Rapport Du HCJP Sur Le Règlement Européen MiCA
Rapport Du HCJP Sur Le Règlement Européen MiCA
Rapport Du HCJP Sur Le Règlement Européen MiCA
RÈGLEMENT MiCA
du Haut Comité Juridique
de la Place Financière de Paris
27 janvier 2024
EMIR : European market infrastructure regulation (Règlement sur les produits dérivés de gré à gré,
ESMA : European securities and market authority (Autorité européenne des marchés financiers)
PACTE : Loi pour un Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises
UE : Union européenne
3.2 - Analyse menée par le sous-groupe 1 portant sur les prestataires de services de crypto-
actifs ......................................................................................................................................23
3.3 - Analyse menée par le sous-groupe 2 portant sur les opérations sur crypto-actifs .........61
3.3.1 - Le champ d’application des offres au public de jetons et de l’admission des jetons
à la négociation sur une plateforme ............................................................................... 61
3.3.1.1 - Appréciation des types d’entités autorisées à effectuer une offre au public
dans l’Union européenne .....................................................................................61
3.3.1.4 - Suppression des dispositions dans le CMF issues de la loi Pacte et dans
le RG AMF ..........................................................................................................61
Annexe 3 - Tableau comparatif des définitions de la loi PACTE et de MiCA ainsi que des régimes
PSAN et PSCA .........................................................................................................23
Annexe 7 - Tableau comparatif du règlement MiCA, des dispositions issues de la loi Pacte et du
règlement général de l’AMF ....................................................................................23
Le règlement MiCA a été adopté le 31 mai 2023 dans le but d’instaurer un cadre normatif
harmonisé et spécifique aux crypto-actifs. Le régime européen des crypto-actifs (autres que les
jetons de monnaie électronique et les jetons se référant à un ou des actifs) entrera en application
à compter du 30 décembre 2024. Le règlement européen couvre différents domaines tels que les
opérations sur crypto-actifs, les services sur crypto-actifs et les abus sur marché de crypto-actifs.
L’essentiel de la réglementation porte sur les processus de contrôle et de gestion de risques sans
pour autant imposer aux crypto-actifs un droit substantiel harmonisé. Dès lors, ces éléments sont
laissés à l’appréciation des droits nationaux et peuvent porter notamment sur les questions de
qualification des jetons en tant que bien ou créance ou encore sur les opérations ayant pour objet
des crypto-actifs comme la vente, les sûretés ou les règles régissant le transfert de propriété.
Le groupe de travail a ainsi été mandaté pour remplir une mission portant sur l’adaptation du droit
français à l’entrée en vigueur du nouveau règlement, incluant la gestion d’une période transitoire
lors de laquelle les textes relatifs aux PSAN et aux actifs numériques cohabiteront avec ceux issus du
règlement MiCA. Le groupe a en outre été invité pour proposer des recommandations portant sur le
droit substantiel, dans l’objectif d’adapter le droit français au nouvel environnement réglementaire
et d’assurer l’attractivité et la sécurité de la Place financière de Paris.
La présente synthèse met en relief les points les plus saillants du rapport, à savoir 1) la période
transitoire ; 2) la proposition d’un régime patrimonial relatif aux opérations sur crypto-actifs ;
3) l’instauration d’un nantissement de crypto-actifs ; 4) des demandes de clarification pour les
offres au public de jetons.
La période transitoire conduit à faire cohabiter MiCA avec les régimes nationaux applicables en la
matière. En France, cela signifie que les PSAN enregistrés ou agréés conformément au droit français
avant le 30 décembre 2024 peuvent continuer à fournir leurs services jusqu’au 1er juillet 2026.
Dans ce contexte, le groupe de travail a formulé plusieurs recommandations afin d’adapter le droit
français au règlement MiCA et d’en améliorer son attractivité. Ainsi, il recommande de supprimer
toutes divergences entre les définitions retenues par le droit français et celles fixées en droit européen.
Cependant, en raison de la période transitoire, il existe un risque que certains actifs puissent être
qualifiés d’actifs numériques sans être qualifiés de crypto-actifs et inversement. Pour éviter toute
incertitude, le groupe de travail recommande d’adopter une disposition prévoyant que les crypto-
actifs constituent une sous-catégorie d’actifs numériques. En outre, les dispositions issues de la loi
PACTE relatives au statut PSAN devraient être supprimées à l’issue de la période transitoire. La
réglementation bancaire et financière devrait être adaptée afin de permettre aux entités réglementées
(établissement de crédit, entreprise d’investissement) de fournir des services sur crypto-actifs.
Dans le premier cas, il importe de définir un mode de transfert universel qui pourrait être
l’individualisation des actifs dans les livres du teneur de compte ou sur le registre distribué. Par
ailleurs, les droits conférés par les crypto-actifs conduisent à l’application distributive de la vente,
contrat consensuel par excellence, avec la cession de créance, contrat formel.
Dans le second cas, un système harmonisé de transfert de propriété est envisagé pour les
crypto-actifs intermédiés auprès d’un prestataire de services sur crypto-actifs ; les crypto-actifs non
intermédiés relevant alors du droit commun des biens ou droits incorporels. Ce régime reproduirait
la négociabilité des titres financiers afin de faciliter le transfert de propriété et de protéger l’acquéreur
de bonne foi. Dans le cadre de ce régime ad hoc, le groupe de travail recommande une évolution du
droit des garanties sur crypto-actifs, par un nouveau régime de nantissement sur crypto-actifs, dont
les règles s’inspirent du régime du nantissement de compte-titres en les adaptant aux crypto-actifs.
Le groupe de travail a également analysé le nouveau régime des offres au public de jetons et a
formulé différentes recommandations à cet égard concernant les émetteurs et offreurs de jetons, en
particulier pour les entités ne disposant pas de la personne morale. Par ailleurs, le rapport s’attache
à expliciter le régime de l’offre au public de jetons en soulignant les spécificités de certaines
opérations et les cas de dérogation, comme celle de réseau limité. La marge de manœuvre étroite
laissée aux États-membres conduit le groupe à proposer des interprétations relatives, par exemple,
au régime de responsabilité des rédacteurs de livre blanc ou encore au droit de rétractation conféré
aux détenteurs de jetons. Elle impose, dans d’autres hypothèses, de solliciter des entités européennes
des réponses à certaines questions, l’ensemble ayant pour objet de faciliter la compréhension du
régime pilote. Néanmoins, comme pour les autres domaines couverts par le règlement MiCA, le
groupe recommande la suppression de l’essentiel des dispositions des offres au public de jetons
issues de la loi PACTE.
Le 31 mai 2023, les colégislateurs européens ont adopté le règlement relatif aux marchés de crypto-
actifs1 (règlement « MiCA » ou « Règlement ») dans le but de poursuivre l’adaptation des textes
législatifs de l’Union européenne (« UE ») à l’ère numérique et aux technologies innovantes, dont
font partie les technologies de registres distribués (« DLT »). La principale application des DLT
à ce jour sont les crypto-actifs, qui constituent des « représentations numériques de valeurs ou
de droits susceptibles de procurer des avantages significatifs aux participants au marché »2. Le
règlement MiCA vise à instaurer un cadre harmonisé et spécifique aux marchés de crypto-actifs au
niveau européen, afin de « soutenir l’innovation et une concurrence loyale, tout en garantissant un
niveau élevé de protection des détenteurs de détail et l’intégrité des marchés de crypto-actifs »3.
