rfm37 1504
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1051/rfm/2015004
P. PINOT
Laboratoire commun de métrologie LNE-LCM/Cnam, CNAM, 61 Rue du Landy, 93210 La Plaine Saint-Denis, France, patrick.pinot@cnam.fr.
Résumé 1. Introduction
Une méthode simple inspirée de celle décrite dans la norme inter- La plupart des matériaux solides naturels ou artificiels
nationale NF ISO 5017 est mise en œuvre pour déterminer la porosité sont poreux et leurs propriétés physiques et chimiques dé-
ouverte d’échantillons de roche calcaire. Son efficacité est démontrée pendent de la structure et de la taille de leurs pores. En ef-
et les points qui doivent être particulièrement maîtrisés (séchage, imbi-
bition, essuyage) sont mis en évidence en fonction du type de porosité fet, la porosité d’un matériau solide influence sa réactivité
(fine ou large) pour éviter des erreurs grossières. Cette étude montre chimique et son interaction physique avec les gaz et les
que la norme NF ISO 5017 établie pour des produits réfractaires fa- liquides. C’est pourquoi le contrôle et la détermination
çonnés denses est également bien adaptée aux roches solides à struc- de leur porosité revêt une grande importance industrielle
ture homogène ayant une porosité totale inférieure à 45 %. Cette norme
correctement mise en œuvre pour des échantillons de roche permet de du fait des nombreuses applications très spécifiques de ce
déterminer leur porosité ouverte avec une incertitude type composée de paramètre dans divers domaines industriels. Parmi celles-
l’ordre de 0,1 %. ci, on peut citer, par exemple, la conception et le dévelop-
pement de catalyseurs, d’adsorbants industriels, de mem-
branes filtrantes, de céramiques, le stockage de gaz tel
MOTS CLÉS : ROCHE CALCAIRE, POROSITÉ OUVERTE, que le dihydrogène. . .
MÉTHODE GRAVIMÉTRIQUE, INCERTITUDE DE MESURE.
En raison de la complexité et de la diversité des ma-
tériaux poreux et de la spécificité de leurs utilisations, il
Abstract existe de nombreuses techniques pour les caractériser [1].
On en décrit quelques-unes après avoir précisé les notions
de base permettant de définir la porosité.
A simple method based on that described in the international stan-
dard NF ISO 5017 is implemented to determine the apparent porosity Parmi les matériaux solides naturels, les roches sont
of samples of limestone. Its effectiveness is demonstrated and the points
to be particularly controlled (drying, soaking, wiping) to avoid gross bien connues pour être une source de matières pre-
errors are highlighted depending on the type of porosity (thin or wide). mières [2] dans divers domaines tels l’énergie (anthra-
This study shows that the standard NF ISO 5017 established for dense cite. . . ), la métallurgie (bauxite. . . ), la chimie (craie. . . )
shaped refractory products is also well suited for solid rock with homo- ou la construction (granit. . . ). Dans ces exemples, leur
geneous structure having a true porosity of less than 45 %. This stan-
dard properly implemented for rock samples allows one to determine utilisation nécessite une extraction sur des sites de gise-
their apparent porosity with a standard uncertainty of about 0.1 %. ment. Les roches du sous-sol présentent également un
autre intérêt économique et stratégique in situ de très
grande importance. En effet, certaines roches poreuses
KEY WORDS: LIMESTONE, APPARENT POROSITY, GRAVIMETRIC constituent de véritables réservoirs chargés naturellement
METHOD, UNCERTAINTY IN MEASUREMENT. ou artificiellement d’un fluide tel que l’eau, le pétrole ou
Cette technique n’est applicable que sur des solides Il y a d’autres méthodes fondées sur la pénétration de
dont les pores et la matrice présentent des caractéris- fluide dans les pores telles que :
tiques (distribution de la taille et de la répartition des
pores. . . ) accessibles à partir de la mesure de la distri- – la méthode de condensation capillaire BJH (Barrett,
bution angulaire de l’intensité du rayonnement diffusé. Joyner, Halenda [15]) plutôt adaptée aux mésopores
La surface du matériau est placée sous un faisceau inci- (diamètre de pore entre 2 mm et 50 nm) ;
dent d’un rayonnement électromagnétique monochroma-
tique (rayon lumineux ou rayon X) ou de neutrons. Cette – les méthodes intrusives dont la porosimétrie au mer-
technique est particulièrement adaptée pour les pores de cure [16] (liquide non mouillant pour la plupart des
dimension moléculaire. Mais l’effet de la rugosité de sur- surfaces). Elle consiste, après avoir placé l’échan-
face, entre autres, doit être pris en compte, puisqu’elle tillon sous vide, à faire pénétrer du mercure sous pres-
peut avoir une influence sur la diffusion du rayonnement. sion dans les pores (plutôt adaptée aux méso- et ma-
cropores). C’est une méthode destructive.
