Difficultés de L'entreprise (Complet)
Difficultés de L'entreprise (Complet)
Difficultés de L'entreprise (Complet)
Cours de
Difficultés d’entreprise
Semestre 5
2021/2022
BEL-AMIN Samir
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Introduction :
Quant au premier, il dépend des mutations économiques qu’a connues le monde après
la fin de la guerre froide ayant opposé les Etats unis d’Amériques et ses alliés formant
ainsi le bloc West et l’union soviétiques des républiques socialistes soviétiques et ses alliés
constituant le bloc Est.
C’est ainsi qu’il s’est révélé un nouvel ordre mondial mettant fin à la bipolarité du
monde et consacrant la concurrence économique au lieu du choc idéologique
précédemment dominant.
Les Etats se sont portés alors concurrents en vue d’attirer les investissements
étrangers et booster leurs entreprises œuvrant dans le cadre du commerce international.
Cet objectif ne pouvait être atteint sans l’adhésion dans un mouvement de réformes
législatives permettant la mise à niveau de leurs ordres juridiques et l’amélioration de leur
force compétitive. Et ce, soit en inventant des lois soit en important des dispositions tout
en les adaptant avec le contexte interne.
Les exemples en sont multiples : il s’agit entre autres, des textes ci-dessous :
1- Le caractère économique
1
Le classement "doing Business" classe 190 pays par en fonction de leur facilité à faire des affaires. Créé en
2002 par le groupe de la banque mondiale, ce classement mesure la réglementation des affaires et son
application effective dans 190 économies et dans certaines villes au niveau infranational et régional. Les pays
sont classés en fonction de la facilité d'y faire des affaires, de 1 à 190, la première place indiquant le plus haut
niveau de facilité. L'indice correspond à la moyenne des classements sur les plusieurs indices étudiés.
2- Le caractère universel
3- Le caractère exceptionnel
Afin d’atteindre les objectifs pour lesquels, ont été adoptées ses règles, le régime de
traitement des difficultés d’entreprises, aurait dû déroger aux principes philosophiques
encadrant les règles de droit commun prévu au dahir des obligations et des contrats.
C’est ce qu’on trouve dans plusieurs dispositions prévues par le livre cinq du code de
commerce comme : l’institution des contrats en cours, en vertu de laquelle, on passe outre
les principes de la force obligatoire du contrat et de l’effet relatif du contrat, au nom de
l’intérêt économique de l’entreprise.
Le caractère exceptionnel du droit des difficultés de l’entreprise, s’avère également
au niveau de la violation du principe des procédures individuelles de justice, pour adopter
le principe des procédures collectives.
L’article 545 du code de commerce, dispose que toutes les opérations relatives aux
procédures de l’entreprise prévues au présent livre, doivent être effectuées de façon
électronique de façon électronique.
Le droit des entreprises en difficulté à l’Etat actuel est le fruit d’une histoire qui
mérite d’être élucidée.
A vrai dire, le régime des procédures collectives est le résultat normal de l’évolution
du régime de la faillite, prévu par le code de commerce de 1913.
- Enfin, à une époque beaucoup plus récente, assurer la survie des entreprises qui
mériteraient d’être sauvegardées.
A- Le code de commerce de 1913, s’est inspiré pour la plus part du droit français
de 1867 (la sanction du commerçant failli)
B- Dahir de 1951, inspiré de la loi française 1935, modifiée par la loi de 1937,
1938 et 1944
1994 : loi regroupant les deux devancières, et a été calquée sur celle marocaine de
1996 formant code de commerce marocain2.
Il fait établir l’équilibre entre la sanction du commerçant qui n’a pas réellement
honoré à ses engagement lorsqu’il a commis des faits ou des actes nuisant et menaçant la
2 Loi n° 15-95 formant code de commerce ; promulguée par le dahir n° 1-96-83 du rabii I, 1417, (1 aout 1996)
3
Tout en adoptant en 2010, la procédure de sauvegarde financière accélérée et en 2015 la procédure de
sauvegarde accélérée.
4
En 2014, le code de commerce a connu une réforme en vertu du Dahir n° 1-14-146 du 25 chaoual 1435 (22
août 2014) portant promulgation de la loi n° 81-14. Cette loi a modifié l’intitulé du livre V, désormais intitulé :
« Procédures de prévention et de traitement des difficultés d’entreprise » et prévu le devoir pour le chef
d’entreprise de procéder au redressement immédiat des difficultés d’entreprises avant que soient informées
par l’associé ou le commissaire aux comptes.
marche normale de l’entreprise d’une part, et le maintien de l’emploi, le règlement des
créanciers ce qui suppose la sauvegarde de l’entreprise.
Ceci dit, l’entreprise désigne l’activité commerciale avec tous les intérêts qui lui sont
afférents.
Ce constat peut être compris dès le livre 1, qui utilise le terme activité au lieu d’acte,
aux articles 6 et 7.
Cette ignorance qui a constitué une cause d’échec du régime de traitement des
difficultés d’entreprises.
IV- Les apports de la loi 73/17 abrogeant et remplaçant le livre 5 du code de
commerce
Le président du tribunal peut désigner un mandataire spécial. Cette option est possible
lorsque les difficultés auxquelles fait face l’entreprise s’avèrent surmontables. Le
mandataire est chargé d’atténuer «les difficultés pouvant nuire à la continuité de
l’entreprise». Elles peuvent êtres sociales comme en cas de conflit entre les salariés
impayés et le management. Voire aussi intervenir pour remédier aux désaccords opposant
les associés ou l’entreprise et ses fournisseurs habituels.
§1 – A l’égard du débiteur
B- Les créanciers
C- Le tribunal
§2- Le syndic
Sous-section 1 : La continuation
§4- La banqueroute
Semestre 5
2021/2022
BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Première partie :
Les procédures extrajudiciaires de traitement des difficultés de
l’entreprise
Adoptant une logique médicale inspirée du droit Français, le droit marocain a entamé
la réglementation des procédures collectives de traitement des difficultés de l’entreprise,
par la recherche des causes susceptibles de conduire une entreprise à la cessation des
paiements. Il a ainsi préconisé la règle selon laquelle : « prévenir vaut mieux que guérir ».
C'est-à-dire la prévention des crises demeure plus garantie et efficace que leur traitement.
