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AIX-MARSEILLE UNIVERSITE

FACULTE DE MÉDECINE DE MARSEILLE

ECOLE DOCTORALE : Sciences de la vie et de la Santé

T H È S E
Présentée et publiquement soutenue devant

LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE MARSEILLE

Le 2 octobre 2012

Par Mr le Dr Guillaume Bronsard

Date et lieu de naissance : 26 Septembre 1970 à Marseille

TITRE DE LA THÈSE :

Evaluation en santé mentale chez les adolescents placés


L’épidémiologie à la relance de la pédopsychiatrie dans le champ de
l’enfance en danger

Pour obtenir le grade de DOCTORAT d’AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ

SPÉCIALITÉ : Recherche Clinique et Santé Publique

Membres du Jury de la Thèse :

Dr MC Siméoni, Marseille (Dir de Thèse)


Pr P Duverger, Angers (Rapporteur)
Pr M Botbol, Brest (Rapporteur)
Pr S Tordjman, Rennes
Pr M Rufo, Marseille
Pr C Lançon, Marseille

i
A Nathalie Bruneau, qui agrandit le monde et les choses.

ii
A mes enfants Sarah, Lou, Alex et Elle et l’enfant d’autres, avec qui je vis, Charlotte. Pour
qu’ils s’imbibent sans trop de peine et de lourdeur de la gravité des choses, qui seule peut
faire la vie belle et significative.

A mes parents, sœur et frère et leurs alliés.

A mes amis.

iii
A trois pédopsychiatres vivants, figures qui ont construit mes repères professionnels
débordant largement sur le reste de mes pensées et conduites :

Marcel Rufo, puissant professeur en énergie et en empathie soignantes, permettant par


simple référence à lui de relancer et parfois de réanimer ce qui s’endort, se dégrade ou
meurt.

Sylvie Tordjman, pour sa force peu limitée de production et d’organisation d’idées


transmissibles et diffusables, et ses poussées formidables et durables pour que produisent
ceux qui ne le faisait pas.

Eric Cao, porteur et gardien de l’intransigeance éthique et intellectuelle, couteuse, qui apaise
le malheur des autres.

iv
Remerciements

Directrice de Thèse

Dr Marie-Claude Siméoni, pour sa permanence, sa rassurante disponibilité, ses désirs,


techniques ou stratégies efficaces qui ont construit et amélioré sans cesse les dimensions de
ce travail.

Membres du Jury

Le Pr Philippe Duverger, pour sa capacité à présenter et à enseigner en accordage parfait


douceur et consistance au service des humanités

Le Pr Michel Botbol, pour la subtilité et l’élégance de ses pensées, pour son art minutieux et
enthousiaste de l’agencement des connaissances et du savoir

Le Pr Christophe Lançon, qui m’a conduit le premier vers la fabuleuse histoire de la pensée
des individus et de ses troubles, et appris à ne jamais brader ni évacuer l’émotion que l’on
doit aux hommes dans le malheur.

Directeur du Laboratoire de Santé Publique

Le Pr Pascal Auquier, pour son impressionnante rapidité à accueillir, et à savoir ce qu’il faut
et comment il faut faire, écrire et aller chercher. Un haut conseiller en réussite.

Au Professeur Amine Benjelloun, pour la force et le raffinement de sa pensée, au service


des choses belles et justes.

v
Je remercie le Conseil Général des Bouches-Rhône, et en particulier

Le Dr Michel Amiel, Vice Président du Conseil Général, pour l’importance de l’intérêt qu’il
porte et l’espoir qu’il transmet pour la recherche d’une articulation efficace et sereine entre la
médecine et le champ du travail social, portés par ses certitudes humanistes.

Mr Jehan-Noel Filatriau Directeur Général Adjoint à la Solidarité qui sait et croit que la
démarche de recherche peut se développer dans le champ ancien de la protection sociale,
et améliorer la condition des plus affaiblis.

Leur soutien et relances permettent la réalisation des projets.

Je remercie cette collectivité d’avoir pu me confier quelques uns des enfants qu’elle protège
dans l’espoir solide que l’on fasse mieux pour eux.

Yves Paris pour sa capacité à mêler la générosité et la liberté qui améliore la condition des
perdus.

Les équipes des institutions qui ont encadré mon travail : La Maison Départementale de
l’Adolescent et le Centre Médico-Psycho-Pédagogique Départemental, ou qui l’ont
anciennement amorcé : l’UPPSI de Porto-Vecchio.

Les collègues éducateurs, juges pour enfants, responsables de l’ASE du CG13 avec qui j’ai
pu construire l’ensemble des idées et des données.

Les adolescents des foyers.

vi
Evaluation en santé mentale chez les adolescents placés.

L’épidémiologie à la relance de la pédopsychiatrie dans le champ de l’enfance en


danger.

Résumé

250 000 enfants sont impliqués dans les dispositifs de l‘Aide Sociale à l‘Enfance ; 135 000
sont placés. Ils devraient présenter des taux élevés de troubles mentaux car la raison
principale qui conduit au placement, le dysfonctionnement familial sévère et durable, est
aussi un facteur de risque largement reconnu au développement de la plupart des troubles
mentaux survenant dans l‘enfance. Les rares études d‘épidémiologie pédopsychiatrique
réalisées auprès de cette population spécifique et repérable dans quelques pays anglo-
saxons et germaniques, affirment effectivement des taux dépassant volontiers les 50%. Ces
enfants sont paradoxalement peu pris en charge par les dispositifs de pédopsychiatrie, car
la place des parents, ici défaillants, y est en général essentielle et l‘articulation entre les
professionnels des champs socio-éducatif et médico-psychologique est médiocre. Le contact
avec les services de pédopsychiatrie se fait volontiers par les urgences en situation de crise
comportementale. Après avoir décrit l‘histoire de la « protection de l‘enfance » et de la
pédopsychiatrie, notamment leur construction concomitante et entremêlée à partir du 19ème
siècle, nous analysons les points favorisant et défavorisant leur rencontre. Nous
envisageons aussi les possibilités et les freins à la recherche scientifique en milieu socio-
éducatif.

Nous présentons ensuite les résultats de deux études menées auprès d‘adolescents placés
en foyers du département des Bouches-du-Rhône : une étude de prévalence des troubles
mentaux et une étude de leur Qualité de la Vie et des liens de ces valeurs avec les troubles
mentaux. Les résultats montrent des taux de troubles mentaux 5 fois plus élevés qu‘en
population générale, en particulier chez les filles, avec des profils pathologiques spécifiques
et une expression inhabituelle des besoins en santé mentale dégradant les possibilités de
dépistage. Ces données, les premières en France décrivant objectivement une dimension
de l‘état de santé mentale des enfants placés, doivent constituer une base de connaissance
partageable entre les très nombreux intervenants d‘origine professionnelle et disciplinaire
très variés, préalable indispensable à un travail de collaboration incontournable mais
actuellement non significatif. Pour renforcer l‘effet « collaboratif », la démarche de
Recherche-Action apparait importante.

L‘amélioration du service médico-psychiatrique à donner aux enfants placés, qui ont été des
modèles vivants pour les théories modernes de la pédopsychiatrie, peut s‘envisager à
travers nos travaux par trois axes non dissociables :

-Développement de cadre de rencontres interprofessionnelles coordonnés et régulés

-Mise en place d‘une démarche de formation et de recherche de long à très long terme
focalisée sur l‘enfant et l‘adolescent placé, notamment en épidémiologie descriptive, et en
favorisant la méthode de la Recherche-Action

-Création de dispositif spécifique permettant la mise en place de soin psychique régulier et


volumineux au côté du travail éducatif et pédagogique toujours nécessaire, pour les cas les
plus graves et mal contrôlés par le partenariat interinstitutionnel.

vii
Evaluation of mental health among adolescents in "out-of-home care".

Epidemiolgy in the help of child psychiatry in the child welfare system

Abstract

250 000 children and adolescents are involved in the child welfare system in France.
135 000 are living in « out-of-home care ». These children should have high rates of mental
disorders because the severe familial dysfonction which drive them in these social
institutions is a wellknown risk factor for the main mental disorders too. Prevalence studies
of mental disorders among this very specific population are rares and have been held in
anglo-saxon or germanics countries. They show mental disorders rates above 50%.
However, their access to regular mental services is weak, because of failing parents and the
poverty of the partnerships between social workers and child mental health professionals.
These adolescents often meet child psychiatry through emergency during a behavioral crisis.

We describe, in a first part, the history of child welfare system and of the child psychiatry, in
particular through their co-construction since the 19th century. We analyze the elements
influencing their partnerships. We examine too the difficulties to organize scientific research
in the field of the child welfare.

We presents, then, the results of two studies among adolescents living in residential group
homes in the county of Bouches-du-Rhône (France) : a prevalence of mental disorders
study and a Quality of Life study including the links between these values and the mental
disorders. Results show mental disorders rates five times more frequents than in general
population, and much more among girls, with specific psychopathologic profiles and an
irregular expression of mental health needs degrading the screening . These data are the
first in France. They describe objectively a dimension of the mental status of these
adolescent. They should constitute an easy sharable database for the very numerous and
varied professionals involved in taking care of these adolescents, precondition for the very
necessary partenership, actually no singnifiant. In order to improve the « collaborative
effect », the Action-Research method seems very useful.

Finally, our work underline three not dissociable axis for the necessary improvement of the
mental health services we have to bring to these adolescents :

-Developpement of specific, coordonated and regulated frame of interprofessional meeting.

-Implementation of research and training focused specifically in placed adolescent in long


term, in particular in descriptive epidemiology, and favoring Action-Resarch method.

-Creation of a dedicated institution allowing concomitant implementation of specific mental


health cares, and socio-educative and pedagogic work for the most severes cases, out of
control by inter-insitutional work.

viii
Sommaire

Introduction générale 1

Première Partie

L’enfant placé, son psychisme, ses troubles et leurs traitements 7

1 Les enfants placés, une population de circonstance 9

1.1 Evolution historique du placement des enfants 9


1.1.1 XVI-XVII-XVIIIèmes siècles : Sauver la vie des enfants trouvés 9
1.1.2 XIXème siècle : La protection de l‘enfant 10
1.1.3 XXème siècle : Hygiénisme, soins et psychologisation 12

1.2 Le placement des enfants actuellement en France 15


1.2.1 Nombre d‘enfants placés , critères de choix et type de placement 16
1.2.1.1 Histoires locales et postures du moment 16
1.2.1.2 Les fins de placements 18
1.2.1.3 Dispositifs alternatifs aux placements 18

1.2.2 Difficultés de quantification et de mesures, difficultés pour l‘analyse et la recherche 19

2 La médecine infantile et la pédopsychiatrie face aux enfants placés :


étapes historiques d’une co-construction 21
2.1 Les enfants placés et abandonnés, étape remarquable de la pédiatrie moderne ? 23
2.2 Les enfants placés, séparés, abandonnés, aux origines de la pédopsychiatrie moderne ? 25
2.2.1 Jean Itard et le sauvage de l‘Aveyron 25
2.2.2 L‘institut Théophile Roussel 27
2.2.3 La clinique de Neuropsychiatrie infantile du Georges Heuyer 28
2.2.4 La problématique de la séparation précoce et la carence de soin maternel :
nouvelle collusion intense entre les enfants placés et la pédopsychiatrie 32
2.2.5 L‘intérêt de la pédopsychiatrie pour l‘adolescence et sa violence 35

2.3 Les dispositifs médicaux actuels impliqués auprès des enfants placés 40
2.3.1 La Protection Maternelle et Infantile (PMI) 42
2.3.2 La pédiatrie sociale ? 42
2.3.3 La pédopsychiatrie auprès des enfants placés 43

ix
Deuxième partie :

Epidémiologie psychiatrique et Qualité de vie des adolescents placés

3 La recherche médicale auprès des enfants placés. 47


3 .1 Disciplines médicales impliquées auprès des enfants placés 49
3.1.1 L‘ « enfant placé» comme sujet de recherche en soi 49
3.1.1.1 Traduction en anglais des termes habituellement
utilisés au sujet des enfants placés 49
3.1.1.2 Revues internationales dans le champ médical ou multidisciplinaire centrées
sur le thème des enfants placés 54
3.1.1.3 Centres ou laboratoires de recherche orientés sur la santé des enfants placés 56

3.2 Epidémiologie psychiatrique chez l‘enfant placé 59


3.2.1 L‘épidémiologie en pédopsychiatrie 60
3.2.1.1 Epidémiologie psychiatrique et épidémiologie en santé mentale en pédopsychiatrie 62
3.2.1.2 Les outils et instruments permettant d‘obtenir des diagnostics
médico-psychiatriques 65
3.2.2 Epidémiologie psychiatrique auprès des enfants impliqués
dans la protection de l‘enfance 69

3.2.3 Epidémiologie des troubles mentaux chez les adolescents vivant

en foyers sociaux dans le département des Bouches-du-Rhône 73

3.2.3.1 Méthode de l‘étude 73

3.2.3.2 Résultats 77

3.2.3.3 Discussion et analyse des résultats 78

3.2.3.4 Conclusion de l‘étude 85

3.2.3.5 Prevalence rate of DSM mental disoders among adolescents 87

living in residential group homes (Article publié)

3.3 Etude de la Qualité de la vie des enfants placés 93

3.3.1 Présentation de la démarche d‘étude de la Qualité de la Vie 93

3.3.2 Les études de QV chez les adolescents 95

3.3.3 La QV chez les enfants placés 95

x
3.3.4 Etude de la QV des adolescents placés dans les foyers sociaux

du Département des Bouches-du-Rhône 97

3.3.4.1 Méthodologie 99

3.3.4.2 Résultats 101

3.3.4.2.1 Caractéristiques remarquables de l‘état et de la biographie des adolescents placés,


et comparaison avec la population générale 102

3.3.4.2.2 Mesure de la QV chez les adolescents placés 104

3.3.4.2.3 Impact des variables sexe, âge, troubles mentaux externalisés et non

externalisés sur la QV des adolescents placés 106

3.3.4.3 Discussion 108

3.3.4.4 Conclusion 114

3.3.4.5 Quality of Life and mental disorders in adolescents living in residential group

homes of the French Child Welfare System (Article soumis et accepté) 116

Troisième Partie

Les données de la recherche au service du soin en santé mentale auprès


des adolescents placés

4 Les difficultés de la pratique pédopsychiatrique auprès des enfants placés et ses remèdes 137

4.1 Etablissement d‘un cadre institutionnel d‘articulation interprofessionnelle 140

Les MDA ont-elles un rôle spécifique dans le traitement de la violence ?

(Article publié) 149

4.2 La Recherche Action Formation en psychiatrie de l‘enfant dans les dispositifs de protection
d‘enfance 153

4.2.1 La démarche de Recherche-Action 156

4.2.1.1 Principes et histoire de la Recherche-Action 156

xi
4.2.1.2 Les études prévalence et de la Qualité de Vie chez les adolescents vivant dans foyers
sociaux des Bouches du Rhône, correspondent elle à une Recherche-Action ? 157

4.2.2 Utilisation des données obtenurs par les travaux de recherches et formation inter-
professionnelle 159

4.2.2.1 Exemple d‘approche explicative multidimensionnelle pour la construction

d‘une dynamique multidisciplinaire : Pourquoi les filles des foyers

sont elles aussi agitées que les garçons ? (Article publié) 159

4.2.2.1.1 La rencontre clinique en pédopsychiatrie 161

4.2.2.1.2 La recherche en pédopsychiatrie 163

4.2.2.1.3 Apports des études dans le champ des neurosciences pour comprendre

les troubles externalisés et les comportements violents 164

4.2.2.1.4 Données des champs psychopathologiques et environnementaux 166

4.2.2.1.5 Conclusion 169

4.2.2.1.6 : Adressing, understanding and treating conduct disorders in adolescents through


psychoanalysis and neuroscience : towards a disapearance of sex-differences

(Article publié) 171

4 .3 Projets de dispositifs spécifiques ou dédiés à la santé mentale des enfants placés 176

4.3.1 Situations cliniques nécessitant des moyens spécifiques mixtes 177

Conclusion générale 181

Références 183

xii
Introduction Générale

Ce travail s‘inscrit d‘emblée dans un paradoxe. La problématique conceptuelle de la


démarche scientifique stricte est simple, puisqu‘il s‘agit principalement de mesurer le
taux de certaines maladies dans un groupe identifié. Mais la destinée de cette
mesure est ambitieuse. Elle doit modifier, améliorer de façon significative et si
possible durable l‘état psychique d‘une population désignée et repérable que sont les
enfants impliqués dans le dispositif de protection de l‘enfance. Ils sont 250 000 en
France, dont la moitié placés, vivant en dehors de chez eux.

Ces enfants et adolescents sont donc nombreux, repérés, listés, observés. Une
masse importante d‘informations les concernant est disponible, mais une masse
encore plus importante d‘informations nécessaires pour les connaître et les
comprendre et donc modifier leur condition est manquante. Ces enfants sont ceux
dont les parents ou la famille n‘ont pas réussi à mettre en place les cadres de
développement suffisamment rassurants. Et pour lesquels l‘absence ou l‘insuffisance
de ce cadre est assez visible ou que les conséquences supposées de cette
insuffisance soient perceptibles par l‘environnement, inquiété au point de signaler la
situation aux administrations.

Ce groupe est celui des enfants maltraités, abusés ou plus largement, négligés, et
perçus par la société comme tel. Elle désigne ce groupe « enfance en danger »,
c'est-à-dire en danger d‘avenir. Ils sont tout-à-fait vulnérables. Leur vulnérabilité peut
hélas s‘exprimer par des comportements induisant peu de compassion, ou en tout
cas une compassion rarement durable : mises en danger, toxicomanies, conduites
d‘agression contre soi, ou « pire », contre les autres, échecs de scolarité ou
d‘adaptation en tout genre, y compris à ce qu‘on leur propose pour les aider, pour
compenser leurs histoires et parfois leurs traumatismes, tel qu‘on le suppose. Il faut
les protéger, parfois en se protégeant d‘eux. Les rassurer, les calmer, améliorer leur
condition est bien difficile.

De très nombreux professionnels s‘occupent pourtant d‘eux : éducateurs, assistantes


sociales, juges, pédopsychiatres, pédiatres, psychiatres, psychologues, pédagogues,

1
rééducateurs variés, veilleurs, familles d‘accueil…parfois des sociologues, mais
aussi des bénévoles, des animateurs…

Mais certaines informations devraient choquer les professionnels qui s‘en occupent :
plus de 25% des « sans abri » ont été impliqués dans le dispositif de protection de
l‘enfance (Susser et al, 1991). Une personne incarcérée sur cinq a été placée en
foyer ou en famille d‘accueil (Duburcq, 200). Et s‘il est admis que les enfants de la
protection de l‘enfance accèdent peu et mal aux dispositifs d‘aides appropriés (Ford
et al, 2007), les hôpitaux de jour de psychiatrie de l‘enfant (HDJ) en accueillent une
proportion très élevée : 75 à 95% des HDJ de la région de Saint Etienne (Berger,
2009). Ce même auteur rappelle que plus de la moitié des « clients » dépendant au
quotidien et au long cours de certaines institutions psychiatriques ont subi sévices ou
abus pendant leur enfance (Berger, 2009).

La multitude d‘intervenants nécessaire amène des cultures professionnelle et


théorique différentes, sans cadre conceptuel de rencontre interprofessionnel
formalisé. Cette dysharmonie, associée aux émotions ambigües et paradoxales
induites, ou attribuées à ces enfants, perturbe la qualité des réponses
professionnelles qui leur sont nécessaires.

Les dysfonctionnements familiaux précoces, sévères et durables sont associés à une


masse étonnante de troubles, d‘inadaptations, d‘échecs en tout genre, comme nous
le détaillerons plus loin, chez les enfants, les adolescents mais aussi les adultes.
L‘avenir est facilement désastreux pour ces individus, parfois pour leurs proches,
mais aussi très coûteux et tout-à-fait insatisfaisant pour la société. Ces enfants sont
en effet repérés, par leur histoire et leur vulnérabilité, parfois très tôt, les facteurs de
risques sont assez bien connus, et le cours des choses paraît pourtant se dérouler
simplement et inéluctablement.

Modifier ce déroulement constitue l‘ambition et l‘espoir de ce travail. Il faut cependant


circonscrire son champ, limiter ses objectifs, choisir ses méthodes pour l‘envisager
réaliste. S‘éloigner de l‘immensité confuse de la recherche des liens entre malheur
de l‘enfance et malheur de vie. Il s‘agit ici, plus précisément de réaménager la
rencontre de la pédopsychiatrie avec la protection de l‘enfance. En étudiant
différemment cette population d‘enfants et d‘adolescents, afin d‘organiser, de réguler
la rencontre avec cette discipline médicale qu‘est la pédopsychiatrie. La démarche

2
scientifique présente une force qui pourra être fédératrice pour les divers
professionnels, et contribuer à la construction d‘un cadre de réflexion, de décision et
de création de procédures ou de dispositifs organisés par des repères objectifs et
partageables.

L‘intérêt de la pédopsychiatrie pour les problématiques sociales ou de l‘enfance en


danger n‘est pas inédit. En France, Georges Heuyer aux amorces de la discipline
dans les années 1930, est allé chercher les enfants dans les rues et les foyers ;
Pierre Mâle avait dans les années 1950 développé des dispositifs pour enfant en
détresse sociale ; Michel Soulé et Jeannine Noel, Myriam David, Hubert Flavigny
puis Phillippe Jeammet ou encore Maurice Berger se sont engagés, de façon plus ou
moins exclusive sur ce sujet, l‘arrimant à la pédopsychiatrie, aux côtés d‘autres
sujets historiques comme les psychoses infantiles, l‘anorexie mentale ou
l‘autisme….En Angleterre, Jonh Bowlby, par ses recherches et théorisations sur
l‘attachement, ou Michael Rutter, notamment par ses recherches prospectives et ses
études sur les enfants vivant « en dehors de chez eux » (out-of-home care) se sont
régulièrement présentés sur ce sujet.

Si quelques revues scientifiques se sont spécialisées sur ce thème, il existe


actuellement peu d‘équipes de recherche annonçant des axes ou des missions à
propos de ce thème spécifique. Il n‘existe pas de corpus théorique et de recherche
unifié, en particulier en France. Les données et les réflexions existent dans les
champs psychologique, pédagogique, psychiatrique, pédiatrique, démographique,
juridique, sociologique, de l‘éducation spécialisée, philosophique etc…Chacun de
ces champs propose et produit des données par des méthodes, des langages qui ne
peuvent être d‘emblée transversaux ou concordants.

Cette discordance pourrait être un des freins puissants mais camouflés au travail
« inter disciplinaire ». Les discours enthousiastes du « travailler ensemble », « dans
l‘intérêt commun de l‘enfant » aggravent certainement le malaise des professionnels
face au constat de la faiblesse et de l‘indigence des effets positifs de nos actions que
rapporte par exemple Maurice Berger (Berger 2009).

Nous verrons l‘importance de l‘état psychique des professionnels, de leur


représentation des enfants mais surtout de leurs propres actions...Ceci doit conduire
à une analyse sereine et claire de l‘état actuel, à recenser les outils, méthodes ou

3
procédures ayant montré une efficacité, même modeste ou au contraire des effets
détériorant. L‘indispensable modestie de la position professionnelle, n‘est
absolument pas contradictoire avec le volume de l‘ambition. Mais elle est sûrement le
garant indispensable au réalisme, qui est la meilleure prévention de la désillusion.

Le Dr Louis Ferdinand Destouches (dit Céline), écrivait dans une correspondance au


Dr Boudreau, de qui il souhaitait une aide pour développer la médecine sociale, qu‘il
fallait « en finir avec les bafouillages philantropico-clinique où est cantonnée la
médecine sociale aujourd’hui ». C‘était en 1923. Il proposait pour cela d‘arriver à une
évaluation objective des éléments en jeu, des effets produits par les actions.

Nous supposons que les enfants et adolescents impliqués dans la protection de


l‘enfance présentent de hauts taux de troubles mentaux, peut être spécifiques. Parce
que leurs histoires les amènent. Nous supposons que ces troubles sont mal dépistés
et mal soignés, camouflés par la misère et ce qu‘elle induit de compassion, mais
qu‘ils participent pourtant à l‘avenir désastreux de certains de ces enfants, et
impliquant par la suite d‘importants moyens de régulation, aussi coûteux
qu‘inefficaces sur le long terme. La société s‘est pourtant donnée le mandat de leur
protection. Nous faisons aussi l‘hypothèse que cette « protection » sera
significativement améliorée par la création d‘un espace de travail permettant à la
pédopsychiatrie d‘exister dans le champ socio-éducatif de façon rationnelle et
évaluable.

Nous faisons enfin l‘hypothèse que les données de l‘épidémiologie médicale, ont la
capacité de constituer un cadre de connaissance, à peu près partageable par les
professionnels des nombreuses disciplines impliquées sur ce sujet. A la condition
bien sûr que la nature des données soit comprise. Concernant la pathologie mentale,
et en particulier chez l‘enfant, cela ne va jamais de soi. Le désagrément intime induit
par l‘idée de la « folie » chez l‘enfant, induit en général une recherche frénétique de
causalité simple, extérieure, souvent accusatoire. La même frénésie existe lorsqu‘il
s‘agit de réclamer des « soins psychiatriques », en urgence, lorsque l‘adolescent
s‘agite, fait mal ou fait peur. A l‘évidence, une rencontre des disciplines, une
collaboration consistante et étayante, ne peut se faire dans ces contextes et situation
de crise. Il faut pourtant qu‘elle se fasse. Il s‘agit donc de construire, à l‘écart de

4
l‘agitation, un espace de rencontre. Et d‘abord, mettre les partenaires pressentis sur
des voies d‘accordage sur le sujet.

L‘épidémiologie en santé mentale, mesure les fréquences de maladies ou des


troubles du champ mental existant dans une population donnée. Cependant, cette
démarche, n‘implique pas « de fait » une concordance et une cohérence de la
définition de la maladie ou du trouble mental chez ceux qui reçoivent l‘information.
Utiliser les données, d‘un groupe professionnel à un autre nécessite un travail
supplémentaire. Il s‘agira donc, de proposer des façons d‘utiliser ces données, pour
qu‘elles permettent une rencontre opérationnelle et durable des différents et
nombreux professionnels qui s‘occupent de ces adolescents.

Les données épidémiologiques sur la santé mentale des adolescents placés sont
rares. Des taux de prévalence de trouble mentaux dans cette population sont
documentés dans certains pays mais sont inconnus en France. Il faut donc les
produire. Et il faudra aussi chercher, mesurer, décrire aussi leur état subjectif, leur
comportement, car les taux de prévalence isolés sont insuffisants pour aborder ces
adolescents. Il s‘agit de l‘objet principal de ce travail. Nous présenterons ces
données, après l‘histoire de la rencontre entre la pédopsychiatrie et la protection de
l‘enfance, et avant quelques propositions pour leur utilisation.

Nous proposons de dérouler la problématique en trois parties. La première partie


(chapitres 1 et 2) décrit la population des enfants placés et le positionnement de la
médecine face à eux. L‘enfant placé compose une population particulière, spécifique
et construite qu‘il faut définir et raconter. Savoir qui sont les enfants placés, d‘où ils
viennent, comment ont-ils été constitués en groupe repérable depuis Saint Vincent
de Paul au XVIIème siècle, est un préalable pour les étudier. En gardant la
perspective de l‘Histoire, nous faisons apparaître ensuite la construction progressive
de la médecine infantile et en particulier de la pédopsychiatrie, en parallèle et en lien
avec l‘histoire des enfants placés. Les enfants placés ont fourni un flux important et
intense d‘élaboration théorique pour la psychiatrie de l‘enfant. Les premiers murs qui
ont hébergé formellement cette discipline médicale étaient destinés à accueillir des
enfants et adolescents à « placer ». Nous décrirons enfin ce que propose la
pédopsychiatrie actuelle à leur sujet.

5
La deuxième partie (chapitre 3) présente l‘étude épidémiologique des troubles
mentaux explorés chez les adolescents vivant en foyers dans département des
Bouches-du-Rhône, suivie de la mesure de leur Qualité de la Vie permettant
l‘articulation de données objectives et subjectives. La présentation de ces travaux et
de ces mesures est précédée par une revue de la littérature inscrivant nos résultats
dans un corpus de données reconnues et établies sur le sujet que nous avons
circonscrit au préalable.

La question de l‘utilisation de nos résultats occupe notre troisième partie (Chapitre 4).
Les résultats de nos études sont bien sur destinés à améliorer in fine la prévention
des troubles mentaux, l‘accès au soin psychique et à son adaptation à la situation
particulière des adolescents placés. Peut-être même leur condition. Ils nous
indiqueront les particularités cliniques et les profils pathologiques de cette
population, mais aussi les façons dont ces adolescents peuvent exprimer leurs
besoins. La démarche de recherche peut par elle-même favoriser la rencontre entre
les acteurs des différentes disciplines impliquées auprès de ces adolescents.
L‘expérience de la pratique de la recherche pédopsychiatrique en milieu socio-
éducatif pourra indiquer les méthodes de cette rencontre nécessaire. Les résultats de
nos travaux, composera enfin une base unifiée et accessible aux professionnels
devant se trouver sur des bases de connaissances partageables nécessaires à la
solidification de leur collaboration.

6
Première partie

L’enfant placé : son psychisme, ses troubles et leurs


traitements

Un enfant est placé, lorsqu‘il est en danger. Lorsque le fait de rester avec ses
parents (ou son milieu de vie habituel) est considéré dangereux, pour son
développement. Le placement est le résultat d‘un volumineux dispositif impliquant le
tribunal pour enfant et les services de l‘Aide Sociale à l‘Enfance, gérés par les
Conseils Généraux à qui l‘Etat a confié la mission de Protection de l‘Enfance. Le
processus peut être rapide et répondre à une situation urgente, ou lent, concluant
une période d‘investigation, et/ou de tentatives échouées de résolution du problème
sans séparation de l‘enfant d‘avec sa famille.

Le législateur autorise le juge pour enfant à placer, possiblement contre l‘avis des
parents, dans le cadre suivant :

« Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou


si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif,
intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance
éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère
conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été
confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public.

(…) Cependant, lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et


éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l'état actuel
des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l'exercice de leur
responsabilité parentale, une mesure d'accueil exercée par un service ou une
institution peut être ordonnée (…), afin de permettre à l'enfant de bénéficier d'une
continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu'il
est adapté à ses besoins immédiats et à venir ». (Article 375 du code civil, modifié en
mars 2007).

Le cadre semble solide et clair, mais l‘appréciation du danger ou des conditions de


vie « gravement compromises » ne sont pas caractérisées de façon objective.
7
L‘équipe de professionnels généralement multidisciplinaire des services sociaux, a la
mission de décrire, d‘analyser et d‘évaluer la situation pour que le juge puisse
prononcer un éventuel placement. Les enquêtes sont initiées par un signalement,
effectué par n‘importe qui estimant une situation de danger. Il faut donc que les
signes d‘appels soient visibles, c'est-à-dire dans l‘aspect général ou dans le
comportement de l‘enfant ou de ses parents, tel que la société imagine un enfant en
danger.

Un enfant est donc placé, par des éléments liés, de façon importante, à des critères
culturels, sociologiques, idéologiques et politiques, eux-mêmes plus ou moins
articulés à l‘état des connaissances concernant le développement psychique de
l‘enfant et de l‘influence, éventuellement toxique de l‘environnement. Le profil des
enfants placés a évolué avec ce que la société a pu définir comme statut à l‘enfant,
notamment dans la famille, et la nécessité qu‘elle s‘est donnée de protéger et
d‘éduquer ces enfants qui étaient en danger.

8
1 Les enfants placés, une population de circonstance

1.1 Evolution historique du placement des enfants

La réponse de la société à ces enfants et leurs grandes difficultés peut se présenter


en trois périodes (Verdier, 2003). Jusqu‘au XIXème siècle, il s‘agit de sauver les
enfants trouvés, abandonnés ou orphelins de la mort. Période que Pierre Verdier
nomme « la lutte contre la mort ». Au XIXème siècle, après une lente organisation
sociale de la réponse, une logique de protection apparaît, rendant imaginable qu‘un
enfant est protégé même s‘il a des parents… Il peut être protégé de ses parents. A
partir du début du XXème siècle, s‘installe l‘idée que l‘enfant en danger est à
« soigner ».

1.1.1 XVI- XVII-XVIII èmes siècles : sauver la vie des enfants trouvés

Les historiens de l‘enfance, évoquent l‘existence d‘Hospices pour Enfants Trouvés


dès le Vème siècle (Corbillon et al, 1990). Il s‘agit de trouver une alternative à
l‘infanticide ou l‘abandon non organisé. L‘Hôpital des « Enfants Rouges » à Paris au
XVIème siècle (Robin-Romero, 2007), puis les actions historiques et emblématiques
développées par Saint Vincent de Paul au XVIIème siècle, amorcent solidement le
recueil, la protection et le soin d‘enfants abandonnés, trouvés dans les rues, ou
orphelins. Les « Tours d‘abandon », système de dépôt anonyme et discret
fonctionnant pendant une cinquantaine d‘années jusqu‘au milieu du XIXème, montrent
les efforts d‘organisation pour faciliter le recueil des enfants, et donc pour
« améliorer » leur abandon. Il s‘agit d‘un tourniquet en bois traversant une façade,
qui permet de faire passer l‘enfant de l‘extérieur à l‘intérieur d‘une maison spécialisée
ou d‘un hospice. On donne à cet enfant laissé un collier en os avec une médaille
frappée d‘un numéro qu‘il doit garder jusqu‘à ses 7 ans. Le paradoxe inconfortable
de ce sujet mêlant morale et contrainte pratique apparaît d‘emblée : il faut pousser
les parents à ne pas abandonner leurs enfants, tout en facilitant l‘abandon lorsqu‘il
survient, pour qu‘il soit le moins violent et anarchique possible.

Le pragmatisme institutionnel est d‘ailleurs stupéfiant : malgré l‘aspect criminel de


l‘abandon d‘enfant, les poursuites sont évitées : « Si l’exposition est un crime qui ne
mérite aucun pardon, il est des cas où on doit fermer les yeux sur certains maux pour

9
en éviter de plus considérables… On fait sagement de s’imposer silence, de crainte
qu’un excès de rigueur n’engage les personnes qui seraient dans le cas de tomber
dans de pareils délits, de se mettre à l’abri de toute poursuite en étouffant les
enfants, en les précipitant dans les puits, les rivières ou les latrines. L’exposition ne
mérite donc pas de poursuite… » (Tribunal de Toulouse, 1776). (Sandrin, 1982)

Les enfants ne sont placés à l‘époque que par absence de parents, disparus ou
morts, mais leur statut est lui aussi d‘emblée flou et chargé affectivement. Se mêlent
en effet des enfants du « vice », abandonnés et donc possiblement issus de relation
hors mariage, aux enfants du « malheur », orphelins de parents unis de façon
régulière, à d‘autres encore, recueillis temporairement pendant l‘hospitalisation,
l‘internement ou l‘emprisonnement des parents. Plusieurs tentatives de les
concentrer en deux catégories existeront, la catégorie des « enfants trouvés »
séparée des « enfants orphelins », que l‘on retrouve dans des lieux différents.

Les taux de mortalité sont de toute façon effrayants, se situant entre 60 et 90%
(Bardet et Faron, 1998). L‘énormité de la mort laisse peu de place à la réflexion sur
le sens des démarches, ou leur finalité… Il faut simplement que ces enfants sans
parents survivent, et pour cela organiser un système le permettant. On verra ensuite
ce que l‘on promet aux survivants.

1.1.2 Le XIX ème siècle : la protection de l’enfant

Au début du XIXème siècle, l‘assistance à l‘enfance organisée par l‘Etat comme un


véritable service public, va s‘intéresser aussi aux enfants ayant des parents, mais
considérés défaillants. Ce changement de représentation de l‘aide à apporter aux
enfants est majeur. L‘Etat confisque un pouvoir significatif aux parents sur l‘élevage
et l‘avenir de leurs enfants. Se développe alors une véritable politique de placement,
s‘éloignant d‘une dynamique de charité exclusive (David, 2004). L‘Assistance
Publique, créée en 1849, gardera longtemps cette mission emblématique.

Rappelons l‘existence de trois lois de la deuxième moitié du XIX ème siècle relatives à
la protection des enfants : « la loi Roussel du 23 décembre 1874 vise surtout le
délaissement des enfants de moins de deux ans, dans le cadre des placements
nourriciers. Elle prévoit, outre le contrôle organisé de ces placements, le retrait

10
éventuel du droit de garde. Elle est l’œuvre de ce lobby médical de la bientraitance
regroupé autour Théophile Roussel. La loi du 24 juillet 1889 « relative à la protection
des enfants maltraités ou moralement abandonnés », préparée depuis 1879, permet
la déchéance de la puissance paternelle. Cette déchéance est facultative en cas de
mauvais traitements. Loi symboliquement importante, elle sera suivie de peu d’effets
dans les affaires de maltraitance. » (Arveiller, 2011)

A la fin du XIXème, la loi française du 19 avril 1898 stabilise les idées sur les
nouveaux rapports entre l‘Etat et les enfants. L‘Etat sait maintenant répondre
clairement et réprimer « les violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats
commis envers les enfants». L‘autorité publique s‘est même donné le droit de retirer
un enfant à des parents ayant une « inconduite notoire », par déchéance paternelle.
(Seiller, 2008). L‘enfant trouvé qu‘il faut maintenir en vie, laisse la place à l‘enfant en
danger, qu‘il faut protéger, y compris de sa famille. On peut, on doit, le sauver de la
misère de ses parents. L‘urgence vitale n‘est plus la même. Les projets dépassent le
seul recueil par les agences chargées d‘acheminer les enfants vers des familles
nourricières. L‘Assistance Publique prévoit maintenant d‘éduquer, de former ses
pupilles. Les positionnements idéologiques et politiques, se compliquent et
s‘acheminent vers un nouvel enjeu : l‘éthique de la séparation forcée. Elle est décrite
par certains comme une incroyable violence, peu justifiée.

Alphonse de Lamartine mêle ses missions politiques et la puissance tragique du


romantisme pour écrire en 1838, dans son « Discours sur les enfants trouvés » à la
séance générale annuelle de la société de la morale chrétienne : « Quoi ! N’est-ce
pas une rigueur ? Une peine ? Un exil ? Une barbarie ? Ah ! demandez-le à votre
propre cœur intimement interrogé, demandez-le à ces convois presque funèbres de
ces enfants expatriés que nous rencontrons par longues files sur nos routes, le front
pâle, les yeux mouillés, les visages mornes (…). Demandez-le, j’ai été vingt fois
témoin moi-même de ces lamentables exécutions, demandez-le à ces enfants que
votre gendarmerie vient enlever de force à celle qui a été jusque-là sa mère, et qui se
cramponne à la porte de la chaumière dont on vient de l’arracher à jamais !
Demandez-le à ces pauvres mères indigentes qui courent de chez elle chez le maire,
de chez le maire à la préfecture, pour faire révoquer l’ordre inflexible (…).
Demandez-le aux suicides précoces d’enfants déplacés, qui, dans mon département

11
même, ne pouvant supporter l’angoisse de ces séparations, se sont précipités dans
le puits de la maison ou dans l’étang du village».

Une menace apparaît, majeure, immédiatement après ce constat d‘inhumanisme :


l‘annonce des conséquences désastreuses sur le comportement et l‘affectivité des
enfants, qui pourront développer des attitudes dangereuses contre eux-mêmes bien-
sûr, mais aussi contre la société, conformes à ce qu‘ils auront subi. Lamartine
poursuit : « « Que faites-vous par le déplacement et l’échange forcé des enfants
trouvés ? Vous endurcissez l’âme de l’enfant que vous promenez d’une famille à
l’autre pour lui apprendre bien qu’il n’en avait aucune (…). Vous ravalez sa nature en
lui montrant qu’il n’est pour vous qu’un rebut de l’humanité, à qui on ne tient compte
ni de ses affections, ni de ses larmes, qu’on déporte d’un sol à un autre comme un vil
bétail ! (…). Vous lui enseignez à ne s’attacher à rien, à ne rien aimer ».

Les rapports entre l‘Etat, les familles et les enfants ont changé. Il veut et doit les
protéger. Des conséquences institutionnelles tardives mais directes surviennent. Les
hospices et les familles d‘accueil vont ainsi recevoir des enfants plus âgés, plus
perturbés, ayant vécu des situations de développement difficile et vont perturber le
fonctionnement des services (Verdier, 2003). Il faut sauver les enfants, mais aussi
protéger les institutions, et peut être aussi la société, de ces mêmes enfants,
devenus des victimes effrayantes. Il faut s‘en occuper, certes, mais mieux.

1.1.3 XX ème siècle : Hygiénisme, soins et psychologisation

Jusqu‘au début du XXème siècle, les arguments sanitaires favorisant le placement


sont en particulier infectiologiques et nutritionnels. Rachitisme et tuberculose
s‘associent facilement aux « mauvaises conduites parentales ». Le concept de
trouble du développement psychique chez l‘enfant est alors en construction. Il n‘est
pas encore suffisamment solide pour apparaître spécifiquement, et pourrait être
considéré secondaire par rapport à la mortalité et morbidité physique. La
problématique de la souffrance et des troubles psychiques a besoin d‘une
théorisation, qui va se développer au cours du XXème siècle.

Le choix de placement, c'est-à-dire du déplacement de l‘enfant de sa famille, se


réfléchit, se milite, s‘analyse et se décide aussi avec les connaissances que la

12
psychologie de l‘enfant peut laisser utiliser. Laisser un enfant à des parents
défaillants est-il plus risqué qu‘infliger une séparation ?… Comment l‘argumenter, le
mesurer, comment le savoir ?...

C‘est à partir des analyses et des recherches des pédopsychiatres et psychanalystes


John Bowlby (anglais, 1907-1990) sur l‘attachement et de René Spitz (américain
d‘origine hongroise, 1887-1974) sur l‘hospitalisme et la dépression anaclitique liée
aux carences affectives que le risque psychique lié à une séparation s‘établit. Nous
détaillerons plus loin ces éléments théoriques. La théorie de « l‘attachement »,
stabilisée dans les années cinquante et soixante vient agiter les postures concernant
le placement, renvoyant aux souvenirs à peine émergents des expériences de
séparation d‘enfants dans les camps de concentration de la 2 ème Guerre mondiale.

