1 - Migrants Et de Leurs Familles en Tunisie
1 - Migrants Et de Leurs Familles en Tunisie
1 - Migrants Et de Leurs Familles en Tunisie
Avril 2017
Les documents de travail de l’Alliance mondiale pour le savoir sur les migrations et le développement (plus connue sous
l’acronyme anglais KNOMAD) font connaître les activités que mène ce partenariat. Cette plateforme mondiale des savoirs et
d’expertise dans les politiques publiques a pour objet de produire et de synthétiser des connaissances et des données
factuelles pluridisciplinaires ; de définir un éventail d’options politiques à l’intention des responsables des politiques
migratoires ; et de fournir une assistance technique et le renforcement des capacités pour des projets pilotes, l’évaluation
des politiques et la collecte de données.
KNOMAD est financé par un fonds fiduciaire multidonateur créé par la Banque mondiale. Le ministère fédéral allemand de la
coopération économique et du développement (BMZ), le ministère suédois de la justice, de la migration et de la politique
d’asile et l’Agence suisse pour le développement et la coopération (SDC) en sont les bailleurs.
Les opinions exprimées dans ce document ne sont pas celles de la Banque ni celles des organismes de parrainage. Le
document doit être cité de la manière suivante : Nom(s) de ou des auteur(s), année, titre du document, document de travail
KNOMAD n° x
Pour tous renseignements, rendez-vous sur KNOMAD@worldbank.org. Les documents de travail de KNOMAD
et bon nombre d’autres ressources sur la migration sont disponibles sur www.KNOMAD.org.
ii
Indicateurs des droits de l’homme des migrants et de leurs familles en
Tunisie1.
Sarra Hanafi2
Résumé
Le présent rapport est un document de base établi en vue de l’organisation d’une consultation
nationale permettant de discuter et d’évaluer la pertinence des indicateurs des droits de l’homme des
migrants et de leurs familles en Tunisie. Une sélection d’indicateurs proposés par l’Alliance mondiale
pour le savoir sur les migrations et le développement (KNOMAD) et adaptée au contexte tunisien
permettra de mesurer et d’évaluer l’exercice par les migrants en Tunisie de leurs droits fondamentaux
à la santé, à l’éducation et au travail décent. Des indicateurs structurels, de processus et de résultats
sont définis pour chacun de ces droits et les sources et systèmes de collecte des données facilitant
l’adoption de ces indicateurs sont identifiés. Le rapport relève les enjeux et donne les orientations de
la sensibilisation à l’impératif de prendre en compte les migrants dans les systèmes de collecte des
données, pour permettre une évaluation systématique de l’accès des migrants à leurs droits
fondamentaux dans des conditions d’équité.
Mots clés : Migration, indicateurs des droits de l’homme, droits des migrants, migration de
travailleurs peu qualifiés, accès à l’éducation, accès aux soins de santé, droit à un travail décent, et
politique d’immigration fondée sur des données factuelles
1
Ce document a été produit par le Groupe de travail thématique « Droits des migrants et aspects sociaux des
migrations » de KNOMAD, dirigé par William Gois (Migrant Forum in Asia) et comprenant en particulier Kerry
Neil (UNICEF) et Hanspeter Wyss, point focal du Secrétariat de KNOMAD. M. Pia Oberoi (OHCHR), ancien
coprésident du Groupe de travail thématique, a aussi enrichi ce document de ses précieux conseils. L’auteur
remercie M. Chokri Arfa, directeur de l’Observatoire national de la migration et Mesdames Ahlem Saidi et Monia
Chebbi, de l’Observatoire national de la migration. Les observations recueillies lors de la revue par les pairs
conduite par la KNOMAD ont été dûment prises en compte.
2
Sarra Hanafi est enseignante-chercheuse en droit public à l’École supérieure de commerce de Tunis.
iii
Table des matières
Résumé analytique .......................................................................................................................vi
1. Introduction ......................................................................................................................... 8
2. Indicateurs du droit des migrants à l’éducation .................................................................... 18
3. Indicateurs du droit des migrants à la santé ......................................................................... 20
4. Indicateurs du droit des migrants à un travail décent ........................................................... 21
5. Défis et recommandations .................................................................................................. 23
5.1 Lacunes et défis à relever ............................................................................................................ 23
5.2 Recommandations....................................................................................................................... 26
Annexe 1 .................................................................................................................................... 29
Annexe 2 Indicateurs des droits des migrants – Éducation ........................................................... 30
a) Indicateurs structurels............................................................................................................... 30
b) Indicateurs de processus ........................................................................................................... 35
c) Indicateurs de résultat .............................................................................................................. 39
Annexe 3 Indicateurs du droit des migrants – Santé.................................................................... 40
a) Indicateurs structurels............................................................................................................... 40
b) Indicateurs de processus ........................................................................................................... 46
c) Indicateurs de résultat .............................................................................................................. 50
Annexe 4 Indicateurs du droit des migrants – travail décent ...................................................... 51
a) Indicateurs structurels............................................................................................................... 51
b) Indicateurs de processus ........................................................................................................... 54
c) Indicateurs de résultat .............................................................................................................. 60
iv
LISTE DES ACRONYMES
v
Résumé analytique
Le présent rapport été rédigé dans la perspective d’une consultation nationale sur les indicateurs des
droits de l’homme des migrants et de leurs familles en Tunisie. Il s’appuie sur le document de travail
n°5 de KNOMAD intitulé « Indicateurs des droits de l’homme des migrants et de leurs familles ». Il
présente un choix d’indicateurs adaptés au contexte tunisien qui facilitent la mesure et l’évaluation de
l’accès des migrants aux droits à l’éducation, à la santé et au travail décent en Tunisie.
La méthodologie préconisée par le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, et adoptée par
KNOMAD, consiste à définir des indicateurs permettant de mesurer l’engagement, les actions et les
résultats en ce qui concerne la réalisation de ces droits. Ainsi, des indicateurs structurels, de processus
et de résultats ont été retenus pour chacun de ces droits dans le respect de leurs caractéristiques
fondamentales.
Le rapport décrit plusieurs systèmes de collecte et d’obtention des données qui peuvent être utilisés
pour recueillir les informations nécessaires à l’adoption des indicateurs permettant d’apprécier la
situation des migrants en Tunisie, même si les données désagrégées précises sur l’exercice de ces
droits sont maigres et quelques fois totalement inexistantes.
Il est d’autant plus important de s’informer sur la situation des droits des migrants et d’en suivre
l’évolution que les objectifs de développement durable des Nations Unies pour l’après-2015
préconisent d’une façon spécifique la lutte contre les inégalités et les exclusions, pour s’assurer que
les différents objectifs et cibles de développement arrêtés sont atteints pour tous, sans discrimination.
Les indicateurs proposés pour la mesure de l’exercice du droit à l’éducation renseignent sur la
reconnaissance de ce droit au niveau du cadre juridique et institutionnel tunisien. Ils rendent aussi
compte des mesures adoptées pour encourager l’accès des enfants migrants à l’éducation (le volume
des dotations budgétaires, le niveau d’intégration des enfants migrants dans le dispositif
d’accompagnement des enfants en difficulté scolaire). Le taux d’achèvement des cycles
d’enseignement est retenu comme indicateur de résultat.
Pour le droit à la santé, outre les indicateurs structurels, certains indicateurs sont destinés à mesurer
les efforts déployés par les autorités pour réduire les obstacles à l’accès des migrants à la santé
(accessibilité financière, information des migrants et sensibilisation des professionnels de la santé). Le
taux d’accès des migrants à chaque établissement de santé public par rapport aux nationaux est retenu
comme indicateur de résultat.
S’agissant du droit à un travail décent, les indicateurs proposés visent à mesurer l’existence d’un cadre
juridique qui protège les droits des migrants à un travail décent. Ces indicateurs permettent aussi
d’évaluer les mesures prises pour donner effet à cette obligation de protection, notamment par
l’information des migrants, le suivi du respect du principe d’égalité et l’adoption d’une réglementation
du travail non-discriminatoire. Des indicateurs sont également prévus pour renseigner sur l’étendue
des violations des droits des migrants au travail, par rapport aux travailleurs nationaux.
Pour répondre à la nécessité de disposer de données précises et factuelles sur la situation des droits
des migrants, d’intégrer les Objectifs de développement durable dans le processus de planification
nationale et d’adopter des indicateurs des droits des migrants, il convient de mener les actions
suivantes :
vi
- - prendre en compte la question des droits des migrants dans les différentes réformes des
systèmes d’information engagées par les ministères de la santé, de la justice, des affaires
sociales et de l’emploi.
- - intégrer les variables liées à la migration dans les mécanismes de collecte des données
administratives, en veillant à protéger ces données.
- - prendre des mesures en vue du traitement, de l’analyse et du partage des données entre les
différentes administrations concernées, et pour la publication des données retenues.
- - renforcer les capacités de la société civile et collaborer davantage avec les partenaires sociaux
pour encourager la fourniture de données factuelles sur la situation des droits, en particulier
ceux des migrants en situation irrégulière.
Au moment de l’adoption des indicateurs, il convient de bien distinguer les rôles des personnes
participant à la collecte des informations sur les migrants (professionnels de la santé, responsables des
établissements d’enseignement, inspection du travail) de ceux des responsables du contrôle de
l’immigration. Ainsi, la loi sur l’immigration irrégulière et le contrôle du travail illégal doit d’abord être
réformée pour que le système de collecte des données sur les migrants soit véritablement efficace.
vii
INDICATEURS DES DROITS DE L’HOMME DES MIGRANTS ET DE LEURS FAMILLES EN TUNISIE
DOCUMENT DE BASE POUR L’ORGANISATION DE LA CONSULTATION NATIONALE
1. Introduction
Il est aujourd’hui établi qu’une gouvernance efficace de la migration doit nécessairement reposer sur le
respect des droits de l’homme 1 . L’on reconnaît au niveau international que la migration, le
développement et les droits de l’homme sont indissociables.
Ce fut le cas dans la Déclaration du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le
développement, et encore lors du Sommet mondial sur le développement durable pour l’après-2015, tenu
en septembre 2015.
En effet, Le nouvel agenda pour 2030 se fixe pour objectif spécifique de réduire les inégalités dans les
pays et d’un pays à l’autre. Au-delà des deux cibles de l’objectif 10 qui visent explicitement la migration2,
un grand nombre d’Objectifs de développement durable(ODD) prévoient nécessairement l’inclusion de
toutes les catégories de personnes, notamment les migrants, dans l’évaluation des résultats, les ODD
ayant vocation à assurer la jouissance de ces droits par tous, sans discrimination. Ainsi, une des cibles de
l’objectif 10 vise globalement à « autonomiser toutes les personnes et favoriser leur intégration sociale,
économique et politique indépendamment de [...] leurs origines, de leur religion ou de leur statut
économique ou autre ».
Par conséquent, tous les migrants sont visés par les cibles définies pour les droits à la sécurité sociale (1.3),
aux services de santé (3.8), à l’éducation (4.1 à 5), à un plein emploi productif et à un travail décent (8.5),
et à l’accès de tous à la justice dans des conditions d’égalité (16.3).
La cible 8.8 énonce plus explicitement l’obligation de « défendre les droits des travailleurs, promouvoir la
sécurité sur le lieu du travail et assurer la protection de tous les travailleurs, y compris les migrants, en
particulier les femmes et ceux qui ont un emploi précaire ».
Il est essentiel de lutter contre l’exclusion et les inégalités en matière d’accès aux droits visés pour parvenir
à un développement durable.
Le rapporteur spécial sur les droits de l’homme et le Haut-commissaire aux droits de l’homme3 avaient
souligné, en effet, que les indicateurs des Objectifs du millénaire pour le développement(OMD) mettaient
l’accent sur les progrès d’ensemble et ne permettaient pas suffisamment de mesurer et de mettre en
lumière l’exclusion des groupes vulnérables, et plus particulièrement les migrants. Le Rapporteur spécial
a par conséquent recommandé la prise en compte systématique des migrations dans les objectifs de
développement durable.
1
Migration et droits de l’homme, améliorer la gouvernance de la migration internationale fondée sur les droits de
l’homme, HCDH.
2
Cibles 10.7 et 1O.7.C.
3
Cf. Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, 11 août 2014, A/69/302.
8
La migration en Tunisie
Le contexte de transition démocratique en Tunisie et l’intérêt considérable que suscite la protection des
droits individuels a ramené la question de la migration au cœur du débat. La protection des droits des
« migrants étrangers »4 et des demandeurs d’asile est l’un des objectifs stratégiques de la gestion de la
migration inscrits dans la Stratégie nationale de l’immigration 2016-2020.
Pour autant, il n’existe aucune définition du concept de « migrant » dans le droit tunisien, qui ne reconnaît
d’ailleurs pas un statut juridique au migrant et ne prévoit pas spécifiquement la protection des droits des
migrants5. Les migrants sont englobés dans la catégorie « étranger » et la législation sur la « condition des
étrangers » règle la fréquence des entrées et le séjour des migrants et prescrit les sanctions applicables
en cas d’infraction à ces règles. Sans viser explicitement les migrants la loi exige de tout étranger désireux
de prolonger son séjour en Tunisie au-delà de 3 mois de solliciter un titre de séjour en bonne et due forme.
Pour sa part, l’Institut national de la statistique (INS) définit l’« étranger résident » comme toute personne
qui réside ou à l’intention de résider en Tunisie pendant une période excédant six mois.
La notion d’étranger résident en Tunisie est différente du concept plus général de résident international
qui s’applique à toute personne ayant « changé de lieu de résidence habituelle »6.
La stratégie nationale fait référence aux immigrants, aux ressortissants étrangers en Tunisie, aux migrants
étrangers et demandeurs d’asiles, différents des migrants tunisiens ou des Tunisiens résidant à l’étranger.
Ainsi, l’expression « migrants en Tunisie » désigne les ressortissants étrangers résidant en Tunisie de façon
temporaire ou permanente, indépendamment des raisons de leur migration, qu’il s’agisse de travailleurs,
d’étudiants, de demandeurs d’asile ou de migrants sans statut légal.
En effet, la Tunisie accueille de plus en plus de migrants qui arrivent pour y rester ou parce qu’ils sont en
transit vers l’Europe. Ces migrants aux statuts divers sont, pour la plupart, très vulnérables aux violations
de leurs droits fondamentaux7.
4
L’expression « migrants étrangers » dans le document de la stratégie nationale de l’immigration désigne les
migrants internationaux venus en Tunisie (encore appelés immigrés), et non les tunisiens migrants partis à l’étranger,
appelés émigrés. CF. Stratégie nationale de l’immigration, (SNM) version Octobre 2015, secrétariat d'État à la
migration, texte non publié.
5
La Tunisie n’a pas ratifié, ni signé d’ailleurs la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des
travailleurs migrants et de leurs familles de 1990, Pas plus que les conventions n°143 et n°97 de l’OIT. Cependant,
dans le cadre des actions prévues au titre de l’objectif 5 la Tunisie entend assurer la protection des migrants
étrangers et des demandeurs d’asile et réviser ses textes législatifs (..) pour les conformer aux conventions
internationales qu’elle a ratifiées ainsi qu’à celles de l’OIT relatives aux droits des migrants.
6
Définition de base du migrant international tirée des Recommandations des Nations Unies en matière de
statistiques des migrations internationales (1998).
7
Cf., Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, François Crepeau. Additif, Mission en
Tunisie, par 18, et Rapport de l’OIT, Examen des législations concernant les travailleurs migrants et
recommandations en vue de la protection des travailleurs et travailleuses migrants, octobre 2014.
9
Il existe deux catégories de migrants : les migrants en situation « régulière » et en situation « irrégulière »,
en fonction de leurs conditions de séjour ou d’emploi ou des deux. La régularité de la situation de
l’étranger en Tunisie tient à deux facteurs strictement interreliés : la satisfaction des règles relatives au
séjour d’une part, et à celles de l’emploi d’autre part. Ainsi, l’obtention d’un droit de séjour en Tunisie8
est subordonnée à la présentation d’un contrat de travail approuvé et visé par l’autorité compétente, les
conditions d’approbation étant elles-mêmes très restrictives. Le titre de séjour indique si le titulaire est
autorisé ou non à travailler et sa période de validité, qui n’excède pas un an, est calquée sur la période de
validité des documents ayant servi à l’établir.
