familles
élargies et les familles nucléaires) (Enquête sur les conditions de vie des ménages
en Haïti, 2001, citée dans Lamaute-Brisson, 2010), les résultats d’une recherche
effectuée en 2011 par Joseph et Kahou ont démontré que près de la moitié des
familles haïtiennes étaient caractérisées par la monoparentalité féminine, et ce,
sans égard au niveau d’éducation du père de l’enfant ou de son milieu
socioéconomique.
En Haïti, cette absence courante du père de la cellule familiale peut d’une part
être comprise par le fait que, bien qu’il arrive à la plupart des hommes de
s’engager avec plusieurs partenaires à la fois (comme le faisaient leurs ancêtres),
ceux-ci le font de manière implicite (Trouillot, 2013). En effet, en plus d’être
décriée par la religion dominante, c’est-à-dire le christianisme (Allman, 1985),
l’union matrimoniale polygame est interdite dans le pays (Bijoux, 1990).
s’affichent officiellement, ainsi que des compagnes à qui ils rendent visite de
manière occasionnelle (Joseph et Kahou, 2011).
Alors que plusieurs pères haïtiens sont physiquement absents d’au moins un de
leurs foyers familiaux, certains d’entre eux contribuent financièrement, même si
ce n’est souvent que de façon ponctuelle, aux besoins de leurs enfants (Joseph et
Kahou, 2011). Lorsque le père n’accepte pas ou n’est pas en mesure de remplir
son rôle de pourvoyeur économique, la mère doit se débrouiller autrement pour
répondre aux besoins de ses enfants. D’après les résultats d’une recherche
effectuée précédemment par l’autrice, une alternative préconisée par les plus
précarisées d’entre ces mères est de rechercher (souvent de manière répétitive)
un père pourvoyeur substitut (Gilbert et Gilbert, 2017). Paradoxalement, cette
option de se remettre en ménage pour diminuer leur situation de précarité apparaît
exposer ces femmes à une éventuelle répétition de la maternité, de l’isolement et
de la situation de dépendance financière, facteurs risquant en fait d’augmenter
leur situation de précarité (Gilbert et Gilbert, 2017) :
En plus de son rôle sur le plan économique, l’autorité et la discipline auprès des
enfants seraient le plus souvent concédées au père haïtien (Organisation mondiale
de la santé, 2010) lorsque celui-ci est présent.
Tel qu’il vient d’être exposé, la structure familiale à travers laquelle évoluent la
plupart des enfants haïtiens serait caractérisée par la matrifocalité, laquelle
suppose une implication de la part de la mère (et de la famille de cette dernière)
dans l’éducation et la vie de l’enfant nettement supérieure à celle du père.
Autrement dit,
Dans les cas de figure où les mères haïtiennes aménagent un espace tiers, il
semblerait que les pères aient néanmoins de la difficulté à occuper pleinement
celui-ci, possiblement en raison de leur propre héritage collectif et familial. La
8
Noël (2009) reprend les fonctions psychiques paternelles selon Freud, soit la triangulation face
à la relation mère-enfant, le tiers structurant (porteur de la loi) ainsi que le soutien à
l’organisation psychique de l’enfant. Elle aborde aussi la théorie de Golse (2006) selon laquelle
le père aurait non seulement une fonction de séparation-individuation par rapport à la dyade
mère-enfant, mais aussi une fonction de protection, de liaison et de réparation par rapport à
celle-ci. L’autrice rappelle également la fonction symbolique du père selon Lacan, c’est-à-dire
l’introduction du signifiant (porté par le langage via le Nom-Du-Père) qui permet à l’enfant de
prendre conscience de l’existence d’un manque chez la mère et qui permet aussi la
symbolisation et la structuration du sujet.
9
Herzog (1988) aborde le rôle de soutien du père quant à la régulation émotionnelle de l’enfant,
en particulier en ce qui concerne les pulsions agressives. Paquette (2004) souligne quant à lui le
rôle de soutien du père dans le développement de l’enfant à travers la « relation d’activation »
qu’il est susceptible de lui offrir, soit une relation favorisant la stimulation, l’exploration du
monde extérieur, la capacité d’adaptation à la nouveauté ainsi que le développement de la
confiance en soi, de l’autonomie et des compétences sociales.
23
Selon Trouillot (2013), un tel mode d’investissement des femmes par l’homme
haïtien serait d’ailleurs souvent normalisé lorsqu’il ne serait pas encouragé par
sa propre mère (qui participe activement à la construction de sa masculinité par
les valeurs et les normes qu’elle lui transmet) ainsi que par son entourage et, plus
largement, par la société. Il serait de plus acceptable pour un jeune garçon haïtien
d’avoir plusieurs compagnes à la fois, alors que tel ne serait pas le cas pour la
jeune fille (Trouillot, 2013). Mulot (2009, p. 123) décrit ainsi l’une des modalités
de construction de l’identité masculine que l’on retrouverait aux Antilles
françaises :
Montrer dans l’espace public que l’on est « un vrai homme »10, que
l’on « est puissant », que l’on « assure sur la place » en ayant des
conquêtes féminines vise notamment à contenter les espoirs
maternels quant à la virilité des garçons. Ceci révèle le paradoxe des
femmes qui induisent chez leurs fils ce qu’elles condamnent chez
leurs compagnons, et les injonctions paradoxales dans lesquelles les
hommes se construisent.
10
Le choix des italiques a été fait par Mulot (2009).
24
Roger (2014) aborde le « père de l’Œdipe » comme étant celui qui « prend sens
comme père pour l’enfant, et le fait entrer dans le registre de la signification et
du langage en y incorporant le désir et la loi » (Roger, 2014, p. 68). Étant produite
par un processus d’élaboration de sens (contrairement au processus biologique
désignant d’emblée la femme ayant donné naissance à l’enfant comme mère), la
reconnaissance psychique de ce père symbolique par l’enfant contribuerait chez
lui au développement de sa capacité de symbolisation (Roger, 2014). La présence
d’un tel père (agissant en tant que surmoi) pour l’enfant aurait également comme
fonction de lui offrir un cadre (tirant son origine d’une loi symbolique) selon
lequel se structurer (Roger, 2014).
Chez tout homme se trouveraient des vestiges mnésiques issus des expériences
ayant été faites par ses ancêtres (Freud, 1939). Loin de se retrouver seulement
chez l’individu, ces traces pourraient aussi s’inscrire dans l’inconscient collectif
(Gimenez Ramos, 2011) et avoir des effets (semblables à des symptômes) sur
celle-ci qui se transmettraient de génération en génération (Freud, 1939). Plus
précisément, ces répercussions symptomatiques (sur les plans émotionnel,
comportemental et psychique) pouvant s’exprimer au sein d’une population dans
le présent seraient associées à un défaut d’élaboration et de symbolisation
d’évènements traumatiques ayant été vécus par une génération antérieure
(DeGruy, 2005 ; Lafortune, 2016 ; Tagodoé, 2012).
26
Les descendants se trouveraient donc aux prises avec les vestiges invisibles des
traumatismes passés, sans possibilité apparente de s’en libérer, les processus de
symbolisation et d’élaboration étant « indispensables dans la transmission-
transformation (non morbide) des contenus psychiques relatifs aux ascendants »
(Lafortune, 2016, p. 70). Comme le soutient Altounian (2008), un peuple doit
d’abord pouvoir nommer et intégrer l’Histoire traumatique de ses ancêtres pour
éventuellement s’en séparer et en construire une qui lui est propre. Un tel
27
2.3 Échantillonnage
2.4 Recrutement
11
Selon Saint-Louis (2020), la classe moyenne haïtienne serait une classe socioéconomique et
culturelle située entre celle des plus pauvres et des plus riches du pays, difficile à délimiter en
raison de l’absence d’établissement de périmètres salariaux par l’État. L’auteur donne d’abord
une définition générale de la classe moyenne haïtienne. Il établit ensuite des critères appuyés
d’exemples afin de tenter d’en différencier les différents niveaux.
12
En Haïti, « la commune a l'autonomie administrative et financière » (Const, 1987, art. 66) et
« la section communale est la plus petite entité territoriale administrative de la République »
(Const, 1987, art. 66).
33
Les participants potentiels ont été approchés en personne ou par téléphone par
les partenaires de recrutement. Ces derniers se sont référés au document
« Informations pour le recrutement » (voir Annexe A) afin de communiquer
l’information pertinente aux hommes sollicités. Les partenaires de recrutement
ont brièvement présenté le projet de recherche et ses principaux objectifs aux
pères admissibles afin de vérifier leur intérêt à être contactés13 par la chercheure
dans le but y participer.
Une prise de contact téléphonique a été effectuée par la chercheure avec les 11
premiers pères s’étant portés volontaires pour participer à l’étude. Les objectifs
de l’étude ainsi que les modalités de participation ont été expliqués plus en détail
aux participants potentiels. Chacun des pères contactés a réitéré son intérêt à
participer à l’étude. Un moment et un lieu de rencontre (dont le choix sera détaillé
dans la section éthique) pour le premier entretien ont été déterminés avec les
participants.
13
Cette manière de procéder visait à éviter les coûts associés aux appels sortants pour les
potentiels participants.
34
Un portrait des participants concernant différents éléments – dont certains ont été
recueillis à travers leurs témoignages et d’autres par le biais du questionnaire
sociodémographique (voir Annexe D) – jugés pertinents afin de représenter la
diversité de l’échantillon sera présenté dans cette section. Plus précisément seront
abordés le parcours scolaire et professionnel, le statut matrimonial, la
configuration familiale, le contexte de la venue de l’enfant, le lien et le niveau
d’investissement selon les enfants ainsi que la perception de l’avenir par les pères
au regard de la paternité.
La majorité (6) des participants ont rapporté être célibataires. Deux participants
ont dit être divorcés (dont 1 par 2 fois), 2 en couple (dont une relation à distance)
et 1 être marié. La majorité (7) d’entre eux ont affirmé vivre seuls. Un participant
a dit vivre avec sa sœur, 1 autre avec sa femme et 2 avec une partenaire
(« plaçage ») autre que les mères de leurs enfants.
ont expliqué ne vivre avec aucun de leur(s) enfant(s) au moment des entrevues.
Quatre de ces pères ont exprimé de façon explicite une insatisfaction en lien avec
cette situation. Selon ce que les pères ont rapporté, la plupart des enfants vivraient
auprès de leur mère ou de membres de la famille de cette dernière. Deux des
enfants vivraient toutefois chez des membres de la famille (mère et sœur) du père.
Un des participants a avoué ne pas savoir à quel endroit réside l’un de ses enfants
et ne pas avoir l’intention de le retrouver par peur que sa famille maternelle ne
cherche à le lui confier. Un autre participant a partagé, avec regret, n’avoir encore
jamais rencontré son enfant, celui-ci étant issu d’une relation adultérine dont sa
femme ne serait pas au courant.
Six pères ont dit ne pas vivre dans la même ville qu’au moins un de leurs enfants.
Quatre pères ont rapporté avoir vécu à l’extérieur du pays pour de plus ou moins
longues périodes. Parmi eux, 3 ont spécifié avoir des enfants à l’étranger. Parmi
les participants, 9 ont précisé avoir des contacts en personne ou par téléphone
(dont la fréquence varierait d’occasionnelle à hebdomadaire) avec au moins un
de leurs enfants. Deux des pères ont expliqué avoir diminué les contacts avec
leurs enfants à un moment ou à un autre de leur vie en raison du manque de
disponibilité qui aurait découlé de leur investissement dans des projets
professionnels ou dans des actions politiques.
La presque totalité (10) des pères rencontrés ont confié avoir vécu au moins une
fois la venue inattendue d’un enfant. Un des participants a raconté avoir vécu
cette dernière de manière particulièrement difficile puisque la mère de son enfant
lui aurait caché sa grossesse en allant dans une autre ville, par peur qu’il ne la
contraigne à interrompre sa grossesse (ce qu’il n’aurait pas fait selon lui). Seuls
certains (4) pères issus de la classe moyenne ou de la bourgeoisie ont mentionné
avoir planifié la venue d’au moins un de leurs enfants. Un peu moins de la moitié
(5) des pères, toutes classes sociales confondues, ont parlé explicitement du désir
36
d’enfant ressenti pour au moins un de leurs enfants. Deux des pères rencontrés
ont nommé l’amour porté à la mère de leur(s) enfant(s) comme principale
motivation à en avoir.
La presque totalité des hommes rencontrés (à l’exception d’un seul) qui avaient
plus d’un enfant ont fait état d’un niveau d’investissement ainsi que d’un lien
d’attachement différents selon les enfants. Différentes raisons (qui seront
abordées dans la section résultats) ont été évoquées par les participants pour
tenter d’expliquer les différences constatées. Trois pères ont cependant parlé
d’une quasi-absence de lien père-enfant avec au moins un de leurs enfants. Un
de ces pères a qualifié le lien avec ses enfants de fraternel et d’émotionnellement
distant. Il a ajouté avoir le sentiment de ne jamais avoir eu l’intérêt ni la maturité
nécessaire pour être père.
