2016 MSF Cillart L
2016 MSF Cillart L
2016 MSF Cillart L
DE
CLERMONT- FERRAND
Lucile CILLART
Née le 17/02/1992
Année 2016
ECOLE DE SAGES-FEMMES
DE
CLERMONT- FERRAND
Lucile CILLART
Née le 17/02/1992
Année 2016
Remerciements
Un grand merci aux présidentes des Conseils de l’Ordre de l’Allier, du Puy de Dôme, de
Haute Loire et du Cantal pour avoir transmis mon questionnaire.
Je remercie également :
Toute l’équipe d’Osez le Féminisme 63 ! sans qui je ne serais jamais devenue la
personne que je suis aujourd’hui. Merci pour tous ces instants de militantisme et de
sororité partagés avec vous.
Marie, Philippe, Cyril, Nicolas et Charlie, merci de me supporter depuis toutes ces
années et pour votre soutien sans faille.
« La femme n’est victime d’aucune fatalité : il ne faut pas conclure que ses ovaires la
condamnent à vivre éternellement à genoux »
AS : Assistante Sociale
CH : Centre hospitalier
CHU : Centre Hospitalier Universitaire
CIDFF : Centre d’Information des Droits des Femmes et des Familles
CPEF : Centre de Planification et d’Education Familiale
ENVEFF : Enquête Nationale sur les Violences envers les Femmes en France
EPP : Entretien Prénatal Précoce
HAS : Haute Autorité de Santé
IST : Infection Sexuellement Transmissible
ITT : Incapacité Temporaire de Travail
IVG : Interruption Volontaire de Grossesse
PMI : Protection Maternelle et Infantile
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
RPM : Rupture Prématurée des Membranes
SA : Semaine d’Aménorrhée
UMJ : Unité Médico-Judiciaire
VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine
Sommaire
Introduction ............................................................................................................................................ 1
Revue de la littérature ............................................................................................................................ 5
Matériel et méthode ............................................................................................................................. 28
1. Type d’étude ............................................................................................................................ 28
2. Durée de l’étude ....................................................................................................................... 28
3. Lieu(x) de l’étude ..................................................................................................................... 28
4. Critères de sélection des sujets ................................................................................................. 29
4.1. Critères d’inclusion .......................................................................................................... 29
4.2. Critères d’exclusion .......................................................................................................... 29
5. Le recueil des données ............................................................................................................. 29
6. L’analyse des données .............................................................................................................. 30
6.1. Les groupes comparés ...................................................................................................... 30
6.2. Les tests statistiques utilisés ............................................................................................. 30
6.3. Le logiciel d’analyse utilisé .............................................................................................. 30
7. Aspects éthique et règlementaire .......................................................................................... 30
Résultats ............................................................................................................................................... 31
Discussion ............................................................................................................................................ 45
Conclusion ........................................................................................................................................... 54
Références bibliographiques ................................................................................................................ 55
Annexes ............................................................................................................................................... 63
1
Introduction
Les violences concernent un grand nombre de femmes dans le monde issues de
différentes conditions sociales et économiques. Commises sur tous les continents et à
toutes les époques, les violences exercées par les hommes à l’encontre des femmes sont
longtemps restées silencieuses car perçues comme une affaire privée qui ne relève que
de l’intime.
En France, une femme sur dix est victime de violences conjugales, qu’il s’agisse
de violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles. 400 000 victimes ont été
déclarées en deux ans. En 2013, 121 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint
ou ex-conjoint, ce qui représente 20% des homicides de toute nature répertoriés au cours
de l'année. Au fil des ans, ces chiffres effroyables restent globalement stables. Au cours
de leur vie, 16% des femmes déclarent avoir subi des rapports sexuels imposés ou des
tentatives de rapports forcés, soit environ 154 000 femmes entre 18 et 75 ans en 2010 et
2011. Parmi ces viols, un tiers est perpétré au sein du ménage. Les hommes sont aussi
concernés par les violences domestiques, en 2012 et 2013, 149 000 hommes ont été
victimes de violences au sein de leur couple, dont 25 hommes décédés [1].
2
Les sages-femmes, avec des compétences obstétrico-pédiatriques, médico-
psycho-sociales et ayant un rôle dans le dépistage des pathologies semblent concernées
par les violences exercées sur les patientes. Elles peuvent donc prévenir les
conséquences, les répétitions et briser le cycle de violences en repérant les patientes
victimes [3].
L’objectif principal de cette étude est d’effectuer un état des lieux sur les
pratiques de dépistage de violences conjugales par les sages-femmes d’Auvergne.
L’objectif secondaire est de comparer les différentes pratiques selon le mode d’exercice
des sages-femmes.
3
Revue de la littérature
1
1. Définitions
Les violences conjugales sont perpétrées au sein d'un couple ou entre ex-conjoints
hétérosexuels ou homosexuels. Cette violence s'inscrit dans un fonctionnement
d'emprise sur l'autre de façon unidirectionnelle et destructrice.
Pour les Nations Unies, on entend par violence « La violence faite aux femmes
désigne tout acte de violence fondé sur l'appartenance au sexe féminin, causant ou
susceptible de causer aux femmes des dommages ou des souffrances physiques,
sexuelles ou psychologiques, et comprenant la menace de tels actes, la contrainte ou la
privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée."
[6]. Il en résulte pour ces femmes victimes une impuissance, marquant la difficulté à
évaluer ce genre de situations et l’incapacité à répondre au conjoint violent.
4
2. Historique des Luttes des violences faites aux femmes en France
La dénonciation des violences faites aux femmes a été une des questions majeures
soulevées par les mouvements féministes dans les années 1970. S'appuyant sur une
remise en cause entre l'espace privé et l'espace public, ces réflexions ont mené à mettre
en évidence la fréquence et les différentes formes de violences subies par les femmes :
harcèlement dans la rue ou au travail, viols, violences conjugales. Ces mouvements ont
entrepris alors de les combattre sur les plans à la fois théorique, politique et pratique.
Des mobilisations collectives sont alors médiatisées, en même temps que s'ouvrent des
espaces de paroles et des lieux d'accueil pour les femmes victimes. Ces dénonciations
ont permis de se rendre compte du phénomène massif et courant, touchant toutes les
femmes, mais également totalement banalisé.