Ainsi, tout étranger entré sur le territoire tunisien d’une manière illégale, ou entré légalement mais ayant
prolongé son séjour au-delà de 3 mois sans solliciter et obtenir un titre de séjour, faute de pouvoir obtenir
une autorisation de travail, est en situation irrégulière. Un permis de travail n’est délivré qu’à la condition
que le potentiel employeur apporte la preuve qu’aucun Tunisien ne possède les compétences requises
pour l’emploi sollicité. Les travailleurs peu ou pas qualifiés peuvent par conséquent ne pas être autorisés
à travailler en Tunisie.
Certains migrants se retrouvent en situation irrégulière parce qu’ils n’ont pas la possibilité de travailler,
bien qu’ils possèdent un titre de séjour. C’est le cas des étudiants étrangers, notamment africains, qui ont
droit à un titre de séjour mais pas à un emploi. Certains conjoints étrangers de Tunisiens se retrouvent
également dans la même situation.
Les demandeurs d’asile font aussi partie de cette catégorie9 de personnes, bien que leur statut particulier
ne leur ouvre pas droit à un titre de séjour. Ils bénéficient seulement d’une certaine protection légale
quant à leur entrée sur le territoire tunisien10. Ils sont affranchis des règles d’entrée dans le pays et les
autorités assouplissent les conditions de séjour en ce qui les concerne dès lors qu’ils sont dûment
enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés(HCR). Pour autant, le
certificat délivré par le HCR ne leur confère aucun droit à travailler et ils sont, à cet égard, en situation
irrégulière.
D’après le dernier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH 201411), la Tunisie abrite
53 490 12 ressortissants étrangers au total, contre 35 192 en 2004. Les ressortissants maghrébins
(Algériens, Libyens et Marocains) étaient estimés à 24 333 en 2014, contre 15 007 européens, et 7 524
ressortissants d’Afrique subsaharienne. En 2014, le ministère de la Formation professionnelle et de
l’emploi avait délivré près de 5 825 permis de travail. D’après les données du ministère de l’Enseignement
8
Quelques exceptions sont prévues pour la délivrance de titre de séjour « ordinaire » d’une validité de 2 ans et
renouvelable, pour tout résident temporaire ayant séjourné en Tunisie pendant cinq années consécutives, pour
l’étrangère mariée à un tunisien, et l’étranger ayant des enfants tunisiens.
9
Le ministère de Justice prépare actuellement un projet de loi sur l’asile qui sera présenté à l’assemblée législative.
10
Loi n°1975-40 du 14 mai 1975 relative aux passeports et aux documents de voyage, modifiée par la loi du 2
novembre 1998 et la loi du 3 février 2004.
11
Le recensement établit la population tunisienne à 10 982 800 habitants.
12
Ce chiffre serait contesté par le ministère de l’Intérieur qui estime que le nombre de ressortissants étrangers
résidant en Tunisie est plus important. Source : Institut national de la statistique, Responsable de l’unité
immigration.
10
supérieur, environ 5 988 étudiants se sont inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur au
titre de l’année académique 2014-2015, dont 75 % dans des institutions privées. Au niveau des
établissements publics d’enseignement de base (écoles primaires et collèges) 1 839 élèves étrangers se
sont inscrits, contre 260 élèves dans les établissements publics d’enseignement secondaire. En fin 2014,
le HCR quant à lui s’occupait de 1 135 demandeurs d’asile. Parmi ces personnes, 231 étaient dans l’attente
d’une décision13.
Sources de données et d’informations sur les migrants en Tunisie
L’information sur la situation de ces différents groupes de migrants est quasi inexistante, ou du moins très
incomplète. Les données publiées sur les populations étrangères résidentes en Tunisie se limitent à des
statistiques globales sur le nombre d’immigrants et leur répartition géographique.
De plus, dans son rapport sur la Tunisie, le Rapporteur spécial sur les droits des migrants recommande
« de mettre en place un système national complet et transparent de collecte, d’analyse et de diffusion
des données sur les politiques et procédures en matière d’immigration, qui servirait de base à
l’élaboration d’une politique migratoire fondée sur les droits de l’Homme »14.
Le rapport sur les droits de l’homme des migrants 15 insiste sur la nécessité de disposer de données
qualitatives et quantitatives sur la situation des migrants les plus marginalisés et ceux en situation
irrégulière.
Plusieurs mécanismes de collecte de données et de sources peuvent être définis16 et développés pour
rassembler plus efficacement les données sur les populations de migrants, sur leur situation et sur les
conditions d’exercice de leurs droits.
Les sources d’enquêtes
L’Institut national de la statistique, à travers le RGPH, constitue une source importante de collecte
d’informations fiables et exhaustives17 relatives aux données démographiques, aux conditions de vie et
d’habitat, à l’éducation et à la formation professionnelle, à l’activité économique (profession, type de
contrat) et à la couverture sociale, car tous ces éléments sont rassemblés sous la variable nationalité et
résidence en Tunisie dans le questionnaire préparé pour le recensement. Toutes les données recueillies
peuvent ainsi être désagrégées en fonction des nationalités des migrants.
Le module sur la mobilité et la migration dans le questionnaire prévoit une rubrique relative au principal
motif de changement de résidence (logement) ce qui, pour les étrangers résidents, pourrait indiquer leur
13
HCR, Rapport intitulé : Tendances mondiales, déplacements forcés en 2014. Tableau 1 en annexe, page 47 du
document original. www.unhcr.org
14
Cf., Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, François Crepeau, Additif, Mission en
Tunisie, Op.cit., par 90. Par ailleurs, après l’examen du rapport présenté par la Tunisie, le Comité pour l’élimination
de la discrimination raciale note l’absence d’informations concrètes sur l’exercice de leurs droits au travail par les
migrants d’Afrique subsaharienne, CERD/C/TUN/CO/ 19-23 mars 2009.
15
Rapport du rapporteur spécial sur les droits de l’Homme des migrants, op.cit.
16
CF. Loi n° 99-32 du 13 avril 1999 relative au système national de la statistique.
17
RGPH 2014, www.ins.nat.tn.
11
statut de migrant. L’exploitation des données du recensement pourrait permettre la publication de
données plus détaillées sur la situation démographique et socioprofessionnelle des migrants en Tunisie.
L’INS réalise des enquêtes plus fréquentes (enquête sur la population et l’emploi, enquête sur la
consommation et le niveau de vie) qui ne permettent cependant pas de disposer de données sur les
populations migrantes, en raison de l’échantillonnage. Les enquêtes nationales ne fournissent pas non
plus d’informations sur les populations de migrants pour les mêmes raisons, à savoir les segments de
population échantillonnés. De même, les enquêtes menées sur le plan national18 visant à mesurer l’accès
à l’éducation et aux services de santé (notamment les enquêtes sur le « Suivi de la situation des enfants
et des femmes », une enquête en grappes à indicateurs multiples mené par le ministère du
Développement et l’INS avec l’appui de l’UNICEF) n’ont pas non plus permis de recueillir des données sur
les migrants, pour les mêmes raisons d’échantillonnage relevées plus haut. Conçues pour donner une
vision globale et mesurer les disparités entre les régions, ces enquêtes ne permettent pas de faire ressortir
la situation particulière du groupe minoritaire spécifique que représentent les migrants. D’où la nécessité
de mener des enquêtes spécifiques ciblées. Le caractère minoritaire de la population migrante en Tunisie,
sa répartition et sa concentration géographique, requièrent en effet des enquêtes visant spécifiquement
cette population, avec un échantillonnage approprié, permettant de compléter et de consolider les
données collectées au niveau des sources administratives.
Les sources administratives
Pour l’heure, les sources administratives constituent le mécanisme privilégié devant être développé pour
la production de données plus affinées sur la situation des droits des migrants en Tunisie. Les directions,
services, observatoires et les unités chargés des travaux statistiques au sein des ministères constituent en
effet les structures statistiques publiques spécialisées, chargées de collecter, traiter, analyser et diffuser
l’information statistique relevant du domaine d’activité de l’organisme concerné.
Au niveau du ministère de l’Intérieur, l’exploitation des données recueillies à travers les demandes de
visas et de permis de séjour et les données concernant les entrées, sorties, décès et naissances d’étrangers
en Tunisie permet, après croisement des différentes variables et recoupement des données, d’avoir des
informations sur la population étrangère migrante en Tunisie.
Les statistiques aux frontières sont communiquées à l’INS par des bulletins mensuels.
Au niveau des services statistiques du ministère de l’Éducation, la collecte systématique des données sur
les enfants migrants auprès des établissements d’enseignement gagnerait à être affinée par l’ajout de la
variable nationalité au formulaire distribué au niveau de ces établissements, de manière à assurer la
ventilation de toutes les statistiques scolaires par nationalité des enfants.
Concernant le droit à la santé, la collecte de données sur les migrants reste très limitée parce que
l’information sur la nationalité n’est pas recueillie au niveau des établissements de santé lors de
l’inscription routinière des informations sur les usagers. Les études épidémiologiques, les rapports
18
MICS 1, MICS 2, MICS 3 et MICS 4.
12
nationaux sur la santé ne tiennent pas compte non plus de la catégorie des migrants. Elles sont centrées
sur les disparités régionales et les déterminants socio- économiques de la santé d’un point de vue global19.
Une réforme du système d’information sur la santé est projetée afin de rendre systématique la collecte
des données au niveau des établissements de santé.
Au niveau du ministère de la Formation professionnelle et de l’emploi(MFPE), les données disponibles et
publiées concernent les migrants ayant des emplois réguliers et sont tirées des contrats de travail
approuvés et des documents attestant que leur détenteur n’est pas assujetti à l’obligation d’avoir un
permis de travail. Ces données établissent le nombre de travailleurs migrants réguliers, répartis par
secteurs et par région.
L’inspection du travail constitue une source importante d’information sur la situation des travailleurs
migrants du point de vue des droits du travail. En effet, elle a, entre autres missions, celle de la collecte
de données sur les conditions de travail et elle doit établir des rapports trimestriels à cet effet20.
Les organismes de la société civile : associations et partenaires sociaux
Deux associations de droit tunisien sont spécifiquement concernées par les droits des migrants en Tunisie.
Il s’agit du Centre de Tunis pour la migration et l’asile (CeTuMa) et de Terre d’asile. D’autres associations
de défense des droits de l’homme peuvent également constituer des sources d’information sur la
situation des droits des migrants en tant que catégorie vulnérable, par exemple la Ligue tunisienne des
droits de l’homme(LTDH), l’association tunisienne de défense des droits de l’enfant 21 ou l’association
tunisienne de la lutte contre le racisme etc..
Ces sources permettent de produire des données factuelles sur les violations des droits des migrants et
d’avoir des données qualitatives et quantitatives sur ces violations22. En mettant particulièrement l’accent
sur les cas de violation ou de non-respect des droits de ces individus, ces informations complètent celles
des sources gouvernementales et permettent de mettre en évidence les lacunes au niveau de la
protection, notamment pour ce qui est des migrants en situation irrégulière.
C’est dans ce sens également que l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) peut fournir des données
sur la situation des droits des travailleurs, les actions entreprises en vue de la protection des travailleurs
migrants en Tunisie, et l’exercice effectif du droit syndical par ces derniers.
19
Le document du dialogue sociétal sur la santé, synthétisant les données des différentes sources sur l’état, les
conditions et les services de santé en Tunisie, ne fait aucune référence à la situation des migrants. CF. Dialogue
sociétal sur les politiques et les plans nationaux du secteur de la santé et des services de santé en Tunisie : État des
lieux.
20
Articles 179 et 180 du code du travail.
« Les agents de l’inspection ont pour mission (….) d’établir des statistiques de toute nature concernant les conditions
de travail et d’emploi dans les secteurs soumis à leur contrôle ». « Ils doivent fournir chaque trimestre des rapports
circonstanciés sur l’application des dispositions dont ils sont chargés d’assurer l’exécution ».
21
Cette association a réalisé en juin-Juillet 2015 une enquête sur « l’accueil des enfants migrants en Tunisie »,
enquête par sondage auprès des adultes, sur la base d’un échantillon de 327 réfugiés libyens et 113 réfugiés syriens,
avec l’appui de l’UNICEF Tunis.
22
Indicateurs des droits de l’homme : Guide pour mesurer et mettre en œuvre, N.U., 2012, p.57 et 58.
13
Deux nouvelles formations syndicales ont vu le jour, après la révolution : la Confédération générale
tunisienne du travail (CGTT) et l’Union des travailleurs de Tunisie(UTT).
Présentation du projet
Le document de travail n°5 a été préparé par le groupe de travail thématique sur « les droits des migrants
et les aspects sociaux de la migration » (TWG7), de l’Alliance mondiale pour le savoir sur les migrations et
le développement (KNOMAD). Il répond au besoin de collecter des données et des informations sur les
droits des migrants en vue de la formulation de politiques migratoires fondées sur des données factuelles.
Ce document de travail décrit les indicateurs des droits de l’homme des migrants et des membres de leur
famille23.
Il convient de rappeler que les discussions au Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) étaient
axées sur l’importance des indicateurs pour mesurer le niveau d’exercice des droits de l’homme et comme
outil essentiel de formulation et d’évaluation des politiques pour la mise en œuvre des normes
internationales 24 . Ces discussions se sont soldées par l’élaboration d’un guide sur la définition
d’indicateurs des droits de l’homme. À la lumière de ces discussions et du guide du HCDH, le document
de KNOMAD se fonde sur un cadre conceptuel et méthodologique pour présenter un ensemble
d’indicateurs mesurant l’accès des migrants aux droits fondamentaux à l’éducation, à la santé et à un
travail décent.
Le document souligne la nécessité de définir des indicateurs « dégroupés » des droits de l’homme qui sont
spécifiques aux migrants, ou à des groupes de migrants, qui seraient utilisés pour mesurer les
discriminations dont ils sont victimes dans l’exercice de leurs droits et pour préciser les obligations des
États à l’égard de ces groupes25.
Le cadre conceptuel défini par le HCDH est basé sur la définition des caractéristiques ou attributs de
chacun des droits de l’homme reconnus par les principales conventions et interprétés et explicités par les
comités institués par ces instruments. Les indicateurs structurels, de processus et de résultats définis
permettent de mesurer les engagements, les efforts et les résultats relativement à la réalisation des droits
visés. De même, les indicateurs établis dans le document de travail de KNOMAD pour mesurer le niveau
de protection des droits sociaux des migrants se basent sur le contenu normatif des obligations de l'État
en la matière, telles qu’elles découlent des instruments internationaux et des observations des comités
qu’ils ont institués.
Ce rapport s’inscrit dans le cadre de la 2ème phase du projet entrepris par le groupe thématique (TWG7)
de KNOMAD. La phase initiale consistait à dresser une liste d’indicateurs des droits de l’homme des
migrants et de leurs familles, notamment les indicateurs sur le droit à la santé, à l’éducation et à un travail
décent.
23
KNOMAD, Document de travail n°5, indicateurs des droits de l’homme des migrants et de leurs familles, avril 2015.
24
HCDH, Indicateurs des droits de l’homme, guide pour mesurer et mettre en œuvre, N.U, 2012, p. iii.
25
Ibid., page 49.
14
La seconde phase du projet, menée en Tunisie par l’Observatoire national de la migration, vise à
déterminer et évaluer la pertinence de ces indicateurs au niveau national. L’évaluation s’appuiera sur une
consultation nationale réunissant l’ensemble des intervenants concernés, à savoir les représentants de
l’administration publique, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile, pour discuter de
ces indicateurs ainsi que des défis et opportunités inhérents à la collecte des données sur les droits de
l’homme des migrants en Tunisie.