2.2.3. Pycnométrie [10] – la méthode à pression maximum de bulle qui n’est ap-
plicable qu’aux matériaux consolidés et utilisés sous
Elle permet de déterminer la masse volumique appa- forme de film mince (par exemple membrane fil-
rente à partir de la pénétration d’un fluide, par exemple trante). Elle consiste à saturer les pores par un liquide
d’un liquide, dans les pores ouverts. Le choix du liquide (généralement de l’eau) et à augmenter la pression
est primordial pour la détermination de la porosité. Si le d’air sur une des faces de la membrane jusqu’à ap-
liquide « mouille » mal le solide, il ne pourra pas pénétrer parition de bulles d’air sur l’autre face. Elle permet,
complètement dans les pores et s’il « mouille » très bien entre autres, de localiser des inhomogénéités de taille
le solide, il aura tendance à pénétrer dans tous les pores ou de répartition des pores.
accessibles à ses molécules. Dans ce cas, on peut s’at-
tendre à une augmentation de la porosité ouverte quand la Il y aussi des méthodes calorimétriques telles que :
taille de la molécule sonde diminue. Cette méthode sup-
pose que la masse volumique du liquide considéré reste
constante jusqu’à la surface du solide, c’est-à-dire que – la calorimétrie d’immersion fondée sur la variation
d’enthalpie qui apparait quand on immerge un échan-
l’effet d’adsorption du liquide demeure négligeable. De
tillon « sec » dans un liquide mouillant ;
plus, il faut utiliser un liquide parfaitement dégazé, qui
soit compatible avec le solide et, en particulier, qu’il ne – la calorimétrie d’adsorption d’argon ou d’azote ou
provoque pas un gonflement ou une désagrégation du ma- d’adsorption de liquide (par exemple, on déter-
tériau. Dans certains cas, il est souvent préférable d’utili- mine l’enthalpie de déplacement d’un alcane par un
ser un gaz plutôt qu’un liquide [11,12]. Par exemple avec alcool) ;
– la résonnance magnétique nucléaire (RMN) qui uti- Le terme « réfractaire » implique qu’il s’agit de ma-
lise la diffusion de molécules de 129 Xe dans la struc- tériaux autres que des métaux et alliages, dont la résis-
ture des pores. Cette méthode est bien adaptée au cas tance pyroscopique est supérieure ou égale à 1 500 ◦ C.
des micropores (zéolites, silices microporeuses, alu- Ce n’est pas le cas pour les roches calcaires. Le terme
mines, polymères. . . ) ; « façonné » précise qu’il s’agit de produits élaborés et
livrés sous une forme définitive dans laquelle ils seront
– une méthode ultrasonique utilisant l’atténuation et la mis en œuvre (briques par exemple). On peut considérer
vitesse de propagation d’ultrason dans les solides po- qu’une roche calcaire, utilisée sous une forme découpée
reux. L’atténuation dépend de la taille et la distribu- ou taillée, constitue un matériau façonné. Enfin, le terme
tion des pores. « dense » indique que les produits doivent avoir une poro-
sité totale inférieure à 45 % en fraction volumique. C’est
3. Normes et méthodes mises en œuvre le cas pour les échantillons de roche calcaire qui seront
étudiés.
En science des matériaux, on emploie le terme Pour les matériaux qui ne réagissent pas avec l’eau,
« éprouvette » pour désigner un échantillon de dimen- le liquide pour immersion peut être de l’eau distillée ou
sions normalisées qui est soumis à un essai mécanique. de l’eau désionisée. Pour les matériaux qui sont suscep-
C’est le terme qui est utilisé dans les deux normes dont tibles de réagir avec l’eau, un liquide organique adapté
il est question ci-après. Mais dans l’article, le terme doit être utilisé. Pour les roches calcaires, on utilisera
« échantillon » est privilégié pour parler des spécimens donc de l’eau.
étudiés de roche calcaire dont les dimensions ne sont pas
normalisées au sens strict et ne respectent pas les préco- La norme NF ISO 5017 qui est la traduction française
nisations des normes en question. de la norme internationale ISO 5017:2013 :
Piège à
gravité
Vers pompe
à vide
Réserve
d’eau
Vanne
3 voies Fig. 4. – Bol du dessiccateur/saturateur avec le support à trois
plots et la nacelle de pesée utilisée pour le protocole 1.
Tuyau pour
mise sous vide
et injecon d’eau Dessiccateur
Nacelle Base du dessiccateur
de pesée
Crémaillère de
translaon vercale
Fig. 5. – Dessiccateur/saturateur installé sous la balance pour
la pesée hydrostatique dans le cas du protocole 1.