1989 : les pouvoirs publics ont affirmé leur volonté de lutter contre les violences
conjugales et lancèrent la première campagne nationale d’information.
1990 : la Cour de Cassation a reconnu pour la première fois le viol entre époux.
2000 : La première grande enquête à l'échelle nationale, l'Enquête Nationale sur les
Violences Envers les Femmes en France (E.N.V.E.F.F) fut réalisée à l'issue de la 4ème
Conférence Mondiale sur les femmes à Pékin sous la direction de Maryse Jaspard et
conduite par le ministère de la Cohésion sociale. Elle chiffre à 10% le taux de femmes
victimes de violences conjugales sur les 12 derniers mois. Il s’agit d’une enquête
téléphonique effectuée de mars à juillet 2000, auprès d’un échantillon de 6 970 femmes
âgées de 20 à 59 ans, et résidant en France métropolitaine.
5
2005-2007 : Le premier Plan Triennal a été créé. Ce plan de lutte global fut mis en place
par le Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale. Il permettait le financement
de nombreuses campagnes de sensibilisation et la création de la plateforme téléphonique
de lutte contre les violences conjugales « 3919 » (Annexes IV et V).
2010 : Les violences faites aux femmes ont été promues « Grande Cause Nationale ».
La loi du 9 juillet autorisa le Juge aux Affaires Familiales à délivrer une ordonnance de
protection des victimes en urgence dans les cas de violences au sein du couple, et à
ordonner le port du bracelet électronique par le conjoint.
Le délit de harcèlement au sein d'un couple a été créé pour mieux prendre en compte les
violences psychologiques et morales. La notion de « présomption de consentement des
époux à l'acte sexuel qui ne vaut que jusqu'à preuve du contraire » a été supprimée. Pour
lutter contre les mariages forcés, le délit de « contrainte au mariage » fut établi. La loi a
prévu également la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour pour une femme
issue de l'immigration bénéficiant d'une ordonnance de protection en raison de violences
commises par son conjoint ou ex-compagnon.
2014-2016 : Le Ministère de l'Intérieur et celui des Droits des femmes ont lancé le
quatrième Plan Triennal comprenant notamment une mobilisation des professionnels à
travers une formation initiale et continue, la prévention et la lutte contre les mutilations
sexuelles féminines, la diffusion du téléphone Grand Danger...
6
3. Epidémiologie
La violence exercée par un partenaire intime existe dans tous les pays et dans tous
les groupes sociaux, économiques, religieux et culturels. D’après les chiffres récents de
la prévalence mondiale, 35% des femmes indiquent avoir été exposées à des violences
sexuelles de la part de leur partenaire intime ou de quelqu’un d’autre à un moment de
leur vie.
En moyenne, 30% des femmes qui ont eu des relations de couple signalent avoir
subi une forme quelconque de violence physique ou sexuelle de la part de leur
partenaire. Au niveau mondial, jusqu’à 38% des meurtres de femmes sont le fait de leur
partenaire intime [7].
Dans des sociétés plus traditionnelles, si un homme bat son épouse, c’est parce qu’il
a le droit de lui infliger des châtiments corporels. Ces justifications culturelles de la
violence exercée sur les femmes sont basées le plus souvent sur une idée ancienne des
rôles féminins et masculins. L’éducation confère aux hommes un contrôle sur le
comportement des femmes, les époux sont donc considérés comme « propriétaires » de
leur(s) conjointe(s). Par exemple, en Egypte, plus de 80% des femmes vivant en zone
rurale estiment que frapper son épouse est justifié dans certaines circonstances [9].
En Méditerranée Orientale, les crimes d’honneur sont aussi perpétrés pour sauver la
réputation de la famille et punir la « coupable » qui est « souillée » sexuellement, que ce
soit en étant victime de viol ou en ayant eu des relations sexuelles hors mariage [5].
Des études réalisées dans divers pays montrent qu’en Australie, au Canada, en
Israël, en Afrique du Sud et aux Etats Unis d’Amérique 40 à 70% des femmes victimes
de meurtre ont été tuées par leur époux ou leur petit ami souvent dans le contexte d’une
relation violente. Des facteurs culturels et la disponibilité des armes à feu définissent les
profils d’assassinats commis sur les femmes. Ainsi aux Etats-Unis plus de femmes sont
tuées par balle, alors qu’en Inde, où l’accès aux armes est restreint, les victimes
succombent davantage à l’immolation.
7
4. Le féminicide
En Asie, les meurtres des petites filles sont effectués dès la naissance, ces crimes de
masse s’expliquent par la conjonction entre plusieurs facteurs : une préférence pour les
garçons avec un rôle subalterne pour les femmes, qui remonte au confucianisme. La
structure des familles traditionnelles veut que les couples mariés s’installent chez la
famille du mari pour subvenir à leurs besoins. Avoir un garçon représente la garantie
d’être pris en charge après la retraite. Au contraire une fille, une fois mariée, quittera le
foyer. Elle est considérée comme une charge économique sans retombées [10].
8
5. Différentes formes de violences
Les violences psychologiques sont définies lorsqu'une personne adopte une série
d'attitudes et de propos qui dénigrent l'autre [11]. Elles surviennent en premier mais
elles peuvent également être les seules à s’installer. Il ne s'agit pas d'un dérapage
ponctuel, mais bien une façon de considérer l’autre et donc d’une construction d’une
domination et d’inégalité dans la relation de couple.
C'est une violence très subtile et destructrice portant atteinte à l'intégrité psychique de la
compagne pouvant entraîner une perte de repères.
9
Les violences physiques font référence aux coups et blessures. Elles portent
atteintes à l'intégrité physique et peuvent s'exercer à mains nues, à l'aide d'objets
domestiques ou d'armes. Il peut s'agir de gifles, coups de poing, bousculades, morsures,
brûlures. Elles peuvent aller jusqu'à la tentative de meurtre et l’assassinat [15].
L’utilisation d’armes blanches ou les brûlures peuvent exprimer la volonté de
l’agresseur de laisser une empreinte sur sa conjointe.