Le présent rapport devrait servir de document de base pour cette consultation. Il présente une liste
d’indicateurs sélectionnés à partir du document de KNOMAD, définis et adaptés au contexte tunisien. Il
définit les catégories de migrants vulnérables et décrit les défis à surmonter pour assurer la
reconnaissance, le respect et l’exercice des droits des migrants. Il propose enfin des mécanismes pour la
collecte des données disponibles ou existantes.
Structure du document
Conformément à la méthodologie préconisée par le guide du HCDH, la sélection des indicateurs se base
sur l’étude du cadre juridique national relatif aux droits considérés ainsi que l’identification du cadre
institutionnel et de programmes permettant de réaliser ces droits.
Des entretiens ont par ailleurs été organisés avec un certain nombre d’acteurs concernés par la collecte
des données concernant l’accès aux droits pour tout mettre en contexte.
Le rapport, qui s’appuie sur le document de travail de KNOMAD et la liste d’indicateurs qu’il propose,
s’intéresse à trois droits de l’homme26 qui font chacun l’objet d’un chapitre. Il s’agit des indicateurs relatifs
au droit à la santé, au droit à l’éducation et au droit à un travail décent.
Un dernier chapitre est prévu pour la présentation des défis et des recommandations proposées.
Tableau récapitulatif des indicateurs des droits de l’homme des migrants et de leurs familles - droit à
l’éducation, à la santé et à un travail décent - proposés par KNOMAD et adaptés au contexte tunisien.
26
Le document de KNOMAD prévoit par ailleurs une liste d’indicateurs pour le droit et le principe transversal de
non-discrimination.
15
Indicateurs de processus 4. Pourcentage des dépenses publiques consacrées à la
promotion du droit à l’éducation des enfants migrants.
5. Taux de scolarisation des enfants migrants, dans les
établissements d’enseignement tunisiens, par niveau et type
d’établissement.
6. Nombre d’enfants migrants pris en charge dans le cadre du
programme d’action sociale en milieu scolaire (PASS) par
rapport aux enfants nationaux.
Indicateurs de résultat 7. Le pourcentage d’enfants de nationalité étrangère, inscrits à
l’enseignement de base et à l’enseignement secondaire
achevant les études correspondant à chaque cycle.
Indicateurs du droit des
migrants à la santé
Indicateurs structurels 1. L’état de ratification des conventions internationales
pertinentes.
2. La reconnaissance du droit à la santé pour tous les migrants
dans le droit interne tunisien.
3. L’inclusion des migrants, comme groupe cible particulier, dans
les politiques et programmes d’aide sociale visant à réduire
les inégalités et les traitements inéquitables dans le domaine
de la santé et considérant les déterminants sociaux de la
santé.
4. Le mécanisme de collecte et de publication de données
périodiques sur les conditions et services de santé, ventilées
par nationalité et statut migratoire.
16
Indicateurs structurels 1. L’état de ratification des conventions de l’OIT et de la
convention des Nations Unis de 1990.
2. Portée de la reconnaissance du droit au travail des migrants
dans la législation nationale, par statut migratoire et relation
de travail.
3. Protection des droits des migrants au travail dans le droit
interne : principe d’égalité de traitement, et obligation de
non-discrimination.
Indicateurs de processus 4. L’existence d’une jurisprudence reconnaissant le principe
d’égalité dans la protection des droits du travail des
travailleurs migrants, par statut de travailleur.
5. L’existence d’une protection spécifique et d’un mécanisme de
contrôle des conditions et droits du travail des travailleuses
domestiques migrantes.
6. Le nombre de programmes de sensibilisation et d’information
pour les migrants concernant leurs droits du travail.
7. Le nombre de campagnes d’inspections du travail ciblant les
secteurs d’emploi de la main d’œuvre étrangère et taux de
couverture de ces secteurs par l’inspection du travail.
8. Le nombre de programmes visant à promouvoir la
syndicalisation des migrants.
Indicateurs de résultat 9. Proportion de travailleurs migrants parmi les travailleurs
victimes de violations du droit de travail.
10. Nombre estimé de travailleurs migrants en situation
irrégulière.
17
2. Indicateurs du droit des migrants à l’éducation
Le rapport de 2015 sur les objectifs du Millénaire pour le développement27 souligne le rapport et la forte
corrélation entre la pauvreté et la marginalisation sociale d’une part, et la faiblesse des niveaux de
scolarisation au primaire d’autre part.
De plus, le programme des Nations Unies pour l’après-2015 met l’accent sur le lien entre le
développement et la réduction des inégalités et de l’exclusion et les efforts pour les vaincre. Il prévoit
pour le suivi des ODD la mise en place de mécanismes qui permettent non seulement d’évaluer les progrès
au niveau national et mondial, mais aussi et surtout de déterminer dans quelle mesure toutes les
catégories marginalisées ou vulnérables, notamment les migrants, ont accès aux droits visés.
Ainsi, l’intégration des ODD dans le processus de planification en Tunisie implique une prise en compte
systématique des migrants dans la mesure de l’accès à l’éducation. Au-delà de la mesure des effets de
certains facteurs sociaux sur l’accès à l’éducation et de l’examen des disparités entre les régions et entre
le milieu rural et le milieu urbain, l’objectif 4 « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un
pied d’égalité » nécessite que les données recueillies soient désagrégées pour prendre en compte la
vulnérabilité particulière que pourrait présenter la population migrante, du point de vue de l’accès à ce
droit28.
Cette vulnérabilité tient à ce que certains groupes de migrants, notamment les migrants en situation
irrégulière, et les demandeurs d’asile, supportent en plus de la précarité économique, des difficultés
spécifiques. Plusieurs obstacles peuvent limiter le droit des enfants migrants à l’éducation, malgré la
reconnaissance de l’universalité de ce droit au niveau de la constitution de 2014.
La discrimination à l’égard de ce droit peut en effet être « indirecte » et résulter des mesures ou des
pratiques administratives des autorités éducatives, aboutissant à l’exclusion de certains enfants en raison
du statut de migrant irrégulier de leur parent. Par ailleurs, des difficultés d’ordre linguistique liées à l’usage
de l’arabe ou du français dans le système éducatif tunisien (le français est la 2ème langue d’enseignement
en Tunisie) ainsi que des difficultés d’intégration et d’adaptation culturelle à certains programmes
scolaires, peuvent entraver l’accès et empêcher certains enfants migrants d’achever leur scolarité. Il est
dès lors crucial d’évaluer l’accès des migrants à l’éducation et de déterminer dans quelle mesure
l’enseignement est adapté à leurs besoins.
Les indicateurs retenus visent donc à évaluer le respect de l’obligation internationale de reconnaître le
droit à l’éducation aux enfants migrants. Ils tiennent compte aussi des caractéristiques essentielles de ce
droit, à savoir l’accessibilité, la non-discrimination, la disponibilité et l’acceptabilité culturelle29.
27
Objectifs du Millénaire pour le développement, Rapport 2015, N.U, 2015, p 26.
28
Selon les responsables de l’éducation en Tunisie (ministère de l’Éducation), les migrants n’étaient pas pris en
compte dans le suivi des ODD parce que le phénomène migratoire est relativement récent en Tunisie et que les
contraintes relevées jusque il y a peu en matière de droit à l’éducation étaient strictement d’ordre national.
29
CF. Indicateurs des droits de l’homme des migrants et de leur famille, KNOMAD, avril 2015, p 21.
18
Les études menées au niveau national sur les conditions d’accès à l’éducation en Tunisie ne rendent pas
compte de la situation des enfants migrants. Orientées vers l’évaluation des disparités régionales et
sociales, leur échantillonnage ne permet pas de dégager des données sur la population migrante.
En revanche, le bureau des statistiques au sein du ministère de l’Éducation (la direction des études, de la
planification et des statistiques) recueille des données exhaustives sur les élèves inscrits dans les
différents établissements d’enseignement publics et privés, grâce aux fiches distribuées au début de
chaque année scolaire à ces établissements. La fiche spécifique destinées aux « élèves étrangers » permet
d’avoir des données sur leur répartition par niveau (cycle d’étude), par région (gouvernorat), par
établissement et par nationalité. Ces données pourraient être plus désagrégées sur la base du type
d’informations recueillies pour les élèves tunisiens.
Les indicateurs relatifs au taux de scolarisation des enfants migrants et au taux d’achèvement dans les
différents cycles d’enseignement devraient être plus désagrégés et éclairés par les données actuelles du
ministère de l’Intérieur sur l’ensemble de la population migrante en Tunisie, ventilée par âge et par statut
migratoire.
Les données sur les difficultés particulières rencontrées par les enfants migrants scolarisés en Tunisie ne
sont pas disponibles malgré la collecte de données relatives à l’environnement scolaire au niveau de la
direction de la vie scolaire du ministère de l’Éducation, ainsi qu’au niveau de la direction de la défense
sociale du ministère des Affaires sociales concernant le suivi du programme d’action sociale en milieu
scolaire. La désagrégation de ces données par nationalité et la systématisation de leur publication est
nécessaire pour permettre d’évaluer l’accès effectif des enfants migrants à l’éducation.
Dans cette perspective, les indicateurs suivants sont proposés (annexe 3) :
L’état de ratification des traités internationaux relatifs au droit à l’éducation.
- -la reconnaissance et la consécration dans le droit tunisien du droit à l’éducation obligatoire pour
tous, sans discrimination sur la base de la nationalité ou du statut migratoire.
- -le mécanisme de collecte et de publication de données périodiques sur l’accès à l’éducation et
les conditions d’éducation, ventilées, par nationalité et par statut migratoire (statut des parents).
- -le pourcentage des dépenses publiques consacrées à la promotion du droit à l’éducation des
enfants migrants.
- -le taux de scolarisation des enfants migrants dans les établissements d’enseignement tunisiens,
par niveau et type d’établissement.
- -le nombre d’enfants migrants pris en charge dans le cadre du programme d’action sociale en
milieu scolaire (PASS) par rapport aux enfants nationaux.
- - le pourcentage d’enfants de nationalité étrangère, inscrits à l’enseignement de base et à
l’enseignement secondaire achevant les études correspondant à chaque cycle.
19
3. Indicateurs du droit des migrants à la santé
Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants recommande d’intégrer dans le programme
pour l’après-2015, les droits des migrants et des membres de leur famille à des soins de santé adéquats30
au même titre que le reste de la population et indépendamment de leur statut migratoire. L’objectif
d’universalisation de la couverture sanitaire doit être compris comme devant donner aux populations les
plus marginalisées, dont les migrants, accès aux services de santé, par l’établissement d’indicateurs
spécifiques.
La consultation internationale organisée à la suite de la résolution 61.17 de l’Assemblée mondiale de la
santé sur la santé des migrants, a donné lieu à des propositions sur un ensemble d’actions prioritaires
devant être entreprises. Ces actions concerneraient notamment des systèmes de santé garantis attentifs
aux besoins des migrants, la surveillance de la santé des migrants et la normalisation ainsi que la
comparabilité des données sur la santé des migrants. Des efforts devraient aussi être faits pour veiller à
ce que l’information soit ventilée et consolidée comme il convient31.
Ainsi, il a été convenu de la nécessité de renforcer le système d’information sanitaire afin qu’il puisse
assurer la collecte de données sur la santé des migrants. Ces données devraient aussi être ventilées par
catégories pertinentes pour rendre compte des catégories les plus vulnérables. Cette démarche
permettrait de déterminer dans quelle mesure le droit des migrants à la santé est pris en compte.
Les indicateurs proposés par KNOMAD visent à mesurer les aspects fondamentaux du droit à la santé32,
au regard des contraintes et obstacle liés au phénomène de migrations comme le statut légal des
migrants, les difficultés économiques et les barrières linguistiques ainsi que les traitements
discriminatoires dont ils pourraient être victimes.
L’information relative à l’accès, aux conditions et services de santé concernant les migrants en Tunisie est
pratiquement inexistante. Aucune étude ni source de données identifiée en matière de santé n’établit des
données sur les migrants en situation régulière ou irrégulière. Des mécanismes de collecte de données en
matière de santé existent pourtant et l’adoption des OMD relatifs au droit à la santé (OMD 4, 5, 6) et
l’intégration de ces objectifs dans le processus de planification en Tunisie ont permis un suivi quantitatif
et une évaluation des programmes et actions nationales en la matière, sur la base d’un ensemble
d’indicateurs permettant de prévoir l’évolution vers la réalisation des objectifs ciblés 33 . Certes, les
indicateurs retenus pour l’évaluation de la réalisation des objectifs ciblés en matière de santé, mettent de
plus en plus à nu les disparités et les inégalités, mais l’attention reste beaucoup plus axée sur les disparités
régionales, et moins sur les besoins des migrants. Les indicateurs ainsi retenus mesurent les performances
30
Rapport du rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, A/69/302, 11 août 2014, p.59.
31
Consultation mondiale sur la santé des migrants, organisée par l’OIM, l’OMS et le Ministère de la Santé et des
services sociaux du gouvernement espagnol : Health of migrants- The way Forward, report of a global consultation,
Madrid (Espagne).
32
Le document rappelle par ailleurs le caractère global du droit à la santé, ses déterminants et son lien avec d’autres
droits de l’homme.
33
Cf.; Programme national de la statistique et suivi des OMD, Document de synthèse de mission, 2006, PNUD, CNS.
20
globales de la Tunisie par rapport aux objectifs retenus mais n’informent pas sur l’engagement, les efforts
et les résultats réalisés concernant ces groupes spécifiques.
La prise en considération systématique des migrants dans la mesure de l’accès à la santé est désormais
nécessaire pour le suivi des ODD, ce qui implique nécessairement une plus grande désagrégation des
données recueillies sur l’accès à la santé pour tenir compte du statut des migrants. Ceci n’est pas sans
soulever des difficultés liées au besoin de renforcer les moyens de collecte de ces données.
Les données recueillies auprès des structures hospitalières fournissent des informations utiles et précises
sur l’accès effectif des migrants aux différents établissements de santé, car elles contiennent des détails
sur le statut migratoire des utilisateurs de ces services, leur nationalité et leur résidence en Tunisie.
L’office national de la famille et de la population(ONFP) ainsi que la direction des soins de santé de base
du ministère de la Santé constituent une source de données sur les programmes et les mesures
entreprises pour la sensibilisation et l’information à l’égard des migrants, ainsi que pour la collecte et
l’analyse des données sur l’accès aux différents programmes de santé publique, dont elle assure le suivi.
Des enquêtes peuvent également être menées par l’ONFP, et par l’institut national de santé publique afin
de consolider les données recueillies sur l’accès aux établissements de santé par les migrants.
Les indicateurs retenus (annexe 4) devraient permettre d’évaluer l’accessibilité des biens et services de
santé pour la population migrante, sans discrimination et dans des conditions d’égalité par rapport aux
tunisiens, ainsi que l’accessibilité économique ou financière et l’accessibilité de l’information sur les
questions de santé.
- -l’état de ratification des conventions internationales pertinentes.
- -la reconnaissance du droit à la santé pour tous les migrants dans le droit interne tunisien.
- -l’inclusion des migrants comme groupe cible particulier dans les politiques et programmes d’aide
sociale visant à réduire les inégalités et les traitements inéquitables dans le domaine de la santé
et considérant les déterminants sociaux de la santé.
- -le mécanisme de collecte et de publication de données périodiques sur les conditions et services
de santé, ventilées par nationalité et statut migratoire.
- -la proportion de décisions judiciaires concernant le droit à la santé des migrants.
- -le nombre de programmes de formation à l’intention des travailleurs de la santé portant sur la
diversité culturelle, les migrations internationales et les droits de l’homme.
- -le nombre de campagnes visant à faire connaître le droit des migrants à la santé.
- Le taux d’accès des migrants à chaque établissement de santé publique par rapport aux nationaux.
4. Indicateurs du droit des migrants à un travail décent
Le principe d’égalité et de non-discrimination implique l’application de la protection prévue par les
conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) relatives aux droits des travailleurs (les huit
conventions fondamentales et d’autres aussi) à tous les travailleurs migrants34.