Le régime européen des crypto-actifs (autre que pour les jetons de monnaie électronique « EMT »
et jetons se référant à un ou des actifs « ART ») entrera en application à compter du 30 décembre 20244,
mais cohabitera avec les régimes nationaux applicables en la matière en raison de la période
transitoire prévue par le Règlement5. En France, la loi PACTE6 règlemente les activités sur actifs
numériques en instituant un statut de prestataire de services sur actifs numériques (« PSAN »).
Ce statut est en réalité double puisque le droit français distingue les PSAN enregistrés des PSAN
agréés. Depuis la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union
européenne (DDADUE)7, l’enregistrement est dit « renforcé »8 ; celui-ci est obligatoire9, alors que
l’agrément reste facultatif. Ainsi, les PSAN enregistrés ou agréés conformément au droit français
avant le 30 décembre 2024 peuvent continuer à fournir leurs services jusqu’au 1er juillet 2026 . À
cette date, les règles de droit français cesseront d’être applicables.
1
Article 3.1 5), Règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de
crypto-actifs, JOUE L.150/40, 9 juin 2023.
2
Règlement MiCA., cons. 2.
3
Règlement MiCA., cons. 6.
4
Règlement MiCA., article 149.2.
5
Règlement MiCA., article 143.3.
6
Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, JORF n° 0119 du 23 mai 2019.
7
Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les
domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, JORF n° 0059 du 10 mars 2023.
8
Le régime de l’enregistrement renforcé est entré en vigueur le 1er janvier 2024 pour les prestataires de services sur actifs
numériques ayant déposé avant le 1er juillet 2023 une demande d’enregistrement considérée comme complète par l’Autorité
des marchés financiers au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables.
9
Le régime d’enregistrement est obligatoire pour les nouveaux acteurs souhaitant fournir les quatre services sur actifs
numériques soumis à enregistrement obligatoire (conservation, achat-vente contre monnaie ayant cours légal, échange
d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques, exploitation d’une plateforme de négociation).
10
Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023, article 8 III.
« 1° adapter les dispositions du Code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes ou
lois pour assurer, à l’entrée en application du règlement du Parlement européen et du Conseil sur
les marchés de crypto-actifs approuvé par le Conseil de l’Union européenne le 5 octobre 2022, leur
cohérence et leur conformité avec ce règlement ;
À ce titre, le groupe de travail s’est interrogé sur la nécessité de conserver, supprimer ou modifier
les définitions prévues aujourd’hui dans le Code monétaire financier (« CMF ») ou d’autres codes,
loi et règlements. Ses travaux ont également porté sur le régime d’émission des actifs numériques11
et sur les règles encadrant l’activité des prestataires de services sur actifs numériques (« PSAN »)12.
En revanche, en raison de la spécificité de ces matières, le groupe de travail n’a pas intégré les
aspects fiscaux ni les aspects liés aux abus de marché de crypto-actifs. De même, s’agissant
des opérations sur crypto-actifs, seules les opérations relatives aux jetons de droit commun ont
été examinées. En raison des contraintes temporelles, l’analyse des opérations sur les jetons se
référant à un ou des actifs (asset referenced token, « ART ») et les jetons de monnaie électronique
(e-money token, « EMT ») n’a pas été approfondie. De surcroit, les EMT seront soumis à la réforme
à venir de la monnaie électronique dans le cadre de la troisième directive relative aux services de
paiement (« DSP »)13.
11
C. mon. fin., articles L.552-1 à L.552-5.
12
C. mon. fin., articles L.54-10-1 à L.54-10-5.
13
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement et les services de
monnaie électronique dans le marché intérieur, modifiant la directive 98/26/CE et abrogeant les directives (UE) 2015/2366
et 2009/110/CE, COM/2023/366 final.
En outre, le groupe de travail avait également pour mission de proposer toute modification utile au
droit français afin de garantir son attractivité pour le secteur des crypto-actifs, tout en assurant une
sécurité pour les détenteurs. Pour ces raisons, des questions de droit privé, spécialement de droit
des biens, ont été traitées par le groupe de travail.
À cette fin, les commanditaires de la mission ont précisé la possibilité pour le HCJP de proposer des
modifications de toute norme pertinente, incluant donc le Code monétaire et financier (« CMF »),
le Code civil ainsi que le règlement général de l’AMF (« RG AMF »). Le groupe de travail s’est
réuni cinq fois entre septembre 2023 et janvier 2024, en session plénière, et quinze fois en session
restreinte.
Dans le cadre de sa mission, le groupe de travail a déterminé certains principes à suivre tout au long
de ses réflexions :
- le maintien d’une réglementation intelligible. Il est notamment prévu que des renvois au Règlement
soient faits chaque fois qu’une situation n’a pas vocation à être régie par d’autres dispositions que
celles du Règlement. Ce faisant, le groupe de travail a veillé à ce qu’il n’y ait pas de superposition
inutile entre le droit français et le droit européen ;
- le sous-groupe 1, présidé par Hubert de Vauplane assisté de Bertrand Corbi, s’est concentré
sur l’évolution du statut de PSAN à l’aune du statut des prestataires de services sur crypto-actifs
(« PSCA ») institué par le règlement MiCA. Compte tenu de l’étendue des textes à étudier, le sous-
groupe 1 s’est ensuite subdivisé en groupes de réflexions dont les thèmes sont les suivants :
- le sous-groupe 2, présidé par Patrick Barban assisté de Sami Nabi, s’est concentré sur l’évolution
du régime de l’émission des actifs numériques à l’aune de l’émission des crypto-actifs, des jetons
de monnaie électronique et des jetons se référant à un ou des actifs. Le sous-groupe 2 s’est lui aussi
subdivisé en groupes de réflexions dont les thèmes sont les suivants :
- définitions (article 3) ;
Les deux sous-groupes de travail ont parallèlement réfléchi à l’évolution des définitions des actifs
numériques et des opérations afférentes en droit français. Ils se sont réunis mensuellement en
groupe plénier aux fins de coordination.
Les groupes de travail ont suivi une méthode commune afin de réaliser leur mission. En ce sens, des
tableaux comparatifs (mettant en parallèle MiCA, PACTE, le CMF, le RG AMF et le Règlement
Prospectus (« Prospectus »)14 ) ont été dressés, d’une part pour ressortir les points de friction entre
MiCA et le droit français, et d’autre part, pour évaluer les recommandations pertinentes à préconiser.
La démarche méthodologique consistait également à insister sur les dispositions d’attractivité et de
sécurité juridique dans les recommandations tout en veillant à prendre des dispositions qui n’iront
pas à l’encontre des normes de niveau 2 et 3.
Les travaux menés par les deux sous-groupes ont été divisés en deux phases :
- phase 1 : identification des points de friction entre la réglementation française des actifs numériques
et le règlement MiCA. Les sous-groupes de travail ont procédé à la comparaison article par article
du droit français et du droit européen. À l’issue de ce travail, il a été possible d’identifier un certain
14
Règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en
cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché
réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE.
- phase 2 : résolution des difficultés d’articulation entre le droit français et le règlement MiCA
conduisant à différentes modifications d’ordre législatif ou réglementaire.
