Difficultés de L'entreprise (Complet)

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 71

UNIVERSITE HASSAN II

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES


ET SOCIALES, AIN SEBAE

Cours de

Difficultés d’entreprise

Semestre 5

2021/2022

BEL-AMIN Samir
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Introduction :

Le cours de difficultés d’entreprise s’inscrit dans le cadre de deux contextes : le


premier est général, or le deuxième est d’ordre particulier.

Quant au premier, il dépend des mutations économiques qu’a connues le monde après
la fin de la guerre froide ayant opposé les Etats unis d’Amériques et ses alliés formant
ainsi le bloc West et l’union soviétiques des républiques socialistes soviétiques et ses alliés
constituant le bloc Est.

C’est ainsi qu’il s’est révélé un nouvel ordre mondial mettant fin à la bipolarité du
monde et consacrant la concurrence économique au lieu du choc idéologique
précédemment dominant.

Les Etats se sont portés alors concurrents en vue d’attirer les investissements
étrangers et booster leurs entreprises œuvrant dans le cadre du commerce international.
Cet objectif ne pouvait être atteint sans l’adhésion dans un mouvement de réformes
législatives permettant la mise à niveau de leurs ordres juridiques et l’amélioration de leur
force compétitive. Et ce, soit en inventant des lois soit en important des dispositions tout
en les adaptant avec le contexte interne.

Le Royaume du Maroc n’y a pas fait exception. Ce qui en constitue le contexte


particulier.

En effet, le Maroc a, depuis la dernière décennie du siècle écoulé, entrepris des


réformes législatives très importantes ayant porté principalement sur le domaine des
affaires et de la finance.

Les exemples en sont multiples : il s’agit entre autres, des textes ci-dessous :

1- En 1993, la réforme de la loi bancaire, modifiée 2006 et en 2015.


2- La loi sur la S.A : 17/95
La loi S.A.R.L, S.N.C, S.C.S, S.C.A, S.P
3- La loi instituant les juridictions commerciales 97
4- La propriété industrielle : 2000
5- La liberté des prix et de la concurrence, 2000 et 2014
6- La loi 1993 relative à la bourse des valeurs
7- La Principale réforme demeure celle
8- 15/95 de 1996, code de commerce abrogeant celle de 1913 et réformé en 73/17,
cette réforme qui a porté partiellement sur le livre V du code de commerce les difficultés
de l’entreprise

Parmi les objectifs escomptés à travers ces réformes, on peut citer :

1- L’actualisation de l’arsenal juridique Marocain et son développement vers son


harmonisation avec les standards législatifs internationaux.
2- L’amélioration du climat des affaires
3- L’amélioration de sa capacité d’attraction des investissements étrangers.
4- Création de nouveaux emplois et le maintien des emplois existants.
5- Promotion du pouvoir d’achat de la population des citoyens.
6- La réalisation de la paix sociale.

Effectivement, après ces réformes, le Maroc a réalisé certains avancements au


classement doing business1 en occupant la 53ème place en 2020, la 60ème place en 2019,
après 69ème place en 2018 et 68 en 2017 et 97ème place en 2012.

Dans l’attente de réaliser l’objectif du top 50 du classement doing business.

I- Les particularités du droit des difficultés d’entreprise

1- Le caractère économique

Le régime des procédures collectives est marqué par l’hégémonie de l’analyse


financière sur l’analyse juridique, d’autant plus que le droit des procédures collectives de
prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise vise essentiellement la recherche

1
Le classement "doing Business" classe 190 pays par en fonction de leur facilité à faire des affaires. Créé en
2002 par le groupe de la banque mondiale, ce classement mesure la réglementation des affaires et son
application effective dans 190 économies et dans certaines villes au niveau infranational et régional. Les pays
sont classés en fonction de la facilité d'y faire des affaires, de 1 à 190, la première place indiquant le plus haut
niveau de facilité. L'indice correspond à la moyenne des classements sur les plusieurs indices étudiés.

Voir à ce sujet : http://francais.doingbusiness.org/


de solutions économiques à l’entreprise confrontée à des difficultés passagères ou celle en
cessation des paiements.

C’est ce qui explique la prédominance du discours économique étant revêtit d’une


terminologie juridique, et l’adoption de purs concepts économiques comme : l’entreprise,
Les difficultés ; l’actif et le passif ; le plan de continuation ; le plan de cession…

2- Le caractère universel

Tenant compte de la mondialisation du capital, le droit des difficultés de l’entreprise


aura tendance à adopter un régime international présentant des réponses concrètes aux
procédures transfrontalières des difficultés de l’entreprise.

Les dispositions régissant les procédures transfrontalières de traitement des difficultés


de l’entreprise selon la loi 73/17, tendent à

*faciliter la coopération des juridictions marocaines avec celles étrangères concernées


par les procédures des difficultés de l’entreprise,

*renforcer la sécurité juridique dans le domaine du commerce et d’investissement

Et ce afin d’assurer une gestion équitable et réussie permettant la protection des


créanciers et les parties sans oublier le débiteur.

3- Le caractère exceptionnel

Afin d’atteindre les objectifs pour lesquels, ont été adoptées ses règles, le régime de
traitement des difficultés d’entreprises, aurait dû déroger aux principes philosophiques
encadrant les règles de droit commun prévu au dahir des obligations et des contrats.

Car donner la priorité à la sauvegarde de l’entreprise au détriment du paiement des


créanciers, cela signifie compromettre aux engagements contractuels et à la force
obligatoire du contrat.

C’est ce qu’on trouve dans plusieurs dispositions prévues par le livre cinq du code de
commerce comme : l’institution des contrats en cours, en vertu de laquelle, on passe outre
les principes de la force obligatoire du contrat et de l’effet relatif du contrat, au nom de
l’intérêt économique de l’entreprise.
Le caractère exceptionnel du droit des difficultés de l’entreprise, s’avère également
au niveau de la violation du principe des procédures individuelles de justice, pour adopter
le principe des procédures collectives.

4- Le caractère électronique des actes de procédures

L’article 545 du code de commerce, dispose que toutes les opérations relatives aux
procédures de l’entreprise prévues au présent livre, doivent être effectuées de façon
électronique de façon électronique.

II- L’évolution historique

Le droit des entreprises en difficulté à l’Etat actuel est le fruit d’une histoire qui
mérite d’être élucidée.

A vrai dire, le régime des procédures collectives est le résultat normal de l’évolution
du régime de la faillite, prévu par le code de commerce de 1913.

La doctrine avance trois finalités successives à travers l’évolution du régime de la


faillite :

- dans un premier temps : pour le commerçant qui n’honorait pas à ses


engagements.

- Dans un second temps : protéger les créanciers impayés.

- Enfin, à une époque beaucoup plus récente, assurer la survie des entreprises qui
mériteraient d’être sauvegardées.

Je partage avec vous certaines dates :

A- Le code de commerce de 1913, s’est inspiré pour la plus part du droit français
de 1867 (la sanction du commerçant failli)

B- Dahir de 1951, inspiré de la loi française 1935, modifiée par la loi de 1937,
1938 et 1944

Ces réformes visaient de :

1- Rendre la procédure de faillite plus souple et plus rapide.


2- Le renforcement du pouvoir du tribunal et des assemblées des créanciers

3- Le prolongement des procédures collectives aux sociétés commerciales ayant


la personne morale.

C- En 1967, la naissance d’un droit français moderne des procédures collectives :

L’approche de secours et de concours de l’entreprise au lieu de l’approche punitive.

1984 : loi sur la prévention

1985 : loi sur le redressement et liquidation

1994 : loi regroupant les deux devancières, et a été calquée sur celle marocaine de
1996 formant code de commerce marocain2.

Si la loi française a été modifiée deux fois en 20053 (l’adoption de la procédure de


sauvegarde), celle marocaine jusqu’à 2018 via la loi 73/174.

III- L’entreprise en tant qu’indice significatif de compréhension du livre V du


code de commerce

Par ailleurs, la compréhension du livre V du Code de commerce ne peut être


envisagée que dans le cadre de certains indices.

L’utilisation du terme « Entreprise » à la place du « Commerçant ».

L’idée c’est de faire la différence entre la personne du commerçant et l’activité


commerciale exercée par la personne.

Il fait établir l’équilibre entre la sanction du commerçant qui n’a pas réellement
honoré à ses engagement lorsqu’il a commis des faits ou des actes nuisant et menaçant la

2 Loi n° 15-95 formant code de commerce ; promulguée par le dahir n° 1-96-83 du rabii I, 1417, (1 aout 1996)
3
Tout en adoptant en 2010, la procédure de sauvegarde financière accélérée et en 2015 la procédure de
sauvegarde accélérée.

4
En 2014, le code de commerce a connu une réforme en vertu du Dahir n° 1-14-146 du 25 chaoual 1435 (22
août 2014) portant promulgation de la loi n° 81-14. Cette loi a modifié l’intitulé du livre V, désormais intitulé :
« Procédures de prévention et de traitement des difficultés d’entreprise » et prévu le devoir pour le chef
d’entreprise de procéder au redressement immédiat des difficultés d’entreprises avant que soient informées
par l’associé ou le commissaire aux comptes.
marche normale de l’entreprise d’une part, et le maintien de l’emploi, le règlement des
créanciers ce qui suppose la sauvegarde de l’entreprise.

Ceci dit, l’entreprise désigne l’activité commerciale avec tous les intérêts qui lui sont
afférents.

Ce constat peut être compris dès le livre 1, qui utilise le terme activité au lieu d’acte,
aux articles 6 et 7.

Et même dans le livre 2, le fonds de commerce est défini à l’article 79 comme un


bien mobilier incorporel constitué par l’ensemble des biens mobiliers corporels et
incorporels destinés à l’exercice d’une ou de plusieurs activités commerciales.

On peut comprendre que

- L’entreprise est un indice significatif pour l’application du code de commerce.


Plus que cela, elle constitue l’élément majeur de la transition du droit commercial
classique au droit des affaires ou encore droit économique, car l’Entreprise est considérée
dans le cadre d’une stratégie législative comme la pierre angulaire de tout développement
économique et le pari de la stabilité.

Ceci peut être constaté, à travers :

- la consécration de souplesse lors de la constitution des entreprises.


- La mise en place des organes de gestion et de la gouvernance au sein des
entreprises.
- l’adoption des mécanismes de secours et de sauvegarde en cas de survenance
de difficultés qui menacent le cours normal de l’entreprise.
De surcroit, l’adoption de l’idée de l’entreprise comme choix stratégique,
économique et juridique n’aurait pas pu être effectuée sans la création préalable d’un cadre
judiciaire commode avec la nouvelle orientation gouvernant le domaine des affaires : la
nouvelle loi instituant les juridictions commerciales, nonobstant que cette expérience ayant
été empruntée au législateur français, sans pour autant emprunter le principe d’élection des
juges industriels et commerçants par leurs confrères.

Cette ignorance qui a constitué une cause d’échec du régime de traitement des
difficultés d’entreprises.
IV- Les apports de la loi 73/17 abrogeant et remplaçant le livre 5 du code de
commerce

A- L’introduction d’un nouveau mode de règlement des difficultés : La sauvegarde

Avec la procédure de sauvegarde, on n’attend plus la cessation des paiements pour


enclencher la machine procédurale collective, on intervient et de manière vigoureuse dès
les premiers signes indiquant une crise sérieuse dans l’entreprise.

B- La mise en place de l’assemblée des créanciers,

Les créanciers, disposent désormais d’instances de représentation collective, leur


permettant de peser sur le cours de la procédure : les assemblées des créanciers (art 606 et
suivants) possèdent dorénavant, non seulement un pouvoir d’information conséquent, mais
aussi et surtout, un pouvoir de décision, en particulier sur le plan de redressement qu’elles
peuvent rejeter, sous réserve de présenter un plan alternatif qui sera soumis à son tour à
l’approbation du tribunal.

C- La mise en place de l’institution du mandat spécial

Le président du tribunal peut désigner un mandataire spécial. Cette option est possible
lorsque les difficultés auxquelles fait face l’entreprise s’avèrent surmontables. Le
mandataire est chargé d’atténuer «les difficultés pouvant nuire à la continuité de
l’entreprise». Elles peuvent êtres sociales comme en cas de conflit entre les salariés
impayés et le management. Voire aussi intervenir pour remédier aux désaccords opposant
les associés ou l’entreprise et ses fournisseurs habituels.

V- Annonce du plan du cour :

Première partie : Les procédures extrajudiciaires de traitement des difficultés


d’entreprise

Chapitre1 : La prévention interne

Section1 : le champ d’application de la prévention interne

Sous-section1 : Les entreprises assujetties à la prévention interne

Sous-section 2 : Les difficultés devant être averties


Section2 : les organes habilités à observer et informer des difficultés

Sous-section1 : La surveillance et la remédiation spontanées des difficultés par le


chef de l’entreprise

Sous-section 2 : L’information initiée par l’associé

Sous-section 3 : L’information par le commissaire aux comptes

Section3 : procédure d’information des faits

Sous-section 1 : La notification du responsable de gestion

Sous-section 2 : Invitation de l’organe de gestion collectif à délibérer

Sous-section 3 : Implication de l’assemblée générale dans la prévention des


difficultés

Sous-section 4 : L’information du président du tribunal de commerce : vers la


prévention externe

Chapitre 2 : La prévention externe

Section1 : Domaine et procédures de la prévention Externe

Sous-section1 : Domaine de la prévention externe

Sous-section 2 : Procédures de la prévention externe : la convocation du chef de


L’entreprise

Section 2 : Désignation du mandataire spécial

Section3 : Procédure de conciliation

Sous-section 1 : Les conditions de la conciliation

Sous-section 2 : Désignation du conciliateur et durée de sa mission

Sous-section 3 : Les efforts déployés par le conciliateur pour conclure un accord de


conciliation

Sous-section 4 : Les effets de la conciliation

§1 – A l’égard du débiteur

A- Cas d’exécution de l’accord de conciliation


B- Cas d’inexécution de l’accord de la conciliation

§2- A l’égard des créanciers

A- Les créanciers inclus dans l’accord de conciliation

B- Les créanciers non inclus dans l’accord de conciliation

Deuxième partie : Les procédures judiciaires de traitement des difficultés


d’entreprise

Chapitre 1 : Les conditions d’ouverture de la procédure judiciaire

Section1 : Les conditions de fond

Sous-section 1 : Le champ d’application : les personnes soumises

§1- l’entreprise : commerçant personne physique

§2- l’entreprise : société commerciale

Sous-section 2: la situation financière de l’entreprise

§1 : Absence de cessation de paiement : sauvegarde

§2 : La cessation de paiement : redressement et liquidation

Section 2 : Les conditions de forme

Sous-section1 : les règles de compétence

Sous-section2 : Différenciation des modalités de saisine du tribunal

§1 : Le monopole du chef de l’entreprise concernant la procédure de sauvegarde

§2 : Pluralité de modalités de saisine : par dérogation de l’art 1 du CPC

A- Le chef de l’entreprise débiteur

B- Les créanciers

C- Le tribunal

D- Sur demande du parquet ou sur renvoi du Président du tribunal

Chapitre 2 : le jugement d’ouverture des procédures judiciaires


Section 1 : Les actes antérieurs au jugement d’ouverture des procédures judiciaires

Sous-section1 : L’audition obligatoire du chef de l’entreprise

Sous-section 2 : Possibilité d’audition d’autres personnes que le débiteur

Sous-section 3 : La faculté de désigner un expert

Sous-section 4 : Délai de rendre le jugement

Section2 : le contenu du jugement d’ouverture des procédures judiciaires

Sous-section1 : Jugement d’acceptation ou de refus de la procédure judiciaire

§1- Jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde

§2-Jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation


judiciaire

Sous-section 2 : La désignation obligatoire des organes des procédures

§1- Le juge commissaire et son suppléant

§2- Le syndic

Section 3 : Publication du jugement d’ouverture des procédures

Chapitre 3 : Période d’observation

Section 1 : le bilan financier économique et social de l’entreprise et L’élaboration du


projet de sauvegarde ou de redressement.