Les mutilations sexuelles féminines (MSF) consistent à ôter tout ou une partie
des organes génitaux externes de la femme à l'aide de chirurgie. Elles peuvent se faire
pour des raisons religieuses, coutumières mais surtout non thérapeutiques. Les
mutilations sont classées en fonction des ablations réalisées : clitoridectomie, excision,
infibulation… [18] Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, environ 140 millions de
femmes ou de filles sont victimes de mutilations sexuelles dans le monde. Ces pratiques
concernent principalement l'Afrique, le Proche Orient, et l'Asie du Sud Est. En France,
même si les chiffres sont toujours difficiles à établir, 50 000 femmes adultes seraient
excisées [16;19].
10
Les mariages forcés concernent les adolescentes ou jeunes femmes mariées contre
leur gré, sous la pression familiale, ou les menaces (20). En France, cela représente 75
000 victimes principalement issues des communautés africaines, maghrébines, turques
mais aussi asiatiques (Pakistan, Sri Lanka) ou tsiganes.
11
Durant cette phase, les femmes retrouvent espoir car elles reconnaissent
l'homme charmant qui a su les séduire, ce qui les incite à rester. Le cycle de la
violence peut donc recommencer.
Les femmes victimes de ces violences décrivent un très grand décalage dans le
comportement de leur compagnon entre la phase de tension et la phase de réconciliation
[22].
7. Conséquences
La prise en charge ambulatoire des victimes coûte deux fois et demie plus cher que
la prise en charge d'autres femmes [23]. En France, le coût global des violences
conjugales est estimé à plus d’un milliard d'euros par an. 20% est alloué aux soins
médicaux (consultations, consommations médicamenteuses...), 9% aux systèmes
judiciaires et policiers, 5% aux aides sociales, 22% aux coûts des préjudices (Incapacité
Totale de Travail) et 44% à la baisse de productivité (absentéisme, décès,
incarcérations) [24].
Selon l'OMS, une femme victime de violences conjugales perd entre 1 et 4 années
de vie en bonne santé. C'est un véritable problème de santé publique qui a des
répercussions graves à court, moyen et long terme sur la santé des femmes. Les
conséquences sont multiples.
12
7.3 Conséquences physiques
13
difficultés à utiliser un moyen de contraception de leur choix, et avaient recours plus
fréquemment à l'interruption volontaire de grossesse [27].
14
Selon l’avocate Yaël Mellul : « Ces victimes ont vécu dans un monde où les valeurs
étaient inversées, dans un monde distordu, avec une vision du monde tronquée : tout se
passe comme si elles avaient subi un lavage de cerveau » [32].
Les grossesses peuvent être le résultat d’un viol conjugal, avoir été décidées par le
couple lors d’une période d’accalmie ou être la conséquence du fait que la femme n’a
pas le droit d’utiliser un moyen de contraception [34]. Les violences physiques peuvent
provoquer des avortements spontanés, des ruptures prématurées des membranes, des
accouchements prématurés, des retards de croissance in utero, des hématomes rétro-
placentaires, suivis de souffrance ou de mort fœtale [5,30]. Après l’accouchement, une
dépression du post-partum peut apparaître, une carence en soins à l’enfant, des douleurs
abdominales ou pelviennes persistantes ainsi qu’un allaitement déficient.
Bien que cela soit assez rare, le fœtus peut présenter des fractures de membres ou
des plaies par armes blanches, malgré la protection que lui confère le liquide
amniotique.
15
7.9 Conséquences sur la santé des enfants
Lorsqu’il existe des violences au sein du couple, près de 70% des enfants sont
témoins des coups portés sur leur mère (ce sont eux aussi des victimes de violences
psychologiques), et 40% les subissent directement [2]. Le manque de soins ou le
traumatisme psychologique peuvent entraîner un retard staturo-pondéral, des troubles
du langage et de l’audition, des troubles sphinctériens à type d’énurésie [35].
La violence exercée possède une dimension traumatique pour l’enfant qui en est
témoin. Il/elle peut ressentir un sentiment d’angoisse extrême, tel qu’un syndrome de
stress post-traumatique, des troubles du sommeil (insomnies, cauchemars…) et de
l’alimentation le plus souvent à l’adolescence (boulimie), mais aussi un état dépressif.
16
8. Facteurs de risque, facteurs protecteurs
Les violences conjugales touchent toutes les femmes, de toutes catégories sociales et
de tous les âges, de toutes nationalités [37]. Les facteurs de risque liés à la violence
apparaissent au niveau individuel, familial et communautaire.
Le rapport final de L’ENVEFF révèle que « les moins de 25 ans sont en première
ligne : les victimes d’oppressions extrêmes n’ont pas d’âge; par contre les autres
pressions et agressions se résorbent un peu avec l’âge, soit parce que le seuil
d’endurance de la victime s’est accrue, soit parce qu’elle a trouvé un moyen de s’y
soustraire ». L’écart d’âge entre les conjoints est déterminant, « lorsque l’époux est plus
jeune ou plus vieux de dix ans, les situations de violences totales sont multipliées par
deux, le harcèlement psychologique est beaucoup plus important ».
Les femmes qui se consacrent exclusivement à leur vie de famille ont sans doute
une perception plus traditionnelle des rapports entre les conjoints au sein du couple et
donc une meilleure acceptation de leur condition que celles qui ont exercé une activité
professionnelle. De même les croyances concernant l’honneur de la famille, la pureté
sexuelle sont des facteurs de risque associés à la violence sexuelle. Les femmes qui ne
possèdent aucun compte bancaire déclarent davantage de violences conjugales. En cas
de suspicion sur l’infidélité du partenaire les taux de violences sont multipliés par deux,
et triplés en cas de certitude. Les chômeuses et les étudiantes présentent un indicateur
plus élevé. Un faible niveau d’instruction chez l’auteur et chez la victime est un facteur
de risque [38]. Les évènements ayant eu lieu dans l’enfance est un paramètre surajouté
aux violences à l’âge adulte. En effet, des antécédents de difficultés tels que des
privations matérielles, des placements judiciaires, des problèmes d’alcoolisme, de
drogue, des sévices répétés représentent un autre élément aggravant des situations de
violence conjugale. Plus d’un quart (26 %) des femmes qui ont mentionné avoir subi
plusieurs problèmes dans leur enfance sont victimes de violences conjugales, contre 6 %
de celles qui n’ont dénoncé aucune difficulté durant l’enfance. Les victimes de
violences sexuelles avant l’âge de 18 ans sont presque trois fois plus victimes de
violences conjugales à l’âge adulte [39].
