Gestion de La Crise en Haïti Rur@Lites 3 2013
Gestion de La Crise en Haïti Rur@Lites 3 2013
Gestion de La Crise en Haïti Rur@Lites 3 2013
Rur@lités
Décembre 2013 - Numéro 3
La gestion de la
crise en Haïti
Editorial
Josué MUSCADIN
Une crise dans la crise. Regard socio-historique
socio historique sur les évènements ayant conduit, en Haïti, à
la chute de Jean Bertrand Aristide en 2004.
Clerveau MICHELET
Les catastrophes naturelles majeures en Haïti au cours des années 2000, des crises dans une
situation de multi-crise.
E DITORIAL
À l’origine, le mot « crise » est issu du vocabulaire médical. Du latin, krisis, le terme
représente l’étape charnière d’une maladie dont l’issue peut être la guérison
son ou la mort. Dans
ce moment paroxystique, le médecin est tenu de prendre une décision (krinein).
( Mais
l’évolution du mot dans le temps va connaitre une inclinaison sémantique,, notamment à partir
du XIXe siècle, pour désigner l’état de dysfonctionnement d’un système en incapacité
d’assurer ses fonctions (crise économique, sociale, politique etc.)
etc. Le maintien du sens médical
de la notion dans d’autres domaines semble s’expliquer
s’ par le succès des théories organicistes
faisant le lien analogique entre la société
so et l’organisme vivant.
1
E. Morin, « Pour une crisologie », in Communication, n° 25, 1976, pp. 149-163
1
2 RUR@LITES Année 2013 n° 03
à cause de leur droit historique.2» Cette connotation positive des situations de crises sera
davantage développée par la théorie marxiste.
Parler de crise, c’est parler de ses implications téléologiques possibles, mais c’est aussi
parler de sa gestion, le krinein. L’issue des périodes « critiques » est, en effet, toujours
fonction des décisions prises par les acteurs concernés. La capacité des décideurs à effectuer
une évaluation réelle de la situation est d’une importance capitale, d’où la nécessité de
s’intéresser à l’action de ces acteurs, collectifs ou individuels.
Mais crise est toujours crise de quelque chose, ce qui implique qu’il faut la
contextualiser pour l’analyser. L’inflation d’usages que connait le terme ainsi que ses
différentes déclinaisons en fonction des champs disciplinaires et des domaines de la vie
sociale exige même qu’il soit singularisé.
Ce nouveau numéro de la revue Rur@lités sera consacré à la gestion des crises en Haïti.
L’île, précisément, sa partie occidentale, a une réputation qui lui vaut l’appellation maladroite
de « territoire maudit », tant la répétitivité des situations critiques y est forte. Crise politique,
crise économique, crise sanitaire, crise environnementale…, les articles de presses
internationaux au sujet d’Haïti concernent de très souvent si ce n’est pas toujours un
événement « malheureux ». De la terrible catastrophe du 12 janvier 2010 à la crise politique
née de la dernière élection présidentielle en passant par l’épidémie de choléra ayant touché la
population suite au séisme, ces dernières années ont été désastreuses pour le pays en proie à
un marasme économique lamentable. Autant dire qu’à Haïti, le terme crise tend à prendre un
sens particulier du fait de son accommodation à l’imaginaire local. Toutefois, en dépit de cette
culture de crise et le potentiel d’apprentissage qu’elle porte, la gestion des dernières crises à
Haïti est loin d’être optimale. La problématique des crises et la gestion des crises en Haïti sont
abordées ici avec un regard pluridisciplinaire. Des chercheurs, relevant de différents domaines
des sciences humaines et sociales, s’interrogent sur la dynamique de certaines crises que
connait en Haïti pendant ces dernières années. Leurs réflexions portent plus particulièrement
sur l’observation des trajectoires de crises, les modes de gestion adoptés par les acteurs
concernés ainsi que la représentation dont ces moments de tensions sont l’objet dans la
société.
2
J. Burckhardt, Force and Freedom : Reflexions on history, cité par STARN R. (1971) Historians and
“Crisis”, Past & Present, n° 52 (1), p. 8
2
1 RUR@LITES Année 2013 n°3
Josué Muscadin
Doctorant en histoire politique à l’Université de Potiers
CRIHAM (EA 4270), RURALITES (EA 2252)
josue.muscadin@univ
josue.muscadin@univ-poitiers.fr
Jean Bertrand Aristide arrive au pouvoir pour son deuxième mandat sous le fond d’une
crise née d’une élection présidentielle organisée par son protégé René Préval. Réalisée en
novembre 2000, cette élection a été marquée par une très faible participation populaire
po et
boycottée par l’opposition qui la qualifie de « coup d’Etat électoral ». Quant à la
communauté internationale, elle a refusé de financer et d'observer cette élection à la suite des
irrégularités flagrantes qui avaient marqué les législatives et les municipales de mai 2000. Les
bailleurs de fonds ont suspendu leurs programmes de coopération. A l’intérieur, Aristide fait
face à une contestation grandissante de la classe politique, couplée d’un mouvement
d’insurrection populaire. Sous la pression des
d États-Unis
Unis et de la France, Aristide démissionne
le 29 février 2004 et s'exile d'abord à Bangui, puis en Jamaïque et finalement en Afrique du
Sud.
internationaux (l’Organisation des Etats Américains, Washington, Paris) dont l’appui s’avère
souvent indispensable à la survie d’un gouvernement. On peut aussi penser que la crise de
2004 n’est pas sans rapport avec le processus de démocratisation du pays qui, elle-même, se
caractérise par des situations de fluidités politiques et des mobilisations collectives, comme
l’a montré Richard Banegas1.
Cette contribution vise à produire une intelligibilité sur les événements constitutifs de la
crise qu’a connue le pouvoir Lavalas2 à travers une démarche de sociologie historique des
crises politiques. A partir des faits et des logiques d’acteurs impliqués dans cette conjoncture,
elle se voudra un exercice d’objectivation du processus de delégitimation du pouvoir
lavalassien. Il conviendra dans un premier temps d’exposer l’outil théorique qui sera utilisé
dans cette analyse pour finalement considérer les interactions entre les acteurs engagés dans
cette crise.
Parce que les consultations électorales de l’année 2000 constituent l’élément central de
la trajectoire qui a précipité le pouvoir à la chute, on estime nécessaire de centrer notre
analyse autour de ces conjonctures critiques. Nous mobilisons, pour effectuer cet exercice, la
théorie des conjonctures fluides de Michel Dobry dans une perspective historique. L’intérêt
du schéma analytique de Dobry est qu’il se distingue de la vision organiciste de la sociologie
classique qui conçoit a priori toutes formes de crise comme l’expression d’un état
pathologique de la société. Pour Dobry, la crise est un moment particulier des systèmes
politiques et doit être analysée comme une « activité sociale routinière ». Paraphrasant
Clausewitz, Dobry précise que la crise politique est la « continuation des rapports politiques
par d’autres moyens ». La Sociologie des crises politiques de Dobry vise à définir les
caractéristiques spécifiques de ces conjonctures et de souligner leurs effets structurels.
Sans vouloir tomber dans l’« illusion étiologique », nous pensons nécessaire de
s’intéresser sinon aux causes du moins au processus d’émergence de ces moments de crise,
1
Richard Banegas, « Les transitions démocratiques : mobilisations collectives et fluidité politique »,
Cultures & Conflits [Online], 12 | hiver 1993, Online since 14 March 2006, connection on 12 December 2013.
URL : http://conflits.revues.org/443
2
Fanmi Lavalas, ainsi se nomme le parti politique que dirigeait Aristide. Mais le terme lavalas semble
aussi renvoyer à un marqueur d’identité politique : les sympathisants sont dits et se disent lavalas, au même
titre que les duvaliéristes, par exemple. Du point de vue idéologique, on peut placer Fanmi Lavalas plutôt à
gauche de l’échiquier politique. La théologie de la libération constitue la toile de fond du programme politique
du parti. Ici, précisons-le, le pouvoir Lavalas se réfère aussi bien à la première expérience gouvernementale de
René Préval (1996-2001) qu’au second passage au pouvoir de Jean Bertrand Aristide (2001-2004). Quoiqu’on
ne puisse pas confondre les deux hommes, Aristide et son ancien Premier ministre sont d’une grande affinité
idéologique.
3 RUR@LITES Année 2013 n°3
dans une tentative de trouver les « règles qui gouvernent le chaos 3». C’est sur ce point que
notre démarche se démarque légèrement de celle de Dobry, dans la mesure où sa théorie des
conjonctures fluides n’accorde pas une grande place à la compréhension des dynamiques
causales.
3
Gabriel A. Almond, Crisis, Choice and Change: Historical Studies of Political Development, Boston, Little
Brown, 1973, p. 67.
4 RUR@LITES Année 2013 n°3
La « culture du détournement »
Pour analyser cette crise électorale, le premier élément explicatif à considérer relève
d’une conception de la Loi qui guide le comportement des politiciens de ce pays. Il s’agit
d’une tendance à appliquer approximativement les principes juridiques. Les lois sont votées,
codifiées, mais ne sont pas nécessairement respectées, les décideurs politiques ont tendance à
les contourner. Les élus se prononcent pour la démocratie, se dotent des institutions requises
pour un pays démocratiques : parlement, système électoral, système judiciaire, cours des
comptes, parti politique, etc., mais dans la pratique leurs comportements s’écartent de ces
référents. Comme le dit Claude Moise : « on va aux élections mais on n’y croit pas »4 Cette
attitude est décrite par Alain Rouquié sous le concept de « culture du détournement » qui,
précise-t-il, « n’est détournement que dans la perspective d’un référent affiché » 5. Le
sociologue Alain Gilles, parlant du cas haïtien, dit ceci : « Le détournement est incorporé à
nos traditions. Il s’inscrit dans le mouvement qui nous a produits en tant que peuple. Il
constitue un ensemble de valeurs intériorisées qui nous donnent les repères pour évaluer une
situation avant de prendre une décision »6 Pour Alain Gilles, ce refus de produire des
pratiques sociales en conformité́ avec les principes revendiqués constitue notre « mode
d’inscription dans l’histoire ». Le concept de culture du détournement nous semble opératoire
pour appréhender l’attitude du président René Préval qui devait organiser les élections
législatives de l’année 1999, mais qui les a reportées à quatre reprises pour finalement les
organiser en mai 2000. La Constitution alors en vigueur a, par ailleurs, prescrit que les
nouveaux élus devaient siéger au Parlement le deuxième lundi du mois de janvier ou celui du
mois de mai. Donc, l’organisation des élections le 21 mai 2000 avec 17 mois de retard est
l’expression d’un mépris à l’égard de la Constitution, à l’égard de la normalité démocratique
en général. A cela, il faut ajouter les trois ans de « cul-de-sac institutionnel » ayant marqué le
gouvernement de Préval. En effet, accédé au pouvoir en 1995, Préval va exercer son mandant
pendant deux ans seulement dans la normalité définie par la Constitution. Le Premier ministre
Rosny Smarth et son gouvernement démissionnent en 1997, il a fallu deux ans pour que
Préval lui trouve un remplaçant en la personne de Jacques Edouard Alexis, en mars 1999. En
4
Claude Moïse, La croix et la bannière. La difficile normalisation démocratique en Haïti, Ed. du CIDIHCA,
Montréal, 2002
5
Alain Rouquie, A l’ombre des dictatures. La démocratie en Amérique latine, Albin Michel, 2010, p. 10
(Cité par Alain Gilles)
6
Alain Gilles, « La culture du détournement contre la reconstruction », Observatoire de la
reconstruction, Juin 2012
5 RUR@LITES Année 2013 n°3
cette même année, le président haïtien s’est résolu de dissoudre le Parlement devenu caduc.
Cette impasse institutionnelle est la conséquence d’une irresponsabilité du pouvoir à l’égard
des principes exigés par la démocratie.