Conscient du rôle utile joué par l’entreprise, le législateur marocain a mis en place
une procédure extrajudiciaire et une autre quasi-judiciaire, dans le cas où les difficultés
que l’entreprise fait face n’entraineraient pas la cessation des paiements, en laissant au
président de l’entreprise la liberté de prendre ou non les décisions susceptibles de les
surmonter.
1
prévoyant des mécanismes procéduraux nouveaux afin de réussir les procédures
extrajudiciaires de traitement.
Ces motifs étaient derrière l’instauration de règles visant le diagnostic anticipé des
difficultés, ces règles appelées en droit français de 1984 reprises dans les réformes
postérieures : Les règles d’alerte
Les articles 547 et 548 ont déterminé le champ de mise en œuvre de la procédure de
la prévention interne (section1) puis les personnes habilitées à informer (section 2) et la
procédure de l’information (section 3).
L’article 547 de la loi 73/17, dispose que « lorsque le chef de l’entreprise ne procède
pas de son propre chef, au redressement des faits de nature à compromettre l’exploitation,
le commissaire aux comptes, s’il en existe, ou tous associés dans la société… »
2
Les entreprises prenant la forme de société commerciale à savoir les sociétés
anonymes régies par la loi 17.95 et les autres sociétés commerciales régies par la loi 05.96,
ainsi que les groupements d’intérêt économique à caractère commercial régis par la loi
13.97, ou la désignation du commissaire aux comptes est soit obligatoire ou facultative.
Ceci étant, la prévention interne ne peut être mise en œuvre que pour les sociétés
commerciales dont la désignation du commissaire aux comptes est obligatoire ainsi que
celles dont la désignation d’un commissaire aux comptes est facultative.
Ainsi l’article 159 de la loi 17-95 prévoit que : « Chaque société anonyme doit
désigner un ou plusieurs commissaires aux comptes, les sociétés anonymes faisant appel
public à l’épargne sont tenues de désigner au moins deux commissaires aux comptes ».
Même dans le cas où la désignation d’un commissaire aux comptes n’est pas
obligatoire, les clauses peuvent envisager une telle nomination. Il peut également être
désigné à la majorité des associés. De même, un ou plusieurs associés peuvent demander
au président du tribunal de commerce, la désignation d’un ou de plusieurs commissaires
aux comptes.
3
Force est de constater, que l’approche adoptée par le droit marocain est relative en ce
qui concerne la délimitation des entreprises pouvant bénéficier du régime de la prévention
interne.
Le droit français quant à lui, il a adopté une approche beaucoup plus inclusive en
soumettant, en vertu de la loi ( L 611-1 du C.C.F), à cette procédure, toutes les sociétés
commerciales et G.I.E et les entreprises individuelles, commerciales, artisanales ou
agricoles.
L’article 547 C.C dispose que : « ………. Informe ……….des faits ou des difficultés
de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, notamment ceux de
nature juridique, économique, financières ou sociales »
Il a utilisé une expression générale, car il est tellement difficile de dresser une liste
exhaustive des difficultés susceptibles de compromettre la continuité de l’exploitation de
l’entreprise une fois non rétablies, sachant qu’il a regroupé ces faits ou difficultés dans le
cadre des aspects juridiques, économiques, financières ou sociales.
La condition principale c’est que les faits et les difficultés qui requièrent le recours
aux procédures de prévention interne et de prévention de façon générale, ne doivent pas
être au stade de la cessation des paiements exigeant ainsi l’ouverture de la procédure de
traitement.
L’utilisation du pluriel « des faits » montre que l’information ne peut être déclenchée
qu’en présence d’un ensemble convergeant de faits significatifs.
Ceci dit un fait préoccupant, isolé, peut être contrebalancé par un fait favorable de
sens contraire, le déclenchement de l’information serait alors inutile.
L’information doit être accomplie lorsqu’il y a une rupture de l’équilibre des flux
financiers, c'est-à-dire lorsque les recettes normalement prévisibles ne permettront pas de
régler des dettes qui vont venir à échéance dans un avenir relativement proche.
4
Section 2 : Les organes chargés du déclenchement de la prévention interne.
La finalité ne réside pas à avertir les dirigeants. Ceux-ci sont généralement conscients
des difficultés traversées par leur entreprise. Elle demeure également et principalement de
les mettre en face de leur responsabilité, en les incitant à prendre des mesures de
redressement.
Il faut rappeler que cette disposition a été prévue depuis 2014 et reprise en 2018, via
la loi 73/17, et remarquer ensuite que cette disposition est inutile pour deux raisons :
L’article 547, a reconnu à l’associé non gérant le droit d’intervenir comme une forme
de contrôle de gestion, sans tenir compte de sa part dans le capital qu’il détient ou qu’il
représente.
Il faut souligner que le genre de contrôle, ne doit pas se confondre avec « l’expertise
de gestion », celui qui est reconnu à l’associé en tant qu’actionnaire conformément aux
dispositions de l’article 157 de la loi sur la société anonyme, et celui reconnu à l’associé
non gérant dans la société à responsabilité limitée conformément aux dispositions de
l’article 82 de la loi 05/96.
5
C’est ainsi que l’article 157 ci-dessus dispose qu’un ou plusieurs actionnaires
représentant au moins le dixième du capital social peuvent soit individuellement, soit en
groupant sou quelle que forme que ce soit, peuvent demander au président du tribunal de
commerce, statuant en référé, la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter
un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Et c’est à juste titre que l’article 82 de la loi 05/96 dispose qu’un ou plusieurs
associés représentant au moins le quart du capital social peuvent demander au président du
tribunal, statuant en référé, la désignation d’un ou de plusieurs experts chargés de
présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
En effet, l’associé concerné par les dispositions de l’article 547, est celui qu’est loin
des actes et missions de gestion du fait que l’associé (actionnaire) appartenant à l’organe
de gestion (conseil d’administration ou conseil du directoire ou de surveillance), ou
l’associé gérant dans les autres sociétés, portent la qualité de chef de l’entreprise
conformément à la définition donnée à l’article 546, alinéa 2 du même code.
De même, les dispositions régissant les sociétés commerciales ont institué des règles
de contrôle de gestion entre les associés gérants.