17
Pour l’auteur de violences, l’exposition à la maltraitance familiale l’engage à
l’âge adulte à reproduire le même schéma, la violence étant ancrée dans un
fonctionnement familial tel qu’il peut s’agir d’une normalité dans l’esprit de l’enfant.
L’usage nocif d’alcool ou de substances psychoactives de la part du partenaire est un
facteur aggravant des violences commises, mais 70% d’entre elles sont pratiquées alors
que le conjoint n’avait consommé ni alcool, ni autres substances.
Quand dans le couple, la femme « materne » l'homme, l'arrivée d'un enfant peut
alors perturber l'équilibre du couple et l'équilibre psychique du compagnon, ce qui peut
le conduire à réagir parfois par des comportements violents pour essayer de reprendre
son emprise sur sa conjointe. Des violences sont constatées dans 3 à 8% des grossesses
et le taux est 3 à 4 fois plus élevé en cas de grossesse non désirée selon l’ENVEFF.
Une étude longitudinale britannique a indiqué que pour un tiers des femmes qui
connaîtront un acte de violence au cours de leur vie, le premier incident est survenu
pendant la grossesse. Dans une enquête française réalisée auprès de 761 femmes
primipare ou deuxième pares, portant sur les violences subies dans les mois suivant
l’accouchement, la fréquence des violences varie de 3 à 6% [41].
Moins d'une victime sur cinq (soit 13%) se déplace à la police ou la gendarmerie, ce
qui signifie que le système de santé est le lieu de premiers recours pour ces femmes
18
victimes de violences (24% d’entre elles se confient à leur médecin) [40]. Le rôle des
professionnels de santé est de suspecter la violence, l’identifier, évaluer les situations de
chaque patiente et organiser une prise en charge [23]. La Haute Autorité de Santé
(HAS) recommande que « le niveau de risque soit apprécié le plus précocement
possible, autant que possible avant la grossesse dans le cadre du suivi gynécologique
de la femme quand elle exprime son désir de grossesse ou lors de la 1 ère consultation de
suivi de grossesse avant 10 semaines d’aménorrhée » [42].
9.1 Suspecter
19
du compagnon peut aussi faire suspecter des violences : un conjoint trop présent lors
des consultations, c’est-à-dire répondant à la place de sa compagne, lui coupant la
parole. Il peut également être violent verbalement, critiquer les actes et les réactions de
sa partenaire, ou au contraire être très prévenant de manière exagérée [15,44].
9.1.1 Identifier
Face à ces signes, le praticien doit interroger la patiente de façon directe, avec des
questions simples, sans aucun préjugé. Il est important que la patiente se sente en
sécurité, en instaurant une relation de confiance. Elle doit être interrogée seule, sans la
présence de son compagnon, ni de ses enfants [44].
Afin de mener une étude sur le modèle américain, une enquête expérimente le
repérage systématique des violences chez la femme enceinte. Les résultats sont
éloquents : sur 47 femmes interrogées, 12 d’entre elles sont ou ont été victimes de
violences intra-familiales. Ceci indique l’intérêt d’un tel dépistage permettant une prise
en charge ultérieure [46].
Une autre étude réalisée confirme l’importance du repérage systématique pour 90%
des femmes victimes, elles en parlaient pour la première fois à un soignant [47]. Il
existe différents types de questionnaires valides.
20
C’est aussi évaluer la sécurité de la patiente et celle de ses enfants, en demandant, si
par exemple la victime craint pour sa vie, si l’auteur possède des armes à feu, s’il
menace de la tuer et/ou de tuer les enfants et/ou de se suicider [44]. Cela permet de
d’identifier les besoins de la victime et d’organiser une prise en charge. Roger Henrion
préconise même que « la notion d’un risque élevé peut justifier soit de conseiller une
hospitalisation en urgence, soit d’inciter la femme à un éloignement temporaire, soit de
porter plainte. Au minimun, il convient de l’orienter vers des relais compétents tels que
les associations d’aide aux victimes » [35].
Il s’agit d’un premier élément objectif sur lequel l’autorité judiciaire pourra
s’appuyer pour décider des suites à donner » [50]. Le secret médical n’est pas dévoilé
lorsque les règles de rédaction sont respectées, mais la responsabilité du praticien est
engagée : des précautions sont donc nécessaires [50].
21
« Madame X dit que… ». L’attestation doit être remise en main propre à la patiente ou à
son représentant légal, une copie doit être conservée par la sage-femme, sauf pour les
violences sexuelles.
Certains craignent également des retombées judiciaires, car ils ne se sentent pas
soutenus par les conseils ordinaux départementaux. Le manque de formation initiale ne
leur permet pas d’aborder le sujet auprès de leurs patientes et de les prendre en charge
correctement : 7 sages-femmes sur 10 n’en ont pas reçu. Face à ces situations de
violences, 81% des sages-femmes n’ont pas le sentiment d’avoir été suffisamment
préparées [53].
Une thèse réalisée auprès de 1000 médecins généralistes d’Ile de France, souligne
l’importance d’avertir les médecins sur ce problème afin d’améliorer les réponses
22
apportées aux victimes [54]. A noter tout de même que les violences faites aux femmes
ont été intégrées à la formation initiale des médecins et des sages-femmes en 2013 [55].
23
lors de l’organisation de journées de sensibilisation en direction du grand public et des
entreprises (Annexe IV).
24
11. L’aspect législatif
L’incapacité totale de travail, au sens pénal, est une notion juridique, précisée par la
jurisprudence permettant au magistrat d’apprécier la gravité des conséquences de
violences exercées sur les personnes et pouvant contribuer à qualifier une infraction.
L’évaluation de l’ITT s’applique aux troubles psychiques et physiques, étant source
d’une incapacité, c’est à dire que les fonctions de la personne sont atteintes.
Cette inaptitude ne concerne pas le travail au sens habituel du mot, mais la durée de
la gêne notable dans ses activités quotidiennes (manger, dormir, se déplacer, se laver...).
L’évaluation du retentissement psychologique peut être difficilement quantifiable.
L’ITT étant différente d’un arrêt de travail, une personne sans emploi peut y avoir
accès. Si le médecin est dans l’impossibilité de déterminer la durée de l’ITT, il lui est
recommandé de rédiger seulement le certificat médical et de prendre contact auprès de
quelqu’un de compétent [48].
