Bronsard 02tqbh01es8 TH
Bronsard 02tqbh01es8 TH
Bronsard 02tqbh01es8 TH
T H È S E
Présentée et publiquement soutenue devant
Le 2 octobre 2012
TITRE DE LA THÈSE :
i
A Nathalie Bruneau, qui agrandit le monde et les choses.
ii
A mes enfants Sarah, Lou, Alex et Elle et l’enfant d’autres, avec qui je vis, Charlotte. Pour
qu’ils s’imbibent sans trop de peine et de lourdeur de la gravité des choses, qui seule peut
faire la vie belle et significative.
A mes amis.
iii
A trois pédopsychiatres vivants, figures qui ont construit mes repères professionnels
débordant largement sur le reste de mes pensées et conduites :
Eric Cao, porteur et gardien de l’intransigeance éthique et intellectuelle, couteuse, qui apaise
le malheur des autres.
iv
Remerciements
Directrice de Thèse
Membres du Jury
Le Pr Michel Botbol, pour la subtilité et l’élégance de ses pensées, pour son art minutieux et
enthousiaste de l’agencement des connaissances et du savoir
Le Pr Christophe Lançon, qui m’a conduit le premier vers la fabuleuse histoire de la pensée
des individus et de ses troubles, et appris à ne jamais brader ni évacuer l’émotion que l’on
doit aux hommes dans le malheur.
Le Pr Pascal Auquier, pour son impressionnante rapidité à accueillir, et à savoir ce qu’il faut
et comment il faut faire, écrire et aller chercher. Un haut conseiller en réussite.
v
Je remercie le Conseil Général des Bouches-Rhône, et en particulier
Le Dr Michel Amiel, Vice Président du Conseil Général, pour l’importance de l’intérêt qu’il
porte et l’espoir qu’il transmet pour la recherche d’une articulation efficace et sereine entre la
médecine et le champ du travail social, portés par ses certitudes humanistes.
Mr Jehan-Noel Filatriau Directeur Général Adjoint à la Solidarité qui sait et croit que la
démarche de recherche peut se développer dans le champ ancien de la protection sociale,
et améliorer la condition des plus affaiblis.
Je remercie cette collectivité d’avoir pu me confier quelques uns des enfants qu’elle protège
dans l’espoir solide que l’on fasse mieux pour eux.
Yves Paris pour sa capacité à mêler la générosité et la liberté qui améliore la condition des
perdus.
Les équipes des institutions qui ont encadré mon travail : La Maison Départementale de
l’Adolescent et le Centre Médico-Psycho-Pédagogique Départemental, ou qui l’ont
anciennement amorcé : l’UPPSI de Porto-Vecchio.
Les collègues éducateurs, juges pour enfants, responsables de l’ASE du CG13 avec qui j’ai
pu construire l’ensemble des idées et des données.
vi
Evaluation en santé mentale chez les adolescents placés.
Résumé
250 000 enfants sont impliqués dans les dispositifs de l‘Aide Sociale à l‘Enfance ; 135 000
sont placés. Ils devraient présenter des taux élevés de troubles mentaux car la raison
principale qui conduit au placement, le dysfonctionnement familial sévère et durable, est
aussi un facteur de risque largement reconnu au développement de la plupart des troubles
mentaux survenant dans l‘enfance. Les rares études d‘épidémiologie pédopsychiatrique
réalisées auprès de cette population spécifique et repérable dans quelques pays anglo-
saxons et germaniques, affirment effectivement des taux dépassant volontiers les 50%. Ces
enfants sont paradoxalement peu pris en charge par les dispositifs de pédopsychiatrie, car
la place des parents, ici défaillants, y est en général essentielle et l‘articulation entre les
professionnels des champs socio-éducatif et médico-psychologique est médiocre. Le contact
avec les services de pédopsychiatrie se fait volontiers par les urgences en situation de crise
comportementale. Après avoir décrit l‘histoire de la « protection de l‘enfance » et de la
pédopsychiatrie, notamment leur construction concomitante et entremêlée à partir du 19ème
siècle, nous analysons les points favorisant et défavorisant leur rencontre. Nous
envisageons aussi les possibilités et les freins à la recherche scientifique en milieu socio-
éducatif.
Nous présentons ensuite les résultats de deux études menées auprès d‘adolescents placés
en foyers du département des Bouches-du-Rhône : une étude de prévalence des troubles
mentaux et une étude de leur Qualité de la Vie et des liens de ces valeurs avec les troubles
mentaux. Les résultats montrent des taux de troubles mentaux 5 fois plus élevés qu‘en
population générale, en particulier chez les filles, avec des profils pathologiques spécifiques
et une expression inhabituelle des besoins en santé mentale dégradant les possibilités de
dépistage. Ces données, les premières en France décrivant objectivement une dimension
de l‘état de santé mentale des enfants placés, doivent constituer une base de connaissance
partageable entre les très nombreux intervenants d‘origine professionnelle et disciplinaire
très variés, préalable indispensable à un travail de collaboration incontournable mais
actuellement non significatif. Pour renforcer l‘effet « collaboratif », la démarche de
Recherche-Action apparait importante.
L‘amélioration du service médico-psychiatrique à donner aux enfants placés, qui ont été des
modèles vivants pour les théories modernes de la pédopsychiatrie, peut s‘envisager à
travers nos travaux par trois axes non dissociables :
-Mise en place d‘une démarche de formation et de recherche de long à très long terme
focalisée sur l‘enfant et l‘adolescent placé, notamment en épidémiologie descriptive, et en
favorisant la méthode de la Recherche-Action
vii
Evaluation of mental health among adolescents in "out-of-home care".
Abstract
250 000 children and adolescents are involved in the child welfare system in France.
135 000 are living in « out-of-home care ». These children should have high rates of mental
disorders because the severe familial dysfonction which drive them in these social
institutions is a wellknown risk factor for the main mental disorders too. Prevalence studies
of mental disorders among this very specific population are rares and have been held in
anglo-saxon or germanics countries. They show mental disorders rates above 50%.
However, their access to regular mental services is weak, because of failing parents and the
poverty of the partnerships between social workers and child mental health professionals.
These adolescents often meet child psychiatry through emergency during a behavioral crisis.
We describe, in a first part, the history of child welfare system and of the child psychiatry, in
particular through their co-construction since the 19th century. We analyze the elements
influencing their partnerships. We examine too the difficulties to organize scientific research
in the field of the child welfare.
We presents, then, the results of two studies among adolescents living in residential group
homes in the county of Bouches-du-Rhône (France) : a prevalence of mental disorders
study and a Quality of Life study including the links between these values and the mental
disorders. Results show mental disorders rates five times more frequents than in general
population, and much more among girls, with specific psychopathologic profiles and an
irregular expression of mental health needs degrading the screening . These data are the
first in France. They describe objectively a dimension of the mental status of these
adolescent. They should constitute an easy sharable database for the very numerous and
varied professionals involved in taking care of these adolescents, precondition for the very
necessary partenership, actually no singnifiant. In order to improve the « collaborative
effect », the Action-Research method seems very useful.
Finally, our work underline three not dissociable axis for the necessary improvement of the
mental health services we have to bring to these adolescents :
viii
Sommaire
Introduction générale 1
Première Partie
2.3 Les dispositifs médicaux actuels impliqués auprès des enfants placés 40
2.3.1 La Protection Maternelle et Infantile (PMI) 42
2.3.2 La pédiatrie sociale ? 42
2.3.3 La pédopsychiatrie auprès des enfants placés 43
ix
Deuxième partie :
3.2.3.2 Résultats 77
x
3.3.4 Etude de la QV des adolescents placés dans les foyers sociaux
3.3.4.1 Méthodologie 99
3.3.4.2.3 Impact des variables sexe, âge, troubles mentaux externalisés et non
3.3.4.5 Quality of Life and mental disorders in adolescents living in residential group
homes of the French Child Welfare System (Article soumis et accepté) 116
Troisième Partie
4 Les difficultés de la pratique pédopsychiatrique auprès des enfants placés et ses remèdes 137
4.2 La Recherche Action Formation en psychiatrie de l‘enfant dans les dispositifs de protection
d‘enfance 153
xi
4.2.1.2 Les études prévalence et de la Qualité de Vie chez les adolescents vivant dans foyers
sociaux des Bouches du Rhône, correspondent elle à une Recherche-Action ? 157
4.2.2 Utilisation des données obtenurs par les travaux de recherches et formation inter-
professionnelle 159
sont elles aussi agitées que les garçons ? (Article publié) 159
4.2.2.1.3 Apports des études dans le champ des neurosciences pour comprendre
4 .3 Projets de dispositifs spécifiques ou dédiés à la santé mentale des enfants placés 176
Références 183
xii
Introduction Générale
Ces enfants et adolescents sont donc nombreux, repérés, listés, observés. Une
masse importante d‘informations les concernant est disponible, mais une masse
encore plus importante d‘informations nécessaires pour les connaître et les
comprendre et donc modifier leur condition est manquante. Ces enfants sont ceux
dont les parents ou la famille n‘ont pas réussi à mettre en place les cadres de
développement suffisamment rassurants. Et pour lesquels l‘absence ou l‘insuffisance
de ce cadre est assez visible ou que les conséquences supposées de cette
insuffisance soient perceptibles par l‘environnement, inquiété au point de signaler la
situation aux administrations.
Ce groupe est celui des enfants maltraités, abusés ou plus largement, négligés, et
perçus par la société comme tel. Elle désigne ce groupe « enfance en danger »,
c'est-à-dire en danger d‘avenir. Ils sont tout-à-fait vulnérables. Leur vulnérabilité peut
hélas s‘exprimer par des comportements induisant peu de compassion, ou en tout
cas une compassion rarement durable : mises en danger, toxicomanies, conduites
d‘agression contre soi, ou « pire », contre les autres, échecs de scolarité ou
d‘adaptation en tout genre, y compris à ce qu‘on leur propose pour les aider, pour
compenser leurs histoires et parfois leurs traumatismes, tel qu‘on le suppose. Il faut
les protéger, parfois en se protégeant d‘eux. Les rassurer, les calmer, améliorer leur
condition est bien difficile.
1
rééducateurs variés, veilleurs, familles d‘accueil…parfois des sociologues, mais
aussi des bénévoles, des animateurs…
Mais certaines informations devraient choquer les professionnels qui s‘en occupent :
plus de 25% des « sans abri » ont été impliqués dans le dispositif de protection de
l‘enfance (Susser et al, 1991). Une personne incarcérée sur cinq a été placée en
foyer ou en famille d‘accueil (Duburcq, 200). Et s‘il est admis que les enfants de la
protection de l‘enfance accèdent peu et mal aux dispositifs d‘aides appropriés (Ford
et al, 2007), les hôpitaux de jour de psychiatrie de l‘enfant (HDJ) en accueillent une
proportion très élevée : 75 à 95% des HDJ de la région de Saint Etienne (Berger,
2009). Ce même auteur rappelle que plus de la moitié des « clients » dépendant au
quotidien et au long cours de certaines institutions psychiatriques ont subi sévices ou
abus pendant leur enfance (Berger, 2009).
2
scientifique présente une force qui pourra être fédératrice pour les divers
professionnels, et contribuer à la construction d‘un cadre de réflexion, de décision et
de création de procédures ou de dispositifs organisés par des repères objectifs et
partageables.
Cette discordance pourrait être un des freins puissants mais camouflés au travail
« inter disciplinaire ». Les discours enthousiastes du « travailler ensemble », « dans
l‘intérêt commun de l‘enfant » aggravent certainement le malaise des professionnels
face au constat de la faiblesse et de l‘indigence des effets positifs de nos actions que
rapporte par exemple Maurice Berger (Berger 2009).
3
procédures ayant montré une efficacité, même modeste ou au contraire des effets
détériorant. L‘indispensable modestie de la position professionnelle, n‘est
absolument pas contradictoire avec le volume de l‘ambition. Mais elle est sûrement le
garant indispensable au réalisme, qui est la meilleure prévention de la désillusion.
Nous faisons enfin l‘hypothèse que les données de l‘épidémiologie médicale, ont la
capacité de constituer un cadre de connaissance, à peu près partageable par les
professionnels des nombreuses disciplines impliquées sur ce sujet. A la condition
bien sûr que la nature des données soit comprise. Concernant la pathologie mentale,
et en particulier chez l‘enfant, cela ne va jamais de soi. Le désagrément intime induit
par l‘idée de la « folie » chez l‘enfant, induit en général une recherche frénétique de
causalité simple, extérieure, souvent accusatoire. La même frénésie existe lorsqu‘il
s‘agit de réclamer des « soins psychiatriques », en urgence, lorsque l‘adolescent
s‘agite, fait mal ou fait peur. A l‘évidence, une rencontre des disciplines, une
collaboration consistante et étayante, ne peut se faire dans ces contextes et situation
de crise. Il faut pourtant qu‘elle se fasse. Il s‘agit donc de construire, à l‘écart de
4
l‘agitation, un espace de rencontre. Et d‘abord, mettre les partenaires pressentis sur
des voies d‘accordage sur le sujet.
Les données épidémiologiques sur la santé mentale des adolescents placés sont
rares. Des taux de prévalence de trouble mentaux dans cette population sont
documentés dans certains pays mais sont inconnus en France. Il faut donc les
produire. Et il faudra aussi chercher, mesurer, décrire aussi leur état subjectif, leur
comportement, car les taux de prévalence isolés sont insuffisants pour aborder ces
adolescents. Il s‘agit de l‘objet principal de ce travail. Nous présenterons ces
données, après l‘histoire de la rencontre entre la pédopsychiatrie et la protection de
l‘enfance, et avant quelques propositions pour leur utilisation.
5
La deuxième partie (chapitre 3) présente l‘étude épidémiologique des troubles
mentaux explorés chez les adolescents vivant en foyers dans département des
Bouches-du-Rhône, suivie de la mesure de leur Qualité de la Vie permettant
l‘articulation de données objectives et subjectives. La présentation de ces travaux et
de ces mesures est précédée par une revue de la littérature inscrivant nos résultats
dans un corpus de données reconnues et établies sur le sujet que nous avons
circonscrit au préalable.
La question de l‘utilisation de nos résultats occupe notre troisième partie (Chapitre 4).
Les résultats de nos études sont bien sur destinés à améliorer in fine la prévention
des troubles mentaux, l‘accès au soin psychique et à son adaptation à la situation
particulière des adolescents placés. Peut-être même leur condition. Ils nous
indiqueront les particularités cliniques et les profils pathologiques de cette
population, mais aussi les façons dont ces adolescents peuvent exprimer leurs
besoins. La démarche de recherche peut par elle-même favoriser la rencontre entre
les acteurs des différentes disciplines impliquées auprès de ces adolescents.
L‘expérience de la pratique de la recherche pédopsychiatrique en milieu socio-
éducatif pourra indiquer les méthodes de cette rencontre nécessaire. Les résultats de
nos travaux, composera enfin une base unifiée et accessible aux professionnels
devant se trouver sur des bases de connaissances partageables nécessaires à la
solidification de leur collaboration.
6
Première partie
Un enfant est placé, lorsqu‘il est en danger. Lorsque le fait de rester avec ses
parents (ou son milieu de vie habituel) est considéré dangereux, pour son
développement. Le placement est le résultat d‘un volumineux dispositif impliquant le
tribunal pour enfant et les services de l‘Aide Sociale à l‘Enfance, gérés par les
Conseils Généraux à qui l‘Etat a confié la mission de Protection de l‘Enfance. Le
processus peut être rapide et répondre à une situation urgente, ou lent, concluant
une période d‘investigation, et/ou de tentatives échouées de résolution du problème
sans séparation de l‘enfant d‘avec sa famille.
Le législateur autorise le juge pour enfant à placer, possiblement contre l‘avis des
parents, dans le cadre suivant :
Un enfant est donc placé, par des éléments liés, de façon importante, à des critères
culturels, sociologiques, idéologiques et politiques, eux-mêmes plus ou moins
articulés à l‘état des connaissances concernant le développement psychique de
l‘enfant et de l‘influence, éventuellement toxique de l‘environnement. Le profil des
enfants placés a évolué avec ce que la société a pu définir comme statut à l‘enfant,
notamment dans la famille, et la nécessité qu‘elle s‘est donnée de protéger et
d‘éduquer ces enfants qui étaient en danger.
8
1 Les enfants placés, une population de circonstance
1.1.1 XVI- XVII-XVIII èmes siècles : sauver la vie des enfants trouvés
9
en éviter de plus considérables… On fait sagement de s’imposer silence, de crainte
qu’un excès de rigueur n’engage les personnes qui seraient dans le cas de tomber
dans de pareils délits, de se mettre à l’abri de toute poursuite en étouffant les
enfants, en les précipitant dans les puits, les rivières ou les latrines. L’exposition ne
mérite donc pas de poursuite… » (Tribunal de Toulouse, 1776). (Sandrin, 1982)
Les enfants ne sont placés à l‘époque que par absence de parents, disparus ou
morts, mais leur statut est lui aussi d‘emblée flou et chargé affectivement. Se mêlent
en effet des enfants du « vice », abandonnés et donc possiblement issus de relation
hors mariage, aux enfants du « malheur », orphelins de parents unis de façon
régulière, à d‘autres encore, recueillis temporairement pendant l‘hospitalisation,
l‘internement ou l‘emprisonnement des parents. Plusieurs tentatives de les
concentrer en deux catégories existeront, la catégorie des « enfants trouvés »
séparée des « enfants orphelins », que l‘on retrouve dans des lieux différents.
Les taux de mortalité sont de toute façon effrayants, se situant entre 60 et 90%
(Bardet et Faron, 1998). L‘énormité de la mort laisse peu de place à la réflexion sur
le sens des démarches, ou leur finalité… Il faut simplement que ces enfants sans
parents survivent, et pour cela organiser un système le permettant. On verra ensuite
ce que l‘on promet aux survivants.
Rappelons l‘existence de trois lois de la deuxième moitié du XIX ème siècle relatives à
la protection des enfants : « la loi Roussel du 23 décembre 1874 vise surtout le
délaissement des enfants de moins de deux ans, dans le cadre des placements
nourriciers. Elle prévoit, outre le contrôle organisé de ces placements, le retrait
10
éventuel du droit de garde. Elle est l’œuvre de ce lobby médical de la bientraitance
regroupé autour Théophile Roussel. La loi du 24 juillet 1889 « relative à la protection
des enfants maltraités ou moralement abandonnés », préparée depuis 1879, permet
la déchéance de la puissance paternelle. Cette déchéance est facultative en cas de
mauvais traitements. Loi symboliquement importante, elle sera suivie de peu d’effets
dans les affaires de maltraitance. » (Arveiller, 2011)
A la fin du XIXème, la loi française du 19 avril 1898 stabilise les idées sur les
nouveaux rapports entre l‘Etat et les enfants. L‘Etat sait maintenant répondre
clairement et réprimer « les violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats
commis envers les enfants». L‘autorité publique s‘est même donné le droit de retirer
un enfant à des parents ayant une « inconduite notoire », par déchéance paternelle.
(Seiller, 2008). L‘enfant trouvé qu‘il faut maintenir en vie, laisse la place à l‘enfant en
danger, qu‘il faut protéger, y compris de sa famille. On peut, on doit, le sauver de la
misère de ses parents. L‘urgence vitale n‘est plus la même. Les projets dépassent le
seul recueil par les agences chargées d‘acheminer les enfants vers des familles
nourricières. L‘Assistance Publique prévoit maintenant d‘éduquer, de former ses
pupilles. Les positionnements idéologiques et politiques, se compliquent et
s‘acheminent vers un nouvel enjeu : l‘éthique de la séparation forcée. Elle est décrite
par certains comme une incroyable violence, peu justifiée.
11
même, ne pouvant supporter l’angoisse de ces séparations, se sont précipités dans
le puits de la maison ou dans l’étang du village».
Les rapports entre l‘Etat, les familles et les enfants ont changé. Il veut et doit les
protéger. Des conséquences institutionnelles tardives mais directes surviennent. Les
hospices et les familles d‘accueil vont ainsi recevoir des enfants plus âgés, plus
perturbés, ayant vécu des situations de développement difficile et vont perturber le
fonctionnement des services (Verdier, 2003). Il faut sauver les enfants, mais aussi
protéger les institutions, et peut être aussi la société, de ces mêmes enfants,
devenus des victimes effrayantes. Il faut s‘en occuper, certes, mais mieux.
12
psychologie de l‘enfant peut laisser utiliser. Laisser un enfant à des parents
défaillants est-il plus risqué qu‘infliger une séparation ?… Comment l‘argumenter, le
mesurer, comment le savoir ?...
L‘idée qu‘une séparation forcée peut aggraver une situation que l‘on espérait traiter
se théorise. En France, dans les années 70, les travaux de Michel Soulé et de
Jeanine Noël montrent aussi que « les modes selon lesquels on cherche à pallier la
défaillance des familles aggravent généralement leur pénalité initiale (…) le fait
même de devenir l’objet de la sollicitude d’une administration ou d’un organisme
d’aide sociale marque et accentue cette première différence » (Soulé et Noël, 1971).
Plus récemment, certains auteurs ont mis en avant les limites sévères des postures
« anti-placement » des années 70-80. Les arguments sont ici aussi de nature
psychologique et sanitaire : « Tel le balancier d’une pendule, la pensée est devenue
13
idéologie et on a ensuite entendu des éducateurs affirmer que « le placement ne
résolvait rien », et on a vu des enfants soumis pendant des années à des carences
et des mauvais traitements, qui ont fini par être placés trop tard, alors que leurs
perturbations psychiques étaient déjà organisées » (Welniarz , 2007). Eviter la
séparation peut devenir une entreprise risquant le délaissement d‘enfants
directement exposés à des défaillances graves ou de la maltraitance avérée de leur
famille, responsable de redoutables dégâts psychiques (Berger, 2004). La séparation
de l‘enfant et de sa famille peut même avoir un but « thérapeutique » et améliorer le
développement psychologique, voire traiter les troubles psychiques (Berger, 2011).
Le sujet, depuis que nous en avons des traces il y a plusieurs siècles, a des
difficultés à évoluer par une dynamique stable et sereine. Il est bien difficile de
mettre de côté les enjeux affectifs et leur puissance agitatrice, tant chez les individus
qu‘en groupe, puisqu‘il s‘agit d‘enfants, abandonnés, associés à la misère sociale, en
danger, parfois de mort, et, potentiellement eux-mêmes dangereux… Et il s‘agit enfin
pour une société de mettre à l‘épreuve et au jour ses promesses d‘humanisme.
14
1.2 Le placement des enfants actuellement en France.
Depuis les lois de décentralisation de 1983, le dispositif de placement est confié aux
Conseils Généraux qui gèrent les services et actions de l‘Aide Sociale à l‘Enfance
(ASE). La dernière réforme date du 28 juin 2005 et décrit ainsi le cadre de la
mission : « Le service de l'aide sociale à l'enfance est placé sous l'autorité du
président du conseil général ».
« Chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel.
Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service
d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission
d'apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou
morales qu'elle rencontre. Cette personne ou ce service est chargé de suivre le
développement de l'enfant et d'en faire rapport au juge périodiquement.
Le juge peut aussi subordonner le maintien de l'enfant dans son milieu à des
obligations particulières, telles que celle de fréquenter régulièrement un
établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé, ou d'exercer une
activité professionnelle ». (Code Civil, art. 375-2)
« S'il est nécessaire de retirer l'enfant de son milieu actuel, le juge peut décider de le
confier :
1° A l'autre parent ;
15
2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;
Les derniers chiffres disponibles en France sont ceux de l‘enquête DREES de 2008
(Bailleau et Tespeux, 2009). Il y avait 284 154 enfants/adolescents « aidés » par
l‘ASE, soit près de 1,9% de la population de 0 à 21ans. 10% sont des jeunes
majeurs (18/21ans). 141 599 de ces enfants étaient placés. Les autres sont suivis en
milieu ouvert, c'est-à-dire en restant hébergés dans leur famille. Concernant la
population qui nous intéresse, les enfants placés, il faut encore catégoriser en deux
parties à peu près égales : les placements en institution et les placements en famille
d‘accueil, légèrement plus nombreux.
16
interdépartementale du taux de mesures de protection, incluant les placements,
prononcés. Les taux de prise en charge varient selon les départements de 1 à 3
pour des départements parfois mitoyens, ou même à population comparable comme
le Nord et les Bouches-du-Rhône. (ONED 2011, p42).
Le taux de placement est aussi fortement lié à la période historique. L‘exemple des
pupilles de l‘Etat est significatif. Ces enfants ont le statut particulier d‘être adoptable,
leurs parents ne pouvant pas les récupérer, par absence considérée définitive ou par
contrainte juridique. Ils ont diminué entre 1982 et 1998 de 17 000 à 3000. Les
progrès de la contraception et les aides personnalisées aux parents isolés seraient
responsables de rapides changements profonds (6 fois moins en 17ans) (DRESS,
2000) ? La nature causale de la relation entre ces progrès et la diminution du nombre
de pupilles est bien hypothétique. D‘autres facteurs possiblement en jeu, peut-être
plus puissants, comme la diminution de la volonté des juges au tribunal pour enfant
de déchoir les droits parentaux, ne sont pas aisément mesurables.
Naves et Cathala déplorent une défiance confuse et mutuelle entre revendication des
droits et risque de procès, venant presser la diminution des placements : « Au total
ce qui a frappé la mission c’est l’absence de prise de risque éducatif à laquelle
s’autorise les professionnels. Parquetiers, juges des enfants, inspecteurs de
l’enfance, travailleurs sociaux et éducatifs ont à la fois peur du placement, peur de
mal faire, peur de la dégradation de la situation familiale, peur de la violence des
parents et des mineurs, peur de leur éventuelle mise en cause pénale... Les
assistantes maternelles, quant à elles, ont peur que si elles parlent des difficultés
qu’elles rencontrent avec le jeune accueilli on leur retire l’enfant qu’elles accueillent.
Cette peur est aussi, d’une autre façon, très présente chez les familles » (Naves et
Cathala, 2000, p 50). Ils évoquent un lien entre la faible tolérance actuelle à la
violence, le pénalisme revendicatif moderne et la diminution des placements,
pourtant argumenté par « l‘intérêt de l‘enfant »
17
dans le même temps le nombre de signalements d‘enfant en danger augmente.
(Frechon et Dumaret, 2008).
Les placements subissent aussi directement les variations des dispositifs alternatifs,
au sein du système de la protection de l‘enfance, au sein du système judiciaire mais
aussi dans les dispositifs de disciplines connexes. Un département peut choisir de
favoriser le travail à domicile ou pas et d‘organiser la répartition des moyens en
rapport. Ensuite, de nombreux enfants pourraient être placés, s‘ils n‘étaient pas
hébergés dans des institutions médico-sociales, comme les ITEP (institut
Thérapeutique Educatif et Pédagogique), les IME (Instituts médico-éducatifs), les
foyers de la Protection Judicaire de la Jeunesse (PJJ), les centres éducatifs fermés
(CEF), les hôpitaux pour des hospitalisations de très longue durée, mais aussi en
internat scolaire. Ces différents établissements prennent, trient, acceptent ou
renvoient, ferment ou ouvrent des places selon des paramètres qui ne sont pas
18
coordonnés, relevant chacun de culture, de financement et de mission différentes,
mais aussi de circonstances affectives et de leur tolérance.
La mauvaise délimitation des actions et des missions des champs social, éducatif,
médical, pédagogique et de la justice des mineurs rend bien difficile les articulations,
comme nous le verrons plus tard.
19
interventions les plus formalisées : accueil provisoire, ordonnance de placement
provisoire, action éducative en milieu ouvert… »(Naves et Cathala 2000, p13)
Pour les AEMO (mesure de protection en milieu ouvert, c'est-à-dire avec maintien de
l‘enfant à domicile), comme d‘ailleurs pour les aides financières et les aides à
domicile, les auteurs de ce document jugent « préférable de ne pas publier les
chiffres détenus, ceux-ci ne pouvant pas être garantis » ayant constaté la difficulté
des départements à recenser leur nombre. (Naves et Cathala 2000, p 23)
La population des enfants placés n‘est pas stable, ni dans son nombre, ni dans son
profil. Les chiffres sont difficiles à extraire, à garantir et les catégories difficiles à
comparer. Les idéologies, les représentations, l‘Histoire modifient profondément les
lois, les pratiques et les dispositifs spécifiques. Les dispositifs alternatifs au
placement, les habitudes ou coutumes de travail, parfois très locales et subjectives
modifient aussi sérieusement les taux, les choix et indications, modifiant ainsi le
recrutement. Des enfants placés exclusivement par absence de parents peu après
leur naissance, à ceux, plus vieux placés car en danger dans leur famille
dysfonctionnant, le profil a fondamentalement changé. Et certainement leur
psychopathologie.
20
2 La médecine infantile et la pédopsychiatrie face aux enfants placés : étapes
historiques d’une co-construction
La médecine, comme l‘assistance, est prise par les influences historiques et socio-
politiques. La place de l‘enfant dans la société et l‘attention qu‘elle lui porte, l‘éthique
du soin aux indigents, transforment lentement les orientations, les intérêts et les
positions de la médecine. Les modèles de compréhension du fonctionnement du
corps, de la pensée et de ses maladies sont des organisateurs majeurs de la
discipline. Ces modèles sont aussi des produits socio-culturels et scientifiques. Ces
influences sont multiples et interdépendantes.
Deux thèmes distincts, en apparence, vont sans cesse appeler la médecine vers les
enfants placés, qui viendra avec des enthousiasmes variables. Deux thèmes à
charge affective opposée et corrélés à des âges différents :
Par ailleurs, c‘est volontiers par son passé d‘enfant ayant subi des carences
éducatives, de la maltraitance ou de la violence que les origines de ses conduites
perturbatrices seront imaginées. C‘est aussi volontiers que la famille d‘un enfant ou
d‘un adolescent violent sera considérée défaillante. La violence est annoncée chez
les enfants placés. Face à la violence et aux comportements perturbateurs, la
médecine, en particulier la psychiatrie, devra se positionner, tant concernant les
modèles explicatifs de comportements pouvant être considérés comme symptômes
de troubles ou de souffrance de l‘enfant ou de son environnement, que dans la
recherche de traitement ou de remèdes.
21
L‘histoire et l‘évolution des spécialités de médecine infantile nous en apportent
quelques preuves avec des collusions théoriques, pratiques, administratives et
politiques que nous pouvons repérer.
22
2.1 Les enfants placés et abandonnés étape remarquable de la
pédiatrie moderne?
La pédiatrie inclura plus tard le syndrome d‘enfant battu. En 1951 Frédéric Silverman
décrit un syndrome radio-clinique permettant de poser l‘existence d‘une maltraitance
23
physique à l‘enfant. Le syndrome de Silverman est ainsi défini : « C’est un ensemble
lésionnel qui comporte des fractures multiples, d’âges différents, le plus souvent
négligées, associant à des fractures diaphragmes banales, des arrachements
métaphysaires et des hématomes sous-périostés. Il ne résulte d’aucune fragilité
congénitale et c’est la conséquence des traumatismes infligés à l’enfant ». Cette
catégorisation va permettre de développer des démarches de recherche et d‘étude
sur le sujet. Cependant, comme le montrent D‘arigo et Leviel (2003), le nombre de
publications sur le sujet reste faible malgré l‘ancienneté et l‘importance du sujet.
24
2.2 Les enfants placés, séparés ou abandonnés aux origines de la
pédopsychiatrie moderne?
Au XIIIème, une expérience échouée de Frédéric II, roi de Sicile, aurait pu déjà
mettre sur la voie. Il demanda à des nourrices de s‘occuper de nourrissons, en les
nourrissant, les lavant, mais sans jamais leur parler ou communiquer avec eux. Il
souhaitait savoir quelle langue « originelle » était parlée par les humains, si on ne
leur en apprend pas une. Il ne put le savoir, car aucun ne parla, et tous moururent
rapidement (Koupernik, 1980). En 1684 le docteur Bonnet, médecin à Genève, décrit
dans un traité de médecine certains aspects psychologiques et comportementaux
anormaux de l‘enfant lorsqu‘existe un désintérêt de sa mère. Cette observation
profondément avant-gardiste, est considérée totalement en décalage avec la pensée
de l‘époque (D‘arigo et Leviel, 2003).
Au début du XIXème, un enfant d‘une dizaine d‘année est capturé dans un bois de
l‘Aveyron. Il est mutique. On lui donne le nom de Victor. On l‘amène à Paris et on le
confie au Dr Jean Itard qui par de nouvelles techniques d‘éducation et de relation
doit le démutiser. Il va ainsi fonder la nécessité d‘un nouvelle discipline alliant étude
de psychologie, d‘éducation spécialisée et de médecine pour enfant, dont la
pédopsychiatrie peut se sentir l‘héritière. Est apparue la nécessité de s‘intéresser aux
enfants abandonnés, avec des techniques d‘observation, et d‘expérimentation, dans
le cadre des méthodes et de l‘éthique médicales. Son expérience auprès de cet
enfant « sauvage » induira de volumineux débats, controverses, espoirs et
désillusions, soutenus par un principe humaniste et philosophique puissant,
25
définissant que, c‘est l‘éducation qui humanise l‘homme, contre ses déficiences
naturelles. Les enfants abandonnés portent alors une puissante source d‘intérêt, de
recherche médico-psychologique, pédagogique, éducative et finalement
philosophique.
26
Les enfants placés, asociaux, agités, délinquants sont sous l‘œil et la main de la
justice et des services sociaux. Ce sont eux qui vont appeler la médecine mentale
auprès de ces enfants. Elle va venir et constituer la pédopsychiatrie moderne.
Théophile Roussel (1816-1903) est un médecin et homme politique qui construit les
lois fondant la « Protection de l‘enfance » de 1874,1889 et en 1898, dites « lois
Roussel ». En 1902 l‘institut est bâti par le Conseil Général de la Seine pour accueillir
des mineurs délinquants (Braesco, 2006). Ces enfants perturbateurs, sans le
demander, vivent un changement lent et majeur de leur statut : Il ne faut plus les
punir, en tout cas, plus uniquement ; il faut maintenant aussi les soigner…
27
L‘institut reçoit de plus en plus d‘autres enfants que les mineurs délinquants. Il reçoit
maintenant aussi les mineurs victimes, en danger et même simplement indisiciplinés
de l‘école. L‘école étant devenue obligatoire en 1882, il faut bien s‘occuper
maintenant de ceux qui n‘y s‘adaptent pas. Un aliéniste, le Dr G Paul-Boncours est
intégré et participe aux admissions. La psychiatrie de l‘enfant se construit et
s‘intéresse aux comportements a- ou anti-sociaux et non plus exclusivement aux
déficiences de l‘intelligence. Le modèle de compréhension de la pédopsychiatrie
devient bien plus complexe, puisqu‘un d‘un « outil » défectueux qu‘il faut réparer ou
améliorer, on veut maintenant aborder, comprendre et traiter des comportements et
des relations « posant problème », dont on n‘a pas défini la cause ni la
psychopathologie.
28
Leurs histoires d‘abandon, d‘abus ou de mauvais traitement doivent faire l‘objet
d‘une analyse particulière, permettant d‘établir un lien avec leur comportement
inadapté au groupe et aux règles, et d‘ouvrir d‘éventuelles nouvelles pistes de
traitement du problème. En 1890 Henri Rollet avait créé un patronage, institution
destinée à l‘accueil des enfants « en danger moral », s‘ouvrant ensuite aux
prédélinquants, délinquants, fugueurs, vagabonds…(Bienne, 2004). Cette maison
devient un lieu d‘accueil et d‘observation. Georges Heuyer participera à l‘ouverture
d‘une consultation d‘expertise en vue des placements, puis en 1923 établira une
consultation de neuropsychiatrie infantile. Henri Rollet, veut plus, mieux. Plus de
formalisation et d‘envergure pour leur conviction que ces enfants doivent bénéficier
de soins, de réflexion et de recherche, et de l‘apport des connaissances actuelles. Il
obtient de la faculté de médecine de Paris qu‘elle choisisse un psychiatre capable
d‘examiner, de traiter ces enfants et d‘enseigner à leur sujet. Heuyer est désigné.
29
Cette spécialité ne sera acceptée que 15 ans plus tard dans un hôpital, en 1940 à
l‘hôpital Necker, puis transferé en 1954 à la Pitié-Salpetrière, après avoir étendu ses
indications et intérêts aux comportements difficiles ou inadaptés des enfants quelque
soit leur situation, dépassant très largement celle des enfants placés, séparés ou
délinquants. Pour entrer à l‘hôpital, la discipline doit savoir s‘occuper d‘enfants plus
ordinaires que les idiots ou les délinquants, et intéresser ainsi la société civile dans
son ensemble. « L‘inadaptation réactionnelle » décrivant des problématiques très
variées, devient le motif principal de la consultation d‘Heuyer dans les années
cinquante. (Bienne, 2004).
1890 : Patronnage pour enfant en danger moral (délinquants, vagabonds etc.) fondé
par Henri Rollet (avocat) à Paris.
30
1948 : Création de la chaire de neuropsychiatrie infantile dirigée par Heuyer à la
faculté de médecine de Paris.
Heuyer met en avant trois apports majeurs de la psychanalyse pour ces enfants :
« Freud a apporté trois grandes nouvelles qui ont renouvelé la psychiatrie, la
psychologie en général et particulièrement la psychiatrie infantile […]. Freud a
montré que l’affectivité joue un rôle supérieur à celui de l’intelligence dans le
déterminisme de notre vie quotidienne, qu’elle soit normale, pathologique ou
31
délinquante. Il a montré l’importance du milieu familial et du climat affectif dans lequel
l’enfant se développe et effectue sa maturation. Il a montré l’existence de la sexualité
infantile. »
Ce modèle, cette rupture dans l‘histoire des idées mais aussi des individus, devenant
« sujets », va permettre d‘étendre le modèle de compréhension et de soin à d‘autres
situations et troubles, et élargir le champ d‘intervention de la pédopsychiatrie à
d‘autres enfants et autres situations que les enfants en danger. Le tribunal n‘est plus
seul pourvoyeur de consultants ou de patients. La famille et l‘école apparaissent
lentement comme les autres lieux de dépistage et de besoin de cette nouvelle
discipline qui décrète que l‘enfant pense, peut en souffrir ou même penser
« anormalement ».
Après la 2ème guerre mondiale, l‘étude sur les carences de soins maternels devient
progressivement un enjeu majeur pour la pédopsychiatrie. Les petits enfants placés
en institution en sont les modèles naturels. Cet intérêt pour le développement
psycho-affectif du nourrisson et ce champ d‘observation sont nouveaux. Georges
Heuyer, par exemple, disait lui-même que « le nourrisson est surtout un système
nerveux qui se développe. Quand on se penche sur un berceau, ce ne sont pas des
manifestations d’intelligence que l’on remarque [...]. Ce sont des excitations
sensorielles et des réactions motrices » (Duché, 1990).
Le contexte historique traumatisé et fasciné par les images effrayantes des enfants
dans les camps de concentration, les nurseries ou instituts débordants d‘enfants
ayant perdu leurs parents, va puissamment agir au développement des modèles de
32
compréhension de la relation mère-enfant et de ses ruptures. Dès 1944, Anna Freud
publie l‘ouvrage « Infants without families », où elle décrit ses observations
concernant le développement et le comportement de dizaines d‘enfants privés de
leur mère recueillis à la nursery d‘Hampstead (Freud A, Burlingham D, 1949). Aux
Etats-Unis en 1946, René Spitz psychanalyste d‘origine hongroise, construira le
concept d‘ « hospitalisme » et de « dépression anaclitique », en étudiant notamment
les nourrissons dans les orphelinats, home d‘enfants abandonnés ou encore les
pouponnières (Golse, 1997, p 53). Anna Freud, à Londres étudie le comportement et
le développement de dizaines d‘enfants abandonnés dans des nurseries, et le décrit
dans
33
ces institutions étaient maltraitantes par négligence comme par indifférence
(Dugravier et Guedeney, 2006).
Mais c‘est uniquement par un travail patient et proximal auprès du personnel qu‘elles
ont obtenu quelques changements. Jenny Aubry crée le premier placement familial
spécialisé en 1950 (Dugravier et Guedeney, 2006) ; Myriam David s‘implique
fortement dans la formation des assistantes sociales. Il aurait été simple et risqué de
pointer les conduites indignes et inhumaines du personnel de ces instituions, sans
comprendre que le défaut d‘encadrement, mais aussi le désarroi et le marasme
social du personnel lui-même en était responsable (Dugravier et Guedeney, 2006).
La Fondation Parents-de- Rosan existe toujours. L‘institution est devenue un foyer
de l‘Aide Sociale à l‘Enfance (Dugravier et Guedeney, 2006).
Les conséquences sur l‘organisation des dispositifs apparaissent, par une nouvelle
tentative d‘unifier les problématiques sociales et médico-psychologiques, et donc les
professionnels et administrations respectifs. Le « Secteur Unifié de l‘Enfance »
correspond à un dispositif expérimental créé en 1975 dans le XIVème
arrondissement de Paris, permettant la coordination permanente des aspects
sociaux et médico-psychologique grâce à une organisation hiérarchique unique
ayant autorité sur les différents secteurs : Aide Sociale à l‘Enfance, Protection
Maternelle et Infantile et pédopsychiatrie. Michel Soulé attachera aussi une grande
importance à la formation multidisciplinaire, en proposant des enseignements de
pédopsychiatrie très ouverts aux travailleurs sociaux. (Braconnier, 2001).
34
2.2.5 L’intérêt de la pédopsychiatrie pour l’adolescent et sa violence
Ces deux périodes de la vie de l‘enfant, présentent une différence notable pour la
société. Avec le nourrisson, on se préoccupe d‘un enfant « inoffensif », plus perturbé
que perturbateur… Ce qui n‘est plus garanti lorsqu‘il a grandi. L‘adolescent « en
danger » bénéficie de modifications très significatives de l‘organisation sociale et
des représentations, mais les intérêts théoriques sont souvent occupés par le spectre
du « passage à l‘acte » et de la délinquance. Peu importe il faudra probablement les
soigner. L‘ordonnance du 2 février 1945 relative à l‘enfance délinquante, crée les
juges pour enfants, rappelle l‘importance de les protéger, la primauté de l‘éducation
sur la répression, et la nécessité des investigations psychologiques. Dans les
« motifs » de l‘ordonnance, il est exposé : « l’enquête sociale elle-même sera
complétée par un examen médical et médico-psychologique, sur l’importance duquel
il n’est point nécessaire d’insister. »
Mais les pédopsychiatres sont dans cette période de l‘après-guerre moins nombreux
sur le sujet de l‘adolescence que sur celui la périnatalité et les troubles de la relation
précoce. Différents dispositifs et dynamiques théoriques vont cependant se
développer au sujet des adolescents. Le thème le plus souvent mis en avant est
celui des comportements perturbateurs, qui n‘est qu‘un thème connexe à celui des
adolescents placés.
35
C‘est l‘agir ou le passage à l‘acte de l‘adolescent qui fait mouche. Philippe Gutton
(2005) nous ramène que : « Suicide, addictions, faits divers, (auto) mutilations,
anorexies... La violence semble faire partie de l'univers des adolescents. Leurs crises
secouent ceux qui les côtoient, aussi bien les familles que les 'professionnels de la
jeunesse'. Les parents veulent les protéger de leurs 'conduites à risques'. Les
institutions, de l'école à la justice, les accusent de se comporter en anarchistes, qui
ne respectent ni loi, ni dieu, ni maître. La société, qui envie leur jeunesse et leur
beauté, les trouve volontiers incultes et dangereux. Pour nous tous, les adultes, ils
sont menaçants, surtout lorsqu'ils vont « en bande ».
Concernant les dispositifs de soins, Pierre Mâle crée en 1948 la Guidance Infantile
de l‘hôpital Henri Rousselle, centre de soin, de rééducation et de pédagogie
spécialisée, dans lequel les adolescents auront une consultation spécifique, et qui lui
permettra de développer la spécificité psychopathologique associée à cette période,
incluant la clinique du passage à l‘acte et de la violence (Mâle, 1980).
36
thème sans doute éternel, garantit un éveil de la psychopathologie de l‘adolescent.
Et même si la collusion des sujets adolescence et délinquance est défavorablement
réductrice, elle assure au moins que le sujet ne se démodera pas.
En Angleterre, les travaux de Jonh Bowlby sur l‘attachement et ses troubles, mais
aussi de Donald Winnicot sur la discontinuité de soin maternel, amènent des
ouvertures explicatives aux troubles du comportement des adolescents (Misès,
1980), incluant sa délinquance. Dès 1944, Bowlby étudie la personnalité et les
conditions de vie familiale d‘une population de quarante-quatre jeune voleurs
(Bowlby, 1944). Le fondateur de la pédopsychiatrie anglaise, Michael Rutter
explorera dans la constitution de la discipline la problématique des enfants placés et
celle du trouble des conduites des adolescents (Rutter, 2000).
Dans les années 70, un intérêt se développe pour une violence nouvelle, curieuse,
faite au corps de l‘adolescent, par lui-même. Les troubles du comportement
alimentaire, et en particulier l‘anorexie mentale. Philippe Jeammet, assistant puis
successeur d‘Hubert Flavigny, va pouvoir développer des techniques et des concepts
qui vont ouvrir la psychiatrie de l‘adolescent plus loin que la clinique du passage à
l‘acte contre les autres ou l‘environnement.