Le commissaire aux comptes ne doit pas être très loin des actes de gestion,
contrairement aux dispositions de l’article 166 de la loi sur la société anonyme, qui lui
interdit expressément d’intervenir dans la gestion lorsque la situation de l’entreprise est
normale et n’est pas menacée de faits susceptibles de compromettre son activité.
6
Suivant une approche progressive, l’article 547 a commencé par l’information du
responsable de gestion (sous-section 1) puis la convocation de l’organe collectif de gestion
à délibérer (sous-section 2) ainsi que l’assemblée générale (sous-section 3) en finissant par
l’implication du président du tribunal dans le cadre de la prévention externe
L’article 547, tend à réaliser deux objectifs afin de réussir la procédure de prévention
dès le départ en l’occurrence :
1- La promptitude :
L’article 547 a prévu un très court délai qu’est de 8 jours courant à partir de
l’apparition des premières difficultés susceptibles de compromettre la continuité de
l’exploitation et ce à travers lettre recommandée.
2- La discrétion :
Ce qui a fait que la partie devant être informée demeure le chef de l’entreprise de
façon personnelle et individuelle, sans transmettre l’information à l’organe collectif de
gestion s’il existe, le conseil d’administration ou de surveillance.
Ceci dit, pour mettre fin à la procédure de prévention interne et renoncer aux étapes
suivantes, le chef de l’entreprise est tenu, conformément à l’article 547 de répondre aux
questions qui lui sont transmises, et présenter des explications sur les points soulevés, et ce
dans un délai de 15 jours à partir de la réception de l’information.
Le commissaire aux comptes et l’associé non gérant, deviennent dans cette situation
une partie habilitée à apprécier ses explications, et estimer sa fermeté et sa capacité à
dépasser la situation critique de l’entreprise.
7
sauf en cas de la réunion des assemblées générales des actionnaires ou à travers la gestion
d’expertise.
C’est ce qui nous incite à nous interroger comment envisager à ce que le commissaire
aux comptes ou l’associé, soit celui qui a décelé les faits ou les difficultés et pourtant
l’éradiquer de la réunion du conseil d’administration ou le conseil de surveillance, surtout
si la gravité des faits est apparente.
Car dans le cas contraire, le chef de l’entreprise aurait pu répondre aux questions du
commissaire aux comptes, de l’associé et proposer des solutions sans avoir le besoin de
convoquer le conseil à se réunir.
L’article 547, a confié, la gestion de la période de crise que traverse la société entre
l’organe de contrôle et celui de gestion ; et ce en vue de ne pas troubler la marche normale
de l’entreprise et porter atteinte à son crédit, et trouver des solutions pertinentes à ces
difficultés.
Par cette attitude, le droit Marocain, minimise le rôle des commissaires aux comptes
et de l’associé, qui ont découvert les difficultés que vit une entreprise.
9
UNIVERSITE HASSAN II
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES
ET SOCIALES, AIN SBBA
Troisième Conférence
Semestre 5
2021/2022
BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Toujours dans le cadre de la première partie relative aux procédures extra-judiciaires,
et après avoir examiné la prévention interne, on va s’attarder à l’étude de la prévention
externe faisant office du chapitre suivant.
Par ailleurs, la procédure de prévention externe est régie par les articles de 549 à 559,
qui délimitent son champ d’application et la procédure lui est afférente (section1), la
désignation du mandataire spécial (section2), et la procédure de conciliation (section3).
2
Ceci étant, si la prévention interne vise à faire participer les non dirigeants afin
d’attirer l’attention des dirigeants et les mettre en face de leur responsabilité, la prévention
externe, s’articule autour de l’intervention considérable du président du tribunal de
commerce, afin de trouver une solution avec les créanciers de l’entreprise conformément à
des procédures visant le redressement de la situation critique de l’entreprise afin d’éviter
qu’elle se trouve en cessation des paiements.
D’emblée, il est lieu de remarquer en vertu de l’article 549 du code de commerce, que
la transition de la prévention interne à la prévention externe s’est accompagnée de
l’élargissement du champ d’application.
3
Sous-section 2 : Les procédures de la prévention externe : la convocation du chef de
l’entreprise
Reposant sur la rapidité, la procédure de prévention externe n’est pas une procédure
contentieuse. Elle vise la remédiation immédiate aux difficultés afin que l’entreprise
récupère sa bonne santé économique et que les répercussions entrainées s’effaceront
promptement.
Cette procédure doit également être discrète, car toute divulgation de sa crise est
susceptible de porter atteinte au crédit de l’entreprise. Les difficultés seraient alors
accrues.
Notons, à ce sujet, que la loi 73/17, en reprenant le texte ancien, n’a pas assorti
l’inobservation du chef de l’entreprise de la convocation du président du tribunal d’aucune
sanction, ce qui prive le président du tribunal de toute autorité sur le chef de l’entreprise,
sauf dans la cas où il constate que l’entreprise est en cessation des paiements, dans ce cas,
il renvoit l’affaire au tribunal afin de prononcer l’ouverture de la procédure judiciaire de
traitement.
Par ailleurs, le président du tribunal dispose d’un large pouvoir d’investigation après
la rencontre du chef de l’entreprise. Ainsi l’article 552 du code de commerce lui a accordé
la possibilité d’obtenir communication des informations de nature à lui donner une exacte
information sur la situation économique et financière de l’entreprise et ce de la part des
différentes parties qui s’y rapportent, qu’elles soient interne comme :
4
Ou externes comme :
L’article 550 dispose que « s’il apparait que les difficultés de l’entreprise sont
susceptibles d’être aplanies grâce à l’intervention d’un tiers à même de réduire les
oppositions éventuelles qu’elles soient d’ordre social, entre les associés ou les partenaires
habituels de l’entreprise, ainsi que toutes les difficultés de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation de l’entreprise, le président du tribunal le désigne en qualité de
mandataire spécial et il lui assigne une mission et un délai pour l’accomplir ».
La lecture des dispositions de cet article permet de révéler la vision récente du droit
marocain, concernant les nouveaux rôles confiés au président du tribunal.