Les travaux ont été rapportés par Bertrand Corbi et Sami Nabi.
L’article 3 du règlement MiCA comprend différentes définitions relatives aux technologies DLT.
Ces définitions sont les suivantes :
- « technologie des registres distribués » ou « DLT » : « une technologie qui permet l’exploitation
et l’utilisation de registres distribués » ;
- « mécanisme de consensus » : « les règles et les procédures par lesquelles les nœuds d’un réseau
DLT parviennent à un accord sur le fait qu’une transaction est validée » ;
- « nœud de réseau DLT » : « un dispositif ou un processus qui fait partie d’un réseau et qui détient
une copie complète ou partielle des enregistrements de toutes les transactions dans un registre
distribué ».
Le droit français connaît une notion similaire à celle des DLT, les dispositifs d’enregistrement
électroniques partagés (« DEEP »). Celle-ci a été consacrée afin de permettre l’inscription sur une
blockchain15 et des titres financiers non cotés (inscrits forcément au nominatif) par l’ordonnance du
15
C. mon. fin., article L.233-12 créé par l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse, JORF
n° 0101 du 29 avril 2016, article 2 mais abrogé par l’article 3 de l’ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021
modernisant le cadre relatif au financement participatif.
De plus, bien qu’il soit possible de maintenir les conditions du DEEP pour les titres financiers non
16
Ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l’utilisation d’un dispositif d’enregistrement électronique
partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers, JORF n° 0287 du 9 décembre 2017, articles L.211-3
et L.211-4 du CMF.
17
Dans son rapport du 18 février 2021, la Commission d’enrichissement de la langue française définit le DEEP comme un
« dispositif d’enregistrement et de sécurisation de données qui recourt à un protocole d’authentification et à la duplication
de ces données chez les participants à ce dispositif ».
18
Termes soulignés par les auteurs.
19
« Le dispositif d’enregistrement électronique partagé mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 211-7 est conçu et mis
en œuvre de façon à garantir l’enregistrement et l’intégrité des inscriptions et à permettre, direc-tement ou indirectement,
d’identifier les propriétaires des titres, la nature et le nombre de titres détenus.
Les inscriptions réalisées dans ce dispositif d’enregistrement font l’objet d’un plan de continuité d’activité actualisé
comprenant notamment un dispositif externe de conservation périodique des données.
Lorsque des titres sont inscrits dans ce dispositif d’enregistrement, le propriétaire de ces titres peut disposer de relevés des
opérations qui lui sont propres ».
20
Règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les
infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, JOUE L. 151/1, 2 juin 2022.
- d’une part, parce que la définition retenue par le règlement MiCA est également celle qui est
utilisée par le règlement Régime pilote pour les titres financiers numériques cotés, de sorte qu’il
paraît préférable d’utiliser la même terminologie pour rendre compte de la même technologie de
support des titres financiers numériques, qu’ils soient nominatifs ou au porteur, cotés ou non cotés ;
- d’autre part, parce que lors de la rédaction de l’Ordonnance blockchain, l’idée était de laisser
un champ ouvert permettant, le cas échéant, en fonction de l’évolution de la technologie, le
recours à des blockchains publiques ; il serait regrettable de laisser penser, par le maintien de cette
terminologie nationale (DEEP), que pour les titres financiers numériques nominatifs, l’évolution
technologique est figée alors qu’elle est clairement ouverte pour les autres catégories de jetons.
L’article 3.1(5) du règlement MiCA définit un crypto-actif comme « une représentation numérique
d’une valeur ou d’un droit pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen
de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire ». L’article 3.1(9) ajoute
qu’un jeton utilitaire est « un type de crypto-actif destiné uniquement à donner accès à un bien ou
à un service fourni par son émetteur ».
- l’article L. 54-10-1 du CMF définit les actifs numériques comme : « 1° les jetons mentionnés à
l’article L. 552-2, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers
mentionnés à l’article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223-1 ; 2° toute
représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou
par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal
et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes
physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée
électroniquement » ;
- l’article L. 552-2 du CMF définit un jeton comme « tout bien incorporel représentant, sous
forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au
moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement
ou indirectement, le propriétaire dudit bien. »
Concernant l’exclusion des crypto-actifs non fongibles (non fungible token, « NFT »), le groupe
de travail prend note des normes techniques en cours de préparation par l’Autorité européenne des
marchés financiers (« ESMA »)22 et des travaux parlementaires en cours. Le sujet n’a donc pas fait
l’objet d’études approfondies par le groupe de travail.
Le groupe de travail relève cependant que le droit français excluait de la définition des actifs
numériques les bons de caisse définis à l’article L. 223-1 du CMF23. Les bons de caisses constituent
des titres nominatifs et non négociables comportant engagement pour un commerçant de payer à
échéance déterminée, délivrés en contrepartie d’un prêt24. Or, eu égard à la définition des crypto-
actifs résultant de MiCA, les bons de caisse enregistrés sur DLT peuvent être rattachés à la catégorie
des crypto-actifs. Toutefois, le règlement exclut de son champ d’application les « crypto-actifs qui
sont uniques et non fongibles »25. Les bons de caisse étant non-fongibles26, ils devraient être exclus
du champ d’application de MiCA. Néanmoins le groupe de travail préconise, afin d’assurer une
continuité dans les textes et une sécurité juridique, de prévoir expressément que les bons de caisse
ne rentreront pas dans le champ d’application de MiCA. De manière analogue, il semble nécessaire
au groupe de travail de clarifier la qualification des jetons utilitaires non fongibles et notamment
de s’assurer que ceux-ci relèvent de la catégorie des jetons non fongibles et se trouvent en principe
exclus à ce titre de MiCA. Certains services peuvent en effet se rapporter à un type d’actif spécifique
(services de conciergerie, par exemple, service aux personnes, etc.). La logique de MiCA conduit
en effet que de tels actifs, qui ne peuvent par hypothèse ni faire l’objet d’un marché ni en principe
être transférés ou substitués à un jeton se rapportant à un autre actif, soient exclus du champ de ce
règlement. Une précision en ce sens serait ainsi bienvenue.
21
V. infra, p. 21-22.
22
https://www.esma.europa.eu/esmas-activities/digital-finance-and-innovation/markets-crypto-assets-regulation-mica
23
C. mon. fin., article L. 54-10-1, 1°.
24
C. mon. fin., article L.223-1.
25
Règlement MiCA, article 2.3.
26
C. mon. fin, article L.233-1 alinéa 2.
L’article 3.10 du règlement MiCA donne une définition large de la qualité d’émetteur. Cet article
dispose qu’un émetteur est « une personne physique ou morale, ou une autre entreprise, qui émet
des crypto-actifs ». Ce triptyque se retrouve à propos de l’offreur. L’article 3.13 dispose en effet
que « l’offreur est une personne physique ou morale, ou une autre entreprise, ou l’émetteur, qui
offre des crypto-actifs au public ». Le règlement apporte encore une précision relative à la notion de
« candidat émetteur » en le définissant comme « émetteur de jetons se référant à un ou des actifs ou
de jetons de monnaie électronique qui demande l’autorisation d’offrir au public ces crypto-actifs
ou demande l’admission à la négociation de ces crypto-actifs ». Toutefois, s’agissant des EMT,
l’émetteur doit être agréé comme établissement de crédit ou comme établissement de monnaie
électronique28 (article 48 de MICA et 66e considérant).