L‘idée qu‘une séparation forcée peut aggraver une situation que l‘on espérait traiter
se théorise. En France, dans les années 70, les travaux de Michel Soulé et de
Jeanine Noël montrent aussi que « les modes selon lesquels on cherche à pallier la
défaillance des familles aggravent généralement leur pénalité initiale (…) le fait
même de devenir l’objet de la sollicitude d’une administration ou d’un organisme
d’aide sociale marque et accentue cette première différence » (Soulé et Noël, 1971).

Les constats et analyses « psychologisés » évoquant le danger de la séparation et


de l‘enfermement, viennent rencontrer les accusations faites au système de
protection de l‘Enfance d‘être « normatif », et d‘avoir comme objectif, notamment le
contrôle social et finalement la confiscation de leurs enfants aux pauvres, pour
maintenir l‘ordre capitaliste (Domenach et al, 1972). Naves et Cathala dans leur
rapport au sujet des placements d‘enfant en 2000 rappellent : « Les placements ont
été « diabolisés » dans les années 1980, spécialement ceux qui auraient pu avoir
pour origine la pauvreté de la famille, notamment sous l’influence des sciences
humaines et des théoriciens du contrôle social. » (Naves et Cathala, 2000)

Plus récemment, certains auteurs ont mis en avant les limites sévères des postures
« anti-placement » des années 70-80. Les arguments sont ici aussi de nature
psychologique et sanitaire : « Tel le balancier d’une pendule, la pensée est devenue

13
idéologie et on a ensuite entendu des éducateurs affirmer que « le placement ne
résolvait rien », et on a vu des enfants soumis pendant des années à des carences
et des mauvais traitements, qui ont fini par être placés trop tard, alors que leurs
perturbations psychiques étaient déjà organisées » (Welniarz , 2007). Eviter la
séparation peut devenir une entreprise risquant le délaissement d‘enfants
directement exposés à des défaillances graves ou de la maltraitance avérée de leur
famille, responsable de redoutables dégâts psychiques (Berger, 2004). La séparation
de l‘enfant et de sa famille peut même avoir un but « thérapeutique » et améliorer le
développement psychologique, voire traiter les troubles psychiques (Berger, 2011).

Les arguments psychologiques ont servi dans un premier temps la manœuvre


attaquant le placement. Les arguments psychologiques peuvent servir la manœuvre
inverse. Les mêmes supports théoriques, comme « l‘attachement », peuvent
paradoxalement soutenir des positions opposées : on doit éviter de séparer pour ne
pas perturber un attachement, déjà précaire. On doit séparer pour favoriser le
développement d‘un attachement sécure avec d‘autres figures… L‘intérêt de l‘enfant
est en général mis en avant, quelques soient les positions.

Le sujet, depuis que nous en avons des traces il y a plusieurs siècles, a des
difficultés à évoluer par une dynamique stable et sereine. Il est bien difficile de
mettre de côté les enjeux affectifs et leur puissance agitatrice, tant chez les individus
qu‘en groupe, puisqu‘il s‘agit d‘enfants, abandonnés, associés à la misère sociale, en
danger, parfois de mort, et, potentiellement eux-mêmes dangereux… Et il s‘agit enfin
pour une société de mettre à l‘épreuve et au jour ses promesses d‘humanisme.

Enjeux facilement excitateurs.

14
1.2 Le placement des enfants actuellement en France.

Depuis les lois de décentralisation de 1983, le dispositif de placement est confié aux
Conseils Généraux qui gèrent les services et actions de l‘Aide Sociale à l‘Enfance
(ASE). La dernière réforme date du 28 juin 2005 et décrit ainsi le cadre de la
mission : « Le service de l'aide sociale à l'enfance est placé sous l'autorité du
président du conseil général ».

« Le Département organise sur une base territoriale les moyens nécessaires à


l'accueil et à l'hébergement des enfants confiés au service. Un projet de service de
l'aide sociale à l'enfance est élaboré dans chaque département. Il précise notamment
les possibilités d'accueil d'urgence, les modalités de recrutement par le département
des assistants familiaux ainsi que l'organisation et le fonctionnement des équipes
travaillant avec les assistants familiaux, qui en sont membres à part entière. Le
Département doit en outre disposer de structures d'accueil pour les femmes
enceintes et les mères avec leurs enfants.» (Code de l‘action sociale et de la
famille, Article L221-2)

Le placement doit se réaliser dans « l‘état d‘esprit suivant » :

« Chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel.
Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service
d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission
d'apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou
morales qu'elle rencontre. Cette personne ou ce service est chargé de suivre le
développement de l'enfant et d'en faire rapport au juge périodiquement.

Le juge peut aussi subordonner le maintien de l'enfant dans son milieu à des
obligations particulières, telles que celle de fréquenter régulièrement un
établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé, ou d'exercer une
activité professionnelle ». (Code Civil, art. 375-2)

« S'il est nécessaire de retirer l'enfant de son milieu actuel, le juge peut décider de le
confier :

1° A l'autre parent ;

15
2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

3° A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou


spécialisé ;

4° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance. » Code Civil, art. 375-3

1.2.1 Nombre d’enfants placés, critères de choix et types de placement.

Les derniers chiffres disponibles en France sont ceux de l‘enquête DREES de 2008
(Bailleau et Tespeux, 2009). Il y avait 284 154 enfants/adolescents « aidés » par
l‘ASE, soit près de 1,9% de la population de 0 à 21ans. 10% sont des jeunes
majeurs (18/21ans). 141 599 de ces enfants étaient placés. Les autres sont suivis en
milieu ouvert, c'est-à-dire en restant hébergés dans leur famille. Concernant la
population qui nous intéresse, les enfants placés, il faut encore catégoriser en deux
parties à peu près égales : les placements en institution et les placements en famille
d‘accueil, légèrement plus nombreux.

1.2.1.1 Histoires locales et postures du moment

Les orientations vers un dispositif ou l‘autre est circonstanciel : « Les éléments


statistiques des différentes [unités territoriales] montrent des écarts importants dans
la proportion d’enfants accueillis en famille d’accueil ou en établissements, sans qu’il
soit possible de repérer des données objectives liées aux besoins du public dans
telle ou telle zone » (Adaptation du dispositif d’accueil dans les établissements de
l’enfance de Seine-et-Marne – Conseil Général de Seine-et-Marne – janvier 1999 – p. 87,
cité par Naves Cathala, 2000, p 46).

Le rapport de l‘ONED (Observatoire National de l‘Enfance en Danger) 2011 confirme


ce constat : « Les modes de prises en charge varient fortement d’un département à
l’autre, reflétant l’hétérogénéité de l’offre de services et d’établissements (voir
chapitre 1) et des pratiques, fruits bien souvent de l’histoire locale. La part des
mesures de placement en établissement ou en accueil familial parmi l'ensemble des
mesures varie de 34 % à 65 %, la médiane se situant à 49 % » (rapport de l’ONED
2011, p47). De la même façon, il existe une très grande variation

16
interdépartementale du taux de mesures de protection, incluant les placements,
prononcés. Les taux de prise en charge varient selon les départements de 1 à 3
pour des départements parfois mitoyens, ou même à population comparable comme
le Nord et les Bouches-du-Rhône. (ONED 2011, p42).

Le taux de placement est aussi fortement lié à la période historique. L‘exemple des
pupilles de l‘Etat est significatif. Ces enfants ont le statut particulier d‘être adoptable,
leurs parents ne pouvant pas les récupérer, par absence considérée définitive ou par
contrainte juridique. Ils ont diminué entre 1982 et 1998 de 17 000 à 3000. Les
progrès de la contraception et les aides personnalisées aux parents isolés seraient
responsables de rapides changements profonds (6 fois moins en 17ans) (DRESS,
2000) ? La nature causale de la relation entre ces progrès et la diminution du nombre
de pupilles est bien hypothétique. D‘autres facteurs possiblement en jeu, peut-être
plus puissants, comme la diminution de la volonté des juges au tribunal pour enfant
de déchoir les droits parentaux, ne sont pas aisément mesurables.

Naves et Cathala déplorent une défiance confuse et mutuelle entre revendication des
droits et risque de procès, venant presser la diminution des placements : « Au total
ce qui a frappé la mission c’est l’absence de prise de risque éducatif à laquelle
s’autorise les professionnels. Parquetiers, juges des enfants, inspecteurs de
l’enfance, travailleurs sociaux et éducatifs ont à la fois peur du placement, peur de
mal faire, peur de la dégradation de la situation familiale, peur de la violence des
parents et des mineurs, peur de leur éventuelle mise en cause pénale... Les
assistantes maternelles, quant à elles, ont peur que si elles parlent des difficultés
qu’elles rencontrent avec le jeune accueilli on leur retire l’enfant qu’elles accueillent.
Cette peur est aussi, d’une autre façon, très présente chez les familles » (Naves et
Cathala, 2000, p 50). Ils évoquent un lien entre la faible tolérance actuelle à la
violence, le pénalisme revendicatif moderne et la diminution des placements,
pourtant argumenté par « l‘intérêt de l‘enfant »

Globalement le nombre de placements va diminuer, très largement au cours du


XXème siècle, avec des périodes de chutes significatives, notamment dans les
années 90. Entre 1970 et 2003, les placements ont diminué de moitié, alors que

17
dans le même temps le nombre de signalements d‘enfant en danger augmente.
(Frechon et Dumaret, 2008).

1.2.1.2 Les fins de placements

L‘interruption d‘un placement, c'est-à-dire le retour en famille, dépend elle aussi de


facteurs multiples. La situation qui avait indiqué le placement a pu s‘améliorer.
D‘autres facteurs, peu objectivables et contradictoires, peuvent aussi apparaître. Le
rapport Naves-Cathala donne encore à ce sujet des informations peu rassurantes
pour l‘analyse et la régulation du système : « Il n’y pas lieu alors de s’étonner, en
l’absence de préparation et d’accompagnement, que la fin de mesure, le retour dans
un milieu familial finalement inchangé, soit souvent la conséquence de l’opposition
du mineur, et notamment de ses fugues multiples, ou de son arrivée à sa majorité, et
puisse, dans certains cas, déstabiliser une famille »… « Une étude réalisée en
Seine-et-Marne forme l’hypothèse que dans 1/3 des 30 dossiers examinés les
mainlevées de placement n’étaient effectuées que du fait de l’échec de celui-ci –
COPAS : OPUS3 – décembre 1999 – Evaluation du schéma de protection de
l’enfance et de la famille et du schéma de la protection judiciaire de la jeunesse – p.
41) », (Naves et Cathala, 2000, p47).

1.2.1.3 Les dispositifs alternatifs au placement

Les placements subissent aussi directement les variations des dispositifs alternatifs,
au sein du système de la protection de l‘enfance, au sein du système judiciaire mais
aussi dans les dispositifs de disciplines connexes. Un département peut choisir de
favoriser le travail à domicile ou pas et d‘organiser la répartition des moyens en
rapport. Ensuite, de nombreux enfants pourraient être placés, s‘ils n‘étaient pas
hébergés dans des institutions médico-sociales, comme les ITEP (institut
Thérapeutique Educatif et Pédagogique), les IME (Instituts médico-éducatifs), les
foyers de la Protection Judicaire de la Jeunesse (PJJ), les centres éducatifs fermés
(CEF), les hôpitaux pour des hospitalisations de très longue durée, mais aussi en
internat scolaire. Ces différents établissements prennent, trient, acceptent ou
renvoient, ferment ou ouvrent des places selon des paramètres qui ne sont pas

18
coordonnés, relevant chacun de culture, de financement et de mission différentes,
mais aussi de circonstances affectives et de leur tolérance.

Cette bien difficile régulation et coordination « inter-institutionnelle » des alternatives


au placement n‘est pas récente. Le parcours de l‘enfance de Jean Genet, écrivain
français (1910-1986) et abandonné par sa mère à sept mois, nous le rappelle : « A
son départ d’Alligny [Lieu de sa Famille d’accueil nourricière], Genet fut envoyé dans
un centre d’apprentissage de l’Assistance Publique : l’école d’Alembert à Montévrain
en Seine et Marne. Il devait y apprendre la typographie. Mais 15 jours après son
arrivée, Genet s’enfuit. Après un passage à l’hospice près de Nice, puis à l’hospice
des enfants assistés rue Denfert-Rochereau à Paris il sera confié quelques mois à un
musicien qui l’accusa de vol ; puis après quelques séjours en patronage, à la prison
de la Petite Roquette, à la clinique neuropsychiatrique du docteur Heuyer, il sera
confié à la colonie agricole de Mettray. » (Verdier, 2003)

La mauvaise délimitation des actions et des missions des champs social, éducatif,
médical, pédagogique et de la justice des mineurs rend bien difficile les articulations,
comme nous le verrons plus tard.

1.2.2 Difficulté de quantifications et de mesures, difficultés pour l’analyse et la


recherche

La diversité de l‘organisation du dispositif de placement et la complexité des facteurs


influant son fonctionnement expliquent en partie les difficultés que les projets
d‘études et d‘évaluations rencontrent.

Le rapport IGAS-IGSJ de mars 1995 sur le dispositif de protection de l‘enfance avait


constaté que « le dispositif statistique comporte trois filières séparées : le dispositif
statistique de l’ASE (qui) est sous-utilisé ; le dispositif statistique de la PJJ (qui) est
très fourni, mais peu utile pour les autres acteurs ; les statistiques fournies par les
tribunaux pour enfants (qui) sont peu significatives et non fiables ».

« Les recensements statistiques opérés par plusieurs administrations aux différentes


étapes des procédures administratives et judiciaires relatives à la protection de
l’enfance ne permettent pas de dégager des résultats que l’on peut agréger sur le
nombre d’enfants et d’adolescents concernés ; et ce même quand il s’agit des

19
interventions les plus formalisées : accueil provisoire, ordonnance de placement
provisoire, action éducative en milieu ouvert… »(Naves et Cathala 2000, p13)

Pour les AEMO (mesure de protection en milieu ouvert, c'est-à-dire avec maintien de
l‘enfant à domicile), comme d‘ailleurs pour les aides financières et les aides à
domicile, les auteurs de ce document jugent « préférable de ne pas publier les
chiffres détenus, ceux-ci ne pouvant pas être garantis » ayant constaté la difficulté
des départements à recenser leur nombre. (Naves et Cathala 2000, p 23)

La population des enfants placés n‘est pas stable, ni dans son nombre, ni dans son
profil. Les chiffres sont difficiles à extraire, à garantir et les catégories difficiles à
comparer. Les idéologies, les représentations, l‘Histoire modifient profondément les
lois, les pratiques et les dispositifs spécifiques. Les dispositifs alternatifs au
placement, les habitudes ou coutumes de travail, parfois très locales et subjectives
modifient aussi sérieusement les taux, les choix et indications, modifiant ainsi le
recrutement. Des enfants placés exclusivement par absence de parents peu après
leur naissance, à ceux, plus vieux placés car en danger dans leur famille
dysfonctionnant, le profil a fondamentalement changé. Et certainement leur
psychopathologie.

20
2 La médecine infantile et la pédopsychiatrie face aux enfants placés : étapes
historiques d’une co-construction

La médecine, comme l‘assistance, est prise par les influences historiques et socio-
politiques. La place de l‘enfant dans la société et l‘attention qu‘elle lui porte, l‘éthique
du soin aux indigents, transforment lentement les orientations, les intérêts et les
positions de la médecine. Les modèles de compréhension du fonctionnement du
corps, de la pensée et de ses maladies sont des organisateurs majeurs de la
discipline. Ces modèles sont aussi des produits socio-culturels et scientifiques. Ces
influences sont multiples et interdépendantes.

Deux thèmes distincts, en apparence, vont sans cesse appeler la médecine vers les
enfants placés, qui viendra avec des enthousiasmes variables. Deux thèmes à
charge affective opposée et corrélés à des âges différents :

 Séparation, carence de soins, maltraitance et agression, chez le nourrisson et


l‘enfant
 Violence, comportements perturbateurs chez l‘enfant et l‘adolescent.

La séparation et la carence de soin précoces sont des problématiques essentielles


du placement d‘enfant. Elles vont être une source majeure de réflexion pour la
compréhension du développement de l‘enfant. La recherche, le dépistage de son
état de « danger » dans sa famille, en analysant son corps et son comportement
invoquera et construira régulièrement les avis, les pensées et les pratiques de la
médecine infantile.

Par ailleurs, c‘est volontiers par son passé d‘enfant ayant subi des carences
éducatives, de la maltraitance ou de la violence que les origines de ses conduites
perturbatrices seront imaginées. C‘est aussi volontiers que la famille d‘un enfant ou
d‘un adolescent violent sera considérée défaillante. La violence est annoncée chez
les enfants placés. Face à la violence et aux comportements perturbateurs, la
médecine, en particulier la psychiatrie, devra se positionner, tant concernant les
modèles explicatifs de comportements pouvant être considérés comme symptômes
de troubles ou de souffrance de l‘enfant ou de son environnement, que dans la
recherche de traitement ou de remèdes.

21
L‘histoire et l‘évolution des spécialités de médecine infantile nous en apportent
quelques preuves avec des collusions théoriques, pratiques, administratives et
politiques que nous pouvons repérer.

22
2.1 Les enfants placés et abandonnés étape remarquable de la
pédiatrie moderne?

La médecine a pu rencontrer assez tôt l‘enjeu spécifique des enfants placés.


D‘abord, historiquement, hospices, Hôtel-Dieu, hôpitaux, Assistance Publique,
fonctionnent pour accueillir, protéger et soigner, notamment les indigents. Les
médecins d‘institutions évoluent donc sur les mêmes lieux que ces enfants recueillis,
et s‘en occupent.

En 1860, le Dr Amboise Tardieu fait de la maltraitance à enfant un objet de la


médecine. Il propose trois catégories : sévices simples non suivis de mort, sévices
avec torture non suivis de mort, sévices suivi de mort. Il pose son syndrome et ses
descriptions dans le champ de la médecine. Les enfants maltraités sont étudiés par
la médecine, dans un premier temps par la spécialité médecine légale. (Arveiller
2011)

Le XIXème siècle, qui permet le développement des dispositifs d‘accueils d‘enfants


abandonnés ou en danger, va de façon très corrélée, laisser apparaître une nouvelle
discipline, la pédiatrie. Le mot apparaît en 1872 dans le dictionnaire d‘Emile Littré
(Bonnet, 2010, p42). L‘hôpital des « enfants-malades » est créé en 1802 (actuel
hôpital Necker à Paris). Mais c‘est dans une autre institution, l‘hospice des « enfants
trouvés », que le Dr Marie Jules Parrot, médecin de cet hospice, devient le premier
titulaire de la chaire de clinique des maladies de l‘enfance en 1879 (Bonnet, 2010,
p42). Cet hospice, est devenu un hospice-hôpital, puis l‘hôpital de Saint Vincent de
Paul. « L’assistance de la fin du XIXème siècle est médicale plus que sociale »
(Dessertine et Faure 1992, p. 143.)

La médecine infantile, en particulier dans sa dimension préventive, est liée aux


enfants placés qu‘elle côtoyait. Ces enfants du « social » ont certainement contribué
à rendre nécessaire cette spécialisation médicale. Les services de Protection
Maternelle et Infantile (PMI), sous tutelle des Conseils Généraux, comme l‘ASE, en
sont une continuité.

La pédiatrie inclura plus tard le syndrome d‘enfant battu. En 1951 Frédéric Silverman
décrit un syndrome radio-clinique permettant de poser l‘existence d‘une maltraitance

23
physique à l‘enfant. Le syndrome de Silverman est ainsi défini : « C’est un ensemble
lésionnel qui comporte des fractures multiples, d’âges différents, le plus souvent
négligées, associant à des fractures diaphragmes banales, des arrachements
métaphysaires et des hématomes sous-périostés. Il ne résulte d’aucune fragilité
congénitale et c’est la conséquence des traumatismes infligés à l’enfant ». Cette
catégorisation va permettre de développer des démarches de recherche et d‘étude
sur le sujet. Cependant, comme le montrent D‘arigo et Leviel (2003), le nombre de
publications sur le sujet reste faible malgré l‘ancienneté et l‘importance du sujet.

24
2.2 Les enfants placés, séparés ou abandonnés aux origines de la
pédopsychiatrie moderne?

La pédopsychiatrie entretient cette même proximité, structurelle et historique aux


enfants placés que la pédiatrie. Cependant, la constitution du concept de psychisme
de l‘enfant et donc celui de trouble psychopathologique spécifique à l‘enfant, en tant
que sujet est plus lente à se réaliser. Deux voies interpénétrées et d‘évolutions
parallèles lient la psychiatrie de l‘enfant et les enfants placés, correspondant aux
liens entre développement psycho-affectif, carence de soin et séparation. Ces liens
vont apparaître à la fois dans les « solutions » proposées par la pédopsychiatrie mais
aussi comme source d‘observation et de théorisation majeure pour la discipline.

Au XIIIème, une expérience échouée de Frédéric II, roi de Sicile, aurait pu déjà
mettre sur la voie. Il demanda à des nourrices de s‘occuper de nourrissons, en les
nourrissant, les lavant, mais sans jamais leur parler ou communiquer avec eux. Il
souhaitait savoir quelle langue « originelle » était parlée par les humains, si on ne
leur en apprend pas une. Il ne put le savoir, car aucun ne parla, et tous moururent
rapidement (Koupernik, 1980). En 1684 le docteur Bonnet, médecin à Genève, décrit
dans un traité de médecine certains aspects psychologiques et comportementaux
anormaux de l‘enfant lorsqu‘existe un désintérêt de sa mère. Cette observation
profondément avant-gardiste, est considérée totalement en décalage avec la pensée
de l‘époque (D‘arigo et Leviel, 2003).

2.2.1 Jean Itard et le sauvage de l’Aveyron

Au début du XIXème, un enfant d‘une dizaine d‘année est capturé dans un bois de
l‘Aveyron. Il est mutique. On lui donne le nom de Victor. On l‘amène à Paris et on le
confie au Dr Jean Itard qui par de nouvelles techniques d‘éducation et de relation
doit le démutiser. Il va ainsi fonder la nécessité d‘un nouvelle discipline alliant étude
de psychologie, d‘éducation spécialisée et de médecine pour enfant, dont la
pédopsychiatrie peut se sentir l‘héritière. Est apparue la nécessité de s‘intéresser aux
enfants abandonnés, avec des techniques d‘observation, et d‘expérimentation, dans
le cadre des méthodes et de l‘éthique médicales. Son expérience auprès de cet
enfant « sauvage » induira de volumineux débats, controverses, espoirs et
désillusions, soutenus par un principe humaniste et philosophique puissant,

25
définissant que, c‘est l‘éducation qui humanise l‘homme, contre ses déficiences
naturelles. Les enfants abandonnés portent alors une puissante source d‘intérêt, de
recherche médico-psychologique, pédagogique, éducative et finalement
philosophique.

A la suite d‘Itard, quelques médecins et pédagogues croient à leurs actions et leur


influence pour améliorer le développement et l‘état des enfants arriérés, idiots et
épileptiques. Les plus célèbres, Edouard Seguin (1812-1880) pédagogue français
devenu médecin aux Etats-Unis, puis Désiré Magloire Bourneville neurologue à
Bicêtre et à la Salpétrière à Paris, vont organiser des dispositifs médico-
pédagogiques permettant le regroupement, l‘étude et le traitement moral de ces
enfants. La déficience, en particulier de l‘intelligence, est le modèle de pensée et de
rééducation. La pédagogie, la rééducation spécifique peuvent améliorer le sort des
idiots, des arriérés et dégénérés. Ces pratiques, essais et théorisations, restent le
socle de la pédopsychiatrie médico-éducative ou pédagogique et rééducative
actuelle.

Jacques Arveiller (2006) nous rappelle : « Les institutions psychiatriques pour


enfants se spécialiseront de façon un peu retardée par rapport à celles de la
médecine. On peut donner, là aussi, quelques dates-jalons. C’est Guillaume Ferrus,
en 1832, qui amorce la séparation entre enfants et adultes à Bicêtre, bientôt suivi par
Jean-Pierre Falret à la Salpêtrière. Si Bicêtre crée vite, avec Félix Voisin, un service
d’enfants autonomes, le principe de cette séparation ne sera posé, pour l’ensemble
des asiles, que par Max Parchappe en 1853. Principe seulement : le rapport
d’inspection de 1878 constate en effet que 12 asiles seulement, sur 104, sont
pourvus de services d’enfants, et Désiré Bourneville peut encore dénoncer, en 1887
le scandale persistant du mélange, à l’asile, des enfants et des adultes. Des
institutions proprement psychiatriques destinées à l’enfance n’apparaissent donc que
vers la fin du siècle. Les adolescents devront attendre les leurs plus encore ».

En cette fin du XIXème siècle, il n‘y a pas encore de place à la compréhension


psychodynamique de comportements posant problème chez des enfants qui ont
« l‘air » sans tare constitutionnelle. Le caractère et la personnalité ne sont pas
encore des thèmes stabilisés pour la médecine mentale de l‘enfant.

26
Les enfants placés, asociaux, agités, délinquants sont sous l‘œil et la main de la
justice et des services sociaux. Ce sont eux qui vont appeler la médecine mentale
auprès de ces enfants. Elle va venir et constituer la pédopsychiatrie moderne.

2.2.2 L’institut Théophile Roussel

L‘histoire de ce foyer devenu service hospitalier de pédopsychiatrie, rend compte de


l‘évolution fraternelle (dans le sens d‘une parenté commune et non de l‘aconflictualité
généralement et paradoxalement attribuée à la fraternité) des idées et des espoirs
portant la problématique des enfants placés et celle de la psychiatrie de l‘enfant.

Théophile Roussel (1816-1903) est un médecin et homme politique qui construit les
lois fondant la « Protection de l‘enfance » de 1874,1889 et en 1898, dites « lois
Roussel ». En 1902 l‘institut est bâti par le Conseil Général de la Seine pour accueillir
des mineurs délinquants (Braesco, 2006). Ces enfants perturbateurs, sans le
demander, vivent un changement lent et majeur de leur statut : Il ne faut plus les
punir, en tout cas, plus uniquement ; il faut maintenant aussi les soigner…

L‘administrateur Paul Strauss, futur ministre de l‘hygiène, de l‘assistance et de la


prévoyance sociale, souhaite une véritable « orthopédie mentale » : « Malades de
l’intelligence, atteints d’instabilité mentale, enclins au vagabondage, pervers, frappés
de déviations intellectuelles ! L’école de la Salpêtrière et de Bicêtre a montré
ce qu’il était possible de faire à l’égard des enfants idiots ou arriérés ; la méthode de
Seguin mise en pratique par Delasiauve, par notre savant et ancien collègue, M. le
docteur Bourneville, d’autres encore, ne vise pas uniquement les épileptiques, les
grands malades, pourrait-on dire, mais encore les demi-malades, ceux que M. le
docteur Thulié a judicieusement appelés les difformes de l’intelligence. Ce n’est pas
à punir, mais bien à guérir que nous devons apporter nos soins. Ce que nous
voulons tenter, c’est une oeuvre d’orthopédie mentale (….) L’école manquerait son
but si elle n’était pas organisée en vue de l’application de ce traitement
médicopédagogique dont Itard, Seguin, le docteur Bourneville, les docteurs Magnan,
Legrain et Henri Thulié ont tracé les principes et construit les méthodes. » (Braesco,
2006).

27
L‘institut reçoit de plus en plus d‘autres enfants que les mineurs délinquants. Il reçoit
maintenant aussi les mineurs victimes, en danger et même simplement indisiciplinés
de l‘école. L‘école étant devenue obligatoire en 1882, il faut bien s‘occuper
maintenant de ceux qui n‘y s‘adaptent pas. Un aliéniste, le Dr G Paul-Boncours est
intégré et participe aux admissions. La psychiatrie de l‘enfant se construit et
s‘intéresse aux comportements a- ou anti-sociaux et non plus exclusivement aux
déficiences de l‘intelligence. Le modèle de compréhension de la pédopsychiatrie
devient bien plus complexe, puisqu‘un d‘un « outil » défectueux qu‘il faut réparer ou
améliorer, on veut maintenant aborder, comprendre et traiter des comportements et
des relations « posant problème », dont on n‘a pas défini la cause ni la
psychopathologie.

La tutelle de cet institut de l‘administration pénitentiaire et la justice passe à la santé


et l‘Assistance Publique. Les dénominations de l‘institut changent, souvent. La
colonie pénitentiaire devient une école de préservation. Puis les psychiatres, les
infirmières sont intégrées à l‘institut qui crée une école d‘éducateurs. Lentement, le
dispositif va devenir un service de psychiatrie de l‘enfant, acquérant le statut
hospitalier en 1970.

2.2.3 La « clinique annexe » de neuropsychiatrie infantile de Georges Heuyer

C‘est en 1925 que Georges Heuyer, psychiatre, parvient à créer la première


institution spécialisée en « neuropsychiatrie infantile ». Il représente la figure
constituante de la pédopsychiatrie française (Bienne, 2004). L‘histoire de cette
naissance est significative pour ressentir la proximité substantielle des
problématiques des enfants « en danger », notamment placés, et de la
pédopsychiatrie. Henri Rollet est juge du premier tribunal pour enfants créé en 1912.
Il s‘occupe d‘enfants en danger, d‘enfants délinquants et de leur éventuel placement.
Ces enfants « terribles », entrent dans le large champ de « l‘enfance malheureuse »,
ré-établissant encore leur statut ambigu, d‘enfants à protéger et à « redresser ». Mais
le juge Rollet veut qu‘ils soient observés, examinés, traités, rééduqués et
éventuellement soignés. Il faut prendre soin de leur état, en particulier mental, qui est
en quelque sorte « pathologisé ».

28
Leurs histoires d‘abandon, d‘abus ou de mauvais traitement doivent faire l‘objet
d‘une analyse particulière, permettant d‘établir un lien avec leur comportement
inadapté au groupe et aux règles, et d‘ouvrir d‘éventuelles nouvelles pistes de
traitement du problème. En 1890 Henri Rollet avait créé un patronage, institution
destinée à l‘accueil des enfants « en danger moral », s‘ouvrant ensuite aux
prédélinquants, délinquants, fugueurs, vagabonds…(Bienne, 2004). Cette maison
devient un lieu d‘accueil et d‘observation. Georges Heuyer participera à l‘ouverture
d‘une consultation d‘expertise en vue des placements, puis en 1923 établira une
consultation de neuropsychiatrie infantile. Henri Rollet, veut plus, mieux. Plus de
formalisation et d‘envergure pour leur conviction que ces enfants doivent bénéficier
de soins, de réflexion et de recherche, et de l‘apport des connaissances actuelles. Il
obtient de la faculté de médecine de Paris qu‘elle choisisse un psychiatre capable
d‘examiner, de traiter ces enfants et d‘enseigner à leur sujet. Heuyer est désigné.

En 1914, on avait pu lire dans sa thèse de médecine intitulée : « Enfants anormaux


et délinquants juvéniles — nécessité de l‘examen psychiatrique des écoliers ». la
conclusion suivante : « Nous avons voulu montrer que les enfants inadaptés amenés
dans les services de neuropsychiatrie, les enfants anormaux des écoles, les
délinquants infantiles et juvéniles sont identiques… ». (Braesco, 2006). La médecine
mentale pour enfant, élargie ses préoccupations. Au-delà d‘une intelligence
défectueuse qu‘il faut rééduquer, on peut maintenant s‘intéresser aux
comportements difficiles ou anormaux malgré une intelligence à peu près normale.
Occupons-nous de la personnalité des agités ou agitateurs. Juges, éducateurs,
surveillants vont médicaliser leur sujet.

La « Clinique annexe de neuropsychiatrie infantile » du Dr Heuyer, ouvre en 1925.


Mais ce premier service de pédopsychiatrie naît en dehors de l‘hôpital, au sein du
patronage du Juge Rollet, sorte de « foyer justice des mineurs». La clinique annexe
est par contre rattachée à la chaire des maladies mentales et à celle des maladies de
l‘enfance à la faculté de médecine de Paris.

En 1948, la chaire de neuropsychiatrie infantile se détache de la psychiatrie et de la


pédiatrie qui la co-hébergeaient, et devient autonome. Georges Heuyer la dirige
(Dugravier et Guedeney, 2006). Le premier centre de pédopsychiatrie est né en 1925
entre la rue, le tribunal pour enfant, les foyers sociaux et la faculté de médecine.

29
Cette spécialité ne sera acceptée que 15 ans plus tard dans un hôpital, en 1940 à
l‘hôpital Necker, puis transferé en 1954 à la Pitié-Salpetrière, après avoir étendu ses
indications et intérêts aux comportements difficiles ou inadaptés des enfants quelque
soit leur situation, dépassant très largement celle des enfants placés, séparés ou
délinquants. Pour entrer à l‘hôpital, la discipline doit savoir s‘occuper d‘enfants plus
ordinaires que les idiots ou les délinquants, et intéresser ainsi la société civile dans
son ensemble. « L‘inadaptation réactionnelle » décrivant des problématiques très
variées, devient le motif principal de la consultation d‘Heuyer dans les années
cinquante. (Bienne, 2004).

Repères chronologiques (Service de Georges Heuyer)

1890 : Patronnage pour enfant en danger moral (délinquants, vagabonds etc.) fondé
par Henri Rollet (avocat) à Paris.

1912 : Extension du Patronage par la création d‘une Maison d‘accueil et


d‘observation dans laquelle se développe une consutation d‘expertise médico-
psychiatrique pour enfant en vue d‘un éventuel placement menée par Heuyer. Dans
la même année, création du premier tribunal pour enfant à Paris. Henri Rollet y
devient Juge de cette section.

1923 Georges Heuyer établit la première consultation de neuropsychiatrie infantile


dans l‘institution de Rollet.

1925 Création de la Clinique annexe de neuropsychiatrie infantile dirigée par Heuyer


dans des murs offerts par le Patronnage, rattachée aux chaires de la clinique des
maladies mentales et des maladies de l‘enfance de la faculté de médecine de Paris.
Développement d‘un enseignement pour intéresser les médecins au « social ».

1930 : Reconnaissance de la Clinique annexe par l‘Assistance Publique des


Hôpitaux de Paris et rattachement aux hôpitaux de Paris

1940 : Transfert de l‘unité dans un hôpital (Necker-Enfants Malades).

30
1948 : Création de la chaire de neuropsychiatrie infantile dirigée par Heuyer à la
faculté de médecine de Paris.

1954 : Transfert du service à l‘hôpital de la Pitié-Sapétrière à Paris.

Cette négociation ancienne, lancinante entre « la médecine et le social » n‘est pas


terminée. Elle ne peut l‘être. Cette insuffisante détermination des champs dont
relèvent les enfants en danger induit bien souvent les difficultés de coordination
interprofessionnelles, surtout quand le cas est urgent ou violent. Nous y reviendrons
plus tard.

La « psychiatrisation » de ces enfants, de leurs histoires et de leur comportement,


est corrélée au développement des théories psychopathologiques. Ces enfants vont
bénéficier de l‘introduction des théories psychologiques et psychopathologiques, de
leurs méthodes de traitement et de leurs évolutions, mais vont être aussi un terrain
très riche du développement de la réflexion pour ces mêmes théories. Les enfants en
danger et séparés permettent des observations « naturelles» et directes, à la fois des
effets que produisent les mauvais traitements ou la déprivation maternelle sur le
développement psychique, mais aussi ceux produits par les séparations
parents/enfants, choisies, ou subies, mises parfois en place pour éviter justement les
nuisances de la maltraitance…

La période de constitution de la pédopsychiatrie, dans ces années 1920 est celle de


l‘essor bouillonnant de la psychanalyse. Georges Heuyer va pouvoir introduire
directement dans son institution les concepts freudiens permettant une nouvelle
compréhension des symptômes, mais aussi les cadres nécessaires aux
psychothérapies. L‘inadaptation, souvent l‘agitation, parfois la violence de ces
enfants, peuvent maintenant correspondre à des troubles psychopathologiques, et
pourraient être, au moins en partie, soignés.

Heuyer met en avant trois apports majeurs de la psychanalyse pour ces enfants :
« Freud a apporté trois grandes nouvelles qui ont renouvelé la psychiatrie, la
psychologie en général et particulièrement la psychiatrie infantile […]. Freud a
montré que l’affectivité joue un rôle supérieur à celui de l’intelligence dans le
déterminisme de notre vie quotidienne, qu’elle soit normale, pathologique ou

31
délinquante. Il a montré l’importance du milieu familial et du climat affectif dans lequel
l’enfant se développe et effectue sa maturation. Il a montré l’existence de la sexualité
infantile. »

Ce modèle, cette rupture dans l‘histoire des idées mais aussi des individus, devenant
« sujets », va permettre d‘étendre le modèle de compréhension et de soin à d‘autres
situations et troubles, et élargir le champ d‘intervention de la pédopsychiatrie à
d‘autres enfants et autres situations que les enfants en danger. Le tribunal n‘est plus
seul pourvoyeur de consultants ou de patients. La famille et l‘école apparaissent
lentement comme les autres lieux de dépistage et de besoin de cette nouvelle
discipline qui décrète que l‘enfant pense, peut en souffrir ou même penser
« anormalement ».

2.2.4 La problématique de la séparation précoce et de la carence de soins


maternels : nouvelle collusion intense entre le placement d’enfant et la
pédopsychiatrie

Après la 2ème guerre mondiale, l‘étude sur les carences de soins maternels devient
progressivement un enjeu majeur pour la pédopsychiatrie. Les petits enfants placés
en institution en sont les modèles naturels. Cet intérêt pour le développement
psycho-affectif du nourrisson et ce champ d‘observation sont nouveaux. Georges
Heuyer, par exemple, disait lui-même que « le nourrisson est surtout un système
nerveux qui se développe. Quand on se penche sur un berceau, ce ne sont pas des
manifestations d’intelligence que l’on remarque [...]. Ce sont des excitations
sensorielles et des réactions motrices » (Duché, 1990).

A Londres, Anna Freud, Mélanie Klein, psychanalystes d‘origine autrichienne, puis


Donald Winnicott, pédiatre et psychanalyste anglais, venaient de poser l‘importance
de s‘intéresser spécifiquement au développement psychoaffectif du nourrisson, dans
la relation à sa mère, et l‘importance de la continuité des processus de soins
maternels.

Le contexte historique traumatisé et fasciné par les images effrayantes des enfants
dans les camps de concentration, les nurseries ou instituts débordants d‘enfants
ayant perdu leurs parents, va puissamment agir au développement des modèles de

32
compréhension de la relation mère-enfant et de ses ruptures. Dès 1944, Anna Freud
publie l‘ouvrage « Infants without families », où elle décrit ses observations
concernant le développement et le comportement de dizaines d‘enfants privés de
leur mère recueillis à la nursery d‘Hampstead (Freud A, Burlingham D, 1949). Aux
Etats-Unis en 1946, René Spitz psychanalyste d‘origine hongroise, construira le
concept d‘ « hospitalisme » et de « dépression anaclitique », en étudiant notamment
les nourrissons dans les orphelinats, home d‘enfants abandonnés ou encore les
pouponnières (Golse, 1997, p 53). Anna Freud, à Londres étudie le comportement et
le développement de dizaines d‘enfants abandonnés dans des nurseries, et le décrit
dans

En 1951, l‘OMS demande au psychiatre anglais Jonh Bowlby d‘établir une


monographie correspondant à un état des lieux des travaux sur la carence de soin
maternel et les séparations précoces. Bowlby construit quelques années plus tard la
« Théorie de l‘Attachement », qui va permettre, notamment avec les travaux de Marie
Ainsworth aux Etats-Unis d‘inclure une dimension expérimentale et objectivable dans
la recherche sur la séparation d‘enfant et les placements (Ainsworth,1961). Ces
travaux rompent avec la continuité psychanalytique, en introduisant notamment des
concepts issus de l‘éthologie.

Cette dynamique de recherche, de théorisation, a trouvé une bonne partie de son


inspiration auprès des enfants placés en institutions. Elle y cherchera des
applications. En France, Jenny Aubry, ancienne assistante de Georges Heuyer,
s‘implique dans une pouponnière pour enfants de 0 à 3 ans, annexée au service de
pédiatrie qu‘elle dirige. Il s‘agit de la Fondation des Parents de Rosan. En faisant
venir Marcelle Geber, Geneviève Appel puis Myriam David, se scelle un champ
théorique et des applications spécifiques pour le monde des enfants placés. Ils
bénéficient à la fois des connaissances les plus actuelles, et de la poussée éthique
et humaniste de l‘Après-Guerre.

La féminité des praticiens et des théoriciens sur la problématique de la séparation


précoce et des carences de soins maternels est remarquable.

Elles vont parvenir à modifier le fonctionnement et les attitudes des personnels de


ces institutions, vers plus de permanence et d‘affection exprimée, en montrant que

33
ces institutions étaient maltraitantes par négligence comme par indifférence
(Dugravier et Guedeney, 2006).

Mais c‘est uniquement par un travail patient et proximal auprès du personnel qu‘elles
ont obtenu quelques changements. Jenny Aubry crée le premier placement familial
spécialisé en 1950 (Dugravier et Guedeney, 2006) ; Myriam David s‘implique
fortement dans la formation des assistantes sociales. Il aurait été simple et risqué de
pointer les conduites indignes et inhumaines du personnel de ces instituions, sans
comprendre que le défaut d‘encadrement, mais aussi le désarroi et le marasme
social du personnel lui-même en était responsable (Dugravier et Guedeney, 2006).
La Fondation Parents-de- Rosan existe toujours. L‘institution est devenue un foyer
de l‘Aide Sociale à l‘Enfance (Dugravier et Guedeney, 2006).

Michel Soulé, un des derniers « séniors » de la pédopsychiatrie française décédé en


janvier 2012, s‘engage auprès des enfants placés, dans les années soixante et
soixante-dix, avec un intérêt particulier pour la petite enfance et la séparation
(Braconnier, 2001). En 1972, le rapport Dupont-Fauville (Dupont-Fauville, 1973)
prévoit une réforme du dispositif de protection de l‘enfance, largement inspiré et
concomitant de son article « Malaise dans la bienfaisance ou l‘enfermement des
enfants dits cas sociaux » (Soulé et Noel, 1971). Les nouvelles compréhensions du
développement psycho-affectif du petit enfant, sont intégrées, et permettent
d‘affirmer l‘importance de la continuité et de la prévention.