37
La spécialité s‘est largement étendue au-delà de la clinique du passage à l‘acte,
s‘intéressant à la souffrance, ses causes et ses résolutions de façon plus générale,
instaurant des dispositifs hautement multidisciplinaires comme a pu le faire
notamment Marcel Rufo à Paris (Maison des Adolescents de l‘hôpital Cochin en
2004, service dirigé actuellement par Marie-Rose Moro). La spécialité peut et doit
savoir maintenant s‘occuper des enfants et adolescents dans des situations très
variées, superficielles ou très graves, en gardant la nécessité de multidisciplinarité
associant psychologie, pédagogie, travail social et éducatif, neurologie ou
pharmacologie, tant dans l‘analyse que dans ses traitements. Comme nous le
décriront plus loin, les Maisons de l‘Adolescent, en propose une forme actuelle et
répandue sur le territoire (Fuseau et Moro, 2011, Bronsard, Bruneau et Rufo, 2011).
Le débat sans fin opposant l‘inné et l‘acquis, y trouvera une belle relance, avec ses
excès et ses rages les plus inquiétants, renforçant « la confusément pressentie
culpabilité maternelle » face aux troubles de leur enfants : cet enfant est perturbé car
on s‘en est mal occupé. La discipline s‘est largement ouverte à d‘autres
problématiques que sont les troubles plus subtils du langage et de la relation,
recouvrant finalement tout le champ du développement psychologique et affectif de
l‘enfant et de l‘adolescent.
38
des nouvelles façons de s‘occuper et de prendre soin d‘eux. Le champ des enfants
placés reste et doit rester un modèle pour étudier et réfléchir le développement
psychique dans ses interactions avec l‘environnement, enjeu théorique majeur de la
spécialité, sans cesse réactivé, notamment par les découvertes de la génétique et de
l‘épigénétique. Ce champ doit aussi persister à être un terrain privilégié actif pour la
réflexion éthique, d‘autant plus que leur condition familiale fait que leurs parents sont
eux en difficultés pour promouvoir, revendiquer ou militer en leur faveur.
39
2.3 Les dispositifs médicaux actuels impliqués auprès des enfants placés
Il est difficile d‘isoler et de classer les actions ou dispositifs du milieu sanitaire établis
dans le champ de la protection de l‘enfance. Les deux thèmes connexes à celui des
placements d‘enfants, la maltraitance et la violence, que nous avons suivis à travers
l‘histoire de la psychiatrie de l‘enfant ne sont pas spécifiques à la psychiatrie, ni à la
pédiatrie et sont repris par de très nombreuses disciplines et sujets de société.
40
Les dispositifs remarquables qui ont été mis en place sont basés sur une
représentation victimologique, c'est-à-dire présupposant que celui qui se présente se
considère comme une victime, ou au moins est considéré comme tel par celui qui
l‘amène. La possibilité de coexistence de faits ou de vécus de faits contradictoires
comme celui de pouvoir être en même temps ou à des temps différents, mais chez la
même personne, victime d‘agression et auteur, perturbe et complexifie le
fonctionnement.
Notons que le dispositif d‘Angers, dans le Maine et Loire n‘a pas affiché la
« victimité » préalable, en nommant son unité « Permanence d‘accueil de l‘enfant en
danger ». Cette unité s‘apparente aux dispositifs spécifiques de prise en charge de
l‘enfant victime et maltraité, puisque il peut accueillir dans les cadres « médico-
social » ou judiciaire (cf au site internet du CHU d‘Angers http://med2.univ-
angers.fr/discipline/pedopsy/presentation.htm)
41
violences conjugales (Savard et Zaouche-Gaudon, 2010), impliquant une réflexion
sur l‘enfant à protéger de sa famille, donc possiblement à placer. Les enfants
maltraités et abusés, ont beaucoup de risque de devenir violents ou de présenter des
troubles des conduites (Inserm, 2006). Rappelons les pronostics de Lamartine,
annonçant que l‘arrachement des enfants à leur mère, endurcira leurs âmes, et leur
apprendra à n‘aimer personne...(cf supra). La problématique de la violence est à
attendre dans les situations de placement.
Enfin comme nous le verrons plus loin, la violence est un « symptôme » facilement
invoqué par les services sociaux pour solliciter la médecine, en particulier la
psychiatrie. Ces deux thèmes ont une puissance durable et sûrement irréductible
pour maintenir et développer la dimension médicale auprès des enfants placés.
Ces services médicaux sont confiés aux Conseils Généraux. Dans certains
départements, comme dans celui des Bouches-du-Rhône, ils ont formellement la
charge de la santé des enfants confiés à l‘ASE jusqu‘à 6 ans.
Il ne s‘agit pas d‘une pédiatrie spécialisée pour les enfants en difficultés sociales,
même si ceux qui s‘en revendiquent, montrent une sensibilité aux problématiques de
la maltraitance et des enfants en situations vulnérables, mais de façon générale. Ce
terme ne représente pas non plus une spécialisation formelle. Robert Debré, pourtant
un de ses instigateurs, propose de considérer que la pédiatrie sociale est un état
d‘esprit, plus qu‘une spécialité (Roussey et Kremp, 2004, p XV). Cet esprit doit
42
amener le praticien à une approche globale de la problématique de la santé,
analysant la situation de l‘enfant dans son environnement. Un club international de
pédiatrie sociale existe depuis 1969. La santé publique, la prévention et la
pluridisciplinarité sont les préoccupations principales. (Roussey et Kremp, 2004, p
XV).
Petite enfance
43
thérapeutique). D‘autres services sont certainement impliqués auprès des petits
enfants placés, mais ils ne sont pas recensés en temps que tel.
L‘adolescent
44
sont issus de milieux professionnels différents, a été réalisé par l‘équipe de
Dominique Versini, Défenseure des Enfants, en 2007. L‘articulation des services
socio-éducatifs et de la pédopsychiatrie sont décrits difficiles, en particulier dans les
situations de crises comportementales. (Versini, 2007, p81).
Paul Bizouard a créé une unité médico-éducative pour adolescent à Besançon, qui
unit des moyens de l‘intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile et de l‘ASE pour
résoudre des problématiques ressortant de façon concomitante de ces deux champs
(Entretien avec le Pr Paul Bizouard, 2006).
Le travail auprès d‘enfants placés pourtant nécessite une réflexion et une place
particulière pour les éducateurs, les Juges pour enfant, les spécificités de la place
45
des parents qui ont été désignés comme défaillants ou même dangereux, mais aussi
un savoir-faire au sujet de la gestion de la violence. Une absence de réflexion et de
préparation peut induire que certains services sanitaires soient vite dépassés,
renvoyant les adolescents vers le champ socio-éducatif mettant en avant une
insuffisance de dimension pathologique. Certains auteurs, pensent pourtant que la
violence sévère masque bien souvent des processus psychiques pathologiques et
nécessitant des soins (Berger, 2001). Ces renvois itératifs d‘un champ professionnels
vers un autre, en particulier entre le social et le sanitaire, créent un groupe particulier
d‘adolescents désignés alors comme « difficiles ». La rencontre inter-professionnelle
doit donc être ré-organisée.
46
Deuxième partie
« Ce que je voudrais établir, c’est une médecine efficace et standardisée pour une
population comme la nôtre [une population ouvrière, pauvre et mal logée]-avec des
preuves d’efficacité- et sortir du bafouillage philantropico-clinique, vaniteux et
dérisoire dont on se contente actuellement en médecine sociale et générale. »
Le thème des enfants placés est ancien, et interpelle plusieurs champs de natures
très différentes, dont la médecine. Les articulations entre les différentes disciplines
impliquées ou intéressées, entre leur acteurs ou leurs concepts, est mal aisée, car
peu de repères simples et partageables préexistent. Nous l‘avons vu, s‘occuper d‘un
enfant placé, peut solliciter des spécialités médicales, somatiques et psychologiques,
le champ socio-éducatif, le champ socio-judiciaire, incluant des services de maintien
de l‘ordre, ou encore la pédagogie. Le thème peut faire réfléchir et écrire les sciences
sociales, la politique et les administrations, l‘éthique et la philosophie… Ces
sollicitations, peuvent être de plus poussées par des idéologies, des illusions, des
espoirs ou des craintes et parfois des peurs.
Bref, le sujet est a priori difficile à porter, maîtriser, organiser et ranger. Voire à
calmer. Nous formulons l‘hypothèse que la recherche médicale et l‘utilisation de ses
résultats sera un outil significatif pour améliorer les collaborations incontournables de
ces nombreux professionnels et, peut être, la condition de ces enfants. Claude
Bernard, dès la fin du XIXème siècle, attendait avec beaucoup d‘espoir que le travail
social recherche, évalue, mesure pour réaliser ses avancées attendues : « Au lieu
d'envisager les phénomènes sociaux comme des problèmes scientifiques, on
marche à l'aventure en se confiant à son étoile » (Bernard, 1974). Au fond objectiver,
47
un peu, ce que l‘on fait ou pourrait faire face à ces enfants si difficiles à appréhender
par la multitude des modèles de compréhension concomitants.
Et puis elle s‘est rapprochée, des travailleurs sociaux, des pédagogues, des
administrations de l‘enfance, des politiques… elle a argumenté, parfois même milité.
Elle a même cherché.
Nous présentons un état des lieux actuel de la recherche médicale au sujet des
enfants placés. Nous verrons ensuite comment s‘en servir.
48
3.1 Disciplines médicales impliquées auprès des enfants placés
De la même façon qu‘il a été bien difficile de poser un état des lieux des dispositifs
de soin existants auprès ou spécifiques des enfants placés, un tour exhaustif des
productions de la recherche médicale sur ce thèmeprésente les mêmes contraintes
et limites. Bien sûr les thèmes très corrélés à la situation de placement que sont la
maltraitance, l‘abandon mais aussi la violence et les troubles du comportement chez
l‘enfant et l‘adolescent, sont une source certaine d‘information et connaissance dans
le champ médical au sujet de ces enfants. Mais existe-t-il une catégorisation
renvoyant et définissant leur état « d‘enfant placé » ?...
3.1.1.1 Traduction en anglais des termes habituellement utilisés au sujet des enfants
placés
Enfin toute démarche de recherche doit pouvoir utiliser des termes et des « mots
clefs », assez consensuels. Et si possible avec leur traduction, notamment en
anglais.
Le groupe des enfants placés, appartient aux enfants confiés à l‘Aide Sociale à
l‘Enfance (ASE), ou plus rarement ceux placés directement par un Juge au Tribunal
pour Enfant en placement dit « direct ». En français, les termes suivants pourraient
être utilisés dans les recherches : enfants placés, enfants confié à l‘ASE, enfants
séparés, enfants vivant en famille d‘accueil, enfant vivant en foyers, enfant vivant en
institution sociale etc…
49
Mais c‘est dans la traduction de ces différents termes que quelques incertitudes
surviennent. Nous avons largement vu que les catégories, les types de placement,
les alternatives aux placements étaient fortement liés aux histoires et postures
locales, culturelles et parfois idéologiques ; il n‘est pas étonnant que ces différences
et cette instabilité dans la description de l‘objet étudié, le soi aussi d‘un pays à
l‘autre. Les nominations de la catégorie « enfant placé » est elle aussi dépendante
de ces facteurs politiques, juridiques, historiques et culturels….Il n‘y aura donc pas
de traduction littérale et directe.
Voici les termes anglais que nous avons relevés renvoyant à la thématique des
enfants placés :
Child Welfare System : Aide Sociale à l‘Enfance. Les termes Child involved
in the Child Welfare system sont souvent utilisés. Ces termes correspondent
à une catégorie administrative.
Care System : Le terme est plus général, mais renvoie aussi au système de
protection dans son ensemble. Child involved in the Care System.
Child Protective Services : terme assez général pour les services de
protection sociale pour enfant.
Social Services : services sociaux, regroupement des actions sociales de
façon large.
Local Authorities : Autorités locales, pouvant correspondre aux services
départementaux français. Les termes Children looked after by the local
autorities sont utilisés, et pourraient correspondre à « enfants confiés à
l‘ASE ».
Child Protection Agency : Organisme, départements de protection de
l‘enfance, Aide Sociale à l‘enfance.
50
Family Court : Tribunal pour enfant, s‘occupant des mineurs auteurs ou
victimes mais pas des affaires familiales (divorce).
Child in out-of-home care : L‘enfant séparé de sa famille, vivant en
dehors de sa maison habituelle. Ce terme est le plus large, regroupant les
différents types de placement.
Foster care system : système de placement d‘un enfant en famille d‘accueil.
Fostered children : plus rarement utilisé pour la confusion avec « enfant
adopté ». Confusion complexe et intéressante. Les Directions de l‘enfance
des Conseils Généraux regroupent les services de l‘adoption (agréments
pour les familles demandant à adopter, et suivi des enfants adoptés) et les
services de placements. Cette dichotomie et ce regroupement existent aussi
dans les pays anglo-saxons (Royaume uni, Etats-Unis, Canada).
Kinship Care : Système de famille d‘accueil ethniquement ou culturellement
proche de l‘enfant, « apparentée » à l‘enfant. Ces positions administratives ne
peuvent être établies en France, car la catégorisation ethnique de la
population n‘est pas réalisée, même si en pratique les services de protection
de l‘enfance semble pratiquer cet « assemblage » ethnique lors des choix de
famille d‘accueil (communication personnelle des membres de l‘administration
de l‘ASE 13)
Residential group home/Residential Treatment Centers (RTc) :
Correspond aux foyers ou maisons d‘enfants à caractère social (MECS)
français. Le terme Shelter, ne semble pas utilisé pour les enfants, plutôt pour
des foyers ou des abris pour adulte.
51
Mots anglais rapportés à « Child Welfare » :
Welfare, Child
Child Protective Services
Protective Services, Child
Child Health
« Child Welfare » est aussi renvoyé à « Foster Home Care ». Les différentes
catégories Mesh montrent l‘arborescence suivante :
Social Sciences
Sociology
Social Welfare
Child Welfare
Child Abuse
Munchausen Syndrome by
Proxy
Child Advocacy
Child Custody
52
Le système Mesh bilingue français/anglais (http://mesh.inserm.fr/mesh/) propose le
tableau de traduction suivante
Synonyme(s)
Child Health /
américain(s)
Code de Catégorie
I01.880.787.293 /
MeSH
53
3.1.1.2 Revues internationales dans le champ médical ou multidisciplinaires centrées
sur le thème des enfants placés
D‘autres journaux publient des articles sur le thème de la santé des enfants
impliqués dans les dispositifs de protection de l‘enfance. Nous avons cherché les
54
articles ayant utilisé dans le titre les mots « Child Welfare » et « Health », publiés
entre 1990 et 2011. Puis nous avons noté les revues auxquels ils se rapportaient.
Nous avons utilisé 4 bases de données : Pubmed/Medline, et trois bouquets
d‘éditeurs scientifiques : Science Direct (Elsevier), Springer et Wiley.
Child Welfare : 12
Administration And Policy In Mental Health : 6
Child Abuse & Neglect : 4
American Journal Of Public Health : 4
Children and Youth Services Review : 4
Psychiatric Services : 3
American Journal of Orthopsychiatry 2
Journal of American Academy of Child and Adolescent Psychiatry : 2
Social Work in Health Care :2
55
Sur les douze journaux référencés par ces moteurs de recherche ayant publié plus
d‘un article pendant les vingt dernières années, comportant dans le titre les mots
« Child Welfare » et « health », cinq sont du champ médico-psychiatrique et de la
santé mentale, trois centrés sur le thème de la protection de l‘enfance, un relève de
la santé publique, et trois sur des thèmes de santé globale.
Les journaux ayant le plus publiés sur le thème de la santé des enfants impliqués
dans la protection de l‘enfance avec les critères de restriction de recherche
précédent sont Children and Youth Services Review (treize articles), Child Welfare
(douze articles) et Child Abuse and Neglect (six).
56
Mme Annick-Camille Dumaret, psychologue et ingénieur de recherche INSERM, y
coordonne depuis de nombreuses années des recherches spécifiquement centrées
sur les enfants placés, dans un cadre affichant spécifiquement la recherche
médicale et en santé.
57
Les laboratoires ou organismes impliqués dans la recherche sur les enfants placés,
sont occupés très majoritairement des disciplines de sciences sociales, pédagogie,
sociologie, psychologie, affichant régulièrement une dynamique dite inter ou
multidisciplinaire. Les thèmes sanitaires y sont articulés ou développés
principalement dans ce cadre.
58
3.2 L’épidémiologie psychiatrique chez l’enfant placé
Lorsqu‘un sujet est flou, lorsqu‘on en maitrise mal les limites et la portée, un
mouvement naturel de tentative de « prise en main » surgit, pouvant alterner avec
des poussées de « fuite ». La charge affective pesante personnelle et collective qui
existe autour des enfants placés, leur état, leur avenir, leur victimité et leur capacité
de nuisance réelle ou supposée dégradent cette prise en main.
La question de la maladie mentale, est elle aussi bien pesante, touchant une part
difficile à conceptualiser de l‘humain, sa conscience, expliquant notamment son
image ambigüe fascinante et effrayante, par ses dimensions mystérieuses, peu
anticipables, et la violence possible ou supposée qui lui est associée.
Comme nous le détaillerons plus tard, les enfants placés portent dans leurs histoires
personnelles, les facteurs de risque communément admis pour le développement de
la plupart des troubles mentaux. Nous avons aussi largement mis en avant, par
l‘histoire de « l‘enfant placé », que la problématique médico-psychiatrique et
comportementale est structurelle dans la dimension institutionnelle, mais aussi
conceptuelle, quand on veut réfléchir à leur situation et leur état. Chez les
adolescents, les aspects comportementaux et leur violence possible, agitent et
organisent les réponses (cf quatrième partie).
La problématique des troubles mentaux chez les enfants placés, cumule ces
représentations paradoxales et leurs effets, entre compassion et rejet.
La question grossière « are they mad or bad ? » (Sont-ils fous ou mauvais?) que
posent Cusack et Malaney (1992) au sujet des patients avec un trouble de la
personnalité de type antisocial, s‘applique largement à notre sujet. Cette question
prend une importance pratique très volumineuse et encombrante lorsqu‘elle renvoie
à : « qui doit ou peut s‘en occuper »?... A l‘évidence, une incertitude sur la nature des
problèmes à traiter, pouvant relever du champ médico-psychiatrique ou socio-
éducatif, se transforme en difficulté sévère pour les professionnels lorsque la
situation montre des caractères d‘urgence, et en particulier lorsque la violence
apparaît ou « paraît » apparaître dans les comportements des adolescents suivis.
Comme nous l‘avons vu, les dispositifs et outils conceptuels permettant de traiter
cette possible double problématique sociale et sanitaire, sont rares, malgré
59
l‘importance de la proximité historique de ces deux champs. Les professionnels
peuvent facilement laisser apparaître et mettre en avant « l‘autre versant » lorsqu‘ils
sont en grande difficulté, car cet autre versant peut effectivement exister de façon
concomitante. Le soignant verra alors apparaître la défaillance socio-éducative, et
l‘éducateur « ressentira » rapidement la dimension pathologique de la situation ou du
cas.
60
facilement utilisables. Pour étudier l‘existence d‘un trouble, il faut bien sûr l‘avoir
défini. Ce qui en psychiatrie de l‘enfant et de l‘adolescent ne va pas de soi.
Les débats facilement conflictuels persistent sur les risques d‘utilisation des
nosographies, ou même de la moindre grille d‘évaluation, « médicalisant l‘existence »
de façon excessive et inappropriée (Gori et Delvolgo, 2011) ; leur validité est
régulièrement questionnée (Gori et Delvolgo, 2011 ; Corcos, 2011, introduction). Ces
débats, questionnements, parfois de crise, ralentissent le développement des
études...mais peut être aussi, espérons le, leurs dérives. La maladie est une
construction, un outil conceptuel, qui aide le médecin à penser et à prendre en
charge le malade (Falissard, 2010).
Cette « artifice » implique des définitions qu‘il faut bien « arbitrer », et qui ne peuvent
recouvrir ou contenir les différents avis, même les plus sérieux ou les plus
intéressants autour d‘une entité morbide ou supposée telle. Ces définitions
contiennent des insuffisances et approximations. Mais elles aident à penser et à
s‘organiser. A condition que l‘on sache les limites de ces définitions et un peu du
contexte de leur création, afin d‘éviter de penser que ces maladies existent
61
« réellement », et qu‘elles sont définies une fois pour toute, avec une frontière nette
entre le normal et le pathologique. (Falissard, 2010).
Une fois prises ces précieuses, mais pourtant inhabituelles, précautions éthiques et
scientifique, la démarche de mesure de prévalence peut être posée, dans une
population à étudier.
Le système Mesh (Pubmed) définit la santé mentale ainsi : L‘état dans lequel une
personne est en harmonie. Terme introduit en 1967 (The state wherein the person is
well adjusted.Year introduced : 1967). Le terme apparaît dans la catégorie Psychiatry
62
and Psychology, sous catégorie « processus et phénomènes psychologiques »
(Psychological phenomenon and processes).
63
catégorie de « Psychiatry and Psychology Category », ouvrant sur des troubles ou
symptômes spécifiques.
Certaines ont inclus un très grand nombre d‘enfants comme celle de Costello et al
publiée en 1996 (Costello et al, 1996). Pratiquées dans la région des Great Smoky
Mountains, ses auteurs ont réussi à inclure 4500 enfants. Le nombre global des
études de prévalence reste faible. Verhulst et Koot avaient recensé entre 1965 et
1993 une cinquantaine d‘étude avec des capacités de « compatibilité » correcte,
malgré une grande variabilité des conditions d‘évaluation et des populations cibles.
(Verhulst et Koot, 1995). Fombonne, en 2005 en a sélectionné et recensé 17 entre
1983 et 2003 (Fombonne 2005).
Etudes de cohortes
64
Etudes centrées sur un trouble mental
Les taux de prévalence générale des troubles mentaux chez les enfants et
adolescents varient de 5 à 35% (Fombonne 2005), mais leur analyse nécessite
beaucoup d‘attention et de détails pour pouvoir comparer les résultats d‘un pays à un
autre ou d‘une situation à une autre : tranches d‘âge, périodes rétrospectives de
mesure, personnes interviewées ou examinées, outils etc… Une large revue de la
littérature en 2003 réalisée par l‘expertise collective de l‘inserm sur les troubles
mentaux de l‘enfant et de l‘adolescent rapporte des taux de prévalence globale
autour de 12% (INSERM, 2002).
65
psychoaffectifs, cognitifs ou sociaux. (Rutter, Shaffer et Sherperd, 1975). La multi-
axialité permet de faire coexister ces éléments, sans présager des mécanismes
étiologiques. Le modèle se revendique descriptif et non théorique. A partir du DSM III
en 1980, les catégories vont devenir « syndromatiques ».