27
AMF, Position-recommandation DOC-2020-07 - Questions relatives au régime des prestataires de services sur actifs
numériques, 1er janvier 2024, p. 4.
28
Règlement MiCA, cons. 66 et article 48.
29
Règlement MiCA, article 3.20 : « Les émetteurs de crypto-actifs sont des entités qui contrôlent la création de crypto-actifs ».
30
cf. 3.3.1.1 Appréciation du type d’entités autorisées à effectuer une offre au public dans l’Union européenne, p.45.
L’article 3.1(27) de MiCA définit l’organe de direction comme « l’organe ou les organes d’un
émetteur, d’un offreur ou d’une personne qui demande l’admission à la négociation, ou d’un
prestataire de services sur crypto-actifs, qui sont désignés conformément au droit national, qui sont
habilités à définir la stratégie, les objectifs et l’orientation générale de l’entité, et qui assurent la
supervision et le suivi des décisions de gestion au sein de l’entité et qui comprennent les personnes
qui dirigent effectivement l’activité de l’entité ». Le groupe de travail souligne que la détermination
de l’organe de direction en droit français est ambiguë.
D’une part, l’appréhension de cette notion est susceptible d’avoir une incidence sur la détermination
du signataire de la déclaration de responsabilité du livre blanc chez l’émetteur ou l’offreur de
jetons. Or, il s’agit d’une notion floue qui ne s’aligne pas notoirement sur celle de représentant
légal en droit français. Il est donc souhaitable de préférer le terme « représentant légal » à celui
d’« organe de direction » en lien uniquement avec l’organe ou les organes d’un émetteur, d’un
offreur ou d’une personne qui demande l’admission à la négociation afin d’éviter toute ambiguïté
sur la détermination du signataire de la déclaration de responsabilité du livre blanc31.
À ce sujet, une piste de réflexion porte sur l’emploi de tels termes pour inclure dans la catégorie
des émetteurs les Organisations Autonomes Décentralisées ou DAO qui ne disposent pas de
la personnalité morale. Il est possible de décrire une DAO de la manière suivante : « une entité
constituée et opérant sur une blockchain qui est gérée collectivement par ses membres détenant des
droits de gouvernance (tokens de gouvernance) »32.
Le groupe de travail est donc convenu de la pertinence de définir en droit français un cadre clair
pour des entreprises autres que des personnes morales leur permettant d’être agréées pour émettre
des ART.
D’autre part, l’article 68.1 relatif au dispositif de gouvernance des PSCA vise « les membres de
l’organe de direction ». À la lecture de l’article 3.1(27) de MiCA33, le groupe de travail comprend
V. ESMA-EBA, « Consultation paper - Draft joint EBA and ESMA Guidelines on the suitability assessment of members of
31
management body of issuers of asset-referenced tokens and of crypto-asset service providers », 20 octobre 2023.
32
Guillaume F., Riva S., « DAO, code et loi : Le régime technologique et juridique de la decentralized autonomous
organization », RDIA, n° 4, décembre 2021, 13.
33
Article 3.1(27) de MiCA : « L’organe ou les organes d’un émetteur, d’un offreur ou d’une personne qui demande
l’admission à la négociation, ou d’un prestataire de services sur crypto-actifs, qui sont désignés conformément au droit
national, qui sont habilités à définir la stratégie, les objectifs et l’orientation générale de l’entité, et qui assurent la supervision
et le suivi des décisions de gestion au sein de l’entité et qui comprennent les personnes qui dirigent effectivement l’activité
de l’entité ».
Une autre incertitude concernant le champ d’application du règlement MiCA a trait à l’appréhension
potentielle des jeux à objets numérisables (« JONUM »), dont le cadre juridique est actuellement
débattu au Parlement. En effet, l’article 15 II du projet de loi visant à sécuriser l’espace numérique
dispose que « constituent des objets numériques monétisables (…), les éléments de jeu qui
confèrent aux seuls joueurs un ou plusieurs droits associés au jeu et qui sont susceptibles d’être
cédés, directement ou indirectement, à titre onéreux à des tiers »35. Si cette rédaction était adoptée,
la définition particulièrement large des ONUM retenue ne permettrait pas de les exclure avec
certitude du champ d’application de MiCA. Si certains ONUM peuvent être stockés et transférés
hors registres distribués, d’autres peuvent être transférés et stockés au moyen d’une technologie
des registres distribués ou d’une technologie similaire : ils risqueraient donc d’être qualifiés de
représentation numérique de valeur ou de représentation numérique de droit. Ces éléments sont-ils
de nature à exclure les ONUM du champ d’application du règlement MICA ?
34
À titre comparatif, l’article 4.1(36) de MiFID dispose que « Lorsque la présente directive fait référence à l’organe de
direction et que, en vertu du droit national, les fonctions de gestion et de surveillance de l’organe de direction sont attribuées
à différents organes ou à différents membres au sein d’un organe, l’État membre identifie les organes ou membres de
l’organe de direction responsables conformément à son droit national, sauf dispositions contraires de la présente directive ».
35
Projet de loi n° 175, modifié, par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à sécuriser et réguler l’espace
numérique, 17 octobre 2023.
36
Termes soulignés par les auteurs.
37
Termes soulignés par les auteurs.
En conclusion, le groupe relève que la définition des ONUM n’est pas figée en France,
et que l’exclusion des NFT fera l’objet de précisions au niveau européen. Les problèmes
d’articulation entre les ONUM et les crypto-actifs soumis au règlement MiCA devraient être
pris en compte par le législateur en France.
À titre liminaire, il est précisé que le règlement MiCA ne modifie pas les règles européennes relatives
à la LCB-FT en matière de crypto-actifs. À ce sujet, le règlement européen relatif aux informations
accompagnant les transferts de fonds38 (« TFR ») a été adopté parallèlement au règlement MiCA
et entrera en application à la même date que les exigences applicables aux CASP39. Néanmoins,
le groupe de travail a pris en considération les éventuelles conséquences des changements de
définitions proposés sur la réglementation LCB-FT.
En premier lieu, le groupe de travail recommande de remplacer les références aux « prestataires de
services mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 54-10-2 » figurant aux articles L.561-2 et suivants
du CMF par la référence aux « prestataire de services sur crypto-actifs au sens de l’article 3.1 (15)
du règlement (UE) 2023/1114 du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs ». De manière
générale, le terme d’actif numérique doit être remplacé par « crypto-actifs au sens de l’article
3.1 (5) du règlement (UE) 2023/1114 du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs ». Cette
proposition implique la modification des articles L. 561-36 et L. 561-36 I du CMF.
38
Règlement (UE) 2023/1113 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les informations accompagnant les
transferts de fonds et de certains crypto-actifs, JOUE L. 150/1, 9 juin 2023.
39
Ce règlement prévoit l’extension aux crypto-actifs de la travel rule. Dans le domaine des transferts de fond, cette règle
impose aux prestataires de services de paiement d’identifier les initiateurs et les bénéficiaires des fonds transférés. Le règlement
TFR étend donc ce principe aux prestataires de services sur crypto-actifs. Surtout, le règlement TFR étend la 5e directive
anti-blanchiment à tous les PSCA, à l’exception de ceux fournissant le service de conseil (cf. article 38 de TFR). L’article 40
du règlement TFR prévoit une entrée en application le 30 décembre 2024, soit le même jour que le règlement MiCA.