Un adage haïtien illustre très bien ce rapport que l’on entretien avec la loi : Konstitisyon
se papye, bayonet se fè7. Il est intéressant de remarquer la représentation que l’on se fait de la
force de la loi et de la force des armes. Cela nous permet d’introduire un deuxième élément
explicatif dans cette analyse. Il s’agit de l’omniprésence de la violence physique dans les
rapports politiques. En réalité, toute l’histoire politique d’Haïti montre que la violence
politique constitue le mode de régulations privilégié des conflits dans les pratiques
gouvernementales. L’exercice du pouvoir en Haïti est empreint d’une verticalité qui exclut
toute forme de contre-pouvoir, avec qui il n’est pas possible de dialoguer, encore moins de
trouver un compromis. Pris comme ennemi, le seul rapport que l’on peut entretenir avec son
adversaire – qui est ici vu non pas comme quelqu’un qui pense autrement mais comme un
comploteur − est un rapport où la violence occupe une place centrale. La violence politique
semble donc constituer l’une des logiques internes du champ politique. D’une part, entre les
responsables politiques eux-mêmes, d’autre part, elle est constitutive de la relation du pouvoir
étatique avec le peuple. La crise électorale de 2000 en est l’illustration parfaite. Comme la
majorité des élections organisées depuis le processus de démocratisation, le climat électoral
de mai 2000 était particulièrement lourd. Pendant les jours qui ont précédé les élections, le
pays, particulièrement Port-au-Prince, fut le théâtre de multiples violences : assassinat des
personnalités influentes comme le journaliste Jean Léopold Dominique, exactions menées par
des bandes armées venant des bidonvilles de la capitale communément appelées les Chimères
(Chimè, en créole). Lors des funérailles nationales de Jean Léopold Dominique qui ont eu lieu
au stade National, des Chimè ont investit l’espace en criant : « Aristide ou la mort ! »8. Plus
tard dans la journée, ces bandes se sont dirigées vers le siège de l’Espace de Concertation, la
plateforme de l’opposition, et ont incendié le local.
7
La Constitution, c’est du papier ; les baïonnettes, c’est du fer. (traduit par nous)
8
Le Nouvelliste, 8 avril 2000
6 RUR@LITES Année 2013 n°3
organisés par l’opposition, la population n’aura eu de contacts qu’avec les candidats du parti
Lavalas. Deuxièmement, le climat d’insécurité qui règne sur la capitale dissuade les
personnes qui devaient aller voter d’accomplir leurs devoirs civiques. De ce fait, la majorité
des votants sont des partisans d’Aristide. Voila qui explique la victoire écrasante du Fanmi
Lavalas qui remporte 72 sièges sur 83 à la Chambre des Députés et 18 des 19 sièges à
pourvoir au Sénat.9
Sans surprise le scrutin du 21 mai 2000 est entaché de fraudes et d’irrégularités. D’ordre
technique, certains électeurs n’ont pas pu trouver le bureau de vote correspondant au numéro
inscrit sur leur carte électorale. Favorisant leur candidat, certains partisans du parti Lavalas
prennent certains bureaux de vote en otage en ne laissant entrer que ceux qui se réclament du
mouvement.10 Un autre procédé frauduleux consiste à profiter de l’analphabétisme et du
manque d’éducation civique de certains votants en leur dictant quel candidat choisir. L’un des
bureaux de votes était logé dans la maison d’un candidat Lavalas. Autre exemple illustrant
cette fraude organisée : le lendemain de l’élection, des urnes remplis de billets de vote ont été
retrouvées dans les rues de Port-au-Prince. Pire, le Conseil électoral provisoire, organisme
chargé de réalisé les élections, refuse d’organiser le second tour alors que la loi électorale
exigeait la tenue d’un second tour, le cas échéant.
9
Haïti Progrès, « Résultats des élections : avance insurpassable de Fanmi Lavalas », 31 mai au 6 juin
2000
10
Le Monde, « Haïti le retour de la peur », 5 août 2000
7 RUR@LITES Année 2013 n°3
vouloir imposer la « dictature du parti unique ». La société civile avisée ne participe pas non
plus aux élections, découvrant la « tentation totalitaire » de l’homme fort du parti Lavalas.
L’Eglise qui, habituellement, ne prend pas partie ouvertement dans une élection, se prononce
contre les dérives anti-démocratiques manigancées par l’ancien prêtre, Jean Bertrand Aristide.
La communauté internationale de son coté se désengage : l’ONU et l’OEA décident de
suspendre leur aide au gouvernement. L’OEA qualifie ce qui se passe en Haïti comme une
« parodie de la démocratie ». Aucunes missions de contrôle, aucun financement n’a été fourni,
contrairement aux élections antérieures. Délaissé par tous les secteurs, le mouvement Lavalas
se retrouve seul dans l’organisation du scrutin. Face à Jean Bertrand Aristide, les autres
postulants (Jean Arnold Dumas, Jacques Philippe Dorcé et Serge Sylvain) sont totalement
inconnus du grand public. Certains diront même que leur présence au scrutin a été organisée
par le mouvement Lavalas lui-même afin de donner aux élections un visage démocratique. Le
verdict des urnes consacre une victoire écrasante à Aristide avec plus de 91% des voix, le
candidat le plus proche fait un score de 2,4%. Mais encore une fois, le taux de participation
reste très faible, confirmant ce manque de légitimité dont souffre le président élu : 5% selon
l’opposition, plus de 60% selon le Conseil électoral provisoire11, lequel est finalement
composé uniquement des représentants du parti Lavalas, les représentants de l’opposition
ayant été démissionnés12.
11
Le Monde, mardi 23 mai 2000
12
Le Nouvelliste, « Deux membres du CEP démissionnent et dénoncent », 15 juin 2000
8 RUR@LITES Année 2013 n°3
Encadré
13
Après Dieu, vient l’Etat (traduit par nous)
14
Voir Michel Desse, Jean-Philippe Pierre et Georges Eddy Lucien, « Trajectoires et adaptations à une
crise multiple: Port-au-Prince depuis le séisme du 12 janvier 2010 au travers des concepts d’exit, voice, loyalty
et apathie », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 12 numéro
3 | décembre 2012, mis en ligne le 15 décembre 2012, consulté le 30 avril 2013. URL :
http://vertigo.revues.org/13006 ; DOI : 10.4000/vertigo.13006
15
Lyonel Trouillot, Haiti, repenser la citoyenneté, Ed. Haïti solidarité internationale, 2003 p. 54
9 RUR@LITES Année 2013 n°3
prêtre. C’est pour pallier à cette situation que l’homme fort du parti Lavalas cherche une
alternative à la légitimité démocratique qui lui fait défaut. Dans sa stratégie de compenser ce
manque de bien-fondé, le chef de l’Etat envisage de faire usage de toutes les options
possibles, quitte à revenir à la case départ en utilisant les mêmes méthodes en œuvre sous la
dictature.
16
Jean Eddy Saint Paul, « Etude des cas des milices armées d’Haïti : Sociologie des chimè durant
l’administration de Jean Bertrand Aristide » (à paraître)
10 RUR@LITES Année 2013 n°3
sous la dictature des Duvaliers. Faute d’une armée, dissoute par le président, et face à une
police jeune, démunie et incompétente, les chimè (dont certains membres côtoient même le
Palais national), restent très influents et agissent en toute impunité. Très impliqués dans les
trafics de drogue et du gangstérisme, les chimè se confinent dans les quartiers dits « zones de
non-droits » de la capitale, avec une présence beaucoup plus importante à Cité Soleil, le plus
grand bidonville du pays. L’existence de ces milices posent un vrai problème au chef de l’Etat
qui n’ose ni les reconnaître, ni les désavouer, car elles sont utiles à l’exercice du pouvoir. La
relation entre Aristide et ces bandes armées est complexe et très mal gérée. D’ailleurs, c’est
l’un de ces gangs, en rupture de ban avec le président, qui va débuter la contestation armée
qui conduira à la chute d’Aristide en 2004. Comme le dit Claude Moise, « Aristide aurait
perdu le contrôle des bandes dont il s’est servi pour construire son pouvoir. C’est le principal
danger pour lui. Ce qu’il redoutait de l’armée peut advenir de ces bandes incontrôlées. Et
personne ne peut dire de quelle manière. Pourrissement ? Manipulation ? Coups de main ?
Débandade et inefficacité des forces de sécurité légales ? Les OP sont le talon d’Achille de
Lavalas.17 » De plus, le chaos organisationnel qui caractérise ces groupes armés et mafieux
rend impossible le respect de l’omerta. Le principe de la fidélité au chef restait lettre morte,
les chimè échangeaient leur service pour qui les paie. C’est sans doute le fait que le « chef
suprême » n’a pas la garantie de la fidélité de ces hommes de main qui explique l’assassinat
de certains chefs de bandes très influents comme Amyot Metayer ou « Colibri » par exemple,
impliqués dans beaucoup de dossiers lourds dont la révélation pourraient être préjudiciable
pour le président.
17
Claude Moïse, La Croix et la bannière, CIDHICA, Montréal, 2002, cité par WARGNY, Op. cit., p. 165
18
Laurent Jalabert, « Un populisme de la misère : Haïti sous la présidence Aristide (1990-2004) », Amnis
[En ligne], 5 | 2005, mis en ligne le 01 septembre 2005, consulté le 09 avril 2013. URL :
http://amnis.revues.org/1003
11 RUR@LITES Année 2013 n°3
dans l’espace politique, Fanmi Lavalas représente la plus grande organisation politique
d’Haïti, elle procure donc à son chef un ton dominant sur la scène politique et rend le rapport
de force plutôt favorable à lui.
Toujours dans sa quête d’une légitimité alternative, Aristide ne se prive d’aucun moyen,
y compris la mise en accusation permanente d’une certaine catégorie de la population,
désignée comme bouc émissaire des maux du pays. Il durcit le ton du discours populiste qu’il
porte depuis sa première accession au pouvoir en 1991. Il s’inscrit ainsi dans la tradition
populiste instaurée depuis la « révolution estimiste ». En effet, après une longue période où
les mulâtres (métis) occupaient essentiellement l’appareil de l’Etat, l’accession au pouvoir du
président Dumarsais Estimé, membre de l’oligarchie noire, allait constituer une rupture. Dès
lors, l’idéologie noiriste qui se veut une revendication contre la domination des « peaux-
claires » sur la vie économique, sociale mais surtout politique du pays, allait devenir le cheval
de bataille des élites noires pour se positionner dans l’espace politique. François Duvalier,
ancien ministre d’Estimé, n’a pas manqué de se servir du noirisme dans sa marche vers le
pouvoir. Dans le discours des politiques, la radicalisation du mouvement noiriste allait
prendre une dimension identitaire jusqu’à assimiler les mulâtres à des anti-nationaux. Aristide
allait surfer sur ce clivage social pour se rapprocher des masses, en désignant les « mauvais
bourgeois » comme les « ennemis » du peuple, donc les siens aussi. L’homme s’identifie aux
catégories populaires, « Titid ak mas la se marasa »19 répète-t-il dans ses prises de paroles
publiques. Ce sont ces mêmes « ennemis » qui, dans l’opposition, exigent sa démission. Dans
la stratégie d’Aristide, cette quête permanente d’un ennemi est récurrente. Il entend, par cette
posture victimaire, attirer la sympathie du peuple à son égard. Cette stratégie d’auto-
victimisation va jusqu’à renvoyer sur l’opposition les faits de violence perpétrés par ses
bandes armées. L’opération de transfert de responsabilité n’est pas inefficace dans la stratégie
d’Aristide, car elle permet, en victimisant les bourreaux, d’intensifier la répression.