Il faut cependant noter que penser et classer les maladies mentales ne peut se faire
sans une « façon de voir » l‘humain, son psychisme et son fonctionnement dans la
société. La fidélité inter-juge a été par contre grandement améliorée par ces
classifications et leurs définitions (Renou et al., 2004). Elles vont permettre de
développer largement la recherche épidémiologique, psychopharmacologique et
biologique, puisque des regroupements de patients plus homogènes deviennent
possibles, permettant leur comparaison (Renou et al., 2004) et les statistiques tel
qu‘annoncées d‘emblée dans le titre du DSM : Diagnostical and Statistical Manual for
Mental Disorder.
L‘instrument le plus ancien a été élaboré par Rutter en 1967 et présenté dans l‘article
« A Children‘s behaviour questionnaire for completion by teachers » mis à l‘épreuve
pendant son étude sur l‘île de Wight (Rutter, 1967). Achenbach en 1991 a publié
trois questionnaires, pouvant se croiser. Un adressé aux parents : Children Behavior
Checklist, un aux enseignants Teacher Reports Form (TRF) et un à l‘enfant : Youth
Self Report (YSR) (Achenbach, 1991a,b,c). Goodman en 1995 a actualisé le
questionnaire de Rutter : le Strength and Difficulties Questionnaire (SDQ) (Goodman,
1997). Ces instruments ne produisent pas directement de diagnostics, mais
mesurent des « symptômes psychopathologiques ». Ils sont cependant très utilisés
(Muris et al, 2003) et facilitent et standardisent le diagnostic lorsqu‘ils sont associés
à l‘examen d‘un clinicien.
66
l‘instrument. Ils sont validés pour porter un diagnostic dans des démarches
statistiques, sans nécessiter la présence d‘un clinicien. Ces procédés sont
avantageux pour les enquêtes épidémiologiques sur de larges échantillons et ont été
construits dans cet objectif et non pour poser un diagnostic à une personne
rencontrée.
Ces instruments utilisés pour établir des diagnostics en grand nombre sont des
questionnaires. Il s‘agit d‘« entretiens diagnostiques structurés ou semi structurés ».
Renou et al (2004) ont effectué une revue de la littérature afin de sélectionner et de
présenter les instruments actuels. Ils ont limité la sélection à ceux présentant 4
critères : 1/ Compatibilité avec les critères du DSM ou de la CIM ; 2/ Existence d‘une
étude de validation ; 3/ Publication dans des revues à comité de lectures ; 4/ Nombre
important de diagnostic exploré. Ils n‘ont retenu par ces critères que 6 instruments,
chacun présentant des intérêts et des limites. Deux instruments renvoient à des
entretiens structurés et quatre à des entretiens semi structurés.
Le Diagnostic Interview Schedule for Children (DISC) (Costello et al., 1982,1984) est
structuré. Il a été élaboré par le National Institute of Mental Health (Institut National
de Santé Mentale des Etats-Unis). Il a été révisé à plusieurs reprises depuis 1980,
suivant les évolutions des révisions du « DSM ». Shaeffer et son équipe on pu valider
la IVème version (Shaffer et al 2000). Sa fiabilité, son acceptabilité, sa validité et ses
performances ont été largement étudiés au cours de la MECA Study (Shaffer et al
1996), de façon multi-centrique. Il s‘agit de l‘instrument le plus utilisé.
Ils s‘adressent le plus souvent à plusieurs informateurs, les enfants eux même et les
parents ou certains professionnels familiers comme les pédagogues. Ils exigent une
rencontre, en général assez longue d‘une heure environ. Ils ont été testés, auprès de
grands groupes, avec une mesure de la fidélité inter-juge, de la fiabilité, de
67
l‘acceptabilité. Les études de validité montrent une concordance diagnostique avec
les cliniciens « faible à modérée », la fidélité inter-juge est « satisfaisante ». La
fidélité test-retest est par contre très variable de « médiocre » à « excellente »
(Renou et al., 2004).
Les troubles sont recherchés sur une période donnée : vie entière, un an, 6 mois ou
un mois. Les versions françaises sont rares. Le questionnaire semi-structuré K-
SADS-PL existe en français, mais exige qu‘un clinicien l‘utilise. Seul le DISC dans sa
version 2.3 est à la fois traduit en français et peut être utilisé par des non cliniciens
(Breton et al., 1996).
68
3.2.2 Epidémiologie psychiatrique auprès des enfants impliqués dans la protection
de l‘enfance.
Cette population est décrite très régulièrement comme étant à haut ou très haut
risque de pathologie mentale et de souffrance psychique (Frechon et Dumaret,
2008 ; Oswald et al, 2010 ; Pilowski et Wu, 2006 ; Rutter, 2000 ; Schmidt et al.,
2008 ; Ford et al., 2007), ayant de surcroit un accès insuffisant aux soins et une
utilisation peu appropriée des dispositifs spécialisés (Burns et al., 2004 ; Janssens et
Deboutte, 2009). Ils sont de la même façon peu étudiés en épidémiologie, d‘autant
plus qu‘ils bougent beaucoup d‘un lieu de vie à l‘autre et que leurs parents sont peu
accessibles pour informer les enquêteurs (Ford et al., 2007). Wolkind et Rutter ont
cependant publié dès 1973 l‘article Children who have been in care-an
epidemiological study (Etude épidémiologique auprès des enfants impliqués dans la
protection de l‘enfance) (Wolkind et Rutter, 1973).
Aux Etats-Unis, Pilowsky et Wu (2006) ont estimé que la plupart des enfants entrant
dans un système de placement ont été abusés ou négligés, et qu‘ils se sont souvent
manifestés par des comportements problématiques avant d‘y entrer. Les auteurs
veulent voir dans le placement d‘enfants un marqueur de haut risque
psychopathologique, en plus d‘être en soi une expérience particulièrement
stressante. Certains auteurs vont même jusqu‘à considérer que le système de
protection de l‘enfance devrait être de facto un « système de soin comportemental »
(behavioral care system), tellement le nombre d‘enfants et d‘adolescents ayant des
problèmes émotionnels et comportementaux cliniquement significatifs est important.
(Burns et al., 2004 ; Lyons et Rogers, 2004)
Par ailleurs, les enfants ayant un tempérament difficile seront plus vulnérables vis-à
vis des troubles des interactions parents - enfants (Rutter, 1984). Enfin, l‘existence
de troubles émotionnels, du comportement ou du développement chez un enfant
69
peut provoquer ou aggraver un dysfonctionnement familial. Les liens entre les
troubles psychiques de l‘enfant et le fonctionnement familial sont étroits et complexes
: les troubles peuvent être partiellement cause et conséquence de façon
concomitante de dysfonctionnement familial. La désorganisation familiale et surtout
l‘attachement insécure sont beaucoup plus directement en cause dans le
développement des problèmes psychologiques des enfants que la faiblesse du
niveau socio-économique (Graham et Easterbrooks, 2000).
70
Les études présentant spécifiquement des diagnostics psychiatriques se référant au
DSM ou à la CIM sont par contre plus rares. La revue de la littérature nous a permis
d‘isoler 9 articles.
Tableau 1
71
-DISC : Diagnostic Schedule for Children (Shaffer, 2000)
Les taux varient de 37% à 59,9%. Les instruments sont différents, ainsi que les âges
étudiés, mais les taux restent très significativement plus élevés qu‘en population
générale estimés autour de 12% (Inserm, 2002 et Fombonne, 2005). Les taux les
plus élevés sont relevés dans les foyers sociaux (residential group homes), avec
59,9% retrouvé dans l‘étude allemande (Schmidt et al., 2008) et 96% dans l‘étude
de Mc Cann et al., en Angleterre, évoquant la possibilité que les foyers reçoivent les
enfants les plus perturbés ou que ce dispositif peut dégrader l‘état pathologique des
enfants. Cependant il n‘est pas possible d‘isoler les facteurs de choix entre un foyer
et une famille d‘accueil lors d‘un placement comme nous l‘avons précisé plus haut.
72
Comme nous l‘avons largement présenté, les dispositifs de placement ne sont pas
comparables d‘un pays à l‘autre. Il n‘existe pas à notre connaissance de travaux
ayant étudié la prévalence des troubles mentaux chez les adolescents impliqués
dans les dispositifs de protection de l‘enfance en France. Nous avons donc réalisé
une étude auprès d‘enfants placés en France.
3.2.3 Epidémiologie des troubles mentaux chez les adolescents vivant en foyers
sociaux dans le département des Bouches-du-Rhône.
Nous avons voulu estimer la prévalence de certains troubles mentaux chez les
adolescents hébergés dans des foyers sociaux dans le département des Bouches-
du-Rhône.
1/ Population ciblée
L‘étude a porté sur les adolescents de 13 à 17 ans (inclus) vivant en foyers sociaux
en juin 2005 pour la ville de Marseille et en juin 2006 pour le reste des Bouches-du-
Rhône. Ces adolescents étaient répartis dans 42 foyers du département. Suivant ces
critères d‘inclusion, 643 adolescents étaient recensés sur les fichiers administratifs.
2/ Outils
73
développé par le National Institute of Mental Health américain. Il est utilisé et mis à
jour régulièrement depuis 1979 (Shaffer et al., 1991 ; 2000). C‘est l‘entretien
diagnostique qui a été à ce jour le plus largement utilisé chez l‘enfant et l‘adolescent
(Renou et al., 2004). L‘acceptabilité et la fiabilité ont été étudiées (Shaffer et
al.,1996). Le statut de l‘enquêteur (clinicien ou profane), n‘a pas d‘effet sur la fiabilité
grâce à l‘organisation hautement structurée du DISC (Breton et al., 1998).
Nous avons utilisé la version française allégée qui avait structuré l‘enquête
québécoise sur la santé mentale des jeunes (Bergeron et al., 1992 ; Valla et al.,
1994 ; Breton et al., 1999). Le DISC 2.25 français montre une bonne concordance
avec les diagnostics des cliniciens, une cohérence interne acceptable et une fiabilité
test/retest d‘un niveau raisonnable à bon (Breton et al., 1998).
Les diagnostics étudiés correspondent aux critères du DSM III-R (APA, 1987), le
DISC IV (critères du DSM IV, APA, 1994) n‘existant pas actuellement en français.
Les troubles sont explorés au cours des 6 derniers mois. Le trouble schizophrénique
n‘est pas exploré en temps que tel. Le DISC propose le dépistage de symptômes
psychotiques (« psychosis screen ») répartis en signes pathognomoniques et non
pathognomoniques.
74
Troubles anxieux (TA) : phobie simple, phobie sociale, agoraphobie, trouble
panique, trouble anxiété de séparation, anxiété généralisée, trouble
obsessionnel compulsif (TOC)
Trouble du comportement alimentaire (anorexie, boulimie) (TCA)
Enurésie (EN)
Dépression majeure (DM)
Hyperactivité avec déficit de l‘attention (THADA)
Trouble des conduites (TC)
Symptômes psychotiques (psychosis screen) (avec 1 signe pathognomonique
/ au moins 3 signes non pathognomoniques) (SP)
3/ Déroulement de l’enquête
L‘enquête s‘est déroulée en deux temps : les adolescents vivant dans les foyers de
Marseille ont été rencontrés au cours du mois de juin 2005 et ceux vivant dans le
reste du département au cours du mois de juin 2006. Les enquêteurs étaient des
étudiants des deux instituts de formation des travailleurs sociaux de Marseille,
formés à l‘utilisation du questionnaire diagnostique DISC. Il a été vérifié
systématiquement que l‘adolescent n‘avait pas déjà été rencontré par un autre
enquêteur.
L‘objectif de l‘enquête a été présenté aux adolescents par leurs éducateurs familiers
mais aussi par l‘enquêteur avant la rencontre. Leurs parents ont été informés par
courrier du déroulement, des objectifs de l‘enquête et de leur possibilité de la refuser.
L‘enquête a fait par ailleurs l‘objet d‘une déclaration à la Commission Nationale
Informatique et Liberté. Un entretien structuré avec chaque adolescent a permis de
recueillir les informations nécessaires à la cotation du questionnaire DISC 2.25.
75
Les rencontres avec les adolescents ont été difficiles à organiser. D‘abord, les
chiffres d‘adolescents obtenus par l‘administration ne correspondaient pas à celui
déclaré par les directeurs d‘établissement au moment de l‘enquête, qui était moindre,
et variable d‘un jour à l‘autre. Par ailleurs, les rendez-vous avec un adolescent au
sein de son foyer, nécessitaient plusieurs tentatives et parfois plusieurs passages de
l‘enquêteur. L‘absence au rendez-vous était souvent non expliquée. Nous
développerons dans la discussion les conséquences de ces difficultés.
L'analyse a été réalisée à l'aide des logiciels SPSS version 15 et SAS version 9.1.
Les algorithmes du DISC 2.5 ont permis d‘identifier pour chaque individu la présence
ou non de chacun des troubles explorés. Une analyse comparative a été conduite
entre les sujets inclus et les sujets éligibles non inclus. La comparabilité des groupes
a été testée à l‘aide de tests du Khi-2 ou exacts de Fisher pour les variables
qualitatives, en fonction des conditions d'application.
Le taux de prévalence pour chaque trouble a été exprimé sous la forme d‘une
proportion, en divisant le nombre d‘individus présentant ce trouble par l‘effectif total
de la population incluse dans l‘étude. Pour chaque taux obtenu à partir de
l‘échantillon d‘étude, un intervalle de confiance à 95% a été calculé à l‘aide de la
76
méthode quadratique de Fleiss (Fleiss,1981). Les taux de prévalence des troubles
ont été comparés en fonction du genre de l‘adolescent.
3.2.3.2 Résultats
L‘échantillon enquêté est composé de 106 garçons et de 77 filles (sexe ratio 0,58).
L‘âge moyen est de 15,3 ans (min 13-max 17,5 ; écart-type 1,4) ; 57% vivent dans
des foyers de Marseille, le reste dans d‘autres villes des Bouches-du-Rhône.
Tableau 2
Taux de prévalence des troubles mentaux au cours des 6 derniers mois chez 183
adolescents hébergés dans des foyers sociaux
1
Symptômes psychotiques (3NP/1P) 34 (23/26) 18,6(12,5/14,5) 13,4-25,1
Symptômes psychotiques : Chiffre global suivi de la sous section « au moins trois signes Non Pathognomoniques » (3NP) puis
« au moins un signe pathognomonique » (1P)
77
Les troubles mentaux sont significativement plus élevés chez les filles versus les
garçons (64,9/36,8), plus de comorbidités psychiatriques(40,2/11,3), plus de troubles
anxieux (49,3/13,2) et plus de dépressions majeures (27,3/5,6) que les garçons.
Tableau 3
TCA 0 0
Représentativité de l’échantillon
Nous avons pu rencontrer 183 adolescents (soit 28% des adolescents recensés) lors
de nos multiples déplacements au sein des foyers. Nous n‘avons reçu aucun refus
d‘adolescent à qui l‘enquête a été proposée, ni de leur parents. Les adolescents non
rencontrés correspondent à une différence entre le nombre de sujets recensés et
ceux présents de façon effective au moment des différentes venues des enquêteurs :
78
adolescents déplacés de façon inopinée, en fugues, perdus de vue ou pour lesquels
aucune information n‘était disponible.
Les taux de prévalence des troubles mentaux communs chez les adolescents sont
décrits en population générale avec des variations. Des différences d‘outils, de
méthodes comme la prise en compte ou non de l‘entretien parental, de la période
d‘apparition des troubles (période actuelle ou rétrospective, 3, 6 ou 12 mois), les
tranches d‘âge concernées rendent nécessaires des comparaisons prudentes et
attentives. Il existe un travail important, sans cesse actualisé, réalisé pour construire
des repères acceptables de prévalence à des fins de comparaison.
79
L‘INSERM en 2002 proposait un taux de 12,5% (enfant et adolescent) en synthèse
de son expertise collective sur les troubles mentaux chez l‘enfant et l‘adolescent. En
1998 Roberts et ses collègues réalisent une revue de la littérature de 52 études
concernant les adolescents et retiennent un taux de prévalence de 18 à 20%. Dans
une récente mise à jour par une revue des publications des 10 dernières années,
Costello et al. (2005) montrent des taux de prévalence tous troubles confondus chez
les 9 -16ans à 13, 3% pour les 3 mois passés. Fombonne (2005) dans une revue de
la littérature fait apparaître des taux moyens autour de 15%. Verhulst (1995) dans
une revue de 49 études de 1965 à 1993 retient un taux moyen de 12,4% pour tous
les troubles.
Romano et al. (2001) avec le même instrument et à partir des données de la même
étude québécoise trouve pour les adolescents un taux global de 22,7%. En utilisant
le DISC IV (la dernière version anglaise du DISC), Roberts et al (2006) ont réalisé
une étude de prévalence des troubles mentaux chez les adolescents d‘une large
zone urbaine à Houston aux USA. Le résultat pour les 12 derniers mois est de
17,1%. De même, à Porto Rico, avec le DISC IV pour les 12 derniers mois, Canino
(2004) décrit des taux à 19,8%.
Notons enfin que nous n‘avons pas recherché certains troubles : les troubles des
apprentissages, les retards de développement intellectuel et les abus de substances.
Ces diagnostics ne sont donc pas inclus dans notre taux.
Le taux global de troubles (48,6%) au cours des 6 derniers mois, retrouvé dans
notre étude est donc globalement 2 à 3,5 fois plus élevé que dans la population
générale des adolescents.
80
Dépression majeure 14,8% IC=[ 10,1-20,9]
Le taux le plus élevé retrouvé dans la revue de littérature pour ce trouble (dépression
au cours des 6 derniers mois) est 6% (INSERM, 2002, citant Reinherz et al, 1993).
Fombonne (2005) retient 3%. Le taux observé dans notre étude est 2,5 à 5 fois plus
élevé.
Dans notre étude 2/3 des adolescents pour lesquels est rapporté ce trouble
présentent des troubles associés et la moitié d‘entre eux plus de 2. Enfin ce trouble
est observé dans la totalité des cas présentant 5 ou 6 troubles associés.
81
L‘expertise collective de l‘INSERM sur le trouble des conduites retient un taux de
prévalence pour l‘adolescence entre 3 et 9% (INSERM , 2005, p24). Par ailleurs,
nous retrouvons une co-morbidité élevée, pour plus de la moitié des cas comme cela
est régulièrement décrit (INSERM, 2005, p43). Ce trouble présente une
augmentation modérée par rapport à la population générale.
Les TOC et l‘énurésie sont rares à l‘adolescence, leur prévalence est respectivement
inférieure à 1% (INSERM, 2002, p 25, Fombonne, 2005) et à 2% (Wena et al 2006).
Concernant les TCA, l‘anorexie mentale est très rare (moins de 0,2% chez la fille et
quasiment inexistante chez le garçon) (Fombonne, 2005). La boulimie est plus
fréquente mais reste inférieure à 1%, en particulier chez la fille (Fombonne, 2005).
Notre échantillon de 183 personnes dont 77 filles est suffisamment faible pour
expliquer l‘absence de dépistage de ces troubles par le hasard.
En revanche, l‘absence de ces troubles permet d‘envisager qu‘il n‘existe pas une
élévation globale et homogène des troubles chez les adolescents placés. La
prévalence de certains troubles comme les troubles anxieux (TA), la dépression
majeure (DM) et les symptômes psychotiques (SP) est très élevée, alors que
d‘autres troubles comme le trouble des conduites (TC) et le trouble de l‘hyperactivité
avec déficit de l‘attention (THADA) présentent une élévation modérée ; enfin les
TOC, les TCA et l‘énurésie ne montrent aucune élévation. Cette population présente
un profil pathologique spécifique.
Prévalences des troubles mentaux chez les adolescents impliqués dans les
dispositifs de protection de l’enfance, retrouvées dans d’autres pays
Des taux de prévalence comparables à nos résultats sont retrouvés dans plusieurs
études réalisées récemment chez des adolescents des milieux socio-éducatifs ou
impliqués dans un dispositif de protection de l‘enfance (cf au chapitre 3.2.2). Dans
l‘état du Missouri (USA), Mac Millen et al (2004) ont évalué la prévalence des
troubles mentaux chez les adolescents de plus de 17ans placés : 62% ont présenté
un trouble dans leur vie et 37% dans l‘année passée.
82
En Californie, Garland et al (2001) avec le DISC évaluent à 42% la prévalence des
troubles chez des enfants impliqués dans la protection de l‘enfance. En Pensylvanie,
Harman et al. (2000) montrent que les enfants de la protection de l‘enfance ont,
selon les diagnostics psychiatriques, 3 à 10 fois plus de troubles. Au Royaume Uni,
Mc Cann et al (1996), Meltzer et al. (2003) puis Ford et al. (2007) rapportent des
taux compris entre 45 et 67%. Plus récemment, dans les foyers sociaux allemands,
Schmidt et al. ont évalué la prévalence à près de 60%.
Même si les méthodes et outils de ces études ne sont pas identiques, leur résultats
vont tous dans le même sens et permettent d‘affirmer une prévalence des troubles
mentaux chez les enfants de la protection de l‘enfance très significativement
supérieure aux moyennes nationales au même âge.
Tableau 4
Taux de prévalence des troubles mentaux chez les adolescents placés comparés
aux adolescents en population générale
et Inserm 2003)
THADA 3.8 2
(psychoses avérées)
TOC 0 1
TCA 0 1.2
83
La surexposition féminine
En population générale, les TC et le THADA sont beaucoup plus fréquents chez les
garçons : le TC est 3 fois (Romano et al., 2001) plus fréquent et le THADA de 1,5 à
3 fois plus fréquent chez le garçon (Fombonne, 2005, Romano et al., 2001). Dans
notre étude, le TC est à peine plus élevé chez les garçons (17,9%) que chez les filles
(11,7%) ; on observe même une tendance inverse pour le THADA : 6,5% pour les
filles et 1,9 pour les garçons, même si la différence n‘est pas significative. Mac Millen
et al. (2004) montrent cette même absence de différence pour les TC et le THADA
chez les filles et les garçons impliqués dans la protection de l‘enfance.
S‘il existe des taux de prévalence supérieurs chez les filles en population générale,
cette augmentation est encore plus forte chez les adolescentes impliquées dans la
protection de l‘enfance. Les garçons se manifestant plus souvent par des troubles
externalisés et perturbateurs (Romano et al., 2001), ils pourraient être repérés puis
pris en charge plus tôt.
Nous proposons plus loin une analyse et des hypothèses plus détaillées pour rendre
compte de cette différence de genre.
Limites de l’étude
84
La taille de notre échantillon d‘étude constitue une des limites de ce travail. Elle
implique des IC encore importants. Cependant la plupart des études publiées
concernant des milieux similaires ont travaillé à partir d‘échantillons de taille
comparable : Mc Millen et al (2005) sur 373, Minnis et al (2004) sur 182, Mc Cann et
al(1996) sur 88.
Par ailleurs, notre travail repose sur l‘utilisation d‘un questionnaire diagnostique
structuré, le DISC, rempli par un enquêteur entraîné mais non clinicien et non sur
une évaluation diagnostique réalisée par un psychiatre. Cette approche permet de
conduire des enquêtes de prévalence en population dans des conditions de
réalisation pratique acceptable avec des résultats de bonne qualité dans la mesure
où cet instrument diagnostique a été largement validé et utilisé dans différentes
situations (populations générales dans plusieurs pays).