Trois participants, tous issus de la classe moyenne, ont confié s’imaginer avoir
d’autres enfants dans le futur. Un des pères au statut de célibataire a dit vouloir
éviter de se remettre en couple comme stratégie pour éviter une répétition de la
paternité. Deux jeunes pères (de moins de 30 ans) issus de la classe populaire et
un père issu de la basse classe moyenne ont exprimé leur désir de vivre un jour
sous le même toit que leur enfant. Le père qui n’avait pas encore fait la
connaissance de son enfant a dit espérer pouvoir éventuellement le rencontrer.
Un autre participant a nommé vouloir encourager ses enfants à nourrir le lien
entre eux, d’une certaine façon afin de compenser sa propre absence.
Par souci d’anonymat, les noms des participants ont été modifiés. Les noms
choisis pour désigner les sujets de recherche témoignent d’éléments révélateurs
ayant émané du discours de chacun d’entre eux. Ces éléments se rapportent
37
14
Au temps de l’esclavage, le marronnage désignait la fuite des esclaves vers les montagnes
comme stratégie de résistance.
39
Deux entretiens individuels, d’une durée d’environ 1 h 30 chacun, ont été menés
auprès de 10 des participants. Ne s’étant pas présenté à la 2e entrevue, l’un des
participants n’a été rencontré qu’une fois, portant le nombre total d’entretiens à
21. Treize entretiens ont été menés en créole et 8 en français. La connaissance du
créole de la première autrice a permis une flexibilité dans le choix de la langue
40
utilisée pour mener les entretiens. Ce choix dépendait de différents facteurs, dont
la langue utilisée spontanément pour les échanges initiaux, la connaissance d’une
autre langue chez les participants ainsi que leur préférence en contexte d’entrevue.
L’un des participants avec qui les premiers échanges avaient eu lieu en français
a demandé que l’on fasse les entretiens en créole. Ce choix a été respecté pour
favoriser l’aisance du participant. Les sujets rencontrés ont accepté que les
entrevues soient enregistrées.
Bien que teintées par l’objectif de l’étude et par certains postulats initiaux reflétés
dans le schéma d’entretien, les interventions ont été limitées et s’adaptaient
principalement, ou plutôt se coconstruisaient en cours d’entretien, au gré de la
rencontre intersubjective avec les sujets. « Cette attitude permet non seulement
l’ouverture à la nouveauté au cours de l’entretien, mais également, elle fait place
au travail psychique de pensée, tant du côté du participant (l’élaboration
singulière de l’expérience de celui-ci, dont l’analyse alimentera le contenu des
résultats) que du côté du chercheur » (Gilbert, 2007, p. 21).
15
L’un des pères a par exemple expliqué que pour lui, son enfant ne faisait pas vraiment partie
de sa famille puisqu’il ne vivait pas avec sa mère et lui au sein d’un même foyer.
41
quelle mesure. Au cours des entretiens, certains pères ont utilisé un humour qui
semblait parfois défensif. D’autres se sont montrés affectés (deux ont versé des
larmes) au moment d’aborder certaines thématiques sensibles pour eux. Plusieurs
participants ont exprimé leur satisfaction quant à l’intérêt démontré par la
chercheure à une problématique touchant le pays.
Les données ont été analysées à l’aide d’une méthode descriptive, soit l’analyse
thématique. Plus précisément, le contenu du discours des participants a été divisé
en thèmes, c’est-à-dire un ensemble de mots représentatifs d’un extrait de corpus
(Paillé et Mucchielli, 2016). Les thèmes créés ont ensuite été subdivisés en sous-
thèmes, puis regroupés sous forme de rubriques plus abstraites et générales
(Paillé et Mucchielli, 2016).
Cette méthode dite ascendante (en commençant par les thèmes pour ensuite créer
des rubriques sous lesquelles les classifier) permet d’assurer une meilleure
validité de l’analyse (Paillé et Mucchielli, 2016). Elle est de plus cohérente avec
le paradigme constructiviste et la logique inductive préconisée. Les thèmes, sous-
thèmes et rubriques ont été érigés de manière à décrire le contenu analysé, en
cohérence avec la problématique de recherche (Paillé et Mucchielli, 2016). Le
processus de thématisation peut être qualifié de faible niveau d’inférence (sans
interprétations ni théorisations à partir du corpus). Des interprétations ont
toutefois été générées plus tard dans le processus de la recherche, au moment de
la rédaction des résultats et de leur mise en dialogue avec les concepts théoriques
explorés pour soutenir la discussion.
De l’analyse sont issus deux niveaux de résultats, développés dans les deux
articles suivants. Le premier niveau a permis d’avoir accès aux représentations
des pères rencontrés concernant les obstacles (externes et intrapsychiques) à la
pleine incarnation de la paternité en Haïti ainsi que leur paternité singulière. Le
second niveau a quant à lui levé le voile sur la scène fantasmatique présente chez
les participants ainsi que sur leurs désirs en ce qui a trait à la paternité.
16
Ces débriefings ont notamment permis d’aborder le vécu contre-transférentiel de la
chercheure.
45
sujet d’étude) sur l’interprétation des données, dans une visée de réduction des
biais (Morrow, 2005 ; Sawadogo, 2021).
Les participants ont été rencontrés dans différents lieux permettant d’assurer la
confidentialité afin de mener les entrevues. Ceux-ci ont eu le choix d’être
rencontrés à l’endroit où résidait la chercheure (pour les participants originaires
de Port-au-Prince), à leur domicile ou dans un local fourni par les organismes
non gouvernementaux locaux ou internationaux dont des membres avaient
contribué au recrutement. En plus de favoriser leur confort, offrir ce choix aux
sujets de recherche permet de minimiser les coûts associés au déplacement pour
ceux pour qui il s’agirait d’un enjeu. Bénéficier de différentes options permet
aussi de s’assurer d’avoir accès à un endroit propice pour mener les entretiens
(espace calme et fermé garantissant la confidentialité de leurs propos). La
chercheure a aussi choisi un habillement adapté au contexte dans lequel se
46
Une attention a été portée au fait que les compensations monétaires offertes pour
la participation à la recherche ne soient pas démesurées. En effet, les
compensations destinées aux sujets vulnérables sur le plan socioéconomique ne
doivent pas, en raison de leur ampleur, « altérer le bon jugement des participants
quant à leur décision de participer » (Université de Montréal, 2014, p. 3) ou non
à l’étude. Une compensation monétaire de 700 gourdes (l’équivalent de 10
dollars américains) a été offerte aux participants issus des classes moyenne et
populaire. Le calcul de la conversion a été effectué selon le taux en vigueur à la
date à laquelle les participants ont été rencontrés.
Cette compensation a été jugée raisonnable17 puisqu’elle n’était pas assez élevée
pour représenter un incitatif pouvant influencer la décision des pères de participer
à l’étude (Université de Montréal, 2014). Elle assurait néanmoins la couverture
de frais qui auraient pu découler de la participation à l’étude (ex. transport et
perte de salaire en cas d’absentéisme au travail). Les participants faisant partie
de la bourgeoisie n’ont quant à eux reçu aucune compensation monétaire.
Par ailleurs, le niveau de langage employé a été adapté à celui des participants.
Afin de s’assurer de leur compréhension, une explication du formulaire de
consentement (voir Annexe B) a été effectuée auprès de certains participants
pouvant rencontrer des difficultés au niveau de la lecture en raison de leur niveau
de scolarisation. Cette mesure a permis l’obtention d’un consentement libre et
éclairé quant à la participation à l’étude.
17
Le salaire minimum haïtien se situait, au moment de mener les entretiens, à environ 5.52
dollars américains par journée de huit heures de travail (RFI, 2017).
47
Résumé
Dans cet article seront abordées les entraves possibles au plein investissement de
la paternité en Haïti selon le point de vue subjectif des participants. Des entretiens
non directifs de recherche ont été menés auprès de 11 pères vivant en Haïti et
n’ayant pas de contacts réguliers avec au moins 1 de leurs enfants. Une analyse
thématique des données a révélé différents obstacles potentiels au plein
investissement paternel en Haïti, dont la difficulté pour le père à prendre sa place
au sein d’une configuration familiale matrifocale, la répétition d’un modèle
paternel défaillant, la tendance à adopter des comportements d’évitement (sous-
tendus par des enjeux narcissiques) ainsi que le désinvestissement psychique de
la paternité réelle au profit d’une paternité imaginée. En plus de son apport à la
littérature, cet article offre des pistes pour les recherches futures. Des
recommandations concernant les interventions communautaires y sont émises,
dans une perspective de changement en ce qui concerne l’investissement de la
paternité en Haïti.
50
3.1 Problématique
18
Coutume, également appelée « union de fait », qui consiste pour des partenaires à vivre sous
le même toit sans avoir contracté l’union du mariage.
51
Sloand et al. (2012) abordent les risques que peut comporter pour la santé
physique et le bien-être des enfants le manque d’implication de leur père au sein
de la dynamique familiale. Régnier-Loilier (2013) souligne la convergence des
résultats de différentes études vers les effets néfastes du désinvestissement
paternel après la séparation avec la mère sur les relations interpersonnelles,
l’humeur et la confiance en soi des enfants. Par opposition, le maintien de
l’investissement paternel à la suite de la séparation aurait des effets positifs sur
le développement cognitif, social et affectif des enfants (Régnier-Loilier, 2013).
ciblant le mieux-être des familles, ceux-ci sont le plus souvent destinés aux mères
et aux enfants, renforçant ainsi l’apparente auto-exclusion (Baret et Gilbert,
2015 ; Furtos, 2009) des pères de la sphère familiale. Afin de réhabiliter les pères
haïtiens dans le questionnement (et éventuellement dans l’intervention) portant
sur le devenir et le mieux-être des familles haïtiennes, la présente étude propose
d’explorer les représentations chez des pères haïtiens concernant les obstacles au
plein investissement de la (leur) paternité.
L’objectif de cet article est de comprendre la manière dont des pères haïtiens se
représentent les entraves possibles au plein investissement de la paternité en Haïti
en général, ainsi que de leur paternité singulière.
3.4 Méthodologie
3.4.2 Éthique
3.4.3 Participants
Les critères de sélection des participants étaient d’être des pères haïtiens vivant
en Haïti et n’ayant pas de contacts réguliers avec au moins l’un de leurs enfants.
19
La chercheure (de même que sa directrice de recherche) est d’origine canado-haïtienne.
54
3.4.4 Participants
Les participants étaient issus de différentes tranches d’âge (de 21 à 73 ans). Ils
avaient atteint différents niveaux de scolarisation. Huit des sujets rencontrés
avaient un emploi stable, 2 vivaient une situation d’instabilité financière en raison
d’offres d’emploi ponctuelles et un autre se trouvait en situation de grande
précarité financière en raison de son statut de chômeur au long cours et du peu
de soutien financier reçu de son entourage. Un des participants était issu de la
bourgeoisie, 3 de la « haute classe moyenne », 1 de la classe « moyenne
intermédiaire », 3 de la « basse classe moyenne » et 3 de la classe populaire
(Saint-Louis, 2020).
56
Les participants étaient issus du milieu urbain (7), du milieu semi-urbain (1) et
du milieu rural (3).
Un voyage sur place a été effectué pour procéder au recueil des données. Il était
prévu de rencontrer chacun des participants à 2 reprises, pour mener des
entretiens d’une durée d’une heure à 1 h 30 chacun. Les entrevues ont été menées
à quelques jours d’intervalle, ce qui a pu favoriser le travail d’élaboration
psychique chez les participants (Gilbert, 2009). Un seul des 11 pères s’étant
portés volontaires pour participer à l’étude ne s’est pas présenté à la seconde
entrevue, portant le nombre total des entretiens à 21. Il n’a pas été possible
d’entrer en communication avec lui pour connaître la raison de son désistement20.
Treize entretiens ont été menés en créole et 8 en français par la première autrice.
Le choix de la langue dépendait de différents facteurs : connaissance ou non
d’une autre langue par le participant, langue adoptée lors de l’échange initial
entre l’interviewé et l’intervieweuse, niveau d’aisance des participants, etc.
Les entrevues ont été enregistrées avec l’accord préalable des pères rencontrés.
Elles ont été amorcées par une question intentionnellement ouverte permettant
20
Le participant avait consenti à ce que le matériel recueilli soit utilisé dans le cadre de cette
recherche ou de recherches futures. Il avait été informé de son droit de retirer son consentement
quant à l’utilisation des données en avisant verbalement la chercheure. Aucun avis n’a été reçu
en ce sens.