Le code Pénal
L’article 226-14 précise que le secret médical n’est pas applicable dans certaines
situations : il peut être révélé au procureur de la République avec l'accord de la victime,
les sévices ou privations constatés. « Lorsque la victime est un mineur ou une personne
qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité
physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire » [56]. Les femmes enceintes,
du fait de leur état de grossesse sont considérées comme individu vulnérable.
25
Le Code de déontologie des sages-femmes
S’il s’agit d’un enfant mineur ou d’une femme qui n’est plus en mesure de se protéger
en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, elle doit sauf circonstances
particulières qu’elle apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales
ou administratives. »
26
Deux autres moyens pour dénoncer ces comportements existent : il s’agit d’un
signalement par un tiers ou l’intervention au domicile. Une enquête de police ou de
gendarmerie peut être effectuée et le parquet peut décider de :
- soit de classer l’affaire sans suite, car le procureur estime que les
preuves sont insuffisantes,
- soit une alternative aux poursuites
- soit de poursuivre l’auteur devant le tribunal correctionnel ou devant un
juge d’instruction.
27
Matériel et méthode
1. Type d’étude
2. Durée de l’étude
3. Lieux de l’étude
L’enquête a été réalisée au sein des 4 départements d’Auvergne (Cantal, Puy de Dôme,
Allier, Haute Loire)
28
4. Critères de sélection des sujets
Les données ont été saisies grâce au logiciel Excel via Google Drive.
29
6. L’analyse des données
Seuls les questionnaires complets ont été pris en compte lors de l’analyse.
Pour les variables quantitatives, nous avons utilisé le test du CHI carré de Pearson, afin
de définir si la différence entre deux variables étudiées était statistiquement
significative.
Lorsque les effectifs étaient insuffisants (n<30), le test de Fisher a été utilisé.
La valeur de p value (p) < 0,05 a été reconnu comme seuil de significativité.
30
Résultats
1. Description de la population répondant
Au total, l’Auvergne comptabilise près de 450 sages-femmes et 155 réponses ont été
obtenues. Le taux de participation correspond donc à 34,4%.
Participant(e)s Pourcentage
n = 154 %
22-35 90 58,4
35-45 44 28,6
Age (années) 45-55 17 11,0
55-65 3 1,9
Plus de 65 0 0,0
Urbain 83 53,9
Lieux d’exercice Semi-urbain 58 37,7
Rural 13 8,4
31
Au total, 2 hommes (1.3%) et 152 femmes (98.7%) ont répondu au questionnaire. La
majorité de la population ayant participé avait majoritairement à 58,4% entre 22 et 35
ans. Au niveau de l’expérience, les sages-femmes étaient 46,6% à exercer depuis moins
de 9 ans. Les professionnelles interrogées pratiquaient principalement en établissements
de soins (72,1%), 26,8% avaient un exercice libéral et 3,2% travaillaient dans la
fonction publique territoriale. Dans 7,8% des cas, les sages-femmes avaient une double
activité (hospitalière, libérale, conseillère conjugale, centre de planification et
d’éducation familiale).
Une réponse n’a pas été analysée, car le formulaire n’a pas été intégralement rempli.
32
D’autres secteurs d’activité ont été cités par les sages-femmes, il s’agit : des suivis à
domicile de grossesses pathologiques, du programme d’accompagnement de retour à
domicile (PRADO), de la pratique de l’échographie, de l’acupuncture, des consultations
d’allaitement maternel et d’orthogénie ainsi que la coordination d’une équipe.
33
Tableau IV : Professionnelles confrontées à des situations de violences conjugales
pendant leur exercice
Il existe un lien statistique entre le mode d’exercice et le fait d’avoir déjà été confronté
aux violences conjugales (p= 0,009). Les sages-femmes du milieu hospitalier ont
recensé plus de situations de violences au sein du couple, soit 59,1% (n =91).
Un dépistage ciblé était réalisé par 70,9% (n = 90) des sages-femmes interrogées et le
plus souvent par les professionnels hospitaliers.
34
Tableau VI : Modes d’exercice en fonction des signes d’appel de violences conjugales
Comportement
de la patiente 144 93,5 93 60,4 34 22,1 5 3,2 11 7,1 0,926
Consultations
aux urgences 134 87,0 86 55,8 32 20,8 4 2,6 11 7,1 0.906
pour
« accident »
Conjoint trop
présent 128 83,1 84 54,5 30 19,5 5 3,2 9 5,8 0,627
Consultations
répétées aux 122 79,2 77 50,0 31 20,1 4 2,6 10 6,5 0,827
urgences
Dénis de
grossesse 88 57,1 51 33,1 25 16,2 5 3,2 7 4,5 0,074
Origine ethnique
et milieu socio- 52 33,8 28 18,2 13 8,4 1 0,6 3 1,9 0,8
culturel
35
Seul l’âge des patientes (p =0,014) semblait être un critère significativement plus utilisé
par les professionnelles des établissements de soins, par rapport aux autres modes
d’exercice, pour mettre en œuvre un dépistage ciblé.
Par ailleurs, les sages-femmes avaient moins recours à ce signe d’appel (6,5%) pour
effectuer un dépistage ciblé des violences conjugales.
36
2.3 Les freins au dépistage
Le fait de trouver le sujet tabou et la question difficile à poser était le principal argument
évoqué par 36,2% des participants. L’absence de procédures clairement établies, de ne
pas avoir le réflexe et le manque de temps étaient également des difficultés soulignées
par les sages-femmes.
Manque
d’information 43 33,9 29 22,8 10 7,9 2 1,6 2 1,6 0,518
des procédures
Difficulté à
identifier les 27 21,3 19 15,0 8 6,3 0 0,0 0 0,0 0,077
frontières
Manque de
connaissance 12 9,4 7 5,5 5 3,9 0 0,0 0 0,0 0,114
recours
37
Un tiers (36,1%) de l’échantillon étudié estimait qu’il existe un moment privilégié pour
diagnostiquer les violences conjugales contre 37,4%.
Près de la moitié des sages-femmes (49,4 %) effectuaient des transmissions écrites après
en avoir informé la patiente et 7,4% n’en réalisaient jamais.
A noter que près de 43,5% des personnes interrogées déclaraient ne jamais solliciter
l’accord de la patiente pour mentionner dans le dossier médical les violences subies.