L’article 2.2 du règlement prévoit que celui-ci n’est pas applicable « aux personnes qui fournissent
des services sur crypto-actifs exclusivement pour leur entreprise mère, leurs propres filiales ou
d’autres filiales de leur entreprise mère ». L’exemption des relations intragroupes du champ de la
réglementation des actifs numériques n’était pas connue en droit français. Cependant, le groupe de
travail relève l’existence d’une divergence terminologique entre le droit français et le droit européen.
L’exemption prévue par MiCA est plus restreinte que celle connue dans d’autres régimes qui se
réfèrent au groupe dans son ensemble42, alors que le règlement ne vise que les filiales directes ou sœurs.
40
CMF. L. 561-2 7° ter.
41
Règlement MiCA, cons. 16.
Voir en matière bancaire, l’article L.511-7, I, 3 du CMF ; pour les services d’investissement, l’article L.531-2, 2°, d) du CMF ;
42
Le règlement MiCA prévoit que « les actifs numériques émis par des banques centrales agissant en
leur qualité d’autorité monétaire, y compris la monnaie de banque centrale sous forme numérique,
ou les crypto-actifs émis par d’autres autorités publiques, y compris les administrations centrales,
régionales et locales, ne devraient pas être soumis au cadre de l’Union applicable aux marchés
de crypto-actifs »45. En France, s’il résulte de la lettre du texte que la Banque de France n’est
pas soumise aux dispositions du Règlement en cas d’émission d’actifs numériques, il reste à
déterminer quelles seraient les autres « administrations centrales, régionales ou locales » à être
exemptées. À raisonner par analogie avec les autres régimes, le groupe de travail recommande
que soient exemptés l’État, la Banque de France et le Trésor public. En outre, le groupe s’est
interrogé sur la possibilité d’inclure dans le champ de l’exemption la Caisse des dépôts et
consignations pour ses activités de conservation dans le cadre des crypto-actifs confisqués. Une
réflexion parallèle pourrait être menée concernant le traitement de compte de crypto-actifs
43
Article L. 233-1 du Code de commerce : « I.- Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l’application des
sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :
1° lorsqu’elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans
les assemblées générales de cette société ;
2° lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres
associés ou actionnaires et qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société ;
3° lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette
société ;
4° lorsqu’elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des
membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société.
II.-Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu’elle dispose directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote
supérieure à 40% et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure
à la sienne.
III.-Pour l’application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont
considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée
générale. »
44
Règlement MiCA., cons. 12 : « Il convient d’exclure certaines transactions intragroupes et certaines entités publiques
du champ d’application du présent règlement, car elles ne présentent pas de risques pour la protection des investisseurs,
l’intégrité des marchés, la stabilité financière, le bon fonctionnement des systèmes de paiement, la transmission de la
politique monétaire ou la souveraineté monétaire. Parmi les organisations internationales publiques qui sont exclues figurent
le Fonds monétaire international et la Banque des règlements internationaux. »
45
Règlement MiCA, cons. 13.
Le choix réalisé de maintenir, pour les PSAN déjà enregistrés ou agréés avant l’entrée en vigueur
de MiCA, leur activité jusqu’en 2026 conduit à une question de droit transitoire. Jusqu’à la fin
de cette période, en effet, les qualifications d’actif numérique et de crypto-actif coexisteront. Les
PSAN auront été agréés / enregistrés sur la base d’activité liée aux actifs numériques tandis que les
PSCA seront régulés au regard de leur activité sur crypto-actifs au sens de MiCA. En tout état de
cause, cette coexistence aura vocation à disparaître en 2026, ne laissant que les crypto-actifs dans
le domaine de la loi et des règlements.
- d’un point de vue de la régulation, l’activité des PSAN portera sur des jetons pouvant conjointement
être qualifiés de crypto-actifs et d’actifs numériques. À l’inverse, certains actifs numériques,
comme les NFT, sont des crypto-actifs qui ne sont pas couverts par le règlement MiCA. Il existe
donc un risque que les professionnels soient incertains quant à la manière de procéder dès lors qu’il
existe une interaction entre statuts. À titre d’exemple, tel serait le cas d’un placement par un PSAN
de jetons sur une plateforme de négociation de cryptoactifs, donc d’une activité autorisée sur le
fondement des crypto-actifs ;
- d’un point de vue substantiel, les propositions liées à la création d’un droit civil des crypto-
actifs touchant au droit de propriété, au droit de revendication, aux sûretés et garanties viseront les
crypto-actifs. Il peut être utile d’étendre le régime aux actifs numériques.
Il convient dès lors d’éviter un risque d’incertitude pour l’industrie, pouvant conduire à un
ralentissement de l’activité et, in fine, à un affaiblissement de la place financière et d’assurer
également une égalité de traitement entre PSAN et PSCA.
Pour ces raisons, le groupe suggère d’établir une règle d’équivalence entre actifs numériques et
crypto-actifs pendant la période transitoire. Cette équivalence devra se faire par un rattachement
des crypto-actifs aux actifs numériques et non l’inverse : en effet la catégorie des actifs numériques
englobe davantage de jetons que celles des crypto-actifs couverts par le règlement MiCA, puisque
certains jetons définis comme actifs numériques sont des crypto-actifs exclus des dispositions
de MiCA, comme les NFT. La source du statut des PSCA (règlement européen) ne permet pas
d’imposer aux PSCA des exigences d’agrément supplémentaires liées à une activité sur des jetons
non régulés par MiCA. À titre d’exemple, un PSAN pourra librement réaliser des opérations sur des
infrastructures PSCA comme des plateformes d’échange.
Une telle disposition devrait se trouver dans la loi. D’une part, cette disposition touche à la
définition même des jetons et le groupe considère qu’un texte de droit transitoire doit ainsi être
ajouté au niveau de la loi. D’autre part, une telle mesure permettra en particulier aux régulateurs
comme l’AMF d’interpréter la disposition transitoire dans le cadre d’outils de droit souple,
pour permettre de présenter, pour chaque activité PSAN et PSCA, les points de friction et ainsi
répondre aux attentes de l’industrie.
Le groupe recommande donc de prendre une disposition légale de droit transitoire assurant,
jusqu’en 2026 – fin de la période transitoire – un traitement des crypto-actifs équivalent à
celui des actifs numériques, tant en ce qui concerne la réglementation des acteurs que pour
les opérations sur crypto-actifs.
3.2 - Analyse menée par le sous-groupe 1 portant sur les prestataires de services
de crypto-actifs
L’analyse menée par le sous-groupe 1 a porté sur la nouvelle procédure d’agrément en tant que
PSCA (3.2.2), sur les obligations incombant aux prestataires (3.2.3) ainsi que sur les services
sur crypto-actifs (3.2.4). De plus, le nouveau régime a été l’occasion d’aborder les aspects
patrimoniaux des crypto-actifs (3.2.1).
Bien qu’il ne concerne que la régulation des crypto-actifs, le règlement MiCA invite à s’interroger
sur les aspects de droit privé des crypto-actifs, et spécialement leurs aspects patrimoniaux. Ainsi,
la transposition du règlement MiCA est l’occasion d’adapter le droit français des biens relatifs aux
crypto-actifs afin qu’il soit conforme à l’esprit du règlement, tout en s’assurant de son attractivité
pour les acteurs économiques. Dans cette perspective, le groupe de travail propose la consécration
de règles relatives au régime patrimonial des crypto-actifs (3.2.1.1) ainsi qu’un aménagement du
droit des sûretés (3.2.1.2).