57
Les entretiens ont ensuite été écoutés et retranscrits en incluant des détails
révélateurs de contenus latents tels que les silences, les hésitations, la tonalité de
la voix, le débit du discours, les soupirs, les pleurs, etc.
Une écoute attentive a été offerte à ce que les participants ont cherché à
communiquer, consciemment ou non. Le processus de réécoute des entretiens
ainsi que la lecture approfondie et répétée des verbatim ont permis une immersion
complète dans les données. Une discussion a été menée avec la directrice de
recherche à différents temps de l’analyse à propos de nos intuitions et de nos
impressions respectives quant à la multiplicité des niveaux de sens pouvant s’en
dégager, jusqu’à accéder à un consensus.
3.5 Résultats
3.5.1.1 Le père-enfant-roi
[…] former un foyer avec une personne c’est très important pour
moi! Elle va faire à manger pour moi, elle va repasser pour moi,
elle va laver pour moi!
21
La matrifocalité renvoie à « l’absence et/ou la disqualification sociale des hommes dans les
fonctions paternelles, sur leur présence attendue dans les rôles sexuels hétéronormés et sur la
sacralisation sociale de mères qui se disent dévouées pour des enfants qu’elles élèvent parfois
sans partenaire stable, mais avec l’aide d’autres femmes de la parentèle » (Mulot, 2013, p. 160).
22
Des noms fictifs (voir Lexique) ont été utilisés afin de préserver l’anonymat des sujets
rencontrés.
61
Les résultats suggèrent également que les privilèges dont disposent les garçons
haïtiens peuvent jouer en leur défaveur lorsqu’ils deviennent pères. En effet, le
rapport de force homme-femme tendrait à se transformer dès l’annonce de la
venue de l’enfant. L’homme serait alors mis en marge d’un espace presque
entièrement occupé par des femmes de l’entourage. Par ailleurs, la majorité des
participants ont raconté ne pas s’être sentis considérés dans les décisions
entourant l’enfant, en commençant par celle de sa venue au monde. Pour les
participants ayant vécu la paternité adolescente, les décisions à propos de l’enfant
reposaient sur les grands-parents de ce dernier. Pour les autres, les choix
revenaient le plus souvent à la mère :
J’ai appris rapidement qu’elle est allée dire dans un tas d’endroits
qu’elle était enceinte. Ce n’est pas… c’était comme si elle m’avait
mis au pied du mur, je ne pouvais pas réagir […] elle a décidé elle-
même de faire l’enfant, elle a fait l’enfant, elle a donné le prénom à
l’enfant… moi c’est comme ça, j’ai constaté, etc. ! (le papa jwè bòlèt)
C’est vrai que je pouvais lui donner à manger… acheter du lait pour
lui donner… mais la peigner, faire sa toilette, changer ses vêtements,
laver ses vêtements… tout ça… je n’aurais pas pu le faire. Mais ma
mère aurait pu faire tout ça. Tu comprends ? […] J’avais apporté
l’enfant à ma mère… mais ma mère ne voulait pas la garder. Et… je
l’ai apportée chez une de mes cousines… ma cousine ne voulait pas
la garder non plus… elle m’a dit « redonne l’enfant ! parce qu’elle
est trop petite ! » (le papa dezespwa)
Mieux vaut être absent… c’est le mieux pour toi…! […] Si tu n’es
pas là… il y a des choses qui vont se passer que tu n’as pas besoin de
savoir… [rire nerveux] mais si tu es là… si tu arrives… que l’enfant
n’a pas de sandales, qu’il n’a pas de souliers, qu’il n’a pas ceci ou
cela… […] tu ne pourras pas y retourner… tant et aussi longtemps
que tu n’auras pas trouvé ce qu’ils t’ont dit d’amener […] si tu passes
3 ou 4 mois sans les trouver… tu vas passer 3 ou 4 mois sans pouvoir
y retourner… (le papa mawon)
Pour les participants qui optent pour l’évitement, il semble y avoir un désir de
nier une réalité trop confrontante pour être assumée. Une telle réaction semble
d’ailleurs présente chez presque tous les pères des participants dans le contexte
de leur propre paternité.
65
D’autres participants dont les parents sont demeurés ensemble racontent avoir
connu un père à la présence relative, notamment en raison d’un manque de
disponibilité affective. Le « papa chaman » se remémore un père trop occupé
pour nourrir le lien père-enfant :
Mais y’a ce lien… en fait ! Peut-être que c’est moi qui me fais des
idées, tu vois…? À propos de ce lien… qu’il y aurait dû y avoir un
66
Le « papa jwè bolèt », se rappelle, quant à lui, avoir été mis à distance par son
père :
On peut voir dans ce passage une relation qui aurait été caractérisée par une
séparation bien définie des espaces de chacun. Seule la sphère intellectuelle
semble avoir parfois pu s’y glisser sans constituer une menace, celle-ci faisant
écran à l’intimité dans la relation. Une intimité que l’on devine cependant avoir
été désirée par la majorité des participants.
Les pères ayant parlé d’une carence dans la relation avec leur propre père
semblent effectivement avoir porté l’espoir d’un plus grand investissement de la
part de celui-ci. Le « papa jwè bolèt » l’exprime ainsi :
Lorsque déçu, cet espoir tend à laisser place à un sentiment d’impuissance et une
résignation, voire une certaine passivité en ce qui concerne la relation au père. À
défaut de trouver une réponse aux attentes affectives, les attentes
qu’entretiennent certains participants envers leur propre père demeurent,
paradoxalement, au plus proche des attentes économiques qui seraient
67
Il est à noter que chez la majorité des participants, cette renonciation entourant le
lien père-enfant n’est pas exempte d’une certaine souffrance.
Bien qu’elle ne fût pas toujours explicite, il a été possible de déceler dans le
discours des participants la présence d’une souffrance en lien avec le manque (ou
le désinvestissement) du lien affectif par leur père. Par exemple le « papa jwè
bolèt », visiblement heurté par le rapport qu’aurait entretenu son père à la
paternité, exprime ce qu’il ressent sous forme de colère : Ouhh ! J’ai haï, j’ai haï
mon père… que j’ai pardonné le jour de sa mort ». Le « papa manfouben », dans
une tentative de reprise de pouvoir, semble quant à lui rejeter son père pour se
défendre d’un sentiment de rejet que l’on devine en lien avec l’absence de celui-
ci :
68
Non, je ne peux pas nommer mon père ici. Mon père… [silence] tu
comprends ? Mon père me fait mal, moi je ne fais pas de mal. […]
mais mon père… il a laissé les siens derrière, il ne vient jamais les
voir [petit silence]. (le papa manfouben)
Un impact négatif que le « papa biznis man » aimerait prévenir chez son
enfant en mettant des mots sur son absence :
69
Je suis sûr que quand je regarde ma vie aujourd’hui, avec mes filles
avec tout ça… je suis… je SAIS… que ça a eu une influence sur ce
que j’ai fait… […] Bon ! Je regarde mon parcours… je regarde ce
qui s’est passé… [voix qui tremble] avec mes enfants… excuse…
[émotif, se cache le visage alors que les larmes montent] [long
silence]. Non, je ne sais pas comment ça s’est passé… mais je vois
bien que… [silence] par rapport à comment tout ça s’est passé… je
vois bien qu’il y a probablement quelque chose… il y a probablement
une relation…! (le papa dyaspora)
Pour certains participants, le fait de créer une rencontre entre leur père et leur(s)
enfant(s) représenterait une tentative de réparation du lien (souvent mis à mal), à
la fois avec leur père et avec leur progéniture. Ainsi, pour le « papa machann
glas », le fait d’avoir envoyé sa fille passer les vacances chez son grand-père
aurait été une occasion de créer un rapprochement sur plusieurs générations. Il
partage les attentes qu’il a entretenues quant à cette rencontre en ces mots :
Pour le « papa dyaspora », l’implication de son père auprès de son fils est plus
que bienvenue :
Euh ouais c’est… c’est bien ! Je trouve, ça me fait… ouais c’est bien !
Ça me rend bien… heureux ! Il aime beaucoup [prénom de son enfant]
et [prénom de son enfant] l’apprécie beaucoup aussi…
Les « problèmes » dont ce père fait mention – y compris ceux qui concernent les
différents acteurs de la scène familiale – sont exposés par les participants comme
venant interférer de manière significative avec leur paternité.
3.5.3 L’être père supplanté par la lutte pour préserver l’image du père
J’aurais été fier ! […] si c’était avec ma femme que je l’avais fait je
me serais plus senti comme… un papa ! J’aurais pu lui donner de
l’affection, jouer avec lui, répondre à tous ses besoins, ces choses-
là… […] il y a des choses que je ne peux pas faire […] à cause de ma
femme… (le papa sekrè)
D’autres pères ont avoué éviter de rendre visite à leur(s) enfant(s) de peur d’y
rencontrer le nouveau partenaire amoureux de la mère. Le sentiment de honte de
ne pas avoir su maintenir l’union conjugale et d’avoir été remplacé par un autre
homme (parfois plus à même de subvenir aux besoins de la famille) ressort de
leur discours. Le « papa mawon » détaille comment sa fille a pu devenir le
dommage collatéral de sa réaction quant au choix d’un nouveau partenaire par la
mère :
Quand je suis retourné là-bas… elle avait noué une relation avec un
gars. […] Et là j’ai demandé à prendre l’enfant entre ses mains ! […]
elle n’a pas voulu me la donner… […] j’ai laissé l’enfant entre ses
mains… et là moi je suis rentré à Port-au-Prince. Je suis rentré et je
ne suis plus jamais retourné là-bas.
72
Le fossé qui est souvent introduit entre le père et son enfant tendrait à se creuser
davantage lorsque s’y ajoute la peur des reproches de la part de l’entourage.
Plusieurs participants ont abordé avec gravité la certitude selon laquelle les
personnes faisant partie de l’environnement immédiat de l’enfant s’affaireraient
à porter atteinte à leur réputation en tant que père :
Parce que les gens… […] et puisqu’il était petit, ils vont lui mettre
quelque chose dans la tête… un mythe ! ils vont dire que « ah, ton
père ne s’est pas occupé de toi, c’est nous qui nous sommes occupés
de toi, qui t’avons donné tout le support, toutes les choses… tu n’as
pas de papa qui t’a aidé… » (le papa dezespwa)
L’excuse que moi je peux avoir devant les enfants… c’est parce que
quand je me suis séparé de leurs mères… ils étaient déjà grands… ils
m’avaient vu avec eux dans la maison… mais si je les avais laissés
depuis 1 mois… 2 mois… ma punition serait dure… tu comprends ?
(le papa marasa)
73
En dépit du peu (ou de l’absence) de contacts avec leur(s) enfants, les pères
semblent accorder une importance au regard que leur(s) enfant(s) porte(nt) sur
eux.
Un amour qui, pour le « papa machann glas », aurait une capacité liante, c’est-à-
dire celle de résoudre les failles au sein de la relation :
Notre lien qui était très très collé, petit à petit, c’est elle qui demandait
plus « mais papa, tu me parles plus »… c’est euh… je… mais ça se
collait, ça se… euh, l’adhésif à chaque fois c’était l’amour, en fait…
[petit silence] c’était toujours des mots doux, euh… à la fin, qu’elle
me disait et que je lui disais… et ça résolvait tout [petit rire]…
jusqu’à aujourd’hui… des moments de crises, de prise de tête et puis
bon, un p’tit mot… […] Malgré la distance, pour que tu… deviennes
la personne que tu dois devenir… je t’aime ! Je suis là ! Je suis quand
même là…
aussi au niveau affectif et psychique. Le « papa machann glas » dévoile son envie
d’être davantage investi auprès de ses enfants dans l’avenir :
Le « papa jwè bolèt », quant à lui, dépeint le père idéal comme celui qui prend le
temps de répondre aux différents besoins de l’enfant sur le plan affectif :
3.6 Discussion
Les trois thèmes principaux abordés ci-dessus nous permettent non seulement de
décrire, mais aussi de discuter plus avant de l’expérience subjective de la
paternité chez les pères rencontrés. Cette dernière se scinde en trois facettes, soit
la paternité subie (le sujet en tant que fils de son père), la paternité vécue (le sujet
en tant que père réel) et la paternité imaginée (le sujet en tant que père idéal).