Pour tenter de sauver son pouvoir menacé, Aristide, celui qui symbolisait l’espoir de
tout un peuple, s’est renoué à des pratiques totalitaires vielles de deux cent ans, qu’il a lui-
même combattues. Comme le dit Wargny, « l’ambition pour son peuple s’est muée en
19
Titid (ainsi l’appellent affectueusement ces partisans) et la masse sont des jumeaux (traduit par nous).
12 RUR@LITES Année 2013 n°3
ambition de garder le pouvoir pour lui, de s’arc-bouter sur le trône tellement décrié, décrépi
et éjectable de ses prédécesseurs. »20
Les relations entre Aristide et la communauté internationale n’ont jamais été au beau
fixe. Bien avant sa première élection en 1990, la posture impérialiste par laquelle Aristide
s’est illustré sur la scène politique locale n’a pas plu à certaines puissances occidentales. En
dépit du fait qu’il fut très proche des masses populaires, sa présence dans la course électorale
après la chute de « Baby Doc » ne réjouit pas Washington ni Paris. Le choix de la diplomatie
américaine fut porté sur Marc Bazin, partisan farouche de la doctrine néolibérale. L’élection
de Jean Bertrand Aristide le 16 décembre 1990 à 67,4% des voix irrita Washington. Selon
Christophe Wargny, ancien conseillé d’Aristide, le soir de la proclamation des résultats de
l’élection, les émissaires américains en service à Port-au-Prince auraient tenté de pousser
Aristide à renoncer à sa future fonction. N’ayant pas parvenu à leur fin, les représentants du
gouvernement américain aurait lancé cet ultimatum au nouvel élu: « l’avenir sera dur, si vous
vous obstinez à réformer » 21 Quelques mois après sa prise de fonction, Aristide est victime
d’un coup d’Etat organisé par les militaires soutenus par la CIA.
Après trois ans de complicité avec les putchistes, Clinton, soucieux de sa réélection,
décide, sous la pression de l’opinion publique internationale, de les chasser au pouvoir. Par
une opération dénommée restore democraty, le 15 octobre 1994, les marines ont ramené
Aristide à Port-au-Prince. Celui-ci devait accepter que les trois années passées en exil soient
décomptées de son mandat. Lors de cette intervention, les américains ont procédé à la saisie
d’un ensemble de documents au quartier général des Forces Armées d’Haïti (FADH) et du
Front pour l’Avancement et le Progrès en Haïti (FRAPH force paramilitaire du général
Cédras). Ces archives ont été transférées aux Etats-Unis pour cacher l’implication de la CIA
dans le coup d’Etat de 1991. En toute illégalité, les forces américaines se sont accaparées des
documents aux Archives Nationales sans que le nouveau gouvernement haïtien ait été informé
20
Christophe Wargny, Haiti n'existe pas. 1804-2004 : deux cent ans de solitude p. 161
21
Christophe Wargny, Op. cit., p. 175. Pour une compréhension du rôle ambigüe de Washington dans
le processus démocratique en Haïti, voir « Aprè bal, tanbou lou ». Cinq ans de duplicité américaine en Haïti,
1991-1996, Co-écrit par Pierre Mouterde et Christophe Wargny
13 RUR@LITES Année 2013 n°3
ou ait donné son consentement à cette saisie. Au retour de Jean Bertrand Aristide au pouvoir,
le nouveau président, connu pour ses discours mordant contre l’administration américaine,
décide d’entreprendre des démarches pour obtenir de la part du gouvernement américain la
restitution des documents volés. La pression des organisations internationales de l’ONU
aidant, Aristide a réussi à rapatrier des Etats-Unis ces pièces archivistiques, quoique
amputées. Cette confrontation constitue une nouvelle fissure dans les relations d’Aristide avec
Washington qui, déjà, ne lui éprouvait pas une grande sympathie.
Face à la France, Jean Bertrand Aristide affiche la même austérité. Arrivé au pouvoir,
sous le fond d’une crise multiple, en proie à une situation économique pour le moins
désastreuse, Aristide réactive son anti-impérialisme. Il dénonce avec virulence la bourgeoisie
locale et la politique impérialiste des puissances occidentales. Cette posture ultra critique
rentre dans une stratégie commune aux dirigeants « populistes » qui consiste à designer les
ennemis du peuple, responsables de sa situation de misère, dans l’objectif de se créer dans les
représentations de celui-ci une image paternaliste du leader bienveillant. Aristide trouve dans
l’histoire des relations franco-haïtienne un élément important pour flatter l’instinct
nationaliste de son peuple. Il brandit le dossier de la restitution de la dette de l’indépendance
par la France. En effet, après l’accession du pays à l’indépendance en 1804, la France exigea,
en la personne du roi Charles X, 150 millions de francs or en 1825 pour reconnaître
l’indépendance d’Haïti. Indemnité qui allait être réduite à 90 millions en 1838 par le roi Louis
Philippe. En 2003, cette somme a été évaluée à 17 milliards d’euro, soit 21 milliards de
dollars américains. Le locataire du palais national entreprit une importante campagne de
communication sur tout le territoire et à la fois à l’extérieur pour sensibiliser les acteurs
nationaux et internationaux à la cause de la restitution. Aucun secteur de la vie national n’ait
été épargné de cette propagande. Aristide en profitait pour faire digression, il détournait le
regard de la population sur les vrais problèmes du pays. Il ne visait pas moins de faire rêver
les haïtiens dont il espérait leur soutien en appuyant sa propagande sur les futures réalisations
de son régime à partir de la somme qui serait remboursée. Voilà qui explique l’emballement
dont le projet de remboursement a été l’objet au sein de la population, notamment chez ses
partisans qui n’hésitaient pas, lors des manifestations de soutien au président, à brûler le
drapeau français et américain. En activant le dossier de restitution de la dette de
l’indépendance, Aristide n’a fait que se démarquer de Paris aux yeux duquel il devient de plus
en plus indésirable.
14 RUR@LITES Année 2013 n°3
Conclusion
La crise du pouvoir Lavalas ayant culminé avec la seconde présidence d’Aristide est
surtout liée à la jeunesse du processus d’institutionnalisation de la démocratie dans le pays.
Partie prenante de cette marche vers la consolidation de la transition politique, elle favorise la
compréhension des logiques propres de celle-ci. L’analyse sociologique de ces événements
d’histoire immédiate a permis de constater la persistance de certains facteurs alourdissant la
démocratisation. Ces contraintes sont liées à la tradition de l’exercice du pouvoir politique
ancrée dans l’histoire nationale. Cette période d’affermissement du régime démocratique,
allant de la fin des années 1980 à nos jours, est constitutive des situations de crise qui, si elles
épousent des formes de manifestations différentes, ne présentent pas moins des régularités
tendancielles. L’appréhension de la crise de 2004 à partir de la théorie des conjonctures
fluides conceptualisée par Michel Dobry nous a permis de comprendre la trajectoire du
processus de delégitimation du régime Lavalas ainsi que la chute programmée d’un
« populiste » abandonné petit à petit par le peuple, combattu par l’opposition et désapprouvé
par la communauté internationale. Cette analyse nous a permis également d’évaluer les
rapports de force qui régissent le jeu des acteurs constitutifs du champ politique, en particulier
la force légitimatrice et delégitimatrice des acteurs internationaux. Cette observation facilite
aussi la compréhension de la nature du rôle des puissances internationales dont les Etats-Unis
dans la construction de la démocratie en Haïti. Manifestement, la géopolitique constitue une
des variables dont dépend l’évolution du processus démocratique dans le pays.
Bibliographie
Almond, Gabriel A.; Flanagan, Scott C.; Mundt, Robert J., Crisis, Choice and Change:
Historical Studies of Political Development, Boston, Little Brown, 1973
Wargny, Christophe, Haïti n’existe pas. 1804-2004 : deux cent ans de solitude, Paris,
Autrement, 2004
1 RUR@LITES Année 2013 n°3
Michelet CLERVEAU
D urant la décennie 2000, la République relations entre les situations d’urgence nées
haïtienne a dû faire face à une fréquence de ces catastrophes et la crise qui sévit en
élevée de catastrophes majeures
majeures. Des Haïti depuis plusieurs décennies.
inondations, des mouvements de terrain, des
Mots clés
tempêtes et des cyclones ont affecté le pays.
Et à la liste déjà longue, s’
s’est ajouté le Crise, catastrophe majeure, vulnérabilité,
séisme du 12 janvier 2010. Cet article tente dégradation environnementale,
d’expliquer la récurrence de catastrophes dysfonctionnement urbain, crise
dites naturelles tout en dégageant les économique, développement.
développement
Introduction
La décennie 2000 a été marquée en Haïti par une recrudescence des catastrophes
majeures. C’est la période où ce pays des Grandes
randes Antilles a connu le plus de catastrophes
hydrométéorologiques depuis le début du 20e siècle.. C’est aussi dans cette période que ce pays a
vécu la plus grande catastrophe tellurique de son histoire, le tremblement de terre du 12 janvier
2010 qui a détruit a plus de 75% le centre de Port-au-Prince,
Port Prince, la capitale, et la ville de Léogâne, et
1
2 RUR@LITES Année 2013 n°3
1-1- 12 janvier 2010 : une catastrophe sismique meurtrière, conséquence d’une absence
de prévention
2
3 RUR@LITES Année 2013 n°3
Pour une population qui se croyait jusqu’alors à l’abri d’un tel cataclysme
cataclysme, la catastrophe restée
dans la mémoire auditive sous le nom de goudougoudou a été un choc inouï. La population
victime a été traumatisée non seulement par les 35 secondes de bruits sourds, du fracas de
l’effondrement des constructions et de l’ondulation du sol, mais aussi et surtout du mode de vie
dans le décor de tentes qui jonchaient les lieux publics.
publics La décence,, la vie privée ont changé de
sens pour ces occupants des lieux publics qui voient leur situation socio-écono
économique se dégrader
en un court laps de temps. Comme une grande foire de la misère humaine, l’individu est
précipité exposé dans le dénuement
dénu absolu. Les normes liées à l’intimité, la pudeur et même la
honte semblent être mises en veilleuse (Jean François, 2011). C’est aussi la posture de personne
3
4 RUR@LITES Année 2013 n°3
assistée qui traumatise l’individu qui passe rapidement du statut de sujet à celui d’objet. Ils
doivent accepter de faire de longue queue, de se faire photographier, de devenir un numéro et
surtout ils doivent savoir se présenter en victime, exposer leur souffrance, justifier leur position
de solliciteur (jouer le rôle) (Jean François, op cit).
La psychose de peur qu’a créée le séisme va durer encore plusieurs années. C’est un phénomène
qui suit toujours la survenue de ces catastrophes meurtrières. Pour preuve, dix mois après le
tremblement de terre (…) de nombreux Haïtiens préfèrent camper dans la rue devant leur maison
épargnée par le séisme (Desse, 2012). Tandis que certains avaient regagné leur maison en mai
2010 surtout poussés par l’accélération de la saison pluvieuse, le mois de mai étant très pluvieux
à Port-au-Prince.
Le tremblement de terre est la plus grande catastrophe de la décennie par son intensité (des
centaines de milliers de morts, de sans–abris et d’amputés), mais aussi par sa durée. Nous ne
voulons pas parler de la durée de la secousse principale (35 secondes), non plus de celle des
répliques (plusieurs mois), mais celle des impacts directs et indirects incluant le nombre de
morts, de blessés et d’amputés ainsi que la vie sous les tentes et le traumatisme qui
l’accompagne, une situation qui dure jusqu'en janvier 2014 dans certaines zones de la capitale
après la levée des camps les plus visibles dans le cadre du projet 16/6 (Projet de réhabilitation de
16 quartiers pour la levée de 6 camps de déplacés du séisme).