La prévalence des troubles mentaux chez les adolescents placés dans des foyers
sociaux des Bouches-du-Rhône est 2 à 3,5 fois plus élevée que dans la population
générale. Les troubles du comportement (notamment le trouble des conduites) n‘en
constituent qu‘une faible part. Les troubles anxieux et la dépression majeure sont
très fréquents ainsi que les tentatives de suicide. Il existe des éléments
particulièrement inquiétants représentés par le taux élevé des comorbidités, incluant
notamment les « symptôme psychotiques » retrouvés dans 18,6% des cas. Ceci
évoque l‘existence d‘un taux élevé (1/5) de trouble sévère et durable du
fonctionnement psychique chez ces adolescents. Enfin, les filles présentent
beaucoup plus de troubles que les garçons, augmentant encore leur classique sur-
représentation des troubles internalisés à l‘adolescence (TA, DM) et y ajoutant une
augmentation des troubles externalisés habituellement rencontrés plutôt chez les
garçons.
85
La prévalence des troubles explorés n‘est pas augmentée pour tous, évoquant la
possibilité d‘un profil pathologique spécifique. Malgré les limites de l‘échantillonnage,
l‘importante proximité des résultats avec les études de prévalence chez les
adolescents de la protection de l‘enfance conduites dans d‘autres pays renforce leur
validité. Ces adolescents partagent tous l‘existence d‘importants dysfonctionnements
familiaux, élément clairement reconnu comme facteur associé au développement des
troubles émotionnels et comportementaux chez les enfants et adolescents (Dadds et
Barret, 1996, Cichetti et Toth 1998).
Les troubles mentaux sont peu dépistés et peu traités au sein des foyers sociaux
comme s‘il était « normal d‘aller mal » dans ces situations, de façon comparable à ce
qui se rencontre dans les milieux de justice des mineurs mais aussi de la détention.
Cette étude n‘est pas suffisante pour une bonne connaissance de la
psychopathologie de ces adolescents et de leurs troubles. Mais parce que les
recherches épidémiologiques en France sur ce sujet sont inexistantes, elle contribue
à cette connaissance. Elle permet d‘affirmer le besoin de développer un corpus de
connaissances spécifiques sur le fonctionnement psychique de ces adolescents
évoluant en milieu socio-éducatif afin de proposer des dispositifs de soins adaptés à
leurs besoins en santé mentale.
86
87
88
89
90
91
92
3.3 Etude de la Qualité de vie des enfants placés
L‘étude de prévalence des troubles mentaux que nous avons menée auprès des
adolescents vivant en foyers, a pu être associée à l‘utilisation d‘un auto-
questionnaire explorant et mesurant la « Qualité de Vie » (QV). L‘étude de la QV
évalue des éléments subjectifs de vécu personnel définissant par exemple l‘estime
de soi, le bien-être psychologique ou physique auxquels on peut associer la mesure
d‘éléments objectifs comme le nombre d‘hospitalisations, le recours aux soignants ou
le nombre de redoublements ayant eu lieu ou d‘autres éléments subjectifs comme la
satisfaction d‘un lieu de vie, des croyances etc., si l‘on souhaite explorer les relations
existant entre QV et ces autres éléments, ou rechercher par exemple dans quelle
mesure ces éléments pourraient être des déterminants de la QV.
93
L‘aspect a priori contradictoire d‘objectiver des éléments subjectifs, a nourri quelques
débats peu féconds mais pourtant durables, organisés sur l‘opposition des
approches qualitatives et quantitatives ; ces deux approches renvoyant à deux
systèmes de représentations, par nature construits et imparfaits, que l‘on pourrait
considérer complémentaires (Auquier et al., 2006). La mesure de la QV n‘a pas pour
ambition de définir ce qu‘est la qualité de vie de façon globale et philosophique mais
« simplement de quantifier certains de ses attributs caractéristiques identifiés grâce à
des définitions opérationnelles (capacités physiques, psychiques, sociales,
relationnelles.) » (Auquier et al.,2006).
Les études incluant la QV sont nombreuses depuis une vingtaine d‘année. Le moteur
de recherche sciencedirect (moteur de recherche multidisciplinaire de l‘éditeur
scientifique Eselvier) montre plus de 200 000 articles reliés à la QV. Si l‘on croise le
mot clé QV avec « enfant » ou « adolescent », il en existe environ 20 000. 95% des
94
articles ont été écrits à partir de 1995, avec une augmentation continue du nombre
de publications de 1993 à 2011, qui a décuplé. Le thème associé le plus souvent
retrouvé est la maladie somatique chronique, et en particulier le cancer (thème
retrouvé dans près de la moitié des publications, sciencedirect). Les études
associant les troubles mentaux à la QV sont plus rares, 5% environ des articles reliés
à la QV.
La mesure de la qualité de vie liée à la santé (Health Related Quality of Life ) est une
démarche largement utilisée dans l‘analyse des situations d‘individus porteurs de
maladies chroniques, mais elle peut devenir un instrument d‘ « état des lieux »
sanitaire et de prévention auprès de populations vulnérables ou particulières, non
repérées malades. Siméoni et al (1997 ;1998 ; 2000 ; 2001) ont ainsi étudié en
France la population adolescente du département des Bouches-du-Rhône par un
auto-questionnaire de QV.
95
La mesure de la QV indiquerait un état général, que l‘on pourrait comparer au reste
de la population ou à d‘autres populations spécifiques. Cette mesure associée à
l‘étude de facteurs objectifs, pourrait permettre en plus de repérer des facteurs
déterminants sur lesquels les professionnels pourraient agir ou développer leur
vigilance lorsqu‘ils existent. Les thématiques de santé globale et perçue, explorées
par les instruments sont de plus particulièrement échangeables d‘une discipline à
l‘autre, construisant des données simplement utilisables dans de tels contextes
hautement multidisciplinaires.
Depuis le début des années 2000, une dizaine d‘études ont exploré la QV chez les
enfants placés. La QV est régulièrement abaissée, de façon globale et significative
(Damjanovic et al 2011, Carbone et al 2007, Akister et al, 2010). Si la satisfaction
des enfants est mesurée bonne dans leur parcours de placement (Wilson et Conroy,
1999), certains facteurs d‘état actuel ou d‘anamnèse sont mis en avant comme
facteur influençant spécifiquement la QV. Les troubles mentaux ou les « problèmes
en santé mentale » sont régulièrement rapportés comme un facteur dégradant
(Damnjanovic et al., 2011 ; Carbone et al., 2007).
Certaines équipes ont étudié la QV chez des adultes anciens enfants placés et les
facteurs prédictifs de QV à l‘âge adulte. Dumaret et al. (2011), ont étudié la situation
et l‘état de santé de 123 adultes ayant passé au moins trois ans placés dans les
« villages SOS » en France, dispositif de famille d‘accueil. Il apparaît que leur
insertion sociale générale est bonne, facteur influençant positivement la QV, mais
celle-ci se dégrade en cas de violences subies dans l‘enfance ou de la persistance
de troubles psychiques au-delà du placement. Aux Etats-Unis, Anctil et al (2007), ont
mis en évidence le lien entre abus sexuel et baisse très significative de l‘estime de
soi par l‘utilisation d‘outil de mesure de la QV. Les études de QV permettent donc
d‘isoler des facteurs associés à ses variations et doivent favoriser la prévention
primaire ou secondaire de ces facteurs.
96
domicile, stabilisant clairement le choix de déplacer les enfants hors de chez eux
dans des conditions objectivables.
Cependant, de la même façon que pour les études recherchant la prévalence des
troubles mentaux, les chiffres et les résultats ne sont pas aisément transposables
d‘un pays à l‘autre. Des différences notables existent selon les pays, même en
population générale (Michel et al, 2009). Les cohortes d‘enfants placés ne
représentent pas une population homogène et directement comparable, tant les
motifs de placement et les dispositifs alternatifs sont liés à l‘histoire, la culture et les
politiques publiques comme nous l‘avons montré plus haut. La QV, rapportant
principalement des éléments de santé perçue, subjectifs à partir d‘outils variés, les
valeurs ne sont là aussi pas immédiatement comparables.
Le sexe et l‘âge sont très régulièrement isolés comme facteurs modifiant l‘état de
santé et l‘expression des troubles (Michel et al., 2009). Notre étude de prévalence
des troubles mentaux a déjà constaté que les filles étaient beaucoup plus atteintes
que les garçons concernant les troubles internalisés et autant que les garçons pour
les troubles externalisés.
97
L‘existence de troubles ou de « problèmes » mentaux, dégrade directement la QV
des adolescents placés, comme l‘ont montré les études de Damjanovic et al. (2011)
ou Carbone et al. (2007). Ces résultats sont attendus, car les troubles mentaux
s‘expriment très largement dans le champ de l‘adaptation sociale et de la perception
de soi dans l‘environnement, thèmes organisateurs de la QV. Nous souhaitons
cependant mieux connaître les mécanismes de lien entre les troubles mentaux et la
QV. En effet, nous avons utilisé la catégorisation duelle « troubles externalisés »
/ « troubles internalisés » au cours de la description de la prévalence générale des
troubles mentaux dans cette population. Les troubles externalisés, correspondant
aux troubles de l‘hyperactivité avec déficit de l‘attention et aux troubles des
conduites, apparaissent principalement dans le champ de l‘agir visible, perturbant
directement l‘environnement humain ; alors que les troubles internalisés,
correspondant aux troubles anxieux et aux troubles de la dépression majeure,
devraient être associés, comme la clinique l‘évoque, à une dégradation de l‘estime
de soi et une perturbation de l‘autonomie. Notre hypothèse est que les troubles
internalisés perturbent la QV d‘une façon différente des troubles externalisés, ces
derniers « attaquant » directement l‘entourage.
Par ailleurs, il existe chez les enfants placés d‘autres facteurs que les troubles
mentaux pouvant perturber la QV : l‘échec scolaire, abus et négligences dans la
petite enfance, décès d‘un parent, famille monoparentale etc. Ces facteurs ne sont
pas nécessairement confondus avec l‘apparition de troubles mentaux, même s‘ils y
sont volontiers associés, et dans certains cas facteurs de risque. Ces facteurs
pourraient aussi dégrader spécifiquement la QV, sans être confondus avec
l‘influence des troubles mentaux. L‘étude de la QV chez les adolescents placés
permettra d‘isoler une éventuelle part spécifique des troubles mentaux dans sa
dégradation.
Nous avons étudié 183 adolescents (13-17ans) vivant en foyers dans le département
des Bouches-du-Rhône. Notre étude a deux objectifs : présenter la description de
leur QV et étudier l‘impact des troubles mentaux (TM) sur cette QV. Ces données
fourniront des éléments de réflexion pour affiner les actions de dépistage et de
traitement des troubles mentaux au sein de cette population spécifique.
98
3.3.4.1 Méthodologie
Echantillon de l’étude.
653 adolescents de 13 à 17 ans étaient enregistrés par l‘administration territoriale
des Bouches-du-Rhône (ASE) comme vivant en foyer entre juin 2005 et juin 2006.
Les adolescents francophones présents le jour programmé de la rencontre ont été
éligibles. Après obtention de l‘accord des parents et des sujets eux même, les
adolescents ont rencontré et ont été interrogés par des professionnels formés à l‘outil
DISC 2.25 (cf chapitre précédent présentant l‘‘étude de prévalence des troubles
mentaux). A la fin de l‘interview, un autoquestionnaire à été donné aux adolescents
pour obtenir les informations complémentaires.
Variables étudiées
Données descriptives
L‘autoquestionnaire complété par les adolescents eux-mêmes, a permis de récolter
les données suivantes : age, sexe, niveau scolaire (nombre de redoublements),
suicidalité (idées de mort et de suicide les six derniers mois, et tentatives de suicide /
vie entière), rencontres avec professionnels sociaux ou sanitaires, violences
physiques (victimes, auteurs ou les deux).
99
(E), performance scolaire (PS), estime de soi (E), vie sentimentale (VS) (Simeoni et
al. 2001, Sapin et al. 2005).
Les scores sont calculés de 0 à 100 ; plus le score est haut, meilleure est la QV. Des
données de références en population générale sont disponibles et peuvent être
utilisées pour la comparaison (Rajmil et al. 2006, Ravens-Sieberer et al. 2007)
Dans notre présente étude, les troubles ont été classés en troubles internalisés
(troubles anxieux, troubles de l‘humeur) et troubles externalisés (troubles des
conduites, troubles opposition provocation, hyperactivité avec déficit de l‘attention) et
autres.
Trois catégories ont été constituées selon l‘existence et le type de troubles mentaux :
- Absence de troubles mentaux
- Présence de troubles externalisés avec ou sans autres troubles
- Présence de n‘importe quel trouble à l‘exclusion de troubles externalisés
Analyses statistiques
Les données descriptives sont exprimées par des moyennes et dérivations standards
(DS) pour les variables quantitatives, et pourcentages pour les qualitatives.
Pour vérifier la représentativité de l‘échantillon, les variables démographiques et
cliniques ont été comparées entre le groupe des répondants et celui des non-
répondants.
Les tests de Chi Deux ou de Fisher ont été utilisés pour les variables quantitatives, et
les ―Student‘s Test‖ ou analyse de variance pour les variables continues. Une
analyse de covariance a été faite pour comparer les score de QV des répondants
avec les scores de la population française de référence, en ajustant l‘age et le sexe.
100
Les analyses univariées explorent les liens entre les scores de QV (VSPA) et les
troubles mentaux, l‘age, le sexe, en utilisant ANOVA ou le coefficient de correlation
de Pearson. Des analyses de Régressions Linéaires Multiples (Analyses
Multivariées) ont ensuite été réalisées pour étudier les liens entre la QV et les
troubles mentaux ajustés pour l‘âge et le genre, en associant le score de VSP-A
(p<0.30) avec les différentes catégories de troubles mentaux, d‘âge et de genre.
Chaque score de QV a été considéré comme une variable indépendante. Les
coefficients beta standardisés sont reliés avec les valeurs p correspondantes. Pour
chaque modèle, ils représentent un changement de dérivation standard des variables
dépendantes (QV) résultant d‘un changement d‘une dérivation standard des
différentes variables indépendantes.
3.3.4.2 Résultats
73 auto-questionnaires sur les 183 remis ont pu être exploités. Nous avons comparé
certaines caractéristiques des adolescents répondants et des adolescents non
répondants. Le sexe, l‘âge, la situation sociale et juridique, mais aussi la distribution
des troubles mentaux au sein des groupes répondants et non répondants. Nous
n‘avons pas relevé de différence significative.
101
Table 1: Comparaison des répondants/non répondants
Repondant au Questionnaire
Non (n=110) Oui (n = 73) p*
Donnée Socio-Demo
Age (ans)
<15 55 (50%) 43 (59%)
>= 15 ans 55 (50%) 30 (41%) 0.414
Ces taux sont beaucoup plus élevés que ceux retrouvés dans la population
adolescente générale au cours des enquêtes produites par le « Baromètre Santé
2005» (Beck, Guilbert & Gautier, 2007) : les 15/19 ans rapportent des « idées
suicidaires » dans 8,4% des cas (11,3 chez les filles et 5,7 chez les garçons). Cette
102
même source signale que 4,8% des adolescents ont effectué une tentative de
suicide (7,9% chez les filles et 2% chez les garçons).
Le niveau scolaire est globalement bas chez les adolescents des foyers, avec 10%
présentant un niveau « enseignement élémentaire », et 75 % d‘entre eux ayant
redoublé au moins une fois. Enfin le recours à des professionnels spécialistes
(médecin généraliste, psychologue ou psychiatre, infirmière, assistante sociale) est
de 50%.
103
Table 2 : Caracteristiques des 73 adolescents vivant en foyers
N (%) ou moyenne(+/-ds)
Age (ans) 15.4 (+/-0.4)
Genre
Garçons 43 (58.9%)
Filles 30 (41.1%)
Troubles mentaux
Troubles internalisés
Troubles Anxieux 19 (26.0%)
Dépression majeure 13 (17.8%)
Troubles externalisés(TE)
Troubles des conduites 10 (13.7%)
Trouble de l‘Hyperactivité/Déficit de l‘attention 3 (4.1%)
Symptômes Psychotiques 18 (24.7%)
Suicidalité
Idées de mort 6 derniers mois 24 (32.9%)
Idées de suicide 6 derniers mois 17 (23.3%)
Tentative de suicide vie entière 15 (20.5%)
Agression
Victime ou auteur 30 (40.4%)
Auteur non victime 8 (11.0%)
Victime non auteur 8 (11.0%)
Ni victime/ni auteur 27 (37.6%)
Redoublement à l’écolea
Jamais 18 (24.7%)
Une fois 40 (54.8%)
Deux fois 11 (15.1%)
Trois fois 1 (1.4%)
a
Nombre de valeur manquante (MV): MV=3.
Nous avons ensuite mesuré la QV pour cette population. Nous présentons les
résultats avec les indices comparés en population générale au même âge. L‘index
global de QV est significativement diminué chez les adolescents placés par rapport à
104
ceux de la population générale. Certains indices sont significativement diminués :
Energie/ Vitalité, Relations avec les amis, Relations avec les parents, Travail
scolaire, Vie sentimentale et sexuelle, Estime de soi ; contrairement à d‘autres
indices qui sont de niveaux comparables à ceux en population générale : bien-être
psychologique, bien-être physique, loisirs, relations avec les professeurs.
Table 3: Qualité de vie des adolescents vivant en foyers comparée à ceux de la population
générale
¹ Resultats pour les adolescents français de 13 à 17 ans (Simeoni et al. 2001, Sapin et al. 2005).
² VSP-A: Echelle de QV pour Adolescent (autoquestionnaire)
105
3.3.4.2.3 Impact des variables sexe, âge, « troubles mentaux externalisés et
non externalisés sur la QV des adolescents placés
Nous avons aussi étudié les effets du genre et de l‘âge. L‘âge n‘a pas impact
significatif. Par contre le genre montre des effets importants. La comparaison fille
versus garçon dans l‘analyse multi variée montre une différence significative en
défaveur des filles pour l‘Index Global, « énergie /vitalité », « bien-être
psychologique », « bien-être physique », « les relations aux amis » et « l‘estime de
soi ».
106
Table 4: Association entre la QV et les troubles mentaux, l’age et le genre des adolescents vivant en foyers (analyse univariée)
Index V Ps A L P Ph E PS E VS
mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R mds ou R
Troubles
mentaux ²
Aucun 57.25 ±10.3 58.92 ±26.4 80.68 ±19.1 60.71 ±24.2 55.74 ±22.6 41.22 ±25.4 79.22 ±16.9 59.46±26.3 51.35 ±29.2 83.45 ±27.4 30.39±33.8
TM sans TE 48.19 ±12.3 55.00 ±20.5 57.92 ±29.3 60.73 ±22.1 51.75 ±21.9 28.39 ±25.4 61.46 ±20.5 51.81 ±28.5 46.50±25.9 58.85 ±37.3 40.63±32.4
TE 42.10 ±12.6 50.45 ±24.2 49.09 ±25.8 54.09 ±26.8 55.68 ±26.2 31.25 ±26.8 68.18 ±12.9 34.10 ±29.4 21.59 ±20.2 53.41±38.3 34.09±38.3
P 0.000 0.568 0.000 0.700 0.781 0.145 0.001 0.032 0.008 0.004 0.866
Genre ²
Garçon 54.80 ±11.9 61.74 ±25.6 77.44 ±24.2 53.63 ±24.5 52.91 ±23.1 37.35 ±26.0 77.03 ±16.1 55.23 ±26.8 48.26 ±27.2 85.56 ±27.0 39.74 ±33.5
Fille 47.61±12.7 48.50 ±19.75 54.66 ±25.4 68.44±19.7 56.46 ±22.2 32.54 ±26.2 63.58 ±20.9 49.70 ±31.2 40.83 ±30.2 53.02 ±38.1 37.93±34.3
P 0.018 0.020 0.000 0.008 0.514 0.446 0.003 0.429 0.277 0.001 0.828
Age ¹
R -0.285 0.060 -0.292 -0.057 -0.101 -0.173 -0.289 -0.134 -0.070 -0.333 0.154
p 0.016 0.616 0.013 0.630 0.397 0.146 0.014 0.265 0.558 0.004 0.209
¹ Pour les variables continues, les résultats sont affichés en coefficient de correlation (R).
² Pour les variables qualitatives, les résultats sont affichés en mds
Valeur en gras p <0.30, seuil pour l’analyse multivariée
VSP-A: Autoquestionnaire pour Adolescent. Subscales: Vitalité (V), Bien être psychologique (Ps), Bien être physique (Ph), relations aux amis (A), loisirs (L),
relations aux parents (P), relations aux enseignants (E), performance scolaire (PS), estime de soi (E), vie sentimentale (VS)
DS Dérivation Standard.
TM : Trouble mentaux
TE : Trouble externalisé
107
Table 4: Association entre les troubles mentaux et la QV chez les adolescents vivant en foyers (Modèle de régression linéaire multiple)
Index V Ps A L P Ph E SP E VS
Β P β p β p β p β p β p β p β p β p β p β p
TM sans TE -0.25 0.04 -0.04 0.78 -0.27 0 .01 -0.08 0.53 -0.86 0.52 -0.19 0 .15 -0.32 0.01 -0.10 0.46 -0.06 0.66 -0.17 0.15 - 0.04 0.80
VS None
TM dont TE -0.39 0.00 -0.16 0.22 -0.38 0.00 -0.10 0.43 0.03 0.84 -0.10 0.44 -0.15 0.21 -0.31 0.01 -0.39 0.00 -0.23 0.04 -0.12 0.38
vs none
Age (an) -0.11 0.33 0.13 0.29 -0.09 0.38 -0.05 0.69 -0.10 0.44 -0.11 0.38 -0.15 0.21 -0.03 0.82 0.05 0.70 -0.19 0.09 0.19 0.15
Fille -0.22 0.04 -0.28 0.02 -0.35 0.00 0.33 0.00 0.11 0.38 -0.04 0.77 -0.25 0.02 -0.08 0.52 -0.13 0.25 -0.36 0.00 -0.43 0.73
(vs garçon)
R2 (%) 27.4 4.9 36.0 6.1 -3.1 1.10 21.4 4.8 9.7 26.1 -2.4
VSP-A: autoquestionnaire de QV, scores de 0 à 100. Vitalité (V), Bien être psychologique (Ps), Bien être physique (Ph), relations aux amis (A),
loisirs (L), relations aux parents (P), relations aux enseignants (E), performance scolaire (PS), estime de soi (E), vie sentimentale
Le coefficient beta standardisé représente les modifications (exprimées en unité de dérivation standard) des scores de QV résultant d’une modification
3.3.4.3 Discussion
Il n‘a a pas été possible de savoir à quel niveau la déperdition principale s‘est
déroulée : questionnaire non rempli car égaré, négligé ou jeté ? Questionnaire rempli
108
puis égaré ou mal récupéré ? Les difficultés de lecture et d‘écriture de certains
adolescents, mal objectivées au préalable par manque de données fiables dans les
dossiers, ont probablement défavorisé le remplissage du questionnaire. Choquet et
al. (1998, 2004), lors d‘une étude multicentrique par auto-questionnaire auprès des
adolescents suivis par la Protection Judiciaire de la Jeunesse, ont rencontré des
difficultés similaires avec une récupération des documents inférieure à 30%.