75
Aubert-Godard (2004) fait valoir que les bouleversements qui surviennent dans
la vie de l’homme qui devient père l’exposent à un risque d’effondrement sur le
plan narcissique. L’autrice précise toutefois que les gratifications narcissiques –
comme la possibilité d’octroyer le nom à l’enfant tel qu’évoqué par le « papa jwè
bòlèt » – vécues au sein de la paternité auraient un potentiel préventif quant à la
probabilité que survienne un tel effondrement (Aubert-Godard, 2004). Plus
spécifiquement, la satisfaction apportée par les gratifications narcissiques
77
Selon la littérature, une condition préalable pour que le père puisse prendre sa
place et venir jouer son rôle de tiers au sein la relation mère-enfant serait d’être
d’abord reconnu symboliquement par la mère (Noël, 2009). En effet, « il faut un
fauteuil vide avant de s’y asseoir » (Julien, 1992, p. 169). Cette reconnaissance
s’exprimerait notamment à travers les représentations positives nourries à l’égard
du père (Noël, 2009). De même que le « papa dezespwa » et le « papa marasa »,
plusieurs des pères rencontrés ont plutôt fait état de la crainte que les
représentations entretenues par la mère à leur égard soient négatives et qu’elles
en viennent à être intériorisées par leur(s) enfant(s). Essentiellement, dans le
discours de la majorité des participants se discerne une paternité vécue
différemment qu’ils ne l’auraient imaginé.
78
Clerget (2004) aborde le délaissement du père réel pour un père idéalisé chez
l’enfant qui se retrouve seul, devant une mère toute-puissante. L’auteur explique
qu’un tel mouvement sur le plan des investissements chez l’enfant risque de se
rejouer lorsqu’il deviendra père à son tour, alors qu’il préférera l’enfant idéalisé
à l’enfant réel (Clerget, 2004). Les participants ayant témoigné le désir d’avoir
davantage de contacts avec leur(s) enfant(s) semblent, au moment de la rencontre
avec la chercheure, se contenter de l’enfant idéalisé dont l’investissement
apparaît moins menaçant que celui de l’enfant réel. Dès lors, la relation future à
l’enfant semble elle aussi idéalisée. Alors qu’ils livrent, au fil des entretiens, la
manière dont ils s’imaginent cette relation, certains participants en profitent pour
donner accès au père qu’ils aimeraient devenir. On découvre que ce père est le
même que le père idéalisé de leur enfance. Par son caractère idéalisé et donc
inaccessible, le fait d’être un vrai père – c’est-à-dire pleinement présent dans la
vie de l’enfant – apparaît ainsi régulièrement remis à plus tard. Pendant ce temps,
l’enfant, lui, demeure néanmoins le plus souvent présent à travers les pensées des
pères rencontrés.
Le principal apport de cet article est qu’il permet de mieux comprendre les
différents enjeux pouvant faire entrave au devenir père, selon la perspective
subjective de pères haïtiens. Mieux comprendre les obstacles à la pleine
incarnation de la paternité chez les hommes haïtiens permettra d’agir sur ceux-ci
79
3.9 Conclusion
Résumé
Cet article vise à mieux comprendre ce qui se joue sur la scène fantasmatique
chez des hommes haïtiens témoignant de difficultés reliées au plein
investissement de leur paternité. Onze pères de différentes tranches d’âge, issus
de différents milieux socioéconomiques et vivant à différents endroits en Haïti
ont été rencontrés afin de participer à des entretiens non directifs de recherche.
Les récits recueillis ont été analysés selon une analyse thématique en continu
(Paillé et Mucchielli, 2016). Les résultats donnent notamment accès à la manière
dont les participants se représentent la famille idéale, la mère idéale de l’enfant,
l’enfant idéal ainsi que le père idéal. Ils révèlent aussi la présence d’un désir chez
les participants au regard de leur paternité. La discussion effectue des liens entre
les résultats et certains concepts psychanalytiques jugés éclairants. Sont enfin
abordés les limites de l’article, ses contributions à la recherche ainsi que ses
apports pour l’intervention préventive auprès des pères et des familles haïtiennes.
84
4.1 Introduction
Bien qu’inspirés d’une réalité bel et bien présente (et préoccupante à différents
égards) dans le pays, ces portraits peu flatteurs laissent supposer au lecteur que
les hommes haïtiens qui n’assumeraient pas leurs responsabilités paternelles
seraient toujours indifférents face à leur absence et aux conséquences de cette
dernière sur les mères et sur les enfants. Cette étude propose une immersion dans
le monde fantasmatique de pères haïtiens afin de saisir avec davantage de justesse
85
et de nuances ce qui se joue pour eux par rapport à leur difficulté d’investissement
de leur paternité.
L’objectif de cet article est d’explorer ce qui se joue sur la scène fantasmatique
chez des pères haïtiens au regard de la paternité afin de mieux comprendre
certains enjeux psychiques pouvant sous-tendre la difficulté d’investissement de
leur paternité singulière. L’exploration de l’imaginaire des participants pourra
servir de voie d’accès à un désir chez eux qui, lorsqu’il se retrouve sous l’emprise
de la réalité, peine à s’exprimer.
86
4.3.3 Participants
Les critères de sélection des participants étaient les suivants : 1) être haïtien ;
2) vivre dans le pays ; 3) être père et 4) ne pas entretenir de contacts réguliers
avec au moins l’un de leurs enfants. Le recrutement a été effectué de bouche à
oreille en faisant appel à notre réseau de contacts et en collaboration avec des
organismes non gouvernementaux et communautaires. Nos partenaires de
recrutement ont été mis au fait des critères d’inclusion pour participer à la
recherche ainsi que de notre souci de recueillir un échantillonnage diversifié au
niveau de l’âge, du statut social et économique, ainsi que de l’occupation et du
niveau d’éducation, afin que les résultats reflètent différentes réalités à cet égard.
Onze hommes correspondant à ces critères ont accepté de participer à l’étude.
Selon la préférence des participants, certains ont été rencontrés à leur domicile.
D’autres ont été rencontrés dans les bureaux des partenaires de recrutement ou
dans la cour arrière du lieu où était domiciliée la chercheure principale. Les
espaces où se sont déroulés les entretiens ont permis d’assurer la confidentialité.
Deux entretiens d’une durée de 1 h 30 chacun ont été menés avec 10 des
participants. Un des participants s’est désisté après le 1er entretien ; il n’a pas été
possible d’entrer en communication avec lui pour connaître la raison de son
désistement.
88
Les entretiens ont ensuite été écoutés avec soin afin que leur transcription soit le
plus fidèle possible au contenu livré par les participants. Les entretiens menés en
créole ont été traduits tout en conservant l’essence de la signification (teintée
culturellement) du discours. À l’occasion, le recours à un traducteur haïtien a
permis de valider ou d’ajuster la traduction effectuée par la chercheure.
présents à travers les différents récits livrés par les participants (Paillé et
Mucchielli, 2016).
23
Calcul effectué selon le taux en vigueur à la date à laquelle les participants ont été rencontrés.
90
Parmi les 7 participants ayant rapporté avoir eu plus d’un enfant, 1 seul aurait eu
les siens avec la même femme. Cinq de ces hommes auraient eu leurs enfants
avec 2 femmes différentes. Le seul participant qui aurait eu 5 enfants a rapporté
les avoir conçus avec 5 femmes différentes.
L’âge des enfants se situait entre 11 mois et 48 ans. Neuf enfants étaient des filles
et 15 étaient des garçons.
4.4 Résultats
24
Malheureusement, aucun père s’identifiant ouvertement comme vaudouisant n’a pu être
rencontré. La présence d’un certain tabou (bien que cela tendrait à changer) entourant la
question du vaudou (Laurence, 2008) a pu amener certains participants à avoir une réserve à
dévoiler leurs croyances à la chercheure.
91
25
Des noms fictifs (voir Lexique) ont été utilisés afin de préserver l’anonymat des sujets
rencontrés.
92
Parce que bon, ils peuvent avoir 2 enfants avec une femme et avoir
une… une kyrielle d’autres enfants avec une kyrielle d’autres
femmes aussi […] et puis s’il fait des enfants il est fier. En fait, ça
rentre dans l’image virile qu’il se fait de lui-même, tu vois… vis-à-
vis des autres hommes. Tu comprends ? Tout ça c’est pratiquement,
c’est un rapport carrément… vicié… où son rapport avec la femme…
avec l’autre sexe tu vois… est conditionné par… la perception tu vois
que les autres hommes ont de lui.
L’autorité et le soutien familial sur le plan financier sont des attributs qui
constituent un leitmotiv lorsqu’on interroge les hommes rencontrés sur l’image
qu’ils se font du père haïtien :
En Haïti y’a pas d’argent, y’a pas de boulot… eh bien il aurait servi
à… soit à avoir plein d’autorité… euh… et à s’énerver à… en tous
les cas à part tout ça […] il va encore trouver des sous, de toute façon
c’est comme ça qu’il existe… (le papa machann glas)
Plusieurs pères ont affirmé devoir incarner leur paternité à travers l’archétype du
père haïtien décrit plus haut. On découvre cependant, à travers leur propos, que
ce père érigé en modèle diffère considérablement de l’image que les participants
se font du père qu’ils aimeraient être.
Les moins nantis des pères ayant participé à l’étude ont formulé le souhait de
pouvoir soutenir financièrement leur(s) enfant(s) sur une base régulière. Plusieurs
pères ont aussi nommé le désir d’offrir une bonne éducation à leur(s) enfant(s),
laquelle serait caractérisée par un plus grand usage du dialogue (par opposition à
la coercition) et la transmission générationnelle. Cette dernière fait référence à la
transmission d’intérêts, de valeurs, d’une philosophie de vie ou encore, comme
l’aurait souhaité le « papa machann glas », d’une partie de sa culture :
qui me fait mal à chaque fois que… […] mais je sais d’où ça vient.
Je sais que j’ai pas été avec sa mère. Si j’étais là, moi j’aurais interdit
ça…
Le « papa sekrè », quant à lui, ne s’autorise à vivre sa relation à son enfant (qu’il
n’a encore jamais rencontré) qu’au niveau fantasmatique. Le participant nous
explique, l’air tracassé, qu’il lui est impossible de voir son enfant – lequel est issu
d’une relation extra-conjugale – avant d’avoir le courage d’en parler à sa femme.
Au fil de la rencontre, nous lui demandons s’il lui arrive d’imaginer passer des
moments avec son enfant. Le participant nous répond en décrivant un moment
auquel il lui arrive fréquemment de rêvasser :
Pour ce père, l’affection donnée à l’enfant en bas âge est précieuse, notamment
parce qu’elle permettrait d’en recevoir de sa part en retour.
Quand l’enfant est petit, c’est à lui [le père] de donner de l’affection
à l’enfant… faire en sorte que l’enfant se sente bien quand il est là !
[…] En retour, il va le donner à son père en retour ! […] Oui, quand
94
L’analyse des résultats indique que ce père n’est pas le seul des participants à
imaginer l’avenir de la relation père-enfant.
Le regard porté sur l’avenir du lien père-enfant diffère selon les participants.
Certains entrevoient l’avenir d’un œil plutôt positif. Par exemple, le « papa biznis
man » a espoir que les contacts seront facilités par l’enfant grandissant, qu’il
suppose davantage à même de comprendre les raisons de l’absence de son père
au cours des premières années de sa vie :
La vie peut apporter de bonnes surprises. Ou pa konn kot dlo soti pou’l
tonbe nan bòk joumou26. Un jour je peux me lever et me dire… je sais
que je ne vais pas manger ! Mais… c’est moi qui le dis, ce n’est pas le
Bon Dieu qui le dit… il se pourrait que je mange demain si Dieu le
veut… je ne m’attends à rien… je ne m’attends pas non plus à ne pas
pouvoir envoyer les enfants à l’école… je reste là à attendre de voir
quelle sera la volonté du Bon Dieu. (le papa mawon)
Certains participants ont partagé une vision de l’avenir qui apparaît plus réaliste,
en raison de la prise en compte de l’impact de leur absence sur l’évolution de la
26
« Tout est possible », « tout peut arriver » [traduction libre].
95
Le « papa jwè bolèt » confie son sentiment de devoir se rattraper auprès de son
fils :
C’est plutôt avec appréhension que le « papa dezespwa » se projette dans l’avenir.
Il semble n’entretenir aucun espoir face à sa relation à ses enfants vivant à
l’étranger :
La relation… euh… ce n’est pas une relation très serrée… je vois leur
avenir, comme si… vis-à-vis de moi… il n’y a pas de… contact…
[…] je vois vraiment qu’il n’y a pas… d’avenir.
Le « papa dyaspora » nous parle, avec émotion, de la rupture qui s’opère à travers
sa relation à ses filles. Pour ce père, les eaux troubles qui caractérisent la relation
dans le présent semblent jeter une ombre sur les perspectives d’un avenir moins
sombre :
Bon… savoir que… [petit silence] je suis euh… [petit silence, puis
voix qui tremble] à l’âge où je suis et puis que… la relation que j’ai
avec mes filles est plus qu’ordinaire… [silence] Mmm… [petit
96
Pour certains, se rapproprier leur paternité passe par l’investissement d’un enfant
à venir ou par l’incarnation du rôle de père de substitution auprès de l’enfant d’un
autre homme. Il s’agirait alors d’une occasion de repartir à zéro, de devenir le
père qu’ils n’ont pas pu (ou su) être pour leur(s) propre(s) enfant(s) :
Par ailleurs, les propos des participants laissent présager la possibilité pour le
père d’investir certains enfants plutôt que d’autres, notamment en fonction des
représentations qui sont associées à chacun.