En 2010, on en était à 240 ans du tremblement de terre qui détruisit Port-au-Prince en 1770 et
168 ans du tremblement du 1842 qui détruisit la ville du Cap-Haitien. La station sismique du
Petit Séminaire Collège Saint-Martial dirigé par le père Scherer (Frères de l’Instruction
Chrétienne) a disparu à la fin des années 1960. Jusqu'à la survenue de cette catastrophe, la
population ne savait pas grand-chose du phénomène sismique. Dieu nous protège de ces
catastrophes. Haïti est un pays béni, disait-on en faisant allusion aux grandes catastrophes
sismiques qui se produisaient ailleurs dont faisaient écho les médias. La connaissance sur la
sismicité d’Haïti a été l’apanage de certains intellectuels. Les rares activités de prévention de
catastrophes ne concernent que les cyclones et les inondations. Les activités de sensibilisation et
d’éducation aux risques étaient totalement absentes. Le tremblement de terre du 12 janvier a été
une surprise générale. C’était des grondements venus de nulle part. Ils étaient nombreux les
4
5 RUR@LITES Année 2013 n°3
habitants ayant mis plusieurs minutes pour se rendre compte qu’il s’agissait d’un tremblement de
terre.
Si le séisme a surpris les Haïtiens, les cyclones et les tempêtes constituent des aléas plus
fréquents (tableau 1). Le phénomène est facilement prévisible, mais leurs impacts s’avèrent
souvent très meurtriers.
Dans la nuit du 23 au 24 mai 2004, une dépression tropicale a affecté le Sud-est du pays
avec des dégâts particulièrement importants dans le quartier de Mapou et le village de Fonds-
Verrettes. En septembre le cyclone Jeanne a sévèrement affecté le Nord du pays, plus
particulièrement la ville des Gonaïves (Tableau 1). En 2008, deux cyclones et deux tempêtes ont
traversé le pays sans oublier les cyclones des années précédentes à savoir 2005, 2006 et 2007 et
les inondations associées aux fortes averses.
La catastrophe de mai 2004 (celle survenue dans le Sud-est qui avait particulièrement affecté
Mapou et Fonds-Verrettes) s’est produite à l’occasion du passage sur le pays d’une dépression
tropicale. En terme de dégâts humains et matériels, c’était la plus grande catastrophe qu’a connu
Haïti jusqu’alors, dans l’une des zones où la situation socio-économique est la plus précaire.
5
6 RUR@LITES Année 2013 n°3
Fonds-Verrettes et Mapou sont très mal reliés au réseau national et régional. Ils sont situés dans
une région montagneuse dominée par le Massif de la Selle qui culmine à 2680 m, le plus haut
sommet d’Haïti. La présence d’avens (Trou San Fon en créole haïtien), de dolines, de grottes et
de poljés est la preuve d’un relief marqué par la karstification. La rivière Soliette au bas de la
vallée de Fonds-Verrettes présente la caractéristique d’une source vauclusienne, un autre signe
du caractère karstique du relief. Les routes en terre battue menant dans la région- passant par
Jacmel ou par Fond Parisien – traversent montagnes et vallées. Les galets transportés par les
crues dans la vallée de Fonds-Verrettes rendent le passage souvent difficile. Les tentatives de
faire passer la route au-dessus des berges ont échoué à cause des escarpements et de la friabilité
du calcaire, et la construction de meilleures routes peut s’avérer plus ou moins coûteuse. La
région reste ainsi très difficile d’accès.
6
7 RUR@LITES Année 2013 n°3
Si le village de Fonds-Verrettes a été emporté a environ 30%, ceux de Mapou (Plaine Mapou,
Kakont et Sibao) ont été ensevelis sous plusieurs mètres d’eaux qui ont surpris les habitants en
plein sommeil au cours de cette nuit du 23 au 24 mai. 1 113 maisons ont été détruites dans le
village de Fonds-Verrettes tandis que plusieurs dizaines restaient plusieurs mois sous les eaux à
Plaine Mapou, Kakont et Sibao où se sont formés des lacs temporaires. La catastrophe de mai
2004 a fait 165 morts et disparus à Fonds-Verrettes et 176 à Mapou, et la population affectée par
les inondations s’est élevée à 25 000 habitants dont 15 565 avaient besoin d’une aide d’urgence.
Plus dévastatrice a été la catastrophe liée au cyclone Jeanne en septembre 2004 aux
Gonaïves avec plus de 1 500 morts, 846 disparus, 300 000 sinistrés (Protection civile, 2004) et
des millions de tonnes de boue dans les rues et plus de 80% de la ville sous les eaux. C’est là
aussi une catastrophe humanitaire de portée internationale, car la gestion dépassait la capacité de
réponse du système étatique et des entités non étatiques du système national de gestion.
Viennent s’ajouter les quatre tempêtes et ouragans de 2008. Par son ampleur exceptionnelle,
cette série de catastrophe faisait oublier les impacts de la catastrophe de mai 2004, ce qui montre
7
8 RUR@LITES Année 2013 n°3
que les impacts des catastrophes majeures de 2000 à 2010 en Haïti ont été graduels. Deux
tempêtes et deux ouragans touchant le petit territoire d’Haïti pour une seule année est chose très
rare dans l’histoire de la Caraïbe. Leur concentration sur un mois parait encore plus étonnante.
C’est le résultat d’une saison cyclonique intense. Avec 16 tempêtes et ouragans, dont 6 cyclones
majeurs dans le bassin atlantique nord, la saison a, de fait, été parmi les plus actives des
cinquante dernières années dans cette région. ‘’On estime que les cyclones de la saison qui vient
de s’achever ont été les plus destructeurs de l’histoire après la saison 2005 qui avait connu Rita
et surtout Katrina ‘’ (Haïti Flash info de la sécurité alimentaire # 37, novembre 2008). Il
s’agissait de Fay (15-16 août) et Gustav (25-28 août), dans le nord du pays ; et de Hanna (1-4
septembre) et Ike (5-8 septembre) affectant l’Ouest et le Sud. Les derniers se manifestaient sur
des sols déjà saturés en eau par les premiers, ce qui n’avait fait qu’aggraver les inondations
catastrophiques souvent amplifiées par le phénomène de la karstification qui favorise parfois
l’exsurgence en aval de l’écoulement souterrain. Les pertes ont été considérables. On a enregistré
plus de 1 000 morts, plus de 10 000 maisons détruites, une dizaine de ponts emportés, des
milliers d’hectares de cultures endommagés et des dizaines de milliers d’animaux perdus (Haïti,
Flash Info, op.cit.) Les Gonaïves, touchés quatre ans plus tôt par le cyclone Jeanne a été, une
fois encore, la ville la plus affectée. Située dans une zone d’abri par rapport aux alizés, la ville
est entourée de collines arides. La plus grande partie de la ville se situe à une altitude ne
dépassant pas les 4 mètres. Elle sert de cône de déjection aux rivières La Quinte et Bayonnais
dont les lits ont été obstrués par des aménagements inappropriés. Comme toutes les villes du
pays, les quartiers précaires sont nombreux, renforçant la vulnérabilité à l’aléa inondation. Les
cyclones de 2008 ont créé une situation de catastrophe continue. La ville a été ensevelie sous des
millions de tonnes de boue, situation qui a duré plusieurs mois. Elle a été aggravée par le sous-
dimensionnement des canaux de drainage déjà obstrués par des immondices. Comme pour
beaucoup d’autres villes d’Haïti, la mauvaise gestion des déchets liée à la faiblesse financière de
l’Etat et des municipalités entraine le déversement des déchets dans ces canaux de drainage
entravant la circulation des eaux usées et pluviales. Ces quatre cyclones ont emporté 793 vies
humaines et occasionné la disparition de 310 personnes et le nombre de blessés s’élève à 548.
Environ 200 000 familles ont été affectées.
La catastrophe ne s’est pas circonscrite dans les périmètres de la ville. Les campagnes aussi en
ont beaucoup souffert. Les cultures ont été dévastées et le bétail décimé laissant les paysans dans
8
9 RUR@LITES Année 2013 n°3
la désolation. Les réseaux de drainage déjà vétustes ont été détruits. Dans le Département de
l’Artibonite dont Gonaïves est le chef-lieu, 104 316 hectares de terre agricole ont été touchées. Il
faut noter que l’Artibonite représente la plus importante zone rizicole avec plus de 50% des
superficies soit 28 000 ha irrigués. Dans le secteur agricole, les dégâts ont été estimés 229
millions de dollars US dont 95 millions dans le département de l’Artibonite seulement soit 41%.
Les pertes dans les différents secteurs de l’économie se chiffraient à 897, 39 millions de dollars
US qui représentaient 14% du PIB du pays (Lucien, 2010) (Tableau 2).
Tableau 2- Répartition des pertes agricoles totales par départements (en USD)
Source : CNSA à partir des données provenant de divers partenaires de terrain
Les catastrophes sont aussi environnementales à cause de la perte énorme de terre arable au
niveau des bassins versants par le phénomène de l’érosion. On comprend alors pourquoi ces
tonnes de boue ont envahi les villes côtières de piémont dont Gonaïves lors des catastrophes de
2004 et de 2008. Au cours de la série de catastrophes cycloniques de 2008, selon les estimations,
1000 hectares de terres arables ont été perdus dans l’Artibonite, 1000 dans les Nippes, 680 dans
le sud-est et 610 dans la Grande Anse (Tableau 3). Aussi peut-on dire que les cyclones tropicaux
contribuent à l’aggravation de la crise environnementale aggravant la situation de vulnérabilité
aux aléas cycloniques eux-mêmes et aux aléas naturels en général.
9
10 RUR@LITES Année 2013 n°3
Ces pertes ont affecté la sécurité alimentaire aggravant la crise de subsistance dans le pays. Le
Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR)
estime que la performance agricole, après les cyclones, est de 20% inférieure à celle de 2007 et
30% à celle de 2008, ce qui montre une crise de plus en plus aigüe dans l’économie agricole
(Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural, op.cit.). Les
catastrophes s’avèrent donc un accélérateur de la pauvreté (Mérat, 2012) et cette dernière
représente un puissant facteur de vulnérabilité.
La fréquence et surtout l’ampleur des catastrophes s’expliquent par la forte occurrence des
facteurs physiques, mais aussi et surtout par des facteurs anthropiques et sociétaux qui
conditionnent la vulnérabilité de la société face à ces aléas. La dégradation environnementale
joue un rôle fondamental surtout le phénomène de la déforestation. C’est le facteur le plus
incriminé pour le cas de Mapou et de Fonds-Verrettes. Pourtant, il est loin d’être le facteur
déterminant. Ces villages ont connu dans le passé des situations similaires même si de moindre
ampleur avec une couverture végétale beaucoup plus conséquente. N’est-ce pas dans le mode de
gestion ou de gouvernance territoriale qu’il faut chercher les facteurs déterminants de ces
situations d’urgence ? La localisation dans une dépression fermée fait de Mapou un village
hautement inondable d’autant plus que les ponors du poljé sont de plus en plus colmatés par des
sédiments. C’est aussi le cas de Sibao, au sud du quartier de Mapou. Les enjeux tant aux Fonds-
Verrettes qu’à Mapou étaient mal placés, ce qui explique en partie leur vulnérabilité. On a certes
constaté une forte occurrence des aléas au cours de la décennie. Toutefois, la fréquence et
l’ampleur des catastrophes s’expliquent avant tout par les facteurs anthropiques ou sociétaux. En
Haïti, tous les facteurs de vulnérabilité s’intègrent à travers la situation de crise que connait le
pays depuis plusieurs décennies.
10
11 RUR@LITES Année 2013 n°3
11
12 RUR@LITES Année 2013 n°3
La crise allait empirer avec la politique néolibérale imposée par les bailleurs de fond en réponse
à la crise économique mondiale débutée en 1973 avec le premier choc pétrolier. Cette politique
passe par le programme d’ajustement structurel (PAS) imposé aux petites économies par les
organes du système-monde, les institutions de Bretton Woods (BIRD, FMI, BID) et les
conventions passées entre les pays ACP (Afrique, Caraïbe et Pacifique) et l’Union Européenne.