Pour la passation du DISC 2.25, les rencontres avec les adolescents au sein des
foyers avaient été très difficiles à organiser. Cependant aucune difficulté n‘avait été
décrite lors de leur déroulement effectif. Les enquêteurs n‘ont rapporté aucun signe
de rejet de la démarche par les adolescents, qui sont restés attentifs et participatifs
pendant les deux heures de passation, en face à face avec l‘enquêteur. Aucun
adolescent n‘a mis fin ou n‘a refusé la démarche. Le remplissage de l‘auto-
questionnaires, au contraire du DISC, n‘a par définition pas été accompagné, ce qui
est probablement l‘élément méthodologique défavorable le plus déterminant.
L‘accompagnement proximal et durable des adolescents par les professionnels est à
l‘évidence un facteur très influent sur leur participation à la démarche de recherche.
Les répondants ne se différencient pas des non répondants concernant le sexe, l‘âge
et la répartition des catégories de troubles, permettant ainsi d‘envisager une bonne
représentativité de l‘échantillon (tab 1).
109
dans la population adolescente générale au cours des enquêtes produites par le
« Baromètre Santé 2005» (Beck et al., 2007) : les 15/19 ans rapportent des « idées
suicidaires » dans 8,4% des cas (11,3 chez les filles et 5,7 chez les garçons). Cette
même source signale que 4,8% des adolescents ont effectué une tentative de
suicide durant leur vie entière (7,9% chez les filles et 2% chez les garçons), alors que
20% des adolescents des foyers répondants l‘ont effectué. Les facteurs de risques
psychosociaux sont surreprésentés chez les adolescents des foyers (Kayser et al.,
2011), comme nous l‘avons montré déjà pour le développement des troubles
psychiques dans cette population.
On note un taux équivalent entre les idées suicidaires et les tentatives de suicide
chez ces adolescents alors que les tentatives de suicide sont deux fois moindre que
les idées suicidaires en population générale. La suicidalité montre des spécificités
chez les adolescents des foyers, dont l‘analyse pourrait donner des pistes nouvelles
de prévention des passages à l‘acte.
L‘analyse quantitative du recours aux soignants pourrait nous aider sur ce sujet. Le
recours au soignant, en particulier somatique ou généraliste, est assez important
puisque 78% d‘entre eux ont consulté un médecin généraliste dans l‘année ; 47,9%
ont eu recours à un psychologue ou un psychiatre, 32,9% à une infirmière et 53,4% à
une assistante sociale.
II faut cependant relativiser ces résultats, en particulier concernant les avis ou les
consultations de psychologue ou de psychiatre. Des psychologues travaillent dans la
plupart des foyers sociaux, et sont en nombre dans les services de l‘aide sociale à
l‘enfance (une cinquantaine dans les Bouches-du-Rhône en 2011, chiffre
communiqué par l‘administration locale). Etant donné les perturbations
systématiques, de fait, du fonctionnement familial et les taux de prévalence de
troubles mentaux dépassant les 50%, et le chiffre de psychologues disponibles, le
chiffre de recours aux psychologues ou psychiatres inférieur à la moitié apparaît en
fait faible.
110
Cette population très vulnérable, en particulier concernant sa santé psychique devrait
bénéficier de dépistage systématique, mais surtout d‘intervention spécifique,
régulière et dédiée comme le montrent Milburn, Lynch et Jackson (2008) et Blower et
al. (2004).
Les propositions renvoyant à la qualité des relations avec les parents montrent des
indices dégradés. Les enfants sont placés avant tout en conséquence d‘un défaut de
protection parentale, installé par négligence ou mauvais traitement, impliquant une
perturbation des relations aux parents. Cet élément évoque que les adolescents ne
développent pas d‘idéalisation secondaire et compensatrice à la séparation. Par
contre, malgré un échec scolaire plus élevé qu‘en population générale comme le
montrent le niveau scolaire et le taux de redoublement à 75% contre 35% en
population générale (Choquet et al., 1998 ; 2005), la relation avec les professeurs
n‘est pas décrite de façon pire que pour la population générale. Nous pouvons
évoquer la capacité des adolescents à discriminer leurs relations aux différents
adultes, sans tendance à l‘amalgame ni à de simples projections sur les enseignants
des représentations conflictuelles concernant les parents.
Malgré les taux très élevés de prévalence des TM que nous avons précédemment
décrits pour cette population, le taux élevé de suicidalité, et la connaissance du
passé d‘abus et de négligences de ces enfants, certains scores ne sont pas
dégradés. Les adolescents placés ont rapporté des indices de « bien-être
psychologique » et de « bien-être physique » de même niveau qu‘en population
générale (tab 3), alors que les indices de vitalité, estime de soi, relations aux amis,
relations aux parents, vie affective et performance scolaire, évoquant une
dépressivité globale sont significativement abaissés.
111
Ces adolescents expriment « qu‘ils se sentent bien », alors que les questions
concernant leur fonctionnement social et scolaire rapportent une dégradation. Les
adolescents expriment paradoxalement une bonne représentation de leur état.
Notre étude montre un niveau d‘ «estime de soi» légèrement dégradé chez les
adolescents en foyer, alors que Blower et al (2004) en rapporte un taux préservé.
Ces auteurs réfléchissent à la notion d‘ « idéalisation défensive » pour expliquer
certains indices de QV élevés, évoquant la tendance de ces adolescents à se voir,
ou plutôt à se décrire mieux que ce qu‘ils sont. Cette idéalisation défensive pourrait
s‘appliquer aux indices de bien-être psychologique et physique. Davidson-Arad
(2004) a montré que la QV des enfants placés s‘améliorait en quelque mois après
leur placement, et qu‘ils étaient satisfaits de leur état. La différentielle de leur
situation avant et après placement peut agir favorablement dans la représentation
positive qu‘ils ont de leur état, malgré la persistance objective de leurs difficultés et
de leurs troubles.
Le mal être et les besoins en santé mentale s‘expriment de façon inhabituelle chez
les adolescents placés. Le faible « recours aux psy », qui pourtant sont présents
dans les dispositifs de protection de l‘enfance peut renforcer l‘idée qu‘il existe des
difficultés de dépistage de ces besoins et un défaut d‘offre adaptée.
L‘existence de TM dégrade l‘index global de façon importante, ainsi que les indices
« bien-être physique », « bien-être psychologique » et les relations aux enseignants.
Ces trois indices étaient ceux qui étaient préservés au sein de la population globale
des adolescents placés. L‘existence de la dimension externalisée ou pas des
troubles impliquent des modifications dans le vécu et l‘expression des difficultés
personnelles. Lorsque les troubles ne sont pas externalisés, l‘estime de soi n‘est pas
dégradée, contrairement au bien-être physique et psychologique. Lorsque le trouble
est externalisé, l‘impact négatif sur la QV est significativement plus élevé encore et
montre une dégradation de l‘estime de soi ; par contre il n‘y a pas de dégradation du
« bien-être physique » au contraire des troubles internalisés. Les troubles
externalisés ont l‘impact négatif le plus important sur la qualité de vie des
adolescents placés. Ces troubles perturbant directement l‘environnement, pourraient
être par contre plus facilement repérés, à condition que cette perturbation soit
112
comprise par les professionnels comme un symptôme possible de troubles,
impliquant une formation spécifique.
L‘analyse de l‘impact des différents troubles mentaux sur les indices de QV montre
aussi la complexité de la clinique chez des adolescents qui, malgré des troubles
avérés, peuvent exprimer une estime de soi ou encore un bien-être physique de
même niveau que ceux n‘en présentant pas.
Les filles rapportent des scores de QV plus bas et présentent des indices de bien-
être psychique et physique, une estime de soi et un Energie/Vitalité significativement
diminués par rapport aux garçons. Ces indices sont associés directement à la notion
de dépressivité. Les filles dans les foyers vont à l‘évidence plus mal que les garçons,
mais semblent par contre mieux l‘exprimer ou se le représenter qu‘eux. Cette
différence de dégradation de l‘état de santé mentale en nette défaveur des filles a
été aussi décrite par Choquet et al au cours des études des adolescents de la
Protection Judiciaire de la Jeunesse (Choquet et al., 1998 ; 2005).
Les filles des foyers cumulent des « troubles de filles » et des « troubles de
garçons ». Il est possible que les troubles externalisés soient des facteurs favorisant
le placement en foyer, car ils perturbent l‘environnement qui aura plus facilement
tendance à chercher une solution, notamment d‘« évacuation », expliquant la
présence au sein des foyers de nombreuses filles présentant de tels troubles. Ces
troubles ont un impact important sur l‘index global et l‘estime de soi, les
performances scolaires et les relations aux enseignants. La sur-représentation des
troubles internalisés rencontrée classiquement chez les filles peut par contre
expliquer ou être associée à la dégradation des « bien-être » physique et
psychologique comme l‘évoque l‘analyse multi variée.
113
Il faut enfin poser quelques précautions pour l‘utilisation des résultats. De la même
façon que pour l‘étude de prévalence, les résultats ne permettent pas de déduire
directement quels moyens spécifiques ou quels programmes de soin sont nécessaire
à développer. Les chiffres de prévalence d‘un trouble mental ne sont pas
superposables au besoin de soin, et le trouble défini par les études n‘établi pas qu‘il
est « cliniquement significatif » (Falissard, 2010). Ces résultats indiquent par contre,
qu‘il faut aller y voir plus prés, car les troubles mentaux dépistés chez ces
adolescents et leur suicidalité est bien plus importante qu‘en population générale
selon les mêmes critères. Il sera en revanche de rencontrer cliniquement chaque
adolescent si l‘on veut définir un projet de soin qu‘il faudra mettre en place au niveau
individuel. Ces études nous indiquent les grandes tendances et l‘état d‘une
population donnée, permettant de mieux connaitre leur fonctionnement global et de
préparer des modifications de pratiques.
3.3.4.4 Conclusion
Par ailleurs, les troubles mentaux présents chez la moitié de notre population ont un
impact important sur l‘indice global de QV, en particulier les troubles externalisés. La
diminution de l‘indice de bien-être psychologique est ici significative quelque soit le
114
type de trouble mais d‘autres indices pour lesquels la présence de trouble ferait
attendre une dégradation (estime de soi, bien-être physique) varient selon le type de
troubles, rendant difficile leur utilisation pour les dépister. Les filles ont une QV et des
indices de dépressivité plus dégradés que les garçons, mais expriment mieux leurs
difficultés.
115
Quality of Life and mental disorders in adolescents living in residential group
homes of the French Child Welfare System
Pascal Auquier M.D., Ph.D, Marcel Rufo, M.D, Ph.D and Marie-Claude Siméoni, M.D,
Ph.D.
Dr. Bronsard is the Director of the Adolescent House and the Medico-Psycho-
France.
Dr. Anderson Loundou is with the Methodological Support Unit for Clinical Research
Pr. Pascal Auquier is Chief of the Laboratory of Public Health (EA 3279) of the
Pr. Marcel Rufo is Chief of the Adolescent Psychiatry Service of the Universitary
116
Correspondence to Dr Guillaume Bronsard, 169 rue Paradis, 13006 Marseille,
France.
117
Abstract
We purpose to measure the Quality of Life (QoL) of adolescents living in residential
group homes (RGHs) and to determine the links between QoL and the presence of
mental disorders (MDs) in this population. Despite their higher rates of suicidality
and mental disorders, their lower school performance, their history of lasting and
severe familial dysfunction, and their overall poorer global indices of QoL, RGHs
residents did not show significant differences in Physical Well-Being, Psychological
Well-Being or their Relationships with Teachers when compared with the general
adolescent population.
Key Words : Adolescent; Quality of Life; Mental Disorders; Child Welfare System ;
Residential Group Homes
118
Introduction
Approximately 250,000 French children are serviced by the Child Welfare System.
Over half of these children (135,000) are placed in out-of-home care and are living
outside their family or birth home. These children are placed either in foster care
homes or in residential group homes, according to a host of poorly standardized
guidelines, including the location of residence, the availability of hosting homes and
the background of the professionals involved in the decision making process
(Bailleau & Trespeux, 2008). Placement depends upon an evaluation of family
functioning by the local services of the Child Welfare System. Children are typically
from homes where parental care is considered so poor that it endangers the child‘s
typical, healthy development. Such dangers encompass abuse, neglect and/or any
severe or lasting family dysfunction that results in inconsistency in the child‘s basic
care.
RGHs residents are a particularly vulnerable population, and those few studies
providing information about the quality of life (QoL) of placed adolescents have
shown that their QoL is significantly impaired relative to adolescents not involved in
119
the Child Welfare System (Damnjanovic , Lakic, Stevanovic &Jovanovic, 2011 ;
Carbone, Sawyer, Searle & Robinson, 2007 ; Akister, Owens & Goodyer 2010 ;
Davidson-Arad, Englechin-Segal & Wozner, Y., 2003 ; Davidson-Arad, 2005 ;
Davidson-Arad & Kaznelson, 2010).
Davidson-Arad & Kaznelson (2010) suggested that changes in children‘s QoL would
be an informative outcome measure to assess the benefits of child placements. QoL
measurements produce information about an individual‘s satisfaction or happiness in
various life domains that affect, or are affected by, health. By detecting impairments
of well-being and functioning based upon how children and adolescents perceive
their own situation, this outcome measure may be more sensitive to the specific
health needs of this population.
Identifying which factors impact QoL in these adolescents will help to determine
potential targets for professional intervention and, eventually, for public health or
social policy. Identifying risk-factors may also help to identify those adolescents likely
to experience lower QoL and who will require additional professional support.
Demographic risk factors may include age or gender (Brice, L., Weiss, R., Wei, Y.et
al., 2011 ; Pereira&Cavarro, 2011 ; Michel et al., 2009 ; Bisegger, Cloetta, von
Rueden, Abel & Ravens-Sieberer, U., 2005 ; Belloch, Perpiñá, Martínez-Moragón,
de Diego & Martínez-Francés, 2003).
Several studies have also identified the presence of concurrent mental disorders as a
risk factor for low QoL in placed adolescents (Damnjanevic et al., 2011 ; Carbone et
al., 2007). Dumaret, Guerry & Crost (2011) found that adults placed longer than 3
years during childhood reported good social integration except when they were the
victims of violence during childhood or when a concurrent mental disorder was
present. Some symptoms of mental disorders can be expressed in domains directly
assessed by QoL, including interpersonal relationships, social adjustment and self-
perception. Other factors that are likely to worsen QoL, even in the absence of
mental disorders, include the following: a history of sexual abuse (Anctil, Cubbina,
O‘Brien, Pecora & Anderson-Harumi, 2007), a history of violence (Dumaret et al.
2011) and/or a history of living in a dysfunctional family (Davidson-Arad, 2010).
Finally, the relationship between mental disorders and QoL could differ or be
120
mediated by their internalized or externalized nature. A better understanding of the
relationship between mental disorders and QoL in this context would benefit placed
adolescents and improve preventative health and care. Nevertheless, to our
knowledge, the specific role of mental disorders in the QoL of placed adolescents has
never been explored using standardized validated measurement. We include such
measures both for QoL and for the presence of concurrent mental disorders.
However, QoL ratings in general may be inconsistent across different countries and
cultures (Michel, Bisegger, Fuhr, & Abel, 2009), and they may vary even more among
adolescents receiving Child Welfare Systems services (Bronsard et al. 2011). To our
knowledge, no previous study has measured the QoL of placed adolescents in
France using standardized validated tools.
The main purpose of this study was to compare the QoL of adolescents living in
residential group homes with that of adolescents not involved in the child welfare
system. We also explored links between mental disorders and QoL in placed
adolescents, taking into account age and gender differences.
Adolescents who were able to speak French, who were present on the day when the
interview was planned and who agreed to participate were eligible for the study. After
obtaining consent to participate in the study from adolescents and their parents, the
adolescents were interviewed by trained researchers. At the end of the interview,
adolescents completed a self-administered questionnaire. This study was declared to
and received approval from the ―Commission nationale de l'informatique et des
libertés‖ (National Committee of informatics and liberties) and from the appropriate
local authorities (The Child Welfare administration of the county of the Bouches-du-
Rhône). It was conducted according to the terms and conditions specified by the
Helsinki Declaration on human subjects testing. The inclusion procedure resulted in a
121
sample of 183 adolescents. No significant differences were found between the
included population and the population not included in the study with respect to major
confounding factors registered in the administrative census (Bronsard et al. 2011).
Fig 1
Study variables
Data collection was two-fold:
- The first set of variables consisted of a self-administered questionnaire
completed by the adolescents and demographic/health variables including
the following: age, gender, school performance (repetition of school year),
suicidality (death/suicidal ideations during the 6 past months and suicide
attempts throughout life), visits to health or social/professional caregivers,
violent behaviors including physical aggression, theft, insult, or sexual
abuse (as either victim or perpetrator during the last year), and the QoL
questionnaire (VSP-A, Sapin, Simeoni, El Khammar, Antoniotti& Auquier,
2005).
QoL was assessed with the 39-item self-administered VSP-A questionnaire (Vécu et
Santé Perçue de l‘Adolescent, Sapin et al., 2005), which was specially designed for
adolescents. In addition to dimension-specific scores (V, Vitality; Ps, Psychological
Well-Being; F, Relationships with Friends; L, Leisure Activities; P, Relationships with
Parents; Ph, Physical Well-Being; T, Relationships with Teachers; SP, School
Performance; SE, Self Esteem; SL, Sentimental Life), a global QoL index score was
computed (Simeoni, Sapin, Antoniotti & Auquier, 2001 ; Sapin et al., 2005). Scores
ranged from 0 and 100; the higher the score, the better the QoL. Reference values
for the general adolescent French population (aged 13 to 17 years) are available
(Rajmil, Alonso, Berra et al., 2006; Ravens-Sieberer, Auquier, Erhart et al., 2007) and
can be used for comparison.
122
Assessment of mental disorders
The French child-report version of the Diagnostic Interview Schedule for Children
(DISC 2.25) was used. The DISC is a structured psychiatric diagnostic interview for
children and adolescents aged 6 to 18 years and their parents. This tool was
developed and updated by the American Institutes of Mental Health and extensively
validated (Breton, Bergeron, Valla, Berthaume, & Saint Georges, 1998 ; Shaffer,
Fisher, Dulcan, et al., 1996 ; Shaffer, Fisher, Lucas, Dulcan & Swab-Stone, 2000.) It
is a widely used tool for children and adolescents (Breton, Bergeron, Valla et
al.,1999; Renou, Hergueta, Flament, Mouren-Simeoni & Lecrubier, 2004). The DISC
requires a face-to-face interview lasting about 1 h 30 min during which the interviewer
asks questions directly to the adolescent. Interviewer status does not affect DISC
reliability due to the highly structured organization of the DISC (Breton et al., 1998).
Seven diagnoses were explored: Anxiety Disorder (AD), Major Depression (MD),
Conduct Disorder (CD), Eating Disorder (ED), Nocturnal Enuresis (NE), Psychosis
Screen (PS) and Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD). Only diagnoses
that had been made in the last 6 months were studied. In addition to collecting data
on DSM-III-R diagnoses (American Psychiatric Association, 1987), DISC 2.25
questions were also used to assess any Suicide Attempts (SA) that had been made
during the lifetime of the adolescent. This was detailed in a previous paper (Bronsard
et al., 2011).
In this study, diagnoses were grouped into externalized disorders comprising conduct
disorders (CD) or attention deficit/hyperactivity disorders (ADHD), whereas
internalized mental disorders included anxiety disorders (AD) or mood disorders
(MD). The adolescent population was categorized into three major groups depending
on the existence and the nature of mental disorders as follows:
- No mental disorders.
- Presence of externalized mental disorders, with or without other mental
disorders.
- Presence of internalized mental disorders without any externalized mental
disorders.
123
Statistical analyses
Descriptive data were expressed as the means and standard deviations (SD) for
quantitative variables or counts and percentages for qualitative ones.
To determine the representativeness of the sample, demographic and clinical
variables for the children for whom a QoL evaluation was completed (responder
group) were compared with those of the non-responder group. Chi-squared tests or
Fisher‘s tests were used for qualitative variables, and Student‘s t-tests or analyses of
variance were used for continuous variables. Analyses of covariance were used to
compare the QoL scores of responders with those of the French reference population
(Ravens-Sieberer et al., 2007), adjusting for children‘s age and gender.
Univariate analyses explored the links between QoL scores (VSPA), mental
disorders, age and gender using ANOVAs or Pearson‘s correlation coefficients.
Multiple linear regression analyses were performed to study the links between
adolescents‘ QoL and mental disorders, adjusting for age and gender, including in
the regression those variables that were associated with VSP-A score with p <0.30.
Each QoL score was considered as a separate dependent variable. Standardized
beta coefficients are displayed with corresponding p-values. For each model, the
beta coefficients represent a change in the standard deviation of the dependent
variable (QoL) resulting from a change of one standard deviation in the various
independent variables. A higher standardized beta coefficient corresponds to a
greater relative effect of the independent variable on QoL. For each model, the
goodness of fit was expressed by the R-squared values.
All tests were two-tailed, and statistical significance was defined as p < 0.05.
Statistical analyses were performed using the SPSS Version 16.0 software package
(SPSS Inc., Chicago, IL, USA).
Results
Sample characteristics
Of the 183 adolescents included in the study, a subsample of 73 adolescents
answered the self-administered questionnaire (figure 1). Approximately 59% were
boys and 56% were more than 15 years old. Externalized disorders, as defined
above, were found in 15% of the study responders. One or more non-externalized
mental disorders were found in approximately one-third of responders, while the
124
remaining half had no reported mental disorders. Death or suicidal ideations were
present in about a quarter to a third of responders in the last 6 months, and one
adolescent in five had made a suicide attempt. More than a half of responders
reported that they had been the victim or the perpetrator of an injury during the past
year, and 40% declared themselves to have been both. Most adolescents (80%) had
visited a general practitioner at least once in the past year and almost 50% had also
visited a psychiatrist or a psychologist (Table 1). The 73 responders and 110 non-
responders to the self-administered QoL questionnaire did not significantly differ in
terms of age, gender or mental disorders.