Ni la loi PACTE, ni le règlement MiCA n’encadrent les questions de droit privé résultant de la
circulation des crypto-actifs (3.2.1.1.1), malgré le cadre réglementaire établi par les articles 70 et
75 du règlement MiCA (3.2.1.1.2).
L’article 70 de MiCA impose aux PSCA détenant des crypto-actifs appartenant à leurs clients,
ou les moyens d’accès à ces actifs, de prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger le
droit de propriété de leurs clients. Ce faisant, le règlement MiCA invite à interroger avec plus de
précisions le statut patrimonial des crypto-actifs, d’autant que certaines questions revêtent une
incidence pratique non-négligeable. Par exemple, quel est l’élément déclencheur du transfert de
propriété des crypto-actifs ? Pour répondre à cette question, faut-il considérer que la remise des clés
privées emporte transfert de propriété, ou bien le transfert résulte-t-il seulement d’un changement
d’inscription sur la blockchain ? L’acquéreur de bonne foi d’un crypto-actif pourra-t-il se prévaloir
de la possession pour fonder son titre de propriété à l’encontre de l’action en revendication du
véritable propriétaire ? Il ne s’agit là que de quelques-unes des nombreuses questions patrimoniales
qui existent déjà ou existeront par la suite.
Analysant les différentes modalités de transfert de propriété, le groupe a pu identifier trois modalités
juridiques possibles de transfert des crypto-actifs46.
Modalité 1 – Transfert par inscription sur une nouvelle adresse dans le registre distribué
Cette méthode de transfert est la plus évidente dans le sens où elle s’appuie sur le fonctionnement
d’un registre blockchain, en procédant par le biais d’une transaction. Le propriétaire des crypto-
actifs qui souhaite en transférer la propriété détient directement la clé du portefeuille où ces crypto-
actifs sont enregistrés, ou bien donne l’ordre à son intermédiaire conservateur de réaliser une
transaction. Celle-ci est faite en utilisant le mode de consensus prévu au protocole du registre et c’est
46
Le Règlement 2023/1113 du Parlement européen et du Conseil du 31 Mai 2023 relatif aux informations sur le transfert
de fonds définit un « transfert de crypto-actifs » comme toute transaction visant à déplacer des crypto-actifs d’une adresse
de registre distribué, d’un compte de crypto-actifs ou d’un autre dispositif permettant le stockage de crypto-actifs vers une
ou un autre, exécutée par au moins un prestataire de services sur crypto-actifs agissant pour le compte d’un initiateur ou
d’un bénéficiaire de crypto-actifs, que l’initiateur et le bénéficiaire de crypto-actifs, et que le prestataire de services sur
crypto-actifs de l’initiateur et celui du bénéficiaire de crypto-actifs, soient ou non la même personne. Cette définition est plus
restrictive que les situations envisagées en droit civil dans la mesure où elle nécessite la présence d’au moins prestataire de
services sur crypto-actifs agissant pour le compte d’un initiateur ou d’un bénéficiaire de crypto-actifs.
Modalité 3 – Le transfert par inscription dans les comptes d’un intermédiaire conservateur
Le transfert a lieu par changement d’inscription dans un registre de position tenu par un conservateur
de crypto-actifs. En effet, les intermédiaires qui fournissent un service de conservation de crypto-
actifs tiennent un « registre des positions […] correspondant aux droits de chaque client sur les
crypto-actifs » (MiCA, article 75, 2). Ici, deux situations sont à distinguer.
La première situation correspond au cas le plus courant, à savoir celui où l’investisseur, après
avoir acquis des crypto-actifs, laisse ceux-ci sur la plateforme de négociation / conservation. La
plateforme en question gère ainsi en interne un registre des positions de chacun de ses clients. Il y a
alors la coexistence de deux inscriptions : celle sur le registre interne du conservateur et celle sur la
blockchain. Or ces deux registres ne sont pas identiques. En pratique, la plateforme ne va pas ouvrir
un wallet par client. Elle détiendra quelques wallets omnibus pour l’ensemble des crypto-actifs
qu’elle conserve, la position de chaque client étant précisée hors-chaîne sur le registre interne.
Par exemple, supposons qu’un intermédiaire détienne pour le compte d’un client dix bitcoins. Il
inscrira à l’actif de son registre interne les dix bitcoins au crédit du compte ouvert pour ce client.
Ces bitcoins seront répartis sur un ou plusieurs portefeuilles physiques dont l’intermédiaire détient
la clé.
Il en résulte deux modalités de transfert. La première porte sur un mouvement interne à la plateforme.
Chaque fois que le client demandera l’acquisition ou le transfert de ces crypto-actifs à un tiers,
la plateforme procèdera à un mouvement de position sur son registre interne. Ce n’est que dans
l’hypothèse où le client demande le transfert de ses crypto-actifs sur une adresse publique externe
dont il détiendrait les clés privées ou adresse auto-hébergée (par exemple par un retrait) que la
transaction sera retranscrite sur la blockchain. Ici, le transfert correspond bien à une inscription sur
Ces trois modalités aboutissent toutes à donner au bénéficiaire un certain accès aux actifs. Celui
qui bénéficie d’une transaction sur son adresse pourra à son tour initier une transaction, de même
que celui à qui on remet un portefeuille physique contenant les clés du disposant. Enfin, celui qui
bénéficie d’une inscription dans le registre du tiers conservateur pourra ordonner à ce dernier de
lui restituer les actifs sur une adresse blockchain, ou initier à son tour un transfert « interne » au
conservateur par inscription dans ses registres.
Le groupe de travail a déterminé les réponses aux questions soulevées en droit positif, c’est-à-dire
en application du droit commun des biens incorporels (i). Toutefois, afin d’améliorer la sécurité
juridique des transferts de crypto-actifs et ainsi renforcer l’attractivité de la Place financière
française, le législateur pourrait préférer l’instauration d’un régime ad hoc des crypto-actifs (ii),
dont le groupe de travail a décidé de préciser la portée (iii).
47
Règlement MiCA, article 3.1(5).
Cette analyse ne vaut cependant que pour les transferts de propriété entre vifs, la solution diffère
en cas de transmission successorale ou par voie de legs. En cas de succession, le transfert opère
de plein droit, par l’effet de la loi – sous réserve des règles régissant l’acceptation52. A priori, le
transfert ne devrait donc pas reposer sur une transaction en blockchain. En pratique, la principale
48
Tribunal de Commerce de Nanterre, 6e chambre, 26 février 2020, JCP E, 2020, p. 1201, note M. JULIENNE.
49
P. Malaurie, L. Aynès, M. Julienne, Droit des biens, LGDJ, 10e édition, 2023, p. 69 : « Lorsqu’il s’agit de choses de genre ou
d’une chose fongible, le transfert de propriété n’a lieu qu’au moment où les marchandises vendues ont été individualisées, «
spécifiées » : jusqu’alors déterminée uniquement par leur quantité et leur espèce, elles deviennent individualisées. »
50
On pourrait même envisager une désignation selon leur numéro de code dans la blockchain, les crypto-actifs ayant ici
une parenté avec les billets de banque qui disposent aussi d’un numéro de série, sans que cela ne remette en cause leur
fongibilité.