La dépendance par rapport à l’aide au développement renforçait la fragilité économique des pays
comme Haïti. La fragilité politique aussi. Qui finance commande. A partir de la montée du néo
libéralisme, l’aide va être conditionnée à la mise aux normes du FMI et de la Banque mondiale
(VORBES, 2009), ce qui viole le principe fondamental de la souveraineté des Etats (VORBES,
op.cit.).
En dépit des prêts reçus durant la période de 1980 à nos jours dans le cadre du programme
d’Ajustement Structurel (plusieurs milliards de dollars US) Haïti fait figure de pays pauvre très
endetté et de seul PMA des Amériques. De 1980 à 1990, on a enregistré une régression de 2 %
du PIB et de 2,7% entre 1990 à 2000 (Banque Mondiale, 2001), preuve que les programmes
d’ajustement structurel n’ont pas pu faciliter la croissance.
12
13 RUR@LITES Année 2013 n°3
Somme toute, l’application du néolibéralisme a été désastreuse pour les petites économies. C’est
même une violation du droit au développement consacré par la Déclaration de Vienne en 1993
(Vorbes, 2009). Si, étymologiquement, développement désigne l’action de se dérouler (Brunet,
1993), les politiques néolibérales n’ont-elles pas mis Haïti dans un processus
‘’d’enveloppement’’?
1
Sauveur Pierre Etienne, conférence du 6 mars 2013, Direction des Études Post graduées, Université d’État d’Haïti
13
14 RUR@LITES Année 2013 n°3
présence étrangère demeure à travers la MINUSTHA (Mission des Nations Unies pour la
stabilisation en Haïti).
Les crises socio-économique et politique sont aggravées par une situation d’explosion
démographique. Le pays se trouvant en transition démographique, la population augmente, ce
qui aggrave les problèmes socioéconomiques.
De 4,3 millions en 1971 la population haïtienne est passée à 5 millions en 1982 avec un taux de
croissance de 1,6%. Elle est passée à 9 001 471 habitants en 2003 avec un taux de croissance
2,4% (Recensement général de la population et de l’habitat, 2003). La première phase de
transition démographique (1950- 1970) s’est manifestée par une baisse significative du taux de
mortalité. Si au cours de la seconde phase (1970-1985) la baisse de la mortalité s’est maintenue,
elle a été moins significative et la natalité connaissait une montée (1980) ce qui entraine une
forte croissance de la population (Figure 4). Aujourd’hui encore, natalité et mortalité continuent
à baisser simultanément tout en maintenant un taux d’accroissement naturel élevé. Tout ceci est
lié à un indice synthétique de fécondité encore élevé passant de 6 à 4 de 1980 à 2003.
Parallèlement, on a enregistré une nette augmentation de l’espérance de vie à la naissance qui a
gagné 25 ans entre 1950 et 2005 passant de 35 à 60 ans. Toutefois, c’est l’une des plus faibles du
monde.
14
15 RUR@LITES Année 2013 n°3
La croissance démographique n’est pas sans conséquence sur la vie sociale. La population
augmentant beaucoup plus rapidement que la production (Figure 5) et entraine une situation
d’explosion démographique. Aujourd’hui, 56% de la population vit en dessous du seuil de
pauvreté (1 $ US/jour) et 76% vit avec moins de 2$ US /jour. S’ajoute à la situation une criante
inégalité sociale et spatiale. 54% du revenu national est détenu par 10% des individus les plus
riches. 74% des pauvres habitent dans le milieu rural où il y a une rareté manifeste des services
sociaux de base. Le coefficient de Gini (indice de concentration de revenu) reste l’un des plus
élevés au monde, soit 66% (Dorvilier, 2009)2.
Figure 5
Source : Fritz Dorvilier, La crise haïtienne de développement : entre économie morale et explosion
démographique, Cahiers du CEPODE # 1, 2009
À partir de 1986, l’exode rural, qui se dirigeait surtout vers Port-au-Prince depuis le début du
XXe siècle, allait se généraliser sur toutes les autres villes du pays, impulsant une croissance
2
C’est un indicateur mis en place par le statisticien italien Corrado Gini qui mesure le degré d’inégalité sociale à
partir des salaires. Il varie de zéro (0) à un (1). Zéro serait une situation de parfaite égalité
15
16 RUR@LITES Année 2013 n°3
urbaine exceptionnelle surtout marquée par la multiplication des quartiers précaires, les
bidonvilles. L’augmentation de la population urbaine a créé des déséquilibres dans la distribution
des services sociaux de base se traduisant par une injustice socio-spatiale. Elle débouche sur des
occupations inadéquates de l’espace avec un étalement désordonné vers les pentes adjacentes
inconstructibles, les marécages et les zones côtières.
On estime à 17 millions de tonnes la quantité de terre arable érodée chaque année (JOSEPH,
2009). L’érosion accélérée des sols représente une perte énorme pour l’agriculture, aggravant la
déprise agricole qui remonte à la fin du XIXe siècle. La baisse de la productivité agricole serait
de l’ordre de 0,5 à 1,2% /an. L’érosion est aussi à la base de l’envasement. Ce phénomène touche
les milieux lacustres et marins affectant la flore et la faune. Cette érosion est la conséquence de
la déforestation dont le processus remonte à l’époque coloniale. Certains visiteurs de l’époque
avaient déjà lancé ce cri d’alarme (Pagney F., 2012). Elle se poursuit après l’indépendance sous
la forme de concession d’espaces forestiers faite aux étrangers, notamment les États-Unis
d’Amérique.
Aujourd’hui, le bois est la principale source d’énergie utilisée en Haïti. Le charbon de bois et le
bois de feu représentent 71% de la consommation énergétique soit 5,3 millions de m3 de bois par
année pour un prélèvement quatre fois supérieur à la productivité annuelle en matière forestière
et agro forestière estimée à 1,6 millions de m3. (Haïti, commission interministérielle pour
l’environnement, Plan National d’Environnement, 1999). Le bois est utilisé pour la cuisson et
16
17 RUR@LITES Année 2013 n°3
sert de bois de chauffe pour les boulangeries et les établissements de nettoyage. La bagasse
représente 4% et l’hydro-électricité, 5%. Le reste est constitué en grande partie de produits
pétroliers (Haïti, Commission interministérielle pour l’environnement, op.cit.). La région
métropolitaine de Port-au-Prince couvre 98% de cette consommation. Le résultat est la
disparition de la couverture forestière estimée aujourd’hui à moins de 2%.
Cette dégradation de l’environnement est le résultat d’une gestion inadéquate de l’espace, d’une
mauvaise gouvernance territoriale liée à la crise globale. Diverses institutions sont chargées de
l’aménagement et de la gestion du territoire, des ministères et d’autres services de l’État par
exemple. Des lois et règlements fixent les responsabilités et les principes en matière
d’exploitation et de gestion. La Constitution renferme un chapitre sur l’environnement. À tout
cela s’ajoutent les conventions et traités internationaux signés par Haïti et ratifiés par le
parlement. Les lois et règlements existent, même si elles souffrent d’inefficacité et de déficience,
mais sont restés lettres mortes. C’est l’ignorance de la loi, la faiblesse et la gabegie
administrative, l’absence de volonté, la corruption qui sont à la base de la situation désastreuse
actuelle. Un exemple intéressant concerne les lois et règlements sur les zones protégées ou
réservées. L’art.1 de la loi du 27 août 1963 a décrété le bassin hydrographique du Morne
l’Hôpital sous protection. Aucun effort de l’État n’a pu empêcher l’occupation de cette montagne
qui s’élève à 1034 m à moins de 8 km du centre de l’agglomération de Port-au-Prince. En amont,
la ligne de crête est occupée par de somptueuses villas des gens aisés et en aval par des taudis qui
s’érigent sur des pentes d’environ 40%. La Forêt des Pins qui surplombe les villages de Mapou
17
18 RUR@LITES Année 2013 n°3
et de Fonds-Verrettes inondés en 2004, déclarée sous réserve depuis plusieurs décennies, a déjà
perdu plus de 70% de sa superficie initiale. De nombreux projets de reboisement ont été conduits
durant le 20e siècle. Tous ont échoué, car tout projet de reboisement dans l’Haïti actuelle n’est
qu’un leurre à cause de la forte pression démographique et du morcellement. Pierre Mérat fait
remarquer que le paysan haïtien n’a pas d’espace à reboiser. Le peu de terre dont il dispose est
réservé à la culture sarclée (Mérat, 2012). Les problèmes étant liés, il faut une approche
holistique ou systémique qui intègre le politique, le social, l’économique, etc.
Le problème de la gestion des déchets n’est pas moins grave que celui de la déforestation. C’est
un problème qui touche particulièrement les villes puisque lié surtout au dysfonctionnement
urbain. C’est un véritable casse-tête pour toutes les municipalités du pays. Elle est assurée à 42%
au niveau de la capitale et 39% dans les villes de province (OPS/OMS, UNICEF, 1997). Port-au-
Prince produit 3110 m³ de déchets solides par jour en 1995. 2% seulement sont ramassés par le
service chargé du ramassage de détritus à savoir SMCRS (Service Métropolitain de Collecte de
Résidus Solides) et 28% -par une ONG locale engagée par l’USAID (Holly, 1999). La situation
n’est pas moins grave pour les excréments humains dans les villes d’Haïti. Une fois encore
l’exemple de Port-au-Prince est le plus intéressant. La production s’est élevée à 2000 tonnes
d’excréments en 1996. La vidange des fosses d’aisance ne répond pas aux normes. Seulement 10
à 20% sont couverts par les services d’hygiène. Les bidonvilles sont les lieux où la situation est
la plus grave, car 25% seulement de la population ont accès à des fosses septiques ou des latrines
d’autant plus que l’installation des fosses d’aisance s’avère difficile dans nombre de ces quartiers
qui se trouvent à 50% environ sur la bande côtière marécageuse (Holly, op.cit.). La vidange se
fait par des agents particuliers pour la majorité des ménages. Il est très courant que les matières
fécales soient déversées dans des rares champs en friches ou les terrains vacants et dans les
canaux de drainages (naturels ou artificiels). La mauvaise gestion des ordures entraine la
pollution des eaux de la nappe phréatique et du réseau de distribution d’eau potable (Noel, 1993).
Le résultat est la contamination de la population. Les eaux sont aussi susceptibles d’être polluées
par tout autre déchet solide, par exemple les métaux lourds et les eaux usées.
La mauvaise gestion des déchets intervient aussi comme facteurs aggravants des risques
d’inondation contribuant à obstruer les canaux de drainage (Noel, op.cit.). La population
profitant souvent des fortes pluies pour se débarrasser des déchets. Ces derniers ont les canaux de
18
19 RUR@LITES Année 2013 n°3
drainage comme destination. Il très courant de constater des inondations sans pluie dans certaines
rues de Port-au-Prince à cause de l’obstruction des canaux.
En résumé, on peut dire que la crise haïtienne contemporaine présente de multiples facettes, ce
qui porte F. Manigat à parler d’une crise multidimensionnelle. La composante
sociodémographique s’associe aux composantes politique et économique pour aboutir à une
véritable crise de gouvernance, la paupérisation de la population, le dysfonctionnement urbain et
la dégradation accélérée de l’environnement. La conséquence est l’amplification des
vulnérabilités et l’augmentation des catastrophes en nombre et en intensité.