Section 2 : le jugement du sort de l’entreprise

Section 3 : Mécanismes renforçant les chances de traitement des difficultés


d’entreprise durant l’élaboration de la période d’observation

Sous-section 1 : La répartition des prérogatives entre le président de l’entreprise et le


Syndic

Sous-section 2 : Les mesures conservatoires

Sous-section 3 : Déroulement de l’activité de l’entreprise durant la période de


préparation de la solution

Sous-section4 : situations des créanciers de l’entreprise


§1 : Situation des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure
judiciaire : l’attente

§2 : Situation des créanciers postérieurs à l’ouverture de la procédure judiciaire :


motivation

Chapitre 4 : Le sort des procédures de traitement des difficultés

Section 1 : Le redressement judiciaire

Sous-section 1 : La continuation

Sous-section 2 : Le plan de cession de l’entreprise

Section 2 : La liquidation judiciaire

Sous-section 1 : Les effets sur le débiteur

§1- Les mesures d’ordre juridique

§2- Les sanctions financières sur le débiteur

§3- La déchéance de la capacité commerciale

§4- La banqueroute

Sous-section 2 : Les effets sur les autres parties de l’entreprise

§1- Les créanciers

§2- Le bailleur du local affecté à l’activité de l’entreprise

Sous-section 3 : Les opérations liées à la liquidation judiciaire

§1- La cession des unités de production

§2- La cession distincte de l’actif de l’entreprise

Sous-section 4 : La clôture des opérations de la liquidation judiciaire

§1- En cas d’inexistence du passif exigible

§2- En cas d’insuffisance de l’actif

§3- Possibilité de réouverture de la procédure de liquidation


UNIVERSITE HASSAN II
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES
ET SOCIALES, AIN SBBA

Cours de Droit des entreprises en difficulté

Semestre 5

2021/2022

BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Première partie :
Les procédures extrajudiciaires de traitement des difficultés de
l’entreprise

Adoptant une logique médicale inspirée du droit Français, le droit marocain a entamé
la réglementation des procédures collectives de traitement des difficultés de l’entreprise,
par la recherche des causes susceptibles de conduire une entreprise à la cessation des
paiements. Il a ainsi préconisé la règle selon laquelle : « prévenir vaut mieux que guérir ».
C'est-à-dire la prévention des crises demeure plus garantie et efficace que leur traitement.

Comme l’activité continue de l’entreprise dépend de facteurs aussi bien endogènes


qu’exogènes, elle serait amenée à connaitre des moments de progrès et de développement,
comme elle pourrait subir la régression de son activité suite à :

- une conjoncture économique générale.


- Des troubles sociaux.
- Des fautes humaines de leurs dirigeants.

Si ces facteurs ne conduisent pas l’entreprise à la cessation des paiements, ce qui


requièrent l’ouverture de la procédure judiciaire, ils peuvent compromettre la situation de
l’entreprise et diminueraient toute chance de sauvegarde.

Conscient du rôle utile joué par l’entreprise, le législateur marocain a mis en place
une procédure extrajudiciaire et une autre quasi-judiciaire, dans le cas où les difficultés
que l’entreprise fait face n’entraineraient pas la cessation des paiements, en laissant au
président de l’entreprise la liberté de prendre ou non les décisions susceptibles de les
surmonter.

Vu la liberté reconnue au chef de l’entreprise, n’étant pas encore en cessation des


paiements, le droit Marocain a prévu une procédure de prévention dont l’efficacité est
assurée par la conciliation de trois impératifs en l’occurrence : la rapidité, la discrétion et
la souplesse.

S’ajoute à la procédure de prévention, une nouvelle procédure dite de sauvegarde qui


est une procédure judiciaire, vient d’être apportée par la loi 73/17. Cette dernière a
réinstauré les même mécanismes et procédures tendant au dépistage anticipé des
difficultés ou les défaillances susceptibles d’entrainer la cessation des paiements, en

1
prévoyant des mécanismes procéduraux nouveaux afin de réussir les procédures
extrajudiciaires de traitement.

La promptitude en la remédiation aux difficultés de l’entreprise est susceptible de


limiter la dégradation de sa situation, soit par le biais de ses structures internes (chapitre
1), ou à travers l’intervention du président du tribunal de commerce mettant en œuvre
divers mécanismes et formalités (chapitre 2).

Chapitre 1 : prévention interne


Le vocabulaire utilisé (prévention), a une connotation beaucoup plus médicale ou
militaire que juridique, car prévenir c’est à la fois soigner et défendre.

La situation sensible de l’entreprise vivant des difficultés et l’Etat psychologique


critique du chef de l’entreprise dû soit au refus de révéler une difficulté passagère en
craignant qu’une telle révélation risque de nuire au crédit de l’entreprise et de créer un
mouvement de panique chez les salariés, ou suite aux répercussions délétères pouvant être
engendrées si les mesures nécessaires ne sont pas prises dans le temps adéquat.

Ces motifs étaient derrière l’instauration de règles visant le diagnostic anticipé des
difficultés, ces règles appelées en droit français de 1984 reprises dans les réformes
postérieures : Les règles d’alerte

Il s’agit d’un dialogue interne de l’entreprise, seules les parties internes de


l’entreprise peuvent s’en informer. Les tiers ne doivent pas prendre connaissance ni même
le président du tribunal de commerce.

Les articles 547 et 548 ont déterminé le champ de mise en œuvre de la procédure de
la prévention interne (section1) puis les personnes habilitées à informer (section 2) et la
procédure de l’information (section 3).

Section 1 : Champ d’application de la prévention interne

Sous-section 1 : Les entreprises concernées par la prévention interne

L’article 547 de la loi 73/17, dispose que « lorsque le chef de l’entreprise ne procède
pas de son propre chef, au redressement des faits de nature à compromettre l’exploitation,
le commissaire aux comptes, s’il en existe, ou tous associés dans la société… »

La lecture de cette disposition permet de faire les remarques suivantes :

Le champ d’application comprend uniquement :

2
Les entreprises prenant la forme de société commerciale à savoir les sociétés
anonymes régies par la loi 17.95 et les autres sociétés commerciales régies par la loi 05.96,
ainsi que les groupements d’intérêt économique à caractère commercial régis par la loi
13.97, ou la désignation du commissaire aux comptes est soit obligatoire ou facultative.

Ceci étant, la prévention interne ne peut être mise en œuvre que pour les sociétés
commerciales dont la désignation du commissaire aux comptes est obligatoire ainsi que
celles dont la désignation d’un commissaire aux comptes est facultative.

Ainsi l’article 159 de la loi 17-95 prévoit que : « Chaque société anonyme doit
désigner un ou plusieurs commissaires aux comptes, les sociétés anonymes faisant appel
public à l’épargne sont tenues de désigner au moins deux commissaires aux comptes ».

De même, la loi 05.96 sur la société à responsabilité limitée, la société en nom


collectif, la société en commandite par action, et la société en commandite simple, prévoit
respectivement aux articles 12, 21, 34 et 80 de la loi 05.96, qu’il est obligatoire de
désigner un commissaire aux comptes, dès que la société réalise 50.000.000 DH de chiffre
d’affaires à la fin de l’exercice comptable.

Même dans le cas où la désignation d’un commissaire aux comptes n’est pas
obligatoire, les clauses peuvent envisager une telle nomination. Il peut également être
désigné à la majorité des associés. De même, un ou plusieurs associés peuvent demander
au président du tribunal de commerce, la désignation d’un ou de plusieurs commissaires
aux comptes.

Concernant les groupements d’intérêt économique à caractère commercial, la loi


13.97 dispose à l’article 39 que la désignation d’un commissaire aux comptes est
obligatoire, en cas d’émission des obligations. Mais il peut être désigné suite à une
décision collective des membres, ou par ordonnance du président du tribunal de commerce
à la demande de tout membre.

Sont exclus donc, du champ d’application des procédures de prévention interne

1- Les entreprises individuelles.


2- Les sociétés civiles.
3- Les groupements d’intérêt économique à caractère civil.
4- La société de participation.
5- L’entrepreneur individuel.

3
Force est de constater, que l’approche adoptée par le droit marocain est relative en ce
qui concerne la délimitation des entreprises pouvant bénéficier du régime de la prévention
interne.

Le droit français quant à lui, il a adopté une approche beaucoup plus inclusive en
soumettant, en vertu de la loi ( L 611-1 du C.C.F), à cette procédure, toutes les sociétés
commerciales et G.I.E et les entreprises individuelles, commerciales, artisanales ou
agricoles.

Sous-section 2 : Les difficultés devant être informées

L’article 547 C.C dispose que : « ………. Informe ……….des faits ou des difficultés
de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, notamment ceux de
nature juridique, économique, financières ou sociales »

La lecture de cette disposition permet d’avancer les remarques suivantes :

Le texte utilise « faits et difficultés » de façons interchangeables : il veut désigner le


même sens, dont le non rétablissement entraîne une menace à la continuité de l’entreprise.

Il a utilisé une expression générale, car il est tellement difficile de dresser une liste
exhaustive des difficultés susceptibles de compromettre la continuité de l’exploitation de
l’entreprise une fois non rétablies, sachant qu’il a regroupé ces faits ou difficultés dans le
cadre des aspects juridiques, économiques, financières ou sociales.

La condition principale c’est que les faits et les difficultés qui requièrent le recours
aux procédures de prévention interne et de prévention de façon générale, ne doivent pas
être au stade de la cessation des paiements exigeant ainsi l’ouverture de la procédure de
traitement.

L’utilisation du pluriel « des faits » montre que l’information ne peut être déclenchée
qu’en présence d’un ensemble convergeant de faits significatifs.

Ceci dit un fait préoccupant, isolé, peut être contrebalancé par un fait favorable de
sens contraire, le déclenchement de l’information serait alors inutile.

L’information doit être accomplie lorsqu’il y a une rupture de l’équilibre des flux
financiers, c'est-à-dire lorsque les recettes normalement prévisibles ne permettront pas de
régler des dettes qui vont venir à échéance dans un avenir relativement proche.

4
Section 2 : Les organes chargés du déclenchement de la prévention interne.

En se référant à l’article 547 qui dispose que : « Lorsque le chef de l’entreprise ne


procède pas de son propre chef, au redressement des faits de nature à compromettre
l’exploitation, le commissaire aux comptes, s’il en existe, ou tout associé dans la société
informe le chef de l’entreprise, des faits ou des difficultés,…… », on remarque que la loi a
intégré pour l’information des organes ne participant pas à la gestion de l’entreprise à
savoir l’associé et le commissaire aux comptes.

La finalité ne réside pas à avertir les dirigeants. Ceux-ci sont généralement conscients
des difficultés traversées par leur entreprise. Elle demeure également et principalement de
les mettre en face de leur responsabilité, en les incitant à prendre des mesures de
redressement.

Sous-section1 : Le redressement immédiat par le chef de l’entreprise.

Il faut rappeler que cette disposition a été prévue depuis 2014 et reprise en 2018, via
la loi 73/17, et remarquer ensuite que cette disposition est inutile pour deux raisons :

1- L’obligation du redressement anticipé des difficultés fait partie des attributions


principales du chef de l’entreprise (s’inscrivant dans le cadre de l’obligation de vigilance
dans la gestion réalisant ainsi, l’intérêt social de l’entreprise.
2- Le législateur n’a pas fait assorti d’une sanction l’inobservation du chef de
l’entreprise du devoir de remédiation aux difficultés,

Ceci requiert de la justice commerciale un degré d’audace en engageant cette


responsabilité, conformément aux règles générales (les dispositions régissant les sociétés
commerciales dans le cadre de la détermination des attributions des dirigeants concernant
la réalisation de l’objet social.

Sous-section 2 : L’information par l’associé.

L’article 547, a reconnu à l’associé non gérant le droit d’intervenir comme une forme
de contrôle de gestion, sans tenir compte de sa part dans le capital qu’il détient ou qu’il
représente.

Il faut souligner que le genre de contrôle, ne doit pas se confondre avec « l’expertise
de gestion », celui qui est reconnu à l’associé en tant qu’actionnaire conformément aux
dispositions de l’article 157 de la loi sur la société anonyme, et celui reconnu à l’associé
non gérant dans la société à responsabilité limitée conformément aux dispositions de
l’article 82 de la loi 05/96.

5
C’est ainsi que l’article 157 ci-dessus dispose qu’un ou plusieurs actionnaires
représentant au moins le dixième du capital social peuvent soit individuellement, soit en
groupant sou quelle que forme que ce soit, peuvent demander au président du tribunal de
commerce, statuant en référé, la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter
un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Et c’est à juste titre que l’article 82 de la loi 05/96 dispose qu’un ou plusieurs
associés représentant au moins le quart du capital social peuvent demander au président du
tribunal, statuant en référé, la désignation d’un ou de plusieurs experts chargés de
présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Par ailleurs, le contrôle reconnu à l’associé en vertu de l’article 547 du code de


commerce, ne peut être considéré comme un devoir mais il s’agit d’un droit original de
l’associé non gérant qui peut l’exercer ou non.

En effet, l’associé concerné par les dispositions de l’article 547, est celui qu’est loin
des actes et missions de gestion du fait que l’associé (actionnaire) appartenant à l’organe
de gestion (conseil d’administration ou conseil du directoire ou de surveillance), ou
l’associé gérant dans les autres sociétés, portent la qualité de chef de l’entreprise
conformément à la définition donnée à l’article 546, alinéa 2 du même code.

De même, les dispositions régissant les sociétés commerciales ont institué des règles
de contrôle de gestion entre les associés gérants.

Sous-Section 3 : Le commissaire aux comptes

La mission d’information des faits menaçant la continuité de l’exploitation, fait partie


intégrale des attributions du commissaire aux comptes, et qui lui sont reconnues dans le
cadre du nouveau concept de gestion des entreprises, en l’occurrence, la nécessité de
respecter les conditions de bonne gouvernance.

Le commissaire aux comptes ne doit pas être très loin des actes de gestion,
contrairement aux dispositions de l’article 166 de la loi sur la société anonyme, qui lui
interdit expressément d’intervenir dans la gestion lorsque la situation de l’entreprise est
normale et n’est pas menacée de faits susceptibles de compromettre son activité.

Section 3 : La procédure d’information


Le législateur marocain de la loi 73/17, a adopté une démarche inclusive conservant
la procédure de formation.

6
Suivant une approche progressive, l’article 547 a commencé par l’information du
responsable de gestion (sous-section 1) puis la convocation de l’organe collectif de gestion
à délibérer (sous-section 2) ainsi que l’assemblée générale (sous-section 3) en finissant par
l’implication du président du tribunal dans le cadre de la prévention externe

Sous-section 1 : L’information du responsable de gestion

L’article 547, tend à réaliser deux objectifs afin de réussir la procédure de prévention
dès le départ en l’occurrence :

1- La promptitude :

L’article 547 a prévu un très court délai qu’est de 8 jours courant à partir de
l’apparition des premières difficultés susceptibles de compromettre la continuité de
l’exploitation et ce à travers lettre recommandée.

2- La discrétion :

L’article 547 du code de commerce, a consacré la discrétion afin d’assurer le


fonctionnement normal de l’entreprise, surtout qu’elle n’est pas encore en cessation des
paiements.

Ce qui a fait que la partie devant être informée demeure le chef de l’entreprise de
façon personnelle et individuelle, sans transmettre l’information à l’organe collectif de
gestion s’il existe, le conseil d’administration ou de surveillance.

Afin d’attirer l’attention du responsable de gestion des faits menaçant la pérennité de


l’exploitation.

Ceci dit, pour mettre fin à la procédure de prévention interne et renoncer aux étapes
suivantes, le chef de l’entreprise est tenu, conformément à l’article 547 de répondre aux
questions qui lui sont transmises, et présenter des explications sur les points soulevés, et ce
dans un délai de 15 jours à partir de la réception de l’information.

Le commissaire aux comptes et l’associé non gérant, deviennent dans cette situation
une partie habilitée à apprécier ses explications, et estimer sa fermeté et sa capacité à
dépasser la situation critique de l’entreprise.

Le droit marocain a, à travers cette disposition, mis en place un nouveau mode de


contrôle de gestion des entreprises dans les moments délicats, un contrôle de gestion
reconnu ou commissaire aux comptes hors sa mission de contrôle des comptes de la
société. prévue à l’article 166 de la loi 17/95, ou à l’associé qui n’est pas chargé de gestion

7
sauf en cas de la réunion des assemblées générales des actionnaires ou à travers la gestion
d’expertise.

Sous-section 2 : Convocation de l’organe collectif de gestion à délibérer (cas de la


société anonyme)

Le président du conseil d’administration ou le conseil de surveillance est tenu,


conformément à l’article 547, et après avoir été informé des faits susceptibles à
compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise (Société anonyme), et ce dans
un délai de 15 jours, de répondre aux questions soulevées soit de façon personnelle ou à
travers convocation du conseil qu’il préside pour délibérer.

Si l’invitation à une réunion du conseil d’administration ou de surveillance selon le


cas, constitue une mission principale mais optimale, le droit français quant à lui a donné au
commissaire aux comptes, une fois non convaincu, des réponses et explications présentées,
par l’organe de gestion ou à défaut de réponse, le droit de procéder lui-même à l’invitation
du conseil d’administration ou de surveillance par lettre recommandée avec accusé de
réception, pour se réunir et délibérer des faits menaçantes la pérennité de l’activité de
l’entreprise. Le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, procède ainsi à la
réunion en invitant le commissaire aux comptes à y assister.

C’est ce qui nous incite à nous interroger comment envisager à ce que le commissaire
aux comptes ou l’associé, soit celui qui a décelé les faits ou les difficultés et pourtant
l’éradiquer de la réunion du conseil d’administration ou le conseil de surveillance, surtout
si la gravité des faits est apparente.