Les conséquences sur l‘organisation des dispositifs apparaissent, par une nouvelle
tentative d‘unifier les problématiques sociales et médico-psychologiques, et donc les
professionnels et administrations respectifs. Le « Secteur Unifié de l‘Enfance »
correspond à un dispositif expérimental créé en 1975 dans le XIVème
arrondissement de Paris, permettant la coordination permanente des aspects
sociaux et médico-psychologique grâce à une organisation hiérarchique unique
ayant autorité sur les différents secteurs : Aide Sociale à l‘Enfance, Protection
Maternelle et Infantile et pédopsychiatrie. Michel Soulé attachera aussi une grande
importance à la formation multidisciplinaire, en proposant des enseignements de
pédopsychiatrie très ouverts aux travailleurs sociaux. (Braconnier, 2001).

34
2.2.5 L’intérêt de la pédopsychiatrie pour l’adolescent et sa violence

Nous venons de voir que la grande poussée scientifique, théorique et éthique


existant depuis l‘Après-Guerre, et agissant sur les rapports entre la pédopsychiatrie
et la protection de l‘enfance, est principalement préoccupée par la période de la
petite enfance et des relations précoces. La grande enfance et l‘adolescence avaient
auparavant occupé la place, par la problématique de la délinquance juvénile, des
enfants inadaptés, errants ou vagabonds. Enfants et adolescents potentiellement à
placer.

Ces deux périodes de la vie de l‘enfant, présentent une différence notable pour la
société. Avec le nourrisson, on se préoccupe d‘un enfant « inoffensif », plus perturbé
que perturbateur… Ce qui n‘est plus garanti lorsqu‘il a grandi. L‘adolescent « en
danger » bénéficie de modifications très significatives de l‘organisation sociale et
des représentations, mais les intérêts théoriques sont souvent occupés par le spectre
du « passage à l‘acte » et de la délinquance. Peu importe il faudra probablement les
soigner. L‘ordonnance du 2 février 1945 relative à l‘enfance délinquante, crée les
juges pour enfants, rappelle l‘importance de les protéger, la primauté de l‘éducation
sur la répression, et la nécessité des investigations psychologiques. Dans les
« motifs » de l‘ordonnance, il est exposé : « l’enquête sociale elle-même sera
complétée par un examen médical et médico-psychologique, sur l’importance duquel
il n’est point nécessaire d’insister. »

Mais les pédopsychiatres sont dans cette période de l‘après-guerre moins nombreux
sur le sujet de l‘adolescence que sur celui la périnatalité et les troubles de la relation
précoce. Différents dispositifs et dynamiques théoriques vont cependant se
développer au sujet des adolescents. Le thème le plus souvent mis en avant est
celui des comportements perturbateurs, qui n‘est qu‘un thème connexe à celui des
adolescents placés.

La thématique de l‘adolescence renvoie largement à celle de la violence. Arveiller


(2006) rappelle que le premier ouvrage sur l‘adolescence, traité de 1500 pages de
psychologie et sociologie de Stanley Hall en 1904 met en avant dès le titre la
problématique du passage à l‘acte : « Adolescence, its psychology and its relations
to physiology, anthropology, sociology, sex, crime, religion and education ».

35
C‘est l‘agir ou le passage à l‘acte de l‘adolescent qui fait mouche. Philippe Gutton
(2005) nous ramène que : « Suicide, addictions, faits divers, (auto) mutilations,
anorexies... La violence semble faire partie de l'univers des adolescents. Leurs crises
secouent ceux qui les côtoient, aussi bien les familles que les 'professionnels de la
jeunesse'. Les parents veulent les protéger de leurs 'conduites à risques'. Les
institutions, de l'école à la justice, les accusent de se comporter en anarchistes, qui
ne respectent ni loi, ni dieu, ni maître. La société, qui envie leur jeunesse et leur
beauté, les trouve volontiers incultes et dangereux. Pour nous tous, les adultes, ils
sont menaçants, surtout lorsqu'ils vont « en bande ».

La pédopsychiatrie en cours de construction met assez rapidement les thèmes de


l‘agression et de l‘adolescence en évidence pour ses préoccupations. Georges
Heuyer fut un des cofondateurs de l‘association européenne de psychiatrie de
l‘enfant en 1935 qui devint quelques années plus tard l‘association internationale de
psychiatrie de l‘enfant et de l‘adolescent et professions alliées. La première
conférence internationale de psychiatrie de l‘enfant eut lieu à Paris en 1937 sous sa
présidence. La seconde en 1948, se déroula à Londres et fut centrée sur le sujet de
l‘agression. « L‘adolescence » fut un peu plus tard le thème formel de la conférence
d‘Edinbourgh en 1966 présidée par John Bolwby.

Concernant les dispositifs de soins, Pierre Mâle crée en 1948 la Guidance Infantile
de l‘hôpital Henri Rousselle, centre de soin, de rééducation et de pédagogie
spécialisée, dans lequel les adolescents auront une consultation spécifique, et qui lui
permettra de développer la spécificité psychopathologique associée à cette période,
incluant la clinique du passage à l‘acte et de la violence (Mâle, 1980).

Hubert Flavigny va ouvrir le premier service de psychiatrie spécialisé pour


l‘adolescent en 1964 (Lemaire, 2006). Il va développer un intérêt particulier pour
l‘adolescent délinquant, asocial et ainsi définir de nouvelles pistes pour permettre la
rencontre professionnelle entre pédopsychiatres, éducateurs et juges pour enfant.

La violence, et de façon générale la psychopathie et la délinquance rappellent à


l‘ordre la pédopsychiatrie de façon assez permanente. Elle sera interrogée sans fin
sur les bons moyens de traitement de ces jeunes gens, impulsifs et possiblement
dangereux. Le « pourquoi et comment certains font-ils tant de mal aux autres »,

36
thème sans doute éternel, garantit un éveil de la psychopathologie de l‘adolescent.
Et même si la collusion des sujets adolescence et délinquance est défavorablement
réductrice, elle assure au moins que le sujet ne se démodera pas.

La plupart des pédopsychiatres français pionniers de la discipline ont du s‘intéresser


de façon plus ou moins volumineuse à cette problématique adolescente et ses
comportements difficiles et transgressifs, que leur ainé, Georges Heuyer avait
investie et posée comme préoccupation majeure pour la discipline. Serge Lebovici,
René Diatkine, Didier Jacques Duché notamment figures porteuses et constituantes
de la pédopsychiatrie française d‘Après-guerre auront été assistants dans la clinique
de Georges Heuyer (Bienne, 2004), imprégnée de ses problématiques initiales,
sociales et juridiques, et consacreront quelques travaux à la psychopathie de
l‘adolescent (Misès et Castagnet, 1980) ou la délinquance (Mazet, 2011). Stanislas
Tomkiewicz a publié de nombreux articles et ouvrages au sujet des troubles du
comportement ou des conduites des adolescents, en lien à son activité au foyer de
semi-liberté de Vitry-sur-Seine tel qu‘il le décrit dans son ouvrage autobiographique
« l‘adolescence volée » (Tomkiewicz, 1999).

En Angleterre, les travaux de Jonh Bowlby sur l‘attachement et ses troubles, mais
aussi de Donald Winnicot sur la discontinuité de soin maternel, amènent des
ouvertures explicatives aux troubles du comportement des adolescents (Misès,
1980), incluant sa délinquance. Dès 1944, Bowlby étudie la personnalité et les
conditions de vie familiale d‘une population de quarante-quatre jeune voleurs
(Bowlby, 1944). Le fondateur de la pédopsychiatrie anglaise, Michael Rutter
explorera dans la constitution de la discipline la problématique des enfants placés et
celle du trouble des conduites des adolescents (Rutter, 2000).

Dans les années 70, un intérêt se développe pour une violence nouvelle, curieuse,
faite au corps de l‘adolescent, par lui-même. Les troubles du comportement
alimentaire, et en particulier l‘anorexie mentale. Philippe Jeammet, assistant puis
successeur d‘Hubert Flavigny, va pouvoir développer des techniques et des concepts
qui vont ouvrir la psychiatrie de l‘adolescent plus loin que la clinique du passage à
l‘acte contre les autres ou l‘environnement.

37
La spécialité s‘est largement étendue au-delà de la clinique du passage à l‘acte,
s‘intéressant à la souffrance, ses causes et ses résolutions de façon plus générale,
instaurant des dispositifs hautement multidisciplinaires comme a pu le faire
notamment Marcel Rufo à Paris (Maison des Adolescents de l‘hôpital Cochin en
2004, service dirigé actuellement par Marie-Rose Moro). La spécialité peut et doit
savoir maintenant s‘occuper des enfants et adolescents dans des situations très
variées, superficielles ou très graves, en gardant la nécessité de multidisciplinarité
associant psychologie, pédagogie, travail social et éducatif, neurologie ou
pharmacologie, tant dans l‘analyse que dans ses traitements. Comme nous le
décriront plus loin, les Maisons de l‘Adolescent, en propose une forme actuelle et
répandue sur le territoire (Fuseau et Moro, 2011, Bronsard, Bruneau et Rufo, 2011).

La pédopsychiatrie moderne s‘est constituée formellement il y a bientôt un siècle, en


investissant spécifiquement, et principalement à l‘époque, le champ des enfants
placés, séparés mais aussi perturbateurs ou délinquants, correspondant à deux
thématiques corrélées : l‘enfant victime et/ou l‘enfant auteur.

L‘étape de l‘ouverture et du développement de la psychopathologie et du modèle de


compréhension psychodynamique s‘est alors constitué, brutalisant les modèles
défectologiques et de la pédagogie adaptée du XIXème siècle. La façon dont on prend
soin des enfants, va s‘affirmer comme un levier majeur de protection contre les
troubles psychiques ou au contraire comme facteur de risque principal de leur
constitution. Cela va amener la spécialité à affirmer l‘intérêt et l‘espoir attribué aux
psychothérapies, et non plus uniquement aux rééducations et pédagogies adaptées.

Le débat sans fin opposant l‘inné et l‘acquis, y trouvera une belle relance, avec ses
excès et ses rages les plus inquiétants, renforçant « la confusément pressentie
culpabilité maternelle » face aux troubles de leur enfants : cet enfant est perturbé car
on s‘en est mal occupé. La discipline s‘est largement ouverte à d‘autres
problématiques que sont les troubles plus subtils du langage et de la relation,
recouvrant finalement tout le champ du développement psychologique et affectif de
l‘enfant et de l‘adolescent.

La rencontre des enfants placés et de la pédopsychiatrie a favorisé l‘épanouissement


de la discipline, en particulier au sujet du développement et des besoins précoces,
mais aussi au sujet des adolescents et de leur comportement. Elle a pu ainsi porter

38
des nouvelles façons de s‘occuper et de prendre soin d‘eux. Le champ des enfants
placés reste et doit rester un modèle pour étudier et réfléchir le développement
psychique dans ses interactions avec l‘environnement, enjeu théorique majeur de la
spécialité, sans cesse réactivé, notamment par les découvertes de la génétique et de
l‘épigénétique. Ce champ doit aussi persister à être un terrain privilégié actif pour la
réflexion éthique, d‘autant plus que leur condition familiale fait que leurs parents sont
eux en difficultés pour promouvoir, revendiquer ou militer en leur faveur.

39
2.3 Les dispositifs médicaux actuels impliqués auprès des enfants placés

Il est difficile d‘isoler et de classer les actions ou dispositifs du milieu sanitaire établis
dans le champ de la protection de l‘enfance. Les deux thèmes connexes à celui des
placements d‘enfants, la maltraitance et la violence, que nous avons suivis à travers
l‘histoire de la psychiatrie de l‘enfant ne sont pas spécifiques à la psychiatrie, ni à la
pédiatrie et sont repris par de très nombreuses disciplines et sujets de société.

La maltraitance et l‘agression sexuelle des enfants d‘une part et la violence et la


délinquance des jeunes d‘autre part, correspondent à deux sujets particulièrement
médiatisés et surexposés dans notre actualité. Ces deux sujets sont aussi
médicalisés de façon assez importante. Ils portent la même force passionnelle, mais
à tonalité strictement inverse. Comme l‘évoque Marcelli à propos de la représentation
des enfants en général, le nourrisson est autant sacralisé que l‘adolescent est rejeté
(Marcelli, 2010). Il s‘agit pourtant souvent de la même personne, 10 ans plus tard. Le
petit enfant maltraité et agressé suscite une compassion aussi spectaculaire que
l‘effroi suscité par l‘adolescent agressif.

 La maltraitance et l‘agression sexuelle de l‘enfant

L‘enfant placé est toujours actuellement facilement victime d‘agressions, d‘abus ou


de négligence. Il peut en effet largement être placé pour ces raisons. Le thème
énorme et agité de la maltraitance à enfant, notamment victime d‘abus sexuel
apparaît dans de très nombreuses disciplines médicales : urgences, gynécologie,
pédiatrie, psychiatrie etc…et bien sûr non médicales : justice, police, travail social,
pédagogie etc…Il faut reconnaitre, dépister, trier, prévenir, traiter, juger et même
communiquer. Depuis les années 90 une multitude d‘actions, de contre-actions, se
développent, portées par des lois, des circulaires, des associations de victimes,
suivies ensuite par des associations de victimes d‘accusations mensongères de
fausses victime (Collectif JAMAC 1998), enjoignant hôpitaux, services sociaux, santé
scolaire à mettre en place des actions ou dispositifs. La coordination est malaisée,
compte-tenu du nombre d‘intervenants potentiels et de la tension induite par le sujet.
La place des hôpitaux et leur articulation avec les Conseils Généraux par exemple
est complexe et mal définie par les textes. (Roussey, Balençon et Suissa, 2009)

40
Les dispositifs remarquables qui ont été mis en place sont basés sur une
représentation victimologique, c'est-à-dire présupposant que celui qui se présente se
considère comme une victime, ou au moins est considéré comme tel par celui qui
l‘amène. La possibilité de coexistence de faits ou de vécus de faits contradictoires
comme celui de pouvoir être en même temps ou à des temps différents, mais chez la
même personne, victime d‘agression et auteur, perturbe et complexifie le
fonctionnement.

De nombreux services, de pédiatrie le plus souvent, mais aussi de gynécologie, de


pédopsychiatrie ou d‘autres disciplines ont créé des centres d‘accueil et de
traitement des victimes, parfois réservés aux victimes d‘abus sexuels. On peut bien
sûr y rencontrer des enfants ayant un parcours de placement ou qui y seront
amenés. Le Centre d‘Accueil des Victimes d‘abus sexuels et des enfants Maltraités
(CAVASEM), les unités d‘accueil pour jeunes victimes, sont le plus souvent gérés
ou rattachés à des services de pédiatrie. Ils ont été créés par plusieurs circulaires
entre 1992 et 2000 (Roussey et al, 2009). En 2004, on comptait une quarantaine
d‘unités spécifiques dans les hôpitaux. Des pôles de référence Régionaux ont été
créés pour coordonner les actions (Roussey et al.2009).

Notons que le dispositif d‘Angers, dans le Maine et Loire n‘a pas affiché la
« victimité » préalable, en nommant son unité « Permanence d‘accueil de l‘enfant en
danger ». Cette unité s‘apparente aux dispositifs spécifiques de prise en charge de
l‘enfant victime et maltraité, puisque il peut accueillir dans les cadres « médico-
social » ou judiciaire (cf au site internet du CHU d‘Angers http://med2.univ-
angers.fr/discipline/pedopsy/presentation.htm)

 La violence et la délinquance des jeunes

Ce thème représente la deuxième face de l‘inquiétude que suscite l‘enfance en


danger, qui en plus d‘être victime, peut être auteur. Et dans certain cas, les deux à la
fois. Ces deux thèmes, et leur proximité inconfortable se trouvent à la constitution
des tribunaux pour enfant par l‘ordonnance 45. Le renvoi de ce thème aux enfants
placés est indirect et ambigu. De nombreuses situations de violence agie par les
enfants et les adolescents se développent dans un contexte de dysfonctionnement
familial sévère et durable (Berger, 2002 ; Bronsard et al, 2010), et notamment les

41
violences conjugales (Savard et Zaouche-Gaudon, 2010), impliquant une réflexion
sur l‘enfant à protéger de sa famille, donc possiblement à placer. Les enfants
maltraités et abusés, ont beaucoup de risque de devenir violents ou de présenter des
troubles des conduites (Inserm, 2006). Rappelons les pronostics de Lamartine,
annonçant que l‘arrachement des enfants à leur mère, endurcira leurs âmes, et leur
apprendra à n‘aimer personne...(cf supra). La problématique de la violence est à
attendre dans les situations de placement.

Enfin comme nous le verrons plus loin, la violence est un « symptôme » facilement
invoqué par les services sociaux pour solliciter la médecine, en particulier la
psychiatrie. Ces deux thèmes ont une puissance durable et sûrement irréductible
pour maintenir et développer la dimension médicale auprès des enfants placés.

2.3.1 La protection maternelle et infantile (PMI)

Certains dispositifs médicaux se posent en proximité de la problématique des enfants


placés. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l‘enfance doit renforcer la
prévention et le dépistage des situations de violence et de maltraitance. Les services
de Protection Maternelle et Infantile ont intensifié leurs actions historiques de
prévention et de protection, en formalisant des bilans et entretiens au 4 ème mois de
grossesse, par des visites à domicile quelques jours après la sortie de maternité.
Depuis 1945, la préoccupation alliant prévention nutritionnelle, infectieuse et
éducative, s‘est au fil du temps développée sur la dimension psycho-sociale. (loi
1945/ loi 2007)

Ces services médicaux sont confiés aux Conseils Généraux. Dans certains
départements, comme dans celui des Bouches-du-Rhône, ils ont formellement la
charge de la santé des enfants confiés à l‘ASE jusqu‘à 6 ans.

2.3.2 La pédiatrie sociale ?

Il ne s‘agit pas d‘une pédiatrie spécialisée pour les enfants en difficultés sociales,
même si ceux qui s‘en revendiquent, montrent une sensibilité aux problématiques de
la maltraitance et des enfants en situations vulnérables, mais de façon générale. Ce
terme ne représente pas non plus une spécialisation formelle. Robert Debré, pourtant
un de ses instigateurs, propose de considérer que la pédiatrie sociale est un état
d‘esprit, plus qu‘une spécialité (Roussey et Kremp, 2004, p XV). Cet esprit doit

42
amener le praticien à une approche globale de la problématique de la santé,
analysant la situation de l‘enfant dans son environnement. Un club international de
pédiatrie sociale existe depuis 1969. La santé publique, la prévention et la
pluridisciplinarité sont les préoccupations principales. (Roussey et Kremp, 2004, p
XV).

Quelques centres de pédiatrie, dont certains hospitaliers sont ainsi désignés au


Québec (Canada).

2.3.3 La pédopsychiatrie auprès des enfants placés

Il n‘existe pas de service spécifiquement organisé pour la problématique des enfants


ou adolescents placés. Mais certains services ont su développer une pratique et un
intérêt remarquable pour les enfants placés. Nous développerons plus tard l‘intérêt et
les risques d‘établir une spécificité thématique de la pédopsychiatrie au sujet des
enfants placés, que l‘on nommerait pédopsychiatrie sociale.

L‘absence de désignation formelle rend très difficile le recensement des services ou


secteurs ayant réalisé de tels dispositifs. Il n‘existe d‘ailleurs pas de mission
obligatoire spécifique en faveur de ces enfants placés. Les actions et les intérêts
sont développés selon les circonstances.

 Petite enfance

L‘intérêt porté à la périnatalité et à la clinique du nourrisson est bien visible en


pédopsychiatrie en France : consultations, unités mère-enfant, réseaux de périnalité
autour des maternités. Ces réseaux peuvent intégrer une pouponnière, lieux de vie
de certains nourrissons placés avant 3 ans. Des services de pédopsychiatrie, ou des
Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) peuvent déclarer leur intérêt pour le
sujet et conventionner leurs actions auprès des services sociaux, de foyers, de
réseaux de famille d‘accueil, de pouponnières comme c‘est le cas pour le CMPP
Départemental de Marseille (Unité de Soins Précoces, Dr Ehret).

A Paris, le Dr Pascal Richard dirige le CFAT (Centre Familial d‘Action Thérapeutique)


créé en 1966 par le Dr Myriam David, et le PFT (Placement familial thérapeutique) de
l‘hôpital Esquirol, créé en 1987, formant aujourd‘hui, de par l‘établissement d‘une
convention intersectorielle, l‘UIAFT (Unité intersectorielle d‘accueil familial

43
thérapeutique). D‘autres services sont certainement impliqués auprès des petits
enfants placés, mais ils ne sont pas recensés en temps que tel.

Citons une expérience de coopération entre une équipe de psychiatrie infanto-


juvénile et les équipes du Centre d'Accueil d'Urgence Saint-Vincent de Paul, de l'aide
sociale à l'enfance de Paris. Cette action a été engagée au milieu des années 90 par
l‘intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile du 14ème arrondissement. Elle permet la
mise en place de moyens médico-psychologiques spécifiquement réfléchis et
organisés pour les enfants confiés à l‘ASE, hébergés dans les foyers d‘urgence.
(Pérouse de Monclot, 2006).

 L‘adolescent

La psychiatrie de l‘adolescent a connu un volumineux investissement depuis la fin


des années 90, avec une large apparition de la problématique dans la société civile
et la création de très nombreuses unités de soins pour adolescent, surtout
ambulatoires mais aussi hospitalières et des « Maisons de l‘Adolescent » depuis le
début des années 2000. L‘évolution des publications sur le sujet est d‘ailleurs très
significative. L‘analyse du nombre de publications en sciences sociales et
psychologie (CAIRN INFO) utilisant « adolescent » comme mot-clé montre une
multiplication par un facteur 10 dans les années 90 et un facteur 100 après 2000. En
médecine, le moteur de recherche « Science Direct » (Elsevier) montre une
augmentation par un facteur 5 entre 1973 et 1992 et par un facteur 7 entre 1993 et
2011. Les 2 revues internationales « Journal of Adolescence » et « Journal of
Adolescent Health » (Ancien « Journal of Adolescence Health Care ») ont été
fondées en 1980 et 1978, et mettent d‘emblée en avant le principe « multi » voire
« trans »disciplinaire. La revue française Adolescence, dirigée par Philippe Gutton a
été fondée en 1983.

Si l‘importance de la multidisciplinarité et des activités en réseaux est volontiers mise


en avant dans les prises en charge d‘adolescents (Versini, 2007, p81), la
collaboration avec les services de la protection sociale est faible et médiocre (Naves
et Cathala, 2000 ; Wielnarz, 2007 ; Bronsard et al 2011a). Une description des
actions et dispositifs actuels impliqués dans la prise en charge des adolescents et
des difficultés que les professionnels rencontrent pour articuler leurs actions lorsqu‘ils

44
sont issus de milieux professionnels différents, a été réalisé par l‘équipe de
Dominique Versini, Défenseure des Enfants, en 2007. L‘articulation des services
socio-éducatifs et de la pédopsychiatrie sont décrits difficiles, en particulier dans les
situations de crises comportementales. (Versini, 2007, p81).

Quelques exemples de dispositifs ou de formalisation d‘articulation entre les champs


socio-éducatif et pédopsychiatrique peuvent être cités. Certains services de
pédopsychiatrie organisent ou co-organisent des cadres de rencontre des différents
professionnels de l‘adolescence, dont ceux de la protection de l‘enfance en difficulté
dans une situation. Ces réseaux, ou cadres formels, s‘inspirent de l‘expérience et
des actions du DERPAD (Dispositif Expert Régional Pour Adolescent en Difficulté) à
Paris fondé en 1994, dispositif emmené par Philippe Jeammet.

Paul Bizouard a créé une unité médico-éducative pour adolescent à Besançon, qui
unit des moyens de l‘intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile et de l‘ASE pour
résoudre des problématiques ressortant de façon concomitante de ces deux champs
(Entretien avec le Pr Paul Bizouard, 2006).

Maurice Berger dirige probablement le seul service français de pédopsychiatrie, à


notre connaissance, proposant un dispositif thérapeutique spécifiquement et
intentionnellement adapté aux enfants et adolescents présentant des troubles
sévères ou très sévères du comportement à expression hétéro-agressive. Son
service, à Saint Etienne, a organisé une place spécifique et formalisée à la condition
d‘enfant confié à l‘ASE. Cette formalisation permet de définir la place et l‘implication
des travailleurs sociaux à qui les enfants sont confiés, mais aussi à des parents dont
le statut « en danger » de leurs enfants, complexifie leur position. (Berger, 2003,
Chapitre 6 ; Berger 2005, chapitre 7).

Enfin, il existe à Marseille, un service hospitalier associatif regroupant des lits


sanitaires et une Maison d‘Enfants à Caractère Sanitaire, co-financé par l‘assurance
maladie et le Conseil Général des Bouches-du-Rhône (Association Séréna, Dr
Gilbert Fabre).

Le travail auprès d‘enfants placés pourtant nécessite une réflexion et une place
particulière pour les éducateurs, les Juges pour enfant, les spécificités de la place

45
des parents qui ont été désignés comme défaillants ou même dangereux, mais aussi
un savoir-faire au sujet de la gestion de la violence. Une absence de réflexion et de
préparation peut induire que certains services sanitaires soient vite dépassés,
renvoyant les adolescents vers le champ socio-éducatif mettant en avant une
insuffisance de dimension pathologique. Certains auteurs, pensent pourtant que la
violence sévère masque bien souvent des processus psychiques pathologiques et
nécessitant des soins (Berger, 2001). Ces renvois itératifs d‘un champ professionnels
vers un autre, en particulier entre le social et le sanitaire, créent un groupe particulier
d‘adolescents désignés alors comme « difficiles ». La rencontre inter-professionnelle
doit donc être ré-organisée.

Enfin ces enfants pourraient montrer des profils pathologiques spécifiques,


correspondant à l‘existence de certaines caractéristiques de leur histoire et de leur
développement (Berger, 2006). Faut il donc constituer une spécialisation ou au
moins formaliser des dispositifs spécifiques pour soigner les adolescents de l‘ASE ?
Nous reprendrons plus loin, en quatrième partie, ces constats et les pistes de
résolution.

46
Deuxième partie

Epidémiologie psychiatrique et Qualité de Vie des adolescents placés

3 La Recherche médicale auprès des enfants placés.

« Ce que je voudrais établir, c’est une médecine efficace et standardisée pour une
population comme la nôtre [une population ouvrière, pauvre et mal logée]-avec des
preuves d’efficacité- et sortir du bafouillage philantropico-clinique, vaniteux et
dérisoire dont on se contente actuellement en médecine sociale et générale. »

Dr Louis Destouches (dit Céline)


Lettre au Dr Boudreau, 6 Mars 1929
In « Semmelweiss et autre écrits médicaux » p236-237

Le thème des enfants placés est ancien, et interpelle plusieurs champs de natures
très différentes, dont la médecine. Les articulations entre les différentes disciplines
impliquées ou intéressées, entre leur acteurs ou leurs concepts, est mal aisée, car
peu de repères simples et partageables préexistent. Nous l‘avons vu, s‘occuper d‘un
enfant placé, peut solliciter des spécialités médicales, somatiques et psychologiques,
le champ socio-éducatif, le champ socio-judiciaire, incluant des services de maintien
de l‘ordre, ou encore la pédagogie. Le thème peut faire réfléchir et écrire les sciences
sociales, la politique et les administrations, l‘éthique et la philosophie… Ces
sollicitations, peuvent être de plus poussées par des idéologies, des illusions, des
espoirs ou des craintes et parfois des peurs.

Bref, le sujet est a priori difficile à porter, maîtriser, organiser et ranger. Voire à
calmer. Nous formulons l‘hypothèse que la recherche médicale et l‘utilisation de ses
résultats sera un outil significatif pour améliorer les collaborations incontournables de
ces nombreux professionnels et, peut être, la condition de ces enfants. Claude
Bernard, dès la fin du XIXème siècle, attendait avec beaucoup d‘espoir que le travail
social recherche, évalue, mesure pour réaliser ses avancées attendues : « Au lieu
d'envisager les phénomènes sociaux comme des problèmes scientifiques, on
marche à l'aventure en se confiant à son étoile » (Bernard, 1974). Au fond objectiver,

47
un peu, ce que l‘on fait ou pourrait faire face à ces enfants si difficiles à appréhender
par la multitude des modèles de compréhension concomitants.

Mais ces situations vont-elles le supporter? Médicalisation, objectivation,


scientifisation… ne vont elles pas ramener une fois de plus du malheur à ces
enfants, par catégorisation, étiquetage, verrouillage, pronostics oraculaires… ? Au
fond, un enfermement de plus. Comme le rappelle Arveiller (2011), « cette
médicalisation suivrait une logique classique depuis Michel Foucault : la lecture
détournée par la médecine d’un phénomène social, avec renvoi de phénomènes
collectifs à des causes individuelles, se constituant en moyen subtil de répression et
perpétuant finalement les inégalités en majorant la ségrégation symbolique et sociale
des plus défavorisés ». La médecine et son obsession « objectivante » comme levier
supplémentaire à la répression des faibles.

Pourtant, face à l‘immensité, l‘ancienneté et la complexité de la problématique des


enfants placés, que peut, que doit et comment doit répondre la médecine ? Et puis
doit-elle répondre?... Une absence de positionnement ou d‘implication semble
d‘emblée inopportune. Comme nous l‘avons décrit, elle est placée, de façon plus ou
moins nette et consistante depuis les origines de la problématique des enfants
placés, et elle a fait sienne quelques éléments ou objets corrélés à la situation de
placement : psychopathologie de la séparation, prévention et puériculture, clinique
de l‘abandon et de la carence de soin, maltraitance, clinique de la violence et des
troubles du comportement…

Et puis elle s‘est rapprochée, des travailleurs sociaux, des pédagogues, des
administrations de l‘enfance, des politiques… elle a argumenté, parfois même milité.
Elle a même cherché.

Nous présentons un état des lieux actuel de la recherche médicale au sujet des
enfants placés. Nous verrons ensuite comment s‘en servir.

48
3.1 Disciplines médicales impliquées auprès des enfants placés

De la même façon qu‘il a été bien difficile de poser un état des lieux des dispositifs
de soin existants auprès ou spécifiques des enfants placés, un tour exhaustif des
productions de la recherche médicale sur ce thèmeprésente les mêmes contraintes
et limites. Bien sûr les thèmes très corrélés à la situation de placement que sont la
maltraitance, l‘abandon mais aussi la violence et les troubles du comportement chez
l‘enfant et l‘adolescent, sont une source certaine d‘information et connaissance dans
le champ médical au sujet de ces enfants. Mais existe-t-il une catégorisation
renvoyant et définissant leur état « d‘enfant placé » ?...

3.1.1 « L‘enfant placé » comme sujet de recherche médicale en soi

La thématique peut apparaître dans plusieurs spécialités : psychiatrie et


pédopsychiatrie, pédiatrie, médecine légale, épidémiologie et santé publique. Elle
peut bien sûr aussi constituer des sujets ponctuels de n‘importe quelle spécialité
d‘organe, lorsqu‘il s‘agit de s‘intéresser à un problème spécifique de santé dans ce
groupe d‘enfants vulnérables.

Par ailleurs le groupe « enfant placés », correspondant pourtant à une définition


administrative clairement repérable, ne constitue pas par contre un groupe stable
dans le temps (cf infra, 1.2.2)

3.1.1.1 Traduction en anglais des termes habituellement utilisés au sujet des enfants
placés

Enfin toute démarche de recherche doit pouvoir utiliser des termes et des « mots
clefs », assez consensuels. Et si possible avec leur traduction, notamment en
anglais.

Le groupe des enfants placés, appartient aux enfants confiés à l‘Aide Sociale à
l‘Enfance (ASE), ou plus rarement ceux placés directement par un Juge au Tribunal
pour Enfant en placement dit « direct ». En français, les termes suivants pourraient
être utilisés dans les recherches : enfants placés, enfants confié à l‘ASE, enfants
séparés, enfants vivant en famille d‘accueil, enfant vivant en foyers, enfant vivant en
institution sociale etc…
49
Mais c‘est dans la traduction de ces différents termes que quelques incertitudes
surviennent. Nous avons largement vu que les catégories, les types de placement,
les alternatives aux placements étaient fortement liés aux histoires et postures
locales, culturelles et parfois idéologiques ; il n‘est pas étonnant que ces différences
et cette instabilité dans la description de l‘objet étudié, le soi aussi d‘un pays à
l‘autre. Les nominations de la catégorie « enfant placé » est elle aussi dépendante
de ces facteurs politiques, juridiques, historiques et culturels….Il n‘y aura donc pas
de traduction littérale et directe.

Dans les pays anglo-saxons, de façon comparable au système français, un enfant


est confié à un système de Protection de l‘Enfance, l‘Aide Sociale à l‘enfance, sous
tutelle d‘autorités locales (Conseils Généraux pour la France). Les enfants peuvent
être placés en dehors du domicile de leurs parents, soit dans des familles d‘accueil,
soit en foyer ou en pouponnière pour les 0-3 ans.

Voici les termes anglais que nous avons relevés renvoyant à la thématique des
enfants placés :

 Child Welfare System : Aide Sociale à l‘Enfance. Les termes Child involved
in the Child Welfare system sont souvent utilisés. Ces termes correspondent
à une catégorie administrative.
 Care System : Le terme est plus général, mais renvoie aussi au système de
protection dans son ensemble. Child involved in the Care System.
 Child Protective Services : terme assez général pour les services de
protection sociale pour enfant.
 Social Services : services sociaux, regroupement des actions sociales de
façon large.
 Local Authorities : Autorités locales, pouvant correspondre aux services
départementaux français. Les termes Children looked after by the local
autorities sont utilisés, et pourraient correspondre à « enfants confiés à
l‘ASE ».
 Child Protection Agency : Organisme, départements de protection de
l‘enfance, Aide Sociale à l‘enfance.

50
 Family Court : Tribunal pour enfant, s‘occupant des mineurs auteurs ou
victimes mais pas des affaires familiales (divorce).
 Child in out-of-home care : L‘enfant séparé de sa famille, vivant en
dehors de sa maison habituelle. Ce terme est le plus large, regroupant les
différents types de placement.
 Foster care system : système de placement d‘un enfant en famille d‘accueil.
 Fostered children : plus rarement utilisé pour la confusion avec « enfant
adopté ». Confusion complexe et intéressante. Les Directions de l‘enfance
des Conseils Généraux regroupent les services de l‘adoption (agréments
pour les familles demandant à adopter, et suivi des enfants adoptés) et les
services de placements. Cette dichotomie et ce regroupement existent aussi
dans les pays anglo-saxons (Royaume uni, Etats-Unis, Canada).
 Kinship Care : Système de famille d‘accueil ethniquement ou culturellement
proche de l‘enfant, « apparentée » à l‘enfant. Ces positions administratives ne
peuvent être établies en France, car la catégorisation ethnique de la
population n‘est pas réalisée, même si en pratique les services de protection
de l‘enfance semble pratiquer cet « assemblage » ethnique lors des choix de
famille d‘accueil (communication personnelle des membres de l‘administration
de l‘ASE 13)
 Residential group home/Residential Treatment Centers (RTc) :
Correspond aux foyers ou maisons d‘enfants à caractère social (MECS)
français. Le terme Shelter, ne semble pas utilisé pour les enfants, plutôt pour
des foyers ou des abris pour adulte.

Le système Mesh (Medical Subjects Headings, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/mesh)


rassemblant et catégorisant les mots utilisés pour indexer les articles au sein du
dispositif PubMed, et son utilisation bilingue proposé par l‘Institut National de la
Santé de Recherche Médicale français (INSERM), proposent les informations
suivantes :

51
Mots anglais rapportés à « Child Welfare » :

 Welfare, Child
 Child Protective Services
 Protective Services, Child
 Child Health

« Child Welfare » est aussi renvoyé à « Foster Home Care ». Les différentes
catégories Mesh montrent l‘arborescence suivante :

Anthropology, Education, Sociology and Social Phenomena Category

Social Sciences

Sociology

Social Welfare

Child Welfare

Child Abuse

Battered Child Syndrome

Child Abuse, Sexual

Munchausen Syndrome by
Proxy

Child Advocacy

Child Custody

Child Day Care Centers

52
Le système Mesh bilingue français/anglais (http://mesh.inserm.fr/mesh/) propose le
tableau de traduction suivante

Descripteur français Aide sociale à l'enfance

Descripteur anglais Child Welfare

ASE (Aide Sociale à l'Enfance) / Protection de l'enfance /


Synonyme(s)
Protection de l'enfant / Services de protection de l'enfance /
français
Santé de l'enfant /

Synonyme(s)
Child Health /
américain(s)

Organized efforts by communities or organizations to improve


Définition MeSH
the health and well-being of the child.

Local governmental offices which investigate reports of abuse


and neglect of children, and act to assure a safe environment
for minors.

Code de Catégorie
I01.880.787.293 /
MeSH

classification / économie / ethnologie / histoire / législation et


Qualif. autorisés
jurisprudence / psychologie / tendances / statistiques et
français
données numériques / éthique /

Qualificatifs classification / economics / ethnology / history / legislation &


autorisés jurisprudence / psychology / trends / statistics & numerical
américains data / ethics /

53
3.1.1.2 Revues internationales dans le champ médical ou multidisciplinaires centrées
sur le thème des enfants placés

En utilisant le système Pubmed, quelques revues apparaissent comme étant


directement liées aux mots clefs : child welfare, maltreatment, child abused, child
neglected. Certaines sont indexées, d‘autres partiellement, d‘autres pas du tout.

Revue Année Index Pubmed Mots clefs Impact


(Mesh) Factor
2011
Child Welfare 1948 OUI Child Welfare 0.65
Child Abuse and 1977 OUI Child Abuse 1.94
Neglected
Children and 1979 OUI, limité aux Adolescent, 1.13
Youth Services articles Child Welfare,
Review démographiques Social Work
Journal of Family 1986 NON Child Abuse 0.94
Violence Violence,
Family
Child and Youth 1991 NON Adolescent, 1
Care Forum Day Care
Residential
Thérapy
Child 1996 OUI Child Abuse 1.98
Maltreatement
Journal of Public 2006 NON Child Abuse,
Child Welfare Social Welfare
Vulnerable 2006 NON Adolescent,
Children and Child Abuse,
Youth Studies Social Welfare

D‘autres journaux publient des articles sur le thème de la santé des enfants
impliqués dans les dispositifs de protection de l‘enfance. Nous avons cherché les

54
articles ayant utilisé dans le titre les mots « Child Welfare » et « Health », publiés
entre 1990 et 2011. Puis nous avons noté les revues auxquels ils se rapportaient.
Nous avons utilisé 4 bases de données : Pubmed/Medline, et trois bouquets
d‘éditeurs scientifiques : Science Direct (Elsevier), Springer et Wiley.

Medline : 63 articles référencés principalement dans les journaux suivants :

 Child Welfare : 12
 Administration And Policy In Mental Health : 6
 Child Abuse & Neglect : 4
 American Journal Of Public Health : 4
 Children and Youth Services Review : 4
 Psychiatric Services : 3
 American Journal of Orthopsychiatry 2
 Journal of American Academy of Child and Adolescent Psychiatry : 2
 Social Work in Health Care :2

Science Direct (Elsevier) : 26 articles référencés principalement dans les journaux


suivants :

 Children and Youth Services Review : 13


 Child Abuse & Neglect : 6

 Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry : 2

Springer : 15 articles référencés principalement dans les journaux suivants

 Administration and Policy in Mental Health and Mental Health Services


Research : 6
 Community Mental Health : 2
 Child and Youth Care Forum : 2

Wiley : 14 articles référencés principalement dans les journaux suivants :

 Child Care Health and Developpement : 3


 American Journal of Orthopsychiatry : 2

55
Sur les douze journaux référencés par ces moteurs de recherche ayant publié plus
d‘un article pendant les vingt dernières années, comportant dans le titre les mots
« Child Welfare » et « health », cinq sont du champ médico-psychiatrique et de la
santé mentale, trois centrés sur le thème de la protection de l‘enfance, un relève de
la santé publique, et trois sur des thèmes de santé globale.

Les journaux ayant le plus publiés sur le thème de la santé des enfants impliqués
dans la protection de l‘enfance avec les critères de restriction de recherche
précédent sont Children and Youth Services Review (treize articles), Child Welfare
(douze articles) et Child Abuse and Neglect (six).

3.1.1.3 Centres ou laboratoires de Recherche orientés sur la santé des enfants


placés

De nombreux chercheurs travaillent de façon directe ou indirecte sur le sujet des


enfants placés et notamment de leur santé, comme nous l‘avons évoqué à partir des
articles de revues scientifiques. La plupart des publications ou rapports d‘étude sont
issus de laboratoires ou de centres de recherche que l‘on peut facilement catégoriser
en sciences sociales : psychologie (Mme C Zaouche-Gaudron, Université de
Toulouse II), sociologie (Mme E Potin, Obervatoire National de l‘Enfance en Danger)
ou socio-démographie (Mme Isabelle Frechon, Groupe d‘Analyse du Social et de la
Socialbilité/Centre National de Recheche Scientifique, Paris V), en sciences de
l‘éducation (Mme C Sellenet à l‘université de Nantes, Mme S Euillet, Paris 10). Ces
unités de recherche sont volontiers pluridisiciplinaires.

Le thème « santé » ou « médecine », n‘est pas spécifiquement mis en avant, même


si des problématiques liées à la santé sont bien sûr largement inclues dans leur
publications ou rapports.

Le Centre de Recherche Médecine Science, Santé, Société (CERMES 3) à Villejuif


associe l‘Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), le
Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) et l‘Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales (EHESS). Ce centre développe des recherches sur les rapports
entre médecine et société, en regroupant principalement sociologues, historiens,
économistes et anthropologues (http://www.cermes3.cnrs.fr/spip.php?rubrique1).