Conclusion
Nous pouvons constater, en définitive, que la fréquence des aléas naturels est en très nette
augmentation durant les années 2000 en Haïti. Cette fréquence exceptionnelle s’explique par le
fait que pour la période, les activités cycloniques ont été plus intenses dans le bassin atlantique
nord. Le tremblement de terre du 12 janvier venait compliquer cette situation déjà assez
alarmante. Ces aléas qui ont touché Haïti n’auraient pas pu se transformer en catastrophes
majeures voire en situation d’urgence si le pays n’était pas en proie à une très grande
vulnérabilité qui allait en s’amplifiant sur fond d’une crise sociétale aigüe liée en partie à l’échec
des politiques néolibérales. C’est une crise structurelle – appelée crise haïtienne contemporaine
par l’historien Francois Manigat – qui affecte tous les paliers de la société. Elle est politique,
économique, sociodémographique, ce qui entraine un problème de gouvernance qui affecte la
gestion et le fonctionnement des espaces urbains et ruraux et aboutit à une dégradation accélérée
de l’environnement. Cette dégradation environnementale s’exprime d’abord par une mauvaise
gestion des déchets liée au dysfonctionnement urbain et une dégradation des espaces ruraux à
travers le problème de l’érosion, une conséquence de la déforestation.
La crise globale représente un obstacle à toute gestion territoriale préventive. Elle alimente la
situation de vulnérabilité à la base de la forte fréquence de situations d’urgence liées aux
catastrophes qui réalimentent à leur tour la crise sociétale globale constituant de véritables crises
dans la situation de multi-crise.
19
20 RUR@LITES Année 2013 n°3
BIBLIOGRAPHIE
MANIGAT, L. La crise haïtienne contemporaine, Ed. des Antilles, 1995, 352 pages.
20
21 RUR@LITES Année 2013 n°3
VALME, G. et VICTOR, J.-A. Actes du premier colloque national sur les parcs et aires
protégées d’Haïti, Imprimeur II, 1995, 190 pages.
21
1 RUR@LITES Année 2013 n°03
LA PERCEPTION DU CENTRE-VILLE
DE PORT-AU-PRINCE AVANT ET
APRÈS LE SÉISME, AU TRAVERS DE
CARTES MENTALES
C’est en 1749 que Port-au-Prince est fondée. Son emplacement sur la colline du Bel-air est retenu
pour des raisons militaires et économiques. Cette position paraît stratégique aux dirigeants de la
colonie car elle offre un excellent refuge, profondément enfoncé à l’intérieur des terres et protégé
par la position sentinelle de l’île de la Gonâve. En outre, sa position permet de contrôler la route
côtière de Léogâne et celle du Cul-de-Sac et d’assurer ainsi des liaisons avec l’ensemble de la
colonie1. Ainsi, Port au Prince occupe une situation d’interface entre l’espace maritime et l’espace
terrestre, ce qui lui permet d’assurer la double fonction d’encadrement territorial et
d’interconnexion avec la métropole.
A la veille de l’indépendance d’Haïti en 1804, la ville compte déjà 24 rues. En dépit des contraintes
naturelles et politiques, la ville connaît une croissance soutenue. De 100 unités de logements en
2
1751, elle passe à 392 en 1761 et 895 en 1789.
1
Roland DEVAUGES, « La capitale antillaise » : Port-au-Prince, Les Cahiers d’Outre-Mer, Bordeaux, tome VII, 1954
2
Georges Eddy LUCIEN, « Port-au-Prince (1915-1956) modernisation manquée : centralisation et dysfonctionnements » Thèse de doctorat
décembre 2007.
3 RUR@LITES Année 2013 n°03
Source: Leslie VOLTAIRE, Port-au-Prince : Growth of a Caribbean primate city, Université de Cornell, ITHACA,
New York (USA), Maîtrise Planification Urbaine et Régionale, 1982; SAINT-MERY Moreau (de), Description
topographique physique, civile, politique et historique de la partie française de l’île de Saint-Domingue, Philadelphie,
1787 (réédition Paris, 1984).
4 RUR@LITES Année 2013 n°03
Au début des années 1930, la ville devient alors un important pôle d'attraction. Le flux
démographique vers la capitale s’accélère. La croissance de la ville est mal maîtrisée. Certains
quartiers sont négligés et l’essor de certains autres est soumis à des constructions anarchiques. La
croissance demeure globalement éparpillée et laisse la place à l’instauration de taudis aussi bien à
l’extérieur qu’à l’intérieur du centre de la ville. Les situations deviennent contrastées entre des
quartiers périphériques destinés à l’embellissement et d’autres délaissés, où se côtoient fabriques,
marchés publics et habitat.
Au cours de la commémoration du bicentenaire de sa fondation en 1949, la capitale
renforce sa primauté et bénéficie d’une intervention urbaine d’envergure. Le quartier du port est
rénové, reconstruit pour doter la ville d’une façade maritime. Y sont logés les services du
gouvernement tels le département du Tourisme, l’Hôtel de la Poste, le Pavillon de la Présidence, le
3
Georges Eddy LUCIEN, op. cit p.
5 RUR@LITES Année 2013 n°03
Source: Collection Georges CORVINGTON. Centre historique de Port-au-Prince en 1915. Au premier plan de la
photo, une partie du centre historique est rénovée afin de faire place aux bâtiments de l’exposition internationale.
4
L’Agglomération de Port-au-Prince couvre dans leur totalité les communes de Port-au-Prince et de Delmas, et partiellement les communes de Croix-
des Bouquets, de Pétion-Ville, de Carrefour et de Kenscoff. Ses limites actuelles sont, à l’Ouest, la baie de Port-au-Prince ; au Nord sur le territoire de
la commune de Croix-des Bouquets, les lieux dits Bon Repos et Beudet ; à l’Est, la ville de Croix-des Bouquets, les habitations Tabarre, Frères et
Meyotte ; au Sud, le quartier de Thomassin et les piémonts du Morne Hôpital ; au Sud-Ouest, Mariani/Mer Frappée.
6 RUR@LITES Année 2013 n°03
Source : IHSI 2003. Données préliminaires du recensement 2002 (réalisation Kelogue Therasme)
Avant le séisme du 12 janvier 2010 la densité dans l’aire métropolitaine était de 12 000 habitants
par kilomètre carré. Le centre-ville faisait l’objet d’un découpage fonctionnel avec un partage de
divers usages sur un même espace. On y remarquait une certaine spécialisation de différents
secteurs. Le centre-ville constitue le centre administratif où l’on retrouve entre autres le Champ-de-
Mars, le Palais National, le Palais des Ministères et également certains pavillons de l’Université
d’Etat. Port-au-Prince retient à elle seule presque la totalité des centres d'enseignement primaire,
secondaire, universitaire et professionnel. 82.47% des écoles publiques et 75% des écoles
supérieures et facultés se trouvent à Port-au-Prince. Des villes secondaires de l’agglomération
commençaient à jouer les fonctions commerciales et culturelles, en l’occurrence Pétion Ville et
Tabarre, en raison du phénomène d’excroissance de la capitale. Après le séisme, la zone
métropolitaine croit au rythme de 4.5% l’an. La spécialisation ne se dissout guère quoi que, la ville
semblait perdre davantage sa fonction de commande, de donneur d’ordre avec la délocalisation de
certaines activités économiques et commerciales vers les périphéries. Mais, à l’exception de certains
d’entre eux, les bureaux administratifs ainsi que les lycées, les facultés et certaines rues ou certains
secteurs affectés à un service particulier demeurent.
7 RUR@LITES Année 2013 n°03
bâtiments restés en bon état sont ceux qui (dans la partie centrale de la ville) ont été construits dans
le respect de règles parasismiques américaines ACI 318-995. Ailleurs, il est fort probable que la
tenue convenable des bâtiments ou de certains quartiers s’explique soit par l’existence d’un sol
rocheux, soit par la présence de nombreux murs en maçonnerie porteuse, soit encore par une bonne
qualité d’exécution, soit enfin par la conjonction de tous ces facteurs.
Dans les semaines suivantes, 1,3 million de réfugiés vivaient dans des abris provisoires dans la zone
métropolitaine de Port-au-Prince, soit sur des places, dans des dents creuses, dans des jardins privés,
le long des rues, soit à l’extérieur de l’agglomération vers la Croix des Bouquets et Corail au nord
de la plaine de Port-au-Prince, ou vers Pétion ville. Les grandes esplanades et espaces verts du
Champ de Mars ont alors accueilli de grands camps de réfugiés constitués de tentes. Cette situation
à perduré durant plus de 2 ans.
Les camps occupent les places et espaces verts du centre-ville. (Cliché J-Ph Pierre)
5
Idem
9 RUR@LITES Année 2013 n°03
Les camps et le Palais Présidentiel détruit (décembre 2011), au premier plan des petits commerces. Source hpnhaiti.
Durant les premiers mois après la catastrophe, les camps les plus importants sont devenus des
polarités tertiaires concentrant les services proposés par les Nations Unies et les ONG : aide
alimentaire, distribution d’eau, de vêtements, services médicaux, point d’embauche dans le cadre
des programmes cash for Works. Très vite une économie informelle c’est développée offrants des
petits commerces, des magasins de récupération de matériaux ou d’outils offerts par les ONG
(contre-plaqués, bâches, tentes, brouettes…), des petits restaurants nécessaires puisque qu’il est
difficile de conserver des réserves alimentaires sous les tentes.
Puis ces polarités temporaires se sont estompées au profit des anciens centres secondaires de
Pétion Ville, Carrefour ou encore Delmas. Leur renforcement est lié en grande partie au fait qu’il y
ait eu moins de dégâts. Pétion Ville est ainsi apparu comme le pôle de substitution de l’hypercentre,
concentrant les sièges des ONG, les banques, les commerces rares. Tout ceci renforce l’attraction de
ces quartiers.
En juin 2011, durant une semaine pluvieuse qui rendait les conditions de vie
particulièrement difficiles dans les camps de réfugiés situés sur le Champs de mars, nous avons
réalisé un travail de dessin de cartes mentales avec les étudiants de Licence de l’École Normale
Supérieure de Port-au-Prince. Sur la feuille blanche que nous avons distribuée, ils devaient tracer
10 RUR@LITES Année 2013 n°03
Sur ces différentes cartes mentales, les camps de réfugié, les bâtiments détruits, les espaces fermés
du fait de l’instabilité de certaines fondations n’apparaissent pas comme si l’image mentale du
centre-ville d’avant janvier 2010 était intact.
D’autre, minoritaires (5% de l’échantillon) prennent en compte l’immensité des dégâts. Les
ministères, les facultés, les lycées apparaissent toujours, mais les grandes places sont remplies de
carroyages représentant les tentes des camps de réfugiés ou le réseau improvisé des cheminements
entre les tentes. Les camps semblent bien circonscrits, espacés les uns des autres. Les petits
campements interstitiels, entre les maisons, au pied de certains bâtiments n’apparaissent pas.
12 RUR@LITES Année 2013 n°03
Une seule carte mentale mentionne les camps mais aussi les nouvelles fonctions qu’ils représentent
18 mois après le séisme. S’ils sont encore habités, leur position au centre-ville en plein cœur des
13 RUR@LITES Année 2013 n°03
administrations, des lycées et des facultés explique le grand nombre de services qui se sont
développés sur ces marges, restauration rapide, paquetilleuses, coiffeuses. Au coté de ces services
de survie, ce quartier redevient un lieu de détente avec ses « bistros » et ses « restos ».
Enfin, l’aide internationale a fait face aux questions d’insalubrité en installant des rangées de
box de douches et de toilettes publiques qui constituent aussi des services de base pour certaines
personnes qui les utilisent sans pour autant vivre dans ces camps du Champs de Mars. Ces
nouvelles fonctionnalités de la survie s’expliquent par l’étonnante résilience qui a maintenu dans ce
quartier central dévasté, toutes les fonctions de son pouvoir tertiaire.