1 mm
b
8 cm
On obtient un ordre de grandeur de l’erreur relative e sur La masse volumique ρt de la partie solide du calcaire
l’expression (1) tel que : devrait être comprise entre 2,68 g·cm−3 et 2,76 g·cm−3 se-
lon les données bibliographiques. On peut prendre (2,72±
ρb − ρbt m1
e= = ρe 0,05) g·cm−3 . Compte-tenu de l’incertitude sur la valeur
ρbt m3 − m2 de la masse volumique de la matrice de calcaire, on ne
cherche pas, dans cet article, à calculer ni à analyser les
m − Vρa m Vw
= ρe − valeurs de la porosité totale πt et de la porosité fermée πf .
Vw ρe − ρa Vw m
ρe ρa ρa ρa 6.2. Résultats pour les échantillons n◦ 2 et n◦ 3
≈ 1− 1+ ≈ . (10)
ρt ρe ρe ρe
6.2.1. Mesures
On pourra donc apporter une correction cρ telle que :
ρa On a vérifié que la variation relative de masse vo-
cρ = − ρbt ≈ −0,1% × ρb . (11) lumique de l’air ρa durant chaque essai est restée dans
ρe
un intervalle de ±5 % autour de sa valeur convention-
On peut démontrer que l’expression (2) de la porosité nelle 1,2 × 10−3 g·cm−3 , et que la température de l’eau
ouverte πa n’est pas biaisée : de pesée hydrostatique est restée constante à mieux
m3 − m1 Vo que ±1 ◦ C durant chaque essai. La température étant voi-
πa = 100 × = 100 × . (12) sine de 22 ◦ C, on pourra prendre en première approxi-
m3 − m2 Vw
mation 0,998 kg·m−3 pour la valeur de la masse volu-
mique ρe de l’eau.
Par contre, la porosité totale πt et la porosité fer-
mée πf sont doublement biaisées, d’une part, par l’em- Les tableaux 1 et 2 donnent la moyenne et l’écart type
ploi de l’expression (1) donnant la masse volumique ap- sur la moyenne (c’est-à-dire la composante d’incertitude
parente et, d’autre part, par le fait que, dans le cas de cette de mesure évaluée par une méthode de type A) de cinq
étude, l’on ne connaisse pas précisément la masse volu- séries de mesures effectuées dans des conditions de répé-
mique ρt de la partie solide du calcaire : tabilité pour les échantillons n◦ 2 et n◦ 3 respectivement
en fonction du protocole mis en œuvre.
ρt − ρb Vf + Vo
πt = 100 × ≈ 100 × , (13)
ρt Vw Pour le protocole 1, on a appliqué une correction sur
les mesures de la masse m2 (valeur marquée d’un as-
avec ρt la masse volumique de la partie solide du calcaire térisque dans les tabs. 1 et 2). Cette correction a pour
telle que : but de tenir compte du fait que, pour poser l’échantillon
m sur la nacelle ou le retirer, on doit déplacer le récipient.
ρt ≈ . (14) Le niveau d’immersion de la nacelle est donc différent
Vs
Tableau 4
Masse volumique apparente et porosité ouverte calculées pour
l’échantillon n◦ 3.
Protocole ρb (g·cm−3 ) πa (%)
Moyenne 2,2879 11,68
1
Ecart type 0,0002 0,34 Fig. 8. – Valeur moyenne et écart type sur la moyenne de la
2
Moyenne 2,2859 12,23 porosité ouverte pour les séries d’essais sur l’échantillon n◦ 2
Ecart type 0,0005 0,18 (5 mesures pour chaque protocole).
7.2.1. Mesurande
0
0 1 2 3 4
phase de séchage
(a)
porosité est saturé d’eau au bout d’une heure d’immer-
sion. Cette étude a été réalisée deux fois et a donné les
mêmes résultats à chaque fois. Là encore, on peut s’at-
tendre à une erreur systématique du fait de la saturation
incomplète des pores ouverts pour l’échantillon n◦ 3. Cela
montre qu’aucun des deux protocoles n’est parfaitement
adapté à un échantillon à fine porosité. Dans les proto-
coles 1 et 2, on ne laisse qu’une heure d’imbibition. Si
l’on considère l’échantillon n◦ 3, la figure 13b montre
qu’il pourrait encore absorber environ 2 g d’eau. Cela
conduirait à une erreur systématique de l’ordre de 20 %
en valeur relative sur la détermination de m2 et m3 . On
(b) admet que cette correction est déterminée avec une erreur
maximale de ±0,1 g, d’où, une incertitude type de 60 mg
en prenant une loi de distribution de probabilité uniforme.