56
Mme Annick-Camille Dumaret, psychologue et ingénieur de recherche INSERM, y
coordonne depuis de nombreuses années des recherches spécifiquement centrées
sur les enfants placés, dans un cadre affichant spécifiquement la recherche
médicale et en santé.

L‘Observatoire National de l‘Enfance en Danger (ONED), est un organisme dont le


thème de travail est spécifiquement et exclusivement l‘enfance en danger. On peut
lire sur son site de présentation : « Face au constat d’une dispersion et d’un
morcellement des connaissances dans le domaine de la protection de l’enfance,
l’Oned s’est fixé pour objectif de recenser et de diffuser les études et les recherches
existantes ». Au sein de cet organisme, la problématique sanitaire ressort volontiers
dans de multiples actions ou rapports, mais à titre général et non spécifique. Les
disciplines sociologie et psychologie sont très largement représentées. Le conseil
scientifique de l‘ONED est présidé par un sociologue, et il est composé de quinze
membres, dont sept représentants d‘institutions susceptibles de passer commande,
et huit chercheurs ou universitaires, dont, actuellement cinq sociologues, un
chercheur en droit, un psychologue et un pédopsychiatre (moi-même).

Le Centre Rhône Alpes de Recherche en Epidémiologie et Prévention Sanitaire


(CAREPS), a réalisé quelques études concernant l‘état de santé des enfants ou
adolescents placés. Ces études portent sur la santé globale, commandées soit
directement par des Conseils Généraux, des Services de l‘état ou l‘ONED.

A l‘étranger, le « Centre Jeunesse-Institut Universitaire du Quebec », la « School of


Social Service Administration » de l‘université de Chicago, ou le « Center for Child
and Family Research » en Angleterre à l‘université de Loughborough, organisent une
partie de leurs recherches spécifiquement sur le thème des enfants placés. Cette
université anglaise héberge l‘INTRAC (International Research Network on
Transitions to Adulthood from Care). Cette association internationale de chercheurs a
centré son thème sur la période de transition de l‘adolescence à l‘âge adulte des
enfants impliqués dans la protection de l‘enfance. Il est composé de 16 membres,
tous issus des sciences sociales : psychologie, pédagogie, travail social, politiques
sociales…

57
Les laboratoires ou organismes impliqués dans la recherche sur les enfants placés,
sont occupés très majoritairement des disciplines de sciences sociales, pédagogie,
sociologie, psychologie, affichant régulièrement une dynamique dite inter ou
multidisciplinaire. Les thèmes sanitaires y sont articulés ou développés
principalement dans ce cadre.

Nous n‘avons pas retrouvé de laboratoire de recherche mettant en avant


spécifiquement le thème de l‘état de santé des enfants placés, ni d‘unité de
recherche développant actuellement le thème des enfants placés au sein de faculté
de médecine en France.

Les thèmes connexes de la maltraitance et de la violence sont volontiers des sujets


de recherche organisés lorsque les dispositifs que nous avons précédemment décrits
ont été développés dans des centres hospitalo-universitaires ou en articulation avec
des laboratoires de recherche. C‘est le cas pour quelques centres d‘accueil de
mineurs victimes, comme par exemple au CHU d‘Angers (Maine-et-Loire) ou pour le
service du Dr Maurice Berger au CHU de Saint Etienne (Haute-Loire).

58
3.2 L’épidémiologie psychiatrique chez l’enfant placé

Lorsqu‘un sujet est flou, lorsqu‘on en maitrise mal les limites et la portée, un
mouvement naturel de tentative de « prise en main » surgit, pouvant alterner avec
des poussées de « fuite ». La charge affective pesante personnelle et collective qui
existe autour des enfants placés, leur état, leur avenir, leur victimité et leur capacité
de nuisance réelle ou supposée dégradent cette prise en main.

La question de la maladie mentale, est elle aussi bien pesante, touchant une part
difficile à conceptualiser de l‘humain, sa conscience, expliquant notamment son
image ambigüe fascinante et effrayante, par ses dimensions mystérieuses, peu
anticipables, et la violence possible ou supposée qui lui est associée.

Comme nous le détaillerons plus tard, les enfants placés portent dans leurs histoires
personnelles, les facteurs de risque communément admis pour le développement de
la plupart des troubles mentaux. Nous avons aussi largement mis en avant, par
l‘histoire de « l‘enfant placé », que la problématique médico-psychiatrique et
comportementale est structurelle dans la dimension institutionnelle, mais aussi
conceptuelle, quand on veut réfléchir à leur situation et leur état. Chez les
adolescents, les aspects comportementaux et leur violence possible, agitent et
organisent les réponses (cf quatrième partie).

La problématique des troubles mentaux chez les enfants placés, cumule ces
représentations paradoxales et leurs effets, entre compassion et rejet.

La question grossière « are they mad or bad ? » (Sont-ils fous ou mauvais?) que
posent Cusack et Malaney (1992) au sujet des patients avec un trouble de la
personnalité de type antisocial, s‘applique largement à notre sujet. Cette question
prend une importance pratique très volumineuse et encombrante lorsqu‘elle renvoie
à : « qui doit ou peut s‘en occuper »?... A l‘évidence, une incertitude sur la nature des
problèmes à traiter, pouvant relever du champ médico-psychiatrique ou socio-
éducatif, se transforme en difficulté sévère pour les professionnels lorsque la
situation montre des caractères d‘urgence, et en particulier lorsque la violence
apparaît ou « paraît » apparaître dans les comportements des adolescents suivis.

Comme nous l‘avons vu, les dispositifs et outils conceptuels permettant de traiter
cette possible double problématique sociale et sanitaire, sont rares, malgré

59
l‘importance de la proximité historique de ces deux champs. Les professionnels
peuvent facilement laisser apparaître et mettre en avant « l‘autre versant » lorsqu‘ils
sont en grande difficulté, car cet autre versant peut effectivement exister de façon
concomitante. Le soignant verra alors apparaître la défaillance socio-éducative, et
l‘éducateur « ressentira » rapidement la dimension pathologique de la situation ou du
cas.

L‘épidémiologie pourrait être une source d‘information induisant une concordance de


constat auprès des nombreux professionnels impliqués. Cela pourrait même être un
préalable à cette concordance nécessaire.

3.2.1 L‘épidémiologie en pédopsychiatrie

L‘épidémiologie étudie les maladies dans la population. On catégorise classiquement


les démarches épidémiologiques en trois (Tursz, 2001). L‘épidémiologie descriptive
cherche à mesurer la fréquence d‘une maladie ou d‘un trouble dans la population
générale ou une population particulière. L‘épidémiologie analytique va rechercher les
facteurs de risque de cette maladie ou troubles en étudiant les liens entre des
facteurs et l‘existence du trouble. Enfin l‘épidémiologie d‘intervention et évaluative
doit savoir évaluer les effets d‘une méthode, d‘un programme ou d‘une technique de
soin.

Les enquêtes épidémiologiques en pédopsychiatrie sont rares et récentes, en


particulier en France (Tursz, 2001). Les études les plus fréquentes sont descriptives,
et transversales, à la recherche des taux de prévalence (Fombonne, 2005), en
population générale ou dans une population donnée, développées en général sur
des tranches d‘âge spécifiques et étroites, à un moment donné. Les données
d‘incidence existent mais sont plus rares (Fombonne, 2005). Les études
longitudinales (études de cohortes) sont de plus en plus fréquentes (Fombonne,
2005), beaucoup plus intéressantes pour analyser l‘évolution des troubles et les
éventuels facteurs qui l‘influencent. Elles permettent aussi d‘étudier l‘incidence. Mais
elles sont bien plus complexes et coûteuses à mettre en place.

L‘épidémiologie nécessite des définitions des troubles assez stables ou stabilisées,


consensuelles ou admises par la communauté scientifique internationale et

60
facilement utilisables. Pour étudier l‘existence d‘un trouble, il faut bien sûr l‘avoir
défini. Ce qui en psychiatrie de l‘enfant et de l‘adolescent ne va pas de soi.

Actuellement, les nosographies internationales présentant les troubles mentaux sont


la CIM 10 (Classification Internationale des maladies, Xème révision, OMS, 1993), le
DSM IV (Diagnostical and Statistical Manual of Mental Disorders, IVème révision,
APA, 1994) qui montrent pour la recherche en épidémiologie une grande similitude
(Fombonne 2005 et INSERM). La CFTMEA-R 2000 (Classification Française des
Troubles Mentaux de l‘Enfant et de l‘Adolescent, 2ème Révision, Misès et al, 2002) est
largement plus consensuelle auprès des pédopsychiatres français, grâce à son
approche plus structurale que symptomatique et syndromique ; elle comporte dans
sa dernière version une grille d‘équivalence avec la CIM 10, permettant son
adaptation pour la recherche et sa publication dans les revues non françaises.

Le faible développement de l‘épidémiologie en pédopsychiatrie peut être attribué, en


particulier en France, à l‘importance de l‘approche clinique et individuelle accordée
en médecine mentale infantile (Tursz, 2001). La « médecine du sujet » est très
largement prioritaire chez les pédopsychiatres.

Les débats facilement conflictuels persistent sur les risques d‘utilisation des
nosographies, ou même de la moindre grille d‘évaluation, « médicalisant l‘existence »
de façon excessive et inappropriée (Gori et Delvolgo, 2011) ; leur validité est
régulièrement questionnée (Gori et Delvolgo, 2011 ; Corcos, 2011, introduction). Ces
débats, questionnements, parfois de crise, ralentissent le développement des
études...mais peut être aussi, espérons le, leurs dérives. La maladie est une
construction, un outil conceptuel, qui aide le médecin à penser et à prendre en
charge le malade (Falissard, 2010).

Cette « artifice » implique des définitions qu‘il faut bien « arbitrer », et qui ne peuvent
recouvrir ou contenir les différents avis, même les plus sérieux ou les plus
intéressants autour d‘une entité morbide ou supposée telle. Ces définitions
contiennent des insuffisances et approximations. Mais elles aident à penser et à
s‘organiser. A condition que l‘on sache les limites de ces définitions et un peu du
contexte de leur création, afin d‘éviter de penser que ces maladies existent

61
« réellement », et qu‘elles sont définies une fois pour toute, avec une frontière nette
entre le normal et le pathologique. (Falissard, 2010).

Une fois prises ces précieuses, mais pourtant inhabituelles, précautions éthiques et
scientifique, la démarche de mesure de prévalence peut être posée, dans une
population à étudier.

3.2.1.1 Epidémiologie psychiatrique et épidémiologie en santé mentale en


pédopsychiatrie

La différenciation des champs d‘étude en psychiatrie et en santé mentale n‘est pas


claire ni officiellement définie. Nous pouvons différencier les travaux étudiant
spécifiquement les troubles mentaux tels que définis par les nosographies
internationales formelles renvoyant à une épidémiologie psychiatrique, et les travaux
étudiant d‘autres champs de la santé mentale, beaucoup plus larges. La santé
mentale est ainsi définie par l‘OMS (Organisation Mondiale de la Santé) : « La santé
mentale est un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser,
surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer
à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement
du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté. » (OMS,
2010).

Cette définition renvoie largement au « bien-être ». Le « Plan Santé Mentale et


Psychiatrie 2005/2008 » (Ministère français de la Santé) définit dans son préambule
trois dimensions au champ de la santé mentale : « la santé mentale positive, qui
recouvre l’épanouissement personnel, la détresse psychologique réactionnelle qui
correspond aux situations éprouvantes et aux difficultés existentielles, et les troubles
psychiatriques qui se réfèrent à des classifications diagnostiques renvoyant à des
critères et à des actions thérapeutiques ciblées et qui correspondent à des troubles
plus ou moins sévères ou handicapants ».

Le système Mesh (Pubmed) définit la santé mentale ainsi : L‘état dans lequel une
personne est en harmonie. Terme introduit en 1967 (The state wherein the person is
well adjusted.Year introduced : 1967). Le terme apparaît dans la catégorie Psychiatry

62
and Psychology, sous catégorie « processus et phénomènes psychologiques »
(Psychological phenomenon and processes).

Les travaux en santé mentale de l‘enfant et de l‘adolescent étudient de nombreux


facteurs ou éléments des champs psychologiques, affectifs ou comportementaux,
difficiles cependant à limiter et parfois à systématiser : différentes conduites comme
les suicides, les tentatives de suicide, les consommations de drogues, le sommeil,
les fugues, l‘absentéisme scolaire… En France, les travaux de Marie Choquet sur
l‘adolescent sont remarquables car pionniers et comparables (Choquet et al, 1998,
Choquet, Hassler et Morin, 2004 ; Choquet et Ledoux 1994, Choquet et al, 2000 ;
Choquet, Ledoux et Hassler, 2002). Ils ont ainsi pu largement servir à la mise en
place des dispositifs de soin ou d‘aide pour adolescent depuis les années 1990. De
nombreux travaux du champ « santé mentale » étudient les « problèmes mentaux »,
les « difficultés psychoaffectives », les difficultés « psycho-sociales », parfois sans
définition précise.

Les travaux en épidémiologie psychiatrique devraient par contre renvoyer à


l‘utilisation de catégories nosographiques définies, et étudier les « troubles
mentaux ». Cependant les termes utilisés pour définir ces études utilisant ces
nosographies internationales ne se limitent pas à « épidémiologie psychiatrique »
mesurant les « troubles mentaux », rendant malaisé, ici aussi, une revue exhaustive
des travaux et la limitation précise du champ étudié. Les mots, notamment en anglais
renvoyant à l‘épidémiologie des maladies mentales sont nombreux.

Fombonne (2005) dans une présentation de « l‘épidémiologie psychiatrique en


pédopsychiatrie » rapportent les principales études relevant de l‘épidémiologie
psychiatrique et ayant produit des taux de prévalence de troubles formellement
définis. Les termes utilisés par les auteurs des études renvoyant à leur démarche et
à l‘objet étudié sont variés : « diagnostic assessment », « psychiatric epidemiology »,
« epidemiological survey in psychiatry research », « epidemiology in child and
adolescent psychopathology », pour les démarches, étudiant des « mental
disorders », des « psychiatric disorders », des « psychiatric symptoms », des « DSM
mental health disorders », ou encore des « DSM diagnoses »… Le système Mesh
(Pubmed) classe le terme « mental disorder », introduit en 1974, directement en sous

63
catégorie de « Psychiatry and Psychology Category », ouvrant sur des troubles ou
symptômes spécifiques.

Principales études de prévalence des troubles mentaux chez l’enfant et l’adolescent

L‘étude de prévalence des troubles mentaux régulièrement considérée comme la


première d‘importance a été réalisée en 1964-65 sur l‘Ile de Wight, petite île au sud
de l‘Angleterre, peuplée d‘une centaine de milliers d‘habitants. Cette étude a été
menée par Michael Rutter (Rutter et al, 1976) auprès des 2193 enfants de 9 à 11ans
vivant sur l‘île afin d‘établir les prévalences de certains troubles mentaux de l‘enfant.

En France, Eric Fombonne a publié en 1994 une large étude présentant la


prévalence des troubles mentaux chez 2441 enfants de 8 à 11ans issus de 18
écoles de la ville de Chartres (Fombonne, 1994). Il s‘est agi de la première étude de
ce type en France, et qui, à notre connaissance, n a pas été reproduite depuis.

Certaines ont inclus un très grand nombre d‘enfants comme celle de Costello et al
publiée en 1996 (Costello et al, 1996). Pratiquées dans la région des Great Smoky
Mountains, ses auteurs ont réussi à inclure 4500 enfants. Le nombre global des
études de prévalence reste faible. Verhulst et Koot avaient recensé entre 1965 et
1993 une cinquantaine d‘étude avec des capacités de « compatibilité » correcte,
malgré une grande variabilité des conditions d‘évaluation et des populations cibles.
(Verhulst et Koot, 1995). Fombonne, en 2005 en a sélectionné et recensé 17 entre
1983 et 2003 (Fombonne 2005).

Etudes de cohortes

Citons quelques rares études de cohortes, très informatives. Le problème


méthodologique principal concerne « les perdus de vue », induisant des doutes sur
la représentativité de ceux qui restent, d‘autant plus lorsqu‘on étudie des troubles
fortement liés à la perturbation sociale. Le maintien du groupe étudié est nécessaire
sur plusieurs années, jusqu‘à vingt ans. Newman et al (1996) ont étudié un groupe
d‘enfants à la naissance, qu‘ils ont revu à 11, 13, 15, 18 et 21 ans à partir de
diagnostics définis par le DSM. Dans ces études, de nombreux facteurs associés et
évènements de vie sont isolés puis étudiés pour être corrélés ou non à la survenue
des troubles.

64
Etudes centrées sur un trouble mental

Enfin, certaines études se restreignent à la mesure d‘un seul trouble. L‘autisme a


sans doute le plus souvent été étudié. Fombonne (2005) a relevé 32 études, dont 3
en France, les premières ayant débuté en 1960 en Angleterre. Des études de
cohortes peuvent aussi concerner la survenue d‘un trouble. Dans les années 90,
Tremblay au Québec (Canada) a étudié la survenue de conduites anti sociales et de
troubles des conduites chez des adolescents qui avaient été examinés à l‘école
maternelle (Tremblay et al., 1999).

Prévalence générale des troubles mentaux chez l’enfant et l’adolescent

Les taux de prévalence générale des troubles mentaux chez les enfants et
adolescents varient de 5 à 35% (Fombonne 2005), mais leur analyse nécessite
beaucoup d‘attention et de détails pour pouvoir comparer les résultats d‘un pays à un
autre ou d‘une situation à une autre : tranches d‘âge, périodes rétrospectives de
mesure, personnes interviewées ou examinées, outils etc… Une large revue de la
littérature en 2003 réalisée par l‘expertise collective de l‘inserm sur les troubles
mentaux de l‘enfant et de l‘adolescent rapporte des taux de prévalence globale
autour de 12% (INSERM, 2002).

3.2.1.2 Les outils et instruments permettant d‘obtenir des diagnostics médico-


psychiatriques

Jusqu‘aux années 70, les manuels de nosographies internationaux présentent très


peu de catégories spécifiques à l‘enfance (le DSM I et les CIM de la 1 ère à la 8ème
révision). Les troubles y sont définis et catégorisés selon les présupposés
étiologiques, comme c‘est bien souvent le cas en médecine qui met en avant les
systèmes de causalité. Mais la grande complexité étiologique en psychiatrie de
l‘enfant, facilitant les oppositions conceptuelles, empêche une stabilisation
nosographique, pourtant nécessaire à la recherche. Dès 1972 des auteurs
s‘inquiètent de la médiocrité de la fidélité inter juge des diagnostics de l‘époque
(Gurland et al., 1972). En 1975, Rutter, Shaffer et Sherperd mettaient en avant le
besoin de classifications multi-axiales pour éviter les discussions sans fin
concernant la prééminence des facteurs étiologiques présupposés, facteurs

65
psychoaffectifs, cognitifs ou sociaux. (Rutter, Shaffer et Sherperd, 1975). La multi-
axialité permet de faire coexister ces éléments, sans présager des mécanismes
étiologiques. Le modèle se revendique descriptif et non théorique. A partir du DSM III
en 1980, les catégories vont devenir « syndromatiques ».

Il faut cependant noter que penser et classer les maladies mentales ne peut se faire
sans une « façon de voir » l‘humain, son psychisme et son fonctionnement dans la
société. La fidélité inter-juge a été par contre grandement améliorée par ces
classifications et leurs définitions (Renou et al., 2004). Elles vont permettre de
développer largement la recherche épidémiologique, psychopharmacologique et
biologique, puisque des regroupements de patients plus homogènes deviennent
possibles, permettant leur comparaison (Renou et al., 2004) et les statistiques tel
qu‘annoncées d‘emblée dans le titre du DSM : Diagnostical and Statistical Manual for
Mental Disorder.

Ces nosographies permettent de poser des diagnostics, plus facilement comparables


et homogènes. Pour établir ces diagnostics, ces manuels sont utilisés par des
cliniciens, psychologues ou psychiatres, directement auprès du patient. Ils peuvent
être aidés ou pas de guide d‘entretien structuré ou semi structuré, ou simplement de
« Checklist », standardisant et systématisant l‘écriture, et donc les comparaisons.

L‘instrument le plus ancien a été élaboré par Rutter en 1967 et présenté dans l‘article
« A Children‘s behaviour questionnaire for completion by teachers » mis à l‘épreuve
pendant son étude sur l‘île de Wight (Rutter, 1967). Achenbach en 1991 a publié
trois questionnaires, pouvant se croiser. Un adressé aux parents : Children Behavior
Checklist, un aux enseignants Teacher Reports Form (TRF) et un à l‘enfant : Youth
Self Report (YSR) (Achenbach, 1991a,b,c). Goodman en 1995 a actualisé le
questionnaire de Rutter : le Strength and Difficulties Questionnaire (SDQ) (Goodman,
1997). Ces instruments ne produisent pas directement de diagnostics, mais
mesurent des « symptômes psychopathologiques ». Ils sont cependant très utilisés
(Muris et al, 2003) et facilitent et standardisent le diagnostic lorsqu‘ils sont associés
à l‘examen d‘un clinicien.

Il existe par contre certains instruments diagnostiques suffisamment structurés et


fermés permettant que les informations auprès des patients ou personnes enquêtées
soient relevées par des non cliniciens, simplement formés à l‘utilisation de

66
l‘instrument. Ils sont validés pour porter un diagnostic dans des démarches
statistiques, sans nécessiter la présence d‘un clinicien. Ces procédés sont
avantageux pour les enquêtes épidémiologiques sur de larges échantillons et ont été
construits dans cet objectif et non pour poser un diagnostic à une personne
rencontrée.

Ces instruments utilisés pour établir des diagnostics en grand nombre sont des
questionnaires. Il s‘agit d‘« entretiens diagnostiques structurés ou semi structurés ».
Renou et al (2004) ont effectué une revue de la littérature afin de sélectionner et de
présenter les instruments actuels. Ils ont limité la sélection à ceux présentant 4
critères : 1/ Compatibilité avec les critères du DSM ou de la CIM ; 2/ Existence d‘une
étude de validation ; 3/ Publication dans des revues à comité de lectures ; 4/ Nombre
important de diagnostic exploré. Ils n‘ont retenu par ces critères que 6 instruments,
chacun présentant des intérêts et des limites. Deux instruments renvoient à des
entretiens structurés et quatre à des entretiens semi structurés.

Le Diagnostic Interview Schedule for Children (DISC) (Costello et al., 1982,1984) est
structuré. Il a été élaboré par le National Institute of Mental Health (Institut National
de Santé Mentale des Etats-Unis). Il a été révisé à plusieurs reprises depuis 1980,
suivant les évolutions des révisions du « DSM ». Shaeffer et son équipe on pu valider
la IVème version (Shaffer et al 2000). Sa fiabilité, son acceptabilité, sa validité et ses
performances ont été largement étudiés au cours de la MECA Study (Shaffer et al
1996), de façon multi-centrique. Il s‘agit de l‘instrument le plus utilisé.

Le ChiPS (Children Interview for Psychiatric Syndromes) (Weiller, et al 2000) est un


autre instrument structuré, permettant d‘établir des diagnostics et utilisable par des
non cliniciens. Enfin citons le K-SADS-PL (Schedule for affective Disorders and
Schizophrenia for School age Children Present and Life Time version) (Kaufman et
al., 1997), le CAPA (Child and Adolescent Psychiatric Assessment) (Angold, 2000),
ISCA (Interview Schedule for Children and Adolescents) (Sherril et Kovacs, 2000),
DICA (Diagnostic Interview for Children and Adolescent) (Reich, 2000).

Ils s‘adressent le plus souvent à plusieurs informateurs, les enfants eux même et les
parents ou certains professionnels familiers comme les pédagogues. Ils exigent une
rencontre, en général assez longue d‘une heure environ. Ils ont été testés, auprès de
grands groupes, avec une mesure de la fidélité inter-juge, de la fiabilité, de

67
l‘acceptabilité. Les études de validité montrent une concordance diagnostique avec
les cliniciens « faible à modérée », la fidélité inter-juge est « satisfaisante ». La
fidélité test-retest est par contre très variable de « médiocre » à « excellente »
(Renou et al., 2004).

Les troubles sont recherchés sur une période donnée : vie entière, un an, 6 mois ou
un mois. Les versions françaises sont rares. Le questionnaire semi-structuré K-
SADS-PL existe en français, mais exige qu‘un clinicien l‘utilise. Seul le DISC dans sa
version 2.3 est à la fois traduit en français et peut être utilisé par des non cliniciens
(Breton et al., 1996).

68
3.2.2 Epidémiologie psychiatrique auprès des enfants impliqués dans la protection
de l‘enfance.

Cette population est décrite très régulièrement comme étant à haut ou très haut
risque de pathologie mentale et de souffrance psychique (Frechon et Dumaret,
2008 ; Oswald et al, 2010 ; Pilowski et Wu, 2006 ; Rutter, 2000 ; Schmidt et al.,
2008 ; Ford et al., 2007), ayant de surcroit un accès insuffisant aux soins et une
utilisation peu appropriée des dispositifs spécialisés (Burns et al., 2004 ; Janssens et
Deboutte, 2009). Ils sont de la même façon peu étudiés en épidémiologie, d‘autant
plus qu‘ils bougent beaucoup d‘un lieu de vie à l‘autre et que leurs parents sont peu
accessibles pour informer les enquêteurs (Ford et al., 2007). Wolkind et Rutter ont
cependant publié dès 1973 l‘article Children who have been in care-an
epidemiological study (Etude épidémiologique auprès des enfants impliqués dans la
protection de l‘enfance) (Wolkind et Rutter, 1973).

Aux Etats-Unis, Pilowsky et Wu (2006) ont estimé que la plupart des enfants entrant
dans un système de placement ont été abusés ou négligés, et qu‘ils se sont souvent
manifestés par des comportements problématiques avant d‘y entrer. Les auteurs
veulent voir dans le placement d‘enfants un marqueur de haut risque
psychopathologique, en plus d‘être en soi une expérience particulièrement
stressante. Certains auteurs vont même jusqu‘à considérer que le système de
protection de l‘enfance devrait être de facto un « système de soin comportemental »
(behavioral care system), tellement le nombre d‘enfants et d‘adolescents ayant des
problèmes émotionnels et comportementaux cliniquement significatifs est important.
(Burns et al., 2004 ; Lyons et Rogers, 2004)

Les relations parents/enfants conflictuelles sont rapportées comme source de


problèmes psychologiques pour les enfants, notamment pour l‘anxiété et la
dépression (Dadds et Barret, 1996) ; les maltraitances (Kessler et Magee, 1994), les
carences éducatives ou plus directement une perturbation des liens d‘attachement
précoces sont des facteurs majeurs associés aux troubles dépressifs de l‘enfant
(Cichetti et Toth 1998).

Par ailleurs, les enfants ayant un tempérament difficile seront plus vulnérables vis-à
vis des troubles des interactions parents - enfants (Rutter, 1984). Enfin, l‘existence
de troubles émotionnels, du comportement ou du développement chez un enfant

69
peut provoquer ou aggraver un dysfonctionnement familial. Les liens entre les
troubles psychiques de l‘enfant et le fonctionnement familial sont étroits et complexes
: les troubles peuvent être partiellement cause et conséquence de façon
concomitante de dysfonctionnement familial. La désorganisation familiale et surtout
l‘attachement insécure sont beaucoup plus directement en cause dans le
développement des problèmes psychologiques des enfants que la faiblesse du
niveau socio-économique (Graham et Easterbrooks, 2000).

La raison principale du choix de placement d‘un enfant est l‘existence d‘une


défaillance du système familial, ne permettant pas suffisamment de protéger l‘enfant
et son développement. Il faut de plus que ces défaillances soient repérables par la
société civile, alarmée par des comportements parentaux et/ou de l‘enfant
suffisamment visibles et durables pour déclencher le mécanisme du signalement.
L‘existence d‘une prévalence élevée des troubles psychiques ou mentaux est donc
tout à fait attendue chez ces enfants.

Nous avons effectué une revue de la littérature à la recherche des études de


prévalence des troubles mentaux auprès des adolescents impliqués dans les
systèmes de protection de l‘enfance. Une recherche par Medline, Psychinfo,
Sciencedirect et Eric croisant les termes « mental health » (Santé mentale) ou
« psychiatric disorders » (troubles psychiatriques) ou « mental disorders » (troubles
mentaux) avec « child welfare system » (Dispositif de protection de l‘enfance) ou
« foster care » (placement en famille d‘accueil) ou « residential groupe home »
(placement en foyer social) ou « out-of-home care » (placement) a été réalisée.

De nombreuses enquêtes étudient les prévalences de « troubles de santé mentale »


ou psychopathologiques, ou encore les « besoins en santé mentale » des
adolescents concernés par la protection de l‘enfance. Elles ont été développées
dans des pays anglo-saxons et montrent des taux très élevés de troubles
psychologiques, ou de symptômes psychiatriques chez ces enfants et adolescents,
dépassant régulièrement 50% (Pilowsky et Wu, 2006 ; Oswald et al., 2010 ; Rutter,
2000 ; Minnis et al 2000 ; Burns et al 2004 ; Dimingen et al 1999 ; Mount, Lister et
Bennun, 2004 ; Janssens et Deboutte, 2010). Mais ces chiffres sont difficiles à
comparer.

70
Les études présentant spécifiquement des diagnostics psychiatriques se référant au
DSM ou à la CIM sont par contre plus rares. La revue de la littérature nous a permis
d‘isoler 9 articles.

Tableau 1

Etudes de prévalence des troubles mentaux chez les enfants et adolescents


impliqués dans la protection de l‘enfance, produisant des diagnostics référencés au
DSM ou à la CIM

Etude Journal Lieu Echantillon Age Instrument Prévalence


Mc Cann et Brit Med J Oxfordshire 78 13-17ans CBCL et Kiddie- 67%
al 1996 (Angleterre) sads-P
Mc Millen et J Am Acad Missouri 373 17 ans DISC IV 37%
al., 2005 Child Psy (USA)
Blower et Clin Child Ecosse 48 7-17 ans CBCL et Kiddie- 44%
al., 2004 Psychol sads
Psychiatr
Meltzer et al Brit J Angleterre, 1039 5-17 ans DAWBA/ SDQ et 45 à 48%
2003 et Ford Psychiat Ecosse, Pays cliniciens sur
et al., 2007 de Galles dossiers
Garland et J Am Acad Californie 1618 6-18 ans DISC IV 54%
al., 2001 Child Psy (USA)
Dos Reis et Am J Mid-Atlantic 15507 0-17ans Dossiers 57%
al., 2001 Public Sates (USA) assur./diag clin
Health
Harman et Arch Pensylvanie 39500 5-17ans Dossiers 38%
al.,2000 Pediatr (USA) assur./diag clin
Adolesc
Med
Schmidt et Child Allemagne 689 4-18 ans CBCL/YSR et 59,9%
al 2008 Adolesc diag clin
Psychiatry
Ment
Health

En dehors de quelques études réalisées à partir des dossiers d‘assurance maladie


(Medicaid) sur lesquels ont été rapportés des diagnostics établis par des cliniciens,
cinq instruments standardisés sont utilisés :

-CBCL : Childhood Behavior Checklist (Achenbach, 1991) qui s‘associe au Youth


Self Report (YSR)

71
-DISC : Diagnostic Schedule for Children (Shaffer, 2000)

-Kiddie-sads : Kiddie schedule for affective disorders and schizophrenia –Permanent


(Chambers et al., 1985)

-DAWBA : developpement and Well Being Assessment (Goodman et al, 2000)

-SDQ : Strengths and Difficulties Questionnaire (Goodman, 1997)

Les diagnostics y sont établis grâce à l‘utilisation des entretiens diagnostiques


structurés ou semi-structurés tel que décrits plus haut (DISC et Kiddie-sads), ou par
l‘utilisation de questionnaires établissant des « symptômes psychopathologiques »
(questionnaires CBCL/TRF/YSR de Achenbach ou le SDQ de Goodman) couplés à
un examen clinique spécialisé.

Les taux varient de 37% à 59,9%. Les instruments sont différents, ainsi que les âges
étudiés, mais les taux restent très significativement plus élevés qu‘en population
générale estimés autour de 12% (Inserm, 2002 et Fombonne, 2005). Les taux les
plus élevés sont relevés dans les foyers sociaux (residential group homes), avec
59,9% retrouvé dans l‘étude allemande (Schmidt et al., 2008) et 96% dans l‘étude
de Mc Cann et al., en Angleterre, évoquant la possibilité que les foyers reçoivent les
enfants les plus perturbés ou que ce dispositif peut dégrader l‘état pathologique des
enfants. Cependant il n‘est pas possible d‘isoler les facteurs de choix entre un foyer
et une famille d‘accueil lors d‘un placement comme nous l‘avons précisé plus haut.

Les travaux publiés n‘évaluent pas précisément la représentativité de l‘échantillon


étudié, ni ne présentent de comparaison avec un groupe témoin. Les troubles
évalués ne sont pas non plus strictement comparables, en raison des différences
d‘instruments et des choix des chercheurs de retenir ou pas un trouble. Ces taux
trouvent leur force dans la concordance des résultats retrouvés dans les différentes
études, beaucoup plus élevés qu‘en population générale.

72
Comme nous l‘avons largement présenté, les dispositifs de placement ne sont pas
comparables d‘un pays à l‘autre. Il n‘existe pas à notre connaissance de travaux
ayant étudié la prévalence des troubles mentaux chez les adolescents impliqués
dans les dispositifs de protection de l‘enfance en France. Nous avons donc réalisé
une étude auprès d‘enfants placés en France.

3.2.3 Epidémiologie des troubles mentaux chez les adolescents vivant en foyers
sociaux dans le département des Bouches-du-Rhône.

En France, en 2006, le nombre d‘enfants bénéficiant de mesure de protection de


l‘enfance dépassait 250.000 (1,8% des moins de 18 ans) (Bailleau et Trespeux,
2008) , dont plus de la moitié sont adolescents (13/18 ans). Dans les Bouches-du-
Rhône, il existait, fin 2006, 6657 enfants bénéficiant d‘une mesure de protection
dont 2783 de plus de 13 ans (Source ASE13). Des taux de prévalence aussi élevés
que dans les pays anglo-saxons impliqueraient un nombre absolu d‘enfants porteurs
de troubles très important.

Nous avons voulu estimer la prévalence de certains troubles mentaux chez les
adolescents hébergés dans des foyers sociaux dans le département des Bouches-
du-Rhône.

3.2.3.1 Méthode de l‘étude

1/ Population ciblée

L‘étude a porté sur les adolescents de 13 à 17 ans (inclus) vivant en foyers sociaux
en juin 2005 pour la ville de Marseille et en juin 2006 pour le reste des Bouches-du-
Rhône. Ces adolescents étaient répartis dans 42 foyers du département. Suivant ces
critères d‘inclusion, 643 adolescents étaient recensés sur les fichiers administratifs.

2/ Outils

- La version française du Diagnostic Interview Schedule for Children (DISC


2.25) :

Il s‘agit d‘un questionnaire de diagnostic psychiatrique hautement structuré


nécessitant un entretien individuel d‘1h30 à 2h au cours duquel l‘enquêteur remplit
ce questionnaire en posant les questions directement à l‘adolescent. Cet outil a été

73
développé par le National Institute of Mental Health américain. Il est utilisé et mis à
jour régulièrement depuis 1979 (Shaffer et al., 1991 ; 2000). C‘est l‘entretien
diagnostique qui a été à ce jour le plus largement utilisé chez l‘enfant et l‘adolescent
(Renou et al., 2004). L‘acceptabilité et la fiabilité ont été étudiées (Shaffer et
al.,1996). Le statut de l‘enquêteur (clinicien ou profane), n‘a pas d‘effet sur la fiabilité
grâce à l‘organisation hautement structurée du DISC (Breton et al., 1998).

Nous avons utilisé la version française allégée qui avait structuré l‘enquête
québécoise sur la santé mentale des jeunes (Bergeron et al., 1992 ; Valla et al.,
1994 ; Breton et al., 1999). Le DISC 2.25 français montre une bonne concordance
avec les diagnostics des cliniciens, une cohérence interne acceptable et une fiabilité
test/retest d‘un niveau raisonnable à bon (Breton et al., 1998).

Les diagnostics étudiés correspondent aux critères du DSM III-R (APA, 1987), le
DISC IV (critères du DSM IV, APA, 1994) n‘existant pas actuellement en français.
Les troubles sont explorés au cours des 6 derniers mois. Le trouble schizophrénique
n‘est pas exploré en temps que tel. Le DISC propose le dépistage de symptômes
psychotiques (« psychosis screen ») répartis en signes pathognomoniques et non
pathognomoniques.

L‘existence d‘un signe pathognomonique ou de plus de 3 signes non


pathognomoniques implique l‘analyse par un clinicien de la description des
symptômes personnalisés rapportés par l‘examinateur. Le cadre nosographique
« symptômes psychotiques » (psychosis screen) est retenu s‘il existe un signe
pathognomonique ou au moins trois signes non pathognomoniques et une
cohérence globale avec la description détaillée.

La version française allégée disponible ne comportait pas le diagnostic « Psychosis


Screen ». Nous n‘avons pas trouvé d‘enquête utilisant ce module (D) du DISC 2.25
en français. Nous avons traduit cette partie manquante du questionnaire en trois
étapes : traduction libre par un traducteur professionnel, correction du français par
deux pédopsychiatres cliniciens, revue générale par un traducteur professionnel et
les pédopsychiatres.

Au total, nous avons recherché 7 troubles :

74
 Troubles anxieux (TA) : phobie simple, phobie sociale, agoraphobie, trouble
panique, trouble anxiété de séparation, anxiété généralisée, trouble
obsessionnel compulsif (TOC)
 Trouble du comportement alimentaire (anorexie, boulimie) (TCA)
 Enurésie (EN)
 Dépression majeure (DM)
 Hyperactivité avec déficit de l‘attention (THADA)
 Trouble des conduites (TC)
 Symptômes psychotiques (psychosis screen) (avec 1 signe pathognomonique
/ au moins 3 signes non pathognomoniques) (SP)

3/ Déroulement de l’enquête

L‘enquête s‘est déroulée en deux temps : les adolescents vivant dans les foyers de
Marseille ont été rencontrés au cours du mois de juin 2005 et ceux vivant dans le
reste du département au cours du mois de juin 2006. Les enquêteurs étaient des
étudiants des deux instituts de formation des travailleurs sociaux de Marseille,
formés à l‘utilisation du questionnaire diagnostique DISC. Il a été vérifié
systématiquement que l‘adolescent n‘avait pas déjà été rencontré par un autre
enquêteur.

L‘objectif de l‘enquête a été présenté aux adolescents par leurs éducateurs familiers
mais aussi par l‘enquêteur avant la rencontre. Leurs parents ont été informés par
courrier du déroulement, des objectifs de l‘enquête et de leur possibilité de la refuser.
L‘enquête a fait par ailleurs l‘objet d‘une déclaration à la Commission Nationale
Informatique et Liberté. Un entretien structuré avec chaque adolescent a permis de
recueillir les informations nécessaires à la cotation du questionnaire DISC 2.25.

A la fin de l‘entretien, un auto-questionnaire a été remis à l‘adolescent en main


propre et récupéré ensuite (Voir Chapitre suivant « Etude de la Qualité de la Vie »).
La totalité des items de chaque questionnaire a été contrôlée lors de la saisie par
deux professionnels de façon indépendante.

75
Les rencontres avec les adolescents ont été difficiles à organiser. D‘abord, les
chiffres d‘adolescents obtenus par l‘administration ne correspondaient pas à celui
déclaré par les directeurs d‘établissement au moment de l‘enquête, qui était moindre,
et variable d‘un jour à l‘autre. Par ailleurs, les rendez-vous avec un adolescent au
sein de son foyer, nécessitaient plusieurs tentatives et parfois plusieurs passages de
l‘enquêteur. L‘absence au rendez-vous était souvent non expliquée. Nous
développerons dans la discussion les conséquences de ces difficultés.

Figure 1 : Participation à l’étude

653 adolescents dans les listes administratives

470 correspondant à des rendez vous échoués à plusieurs


reprises, adolescents en fugue, perdus de vus ou fichiers
et listing non mis à jours. Aucun refus formel de la part
d‘adolescents rencontrés.

183 adolescents rencontrés avec passation du DISC.

4/ Méthode de calcul statistique

L'analyse a été réalisée à l'aide des logiciels SPSS version 15 et SAS version 9.1.
Les algorithmes du DISC 2.5 ont permis d‘identifier pour chaque individu la présence
ou non de chacun des troubles explorés. Une analyse comparative a été conduite
entre les sujets inclus et les sujets éligibles non inclus. La comparabilité des groupes
a été testée à l‘aide de tests du Khi-2 ou exacts de Fisher pour les variables
qualitatives, en fonction des conditions d'application.

Le taux de prévalence pour chaque trouble a été exprimé sous la forme d‘une
proportion, en divisant le nombre d‘individus présentant ce trouble par l‘effectif total
de la population incluse dans l‘étude. Pour chaque taux obtenu à partir de
l‘échantillon d‘étude, un intervalle de confiance à 95% a été calculé à l‘aide de la

76
méthode quadratique de Fleiss (Fleiss,1981). Les taux de prévalence des troubles
ont été comparés en fonction du genre de l‘adolescent.

Le seuil retenu de significativité des tests (p) était de 0,05.

3.2.3.2 Résultats

L‘échantillon enquêté est composé de 106 garçons et de 77 filles (sexe ratio 0,58).
L‘âge moyen est de 15,3 ans (min 13-max 17,5 ; écart-type 1,4) ; 57% vivent dans
des foyers de Marseille, le reste dans d‘autres villes des Bouches-du-Rhône.