L’investissement d’un tel enfant serait simplifié lorsque celui-ci vivrait sous le
même toit que son père :
Cette enfant-là qui a été conçue… cette enfant était mieux encadrée
que l’autre… Parce que ce je vivais avec la mère… dans une maison,
comme il se doit. (le papa mawon)
99
En ce qui concerne l’âge, plusieurs des participants ont évoqué l’enfance comme
une période où la complicité serait possible dans les moments passés avec
l’enfant. Ces moments se feraient toutefois rares en cas d’absence de femmes
pour apporter un soutien à la paternité. La période de l’adolescence permettrait
une certaine autonomie dans l’investissement (ou le réinvestissement) du lien
avec le père, à condition que l’enfant assume d’en être garant :
Je pense que s’il était plus grand… [petit silence] il pourrait venir me
rejoindre… passer du temps, il pourrait dormir… ce serait plus facile !
(le papa biznis man)
L’enfant sait qui je suis aussi. L’enfant a beau faire… s’il fait 15 jours
sans avoir de mes nouvelles tu vas l’entendre dire « maman… où est
mon père… appelle mon père pour moi ». […] Elle va prendre son
téléphone et m’appeler. […] le petit garçon lui… ça fait 2 ans que je
n’ai aucune nouvelle ! […] je pourrais y aller et appeler le petit
garçon… à la minute où il me verrait il s’enfuirait ! Il ne me connaît
pas vraiment… il se peut qu’il ne sache pas qui je suis ! Il n’est pas
habitué à moi… l’enfant est attaché aux gens avec qui il est habitué…
(le papa mawon)
Selon ce participant, avoir un tel foyer puiserait notamment son importance dans
l’accès potentiel au devenir adulte. D’autres participants ont ajouté que selon eux,
ce n’est qu’à travers cette configuration qu’il serait possible d’offrir à un enfant
tout ce dont il a besoin pour bien grandir. Pour plusieurs, la famille serait
difficilement concevable à l’extérieur de ce cadre bien défini. L’enfant illégitime
du « papa sekrè » se retrouve d’ailleurs exclu de la description que le participant
fait de sa famille :
27
Les « trois roches de feu » font référence au moyen de cuisiner chez les paysans haïtiens.
102
Pour certains, avoir une famille nucléaire deviendrait un rêve, voire un impératif
inhérent à une norme culturelle, en quelque sorte inatteignable et, de ce fait,
toujours à recommencer :
La quête du foyer idéal serait susceptible d’amener les pères à laisser derrière eux
les acteurs du ménage déchu.
Outre les enjeux liés à l’éclatement du noyau familial, il semble que la paternité
puisse difficilement coexister, dans plusieurs cas, avec l’avènement d’une
nouvelle relation. Selon plusieurs participants, les visites effectuées par le père
103
Chez les pères à la situation économique plus défavorable, il arriverait que leur
nouvelle partenaire s’oppose au soutien financier à l’enfant. : « Il y a certaines
filles… du moment que de l’argent entre dans la maison, elle ne sera pas d’accord
de le partager… d’en envoyer à un autre endroit… » (le papa biznis man)
L’existence d’une telle rivalité au sein du nouveau foyer amènerait certains pères
à limiter leur contribution financière et leurs interactions avec leur(s) enfant(s).
Le nouveau couple, lequel représenterait une nouvelle tentative d’accès vers la
famille idéale, s’en trouverait ainsi préservé :
Cet extrait, comme plusieurs autres, révèle une dyade père-enfant fortement
influencée par le tiers maternel.
104
Cet extrait dévoile l’idéalisation qui semble présente chez la majorité des
participants lorsqu’il est question des aptitudes maternelles de leur propre mère.
Cette dernière serait même, pour plusieurs, indétrônable en la matière : « Un
28
Le « poto mitan » (poteau du milieu ou poteau de soutien) est une expression antillaise
utilisée pour désigner la mère qui prend en charge pour ainsi dire toutes les responsabilités au
sein de la famille et qui est prête à faire tous les sacrifices possibles pour ses enfants
(Lefaucheur, 2018). L’expression et ce qu’elle représente n’est pas sans rappeler le poto mitan
dans le vaudou : il s’agit du pilier qui se trouve au centre des temples où se déroulent les
cérémonies (Gyssels, 1993 ; Lefaucheur, 2018). C’est le vecteur de communication avec les lwa
(divinités) autour duquel ont lieu les rituels (danses, traçage de vèvè, offrandes, etc.) (Gyssels,
1993).
105
homme peut avoir besoin d’un enfant… il se dit : " Je vais faire un enfant avec
une femme… et puis je prends mon enfant… je le conduis à ma mère… " » (le
papa marasa)
Derrière la méfiance des moins nantis se dévoile l’image d’une femme en qui ils
pourraient avoir confiance, à la fois en ce qui concerne l’attribution de la filiation
paternelle de l’enfant et l’aspect des finances. Ces participants semblent en effet
redouter la femme qui chercherait à leur attribuer une paternité à tort, afin de
bénéficier de leur soutien financier :
Une fille sait toujours qui est le père de son enfant ! […] mais des
fois aussi… elle choisit une personne qui sera capable de l’aider avec
l’enfant… mais tôt ou tard… quand l’enfant va commencer à être
106
grand elle va lui dire « cette personne n’est pas ton père… voici ton
père… » (le papa sekrè)
Je… vivais d’abord avec une personne qui était pas très, maternelle…
hum… […] La mère de ma fille… […] J’aurais aimé qu’elle ait son
rôle aussi quoi… je pense pas du tout qu’elle l’ait fait.
Les participants semblent apprécier la femme qui les considère dans les prises de
décisions concernant l’enfant. Ils démontreraient enfin une préférence pour celle
avec qui ils maintiennent une bonne relation et qui facilite les contacts du père
avec son enfant, en cas de séparation du couple parental. Le « papa dyaspora »
critique ainsi la mère de ses filles qui, selon lui et contrairement à ses attentes,
n’aurait pas contribué à maintenir le lien père-enfant à la suite de leur rupture :
« Leur mère n’a pas… elle n’a pas nécessairement… n’a pas encouragé
nécessairement, non plus, à entretenir ces rapports-là. » (le papa dyaspora)
107
4.5 Discussion
En plus de témoigner d’un manque, le désir exprimé par les participants est,
comme l’exprime Marzano (2007, p. 37), « la condition de tout projet, de tout
espoir, de tous les possibles […] il est aussi et surtout ce qui permet à chacun de
se projeter en dehors de lui-même, de s’activer, d’aller vers la rencontre, de sortir
de sa solitude et de s’acheminer là où son désir le pousse ». L’intérêt des
participants à participer à l’étude et à élaborer sur leur paternité est d’ailleurs
révélateur en ce sens ; s’y discerne une envie de faire partie d’une réflexion et
d’une conversation autour d’un sujet qui les interpelle. On y devine également
une certaine ouverture à la transformation par le contact avec l’altérité (la
chercheure).
29
On retrouve les notions de principe de plaisir et de principe de réalité entre autres dans
L’interprétation des rêves (Freud, 1900) et La métapsychologie (Freud, 1915-1917).
109
qui ne se présente pas toujours de façon manifeste dans le discours. Un tel angle
d’exploration permet en effet de contourner certaines défenses érigées (de
manière inconsciente) par le sujet pour se préserver des aspects souffrants de sa
réalité. Dans le cas qui nous intéresse, l’attitude détachée d’un père face à sa
difficulté à investir pleinement sa paternité peut, par exemple, témoigner d’un
déni de la souffrance. Plutôt que de parler d’une indifférence réelle, cette attitude
trompe-l’œil peut constituer une solution de compromis permettant au père de
mieux tolérer la conflictualité vécue devant l’impossibilité d’actualiser son désir
d’un plus grand investissement de sa paternité.
exclut pas complètement la possibilité, le lien fusionnel avec une mère idéalisée
semble en effet complexifier la reconnaissance chez le père d’une autre femme
comme mère légitime.
Par ailleurs, il serait pertinent de sensibiliser les familles quant à l’impact que
peuvent avoir les représentations et les attentes collectives généralement
entretenues envers les pères haïtiens sur la répétition de ce modèle familial où la
mère prend tout en charge et où le père est rarement présent (autrement que
financièrement) pour ses enfants. Il serait également souhaitable de valoriser
d’autres modes d’investissement que la contribution pécuniaire (par exemple au
niveau affectif), bien que cette dernière demeure un enjeu majeur au sein de
l’expérience parentale (en particulier dans les familles aux statuts les plus
précaires).
Au besoin, pour soutenir la mise en place d’un tel projet, les intervenants locaux
pourraient aller chercher de la formation à travers des recherches participatives
(Amédée et Gilbert, 2017). Ces dernières permettraient de mettre à profit
l’expérience haïtienne de la problématique et certaines connaissances théoriques
pertinentes issues de l’étranger (Amédée et Gilbert, 2017). Les recherches
menées en collaboration avec des pays ayant des caractéristiques communes avec
Haïti au niveau de la problématique et du contexte politique, social, économique
et culturel seraient cependant à prioriser pour permettre une implantation
davantage adaptée à la réalité haïtienne.
4.9 Conclusion
Pour conclure, cette étude révèle les potentialités nouvelles pouvant émerger
chez le sujet lorsqu’il se retrouve dans un espace de rencontre lui permettant de
se penser et de s’imaginer autrement que ce qui est généralement attendu de lui,
au regard d’une problématique sociale donnée. Elle ouvre la porte à une réflexion
sur la nécessité de mettre les aprioris en suspens, tant en recherche qu’en
30
La possibilité pour des intervenants locaux d’offrir de l’information visant à promouvoir
l’investissement paternel à des pères qui seraient par la suite à même d’agir en tant qu’agents de
changement au sein de leur communauté serait à explorer. Ces pères pourraient en sensibiliser
d’autres aux impacts positifs (d’abord pour eux-mêmes) que pourrait avoir une plus grande
implication de leur part auprès de leur(s) enfant(s). Les agents de changements pourraient
également soutenir le processus de réflexion des pères participant aux groupes de discussion.
114
Dans cette section, un retour sera d’abord effectué sur les résultats obtenus dans
chacun des deux articles. Ceux-ci seront discutés à la lumière des objectifs de
recherche spécifiques à chacun d’entre eux. Dans un second temps, des réflexions
seront proposées afin de faire dialoguer ce qui ressort de plus fondamental dans
les articles au regard de la problématique de la difficulté d’investissement de la
paternité chez les participants et de l’objectif général de l’étude. En troisième
lieu, les limites de l’étude seront abordées. Enfin, des propositions seront émises
dans une perspective d’enrichissement de l’intervention et des pistes seront
soulevées pour la recherche future.
Ainsi, selon la plupart des pères rencontrés, les privilèges dont jouiraient les
garçons haïtiens contribueraient à ce qu’ils se sentent, une fois adultes,
insuffisamment outillés pour devenir pères. Le manque ressenti chez ces derniers
au niveau de leurs habiletés et capacités parentales ne ferait que s’accentuer au
sein de la dynamique familiale matrifocale (puisqu’ils peineraient à y trouver leur
place) traditionnellement retrouvée en Haïti. En effet, la majorité des hommes
118
31
Si le sentiment d’exclusion de la dyade mère-enfant représente un classique susceptible d’être
présent chez les pères en général, peu importe leurs origines sociales et culturelles, celui-ci
semble accentué dans le contexte de la dynamique matrifocale retrouvée dans les sociétés afro-
caribéennes.
119
La majorité des participants ayant témoigné d’un manque de lien dans la relation
avec leur propre père ont avoué avoir longtemps été habités par des attentes
affectives à l’égard de celui-ci et avoir eu l’espoir d’un rapprochement dans le
lien. Certains participants ont exprimé explicitement leur déception face au
manque d’intimité dans la relation avec leur père. La déception vécue face à la
relation se serait successivement transformée en sentiment d’impuissance, en
résignation puis en passivité (voire en renonciation) chez plusieurs des sujets
rencontrés. Chez plusieurs participants, la posture démissionnaire adoptée à
l’issue de ce qui apparaît représenter un processus de deuil face à la relation à
leur père semble, par ailleurs, étroitement reliée à celle caractérisant la possibilité
d’investir pleinement le lien avec leur propre progéniture.