34
Ceux-ci sont également protégés d’une manière plus spécifique en tant que travailleur migrant par les conventions
de l’OIT relatives aux travailleurs migrants (n°143 et n°97) ainsi que par la convention internationale sur la protection
21
À l’origine de la protection des travailleurs migrants réside le souci de prévenir et d’empêcher la
réalisation des risques d’exploitation, d’abus, voire de maltraitance. Cette protection s’impose d’autant
plus lorsqu’il s’agit de travailleurs migrants en situation irrégulière.
Le document de KNOMAD établit une liste d’indicateurs visant à mesurer le droit à un travail décent, et la
protection des droits du travail pour les migrants. Ces indicateurs s’inspirent de ceux de l’OIT relatifs au
travail décent fondés sur les objectifs stratégiques de l’agenda de l’OIT pour le travail décent35 et du cadre
général de mesure des droits de l’homme du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.
En Tunisie, la réglementation excessivement restrictive du travail des étrangers, ainsi que la non-
application systématique des conventions bilatérales d’établissement (avec les pays maghrébins
notamment), aboutissent dans la pratique à la fermeture de l’accès à un travail régulier pour une partie
importante des migrants en Tunisie, les migrants en situation irrégulière. Certains autres migrants ont un
titre de séjour (conjoint ou conjointe de tunisiens, étudiant, ressortissants maghrébins), mais ne sont pas
autorisés à travailler, en application des conditions prévues par la loi sur l’emploi des étrangers36. Les
travailleurs irréguliers constitue la catégorie de migrants la plus sollicitée généralement par les secteurs
informels. Mais parce qu’ils ne sont pas couverts par le droit du travail, les risques d’exploitation sont
accrus.
La protection des droits de « tous les travailleurs y compris les migrants, en particulier les femmes et ceux
qui ont un emploi précaire » est spécifiquement visée par les ODD. Une telle protection implique
nécessairement l’établissement de données fiables sur la situation des droits de ces travailleurs, et
notamment des plus vulnérables d’entre eux, les travailleurs en situation irrégulière et les travailleuses
domestiques.
Cependant, très peu d’informations existent sur la situation des droits des travailleurs migrants en Tunisie,
plus particulièrement les travailleurs en situation irrégulière37. Les appréciations restent approximatives
et peu probantes faute de mécanismes efficaces de collecte des données sur ces travailleurs. Plusieurs
sources devraient être renforcées et mobilisées pour la collecte de ces données : l’inspection du travail,
des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. La Tunisie n’a certes pas ratifié ces
conventions, mais la stratégie nationale de la migration arrête comme action visant à réaliser l’objectif de
« protection des migrants étrangers et demandeurs d’asile en Tunisie », celle de « réviser les textes législatifs (…) en
harmonie avec les conventions internationales ratifiées par la Tunisie et celle de l’OIT relatives à la protection des
droits des immigrants », Stratégie Nationale, op.cit.
35
Document de travail de KNOMAD. Op.cit. ., p.37.
36
Les migrants demandeurs d’asile font actuellement partie de cette catégorie. Le projet de loi sur l’asile en Tunisie
est en cours d’étude au niveau du ministère de la Justice. Une loi doit en effet intervenir en conformité avec
l’engagement international de la Tunisie qui a ratifié la convention de 1951 pour réglementer le droit de séjour et le
droit au travail pour les réfugiés.
37
Les données existantes sur l’immigration de travail, se limitent aux statistiques concernant les travailleurs réguliers
admis à travailler en Tunisie, disponibles au niveau du ministère de la Formation professionnelle et de l’emploi, à
partir des contrats de travail d’étrangers qui ont obtenu le visa, et les contrats ayant obtenu l’attestation de non
soumission au visa de travail.
Cf., Kriaa (M), Information sur la migration de travail en Tunisie, Lecture de la décennie 2002-2012, OIM.
22
la direction générale de l’émigration et de la main d’œuvre étrangère du ministère de la Formation
professionnelle et de l’emploi, les partenaires sociaux et les associations concernées.
Les visites de routine et les campagnes ciblées d’inspection sont en effet, un mécanisme privilégié de
collecte de données sur les travailleurs migrants. Il faut cependant renforcer les capacités dans ce
domaine et réviser le cadre juridique pour mettre l’accent sur le rôle de l’inspection du travail comme
instrument de protection de tous les travailleurs.
Au vu de ce qui précède et compte tenu de la situation des travailleurs migrants en Tunisie, les indicateurs
suivants sont proposés (voir annexe 5) :
-L’état de ratification des conventions de l’OIT et la convention des Nations Unis de 1990.
- -la portée de la reconnaissance du droit au travail des migrants dans la législation nationale, par
statut migratoire et relation de travail.
- -la protection des droits du travail des migrants dans le droit interne : principe d’égalité de
traitement et obligation de non-discrimination.
- -l’existence d’une jurisprudence reconnaissant le principe d’égalité dans la protection des droits
- -l’existence d’une protection spécifique et d’un mécanisme de contrôle des conditions et droits
du travail des travailleuses domestiques migrantes.
- Le nombre de programmes de sensibilisation et d’information pour les migrants concernant leurs
droits du travail.
- -le nombre de campagnes d’inspections du travail ciblant les secteurs d’emploi de main d’œuvre
étrangère et taux de couverture de ces secteurs par l’inspection du travail.
- -le nombre de programmes visant à promouvoir la syndicalisation des migrants.
- -la proportion des travailleurs migrants parmi les travailleurs victimes de violations du droit de
travail.
- -le nombre estimé de travailleurs migrants en situation irrégulière.
5. Défis et recommandations
5.1 Lacunes et défis à relever
L’adoption dans le nouvel agenda pour 2030 d’un objectif spécifique relatif à la lutte et à la réduction des
inégalités dans les pays, qui fixe entre autres cibles celle « d’autonomiser toutes les personnes et favoriser
leur intégration sociale, économique », sans discrimination aucune y compris sur la base de « leurs
origines, ou de leur statut économique ou autre » 38 , implique pour la Tunisie d’aller au-delà des
indicateurs développés dans le cadre du suivi des OMD, et d’intégrer toutes les formes de vulnérabilité, y
compris celles liées à la migration, dans tous les dispositifs de collecte d’informations.
Les mécanismes institutionnels mis en place pour collecter les données statistiques nécessaires à la mise
en œuvre des indicateurs relatifs à ce nouvel objectif sont définis dans le programme statistique national
38
Le nouvel agenda du développement durable www.undp.org
23
2016-2020, élaboré dans le cadre du plan national de développement39. De plus, l’un des objectifs de
l’observatoire national de la migration est le « développement des connaissances sur les migrations ».
Outre les statistiques sur les flux migratoires, les stocks de migrants et les questions du développement
économique, ces connaissances et informations devraient s’intéresser à la situation des migrants et à leur
accès aux droits fondamentaux.
Les différents intervenants rencontrés lors de l’élaboration de ce rapport relèvent que les données
spécifiques sur les migrants en Tunisie sont au mieux, lacunaires ou insuffisantes, au pire, inexistantes.
Cette insuffisance participe certes de celle plus générale concernant la mesure de la mise en œuvre des
droits de l’homme en Tunisie40 mais elle serait encore plus grande en ce qui concerne les migrants parce
que « l’approche de la migration par les droits » est, à vrai dire, une approche toute nouvelle en Tunisie41.
Le fait que la question de la protection des droits des migrants n’était pas perçue comme une priorité,
explique en effet les lacunes enregistrées en matière de collecte de données pertinentes.
Les données publiées sur les populations étrangères concernent uniquement des statistiques globales
sur le nombre d’immigrants, et la répartition géographique des différentes communautés nationales
étrangères en Tunisie. Les données publiées par différentes sources42 et les informations tirées des
enquêtes menées au niveau national ne permettent pas d’évaluer la situation des droits de l’homme des
migrants en Tunisie, en ce qui concerne notamment leurs droits à la santé ou à l’éducation.
Ainsi, les données publiées par l’Institut national de la statistique (INS), à partir du Recensement général
de l’habitat et de la population restent des données globales et sommaires, malgré l’exhaustivité des
données recueillies grâce aux variables incluses dans le questionnaire. Par ailleurs, le recensement reste
forcément limité par l’intervalle intercensitaire trop long, en plus des limites, généralement admises,
tenant au fait que les migrants en situation irrégulière se prêtent difficilement à ce recensement.
Les enquêtes à une périodicité plus rapprochée menées par l’INS (Enquête Population Emploi et Enquête
Consommation et niveau de vie, tous les cinq ans) ne permettent cependant pas de disposer de données
sur les populations migrantes, à cause de l’échantillonnage retenu. De même, les enquêtes menées sur le
plan national pour mesurer l’accès aux droits à l’éducation et à la santé, notamment « l’enquête sur la
situation des femmes » et les enquêtes en grappes à indicateurs multiples menées par le ministère du
Développement et l’INS avec l’appui de l’UNICEF d’une manière régulière depuis quelques années43 ne
permettent pas, non plus, de recueillir des données sur les migrants pour les raisons déjà évoquées plus
39
CF. Synthèse de la note d’orientation du plan stratégique de développement 2016-2020, 15 septembre 2015.
Source : ministère du Développement.
40
Cf. Les travaux de l’atelier de formation sur les indicateurs pour mesurer la mise en œuvre des droits de
l’homme, Tunis, 19-21 mai 2015, Touihri Nadia(INS), les sources de données , Disponibilité et couverture, 20 mai
2015, non publié.
CF. Également, le rapport du comité pour l’élimination de la discrimination raciale, CERD/C/TUN/CO/ 19-23 mars
2009.
41
Cf., Étude BIT Tunis, 2014, op.cit.
42
En dehors des statistiques sur le nombre d’enfants étrangers inscrits dans les établissements d’enseignement
publics en Tunisie publiées par le ministère de l’Éducation.
43
MICS 1, MICS 2, MICS 3 et MICS 4.
24
haut, à savoir le type d’échantillon retenu. Conçues pour mesurer les disparités régionales et les inégalités
de façon globale, elles ne rendent pas compte de la situation particulière des groupes minoritaires
spécifiques que sont les migrants. Ce qui met en exergue l’importance et la nécessité d’enquêtes
spécifiques. Le caractère relativement minoritaire de la population migrante en Tunisie, sa répartition et
sa concentration géographique, requièrent en effet des enquêtes spécifiques à cette population, avec un
échantillonnage approprié, permettant de compléter et de consolider les données collectées au niveau
des sources administratives.
Les données administratives sont actuellement très limitées, même si le mécanisme de collecte pour ce
qui est du droit à l’éducation est bien efficace. L’adoption d’indicateurs sur le taux de scolarisation des
enfants migrants nécessite au-delà des données recueillies au niveau du ministère de l’Éducation, des
données sur la population migrante en âge scolaire. Ces informations devraient être communiquées et
diffusées par le ministère de l’Intérieur.
Or pour l’heure, les informations collectées au niveau de ce ministère ne sont pas diffusées, même si les
statistiques aux frontières sont communiquées à l’INS.
Concernant le droit à la santé, la collecte de données sur les migrants reste très limitée parce que
l’information sur la nationalité n’est pas recueillie au niveau des établissements de santé lors de
l’inscription routinière des informations sur les usagers. Les études épidémiologiques, les rapports
nationaux sur la santé ne tiennent pas compte non plus de la catégorie des migrants, elles sont centrées
sur les disparités régionales et les déterminants sociaux et économiques de la santé d’une manière
générale44.
Il y a lieu de rappeler que l’absence d’informations sur l’accès à la santé est un problème général relevé
dans différents rapports, notamment celui publié en 2014 sur le suivi des OMD en Tunisie45.
La reforme projetée du système d’information sur la santé, qui vise à rendre systématique la collecte des
données au niveau des établissements de santé, devrait permettre de rendre disponibles et régulières ces
données et de les désagréger afin de disposer d’informations sur la catégorie des migrants, grâce à
l’introduction des variables sur la nationalité et la résidence en Tunisie dans la collecte de données auprès
des utilisateurs des services de santé.
La nécessité de renforcer la collecte, le traitement, l’analyse, et la dissémination des données sur les
migrants au niveau des sources administratives s’impose également aux autorités administratives de
l’emploi et de l’Inspection du travail.
Le rôle de cette dernière en matière de collecte des données sur les conditions de travail des migrants en
Tunisie est actuellement entravé par l’insuffisance des moyens humains d’une part46, et par l’obligation
légale faite à l’agent de l’inspection de signaler les cas de travail irrégulier constatés lors de sa visite et de
44
Le document du dialogue sociétal sur la santé, synthétisant les données des différentes sources sur l’état, les
conditions et les services de santé en Tunisie, ne fait aucune référence à la situation des migrants. CF. Dialogue
sociétal sur les politiques et les plans nationaux de la santé en Tunisie, état des lieux.
45
Op.cit.
46
Source : direction générale de l’Inspection du travail.
25
faire appliquer la sanction prévue à l’encontre d’un tel travailleur47 sans pour autant rendre compte de la
situation de leurs droits.
5.2 Recommandations
Les recommandations suivantes sont formulées en vue de l’adoption d’indicateurs mesurant les droits
des migrants.
À court terme :
L’intégration du suivi de la situation des droits des migrants dans le programme national de la
statistique(PNS), couvrant la période du plan de développement économique et social. De plus, la
désagrégation systématique des données collectées devrait être prescrite dans le PNS, comme une
des priorités et un des principes directeurs de la gestion des statistiques. Cette démarche
faciliterait à son tour l’intégration des ODD dans le processus de planification nationale. Le PNS
reçoit les données de toutes les institutions publiques qui rassemblent les statistiques et devrait,
par conséquent, être en mesure de contribuer à améliorer la collecte des données sur les migrants
par ces sources publiques.
L’amélioration de la collecte des données sur l’accès aux services par différents départements
ministériels :
Formation et sensibilisation des acteurs concernés par la collecte des données, et des agents
au niveau des différentes structures statistiques à la question des indicateurs des droits des
migrants.
Intégration des variables liées à la migration dans les mécanismes de collectes des donnes sur
l’accès aux différents services.
Amélioration des supports de collecte et du traitement des données.
47
On note à ce propos que le ministère des Affaires sociales /le secrétariat d’État à la migration et à l’intégration
sociale, l’Organisation internationale du travail (OIT- Tunis) et le HCDH (Bureau de Tunis), prévoient d’organiser un
séminaire tripartite pour définir concrètement les étapes de la réforme de la législation pour une meilleure
protection des travailleurs migrants. L’examen de la réforme des prérogatives et rôle de l’inspection du travail à cet
égard est aussi prévu.
26
sont essentielles pour établir les indicateurs de processus et de résultats, tels que les ratios
mesurant la part des migrants ayant un accès effectif aux services de santé et d’éducation.
Renforcer le rôle de l’inspection du travail comme source d’information sur le travail des migrants,
et les conditions de ce travail.
Publier systématiquement les rapports de l’inspection du travail avec des informations
désagrégées faisant ressortir la situation des travailleurs migrants du point de vue des droits du
travail et une estimation du nombre des travailleurs irréguliers.
À moyen terme :
Réforme des dispositions législatives afin de garantir la séparation entre l’inspection du travail et
l’autorité de contrôle de la régularité de la migration et du travail comme condition pour une
collecte efficace de données sur la situation des droits de tous les travailleurs.
27
Renforcement du corps de l’inspection du travail, en vue de la systématisation des visites
d’inspection routinière et d’enquête sur les conditions de travail, par secteur d’emploi et statut
de travailleur migrant.
Réforme des dispositions législatives qui pénalisent et obligent à dénoncer les migrants
irréguliers, et prise de mesures garantissant la séparation entre les services de santé et
d’éducation et les services de l’immigration
28
Annexe 1
Conventions relatives au droit à l’éducation
- - Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
- - Convention relative aux droits de l’enfant
- - Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de
l’enseignement 1960.
- - Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants
et des membres de leur famille (1990)
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
Convention sur le droit à la santé
- - Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
Conventions relatives au droit à un travail décent
- - Convention (n°87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948
- - Convention (n°98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949
- - Convention (n°29) sur le travail forcé, 1930
- - Convention (n°105) sur l’abolition du travail forcé, 1957
- - Convention (n°100) sur l’égalité de rémunération, 1951
- - Convention (n°111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958
- - Convention (n°138) sur l’âge minimum, 1973
- - Convention (n°182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999
- - Convention (n° 189) pour les travailleuses et travailleurs domestiques
- - Convention (n°97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949
- - Recommandation (n°86) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949
- - Convention (n°143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975
- - Recommandation (n°151) sur les travailleurs migrants, 1975
- - Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants
et des membres de leur famille (1990)
29
Annexe 2 Indicateurs des droits des migrants – Éducation
a) Indicateurs structurels
Dispositif juridique et institutionnel consacrant le droit à l’éducation à tous les migrants, sans
discrimination.
Indicateur Indicateur 1
proposé par
État de ratification des traités internationaux relatifs au droit à l’éducation48
KNOMAD
Définition L’indicateur renseigne sur le degré d’engagement de la Tunisie, au niveau
international, concernant la garantie du droit universel à l’éducation.
48
CF. liste en annexe
30
Indicateur Indicateur 2
proposé par
La reconnaissance et la consécration du droit à l’éducation obligatoire pour tous,
KNOMAD
sans discrimination sur la base de la nationalité ou du statut de migrant, dans le
droit tunisien.
Définition L’indicateur renseigne sur le degré d’engagement de l’État au niveau de son droit
interne, de sa constitution et de ses textes législatifs à faire respecter le droit à
l’éducation obligatoire pour tous.
Analyse La valeur constitutionnelle du principe du droit à l’éducation pour chaque être
humain constitue une garantie importante dans l’ordre juridique tunisien, étant
données les nouvelles dispositions de la constitution relatives au rapport entre
droit international et droit interne, et plus particulièrement le rang des normes
internationales ratifiées par la Tunisie, dans l’ordre juridique interne.
L’établissement de ce droit au profit de tous les migrants garantit sa justiciabilité
et son opposabilité à tous les pouvoirs y compris le législateur.
L’article 47 de la constitution, article relatif au droit de l’enfant, constitue la base
constitutionnelle du droit à l’éducation pour tous les enfants migrants. Il prévoit
l’obligation de l’État de garantir à l’enfant le droit à l’éducation et à
l’enseignement : « l'État doit assurer aux enfants toutes les formes de protection
sans discrimination et conformément à l’intérieur supérieur de l’enfant »49. Certes,
il n’y est pas question de droit des enfants migrants, sans discrimination quant à
leur statut, mais la lecture d’ensemble de l’article permet de l’affirmer.
Les textes législatifs organisant le droit à l’éducation en Tunisie ne contiennent
cependant pas une reconnaissance du droit à l’éducation pour tous, sans
discrimination d’origine nationale. La loi garantit le « droit fondamental de tous les
Tunisiens sans discrimination fondée sur le sexe, l’origine sociale, la couleur ou la
religion »50.
L’indicateur évalue également les textes réglementaires d’application, pris par
l’administration relativement à l’accès aux établissements d’enseignement, afin de
faire ressortir l’existence, ou non, d’obstacles ou de discriminations indirectes dans
l’accès à ces établissements.
49
D’après le code de protection de l’enfant, est enfant toute personne âgée de moins de dix-huit ans.
50
Vu que l’article 1er de la loi n°2008-9 du 11 février 2008 modifie et complète la loi d’orientation n°2002-80 du 23
juillet 2002 relative à l’éducation et à l’enseignement, un ajustement de la législation à la nouvelle constitution serait
nécessaire, d’autant plus qu’au niveau de la pratique administrative, l’inscription dans les établissements
d’enseignement de base et de l’enseignement secondaire n’est pas limitée aux seuls tunisiens, et qu’aucun obstacle
administratif n’y est opposé.
31
Le droit de tous à l’enseignement implique qu’il n’appartient pas à l’autorité
administrative (directeurs des établissements scolaires, directions du ministère de
l’Éducation) de contrôler la régularité de la situation des enfants étrangers et de
leurs parents, du point de vue de la législation relative à la migration, ni de limiter,
de façon directe ou indirecte, cet accès.
En effet, la reconnaissance du principe du droit de tous à l’éducation peut être mise
à mal dans la pratique par des mesures administratives qui relient les autorités
éducatives et les responsables des contrôles migratoires. Ce principe peut aussi
être torpillé lorsqu’il est exigé aux migrants en situation régulière de produire des
documents qu’ils ne peuvent pas obtenir, comme une attestation de résidence,
l’acte de naissance, le passeport ou le permis de séjour51.
Dans la pratique et même si certains documents sont exigés pour inscrire les
enfants à l’école, notamment les actes de naissance ou des justificatifs de domicile,
l’administration ne devrait pas empêcher les étrangers de s’inscrire même s’ils ne
peuvent pas présenter lesdits documents52.
La codification de ces procédures et leur publication permettraient d’informer
davantage les migrants sur leur droit d’accès aux établissements d’enseignement,
de clarifier les procédures, et d’évaluer l’existence d’obstacles pratiques. L’absence
d’informations publiques et facilement accessibles (les directives administratives
ne sont pas rendues publiques) sur la procédure d’inscription, par exemple la liste
des pièces à fournir et l’obligation de consulter les autorités éducatives régionales
avant d’admettre un enfant de migrant, sont autant de facteurs de nature à
effrayer certains migrants et à les dissuader d’inscrire leurs enfants à l’école.
Concernant l’enseignement supérieur, l’accès aux établissements publics tunisiens
pour les étrangers est ouvert sur la base de conventions de coopération entre la
Tunisie et les pays d’origine et dans la limite des quotas convenus. L’accès aux
universités se fait par le dépôt d’une demande examinée par le directeur général
de l’enseignement supérieur, afin d’autoriser l’inscription.
Méthode de Trois éléments sont appréciés :
calcul
- -L’inscription dans la constitution du droit universel à l’éducation, sans
discrimination,
- -La reconnaissance législative du droit d’accès à l’éducation pour tous,
- -L’existence d’obstacles administratifs à l’accès à l’éducation pour les
migrants.
51
Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants, Observation générale n°2, § 19.
52
En l’absence de tout document, une déclaration sur l’honneur de la part du parent est suffisante pour procéder à
l’inscription. Source : ministère de l’Éducation
32
Sources et Sources du droit tunisien :
mécanismes de
- Constitution tunisienne de 201453.
collecte de
- Base de données du JORT : www.iort.gov.tn
données
Indicateur Indicateur 3
proposé par
Mécanisme de collecte et de publication de données périodiques sur l’accès à
KNOMAD
l’éducation et les conditions d’éducation, ventilées par nationalité et par statut
migratoire (statut des parents).
Définition L’indicateur renseigne sur la prise en considération de la situation des migrants et
des migrants en situation irrégulière, dans la collecte de données relatives à l’accès
à l’éducation et aux conditions d’éducation.
Analyse Cet indicateur détermine l’existence de moyens de suivi et d’évaluation du degré
d’exercice du droit à l’éducation pour tous les migrants, même en situation
irrégulière.
En plus du fait qu’il permet de renseigner sur la possibilité d’évaluer l’exercice de ce
droit, l’existence de mécanisme de collecte de ces données permet, par ailleurs, une
meilleure prise de conscience des défis que pose la situation des migrants au
système éducatif national.
Le ministère de l’Éducation établit des statistiques annuelles54 et un recensement
scolaire qui couvre tous les établissements d’enseignement, notamment les écoles
primaires, collèges et lycées, publics et privés55.
La collecte de données se fait sur la base de fiches d’information, un questionnaire
conçu par le ministère qui est distribué aux directeurs d’établissement
d’enseignement et mis à jour chaque année pour intégrer les changements
intervenus dans le système éducatif, prendre en compte les observations des
utilisateurs des statistiques et rendre compte de tous besoins de données
53
Les décisions de la Cour constitutionnelle, une fois en place, constitueraient également une source éventuelle
d’appréciation de la garantie des droits des migrants. La loi relative à l’organisation de la cour constitutionnelle est
en cours d’élaboration à l’Assemblée des représentants du peuple. La Cour constitutionnelle est compétente pour
contrôler la constitutionnalité des projets des lois et celle des lois en vigueur par voie d’exception (Art. 120 de la
constitution).
54
Cf., circulaire du ministre de l’éducation n°90-56-2015, sur les statistiques scolaires de l’année scolaire 2015-
2016. Les statistiques sont publiées et accessibles sur le site web du ministère.
55
Les écoles communautaires, ne sont pas couvertes par le recensement. Il s’agit d’établissements d’enseignement
privés proposant des programmes et des régimes d’études particuliers destinés à préparer aux examens étrangers.
Cf., la loi du 11 février 2008 modifiant et complétant la loi d’orientation n°2002-80 du 23 juillet 2002 relative à
l’éducation et à l’enseignement scolaire, art. 40.
33
spécifiques relevés par les responsables des statistiques, en particulier le conseil
national de la statistique.
Un rapport sur les statistiques scolaires est ainsi établi annuellement, présentant
des données sur l’accès à l’éducation et les conditions d’éducation pour les enfants
et adolescents tunisiens, dans les différents niveaux scolaires (préscolaire, primaire,
secondaire), l’ évolution du nombre des écoles, des élèves et des enseignants, le
taux de scolarisation pour la catégorie des enfants âgés de 6 ans, et de 6ans à 11
ans, le cadre enseignant, le supplément d’enseignants et d’inspecteurs
pédagogiques, les résultats scolaires, le taux d’abandon scolaire, etc.. Les données
analysées sont ventilées par âge, sexe, région et par milieu (rural/urbain).
La fiche de collecte des données concernant « les élèves étrangers », également
distribuée au début de chaque année scolaire à tous les établissements de
l’enseignement de base et les lycées secondaires publics et privés, contient des
rubriques relatives au niveau du cycle primaire, préparatoire et secondaire, et la
répartition des enfants migrants par régions (gouvernorats), par établissement
scolaire et par nationalité.
Le mécanisme ainsi mis en place par le ministère de l’Éducation pourrait permettre
de désagréger toutes les données recueillies d’une manière exhaustive, dans les
fiches distribuées aux directeurs d’établissements. L’introduction de questions sur
la nationalité et le statut migratoire de l’enfant peut permettre d’obtenir davantage
d’informations sur l’accès des enfants migrants à l’éducation. La désagrégation des
données recueillies au niveau de ce recensement se limite à la nationalité et ne peut
faire ressortir la situation des différentes catégories de migrants, par statut
migratoire, donnée qui n’est pas requise lors de l’inscription au niveau des
établissements.
Pour les données relatives au niveau de scolarisation des enfants migrants dans le
secteur public, le problème qui se pose est celui de la détermination de la population
migrante en âge scolaire56. Il faut pour les établir des données fiables sur le nombre
total d’enfants étrangers résidant en Tunisie (dont les parents sont en situation
régulière ou irrégulière).
Ce mécanisme de collecte des données, et les statistiques scolaires publiées ne
couvrent pas cependant les données qualitatives concernant l’exercice du droit à
l’éducation par les migrants, ni la mesure des difficultés particulières rencontrées
par ces enfants, difficultés d’intégration, violence, racisme, mesures de soutien ou
d’assistance particulière.
56
Population âgée de 6 ans à 16 ans dans l’enseignement obligatoire.
34
La direction générale de la vie scolaire au sein du ministère de l’Éducation dispose
d’un mécanisme de collecte de données relatives à l’environnement scolaire, mais
qui ne sont désagrégées par nationalité ni publiées. Les études spécifiques qui ont
été menées pour évaluer les conditions d’accès à l’éducation en Tunisie57 ne font
pas ressortir la situation des enfants migrants.
Méthode de - -Appréciation de l’existence ou non de variables relatives à la migration dans
calcul les fiches et formulaires de collecte des données.
- -Existence ou non d’études publiées sur l’accès et les conditions d’éducation
des enfants migrants.
Sources et Consultation des formulaires établis pour la collecte de données sur l’accès à
mécanismes de l’éducation.
collecte de
Le rapport publié par la direction générale des études, planification et statistiques
données
du ministère de l’Éducation sur les statistiques scolaires peut être consulté sur le
site :
www.education.gov.tn/article-education/statistiques/stat2014-2015:Livre-
stat.pdf.
Données établies par la direction générale de la vie scolaire, ministère de
l’Éducation.
Études spécifiques menées et publiées par le ministère de la Femme, les organismes
internationaux (UNICEF Tunisie), les Associations de la société civile (Association de
défense des droits des enfants).
Périodicité - - Annuelle pour les sources administratives
- - Enquêtes ponctuelles
Ventilation - -Par nationalité.
- -Par statut migratoire.
b) Indicateurs de processus
Indicateur Indicateur 4
proposé par
Pourcentage des dépenses publiques consacrées à la promotion du droit des
KNOMAD
enfants migrants à l’éducation.
57
Études MICS, analyse de la situation des enfants en Tunisie 2012, UNICEF. Rapport national sur les enfants en
dehors du système scolaire.
35
Définition Pourcentage des allocations budgétaires prévues au budget des ministères de
l’enseignement supérieur, de l’éducation nationale et des affaires sociales, relatives
à des programmes de soutien à l’éducation pour les migrants.
Analyse L’indicateur révèle les moyens prévus pour permettre la réalisation du droit d’accès,
et la mise en place de programmes pour éliminer les obstacles à la jouissance
effective de ce droit. Il en est ainsi des programmes d’apprentissage de l’arabe
(notamment pour les enfants migrants originaires d’Afrique subsaharienne) et du
français, 2ème langue dans le système éducatif tunisien et langue d’enseignement
des matières scientifiques. L’apprentissage du français peut poser des problèmes à
certains enfants de migrants (syriens, libyens) ayant commencé leur scolarité dans
leur pays d’origine non francophone. L’adaptation des programmes d’enseignement
aux spécificités et aux besoins de ces enfants nécessite donc une prévision
budgétaire conséquente.
En plus de renseigner sur la mesure de l’effort consenti au niveau financier par l'État
pour la réalisation de l’objectif d’un accès effectif de ce groupe vulnérable à
l’éducation, l’indicateur renseigne sur la reconnaissance des besoins spécifiques de
ce groupe de la population en tant que détenteurs de droits. L’indicateur peut être
difficile à calculer, car certains programmes sont prévus d’une manière générale
pour soutenir les catégories vulnérables, tel le programme de soutien aux enfants
en milieu scolaire. Les enfants migrants bénéficient aussi de ces programmes qui ne
correspondent pourtant à aucun poste budgétaire spécifique aux migrants. Il est par
conséquent important que les départements ministériels fournissent des
informations détaillées sur le financement de tels programmes.
Méthode de L’indicateur est calculé séparément pour chacun des ministères concernés, à savoir
calcul le ministère de l’Éducation, le ministère des Affaires sociales, au niveau du budget
de chaque ministère. Il est correspond au rapport entre la somme des dépenses
allouées aux programmes relatifs à l’éducation des migrants (en numérateur) et
l’ensemble du budget du ministère.
Indicateur Indicateur 5
proposé par
Taux de scolarisation des enfants migrants dans les établissements
KNOMAD
d’enseignement tunisiens, par niveau et type d’établissement.
Définition L’indicateur mesure la proportion des enfants migrants inscrits dans les
établissements d’enseignement tunisiens (par type d’institution) par rapport au
nombre total de la population migrante en âge scolaire.
36
Analyse L’indicateur mesure l’accès effectif des migrants au droit à l’éducation en
déterminant le ratio entre le nombre d’enfants ayant accès à l’éducation et le
nombre total d’enfants migrants éligibles et en âge scolaire.
En raison du nombre relativement faible d’enfants étrangers inscrits dans les écoles
tunisiennes et de la taille relativement petite de la communauté migrante dans son
ensemble, il est plus pertinent et significatif de calculer le taux de scolarisation des
enfants migrants plutôt que la proportion des migrants par rapport au nombre
d’enfants inscrits dans les établissements tunisiens.