Figure 1 : Participation in the study
125
Table 1: Characteristics of the 73 adolescents respondents living in residential group
homes
Gender
Boys 43 (58.9%)
Girls 30 (41.1%)
Mental Disorders
Internalized Disorders
Anxiety Disorders 19 (26.0%)
Affective Disorders 13 (17.8%)
Externalized Disorders
Conduct Disorders 10 (13.7%)
AttentionDeficit/Hyperactivity Disorder 3 (4.1%)
Psychosis Screen 18 (24.7%)
Suicidality
Death ideas during 6 last months 24 (32.9%)
Suicide ideas during 6 last months 17 (23.3%)
Suicide attempt during whole life 15 (20.5%)
Injury
Victim and perpetrator 30 (40.4%)
Perpetrator but not victim 8 (11.0%)
Victim but not perpetrator 8 (11.0%)
Neither victim nor perpetrator 27 (37.6%)
a
Repeating a school year any time
Never 18 (24.7%)
Once 40 (54.8%)
Twice 11 (15.1%)
Three times 1 (1.4%)
Mental Disorders have been established with the DISC2.25
126
QoL of adolescents living in residential group homes and French adolescents of
general population
Adolescents living in residential group homes (RGHs) reported their highest levels of
QoL in the Physical Well-Being dimension and their lowest levels in the dimensions
about Sentimental Life and Relationships with Parents. Given the standard
deviations, the dispersion of QoL scores was larger in the RGHs sample than in the
general population.
Adolescents living in residential group homes reported significantly lower perceptions
of their QoL than did the general adolescent population, as reflected by VSP-A Index
and dimension scores describing Self-Esteem, Vitality, Relationships with Parents,
Relationships with Friends, Sentimental life, and School Performance (Table 2).
Likewise, adolescents living in residential group homes tended to report lower scores
in Leisure activities than did those of the general population, although these
differences were not significant (p=0.072). However, their dimension scores
describing Physical Well-Being, Psychological Well-Being and Relationships with
Teachers, adjusted for age and gender, did not significantly differ from those of
adolescents in the general population (Table 2).
127
Table 2: Quality of life of adolescents living in residential group homes (RGHs) compared with the
general adolescent population
³ After adjustment for child‘s age and gender. Bolded values: p-value<0.05 was significant.
128
Quality of life and mental disorders
Even after adjusting for age and gender, the presence of mental disorders was
significantly and negatively associated with VSP-A Index and with five out of ten of
the dimension scores: Psychological Well-Being, Physical Well-Being, Self-Esteem,
Relationships with Teachers and School Performance (Tables 3 and 4). Having an
externalized disorder had a greater negative effect on most QoL dimensions
(Psychological Well-Being, Self-Esteem, Relationships with Teachers and School
Performance) than other types of mental disorders, except for the dimension of
Physical Well-being.
129
Table 3: Association between QoL scores and mental disorders, age and gender of adolescents living in residential group homes (univariate analyses)
Index V Ps F L P Ph T SP SE SL
msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R msd or R
Mental
disorders ²
None 57.25 ±10.3 58.92 ±26.4 80.68 ±19.1 60.71 ±24.2 55.74 ±22.6 41.22 ±25.4 79.22 ±16.9 59.46±26.3 51.35 ±29.2 83.45 ±27.4 30.39±33.8
MD excl ExtD 48.19 ±12.3 55.00 ±20.5 57.92 ±29.3 60.73 ±22.1 51.75 ±21.9 28.39 ±25.4 61.46 ±20.5 51.81 ±28.5 46.50±25.9 58.85 ±37.3 40.63±32.4
MD incl ExtD 42.10 ±12.6 50.45 ±24.2 49.09 ±25.8 54.09 ±26.8 55.68 ±26.2 31.25 ±26.8 68.18 ±12.9 34.10 ±29.4 21.59 ±20.2 53.41±38.3 34.09±38.3
P 0.000 0.568 0.000 0.700 0.781 0.145 0.001 0.032 0.008 0.004 0.866
Gender ²
Male 54.80 ±11.9 61.74 ±25.6 77.44 ±24.2 53.63 ±24.5 52.91 ±23.1 37.35 ±26.0 77.03 ±16.1 55.23 ±26.8 48.26 ±27.2 85.56 ±27.0 39.74 ±33.5
Female 47.61±12.7 48.50 ±19.75 54.66 ±25.4 68.44±19.7 56.46 ±22.2 32.54 ±26.2 63.58 ±20.9 49.70 ±31.2 40.83 ±30.2 53.02 ±38.1 37.93±34.3
P 0.018 0.020 0.000 0.008 0.514 0.446 0.003 0.429 0.277 0.001 0.828
Age (Years) ¹
R -0.285 0.060 -0.292 -0.057 -0.101 -0.173 -0.289 -0.134 -0.070 -0.333 0.154
P 0.016 0.616 0.013 0.630 0.397 0.146 0.014 0.265 0.558 0.004 0.209
VSP-A: Adolescent’s QoL reported by themselves; scores ranged from 0 to 100. Subscales: V : Vitality/ Ps : Psychological Well being/ F : Relationships with Friends/ L : Leisure Activitie
Physical Well-Being/ T : Relationships with Teachers/ SP : School Performance/ SE : Self esteem/ SL : Sentimental Life life/ Index : Global QoL index
130
Table 4: Association between mental disorders and quality of life in adolescents living in residential homes (multiple linear
regression models)
Index V Ps F L P Ph T SP SE SL
Β P β p β p β p β p β p β p β p β p β p β p
MD excl ExtD -0.25 0.04 -0.04 -0.27 0 .01 -0.08 -0.86 -0.19 0 .15 -0.32 0.01 -0.10 -0.06 -0.17 - 0.04
0.78 0.53 0.52 0.46 0.66 0.15 0.80
VS None
MD Incl ExtD -0.39 0.00 -0.16 -0.38 0.00 -0.10 0.03 0.84 -0.10 0.44 -0.15 0.21 -0.31 -0.39 -0.23 -0.12
0.22 0.43 0.01 0.00 0.04 0.38
vs none
Age (yrs) -0.11 0.33 0.13 0.29 -0.09 0.38 -0.05 -0.10 -0.11 0.38 -0.15 0.21 -0.03 0.82 0.05 0.70 -0.19 0.19 0.15
0.69 0.44 0.09
Female -0.22 0.04 -0.28 0.02 -0.35 0.00 0.33 0.00 0.11 0.38 -0.04 0.77 -0.25 0.02 -0.08 -0.13 -0.36 -0.43
0.52 0.25 0.00 0.73
(vs Male)
R2 (%) 27.4 4.9 36.0 6.1 -3.1 1.10 21.4 4.8 9.7 26.1 -2.4
VSP-A: Adolescent’s QoL reported by themselves; scores ranged from 0 to 100. Subscales: V : Vitality/ Ps : Psychological Well being/ F :
Relationships with Friends/ L : Leisure Activities/ P : Relationships with parents/ Ph : Physical Well-Being/ T : Relationships with Teachers/ SP
: School Performance/ SE : Self esteem/ SL : Sentimental Life life/ Index : Global QoL index
β, standardised beta coefficient; SD, standard deviation. The R-squared values indicate the goodness of fit of the model.
Standardised beta coefficient represents the change (expressed in SD units) in HRQL score resulting from a change of one SD in the independent variable
131
Discussion
Consistent with other studies (Davidson-Arad et al. 2010, Anctil et al. 2007, Carbone
et al. 2007, Damnjanovic et al., 2001), adolescents living in residential group homes
(RGHs) showed decreased overall QoL compared to the French general adolescent
population. In general, the presence of externalized mental disorders best predicted
a decrease in QoL scores.
The prevalence of violent behaviors in the study sample was much higher than in the
general French adolescent population, with about 40% of these adolescents being
both a victim and a perpetrator of violence. While victims of violence largely engender
societal compassion, the perpetrators typically face fear and rejection. Thus, the dual
role of these children, as both victims requiring compassion and perpetrators to be
feared, may be particularly difficult for adult caregivers and may lead to disorganized
attitudes. Addressing these inconsistencies and determining what matter of support
best benefits these individuals is critical for professionals caring for this population.
Likewise, the proportion of adolescents in RGHs reporting suicidal ideations was at
least twice that of the general adolescent population (Beck, Guilbert & Gautier, 2007)
and the rate of suicide attempts was about four times greater (Beck et al., 2007).
Moreover, the proportion of adolescents in RGHs with suicidal ideations was similar
to that of adolescents in RGHs who actually attempted suicide, whereas the reported
rate of suicidal ideation is typically twice that of actual attempts in adolescents in the
general population. Thus, the ―ideas of suicide‖ domain did not have the same
predictive value in the general adolescent population and more attention should be
paid to what factors favor adolescents in RGHs actually acting upon such ideas.
Most adolescents in the study sample had accessed health professionals during the
last year (at least one visit to a general practitioner, a psychiatrist or psychologist, or
a nurse). Many professionals are approached, but this does not necessarily mean
that health care provided to these adolescents was efficiently organized. Notably,
mental health care may be lacking, as only half of the participants had met with a
132
psychologist or a psychiatrist in the past year. The quality of health care follow-up for
these adolescents is hindered by their non-compliance and immobility.
The fact that these adolescents tended to show a more positive self-image than
expected might be linked to defensive idealization, as described by Blower, Addo,
Hodgson, Lamington & Towlson (2004). Another hypothesis, derived from the study
of Davidson-Arad (2005), relies upon the fact that the QoL of placed children
improved within a few months following the placement and that these children
reported satisfaction with their current status. This global satisfaction with the change
in their living situation could reinforce a more favorable self-perception, despite the
persistence of objective difficulties and mental health disorders.
Adolescents in were more than twice as likely to repeat a grade as those in the
general adolescent population (Choquet&Ledoux, 1994). Our findings suggest that
adolescents might be able to distinguish their relationships with the different adults
133
around them instead of projecting/transferring their conflicted parental relationships to
those with their teachers.
The presence of mental health disorders was negatively associated with overall QoL
but also with several dimensions between which no significant differences were found
between the study sample and the general adolescent population. These dimensions
included Psychological Well-Being, Physical Well-Being and Relationships with
Teachers. This finding underlines the importance of further investigations into
potential predictors of QoL in placed adolescents to provide these adolescents with
the best possible support and care.
Gender also predicted of QoL in our study sample. In accordance with previous
studies of both typically developing French adolescents and French adolescents in
the Juvenile Justice system, girls described lower QoL than boys in indices linked to
depression, including Physical and Psychological Well-Being and Self-Esteem
(Choquet, Hasler& Morin, 2005).
134
Second, the rate of adolescents participating in the self-administered questionnaire
did not exceed 40%. The reasons for this lack of response were difficult to identify.
While a handful of questionnaires were completed but lost afterwards, and others
were lost before completion, it is also likely that reading or writing difficulties in these
adolescents were underestimated. Non-response may result from a lack of adequate
written and oral support for completion. Nevertheless, main demographic
characteristics of responders were not different from non-responders, allowing for
satisfactory representativeness in the study sample. Such difficulties were reported
by Choquet, Ledoux, Hassler & Paré (1998) and in Choquet, Hassler & Morin (2004)
in studies of adolescents involved in the Juvenile Justice system, both of which with
had response rates around 30%.
Studying these adolescents requires proximity, which can be difficult and time-
consuming. Some authors suggest that this explains the dearth of scientifically-sound
data about these adolescents (Ford, Vostanis, Meltzer & Goodman, R., 2007 ;
Rosenfeld, Pilowsky & Fine et al.1997 ; Geen, Sommers & Cohen, 2005 ; Viner &
Taylor, 2005; Browne, Hamilton-Giachritsis, Johnson, et al., 2006).
Conclusion
Adolescents living in residential group homes report poor overall QoL, frequently
suffer from mental disorders (particular externalized ones) and have a high rate of
suicidal tendencies. Girls have overall poorer QoL than boys. However, this group of
adolescents does not express a self-reported deterioration of Physical and
Psychological Well-Being compared to the general adolescent population, and their
expressions of suicidal tendencies are unusual because « suicidal ideations » are not
135
more frequent than suicide attempts. Prevention and screening for mental health
problems is very important but, given the specificity of the psychological and
behavioral characteristics of this RGHs population, might not follow typical patterns of
health care organization. This unique and vulnerable population needs specific and
dedicated mental health services. Increasing the number of scientifically rigorous
studies within this population is a systematic way of developing more appropriate
support structures.
136
Troisième Partie
Nous avons établi la prévalence majeure des troubles mentaux qui existe dans ce
groupe vulnérable et repérable que constituent les enfants et adolescents placés.
Nous avons montré aussi qu‘ils n‘expriment pas leurs besoins comme le reste de la
population. Ils se plaignent peu de mal être. L‘utilisation et l‘accès aux soins
psychique est médiocre, et se déroulent souvent dans des moments de crises
comportementales ne pouvant plus être tolérés par le foyer. Ces difficultés de
rencontre des besoins de ces enfants « à protéger » et de l‘offre est décrite par
d‘autre chercheurs, dans d‘autres pays (Rosenfeld et al, 1997; Geen et al, 2005;
Viner & Taylor, 2005; Browne et al, 2006).
137
pourra le faire qu‘en collaboration étroite, permanente et surtout durable avec les
professionnels déjà auprès d‘eux, qui les connaissent, les recueillent, les éduquent.
Cette rencontre des « protecteurs » et des « soignants » doit être favorisée, mais
surtout préparée, entretenue et organisée. En effet, une coexistence côte à côte de
ces deux champs professionnels, le médico-psychologique et le socio-éducatif, « tels
qu‘ils se présentent » n‘est pas suffisante. Les cadres administratifs respectifs sont
bien distincts et pourraient faciliter un repérage des tâches et une complémentarité
des actions. Les missions de protection et de prévention sont confiées aux Conseils
Généraux, et les missions thérapeutiques aux dispositifs de soins, dépendant de
l‘Etat, notamment confiées aux hôpitaux. Ces deux cadres ne se confondent plus
depuis que l‘Assistance Publique ne s‘occupe plus des enfants en danger et à placer
(1963).
138
les rôles et les actions de chacun, pour réguler ou apaiser une situation critique,
volontiers associée à de la violence réelle ou supposée.
Les très hauts taux de prévalence de troubles mentaux identifiés chez les
adolescents vivant en foyers, associés à ces difficultés d‘articulation avec l‘offre
sanitaire, rendent indiscutables la recherche de réponses différentes, spécifiques et
adaptées.
139
4.1 Etablissement d’un cadre institutionnel d’articulation interprofessionnelle
(Article publié : les MDA ont elles un rôle spécifique dans le traitement de la
violence ? Bronsard et al, 2011b)
Les Maisons de l‘Adolescent peuvent remplir ce rôle. Elles sont des dispositifs par
nature multidisciplinaires, souvent pluri-institutionnels.
Des maisons de l‘adolescent (MDA) existent depuis une dizaine d'années. Elles sont
des structures et des dispositifs d'accueil et de prises en charge de troubles
spécifiques de l'adolescence, ou dont l'adolescence en fait une spécificité : troubles
alimentaires, difficultés ou échecs scolaires, conduites à risque, crises suicidaires,
troubles du comportement, dysfonctionnements familiaux… L'accueil et les
traitements proposés doivent inclure les parents et les professionnels qui s'occupent
de l'adolescent.
Le champ d‘intervention est donc large, à limite mal définie, comme le sont souvent
les troubles à cet âge. Une réduction du champ d‘intervention de ces structures à
certaines disciplines ou à une liste de types de troubles ou de difficultés pourrait
empêcher les adolescents et leurs familles, ou même les professionnels, d‘accéder
au dispositif, par manque de discernement du trouble en question et donc du bon
chemin à suivre pour le traiter.
Ces maisons sont construites dans le champ sanitaire, social, dans la prévention ou
directement dans le soin. Leur cadre peut relever de l'hôpital, de Conseils Généraux
ou de financements multiples. C‘est cependant la pédopsychiatrie qui est la plus
positionnée au sein de ces dispositifs. C‘est elle qui est le plus souvent directement
invoquée par les familles et la formulation des plaintes ou des demandes, envoie le
plus souvent à son champ : mal être, trouble du comportement, dysfonctionnements
familiaux, inadaptations et échecs scolaires…Enfin les professionnels non médicaux
attendent souvent des MDA une facilitation de l‘accès au soin de pédopsychiatrie et
notamment à l‘hospitalisation pour des adolescents en crise.
140
La problématique de la violence met bien souvent à l‘épreuve et en difficulté la
plupart des professionnels de l‘adolescence, quels que soient leurs disciplines ou
leurs domaines d‘intervention : école, socio-éducatifs, socio-judiciaires, pédiatrie et
bien sûr pédopsychiatrie. Une des raisons de ces grandes difficultés est qu‘il n‘existe
pas de discipline ou de dispositif spécifique et désigné pour traiter ou déposer cette
violence ; elle relève le plus souvent de plusieurs champs à la fois : socio-éducatif,
justice des mineurs et parfois de la psychiatrie.
Plus la violence est importante (de façon réelle ou supposée), actuelle et critique,
finalement plus cette violence induit de la peur chez les professionnels, plus
l‘adolescent est dit « difficile ». Evaluer en urgence ou simplement et rapidement de
« qui relève » cet adolescent violent est malaisé. Cette difficulté de désignation
favorise par contre l‘idée chez chaque professionnel, que l‘adolescent relève d‘un
autre champ que le sien. On pourrait caricaturer l‘état « d‘adolescent difficile » par la
description suivante : il s‘agit d‘un adolescent relevant a priori des champs socio-
éducatifs, de la justice des mineurs et de la psychiatrie, à propos duquel chaque
professionnel pense qu‘il relève des deux autres champs que le sien…
Ces itinéraires d‘urgences, pourraient au moins faire signal pour éviter une récidive.
En effet l‘existence d‘une crise, amène le risque élevé de sa réapparition, puisque les
nombreux facteurs anamnestiques, psychopathologiques et institutionnels qui y ont
contribué, persistent à son décours.
141
Le « pôle adolescent difficile » de la Maison Départementale de l‘Adolescent à
Marseille correspond à un dispositif de préparation à la gestion de la crise et de sa
récidive, par la formalisation de l‘articulation des champs sanitaire et socio-éducatif. Il
a pour mission d‘organiser de façon formelle et opérationnelle la rencontre de la
psychiatrie de l‘adolescent avec les milieux qui le demandent et qui n‘y sont pas
parvenus. C‘est un dispositif visant à simplifier cette incontournable collaboration (au
moins a priori et partielle) entre les professionnels de la protection de l‘enfance, de la
justice des mineurs et de la pédopsychiatrie lorsqu‘il s‘agit de traiter des situations de
crise, en particulier (et la plupart du temps) quand la violence externalisée est
apparue.
La demande
142
Répartition de l’origine des demandes de janvier 2005 à Décembre 2009
Ecole 4 1.4%
Pédopsychiatrie 1 0.3%
143
La situation est présentée dans un premier temps par l‘équipe qui a sollicité la
démarche, puis les difficultés spécifiques que l‘équipe socio-éducative a pu
rencontrer pour organiser une prise en charge en pédopsychiatrie. L‘équipe de la
MDA questionne ensuite les professionnels afin de construire des possibilités
diagnostiques et des indications thérapeutiques. Il faut donc obtenir suffisamment
d'informations clinique, développementale et anamnestique. Les informations les
plus difficiles à obtenir sont les caractéristiques du développement précoce (âge
d‘acquisition des fonctions, qualité de l‘attachement précoce), de l‘adaptation
scolaire, de l‘histoire des apprentissages (niveau scolaire actuel réel) et plus
généralement de la clinique de la petite et même de la grande enfance ;
contrairement au déroulé évènementiel de l‘histoire familiale qui est en général mieux
connu. Ces caractéristiques sont pourtant tout-à-fait primordiales pour la
compréhension des comportements et de la clinique actuelle, et sont bien souvent
déterminantes pour construire une orientation diagnostique et une indication
thérapeutique.
144
Lorsqu'une indication de première prise en charge ou de réorientation médico-
psychiatrique est retenue ou probable, un rencontre clinique avec l'adolescent, le ou
les éducateurs référents et ses parents, lorsque cela est possible, se déroule. Le
maintien et la permanence de l‘implication des éducateurs référents à toutes les
étapes de la prise en charge est un élément déterminant pour la réussite du projet. Il
reprendra l‘histoire et le projet avec l‘adolescent, et organisera un lien stable avec les
nouveaux partenaires. L'équipe de la MDA se chargera alors de finaliser l'évaluation
clinique sur site ou si nécessaire sur le lieu de vie de l‘adolescent, puis d'organiser le
suivi médico-psychologique à proximité de l‘adolescent (ou directement à la MDA en
cas d‘impossibilité de ces dispositifs de proximité), et le cas échéant une
hospitalisation.
145
d‘affiner les demandes et les attentes que ces professionnels peuvent de la
psychiatrie. Le volume du cycle est discuté et adapté au public.
Actuellement ce pôle a pu organiser de tels cycles pour des éducateurs des foyers
de l‘enfance, des éducateurs de rues, des juges du tribunal pour enfant, des
médecins généralistes.
Discussion
Les MDA sont des dispositifs qui créent beaucoup d‘attentes chez les professionnels
de l‘adolescence. Elles ne peuvent échapper au questionnement de leur rôle et de
leur action dans le champ de la violence de l‘adolescent. Doivent-elles pour autant
créer des fonctionnements spécifiques, repérables et désignés pour traiter cette
problématique ? « L‘adolescent difficile », pour lequel notre dispositif est sollicité, est
impliqué dans la Protection de l‘Enfance dans près de 80% des cas, ou pris en
charge par un service de la PJJ dans 20% des cas. Dans les rares cas où
l‘adolescent n‘était pas impliqué dans les champs socio-éducatifs, les crises répétées
appellent facilement le constat d‘une situation d‘enfant en danger ou d‘une
défaillance de protection. Ce dispositif est alimenté en quasi-totalité d‘adolescents
relevant des champs socio-éducatifs. La part très importante de l‘origine des
sollicitations du dispositif en provenance du milieu socio-éducatif traduit qu‘il s‘agit du
milieu professionnel ressentant le plus de difficultés à trouver des solutions. Il existe
un risque de développer un système de soin réservé aux « Adolescents du Social ».
146
prévalence des troubles très supérieur chez les filles, importance des troubles
internalisés (troubles anxieux, Dépression Majeure), part équivalente des troubles
externalisés (troubles des conduites, troubles de l‘hyperactivité avec déficit de
l‘attention) chez les garçons et chez les filles, importance des tentatives de suicide,
autour de 20%.
Cette population présente de façon très significative plus de troubles mais un accès
au soin restant difficile. L‘absence de présence parentale impliquée de façon
pérenne, l‘existence de nombreux intervenants et enfin l‘existence de violence réelle
ou supposée perturbent cet accès au soin.