Le tableau 2 présente les taux de prévalence des troubles mentaux dans la


population étudiée. Il montre que 48,6% des adolescents enquêtés présentent au
moins un trouble mental. La co-morbidité est élevée : plus de la moitié d‘entre eux
(24,6,%) présentent au moins deux troubles et 4,1% en présentent 5 ou 6. Par contre
certains troubles sont absents : trouble du comportement alimentaire (TCA) et trouble
obsesssionnel compulsif (TOC) et l‘énurésie nocturne (EN)

Tableau 2

Taux de prévalence des troubles mentaux au cours des 6 derniers mois chez 183
adolescents hébergés dans des foyers sociaux

TROUBLES Effectif % IC95%

Troubles anxieux 52 28,4 22,1-35,6

Trouble du comportement alimentaire 0 - -

1
Symptômes psychotiques (3NP/1P) 34 (23/26) 18,6(12,5/14,5) 13,4-25,1

Dépression majeure 27 14,8 10,1-20,9

Hyperactivité avec déficit de l’attention 7 3,8 1,7-8

Trouble des conduites 28 15,3 10,6-21,5

Au moins un des six troubles 89 48,6 41,2-56,1

Symptômes psychotiques : Chiffre global suivi de la sous section « au moins trois signes Non Pathognomoniques » (3NP) puis
« au moins un signe pathognomonique » (1P)

77
Les troubles mentaux sont significativement plus élevés chez les filles versus les
garçons (64,9/36,8), plus de comorbidités psychiatriques(40,2/11,3), plus de troubles
anxieux (49,3/13,2) et plus de dépressions majeures (27,3/5,6) que les garçons.

Tableau 3

Répartition des troubles mentaux selon le genre

Garçons (106) Filles (77)

TROUBLES Effectif % Effectif % P

Trouble anxieux 14 13,2% 38 49,3% <0.001

Dépression majeure 6 5,6% 21 27,3% <0.001

Symptômes psychotiques (3NP/1P) 13(7/11) 12,3% 21 (16/15) 27,3% 0.01

Hyperactivité avec déficit de l’attention 2 1,9% 5 6,5% 0.133

Trouble des conduites 19 17,9% 9 11,7% 0.247

TCA 0 0

Au moins un des six troubles 39 36,8% 50 64,9% <0.001

Au moins deux des six troubles 12 11,3% 31 40,2% <0.001

3.2.3.3 Discussion et analyse des résultats

Représentativité de l’échantillon

Nous avons pu rencontrer 183 adolescents (soit 28% des adolescents recensés) lors
de nos multiples déplacements au sein des foyers. Nous n‘avons reçu aucun refus
d‘adolescent à qui l‘enquête a été proposée, ni de leur parents. Les adolescents non
rencontrés correspondent à une différence entre le nombre de sujets recensés et
ceux présents de façon effective au moment des différentes venues des enquêteurs :

78
adolescents déplacés de façon inopinée, en fugues, perdus de vue ou pour lesquels
aucune information n‘était disponible.

Ces taux de rencontres faibles ne sont pas rares au cours d‘études


épidémiologiques impliquant adolescents et professionnels des milieux socio-
éducatifs en France. Choquet et al rapportent des taux de 17% et de 20% de
réalisation d‘enquête lors de deux études nationales sur les adolescents de la
Protection Judiciaire de la Jeunesse en 1997 et en 2004 (Choquet et al. 1998 et
2005). Les non réponses ont été attribuées principalement à une impossibilité de
rencontre, absence suite à la convocation ou absence d‘information disponible. Dans
notre étude, il a existé de même une différence importante entre le nombre des
adolescents recensés et celui des adolescents présents dans les sites au moment de
l‘enquête.

Le recensement administratif nous a permis d‘avoir cependant accès à des données


objectives concernant la population globale et théorique d‘adolescents correspondant
aux critères d‘inclusion ainsi que concernant les foyers qui devaient les héberger :
âge, sexe, statut juridique du placement, statut administratif de l‘hébergement (foyer
recevant en urgence ou pas, mixité, distribution des âges de la population
accueillie…) et caractéristiques descriptives de l‘établissement (capacité d‘accueil,
milieu urbain, semi urbain ou rural…). Nous n‘avons pas trouvé de différences
significatives concernant l‘ensemble de ces caractéristiques entre les adolescents
enquêtés et les non enquêtés.

Analyse et comparaison des résultats avec la population générale de même


âge

Prévalence générale : 48,6% IC =[41,2-56,1]

Les taux de prévalence des troubles mentaux communs chez les adolescents sont
décrits en population générale avec des variations. Des différences d‘outils, de
méthodes comme la prise en compte ou non de l‘entretien parental, de la période
d‘apparition des troubles (période actuelle ou rétrospective, 3, 6 ou 12 mois), les
tranches d‘âge concernées rendent nécessaires des comparaisons prudentes et
attentives. Il existe un travail important, sans cesse actualisé, réalisé pour construire
des repères acceptables de prévalence à des fins de comparaison.

79
L‘INSERM en 2002 proposait un taux de 12,5% (enfant et adolescent) en synthèse
de son expertise collective sur les troubles mentaux chez l‘enfant et l‘adolescent. En
1998 Roberts et ses collègues réalisent une revue de la littérature de 52 études
concernant les adolescents et retiennent un taux de prévalence de 18 à 20%. Dans
une récente mise à jour par une revue des publications des 10 dernières années,
Costello et al. (2005) montrent des taux de prévalence tous troubles confondus chez
les 9 -16ans à 13, 3% pour les 3 mois passés. Fombonne (2005) dans une revue de
la littérature fait apparaître des taux moyens autour de 15%. Verhulst (1995) dans
une revue de 49 études de 1965 à 1993 retient un taux moyen de 12,4% pour tous
les troubles.

Au Québec, avec le DISC 2.25 traduit en français, Breton et al (1999) montrent un


taux global de 15,8%, pour une population de 6/14ans. Ce taux n‘inclut cependant
pas le trouble « psychosis screen» qui n‘avait pas été recherché.

Romano et al. (2001) avec le même instrument et à partir des données de la même
étude québécoise trouve pour les adolescents un taux global de 22,7%. En utilisant
le DISC IV (la dernière version anglaise du DISC), Roberts et al (2006) ont réalisé
une étude de prévalence des troubles mentaux chez les adolescents d‘une large
zone urbaine à Houston aux USA. Le résultat pour les 12 derniers mois est de
17,1%. De même, à Porto Rico, avec le DISC IV pour les 12 derniers mois, Canino
(2004) décrit des taux à 19,8%.

Notons enfin que nous n‘avons pas recherché certains troubles : les troubles des
apprentissages, les retards de développement intellectuel et les abus de substances.
Ces diagnostics ne sont donc pas inclus dans notre taux.

Le taux global de troubles (48,6%) au cours des 6 derniers mois, retrouvé dans
notre étude est donc globalement 2 à 3,5 fois plus élevé que dans la population
générale des adolescents.

Troubles anxieux 28,4% IC=[ 22,1-35,6]

Différentes revues de la littérature permettent des estimations autour de 5%


(INSERM, 2002, p 25 ; Fombonne 2005). Il existe 5 fois plus de troubles anxieux
dans notre échantillon.

80
Dépression majeure 14,8% IC=[ 10,1-20,9]

Le taux le plus élevé retrouvé dans la revue de littérature pour ce trouble (dépression
au cours des 6 derniers mois) est 6% (INSERM, 2002, citant Reinherz et al, 1993).
Fombonne (2005) retient 3%. Le taux observé dans notre étude est 2,5 à 5 fois plus
élevé.

Symptômes psychotiques (Psychosis screen) 18,6 % IC=[ 13,4-25,1]

Le taux généralement retenu pour les troubles schizophréniques et pour toute


psychose avérée est de 0,5% à l‘adolescence (Fombonne, 2005). Mais le diagnostic
« psychosis screen » ne lui est pas directement comparable (Narrow et al. 1998).
Nous n‘avons pas pu trouver de prévalence des « symptômes psychotiques du
DISC» dans la population générale de cet âge (Vreugdenhil et al., 2004). Cependant
ce diagnostic est utilisé dans certaines études ciblées sur des adolescents en
situation particulière. Vreugdenhil et al. (2004), rapportent des taux de « psychosis
screen» chez les adolescents incarcérés, à partir du DISC autour de 25% en
considérant la présence d‘un élément pathognomonique, et 34% si l‘on étend cette
définition à « au moins trois symptômes non pathognomoniques ».

Dans notre étude 2/3 des adolescents pour lesquels est rapporté ce trouble
présentent des troubles associés et la moitié d‘entre eux plus de 2. Enfin ce trouble
est observé dans la totalité des cas présentant 5 ou 6 troubles associés.

Même si le diagnostic de schizophrénie ne présente pas ici une validité diagnostique


suffisante, on peut considérer que 18,6% de ces adolescents présentent un trouble
mental sévère avec trouble du jugement et des repères fondamentaux, associé dans
2/3 des cas à d‘autres troubles mentaux avérés.

Trouble hyperactivité avec déficit de l’attention 3,8% IC=[ 1,7-8]

Le taux communément retenu est inférieur à 2% à l‘adolescence (Fombonne, 2005).


Le taux est donc légèrement plus élevé, mais le chiffre inférieur de l‘intervalle de
confiance lui est inférieur.

Trouble des conduites 15,3 IC=[ 10,6-21,5]

81
L‘expertise collective de l‘INSERM sur le trouble des conduites retient un taux de
prévalence pour l‘adolescence entre 3 et 9% (INSERM , 2005, p24). Par ailleurs,
nous retrouvons une co-morbidité élevée, pour plus de la moitié des cas comme cela
est régulièrement décrit (INSERM, 2005, p43). Ce trouble présente une
augmentation modérée par rapport à la population générale.

Troubles non retrouvés : Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC), Troubles du


Comportement Alimentaire (TCA), Enurésie (En)

Les TOC et l‘énurésie sont rares à l‘adolescence, leur prévalence est respectivement
inférieure à 1% (INSERM, 2002, p 25, Fombonne, 2005) et à 2% (Wena et al 2006).
Concernant les TCA, l‘anorexie mentale est très rare (moins de 0,2% chez la fille et
quasiment inexistante chez le garçon) (Fombonne, 2005). La boulimie est plus
fréquente mais reste inférieure à 1%, en particulier chez la fille (Fombonne, 2005).
Notre échantillon de 183 personnes dont 77 filles est suffisamment faible pour
expliquer l‘absence de dépistage de ces troubles par le hasard.

En revanche, l‘absence de ces troubles permet d‘envisager qu‘il n‘existe pas une
élévation globale et homogène des troubles chez les adolescents placés. La
prévalence de certains troubles comme les troubles anxieux (TA), la dépression
majeure (DM) et les symptômes psychotiques (SP) est très élevée, alors que
d‘autres troubles comme le trouble des conduites (TC) et le trouble de l‘hyperactivité
avec déficit de l‘attention (THADA) présentent une élévation modérée ; enfin les
TOC, les TCA et l‘énurésie ne montrent aucune élévation. Cette population présente
un profil pathologique spécifique.

Prévalences des troubles mentaux chez les adolescents impliqués dans les
dispositifs de protection de l’enfance, retrouvées dans d’autres pays
Des taux de prévalence comparables à nos résultats sont retrouvés dans plusieurs
études réalisées récemment chez des adolescents des milieux socio-éducatifs ou
impliqués dans un dispositif de protection de l‘enfance (cf au chapitre 3.2.2). Dans
l‘état du Missouri (USA), Mac Millen et al (2004) ont évalué la prévalence des
troubles mentaux chez les adolescents de plus de 17ans placés : 62% ont présenté
un trouble dans leur vie et 37% dans l‘année passée.

82
En Californie, Garland et al (2001) avec le DISC évaluent à 42% la prévalence des
troubles chez des enfants impliqués dans la protection de l‘enfance. En Pensylvanie,
Harman et al. (2000) montrent que les enfants de la protection de l‘enfance ont,
selon les diagnostics psychiatriques, 3 à 10 fois plus de troubles. Au Royaume Uni,
Mc Cann et al (1996), Meltzer et al. (2003) puis Ford et al. (2007) rapportent des
taux compris entre 45 et 67%. Plus récemment, dans les foyers sociaux allemands,
Schmidt et al. ont évalué la prévalence à près de 60%.

Même si les méthodes et outils de ces études ne sont pas identiques, leur résultats
vont tous dans le même sens et permettent d‘affirmer une prévalence des troubles
mentaux chez les enfants de la protection de l‘enfance très significativement
supérieure aux moyennes nationales au même âge.

Tableau 4

Taux de prévalence des troubles mentaux chez les adolescents placés comparés
aux adolescents en population générale

Adolescents Placés Adolescents

dans les foyers des population générale

Bouches-du Rhône (Fombonne, 2005

et Inserm 2003)

Troubles anxieux 28.4 5

Trouble des Conduites 15.3 8

THADA 3.8 2

Symptômes Psychotiques 18.6 0.5

(psychoses avérées)

Dépression Majeure 14.8 3

TOC 0 1

TCA 0 1.2

Au moins un trouble 48.6 12

83
La surexposition féminine

Fombonne (2005) évalue dans sa revue de la littérature des principales études de


prévalence en population générale, un taux de DM 2 fois supérieur chez les filles.
Romano et al. (2001) avec le DISC 2.25 en français au Québec montrent un rapport
plus élevé, de 4. Il est dans notre étude 5 fois supérieur. De même pour les troubles
anxieux, Fombonne (2005) ainsi que Canino et al. (2004) à Porto Rico et Roberts et
al., (2006) aux Etats-Unis avec le DISC décrivent autour de 2 fois plus de troubles
chez les filles, quand Romano et al. (2001) en rapportent 4 fois plus. Dans notre
étude, le rapport est de 4. Vermeiren et al (2006) rapportent dans une revue de
littérature des études de prévalence chez les adolescents incarcérés cette même
surexposition féminine pour les TA et les DM.

En population générale, les TC et le THADA sont beaucoup plus fréquents chez les
garçons : le TC est 3 fois (Romano et al., 2001) plus fréquent et le THADA de 1,5 à
3 fois plus fréquent chez le garçon (Fombonne, 2005, Romano et al., 2001). Dans
notre étude, le TC est à peine plus élevé chez les garçons (17,9%) que chez les filles
(11,7%) ; on observe même une tendance inverse pour le THADA : 6,5% pour les
filles et 1,9 pour les garçons, même si la différence n‘est pas significative. Mac Millen
et al. (2004) montrent cette même absence de différence pour les TC et le THADA
chez les filles et les garçons impliqués dans la protection de l‘enfance.

S‘il existe des taux de prévalence supérieurs chez les filles en population générale,
cette augmentation est encore plus forte chez les adolescentes impliquées dans la
protection de l‘enfance. Les garçons se manifestant plus souvent par des troubles
externalisés et perturbateurs (Romano et al., 2001), ils pourraient être repérés puis
pris en charge plus tôt.

Nous proposons plus loin une analyse et des hypothèses plus détaillées pour rendre
compte de cette différence de genre.

Limites de l’étude

84
La taille de notre échantillon d‘étude constitue une des limites de ce travail. Elle
implique des IC encore importants. Cependant la plupart des études publiées
concernant des milieux similaires ont travaillé à partir d‘échantillons de taille
comparable : Mc Millen et al (2005) sur 373, Minnis et al (2004) sur 182, Mc Cann et
al(1996) sur 88.

Par ailleurs, notre travail repose sur l‘utilisation d‘un questionnaire diagnostique
structuré, le DISC, rempli par un enquêteur entraîné mais non clinicien et non sur
une évaluation diagnostique réalisée par un psychiatre. Cette approche permet de
conduire des enquêtes de prévalence en population dans des conditions de
réalisation pratique acceptable avec des résultats de bonne qualité dans la mesure
où cet instrument diagnostique a été largement validé et utilisé dans différentes
situations (populations générales dans plusieurs pays).

Enfin, la diversité des méthodes et d‘outils (incluant le questionnaire parental ou pas,


relativisation par des scores de dysfonctionnement social ou pas, nombre de troubles
recherchés etc.) selon les études doit rendre prudente la comparaison des taux issus
de différentes études. Cependant, des résultats très proches des nôtres existent
pour des populations comparables dans d‘autres pays, ce qui renforce la validité de
nos résultats.

3.2.3.4 Conclusion de l’étude

La prévalence des troubles mentaux chez les adolescents placés dans des foyers
sociaux des Bouches-du-Rhône est 2 à 3,5 fois plus élevée que dans la population
générale. Les troubles du comportement (notamment le trouble des conduites) n‘en
constituent qu‘une faible part. Les troubles anxieux et la dépression majeure sont
très fréquents ainsi que les tentatives de suicide. Il existe des éléments
particulièrement inquiétants représentés par le taux élevé des comorbidités, incluant
notamment les « symptôme psychotiques » retrouvés dans 18,6% des cas. Ceci
évoque l‘existence d‘un taux élevé (1/5) de trouble sévère et durable du
fonctionnement psychique chez ces adolescents. Enfin, les filles présentent
beaucoup plus de troubles que les garçons, augmentant encore leur classique sur-
représentation des troubles internalisés à l‘adolescence (TA, DM) et y ajoutant une
augmentation des troubles externalisés habituellement rencontrés plutôt chez les
garçons.

85
La prévalence des troubles explorés n‘est pas augmentée pour tous, évoquant la
possibilité d‘un profil pathologique spécifique. Malgré les limites de l‘échantillonnage,
l‘importante proximité des résultats avec les études de prévalence chez les
adolescents de la protection de l‘enfance conduites dans d‘autres pays renforce leur
validité. Ces adolescents partagent tous l‘existence d‘importants dysfonctionnements
familiaux, élément clairement reconnu comme facteur associé au développement des
troubles émotionnels et comportementaux chez les enfants et adolescents (Dadds et
Barret, 1996, Cichetti et Toth 1998).

Les troubles mentaux sont peu dépistés et peu traités au sein des foyers sociaux
comme s‘il était « normal d‘aller mal » dans ces situations, de façon comparable à ce
qui se rencontre dans les milieux de justice des mineurs mais aussi de la détention.
Cette étude n‘est pas suffisante pour une bonne connaissance de la
psychopathologie de ces adolescents et de leurs troubles. Mais parce que les
recherches épidémiologiques en France sur ce sujet sont inexistantes, elle contribue
à cette connaissance. Elle permet d‘affirmer le besoin de développer un corpus de
connaissances spécifiques sur le fonctionnement psychique de ces adolescents
évoluant en milieu socio-éducatif afin de proposer des dispositifs de soins adaptés à
leurs besoins en santé mentale.

86
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91
92
3.3 Etude de la Qualité de vie des enfants placés

3.3.1 Présentation de la démarche d’étude de la Qualité de Vie.

L‘étude de prévalence des troubles mentaux que nous avons menée auprès des
adolescents vivant en foyers, a pu être associée à l‘utilisation d‘un auto-
questionnaire explorant et mesurant la « Qualité de Vie » (QV). L‘étude de la QV
évalue des éléments subjectifs de vécu personnel définissant par exemple l‘estime
de soi, le bien-être psychologique ou physique auxquels on peut associer la mesure
d‘éléments objectifs comme le nombre d‘hospitalisations, le recours aux soignants ou
le nombre de redoublements ayant eu lieu ou d‘autres éléments subjectifs comme la
satisfaction d‘un lieu de vie, des croyances etc., si l‘on souhaite explorer les relations
existant entre QV et ces autres éléments, ou rechercher par exemple dans quelle
mesure ces éléments pourraient être des déterminants de la QV.

Le concept de QV est utilisé en médecine depuis les années soixante-dix. Il veut


traiter l‘insuffisance de la mesure de la santé « objective ». Les indices biologiques
ou physiques ne suffisent en effet pas à parler de la santé, en particulier de celle du
« malade », ni à prendre certaines décisions thérapeutiques. L‘OMS dès 1946, avait
déjà largement étendu la description de la santé, bien au-delà de l‘état « non
maladie ou infirmité», vers le bien-être, social, physique et psychologique.

Les choix entre deux traitements, ou de stratégies soignantes, ont pu ainsi


progressivement inclure d‘autres critères que les effets sur la mortalité ou
l‘amélioration d‘un critère biologique. Ce concept met en avant que la quantité de vie
ne suffit pas à traiter la santé…sa qualité est aussi déterminante. De plus, cette
qualité a une dimension subjective, et c‘est celle du malade qui est interrogée, la
perception de la santé par les soignants n‘étant pas particulièrement convergente
avec celle des soignés (Auquier, Simeoni et Robitail, 2006). Mais il faut pouvoir
établir, calculer… objectiver des éléments subjectifs… mesurer la « santé perçue ».
Des instruments produisent donc des indicateurs de QV, fiables et reproductibles en
s‘appuaynt sur les réponses à des questionnaires standardisés (Auquier et al.,
2006).

93
L‘aspect a priori contradictoire d‘objectiver des éléments subjectifs, a nourri quelques
débats peu féconds mais pourtant durables, organisés sur l‘opposition des
approches qualitatives et quantitatives ; ces deux approches renvoyant à deux
systèmes de représentations, par nature construits et imparfaits, que l‘on pourrait
considérer complémentaires (Auquier et al., 2006). La mesure de la QV n‘a pas pour
ambition de définir ce qu‘est la qualité de vie de façon globale et philosophique mais
« simplement de quantifier certains de ses attributs caractéristiques identifiés grâce à
des définitions opérationnelles (capacités physiques, psychiques, sociales,
relationnelles.) » (Auquier et al.,2006).

Ce débat est analogue à celui de la mesure de l‘intelligence, mesurant en effet


seulement quelques aspects de l‘intelligence opérationnelle, puisque l‘intelligence de
façon générale ne peut être simplement définie, tellement les dimensions sociales,
culturelles, historiques, philosophiques et politiques participent aux tentatives de
définition. L‘opposition idéologique et affectivée se base et se construit sur le simple
fait de ne pas parler de la même chose, les uns parlant d‘une partie de l‘intelligence,
en général opératoire, les autres parlant du concept d‘intelligence menacé par le
réductionnisme du chiffrage. Les outils de mesure, les échelles d‘intelligence sont
pourtant utilisés assez facilement, par les cliniciens et les commissions d‘orientation
dès lors que l‘on a compris ce que cette « intelligence » définit et surtout ce qu‘elle
ne définit pas. Ceci implique des précautions de connaissance des instruments
utilisés, de l‘histoire et des objectifs initiaux de leur construction. Ces mêmes
précautions seront à développer avec la mesure de la Qualité de Vie et à poser au
moment de la diffusion des résultats.

En 1993, l‘OMS définit la « Qualité de Vie » (QV) comme « la perception qu'a un


individu de sa place dans l'existence, dans le contexte de la culture et du système de
valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et
ses inquiétudes » et produit son instrument de mesure le WHOQOL (World Health
Organization, 1993).

Les études incluant la QV sont nombreuses depuis une vingtaine d‘année. Le moteur
de recherche sciencedirect (moteur de recherche multidisciplinaire de l‘éditeur
scientifique Eselvier) montre plus de 200 000 articles reliés à la QV. Si l‘on croise le
mot clé QV avec « enfant » ou « adolescent », il en existe environ 20 000. 95% des

94
articles ont été écrits à partir de 1995, avec une augmentation continue du nombre
de publications de 1993 à 2011, qui a décuplé. Le thème associé le plus souvent
retrouvé est la maladie somatique chronique, et en particulier le cancer (thème
retrouvé dans près de la moitié des publications, sciencedirect). Les études
associant les troubles mentaux à la QV sont plus rares, 5% environ des articles reliés
à la QV.

3.3.2 Les études de QV chez les adolescents

Il existe une dizaine d‘outils spécifiques pour la population enfant/adolescent


(Auquier et al., 2006 ; Pal, 1996 ; Eiser et Morse, 2001) présentant un degré de
validation variable. Ils peuvent interroger les enfants eux-mêmes, et souvent les
parents. Les temps de passation sont courts, entre 5 et 30 minutes.

La mesure de la qualité de vie liée à la santé (Health Related Quality of Life ) est une
démarche largement utilisée dans l‘analyse des situations d‘individus porteurs de
maladies chroniques, mais elle peut devenir un instrument d‘ « état des lieux »
sanitaire et de prévention auprès de populations vulnérables ou particulières, non
repérées malades. Siméoni et al (1997 ;1998 ; 2000 ; 2001) ont ainsi étudié en
France la population adolescente du département des Bouches-du-Rhône par un
auto-questionnaire de QV.

Cette démarche pourrait permettre d‘isoler des problématiques spécifiques avant


qu‘elles ne se constituent en entité morbide avérée, mais aussi de mesurer des
bénéfices de programmes d‘éducation à la santé ou de prévention (Siméoni et al.,
2001). Enfin elles permettent d‘inclure et d‘impliquer directement les préoccupations
et points de vue des adolescents eux-mêmes, ce qui pourrait faciliter l‘adaptation des
réponses (Manificat et al. 1997) et augmenter l‘acceptabilité des outils.

3.3.3 La QV chez les enfants placés

Cette population considérée comme particulièrement vulnérable (Cichetti et Toth,


1998 ; Kayser et al., 2011), réunit un grand nombre de facteurs de risque
psychosociaux et présente de très hauts taux de troubles mentaux (cf supra). Cette
population est aussi assez facilement repérable. Ces enfants sont confiés à des
administrations qui ont la mission de les protéger, de favoriser leur épanouissement,
de les « soigner ».

95
La mesure de la QV indiquerait un état général, que l‘on pourrait comparer au reste
de la population ou à d‘autres populations spécifiques. Cette mesure associée à
l‘étude de facteurs objectifs, pourrait permettre en plus de repérer des facteurs
déterminants sur lesquels les professionnels pourraient agir ou développer leur
vigilance lorsqu‘ils existent. Les thématiques de santé globale et perçue, explorées
par les instruments sont de plus particulièrement échangeables d‘une discipline à
l‘autre, construisant des données simplement utilisables dans de tels contextes
hautement multidisciplinaires.

Depuis le début des années 2000, une dizaine d‘études ont exploré la QV chez les
enfants placés. La QV est régulièrement abaissée, de façon globale et significative
(Damjanovic et al 2011, Carbone et al 2007, Akister et al, 2010). Si la satisfaction
des enfants est mesurée bonne dans leur parcours de placement (Wilson et Conroy,
1999), certains facteurs d‘état actuel ou d‘anamnèse sont mis en avant comme
facteur influençant spécifiquement la QV. Les troubles mentaux ou les « problèmes
en santé mentale » sont régulièrement rapportés comme un facteur dégradant
(Damnjanovic et al., 2011 ; Carbone et al., 2007).

Certaines équipes ont étudié la QV chez des adultes anciens enfants placés et les
facteurs prédictifs de QV à l‘âge adulte. Dumaret et al. (2011), ont étudié la situation
et l‘état de santé de 123 adultes ayant passé au moins trois ans placés dans les
« villages SOS » en France, dispositif de famille d‘accueil. Il apparaît que leur
insertion sociale générale est bonne, facteur influençant positivement la QV, mais
celle-ci se dégrade en cas de violences subies dans l‘enfance ou de la persistance
de troubles psychiques au-delà du placement. Aux Etats-Unis, Anctil et al (2007), ont
mis en évidence le lien entre abus sexuel et baisse très significative de l‘estime de
soi par l‘utilisation d‘outil de mesure de la QV. Les études de QV permettent donc
d‘isoler des facteurs associés à ses variations et doivent favoriser la prévention
primaire ou secondaire de ces facteurs.

Une équipe israélienne a utilisé l‘outil de mesure de QV pour évaluer de façon


comparative l‘évolution des enfants selon le choix de placer ou de maintenir à
domicile des enfants à risques (Davidson-Arad, 2003, 2005, 2010). La QV augmente
progressivement chez les enfants placés et reste pauvre chez ceux maintenus à

96
domicile, stabilisant clairement le choix de déplacer les enfants hors de chez eux
dans des conditions objectivables.

Les informations obtenues à partir de l‘étude de QV chez les enfants placés


renseignent sur l‘état du groupe, des facteurs associés à l‘évolution favorable ou non
de la situation, y compris à très long terme, mais peuvent aider aussi à argumenter
vers un choix aussi crucial et incertain que le placement.

Cependant, de la même façon que pour les études recherchant la prévalence des
troubles mentaux, les chiffres et les résultats ne sont pas aisément transposables
d‘un pays à l‘autre. Des différences notables existent selon les pays, même en
population générale (Michel et al, 2009). Les cohortes d‘enfants placés ne
représentent pas une population homogène et directement comparable, tant les
motifs de placement et les dispositifs alternatifs sont liés à l‘histoire, la culture et les
politiques publiques comme nous l‘avons montré plus haut. La QV, rapportant
principalement des éléments de santé perçue, subjectifs à partir d‘outils variés, les
valeurs ne sont là aussi pas immédiatement comparables.

3.3.4 Etude de la QV des adolescents placés dans les foyers sociaux du


Département des Bouches-du-Rhône

L‘étude de prévalence des troubles mentaux auprès des adolescents vivant en


foyers que nous avons présentée plus haut, a pu être associée à celle de leur QV.
Outre une description des caractéristiques de QV de cette population vulnérable et
désignée, nous pouvons rechercher plusieurs facteurs associés influençant
spécifiquement la QV. Le sexe, l‘âge, mais aussi la présence de troubles mentaux, et
en particulier leur forme externalisée ou internalisée.

Le sexe et l‘âge sont très régulièrement isolés comme facteurs modifiant l‘état de
santé et l‘expression des troubles (Michel et al., 2009). Notre étude de prévalence
des troubles mentaux a déjà constaté que les filles étaient beaucoup plus atteintes
que les garçons concernant les troubles internalisés et autant que les garçons pour
les troubles externalisés.

97
L‘existence de troubles ou de « problèmes » mentaux, dégrade directement la QV
des adolescents placés, comme l‘ont montré les études de Damjanovic et al. (2011)
ou Carbone et al. (2007). Ces résultats sont attendus, car les troubles mentaux
s‘expriment très largement dans le champ de l‘adaptation sociale et de la perception
de soi dans l‘environnement, thèmes organisateurs de la QV. Nous souhaitons
cependant mieux connaître les mécanismes de lien entre les troubles mentaux et la
QV. En effet, nous avons utilisé la catégorisation duelle « troubles externalisés »
/ « troubles internalisés » au cours de la description de la prévalence générale des
troubles mentaux dans cette population. Les troubles externalisés, correspondant
aux troubles de l‘hyperactivité avec déficit de l‘attention et aux troubles des
conduites, apparaissent principalement dans le champ de l‘agir visible, perturbant
directement l‘environnement humain ; alors que les troubles internalisés,
correspondant aux troubles anxieux et aux troubles de la dépression majeure,
devraient être associés, comme la clinique l‘évoque, à une dégradation de l‘estime
de soi et une perturbation de l‘autonomie. Notre hypothèse est que les troubles
internalisés perturbent la QV d‘une façon différente des troubles externalisés, ces
derniers « attaquant » directement l‘entourage.

Par ailleurs, il existe chez les enfants placés d‘autres facteurs que les troubles
mentaux pouvant perturber la QV : l‘échec scolaire, abus et négligences dans la
petite enfance, décès d‘un parent, famille monoparentale etc. Ces facteurs ne sont
pas nécessairement confondus avec l‘apparition de troubles mentaux, même s‘ils y
sont volontiers associés, et dans certains cas facteurs de risque. Ces facteurs
pourraient aussi dégrader spécifiquement la QV, sans être confondus avec
l‘influence des troubles mentaux. L‘étude de la QV chez les adolescents placés
permettra d‘isoler une éventuelle part spécifique des troubles mentaux dans sa
dégradation.

Nous avons étudié 183 adolescents (13-17ans) vivant en foyers dans le département
des Bouches-du-Rhône. Notre étude a deux objectifs : présenter la description de
leur QV et étudier l‘impact des troubles mentaux (TM) sur cette QV. Ces données
fourniront des éléments de réflexion pour affiner les actions de dépistage et de
traitement des troubles mentaux au sein de cette population spécifique.

98
3.3.4.1 Méthodologie

Echantillon de l’étude.
653 adolescents de 13 à 17 ans étaient enregistrés par l‘administration territoriale
des Bouches-du-Rhône (ASE) comme vivant en foyer entre juin 2005 et juin 2006.
Les adolescents francophones présents le jour programmé de la rencontre ont été
éligibles. Après obtention de l‘accord des parents et des sujets eux même, les
adolescents ont rencontré et ont été interrogés par des professionnels formés à l‘outil
DISC 2.25 (cf chapitre précédent présentant l‘‘étude de prévalence des troubles
mentaux). A la fin de l‘interview, un autoquestionnaire à été donné aux adolescents
pour obtenir les informations complémentaires.

L‘étude a été déclarée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés


(CNIL), et aux administrations territoriales sanitaires et sociales, qui n‘ont fait mention
d‘aucune réserve. Les conditions du déroulement sont conformes à la déclaration
d‘Helsinki au sujet des études sur les humains. La procédure d‘inclusion a permis de
rencontrer 183 adolescents. Aucune différence significative n‘a été retrouvée
concernant les caractéritisques soio-démographiques et administratives avec la
population de la liste administrative (Bronsard et al., 2011)

Variables étudiées

Données descriptives
L‘autoquestionnaire complété par les adolescents eux-mêmes, a permis de récolter
les données suivantes : age, sexe, niveau scolaire (nombre de redoublements),
suicidalité (idées de mort et de suicide les six derniers mois, et tentatives de suicide /
vie entière), rencontres avec professionnels sociaux ou sanitaires, violences
physiques (victimes, auteurs ou les deux).

Mesure de la Qualité de Vie (QV)


La QV a été mesurée par l‘outil «Vécu et Santé Perçue de l‘Adolescent». Un score
d‘index global de QV a pu être calculé ainsi que des scores de dimensions
spécifiques : Vitalité (V), Bien-être psychologique (Ps), Bien-être physique (Ph),
relations aux amis (A), loisirs (L), relations aux parents (P), relations aux enseignants

99
(E), performance scolaire (PS), estime de soi (E), vie sentimentale (VS) (Simeoni et
al. 2001, Sapin et al. 2005).

Les scores sont calculés de 0 à 100 ; plus le score est haut, meilleure est la QV. Des
données de références en population générale sont disponibles et peuvent être
utilisées pour la comparaison (Rajmil et al. 2006, Ravens-Sieberer et al. 2007)

Evaluation des troubles mentaux

Les autoquestionnaires on été couplés à la mesure de la prévalence des troubles


mentaux, précédement détaillée (Bronsard et al, 2011).

Dans notre présente étude, les troubles ont été classés en troubles internalisés
(troubles anxieux, troubles de l‘humeur) et troubles externalisés (troubles des
conduites, troubles opposition provocation, hyperactivité avec déficit de l‘attention) et
autres.

Trois catégories ont été constituées selon l‘existence et le type de troubles mentaux :
- Absence de troubles mentaux
- Présence de troubles externalisés avec ou sans autres troubles
- Présence de n‘importe quel trouble à l‘exclusion de troubles externalisés

Analyses statistiques

Les données descriptives sont exprimées par des moyennes et dérivations standards
(DS) pour les variables quantitatives, et pourcentages pour les qualitatives.
Pour vérifier la représentativité de l‘échantillon, les variables démographiques et
cliniques ont été comparées entre le groupe des répondants et celui des non-
répondants.

Les tests de Chi Deux ou de Fisher ont été utilisés pour les variables quantitatives, et
les ―Student‘s Test‖ ou analyse de variance pour les variables continues. Une
analyse de covariance a été faite pour comparer les score de QV des répondants
avec les scores de la population française de référence, en ajustant l‘age et le sexe.

100
Les analyses univariées explorent les liens entre les scores de QV (VSPA) et les
troubles mentaux, l‘age, le sexe, en utilisant ANOVA ou le coefficient de correlation
de Pearson. Des analyses de Régressions Linéaires Multiples (Analyses
Multivariées) ont ensuite été réalisées pour étudier les liens entre la QV et les
troubles mentaux ajustés pour l‘âge et le genre, en associant le score de VSP-A
(p<0.30) avec les différentes catégories de troubles mentaux, d‘âge et de genre.
Chaque score de QV a été considéré comme une variable indépendante. Les
coefficients beta standardisés sont reliés avec les valeurs p correspondantes. Pour
chaque modèle, ils représentent un changement de dérivation standard des variables
dépendantes (QV) résultant d‘un changement d‘une dérivation standard des
différentes variables indépendantes.

Un coefficient béta élevé correspond à un effet relatif de la variable indépendante


plus grand sur la QV. Enfin, pour chaque modèle une bonne correspondance est
exprimée par les valeurs de R2. Le taux statistique significatif était défini à p < 0.05.
Les analyses statistiques ont été effectuées par le logiciel SPSS Version 16.0
software package (SPSS Inc., Chicago, IL, USA).

3.3.4.2 Résultats

73 auto-questionnaires sur les 183 remis ont pu être exploités. Nous avons comparé
certaines caractéristiques des adolescents répondants et des adolescents non
répondants. Le sexe, l‘âge, la situation sociale et juridique, mais aussi la distribution
des troubles mentaux au sein des groupes répondants et non répondants. Nous
n‘avons pas relevé de différence significative.

101
Table 1: Comparaison des répondants/non répondants

Repondant au Questionnaire
Non (n=110) Oui (n = 73) p*
Donnée Socio-Demo
Age (ans)
<15 55 (50%) 43 (59%)
>= 15 ans 55 (50%) 30 (41%) 0.414

Genre (Sex Ratio) 63/47 43/30


0.827
(1.34) (1.43)

Troubles Mentaux Evalués


57 (51.8%) 37 (50.6%)
Aucun

TE avec ou sans AT 32 (29%) 25 (34.2%)

N‘importe quel T sans TE 21 (19%) 11 (15%) 0.673

* p-value < 0.05 est significatif

TE : Troubles Extenalisés AT : Autre trouble

3.3.4.2.1 Caractéristiques remarquables de l’état et de la biographie des


adolescents placés, et comparaison avec la population générale

Les réponses au questionnaire permettent de définir que la fréquence de l‘agression


est très élevée (victime 52%, auteur 52%) et que l‘état de victime se mêle très
souvent à celui d‘auteur (victime et auteur à la fois dans 40% des cas). Le fait de
« penser mourir » ou « de penser au suicide » est élevé (23 et 32%). Le passage à
l‘acte suicidaire retrouvé chez 20% des adolescents répondants, est lui aussi très
élevé comme nous l‘avions décrit au cours de l‘étude de prévalence (Bronsard et al.
2011).

Ces taux sont beaucoup plus élevés que ceux retrouvés dans la population
adolescente générale au cours des enquêtes produites par le « Baromètre Santé
2005» (Beck, Guilbert & Gautier, 2007) : les 15/19 ans rapportent des « idées
suicidaires » dans 8,4% des cas (11,3 chez les filles et 5,7 chez les garçons). Cette

102
même source signale que 4,8% des adolescents ont effectué une tentative de
suicide (7,9% chez les filles et 2% chez les garçons).

Le niveau scolaire est globalement bas chez les adolescents des foyers, avec 10%
présentant un niveau « enseignement élémentaire », et 75 % d‘entre eux ayant
redoublé au moins une fois. Enfin le recours à des professionnels spécialistes
(médecin généraliste, psychologue ou psychiatre, infirmière, assistante sociale) est
de 50%.

103
Table 2 : Caracteristiques des 73 adolescents vivant en foyers

N (%) ou moyenne(+/-ds)
Age (ans) 15.4 (+/-0.4)

Genre
Garçons 43 (58.9%)
Filles 30 (41.1%)

Troubles mentaux
Troubles internalisés
Troubles Anxieux 19 (26.0%)
Dépression majeure 13 (17.8%)
Troubles externalisés(TE)
Troubles des conduites 10 (13.7%)
Trouble de l‘Hyperactivité/Déficit de l‘attention 3 (4.1%)
Symptômes Psychotiques 18 (24.7%)

Absence de Trouble 37 (50.7%)


TE avec ou sans comorbidité 11 (15.1%)
N‘importe quel trouble sauf TE 25 (34.2%)

Suicidalité
Idées de mort 6 derniers mois 24 (32.9%)
Idées de suicide 6 derniers mois 17 (23.3%)
Tentative de suicide vie entière 15 (20.5%)

Rencontre avec un professionnel social ou


sanitaire au moins une fois dans l’année
Medecin généraliste 57 (78.1%)
Psychiatre ou psychologue 35 (47.9%)
Infirmière 24 (32.9%)
Assistante sociale 39 (53.4%)

Agression
Victime ou auteur 30 (40.4%)
Auteur non victime 8 (11.0%)
Victime non auteur 8 (11.0%)
Ni victime/ni auteur 27 (37.6%)

Redoublement à l’écolea
Jamais 18 (24.7%)
Une fois 40 (54.8%)
Deux fois 11 (15.1%)
Trois fois 1 (1.4%)

a
Nombre de valeur manquante (MV): MV=3.

3.3.4.2.2 Mesure de la QV chez les adolescents placés

Nous avons ensuite mesuré la QV pour cette population. Nous présentons les
résultats avec les indices comparés en population générale au même âge. L‘index
global de QV est significativement diminué chez les adolescents placés par rapport à

104
ceux de la population générale. Certains indices sont significativement diminués :
Energie/ Vitalité, Relations avec les amis, Relations avec les parents, Travail
scolaire, Vie sentimentale et sexuelle, Estime de soi ; contrairement à d‘autres
indices qui sont de niveaux comparables à ceux en population générale : bien-être
psychologique, bien-être physique, loisirs, relations avec les professeurs.

Table 3: Qualité de vie des adolescents vivant en foyers comparée à ceux de la population
générale

Adol* Foyers Normes Françaises¹

Moy (ET) Moy (ET)


Subscales du VSP-A² p³
(N=73) (N=487)

Vitalité 52.42 (3.07) 64.40 (0.85) 0.000

Bien être Psychologique 60.80 (3.61) 62.52 (0.99) 0.128

Relations aux amis 62.17(3.36) 70.52 (0.93) 0.017

Loisirs 50.66 (3.61) 57.42 (1.00) 0.072

Relations aux Parents 32.48 (3.96) 55.31 (1.09) 0.000

Bien être physique 69.13 (2.91) 68.37 (0.80) 0.802

Relations aux enseignants 53.78 (3.92) 54.20 (1.09) 0.918

Performance Scolaire 44.63 (4.18) 57.56 (1.16) 0.003

Estime de soi 55.67 (4.4) 70.62 (1.21) 0.001

Vie Sentimentale 32.36 (5.9) 49.16 (2.18) 0.008

Index global de QV 48.68 (1.91) 56.77 (0.54) 0.000

¹ Resultats pour les adolescents français de 13 à 17 ans (Simeoni et al. 2001, Sapin et al. 2005).
² VSP-A: Echelle de QV pour Adolescent (autoquestionnaire)

³ Ajustement sur l‘âge et le genre des adolescents


. Valeurs en
: gras : p inférieur 0.05. est signficatif
ET : Ecart Type

105
3.3.4.2.3 Impact des variables sexe, âge, « troubles mentaux externalisés et
non externalisés sur la QV des adolescents placés

Nous avons étudié l‘impact de différentes variables, sur l‘index général de la QV et


ses sous dimensions. Nous avons comparé l‘effet de l‘existence de troubles mentaux
(TM) par rapport à leur absence. Nous avons aussi isolé les TM externalisés, avec
ou sans co-morbidité. En effet nous supposons que la dimension externalisée du
trouble a un effet spécifique, direct et perturbateur de l‘environnement et doit être
étudiée spécifiquement.