Car dans le cas contraire, le chef de l’entreprise aurait pu répondre aux questions du
commissaire aux comptes, de l’associé et proposer des solutions sans avoir le besoin de
convoquer le conseil à se réunir.

Sous-section 3 : L’Assemblée générale

L’article 547, a confié, la gestion de la période de crise que traverse la société entre
l’organe de contrôle et celui de gestion ; et ce en vue de ne pas troubler la marche normale
de l’entreprise et porter atteinte à son crédit, et trouver des solutions pertinentes à ces
difficultés.

Mais l’incapacité de l’organe de gestion ou son refus de prendre les mesures


nécessaires afin de dépasser les difficultés menaçant la continuité de l’activité de la société
serait suffisant de nuire aux intérêts des associés, ce qui a poussé le législateur marocain à
8
impliquer l’ensemble des associés afin de trouver une solution pour gérer la période
critique. Car il n’est plus utile de dissimuler les informations relatives à la situation à
laquelle la société est rendue.

En dépit de la situation critique de la société, le droit marocain ne permet qu’au


président d’administration ou de surveillance, de faire délibérer l’assemblée générale en
privant ce droit à celui qui a détecté les difficultés.

En revanche, le droit français exige que le commissaire aux comptes dresse un


rapport spécial qui serait présenté à l’assemblée générale prochaine ou le commissaire aux
comptes devait y assister. Le rapport est communiqué au comité de l’entreprise.

Par cette attitude, le droit Marocain, minimise le rôle des commissaires aux comptes
et de l’associé, qui ont découvert les difficultés que vit une entreprise.

L’implication du commissaire aux comptes dans la gestion des sociétés commerciales


présentant des difficultés, au déterminent de l’interdiction prévue à l’article 166, de la loi
17/95, devrait prendre son élan et ne pas se contenter de la simple information du chef de
l’entreprise. Celui-ci devrait être tenu de répondre aux questions et difficultés soulevées et
leurs appréciation par ceux qui l’ont soulevés, puis inviter le conseil d’administration ou
de surveillance à délibérer à ce propos dans le cas où le chef de l’entreprise ne procèderait
pas à la remédiation ou s’est porté incapable de les pallier.

Puis permettre aux commissaires aux comptes ou l’associé de faire délibérer


l’assemblée générale. Car, comment peut-on comprendre que celui qui n’a pas pris les
mesures nécessaires susceptibles à redresser les difficultés à solliciter la réunion de
l’assemblée générale.

9
UNIVERSITE HASSAN II
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES
ET SOCIALES, AIN SBBA

Cours de Droit des entreprises en difficulté

Troisième Conférence

Semestre 5

2021/2022

BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Toujours dans le cadre de la première partie relative aux procédures extra-judiciaires,
et après avoir examiné la prévention interne, on va s’attarder à l’étude de la prévention
externe faisant office du chapitre suivant.

Chapitre 2 : La prévention externe


La prévention externe peut être ouverte de deux façons différentes. La première
réside dans le cas où le dépistage anticipé des faits de nature à compromettre la continuité
de l’exploitation de l’activité de l’entreprise s’avère insuffisant ou n’aboutit pas à un
résultat positif, le président du tribunal est averti de cette situation, soit par le commissaire
aux comptes, par un associé, ou le chef de l’entreprise qui ont déclenché une procédure de
prévention interne. Cette voie est prévue à l’article 548 et 549 alinéa 1, du code de
commerce.

La seconde relève du président du tribunal de commerce. En effet, ce dernier peut


également déclencher la prévention externe lorsqu’il est tenu informé par acte, document
ou une procédure, ou même par la rumeur publique qu’une entreprise, sans être, en
cessation des paiements, connait des difficultés, juridiques, économiques, financières ou
sociales ou elle présente des besoins ne pouvant pas être couverts par un financement
normal. C’est la voie indiquée par l’article 549, alinéa 1 du code de commerce.

Il faut souligner que l’intervention du président du tribunal de commerce dans la


procédure de prévention externe, est de nature particulière qui déroge à celle prévue par
les règles générales de procédure.

En effet, la mission du président du tribunal de commerce, s’inscrit, en effet, dans le


cadre des missions récentes attribuées aux juridictions commerciales dans le domaine de la
finance et des affaires : c’est un rôle interventionniste au profit des entreprises en
difficulté.

Par ailleurs, la procédure de prévention externe est régie par les articles de 549 à 559,
qui délimitent son champ d’application et la procédure lui est afférente (section1), la
désignation du mandataire spécial (section2), et la procédure de conciliation (section3).

Section 1 : Le champ d’application

Le législateur marocain a adopté une approche progressive concernant le traitement


extra-judiciaire des difficultés que les entreprises peuvent faire face, en faisant impliquer
tout organe se rapportant à la gestion ou à l’administration.

2
Ceci étant, si la prévention interne vise à faire participer les non dirigeants afin
d’attirer l’attention des dirigeants et les mettre en face de leur responsabilité, la prévention
externe, s’articule autour de l’intervention considérable du président du tribunal de
commerce, afin de trouver une solution avec les créanciers de l’entreprise conformément à
des procédures visant le redressement de la situation critique de l’entreprise afin d’éviter
qu’elle se trouve en cessation des paiements.

Ce qui signifie l’élargissement de son domaine d’application (sous-section 1) et la


mise en place de procédures bien organisées afin de réaliser les objectifs qui lui ont été
assignés (sous-section 2).

Sous-section 1 : L’étendue de la procédure externe

D’emblée, il est lieu de remarquer en vertu de l’article 549 du code de commerce, que
la transition de la prévention interne à la prévention externe s’est accompagnée de
l’élargissement du champ d’application.

En effet, si la prévention interne s’applique uniquement aux sociétés commerciales et


les groupements d’intérêt économique à caractère commercial, la prévention externe reçoit
application en plus des entreprises suscitées, aux commerçant personnes physiques
pouvant rencontrer des difficultés ou des faits de nature à compromettre la continuité de
leurs activités et les conduisant, par la suite, à la cessation des paiements.

L’article 549 dispose que : « la procédure de la prévention externe………….adapté


aux possibilités de l’entreprise ».

Si le droit français ne donne plus d’importance à la forme de l’entreprise économique


assujettie au régime de la prévention externe, le droit marocain, n’a pas pu se libérer,
même avec les réformes de 2014 et de 2018, de cette approche conservatrice qui limite le
champ d’application des procédures de la prévention externe.

Ainsi, le droit français, en vertu de l’article L 611-1 du code de commerce français a


fait bénéficier aux dispositions relatives à la prévention externe : « les personnes morales
de droit privé, les personnes physiques exerçant une activité professionnelle, agricole ou
indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou
réglementaires ou dont le titre est protégé, en plus bien sûr, les sociétés commerciales, et
les groupements d’intérêts économiques, et les entreprises commerciales ou artisanales.

3
Sous-section 2 : Les procédures de la prévention externe : la convocation du chef de
l’entreprise

Reposant sur la rapidité, la procédure de prévention externe n’est pas une procédure
contentieuse. Elle vise la remédiation immédiate aux difficultés afin que l’entreprise
récupère sa bonne santé économique et que les répercussions entrainées s’effaceront
promptement.

Cette procédure doit également être discrète, car toute divulgation de sa crise est
susceptible de porter atteinte au crédit de l’entreprise. Les difficultés seraient alors
accrues.

Le président du tribunal, dès qu’il est tenu informé, de l’existence de difficultés


résultant de faits de nature à compromettre la continuité de l’entreprise, ou encore en cas
d’échec des tentatives relatives à la prévention interne, par les entreprises qui en
bénéficiaient, procède immédiatement à la convocation du chef de l’entreprise à son
cabinet soit de son initiative ou sur demande de ce dernier.

Mais le président du tribunal de commerce, peut également, procéder à une telle


convocation, dans le cas où il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une société
commerciale ou entreprise individuelle commerciale fait face à des difficultés de nature à
compromettre la continuité de son exploitation, afin d’envisager les mesures susceptibles à
redresser la situation de l’entreprise.

Notons, à ce sujet, que la loi 73/17, en reprenant le texte ancien, n’a pas assorti
l’inobservation du chef de l’entreprise de la convocation du président du tribunal d’aucune
sanction, ce qui prive le président du tribunal de toute autorité sur le chef de l’entreprise,
sauf dans la cas où il constate que l’entreprise est en cessation des paiements, dans ce cas,
il renvoit l’affaire au tribunal afin de prononcer l’ouverture de la procédure judiciaire de
traitement.

Par ailleurs, le président du tribunal dispose d’un large pouvoir d’investigation après
la rencontre du chef de l’entreprise. Ainsi l’article 552 du code de commerce lui a accordé
la possibilité d’obtenir communication des informations de nature à lui donner une exacte
information sur la situation économique et financière de l’entreprise et ce de la part des
différentes parties qui s’y rapportent, qu’elles soient interne comme :

- Le commissaire aux comptes


- Les représentants des salariés, les délégués des salariés ou l’inspecteur de
travail

4
Ou externes comme :

- Les administrations publiques (le service des impôts et la sécurité sociale)


- Les établissements de crédit et les organismes assimilés.
- Les organismes financiers ou toute autre partie

Toutes ces parties sont déliées du secret professionnel à son égard.

La finalité poursuivie par la première formalité relative à la prévention externe est de


permettre au président du tribunal d’avoir une exacte information sur la situation de
l’entreprise par différents canaux,

- De ce qu’il est tenu informé


- Des explications qu’il obtient du chef de l’entreprise
- Des informations qu’il a pu recueillir des diverses parties ayant un rapport avec
l’entreprise et son activité.
Mais, si le président du tribunal a envisagé la nécessité d’avoir plus d’informations,
ou s’il lui est avéré des indices permettant de remédier aux difficultés, il peut
désigner un tiers en la qualité de mandataire spécial.

Section 2 : La désignation du mandataire spécial : mandataire ad-hoc

Le droit marocain a permis, en vertu de l’article 550 du code de commerce, au


président du tribunal, et après avoir entendu le chef de l’entreprise et recueilli les
informations suffisantes sur la situation de l’entreprise et formé par conséquent une idée
exacte sur la nature et la gravité des difficultés, de désigner un tiers, nommé par le
législateur : Mandataire spécial (Mandataire ad-hoc en droit français), comme une forme
récente de la médiation régie en vertu de la loi 73/17.

L’article 550 dispose que « s’il apparait que les difficultés de l’entreprise sont
susceptibles d’être aplanies grâce à l’intervention d’un tiers à même de réduire les
oppositions éventuelles qu’elles soient d’ordre social, entre les associés ou les partenaires
habituels de l’entreprise, ainsi que toutes les difficultés de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation de l’entreprise, le président du tribunal le désigne en qualité de
mandataire spécial et il lui assigne une mission et un délai pour l’accomplir ».

La lecture des dispositions de cet article permet de révéler la vision récente du droit
marocain, concernant les nouveaux rôles confiés au président du tribunal.

Après avoir été mis au cœur des crises que les entreprises, relevant du ressort de sa
compétence, peuvent faire face, à travers l’accomplissement des investigations sur leur
situation, et l’audition de leurs dirigeants, il est sollicité après tout cela, de s’impliquer
5
efficacement dans le processus de recherche de solution à ces crises et de leur remédiation
possible en lui reconnaissant le droit de désigner un tiers en tant que mandataire spécial,
avec des missions définies et des délais fixés par le président du tribunal.

Les conditions requises pour la désignation du mandataire spécial peuvent être


résumées comme suit :

- L’entreprise ne doit pas être en cessation de paiements.


- L’entreprise doit être susceptible de se redresser,
- l’entreprise doit être viable et peut surmonter définitivement un accident de
parcours.

Ceci requiert que le président du tribunal se soit rassuré de la volonté ferme du chef
de l’entreprise de redresser la situation de son entreprise et que l’intervention du
mandataire spécial va lui prêter concours à réduire les oppositions éventuelles concernant
l’attitude des créanciers comme convertir de nouveaux délais pour recouvrir leurs créances
ou la réduction de leur montant ainsi que tout ce qui se rapporte avec les partenaires de
l’entreprise en ce qui concerne la fourniture des matières premières ou des services ou les
partenaires qui procèdent à la vente de produits de l’entreprise.

Le mandataire spécial ne peut être désigné qu’à la demande du chef de l’entreprise


conformément à l’article 549, 4ème alinéa, qui dispose que « le président du tribunal
désigne le mandataire spécial ou le conciliateur sur proposition du chef d’entreprise ».
Ceci dit, le président du tribunal ne dispose pas de l’autorité de désignation du mandataire
spécial de son propre initiative.

Contrairement au droit français, le droit marocain n’a pas abordé les limites du
pouvoir du président du tribunal en ce qui concerne l’acceptation ou le refus de la
demande de désignation du mandataire spécial. Et si le droit français n’a pas organisé
l’institution du mandataire spécial qu’avec la loi de 1994, et l’a repris avec la loi 2005, les
juridictions françaises ont en fait recours, même en l’absence d’un texte législatif sous la
loi de 1985.

Suite à la souplesse qui marque la procédure externe, le législateur marocain n’a pas
restreint le pouvoir du président du tribunal en ce qui concerne la détermination de la
personne du mandataire spécial. Or, afin de garantir l’impartialité et la moralité du
mandataire spécial désigné, le droit français a, en vertu de l’article L-611-13, énuméré un
certain nombre d'incompatibilités. À titre d'exemples, la mission de mandataire ad hoc ne
peut être exercée par :
6
- ni « par une personne ayant, au cours des vingt-quatre précédents mois, perçu,
à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou
un paiement de la part du débiteur intéressé ou d'une personne qui en détient le
contrôle ou est contrôlée par lui au sens de l'article
- ni par un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis
moins de cinq ans
Quoi qu’il en soit, le mandataire spécial peut être un bureau d’études économiques et
financières, il pourrait être un juriste, un praticien habilité, et ce en fonction de la
nature des difficultés et la taille de l’entreprise ainsi que la nature de son activité.

De même le législateur n’a pas aussi fixé de délais pour accomplir sa mission, c’est
parce qu’il ne résulte à sa désignation aucun effet juridique à l’égard aussi bien des
débiteurs que des créanciers.

Son rôle se limite à élaborer un rapport au président du tribunal, l’informant de la


situation exacte concernant la possibilité de redressement des difficultés ou non, afin que
le président du tribunal décide de poursuivre la procédure de prévention externe ou y
mettre fin.

En cas d’échec du mandataire spécial dans sa mission, il en adresse, sans délais, un


rapport au président du tribunal. En cas de réussite, il en adresse un procès-verbal qui n’a
pas besoin d’être validé par le président du tribunal, ni soumis à une formalité de publicité.

Le mandataire spécial pourrait avoir besoin, afin de réussir sa mission, à la


prolongation du délai. Le président du tribunal pourrait y procédé, après accord du chef de
l’entreprise. Le chef de l’entreprise peut à tout moment, demander au président du tribunal
de mettre fin à la mission du mandataire spécial.

Section 3 : La procédure de conciliation

Dans le cadre des procédures de prévention externes mises en place par le droit
marocain aux entreprises en difficulté, on trouve la procédure de conciliation qui a
substitué à celle du règlement amiable étant, prévu par le livre V du code de commerce de
1996.

Elle est considérée comme l’une des attributions spécifiques du président du tribunal
de commerce dans le cadre de ses attributions générales concernant les procédures extra-
judiciaire des difficultés de l’entreprise.

Sous-section 1 : Les conditions d’ouverture de la procédure de conciliation

7
N’étant pas en cessation des paiements1, l’entreprise doit, néanmoins, connaitre des
difficultés économiques ou financières ou si elle a des besoins ne pouvant être couverts par
un financement normal. C’est ce qui ressort de l’article 551 alinéa 1.

Cette disposition comporte une expression générale afin d’éviter toute discussion.

- Les difficultés économiques et financières vont souvent de pair.


- La loi n’exige pas que les difficultés soient graves, durables ou renouvelées,
cependant la conciliation amiable n’aura pas lieu si les difficultés sont minimes ou
passagères, la désignation d’un mandataire « ad-hoc » est alors suffisante.
- La preuve de l’existence de ces difficultés s’effectue librement mais, la tenue
d’une comptabilité prévisionnelle, permettra d’établir que les besoins courants ne pouvant
pas être couverts par un financement normal.
- A la condition des difficultés, s’ajoute celle relative à l’obligation pour le chef
de l’entreprise de déterminer les besoins de financement ainsi que les moyens d’y faire
face.
1- La présentation d’une requête du chef de l’entreprise comportant un exposé de
la situation financière, économique et sociale de l’entreprise, le besoins de financement
ainsi que les moyens d’y faire face (551. Al.2)
2- La constitution d’une conviction ferme pour le tribunal de commerce
concernant la situation de l’entreprise, l’importance des difficultés auxquelles elle fait
face, et son appréciation de l’importance des moyens proposés par le chef de l’entreprise
afin d’y faire face, ainsi que l’appréciation des besoins épineux de l’entreprise dans cette
circonstance pour l’ouverture de la procédure de conciliation.