Cette prévalence très élevée n‘est en fait pas étonnante. La plupart des facteurs de
risque de développement des troubles mentaux chez l‘enfant sont les mêmes que
ceux conduisant à l‘implication des services de la Protection de l‘Enfance :
dysfonctionnement familial sévère et durable, ruptures de liens précoces et répétés,
grossesse à risque (notamment exposition fœtale aux toxiques, traumatismes
périnataux), maltraitance et abus etc…
Conclusion
L‘adolescent des milieux socio-éducatifs, surtout lorsqu‘il est violent nécessite un
travail différencié pour accéder aux soins en santé mentale. La disponibilité moindre
des parents, la présence de référents socio-éducatifs, de mesures administratives ou
judiciaires modifient de façon importante leur rapport aux dispositifs de soins
classiques. Sans réaliser de dispositifs de soin spécifiques et filiarisés pour ces
situations, une attention et des moyens particuliers doivent être donnés pour
147
permettre l‘articulation entre les différents professionnels impliqués. Les MDA par
leur positionnement puissamment interdisciplinaire, du soin au social, sont
d‘excellentes candidates à une telle organisation.
148
149
150
151
152
4.2 La Recherche-Action-Formation en psychiatrie de l‘enfant dans les dispositifs de
protection de l‘enfance.
La problématique des maladies mentales chez les adolescents des foyers, amène
des questions difficiles à formuler, car complexes et confuses tel que nous l‘avons
présenté par la construction historique et l‘état actuel des disciplines et des
dispositifs socio-éducatifs et de la pédopsychiatrie, et de leur articulation.
153
Nous avons vu en effet à quel point notre démarche de recherche qui devait
mesurer la prévalence des troubles mentaux et la qualité de vie chez les adolescents
des foyers a été perturbée par les difficultés de rencontre des adolescents, puisqu‘un
tiers d‘entre eux seulement ont pu être vus. Des difficultés similaires sont d‘ailleurs
rapportées dans d‘autres études, dans d‘autres pays, au point qu‘elles expliquent en
partie la faiblesse des données scientifiques sur le sujet (Rosenfeld et al, 1997; Geen
et al, 2005; Viner & Taylor, 2005; Browne et al, 2006).
Pour étudier ces enfants et leur situation, il faut pouvoir entrer dans leur monde réel,
et, à l‘évidence, les méthodes de recherche habituelles du milieu médical
s‘appliquent mal. En effet l‘objet et le sens de la recherche ne sont ici pas préétablis
ni définis, défavorisant l‘adhésion des travailleurs sociaux s‘occupant des
adolescents. Et ces professionnels sont particulièrement influents, voire acteurs
exclusifs, de l‘explication des objectifs aux adolescents eux-mêmes, éventuellement
à leur parents, et sont en tout cas les seuls capables d‘organiser les rencontres.
L‘implication de ces professionnels, doit être grande, et au maximum des étapes de
construction et de réalisation de la démarche.
Les foyers sociaux ne sont pas organisés, ni habitués à la recherche médicale. Les
positions des chercheurs, le sens de leur recherches, les méthodes et repères
éthiques de ces démarches doivent être lentement inclus, mais doivent surtout
s‘adapter à l‘histoire, à la culture et à l‘éthique des professionnels de ces foyers. Le
thème de la maladie mentale ou des troubles du comportement chez les enfants,
prends ici une complexité particulière comme nous l‘avons montré en première partie
décrivant la rencontre et la co-construction instable des champs de la
pédopsychiatrie et de la protection de l‘enfance. Le concept de « maladie mentale de
l‘enfant », thème en soi complexe, peut ne pas être une source de difficultés
irréductibles, à condition que les démarches de recherche s‘effectuent au sein d‘un
milieu supposé stable concernant ce thème, comme par exemple dans les hôpitaux.
154
d‘enfant autistes ont été organisé. La rencontre des enfants et le recueil des données
se sont déroulés sans difficulté. La thématique étudiée n‘apparaît pourtant pas plus
simple sur le plan affectif ni plus légère que celle des troubles mentaux des enfants
placés. Les troubles autistiques portent de même une importante histoire de conflits
inter-disciplinaires, d‘opposition par la mise en avant de théorie explicative paraissant
contradictoire, baignée par l‘effroi de la sévérité et du mystère du trouble mental
« déshumanisant ».
Développer une activité de recherche sur des thèmes médicaux dans des foyers
sociaux nécessite d‘autres considérations, précautions et adaptations des
démarches.
155
4.2.1 La démarche de Recherche-Action.
Kurt Lewin, psychologue Allemand émigré aux USA pour fuir le nazisme, est
clairement identifié pour avoir posé les principes définissant la RA. Il va développer la
RA dans son nouveau pays, pour résoudre par exemple des problèmes liés à
l‘antisémitisme dans des usines, ou de l‘adaptation de rythme de travail dans des
manufactures implantées dans des zones rurales. Il va amener un élément
idéologique assez majeur de la démarche. Les problèmes que tentent de résoudre
une RA, doivent induire des changements au sein du groupe étudié, par la
participation directe des individus de ce groupe, s‘appropriant leur propre
changement. Ces positions font échos aux mouvements tiers-mondistes,
anticolonialistes, autodéterministes qui traversent à cette époque les sciences
sociales (l‘anthropologie et la sociologie), mais aussi la psychologie et la psychiatrie
(Barbier, 1996, chap 1).
156
nécessité de participer à la vie « réelle » et telle qu‘elle est, par une présence de
longue durée, afin de la comprendre. L‘état d‘esprit et les attentes sont proches de la
technique de l‘observation participante élaborée par l‘ethnologue Bronislaw
Malinowski pendant son long séjour dans les îles Trobriand peu après la première
guerre mondiale. Le Tavistock Insitute of Human Relations, émanation de la
Tavistock Clinic réalisera la première RA dans le début des années 50 (Liu, 2011,
p22).
157
Notre travail de mesure de la prévalence des troubles mentaux auprès de ces
adolescents, et d‘analyse de leur façon de solliciter l‘aide et de l‘utiliser, aurait pu
s‘inclure dans une démarche de RA, grâce à certaines conditions établies de fait, et
d‗autres qui auraient du être améliorées.
158
Mais l‘effet le plus significatif est attendu par l‘utilisation de ces données pour
comprendre et connaître quelques éléments objectifs de l‘état psychologique des
adolescents placés, de leurs troubles et des aspects qualitatifs de leur vie.
4.2.2 Utilisation des données obtenues par les travaux de recherches et formation
inter-professionnelle
Les articles tels qu‘ils ont été publiés peuvent être assez facilement lus et compris
par les professionnels impliqués. Les données épidémiologiques ou de QV comme
nous l‘avons présenté plus haut, sont des matériaux scientifiques présentant
l‘avantage d‘être accessibles aux non spécialistes. Ce type de données est donc
propice au travail inter-disciplinaire, puisque l‘écueil « inter-culturel » existant entre
les différentes disciplines est ici abrasé. Il constitue un support scientifique facilement
utilisable pour développer une démarche de rencontre théorique entre les différents
professionnels.
159
troubles mentaux, décrivant que les filles vivant en foyers présentent autant de
troubles externalisés que les garçons qui s‘y trouvent. Cette construction a fait l‘objet
d‘un article publié.
Présentation de l’article
Pourquoi les filles vivant en foyers sociaux sont aussi « agitées» que les garçons ?
Rencontre de la psychanalyse et des neurosciences pour aborder, comprendre et
traiter les troubles du comportement de l‘adolescent dans les milieux socio-éducatifs
Comprendre les comportements des humains et ses troubles est une tâche massive,
sans cesse réactualisée. S‘amoncèle un corpus immense de données, issus de
champs aussi différents que la génétique, la psychanalyse, l‘éthologie, la
neurobiologie, la sociologie, l‘anthropologie… Tous ces champs ont quelque chose à
dire, à faire comprendre, et les oppositions hostiles d‘une approche à l‘autre pourrait
traduire le malaise lié à l‘insuffisance de chaque modèle explicatif ; modèles
construits pour arriver à « la solution », qui serait une découverte, presque simple, de
quelque chose qui était jusqu‘alors caché à la connaissance, une découverte
160
scientifique qui explique enfin un phénomène. Ces oppositions des champs de
connaissances, pourraient donc n‘être que défensives.
Face au patient, le clinicien, en gardant la cohérence qu‘il doit à celui qu‘il cherche à
soigner, peut-il supporter ces torsions conceptuelles d‘abord, et s‘en servir ensuite
pour améliorer et traiter la personne ou son trouble ? La réponse semble finalement
assez simple. Lorsqu‘un patient amène en consultation un symptôme psychique,
notamment une description comportementale posant problème, certaines démarches
et pratiques peuvent coexister. D‘abord l‘analyse de ce symptôme dans le cadre de
l‘intersubjectivité, qui organise justement cette rencontre singulière entre le patient et
le clinicien au sein de laquelle est déposé ce symptôme d‘une façon unique. En
psychiatrie de l‘enfant et de l‘adolescent, l‘analyse du sens du symptôme dans
l‘histoire du sujet, celle des enjeux sous-jacents, conscients ou non, développés au
sein d‘une dynamique familiale ou dans une institution incluant les bénéfices
secondaires par exemple, l‘exploration, l‘organisation fantasmatique chez l‘enfant ou
ses parents, sont des démarches particulièrement utiles pour comprendre une
situation ou un comportement.
161
Ces analyses permettent de plus, si ce procédé est réalisé avec bienveillance,
patience et précaution, de favoriser l‘alliance du patient en l‘amenant à considérer la
spécificité de sa problématique et l‘intérêt que le clinicien porte à cette spécificité,
comme une « personnalisation extrême ». Une compréhension des symptômes
dans l‘histoire du sujet, est une importante voie de contextualisation et de don de
sens à un mal, ou à un fait quel qu‘il soit. Travailler avec un patient au « pourquoi » il
est touché, atteint, violent ou malade, lui, et pas son frère ou son voisin fait partie du
processus de soin.
162
sens de ses symptômes dans un démarche psychothérapique. Au contraire, une
prescription de psychotropes chez un adolescent pourrait (devrait) être aussi
réfléchie et indiquée, en plus des règles d‘utilisations convenues, selon les
représentations subjectives de ces médicaments ou de la maladie mentale dans une
famille.
Nous avons réalisé une étude pour déterminer la prévalence de troubles mentaux
majeurs chez les adolescents vivant en foyers sociaux dans le département des
Bouches-du-Rhône (Bronsard et al., 2011). Cette étude a inclus 183 adolescents et
nous avons pu comparer les taux de prévalence selon le genre. Il n‘existe pas de
différence significative entre filles et garçons concernant les troubles externalisés
(trouble des conduites, et trouble hyperactivité avec déficit de l‘attention). Ce résultat
est une différence notable avec la population générale ou les troubles des conduites
sont 3 fois plus fréquents chez les garçons, comme, mais dans une moindre mesure
le trouble de l‘hyperactivité avec déficit de l‘attention (Fombonne, 2005 ; Inserm,
2005). Cette absence de différence entre filles et garçons constitue une importante
163
spécificité de ce groupe considéré comme très vulnérable (Bamford and Wolkind,
1988 ; Burns et al., 2004).
4.2.2.1.3 Apport des études dans le champ des neurosciences pour comprendre les
troubles externalisés et les comportements violents
Concernant les liens entre gènes et violence, les travaux de Connor (Roubertoux,
2004, pp216) montrent que la ressemblance familiale pour une aptitude à commettre
des actes délictueux augmente en fonction de la « proximité génétique des cas
164
index ». En limitant le champ au cadre nosographique des troubles externalisés à
partir d‘études d‘agrégabilité, de jumeaux ou d‘enfants adoptés, l‘expertise collective
de l‘inserm sur le trouble des conduites (INSERM 2006) rapporte un héritabilté
supérieure à 50%. Concernant la différence filles-garçons, de nombreuses
recherches se sont orientées vers le chromosome Y qui fut longtemps considéré
comme le substrat de la propension à commettre des actes agressifs (Roubertoux,
2004, p216). En 1965, une étude avait révélé la surreprésentation de caryotype XYY
chez les prisonniers ayant commis des agressions physiques (Jacobs et al., 1965).
L‘idée d‘une corrélation forte entre l‘Y et les conduites d‘agression a été ensuite très
nuancée, avec des études récentes montrant l‘absence de surreprésentation
d‘aberration du chromosome Y chez les criminels. Roubertoux retient cependant, à
partir d‘études chez la souris, un lien entre chromosome Y et agression (Roubertoux,
2004, p226). Mais le lien est très complexe et interactif avec d‘autres gènes situés
sur des autosomes. Le fait d‘être génétiquement un garçon ne suffit pas à expliquer
les différences de troubles externalisés.
Le lien supposé entre chromosome Y et violence était corrélé à celui supposé entre
hormones males (testostérone en particulier) et violence (Roubertoux ,2004, p 216).
Cependant les résultats concernant la corrélation entre testostérone et violence sont
inconsistant chez l‘humain (Ramirez, 2003), en particulier chez l‘enfant et
l‘adolescent (van Bokhoven et al., 2006) et cette corrélation serait plutôt faible
(Archer, 1991), alors que les preuves que la testostérone augmentent les
comportements agressifs chez de nombreuses espèces vertébrées sont importantes
(Archer, 1988). Rowe et al. (2004) montrent que les taux élevés de testostérone
seraient plus liés à la « dominance sociale » qu‘à l‘agression, et l‘agression
s‘associerait à la dominance sociale selon le contexte social. Van Bokhoven et al
(2006) montrent de même que les liens positifs entre testostérone et différentes
formes de comportements agressifs dépendent du cadre social.
Ces éléments génétiques et hormonaux, qui sont à l‘évidence une différence entre
filles et garçons, ne seront donc pas contradictoires avec une absence de différence
de prévalence des troubles externalisés selon le sexe, puisque les liens dépendent
du contexte et du cadre social.
165
D‘autres éléments issus des neurosciences contribuent à l‘explication de troubles du
comportement externalisés, comme le trouble des conduites. Les lésions cérébrales
précoces (complications obstétricales, « baby shaked syndrome ») ainsi que
l‘exposition du fœtus à des substances psycho-actives comme la nicotine favoriserait
l‘apparition de troubles des conduites (Inserm , 2006). Cependant ces éléments aussi
ont une puissance modérée.
166
agressifs (Bolwby, 1988). Ces facteurs familiaux sont corrélés aux pratiques
éducatives inadéquates : les comportements agressifs à l‘adolescence
correspondrait plus à la persistance de comportements agressifs se développant de
façon ordinaire pendant la petite enfance que l‘enfant n‘aurait pas appris à inhiber,
plutôt que des comportements agressifs qu‘il aurait appris (Tremblay et al., 2004 et
2008).
Enfin les approches contextuelles évoquent que les filles montrent moins de
conduites d‘agression que les garçons car elles sont moins « provoquées » ; elles
sont d‘ailleurs aussi agressives que les garçons lorsqu‘elles le sont (Zakriski et al.,
2005).
167
De plus filles et garçons réagissent de façon assez similaire lorsqu‘ils sont
« provoqués ». Une ambiance de violence dans un foyer et la répétition d‘actes
d‘agression dans la communauté des pairs augmentent et homogénéisent les
comportements agressifs pour l‘ensemble des adolescents vivant dans ce foyer.
Enfin, le poids des facteurs génétiques liés au chromosome Y est peu probant chez
l‘humain, et l‘influence isolée des facteurs hormonaux liés au genre est faible et
inconsistante. Ces éléments psychodynamiques et environnementaux, associés au
faible poids attribué aux facteurs génétiques liés au chromosome Y et à l‘influence
des hormones mâles chez l‘adolescent dans les conduites d‘agression, peuvent
expliquer l‘absence de différence de taux de troubles externalisés entre filles et
garçons vivant dans les foyers sociaux.
Les apports de théories psychanalytiques ne sont pas nécessaire pour arriver jusqu‘à
ce niveau explication du développement de troubles externalisés chez les filles vivant
en foyer sociaux. Cependant la part importante faite aux enjeux inter-relationnels
parents/enfants, à l‘histoire des individus permet une voie d‘accès des
connaissances psychanalytiques, et une rencontre avec les données des
neurosciences.
168
Conclusion
169
170
171
172
173
174
Une telle présentation multidimensionnelle des modèles explicatifs de données
produites par notre étude de prévalence, devrait faciliter la rencontre des différents
professionnels, qui se réfèrent (ou souhaitent se référer) généralement volontiers à
des modèles théoriques jugés différents et peu compatibles. L‘effort principal de ce
travail apparaît en effet dans l‘agencement et l‘articulation de différentes références
théoriques qui contribuent de façon concomitante et non contradictoire à une partie
de la compréhension d‘un phénomène, et à l‘élaboration de réponses ou traitements
associés.
Les 4 articles inclus dans ce travail constituent un support de formation pour les
professionnels directement impliqués dans la démarche de la recherche. Pour agir
comme levier renforçant le travail interdisciplinaire, ils seront exploités au mieux au
cours de séances d‘enseignement regroupant les différents acteurs impliqués dans le
suivi des adolescents. De façon optimale un programme d‘enseignement
multidisciplinaire au sujet de la pathologie mentale des enfants placés pourrait être
construit et développé de façon concomitante à la démarche de recherche. Et
constituer ainsi une véritable démarche de Recherche-Action-Formation.
175
4.3 Projets de dispositifs spécifiques ou dédiés à la santé mentale des enfants
placés
176
4.3.1 Situations cliniques nécessitant des moyens spécifiques mixtes
Nous pouvons isoler trois types de situations cliniques d‘adolescents vivant en foyers
sociaux, nécessitant des moyens et dispositifs spécifiques.
Il s‘agit des situations les plus fréquentes. Les besoins médico-psychologiques des
adolescents doivent être établis, par un ou plusieurs examens cliniques individuels,
nécessitant des cliniciens formés aux spécificités des enfants placés et des mesures
de placement. Les professionnels de proximité doivent alors organiser le suivi
régulier, dans des centres de soins de droit commun eux-mêmes familiarisés avec la
problématique spécifique des adolescents placés ; lorsque cela n‘est pas possible, le
soin devra être organisé au sein même du foyer, par des moyens dédiés comme des
équipes mobiles, ou du personnel dévolu sur site.
Les professionnels des foyers seront utilement intégrés aux différentes étapes du
traitement individuel ou de groupe. Leur participation doit être cependant partielle et
adaptée à chaque situation.
La place des parents dans l‘organisation des soins n‘ira ici pas de soi, les
adolescents étant placés pour des mises en danger, notamment par violences ou
abus dans le foyer familial. Les dispositifs de soins devront inclure cette particularité.
177
entre les soignants et les éducateurs. Les dispositifs de crises seront utilement
équipés d‘unités mobiles, permettant un retour progressif vers le foyer.
Enfin, l‘unité de crise doit savoir solliciter efficacement le réseau des lieux
d‘hébergements sociaux ou médico-sociaux proches ou éloignés, lorsque le retour
en foyer ne sera possible qu‘à moyen terme.
178
Ces projets vont à l‘encontre des mouvements de « désinstitutionalisation » de la
pédopsychiatrie débutée il y a plus de 40 ans, des politiques « d‘inclusion » scolaire
pour le handicap renforcées intensément ces dix dernières années, et de la tendance
à la limitation maximale des placements « hors de chez soi » qui existe dans les lois
de protection de l‘enfance depuis plus de 30 ans. Ces projets d‘institutions mixtes,
unifiées et autonomes, correspondent justement à la compensation des excès des
politiques et idéologies de l‘ « ouverture » des institutions spécialisées vers le monde
ordinaire. L‘« ouverture » institutionnelle est en général corrélée à une rhétorique très
positive, autour de la liberté et de la libération des individus, de la rencontre des
autres, de la création et de la découverte qui seraient nécessairement favorables aux
personnes.
Les enfants malades, n‘ayant pas de parents capables de les protéger, ont besoin
d‘institutions qui le soient, pouvant s‘occuper d‘eux de façon globale, autant que
nécessaire.
179
180
Conclusion
Les adolescents vivant en foyer, sont plus « malades » que ceux qui n‘y vivent pas.
Bien plus. Les adolescents vivant en foyer sont moins bien soignés que ceux qui n‘y
vivent pas. Voici deux affirmations brutales et simples, presque grossières. La
première était facile à anticiper puisque les enfants sont placés en dehors de leur
famille pour des raisons indiscutablement et très anciennement reconnues comme
facteurs de risque au développement des troubles mentaux. La deuxième pouvait
aussi assez facilement être pressentie. D‘abord parce que la place des parents dans
l‘accompagnement au soin est profondément modifiée. Mais aussi parce que ces
adolescents tiennent les professionnels nombreux et variés qui s‘occupent (ou
devraient s‘occuper) d‘eux, dans un paradoxe affectif mêlant crainte et compassion
en lien avec les violences subies et les violences agies, réelles ou supposées.
Notre travail au sujet de cette population spécifique et de ses troubles, pose que ces
éléments ne sont pas une caricature intuitive, ni même une impression liée à
l‘expérience cent fois renouvelée, mais sont des fait démontrés. Nous avons étudiés
183 adolescents vivant en foyers sociaux et avons pu mesurer la prévalence des
troubles mentaux majeurs. Le taux atteint 50%, le dépasse très largement chez les
filles, et 20% d‘entre eux ont fait une tentative de suicide. Ces chiffres sont cinq fois
plus élevés qu‘en population générale. Ils sont les premiers en France et
correspondent à ce qui été mesuré dans d‘autres pays. L‘étude de la «qualité de vie»
de ces adolescents placés montre une franche dégradation, mais aussi qu‘ils ne se
plaignent pas de façon habituelle, expriment « bien-être » lorsqu‘on leur demande, et
que plus de la moitié d‘entre eux n‘ont rencontré ni psychologue ni psychiatre,
présents pourtant dans tous les foyers.
Pour initier un suivi et un soin, il faut en effet une demande ou un besoin, repéré et
compris par les professionnels qui s‘occupent d‘eux au quotidien. Il faut aussi que
ces professionnels de proximité sachent trouver des collègues du « soin psychique »
éclairés et préparés au sujet, et aux articulations interprofessionnelles ici bien
spécifiques. Il faut en définitive qu‘il existe des dispositifs capables d‘organiser la co-
existence opérationnelle des champs socio-éducatif et médico-psychologique.
181
La pédopsychiatrie a puisé auprès des enfants séparés de leurs parents des
modèles très productifs de théorisation psychopathologique et développementale ;
elle a même fondé son premier service clinique dans un foyer pour adolescents
« recueillis », bien avant qu‘un hôpital accepte la spécialité dans ses murs. La
pédopsychiatrie peut se souvenir de son passé, et relancer ses intentions les plus
actives vers ceux qui ont besoin d‘elle et qui ne savent pas le dire. Relancer ses
intentions malgré le bruit et quelques confusions éthiques, cliniques ou
institutionnelles. Elle doit pouvoir contribuer à éviter les positions subtiles et
faussement bienveillantes des renvois à distance des situations par les
professionnels, argumentés, avec plus ou moins d‘affectivité, par l‘évidence qu‘il
s‘agit là d‘un travail pour une autre spécialité.
182
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