Ventilation La ventilation de l’indicateur par type d’établissement (public, privé,
communautaire) est importante, car elle donne la mesure de l’accès des migrants
à l’école publique et par ricochet à l’éducation gratuite. Une désagrégation plus
poussée met en relief la catégorie de migrants la plus vulnérable, à savoir les
migrants en situation irrégulière et les demandeurs d’asile.
Méthode de Numérateur : Le nombre d’enfants migrants inscrits par type d’établissement.
calcul
Dénominateur : le nombre d’enfants migrants en âge scolaire (âgés de 6 à 16 ans).
Sources et Les données fournies par la direction générale des études, de la planification et des
mécanismes de statistiques du ministère de l’Éducation sur le nombre d’enfants migrants inscrits
collecte de dans les écoles privées et publiques sont disponibles par cycle d’étude, mais
données pourraient être désagrégées par niveau. Pour l’heure, ces données n’incluent pas
les enfants inscrits dans les écoles communautaires, ce qui devrait être fait,
d’autant plus que ces écoles sont agréées et répertoriées par le ministère de
l’Éducation. Les données relatives à la population migrante en âge scolaire
pourraient être obtenues à partir du recensement général de la population et de
l’habitat. Elles seraient complétées et mises à jour par les données de l’état civil
pour les enfants nés en Tunisie, ces naissances devant systématiquement être
déclarées et enregistrées.
Pour adapter et calculer cet indicateur, il importe d’utiliser les données du
ministère de l’Intérieur sur les entrées, les départs, les décès et les naissances
d’enfants étrangers aux fins d’analyse statistique. De même, les données obtenues
par le biais du système de délivrance des permis de séjour doivent être
effectivement exploitées et les données sur la population migrante, ventilées par
âge et par statut migratoire, doivent être publiées.
La difficulté éventuelle de la mise en œuvre de cet indicateur, ou du moins la marge
d’erreur importante qu’il pourrait comporter, tient à la difficulté à déterminer avec
certitude le nombre total d’enfants migrants en âge scolaire, dont les parents sont
37
en situation irrégulière par rapport à leurs conditions d’entrée ou de séjour ou des
deux en Tunisie.
L’adoption de l’indicateur signifie que le ministère de l’Intérieur doit communiquer
aux autres administrations, dans ce cas au ministère de l'Éducation, les
informations en sa possession sur la taille de la population migrante et sa
ventilation par statut migratoire. Ces données devraient aussi être publiées.
Indicateur Indicateur 6
proposé par
Nombre d’enfants migrants pris en charge dans le cadre du programme d’action
KNOMAD
sociale en milieu scolaire (PASS) par rapport aux enfants nationaux.
Définition L’indicateur renseigne sur la proportion d’enfants migrants pris en charge suite à
l’intervention des structures mises en place dans le cadre du PASS, par rapport aux
enfants tunisiens bénéficié de cette intervention.
Analyse L’indicateur permet de donner la mesure de l’effort déployé pour prévenir les
difficultés d’adaptation sociale, et la prise en compte des enfants migrants dans les
mesures prévues pour l’assistance aux enfants se trouvant dans des situations
difficiles, dans des conditions d’égalité.
Le PASS a été conçu comme une réponse au souci de réaliser les objectifs d’équité
et de qualité du système éducatif, par la mise en place de cellules d’action sociale
scolaire pluridisciplinaires dont le but est « d’intervenir pour prévenir les difficultés
d’adaptation sociale en milieu scolaire et (…) pour assurer la prise en charge des
élèves qui présentent des difficultés d’apprentissage scolaires et/ou qui vivent des
situations pouvant entraver ou altérer leurs cursus scolaire58.
Des cellules d’accompagnement des élèves ont été créées dans les écoles en 2015
afin d’harmoniser toutes les structures intervenant dans ce domaine59.
Les difficultés d’adaptation que rencontre l’enfant migrant, du fait des problèmes
linguistiques, ou les problèmes d’intégration dans un milieu étranger ou de
difficultés sociales et familiales justifient qu’il soit particulièrement ciblé par ce
programme. Cet indicateur détermine dans quelle mesure ces programmes ciblent
les enfants migrants.
58
Analyse de la situation des enfants en Tunisie, 2012, Rapport UNICEF, p.112.
59
CF. Circulaire commune du MAS, ME, MS, du 22janvier 2015 relative à l’institution de cellules
d’accompagnement des élèves en milieu scolaire.
38
L’indicateur renseigne sur le nombre d’enfants migrants pris en charge par le PASS
à la suite des interventions des cellules d’accompagnement en milieu scolaire, par
rapport au nombre d’enfants tunisiens.
Méthode de Étant donné le nombre relativement faible des enfants migrants par rapport aux
calcul enfants tunisiens, le ratio (enfants migrants pris en charge/nombre total des
enfants pris en charge par le PASS) n’est pas pertinent et significatif.
Donc, l’indicateur est calculé sur la base du ratio entre le nombre d’enfants
migrants pris en charge parmi les enfants migrants faisant l’objet d’interventions et
le nombre d’enfants tunisiens pris en charge parmi les enfants tunisiens faisant
l’objet d’interventions.
Sources et Les données collectées par la direction générale de la vie scolaire du ministère de
mécanismes de l’Éducation et les données disponibles au niveau du ministère des Affaires sociales,
collecte de établissant le nombre d’enfant ayant bénéficié d’interventions des cellules
données d’accompagnement d’élève et le nombre d’enfant ayant été pris en charge suite à
ces interventions, désagrégés par nationalité des enfants.
c) Indicateurs de résultat
Indicateur Indicateur 7
proposé par
Le pourcentage des enfants de nationalité étrangère, inscrits à l’enseignement de
KNOMAD
base et à l’enseignement secondaire achevant les études correspondant à chaque
cycle.
Définition L’indicateur renseigne sur la proportion des enfants migrants inscrits au primaire, au
collège, et au secondaire ayant achevé les études correspondantes.
39
le ME retient pour cet indicateur les élèves ayant achevé ces deux années60.
Méthode de Le rapport entre le nombre d’enfants migrants ayant achevé les années finales du
calcul cycle primaire 5ème/6ème année et non redoublants et le nombre d’enfants migrants
inscrits l’année correspondant à la première année de ce cycle.
Sources et Les données collectées par le ministère de l’Éducation au niveau des établissements
mécanismes de scolaires. L’intégration de la rubrique « nationalité » dans les différents formulaires
collecte de distribués, pour la collecte des statistiques scolaires, permettraient d’établir cet
données indicateur.
Périodicité Annuelle.
a) Indicateurs structurels
Cadre juridique garantissant et protégeant le droit des migrants à la santé et son champ d’application
Indicateur Indicateur 1
proposé par
État de ratification des conventions internationales pertinentes61
KNOMAD
Définition L’indicateur renseigne sur le degré d’engagement de la Tunisie, au niveau
international, concernant la garantie du droit universel à la santé.
Analyse L’indicateur détermine l’existence d’un engagement international de la Tunisie en
matière de droit à la santé. L’existence de l’obligation internationale implique à la
charge de l'État, la prise de mesures nécessaires dans l’ordre juridique interne pour
permettre la mise en œuvre de l’obligation internationale.
60
Rapport national de suivi des OMD, 2013, op.cit. p.66.
61
Cf., liste en annexe.
Cf., pour l’analyse de l’indicateur, les mêmes considérations que les développements relatifs au droit à l’éducation-
indicateur 1.
40
Sources et Base de données des Nations Unis pour les traités multilatéraux déposés auprès du
mécanismes de secrétaire Général. http://untreaty.un.org
collecte de
JORT, www.iort.gov.tn, loi de ratification.
données
Indicateur Indicateur 2
proposé par
Reconnaissance du droit à la santé pour tous les migrants dans le droit interne
KNOMAD
tunisien.
Définition L’indicateur renseigne sur l’existence d’un principe de droit d’accès universel à la
santé, sans distinction aucune dans les textes juridiques nationaux.
Analyse L’indicateur révèle le degré d’engagement de l'État dans son droit interne à garantir
le droit à la santé à tout individu sur son territoire et sous sa juridiction, sans
discrimination liée à la nationalité ou au statut juridique. Cet indicateur implique
une appréciation du droit constitutionnel tunisien en la matière.
Le droit à la santé est reconnu comme un droit de chaque être humain. Cependant,
aucune référence à l’interdiction de discrimination sur la base de l’origine nationale
n’est prévue. Bien au contraire, la définition des obligations de l'État en la matière
revêt une certaine ambiguïté, à cause de la référence à la notion de « citoyen »,
comme titulaire du droit62. L’idée de citoyenneté est généralement associée à la
nationalité. Il reviendra à la Cour constitutionnelle, dont la loi d’organisation est en
cours d’élaboration, de lever cette ambiguïté et de préciser le droit d’accès aux
différents soins au profit des « non-nationaux ».
L’affirmation du droit de l’enfant à la protection de sa santé est en revanche plus
claire, puisqu’il est prévu une obligation à la charge de l’État de protéger tous les
enfants sans discrimination.
L’indicateur relatif aux garanties constitutionnelles du principe est certes important
dans son esprit, mais c’est au niveau des textes d’organisation et de réglementation
du fonctionnement des structures et des services sanitaires qu’on pourrait
apprécier l’existence d’obstacles juridiques à l’accès effectif des différentes
catégories de migrants aux services de santé. Les textes législatifs qui rentrent dans
l’appréciation de l’indicateur sont :
62
Article 38, « Tout être humain a droit à la santé. L’État garantit la prévention et les soins de santé à tout
citoyen ».
41
-Les textes de lois reconnaissant expressément le droit à la santé pour tous les
migrants indépendamment de leur statut.
L’absence d’une telle disposition peut, en effet, aboutir à une limitation de l’accès
effectif à certains soins, malgré l’absence d’un obstacle juridique. Il est souvent
rapporté que le personnel de santé refuse de procéder à certains actes en raison
des craintes suscitées par l’absence d’une base juridique claire63. D’où l’importance
de l’existence d’une loi qui spécifie l’étendue du droit d’accès. Ce droit doit en effet
couvrir non seulement les soins d’urgence, mais également les soins préventifs et
curatifs au niveau des différentes lignes de soins, et être reconnu à tous les migrants
sans considération de leur statut juridique.
-Les textes de lois portant organisation des établissements sanitaires tunisiens, qui
fixent les conditions d’accès à ces établissements. Il n’existe pas en Tunisie de
dispositions spécifiques aux migrants dans la législation réglementant la santé dans
le pays. Cependant, le texte législatif général, la loi organisant les soins de santé64,
affirme le droit de toute personne à la protection de sa santé et aux services fournis
par les structures et services publics et privés de soins et d’hospitalisation. Le
règlement général intérieur des hôpitaux, instituts et centres spécialisés relevant
du ministère de la Santé publique65 interdit aux hôpitaux et centres de santé publics
de pratiquer quelque forme de discrimination en ce qui concerne les soins
prodigués aux malades.
Pour les soins d’urgence, l’accès universel est consacré dans ce texte par l’obligation
de prise en charge du malade sans exigence d’aucun justificatif d’identité ni de
provision de frais.
- -Les textes organisant le droit à l’assurance maladie : L’examen de cette
législation permet de déterminer l’existence d’une reconnaissance dans le
droit tunisien du droit à l’assurance maladie pour les migrants sans
distinction de statut, à travers les critères retenus pour le bénéfice de cette
couverture.
Ceci permet de mesurer l’accessibilité financière à la santé, un aspect fondamental
de la reconnaissance du droit à l’accès à la santé.
Une législation qui relie le bénéfice de l’assurance maladie à la nationalité ou la
régularité du séjour du migrant, fait une discrimination injustifiée et méconnaît le
droit d’accès à la santé pour tous. En Tunisie, l’assurance maladie est une
63
C’est ainsi par exemple que les migrantes ont accès à tous les soins relatifs à la santé sexuelle et reproductive,
mais pas à l’acte d’interruption volontaire de grossesse, source : Office national de la famille et de la population
(ONFP).
64
Loi n°91-63 du 29 juillet 1991, art.1, 2, art. 15.
65
Décret n°81-1634 du 30 novembre 1980.
42
composante de la sécurité sociale (CNSS). Ce qui signifie que seuls les affiliés à la
caisse nationale de sécurité sociale peuvent bénéficier de l’assurance maladie66.
L’affiliation à la CNSS se fait par une déclaration obligatoire par l’employeur, raison
pour laquelle cette couverture est limitée aux migrants travailleurs en situation
régulière et ayant été déclarés par leur employeur67 ou aux étudiants inscrits dans
les établissements tunisiens. Bref, un segment important des migrants subit de ce
fait une discrimination qui se traduit par une limitation de leur accès aux soins de
santé.
Sources et Constitution tunisienne, janvier 2014.
mécanismes de
Base de données du JORT : www.iort.gov.tn
collecte de
données Loi d’organisation du secteur de la santé.
Législation relative à l’organisation et au régime de l’assurance maladie.
Indicateur Indicateur 3
proposé par
Inclusion des migrants en tant que groupe cible particulier dans les politiques et
KNOMAD
programmes d’aide sociale visant à réduire les inégalités et les traitements
inéquitables dans le domaine de la santé et considérant les déterminants sociaux
de la santé.
Définition L’indicateur renseigne sur la prise en compte de la vulnérabilité particulière des
migrants dans les politiques et programmes mis en place au niveau du ministère
des Affaires sociales et du ministère de la Santé visant les inégalités sociales et
l’accès aux soins pour les plus démunis.
Analyse Cet indicateur détermine si la Tunisie a intégré les migrants dans les programmes
qu’elle exécute pour agir sur les déterminants sociaux de la santé. Ces programmes
sont-ils destinés exclusivement aux Tunisiens ? Ou visent-ils toutes les situations
possibles d’exclusion et de vulnérabilité dans la population ?
L’objectif d’une couverture sanitaire universelle est d’assurer à l’ensemble de la
population l’accès aux différents soins en fonction de leurs besoins et non de leur
capacité financière.
La reconnaissance du droit à la santé pour tous implique la prise en compte de tous
les cas de vulnérabilité dans la population, sans considération du critère national.
L’appréciation de cet indicateur implique l’examen de l’inclusion des migrants dans
les différents programmes menés par le ministère des Affaires sociales en
66
Loi n°81-1634 du 14 décembre 1960 relative à l’organisation des régimes de sécurité sociale, loi n°2014-71 du 2
août 2004 portant institution du régime d’assurance maladie.
67
Le travail régulier d’un étranger implique qu’il dispose d’un titre de séjour l’autorisant à travailler.
43
collaboration avec le ministère de la Santé pour réduire les inégalités en matière
d’accès à la santé :
-Le programme d’assistance médicale gratuite pour les catégories de la population
les plus pauvres et vulnérables. Ce programme institue un régime de soins gratuits
(RSG) dans les structures publiques pour les plus pauvres, et un régime de tarif
réduit (RTR) pour les personnes vulnérables, à faible revenu68.
-Le programme de gratuité des soins au profit des enfants nés hors mariage et des
enfants sans soutien familial.
-Le régime de gratuité d’accès à certains programmes de santé publique :
programme de dépistage anonyme de VIH, services de l’Office national de la famille
et de la population, etc.
Méthode de L’inclusion des migrants dans les programmes de santé publique visant à réduire
calcul les inégalités s’apprécie en référence aux textes juridiques définissant le régime
institué au profit des groupes vulnérables, ainsi qu’aux documents administratifs
définissant ces politiques et programmes sociaux relatifs à la santé.
Ainsi, l’appréciation de cet indicateur passe par l’examen des points suivants :
- l’identification des programmes nationaux agissant sur les inégalités en matière
d’accès à la santé ;
- La définition du champ d’application du programme : description des groupes
cibles dans les manuels opérationnels et indication sur la question de savoir si la
nationalité est l’un des critères d’éligibilité au programme69;
- L’examen des conditions et des procédures pour bénéficier du programme.