Les analyses uni-variées et multi-variées (Tab 4 et 5) nous permettent de soutenir


que chez les adolescents placés, l‘existence d‘un TM (externalisé ou non) diminue de
façon significative l‘index global, ainsi que le bien-être psychologique. Les troubles
non externalisés sont significativement associés à une détérioration du bien-être
psychologique et du bien-être physique mais pas l‘estime de soi. Les troubles
externalisés dégradent spécifiquement le bien-être psychologique, l‘estime de soi, les
relations aux professeurs, la scolarité mais pas le bien-être physique.

Nous avons aussi étudié les effets du genre et de l‘âge. L‘âge n‘a pas impact
significatif. Par contre le genre montre des effets importants. La comparaison fille
versus garçon dans l‘analyse multi variée montre une différence significative en
défaveur des filles pour l‘Index Global, « énergie /vitalité », « bien-être
psychologique », « bien-être physique », « les relations aux amis » et « l‘estime de
soi ».

106
Table 4: Association entre la QV et les troubles mentaux, l’age et le genre des adolescents vivant en foyers (analyse univariée)

Index V Ps A L P Ph E PS E VS
mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R
Troubles
mentaux ²
Aucun 57.25 ±10.3 58.92 ±26.4 80.68 ±19.1 60.71 ±24.2 55.74 ±22.6 41.22 ±25.4 79.22 ±16.9 59.46±26.3 51.35 ±29.2 83.45 ±27.4 30.39±33.8
TM sans TE 48.19 ±12.3 55.00 ±20.5 57.92 ±29.3 60.73 ±22.1 51.75 ±21.9 28.39 ±25.4 61.46 ±20.5 51.81 ±28.5 46.50±25.9 58.85 ±37.3 40.63±32.4
TE 42.10 ±12.6 50.45 ±24.2 49.09 ±25.8 54.09 ±26.8 55.68 ±26.2 31.25 ±26.8 68.18 ±12.9 34.10 ±29.4 21.59 ±20.2 53.41±38.3 34.09±38.3
P 0.000 0.568 0.000 0.700 0.781 0.145 0.001 0.032 0.008 0.004 0.866
Genre ²
Garçon 54.80 ±11.9 61.74 ±25.6 77.44 ±24.2 53.63 ±24.5 52.91 ±23.1 37.35 ±26.0 77.03 ±16.1 55.23 ±26.8 48.26 ±27.2 85.56 ±27.0 39.74 ±33.5
Fille 47.61±12.7 48.50 ±19.75 54.66 ±25.4 68.44±19.7 56.46 ±22.2 32.54 ±26.2 63.58 ±20.9 49.70 ±31.2 40.83 ±30.2 53.02 ±38.1 37.93±34.3
P 0.018 0.020 0.000 0.008 0.514 0.446 0.003 0.429 0.277 0.001 0.828
Age ¹
R -0.285 0.060 -0.292 -0.057 -0.101 -0.173 -0.289 -0.134 -0.070 -0.333 0.154
p 0.016 0.616 0.013 0.630 0.397 0.146 0.014 0.265 0.558 0.004 0.209

¹ Pour les variables continues, les résultats sont affichés en coefficient de correlation (R).
² Pour les variables qualitatives, les résultats sont affichés en mds
Valeur en gras p <0.30, seuil pour l’analyse multivariée

VSP-A: Autoquestionnaire pour Adolescent. Subscales: Vitalité (V), Bien être psychologique (Ps), Bien être physique (Ph), relations aux amis (A), loisirs (L),
relations aux parents (P), relations aux enseignants (E), performance scolaire (PS), estime de soi (E), vie sentimentale (VS)
DS Dérivation Standard.
TM : Trouble mentaux
TE : Trouble externalisé

107
Table 4: Association entre les troubles mentaux et la QV chez les adolescents vivant en foyers (Modèle de régression linéaire multiple)

Index V Ps A L P Ph E SP E VS

Β P β p β p β p β p β p β p β p β p β p β p

TM sans TE -0.25 0.04 -0.04 0.78 -0.27 0 .01 -0.08 0.53 -0.86 0.52 -0.19 0 .15 -0.32 0.01 -0.10 0.46 -0.06 0.66 -0.17 0.15 - 0.04 0.80
VS None

TM dont TE -0.39 0.00 -0.16 0.22 -0.38 0.00 -0.10 0.43 0.03 0.84 -0.10 0.44 -0.15 0.21 -0.31 0.01 -0.39 0.00 -0.23 0.04 -0.12 0.38
vs none

Age (an) -0.11 0.33 0.13 0.29 -0.09 0.38 -0.05 0.69 -0.10 0.44 -0.11 0.38 -0.15 0.21 -0.03 0.82 0.05 0.70 -0.19 0.09 0.19 0.15

Fille -0.22 0.04 -0.28 0.02 -0.35 0.00 0.33 0.00 0.11 0.38 -0.04 0.77 -0.25 0.02 -0.08 0.52 -0.13 0.25 -0.36 0.00 -0.43 0.73
(vs garçon)

R2 (%) 27.4 4.9 36.0 6.1 -3.1 1.10 21.4 4.8 9.7 26.1 -2.4

VSP-A: autoquestionnaire de QV, scores de 0 à 100. Vitalité (V), Bien être psychologique (Ps), Bien être physique (Ph), relations aux amis (A),

loisirs (L), relations aux parents (P), relations aux enseignants (E), performance scolaire (PS), estime de soi (E), vie sentimentale

TM sans TE : Trouble mentaux à l‘exclusion des troubles externalisés

TM dont TE : Tout troubles mentaux, incluant les troubles externalisés

β, coefficient beta standardisé; R carré indique la bonne concordance du modèle.

Valeur en gras : p <0.05 est significatif.

Le coefficient beta standardisé représente les modifications (exprimées en unité de dérivation standard) des scores de QV résultant d’une modification

d’une dérivation standard d’ne variable indépendante

3.3.4.3 Discussion

Limites : taux de participation

Seuls 73 auto-questionnaires ont pu être récupérés. Ce chiffre est faible, puisqu‘il


correspond à 40% des adolescents susceptibles de répondre. L‘auto-questionnaire a
été remis aux 183 adolescents à la fin de l‘entretien individuel réalisé pour la
passation du DISC 2.25.

Il n‘a a pas été possible de savoir à quel niveau la déperdition principale s‘est
déroulée : questionnaire non rempli car égaré, négligé ou jeté ? Questionnaire rempli

108
puis égaré ou mal récupéré ? Les difficultés de lecture et d‘écriture de certains
adolescents, mal objectivées au préalable par manque de données fiables dans les
dossiers, ont probablement défavorisé le remplissage du questionnaire. Choquet et
al. (1998, 2004), lors d‘une étude multicentrique par auto-questionnaire auprès des
adolescents suivis par la Protection Judiciaire de la Jeunesse, ont rencontré des
difficultés similaires avec une récupération des documents inférieure à 30%.

Pour la passation du DISC 2.25, les rencontres avec les adolescents au sein des
foyers avaient été très difficiles à organiser. Cependant aucune difficulté n‘avait été
décrite lors de leur déroulement effectif. Les enquêteurs n‘ont rapporté aucun signe
de rejet de la démarche par les adolescents, qui sont restés attentifs et participatifs
pendant les deux heures de passation, en face à face avec l‘enquêteur. Aucun
adolescent n‘a mis fin ou n‘a refusé la démarche. Le remplissage de l‘auto-
questionnaires, au contraire du DISC, n‘a par définition pas été accompagné, ce qui
est probablement l‘élément méthodologique défavorable le plus déterminant.
L‘accompagnement proximal et durable des adolescents par les professionnels est à
l‘évidence un facteur très influent sur leur participation à la démarche de recherche.

Analyse des résultats

Les répondants ne se différencient pas des non répondants concernant le sexe, l‘âge
et la répartition des catégories de troubles, permettant ainsi d‘envisager une bonne
représentativité de l‘échantillon (tab 1).

Caractéristiques psychologiques, comportementales et scolaires (Tab 2)

La violence est fréquente et la coexistence des statuts de victime et d‘auteur est


présente dans 40% des cas. Cette coexistence est en soi une difficulté pour traiter et
répondre à cette problématique. En effet, nous avons vu plus haut le poids des
représentations hautement compassionnelles associées aux enfants victimes, dont
l‘intensité peut être comparable à celle du rejet et de la crainte induits par les
adolescents auteurs d‘agression. La coexistence de ces deux statuts à
représentation contradictoire pourrait désorganiser le positionnement, les attitudes et
les réponses.

Concernant la suicidalité, les questionnaires rapportent que 20% des adolescents


vivant en foyer ont « pensé au suicide ». Ce taux est plus élevé que celui retrouvé

109
dans la population adolescente générale au cours des enquêtes produites par le
« Baromètre Santé 2005» (Beck et al., 2007) : les 15/19 ans rapportent des « idées
suicidaires » dans 8,4% des cas (11,3 chez les filles et 5,7 chez les garçons). Cette
même source signale que 4,8% des adolescents ont effectué une tentative de
suicide durant leur vie entière (7,9% chez les filles et 2% chez les garçons), alors que
20% des adolescents des foyers répondants l‘ont effectué. Les facteurs de risques
psychosociaux sont surreprésentés chez les adolescents des foyers (Kayser et al.,
2011), comme nous l‘avons montré déjà pour le développement des troubles
psychiques dans cette population.

On note un taux équivalent entre les idées suicidaires et les tentatives de suicide
chez ces adolescents alors que les tentatives de suicide sont deux fois moindre que
les idées suicidaires en population générale. La suicidalité montre des spécificités
chez les adolescents des foyers, dont l‘analyse pourrait donner des pistes nouvelles
de prévention des passages à l‘acte.

Au minimum, on doit considérer que le dépistage et la prévention du suicide sont à


améliorer de façon spécifique chez les adolescents vivant en foyer, et que si les
idées suicidaires y sont deux fois plus fréquentes, les actes suicidaires sont eux
quatre fois plus fréquents.

L‘analyse quantitative du recours aux soignants pourrait nous aider sur ce sujet. Le
recours au soignant, en particulier somatique ou généraliste, est assez important
puisque 78% d‘entre eux ont consulté un médecin généraliste dans l‘année ; 47,9%
ont eu recours à un psychologue ou un psychiatre, 32,9% à une infirmière et 53,4% à
une assistante sociale.

II faut cependant relativiser ces résultats, en particulier concernant les avis ou les
consultations de psychologue ou de psychiatre. Des psychologues travaillent dans la
plupart des foyers sociaux, et sont en nombre dans les services de l‘aide sociale à
l‘enfance (une cinquantaine dans les Bouches-du-Rhône en 2011, chiffre
communiqué par l‘administration locale). Etant donné les perturbations
systématiques, de fait, du fonctionnement familial et les taux de prévalence de
troubles mentaux dépassant les 50%, et le chiffre de psychologues disponibles, le
chiffre de recours aux psychologues ou psychiatres inférieur à la moitié apparaît en
fait faible.

110
Cette population très vulnérable, en particulier concernant sa santé psychique devrait
bénéficier de dépistage systématique, mais surtout d‘intervention spécifique,
régulière et dédiée comme le montrent Milburn, Lynch et Jackson (2008) et Blower et
al. (2004).

QV, index global et indices

Les indices globaux de QV sont significativement abaissés par rapport à la


population générale, comme cela a été régulièrement décrit (Davidson-Arad et al.
2010, Anctil et al. 2007, Carbone et al. 2007, Damnjanovic et al., 2001) mais
l‘analyse du détail apporte des résultats nouveaux et pour certains inattendus.

Les propositions renvoyant à la qualité des relations avec les parents montrent des
indices dégradés. Les enfants sont placés avant tout en conséquence d‘un défaut de
protection parentale, installé par négligence ou mauvais traitement, impliquant une
perturbation des relations aux parents. Cet élément évoque que les adolescents ne
développent pas d‘idéalisation secondaire et compensatrice à la séparation. Par
contre, malgré un échec scolaire plus élevé qu‘en population générale comme le
montrent le niveau scolaire et le taux de redoublement à 75% contre 35% en
population générale (Choquet et al., 1998 ; 2005), la relation avec les professeurs
n‘est pas décrite de façon pire que pour la population générale. Nous pouvons
évoquer la capacité des adolescents à discriminer leurs relations aux différents
adultes, sans tendance à l‘amalgame ni à de simples projections sur les enseignants
des représentations conflictuelles concernant les parents.

Malgré les taux très élevés de prévalence des TM que nous avons précédemment
décrits pour cette population, le taux élevé de suicidalité, et la connaissance du
passé d‘abus et de négligences de ces enfants, certains scores ne sont pas
dégradés. Les adolescents placés ont rapporté des indices de « bien-être
psychologique » et de « bien-être physique » de même niveau qu‘en population
générale (tab 3), alors que les indices de vitalité, estime de soi, relations aux amis,
relations aux parents, vie affective et performance scolaire, évoquant une
dépressivité globale sont significativement abaissés.

111
Ces adolescents expriment « qu‘ils se sentent bien », alors que les questions
concernant leur fonctionnement social et scolaire rapportent une dégradation. Les
adolescents expriment paradoxalement une bonne représentation de leur état.

Notre étude montre un niveau d‘ «estime de soi» légèrement dégradé chez les
adolescents en foyer, alors que Blower et al (2004) en rapporte un taux préservé.
Ces auteurs réfléchissent à la notion d‘ « idéalisation défensive » pour expliquer
certains indices de QV élevés, évoquant la tendance de ces adolescents à se voir,
ou plutôt à se décrire mieux que ce qu‘ils sont. Cette idéalisation défensive pourrait
s‘appliquer aux indices de bien-être psychologique et physique. Davidson-Arad
(2004) a montré que la QV des enfants placés s‘améliorait en quelque mois après
leur placement, et qu‘ils étaient satisfaits de leur état. La différentielle de leur
situation avant et après placement peut agir favorablement dans la représentation
positive qu‘ils ont de leur état, malgré la persistance objective de leurs difficultés et
de leurs troubles.

Le mal être et les besoins en santé mentale s‘expriment de façon inhabituelle chez
les adolescents placés. Le faible « recours aux psy », qui pourtant sont présents
dans les dispositifs de protection de l‘enfance peut renforcer l‘idée qu‘il existe des
difficultés de dépistage de ces besoins et un défaut d‘offre adaptée.

Impact des troubles mentaux, de leur catégorie et du genre (tab 4 et 5)

L‘existence de TM dégrade l‘index global de façon importante, ainsi que les indices
« bien-être physique », « bien-être psychologique » et les relations aux enseignants.
Ces trois indices étaient ceux qui étaient préservés au sein de la population globale
des adolescents placés. L‘existence de la dimension externalisée ou pas des
troubles impliquent des modifications dans le vécu et l‘expression des difficultés
personnelles. Lorsque les troubles ne sont pas externalisés, l‘estime de soi n‘est pas
dégradée, contrairement au bien-être physique et psychologique. Lorsque le trouble
est externalisé, l‘impact négatif sur la QV est significativement plus élevé encore et
montre une dégradation de l‘estime de soi ; par contre il n‘y a pas de dégradation du
« bien-être physique » au contraire des troubles internalisés. Les troubles
externalisés ont l‘impact négatif le plus important sur la qualité de vie des
adolescents placés. Ces troubles perturbant directement l‘environnement, pourraient
être par contre plus facilement repérés, à condition que cette perturbation soit

112
comprise par les professionnels comme un symptôme possible de troubles,
impliquant une formation spécifique.

L‘analyse de l‘impact des différents troubles mentaux sur les indices de QV montre
aussi la complexité de la clinique chez des adolescents qui, malgré des troubles
avérés, peuvent exprimer une estime de soi ou encore un bien-être physique de
même niveau que ceux n‘en présentant pas.

Les filles rapportent des scores de QV plus bas et présentent des indices de bien-
être psychique et physique, une estime de soi et un Energie/Vitalité significativement
diminués par rapport aux garçons. Ces indices sont associés directement à la notion
de dépressivité. Les filles dans les foyers vont à l‘évidence plus mal que les garçons,
mais semblent par contre mieux l‘exprimer ou se le représenter qu‘eux. Cette
différence de dégradation de l‘état de santé mentale en nette défaveur des filles a
été aussi décrite par Choquet et al au cours des études des adolescents de la
Protection Judiciaire de la Jeunesse (Choquet et al., 1998 ; 2005).

Comme nous l‘avons précédemment décrit, au cours de notre étude de prévalence,


nous avons de la même façon retrouvé beaucoup plus de troubles mentaux et des
tentatives de suicide chez les filles que chez les garçons. Les filles présentent les
même taux que les garçons pour les troubles externalisés, pourtant beaucoup plus
fréquents chez les garçons en population générale, et des taux beaucoup plus
élevés que les garçons concernant les troubles internalisés, classiquement plus
élevés chez les filles (Bronsard et al 2010 et 2011).

Les filles des foyers cumulent des « troubles de filles » et des « troubles de
garçons ». Il est possible que les troubles externalisés soient des facteurs favorisant
le placement en foyer, car ils perturbent l‘environnement qui aura plus facilement
tendance à chercher une solution, notamment d‘« évacuation », expliquant la
présence au sein des foyers de nombreuses filles présentant de tels troubles. Ces
troubles ont un impact important sur l‘index global et l‘estime de soi, les
performances scolaires et les relations aux enseignants. La sur-représentation des
troubles internalisés rencontrée classiquement chez les filles peut par contre
expliquer ou être associée à la dégradation des « bien-être » physique et
psychologique comme l‘évoque l‘analyse multi variée.

113
Il faut enfin poser quelques précautions pour l‘utilisation des résultats. De la même
façon que pour l‘étude de prévalence, les résultats ne permettent pas de déduire
directement quels moyens spécifiques ou quels programmes de soin sont nécessaire
à développer. Les chiffres de prévalence d‘un trouble mental ne sont pas
superposables au besoin de soin, et le trouble défini par les études n‘établi pas qu‘il
est « cliniquement significatif » (Falissard, 2010). Ces résultats indiquent par contre,
qu‘il faut aller y voir plus prés, car les troubles mentaux dépistés chez ces
adolescents et leur suicidalité est bien plus importante qu‘en population générale
selon les mêmes critères. Il sera en revanche de rencontrer cliniquement chaque
adolescent si l‘on veut définir un projet de soin qu‘il faudra mettre en place au niveau
individuel. Ces études nous indiquent les grandes tendances et l‘état d‘une
population donnée, permettant de mieux connaitre leur fonctionnement global et de
préparer des modifications de pratiques.

3.3.4.4 Conclusion

Les adolescents placés ont une QV significativement dégradée. Les indices


d‘énergie-vitalité et d‘estime de soi sont spécifiquement diminués ainsi que les
performances scolaires, les relations aux pairs et aux parents, évoquant une
dépressivité globale plus importante qu‘en population générale. Le recours aux
psychologues ou aux psychiatres n‘existe pourtant que pour la moitié d‘entre eux. De
plus, la préservation des indices de bien-être physique et psychologique, en
particulier chez les garçons, laisse penser que l‘expression de leur difficultés est
indirecte, et que ces indices de « bien-être » ne sont pas un bon indicateur de leur
état ni de leur besoin. Le repérage de leur besoin en santé mentale, en particulier de
leur dépressivité, ne doit pas se limiter à la recherche d‘un « non bien-
être psychologique ou physique ». Cette préservation laissant supposer que ces
adolescents ne se représentent pas, ne perçoivent pas ou bien n‘expriment pas
directement leurs difficultés psychiques et affectives, rendant peu probable qu‘ils
établiront eux-mêmes la demande d‘aide ou de soin. L‘approche clinique et
l‘évaluation de leur besoin est donc complexifiée.

Par ailleurs, les troubles mentaux présents chez la moitié de notre population ont un
impact important sur l‘indice global de QV, en particulier les troubles externalisés. La
diminution de l‘indice de bien-être psychologique est ici significative quelque soit le

114
type de trouble mais d‘autres indices pour lesquels la présence de trouble ferait
attendre une dégradation (estime de soi, bien-être physique) varient selon le type de
troubles, rendant difficile leur utilisation pour les dépister. Les filles ont une QV et des
indices de dépressivité plus dégradés que les garçons, mais expriment mieux leurs
difficultés.

Cette population présente globalement une dégradation importante de la QV,


associé à une dépressivité et/ou à des troubles mentaux. L‘état de dépressivité
nécessite autant que l‘existence de troubles mentaux, un entretien approfondi afin de
déterminer la mise en place de soin. Une discrimination en amont par questionnaire
semble inopportune, et difficile à mettre en place. Les professionnels doivent réaliser
des entretiens et être pour cela formés à la santé mentale et aux spécificités de la
dépressivité, des troubles mentaux et de leur expression chez les adolescents des
foyers. Un dispositif en santé mentale dédié et spécifique est donc souhaitable.

115
Quality of Life and mental disorders in adolescents living in residential group
homes of the French Child Welfare System

Article soumis au journal “Child Welfare” et accepté


Guillaume Bronsard M.D., Christophe Lançon, M.D, Ph.D, Anderson Loundou Ph.D,

Pascal Auquier M.D., Ph.D, Marcel Rufo, M.D, Ph.D and Marie-Claude Siméoni, M.D,

Ph.D.

Dr. Bronsard is the Director of the Adolescent House and the Medico-Psycho-

Pedagogic Centre of the County of Bouches-du-Rhône (CG13) and is with the

Laboratory of Public Health (EA 3279) of the Medecine University of Marseille,

France.

Pr. Lançon is Chief of the Departement of Psychiatry in the Universitary Hospital of

Sainte Marguerite in Marseille, France.

Dr. Anderson Loundou is with the Methodological Support Unit for Clinical Research

of Assistance Publique-Hopitaux de Marseille, Marseille, France.

Pr. Pascal Auquier is Chief of the Laboratory of Public Health (EA 3279) of the

Medecine University of Marseille, France.

Pr. Marcel Rufo is Chief of the Adolescent Psychiatry Service of the Universitary

Hospital Savaltor, Marseille, France.

Dr. Marie-Claude Siméoni is in the Public Health Department of Assistance Publique-


Hôpitaux de Marseille, Marseille, France and with the LPS EA849 of the university of
Aix-Marseille, Aix-en-Provence, France

116
Correspondence to Dr Guillaume Bronsard, 169 rue Paradis, 13006 Marseille,

France.

Email : guillaume.bronsard@free.fr; +33 4 91 37 33 77 fax +33 4 91 37 45 90

117
Abstract
We purpose to measure the Quality of Life (QoL) of adolescents living in residential
group homes (RGHs) and to determine the links between QoL and the presence of
mental disorders (MDs) in this population. Despite their higher rates of suicidality
and mental disorders, their lower school performance, their history of lasting and
severe familial dysfunction, and their overall poorer global indices of QoL, RGHs
residents did not show significant differences in Physical Well-Being, Psychological
Well-Being or their Relationships with Teachers when compared with the general
adolescent population.

Key Words : Adolescent; Quality of Life; Mental Disorders; Child Welfare System ;
Residential Group Homes

118
Introduction
Approximately 250,000 French children are serviced by the Child Welfare System.
Over half of these children (135,000) are placed in out-of-home care and are living
outside their family or birth home. These children are placed either in foster care
homes or in residential group homes, according to a host of poorly standardized
guidelines, including the location of residence, the availability of hosting homes and
the background of the professionals involved in the decision making process
(Bailleau & Trespeux, 2008). Placement depends upon an evaluation of family
functioning by the local services of the Child Welfare System. Children are typically
from homes where parental care is considered so poor that it endangers the child‘s
typical, healthy development. Such dangers encompass abuse, neglect and/or any
severe or lasting family dysfunction that results in inconsistency in the child‘s basic
care.

Placements occur subject to recognition of dysfunction in the children‘s family circle,


to the conduct of the whole administrative system and to the legal procedures of the
welfare system services. Children most often initially present to the system as a
result of behavioral and developmental disorders or as a result of school and social
dysfunction.

A higher-than-normal instance of mental disorders in children and adolescents


involved in the Child Welfare System has consistently been found for all countries so
far studied, and these rates can be up to five times that of the general population
(Kayser, Jaunay, Giannitelli et al., 2011; Bronsard, Lancon, Loundou, Auquier, Rufo
& Simeoni, 2011; McMillen, Zima, Scott et al., 2005). Moreover, co-occurrence of
multiple mental disorders is common and gender differences in the distribution of
mental disorders are also commonly found. Girls typically present with a higher rate
of internalized disorders, while the rate of externalized disorders does not differ by
gender (Bronsard et al. 2011).

RGHs residents are a particularly vulnerable population, and those few studies
providing information about the quality of life (QoL) of placed adolescents have
shown that their QoL is significantly impaired relative to adolescents not involved in

119
the Child Welfare System (Damnjanovic , Lakic, Stevanovic &Jovanovic, 2011 ;
Carbone, Sawyer, Searle & Robinson, 2007 ; Akister, Owens & Goodyer 2010 ;
Davidson-Arad, Englechin-Segal & Wozner, Y., 2003 ; Davidson-Arad, 2005 ;
Davidson-Arad & Kaznelson, 2010).

Davidson-Arad & Kaznelson (2010) suggested that changes in children‘s QoL would
be an informative outcome measure to assess the benefits of child placements. QoL
measurements produce information about an individual‘s satisfaction or happiness in
various life domains that affect, or are affected by, health. By detecting impairments
of well-being and functioning based upon how children and adolescents perceive
their own situation, this outcome measure may be more sensitive to the specific
health needs of this population.

Identifying which factors impact QoL in these adolescents will help to determine
potential targets for professional intervention and, eventually, for public health or
social policy. Identifying risk-factors may also help to identify those adolescents likely
to experience lower QoL and who will require additional professional support.
Demographic risk factors may include age or gender (Brice, L., Weiss, R., Wei, Y.et
al., 2011 ; Pereira&Cavarro, 2011 ; Michel et al., 2009 ; Bisegger, Cloetta, von
Rueden, Abel & Ravens-Sieberer, U., 2005 ; Belloch, Perpiñá, Martínez-Moragón,
de Diego & Martínez-Francés, 2003).

Several studies have also identified the presence of concurrent mental disorders as a
risk factor for low QoL in placed adolescents (Damnjanevic et al., 2011 ; Carbone et
al., 2007). Dumaret, Guerry & Crost (2011) found that adults placed longer than 3
years during childhood reported good social integration except when they were the
victims of violence during childhood or when a concurrent mental disorder was
present. Some symptoms of mental disorders can be expressed in domains directly
assessed by QoL, including interpersonal relationships, social adjustment and self-
perception. Other factors that are likely to worsen QoL, even in the absence of
mental disorders, include the following: a history of sexual abuse (Anctil, Cubbina,
O‘Brien, Pecora & Anderson-Harumi, 2007), a history of violence (Dumaret et al.
2011) and/or a history of living in a dysfunctional family (Davidson-Arad, 2010).
Finally, the relationship between mental disorders and QoL could differ or be

120
mediated by their internalized or externalized nature. A better understanding of the
relationship between mental disorders and QoL in this context would benefit placed
adolescents and improve preventative health and care. Nevertheless, to our
knowledge, the specific role of mental disorders in the QoL of placed adolescents has
never been explored using standardized validated measurement. We include such
measures both for QoL and for the presence of concurrent mental disorders.

However, QoL ratings in general may be inconsistent across different countries and
cultures (Michel, Bisegger, Fuhr, & Abel, 2009), and they may vary even more among
adolescents receiving Child Welfare Systems services (Bronsard et al. 2011). To our
knowledge, no previous study has measured the QoL of placed adolescents in
France using standardized validated tools.

The main purpose of this study was to compare the QoL of adolescents living in
residential group homes with that of adolescents not involved in the child welfare
system. We also explored links between mental disorders and QoL in placed
adolescents, taking into account age and gender differences.

Population and Methods


Study sample
A total of 653 adolescents (13 to 17 years old) were registered in the administrative
files of residential group homes in the French county of Bouches-du-Rhône between
June 2005 and June 2006.

Adolescents who were able to speak French, who were present on the day when the
interview was planned and who agreed to participate were eligible for the study. After
obtaining consent to participate in the study from adolescents and their parents, the
adolescents were interviewed by trained researchers. At the end of the interview,
adolescents completed a self-administered questionnaire. This study was declared to
and received approval from the ―Commission nationale de l'informatique et des
libertés‖ (National Committee of informatics and liberties) and from the appropriate
local authorities (The Child Welfare administration of the county of the Bouches-du-
Rhône). It was conducted according to the terms and conditions specified by the
Helsinki Declaration on human subjects testing. The inclusion procedure resulted in a

121
sample of 183 adolescents. No significant differences were found between the
included population and the population not included in the study with respect to major
confounding factors registered in the administrative census (Bronsard et al. 2011).
Fig 1
Study variables
Data collection was two-fold:
- The first set of variables consisted of a self-administered questionnaire
completed by the adolescents and demographic/health variables including
the following: age, gender, school performance (repetition of school year),
suicidality (death/suicidal ideations during the 6 past months and suicide
attempts throughout life), visits to health or social/professional caregivers,
violent behaviors including physical aggression, theft, insult, or sexual
abuse (as either victim or perpetrator during the last year), and the QoL
questionnaire (VSP-A, Sapin, Simeoni, El Khammar, Antoniotti& Auquier,
2005).

- Mental disorders were then assessed using a structured psychiatric


diagnostic interview (DISC 2.25, Breton, Bergeron, Valla, Berthaume &
Saint Georges, 1998).

Quality of Life measurement

QoL was assessed with the 39-item self-administered VSP-A questionnaire (Vécu et
Santé Perçue de l‘Adolescent, Sapin et al., 2005), which was specially designed for
adolescents. In addition to dimension-specific scores (V, Vitality; Ps, Psychological
Well-Being; F, Relationships with Friends; L, Leisure Activities; P, Relationships with
Parents; Ph, Physical Well-Being; T, Relationships with Teachers; SP, School
Performance; SE, Self Esteem; SL, Sentimental Life), a global QoL index score was
computed (Simeoni, Sapin, Antoniotti & Auquier, 2001 ; Sapin et al., 2005). Scores
ranged from 0 and 100; the higher the score, the better the QoL. Reference values
for the general adolescent French population (aged 13 to 17 years) are available
(Rajmil, Alonso, Berra et al., 2006; Ravens-Sieberer, Auquier, Erhart et al., 2007) and
can be used for comparison.

122
Assessment of mental disorders
The French child-report version of the Diagnostic Interview Schedule for Children
(DISC 2.25) was used. The DISC is a structured psychiatric diagnostic interview for
children and adolescents aged 6 to 18 years and their parents. This tool was
developed and updated by the American Institutes of Mental Health and extensively
validated (Breton, Bergeron, Valla, Berthaume, & Saint Georges, 1998 ; Shaffer,
Fisher, Dulcan, et al., 1996 ; Shaffer, Fisher, Lucas, Dulcan & Swab-Stone, 2000.) It
is a widely used tool for children and adolescents (Breton, Bergeron, Valla et
al.,1999; Renou, Hergueta, Flament, Mouren-Simeoni & Lecrubier, 2004). The DISC
requires a face-to-face interview lasting about 1 h 30 min during which the interviewer
asks questions directly to the adolescent. Interviewer status does not affect DISC
reliability due to the highly structured organization of the DISC (Breton et al., 1998).
Seven diagnoses were explored: Anxiety Disorder (AD), Major Depression (MD),
Conduct Disorder (CD), Eating Disorder (ED), Nocturnal Enuresis (NE), Psychosis
Screen (PS) and Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD). Only diagnoses
that had been made in the last 6 months were studied. In addition to collecting data
on DSM-III-R diagnoses (American Psychiatric Association, 1987), DISC 2.25
questions were also used to assess any Suicide Attempts (SA) that had been made
during the lifetime of the adolescent. This was detailed in a previous paper (Bronsard
et al., 2011).

In this study, diagnoses were grouped into externalized disorders comprising conduct
disorders (CD) or attention deficit/hyperactivity disorders (ADHD), whereas
internalized mental disorders included anxiety disorders (AD) or mood disorders
(MD). The adolescent population was categorized into three major groups depending
on the existence and the nature of mental disorders as follows:
- No mental disorders.
- Presence of externalized mental disorders, with or without other mental
disorders.
- Presence of internalized mental disorders without any externalized mental
disorders.

123
Statistical analyses
Descriptive data were expressed as the means and standard deviations (SD) for
quantitative variables or counts and percentages for qualitative ones.
To determine the representativeness of the sample, demographic and clinical
variables for the children for whom a QoL evaluation was completed (responder
group) were compared with those of the non-responder group. Chi-squared tests or
Fisher‘s tests were used for qualitative variables, and Student‘s t-tests or analyses of
variance were used for continuous variables. Analyses of covariance were used to
compare the QoL scores of responders with those of the French reference population
(Ravens-Sieberer et al., 2007), adjusting for children‘s age and gender.

Univariate analyses explored the links between QoL scores (VSPA), mental
disorders, age and gender using ANOVAs or Pearson‘s correlation coefficients.
Multiple linear regression analyses were performed to study the links between
adolescents‘ QoL and mental disorders, adjusting for age and gender, including in
the regression those variables that were associated with VSP-A score with p <0.30.
Each QoL score was considered as a separate dependent variable. Standardized
beta coefficients are displayed with corresponding p-values. For each model, the
beta coefficients represent a change in the standard deviation of the dependent
variable (QoL) resulting from a change of one standard deviation in the various
independent variables. A higher standardized beta coefficient corresponds to a
greater relative effect of the independent variable on QoL. For each model, the
goodness of fit was expressed by the R-squared values.
All tests were two-tailed, and statistical significance was defined as p < 0.05.
Statistical analyses were performed using the SPSS Version 16.0 software package
(SPSS Inc., Chicago, IL, USA).

Results
Sample characteristics
Of the 183 adolescents included in the study, a subsample of 73 adolescents
answered the self-administered questionnaire (figure 1). Approximately 59% were
boys and 56% were more than 15 years old. Externalized disorders, as defined
above, were found in 15% of the study responders. One or more non-externalized
mental disorders were found in approximately one-third of responders, while the

124
remaining half had no reported mental disorders. Death or suicidal ideations were
present in about a quarter to a third of responders in the last 6 months, and one
adolescent in five had made a suicide attempt. More than a half of responders
reported that they had been the victim or the perpetrator of an injury during the past
year, and 40% declared themselves to have been both. Most adolescents (80%) had
visited a general practitioner at least once in the past year and almost 50% had also
visited a psychiatrist or a psychologist (Table 1). The 73 responders and 110 non-
responders to the self-administered QoL questionnaire did not significantly differ in
terms of age, gender or mental disorders.
Figure 1 : Participation in the study

653 adolescents in the administrative census

470 repeated missing meeting, running away, lost sight ,


administrative data unupdated or, very rarely formal
refusal to participate from adolescents him self or from
social worker

183 adolescents with DISC interview

110 non respondents to self-administered questionnaire

73 adolescents with DISC interview and self-administered questionnaire completed

125
Table 1: Characteristics of the 73 adolescents respondents living in residential group
homes

N (%) or mean (+/-sd)


Age (years) 15.4 (+/-0.4)

Gender
Boys 43 (58.9%)
Girls 30 (41.1%)

Mental Disorders
Internalized Disorders
Anxiety Disorders 19 (26.0%)
Affective Disorders 13 (17.8%)
Externalized Disorders
Conduct Disorders 10 (13.7%)
AttentionDeficit/Hyperactivity Disorder 3 (4.1%)
Psychosis Screen 18 (24.7%)

No mental disorder 37 (50.7%)


MD incl ExtD 11 (15.1%)
MD excl ExtD 25 (34.2%)

Suicidality
Death ideas during 6 last months 24 (32.9%)
Suicide ideas during 6 last months 17 (23.3%)
Suicide attempt during whole life 15 (20.5%)

Visit to /Contact with health or social


professional caregivers
General Practioner at least once last year 57 (78.1%)
Psychiatrist or psychologist at least once last 35 (47.9%)
year
Nurse at least once last year 24 (32.9%)
Social worker at least once last year 39 (53.4%)

Injury
Victim and perpetrator 30 (40.4%)
Perpetrator but not victim 8 (11.0%)
Victim but not perpetrator 8 (11.0%)
Neither victim nor perpetrator 27 (37.6%)
a
Repeating a school year any time
Never 18 (24.7%)
Once 40 (54.8%)
Twice 11 (15.1%)
Three times 1 (1.4%)
Mental Disorders have been established with the DISC2.25

ExtD : Externalized Disorders : Conduct Disorders, Attention Deficit Hyperactivity Disorder

MD excl ExtD : Any Mental Disorders excluding Externalized Disorder

MD incl ExtD : Any Mental Disorders including Externalized Disorder

126
QoL of adolescents living in residential group homes and French adolescents of
general population
Adolescents living in residential group homes (RGHs) reported their highest levels of
QoL in the Physical Well-Being dimension and their lowest levels in the dimensions
about Sentimental Life and Relationships with Parents. Given the standard
deviations, the dispersion of QoL scores was larger in the RGHs sample than in the
general population.
Adolescents living in residential group homes reported significantly lower perceptions
of their QoL than did the general adolescent population, as reflected by VSP-A Index
and dimension scores describing Self-Esteem, Vitality, Relationships with Parents,
Relationships with Friends, Sentimental life, and School Performance (Table 2).
Likewise, adolescents living in residential group homes tended to report lower scores
in Leisure activities than did those of the general population, although these
differences were not significant (p=0.072). However, their dimension scores
describing Physical Well-Being, Psychological Well-Being and Relationships with
Teachers, adjusted for age and gender, did not significantly differ from those of
adolescents in the general population (Table 2).

127
Table 2: Quality of life of adolescents living in residential group homes (RGHs) compared with the
general adolescent population

RGH adolescents French norms¹

mean (SD) mean (SD)


Subscales of VSP-A² p³
(N=73) (N=487)
Vitality 52.42 (3.07) 64.40 (0.85) 0.000

Psychological Well-being 60.80 (3.61) 62.52 (0.99) 0.128

Relationships with 62.17(3.36) 70.52 (0.93) 0.017


Friends
Leisure Activity 50.66 (3.61) 57.42 (1.00) 0.072

Relationships with 32.48 (3.96) 55.31 (1.09) 0.000


Parents
Physical Well-being 69.13 (2.91) 68.37 (0.80) 0.802

Relationships 53.78 (3.92) 54.20 (1.09) 0.918


withTeachers
School Performance 44.63 (4.18) 57.56 (1.16) 0.003

Self Esteem 55.67 (4.4) 70.62 (1.21) 0.001

Sentimental Life 32.36 (5.9) 49.16 (2.18) 0.008

Global QoL Index 48.68 (1.91) 56.77 (0.54) 0.000

¹ Results for French adolescents from the general population aged 13 to 17

² VSP-A: Adolescent‘s QoL reported by themselves; scores ranged from 0 to 100.

³ After adjustment for child‘s age and gender. Bolded values: p-value<0.05 was significant.

SD, Standard Deviation ; QoL : Quality of Life

128
Quality of life and mental disorders
Even after adjusting for age and gender, the presence of mental disorders was
significantly and negatively associated with VSP-A Index and with five out of ten of
the dimension scores: Psychological Well-Being, Physical Well-Being, Self-Esteem,
Relationships with Teachers and School Performance (Tables 3 and 4). Having an
externalized disorder had a greater negative effect on most QoL dimensions
(Psychological Well-Being, Self-Esteem, Relationships with Teachers and School
Performance) than other types of mental disorders, except for the dimension of
Physical Well-being.

Nevertheless, the proportion of variability in adolescent‘s QoL that was explained by


either of these multivariate models never exceeded 36%.

Quality of life and age and gender


After adjustment, female gender predicted lower QoL on the Index as well as on
three QoL dimensions (Psychological Well-Being, Self-Esteem and Physical Well-
Being.) The association observed between age and QoL in the univariate analyses
disappeared in the multivariate analyses when accounting for gender and mental
disorders (Tables 3 and 4).

129
Table 3: Association between QoL scores and mental disorders, age and gender of adolescents living in residential group homes (univariate analyses)

Index V Ps F L P Ph T SP SE SL
msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R
Mental
disorders ²
None 57.25 ±10.3 58.92 ±26.4 80.68 ±19.1 60.71 ±24.2 55.74 ±22.6 41.22 ±25.4 79.22 ±16.9 59.46±26.3 51.35 ±29.2 83.45 ±27.4 30.39±33.8
MD excl ExtD 48.19 ±12.3 55.00 ±20.5 57.92 ±29.3 60.73 ±22.1 51.75 ±21.9 28.39 ±25.4 61.46 ±20.5 51.81 ±28.5 46.50±25.9 58.85 ±37.3 40.63±32.4
MD incl ExtD 42.10 ±12.6 50.45 ±24.2 49.09 ±25.8 54.09 ±26.8 55.68 ±26.2 31.25 ±26.8 68.18 ±12.9 34.10 ±29.4 21.59 ±20.2 53.41±38.3 34.09±38.3
P 0.000 0.568 0.000 0.700 0.781 0.145 0.001 0.032 0.008 0.004 0.866
Gender ²
Male 54.80 ±11.9 61.74 ±25.6 77.44 ±24.2 53.63 ±24.5 52.91 ±23.1 37.35 ±26.0 77.03 ±16.1 55.23 ±26.8 48.26 ±27.2 85.56 ±27.0 39.74 ±33.5
Female 47.61±12.7 48.50 ±19.75 54.66 ±25.4 68.44±19.7 56.46 ±22.2 32.54 ±26.2 63.58 ±20.9 49.70 ±31.2 40.83 ±30.2 53.02 ±38.1 37.93±34.3
P 0.018 0.020 0.000 0.008 0.514 0.446 0.003 0.429 0.277 0.001 0.828
Age (Years) ¹
R -0.285 0.060 -0.292 -0.057 -0.101 -0.173 -0.289 -0.134 -0.070 -0.333 0.154
P 0.016 0.616 0.013 0.630 0.397 0.146 0.014 0.265 0.558 0.004 0.209

¹ For continuous variables, results are shown as correlation coefficient (R).