C’est pour cette raison que le droit marocain, a permis au président du tribunal,
nonobstant toutes dispositions législatives contraires, d’obtenir communication, de tous
renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique
et financière de l’entreprise et ce de la part du commissaire aux comptes s’il en existe, les
représentants des salariés, les administrations de l’Etat et les autres personnes de droit
public, les établissements de crédit et les organismes assimilés, les organismes financiers
ou toute autre partie.

1
Or, en droit français, l'ouverture d'une procédure de conciliation peut être demandée :

– soit par une entreprise éprouvant « une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible »
(voire les articles : L. 611-4, L. 611-5 du code de commerce français) ;

– soit par une entreprise se trouvant d'ores et déjà en cessation de paiement mais depuis moins de quarante-
cinq jours (voire les articles : L. 611-4, L. 611-5 du code de commerce français).

8
Il peut également désigner un expert afin d’établir un rapport sur la situation
économique, sociale et financière de l’entreprise.

La désignation du conciliateur par le président du tribunal, est considérée comme une


annonce du début des actes procéduraux spécifiques de la conciliation.

Le président du tribunal de commerce peut désigner directement le conciliateur sans


le besoin de désigner le mandataire spécial toutes les fois qu’il apprécie que les
circonstances de la conciliation sont convenables.

Sous-section 2 : La désignation du conciliateur et la durée de sa mission

A la demande du chef d’entreprise, le président du tribunal procède à la désignation


du conciliateur, et à la différence du mandataire spécial, l’article 553, fixe la durée de la
mission du conciliateur dans trois mois renouvelables une seule fois à la demande de ce
dernier.

Les motifs de délimitation de la durée de la mission du conciliateur en 6 mois au


maximum, sachant que cette durée est d’ordre public, les parties ne peuvent convenir
autrement (ni la prolonger, ni la réduire) peuvent être regroupés comme suit :

- Il découle de la désignation du conciliateur, et pour qu’il réussisse sa mission,


de demander au président du tribunal de commerce la suspension provisoire
des poursuites individuelles contre le débiteur, qui ne peuvent se poursuivre
pour longue durée, ce qui porterait atteinte aux droits des créanciers, alors que
la procédure de conciliation est non contradictoire.

- L’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de désigner le


conciliateur, comme toutes les ordonnances relatives aux procédures de
traitement extra-judiciaire de difficultés de l’entreprise, n’est susceptible
d’aucun recours.

Le droit marocain, aurait pu limiter le pouvoir du président du tribunal de commerce


quant à la désignation du conciliateur, sachant que la mission qui lui a été assignée et les
pouvoirs qui lui sont octroyés exigent que cette mission soit confiée à celui qui répond aux
conditions d’impartialité, d’objectivité et d’indépendance, afin que ses suggestion soient
acceptées par le débiteur et les créanciers auxquelles seront sollicités de présenter des
sacrifices au profit de l’entreprise au détriment de leurs intérêts.

9
En revanche, le droit français a prévu, en vertu de l’article L-611-13, du code de
commerce, que la mission du conciliateur ne peut être exercée par

une personne ayant au cours des 4 mois précédents, perçu à quelque titre que
ce soit directement ou indirectement une rémunération ou un paiement de la
part du débiteur intéressé,
tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est
contrôlée par lui.

Dans le même sens, le droit marocain a laissé la question de la détermination des


honoraires du conciliateur au pouvoir du président du tribunal qui doit recevoir au
préalable l’acceptation du chef de l’entreprise suite à l’impossibilité de faire recours contre
les ordonnances du président du tribunal de commerce et faute de disposition juridique
l’afférente.

Sous – section 3 : L’Effort accompli par le conciliateur afin de conclure la


convention de conciliation

En application de l’article 554 du code de commerce, parmi les attributions du


président du tribunal de commerce, lors de la désignation du conciliateur, la détermination
de la mission de celui-ci. Il n’a, cependant, pas la possibilité de lui fixer un délai en dehors
de celui prévu par la loi : trois mois renouvelables une seule fois, à la demande du
conciliateur et après acceptation du chef de l’entreprise ; et ce contrairement à ce qui a été
prévu pour le mandataire spécial.

Afin d’accomplir et réussir sa mission, le président du tribunal communique,


conformément au même article au dernier alinéa, au conciliateur toutes les informations
dont il dispose concernant la situation de l’entreprise et le cas échéant, les résultats de
l’expertise accomplie conformément à l’article 552 du code de commerce.

En pratique, il reste que la conclusion de l'accord amiable dépendra dans une large
mesure de sa force de persuasion et de son sens de la diplomatie pour convaincre les
créanciers de l'entreprise à participer à son redressement.

Il faut, par ailleurs, relativiser le caractère amiable et consensuel pouvant être attribué
au traitement extra-judiciaire des difficultés que l’entreprise pourrait faire face, c'est-à-dire
de la forte présence de la liberté de la volonté d’y adhérer ou non. Cette liberté n’est pas
absolue.

C’est ainsi que l’article 555 du code de commerce, a attribué, au conciliateur afin
qu’il réussisse sa mission de négociation avec les créanciers, des pouvoirs spécifiques lui

10
permettant de les contraindre, afin qu’ils s’impliquent, positivement, dans sa mission de
conciliation surtout s’il estime que l’entreprise a besoin d’une courte ou moyenne durée
pour qu’elle se rétablisse.

En premier lieu, le législateur a doté le conciliateur de poursuivre une méthodologie


reposant sur la négociation avec les principaux créanciers en les motivant afin de conclure
une convention de conciliation.

De plus, le législateur marocain a permis, comme son homologue français, au


conciliateur ou au chef d’entreprise lorsqu’il estime que la suspension provisoire des
procédures est susceptible de faciliter la conclusion d’une convention avec les créanciers,
de saisir le président du tribunal, qui peut, après l’audition des principaux créanciers, de
rendre une ordonnance fixant la durée de la suspension dans un délai qui ne doit pas
dépasser la durée de l’accomplissement du conciliateur de sa mission.

La finalité poursuivie par cette suspension est d’interdire les créanciers ou certains
d’entre eux de réaliser des saisies ou constituer des garanties sur les biens de l’entreprise
pendant cette période.

C’est ainsi que l’article 555, alinéa 2, du code de commerce dispose que l’ordonnance
décidant la suspension provisoire des procédures suspend et interdit toute action judiciaire
engagée par tout créancier d’une créance antérieure à l’ordonnance susvisée, visant :

- L’injonction du débiteur de payer une somme d’argent


- La résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

L’ordonnance prononçant la suspension provisoire, interdit, sous peine de nullité, le


remboursement totale ou partiel de toute créance antérieure, ou le paiement aux cautions
qui s’acquitteraient les créanciers, lorsque ces garanties sont constituées antérieurement à
cette décision ainsi que l’accomplissement d’un acte en dehors de la gestion normale de
l’entreprise ou l’octroi d’une hypothèque ou gage sans autorisation du président du
tribunal.

Cependant, cette interdiction ne s’applique pas aux créances relatives aux contrats de
travail.

Par ailleurs, le conciliateur n’a pas la faculté de s’immiscer dans la gestion de


l’entreprise, il ne remplace pas le chef de l’entreprise dans la gestion, il ne l’aide même
pas dans les actes de gestion. Il peut, toutefois lui prêter conseil du fait qu’il ne soit pas
possible d’aboutir à la conclusion d’une convention avec les créanciers sauf si la gestion
de l’entreprise maintienne sa marche normale.

11
Comme la procédure de conciliation revêt, en principe, un caractère volontaire pour
les créanciers et le débiteur, l’entreprise n’étant pas encore en cessation des paiements, les
efforts du conciliateur peuvent aboutir à convaincre tous les créanciers ou les principaux
parmi eux de s’y impliquer. Le président du tribunal serait, alors, en mesure de
l’approuver.

Dans le cas où seuls les principaux créanciers ou certains parmi eux, s’engagent dans
la conciliation, le président du tribunal dispose de la faculté de l’approuver ou non, sachant
que les créanciers parties à la convention de conciliation, bénéficieront du privilège de
conciliation.

La mission du conciliateur prend fin en cas de la conclusion de la conciliation en


vertu d’un acte écrit, signé par le débiteur et les créanciers qui l’ont accepté ainsi que le
conciliateur, ce document est déposé au secrétariat greffe.

Suite aux caractères de discrétion, de rapidité et de souplesse qui marquent la


prévention externe généralement et la convention de conciliation particulièrement, cette
dernière ne peut être portée qu’à la connaissance des parties concernées ainsi qu’au
tribunal auprès duquel, est déposée la convention de conciliation.

Concernant le rapport d’expertise établi par l’expert, force est de souligner qu’il ne
doit être communiqué qu’au tribunal et au chef d’entreprise débiteur.

Sous-section 3 : Les effets de la conciliation

La convention de conciliation produit, en dépit de son caractère spécifique, les effets


du contrat prévus conformément aux règles du droit commun, ainsi que des effets spéciaux
prévus au livre V du code de commerce. C’est ce qui la démarque de la transaction régie
conformément aux règles du D.O.C.

On distingue, en ce sens, entre les effets relatifs au débiteur (A) et les effets propres
aux créanciers (B)

A- A l’égard du débiteur

I- En cas d’exécution de la convention de conciliation.

Le débiteur est tenu, conformément à la convention de conciliation, approuvée par le


président du tribunal, de redresser la situation de l’entreprise.

Les créanciers peuvent stipuler dans la convention des clauses tendant la bonne
marche de l’entreprise par l’obligation de désigner un contrôleur de gestion.

12
Le débiteur doit l’informer et s’y référer dans les cas prévus dans la convention, sans
toutefois, que l’entreprise soit mise sous tutelle.

Le débiteur demeure libre et dispose de toutes les prérogatives que lui confère le droit
de propriété en cas de l’entreprise individuelle ou les statuts en cas de l’entreprise, société
commerciale.

II- En cas d’inexécution de la convention de conciliation

En cas de manquement des engagements stipulés dans la convention de conciliation,


la responsabilité contractuelle du débiteur serait engagée, et par conséquent il serait
suffisant de demander la résolution de la convention au président du tribunal de
commerce, avec la déchéance des délais accordés en vertu de la conciliation, et ce à
l’égard des créanciers, parties à la convention, ainsi que ceux que le président du tribunal a
fixé des délais.

Le président du tribunal est seul compétent d’apprécier si l’inexécution de l’accord de


conciliation par le débiteur, nécessiterait la résolution de la convention ou non ; et ce
contrairement à ce qui a été prévu avant la loi 73/17 ou la compétence relevait à la
juridiction commerciale du fond et non à son président.

Notons aussi que si le législateur marocain ne prévoyait pas, avant l’entrée en vigueur
de la loi 73.17, l’ouverture immédiate de la procédure judiciaire, sauf en cas de cessation
des paiements, la nouveauté apportée par la loi 73/17, consiste en le passage direct à la
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire en cas d’inexécution de
conciliation.

B - A l’égard des créanciers

I- Les créanciers parties à l’accord de conciliation

a- Le privilège de conciliation

Les créanciers, parties à la conciliation ont accepté de prêter concours à l’entreprise


deux services :

- La réduction de leurs créances antérieures ou leur report.


- La présentation de fonds pour alimenter la trésorerie de l’entreprise ou la
fourniture de marchandises ou services dont le paiement serait reporté.

13
En contrepartie, ils bénéficieront du privilège de conciliation, lequel leur permet
d’être payés par priorité sur leurs contributions, avant tous les autres créanciers.

b- La suspension provisoire des poursuites :

Pour les créanciers faisant parties à la conciliation, l’interdiction d’agir en justice en


vue d’exécuter sur les biens du débiteur ou de poursuivre toute procédure à son encontre.

Cette interdiction concerne seulement les créances concernées par la conciliation.


Ceci dit, tout engagement au profit des créanciers non concernés par la conciliation donne
à leur titulaire les droits de demander sa réalisation.

Ne sont pas concernés, les engagements résultant des vices cachés ou droits
patrimoniaux ne dépendant pas du seul paiement.

II- Les créanciers ne participant pas à la conciliation

Ils ont le droit d’être payés dans les délais impartis ou dans des délais octroyés au
débiteur par le président du tribunal à la demande du débiteur.

La non-participation à la convention de conciliation ne signifie pas qu’ils pourront


obtenir, obligatoirement les créances dans leurs délais. Le droit a permis au président du
tribunal de fixer de nouveaux délais si l’intérêt de l’entreprise l’exige.

Si le législateur a misé sur la procédure de conciliation en tant que procédure extra-


judiciaire de traitement, cette dernière pourrait courir des risques qui peuvent rapprocher
l’ouverture de la procédure judiciaire.

Ces risques sont liés à l’inobservation de la discrétion sur laquelle repose la


prévention, car le prononcé de l’ordonnance de la suspension provisoire des procédures
conformément à l’article 555 du code de commerce a pour conséquence la diffusion de sa
situation au public.

D’autant plus que faute adhésion de tous les créanciers à la conciliation est
susceptible de causer immédiatement la cessation des paiements pour l’entreprise.

Il faut souligner par ailleurs, que le fait de priver les créanciers d’intenter recours
contre les ordonnances du président du tribunal trouve sa justification dans le principe de
donner la priorité aux intérêts de l’entreprise dont la situation est comprise.

14
UNIVERSITE HASSAN II
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES
ET SOCIALES, AIN SEBAA

Cours de Droit des entreprises en difficulté

Semestre 5

2021/2022

Conférences 4 et 5

BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Deuxième partie : Les Procédures judiciaires de traitement des difficultés de
l’entreprise

Le législateur Marocain à l’instar de son homologue Français, a adopté une démarche


progressive, à l’égard de l’entreprise qui connart des difficultés pouvant entrarner la
cessation de son activité.

Il faut rappeler que les dispositions du livre V, du code de commerce de 1996 ne


permettait pas l’intervention judiciaire (en tant que juridiction de fond), en cas de crise des
entreprises, sauf si elles étaient en cessation des paiements. Ce critère était la condition
indispensable pour l’intervention judiciaire afin de trouver un moyen pour sauvegarder
l’entreprise en cessation des paiements.

Mais avec l’entrée en vigueur de la loi 73/17, l’intervention du tribunal serait possible
en vertu d’une décision judiciaire, en vue de remédier aux difficultés de l’entreprise même
si elle n’était pas en cessation des paiements à travers une nouvelle procédure appelée :
procédure de sauvegarde.

Le législateur a permis au chef de l’entreprise, de saisir le tribunal conformément à la


procédure de sauvegarde, en lui octroyant les mêmes avantages que l’ouverture de la
procédure judiciaire découlant de la cessation des paiements, afin que son entreprise
puisse se rétablir.

Quoiqu’il en soit, ces procédures sont qualifiées de judiciaires du fait qu’une décision
judiciaire doive être rendue, ce qui permet au tribunal de commerce de jouer le rôle de
rapprocheur des intérêts contradictoires découlant de la situation financière délétère de
l’entreprise.

Le traitement judiciaire des entreprises en difficulté suppose l’examen de quatre


séries de questions :

1- Les conditions d’ouverture des procédures judicaires de traitement (chapitre 1)


2- Le jugement d’ouverture des procédures judiciaires (chapitre 2)
3- La phase d’observation (chapitre 3)
4- Le sort des procédures de traitement des difficultés (chapitre 4)
Chapitre 1 : Les conditions d’ouverture des procédures judiciaires

L’ouverture des procédures judiciaires signifie que le tribunal, en tant que juridiction
de fond, est saisi pour statuer sur les mesures nécessaires relatives au traitement adéquat
d’une entreprise en situation de difficultés dont la gravité est apparente.

Au stade des difficultés préalables, l’autorité judiciaire à savoir le président du


tribunal, n’avait aucun pouvoir particulier.

Les trois procédures judiciaires de traitement sont des procédures collectives, le choix
de l’une d’elles se détermine en fonction du niveau des difficultés que l’entreprise fait
face.

La procédure de sauvegarde est une procédure volontaire, dépendant de la seule


volonté du chef de l’entreprise. Or, les procédures de redressement et de liquidation,
peuvent être déclenchées par l’initiative, en plus du chef de l’entreprise, d’autres parties et
contrairement au gré du débiteur.

Les procédures collectives sont des procédures de sacrifice qui entrainent des
conséquences juridiques draconiennes aussi bien à l’égard du débiteur qu’à l’égard des
créanciers, c’est ainsi que le livre V, du code de commerce a subordonné l’ouverture de
ces procédures à la réunion de conditions rigoureuses tout du point de vue du fond
(section1) que de la forme (section2).