Après avoir été mis au cœur des crises que les entreprises, relevant du ressort de sa
compétence, peuvent faire face, à travers l’accomplissement des investigations sur leur
situation, et l’audition de leurs dirigeants, il est sollicité après tout cela, de s’impliquer
5
efficacement dans le processus de recherche de solution à ces crises et de leur remédiation
possible en lui reconnaissant le droit de désigner un tiers en tant que mandataire spécial,
avec des missions définies et des délais fixés par le président du tribunal.
Ceci requiert que le président du tribunal se soit rassuré de la volonté ferme du chef
de l’entreprise de redresser la situation de son entreprise et que l’intervention du
mandataire spécial va lui prêter concours à réduire les oppositions éventuelles concernant
l’attitude des créanciers comme convertir de nouveaux délais pour recouvrir leurs créances
ou la réduction de leur montant ainsi que tout ce qui se rapporte avec les partenaires de
l’entreprise en ce qui concerne la fourniture des matières premières ou des services ou les
partenaires qui procèdent à la vente de produits de l’entreprise.
Contrairement au droit français, le droit marocain n’a pas abordé les limites du
pouvoir du président du tribunal en ce qui concerne l’acceptation ou le refus de la
demande de désignation du mandataire spécial. Et si le droit français n’a pas organisé
l’institution du mandataire spécial qu’avec la loi de 1994, et l’a repris avec la loi 2005, les
juridictions françaises ont en fait recours, même en l’absence d’un texte législatif sous la
loi de 1985.
Suite à la souplesse qui marque la procédure externe, le législateur marocain n’a pas
restreint le pouvoir du président du tribunal en ce qui concerne la détermination de la
personne du mandataire spécial. Or, afin de garantir l’impartialité et la moralité du
mandataire spécial désigné, le droit français a, en vertu de l’article L-611-13, énuméré un
certain nombre d'incompatibilités. À titre d'exemples, la mission de mandataire ad hoc ne
peut être exercée par :
6
- ni « par une personne ayant, au cours des vingt-quatre précédents mois, perçu,
à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou
un paiement de la part du débiteur intéressé ou d'une personne qui en détient le
contrôle ou est contrôlée par lui au sens de l'article
- ni par un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis
moins de cinq ans
Quoi qu’il en soit, le mandataire spécial peut être un bureau d’études économiques et
financières, il pourrait être un juriste, un praticien habilité, et ce en fonction de la
nature des difficultés et la taille de l’entreprise ainsi que la nature de son activité.
De même le législateur n’a pas aussi fixé de délais pour accomplir sa mission, c’est
parce qu’il ne résulte à sa désignation aucun effet juridique à l’égard aussi bien des
débiteurs que des créanciers.
Dans le cadre des procédures de prévention externes mises en place par le droit
marocain aux entreprises en difficulté, on trouve la procédure de conciliation qui a
substitué à celle du règlement amiable étant, prévu par le livre V du code de commerce de
1996.
Elle est considérée comme l’une des attributions spécifiques du président du tribunal
de commerce dans le cadre de ses attributions générales concernant les procédures extra-
judiciaire des difficultés de l’entreprise.
7
N’étant pas en cessation des paiements1, l’entreprise doit, néanmoins, connaitre des
difficultés économiques ou financières ou si elle a des besoins ne pouvant être couverts par
un financement normal. C’est ce qui ressort de l’article 551 alinéa 1.
Cette disposition comporte une expression générale afin d’éviter toute discussion.
C’est pour cette raison que le droit marocain, a permis au président du tribunal,
nonobstant toutes dispositions législatives contraires, d’obtenir communication, de tous
renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique
et financière de l’entreprise et ce de la part du commissaire aux comptes s’il en existe, les
représentants des salariés, les administrations de l’Etat et les autres personnes de droit
public, les établissements de crédit et les organismes assimilés, les organismes financiers
ou toute autre partie.
1
Or, en droit français, l'ouverture d'une procédure de conciliation peut être demandée :
– soit par une entreprise éprouvant « une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible »
(voire les articles : L. 611-4, L. 611-5 du code de commerce français) ;
– soit par une entreprise se trouvant d'ores et déjà en cessation de paiement mais depuis moins de quarante-
cinq jours (voire les articles : L. 611-4, L. 611-5 du code de commerce français).
8
Il peut également désigner un expert afin d’établir un rapport sur la situation
économique, sociale et financière de l’entreprise.
9
En revanche, le droit français a prévu, en vertu de l’article L-611-13, du code de
commerce, que la mission du conciliateur ne peut être exercée par
une personne ayant au cours des 4 mois précédents, perçu à quelque titre que
ce soit directement ou indirectement une rémunération ou un paiement de la
part du débiteur intéressé,
tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est
contrôlée par lui.
En pratique, il reste que la conclusion de l'accord amiable dépendra dans une large
mesure de sa force de persuasion et de son sens de la diplomatie pour convaincre les
créanciers de l'entreprise à participer à son redressement.
Il faut, par ailleurs, relativiser le caractère amiable et consensuel pouvant être attribué
au traitement extra-judiciaire des difficultés que l’entreprise pourrait faire face, c'est-à-dire
de la forte présence de la liberté de la volonté d’y adhérer ou non. Cette liberté n’est pas
absolue.
C’est ainsi que l’article 555 du code de commerce, a attribué, au conciliateur afin
qu’il réussisse sa mission de négociation avec les créanciers, des pouvoirs spécifiques lui
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permettant de les contraindre, afin qu’ils s’impliquent, positivement, dans sa mission de
conciliation surtout s’il estime que l’entreprise a besoin d’une courte ou moyenne durée
pour qu’elle se rétablisse.
La finalité poursuivie par cette suspension est d’interdire les créanciers ou certains
d’entre eux de réaliser des saisies ou constituer des garanties sur les biens de l’entreprise
pendant cette période.
C’est ainsi que l’article 555, alinéa 2, du code de commerce dispose que l’ordonnance
décidant la suspension provisoire des procédures suspend et interdit toute action judiciaire
engagée par tout créancier d’une créance antérieure à l’ordonnance susvisée, visant :
Cependant, cette interdiction ne s’applique pas aux créances relatives aux contrats de
travail.
11
Comme la procédure de conciliation revêt, en principe, un caractère volontaire pour
les créanciers et le débiteur, l’entreprise n’étant pas encore en cessation des paiements, les
efforts du conciliateur peuvent aboutir à convaincre tous les créanciers ou les principaux
parmi eux de s’y impliquer. Le président du tribunal serait, alors, en mesure de
l’approuver.