² For qualitative variables, results are shown as means ±SD of QoL
Bolded values : p-value <0.30, threshold for entering variables in the multivariate analysis.

VSP-A: Adolescent’s QoL reported by themselves; scores ranged from 0 to 100. Subscales: V : Vitality/ Ps : Psychological Well being/ F : Relationships with Friends/ L : Leisure Activitie
Physical Well-Being/ T : Relationships with Teachers/ SP : School Performance/ SE : Self esteem/ SL : Sentimental Life life/ Index : Global QoL index

MD excl ExtD : Any Mental Disorders excluding Externalized Disorder


MD incl ExtD : Any Mental Disorders including Externalized Disorder

SD: standard deviation


QoL : Quality of Life

130
Table 4: Association between mental disorders and quality of life in adolescents living in residential homes (multiple linear
regression models)

Index V Ps F L P Ph T SP SE SL

Β P β p β p β p β p β p β p β p β p β p β p

MD excl ExtD -0.25 0.04 -0.04 -0.27 0 .01 -0.08 -0.86 -0.19 0 .15 -0.32 0.01 -0.10 -0.06 -0.17 - 0.04
0.78 0.53 0.52 0.46 0.66 0.15 0.80
VS None

MD Incl ExtD -0.39 0.00 -0.16 -0.38 0.00 -0.10 0.03 0.84 -0.10 0.44 -0.15 0.21 -0.31 -0.39 -0.23 -0.12
0.22 0.43 0.01 0.00 0.04 0.38
vs none

Age (yrs) -0.11 0.33 0.13 0.29 -0.09 0.38 -0.05 -0.10 -0.11 0.38 -0.15 0.21 -0.03 0.82 0.05 0.70 -0.19 0.19 0.15
0.69 0.44 0.09

Female -0.22 0.04 -0.28 0.02 -0.35 0.00 0.33 0.00 0.11 0.38 -0.04 0.77 -0.25 0.02 -0.08 -0.13 -0.36 -0.43
0.52 0.25 0.00 0.73
(vs Male)

R2 (%) 27.4 4.9 36.0 6.1 -3.1 1.10 21.4 4.8 9.7 26.1 -2.4

VSP-A: Adolescent’s QoL reported by themselves; scores ranged from 0 to 100. Subscales: V : Vitality/ Ps : Psychological Well being/ F :
Relationships with Friends/ L : Leisure Activities/ P : Relationships with parents/ Ph : Physical Well-Being/ T : Relationships with Teachers/ SP
: School Performance/ SE : Self esteem/ SL : Sentimental Life life/ Index : Global QoL index

MD excl ExtD : Any Mental Disorders excluding Externalized Disorder

MD incl ExtD : Any Mental Disorders including Externalized Disorder

β, standardised beta coefficient; SD, standard deviation. The R-squared values indicate the goodness of fit of the model.

Bolded values: p-value <0.05 was significant.

Standardised beta coefficient represents the change (expressed in SD units) in HRQL score resulting from a change of one SD in the independent variable

131
Discussion
Consistent with other studies (Davidson-Arad et al. 2010, Anctil et al. 2007, Carbone
et al. 2007, Damnjanovic et al., 2001), adolescents living in residential group homes
(RGHs) showed decreased overall QoL compared to the French general adolescent
population. In general, the presence of externalized mental disorders best predicted
a decrease in QoL scores.

The prevalence of violent behaviors in the study sample was much higher than in the
general French adolescent population, with about 40% of these adolescents being
both a victim and a perpetrator of violence. While victims of violence largely engender
societal compassion, the perpetrators typically face fear and rejection. Thus, the dual
role of these children, as both victims requiring compassion and perpetrators to be
feared, may be particularly difficult for adult caregivers and may lead to disorganized
attitudes. Addressing these inconsistencies and determining what matter of support
best benefits these individuals is critical for professionals caring for this population.
Likewise, the proportion of adolescents in RGHs reporting suicidal ideations was at
least twice that of the general adolescent population (Beck, Guilbert & Gautier, 2007)
and the rate of suicide attempts was about four times greater (Beck et al., 2007).
Moreover, the proportion of adolescents in RGHs with suicidal ideations was similar
to that of adolescents in RGHs who actually attempted suicide, whereas the reported
rate of suicidal ideation is typically twice that of actual attempts in adolescents in the
general population. Thus, the ―ideas of suicide‖ domain did not have the same
predictive value in the general adolescent population and more attention should be
paid to what factors favor adolescents in RGHs actually acting upon such ideas.

Placed adolescents have unusual psychological and behavioral characteristics, and it


can be inferred that professionals may have difficulty analyzing and screening their
unique mental health needs.

Most adolescents in the study sample had accessed health professionals during the
last year (at least one visit to a general practitioner, a psychiatrist or psychologist, or
a nurse). Many professionals are approached, but this does not necessarily mean
that health care provided to these adolescents was efficiently organized. Notably,
mental health care may be lacking, as only half of the participants had met with a

132
psychologist or a psychiatrist in the past year. The quality of health care follow-up for
these adolescents is hindered by their non-compliance and immobility.

Placed adolescents reported especially low scores in QoL dimensions of Vitality,


Self-Esteem, and Sentimental Life, consistent with depression. More surprisingly,
adolescents in RGHs reported similar levels of QoL to those in the general
adolescent population in Physical and Psychological Well-Being and in the dimension
exploring Relationships with Teachers, despite their much higher prevalence of
mental disorders and their high rate of suicidal and death ideations and their history
of parental neglect or abuse (Bronsard et al., 2011). In sum, these adolescents have
a paradoxically positive perception of their global health even though they report
impaired social and school functioning.

The fact that these adolescents tended to show a more positive self-image than
expected might be linked to defensive idealization, as described by Blower, Addo,
Hodgson, Lamington & Towlson (2004). Another hypothesis, derived from the study
of Davidson-Arad (2005), relies upon the fact that the QoL of placed children
improved within a few months following the placement and that these children
reported satisfaction with their current status. This global satisfaction with the change
in their living situation could reinforce a more favorable self-perception, despite the
persistence of objective difficulties and mental health disorders.

As expected, low levels of QoL were found in the dimension describing


Relationships with Parents (compared to the adolescent general population). These
adolescents were placed because they lacked parental protection. Neglect or abuse
is likely to deeply affect these adolescents‘ relationships with their parents. It seems,
however, that they have not developed idealization to compensate for this separation
from their parents. Conversely, levels of QoL related to Relationships with Teachers
were similar to those reported in general population, although adolescents living in
RGHs reported more school difficulties.

Adolescents in were more than twice as likely to repeat a grade as those in the
general adolescent population (Choquet&Ledoux, 1994). Our findings suggest that
adolescents might be able to distinguish their relationships with the different adults

133
around them instead of projecting/transferring their conflicted parental relationships to
those with their teachers.

The presence of mental health disorders was negatively associated with overall QoL
but also with several dimensions between which no significant differences were found
between the study sample and the general adolescent population. These dimensions
included Psychological Well-Being, Physical Well-Being and Relationships with
Teachers. This finding underlines the importance of further investigations into
potential predictors of QoL in placed adolescents to provide these adolescents with
the best possible support and care.

The presence of externalized disorders was associated with a decrease in specific


dimensions of QoL (Relationships with Teachers, School Performance, Self-Esteem)
that were not linked with other types of mental disorders. In particular, adolescents
with externalized disorders reported lower scores in the dimension describing their
Relationships with Teachers. This result might be because their behaviors disturb the
quality of the social environment and affect their social relationships. In the future,
behaviors linked to externalized mental disorders should be more readily identified,
with early screening by professionals who can recognize and interpret these specific
symptoms.

Gender also predicted of QoL in our study sample. In accordance with previous
studies of both typically developing French adolescents and French adolescents in
the Juvenile Justice system, girls described lower QoL than boys in indices linked to
depression, including Physical and Psychological Well-Being and Self-Esteem
(Choquet, Hasler& Morin, 2005).

However, the results of our study should be qualified by certain limitations.


First, our sample was cross-sectional and recruited from only one southeastern
French region. Thus, we cannot generalize our findings. Furthermore, our dependent
measures cannot demonstrate the causal nature of observed associations. Future
longitudinal should be carried out to extend the analyses of QoL in a wider
population.

134
Second, the rate of adolescents participating in the self-administered questionnaire
did not exceed 40%. The reasons for this lack of response were difficult to identify.
While a handful of questionnaires were completed but lost afterwards, and others
were lost before completion, it is also likely that reading or writing difficulties in these
adolescents were underestimated. Non-response may result from a lack of adequate
written and oral support for completion. Nevertheless, main demographic
characteristics of responders were not different from non-responders, allowing for
satisfactory representativeness in the study sample. Such difficulties were reported
by Choquet, Ledoux, Hassler & Paré (1998) and in Choquet, Hassler & Morin (2004)
in studies of adolescents involved in the Juvenile Justice system, both of which with
had response rates around 30%.

Studying these adolescents requires proximity, which can be difficult and time-
consuming. Some authors suggest that this explains the dearth of scientifically-sound
data about these adolescents (Ford, Vostanis, Meltzer & Goodman, R., 2007 ;
Rosenfeld, Pilowsky & Fine et al.1997 ; Geen, Sommers & Cohen, 2005 ; Viner &
Taylor, 2005; Browne, Hamilton-Giachritsis, Johnson, et al., 2006).

In addition, the large percentage of variance that remained unexplained after


including the factors in our study suggests that other variables should be sought. The
potential role of other environmental or anamnestic variables not collected in this
study should be explored to expand our knowledge of the impact of MDs on QoL.
Potential variables might include the type or frequency of therapy, child‘s age at
onset of placement, the number of incidents of sexual abuse, etc. Other lines of
research could focus on the role of the time spent in formal social integration
(Fieulaine, Apostolidis&Olivetto, 2006).

Conclusion
Adolescents living in residential group homes report poor overall QoL, frequently
suffer from mental disorders (particular externalized ones) and have a high rate of
suicidal tendencies. Girls have overall poorer QoL than boys. However, this group of
adolescents does not express a self-reported deterioration of Physical and
Psychological Well-Being compared to the general adolescent population, and their
expressions of suicidal tendencies are unusual because « suicidal ideations » are not

135
more frequent than suicide attempts. Prevention and screening for mental health
problems is very important but, given the specificity of the psychological and
behavioral characteristics of this RGHs population, might not follow typical patterns of
health care organization. This unique and vulnerable population needs specific and
dedicated mental health services. Increasing the number of scientifically rigorous
studies within this population is a systematic way of developing more appropriate
support structures.

136
Troisième Partie

Les données de la recherche au service du soin en santé mentale auprès


des adolescents placés

4 Les difficultés de la pratique pédopsychiatrique auprès des enfants


placés

Nous avons établi la prévalence majeure des troubles mentaux qui existe dans ce
groupe vulnérable et repérable que constituent les enfants et adolescents placés.
Nous avons montré aussi qu‘ils n‘expriment pas leurs besoins comme le reste de la
population. Ils se plaignent peu de mal être. L‘utilisation et l‘accès aux soins
psychique est médiocre, et se déroulent souvent dans des moments de crises
comportementales ne pouvant plus être tolérés par le foyer. Ces difficultés de
rencontre des besoins de ces enfants « à protéger » et de l‘offre est décrite par
d‘autre chercheurs, dans d‘autres pays (Rosenfeld et al, 1997; Geen et al, 2005;
Viner & Taylor, 2005; Browne et al, 2006).

Les dispositifs de soins de pédopsychiatrie ayant spécifiquement prévu d‘adapter


leur fonctionnement à la situation tragique et particulière de ces enfants sont très
rares, comme nous l‘avons montré dans la première partie. Aussi rares que les
dispositifs sociaux de protection de l‘enfance ayant prévu une place spécifique et
consistante à la pédopsychiatrie. Ces absences constituent une défaillance clinique
et thérapeutique, mais aussi une anomalie historique. Nous avons pu montrer
combien la pédopsychiatrie moderne s‘est construite dans une dialectique intense
avec ces enfants, dès le fondement de son premier bâti dans les années 1920, et
que ces mêmes enfants ont constitué les modèles théoriques les plus prolifiques
pour comprendre le développement psychique de l‘enfant et ses avatars, mais aussi
pour construire ses modèles thérapeutiques toujours actuellement utilisés.

Les enfants abandonnés, maltraités, séparés, agités ou encore délinquants ont


occupé les réflexions et les débats des théoriciens qui ont élaboré la
pédopsychiatrie. Elle doit à nouveau s‘occuper d‘eux. C'est-à-dire améliorer leur
condition, réguler, parfois soigner leurs troubles, prévenir leur apparition. Mais elle ne

137
pourra le faire qu‘en collaboration étroite, permanente et surtout durable avec les
professionnels déjà auprès d‘eux, qui les connaissent, les recueillent, les éduquent.

Cette rencontre des « protecteurs » et des « soignants » doit être favorisée, mais
surtout préparée, entretenue et organisée. En effet, une coexistence côte à côte de
ces deux champs professionnels, le médico-psychologique et le socio-éducatif, « tels
qu‘ils se présentent » n‘est pas suffisante. Les cadres administratifs respectifs sont
bien distincts et pourraient faciliter un repérage des tâches et une complémentarité
des actions. Les missions de protection et de prévention sont confiées aux Conseils
Généraux, et les missions thérapeutiques aux dispositifs de soins, dépendant de
l‘Etat, notamment confiées aux hôpitaux. Ces deux cadres ne se confondent plus
depuis que l‘Assistance Publique ne s‘occupe plus des enfants en danger et à placer
(1963).

Cependant, si les cadres administratifs sont bien différenciés, les missions ne


peuvent l‘être totalement. Et probablement ne doivent pas l‘être. Nous avons vu dans
la première partie, les liens théoriques et cliniques existant entre le développement
psychologique de l‘enfant et son environnement affectif. Protéger un enfant et
soigner son développement et ses troubles, ne peut correspondre à deux démarches
autonomes et distinctes. Chaque professionnel impliqué, éducateur ou soignant, doit
en effet contribuer à améliorer et sécuriser le développement et l‘épanouissement
psycho-affectif de l‘enfant qui lui est confié.

Cette non-concordance entre la forte distinction des cadres et des places


professionnelles d‘une part, et la moindre différenciation des missions d‘autre part,
sont en soi une difficulté pour organiser les collaborations. Les points de passage
d‘une mission à l‘autre n‘apparaissent pas clairement. De plus, comme nous l‘avons
précédemment développé, les thèmes en jeu que sont l‘enfance maltraitée, la
violence subie mais aussi agie, les retraits d‘enfants, la maladie mentale chez
l‘enfant et l‘adolescent, sont non seulement intenses, mais de plus renvoient
simultanément à des émotions contradictoires, entre crainte et compassion. Toute
collaboration mal assurée, facilitera des distorsions et les conflits interprofessionnels.
Et c‘est bien dans les situations de crises qu‘apparaîtra de façon caricaturale ce
défaut de collaboration, c'est-à-dire dans les moments où il faut décider rapidement

138
les rôles et les actions de chacun, pour réguler ou apaiser une situation critique,
volontiers associée à de la violence réelle ou supposée.

Les très hauts taux de prévalence de troubles mentaux identifiés chez les
adolescents vivant en foyers, associés à ces difficultés d‘articulation avec l‘offre
sanitaire, rendent indiscutables la recherche de réponses différentes, spécifiques et
adaptées.

Nous proposons trois niveaux de réponses. D‘abord le développement de cadres


institutionnels permettant la rencontre opérationnelle des acteurs intervenant ou
susceptibles d‘intervenir auprès de ces adolescents à très haut risque de troubles.

Ensuite, pour que la collaboration interprofessionnelle se construise de manière


pérenne, opérationnelle et consistante, il est nécessaire de développer une
dynamique de recherche et de formation impliquant directement les différents
acteurs. Ce travail doit avoir comme objectif la création d‘un corpus de
connaissances compréhensibles, admis et utilisables par les différents
professionnels concernés. Les données épidémiologiques et leur interprétation
peuvent constituer une amorce très propice d‘une démarche durable de Recherche-
Action-Formation impliquant pédopsychiatres, épidémiologistes et travailleurs
sociaux de terrain. Ce mode d‘organisation de la recherche auprès des enfants
placés, pourra par ailleurs résoudre les importantes difficultés méthodologiques
rencontrées et précédemment décrites au cours de la mise en place des protocoles.

Enfin nous envisagerons l‘opportunité de la création de dispositifs spécifiques ou


dédiés pour l‘accueil et le traitement des enfants ou adolescents placés présentant
des troubles mentaux sévères.

139
4.1 Etablissement d’un cadre institutionnel d’articulation interprofessionnelle

(Article publié : les MDA ont elles un rôle spécifique dans le traitement de la
violence ? Bronsard et al, 2011b)

La première étape de l‘organisation nécessaire à la rencontre interprofessionnelle est


la construction d‘un cadre institutionnel. Ce cadre doit être accessible et appropriable
par les différents acteurs devant organiser leur collaboration. Il doit avoir une fonction
de tiers, donc en capacité de bonne distance avec les deux champs.

Les Maisons de l‘Adolescent peuvent remplir ce rôle. Elles sont des dispositifs par
nature multidisciplinaires, souvent pluri-institutionnels.

Des maisons de l‘adolescent (MDA) existent depuis une dizaine d'années. Elles sont
des structures et des dispositifs d'accueil et de prises en charge de troubles
spécifiques de l'adolescence, ou dont l'adolescence en fait une spécificité : troubles
alimentaires, difficultés ou échecs scolaires, conduites à risque, crises suicidaires,
troubles du comportement, dysfonctionnements familiaux… L'accueil et les
traitements proposés doivent inclure les parents et les professionnels qui s'occupent
de l'adolescent.

Le champ d‘intervention est donc large, à limite mal définie, comme le sont souvent
les troubles à cet âge. Une réduction du champ d‘intervention de ces structures à
certaines disciplines ou à une liste de types de troubles ou de difficultés pourrait
empêcher les adolescents et leurs familles, ou même les professionnels, d‘accéder
au dispositif, par manque de discernement du trouble en question et donc du bon
chemin à suivre pour le traiter.

Ces maisons sont construites dans le champ sanitaire, social, dans la prévention ou
directement dans le soin. Leur cadre peut relever de l'hôpital, de Conseils Généraux
ou de financements multiples. C‘est cependant la pédopsychiatrie qui est la plus
positionnée au sein de ces dispositifs. C‘est elle qui est le plus souvent directement
invoquée par les familles et la formulation des plaintes ou des demandes, envoie le
plus souvent à son champ : mal être, trouble du comportement, dysfonctionnements
familiaux, inadaptations et échecs scolaires…Enfin les professionnels non médicaux
attendent souvent des MDA une facilitation de l‘accès au soin de pédopsychiatrie et
notamment à l‘hospitalisation pour des adolescents en crise.

140
La problématique de la violence met bien souvent à l‘épreuve et en difficulté la
plupart des professionnels de l‘adolescence, quels que soient leurs disciplines ou
leurs domaines d‘intervention : école, socio-éducatifs, socio-judiciaires, pédiatrie et
bien sûr pédopsychiatrie. Une des raisons de ces grandes difficultés est qu‘il n‘existe
pas de discipline ou de dispositif spécifique et désigné pour traiter ou déposer cette
violence ; elle relève le plus souvent de plusieurs champs à la fois : socio-éducatif,
justice des mineurs et parfois de la psychiatrie.

Plus la violence est importante (de façon réelle ou supposée), actuelle et critique,
finalement plus cette violence induit de la peur chez les professionnels, plus
l‘adolescent est dit « difficile ». Evaluer en urgence ou simplement et rapidement de
« qui relève » cet adolescent violent est malaisé. Cette difficulté de désignation
favorise par contre l‘idée chez chaque professionnel, que l‘adolescent relève d‘un
autre champ que le sien. On pourrait caricaturer l‘état « d‘adolescent difficile » par la
description suivante : il s‘agit d‘un adolescent relevant a priori des champs socio-
éducatifs, de la justice des mineurs et de la psychiatrie, à propos duquel chaque
professionnel pense qu‘il relève des deux autres champs que le sien…

Il s‘en suit des tentatives volontiers conflictuelles de collaboration entre


professionnels et des déplacements souvent brutaux et peu enthousiasmants de
l‘adolescent d‘un dispositif à un autre. La situation est d‘autant plus conflictuelle
qu‘elle se déroule dans l‘urgence et qu‘aucun protocole d‘action ou de collaboration
n‘a été prévu et formalisé.

S‘il n‘existe pas de préparation ou de protocole de gestion de la crise, les


professionnels exposés ou les familles n‘ont en général que les appels d‘urgence
(Pompiers, Police et éventuellement SAMU) en espérant une arrivée sur site puis
une « évacuation » vers des sites d‘urgence médicale plus ou moins spécialisés.
Cela produit le plus souvent une satisfaction bien relative, en particulier lorsque
l‘adolescent arrivant sur le site d‘urgence est calme, et ré-adressé assez rapidement
à l‘envoyeur.

Ces itinéraires d‘urgences, pourraient au moins faire signal pour éviter une récidive.
En effet l‘existence d‘une crise, amène le risque élevé de sa réapparition, puisque les
nombreux facteurs anamnestiques, psychopathologiques et institutionnels qui y ont
contribué, persistent à son décours.

141
Le « pôle adolescent difficile » de la Maison Départementale de l‘Adolescent à
Marseille correspond à un dispositif de préparation à la gestion de la crise et de sa
récidive, par la formalisation de l‘articulation des champs sanitaire et socio-éducatif. Il
a pour mission d‘organiser de façon formelle et opérationnelle la rencontre de la
psychiatrie de l‘adolescent avec les milieux qui le demandent et qui n‘y sont pas
parvenus. C‘est un dispositif visant à simplifier cette incontournable collaboration (au
moins a priori et partielle) entre les professionnels de la protection de l‘enfance, de la
justice des mineurs et de la pédopsychiatrie lorsqu‘il s‘agit de traiter des situations de
crise, en particulier (et la plupart du temps) quand la violence externalisée est
apparue.

Au sein de ce pôle interviennent des professionnels de la MDA : un pédopsychiatre,


une assistante sociale, et un psychologue détaché à temps partiel des foyers de
l‘enfance du Conseil Général des Bouches-du-Rhône.

La demande

La très grande majorité du temps, les travailleurs socio-éducatifs de foyers (Maisons


d‘Enfants à Caractère Social ou Foyers d‘urgence), de l‘Aide Sociale à l‘Enfance ou
de la Protection Judicaire de la Jeunesse sollicitent directement le dispositif pour une
situation pré- ou post-critique pendant laquelle le recours à la psychiatrie a été
considérée par eux comme un échec. La demande directe des juges pour enfant,
des écoles, ou encore de la psychiatrie est plus rare.

142
Répartition de l’origine des demandes de janvier 2005 à Décembre 2009

Type d’institution effectuant la demande Effectif %

Maisons d‘enfants à caractère social ou foyers 99 33.7%


d‘urgence

Equipe Enfance (administration de l‘Aide Sociale à 95 32.4%


l‘Enfance)

Mesure Educative en Milieu Ouvert 23 7.8%

Protection Judiciaire de la Jeunesse 56 19.1%

Institut Thérapeutique Pédagogique et éducatif 9 3.0%

Ecole 4 1.4%

Tribunal pour Enfant 6 2.0 %

Pédopsychiatrie 1 0.3%

Total 293 100%

L’organisation de la rencontre interprofessionnelle

Il est important que les professionnels en charge du suivi actuel, récent ou


éventuellement dans un proche avenir, puissent être impliqués ensemble. Les
rencontres se déroulent à la MDA. Tous les acteurs concernés sont dans un premier
temps repérés, ce qui peut être fastidieux, puis invités. Chaque invité est libre de
venir ou pas, comme il l‘est pour réaliser ce qui sera proposé à la fin de la rencontre.
Il s‘agit de s‘entendre, d‘organiser une réponse cohérente, concertée puis acceptée
par les différents acteurs. Cette liberté institutionnelle et cette absence d‘engagement
a priori facilitent la venue des différents professionnels et leur parole. La présence
des juges pour enfant lorsqu‘ils suivent le cas a des effets importants sur la
coordination et la dynamique des différents professionnels. Par un probable effet
symbolique de la représentation de la loi, la présence des acteurs de la prise en
charge et le suivi des engagements de chacun ont toujours été bien supérieurs dans
les situations où les juges avaient pu venir.

143
La situation est présentée dans un premier temps par l‘équipe qui a sollicité la
démarche, puis les difficultés spécifiques que l‘équipe socio-éducative a pu
rencontrer pour organiser une prise en charge en pédopsychiatrie. L‘équipe de la
MDA questionne ensuite les professionnels afin de construire des possibilités
diagnostiques et des indications thérapeutiques. Il faut donc obtenir suffisamment
d'informations clinique, développementale et anamnestique. Les informations les
plus difficiles à obtenir sont les caractéristiques du développement précoce (âge
d‘acquisition des fonctions, qualité de l‘attachement précoce), de l‘adaptation
scolaire, de l‘histoire des apprentissages (niveau scolaire actuel réel) et plus
généralement de la clinique de la petite et même de la grande enfance ;
contrairement au déroulé évènementiel de l‘histoire familiale qui est en général mieux
connu. Ces caractéristiques sont pourtant tout-à-fait primordiales pour la
compréhension des comportements et de la clinique actuelle, et sont bien souvent
déterminantes pour construire une orientation diagnostique et une indication
thérapeutique.

Les grandes orientations diagnostiques sont discutées à partir des éléments


rapportés, qui parfois sont suffisants. De façon systématique sont recherchés les
éléments évoquant des troubles de l‘humeur, des troubles psychotiques, des
troubles anxieux, des conduites addictives et les troubles cognitifs sévères, et bien
sûr les symptômes de troubles externalisés (troubles des conduites et troubles de
l‘hyperactivité avec déficit de l‘attention). Les antécédents de tentative de suicide
sont systématiquement recherchés, mais souvent méconnus. Enfin, les antécédents
familiaux sont aussi bien souvent difficiles à préciser.

Les orientations diagnostiques sont constituées à partir de la nosographie classique


(DSM IV) et sont construites avec les différents acteurs et ce qu‘ils apportent. Cela
induit une moindre mise à distance des professionnels non médicaux avec le
diagnostic.

La synthèse se termine lorsqu‘une solution opérationnelle est trouvée, en général


impliquant les acteurs présents. Un compte rendu de synthèse décrivant simplement
la problématique, les orientations diagnostiques et les tâches que chacun se sera
assignées, est envoyé à chaque participant. Une date de prochaine rencontre, en
général à trois mois, est fixée.

144
Lorsqu'une indication de première prise en charge ou de réorientation médico-
psychiatrique est retenue ou probable, un rencontre clinique avec l'adolescent, le ou
les éducateurs référents et ses parents, lorsque cela est possible, se déroule. Le
maintien et la permanence de l‘implication des éducateurs référents à toutes les
étapes de la prise en charge est un élément déterminant pour la réussite du projet. Il
reprendra l‘histoire et le projet avec l‘adolescent, et organisera un lien stable avec les
nouveaux partenaires. L'équipe de la MDA se chargera alors de finaliser l'évaluation
clinique sur site ou si nécessaire sur le lieu de vie de l‘adolescent, puis d'organiser le
suivi médico-psychologique à proximité de l‘adolescent (ou directement à la MDA en
cas d‘impossibilité de ces dispositifs de proximité), et le cas échéant une
hospitalisation.

Cet « accompagnement à l‘accompagnement thérapeutique» est l‘élément induisant


la plus grande satisfaction des professionnels socio-éducatifs : ils repartent de la
synthèse avec une solution personnalisée, opérationnelle et protocolisée, même si
elle ne correspond pas à ce qui était anticipé ; les hospitalisations étant finalement
bien moins fréquentes que leurs demandes.

Cette démarche correspond à un dispositif spécifique de prise en charge


« d‘adolescents difficiles », le plus souvent impliqués dans la protection de l‘enfance.

Formation multidisciplinaire et recherche

La formation et la recherche centrées sur la problématique de « l‘adolescent


difficile » est un levier solide pour le maintien de la dynamique de réseau puisqu‘elles
renforcent la constitution d‘une culture commune. Plusieurs séminaires
d‘enseignement sont organisés, adressés aux professionnels concernés par
l‘adolescent difficile. Le thème central est la violence de l‘adolescent. Sont
développés les théories et modèles explicatifs actuels (approches
psychopathologiques et psychodynamiques, incluant les notions d‘attachement, les
approches neuro-développementales et neurobiologiques) ; une description
analytique des nosographies et de leur histoire, des comorbidités et de leur
épidémiologie est faite, pour finir par une description des moyens thérapeutiques
institutionnels ou non. Interviennent notamment des psychiatres ou pédopsychiatres
locaux pouvant proposer une prise en charge. Ces connaissances permettent

145
d‘affiner les demandes et les attentes que ces professionnels peuvent de la
psychiatrie. Le volume du cycle est discuté et adapté au public.

Actuellement ce pôle a pu organiser de tels cycles pour des éducateurs des foyers
de l‘enfance, des éducateurs de rues, des juges du tribunal pour enfant, des
médecins généralistes.

Enfin, ce pôle « adolescent difficile » peut collaborer à des actions de recherche,


telles que présentées plus haut.

Discussion

Les MDA sont des dispositifs qui créent beaucoup d‘attentes chez les professionnels
de l‘adolescence. Elles ne peuvent échapper au questionnement de leur rôle et de
leur action dans le champ de la violence de l‘adolescent. Doivent-elles pour autant
créer des fonctionnements spécifiques, repérables et désignés pour traiter cette
problématique ? « L‘adolescent difficile », pour lequel notre dispositif est sollicité, est
impliqué dans la Protection de l‘Enfance dans près de 80% des cas, ou pris en
charge par un service de la PJJ dans 20% des cas. Dans les rares cas où
l‘adolescent n‘était pas impliqué dans les champs socio-éducatifs, les crises répétées
appellent facilement le constat d‘une situation d‘enfant en danger ou d‘une
défaillance de protection. Ce dispositif est alimenté en quasi-totalité d‘adolescents
relevant des champs socio-éducatifs. La part très importante de l‘origine des
sollicitations du dispositif en provenance du milieu socio-éducatif traduit qu‘il s‘agit du
milieu professionnel ressentant le plus de difficultés à trouver des solutions. Il existe
un risque de développer un système de soin réservé aux « Adolescents du Social ».

La tentation est grande. Les adolescents de ce milieu présentent une prévalence de


troubles mentaux très supérieure à la population générale au même âge ; les taux de
prévalence de troubles mentaux systématiquement rapportés dans les études sont,
tous troubles confondus, au dessus de 50% (cf infra). Même si les outils de mesure
et les populations étudiées ne sont pas directement comparables d‘un pays à l‘autre,
étant donné les différences d‘organisation des systèmes de protection de l‘enfance,
les chiffres sont concordants. Les profils pathologiques montrent aussi des
spécificités chez ces adolescents impliqués dans la protection de l‘enfance :

146
prévalence des troubles très supérieur chez les filles, importance des troubles
internalisés (troubles anxieux, Dépression Majeure), part équivalente des troubles
externalisés (troubles des conduites, troubles de l‘hyperactivité avec déficit de
l‘attention) chez les garçons et chez les filles, importance des tentatives de suicide,
autour de 20%.

Cette population présente de façon très significative plus de troubles mais un accès
au soin restant difficile. L‘absence de présence parentale impliquée de façon
pérenne, l‘existence de nombreux intervenants et enfin l‘existence de violence réelle
ou supposée perturbent cet accès au soin.

Cette prévalence très élevée n‘est en fait pas étonnante. La plupart des facteurs de
risque de développement des troubles mentaux chez l‘enfant sont les mêmes que
ceux conduisant à l‘implication des services de la Protection de l‘Enfance :
dysfonctionnement familial sévère et durable, ruptures de liens précoces et répétés,
grossesse à risque (notamment exposition fœtale aux toxiques, traumatismes
périnataux), maltraitance et abus etc…

Il apparaît risqué de construire des dispositifs de soin spécifiques et réservés aux


Adolescents du Social. Il apparaît tout aussi risqué, pour eux, de ne rien proposer qui
soit adapté à leur situation.

Sans créer une filière spécifique pour le traitement de la violence de l‘adolescent, ou


pour son appartenance au champ socio-éducatif, il est nécessaire que ces
adolescents aient une place aménagée, dans un cadre permettant le travail durable
avec les professionnels qui s‘en occupent, tolérant et contenant face aux troubles du
comportement, au sein de dispositifs non spécifiques d‘accueil et de prises en charge
d‘adolescents.

Conclusion
L‘adolescent des milieux socio-éducatifs, surtout lorsqu‘il est violent nécessite un
travail différencié pour accéder aux soins en santé mentale. La disponibilité moindre
des parents, la présence de référents socio-éducatifs, de mesures administratives ou
judiciaires modifient de façon importante leur rapport aux dispositifs de soins
classiques. Sans réaliser de dispositifs de soin spécifiques et filiarisés pour ces
situations, une attention et des moyens particuliers doivent être donnés pour

147
permettre l‘articulation entre les différents professionnels impliqués. Les MDA par
leur positionnement puissamment interdisciplinaire, du soin au social, sont
d‘excellentes candidates à une telle organisation.

148
149
150
151
152
4.2 La Recherche-Action-Formation en psychiatrie de l‘enfant dans les dispositifs de
protection de l‘enfance.

Seule une démarche organisée et réellement scientifique, répondant à un processus


de recherche exigeant, permet l’établissement et le maintien d’un projet
thérapeutique. On retiendra comme illustration (…) les propos de Myriam David : «
La recherche est un moyen clinique formidable. » (Dugravier et Guédeney, 2006)

Le travail de recherche doit permettre d‘accéder à des connaissances objectivables,


même si leur nature renvoit à des phénomènes subjectifs. Ces connaissances
doivent pouvoir afficher le mode et les méthodes qui ont permis de les obtenir, pour
qu‘elles puissent s‘exposer à la critique et la contradiction, ou simplement à la
discussion par des règles partagées. La recherche doit aussi pouvoir répondre à des
questions, jusque là sans réponse.

La problématique des maladies mentales chez les adolescents des foyers, amène
des questions difficiles à formuler, car complexes et confuses tel que nous l‘avons
présenté par la construction historique et l‘état actuel des disciplines et des
dispositifs socio-éducatifs et de la pédopsychiatrie, et de leur articulation.

Nous avons montré la nécessité et la construction de cadres réalistes et


opérationnels de rencontre organisant la collaboration interdisciplinaire, comme par
exemple des départements dédiés dans des structures multidisciplinaires (Pôle
Adolescent Difficile de la MDA). Cette collaboration doit être consistante, durable et
dynamique. Les difficultés d‘articulation inter professionnelles, apparaissent lorsque
les problématiques et les enjeux sont mal définis, empêchant une répartition simple
et anticipable des tâches et des missions respectives.

Une démarche de recherche réalisée directement avec les différents acteurs


impliqués dans le suivi et la prise en charge des adolescents désignés, présenterait
plusieurs avantages. Elle faciliterait la démarche de recherche en soi, mais
permettrait aussi de construire un corpus de données et de connaissances
communes, partageables et enfin de co-organiser des pratiques articulées in situ.

Facilitation de la mise en place pratique de la recherche

153
Nous avons vu en effet à quel point notre démarche de recherche qui devait
mesurer la prévalence des troubles mentaux et la qualité de vie chez les adolescents
des foyers a été perturbée par les difficultés de rencontre des adolescents, puisqu‘un
tiers d‘entre eux seulement ont pu être vus. Des difficultés similaires sont d‘ailleurs
rapportées dans d‘autres études, dans d‘autres pays, au point qu‘elles expliquent en
partie la faiblesse des données scientifiques sur le sujet (Rosenfeld et al, 1997; Geen
et al, 2005; Viner & Taylor, 2005; Browne et al, 2006).

Pour étudier ces enfants et leur situation, il faut pouvoir entrer dans leur monde réel,
et, à l‘évidence, les méthodes de recherche habituelles du milieu médical
s‘appliquent mal. En effet l‘objet et le sens de la recherche ne sont ici pas préétablis
ni définis, défavorisant l‘adhésion des travailleurs sociaux s‘occupant des
adolescents. Et ces professionnels sont particulièrement influents, voire acteurs
exclusifs, de l‘explication des objectifs aux adolescents eux-mêmes, éventuellement
à leur parents, et sont en tout cas les seuls capables d‘organiser les rencontres.
L‘implication de ces professionnels, doit être grande, et au maximum des étapes de
construction et de réalisation de la démarche.

Les foyers sociaux ne sont pas organisés, ni habitués à la recherche médicale. Les
positions des chercheurs, le sens de leur recherches, les méthodes et repères
éthiques de ces démarches doivent être lentement inclus, mais doivent surtout
s‘adapter à l‘histoire, à la culture et à l‘éthique des professionnels de ces foyers. Le
thème de la maladie mentale ou des troubles du comportement chez les enfants,
prends ici une complexité particulière comme nous l‘avons montré en première partie
décrivant la rencontre et la co-construction instable des champs de la
pédopsychiatrie et de la protection de l‘enfance. Le concept de « maladie mentale de
l‘enfant », thème en soi complexe, peut ne pas être une source de difficultés
irréductibles, à condition que les démarches de recherche s‘effectuent au sein d‘un
milieu supposé stable concernant ce thème, comme par exemple dans les hôpitaux.

Nous pouvons citer un exemple de recherche clinique auprès d‘enfants et


d‘adolescents autistes, centrée sur les comportements agressifs. Dans une étude de
Tordjman et al. (2009) à laquelle nous avons collaboré (Bronsard, Botbol et
Tordjman, 2010), l‘observation et l‘analyse des comportements violents contre soi ou
contre les autres survenant dans certaines circonstances pour une population

154
d‘enfant autistes ont été organisé. La rencontre des enfants et le recueil des données
se sont déroulés sans difficulté. La thématique étudiée n‘apparaît pourtant pas plus
simple sur le plan affectif ni plus légère que celle des troubles mentaux des enfants
placés. Les troubles autistiques portent de même une importante histoire de conflits
inter-disciplinaires, d‘opposition par la mise en avant de théorie explicative paraissant
contradictoire, baignée par l‘effroi de la sévérité et du mystère du trouble mental
« déshumanisant ».

Mais l‘étude s‘est déroulée dans un hôpital de jour. La problématique de la


pathologie mentale est ici reconnue par les différents intervenants, et le sens de leur
présence dans un hôpital est supposé globalement admis et partagé. La recherche
médico-psychiatrique au sein des lieux affichés « soignants » n‘implique pas de mise
en question fondamentale sur la démarche elle-même. Les mises en question
concerneront plus volontiers le contenu et les pratiques de la recherche que l‘idée de
recherche médicale.

Développer une activité de recherche sur des thèmes médicaux dans des foyers
sociaux nécessite d‘autres considérations, précautions et adaptations des
démarches.

Construire un corpus de données communes et partageables et améliorer la


collaboration in situ

Lorsque la démarche de recherche est construite avec les acteurs de terrain, la


formulation des problèmes se co-construit ce qui facilitera l‘appropriation des
résultats et des données obtenues. Cette démarche de participation des acteurs eux-
mêmes à la construction de l‘activité de recherche médicale, devrait enfin aussi
favoriser l‘articulation des pratiques, soutenue par l‘établissement et la mise à
l‘épreuve d‘un intérêt commun. Cela implique une présence des cliniciens/chercheurs
régulière sur un terme long, voire très long.

La démarche de recherche deviendrait ainsi, non seulement facilitée, utilisable par


les acteurs y participant, et constituerait un levier de modification in situ des pratiques
concernant le sujet à propos duquel la démarche aura été construite.

Cette démarche et ses effets attendus s‘apparentent fortement à celle de la


Recherche-Action.

155
4.2.1 La démarche de Recherche-Action.

4.2.1.1 Principes et histoire de la Recherche-Action

Le terme Recherche-Action (Action-Research) est attribué à un anthropologue


américain John Collier au milieu du XXème siècle qui mis en avant l‘intérêt éthique à
ce que les connaissances produites par la recherche bénéficie à ceux qui en étaient
l‘objet (Lapassade, 1991, p 143). Il s‘agissait d‘une position militante et politique, en
faveur de l‘autonomie culturelle des indiens d‘Amérique, pour laquelle il luttait. Outre
l‘aspect anecdotique, les contingences politiques et idéologiques posant les bases
de la Recherche-Action (RA) sont d‘emblée influentes et organisatrices de la
démarche. Le sociologue René Barbier rattache la démarche de Recherche-Action
(RA) à « l‘enquête ouvrière » de Karl Marx provoquant les ouvriers des manufactures
à réfléchir sur leur condition de vie à partir de questionnaires, conçus comme un
« instrument militant » (Barbier, 1996, p 13). Ce type de recherche autorise, et même
favorise ce positionnement « actionniste » en faveur de personnes considérées mal
traitées par un système en place.

Kurt Lewin, psychologue Allemand émigré aux USA pour fuir le nazisme, est
clairement identifié pour avoir posé les principes définissant la RA. Il va développer la
RA dans son nouveau pays, pour résoudre par exemple des problèmes liés à
l‘antisémitisme dans des usines, ou de l‘adaptation de rythme de travail dans des
manufactures implantées dans des zones rurales. Il va amener un élément
idéologique assez majeur de la démarche. Les problèmes que tentent de résoudre
une RA, doivent induire des changements au sein du groupe étudié, par la
participation directe des individus de ce groupe, s‘appropriant leur propre
changement. Ces positions font échos aux mouvements tiers-mondistes,
anticolonialistes, autodéterministes qui traversent à cette époque les sciences
sociales (l‘anthropologie et la sociologie), mais aussi la psychologie et la psychiatrie
(Barbier, 1996, chap 1).