14 RUR@LITES Année 2013 n°03
Conclusion
Quatre ans après le séisme le plus meurtrier de l’histoire, les lieux du pouvoir s’imposent à
nouveaux et la reconstruction sur les ruines précédentes n’est pas remise en cause. Comment une
population peut-elle ainsi faire l’impasse d’une telle catastrophe? Le centre-ville reste un lieu de
vie dans la journée, avant de se vider pour les quartiers périphériques où les espaces de vie sont peu
mobilisés. Les mobilités sont finalement très linéaires entre un centre qui demeure attractif et qui
dispose de toutes les fonctions, on y étudie, on s’y soigne, on y mange, on s’approvisionne en
denrées et les logements où on se barricade pour la nuit. A travers les différentes cartes mentales,
on note deux éléments qui sont absents ou au moins qui ont disparu depuis 2010 : la présence des
arbres, de la pelouse qui marquent pourtant ce paysage urbain et toute l’esplanade du Champs de
Mars, et le Palais Présidentiel, comme si le bâtiment n’incarnait plus la fonction d’un Président qui
réside ailleurs dans l’agglomération. Cette persistance d’un centre idéel pour ses habitants comme
pour ses utilisateurs explique que les projets de reconstructions ne remettent nullement en cause le
positionnement de la Capitale qui pourtant se localise sur une faille meurtrière. La proximité des
lieux de pouvoir, enracine les responsables d’administrations, les entrepreneurs privés qui
aimeraient tous que soit reconstruit à la même place, le Ministère, la faculté, ou la rue commerçante.
Loin de rompre avec le passé, les plans de reconstruction présentés et les travaux en cours dans le
centre-ville montrent que les responsables ont opté pour redonner au centre–ville non seulement son
ancienne fonction mais aussi son prestige. En effet, beaucoup de travaux comme la construction de
certains ministères et la réhabilitation de bâtiments y sont en cours de réalisation.
15 RUR@LITES Année 2013 n°03
Bibliographie
DEVAUGES Roland (1954), « Une capitale antillaise : Port-au-Prince, Haïti », Les Cahiers d’outre
Mer, 7 : 26, Bordeaux, pp. 105-136.
GODARD Henry (1983), Port-au-Prince, Les mutations urbaines dans le cadre d’une croissance
rapide et incontrôlée, Thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 340 p.
GOULET Jean (2005), L`organisation des services urbains : réseaux et stratégies dans les
bidonvilles de Port-au-Prince, Thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, 343 p.
RIGAUD Candelon (1927), Promenades dans les rues de Port-au-Prince, Port-au-Prince, Ed.
Chéraquit, 108 p.
(2010) « Racines historiques d’un désastre annoncé ».Colloque Sociétés et Catastrophes naturelles,
Orléans, 30 septembre - 1 octobre 2010.
1 RUR@LITES Année 2013 n°03
I- Introduction
Le Centre-Ville Historique est limité au nord par la rue Tiremasse, au sud par la rue
Oswald Durand, à l’ouest par le boulevard Harry-Truman et à l’est par la rue Capois, limitant
ainsi la zone du Champ-de-Mars dans la ville.
2
3 RUR@LITES Année 2013 n°03
2
C’est la politique appliquée par le Gouvernement du Général Namphy (1986-1988) dans le cadre de la mise en
place du Programme d’Ajustement Structurel qui se traduit par l’envahissement du marché national par des
produits importés à des prix dérisoires.
3
Suite au séisme de 2010, on assiste à l’émergence de nouvelles formes de centralité autour de Pétion-Ville à
l’Est et de Tabarre au Nord’ouest.
3
4 RUR@LITES Année 2013 n°03
(Antier, 2005). Ainsi, des structures ont été mises en place par les présidents Préval et
Martelly pour assurer la reconstruction du Centre Historique de Port-au-Prince (Réf : Tableau.
1).
4
5 RUR@LITES Année 2013 n°03
Tableau 1 : Les structures de la reconstruction du Centre Historique mises en place par la Présidence de Préval et de Martelly (2010-2012)
Michel Joseph Unité de Construction 25 Maitre d’ouvrage unique pour la -Démarrage des travaux de plusieurs
Martelly des Logements Publics novembre 2011 planification et la coordination de bâtiments public de la cité
(UCLBP) la reconstruction post catastrophe administrative (tels que : Ministère de
du Centre-Ville. l’Intérieur et des Collectivités
Territoriales (MICT), Ministère du
Commerce et de l’Industrie,
Ministères des Affaires Étrangères
(MAE), etc.).
-Démarrage du processus
d’expropriation des propriétaires du
Centre-Ville
6 RUR@LITES Année 2013 n°03
Au travers de cet arrêté, le Gouvernement a mis au point « une stratégie de reconstruction qui
se veut inspirante, stimulante économiquement et viable à long terme, et qui véhicule les
principes d’un urbanisme pragmatique et flexible favorisant l’initiative privée et les
interventions de l’État dans un cadre cohérent5».
Article 1.- Est déclaré d'Utilité Publique, à Port-au-Prince, la surface délimitée au Nord par
la rue des Césars, au Sud par la rue St Honoré, à l'Est par la rue Capois et à l'Ouest par le
rivage de la mer (Figure 1).
Les terrains retenus dans le cadre de cet Arrêté serviront à l'aménagement du nouveau
centre-ville de Port-au-Prince et à la relocalisation des Institutions Publiques.
4
UCLBP, Proposition d’arrêté gouvernemental visant à instaurer des mesures transitoires de la
construction dans le centre-ville de Port-au-Prince. Préliminaire mai 2012, p. 2.
5
Op. cit. voir l’annexe : une stratégie de reconstruction du Centre-Ville de Port-au-Prince.
7 RUR@LITES Année 2013 n°03
Selon Paul Emile Simon6 : « Le président Préval avait imaginé la nécessité de mettre en place
une entité qui s’occupe presque exclusivement de pouvoir manager le processus général de
reconstruction du centre historique avec des études. C’est pourquoi il avait imaginé de créer
ce comité de facilitation ».
C’est une entité (le Comité de Facilitation) créée de toute pièce par le gouvernement Préval, le
ministère de l’économie et des finances. L’objectif de ce comité est de faire en sorte que le
Centre-Ville ancien de Port-au-Prince, qui est extrêmement affecté par le séisme (près de 60%
des bâtiments sont effondrés dans ce secteur), soit reconstruit.
6
Entretien réalisé le 23/05/2012 avec M. Paul Emile Simon Ing-Architecte membre du Comité de
facilitation de la reconstruction du centre-ville (Durée : 1h 17 mm 22s).
8 RUR@LITES Année 2013 n°03
Les attributions
La première tâche a été de commencer à réfléchir sur une vision pour le développement et
pour la reconstruction du Centre Historique de Port-au-Prince. Cette vision devrait aboutir à
l’élaboration de termes de références professionnels pour le schéma directeur du Centre- ville
Historique. Ce qui a été fait ; « C’est comme ça nous avons choisi la Fondation Prince Charles
qui s’est associé à un bureau d’études et d’urbanisme international le cabinet DPZ pour la
mise en place du plan »7.
7
Ibid.
9 RUR@LITES Année 2013 n°03
Le 29 mai 2012, le décret Préval a été remplacé par cinq décrets pris par le président
Martelly. L’un de ces cinq délimite une partie réduite du centre-ville en le déclarant « d’utilité
publique ». Le reste des zones sont désignées comme « protégées », « réservées » ou «
patrimoine national».
L’arrêté du 29 mai 2012 est en lien avec celui du 2 septembre 2010 et la stratégie
gouvernementale de reconstruction. Il vise à mettre en place des mesures transitoires
préalables à l’adoption d’un Plan de reconstruction pour le secteur du Centre-Ville Historique
et sa zone périphérique8.
L’UCLBP, devrait se doter d’un plan directeur d’intervention couvrant, dans une première
phase, le territoire sous sa juridiction. Ce plan directeur est destiné à encadrer les opérations
publiques et privées de reconstruction et à guider le Gouvernement dans la prise de décision
concernant le projet du Centre-Ville.
8
UCLBP, Proposition d’arrêté gouvernemental visant à instaurer des mesures transitoires de la construction
dans le centre-ville de Port-au-Prince. Préliminaire mai 2012, p. 2.
10 RUR@LITES Année 2013 n°03
L’acte d’aménager consiste à mettre en forme toutes les conditions nécessaires à la conception
et à la réalisation des paysages et formes urbaines qu’elles soient de l’ordre des infrastructures
(aménagement des sols, organisation et gestion des paysages créés par l’homme) ou des
superstructures (organisation spatiale de tout ce qui est bâti). L’action d’aménagement se base
généralement sur des préoccupations de l’ordre de l’urbanisme, de la maitrise des espaces
publics et de la régulation de la production de terrains équipés (Reysset, 2009).
Suite au séisme de janvier 2010 plusieurs documents d’aménagement ont été proposés pour la
reconstruction du Centre-Ville Historique de Port-au-Prince : l'une par la Fondation Prince
Charles du Royaume Uni, en partenariat avec la société de planification urbaine américaine
Duany-Plater-Zyberk (DPZ), et un autre par le Conseil municipal avec le Centre haïtien de
recherche en aménagement et en développement(CHRAD). En outre, le Ministère de la
Planification et de la Coopération externe (MPCE) a à donner mission à la firme canadienne
IBI/DAA la planification pour la reconstruction de la capitale. Chacun de ces plans traduisent
une certaine vision et un certain type de stratégies dans la reconstruction post-catastrophe de
Port-au-Prince.
La Fondation « Prince's Foundation for the Built Environment » du Prince Charles et la firme
américaine Duany Plater-Zyberk (DPZ), ont été contractées par le Gouvernement haïtien afin
d’élaborer un plan de reconstruction de Port-au-Prince et faire des propositions sur
l’organisation spatiale du périmètre déclaré d'utilité publique (cf. Figure 1). Le périmètre en
question se situe, d’une part, entre la rue Capois (à l’Est) et le bord de mer à l’Ouest) et,
d’autre part, entre les rues St Honoré (au Sud) et des Césars (au Nord). Il s’agit d’un espace
d’environ 200 hectares que le gouvernement entend transformer en un centre administratif et
12 RUR@LITES Année 2013 n°03
financier, comme le précise le Ministre des finances de l’époque Ronald Baudin9. Le contrat
fut signé par le Ministre des Finances Ronald Baudin et Peter Quintanilla représentant de la
Fondation Prince Charles le 21 septembre 2010. Le montant du contrat s’élève à 295 000
dollars américains. Ce montant est couvert par le trésor public. La Banque de la République
d'Haïti par la voix de son gouverneur a précisé son rôle : « financer à hauteur de deux cent
soixante millions de dollars la réhabilitation du centre-ville de Port-au-Prince ». Selon le
ministre des finances : « un zonage sera fait pour permettre le déploiement des services
publics et les investissements du secteur privé tels les centres commerciaux, les hôtels, les
complexes d'appartements, etc. À cet effet, les sièges des trois pouvoirs seront dans ce
périmètre ainsi que tous les ministères et autres bureaux publics. Dans un premier temps, une
vingtaine d'immeubles publics répondant aux normes parasismiques seront construits et
quelques institutions internationales envisagent d'y mettre le siège de leur représentation selon
le ministre des finances Ronald Baudin »10.
9
La reconstruction du centre-ville de Port-au-Prince vue par le ministre des Finances. Présentation du
ministre de l'Économie et des Finances, Monsieur Ronald Baudin, à l'invitation de la Chambre Haïtino-
Américaine de Commerce (AMCHAM) et de l'Association Touristique d'Haïti (ATH). Caribe Convention Center,
28 juillet 2010.
10
Idem
11
Banque de la République D’Haïti (la Banque Centrale)
12
Cette cérémonie s'est déroulée en présence des membres du gouvernement démissionnaire, de
parlementaires, de diplomates étrangers et de membres des secteurs privé et bancaire. Le Nouvelliste
13 RUR@LITES Année 2013 n°03
conservée et il y aura des petits parcs aux coins des rues qui se réuniront pour former un carré
complet d'une élégance extraordinaire » a expliqué l'architecte urbaniste Andres Duany.