Dans le cas où seuls les principaux créanciers ou certains parmi eux, s’engagent dans
la conciliation, le président du tribunal dispose de la faculté de l’approuver ou non, sachant
que les créanciers parties à la convention de conciliation, bénéficieront du privilège de
conciliation.
Concernant le rapport d’expertise établi par l’expert, force est de souligner qu’il ne
doit être communiqué qu’au tribunal et au chef d’entreprise débiteur.
On distingue, en ce sens, entre les effets relatifs au débiteur (A) et les effets propres
aux créanciers (B)
A- A l’égard du débiteur
Les créanciers peuvent stipuler dans la convention des clauses tendant la bonne
marche de l’entreprise par l’obligation de désigner un contrôleur de gestion.
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Le débiteur doit l’informer et s’y référer dans les cas prévus dans la convention, sans
toutefois, que l’entreprise soit mise sous tutelle.
Le débiteur demeure libre et dispose de toutes les prérogatives que lui confère le droit
de propriété en cas de l’entreprise individuelle ou les statuts en cas de l’entreprise, société
commerciale.
Notons aussi que si le législateur marocain ne prévoyait pas, avant l’entrée en vigueur
de la loi 73.17, l’ouverture immédiate de la procédure judiciaire, sauf en cas de cessation
des paiements, la nouveauté apportée par la loi 73/17, consiste en le passage direct à la
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire en cas d’inexécution de
conciliation.
a- Le privilège de conciliation
13
En contrepartie, ils bénéficieront du privilège de conciliation, lequel leur permet
d’être payés par priorité sur leurs contributions, avant tous les autres créanciers.
Ne sont pas concernés, les engagements résultant des vices cachés ou droits
patrimoniaux ne dépendant pas du seul paiement.
Ils ont le droit d’être payés dans les délais impartis ou dans des délais octroyés au
débiteur par le président du tribunal à la demande du débiteur.
D’autant plus que faute adhésion de tous les créanciers à la conciliation est
susceptible de causer immédiatement la cessation des paiements pour l’entreprise.
Il faut souligner par ailleurs, que le fait de priver les créanciers d’intenter recours
contre les ordonnances du président du tribunal trouve sa justification dans le principe de
donner la priorité aux intérêts de l’entreprise dont la situation est comprise.
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UNIVERSITE HASSAN II
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES
ET SOCIALES, AIN SEBAA
Semestre 5
2021/2022
Conférences 4 et 5
BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Deuxième partie : Les Procédures judiciaires de traitement des difficultés de
l’entreprise
Mais avec l’entrée en vigueur de la loi 73/17, l’intervention du tribunal serait possible
en vertu d’une décision judiciaire, en vue de remédier aux difficultés de l’entreprise même
si elle n’était pas en cessation des paiements à travers une nouvelle procédure appelée :
procédure de sauvegarde.
Quoiqu’il en soit, ces procédures sont qualifiées de judiciaires du fait qu’une décision
judiciaire doive être rendue, ce qui permet au tribunal de commerce de jouer le rôle de
rapprocheur des intérêts contradictoires découlant de la situation financière délétère de
l’entreprise.
L’ouverture des procédures judiciaires signifie que le tribunal, en tant que juridiction
de fond, est saisi pour statuer sur les mesures nécessaires relatives au traitement adéquat
d’une entreprise en situation de difficultés dont la gravité est apparente.
Les trois procédures judiciaires de traitement sont des procédures collectives, le choix
de l’une d’elles se détermine en fonction du niveau des difficultés que l’entreprise fait
face.
Les procédures collectives sont des procédures de sacrifice qui entrainent des
conséquences juridiques draconiennes aussi bien à l’égard du débiteur qu’à l’égard des
créanciers, c’est ainsi que le livre V, du code de commerce a subordonné l’ouverture de
ces procédures à la réunion de conditions rigoureuses tout du point de vue du fond
(section1) que de la forme (section2).
Conformément aux articles 561, 575 et 651du code de commerce, les procédures
judiciaires de traitement des difficultés de l’entreprises sont applicables à l’entreprise.
Celle-ci désigne selon l’article 546 du code de commerce : l’entreprise commerçant
personne physique (§1) et l’entreprise société commerciale (§2).
A la différence des deux premières hypothèses qui contiennent une obligation pour le
tribunal de décider de l’ouverture des procédures de redressement ou de liquidations
judiciaire à l’égard de certains dirigeants, La dernière hypothèse ne prévoit qu’une faculté
pour le tribunal de faire supporter en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, à tous les
dirigeants ou seulement certains d’entre eux, l’insuffisance d’actif apparue par une
procédure de redressement ou de liquidation concernant une société commerciale, lorsque
l’insuffisance, est due à une faute de gestion imputable aux dirigeants. C’est ce qui ressort
de l’article 738 du code de commerce.
Or, en droit français, les procédures collectives sont applicables à toutes les
personnes morales de droit privé à savoir les sociétés civiles, les associations, les sociétés
agricoles, clubs sportifs, les syndicats. La nature civile ou commerciale de la personne
morale n’est pas prise en considération. C’est ce qui découle de l’article L-602-2 du code
de commerce français
Avec la dernière modification apportée par la loi 73/17, l’immunité judiciaire peut
être désormais attribuée aux entreprises même avant la cessation des paiements en cas
d’ouverture de la procédure de sauvegarde (§1) et lorsque le fait de cessation des
paiements se confirme, les procédures de redressement ou de liquidation devront être
ouvertes (§2).
L’article 564, a prévu cette situation en disposant que : « S’il apparart après
l’ouverture de la procédure de sauvegarde que l’entreprise était en cessation des paiements
à la date du jugement prononçant l’ouverture de ladite procédure, le tribunal constate la
cessation des paiements, en fixe la date conformément aux dispositions de l’article 713 du
code de commerce et prononce la conversion de la procédure de sauvegarde en
redressement judiciaire ou liquidation judiciaire conformément aux dispositions de
l’article 583.
La règle de cessation des paiements est un principe toujours lié au régime des
procédures collectives, dont le régime moderne ne s’en est pas libéré. Mais, il s’avère
légitime de s’interroger si ce principe est constant ou évolutif.