Sur accord de la
patiente 76 49,4 41 26,6 23 14,9 3 1,9 9 5,8
38
Lorsque des transmissions écrites étaient réalisées par les sages-femmes, le support le
plus fréquemment utilisé était le dossier médical (90,1%), un certificat médical était
utilisé par 5% de la population et les 5% restant rédigeait soit un courrier adressé aux
autres professionnels de santé, soit une fiche spécifique à l’entretien prénatal précoce ou
encore un dossier destiné au staff.
Les services de PMI étaient plus informés par les sages-femmes libérales (72%) par
rapport aux hospitalières (60%). Les participantes travaillant en établissements de santé
(22%), prévenaient le médecin traitant ou gynécologue de la patiente, contre 35% de
libérales et cette différence est statistiquement significative (p= 0,039).
39
Les sages-femmes hospitalières avaient significativement plus recours (p = 0,03) au
staff ou à la rédaction d’un courrier pour informer les autres professionnels.
Tableau X: Classement des sages-femmes en fonction des moyens utilisés pour prévenir
les autres professionnels de santé
* IP : Information préoccupante
Il n’existe pas de lien statistiquement significatif entre le fait d’avoir déjà effectué une
information préoccupante et le mode d’exercice (p = 0,912).
40
Près de 91% de la population étudiée n’a jamais réalisé de signalement judiciaire.
Tableau XIII : Lien entre le fait de connaître les associations et le mode d’exercice
41
Les professionnels orientaient principalement les victimes vers un psychologue
(62,5%), 59,2% vers une assistante sociale et 57,2% vers la justice.
Certaines professionnelles ont également conseillé aux patientes de prendre contact avec
les services de PMI, la sage-femme coordinatrice, l’Unité Médico-Judiciaire et avec une
sage-femme également conseillère conjugale.
42
4. Connaissances des sages-femmes
Les sages-femmes interrogées connaissaient dans 33,8% les taux actuels de violences
conjugales qui sont de 10% chaque année en France.
Les taux actuels de violences conjugales chez les femmes enceintes (soit 3 à 8%) étaient
connus par près de 15% des sages-femmes participantes et 20% des professionnelles ne
savaient pas l’évaluer.
Tableau XVI : Connaissances des sages-femmes des taux de violences conjugales chez
les femmes enceintes
43
Le mode d’exercice n’influence pas de manière significative le fait de connaître la
prévalence des violences en dehors et pendant la grossesse (p = 0,433).
Les outils pédagogiques (mis en place notamment par la MIPROF et le Conseil National
de l’Ordre des Sages-Femmes) étaient connus uniquement par 17,5% de la population
étudiée.
Il existe un lien statistiquement significatif entre le fait de connaître les outils et le mode
d’exercice (p = 0,009).
44
Discussion
45
1. Forces et limites de l’étude
Le caractère novateur de cette enquête, au sujet des violences, a permis d’établir un état
des lieux des pratiques cliniques des sages-femmes auvergnates. Cependant, les
résultats obtenus ne peuvent être généralisables compte tenu du manque puissance de
l’étude. Toutefois, des informations complémentaires au sujet du dépistage ont été
recueillies, des modalités de prise en charge et des transmissions effectuées par les
professionnels en cas de diagnostic ou de suspicion de violence chez les patientes.
Il est également possible que les sages-femmes ayant répondu au questionnaire soient
plus sensibilisées à la question des violences faites aux femmes par rapport à
l’intégralité de la population de sages-femmes de la région Auvergne.
45
L’outil de recueil utilisé, un questionnaire, et son mode de diffusion ont donné une
sensibilisation sur le sujet à de nombreuses professionnelles. Cependant, il se peut que
certaines sages-femmes n’aient pu être contactées du fait d’adresse de messagerie
invalide. Ce défaut de possibilité de vérification tout au long de l’étude a pu limiter le
nombre de réponses. Il est également possible que des sages-femmes aient répondu
plusieurs fois au questionnaire.
Le recueil des données grâce à un questionnaire a pu limiter l’exhaustivité des réponses.
Compte tenu du caractère sensible du sujet comme souligné dans la littérature, des
entretiens exploratoires complémentaires auraient permis de mieux cerner les difficultés
éprouvées par les spécialistes de la maïeutique au sujet du dépistage et de la prise en
charge des violences. Cependant, la contrainte de temps imposée pour la réalisation de
cette recherche, ne permettait pas de mener des investigations complémentaires.
Enfin, la phase préalable de test du questionnaire n’avait pas mis en exergue des
problèmes de formulation ou de compréhension des questions. Cependant, lors de
l’analyse des données recueillies, nous avons observé que la question sur le dépistage
ciblé (question 13, annexe I) n’était accessible que si les professionnels affirmaient ne
pas réaliser de dépistage systématique. Ce problème a peut-être affecté la prévalence du
dépistage ciblé conduisant à une sous-estimation de sa fréquence.
Le secteur hospitalier ainsi que le secteur libéral sont les plus représentés. Ceci
s’explique par la répartition des sages-femmes sur le territoire auvergnat. En effet, près
72,1% des sages-femmes hospitalières sont représentées dans cette étude.
Il semble que les professionnelles libérales ainsi que celles exerçant en établissement de
niveau 1 ont tendance à davantage réaliser de dépistage systématique [15].
46
3. Le dépistage des violences
Une amélioration peut être néanmoins constatée depuis 2012 où seulement 11,5% des
sages-femmes du Puy de Dôme réalisaient un repérage automatiquement [15].
Cette observation démontre l’implication grandissante des sages-femmes pour ce type
de dépistage, plusieurs raisons peuvent expliquer ce progrès :
- Des actions locales telles que des journées de formation au sein du Réseau de
Santé Périnatale d’Auvergne (RSPA) ont été mises en place.
- Des actions nationales ont également facilité le dépistage grâce à l’instauration
d’outils pédagogiques à destination des professionnels de santé créés par la
MIPROF.
Le 4ème Plan Triennal de lutte contre les violences faites aux femmes comprend
désormais l’arrêté du 11 mars 2013, relatif au Diplôme d’Etat de Sages-Femmes qui
prévoit dans ses objectifs la prévention et le dépistage des violences [55]. Au travers de
ce plan, le Ministère des Droits des Femmes place donc les sages-femmes au cœur du
dépistage des violences conjugales. Sachant que celle-ci débutent ou s’intensifient dans
40% des cas pendant la grossesse, les professionnelles de la maïeutique ont donc un rôle
majeur à jouer.