L’exclusion des migrants peut en effet résulter des documents requis pour le dossier
administratif permettant de bénéficier du programme d’assistance.
Sources et Ministère des Affaires sociales (direction générale de la protection sociale/
mécanismes de direction de la défense sociale), ministère de la Santé (Base de données du
collecte de ministère de la Santé, consultable sur le site web : www.santetunisie.rns.tn).
données www.santetunisie.rns.tn).
68
Décret n°98-409 du 18 février 1998 fixant les catégories des bénéficiaires des tarifs réduits de soins et
d’hospitalisation dans les structures sanitaires publiques ainsi que les modalités de leur prise en charge et les tarifs
auxquels ils sont assujettis, modifié par le décret n°2012-2522 du 16 octobre 2012.
69
La référence à la nationalité tunisienne du bénéficiaire du programme peut ne pas être prévue dans le texte
général instituant le régime d’assistance, mais être introduite dans les textes d’application : ainsi, le décret de 1998
fixant les catégories bénéficiant des régimes de gratuité des soins ne mentionne pas la nationalité tunisienne du
bénéficiaire, contrairement à la circulaire d’application du décret, circulaire commune ministère de
l’Intérieur/ministère des Affaires sociales /ministère de la Santé.
44
Indicateur Indicateur 4
proposé par
Mécanisme de collecte et de publication de données périodiques sur les conditions
KNOMAD
et services de santé, ventilées par nationalité et statut migratoire
70
CF., Sur les systèmes de santé attentifs aux besoins des migrants, Health of migrant, the way forward, OMS,
2010.
71
Programme national de la Statistique et suivi des OMD, Document de Synthèse de mission, 2006, PNUD, CNS.
45
Sources et L’appréciation de l’indicateur implique l’examen de l’intégration de variables liées
mécanismes de à la migration (nationalité et résidence, statut du migrant) dans les différentes
collecte de sources des données relatives aux conditions et services de santé ; plusieurs
données sources permettent en effet de collecter les données concernant l’accès, les
conditions et les services de santé.
Les principaux mécanismes sont les suivants :
- -Les données recueillies par des structures publiques correspondant aux
trois niveaux de soins, ainsi que les données des établissements privés de
santé auxquelles auraient accès la direction des soins de santé de base, la
direction de la médecine scolaire et universitaire du ministère de la Santé
et l’Office national de la famille et de la population(ONFP)
- -Les rapports annuels de l’ONFP,
- -Les rapports sur la santé en Tunisie et les études spécialisées.
L’intégration des paramètres liés à la migration dans le recueil des informations sur
les utilisateurs des services de santé publics et privés, à savoir la nationalité et la
résidence (étranger résident en Tunisie) permet de désagréger les données
administratives par nationalité. En revanche, il serait peut-être peu approprié de
recueillir à ce niveau des données relatives au statut des migrants, de crainte que
ceci n’aboutisse à des discriminations, ou ne soit dissuasif et ne limite le recours
des migrants à ces services.
Par ailleurs, l’Office national de la famille et de la population et l’Institut national
de la santé publique pourraient mener des études sur les migrants, avec des
données plus désagrégées par statut migratoire.
b) Indicateurs de processus
Indicateur Indicateur 5
proposé par
Proportion des décisions judiciaires concernant le droit des migrants à la santé
KNOMAD
Définition L’indicateur renseigne sur la proportion des jugements rendus en matière de droit
des migrants à la santé par rapport aux contentieux relatifs au droit à la santé. Il
évalue donc l’accès des migrants aux voies de recours légaux pour faire valoir leur
droit à la santé.
Analyse L’accès à des voies de recours effectifs constitue une condition indispensable à la
mise en œuvre de la reconnaissance d’un droit. En matière de droits
fondamentaux, ces recours doivent être permis à tous sans discrimination.
46
Méthode de L’indicateur correspond au rapport entre le nombre de décisions judiciaires et
calcul administratives rendues par les juridictions tunisiennes en matière de droit des
migrants à la santé et le nombre total de décisions judiciaires sur le droit à la santé.
Sources et Cet indicateur se base sur les données recueillies par le ministère de la Justice
mécanismes de auprès des différentes juridictions et les compte rendus dressés par les juges
collecte de administratifs sur les décisions rendues par des juridictions administratives.
données
Au niveau du ministère de la Justice, plusieurs difficultés entravent l’opération de
collecte des données et donc leur disponibilité. Dans l’état actuel du processus, la
collecte se fait au niveau des greffes des tribunaux d’une façon manuelle, non
systématique et limitée à des rubriques générales.
La mention spécifique du paramètre de « nationalité » dans les décisions judiciaires
est généralement liée à certains problèmes qui nécessitent un suivi particulier. Ces
questions touchent en général à l’intérêt national (criminalité élevée dans une
communauté particulière, immigration clandestine et traite des personnes). La
réforme du système d’information entreprise au niveau du ministère de la Justice
devrait permettre d’intégrer les données sur les décisions judiciaires72. La prise de
conscience du besoin de suivre l’exercice des droits des migrants pourrait alors
amener à intégrer les variables relatives à l’objet de l’action, à la nationalité
étrangère et à la résidence en Tunisie du demandeur et de son statut, dans la
classification des décisions de justice. Pour ce faire, les moyens humains et
logistiques devront être renforcés pour la mise en œuvre de procédures
intensifiées de collecte des données.
Le système de collecte des décisions rendues par les juges administratifs sur des
questions liées aux services de santé publique peut puiser dans les bases de
données qui répertorient les jugements des tribunaux administratifs. Ces bases de
données sont compilées à partir des rapports fournis par les juges eux-mêmes,
mais les informations et les critères de classification ne sont pas normalisés. Le
tribunal administratif rédige également un rapport annuel qui n’est pas publié73.
Périodicité Données tirées des rapports annuels.
72
Source : ministère de la Justice, Inspection générale.
73
Source : magistrat du tribunal administratif.
47
Indicateur Indicateur 6
proposé par
Nombre de programmes de formation à l’intention des travailleurs de la santé
KNOMAD
portant sur la diversité culturelle, les migrations internationales et les droits de
l’homme.
Définition L’indicateur renseigne sur l’effort fait pour sensibiliser le personnel de la santé à la
question des droits de l’homme des migrants et plus particulièrement aux droits
des migrants à la santé.
Analyse Souvent, l’absence d’obstacles d’ordre légal à l’accès au droit ne suffit pas pour en
assurer l’exercice effectif. La discrimination peut résulter dans certains cas du
comportement du personnel de santé peu formé ou peu sensibilisé à la question
de la non-discrimination et aux droits de l’homme des migrants. La mesure des
efforts déployés pour garantir la sensibilisation et la diffusion de la culture de la
tolérance et de la diversité par la formation relative aux droits des migrants,
contribue à l’évaluation de la mise en œuvre par l'État de l’obligation de non-
discrimination. Celle-ci résulte en effet souvent de pratiques ou de « discrimination
exercée de facto par des personnes, des groupes ou des organisations »74.
La réalisation d’un accès effectif à la santé pour les migrants implique donc non
seulement de ne pas faire de discrimination au niveau des conditions d’accès, mais
aussi de s’assurer que l’égalité est respectée, en agissant sur les sources de
stigmatisation et en favorisant une sensibilisation au droit à l’égalité et à la non-
discrimination de tout genre, et en prêtant attention à « la manière dont cette
question doit être traitée dans toutes les situations pratiques »75.
Sources et Données sur les formations continues organisées, disponibles au niveau des
mécanismes de institutions hospitalières et les directions régionales de la santé.
collecte de
données
Indicateur Indicateur 7
proposé par
Nombre de campagnes visant à faire connaître le droit des populations migrantes
KNOMAD
à la santé
Définition Il renseigne sur les efforts faits pour communiquer aux migrants les informations
sur leur droit à la santé et au recours aux services de santé.
74
Observations CERD, Examen du rapport Tunisie, 2009, op.cit. §12.
75
Cf.; Contribution de l’OMS à la conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et
l’intolérance qui y est associée, Série de publications santé et droits humains, n° 2, août 2001.
48
Analyse L’inaccessibilité à l’information peut constituer, dans la pratique, un obstacle à la
réalisation du droit à la santé. Aussi est-il crucial de mesurer les moyens mis en
œuvre afin de diffuser cette information auprès de la population migrante, tout
comme il est important de tenir compte de la spécificité de cette communauté
(répartition géographique, localisation des lieux de concentration des
communautés migrantes, spécificité linguistique) dans les campagnes de
sensibilisation en matière de santé et les programmes de santé existants.
L’importance de l’information sur le droit à la santé est reconnue en Tunisie.
S’agissant du mode d’organisation de l’administration de la santé en Tunisie, la
direction des soins de santé primaire76 est l’entité chargée de veiller à la réalisation
de ce droit. Elle est censée le faire en organisant et en assurant le suivi des
programmes de santé exécutés et de l’information ainsi qu’en évaluant les effets
de ces programmes sur le comportement de la population. Le ministère a par
ailleurs créé une cellule d’appui au partenariat et à la coopération avec les
organisations et les associations actives dans le domaine de la santé.
Plusieurs associations sont en effet concernées par cet effort d’information en
Tunisie et peuvent constituer des sources de données pour cet indicateur.
L’indicateur permettrait donc de renseigner sur la prise en compte de la catégorie
des migrants dans l’effort général de sensibilisation aux questions et aux
programmes de santé ainsi que sur l’organisation de campagnes spécifiquement
destinées à ce groupe de la population.
Méthode de Dénombrement des campagnes sur le droit à la santé organisées à l’intention de la
calcul population migrante
Sources et L’indicateur peut être apprécié par l’examen des publications du ministère de la
mécanismes de Santé :
collecte de
- - la direction des soins de santé de base, publications relatives aux actions
données
d’information et les activités publiées au niveau du site web du ministère,
- - les publications faites par l’ONFP, et les actions d’information entreprises,
- - les activités de l’OIM, l’UNICEF Tunis.
- - les associations actives dans le domaine de la santé et/ou des migrants.
Ventilation L’indicateur peut être ventilé en fonction de l’entité organisant la campagne :
ministère de la Santé, Office national de la famille et de la population, bureaux des
organisations internationales à Tunis (OIM, UNICEF) ou les associations tunisiennes
intervenant dans le domaine de la santé et/ou de la migration.
76
Décret du 9 juin 1981 portant organisation des directions centrales du ministère de la Santé.
49
c) Indicateurs de résultat
Indicateur Indicateur 8
proposé par
Taux d’accès des migrants à chaque établissement de santé publique par rapport
KNOMAD
aux nationaux.
Définition L’indicateur renseigne sur l’accès effectif des migrants aux établissements de santé
publique comparé aux tunisiens.
Analyse L’indicateur permet de faire ressortir les éventuelles disparités en matière d’accès
aux établissements de santé publique entre tunisiens et migrants dans les trois
lignes de soins : soins de santé de base, 2ème niveau : diagnostic et traitement
spécialisé, 3ème niveau : diagnostic et traitement hyperspécialisé.
Les services de première ligne ou services de santé primaire comprennent les
centres de soins de santé primaire et les hôpitaux de district.
L’accès à ces structures renseigne sur l’accès des migrants aux programmes
nationaux de santé publique, dont les programmes de lutte contre les maladies
infectieuses, le programme national de santé maternelle et infantile, y compris les
consultations prénatales, l’accouchement assisté, la vaccination, le programme de
planification familiale, ainsi que le programme national de lutte contre les Maladies
sexuellement transmissibles et le SIDA.
Méthode de Rapport entre le nombre de migrants admis aux services de santé publique et le
calcul nombre total de migrants, par rapport au taux d’accès des tunisiens, par
établissement de santé.
Sources et Données collectées au niveau des différents départements dont relèvent les soins
mécanismes de de santé de base : direction des soins de santé de base, Office national de la famille
collecte de et de la population, direction de la médecine scolaire et universitaire, direction de
données l’hygiène du milieu et de la protection de l’environnement. Les renseignements
recueillis au niveau des établissements sanitaires. Les données actuellement
disponibles ne sont pas ventilées par nationalité. La mise en place d’un système
d’information dans le cadre de la réforme sanitaire entreprise au niveau du
ministère de la Santé pourrait permettre d’avoir des données désagrégées
régulières, si toutefois les paramètres de nationalité et de résidence en Tunisie sont
inclus dans les procédures d’enregistrement des patients.
50
Annexe 4 Indicateurs du droit des migrants – travail décent
a) Indicateurs structurels
Indicateur Indicateur 1
proposé par
État de ratification des conventions de l’OIT et de la convention des Nations Unies
KNOMAD
de 199077.
Analyse L’engagement en faveur de la protection des droits des travailleurs migrants
implique pour l’État la ratification des conventions concernant spécifiquement les
migrants.
Par ailleurs, le principe d’égalité de traitement entre nationaux et travailleurs
migrants renvoie au cadre international du droit du travail, c’est-à-dire, aux
conventions de l’OIT.
Sources et Base de données NORMLEX, http://www.ilo.org
mécanismes de
Loi de ratification, JORT.
collecte de
données
Indicateur Indicateur 2
proposé par
Portée de la reconnaissance du droit au travail des migrants dans la législation
KNOMAD
nationale, par statut migratoire et relation de travail.
Définition L’indicateur renseigne sur le champ d’application du droit au travail pour les
étrangers dans la législation tunisienne.
Analyse L’indicateur permet d’évaluer dans quelle mesure les migrants se trouvant en
Tunisie peuvent accéder à un travail régulier.
Une corrélation positive existe entre la restriction légale du droit des migrants à un
travail, et le risque qu’ils soient exposés à des emplois illégaux, qui ont des
implications négatives sur la protection de ces travailleurs.
La portée de la reconnaissance de ce droit n’est pas uniquement fonction de
l’exclusion expresse des groupes de migrants du droit au travail, ou de la restriction
de leur emploi dans certains secteurs comme la fonction publique, les professions
libérales, le commerce. Elle dépend aussi des conditions d’accès des migrants à
l’emploi.
77
Liste en annexe
51
Le caractère restrictif de la législation réglementant le travail des étrangers en
Tunisie78 fait que plusieurs catégories de migrants y sont employés illégalement,
sans contrat de travail, sans être enregistrés à la Caisse nationale de sécurité
sociale et, souvent, sans garantie aucune de leurs droits minimum (égalité de
salaire, heures de travail). Ceci concerne tous les migrants en séjour irrégulier, mais
également les étudiants, migrants en Tunisie, les demandeurs d’asile, les conjoints
étrangers des tunisiens, peu ou pas qualifiés79.
Source de - JORT, www.iort.gov.tn
données - Code du travail.
Ventilation - - Droit au travail des migrants en situation régulière du point de vue de la
réglementation du séjour des étrangers : Étudiants/Migrants conjoints de
tunisiens/Conjoints de travailleurs migrants/Ressortissants bénéficiant des
conventions bilatérales et d’établissement (Algérie, Maroc et France).
- - Droit au travail des migrants sans titre de séjour (migrants irréguliers).
- - Droit au travail des demandeurs d’asile.
- - Travail salarié/indépendant/fonction publique
Méthode - -Droit au travail reconnu
d’appréciation - -Droit au travail non reconnu
Indicateur Indicateur 3
proposé par
Protection des droits des migrants au travail dans le droit interne : Principe
KNOMAD
d’égalité de traitement et obligation de non-discrimination.
Définition L’existence d’une garantie légale des droits fondamentaux au travail et de
l’obligation de non-discrimination à l’encontre des migrants.
Analyse Cet indicateur permet d’évaluer l’application de la protection des droits des
migrants au travail. Ceci implique un examen de la législation du travail, du code
du travail et des textes législatifs relatifs au séjour des étrangers ayant un impact
sur la protection des droits minimums des travailleurs migrants.
Cet examen requiert la vérification d’un certain nombre d’éléments :
78
Article 258-2 du code du travail : « Tout étranger qui veut exercer en Tunisie un travail salarié (…) doit être muni
d’un contrat de travail et d’une carte de séjour portant la mention « autorisé à exercer un travail salarié en Tunisie ».