D’autres participants ont plutôt parlé de la rareté des visites à l’enfant comme
tentative d’éviter le sentiment de honte ressenti en lien avec ce qu’ils considèrent
comme une incapacité à avoir su maintenir l’union conjugale. Ce sentiment de
honte semble souvent exacerbé en cas de remise en couple de la mère de l’enfant
avec un nouveau partenaire, en particulier lorsque ce dernier se révèle plus en
mesure de répondre financièrement aux besoins de la famille que le père. S’ils ne
témoignent pas toujours de sentiments amoureux encore présents chez les
participants envers la mère de l’enfant, ces comportements (d’évitement de la
honte et du sentiment de culpabilité) contrastent néanmoins avec l’indifférence.
Certains participants ont également soulevé le lien entre leur difficulté à tolérer
les reproches potentiels de la part de l’entourage immédiat de l’enfant et leur
tendance à minimiser les contacts avec ce dernier. Si les reproches adressés
directement aux pères semblent difficiles à recevoir pour certains, c’est plutôt la
crainte que l’enfant n’intériorise la vision négative que la mère pourrait avoir
d’eux (en cas de mauvaise relation avec celle-ci) qui semble habiter le plus les
participants. Cette facette de l’expérience de la paternité des pères rencontrés
renvoie à l’influence de la qualité des représentations que la mère nourrit envers
le père sur la capacité de ce dernier à prendre sa place auprès de son enfant (Noël,
2009). Ainsi, en dépit de leur présence relative, les pères semblent accorder une
importance considérable au regard que leur(s) enfant(s) porte(nt) sur eux.
désir d’incarner un père idéal, présent pour celui-ci, notamment sur le plan
affectif. De même que l’écart entre le moi idéal et le moi, l’écart entre le père
idéal (potentiellement valorisé pour son implication auprès de l’enfant) et le père
réel (décrié pour son manque d’implication) semble associé à une souffrance –
sous-tendue par des enjeux narcissiques – présente en filigrane chez plusieurs
participants. L’analyse a révélé que l’investissement de l’enfant sur le plan
fantasmatique par le père constituerait, pour plusieurs, une manière d’incarner le
père idéal et de pallier la souffrance.
L’objectif du second article était d’explorer des pans de la vie fantasmatique des
participants afin de mieux comprendre certains enjeux psychiques (difficilement
accessibles autrement) pouvant venir teinter la qualité de l’investissement du lien
avec leur(s) enfant(s). Cette exploration a parallèlement permis aux sujets
d’entrer en contact avec leur désir en ce qui concerne leur paternité. L’analyse du
discours des participants a été scindée en quatre thèmes principaux soit le père
idéal, l’enfant idéal, la mère idéale et la famille idéale.
Seuls des pères issus de la basse classe moyenne et de la classe populaire ont
témoigné explicitement de leur désir que leur(s) enfant(s) vive(nt) un jour sous
le même toit qu’eux afin d’en être responsables et de répondre à leurs besoins.
Pour ces pères, l’enfant semble représenter une richesse réelle (en tant que
soutien financier pour les vieux jours) certes, mais aussi, et surtout une richesse
symbolique inégalable sur le plan social. Comme mentionné dans une étude
effectuée sur la paternité chez les jeunes de la rue, l’expérience de la paternité
chez le parent en situation de précarité et de marginalisation sociale aurait un
potentiel de redéfinition de la place de celui-ci au sein de la société (Gagnon,
2017). Pour les participants dont il est question ici, l’accès à la paternité incarnée
se voudrait un accomplissement notoire (compensant le faible niveau de
scolarisation et le statut précaire de l’emploi) susceptible de conférer,
conjointement avec le statut de parent, un statut d’homme et de chef de famille,
digne de reconnaissance par les pairs.
parentale auprès de l’enfant d’un autre homme ne sont pas exclus comme
tentatives de réalisation d’un souhait : celui d’une réappropriation de leur
paternité. Il s’agirait pour eux d’une forme de recommencement leur permettant
d’incarner le père qu’ils auraient aimé être pour leur(s) propre(s) enfant(s) et de
répondre à un idéal familial et conjugal. La recherche de cet idéal n’est pas sans
rappeler le mécanisme de répétition qui s’opère également chez les mères (en
situation de précarité) qui semblent perpétuellement à la recherche d’un père en
mesure de répondre financièrement aux besoins de la famille (Gilbert et Gilbert,
2017).
Paradoxalement, certains enfants dont la venue a été rapportée par les participants
comme s’inscrivant dans un projet conscient ont bénéficié d’un moins grand
investissement de la part de leur père que d’autres enfants dont la venue a été
décrite comme complètement inattendue. Ce second cas de figure fait émerger la
124
question des « marques signifiantes qui sont des signes repérables du désir
inconscient parental, comme la date prévue d’accouchement, le moment de la
conception et le prénom choisi. » (Abdel-Baki et Poulin, 2004, p. 3). Selon
Abdel-Baki et Poulin (2004), ces indices seraient signifiants par leur « relation
avec des souvenirs, des affects ou des faits récents importants » (p. 4). Un
prénom peut par exemple « évoquer pour les parents, une personne adulte ou un
enfant pour qui ils ont eu de la sympathie, de l’affection ou de l’admiration »
(Paccoud, 2001, p. 102).
Chez les sujets rencontrés, il est possible de supposer que de tels marqueurs du
désir inconscient parental prennent la forme de préférences, notamment en ce qui
concerne le rang de naissance et le sexe de l’enfant. À titre d’exemple, certains
pères ont nommé le sentiment d’attachement particulier envers le « premier
sang », c’est-à-dire l’aîné de la fratrie. De même, tel un miroir de la relation mère-
fils, la presque totalité des participants ont confié entretenir un lien privilégié
avec leur fille. Le désir inconscient parental semble transparaître chez d’autres
participants à travers l’importance accordée à l’octroi du nom ainsi qu’au choix
du prénom (dont la signification révèle souvent une tonalité affective) de l’enfant.
Un tel choix apparaît se présenter comme une opportunité pour les pères de
reconnaître l’enfant à part entière et, par le fait même, leur paternité.
Chez plusieurs pères, c’est aussi la concordance entre l’enfant réel et « l’enfant
imaginaire, celui des fantasmes préconscients, celui qui peut tout accomplir, tout
réparer, tout combler : deuils, solitude, destin, sentiment de perte » (Abdel-Baki
et Poulin, 2004, p. 4) qui apparaît influencer la qualité de leur investissement
envers lui. Pour ces pères, l’enfant fantasmé semble correspondre à celui à même
de répondre à des attentes affectives présentes chez eux, de façon plus ou moins
explicite.
125
Les résultats ont en effet révélé la présence chez plusieurs participants d’une plus
grande propension à nourrir le lien auprès de l’enfant qui démontre de manière
positive son attachement envers son père. Ainsi, les pères seraient en général
davantage portés à passer du temps avec les enfants qui expriment – sans
reproches – l’envie de les voir et, lorsqu’ils sont en âge de le faire, en prennent
l’initiative. Ils seraient aussi plus enclins à rendre visite aux enfants qui se
montrent ouverts à un échange au niveau affectif et dont la mère – qui reconnaît
le père comme étant important pour l’enfant (Lamour, 2000) – laisse une place à
cet échange (Noël, 2009). Ces résultats sont cohérents avec la paternalisation
abordée par Lotz et Dollander (2004) comme « processus renvoyant aux
influences que la mère et le bébé exercent sur le père pour favoriser le
déploiement de la paternalité » (p. 281). L’ouverture et la reconnaissance
(agissant en tant que gratifications narcissiques) démontrées par la mère et le
nourrisson envers le père pourraient, selon les auteurs, aider celui-ci à trouver sa
place au sein de la dynamique triadique (Lotz et Dollander, 2004). Ces résultats
laissent aussi entrevoir la présence d’une possible faille dans la différenciation32
entre les générations ; les hommes rencontrés rapportent avoir des attentes envers
l’enfant qui, d’un point de vue extérieur, semblent plutôt relever du rôle du parent,
dans ce cas-ci le père.
32
Le constat à forte connotation œdipienne émis plus haut quant aux liens privilégiés mère-fils
(et à un moindre niveau, père-fille) semble également aller dans le sens de l’hypothèse d’une
faille dans la différenciation entre les générations.
126
Par exemple, un tel lien avec leur propre mère semble, chez plusieurs des sujets
rencontrés, avoir une incidence néfaste sur le rapport entretenu à l’égard de leur(s)
enfant(s) dans les cas où il y aurait un délitement dans la relation à la mère de
ceux-ci. En effet, ces pères risquent de projeter sur leur progéniture le lien
impénétrable ayant caractérisé la relation à leur propre mère. L’enfant et la mère
sont alors susceptibles d’être perçus par le père comme étant indissociables l’un
de l’autre, ce qui viendrait, dans une certaine mesure, parasiter la possibilité d’un
plus grand investissement de celui-ci.
L’idéalisation de leur propre mère semble difficile à remettre en question par les
pères pour qui le prix du détrônement de celle-ci (qui est souvent amenée à
prendre soin de leur enfant pour eux) s’avère coûteux.
plusieurs pères (en particulier les moins nantis) face à la dissolution du noyau
familial en cas de séparation conjugale apparaissent également influencer
négativement l’investissement du lien avec l’enfant.
Certains participants ont aussi témoigné que lors de l’avènement d’une nouvelle
relation, le lien avec l’enfant (issu du précédent ménage) risquait d’être
compromis. Les résultats ont par ailleurs révélé que certains pères avaient été
amenés à limiter leur contribution financière et leurs interactions avec leur(s)
enfant(s) afin de ne pas contrarier leur nouvelle partenaire chez qui ils
soupçonnaient la présence d’un sentiment de rivalité en lien avec les acteurs du
précédent foyer. À l’instar de la séparation conjugale (Martial,2009), la remise
en couple du père semble entraîner chez lui une redéfinition de son rôle et de son
investissement parental. Chez les hommes rencontrés, le désinvestissement du
ménage déchu laisserait place à la quête infinie d’un foyer idéal et de ce fait,
inatteignable.
La déshumanisation dont ont été victimes les esclaves noirs ainsi que le nombre
important parmi eux ayant péri33 lors des traites négrières permettent de tracer un
parallèle avec la transgression de l’interdit du meurtre (et son impact sur la
transmission psychique) en contexte génocidaire. Par ailleurs, N’diaye (2017)
utilise le terme « génocide voilé » pour qualifier la traite arabo-musulmane,
notamment en raison du haut taux de mortalité chez les esclaves noirs, dont
33
On estime entre 10 et 15 millions le nombre d’esclaves morts uniquement au cours des
traversées lors de la traite transatlantique (DeGruy, 2005).
129
En plus du haut taux de mortalité auquel ils ont été confrontés, les esclaves ayant
atteint les plantations ont subi ce qu’on pourrait qualifier de meurtres
symboliques sur le plan social, civil et juridique (Tanc, 1832). Ils étaient en effet
assujettis à la violence et à la volonté de leur(s) maître(s), relégués au statut de
« biens meubles », dépouillés de leurs droits civiques et n’avaient pas de recours
juridiques (Tanc, 1832). Mims et al. (2008) ont quant à eux développé, dans leur
ouvrage intitulé « Post Traumatic Slavery Disorder », le concept de
« Mentalcide », (homicide mental) qui renvoie à l’impossibilité pour les esclaves
de penser librement et de s’instruire. Les auteurs y abordent aussi la question de
l’anéantissement de référents culturels (comme les langues, coutumes, croyances
et rituels) chez les captifs (Mims et al., 2008).
Le processus que l’on suppose s’opérer ici fait écho au concept psychanalytique
de transmission transgénérationnelle, c’est-à-dire l’influence inconsciente –
repérable par des manifestations psychiques, émotionnelles et de mise en acte –
de traces de traumatismes non symbolisés vécus par des générations ultérieures
(Guyotat, 2005 ; Lafortune, 2016). Selon différents auteurs, la nature non résolue
de ces traumatismes serait attribuable au fait que leur caractère horrifique aurait
rendu impossibles à la fois la mise en sens et la mise en mots pour ceux les ayant
directement vécus ce qui, conséquemment, les rendrait inassimilables pour les
générations à venir (Abraham et Torök, 1978 ; Lafortune, 2016 ; Guyotat, 2005).
L’auteur explique que le parent qui porte en lui un tel « secret » aurait tendance
à adopter « des conduites et des paroles contradictoires ou paradoxales pour
l’enfant » (Tisseron, 2002, p. 276). À travers ces manifestations, l’enfant
pressentirait la souffrance ressentie par son parent, sans toutefois comprendre de
quoi il s’agit et à quoi l’attribuer (Tisseron, 2002). L’enfant serait alors porté à
interpréter ce qu’il perçoit de différentes manières : il pourrait s’imaginer
responsable de la souffrance de son parent et vivre de la culpabilité ; s’imaginer
que ce dernier a quelque chose de grave à se reprocher et perdre confiance en lui
ou encore perdre la foi en ses propres capacités perceptuelles ou de
compréhension du monde, de la réalité et des dynamiques relationnelles
132
(Tisseron, 2002). L’enfant risquerait enfin de reproduire, une fois devenu adulte,
l’adoption d’attitudes et de gestes paradoxaux risquant d’affecter, à leur tour, sa
propre descendance (Tisseron, 2002).