Enfin, les sages-femmes ne sont pas les seules à avoir progressé sur cette
problématique : les médecins généralistes sont également plus nombreux à poser les
questions relatives aux violences, sans attendre que les patientes évoquent elle-même le
sujet. C’est ce que prouve une étude menée en 2012, soit 10 ans après la thèse du Dr
Morvant [61].
47
Dans cette étude, près de 85,8% (n= 132) des sages-femmes interrogées affirment avoir
déjà été confrontées à des femmes victimes de violences au cours de leur exercice
professionnel. Ces chiffres démontrent que ce phénomène est rencontré de façon
récurrente par les maïeuticiennes. De plus, les taux observés ici correspondent aux
résultats d’une enquête nationale réalisée par la MIPROF auprès des sages-femmes en
activité, où 80% d’entre elles ont recensé ces violences au cours des 12 derniers mois
[53].
Parmi les principaux freins évoqués par les participantes à l’étude, il a été relevé
l’absence de procédures rédigées dans 38% des cas. Le manque de temps était
fréquemment cité (26%). Le rapport Henrion confirme cela : il faut du temps pour
écouter et rassurer la patiente, ce qui est plus difficile en secteur hospitalier, où des
contraintes de rendements existent.
Certaines professionnelles évoquent dans cette étude, un sujet délicat, tabou (11%) et
elles ont peur de mettre mal à l’aise les patientes (20%). Parfois, les sages-femmes ont
une histoire personnelle de violence : selon l’enquête de la MIPROF environ 20%
d’entre elles ont été exposées dans leur vie à des violences au sein du couple [53].
Plus de la moitié des sages-femmes métropolitaines (58%) en 2013 trouvent la question
difficile à poser contre 20,7% en Auvergne [53]. Ces discordances de chiffres entre le
reste de la France et l’Auvergne peuvent être le fruit des différentes actions menées au
sein du Réseau de Santé Périnatale d’Auvergne, permettant aux professionnelles
d’aborder plus sereinement le sujet.
48
Cependant, il est à noter que les femmes sont favorables à un dépistage systématique de
la part des professionnels de santé [47] et dans 80% des cas, parler soulage les victimes
[53].
Les patientes non victimes ne sont donc pas embarrassées quand la question leur est
posée.
Les principaux signes d’appel des violences conjugales sont pour 98,7% des sages-
femmes interrogées, des traces corporelles (ecchymoses, hématomes…), le dépistage est
donc plus facile. Près 93,5% des professionnelles participant à cette étude soupçonnent
lorsque la femme présente un comportement particulier (mutisme, dépression…).
Enfin, dans plus de trois quarts des cas (79,2%), les maïeuticiennes sont interpellées par
des consultations répétées aux urgences et 87% par une consultation pour « blessure
accidentelle ». En effet, ce prétexte peut être employé par la victime elle-même ou son
conjoint pour dissimuler la réalité [35].
Les sages-femmes (79,5%) sont également attentives face à des patientes présentant un
vaginisme. Or, seulement 10,4% d’entre elles y pensent lors que la femme présente une
infection sexuellement transmissible et 30,5% lorsqu’il existe un antécédent multiple
d’interruptions volontaires de grossesse. En revanche, 57,1% l’envisagent lors d’un déni
de grossesse, une déclaration de grossesse tardive ou lorsque celle-ci est non désirée.
Les études ont montré que ces femmes ont plus de difficultés à avoir un moyen de
contraception et ont plus recours à une IVG, ou au contraire, sont contraintes de mener
une grossesse à terme.
49
Les professionnelles sont à 83,1% suspicieux lorsque la présence du partenaire est trop
importante, celui-ci peut se montrer violent verbalement, contrôler du regard sa
compagne, adopter un comportement hostile ou au contraire être prévenant de manière
exagérée.
Certaines situations sont assez évocatrices comme le jeune âge de la patiente, cependant
peu de sages-femmes (soit 6,5%) sont attentives face à ce signe d’appel.
Selon l’ENVEFF, les victimes présentant un antécédent de maltraitance pendant
l’enfance ont quatre fois plus de risque, à l’âge adulte, de subir des sévices de la part de
leur conjoint. Près de 63% des sages-femmes dans cette étude avouent faire plus
attention dans cette situation.
50
Cependant toutes les femmes enceintes en bénéficient. Il semble donc également
important de réaliser le diagnostic lors des premières consultations de grossesse.
4.1 Transmissions
Au total, 93% des sages-femmes participant à cette étude réalisent des transmissions
écrites.
Sur un plan éthique, il est à noter que près de la moitié des professionnels ne demandent
pas l’accord de la victime pour écrire dans le dossier. Néanmoins, il est important de
consigner tout ce qui peut être utile dans la prise en charge et l’intérêt de la patiente.
4.2 Orientation
Selon l’enquête de la MIPROF, les premiers professionnels vers lesquels les sages-
femmes orientent les femmes victimes de violences sont les psychologues (74%
déclarent orienter les femmes vers un(e) psychologue). Viennent ensuite les services de
la protection maternelle et infantile (54%); la police ou la gendarmerie (42%); les
associations spécialisées (39%) et les travailleurs sociaux (35%). L’orientation est plus
rare vers les autres professionnel-le-s de santé (29%), le 3919 (27%) et les
professionnels de la justice (9%). Enfin 8% orientent les femmes victimes de violences
vers aucune autre structure.
51
L’absence d’interrogation sur la formation initiale et continue ne permet pas de juger la
nécessité d’instaurer un enseignement plus spécifique sur le thème des violences faites
aux femmes durant les études de sages-femmes. Il pourrait exister un lien entre le fait de
ne pas réaliser de dépistage systématique et de ne pas se sentir suffisamment préparées.
Enfin, il aurait été intéressant de savoir si les professionnelles avaient reçu des
connaissances supplémentaires depuis l’obtention de leur diplôme.
Dans le questionnaire, il n’a jamais été fait allusion aux problèmes rencontrés par les
professionnelles tels que l’ambivalence, le refus d’aide, la dissimulation ou le déni de
la part des patientes.