Le contrat de travail de l’étranger et son renouvellement doivent être visés par le ministre chargé de l’emploi. Le
recrutement d’étrangers ne peut être effectué lorsqu’il existe des compétences tunisiennes dans les spécialités
concernées par le recrutement.
79
CF. CF. étude BIT, 2014, op.cit.
52
- -La reconnaissance et la sanction de l’obligation de non-discrimination sur
le lieu de travail et d’égalité de traitement entre nationaux et travailleurs
migrants indépendamment de leur statut.
80
Loi de 1968, article 11 ; décret d’application de 1968, Article 33.
53
Il s’agit d’évaluer la condition du travailleur migrant en situation irrégulière
et de renseigner sur le degré de vulnérabilité de sa situation du fait de
l’existence de sanctions pénales son égard.
Source de Base de données du JORT : www.iort.gov.tn
données
b) Indicateurs de processus
Indicateur Indicateur 4
proposé par
L’existence d’une jurisprudence reconnaissant le principe d’égalité dans la
KNOMAD
protection des droits du travail des travailleurs migrants, par statut de
travailleur.
Définition L’indicateur renseigne sur l’application du principe d’égalité par les juridictions
tunisiennes.
Analyse L’indicateur permet de suivre l’évolution de la jurisprudence dans l’interprétation
et la détermination de l’étendue du droit des travailleurs migrants à un traitement
égal.
Méthode de Il s’agit d’un examen de la jurisprudence pour déterminer la reconnaissance des
calcul droits qu’ont les étrangers de travailler en Tunisie, par catégorie de travailleur,
régulier/irrégulier.
Sources et - -Les conflits au travail sont tranchés par des deux instances : les conseils
mécanismes de de prud’hommes institués dans la circonscription territoriale des tribunaux
collecte de de première instance, et les tribunaux de droit commun.
données
La publication de la jurisprudence des tribunaux tunisiens n’est cependant
pas systématique.
54
Indicateur Indicateur 5
proposé par
Existence d’une protection spécifique et d’un mécanisme de contrôle des
KNOMAD
conditions de travail et des droits des migrantes travailleuses domestiques.
Définition L’indicateur renseigne sur l’existence d’un dispositif spécifique et d’une législation
qui réglemente le travail domestique des migrantes et garantit leurs droits et leur
protection.
Analyse Une protection internationale spécifique a été prévue pour ce secteur d’activité eu
égard aux conditions particulières dans lesquelles elle se déroule 81 . Les risques
d’exploitation liés à ce secteur sont particulièrement accrus pour les travailleuses
migrantes.
Le secteur du travail domestique en Tunisie fait de plus en plus appel à la main
d’œuvre étrangère. Souvent en situation irrégulière, les étrangers travaillant dans
ce secteur sont dans une situation d’emploi extrêmement précaire.
Le secteur informel n’est pas couvert par la réglementation du travail et il est
presque impossible à l’inspection du travail d’y pénétrer, puisqu’elle ne peut
accéder aux domiciles privés sans l’accord des occupants des lieux, sauf munie
d’une autorisation judiciaire.
Les travailleuses domestiques étrangères logent en général au domicile de leur
employeur et leur liberté de mouvement est très sérieusement réduite 82 . Ces
travailleuses sont particulièrement exposées aux risques d’abus, d’où la nécessité
de contrôler leurs conditions de travail.
Méthode de - - Existence / absence d’une réglementation spécifique du travail
calcul domestique.
- - Existence / absence de contrôle de l’application des droits du travail aux
travailleuses domestiques
Sources et - - L’évaluation de cet indicateur se fait sur la base de l’examen de la
mécanismes de législation réglementant le travail domestique en Tunisie, pour déterminer
collecte de l’existence d’une protection légale spécifique aux migrantes.
données - - La vérification de l’existence d’une procédure spécifique de contrôle par
l’inspection du travail ou les autorités du ministère des Affaires sociales.
Sources :
- Base de données du JORT : www.iort.gov.tn
81
Convention de l’OIT (n°189)
82
Étude de l’OIT, page 43. On rappelle qu’un projet de loi sur la traite des personnes a été présenté à l’Assemblée,
mais à la date de ce rapport il n’avait pas encore été adopté.
55
- - Rapport d’activité du ministère des Affaires sociales.
- - Rapport annuel de l’inspection du travail.
Indicateur Indicateur 6
proposé par
Nombre de programmes de sensibilisation et d’information des migrants sur leurs
KNOMAD
droits en matière d’emploi.
Définition L’indicateur évalue les mesures prises pour informer les migrants sur leurs droits
au travail.
Analyse Souvent, le travailleur migrant ne réalise pas l’ampleur des violations de ses droits,
faute d’informations concernant ceux-ci. C’est particulièrement le cas pour les
migrants les plus vulnérables, à savoir les travailleurs étrangers peu ou pas
qualifiés.
La réglementation de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère fixée par le Code du
travail tunisien exclut la délivrance d’un permis de travail à cette catégorie de
travailleurs. En dehors des travailleurs maghrébins, Marocains et Algériens, les
travailleurs peu ou pas qualifiés travaillent et séjournent généralement en Tunisie
dans la clandestinité parce qu’ils n’ont pas l’autorisation de travailler. Pour ces
derniers, le sentiment d’être dans l’illégalité, la peur d’être pris dans les filets de la
loi les empêchent de croire qu’ils puissent avoir des droits en tant que travailleurs.
Le faible niveau d’instruction, les problèmes linguistiques, la «non -syndicalisation»
de ces travailleurs accentue cet état de fait.
Les programmes d’information et de sensibilisation aux droits de ces travailleurs
renseignent sur les efforts entrepris pour permettre aux travailleurs migrants de
jouir de leurs droits. Ces programmes visent à lever les obstacles par l’information
et la sensibilisation aux droits des travailleurs, mais aussi à lutter contre la
stigmatisation des travailleurs migrants, notamment ceux en situation irrégulière,
en diffusant et en défendant le principe du droit de ces travailleurs aux droits
relatifs à un travail décent.
Sources et Plusieurs intervenants sont concernés par cet indicateur. Ils sont ou devraient être
mécanismes de chargés d’informer les migrants et de les sensibiliser à leurs droits en matière
collecte des d’emploi.
données
- -Le ministère des Affaires sociales, à travers l’Inspection du Travail :
Actuellement, l’inspecteur de travail intervient pour contrôler le respect
de la réglementation du travail, par des visites de routine ou de façon
56
ciblée en cas de dénonciation d’une infraction à la réglementation. Il
intervient donc généralement a posteriori et se focalise sur l’application
des règles.
Indicateur Indicateur 7
proposé par
Nombre de campagnes d’inspection du travail ciblant les secteurs employant la
KNOMAD
main d’œuvre étrangère et taux de couverture de ces secteurs par l’inspection du
travail.
Définition L’indicateur renseigne sur le nombre de visites d’inspection du travail destinées à
contrôler le respect des droits des travailleurs migrants, ciblant les lieux et les
secteurs de travail qui connaissent une forte concentration de travailleurs
migrants, et le pourcentage de couverture par l’inspection des lieux et secteurs de
travail des étrangers.
Analyse L’inspecteur du travail arrête les plans de visite, soit à la suite de réclamations
individuelles relatives aux conditions de travail, soit dans les cas de non-respect de
certains droits des travailleurs. Les visites sont effectuées au gré de l’inspecteur ou
dans le cadre de contrôles de routine.
83
Article 170 du Code du travail.
57
Il est alors important de savoir dans quelle mesure les plans de visites prennent en
considération la concentration de travailleurs migrants dans des secteurs
déterminés (par exemple le bâtiment, les cafés et restaurants pour les africains du
Sud du Sahara, le gardiennage pour les Marocains). L’existence de campagnes
spécifiques de vérification de la protection des droits des travailleurs migrants est
d’autant plus importante que les réclamations ou plaintes auprès de l’inspection
du travail émanant des travailleurs étrangers sont rares84
L’indicateur permet d’évaluer l’existence et la fréquence des inspections des lieux
de travail des migrants, mais ne renseigne pas sur l’étendue du contrôle fait à
l’égard de l’application de la protection des travailleurs réguliers.
Pour la catégorie la plus exposée aux abus, celle des travailleurs en situation
irrégulière, la fréquence des inspections est peu significative en raison du fait que
l’inspection doit opérer un contrôle du respect de la réglementation relative au
travail des étrangers.
Méthode de Nombre de campagnes : Recensement des différentes campagnes ciblant les
calcul migrants.
Taux de couverture : Le rapport entre le nombre d’inspections effectuées et le
nombre d’établissements à forte concentration de main d’œuvre étrangère, par
zone ou par secteur.
Sources et - -Rapport annuel de l’inspection du travail : le détail des visites d’inspection
mécanismes de opérées dans le cadre de campagnes spécifiques est donné dans le rapport
collecte de mensuel de la division de l’inspection du travail.
données - Les démembrements de l’inspection du travail sont repartis par zone
géographique et par secteur.
- -Le taux de couverture des lieux et secteurs de travail des migrants est
établi sur la base des données sur la répartition géographique et sectorielle
de ces travailleurs.
- -Le ministère de la Formation professionnelle et de l’emploi dispose des
données concernant le nombre, la répartition géographique et sectorielle
des travailleurs migrants en situation régulière, bénéficiant d’autorisations
de travail, ou qui ne sont pas assujettis à l’obligation d’avoir un contrat de
travail.
- -Les données sur la répartition géographique et sectorielle des travailleurs
migrants sont également collectées par l’inspection du travail, par la
84
Source : direction générale de l’inspection du travail.
58
vérification du registre d’inscription des travailleurs étrangers devant être
tenu et présenté à l’inspecteur par chaque employeur85.
Indicateur Indicateur 8
proposé par
Nombre de programmes visant à promouvoir la syndicalisation des migrants.
KNOMAD
Définition L’indicateur renseigne sur les mesures mises en place pour permettre et
encourager l’adhésion des travailleurs migrants aux formations syndicales.
Analyse La reconnaissance du principe du droit syndical sans discrimination dans la
constitution et l’absence d’obstacle législatif à la syndicalisation des travailleurs
étrangers, doit s’accompagner de mesures permettant dans la pratique l’exercice
d’un tel droit par tous les migrants86.
Plusieurs éléments concourent en effet pour limiter cet exercice, notamment le
manque d’information à ce sujet, le désintérêt, ou (et surtout) la crainte de
représailles de la part de l’employeur, la non-sensibilisation des structures
syndicales de base sur le droit syndical des travailleurs étrangers87. Ces obstacles
qui expliquent la faiblesse de l’adhésion des travailleurs étrangers à l’Union
générale tunisienne du Travail, constituent autant de domaines d’action devant
être évalués, afin de mesurer les efforts faits pour promouvoir la syndicalisation
des travailleurs migrants.
Méthode de Existence / absence de :
calcul
- -Programmes d’information et de sensibilisation pour les structures
syndicales de base au droit des travailleurs migrants et à leur droit syndical.
- -Information des travailleurs migrants sur leur droit syndical.
- -Mesures mises en œuvre pour la protection des travailleurs migrants
contre les éventuelles représailles découlant de leur syndicalisation
Sources et - - Rapport d’activité de l’UGTT, Publications de l’UGTT.
mécanismes de - - Rapport annuel de l’inspection du travail.
collecte de
données
85
Article. 261. Contrat de travail.
86
La convention de l’OIT (n°87) sur la liberté syndicale prévoit que « les travailleurs(…) sans distinction d’aucune
sorte ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s’affilier
à ces organisations ». Le comité de la liberté syndicale a eu l’occasion de confirmer l’application de ce droit à tous
les travailleurs migrants sans considération de la régularité de leur situation.
87
Cf., Étude OIT, p.36
59
c) Indicateurs de résultat
Indicateur Indicateur 9
proposé par
Proportion des travailleurs migrants par rapport au nombre de travailleurs
KNOMAD
victimes de violations de leur droit au travail.
Définition L’indicateur mesure l’importance des violations des droits du travail des migrants
par rapport aux tunisiens.
Analyse L’indicateur permet de mesurer le degré de protection dont bénéficient les
migrants au travail par rapport aux tunisiens, et permet de renseigner sur le degré
de respect de l’obligation de non-discrimination à leur égard.
Méthode de Le rapport entre le nombre de cas de violation des droits à l’égard des travailleurs
calcul migrants et le nombre total de cas de violations de ces droits.
Sources et - - Données collectées par l’inspection du travail, consignées dans les
mécanismes de rapports mensuels d’inspection, et compilées dans le rapport annuel de
collecte de l’inspection du travail
données - - Rapports non publiés
Ventilation L’indicateur devrait être ventilé par droits :
- - Droit à l’égalité salariale
- - Nombre d’heures de travail et congés payés
- - Paiement et non rétention du salaire
- -Sécurité et santé au travail
- - Travail forcé.
- -Discrimination sur le lieu du travail.
Indicateur Indicateur 10
proposé par
Nombre estimé de travailleurs migrants en situation irrégulière.
KNOMAD
Définition Statistiques sur le nombre de travailleurs migrants en situation irrégulière
Analyse L’indicateur renseigne sur l’efficacité des politiques d’emploi et de l’immigration et
sur leur cohérence. Un taux élevé de travailleurs migrants en situation irrégulière
révèle l’existence d’une offre d’emploi sur le marché du travail pour les migrants,
sans que cela ne soit pris en compte dans les politiques de migration et d’emploi.
Sources et Plusieurs sources complémentaires devraient être consultées pour établir les
mécanismes de données sur le nombre de travailleurs migrants, en faisant les recoupements
collecte de nécessaires pour arriver à une estimation du nombre total.
données
60
- - Le Recensement général de la population et de l’habitat( RGPH) : il
permet la collecte de données sur les étrangers résidents en Tunisie (le
critère retenu par le RGPH est la résidence de l’étranger pour 6 mois au
moins, ou l’intention de résider en Tunisie au-delà de 6 mois), avec une
spécification de l’emploi, du lieu du travail, de la nature du travail
(permanent/temporaire), de la nature du contrat (contrat à durée
déterminée, contrat à durée indéterminée, pas de contrat), de la nature de
l’activité.
- - Le traitement des données recueillies par le RGPH pourrait permettre
d’établir des données sur la main d’œuvre étrangère en situation
irrégulière (grâce aux variables nationalité/contrats de travail)
- - L’inconvénient que présente cette source est les intervalles trop longs
entre les collectes (dix ans) qui limitent son efficacité. Les enquêtes
population-emploi (enquête trimestrielle sur la base d’un échantillon du
RGPH) ne contient pas de variable relative à la migration (nationalité et
résidence). - Le ministère de la Formation professionnelle et de l’emploi
dispose de données relatives aux travailleurs migrants en situation
régulière du point de vue du séjour et de l’emploi. Ces données sont
collectées par la direction de l’immigration et de la main d’œuvre
étrangère sur la base du nombre de contrats de travail visés par le
ministère et le nombre de travailleurs migrants exemptés de l’obligation
de présenter un contrat de travail88. Le ministère ne dispose cependant pas
de mécanisme de collecte de données sur les travailleurs en situation
irrégulière.
- L’inspection du travail pourrait constituer la source privilégiée de données
sur les travailleurs migrants irréguliers grâce aux visites d’inspection de
travail et par la consultation des registres des travailleurs étrangers que les
employeurs sont tenus de conserver 89 . Ce mécanisme reste cependant
limité en raison du caractère non systématique et exhaustif des visites,
faute de ressources. Des enquêtes spécifiques sont cependant nécessaires
pour la collecte de ces données, étant entendu que la confidentialité sur
l’identité des personnes doit être garantie.
88
Le contrôle du travail des étrangers en Tunisie se fait à travers ces deux procédures.
89
Tout employeur ayant recruté un travailleur étranger est tenu de l’inscrire (…) sur un registre spécial (..) qu’il doit
obligatoirement présenter aux agents de l’inspection du travail. Article 261 du code du travail.
61
62