De plus, tel que révélé par les résultats, les sentiments négatifs associés à la
dynamique relationnelle avec la mère, à la difficulté d’incarner un père idéal et à
« l’échec » de n’avoir su maintenir la cohésion familiale auraient contribué, chez
plusieurs pères, à l’adoption de comportements d’évitement des contacts avec
leur(s) enfant(s). Il est possible de supposer que les enfants – pour qui la presque
totalité des participants ont dit ressentir de l’amour et un fort sentiment
d’attachement – reçoivent des messages énigmatiques (par leur nature
contradictoire) de la part de leur père.
Pour pallier les effets déstructurants que de tels messages cryptiques ont le
potentiel d’avoir sur la psyché de l’enfant, le parent est encouragé à reconnaître
sa souffrance et à la lui nommer (Tisseron, 2002). Le parent est également
encouragé à expliquer à l’enfant qu’il n’en est pas responsable et, si le parent y a
accès lui-même, ajouter que cette souffrance est plutôt en lien avec des
évènements douloureux issus de son passé (Tisseron, 2002). Bien qu’un tel
exercice puisse paraître difficile, ultimement, « […] le pouvoir de toxicité du
secret s’amenuise quand on peut le partager. Et souvent, la tristesse qui
accompagne la confidence d’un secret douloureux est liée à la découverte qu’on
133
fait alors qu’on aurait pu s’en délier plus tôt… Les gens qui souffrent d’un secret
souffrent autant de la solitude dans laquelle ils sont par rapport au secret que du
secret lui-même » (Tisseron, 2007, p. 24).
Pour être en mesure d’effectuer un tel partage à leur(s) enfant(s), les pères doivent
cependant d’abord prendre conscience de la souffrance qui les habite et
apprendre à la mettre en mots, d’une manière assimilable pour eux-mêmes et
pour l’autre (Lafortune, 2016). Ce travail de prise de conscience et de mise en
discours a pu être entamé par les sujets de la présente étude, à travers le processus
associatif ayant pu se déployer lors des entretiens de recherche. Les participants
ont pu bénéficier d’un espace de parole favorisant un travail de réappropriation
subjective de leur histoire (Veuillet-Combier et Katz-Gilbert, 2017). Il est
possible de penser que s’ils poursuivent le travail commencé, en prenant une part
active dans un processus d’élaboration entourant la paternité, les participants
pourront éventuellement s’émanciper des blessures de leur passé, se positionner
en tant que sujets de leur propre histoire et ainsi briser l’expression morbide de
la répétition de l’absence (Estay Stange, 2017 ; Veuillet-Combier et Katz-Gilbert,
2017).
Un autre apport de cette recherche est son caractère engagé ; elle représente le
début d’un dialogue avec les pères et valorise leur inclusion et leur implication
au sein de recherches et d’interventions communautaires portant sur le mieux-
être des familles haïtiennes en général et des enfants haïtiens en particulier, dans
une optique de réappropriation du pouvoir d’agir par une transformation sociale
qui passe par les membres de la communauté.
Puis, les témoignages recueillis reflètent le rapport entretenu par les participants
à la paternité au moment où ils ont été rencontrés. Interrogés à un autre moment
de leur trajectoire, ces mêmes participants auraient pu offrir une narration
différente de leur propre histoire, incluant l’inscription de leur paternité au sein
de celle-ci. Ils auraient également pu donner accès à des représentations
transformées de la paternité, lesquelles auraient été susceptibles de venir teinter
la compréhension dégagée de l’analyse des résultats. En effet, les représentations
sont en constante mouvance ; elles évoluent au rythme du temps, en fonction des
expériences, des prises de conscience et du contact avec l’altérité. Autrement dit :
« la représentation n’est pas un objet stable ou un système clos, mais une
configuration absorbante, essentiellement dynamique capable d’intégrer des
informations nouvelles en les reliant de manière spécifique à des informations
mémorisées, capable de dériver des opinions particulières d’attitudes déjà
installées » (Rouquette, 1994, p. 22). Cette limite est toutefois en partie
contrebalancée par la diversification de l’échantillon en fonction de l’âge des
136
pères, leur nombre d’enfants ainsi que l’âge de ceux-ci. Évoquant à la fois des
expériences nouvelles et passées, les récits des pères donnent accès à des
temporalités variées.
pas suranalyser les résultats (pour éviter un placage théorique), tant du point de
vue psychanalytique que du point de vue culturel. En dépit des limites énoncées,
ce type d’étude (exploratoire) permet de combler un vide dans la littérature. Il
« peut être aussi un préalable à des recherches qui, pour se déployer, s’appuient
sur un minimum de connaissances » (Trudel et al., 2007, p. 39). La poursuite des
recherches entourant la question de la paternité en Haïti s’avère essentielle pour
en dégager des pistes de compréhension plus approfondie.
Considérant les limites de la présente étude, il pourrait s’avérer pertinent pour les
recherches à venir d’interroger des pères à différents moments de leur vie. Les
entretiens pourraient se faire en plusieurs temps, par exemple avant de devenir
pères (célibataires ou encore en couple avec la mère), à l’annonce de la grossesse
et lors de la venue de l’enfant. Ce type d’étude longitudinale permettrait de
donner accès à l’évolution que l’on devine concernant les représentations de la
paternité chez les participants et d’en faire émerger le sens. Une telle recherche
serait potentiellement une occasion de repérer davantage d’indices signifiants du
désir d’enfant (susceptible d’informer sur l’investissement à venir) chez les
participants.
Mener des études de cas permettrait aussi d’accroître les connaissances en ce qui
concerne des cas de figure en particulier. De telles études pourraient notamment
donner lieu à l’approfondissant de thématiques ainsi qu’à l’exploration de
questionnements et d’hypothèses soulevés à la lecture de cette recherche.
Il serait aussi recommandé pour les chercheurs amenés à effectuer une étude
auprès d’une population ne vivant pas dans le même pays qu’eux de se munir
d’une codirection incarnée par un(e) chercheur(e) sur place. Ceci permettrait, en
plus de la posture réflexive, de favoriser la réduction de biais culturels en
recherche et d’obtenir un matériel reflétant de façon encore plus juste le savoir
transmis par les participants.
Ensuite, il serait nécessaire d’inclure les pères haïtiens dans les interventions
ciblant les familles et la parentalité. Il apparaît aussi essentiel de leur offrir un
accompagnement pour les aider à tolérer et outrepasser l’inconfort ou l’anxiété
qui accompagne généralement tout processus de transformation (Auerbach et al.,
1997). La participation des pères à la présente étude, l’intérêt démontré envers le
sujet de recherche ainsi que le dévoilement de soi dont ils ont fait preuve à travers
leurs témoignages semblent par ailleurs rendre compte d’une demande implicite
en ce sens.
34
Les participants de cette étude ont rapporté être plus présents physiquement auprès de leur(s)
enfant(s), faire preuve de davantage de démonstrations d’affection à leur égard, jouer plus avec
eux et être impliqués plus activement au sein de la famille.
140
35
De telles initiatives permettraient d’inclure différents systèmes de relations (famille, couple,
couple parental, couple parent-enfant, fratrie, amis, communauté religieuse, etc.).
36
On devine, à travers le discours des participants, la présence de plusieurs non-dits au sein de
la dynamique familiale.
CONCLUSION
Des entretiens qualitatifs de recherche ont été menés de façon non directive
auprès de 11 pères n’ayant pas de contacts réguliers avec au moins un de leur(s)
enfant(s). L’échantillon recueilli était diversifié en fonction de l’âge, du lieu
d’habitation ainsi que du milieu social et économique.
Les résultats ont d’une part donné accès aux représentations des sujets de
recherche concernant les obstacles au plein investissement de leur paternité
singulière et de la paternité en général dans le pays. Certains des obstacles
identifiés par les participants peuvent être qualifiés d’externes (disqualification
paternelle en contexte de matrifocalité et absence de leur propre père). D’autres
143
En cohérence avec l’intérêt observé, cette étude offre des recommandations pour
la recherche et incite à repenser les interventions destinées aux familles
haïtiennes en faveur d’une plus grande inclusion des pères. Elle propose des
pistes de réflexion et d’action inclusives (dont certaines préventives) pour un
changement favorable et durable au sein de la dynamique familiale haïtienne.
Parmi ces pistes, la création d’espaces de parole qui donneraient l’occasion aux
hommes haïtiens d’effectuer un travail psychique d’élaboration autour de la
thématique de la paternité s’avère prioritaire. La mise sur pied de groupes de
réflexion (incluant tous les acteurs de la communauté) destinés à rechercher des
solutions quant à la problématique de la difficulté d’investissement de la paternité
dans le pays est également recommandée.
Pour conclure, les pères rencontrés ont posé, au cours de la recherche, un regard
empreint de sincérité et d’humilité sur l’expression de leur paternité. Au fil des
144
Pou nou ka reyalize etid sa, nou bezwen 10 papa ayisyen ki gen ant 20 e 50 lane
ki pral aksepte renkontre 2 fwa avèk nou pendan 1 h 30 (3h de tan an tou) pou
yo reyalize yon desen ki reprezante fanmi yo e pataje avèk nou konsepsyon ke yo
genyen sou patènite a, ak tout fason yo viv e ki jan sa fè rive la, istwa fanmi yo e
kilti ayisyèn nan. Dans le cadre de cette étude, nous sommes à la recherche de 10
pères haïtiens âgés entre 20 et 50 ans qui accepteront d’être rencontrés à 2
reprises pendant une période d’environ 1 h 30 (3 heures au total) afin de réaliser
un dessin représentant leur famille et de répondre à des questions relativement à
leur représentation de la paternité, en lien avec leur cheminement personnel, leur
histoire familiale ainsi que leur culture.
Patisipan yo pral touche yon konpansasyon finansyè ki gen pou wè ak patisipasyon yo nan
rechèch sa a. Yo pral resevwa 350 goud pou chak antretyen yo fè, pou yon total de 700
goud. Une compensation financière sera offerte pour les frais encourus (par
exemple le déplacement) en raison de la participation au projet de recherche. Les
participants recevront un montant de 350 gourdes par entretien effectué pour un
maximum de 700 gourdes.
Patisipasyon yon moun nan rechèch sa a pa obligatwa. Si nou ta renmen patisipe nan
pwojè sa a e resevwa plis enfomasyon sou li, nou ka kontakte Gabrièle Gilbert (etidyant
nan doktora, Université du Québec à Montréal). La participation à ce projet de recherche
est entièrement libre et volontaire. Afin d’obtenir plus d’informations sur le
projet en vue d’y participer, merci de bien vouloir contacter Gabrièle Gilbert
(étudiante au doctorat à l’Université du Québec à Montréal) Patisipasyon yon moun
nan rechèch sa a pa obligatwa. Si nou ta renmen patisipe nan pwojè sa a e resevwa plis
enfomasyon sou li, nou ka kontakte Gabrièle Gilbert (etidyant nan doktora, Université du
Québec à Montréal).
509-3375-9994 gilbert.gabriele@courrier.uqam.ca
ANNEXE B
FORMULAIRE DE CONSENTEMENT
Projet de recherche
Étudiante-chercheure
Direction de recherche
Préambule
Nou mande nou pou nou patisipe nan yon pwoje rechèch ki enplike ke nou
renkontre 2 fwa nan yon kote ki izole, pendan 1 h 30 (3 heures de tan an tou) pou
nou diskite de konsepsyon nou genyen sou patenite a. Anvan nou aksepte patisipe
nan pwoje sa, fok nou pran tan pou nou byen li enfomasyon kap suiv.
Nous vous demandons de participer à un projet de recherche qui implique de vous
rencontrer à 2 reprises dans le lieu fermé, pendant une période de 1 h 30 (3 heures
au total) afin de vous poser des questions relativement à votre représentation de
la paternité. Avant d’accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez
prendre le temps de lire attentivement les renseignements qui suivent.
Fomulè konsantman sa pral bay nou enfomasyon sou objektif, pwosedi, avantaj,
risk ak dezavantaj an lyen avek pwoje a e sou ki moun nou ka kontakte si nou gen
kestyon.
Ce formulaire de consentement vous explique le but de cette étude, les procédures,
les avantages, les risques et inconvénients, de même que les personnes avec qui
communiquer au besoin.
148
Nou gen dwa pa konpran tout sa ki ekri nan fomilè sa. Nou invite nou pou nou
poze tout kestyon nou bezwen pou nou ka bay yon konsantman ki èklère.