Il faut rappeler que la cessation des paiements, sépare les procédures volontaires de
traitement, et le moment de l’intervention judiciaire obligatoire.
Le droit marocain de 1913 ainsi que les droits comparés ont adopté la dimension
juridique, rigide soit elle, il suffit que le commerçant débiteur cesse de payer ses créances,
afin qu’il soit déclaré failli, sans tenir compte des circonstances l’ayant conduit, à ne pas
payer son passif, si ces circonstances sont volontaires ou involontaires.
1- Le passif exigible
C’est le passif qui n’a pas été payé, alors qu’il aurait dû l’être.
La dette impayée doit être liquide, c'est-à-dire doit être évaluée en argent, ou résulter
d’un titre qui contient tous les éléments permettant cette évaluation.
Le paiement de la dette doit être demandée, une mise en demeure est nécessaire pour
constater la défaillance d’un débiteur.
La dette doit aussi être certaine, c'est-à-dire indiscutée dans son existence et dans son
montant.
L’article 575 du code de commerce ne distingue pas entre les dettes commerciales et
les dettes civiles, afin d’interdire les commerçants malhonnêtes à s’acquitter des dettes
civiles et proroger les créances commerciales ce qui porterait atteinte à leurs titulaires.
Ceci étant, le législateur marocain s’est employé de régir les conditions de forme
relatives aux procédures judiciaires de traitement, sauvegarde, redressement ou
liquidation, tenant compte des particularités marquant ces procédures qu’il s’agisse des
règles de compétence (sous-section1) ou celles relatives à la saisine du tribunal (sous-
section2).
Si la loi 53/95 de 1997 instituant les juridictions de commerce n’a pas prévu la
compétence de ces juridictions en matière des difficultés de l’entreprise, aussi bien à
l’article 5 qu’à l’article 9, elle l’a cependant prévue à l’occasion de la détermination de la
compétence territoriale à l’article 11 qui dispose « à l’exception de l’article 28 du code de
procédure civile, les actions sont présentées :
Ceci dit, les juridictions de commerce sont seules compétentes de connaitre, à titre
limitatif, des affaires relatives aux difficultés de l’entreprise, quelle que soit la nature de la
créance conduisant l’entreprise à la cessation des paiements.
L’article 561 du code de commerce, limite le droit de saisir le tribunal pour demander
l’ouverture de la procédure de sauvegarde, au chef de l’entreprise. Aucune autre partie, ne
peut y procéder en cas négligence du chef de l’entreprise.
Sous réserve des sanctions prévues à l’article 747 du code de commerce, ce délai est
de nature spéciale qui n’est pas soumis aux causes de rupture, de suspension ou même de
déchéance en cas de non-respect.
Dans le cas où la déclaration opérée par le débiteur est incomplète ou non conforme à
ce qui est dument demandé, le tribunal peut la rejeter, après avoir averti le débiteur.
Les salariés ne peuvent présenter une requête introductive d’instance, en cette qualité
contrairement au droit français, sauf s’il est constaté qu’un salarié avait une créance à
l’égard de l’entreprise, il exercera, ce droit, en tant que créancier et non salarié. Il peut
ainsi aviser le tribunal ou informer le parquet du fait de la cessation de l’entreprise de ses
paiements pour d’autres créances.
L’article 578, alinéa 2 du code de commerce dispose que : « Le tribunal peut aussi
se saisir d’office… ». La reconnaissance au tribunal1 le droit de déclencher de son
initiative la procédure judiciaire de redressement ou de liquidation judiciaires, constitue
une dérogation à une règle procédurale constante selon laquelle : « le tribunal ne juge que
ce qui lui a été demandé ».
Par ailleurs, il faut souligner que le législateur marocain, a permis en vertu de l’article
564 du code de commerce, au tribunal de décider la conversion de la procédure de
sauvegarde en une procédure de redressement ou de liquidation, s’il a constaté en statuant
sur la demande d’ouverture de la sauvegarde, que l’entreprise était en cessation des
paiements.
1
La cour d’appel de commerce peut juger l’ouverture de la procédure en cas d’annulation du jugement rendu par
la juridiction de premier degré.
liquidation judiciaire, dans le cas où le chef de l’entreprise ne respecte pas les termes du
plan de sauvegarde.
Le tribunal peut également s’informer auprès des associés et des représentants des
salariés, sachant qu’ils sont des parties n’étant pas autorisées à demander l’ouverture de la
procédure de redressement ou de liquidation, par le droit marocain contrairement au droit
français qui a prévu cette faculté mais uniquement pour les salariés.
Semestre 5
2021/2022
Sixième conférence
BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Chapitre 2 : Le jugement d’ouverture des procédures judiciaires de
traitement
La décision d’ouverture de l’une des procédures judiciaires de traitement avec tous
les intérêts qui s’y rapportent ont fait que le code de commerce oblige le tribunal
d’accomplir un certain nombre de procédures antérieures (section 1) au prononcé du
jugement (section 2) en respectant certaines formalités (section 3).
L’alinéa 2 des articles 563 et 582, disposent que le tribunal peut auditionner
également toute personne dont l’audition lui paraît utile sans qu’elle puisse invoquer le
secret professionnel.
Les articles 563 et 582, à leur deuxième alinéa, ont permis au tribunal, avant de
prononcer le jugement d’ouverture de la procédure judiciaire de traitement de désigner un
expert ou demander l’avis de toute personne ayant une certaine expertise.
Les deux dispositions susmentionnées n’exigent pas que l’expert appartienne à un
corps professionnel dument organisé. Il suffit que le tribunal apprécie sa compétence à
donner son avis sur les points qu’il juge, nécessitant une explication ou un éclaircissement
de la part d’un spécialiste.
§1 : Procédure de sauvegarde
La loi 73/17 a consacré le titre VI du livre V aux règles communes aux procédures de
sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires. Le chapitre premier a été dédié
aux organes que le jugement d’ouverture doit désigner, appelés les organes de procédure.
Il faut préciser à cet égard, que le jugement d’ouverture des procédures judiciaires, a
pour effet de changer la situation juridique de l’entreprise. Celle-ci est devenue sous tutelle
du tribunal qui se charge du déroulement de son activité et de son issue, et ce à travers
certains organes prévus à l’article 670 du code de commerce. Ce dernier exige que le
jugement d’ouverture doit contenir la désignation du juge commissaire et de son suppléant
(§1), et du syndic (§ 2).