Section 1 : Les conditions de fond

L’ouverture de la procédure judiciaire du traitement des difficultés de l’entreprise ne


peut être opérée qu’à l’égard des personnes soumises à ces procédures (sous-section1),
lorsque leurs entreprises connaissent une situation financière critique (sous-section 2)

Sous-section 1 : Les personnes soumises à la procédure judiciaire de traitement

Conformément aux articles 561, 575 et 651du code de commerce, les procédures
judiciaires de traitement des difficultés de l’entreprises sont applicables à l’entreprise.
Celle-ci désigne selon l’article 546 du code de commerce : l’entreprise commerçant
personne physique (§1) et l’entreprise société commerciale (§2).

§1- L’entreprise : Le commerçant personne physique

Les procédures judiciaires peuvent être ouvertes à l’égard du commerçant personne


physique exerçant une activité commerciale (A) comme à l’égard d’autres personnes en
fonction de leurs qualités (B).
A- L’ouverture de la procédure à l’égard du commerçant exerçant une activité
commerciale

Sont soumises au régime des procédures judiciaires de traitement, toute personne


physique ayant la qualité de commerçant conformément au livre I du code de commerce. Il
s’agit de toute personne physique qui exerce à titre habituel ou professionnel une ou
plusieurs des activités commerciales énumérées aux articles 6,7 et 8 du code commerce.

La lecture de cette disposition permet d’avancer les remarques suivantes :

1- Selon l’article 546 du code de commerce, la personne physique soumise aux


procédures judiciaires de traitement est le commerçant que ce soit celui qui est
immatriculé au registre de commerce ou non. Ceci dit, les personnes exerçant une
profession libérale ne sont pas concernées par les dispositions relatives au traitement des
difficultés de l’entreprise prévues au livre V, puisqu’elles ne sont pas des commerçants.
2- Les dispositions de ces procédures s’appliquent également à ceux qui
accomplissent épisodiquement des activités commerciales en dépit qu’ils exercent une
autre profession. Le caractère illicite ou immoral de la profession n’empêche pas
l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à leur encontre.

De même l’exercice d’une activité commerciale en contravention avec une


interdiction, incompatibilité ou déchéance, en vertu de l’article 11 du code de
commerce, n’empêche pas l’application des procédures judiciaires sans préjudice des
sanctions pénales ou disciplinaires qui peuvent frapper l’intéressé.

3- Si la personne exerçant une activité commerciale sans remplir l’obligation


relative à l’immatriculation au registre de commerce conformément à l’article 37 du code
de commerce, elle ne peut pas selon l’article 59 du même code, demander lui-même
l’ouverture de la procédure judiciaire du traitement, puisque le commerçant non
immatriculé ne peut pas se prévaloir de sa qualité commerciale à l’égard des tiers.
4- Mais, la personne immatriculée est présumée avoir la qualité de commerçant et
est soumise à toutes les conséquences pouvant découler de cette qualité. En revanche, la
personne immatriculée par erreur pourrait échapper en vertu de l’article 58 du code de
commerce, aux procédures collectives de traitement, car cette qualité est fondée sur une
présomption simple qui admet le contraire du fait de l’absence de l’activité sur la base de
laquelle, les dispositions du livre cinq pourraient être appliquées.
5- Nonobstant la formulation de l’article 546 du code de commerce, qui semble
avoir limité le champ d’application des procédures judiciaires de traitement aux seuls
commerçants personnes physiques, il est lieu de remarquer qu’il peut s’étendre à
l’entreprise en tant qu’activité au déterminent de la personne physique. En effet, en vertu
de l’article 579 du code de commerce, l’ouverture d’une procédure collective après la
retraite ou le décès d’un commerçant, demeure possible et ce dans le délai d’un an de la
date de sa retraite ou dans un délai de 6 mois de la date de son décès, si la cessation des
paiements était antérieure à ces faits.

Soulignons, en ce sens, que les dispositions de l’article 579, ne concernent que le


redressement et la liquidation ; elles ne s’appliquent pas en revanche à la procédure de
sauvegarde, car cette dernière est ouverte conformément à l’article 561, uniquement sur
demande du chef de l’entreprise, adressée au tribunal commercial.

B- L’application de la procédure aux personnes physiques par voie de


conséquence : en fonction de leur qualité

Selon cette hypothèse, l’application des procédures judiciaires ne s’appliquent pas


aux personnes physiques en raison de leur activité, mais en fonction de leurs qualités ou
par voie de conséquence.

I- Cas des associés commerçants

Font également l’objet d’une procédure collective, les associés solidairement


responsables, dans les sociétés en nom collectif, accordant la qualité de commerçant à ses
membres, qu’ils soient gérants ou non, lorsque cette procédure est ouverte à l’égard de la
société dont ils appartiennent.

En effet, le tribunal de commerce compétent dispose, en application des dispositions


de l’article 580 du code de commerce, de la possibilité, d’ouvrir une procédure de
redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre d’un associé commerçant d’une
société en nom collectif, dans le délai d’un an à partir de sa retraite lorsque l’état de
cessation de paiements de la société est antérieur à cette retraite.

II- Les dirigeants des sociétés commerciales

Les procédures de redressement ou de liquidation judiciaires peuvent être ouvertes à


l’encontre des dirigeants des sociétés commerciales en trois hypothèses.
La première est prévue à l’article 739 du code commerce. Celui-ci dispose que « Le
tribunal doit ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’égard
des dirigeants à la charge desquels a été mis tout ou partie du passif d’une société et qui ne
s’acquittent pas de cette dette ». C’est-à-dire en cas d’inexécution d’une condamnation à
payer le passif social, par les dirigeants d’une société commerciale, le tribunal de
commerce compétent se trouve dans l’obligation de décider l’ouverture, selon le cas, d’une
procédure de redressement ou de liquidation à leur égard.

La seconde hypothèse est celle prévue à l’article 740 du code commerce


qui dispose que : « En cas de redressement ou de liquidation judiciaire d’une société,
le tribunal doit ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à
l’égard de tout dirigeant contre lequel peut être relevé un des faits ci-après :
1– avoir disposé des biens de la société comme des siens propres ;
2– sous le couvert de la société masquant ses agissements, avoir fait des
actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3– avoir fait des biens ou du crédit de la société un usage contraire à
l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise
dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4– avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation
déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la société ;
5– avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparartre des documents
comptables de la société ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité conforme aux
règles légales ;
6– avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif où frauduleusement
augmenté le passif de la société ;
7– avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière »

A la différence des deux premières hypothèses qui contiennent une obligation pour le
tribunal de décider de l’ouverture des procédures de redressement ou de liquidations
judiciaire à l’égard de certains dirigeants, La dernière hypothèse ne prévoit qu’une faculté
pour le tribunal de faire supporter en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, à tous les
dirigeants ou seulement certains d’entre eux, l’insuffisance d’actif apparue par une
procédure de redressement ou de liquidation concernant une société commerciale, lorsque
l’insuffisance, est due à une faute de gestion imputable aux dirigeants. C’est ce qui ressort
de l’article 738 du code de commerce.

A partir de ces dispositions, le législateur a voulu immuniser le patrimoine de la


société du dirigeant qui, sous le couvert de la personne morale, a fait des actes de
commerce dans un intérêt personnel ou a abusivement poursuivi une exploitation
déficitaire.
III- Le tuteur testamentaire ou datif

L’article 14 du code de commerce : « En cas d'ouverture d'une procédure de


redressement ou de liquidation judiciaire imputable à la mauvaise gestion du tuteur
testamentaire ou datif, ce dernier est passible des sanctions prévues au titre V du livre V de
la présente loi.», devenu titre VII après l’entrée en vigueur de la loi 73/17.

Conformément au titre VII du livre 5 du code de commerce, relatif aux sanctions


contre les dirigeants de l’entreprise, les procédures s’étendent au tuteur testamentaire ou
datif, en cas d’ouverture de la procédure à l’encontre de l’entreprise du mineur à cause de
leur mauvaise gestion.

IV- L’extension de la procédure à une autre entreprise

L’article 585 alinéa 1 du code de commerce prévoit que si le tribunal a remarqué, à


l’occasion de connaitre d’une affaire relative à une entreprise en cessation des paiements,
quel que soit sa forme juridique, individuelle ou ayant la personne morale, que son
patrimoine s’interfère avec le patrimoine d’une ou plusieurs autres entreprises, le syndic a
la possibilité de demander au tribunal d’y étendre l’ouverture de la procédure judiciaire de
traitement.

C’est ainsi que le tribunal de commerce de Rabat, avait eu l’occasion d’étendre la


procédure à des entreprises dont le patrimoine a été intégré à celui d’autres entreprises.

Le jugement énonce ce qui suit :« il résulte de la vérification des documents de


l’affaire, par le tribunal, qu’il y ait confusion du patrimoine de l’entreprise, objet de la
demande d’extension avec les entreprises à l’encontre desquelles une procédure de
redressement judiciaire est ouverte… et ce qui prouve cette confusion du patrimoine, c’est
que la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée, est opérée sous le même numéro, idem
pour la taxe professionnelle, ainsi que la société concernée par la demande d’extension
exerce la même activité.

§2 : L’Entreprise, société commerciale

En vertu de l’article 546 du code de commerce, les procédures collectives sont


applicables, en plus des personnes physiques, aux sociétés commerciales par la forme ou
par l’objet.

Il s’agit en l’occurrence des sociétés anonymes, société en nom collectif, société en


commandite simple, en commandite par action, la société à responsabilité limitée à
plusieurs associés ou d’associé unique, et de la société en participation lorsque son objet
est commercial, ainsi que le groupement d’intérêt économique à caractère commercial.
Il en découle que l’ouverture de la procédure collective ne suppose pas que la société
jouisse de la personnalité morale, ce qui permettrait d’intégrer la société de participation
dans le champ d’application des procédures collectives.

Or, en droit français, les procédures collectives sont applicables à toutes les
personnes morales de droit privé à savoir les sociétés civiles, les associations, les sociétés
agricoles, clubs sportifs, les syndicats. La nature civile ou commerciale de la personne
morale n’est pas prise en considération. C’est ce qui découle de l’article L-602-2 du code
de commerce français

De même, la non exigence de la personnalité morale a pour conséquence,


l’application des procédures collectives à la société en participation, la société de fait, et la
société crée de fait.

Sous – section 2 : La situation financière de l’entreprise

Depuis l’entrée en vigueur du code de commerce de 1996, la cessation des paiements


était et le critère sur la base duquel le tribunal de fond peut être saisi ou non de l’affaire
d’une entreprise. En s’inspirent du droit Français, le droit marocain a consacré la règle de
l’immunité judiciaire au profit du débiteur dont la situation financière a atteint la cessation
des paiements.

Avec la dernière modification apportée par la loi 73/17, l’immunité judiciaire peut
être désormais attribuée aux entreprises même avant la cessation des paiements en cas
d’ouverture de la procédure de sauvegarde (§1) et lorsque le fait de cessation des
paiements se confirme, les procédures de redressement ou de liquidation devront être
ouvertes (§2).

§1 : Faute de cessation des paiements comme condition de la procédure de


sauvegarde

L’article 561 du code de commerce dispose que : « La procédure de sauvegarde peut


être ouverte sur demande d’une entreprise qui, sans être en cessation des paiements, fait
face à des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter et qui pourraient entrarner
dans un proche délai la cessation des paiements… ».

Il en découle que la procédure de sauvegarde est applicable à l’entreprise n’étant pas


en cessation des paiements, fait face à des difficultés ne pouvant être remédiées par ses
propres moyens, et qui sont de nature à entrainer dans un prochain délai la cessation des
paiements.

Si l’article 561 est pris littéralement de l’article L120-1 du code de commerce


français, la condition selon laquelle « les difficultés conduisent à la cessation des
paiements » a été supprimée en vertu d’une ordonnance présidentielle afin de motiver les
débiteurs à recourir à cette procédure.

La procédure de sauvegarde est un mécanisme juridique anticipé mis à la disposition


des chefs d’entreprises, leur permettant de bénéficier de l’immunité judiciaire dont les
conséquences sont, l’interdiction du paiement de créances antérieures, la suspension des
poursuites individuelles, la suspension des voix d’exécution.

Se soulève, en revanche, la question de la date de l’existence des difficultés ne


pouvant être remédiées, la date de présentation de la demande d’ouverture de la procédure
et la date du jour ou le tribunal statue sur la demande. Car il se peut que la présentation de
la demande soit faite, certes, en l’absence de la cessation des paiements, mais le jour du
prononcé de la décision coïncide avec la réalisation de la cessation des paiements.

L’article 564, a prévu cette situation en disposant que : « S’il apparart après
l’ouverture de la procédure de sauvegarde que l’entreprise était en cessation des paiements
à la date du jugement prononçant l’ouverture de ladite procédure, le tribunal constate la
cessation des paiements, en fixe la date conformément aux dispositions de l’article 713 du
code de commerce et prononce la conversion de la procédure de sauvegarde en
redressement judiciaire ou liquidation judiciaire conformément aux dispositions de
l’article 583.

En cas de conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, le


tribunal peut, en tant que de besoin, proroger la durée restant à courir de la préparation de
la solution et ce sous réserve des dispositions du 2ème alinéa de l’article 595».

§2 : La cessation des paiements comme condition de l’ouverture de la procédure de


redressement ou de liquidation judiciaire

L’article 575du code de commerce a réaffirmé le principe traditionnel d’ouverture


des procédures collectives, consacré par le code de commerce français de 1807, et la
première loi relative à la liquidation judiciaire de 1838, à savoir la cessation des
paiements.
Ce principe qui a été prévu également par l’article 197 du droit commercial marocain
de 1913 qui dispose que « le commerçant qui a cessé de payer son passif est considéré en
état de faillite ».

La règle de cessation des paiements est un principe toujours lié au régime des
procédures collectives, dont le régime moderne ne s’en est pas libéré. Mais, il s’avère
légitime de s’interroger si ce principe est constant ou évolutif.

Il faut rappeler que la cessation des paiements, sépare les procédures volontaires de
traitement, et le moment de l’intervention judiciaire obligatoire.

Il ne pourra y a avoir lieux d’une intervention judicaire, redressement, ou liquidation,


en vertu d’un jugement judiciaire qu’à partir de la réalisation de la cessation des
paiements.

Et si le principe de la cessation des paiements est une condition nécessaire pour


l’ouverture de la procédure judiciaire de traitement, comme c’était le cas de la déclaration
de la faillite d’un commerçant ou société commerciale, ses déterminants et ses acceptions
diffèrent d’un régime à un autre suite aux différences des objectifs et des priorités, et c’est
ce qui explique l’adoption du même principe avec des contenus différents.

Le régime de la faillite en vertu de l’article 197 du droit commercial de 1913,


adoptait une acception de la cessation des paiements qui rimait avec les finalités de ce
régime. La cessation des paiements désignait un acte émanent du commerçant débiteur
lorsqu’il cesse de payer les dettes de ses créanciers.

Le contenu relatif de la cessation des paiements sous le règne du régime de la faillite


va de pair avec le caractère répressif de ce régime, du fait que l’objectif escompté de la
faillite était la répression du commerçant qui n’honorait pas à ses engagements à l’égard
de ses créanciers.

Le droit marocain de 1913 ainsi que les droits comparés ont adopté la dimension
juridique, rigide soit elle, il suffit que le commerçant débiteur cesse de payer ses créances,
afin qu’il soit déclaré failli, sans tenir compte des circonstances l’ayant conduit, à ne pas
payer son passif, si ces circonstances sont volontaires ou involontaires.

La cessation des paiements aurait un nouveau contenu et des finalités différentes,


avec le régime du traitement des difficultés de l’entreprise.

Le législateur ne s’est pas cantonné de subordonner l’ouverture des procédures


collectives à la seule confirmation de la cessation des paiements mais d’en connaitre la
nature et les causes.
Essayons d’examiner les trois composantes de la cessation des paiements.

1- Le passif exigible

C’est le passif qui n’a pas été payé, alors qu’il aurait dû l’être.

La dette impayée doit être liquide, c'est-à-dire doit être évaluée en argent, ou résulter
d’un titre qui contient tous les éléments permettant cette évaluation.

La dette doit être exigible, c'est-à-dire échue et susceptible d’exécution forcée. Le


débiteur qui refuse de payer une dette non échue gère sa trésorerie de manière normale.

Le paiement de la dette doit être demandée, une mise en demeure est nécessaire pour
constater la défaillance d’un débiteur.

Si le débiteur à bénéficier d’un délai des paiements, notamment à l’occasion d’un


règlement amiable, sa dette cesse d’être exigible.

La dette doit aussi être certaine, c'est-à-dire indiscutée dans son existence et dans son
montant.

L’article 575 du code de commerce ne distingue pas entre les dettes commerciales et
les dettes civiles, afin d’interdire les commerçants malhonnêtes à s’acquitter des dettes
civiles et proroger les créances commerciales ce qui porterait atteinte à leurs titulaires.

2-L’insuffisance de l’actif disponible :

L’actif disponible est la trésorerie de l’entreprise. Le tribunal doit donc s’assurer de


son contenu à partir des sommes que l’entreprise peut en disposer immédiatement, soit
parce qu’elles sont liquides, soit parce que leur conversion en liquide est possible à tout
moment et sans délai comme :

- La caisse, solde créditeur des comptes bancaires, effets de commerce ou


valeurs mobilières cotées en bourse.