Le présent formulaire de consentement peut contenir des mots que vous ne
comprenez pas. Nous vous invitons à poser toutes les questions que vous jugerez
utiles de manière à ce que vous consentiez à participer avec un consentement
éclairé.
Etid sa pral poté sou konsepsyon papa ayisyen genyen an lyen avek patenite a,
nan yon kontèks kote genyen anpil fanmi élaji e kote tou, plizyè papa genyen
timoun de manman diferan, sak ki ka fèl difisil pou yo gen kontak regilye avèk
tout piti yo.
L’étude que nous proposons s’intéresse à la représentation de la paternité chez
des pères haïtiens, dans un contexte où les familles sont majoritairement élargies
et ou les enfants sont souvent issus de mères différentes, ce qui peut rendre
difficile pour certains hommes d’avoir des contacts réguliers avec chacun de
leurs enfants.
Fok nou ranpli kritè sa yo pou nou ka patisipe : om ki genyen ant 20 e 50 lane,
ki ap viv an Ayiti e ki pa genyen kontak ki regilye avek omwen youn nan piti li yo.
Les critères de sélection sont les suivants : hommes âgés entre 20 et 50 ans, vivant
en Haïti et n’ayant pas de contacts réguliers avec au moins un de leurs enfants.
Pandan premye antretyen an, wap genyen pou ou reyalize yon desin ki pral
reprezante fanmi ou e pou ou reponn a kek kestyon sou tèm patenite a.
149
Antretyen yo pral dewoule nan yon kote ki izole (pou respèkte konfidansyalite a).
Les entretiens se dérouleront dans un espace fermé (pour assurer la
confidentialité).
Rechèch sa pral konstitye yon opotinite pour nou de eksprime tèt nou e de jwen
yon ekout tou, an lyen avel eksperians nou genyen sou sijè patenite a. Epi tou,
patisipasyon nou pral kontribye nan avansman konesans nan domèn sa.
Au cours de la recherche, vous aurez donc l’occasion de vous exprimer ainsi que
d’être écoutés et donc considérés en lien avec votre expérience de la paternité.
De plus, vous contribuerez, par votre participation, à l’avancement des
connaissances dans le domaine.
Nou gen dwa senti nou fatigé poutèt tan nap bay nan patisipasyon nou. Nou gen
dwa pa senti nou alèz tou, de pale de kèk sijè an lyen avek vi pesonel nou.
Prekosyon ap fèt pou nou ka senti nou byen : nap ka pran poz, kanpe a tou
moman e demande tou pou nou ka refere nou a yon
oganizasyon ou byen a yon intèvenan konpetan.
Il se peut que vous éprouviez de la fatigue en lien avec le temps de participation
ainsi qu’un inconfort à parler de certains aspects de votre vie personnelle. Des
précautions seront toutefois prises afin d’assurer votre bien-être, telles que la
possibilité de prendre des pauses, d’arrêter en tout temps ainsi que d’être référés
à des intervenants compétents :
Confidentialité
Eske nou dakò pou enfomasyon ki rekolte nan rechèch sa a itilize nan lòt pwojè
rechèch ki fèt sou menm tematik? Pwojè rechèch sa yo pral evalye e apwouve
tou, pa yon komite etik an rechèch nan inivèsite du Québec à Montréal anvan yo
komanse reyalize. Done rechèch yo pral estoke yon kote ki sekiritè. Pou nou ka
pwotege idantite nou e respekte prinsip konfidansyalite a, nap idantifye sèlman
pa yon nimewo, yon kòd obyen yon lot non ke non pa nou an. Èske nan kondisyon
sa yo nou dakò pou done rechèch yo itilize pa lot chèchè?
Acceptez-vous que les données de recherche soient utilisées pour réaliser
d’autres projets de recherche dans le même domaine ? Ces projets de recherche
seront évalués et approuvés par un Comité d’éthique de la recherche de
l’Université du Québec à Montréal avant leur réalisation. Les données de
recherche seront conservées de façon sécuritaire. Afin de préserver votre identité
et la confidentialité des données de recherche, vous ne serez identifié que par un
numéro de code ou un nom fictif. Acceptez-vous que les données de recherche
151
Patisipasyon yon moun nan rechèch sa a pa obligatwa. Nou ka retire tèt nou nan
patisipasyon an nenpòt ki lè, san nou pa bay oken eksplikasyon. Si nou deside
retire tèt nou de etid la, sèl sa pou nou fè se enfome vèbalman Gabrièle Gilbert
de sa.
Votre participation est entièrement libre et volontaire. Vous pouvez refuser de
participer à ce projet ou vous retirer en tout temps sans devoir justifier votre
décision. Si vous décidez de vous retirer de l’étude, vous n’avez qu’à aviser
Gabrièle Gilbert verbalement.
Compensation
Kòm konpansasyon pou depans nou fèt ki genyen pou wè avèk patisipasyon nou
nan pwojè rechèch sa a (pou egzanp deplasman), nou pral resevwa 350 goud
pou chak antretyen nou fè, pou yon total de 700 goud (10 dola ameriken). Si nou
retire tèt nou de pwojè a (oswa si chechè a deside li pap kontinye avè nou) anvan
tou le 2 antretyen yo fin fèt, konpansasyon an ap pwopòsyonèl avèk dire
patisipasyon nou an.
En guise de compensation pour les frais encourus en raison de votre participation
au projet de recherche, vous recevrez un montant de 350 gourdes par entretien
pour un total de 700 gourdes (l’équivalent de 10 dollars américains). Si vous vous
retirez du projet (ou s’il est mis fin à votre participation) avant qu’il ne soit
complété, la compensation sera proportionnelle à la durée de votre participation.
Pou nenpòt ki lòt kesyon nou te ka genyen sou pwojè a ak patisipasyon nou, nou
ka kontakte responsab pwojè a :
Sophie Gilbert, Département de psychologie section psychodynamique, (514)
987-3000 poste 4441 gilbert.sophie@uqam.ca ;
Gabrièle Gilbert, Doctorat en psychologie profil scientifique-professionnel, 509-
3375-9994, gilbert.gabriele@courrier.uqam.ca
Des questions sur le projet ?
Pour toute question additionnelle sur le projet et sur votre participation vous
pouvez communiquer avec les responsables du projet :
Sophie Gilbert, Département de psychologie section psychodynamique, (514)
987-3000 poste 4441 gilbert.sophie@uqam.ca ;
Gabrièle Gilbert, Doctorat en psychologie profil scientifique-professionnel, 509-
3375-9994, gilbert.gabriele@courrier.uqam.ca
152
Vous pouvez aussi contacter le Comité d’éthique de la recherche pour les projets
étudiants de la Faculté des sciences humaines impliquant des êtres humains
(CERPÉ 4) sergent.julie@uqam.ca ou 514-987-3000, poste 3642].
Remerciements
Kolaborasyon nou esansyèl pou nou ka reyalise pwojè sa a. Poutèt sa, ekip
rechèch la vlé remèsye nou.
Votre collaboration est essentielle à la réalisation de notre projet et l’équipe de
recherche tient à vous en remercier.
Consentement
Mwen deklare mwen te li epi mwen konprann pwojè sa a, sa ki genyen pou wè
avèk patisipasyon mwen, avèk tout risk e enkonvenyan, jan yo prezante li nan
fòm nan. Mwen te genyen opòtinite pou mwen poze tout kesyon mwen te ka
genyen konsènan etid la epi pou jwenn repons yo tou.
Mwen, moun ki siyen an, dakò pou mwen patisipe nan etid sa a. Mwen ka retire
tèt mwen nan patisipasyon an nenpòt ki lè san
ke pa genyen okenn konsekans.
__________________________________________________
Non, Siyati
153
__________________________________________________
Siyati
__________________________________________________
Dat
Engagement de la chercheure
An tan ke chèchè, mwen bay garanti ke mwen
a) te eksplike patisipan an tout sa ki nan fomulè sa ; b) bay repons a tout kestyon
li te pose’m an lyen avek fom nan ; c) enfome’l ke li pa oblije patisipe nan pwoje
a e ke li gen dwa kanpe a tou moman.
Je, soussigné(e), certifie : a) avoir expliqué au signataire les termes du présent
formulaire ; b) avoir répondu aux questions qu’il m’a posées à cet égard ; c) lui
avoir clairement indiqué qu’il reste, à tout moment, libre de mettre un terme à sa
participation au projet de recherche décrit ci-dessus.
__________________________________________________
Prénom, Nom de famille
__________________________________________________
Signature
__________________________________________________
Date
ANNEXE C
CANEVAS D’ENTRETIEN
Non mwen se Gabrièle Gilbert, yon chèchè nan Université du Québec à Montréal.
Jan ou te wè’l nan fòm konsantman an, objektif rechèch la se pou eksplore
konseptsyon patenite a (pèsepsyon, imaj, konpreyansyon, etc.) ke patisipan nou
yo genyen, ak tout fason yo viv e ki jan sa fè rive la, istwa fanmi yo e kilti ayisyèn
nan. Enplikasyon ou nan pwojè sa a se pou ou patisipe nan 2 antretyen ki ap
pran 1 h 30 chak (3 èdtan o total). Ou pral touche yon konpansasyon finansyè de
350 goud pou chak antretyen ki fèt, pou yon total de 700 goud. Mezi ap pran pou
nou respekte konfidansyalite ak anonima patispan yo pandan tout dire etid la.
Mwen ta renmen pou ou fè yon desen pou mwen, ki represante fanmi ou e apre
sa pou ou pale’m de fanmi ou.
− Plas e wol papa
− Relasyon ou genyen avèk figi patènèl ou yo
− Relasyon konjigal
− Plas e wol manman
J’aimerais que tu37 me dessines, puis me parle de ta famille (être attentif à la
direction que prendra le participant, soit en parlant de sa famille d’origine ou de
la famille au sein de laquelle il est le père).
− La représentation de la place et du rôle du père (exploration selon les
différentes générations, notamment le père et le grand-père du participant)
− La relation du participant aux figures paternelles
− Le lien des figures paternelles avec les enfants
− La place et le rôle des enfants
− La relation conjugale
− La place et le rôle de la mère
37
En créole il n’y a pas de distinction entre le tutoiement et le vouvoiement.
156
FIN DE L’ENTRETIEN
Èske gen lòt sijè ke ou ta renmen diskite sou tèm patenite a?
157
AMORCE DU 2E ENTRETIEN
Mwen ta renmen konnen si gen de panse obyen de refleksyon ki te vin travese tèt
ou depi dènye rankont nou an?
Ou sonje, mwen te vle konprann sak patenitea vle di pou ou… eske ou ka dim plis
sou sa jodia?
J’aimerais savoir si des réflexions te sont venues à l’esprit depuis notre dernière
rencontre ?
Sinon, reprendre la thématique principale : « tu te souviens, je voulais
comprendre davantage ce que c’est que d’être un père pour toi… est-ce que tu
peux m’en parler davantage aujourd’hui, par exemple, à partir des réflexions que
tu as pu avoir depuis notre dernière rencontre ? »
Laj ou :
Âge :
Kote ou fèt :
Lieu de naissance :
Kondisyon matrital ou :
État civil :
Laj ti moun ou yo :
Âge des enfants :
Etid ou fèt :
Scolarité :
Okipasyon :
Occupation :
Sous revni ou :
Source de revenu :
Konfesyon relijye ou yo :
Confession religieuse :
Âge Vingtaine 3
Trentaine 1
Quarantaine 4
Cinquantaine 1
Soixantaine 0
Soixante-dizaine 2
Lieu de naissance Port-au-Prince 7
Montrouis 1
Grand-Goâve 1
Petite-Rivière-de- 1
l’Artibonite 1
Bas Montagne La Voûte
Lieu de résidence Port-au-Prince 6
Pétion-Ville 1
Jacmel 1
Grand-Goâve 2
Bas Montagne La Voûte 1
État civil Divorcé 2
Marié 1
Placé (conjoint de fait) 2
Célibataire 6
Nombre d’enfants 1 4
2 4
3 1
4 1
5 1
Nombre de femmes avec 1 5
qui ils ont eu des enfants 2 5
5 1
Âge des enfants 1 an et demi 1
27, 23, 17, 9, 1 et demi 1
38 et 30 1
48 46 1
20, 10 1
26, 24, 4 1
5 ans 1
11 mois 1
6 ans 1
6. 5 ans 1
18, 16, 16, 12 1
Configuration familiale Habite seul (sans enfant(s)) 7
Habite avec sa femme (sans 1
enfant(s)) 1
Habite avec sa conjointe 1
(sans enfant(s)) 1
160
Confession(s) Athée 4
religieuse(s) Catholicisme 3
Protestantisme 3
Baptisme 1
Implication(s) sociale(s) Implication sociale et 2
et politique(s) communautaire 1
Militantisme politique 1
Militantisme artistique 7
Aucune
Langues parlées Créole 11
Français 5
Anglais 3
Espagnol 1
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