La psychologie et la psychiatrie sont rapidement apparues dans les projets de la RA.


La Tavistock Clinic de Londres s‘oriente vers la RA pendant la deuxième guerre
mondiale. Le centre fonde une équipe « interdisciplinaire en psychiatrie sociale » qui
s‘installera durablement au sein d‘un département de l‘armée pour développer des
programmes expérimentaux de sélection de personne. Ils mettent en avant la

156
nécessité de participer à la vie « réelle » et telle qu‘elle est, par une présence de
longue durée, afin de la comprendre. L‘état d‘esprit et les attentes sont proches de la
technique de l‘observation participante élaborée par l‘ethnologue Bronislaw
Malinowski pendant son long séjour dans les îles Trobriand peu après la première
guerre mondiale. Le Tavistock Insitute of Human Relations, émanation de la
Tavistock Clinic réalisera la première RA dans le début des années 50 (Liu, 2011,
p22).

En France, à la même période, des circonstances très particulières de famine dans


l‘asile psychiatrique de Saint Alban en Lozère, avait conduit François Tosquelles à
intégrer les malades aux activités agricoles de la région, en échange de nourriture.
Les effets thérapeutiques significatifs qu‘il avait constatés, lui ont permis d‘élaborer le
modèle de la psychothérapie institutionnelle. Il adoptera les principes de la RA pour
poursuivre, analyser et améliorer ce modèle.

La RA vise à produire des données sur le fonctionnement et les dysfonctionnements


de systèmes complexes, dans un environnement humain réel et restreint. Les
chercheurs entrent, participent ou sont inclus dans le système étudié. Les acteurs du
terrain étudié participent à la recherche, mais aussi à la formulation, en général
évolutive, des questionnements et à l‘analyse des données. Ils sont associés aux
chercheurs aux différentes étapes de la démarche. Elle s‘oppose à la démarche
expérimentale de laboratoire où l‘on cherche à évacuer le maximum de facteurs
influents non maitrisés, et à analyser les effets d‘un facteur artificiellement mis en
place. La démarche de RA assume d‘étudier un système d‘emblée dans son
ensemble, « ouverte à toutes les influences », pouvant mêler des aspects physiques
aussi bien que moraux ou politiques ( Liu, 2011, p29, p41).

Au-delà de cette approche des faits « tels qu‘ils se présentent », la RA a


nécessairement l‘ambition que les connaissances construites, produisent des actions
sur le système étudié. Dubost propose de définir la RA par une « action délibérée
visant un changement dans le monde réel, engagé sur une échelle restreinte,
englobée dans un projet plus général et se soumettant à certaines disciplines pour
obtenir des effets de connaissances ou des sens » (Dubost, 1987, p 140).

4.2.1.2 L‘étude de prévalence et de la Qualité de Vie des Adolescents placés


correspond-elle à une Recherche Action ?

157
Notre travail de mesure de la prévalence des troubles mentaux auprès de ces
adolescents, et d‘analyse de leur façon de solliciter l‘aide et de l‘utiliser, aurait pu
s‘inclure dans une démarche de RA, grâce à certaines conditions établies de fait, et
d‗autres qui auraient du être améliorées.

Le cadre général et le thème se rangent facilement dans les principes nécessaires


au développement d‘une RA. La santé mentale des adolescents des foyers sociaux
est en effet une problématique complexe à travailler et à élaborer au sein d‘un lieu
restreint et spécifique, en impliquant les acteurs de terrain que sont les éducateurs et
travailleurs sociaux.

Par contre, la préparation de l‘étude aurait du impliquer les acteurs de terrain de


façon plus importante et à toutes les étapes. Le choix de mesurer la prévalence des
troubles mentaux aurait du être la conclusion d‘un travail préparatoire impliquant les
acteurs de terrain et les chercheurs. Pour notre étude, les commanditaires ont
souhaité un travail permettant d‘améliorer l‘articulation de la pédopsychiatrie avec les
dispositifs d‘hébergements sociaux pour adolescents. La question de la définition de
la maladie mentale et du besoin de connaitre sa prévalence spécifique est donc
facilement apparue auprès des commanditaires et des directions. L‘organisation et la
mise en pratique de la recherche aurait du être élaborée à toutes les étapes avec la
participation directe des acteurs de terrain, et non simplement là aussi de leur
direction et des chercheurs.

Une préparation plus conforme aux principes de la RA aurait pu faciliter de façon


importante la mise en place de l‘étude.

Enfin, la force de la démarche de RA est sa capacité à modifier la situation, les


pratiques. D‘avoir une action.

Le travail de formulation des questionnements au sujet de la maladie mentale, la


mise en place des cadres pratiques pour l‘obtention de données diagnostiques ou de
Qualité de Vie, constituent en soi une source d‘influence sur les représentations de
la maladie mentale et des adolescents concernés. Ce travail de formulation aurait du
être formalisé en tant que tel dans notre démarche, pour faciliter le contrôle de ces
effets.

158
Mais l‘effet le plus significatif est attendu par l‘utilisation de ces données pour
comprendre et connaître quelques éléments objectifs de l‘état psychologique des
adolescents placés, de leurs troubles et des aspects qualitatifs de leur vie.

4.2.2 Utilisation des données obtenues par les travaux de recherches et formation
inter-professionnelle

L‘utilisation des résultats et de leur interprétation est une étape majeure de la


démarche de recherche. Nos résultats de prévalence et de Qualité de Vie (QV),
présentent l‘intérêt d‘être directement utilisables, d‘autant plus que leur format publié
propose les données comparatives en population générale mais aussi avec d‘autres
pays. Des telles données épidémiologiques sont aisément compréhensibles dans
leur présentation et forme, sans nécessiter une spécialisation professionnelle,
comme cela apparaît dans d‘autres disciplines comme par exemple la biologie ou la
psychanalyse. Leur interprétation nécessite par contre un accompagnement
correspondant à une dynamique de formation ou d‘enseignement.

Les articles tels qu‘ils ont été publiés peuvent être assez facilement lus et compris
par les professionnels impliqués. Les données épidémiologiques ou de QV comme
nous l‘avons présenté plus haut, sont des matériaux scientifiques présentant
l‘avantage d‘être accessibles aux non spécialistes. Ce type de données est donc
propice au travail inter-disciplinaire, puisque l‘écueil « inter-culturel » existant entre
les différentes disciplines est ici abrasé. Il constitue un support scientifique facilement
utilisable pour développer une démarche de rencontre théorique entre les différents
professionnels.

4.2.2.1 Exemple d‘approche explicative multidimensionnelle pour la construction


d‘une dynamique multidisciplinaire : Pourquoi les filles des foyers sont-elles aussi
agitées que les garçons ?

Les données de nos études sont en effet propices à la construction de modèles


explicatifs multidimensionnels, particulièrement utiles pour l‘approche
multidisciplinaire et la construction d‘une culture commune. Nous pouvons construire
l‘agencement de plusieurs modèles théoriques pouvant rendre compte d‘un résultat.
Nous avons pris comme exemple un résultat issu de l‘étude de prévalence des

159
troubles mentaux, décrivant que les filles vivant en foyers présentent autant de
troubles externalisés que les garçons qui s‘y trouvent. Cette construction a fait l‘objet
d‘un article publié.

Présentation de l’article

Pourquoi les filles vivant en foyers sociaux sont aussi « agitées» que les garçons ?
Rencontre de la psychanalyse et des neurosciences pour aborder, comprendre et
traiter les troubles du comportement de l‘adolescent dans les milieux socio-éducatifs

Traduction en français de l’article « Addressing, understanding and treating


conduct disorders in adolescents through psychoanalysis and
neurosciences :towards a disappearence of sex differences »

Guillaume Bronsard, Amine Benjelloun, Marcel Rufo, Marie-Claude Simeoni,


Journal of Physiology-Paris, 104 (2010) 253–256

S‘occuper de troubles de comportement des adolescents confiés à l‘Aide Sociale à


l‘Enfance nécessite, comme dans les autres champs d‘intervention de la
pédopsychiatrie, une pratique clinique et une connaissance actualisée des données
scientifiques. Cette double démarche permet à la fois de comprendre des
phénomènes, des symptômes ou comportements d‘un adolescent dont vous avez la
charge mais aussi de donner corps, de mettre à l‘épreuve de la réalité les
connaissances issues d‘études ou de réflexions théoriques. Cette prise de recul
permise par l‘effort de compréhension est particulièrement utile face à des
comportements violents (réels ou supposés), qui défavorisent naturellement la mise
à distance.

Comprendre les comportements des humains et ses troubles est une tâche massive,
sans cesse réactualisée. S‘amoncèle un corpus immense de données, issus de
champs aussi différents que la génétique, la psychanalyse, l‘éthologie, la
neurobiologie, la sociologie, l‘anthropologie… Tous ces champs ont quelque chose à
dire, à faire comprendre, et les oppositions hostiles d‘une approche à l‘autre pourrait
traduire le malaise lié à l‘insuffisance de chaque modèle explicatif ; modèles
construits pour arriver à « la solution », qui serait une découverte, presque simple, de
quelque chose qui était jusqu‘alors caché à la connaissance, une découverte

160
scientifique qui explique enfin un phénomène. Ces oppositions des champs de
connaissances, pourraient donc n‘être que défensives.

Leur rapprochement, dans une démarche clinique ou de recherche dans le champ de


la pédopsychiatrie est-il possible ? Le pragmatisme médical et son éthique, qui
implique que l‘on doit tout faire pour améliorer la condition d‘une personne
souffrante, peuvent ils être une énergie de rapprochement de différents champs de
connaissance suffisante et viable ? Les différentes approches sont contenues dans
des cadres théoriques et éthiques fort dissemblables… de la subjectivité et des
projections fantasmatiques du sujet avec laquelle travaille la psychopathologie pour
comprendre un comportement violent, au dysfonctionnement neuroendocrinien d‘un
patient agressif, en passant par l‘héritabilité génétique de troubles des conduites,
comment envisager une coexistence dans un modèle de compréhension large?

Nous pouvons distinguer deux situations bien différentes pour le médecin ou le


thérapeute, pour y envisager la rencontre de la psychanalyse et des neurosciences :
la situation clinique et celle de la recherche.

4.2.2.1.1 La rencontre clinique en pédopsychiatrie

Face au patient, le clinicien, en gardant la cohérence qu‘il doit à celui qu‘il cherche à
soigner, peut-il supporter ces torsions conceptuelles d‘abord, et s‘en servir ensuite
pour améliorer et traiter la personne ou son trouble ? La réponse semble finalement
assez simple. Lorsqu‘un patient amène en consultation un symptôme psychique,
notamment une description comportementale posant problème, certaines démarches
et pratiques peuvent coexister. D‘abord l‘analyse de ce symptôme dans le cadre de
l‘intersubjectivité, qui organise justement cette rencontre singulière entre le patient et
le clinicien au sein de laquelle est déposé ce symptôme d‘une façon unique. En
psychiatrie de l‘enfant et de l‘adolescent, l‘analyse du sens du symptôme dans
l‘histoire du sujet, celle des enjeux sous-jacents, conscients ou non, développés au
sein d‘une dynamique familiale ou dans une institution incluant les bénéfices
secondaires par exemple, l‘exploration, l‘organisation fantasmatique chez l‘enfant ou
ses parents, sont des démarches particulièrement utiles pour comprendre une
situation ou un comportement.

161
Ces analyses permettent de plus, si ce procédé est réalisé avec bienveillance,
patience et précaution, de favoriser l‘alliance du patient en l‘amenant à considérer la
spécificité de sa problématique et l‘intérêt que le clinicien porte à cette spécificité,
comme une « personnalisation extrême ». Une compréhension des symptômes
dans l‘histoire du sujet, est une importante voie de contextualisation et de don de
sens à un mal, ou à un fait quel qu‘il soit. Travailler avec un patient au « pourquoi » il
est touché, atteint, violent ou malade, lui, et pas son frère ou son voisin fait partie du
processus de soin.

Ces démarches et procédés sont en grande partie issus de la culture


psychanalytique. Elle n‘implique pas pour autant la nécessité d‘en rester là, de ne
pas rechercher ou faire plus du côté de dysfonctionnements neurobiologiques du
patient. L‘approche intersubjective n‘empêche pas la recherche de trouble ou de
retard objectif dans les acquisitions psychomotrices, des symptômes de lésions
neurologiques fonctionnelles ou anatomiques, d‘anomalies du développement
pubertaire, ou d‘antécédents de souffrance fœtale, d‘autisme dans la famille, ou de
déficience mentale. Même si l‘échange « médecin/malade » autour de ces sujets
reste bien entendu dans le cadre de l‘intersubjectivité, les informations obtenues
pourront indiquer de poursuivre des investigations biologiques ou anatomiques, de
réunir les symptômes en syndrome etc…Ces thématiques du développement de
l‘enfant et de son histoire sont une source majeure pour examiner les vécus de
souffrances subjectives et les interactions parents-enfants.

L‘intérêt porté par le clinicien à ces deux dimensions de la problématique du patient,


de façon presque concomitante, est non seulement possible, mais peut être tout-à-
fait nécessaire. L‘art médical, en médecine du sujet, devrait-il d‘ailleurs être
autrement ?...

Enfin, concernant les démarches et choix thérapeutiques face à un patient, le


pédopsychiatre pourrait là encore tenter d‘avoir à sa disposition le plus grand nombre
de possibilités sans se soucier de savoir si une thérapeutique exclut une autre par
« incongruence théorique ». L‘éthique médicale et le pragmatisme seront aussi le
cadre de ses propositions ou prescriptions. Il serait bien réducteur, et même inepte
qu‘une prescription de neuroleptiques afin de réguler l‘impulsivité et l‘anxiété d‘un
adolescent implique de ne pas s‘occuper de son histoire et de ne pas travailler sur le

162
sens de ses symptômes dans un démarche psychothérapique. Au contraire, une
prescription de psychotropes chez un adolescent pourrait (devrait) être aussi
réfléchie et indiquée, en plus des règles d‘utilisations convenues, selon les
représentations subjectives de ces médicaments ou de la maladie mentale dans une
famille.

La pratique et l‘histoire de la pédopsychiatrie a permis jusqu‘à présent la


coexistence, souvent dans un même lieu de soin, de démarches psychothérapiques
individuelles, familiales ou de groupe, rééducatives, pédagogiques ou encore
éducatives, démarches qui ne correspondent pas pourtant à une homogénéité
théorique.

4..2.2.1.2 La recherche en pédopsychiatrie

Dans le champ de la recherche médicale, la problématique n‘est plus celle du


«sujet ». Il faut dépersonnaliser la problématique, la rendre comparable pour réaliser
des comparaisons, déduire par la logique, moins par intuition ou ressenti.
Psychanalyse et neurosciences pourraient avoir ici une rencontre plus difficile car le
niveau de preuve n‘a dans ces deux champs pas la même nature. Pourtant, dès que
le chercheur en sciences médicales a obtenu des données, il doit chercher à les
expliquer. Pour en déduire des éléments de pathogénèse ou favorisant un trouble,
éléments sur lesquels il faudra agir. La psychanalyse peut elle, en face des
neurosciences, ici aussi être d‘un secours… peut-elle, dans ce cadre de la recherche
scientifique permettre de comprendre mieux un phénomène ? Son modèle de
compréhension peut-il être listé, posé à côté d‘autres, notamment biologiques… ?

Nous avons réalisé une étude pour déterminer la prévalence de troubles mentaux
majeurs chez les adolescents vivant en foyers sociaux dans le département des
Bouches-du-Rhône (Bronsard et al., 2011). Cette étude a inclus 183 adolescents et
nous avons pu comparer les taux de prévalence selon le genre. Il n‘existe pas de
différence significative entre filles et garçons concernant les troubles externalisés
(trouble des conduites, et trouble hyperactivité avec déficit de l‘attention). Ce résultat
est une différence notable avec la population générale ou les troubles des conduites
sont 3 fois plus fréquents chez les garçons, comme, mais dans une moindre mesure
le trouble de l‘hyperactivité avec déficit de l‘attention (Fombonne, 2005 ; Inserm,
2005). Cette absence de différence entre filles et garçons constitue une importante

163
spécificité de ce groupe considéré comme très vulnérable (Bamford and Wolkind,
1988 ; Burns et al., 2004).

Nous allons examiner succinctement les données scientifiques issues de différents


modèles pouvant expliquer le développement de troubles externalisés, de conduites
d‘agression ou de la violence, chez l‘adolescent, en mettant en avant les
connaissances éclairant les différences retrouvées entre filles et garçons, afin de
discuter son absence chez les adolescents vivant dans les foyers sociaux. Il faudra
ensuite articuler ce déroulé de connaissances de champs théoriques variés, et
envisager la place de la psychanalyse.

4.2.2.1.3 Apport des études dans le champ des neurosciences pour comprendre les
troubles externalisés et les comportements violents

La recherche en neurobiologie ou en génétique des comportements pose de


nombreux problèmes de méthode, notamment dans la définition objective des
comportements à étudier. Elle se confronte à d‘importants écueils épistémologiques
lorsqu‘il s‘agit de construire des analogies entre les modèles animaux et l‘humain,
tellement la composante morale, juridique ou sociale est importante et spécifique
chez l‘humain (Inserm, 2005). Cependant comme, le signale Roubertoux
(Roubertoux, 2004, p18), les processus cognitifs, les états de conscience, le
raisonnement, la prise de décision, l‘attention ont tous à faire avec le cerveau, son
fonctionnement et des conditions neurochimiques de ce fonctionnement. L‘influence
de facteurs génétiques sur cet organe, va de soi, comme pour tous les autres
organes du corps.

La recherche cherchant à expliquer les différences entre filles et garçons à


l‘adolescence concernant les comportements violents, transgressifs ou agités a
produit beaucoup de données issues de la génétique ou de l‘hormonologie, éléments
biologiques correspondant à des différences objectives et évidentes entre filles et
garçons.

Concernant les liens entre gènes et violence, les travaux de Connor (Roubertoux,
2004, pp216) montrent que la ressemblance familiale pour une aptitude à commettre
des actes délictueux augmente en fonction de la « proximité génétique des cas

164
index ». En limitant le champ au cadre nosographique des troubles externalisés à
partir d‘études d‘agrégabilité, de jumeaux ou d‘enfants adoptés, l‘expertise collective
de l‘inserm sur le trouble des conduites (INSERM 2006) rapporte un héritabilté
supérieure à 50%. Concernant la différence filles-garçons, de nombreuses
recherches se sont orientées vers le chromosome Y qui fut longtemps considéré
comme le substrat de la propension à commettre des actes agressifs (Roubertoux,
2004, p216). En 1965, une étude avait révélé la surreprésentation de caryotype XYY
chez les prisonniers ayant commis des agressions physiques (Jacobs et al., 1965).
L‘idée d‘une corrélation forte entre l‘Y et les conduites d‘agression a été ensuite très
nuancée, avec des études récentes montrant l‘absence de surreprésentation
d‘aberration du chromosome Y chez les criminels. Roubertoux retient cependant, à
partir d‘études chez la souris, un lien entre chromosome Y et agression (Roubertoux,
2004, p226). Mais le lien est très complexe et interactif avec d‘autres gènes situés
sur des autosomes. Le fait d‘être génétiquement un garçon ne suffit pas à expliquer
les différences de troubles externalisés.

Le lien supposé entre chromosome Y et violence était corrélé à celui supposé entre
hormones males (testostérone en particulier) et violence (Roubertoux ,2004, p 216).
Cependant les résultats concernant la corrélation entre testostérone et violence sont
inconsistant chez l‘humain (Ramirez, 2003), en particulier chez l‘enfant et
l‘adolescent (van Bokhoven et al., 2006) et cette corrélation serait plutôt faible
(Archer, 1991), alors que les preuves que la testostérone augmentent les
comportements agressifs chez de nombreuses espèces vertébrées sont importantes
(Archer, 1988). Rowe et al. (2004) montrent que les taux élevés de testostérone
seraient plus liés à la « dominance sociale » qu‘à l‘agression, et l‘agression
s‘associerait à la dominance sociale selon le contexte social. Van Bokhoven et al
(2006) montrent de même que les liens positifs entre testostérone et différentes
formes de comportements agressifs dépendent du cadre social.

Ces éléments génétiques et hormonaux, qui sont à l‘évidence une différence entre
filles et garçons, ne seront donc pas contradictoires avec une absence de différence
de prévalence des troubles externalisés selon le sexe, puisque les liens dépendent
du contexte et du cadre social.

165
D‘autres éléments issus des neurosciences contribuent à l‘explication de troubles du
comportement externalisés, comme le trouble des conduites. Les lésions cérébrales
précoces (complications obstétricales, « baby shaked syndrome ») ainsi que
l‘exposition du fœtus à des substances psycho-actives comme la nicotine favoriserait
l‘apparition de troubles des conduites (Inserm , 2006). Cependant ces éléments aussi
ont une puissance modérée.

4.2.2.1.4 Données des champs psychopathologiques et environnementaux

Certaines données épidémiologiques ont orienté vers l‘importance de


l‘environnement dans le développement des troubles externalisés ou des conduites
d‘agression. Les différences selon le sexe concernant les comportements en général
sont faibles, absentes ou inversées selon les contextes (Zakriski, Whright, et
Underwood, 2005). Les taux d‘agressions et de délits ou crimes chez les femmes
ont beaucoup augmenté ces dernières années de façon continue (Statistics Canada,
1999), et par exemple en Grande-Bretagne la proportion de femme impliquées dans
des délits a doublé, s‘est rapprochée de celle des hommes entre 1960 et 1970 et la
proportion semble dépendre des communautés (Rutter, 1996). Ces dernières
décennies, les recherches visant à expliquer les différences de genre pour les
comportements sociaux se centrent volontiers sur le contexte (Zakriski et al., 2005).

Nous allons maintenant examiner quelques données scientifiques dans le champ de


la psychopathologie et de l‘interaction de l‘individu avec l‘environnement favorisant le
développement de troubles externalisés ou de conduites d‘agression pour mieux
comprendre cette absence de différence de taux de troubles externalisés entre les
filles et les garçons vivant dans des foyers sociaux.

Le dysfonctionnement familial sévère et durable est reconnu depuis longtemps


comme un facteur associé au développement de troubles émotionnels et
comportementaux (Dadds et Barrett, 1996 ; Cichetti et Toth, 1998). L‘exposition
pendant la petite enfance à de la violence intra-familiale favorise le développement
des troubles externalisés, en particulier chez les filles (Becker et Mccloskey, 2002).
Les conflits intrafamiliaux perturbent les capacités de régulation émotionnelle chez
l‘enfant, ce qui le conduirait à réagir plus facilement par des conduites d‘agression
(Davies et Cummings, 1994). Ces environnements familiaux instables, favorisent
aussi les attachements « non sécures », mis en cause dans les comportements

166
agressifs (Bolwby, 1988). Ces facteurs familiaux sont corrélés aux pratiques
éducatives inadéquates : les comportements agressifs à l‘adolescence
correspondrait plus à la persistance de comportements agressifs se développant de
façon ordinaire pendant la petite enfance que l‘enfant n‘aurait pas appris à inhiber,
plutôt que des comportements agressifs qu‘il aurait appris (Tremblay et al., 2004 et
2008).

Dans un contexte familial dysfonctionnant de manière sévère et durable, favorisant le


développement de troubles des conduites ou de conduites d‘agression, les filles
peuvent être exposées de la même manière que les garçons.

Enfin les approches contextuelles évoquent que les filles montrent moins de
conduites d‘agression que les garçons car elles sont moins « provoquées » ; elles
sont d‘ailleurs aussi agressives que les garçons lorsqu‘elles le sont (Zakriski et al.,
2005).

Nous pouvons maintenant avancer des hypothèses concernant l‘absence de


différence concernant les taux de troubles externalisés chez les garçons et les filles
vivant en foyers sociaux. Cette population n‘est pas comparable à la population
générale. Les adolescents sont placés en foyers sociaux lorsqu‘ils sont considérés
en danger au sein de leur famille naturelle. Cet état de danger doit avoir été repéré
par l‘environnement naturel de l‘enfant et de sa famille (école, voisinage, famille
élargie) pour ensuite avoir été signalé. Il doit être donc suffisamment visible et
prolongé. Il correspond le plus souvent à un dysfonctionnement familial sévère et
durable.

Nous avons vu plus haut que filles et garçons exposés à ce genre de


dysfonctionnements familiaux auront tendance à développer des troubles
externalisés de même type, dans la petite enfance et que ces troubles ont tendance
à persister à l‘adolescence (Côté et al., 2002). Les filles repérées par les services
sociaux puis placées ont vécu dans des contextes familiaux dysfonctionnant, les
mettant en danger et leurs éventuels troubles du comportement ont pu être un signal
visible, sous entendant une préexistence de troubles du comportement avant
l‘arrivée en foyer.

167
De plus filles et garçons réagissent de façon assez similaire lorsqu‘ils sont
« provoqués ». Une ambiance de violence dans un foyer et la répétition d‘actes
d‘agression dans la communauté des pairs augmentent et homogénéisent les
comportements agressifs pour l‘ensemble des adolescents vivant dans ce foyer.

Enfin, le poids des facteurs génétiques liés au chromosome Y est peu probant chez
l‘humain, et l‘influence isolée des facteurs hormonaux liés au genre est faible et
inconsistante. Ces éléments psychodynamiques et environnementaux, associés au
faible poids attribué aux facteurs génétiques liés au chromosome Y et à l‘influence
des hormones mâles chez l‘adolescent dans les conduites d‘agression, peuvent
expliquer l‘absence de différence de taux de troubles externalisés entre filles et
garçons vivant dans les foyers sociaux.

Les apports de théories psychanalytiques ne sont pas nécessaire pour arriver jusqu‘à
ce niveau explication du développement de troubles externalisés chez les filles vivant
en foyer sociaux. Cependant la part importante faite aux enjeux inter-relationnels
parents/enfants, à l‘histoire des individus permet une voie d‘accès des
connaissances psychanalytiques, et une rencontre avec les données des
neurosciences.

Concernant le développement de la violence chez les individus, les travaux anglais


de Fonagy (Fonagy et Target,1995), à la suite de ceux de Winnicot (1956) et Bion
(1962) montrent le risque produit par une situation où les parents ne peuvent penser
l‘expérience mentale de leur enfant, défavorisant la différenciation entre réalité et
fantasme, entre réalité physique et psychique. Ces phénomènes favorisent une
instrumentalité des affects et leur expression par des actions violentes contre leur
corps ou celui des autres. Les liens entre trauma et psychogénèse de la violence ont
été aussi bien étudiés par les psychanalystes, notamment lorsque le trauma est
perpétré par une figure d‘attachement (Fonagy et Target 1995 ; Fonagy et Target
1993).

Ces apports théoriques psychanalytiques sont utilisables directement pour analyser


et comprendre des résultats d‘études scientifiques. Les autres approches
psychopathologiques, contextuelles, environnementales comme les neurosciences
partagent ce même objectif.

168
Conclusion

Les données issus des neurosciences sont actuellement insuffisantes pour


comprendre les troubles du comportement tant au niveau de la recherche que de la
clinique. Elles sont cependant nombreuses, consistantes et utilisables au niveau des
modèles de compréhension, et pour le cadre théorique qu‘elles organisent pour la
recherche en chimiothérapie. Ces modèles ne constituent pas un écueil à la
coexistence des théories psychanalytiques ou d‘autres approches contextuelles ou
psychodynamiques, tant au niveau de la pratique d‘une médecine du sujet que dans
le champ de la recherche en pédopsychiatrie. Il faudra prêter garde à ce que la
rencontre entre psychanalyse et neurosciences, ne produise pas une union excluant
les autres approches contextuelles et les autres théories psychodynamiques. Celles-
ci avaient su réaliser le rapprochement avec les neurosciences le plus souvent bien
avant.

169
170
171
172
173
174
Une telle présentation multidimensionnelle des modèles explicatifs de données
produites par notre étude de prévalence, devrait faciliter la rencontre des différents
professionnels, qui se réfèrent (ou souhaitent se référer) généralement volontiers à
des modèles théoriques jugés différents et peu compatibles. L‘effort principal de ce
travail apparaît en effet dans l‘agencement et l‘articulation de différentes références
théoriques qui contribuent de façon concomitante et non contradictoire à une partie
de la compréhension d‘un phénomène, et à l‘élaboration de réponses ou traitements
associés.

La constitution d‘une démarche interprofessionnelle et multidisciplinaire est pour le


sujet des « troubles mentaux chez les adolescents placés » tout-à-fait nécessaire et
attendue. Mais la multidisciplinarité ne se décrète pas. Elle se construit et
s‘entretient, par des rencontres régulières pour s‘occuper d‘un cas, par des
résolutions répétées de conflits, mais aussi par le développement de connaissances
partageables, que l‘on peut travailler en commun.

Les 4 articles inclus dans ce travail constituent un support de formation pour les
professionnels directement impliqués dans la démarche de la recherche. Pour agir
comme levier renforçant le travail interdisciplinaire, ils seront exploités au mieux au
cours de séances d‘enseignement regroupant les différents acteurs impliqués dans le
suivi des adolescents. De façon optimale un programme d‘enseignement
multidisciplinaire au sujet de la pathologie mentale des enfants placés pourrait être
construit et développé de façon concomitante à la démarche de recherche. Et
constituer ainsi une véritable démarche de Recherche-Action-Formation.

175
4.3 Projets de dispositifs spécifiques ou dédiés à la santé mentale des enfants
placés

Les résultats de notre étude de prévalence des troubles mentaux et de la Qualité de


Vie chez les adolescents vivant dans les foyers sociaux, permettent aussi
d‘envisager de nouveaux modèles de dispositifs de soin et de prévention adaptés à
cette population spécifique. Nous avons en effet montré à la fois une très grande
vulnérabilité au développement de certains troubles mentaux mais aussi la difficulté
de saisir les plaintes de ces adolescents exprimant un « bien-être physique et
psychologique » de même niveau que la population générale qui présente pourtant
cinq fois moins de troubles et de tentatives de suicide. Nous avons aussi établi que
malgré des prévalences très élevées de troubles mentaux et de tentatives de suicide,
les dispositifs de soin et d‘accueil sont peu adaptés et utilisés.

La constitution d‘espaces formalisés pour l‘articulation de la pédopsychiatrie et du


travail socio-éducatif, associée à la démarche de Recherche-Action-Formation sur un
long terme, devrait améliorer le repérage des troubles et l‘organisation de leur
traitement. Mais nous devons aussi envisager la modification ou la création de
dispositifs de prises en charge spécifiques et dédiés à la santé mentale de ces
adolescents, qui pour le seul département des Bouches-du-Rhône sont près de
1000. Près de 20% d‘entre eux présentent des troubles du spectre psychotique et
5% une très haute co-morbidité, incluant des troubles du spectre psychotique
(Bronsard et al, 2011).

Il s‘agit donc de faciliter l‘accès et la mise en place de soins médico-psychologiques


pour les adolescents vivant en foyers. Plusieurs pistes, non contradictoires, existent.
L‘opération la plus simple conceptuellement est d‘installer du personnel soignant,
permanent, au sein de tous les foyers, coordonnés et dirigés par un pédopsychiatre.
Les modalités administratives peuvent être variées, ou mixtes par des rattachements
de personnel, ou des détachements depuis des structures soignantes existantes, ou
encore par une augmentation de moyens soignants spécifiques fournis directement
par les dispositifs sociaux, qui emploient déjà infirmières, médecins et psychologues.

Inversement, des détachements de moyens de suivi et d‘hébergement socio-éducatif


vers des dispositifs de soins sont aussi imaginables. Les choix seront influencés par
les réalités locales, historiques, coutumières et politiques.

176
4.3.1 Situations cliniques nécessitant des moyens spécifiques mixtes

Nous pouvons isoler trois types de situations cliniques d‘adolescents vivant en foyers
sociaux, nécessitant des moyens et dispositifs spécifiques.

1/ Pathologies mentales de gravité légère ou moyenne, avec intégration, au moins


partielle, en milieu ordinaire possible

Il s‘agit des situations les plus fréquentes. Les besoins médico-psychologiques des
adolescents doivent être établis, par un ou plusieurs examens cliniques individuels,
nécessitant des cliniciens formés aux spécificités des enfants placés et des mesures
de placement. Les professionnels de proximité doivent alors organiser le suivi
régulier, dans des centres de soins de droit commun eux-mêmes familiarisés avec la
problématique spécifique des adolescents placés ; lorsque cela n‘est pas possible, le
soin devra être organisé au sein même du foyer, par des moyens dédiés comme des
équipes mobiles, ou du personnel dévolu sur site.

Les professionnels des foyers seront utilement intégrés aux différentes étapes du
traitement individuel ou de groupe. Leur participation doit être cependant partielle et
adaptée à chaque situation.

La place des parents dans l‘organisation des soins n‘ira ici pas de soi, les
adolescents étant placés pour des mises en danger, notamment par violences ou
abus dans le foyer familial. Les dispositifs de soins devront inclure cette particularité.

2/ Hospitalisations pour situations de crise

Lorsque des crises psychiques surviennent, à expression auto- et/ou hétéro-


agressive, le recours à l‘hospitalisation d‘urgence est attendu par les dispositifs
d‘hébergement. L‘état de placement de l‘adolescent à hospitaliser implique des
précautions spécifiques et modifications des pratiques. La place des parents,
habituelle dans les hospitalisations, sera là aussi plus difficile à organiser. Les
éducateurs du foyer auront (et doivent avoir) ici une place déterminante qui
demandera une attention et des précautions particulières, notamment lorsqu‘ils
seront impliqués personnellement dans des actes de violences survenus au foyer.

Le temps, généralement court (1 à 3 jours), de l‘hospitalisation pour une « crise »


devra permettre la préparation du retour au foyer. Elle sera faite par des rencontres

177
entre les soignants et les éducateurs. Les dispositifs de crises seront utilement
équipés d‘unités mobiles, permettant un retour progressif vers le foyer.

Enfin, l‘unité de crise doit savoir solliciter efficacement le réseau des lieux
d‘hébergements sociaux ou médico-sociaux proches ou éloignés, lorsque le retour
en foyer ne sera possible qu‘à moyen terme.

Sans ces précautions et moyens spécifiques, le risque de renvois brutaux et


multiples entre dispositifs de soins et lieux d‘hébergement est important.

3/ Pathologies sévères et chroniques

Un nombre non négligeable d‘adolescents vivant en foyers présente des troubles


mentaux multiples, sévères et durables. Lorsque ces troubles sont associés ou
s‘expriment par des comportements violents, l‘intégration en milieu ordinaire, en
particulier l‘école, n‘est pas possible et ne doit pas l‘être pour préserver l‘adolescent
des réactions de rejet. Les services sociaux ont alors tendance à demander des
hospitalisations temps plein de longue durée. La pathologie mentale, même avérée
et chronique n‘élimine pas par contre chez ces adolescents leur besoin de protection
sociale, ni les obligations des services de l‘ASE à qui l‘adolescent a été confié. Il en
est de même pour la scolarité. Ces adolescents relèvent à la fois du champ médico-
psychiatrique, des dispositifs de protection de l‘enfance et de la scolarité. Mais aucun
des champs ne peut gérer la situation sans les deux autres, et une articulation
externe et interinstitutionnelle entre ces trois champs peut ne pas être suffisante,
correspondant aux limites, au moins momentanées de l‘intégration en milieu
ordinaire.

La solution optimale est alors la constitution de dispositifs mixtes et unifiés, socio-


médico-psycho-pédagogique, capables de l‘offre globale, concomitante et sur une
longue durée, pouvant si nécessaire fonctionner en isolement temporaire. En effet,
certaines situations nécessitent des suivis et traitements de longue durée, sans
possibilité d‘intégration même partielle en milieu ordinaire. De tels dispositifs doivent
pouvoir assurer la prise en charge globale le temps nécessaire, parfois de plusieurs
mois. Par contre, dès que la nécessité d‘isolement diminue, les articulations avec
d‘autres dispositifs extérieurs doivent devenir possibles à nouveau.

178
Ces projets vont à l‘encontre des mouvements de « désinstitutionalisation » de la
pédopsychiatrie débutée il y a plus de 40 ans, des politiques « d‘inclusion » scolaire
pour le handicap renforcées intensément ces dix dernières années, et de la tendance
à la limitation maximale des placements « hors de chez soi » qui existe dans les lois
de protection de l‘enfance depuis plus de 30 ans. Ces projets d‘institutions mixtes,
unifiées et autonomes, correspondent justement à la compensation des excès des
politiques et idéologies de l‘ « ouverture » des institutions spécialisées vers le monde
ordinaire. L‘« ouverture » institutionnelle est en général corrélée à une rhétorique très
positive, autour de la liberté et de la libération des individus, de la rencontre des
autres, de la création et de la découverte qui seraient nécessairement favorables aux
personnes.

Mais l‘ « ouverture » permanente ou non régulée peut aussi diminuer la force


protectrice des institutions dont certains enfants (et parfois certains profesionnels)
ont un besoin majeur, sans qu‘ils puissent la trouver ailleurs, auprès de la société
civile ou de leurs parents.

Les enfants malades, n‘ayant pas de parents capables de les protéger, ont besoin
d‘institutions qui le soient, pouvant s‘occuper d‘eux de façon globale, autant que
nécessaire.

Les données de notre étude favorisent une réforme de la collaboration de la


pédopsychiatrie et de la protection de l‘enfance. Par la création d‘espaces tiers de
rencontre, par le développement de démarches de Recherche-Action-Fomation, et la
création de dispositifs mixtes d‘hébergements et de soin. Ces trois éléments de la
pratique professionnelle et surtout interprofessionnelle doivent être concomitants, en
lien, et durables.

179
180
Conclusion
Les adolescents vivant en foyer, sont plus « malades » que ceux qui n‘y vivent pas.
Bien plus. Les adolescents vivant en foyer sont moins bien soignés que ceux qui n‘y
vivent pas. Voici deux affirmations brutales et simples, presque grossières. La
première était facile à anticiper puisque les enfants sont placés en dehors de leur
famille pour des raisons indiscutablement et très anciennement reconnues comme
facteurs de risque au développement des troubles mentaux. La deuxième pouvait
aussi assez facilement être pressentie. D‘abord parce que la place des parents dans
l‘accompagnement au soin est profondément modifiée. Mais aussi parce que ces
adolescents tiennent les professionnels nombreux et variés qui s‘occupent (ou
devraient s‘occuper) d‘eux, dans un paradoxe affectif mêlant crainte et compassion
en lien avec les violences subies et les violences agies, réelles ou supposées.

Notre travail au sujet de cette population spécifique et de ses troubles, pose que ces
éléments ne sont pas une caricature intuitive, ni même une impression liée à
l‘expérience cent fois renouvelée, mais sont des fait démontrés. Nous avons étudiés
183 adolescents vivant en foyers sociaux et avons pu mesurer la prévalence des
troubles mentaux majeurs. Le taux atteint 50%, le dépasse très largement chez les
filles, et 20% d‘entre eux ont fait une tentative de suicide. Ces chiffres sont cinq fois
plus élevés qu‘en population générale. Ils sont les premiers en France et
correspondent à ce qui été mesuré dans d‘autres pays. L‘étude de la «qualité de vie»
de ces adolescents placés montre une franche dégradation, mais aussi qu‘ils ne se
plaignent pas de façon habituelle, expriment « bien-être » lorsqu‘on leur demande, et
que plus de la moitié d‘entre eux n‘ont rencontré ni psychologue ni psychiatre,
présents pourtant dans tous les foyers.

Pour initier un suivi et un soin, il faut en effet une demande ou un besoin, repéré et
compris par les professionnels qui s‘occupent d‘eux au quotidien. Il faut aussi que
ces professionnels de proximité sachent trouver des collègues du « soin psychique »
éclairés et préparés au sujet, et aux articulations interprofessionnelles ici bien
spécifiques. Il faut en définitive qu‘il existe des dispositifs capables d‘organiser la co-
existence opérationnelle des champs socio-éducatif et médico-psychologique.

181
La pédopsychiatrie a puisé auprès des enfants séparés de leurs parents des
modèles très productifs de théorisation psychopathologique et développementale ;
elle a même fondé son premier service clinique dans un foyer pour adolescents
« recueillis », bien avant qu‘un hôpital accepte la spécialité dans ses murs. La
pédopsychiatrie peut se souvenir de son passé, et relancer ses intentions les plus
actives vers ceux qui ont besoin d‘elle et qui ne savent pas le dire. Relancer ses
intentions malgré le bruit et quelques confusions éthiques, cliniques ou
institutionnelles. Elle doit pouvoir contribuer à éviter les positions subtiles et
faussement bienveillantes des renvois à distance des situations par les
professionnels, argumentés, avec plus ou moins d‘affectivité, par l‘évidence qu‘il
s‘agit là d‘un travail pour une autre spécialité.

Nous proposons que la démarche de recherche, notamment en épidémiologie


pédopsychiatrique, soit une amorce à cette collaboration pour des acteurs accordés
au moins sur quelques questions, à résoudre pour une meilleure description et
compréhension des situations dont ils s‘occupent. Cette démarche de recherche doit
être construite sur le terrain, et y vivre un long moment pour espérer une rencontre
des différents professionnels consistante, préalable irréductible à la collaboration
fonctionnelle.

La pédopsychiatrie doit savoir ouvrir et coordonner un espace propice au soin pour


les adolescents placés, même agités, permettant une collaboration
interprofessionnelle contenue, et capable de traiter des crises individuelles ou
institutionnelles, telles qu‘elles se présentent. Pour être efficace et rassurant. Pour
éviter le développement de dispositifs et de systèmes chaotiques et instables, bien
vite similaires à la vie familiale de ces enfants, qui devraient bien finir par penser
qu‘ils induisent eux-mêmes ces états toujours disharmonieux autour d‘eux.

La pédopsychiatrie est capable à la fois de contenir par la rigueur et le sérieux de la


démarche scientifique, et de flâner dans des espaces en friche, bourrés de
subjectivités, d‘approximations pourtant travaillées, d‘affectivités et d‘histoires, qui
seules permettent l‘espoir et l‘envie. Bref de l‘art médical vivant entre la science et
les humanités, pour une population qui ne profite guère ni de l‘une ni des autres...

182
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