La notion de fin de journée ne s’entend pas au niveau des transactions puisque celles-ci sont en continue 7/7 365/365
51
Concernant la protection de l’acquéreur de bonne foi, il n’est pas certain que le droit commun
offre une protection contre l’action en revendication du tiers-propriétaire. En effet, la jurisprudence
ne semble pas admettre que l’article 2276 du Code civil, lequel prévoit que la possession vaut titre,
soit applicable aux choses incorporelles56. L’article L.211-16 du CMF, qui décline ce concept en
matière de titres financiers, n’est pas non plus applicable : les crypto-actifs ne sont pas des titres
financiers, quand bien même ceux-ci représenteraient des droits. Par conséquent, en application du
droit commun, le régime de la possession ne devrait pas être applicable aux crypto-actifs.
De plus, en tant que biens meubles objets de propriété, les crypto-actifs peuvent être saisis par
un créancier en vertu de son droit de gage général. Néanmoins, aucun régime de saisie de crypto-
actifs n’existe à ce jour. Cependant, l’article L.231-1 du Code des procédures civiles d’exécution
(« CPCE ») réglemente la saisie des droits incorporels autres que les créances de somme d’argent.
Si le régime associé vise actuellement la saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières, la
formulation de l’article L.231-1 du CPCE est suffisamment large pour englober les crypto-actifs
représentant des droits. Néanmoins, le dispositif mis en place repose sur la présence d’un tiers
(émetteur, mandataire, intermédiaire habilité) qui concourt à la réalisation des opérations de saisie.
C’est ce tiers qui est chargé de déclarer les actifs qu’il détient pour le compte du débiteur, et de
faire droits aux opérations de transferts qu’implique in fine la mesure de saisie. Lorsque les crypto-
actifs sont détenus via un prestataire de service de conservation, ce schéma peut être transposé
sans trop de difficulté : le conservateur jouera un peu le même rôle que l’intermédiaire habilité.
En revanche, lorsque le débiteur détient ses crypto-actifs en propre, leur saisie est impossible sans
connaissance de la clé privée. Il existe des dispositions punissant le fait de ne pas révéler des clés
cryptographiques, mais elles sont propres à la matière pénale (Code pénal, article 434-15-2) et ne sont
53
Voir not. O. Boudeville et C. Vernière, La transmission des crypto-actifs, SNH, 31 mars 2023, p. 12, n° 18 et s.
54
O. Boudeville et C. Vernière, préc., n° 15 : « Lorsque les actifs sont contenus dans un portefeuille papier, il convient de
transmettre au légataire les clés publiques et privées, qui sont conservées soit sur une simple feuille, soit dans un fichier de
l’ordinateur personnel du testateur, soit sur une clé USB. […] En présence d’un portefeuille froid, c’est le support lui-même
qu’il convient de transmettre, ce qui suppose de déposer l’ordinateur (ou « hardware wallet ») dans un coffre ou le laisser
entre les mains d’un tiers de confiance. »
55
La délivrance d’un legs ne concerne pas l’acquisition de la propriété du bien légué (M. Grimaldi, op. cit., n° 437).
56
Cass. com., 7 mars 2006, n° 04-13.569; Bull. civ. IV, n° 62. Cet arrêt refuse l’application de l’article 2276 en matière de
biens incorporels. Voir cependant, Cass. com., 5 mai 2009, nº 08-18165 (admettant le jeu de l’article 2279 à propos de
valeurs mobilières qui n’avaient pas été inscrites en comptes au nom du cessionnaire, lequel n’en avait pas moins exercé
les droits y attachés). La jurisprudence est donc hésitante.
Enfin, le régime patrimonial des crypto-actifs influe également sur les règles applicables à leur
restitution en cas de défaut d’un conservateur. Il convient ici de distinguer différentes situations :
- l’intermédiaire commet une faute ou une erreur dans sa mission de conservation des crypto-actifs ;
Dans le premier cas, le droit français ne prévoit pas de régime particulier et spécifique dérogatoire
du droit commun pour les intermédiaires, régulés ou non, conservateur d’actifs numériques de leurs
clients. La question de savoir si le titulaire d’un actif numérique conservé chez un intermédiaire
dispose d’une action en revendication des actifs numériques dont il est le propriétaire, ou s’il n’a
qu’une simple créance de restitution en équivalent, du fait de la qualification de dépôt irrégulier (ou
de contrat de prêt de consommation si les actifs numériques font l’objet d’un prêt57), est débattue.
Selon certains membres du groupe de travail, le titulaire d’actifs numériques, propriétaire des
actifs numériques, dispose d’une action en revendication en nature sur ses actifs, sous réserve
que des actifs de même espèce se trouvent auprès du conservateur, à l’instar des titres financiers.
Selon d’autres, et du fait de la nature fongible et parfois consomptible de ces actifs numériques,
les titulaires d’actifs numériques disposent d’une simple créance. Leur situation peut même être
encore moins protégée si ces titulaires ont autorisé dans le contrat signé avec leur intermédiaire,
dès lors que le droit national le permet, que celui-ci puisse disposer de leurs actifs numériques (par
exemple, lors d’opérations de « staking »), ce qui revient à ce que cet intermédiaire en devienne le
propriétaire du fait de la qualification de dépôt irrégulier ou du contrat de prêt de consommation.
Dans le second cas, l’intermédiaire peut être tenu contractuellement responsable en cas de non-
respect de son obligation de conservation des crypto-actifs au titre du contrat de conservation.
La jurisprudence française fait peser sur le dépositaire de titres financiers une obligation de
restitution absolue des titres, même en cas de fraude, estimant que le rôle du dépositaire58 et les
obligations qui pèsent sur lui sont d’ordre public59. Sur ce point-là, le droit français applicable
57
Cf. T. com. Nanterre, 6e ch., 26 février 2020, n° 2018F00466, SDE Bitspread Ltd c/ SAS Paymium).
58
Cass. com., 10 mars 2015, n° 14-11.046, F-D.
Cass. com., 4 mai 2010, trois arrêts, n° 09-14.187, Société générale, FS-P+B (N° Lexbase : A0776EXZ), n° 09-14.975, Société
59
RBC Dexia Investor services bank France, FS-P+B (N° Lexbase : A0792EXM) et n° 09-14.976, FS-D (N° Lexbase : A0793EXN).
Dans le troisième cas, si l’intermédiaire a subi un hack ou une fraude de la part d’un tiers sur les
actifs numériques dont il assure la garde, la responsabilité de cet intermédiaire sera alors celle d’un
dépositaire de biens incorporels fongibles et dépendra de la correcte exécution de son obligation de
garde. Là encore, on appliquera la jurisprudence classique en matière de contrat de dépôt.
Enfin, dans le dernier cas, si l’intermédiaire a participé à la fraude, comme auteur ou comme
complice, il pourra alors être poursuivi pour abus de confiance ou escroquerie62.