- Crédits utilisables à vue.


Par ailleurs, l’insuffisance de l’actif disponible consiste en la cessation
matérielle des paiements comme l’émission des chèques sans provision, la fermeture de
l’entreprise et la disparition. Elle peut consister également en le fait que, le débiteur, tout
en faisant face à ses échéances, utilise des moyens frauduleux, factices ou ruineux, pour se
procurer des liquidités. Ceci est notamment le cas de l’émission des effets de
complaisance, de la vente de ses marchandises à perte ou de contracter des emprunts qu’il
ne pourra manifestement pas rembourser.
Le tribunal n’accepte pas l’ouverture de la procédure judiciaire du traitement que
lorsque le débiteur en apporte la preuve.

Section 2 : Les conditions de forme

Le jugement d’ouverture de la procédure collective constitue un facteur créant la


situation de traitement judiciaire et non pas uniquement un élément révélateur comme
c’était le cas dans le cadre du droit de la faillite.

Ceci étant, le législateur marocain s’est employé de régir les conditions de forme
relatives aux procédures judiciaires de traitement, sauvegarde, redressement ou
liquidation, tenant compte des particularités marquant ces procédures qu’il s’agisse des
règles de compétence (sous-section1) ou celles relatives à la saisine du tribunal (sous-
section2).

Sous-section 1 : Les règles de compétence

Si la loi 53/95 de 1997 instituant les juridictions de commerce n’a pas prévu la
compétence de ces juridictions en matière des difficultés de l’entreprise, aussi bien à
l’article 5 qu’à l’article 9, elle l’a cependant prévue à l’occasion de la détermination de la
compétence territoriale à l’article 11 qui dispose « à l’exception de l’article 28 du code de
procédure civile, les actions sont présentées :

- Concernant les difficultés de l’entreprise, au tribunal commercial dans le


ressort duquel relève l’établissement principal du commerçant ou le siège social de la
société ».

Ceci dit, les juridictions de commerce sont seules compétentes de connaitre, à titre
limitatif, des affaires relatives aux difficultés de l’entreprise, quelle que soit la nature de la
créance conduisant l’entreprise à la cessation des paiements.

La compétence matérielle, s’attribue à la juridiction de commerce conformément à la


qualité du débiteur. De même, l’article 581 du code de commerce dispose qu’elle est
compétente également pour connaitre de toutes les actions y afférentes.

La compétence territoriale est déterminée en fonction du lieu de l’établissement


principale du commerçant ou celui du siège social de la société (l’article 11 de la loi
53/95).
Sous –section 2 : Différenciation des modalités de saisine du tribunal

La saisine du tribunal compétent, pour l’ouverture des procédures judiciaires


de traitement des difficultés de l’entreprise ne s’opère pas en suivant le même
cheminement. L’on distingue alors entre celui relatif à la procédure de sauvegarde (§1)
consacrant ainsi le caractère volontaire du chef de l’entreprise et celui propre aux
procédures de redressement et liquidation judiciaires dont l’éventail des parties pouvant
intervenir est relativement large (§2).

§1 - Monopole du chef de l’entreprise : la sauvegarde

L’article 561 du code de commerce, limite le droit de saisir le tribunal pour demander
l’ouverture de la procédure de sauvegarde, au chef de l’entreprise. Aucune autre partie, ne
peut y procéder en cas négligence du chef de l’entreprise.

En revanche, les associés peuvent y procéder, en cas de révocation du gérant, qu’il


s’agisse d’une révocation judiciaire ou par leur initiative,

§ 2 - Pluralité des modalités de saisine concernant la procédure de redressement ou


de liquidation

La saisine du tribunal de commerce en vue de l’ouverture des procédures de


redressement ou de liquidation judiciaires est régie par les articles de 576 à 578 du code de
commerce.

A- La saisine par le chef de l’entreprise

Contrairement à l’article 561 du code de commerce dans sa version ancienne qui


déterminait le délai de 15 jours à partir de la cessation des paiements, pour le chef de
l’entreprise de demander l’ouverture de la procédure judiciaire de redressement, l’article
576 de la nouvelle loi 73/17 fixe un délai maximum de 30 jours dans lequel le chef de
l’entreprise devrait demander l’ouverture de la procédure de redressement.

Sous réserve des sanctions prévues à l’article 747 du code de commerce, ce délai est
de nature spéciale qui n’est pas soumis aux causes de rupture, de suspension ou même de
déchéance en cas de non-respect.

L’objectif poursuivi par ce délai est de motiver le chef d’entreprise d’entamer


promptement cette procédure avant que la situation de l’entreprise en cessation des
paiements ne s’aggrave encore.

En effet, l’article 577 du code de commerce prévoit que le chef d’entreprise


requérant, en précisant les motifs de la cessation des paiements, doit déposer sa demande
auprès du secrétariat greffe contre récépissé. Il doit également l’accompagner des
documents définis par l’article 577 du code de commerce afin de permettre au tribunal de
constituer une vision complète et claire sur la situation de l’entreprise.

Le tribunal peut demander l’accomplissement de n’importe quelle formalité pouvant


réaliser la même finalité.

Dans le cas où la déclaration opérée par le débiteur est incomplète ou non conforme à
ce qui est dument demandé, le tribunal peut la rejeter, après avoir averti le débiteur.

B- La saisine par le créancier

En vertu de l’article 578, un ou plusieurs créanciers peuvent saisir le tribunal pour


l’ouverture de la procédure de redressement ou liquidation, par une requête introductive
d’instance.

L’action ne peut être acceptée que si le créancier a institué le non-paiement de la


créance échue, sur le fait de la cessation des paiements.

Les salariés ne peuvent présenter une requête introductive d’instance, en cette qualité
contrairement au droit français, sauf s’il est constaté qu’un salarié avait une créance à
l’égard de l’entreprise, il exercera, ce droit, en tant que créancier et non salarié. Il peut
ainsi aviser le tribunal ou informer le parquet du fait de la cessation de l’entreprise de ses
paiements pour d’autres créances.

En cas de renonciation du débiteur ou du créancier, de droit de demander l’ouverture


de la procédure judiciaire, le tribunal ne se trouve pas obligée de s’aligner sur cette
décision.
Le concept du contentieux qui offre aux litigants la prérogative d’enclencher l’action
et sa direction, ainsi que sa renonciation, n’est pas pris en considération, lorsqu’il s’agit du
régime des difficultés de l’entreprise. Le rôle du tribunal change, ainsi, de sa nature
impartiale, neutre et passive à une nature interactive. Il devient une partie à l’action,
puisqu’on lui a reconnu la faculté de déclencher d’office l’ouverture de la procédure, en
cas de cessation des paiements. Ceci constituerait, de ce fait, une exception aux règles
générales de droit de la procédure civile.

B- L’ouverture d’office de la procédure par le tribunal

L’article 578, alinéa 2 du code de commerce dispose que : « Le tribunal peut aussi
se saisir d’office… ». La reconnaissance au tribunal1 le droit de déclencher de son
initiative la procédure judiciaire de redressement ou de liquidation judiciaires, constitue
une dérogation à une règle procédurale constante selon laquelle : « le tribunal ne juge que
ce qui lui a été demandé ».

Singularisant le système juridique marocain des procédures collectives, l’ouverture


automatique de la procédure judiciaire de redressement ou de liquidation, n’est plus
adoptée par le droit français qui l’a annulée en vertu de l’ordonnance n° 1088-2014,
rendue le 26 septembre 2014, conformément à une décision du conseil constitutionnel
français rendue le 7 décembre 2012.

Par ailleurs, il faut souligner que le législateur marocain, a permis en vertu de l’article
564 du code de commerce, au tribunal de décider la conversion de la procédure de
sauvegarde en une procédure de redressement ou de liquidation, s’il a constaté en statuant
sur la demande d’ouverture de la sauvegarde, que l’entreprise était en cessation des
paiements.

De surcrort, le tribunal peut, en application des dispositions de l’article 572 du code


de commerce, décider soit de son initiative ou sur demande de l’un des créanciers, la
conversion de la procédure de sauvegarde en une procédure de redressement ou de

1
La cour d’appel de commerce peut juger l’ouverture de la procédure en cas d’annulation du jugement rendu par
la juridiction de premier degré.
liquidation judiciaire, dans le cas où le chef de l’entreprise ne respecte pas les termes du
plan de sauvegarde.

Quoiqu’il en soit, le tribunal peut obtenir information de la part des administrations


publiques, l’administration fiscale, la caisse nationale de la sécurité sociale, des créanciers,
banques et du commissaire aux comptes s’il en existe.

Le tribunal peut également s’informer auprès des associés et des représentants des
salariés, sachant qu’ils sont des parties n’étant pas autorisées à demander l’ouverture de la
procédure de redressement ou de liquidation, par le droit marocain contrairement au droit
français qui a prévu cette faculté mais uniquement pour les salariés.

C- L’ouverture de la procédure sur demande du ministère public ou sur renvoie du


président du tribunal

La reconnaissance au ministère public de la possibilité, prévue à l’article 578 du code


de commerce, de demander l’ouverture de la procédure, s’inscrit dans le cadre d’une
approche globale du droit marocain. Il s’agit du rôle attribué au ministère public près des
juridictions commerciales à protéger l’ordre public économique.

Réputé comme voix alternative en cas de manquement de la part du tribunal, du


débiteur ou des créanciers, le ministère public chargée de la mission de demander
l’ouverture de la procédure, n’a pas été clairement définie par le législateur. Une partie de
la doctrine marocaine qu’il s’avère soutenable, affirme que cette mission pourrait
accomplie par le ministère public près aussi bien du tribunal de commerce que du tribunal
de première instance, toutes les fois, qu’il ait connaissance qu’une entreprise est en
cessation des paiements.

Par ailleurs, l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires,


peut être décidée par le tribunal compétent sur renvoie du président du tribunal, qui
constate le désengagement du chef de l’entreprise de l’accord de conciliation, par une
ordonnance non susceptible d’aucun recours.
UNIVERSITE HASSAN II
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES
ET SOCIALES, AIN SEBAA

Cours de Droit des entreprises en difficulté

Semestre 5

2021/2022

Sixième conférence

BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Chapitre 2 : Le jugement d’ouverture des procédures judiciaires de
traitement
La décision d’ouverture de l’une des procédures judiciaires de traitement avec tous
les intérêts qui s’y rapportent ont fait que le code de commerce oblige le tribunal
d’accomplir un certain nombre de procédures antérieures (section 1) au prononcé du
jugement (section 2) en respectant certaines formalités (section 3).

Section 1 : Actes antérieurs au jugement d’ouverture des procédures

Il s’agit de la convocation du chef de l’entreprise pour son audition à la chambre du


conseil (sous-section1), l’audition des parties autres que le débiteur (sous-section 2), la
désignation d’un expert (sous-section 3), et ce avant de fixer un délai pour prononcer le
jugement (sous-section 4).

Section 1 : Audition obligatoire du chef de l’entreprise

Conformément aux articles de 563 et 582 du code de commerce, le tribunal ne peut se


décider sur l’ouverture de la procédure, qu’après avoir auditionné le chef de l’entreprise
quel que soit le moyen par lequel le tribunal a été saisi de l’affaire.

Les procédures judiciaires de traitement ne sont pas mises en place au profit


uniquement du débiteur et de ses créanciers, mais au service d’un intérêt aussi global. Il en
est ainsi de la recherche d’une sauvegarde possible à l’entreprise et pour assurer la
pérennité de son activité.

Sous-section 2 : Auditions facultatives d’autres parties

L’alinéa 2 des articles 563 et 582, disposent que le tribunal peut auditionner
également toute personne dont l’audition lui paraît utile sans qu’elle puisse invoquer le
secret professionnel.

Le tribunal peut, de ce fait, entendre l’un ou plusieurs créanciers, le commissaire aux


comptes s’il en existe, les salariés, les banques. L’audition peut se faire en chambre de
conseil comme elle peut se dérouler devant un juge désigné à cette fin.

Sous-section 3 : Possibilité de désignation d’un expert

Les articles 563 et 582, à leur deuxième alinéa, ont permis au tribunal, avant de
prononcer le jugement d’ouverture de la procédure judiciaire de traitement de désigner un
expert ou demander l’avis de toute personne ayant une certaine expertise.
Les deux dispositions susmentionnées n’exigent pas que l’expert appartienne à un
corps professionnel dument organisé. Il suffit que le tribunal apprécie sa compétence à
donner son avis sur les points qu’il juge, nécessitant une explication ou un éclaircissement
de la part d’un spécialiste.

Sous-section 4 : Délai de prononcé du jugement

Le souci de promptitude de mettre la main par le tribunal sur l’entreprise menacée ou


étant en cessation des paiements, explique le court délai prévu par le législateur du code de
commerce. C’est ainsi que les articles 582 et 563 ont fixé un délai de 15 jours qui court à
partir de la saisine du tribunal.

Section 2 : Le contenu du jugement d’ouverture de la procédure

Avant d’aborder la désignation des organes des procédures judiciaires de traitement


des difficultés de l’entreprise (sous-section 2), on envisagera les contours du jugement
accordant ou refusant l’ouverture de la procédure (sous-section1)

Sous-section 1 : Jugement accordant ou refusant l’ouverture de la procédure

Les contours du jugement décidant l’ouverture de la sauvegarde (§1) diffère de ceux


inhérents au jugement prononçant l’ouverture de redressement ou de liquidation (§2).

§1 : Procédure de sauvegarde

A l’occasion de connaitre de la demande d’ouverture de la procédure de sauvegarde,


présentée par le chef de l’entreprise, le tribunal de commerce est tenu d’apprécier la
qualité juridique du requérant. Il doit s’assurer que la situation de l’entreprise connait des
difficultés financières, économiques, sociales ou juridiques dont elle ne peut pas y
remédier par ses propres moyens et qui peuvent conduire dans le plus proche délai à la
cessation des paiements.

Conformément aux dispositions de l’article 561, alinéa 2 et 3, la demande doit


indiquer la nature des difficultés de l’entreprise et être accompagnée des documents prévus
à l’article 577 du code de commerce.

De plus, le chef de l’entreprise doit, sous peine d’irrecevabilité, accompagner sa


demande d’un projet de plan de sauvegarde qui doit être apprécié par le tribunal en ce qui
concerne tous les engagements nécessaires à la sauvegarde de l’entreprise, les moyens
susceptible de maintenir son activité, ses financements, les modalités d’apurement du
passif ainsi que les garanties accordées pour l’exécution dudit projet.
§2 : Procédures de redressement et de liquidation judiciaire

Etant donné l’importance de la cessation des paiements, comme critère de distinction


entre la phase judiciaire volontaire de celle involontaire, le code de commerce lui a
réservée un article unique dans une section indépendante du chapitre XI du titre VI du
livre 5 afin de fixer la date de la cessation des paiements (A) avec la confirmation d’une
procédure de report de cette date (B).

A- Détermination de la date de cessation des paiements

L’article 713 dispose que : « le jugement d’ouverture de la procédure fixe la date


de cessation des paiements, qui ne peut être, dans tous les cas, antérieure de plus de 18
mois à celle de l’ouverture de la procédure ».

Il en ressort que même s’il s’est avéré au tribunal, d’après la déclaration du


débiteur ou des documents présentés ou par n’importe quel moyen, que la date de
cessation des paiements devait avoir une date antérieure très lointaine, la durée devant être
prise en compte est celle de dix-huit mois antérieurs à l’ouverture de la procédure.

Ce faisant, la période s’étendant entre la cessation des paiements en fait et le


jugement la constatant en droit est dite période suspecte. L’intérêt de détermination de la
date de cessation des paiements dépend du souci à ce que le débiteur ne cherche à
dilapider ses biens, à rompre l’égalité entre ses créanciers.

Par ailleurs, si le tribunal ne parvient pas à identifier exactement la date de


cessation des paiements, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du
jugement.

B- Report de la date de cessation des paiements

Etant conscient des difficultés relatives à la fixation précise de la cessation des


paiements et de la contrainte relative au court délai imparti au tribunal pour rendre le
jugement d’ouverture de la procédure, le législateur a reconnu au tribunal le pouvoir de
reporter en arrière la date de la cessation des paiements, fixée lors du jugement
d’ouverture de la procédure, une ou plusieurs fois.

Cette faculté prévue à l’alinéa 3 de l’article 713 du code de commerce, est


subordonnée à la réunion de certaines conditions. La première réside au fait que la partie
ayant le droit de demander le report n’est que le syndic. Ceci dit, le débiteur et les
créanciers désirant un tel report doivent le solliciter du syndic qui renvoit, à son tour la
demande au tribunal. Ce dernier dispose du pouvoir d’apprécier la demande de report et
partant soit de l’accepter soit de la rejeter.
La deuxième condition se rapporte au délai de présentation de la demande du
report de la date de la cessation des paiements. Elle doit être présentée avant l’expiration
des quinze jours suivant le jugement arrêtant le plan de continuation ou de cession, ou
suivant le dépôt de l’état des créances, si la liquidation judiciaire a été décidée.