52
Projet d’action
Sur le plan régional, les difficultés évoquées par les sages-femmes à dépister et à
prendre en charge de manière optimale les patientes semblaient liées à un manque de
connaissance des procédures établies ou tout simplement par le défaut de rédaction de
procédures. Il serait intéressant que localement des actions de médiatisation du pôle
régional des violences auprès des sages-femmes soient organisées. Ceci afin de mieux
orienter les femmes victimes vers les structures adéquates et à encourager les
professionnels à établir des transmissions.
Peu d’entre elles connaissent les outils pédagogiques, les différents courts-métrages et
questionnaires américains doivent être présentés.
Concernant la prise en charge : il semble utile que les conditions de transmissions soient
concordantes : où les écrire ? Faut-il demander l’accord de la patiente ? Quelles
personnes informer ?
Les établissements de santé devraient posséder des protocoles concernant les violences
dans le couple, comme c’est le cas notamment au Canada.
53
Conclusion
Les violences conjugales sont très fréquentes et constituent un réel problème de santé
publique, car leurs conséquences sur la santé des femmes et celles de leurs enfants sont
multiples. La prise de conscience de ces situations par les professionnels de santé est
très récente en France, cependant, les victimes s’adressent en premier lieu au corps
médical pour avouer ce qu’elles vivent à leur domicile.
Cette étude permet de constater que : le repérage des violences est comparable à celui
réaliser dans le reste de la France, en effet, c’est un faible pourcentage de sages-femmes
qui effectuent un dépistage systématique, certaines n’ayant pas le « réflexe ». La plupart
préférant diagnostiquer en fonction du contexte.
L’ampleur du phénomène semble sous-estimée, en effet, près de 11% des sages-femmes
disent ne jamais avoir été confrontées à des femmes victimes. Certains signes d’alerte
tels qu’un vaginisme, des traces corporelles, ou une patiente présentant une dépression
sont connus par les sages-femmes.
Parmi les freins pouvant expliquer les difficultés qu’ont les maïeuticiennes à identifier
les violences subies, le manque de procédures clairement établies et des recours
possibles constituent une réelle entrave le diagnostic. La façon d’aborder le sujet pose
également problème, beaucoup pensant que la question est difficile à poser et qu’il
s’agit d’un sujet tabou.
Une formation initiale et continue plus approfondies sur le sujet permettrait d’identifier
plus facilement ces situations à risque et de démocratiser le dépistage systématique.
54
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9_DEOS_PSQP_Demographie_sages_femmes_Drees.pdf
*Obligatoire
Renseignements généraux
1) Vous êtes :
o Un homme
o Une femme
o 22-35 ans
o 35-45 ans
o 45-55 ans
o 55-65 ans
o Plus de 65 ans
3) Vous vivez:
o Seul(e)
o En couple
o Autre :
o Avant 1982
o Entre 1982-1986
o Entre 1986-2002
o Entre 2002-2007
o Entre 2007-2014
o Libéral
o Territorial
o Autre :
o Salles de naissances
o Suites de couches
o Rééducation périnéale
o Exploration uro-dynamique
o Autre :
o Oui
o Non
o Ne sais pas
o 5%
o 10%
o 15%
o Plus de 15%
o Ne sais pas
10) Chez les femmes enceintes?
o 3-8%
o 9-15%
o Plus de 15%
o Ne sais pas
o Oui
o Non
o Ne sais pas
o Oui
o Non
o Autre :
14) Selon vous, quels peuvent être les signes d'appel de violences conjugales?
(plusieurs réponses possibles)*
o L’origine ethnique
o Le niveau socio-culturel
o L’âge
o Un vaginisme
o Autre :
15) Estimez-vous qu'il existe un moment privilégié pour le dépistage de ces
violences?*
o Oui
o Non
o Ne sais pas
o Lors de l’accouchement
o A la visite post-natale
o Autre :
o Systématiquement
o Jamais
18) Vous l’effectuez :
o Autre :
o Psychologue
o Assistante sociale
o Autre :
o Par courrier
o Autre :
o Oui
o Non
22) Avez-vous déjà réalisé un signalement judiciaire ?
o Oui
o Non
o Oui
o Non
o 3919
o Assistance sociale
o Psychologue
o Autre :
ANNEXE II : Questionnaires valides
1. Avez-vous déjà reçu des coups de pieds, été frappée, poussée ou blessée
autrement dans l’année qui vient de s’écouler ? Si oui, par qui ?
2. Vous sentez-vous en sécurité au sein de votre couple ?
3. A ce jour, vous sentez vous menacée par un ex-partenaire ?
1. Avez -vous déjà été abusée moralement ou physiquement par votre partenaire ou
par un proche ?
2. Dans le passé, avez-vous déjà été frappée, reçu des coups de poings ou de pieds
ou blessée physiquement autrement par quelqu’un ?
3. Depuis que vous êtes enceinte, avez-vous déjà été frappée, reçu des coups de
poings ou de pieds ou blessée physiquement autrement par quelqu’un ?
4. Dans l’année qui vient de s’écouler, quelqu’un vous a-t-il forcée à avoir des
relations sexuelles ?
5. Avez-vous déjà eu peur de votre conjoint ou une des personne citées plus haut ?
(proche, ex-partenaire…)
Woman Abuse Screening Tool (WAST)
SAFE :
HITS :
Réponses :
Abstract
Background : In France it is estimated that 10% of women are victims of violence from
their partner. For too long,considered a private problem, too intimate,the consequences
on women's health are not harmless, both physically,mentally as well as the obstetrical
prognosis.
Pregnancy is a time promoting or aggravating the violence, 3-8% of women are
concerned.
Primarily,the victims of domestic violence confide mainly in health professionals.
Study design : The study was done with the midwives of Auvergne, the primary
objective was the screening and modalities of domestic violence, a questionnaire was
sent out to those taking part.
Results : The results demonstrate that the midwives are regularly confronted by women
who are victims of violence (nearly 85.6% have already been faced with these
situations)
This has also helped identify the problems met by professionals.
Very few midwives (17.4%) carry out a systematic screening, the majority prefer
detection
Discussion: through physical and psychological evidence of patients.
It was demonstrated that the sector of activity could influence the screening type: the
liberal midwives have easier access to systematic screening. The means of transmission
and management were also analysed.