Parmi les nouveautés apportées par la loi 73/17, à travers l’article 670 du code de
commerce, la désignation d’un suppléant du juge commissaire qui serait investi des
mêmes missions en cas d’empêchement de ce dernier.
§2 : Le syndic
Par ailleurs, si le juge commissaire est l’organe compétent de connaître de toutes les
réclamations formulées par le débiteur, des créanciers ou de l’un parmi eux1, contre les
actes du syndic, il ne peut le révoquer ou le substituer, dans la mesure où ces décisions
relèvent de la compétence du tribunal.2
L’article 584, auquel renvoie l’article 563, dispose, à son premier alinéa, que : « Le
jugement d’ouverture de la procédure prend effet à partir de sa date. Il est mentionné sans
délai aux registres du commerce local et central ».
1
Et ce conformément à l’article 672 du code de commerce
2
C’est ainsi que l’article 677 du code de commerce dispose que : « Le tribunal peut remplacer le syndic à la
demande :
– du ministère public ;
– de l’assemblée des créanciers dans le cas où sa constitution est exigée conformément à l’article 606 ci-dessus ;
– du juge commissaire d’office ou sur réclamation du chef de l’entreprise ou d’un créancier ;
– du chef de l’entreprise ou du créancier dont la réclamation n’a pas fait l’objet de décision par le juge
commissaire dans un délai de 15 jours.
Le syndic révoqué est tenu de remettre au nouveau syndic tous les documents relatifs à la procédure et un rapport
des comptes y attachés dans un délai de 10 jours à compter de la date de sa révocation. Le syndic révoqué reste
tenu au secret professionnel ».
Vu l’élément d’urgence, le jugement produit ses effets même à l’égard des tiers à
compter de sa date. C’est-à-dire indépendamment de toute publicité.
Par ailleurs, l’alinéa 2 du même article dispose que : « Dans les huit jours de la date
du jugement, un avis de la décision comportant la dénomination de l’entreprise telle
qu’elle figure au registre de commerce et son numéro d’immatriculation audit registre, est
publié par le greffier dans un journal d’annonces légales et au « Bulletin officiel». Il invite
les créanciers à déclarer leurs créances au syndic désigné. Cet avis est affiché au panneau
réservé à cet effet au tribunal immédiatement après que ce dernier prononce le jugement.
Le jugement doit être mentionné sur les livres de la conservation foncière, les
registres d’immatriculation des navires et aéronefs et les autres registres assimilés, selon le
cas. Dans le délai de huit jours, le jugement est notifié au chef de l’entreprise et au syndic
par les soins du greffier ».
Chapitre 3 : Période d’observation
Le législateur marocain a mis en place une procédure relative au choix de la solution
adéquate pour l’entreprise. Le législateur français a, à son tour adopté la même procédure
qu’il a appelé la période d’observation.
Période suivant immédiatement le prononcé du jugement d'ouverture d'une procédure
de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque l'exploitation
de l'activité de l'entreprise est maintenue 1. Elle permet au tribunal d'apprécier les chances
de redressement de l'activité par l'établissement d'un bilan économique et social.
Plusieurs points méritent d’être analysés dans le cadre de cette période. Le premier
est relatif à l’élaboration du bilan et du projet de plan (section 1), tandis que le deuxième
se rapporte à la situation de l’entreprise (section 2). Or, le dernier portera sur la situation des
créanciers (section 3).
1
C’est-à-dire dans le cas prévu à l’article 652 du code de commerce qui dispose que : « Lorsque l’intérêt général ou l’intérêt des créanciers nécessite
la continuation de l’activité de l’entreprise soumise à liquidation judiciaire, le tribunal peut autoriser cette continuation pour une durée qu’il fixe,
soit d’office soit à la demande du syndic ou du procureur du Roi ».
clair et facile à élaborer pour les entreprises qui tiennent une comptabilité régulière et
dispose d’un commissaire aux comptes.
Sur le plan social, le rapport éclaire la situation du travail et de l’emploi au sein de
l’entreprise concernant le nombre des postes d’emploi, la structure des salaires et les
relations du travail existantes notamment les relations collectives. Il indique également la
capacité de l’entreprise à gérer ses salariés ainsi que la masse des salaires.
Sur le plan matériel, les informations recueillies par le syndic sont aménagées sous la
forme d’un rapport conformément aux articles 569 et 595 du code de commerce. Il faut
préciser qu’il ne s’agit pas d’un exposé comptable en tant que tel, mais d’un exposé global de
la situation financière, économique, sociale et juridique de l’entreprise.
Sous-section 2 : Le projet de plan du sort de l’entreprise
Des créanciers inscrits dans l’état des créances déclarées transmises par le
syndic au juge commissaire et que le syndic n’a pas déclaré leurs refus ou leur
renvoi au tribunal, et si le juge commissaire n’a pas interdit leur participation.
Des créanciers titulaires de créances inscrites dans les ordonnances
d’acceptation, rendues par le juge commissaire selon l’article 732 ainsi que les
ordonnances rendues par les juridictions saisies des actions relatives au recours
contre les ordonnances du juge commissaire concernant les créances contestées
en tout ou en partie.
B- Les attributions
En application de l’article 607 du code de commerce, l’assemblée des
créanciers se tient afin de délibérer concernant :
a- Le projet de plan de redressement assurant la continuation de l’entreprise
b- Le projet de plan de redressement assurant la cession ou la proposition de la
liquidation, respectivement établi ou faite par le syndic, sur la base du
rapport de bilan.
c- Le projet de plan de redressement pour la continuation de l’activité de
l’entreprise proposé par les créanciers dans le cadre du plan alternatif en cas
de refus de l’assemblée des créanciers du plan de redressement élaboré par
le syndic
d- La modification des objectifs et moyens de plan de redressement pour la
continuation de l’activité de l’entreprise, et ce lorsque le syndic décide de
présenter un rapport au tribunal, sachant qu’il ne peut procéder à
l’élaboration dudit rapport qu’après délibération à ce sujet par l’assemblée
des créanciers.
e- La demande de replacement du syndic
f- La cession d’un ou plusieurs éléments important de l’actif de l’entreprise,
jugée utile pour l’exécution du plan
C- Les règles régissant la tenue de l’assemblée des créanciers
L’assemblée des créanciers se tient :
Soit à la demande du syndic, et à défaut à la demande du juge commissaire
Soit d’office
Soit à la demande du chef de l’entreprise
Doit à la demande d’u ou plusieurs créanciers et ce sans tenir compte ni de la
nature ni du rang de la créance (602).