Sous-section 2 : Désignation des organes de la procédure

La loi 73/17 a consacré le titre VI du livre V aux règles communes aux procédures de
sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires. Le chapitre premier a été dédié
aux organes que le jugement d’ouverture doit désigner, appelés les organes de procédure.

Il faut préciser à cet égard, que le jugement d’ouverture des procédures judiciaires, a
pour effet de changer la situation juridique de l’entreprise. Celle-ci est devenue sous tutelle
du tribunal qui se charge du déroulement de son activité et de son issue, et ce à travers
certains organes prévus à l’article 670 du code de commerce. Ce dernier exige que le
jugement d’ouverture doit contenir la désignation du juge commissaire et de son suppléant
(§1), et du syndic (§ 2).

§1 : Le juge commissaire et le suppléant

L’article 671 dispose que « le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement


rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence ».

Le juge commissaire statue, en vertu de l’article 672 du code de commerce, par


ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence,
notamment les demandes en référés et provisoires et actes provisoires relatifs à la
procédure, ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes du syndic.

Pour la consécration des principes de transparence et de crédibilité, l’article 670 du


code de commerce, a interdit l’attribution de la mission du juge commissaire aux parents
jusqu’au quatrième degré inclusivement ou alliés du chef de l’entreprise ou des dirigeants.

Parmi les nouveautés apportées par la loi 73/17, à travers l’article 670 du code de
commerce, la désignation d’un suppléant du juge commissaire qui serait investi des
mêmes missions en cas d’empêchement de ce dernier.

Le juge commissaire prend toutes les décisions qui concernent la gestion de


l’entreprise au cour de la période de l’élaboration de la solution comme l’autorisation au
syndic ou au chef de l’entreprise de constituer une hypothèque ou un gage ou la
conclusion d’une transaction ou conciliation, ou encore ordonner d’office ou sur demande
du syndic ou d’un créancier un paiement anticipé d’une partie de la créance. Toutes les
décisions prises en ce sens sont des ordonnances gracieuses.
Mais le juge commissaire peut rendre des ordonnances juridictionnelles dans le cadre
de la résolution des différents litiges s’élevant entre diverses parties désignées dans le
cadre des procédures. Il en est ainsi de l’ordonnance d’annulation ou refus d’annulation de
déchéances des dettes non déclarées dans les délais impartis.

§2 : Le syndic

Le syndic constitue la pierre angulaire et le principal mobilisateur des procédures de


redressement et de liquidation judiciaire et le contrôleur de l’exécution du plan de
sauvegarde. C’est ce qui ressort de l’article 670 du code de commerce.

Les missions du syndic divergent selon qu’il s’agisse de la procédure de la


sauvegarde, ou il serait amené à contrôler l’exécution du plan de sauvegarde, ou de la
procédure de redressement ou de liquidation judiciaires ou il serait amené à gérer les
opérations de redressement ou de liquidation judiciaires à partir de la date du prononcé du
jugement d’ouverture de la procédure jusqu’à sa clôture.

Le syndic tient informé le juge commissaire du déroulement de la procédure et de


tous les actes document relatifs à la procédure.

Par ailleurs, si le juge commissaire est l’organe compétent de connaître de toutes les
réclamations formulées par le débiteur, des créanciers ou de l’un parmi eux1, contre les
actes du syndic, il ne peut le révoquer ou le substituer, dans la mesure où ces décisions
relèvent de la compétence du tribunal.2

Section 3 : Publicité et notification du jugement d’ouverture des procédures

L’article 584, auquel renvoie l’article 563, dispose, à son premier alinéa, que : « Le
jugement d’ouverture de la procédure prend effet à partir de sa date. Il est mentionné sans
délai aux registres du commerce local et central ».
1
Et ce conformément à l’article 672 du code de commerce
2
C’est ainsi que l’article 677 du code de commerce dispose que : « Le tribunal peut remplacer le syndic à la
demande :
– du ministère public ;
– de l’assemblée des créanciers dans le cas où sa constitution est exigée conformément à l’article 606 ci-dessus ;
– du juge commissaire d’office ou sur réclamation du chef de l’entreprise ou d’un créancier ;
– du chef de l’entreprise ou du créancier dont la réclamation n’a pas fait l’objet de décision par le juge
commissaire dans un délai de 15 jours.
Le syndic révoqué est tenu de remettre au nouveau syndic tous les documents relatifs à la procédure et un rapport
des comptes y attachés dans un délai de 10 jours à compter de la date de sa révocation. Le syndic révoqué reste
tenu au secret professionnel ».
Vu l’élément d’urgence, le jugement produit ses effets même à l’égard des tiers à
compter de sa date. C’est-à-dire indépendamment de toute publicité.

Par ailleurs, l’alinéa 2 du même article dispose que : « Dans les huit jours de la date
du jugement, un avis de la décision comportant la dénomination de l’entreprise telle
qu’elle figure au registre de commerce et son numéro d’immatriculation audit registre, est
publié par le greffier dans un journal d’annonces légales et au « Bulletin officiel». Il invite
les créanciers à déclarer leurs créances au syndic désigné. Cet avis est affiché au panneau
réservé à cet effet au tribunal immédiatement après que ce dernier prononce le jugement.

Le jugement doit être mentionné sur les livres de la conservation foncière, les
registres d’immatriculation des navires et aéronefs et les autres registres assimilés, selon le
cas. Dans le délai de huit jours, le jugement est notifié au chef de l’entreprise et au syndic
par les soins du greffier ».
Chapitre 3 : Période d’observation
Le législateur marocain a mis en place une procédure relative au choix de la solution
adéquate pour l’entreprise. Le législateur français a, à son tour adopté la même procédure
qu’il a appelé la période d’observation.
Période suivant immédiatement le prononcé du jugement d'ouverture d'une procédure
de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque l'exploitation
de l'activité de l'entreprise est maintenue 1. Elle permet au tribunal d'apprécier les chances
de redressement de l'activité par l'établissement d'un bilan économique et social.
Plusieurs points méritent d’être analysés dans le cadre de cette période. Le premier
est relatif à l’élaboration du bilan et du projet de plan (section 1), tandis que le deuxième
se rapporte à la situation de l’entreprise (section 2). Or, le dernier portera sur la situation des
créanciers (section 3).

Section 1 : Le bilan financier, économique et social de l’entreprise et l’élaboration


du plan du sort de l’entreprise

Avant d’aborder le projet de plan (sous-section 2), on envisagera en premier lieu le


bilan (sous-section 1).

Sous-section 1 : Le bilan financier, économique et social de l’entreprise

§1 : L’élaboration du bilan par le syndic


Conformément aux articles 569 et 595 du code de commerce, le législateur marocain a
confié la mission d’élaboration du bilan économique et social de l’entreprise au syndic avec
le concours effectif du chef de l’entreprise.
Par ailleurs, force est de constater que le syndic dispose des mêmes prérogatives
attribuées au président du tribunal de commerce et du conciliateur dans le cadre de la
prévention externe. C’est ainsi que le syndic peut, selon l’article 597 du code de
commerce, obtenir communication des informations de nature à lui donner une idée exacte
sur la situation économique et financière de l’entreprise, et ce de la part de toutes les
parties ayant relation avec l’entreprise.
Le syndic ne peut être opposé du secret professionnel à l’égard de toutes les parties
quelle qu’en soit la nature, car il exerce sa mission d’investigation sous la supervision et le
contrôle du juge commissaire.
§2 : Le contenu du bilan
Sur le plan économique et financier, le bilan doit comporter la situation financière et
comptable et constater l’actif et le passif de l’entreprise et analyser la situation de
l’entreprise par rapport à l’environnement économique général. Ce rapport serait alors plus

1
C’est-à-dire dans le cas prévu à l’article 652 du code de commerce qui dispose que : « Lorsque l’intérêt général ou l’intérêt des créanciers nécessite
la continuation de l’activité de l’entreprise soumise à liquidation judiciaire, le tribunal peut autoriser cette continuation pour une durée qu’il fixe,
soit d’office soit à la demande du syndic ou du procureur du Roi ».
clair et facile à élaborer pour les entreprises qui tiennent une comptabilité régulière et
dispose d’un commissaire aux comptes.
Sur le plan social, le rapport éclaire la situation du travail et de l’emploi au sein de
l’entreprise concernant le nombre des postes d’emploi, la structure des salaires et les
relations du travail existantes notamment les relations collectives. Il indique également la
capacité de l’entreprise à gérer ses salariés ainsi que la masse des salaires.
Sur le plan matériel, les informations recueillies par le syndic sont aménagées sous la
forme d’un rapport conformément aux articles 569 et 595 du code de commerce. Il faut
préciser qu’il ne s’agit pas d’un exposé comptable en tant que tel, mais d’un exposé global de
la situation financière, économique, sociale et juridique de l’entreprise.
Sous-section 2 : Le projet de plan du sort de l’entreprise

§1- l’élaboration du projet de plan


Outre l’élaboration du bilan constatant une réalité passée de façon précise, le
législateur a confié au syndic d’autres missions. Il est investi également de la mission de
proposer au tribunal l’approbation ou le rejet du projet de plan de sauvegarde élaboré et
présenté par le chef de l’entreprise.
Or, pour l’entreprise en cessation des paiements, le syndic est tenu de réaliser un
projet de plan anticipant l’avenir de l’entreprise soit par son redressement ou sa
liquidation.
De surcroît, les tiers peuvent contribuer au maintien de l’activité de l’entreprise
conformément à l’article 598. Il en est ainsi, à travers, la cession en tout ou en partie de
l’entreprise, à la condition d’exclure l’offre présentée par le ou les gérants de l’entreprise
ainsi que leur parent ou alliés jusqu’au 2ème degré inclusivement soit directement soit à travers
un intermédiaire.
De même, le législateur a accordé, en vertu de l’article 601 du code de commerce, au
syndic des pouvoirs importants afin de concerter les créanciers concernant les sacrifices
qu’ils peuvent présenter à l’entreprise débitrice en vue de sa sauvegarde.
Le syndic transmet, selon l’article 601, aux créanciers les propositions de règlement
des créances sous le contrôle du juge commissaire.
Le syndic obtient des créanciers à titre individuel ou collectif l’acceptation de chaque
créancier, ayant déclaré sa créance, concernant les délais et les réductions qu’il leur
demande afin de garantir l’exécution de la continuation de l’entreprise. C’est ce qui ressort
de l’article 601. En cas de concertation individuelle, le défaut de réponse dans un délai de
trente jours de la réception de la lettre du syndic vaudrait acceptation. En revanche, en cas
de concertation collective des créanciers à travers leur convocation à un conseil qu’il
préside, la tenue de ce dernier sera effectué dans la période s’étalant entre le 15 ème jour et
le 21ème jour de la date d’émission de la convocation, et ce en application de l’article 603.
Il faut souligner, à cet égard que si l’article 601 concerne le projet de plan de
continuation, il s’étend également au projet de plan de sauvegarde suite au renvoi prévu à
l’article 569 à l’article 601.
Il faut rappeler par ailleurs que le syndic obtient communication de l’état des
créances après la déclaration des créanciers dans un délai de 2 mois à partir de la
publication du jugement d’ouverture de la procédure judiciaire de traitement au bulletin
officiel pour les créanciers résidents au Maroc et 4 mois pour les résidents à l’étranger.
Le syndic devait également, transmettre aux contrôleurs les propositions qu’il désire
présenter aux créanciers ainsi que les réponses de ces derniers, et ce conformément à
l’article 602.
Le législateur a obligé le syndic, de concerter le chef de l’entreprise concernant les
sacrifices présentés par les créanciers ainsi que le rapport qu’il élabore et présentera au
tribunal. Le chef de l’entreprise doit communique au syndic de ses remarques dans un délai
de 8 jours de la réception de l’avis du syndic.

§2- Rôle de l’assemblée des créanciers dans l’élaboration du projet de plan.


Si le législateur marocain a prévu des mécanismes de concertation et d’information
que le syndic devait observer afin d’élaborer le projet de plan de redressement ou en
observant celui de sauvegarde, il a en revanche et à la différence de son homologue
français a permis à une nouvelle institution « l’assemblée des créanciers », de contribuer
dans l’élaboration uniquement du projet de plan de redressement sans celui de sauvegarde.
D’où l’intérêt d’aborder les conditions de constitution et la composition (A), avant
d’envisager les attributions (B) et les conditions de sa réunion (C).
A- Les conditions de constitution et la composition
Afin d’instaurer l’équilibre entre le chef de l’entreprise, le syndic et les créanciers, et
assurer une implication positive des créanciers dans le choix de la solution, la loi 73/17 a
mis en place un mécanisme important au profit des créanciers de certaines entreprises
soumises aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire, lorsqu’ils
remplissent des conditions définies par la loi.
L’article 606 du code de commerce dispose que l’assemblée des créanciers est
constituée de plein droit dans :
Toute société commerciale obligée de désigner un commissaire aux comptes
Toute entreprise individuelle dont le chiffre d’affaire dépasse 25 millions de
dirhams ou emploie au moins 25 salariés pendant l’année antérieure de
l’ouverture de la procédure.
Le tribunal peut sur demande, du syndic en vertu d’une décision judiciaire motivée,
décider la constitution de l’assemblée des créanciers mrme en l’absence des conditions ci-
dessus. La demande du syndic doit, sous peine d’irrecevabilité, doit comporter des causes
pertinentes, motivées et expliquées par le syndic dans sa demande. Le jugement décidant la
constitution de l’assemblée des créanciers n’est susceptible d’aucun recours afin de ne pas
tarder le déroulement des procédures et les concertations y afférentes.
L’assemblée des créanciers est composée :
Du syndic en tant que président (sauf dans le cas où elle se tiendra pour
proposer le replacement du syndic ou il sera présidé par le juge commissaire)
Du chef de l’entreprise

Des créanciers inscrits dans l’état des créances déclarées transmises par le
syndic au juge commissaire et que le syndic n’a pas déclaré leurs refus ou leur
renvoi au tribunal, et si le juge commissaire n’a pas interdit leur participation.
Des créanciers titulaires de créances inscrites dans les ordonnances
d’acceptation, rendues par le juge commissaire selon l’article 732 ainsi que les
ordonnances rendues par les juridictions saisies des actions relatives au recours
contre les ordonnances du juge commissaire concernant les créances contestées
en tout ou en partie.
B- Les attributions
En application de l’article 607 du code de commerce, l’assemblée des
créanciers se tient afin de délibérer concernant :
a- Le projet de plan de redressement assurant la continuation de l’entreprise
b- Le projet de plan de redressement assurant la cession ou la proposition de la
liquidation, respectivement établi ou faite par le syndic, sur la base du
rapport de bilan.
c- Le projet de plan de redressement pour la continuation de l’activité de
l’entreprise proposé par les créanciers dans le cadre du plan alternatif en cas
de refus de l’assemblée des créanciers du plan de redressement élaboré par
le syndic
d- La modification des objectifs et moyens de plan de redressement pour la
continuation de l’activité de l’entreprise, et ce lorsque le syndic décide de
présenter un rapport au tribunal, sachant qu’il ne peut procéder à
l’élaboration dudit rapport qu’après délibération à ce sujet par l’assemblée
des créanciers.
e- La demande de replacement du syndic
f- La cession d’un ou plusieurs éléments important de l’actif de l’entreprise,
jugée utile pour l’exécution du plan
C- Les règles régissant la tenue de l’assemblée des créanciers
L’assemblée des créanciers se tient :
Soit à la demande du syndic, et à défaut à la demande du juge commissaire
Soit d’office
Soit à la demande du chef de l’entreprise
Doit à la demande d’u ou plusieurs créanciers et ce sans tenir compte ni de la
nature ni du rang de la créance (602).
La convocation à la réunion de l’assemblée des créanciers quelle que soit
l’origine de l’initiative, se fait par le biais
* d’une convocation insérée dans un journal d’annonce légal,
* d’une convocation affichée dans un panneau du tribunal fait à cette fin
*d’une convocation adressée aux créanciers à leur domicile élu ou de façon
électronique
L’avis doit comporter le droit des créanciers d’obtenir communication des
documents relatifs à la réunion dans le siège de l’entreprise ou à tout autre lieu indiqué
dans l’avis.
La convocation à la tenue de l’assemblée des créanciers est adressée dans un délai
de 5 jours qui court à partir :
De la date de la présentation du projet de plan par le syndic au juge
commissaire
Ou de la date de présentation d’une sollicitation de replacement du syndic
Ou de la date de présentation de la demande de cession de l’un des actifs
importants de l’entreprise pour l’exécution du plan
La convocation est adressée le jour ouvrable suivant la réception par le syndic du
projet de plan de redressement assurant la continuation, proposé par les créanciers, ou
suivant la date de dépôt du rapport du syndic concernant la modification des objectifs et
moyens du plan de continuation auprès du tribunal
Le quorum exigé pour la validité des délibérations de l’assemblée des
créanciers
La présence des créanciers soit (à titre personnel, ou représenté par un
mandataire, détenant au moins les 2/3 du montant des créances déclarées. A
défaut de ce quorum, le président (syndic ou juge commissaire) de l’assemblée
dresse un procès en ce sens et fixe la date de réunion de la deuxième assemblée à
la condition qu’elle ne dépasse le délai de 10 jours de la date de la réunion de la
première assemblée.
Les délibérations de l’assemblée des créanciers, sont valables dans la deuxième
convocation, quel que soit le montant des créances détenues par les créanciers
présents.
Le quorum exigé pour la validité des décisions :
Les décisions sont prises par l’assemblée des créanciers, en vertu d’un procès-
verbal de la réunion dressé par le président, lorsqu’il est approuvé par les créanciers
présents détenant un montant global des créances représentant plus de la moitié du
montant des créances détenues par les créanciers participant au vote.
Il faut souligner que les décisions dument prises par l’assemblée, lient même les
créanciers absents, qui n’y ont pas participé.
Les délibérations de l’assemblée des créanciers, se tiennent :
Pour l’approbation du projet de plan de redressement proposé par le syndic,
Pour le rejet du projet de plan de redressement.