Chaque bloc d'habitation, surnommé par l'équipe « village urbain » (Figure. 4), serait conçu
pour fournir ses propres services publics et stationnement13. Le travail de la Fondation
s’achève avec la présentation du schéma directeur. C’était une mission de conception
exclusivement.
13
http://www.haitilibre.com/article-2228-haiti-reconstruction-premieres-images-du-futur-port-
au-prince.html. Consulté le 5 février 2011.
14 RUR@LITES Année 2013 n°03
14
Entretien réalisé le 23/05/2012 avec M. Paul Émile Simon Ing-Architecte membre du Comité de
facilitation de la reconstruction du centre-ville (Durée : 1h 17 mm 22s).
15 RUR@LITES Année 2013 n°03
Dès juillet 2010, le MPCE a entamé une double démarche comprenant d’une part des travaux
techniques assurés par la firme IBI-DAA pour garantir la qualité et la faisabilité des
interventions à entreprendre et d’autre part, un processus de planification participative pour
assurer la prise en compte des points de vue des populations concernées et leur appropriations
par les principaux acteurs.
Le MPCE a fait une commande auprès du bureau d’étude Daniel Arbour & Associés (IBI-
DAA) pour développer six esquisses de schéma d’Aménagement et dix-huit esquisses de
plans d’urbanisme. Cette commande couvre six zones : Port-au-Prince, l’axe Jacmel-Marigot,
l’axe des Palmes, les Cayes et sa région, le Cap-Haitien et sa région et la commune de Saint
Marc.
Depuis 1987 les communes d’Haïti ont commencé à être dotées de pouvoirs importants dans
la gestion locale. Ces pouvoirs sont concentrés entre les mains du maire qui possède (ainsi
que ses deux adjoints) des délégations dans des domaines aussi variés que la gestion des biens
15
« La ville que nous voulons »
16
MPCE. Planification stratégique de la région métropolitaine de Port-au-Prince : résultats de l’atelier de
lancement no 1-29-31 juillet 2010 et travail futur, p.33.
17
MPCE, « Forum vil nou vle a ». Planification stratégique de la région métropolitaine de Port-au-Prince.
Les résultats du processus participatif, 65 p.
16 RUR@LITES Année 2013 n°03
Lorsque les collectivités locales entreprennent des actions pour prendre en charge l’extension
des villes ou la transformation de quartiers existants, on parle d’urbanisme opérationnel. En
France, plusieurs outils de planification sont proposés aux communes quand elles veulent
définir de manière précise les règles d’occupation du sol. Schéma de Cohérence Territoriale
(SCOT), Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), et cartes communales sont autant d’outils de
planification qui peuvent être librement choisis par les communes (Savarit-Bourgeois, 2004).
Le Conseil municipal a donné mandat au CHRAD (Centre haïtien de recherche en
aménagement et en développement) pour la réalisation du PLU et de la ZAC du Centre-Ville.
L’objectif selon le maire Jason est de doter la municipalité de Port-au-Prince d’outils de
planification stratégique de façon à lui donner les moyens de sa politique. L’objectif du SCOT
est la désignation générale du droit d’occupation des sols, il fixe les orientations générales du
territoire en assurant une certaine cohérence entre les politiques de l’habitat, des transports, de
la santé, de la culture, du sport, de la préservation des espaces naturel et du patrimoine…
(Reysset, 2009)
18
Les lois de 1937, 1982 et 2006.
17 RUR@LITES Année 2013 n°03
19
Elizabeth COICOU, « A la découverte du nouveau Port-au-Prince », Macaya, 2012 année Zéro ?, no 1
janvier-avril, 2012.
20
Ibid
18 RUR@LITES Année 2013 n°03
L’aménagement du Centre-Ville Historique porte sur le renouvellement des tissus urbains, des
équipements et des infrastructures. Il vise en priorité la reconstruction des bâtiments publics,
l’amélioration de l’attractivité et du fonctionnement du centre. Les contenus sont variés, mais
l’objectif poursuivi demeure presque pareil à l’ensemble des plans : concevoir et proposer une
organisation spatiale et fonctionnelle du Centre qui permette d’assurer à moyen et long terme
les meilleures conditions et les plus durables pour la vie quotidienne des citadins et les
activités économiques (Tableau 2).
19
RUR@LITES Année 2014 n°03
Tableau 2: Les stratégies mises en place par l’acteur étatique et la municipalité de Port-au-Prince
Institutions Firmes engagées Types de projets/Réalisation Méthode d’élaboration Vision
La Présidence et Fondation Prince Élaboration du schéma Schéma élaboré sans Sauvegarder le caractère historique,
le Ministère des Charles et DPZ directeur du Centre-Ville concertation des habitants, ancien du Centre-Ville en préservant
Finances Historique entrepreneurs et usagers du la trame urbaine, les colonnades et les
Centre galeries trottoirs.
Ministère de la Daniel Arbour & Élaboration de: Processus de planification Affirmer clairement la vocation du
Planification et de Associés -6 esquisses de schéma participative pour assurer la centre-ville comme foyer du pouvoir
la Coopération (IBI/DAA) d’aménagement prise en compte des points central, de ses institutions nationales,
Externe (MPCE) -18 esquisses de plan de vue des populations de l’administration gouvernementale
d’urbanisme concernées et leurs et des représentations étrangères.
appropriations par les
principaux acteurs
Municipalité de Centre haïtien de Urbanisme opérationnel: Concertation avec des « Un Centre-Ville prestigieux, de
Port-au-Prince recherche en -SCOT/RMPAP experts, des habitants et des dimension internationale, convivial et
aménagement et -PLU/Commune Port-au- différents acteurs de la vie résidentiel… »
en Prince nationale…
développement -ZAC/Centre-Ville
20
RUR@LITES Année 2014 n°03
L’orientation commune qui se dégage de l’ensemble des études déjà effectuées est claire :
« saisir l’opportunité de la reconstruction pour redonner au centre-ville sa vocation en
assurant la mixité des fonctions ».
Mais, les plans de reconstruction gardent une part de bonnes intentions ou de propositions à
caractères incantatoire. En effet, ces plans font référence à une armature réglementaire
s’imposant à tous, une forte présence de l’investissement public et des obligations publiques
de salubrité qui sont toutes largement au-delà des moyens de l’État. Il y a un problème
d’articulation entre la présidence et la municipalité. Port-au-Prince, étant une capitale d’État,
le gouvernement et la municipalité devraient gérer d’un commun accord le processus de la
reconstruction. En ce sens, il devrait y avoir une gestion mutuelle de la reconstruction du
Centre-Ville Historique mais tel n’est pas le cas. Selon Paul Émile Simon les difficultés
rencontrées dans le processus de reconstruction du Centre-Ville Historique viennent du
désordre administratif général : « Lorsqu’il y a un manque de coordination, il y a plusieurs
intervenants, tout le monde veut tout faire en même temps. C’est aussi simple que ça, tout le
monde veut faire, tout le monde peut tout faire, tout le monde ne fait rien du tout et en
conclusion on n’a rien ».
21
RUR@LITES Année 2014 n°03
«En un mot comme en cent, on peut rien comprendre aux communications, à l’enseignement
et aux actions collectives si on ne comprend pas pourquoi et comment se forment les
représentations» (Moscovici, 198721).
La reconstruction c’est donner du sens à l’espace. Parce que faire la ville c’est d’abord la
penser, l’aménager et se positionner. En ce sens, La reconstruction du Centre Historique de
Port-au-Prince mobilise un grand nombre d’acteurs. Chaque acteur n’a pas la même
représentation du territoire d’action.
4.1-Représentations et Territoires
21
In Jean Claude Abric, 2003. Pratiques sociales et représentations. Paris, PUF, Coll. Psychologie
22
RUR@LITES Année 2014 n°03
Enfin, les représentations sociales jouent un rôle essentiel à la fois en amont et en aval de
l’action. En aval de l’action, les représentations permettent aux acteurs d’expliquer et de
justifier leurs conduites dans une situation ou à l’égard de leurs partenaires.
Bien évidemment les acteurs agissent sur l’espace selon leurs moyens et leurs stratégies, leurs
intérêts, et donc leurs divergences et leurs contradictions, qui dépendent, en partie du moins,
de leurs représentations – y compris de leurs représentations de l’espace même mais aussi des
règles et coutumes sociales, des idéologies dans lesquelles ils baignent ou qu’ils subissent. Il
s’en suit des inégalités substantielles dans leurs effets sur l’espace, et des décalages par
rapport aux ambitions (et aspirations) réelles des acteurs, ou aux qualités des lieux et des
territoires (Noseda et Racine, 2001).
La société agit sur l’espace produit en lui donnant un contenu et un sens. A cet effet, la
reconstruction du Centre-Ville Historique est expressive à bien des égards. Toute une série de
représentation se tourne autour de cet espace que les plans de reconstruction matérialisent.
Ceci montre comment les acteurs réagissent à certains éléments symboliques.
23
RUR@LITES Année 2014 n°03
Le Centre-Ville Historique s’affirme comme une centralité non pas uniquement fonctionnelle
mais une centralité qui génère de multiples valeurs : prestige, modernité, visibilité et avenir.
Cette vision est largement exprimée dans les plans et études : « Un centre-ville fier de ses
racines et tourné vers l’avenir, d’une métropole vibrante et inclusive, siège premier des
grandes institutions de l’État, qui reprend sa place dans l’économie du pays et dans la région
caribéenne ».
historique et culturel valorisé par un paysage urbain et une architecture de qualité»22 telle est
la vision assortie des documents d’urbanisme produits par le CHRAD pour le compte de la
municipalité de Port-au-Prince (figure 6)
Conclusion
Références bibliographiques
Abric J.-C., 2003. Pratiques sociales et représentations. Paris, PUF, Coll. Psychologie, 253
p.
André Y., 1998, Enseigner les représentations spatiales, Paris, Economica et Anthropos, 254
p.
Antier G., 2005. Les stratégies des grandes métropoles : enjeux, pouvoirs et aménagement.
Paris, Ed. Armand Colin, 249 p.
Brunet R., Ferras R., Thery H., 1995, Les mots de la géographie, dictionnaire critique,
Reclus, La Documentation française, Paris.
22
Ibid.
25
RUR@LITES Année 2014 n°03
Ciattoni, A., et Veyret, Y., 2007, (dir.) Les fondamentaux de la géographie, Paris, 2è ed.
Armand Colin, 301 p.
Coicou, E., « A la découverte du nouveau Port-au-Prince », Macaya, 2012 année Zéro ?, no 1
janvier-avril, 2012.
Lardon, S., Maurel, P., Piveteau V., 2001. Représentations spatiales et développement
territorial. Paris, Hermes Sciences publication, 437 p.
Lucien G. E., 2013, Une modernisation manquée Port-au-Prince (1915-1956), Vol 1 :
Modernisation et Centralisation, Editions de l’Université d’Etat d’Haiti, Port-au-Prince, 285
p.
Malebranche S, « Consolidation et revitalisation des centres historiques : le cas du centre
historique de Port-au-Prince ». Présentation au colloque du GIM tenu à Montréal du 26 au 30
juin 2000.
MPCE, « Forum vil nou vle a ». Planification stratégique de la région métropolitaine de Port-
au-Prince. Les résultats du processus participatif, 65 p.
Noseda, V et Racine, J.-B., « Acteurs et agents, points de vue géographiques au sein des
sciences sociales », Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, N° 121,
pp. 65-79.
Reysset P., 2009, Aménager la ville. L’art d’Habiter, Paris, Ed. Le sang de la terre, coll.
L’écologie urbaine, 190 p.
Savarit-Bourgeois I., 2004. L’essentiel du droit de l’urbanisme. Paris, Gualino éditeur, EJA,
154 p.
Stamm C., 2008, Commerce de rue et politiques publiques dans les centres historiques.
Expulsion, relocalisation et résistances à Mexico et Lima, Revue Autrepart no 45, 2008, pp.
91-104. Article online.