La convocation à la réunion de l’assemblée des créanciers quelle que soit
l’origine de l’initiative, se fait par le biais
* d’une convocation insérée dans un journal d’annonce légal,
* d’une convocation affichée dans un panneau du tribunal fait à cette fin
*d’une convocation adressée aux créanciers à leur domicile élu ou de façon
électronique
L’avis doit comporter le droit des créanciers d’obtenir communication des
documents relatifs à la réunion dans le siège de l’entreprise ou à tout autre lieu indiqué
dans l’avis.
La convocation à la tenue de l’assemblée des créanciers est adressée dans un délai
de 5 jours qui court à partir :
De la date de la présentation du projet de plan par le syndic au juge
commissaire
Ou de la date de présentation d’une sollicitation de replacement du syndic
Ou de la date de présentation de la demande de cession de l’un des actifs
importants de l’entreprise pour l’exécution du plan
La convocation est adressée le jour ouvrable suivant la réception par le syndic du
projet de plan de redressement assurant la continuation, proposé par les créanciers, ou
suivant la date de dépôt du rapport du syndic concernant la modification des objectifs et
moyens du plan de continuation auprès du tribunal
Le quorum exigé pour la validité des délibérations de l’assemblée des
créanciers
La présence des créanciers soit (à titre personnel, ou représenté par un
mandataire, détenant au moins les 2/3 du montant des créances déclarées. A
défaut de ce quorum, le président (syndic ou juge commissaire) de l’assemblée
dresse un procès en ce sens et fixe la date de réunion de la deuxième assemblée à
la condition qu’elle ne dépasse le délai de 10 jours de la date de la réunion de la
première assemblée.
Les délibérations de l’assemblée des créanciers, sont valables dans la deuxième
convocation, quel que soit le montant des créances détenues par les créanciers
présents.
Le quorum exigé pour la validité des décisions :
Les décisions sont prises par l’assemblée des créanciers, en vertu d’un procès-
verbal de la réunion dressé par le président, lorsqu’il est approuvé par les créanciers
présents détenant un montant global des créances représentant plus de la moitié du
montant des créances détenues par les créanciers participant au vote.
Il faut souligner que les décisions dument prises par l’assemblée, lient même les
créanciers absents, qui n’y ont pas participé.
Les délibérations de l’assemblée des créanciers, se tiennent :
Pour l’approbation du projet de plan de redressement proposé par le syndic,
Pour le rejet du projet de plan de redressement.
§2- Les mesures conservatoires relatives aux dirigeants des sociétés commerciales
Il s’agit des mesures suivantes :
L’extension de la procédure ainsi que les mesures conservatoires à l’encontre
des associés responsables solidairement et indéfiniment du passif social.
L’interdiction de cession des parts, actions ou titre d’investissement
généralement de tous les droits financiers du gérant. Cette interdiction ne
concerne pas la constitution d’un nantissement sur les actions ou obligations.
§3- La période suspecte :
C’est une période comprise entre la date du jugement d'ouverture d'une procédure
de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et la date de la cessation des
paiements fixée par le tribunal.
Conformément à l’article 712 du code de commerce, la période suspecte s’étend de la
date de cessation des paiements jusqu’au jugement d’ouverture de la procédure.
La période précédant le jugement d'ouverture est en effet propice à la fraude. On peut
craindre que le débiteur en cessation des paiements ne cherche soit à organiser son
insolvabilité en dissimulant une partie de ses biens, soit à avantager certains de ses
créanciers en violation du principe d'égalité.
Compte tenu de son objet, cette reconstitution de l'actif du débiteur ne se justifie
qu'en présence d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Elle est en
revanche totalement étrangère à la procédure de sauvegarde. Il ne peut en effet y avoir de
période suspecte en cas de sauvegarde puisque le débiteur n'est pas, et ne peut être, en
cessation des paiements.
A- La durée :
La durée de la période suspecte est fixée par le tribunal lors du jugement d'ouverture.
Conformément à l’article 713 du code de commerce, elle ne peut jamais excéder dix-huit
mois.
A défaut de détermination de cette date par le jugement, la cessation des paiements
est réputée être intervenue à la date du jugement.
Le syndic peut demander au tribunal de modifier la date de cessation des paiements une
ou plusieurs fois sans toutefois dépasser la durée maximale à savoir dix-huit mois avant le
jugement d’ouverture.
B- Le sort des contrats :
Deux sanctions peuvent affecter les actes conclus durant et avant même cette période.
Il s’agit de la nullité (I) et de l’annulation (II).
I- Nullité de plein droit
En vertu de l’article 714 du code de commerce, tout acte à titre gratuit conclu
postérieurement à la cessation des paiements, sans tenir compte de la réalisation du
dommage ou non et quel que soit les biens concernés meubles ou immeubles, est frappé de
nullité.
La nullité est ainsi indépendante de la bonne foi ou de la mauvaise foi du cocontractant
du débiteur.
- l’action en nullité est exercée uniquement par le syndic. Les actes concernés sont
réputés comme non avenus.
II- L’annulation
Deux situations se présentent :
a- L’article 714 :
Les actes à titre gratuit faits dans les six mois précédant la date de cessation des
paiements.
b- L’article 715 :
Les actes à titre onéreux, tout paiement, toute constitution de garanties ou sûretés,
lorsqu’ils auront été faits par le débiteur après la date de cessation des paiements.
A la différence de la nullité, l’annulation laisse au juge un pouvoir d'appréciation, ce
qui n'exclut pas l'obligation d'avoir à motiver sa décision.
A ce principe, les articles 716 et 717 apportent deux exceptions :
Toute garantie constituée antérieurement ou concomitamment à la naissance de
la créance garantie
Les effets de commerce à la condition de l’ignorance du bénéficiaire créancier
cambiaire, de l’état de cessation des paiements du débiteur: c’est-à-dire porteur
de bonne foi.