Section 2 : Situation de l’entreprise durant la période d’observation

Le législateur a mis en place des procédures et mécanismes visant le redressement de


l’entreprise pendant la période d’observation. En ce sens nous allons aborder La
répartition des prérogatives entre le président de l’entreprise et le syndic (sous-section 1),
avant d’envisager les mesures conservatoires (sous-section 2) et le déroulement de
l’activité de l’entreprise durant la période de préparation de la solution (sous-section 3).
Sous-section 1 : La répartition des prérogatives entre le président de l’entreprise et le
syndic
§1- Le maintien des pouvoirs de gestion par le chef de l’entreprise concernant la
procédure de sauvegarde
En cas de procédure de sauvegarde, l'administration de l'entreprise est assurée, en
application de l’article 566 du code de commerce, par le débiteur lui-même. Ce principe se
justifie par la raison d'être de la procédure de sauvegarde. Il s'agit d'une procédure préventive,
destinée à anticiper la survenance d'une cessation des paiements. De fait, elle a un caractère
nécessairement volontaire et ne peut donc être ouverte qu'à la seule demande du chef
d’entreprise.
Compte tenu de l'ensemble de ces particularités, il est logique que le débiteur conserve
la plénitude de son pouvoir de gestion. Toute restriction à ce pouvoir aurait pour effet de
dissuader le chef d'entreprise de demander l'ouverture de cette procédure. Ceci explique
également que si un syndic est nommé lors du jugement d'ouverture, sa mission ne peut être
qu'une mission de surveillance ou d'assistance. C’est ainsi que l’article 566 du code de
commerce susmentionné dispose que les actes de disposition, et l’exécution du plan de
sauvegarde accomplis par le débiteur demeurent soumis au contrôle du
syndic.
§2- Le partage des pouvoirs entre le chef de l’entreprise et le syndic
En vertu de l’article 592 du code de commerce, l’article 576 de l’ancienne loi, le
tribunal décide, en fonction de la situation de l’entreprise et l’appréciation du
comportement du chef de l’entreprise, de l’une des situations suivantes:
A- Le maintien de la gestion au profit du chef de l’entreprise, le rôle du syndic se
limite au contrôle et l’information du juge commissaire des actes de gestion accomplis par le
chef de l’entreprise.
B- La gestion est attribuée au chef de l’entreprise, avec le concours du syndic. Et dans
ce cas, c’est le tribunal qui décide les modalités et les domaines d’assistance présentés
par le syndic au chef de l’entreprise.
C- Le tribunal charge uniquement le syndic de la gestion de l’entreprise et décide le
dessaisissement catégorique du chef de l’entreprise s’il s’agit de la gestion totale de
l’entreprise ou de son dessaisissement partiel de certaines activités.
Sous-section 2 : Les mesures conservatoires
§1- Les mesures conservatoires relatives au patrimoine du débiteur.
Afin de sauvegarder l’actif de l’entreprise en évitant toute dilapidation, le code de
commerce prévoit certaines mesures conservatoires aux articles de 679 au 685du code de
commerce.
Le syndic peut requérir du chef de l’entreprise ou lui-même d’inscrire au nom de
l’entreprise toutes hypothèques, nantissements, gages ou privilèges que le chef
d’entreprise aurait négligé de prendre ou de renouveler.
Le juge-commissaire peut prescrire au syndic l’apposition des scellés sur les biens de
l’entreprise pour éviter leur cession.
Le syndic procède, après avoir éventuellement requis la levée des scellés, à
l’inventaire des biens de l’entreprise pour avoir une idée exacte sur l’entreprise.
Le juge-commissaire peut ordonner la remise au syndic des lettres adressées au chef
d’entreprise afin d’éviter les fraudes éventuelles du débiteur ; Ce dernier, informé, peut
assister à leur ouverture.

§2- Les mesures conservatoires relatives aux dirigeants des sociétés commerciales
Il s’agit des mesures suivantes :
L’extension de la procédure ainsi que les mesures conservatoires à l’encontre
des associés responsables solidairement et indéfiniment du passif social.
L’interdiction de cession des parts, actions ou titre d’investissement
généralement de tous les droits financiers du gérant. Cette interdiction ne
concerne pas la constitution d’un nantissement sur les actions ou obligations.
§3- La période suspecte :
C’est une période comprise entre la date du jugement d'ouverture d'une procédure
de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et la date de la cessation des
paiements fixée par le tribunal.
Conformément à l’article 712 du code de commerce, la période suspecte s’étend de la
date de cessation des paiements jusqu’au jugement d’ouverture de la procédure.
La période précédant le jugement d'ouverture est en effet propice à la fraude. On peut
craindre que le débiteur en cessation des paiements ne cherche soit à organiser son
insolvabilité en dissimulant une partie de ses biens, soit à avantager certains de ses
créanciers en violation du principe d'égalité.
Compte tenu de son objet, cette reconstitution de l'actif du débiteur ne se justifie
qu'en présence d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Elle est en
revanche totalement étrangère à la procédure de sauvegarde. Il ne peut en effet y avoir de
période suspecte en cas de sauvegarde puisque le débiteur n'est pas, et ne peut être, en
cessation des paiements.
A- La durée :

La durée de la période suspecte est fixée par le tribunal lors du jugement d'ouverture.
Conformément à l’article 713 du code de commerce, elle ne peut jamais excéder dix-huit
mois.
A défaut de détermination de cette date par le jugement, la cessation des paiements
est réputée être intervenue à la date du jugement.
Le syndic peut demander au tribunal de modifier la date de cessation des paiements une
ou plusieurs fois sans toutefois dépasser la durée maximale à savoir dix-huit mois avant le
jugement d’ouverture.
B- Le sort des contrats :

Deux sanctions peuvent affecter les actes conclus durant et avant même cette période.
Il s’agit de la nullité (I) et de l’annulation (II).
I- Nullité de plein droit
En vertu de l’article 714 du code de commerce, tout acte à titre gratuit conclu
postérieurement à la cessation des paiements, sans tenir compte de la réalisation du
dommage ou non et quel que soit les biens concernés meubles ou immeubles, est frappé de
nullité.
La nullité est ainsi indépendante de la bonne foi ou de la mauvaise foi du cocontractant
du débiteur.
- l’action en nullité est exercée uniquement par le syndic. Les actes concernés sont
réputés comme non avenus.
II- L’annulation
Deux situations se présentent :
a- L’article 714 :
Les actes à titre gratuit faits dans les six mois précédant la date de cessation des
paiements.
b- L’article 715 :
Les actes à titre onéreux, tout paiement, toute constitution de garanties ou sûretés,
lorsqu’ils auront été faits par le débiteur après la date de cessation des paiements.
A la différence de la nullité, l’annulation laisse au juge un pouvoir d'appréciation, ce
qui n'exclut pas l'obligation d'avoir à motiver sa décision.
A ce principe, les articles 716 et 717 apportent deux exceptions :
Toute garantie constituée antérieurement ou concomitamment à la naissance de
la créance garantie
Les effets de commerce à la condition de l’ignorance du bénéficiaire créancier
cambiaire, de l’état de cessation des paiements du débiteur: c’est-à-dire porteur
de bonne foi.

Sous-section 3 : Déroulement de l’activité de l’entreprise durant la période de


préparation de la solution
On abordera successivement le sort des contrats en cours (§1) et les l’interdiction
de l’accomplissement de certains actes (§2).
§1: L’obligation d’observer certaines règles : la continuité des contrats en cours
Le syndic a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la
prestation promise aux cocontractants de l’entreprise. Toutefois, le contrat est résilié de plein
droit après une mise en demeure adressée au syndic et restée plus d’un mois sans réponse.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par l’entreprise de
ses engagements antérieurs au jugement d’ouverture.
L’inexécution de ses engagements ouvre droit au profit des créanciers seulement à la
déclaration de leurs créances au passif. Au cas où le syndic n’a pas opté pour la poursuite de
l’exécution du contrat, ceci ouvre droit à engager une action en dommage-intérêt dont le
montant sera déclaré au passif.
Néanmoins, la partie contractante peut différer la restitution des sommes versées par
l’entreprise en exécution d’un contrat jusqu’à ce qu’il a été statué sur les dommages-intérêts.
Les dispositions précitées ne s’appliquent pas aux contrats de travail.
Lorsque le syndic opte pour l’exécution des contrats en cours à la date d’ouverture
de la procédure, il doit exécuter les obligations de l’entreprise en vertu de ces contrats et
conformément aux conditions fixées par ces contrats. En revanche, il a le droit de modifier
les conditions qui privilégient le cocontractant par rapport aux autres créanciers de façon à
nuire au principe de l’égalité.
En cas d’exécution par le syndic des obligations des contrats en cours après le
jugement, le paiement est immédiat.
En cas d’accord de report de paiement, les créances seront soumises au droit de
priorité selon l’article 590 du code de commerce.
Enfin, nonobstant toute disposition légale ou clause contractuelle contraire, aucune
indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture
du redressement judiciaire.
§2: L’interdiction d’accomplir certains actes
Ces actes pourront compromettre à l’élaboration de la solution et par conséquent
l’affaiblissement de la situation de l’entreprise. Il s’agit de :

A- L’interdiction de paiement des créances antérieures au jugement d’ouverture de la


procédure. Prévue à l’article 690 du code de commerce, cette interdiction est applicable
aux procédures de sauvegarde, redressement ou liquidation. Cette interdiction est de plein
droit
Elle ne s’applique pas dans les situations suivantes :
1- Si la poursuite de l’activité de l’entreprise l’exige, et si le bien a été donné en
gage ou retenu légitimement, le juge commissaire peut autoriser le syndic de
retirer ce gage en dépossession du bien ou cette rétention légitime en payant les
créances qui lui sont liées et naissant avant l’ouverture de la procédure
judiciaire de traitement.
2- Le législateur a élargi la liste des exceptions en autorisant le paiement des
salaires des deux derniers mois dans un délai de 10 jours de l’ouverture de la
procédure de traitement judiciaire.
On regrette que l’article 690 ne fasse aucune indication au bénéfice des salariés d’un
privilège spécial après l’ouverture de la procédure, surtout que l’article 555 relatif à la
prévention externe concernant la suspension des poursuites individuelles a permis le
paiement des salaires.
Afin d’assurer cette interdiction des créances antérieures, le législateur a assorti toute
violation de cette disposition de sanctions civiles conformément à l’article 691. Il s’agit de la
nullité et de sanctions pénales notamment la sanction applicable à la banqueroute.
B- Interdiction de constitution de garantie sur les biens du débiteur
L’article 699 du code de commerce, revêt une connotation générale en interdisant
l’inscription des hypothèques, nantissements, privilèges postérieurement au jugement
d’ouverture.
Toutefois, en application de l’article 594, le juge commissaire peut autoriser au chef de
l’entreprise et au syndic d’y procéder.
Contrairement au droit français qui permet l’inscription du privilège de la trésorerie
générale et du vendeur du fonds de commerce et la vente des immeubles immatriculés.

Section3 : Situation des créanciers de l’entreprise

La situation des créanciers divergent en fonction de la date de l’origine de la créance. On


distingue à cet effet entre les créanciers antérieurs (sous-section 1) et les créanciers postérieurs
au jugement d’ouverture des procédures judiciaires (sous-section 2).
Sous-section1 : Situation des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture de la
procédure judiciaire : l’attente
Concevant le droit de déclarer leurs créances (§1), les créanciers antérieurs au
jugement d’ouverture des procédures judiciaires sont soumis à certaines restrictions (§2).
§1- Droit de déclaration des créances
A l’exception des salariés, ces créanciers doivent déclarer leurs créances au syndic
quel que soit la nature de la créance, établie par acte écrit ou non.
La déclaration peut être faite par le créancier lui-même ou par un mandataire de son
choix. Le syndic doit tenir un registre spécial pour saisir les déclarations relatives à chaque
procédure, les pages sont numérotées et signées. Les délais sont de deux mo is pour les
résidant au Maroc et quatre mois pour les résidents à l’étranger. Dans le cadre des contrats
en cours, il est de 15 jours à partir de la date de la suspension de l’exécution.
En cas d’inobservation de cette déclaration, les créanciers n’ont plus le droit dans les
répartitions et les dividendes. La créance est ainsi éteinte.
L’action en relevé de la forclusion est recevable lorsque :
Le défaut de déclaration n’est pas dû à un fait du créancier
Lorsqu’elle est interjetée dans un délai d’un an de la date d’ouverture de la
procédure de traitement.

§2- Arrêt des poursuites individuelles et du cours des intérêts

A- L’arrêt des poursuites individuelles


L'arrêt des poursuites individuelles est posé par l'article 686 du code de commerce. Il
s'agit d'une règle d'ordre public destinée non seulement à garantir un paiement ordonné et
égalitaire des créanciers mais aussi à préserver les actifs de l'entreprise et donc son éventuel
sauvetage.
Le principe d'interruption des poursuites concerne l’ensemble des créanciers
antérieurs, à l'exception toutefois des salariés. Face au principe d'interruption des
poursuites, l’égalité entre créanciers antérieurs est une égalité parfaite. Aucune distinction
n'est en effet opérée selon qu’ils sont créanciers chirographaires ou créanciers munis d'une
sûreté spéciale ou d'un privilège général.
C’est ainsi que l’article 686 du code de commerce dispose que la suspension des
poursuites individuelles comprend :
« Suspension ou interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers
dont la créance a son origine antérieurement à l’ouverture de la procédure et tendant :
1) à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
2) à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
Elle arrête ou interdit également toute mesure d’exécution de la part de ces créanciers
tant sur les meubles que sur les immeubles.
Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont, en
conséquence, suspendus.
Exception faite du créancier titulaire d’une sureté mobilière qui peut demander au juge
commissaire la vente du bien objet de cette sureté lorsque :
- Ce bien est périssable (viande, poisson…)
- Ce bien est susceptible d’être modifié sensiblement (ordinateur)
- La conservation du bien requiert des frais exorbitants (tableaux)

Par ailleurs, il faut souligner que les cautions, solidaires ou non,


peuvent se prévaloir :
- des dispositions du plan de continuation ;
-de l’arrêt du cours des intérêts prévu à l’article.
La déchéance du terme ne leur est pas opposable.
Le recours contre les cautions ne peut être ouvert que pour les créances déclarées.
B- Arrêt du cours des intérêts
Elle concerne selon l’article 692 du code de commerce des intérêts légaux,
conventionnels, de majoration pour retard de paiement des taxes et impôts ou cotisations de
la sécurité sociale.
Cet arrêt court conformément à l’article 693 du code de commerce, à partir du
jugement d’ouverture et s’achève au prononcé du plan de sauvegarde ou de
continuation. Elle se poursuit, en revanche, avec le plan de cession ou de liquidation.
Cette règle tend à fixer le passif du débiteur à un moment donné et identique à tous
les créanciers. Elle permet aussi d'éviter une aggravation du passif et de faciliter par
conséquent le redressement de l'entreprise. Les intérêts courants après le jugement
d'ouverture ne sont pas simplement suspendus. Ils ne sont en réalité plus dus et sont en
conséquence éteints.
Sous-section 2 : Situation des créanciers postérieurs à l’ouverture de la
procédure judiciaire : motivation
Le législateur a réservé un traitement de faveur aux créances nées
postérieurement et régulièrement après le jugement d’ouverture et qui semblent
indispensables à la poursuite de cette procédure ou à l’activité de l’entreprise. Ces
créances sont payées à leur date échue. À défaut ils sont payés par priorité à toute
autre créance assortie ou non de privilège ou de sureté à l’exception de la préférence
prévue aux articles 558 et 565.

Vous aimerez peut-être aussi