- Champ d’application du régime ad hoc. Le régime proposé devrait être applicable aux crypto-
actifs couverts par le règlement MiCA, excluant notamment les NFTs dont l’inclusion parmi les
actifs numériques issus du régime français de la Loi PACTE fait débat en raison du fait que la
fongibilité n’est pas un critère entrant dans la définition des actifs numériques, étant toutefois
précisé que, selon l’AMF63, les jetons uniques et non fongibles ne devraient pas être qualifiés
d’actifs numériques dans la mesure où « ils ne sont pas aisément interchangeables et la valeur
relative d’un tel crypto-actif par rapport à un autre, chacun étant unique, ne peut être déterminée
par comparaison avec un marché existant ou un actif équivalent ».
60
Article 722-1, 6° du RG AMF : « [Le conservateur] s’assure de la mise en place des moyens nécessaires à la restitution des
moyens d’accès aux actifs numériques mentionnés au 1° de l’article D. 54-10-1 du Code monétaire et financier. Sauf en cas
d’événements non imputables, directement ou indirectement, au prestataire de services sur actifs numériques, il effectue la
restitution de la maîtrise des moyens d’accès aux actifs numériques au client dans les meilleurs délais. En cas d’impossibilité
de restitution de la maîtrise de ces moyens d’accès, le conservateur d’actifs numériques indemnise son client ».
61
Article 722-1, 6° du RG AMF : « Les événements non imputables au conservateur d’actifs numériques comprennent
notamment tout événement dont il pourra démontrer qu’il est indépendant de son fonctionnement, notamment un
problème inhérent au fonctionnement du dispositif d’enregistrement électronique partagé ou à un programme informatique
automatisé (“smart contract”) pouvant reposer sur un dispositif électronique d’enregistrement partagé qu’il ne maîtrise pas ».
62
Cass. crim., 30 mai 1996, Société de bourse Tuffier, Ravier, Py, Rev Banque & Droit n° 48, juillet-août 1996, p. 30, note
F. Peltier et H. de Vauplane.
63
Position-Recommandation AMF 2020-07 - Questions-réponses relatives au régime des prestataires de services sur actifs
numériques.
Par ailleurs, le groupe recommande de prévoir un article équivalent à celui de l’article L. 211-10 du
Code monétaire et financier64. Cet article introduit une procédure spécifique en cas d’insolvabilité
d’un teneur de compte conservateur afin de protéger les droits des propriétaires des titres financiers
inscrits en compte auprès de cet intermédiaire. Différentes étapes sont prévues :
64
Article L. 211-10 du Code monétaire et financier : « En cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaire d’un intermédiaire mentionné à l’article L. 211-3, l’administrateur judiciaire ou le liquidateur, conjointement avec
l’administrateur provisoire ou le liquidateur nommé, le cas échéant, par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution,
vérifie titre financier par titre financier que l’ensemble des titres financiers figurant en compte chez un dépositaire central
ou chez un autre intermédiaire au nom de l’intermédiaire défaillant, quelle que soit la nature des comptes ouverts chez ces
derniers, sont en nombre suffisant pour que l’intermédiaire puisse remplir ses obligations vis-à-vis des titulaires de compte.
En cas d’insuffisance du nombre de ces titres, il est procédé titre financier par titre financier à une répartition proportionnelle
entre les titulaires de compte concernés ; ceux-ci peuvent faire virer à un compte-titres tenu par un autre intermédiaire ou
par l’émetteur les titres dont ils obtiennent restitution ».
- les titulaires de titres financiers peuvent procéder au virement auprès d’un autre intermédiaire
régulé après que la restitution des titres a été effectuée.
Le régime ad hoc prévoit un article adaptant cette procédure à la faillite d’un PSCA exerçant le
service de conservation et d’administration de crypto-actifs, sous réserve de modifications liées
au fonctionnement des technologies de registres distribués. En particulier, le régime tient compte
des spécificités de la tenue de compte par les conservateurs et prévoit la situation dans laquelle
le nombre total de crypto-actifs inscrits sur le registre interne de l’intermédiaire pour tous ses
clients et tel que communiqué à ses clients ne correspond pas au nombre total de crypto-actifs
effectivement inscrits dans la blockchain. Il est à noter que le règlement MiCA n’impose pas, en
tant que tel, cet ajout.
Enfin, le régime ad hoc prévoit expressément que les crypto-actifs détenus par un PSCA fournissant
un service de conservation et d’administration pour le compte de clients sont insaisissables par les
créanciers dudit prestataire. Cette insaisissabilité vaut quand bien même ces crypto-actifs seraient
sous le contrôle de ce dernier (par exemple au sein d’un wallet omnibus sous son contrôle/à son
nom). En outre, elle vaut pour les crypto-actifs détenus directement au sein d’une DLT (alinéa 1)
ou auprès d’un autre prestataire de service de conservation (alinéa 2) lors d’une chaine de sous-
conservateurs.
L’éventuelle consécration d’un régime ad hoc des crypto-actifs relève d’un choix de politique
juridique dont il convient de mettre en lumière les enjeux.
D’une part, le groupe de travail propose d’insérer ce régime au sein d’un Titre II bis du Livre II
du CMF consacré aux produits. Ce Titre II bis se situerait entre le Titre II consacré aux produits
d’épargne et le Titre III consacré aux dispositions pénales. Ce choix révélerait que les crypto-
actifs sont, d’un point de vue juridique, assimilés à des produits financiers. Ainsi, les acquéreurs
de crypto-actifs seraient mieux protégés que les acquéreurs de biens relevant du droit commun, ce
qui contribuerait à l’institutionnalisation de ces actifs. Certes, le règlement MiCA participe à cette
assimilation, mais le droit français des biens n’est pas contraint de suivre la même logique. En
définitive, l’adoption d’un régime ad hoc est révélatrice d’un choix de politique juridique sur lequel
le groupe de travail a décidé de ne pas formuler de recommandation.
D’autre part, le groupe est partagé quant aux conséquences pratiques de l’adoption d’un tel
régime. Une partie du groupe considère qu’il contribuera à sécuriser les opérations juridiques portant
Le groupe recommande compte tenu des impacts de cette proposition d’interroger plus
largement la Place sur ce nouveau régime s’il venait à être retenu et notamment quant au
choix du registre pertinent (registre de position du conservateur ou la blockchain) déterminant
pour la preuve du transfert de propriété.
L’article 70 du règlement MiCA fait évoluer le régime de protection des titulaires de crypto-actifs.
Cet article indique que « 1. Les prestataires de services sur crypto-actifs qui détiennent des crypto-
actifs appartenant à des clients, ou les moyens d’accès à ces crypto-actifs, prennent des dispositions
adéquates pour protéger les droits de propriété des clients, en particulier en cas d’insolvabilité du
prestataire de services sur crypto-actifs, et pour empêcher l’utilisation pour leur compte propre
des crypto-actifs des clients »65.
Ceci étant précisé, le règlement MiCA ne précise pas les conditions dans lesquelles les prestataires
régulés doivent assurer la protection des droits de propriété de leurs clients sur les crypto-actifs.
La manière pratique de s’assurer efficacement de cette protection réside dans la ségrégation des
65
Sur cet article, voir infra, p. 50-51.
Par ailleurs, le même article 75.7 indique que, quel que soit le droit applicable au contrat de
conservation, « les crypto-actifs conservés sont juridiquement séparés du patrimoine du prestataire
de services sur crypto-actifs, dans l’intérêt des clients du prestataire de services sur crypto-actifs
conformément au droit applicable, de sorte que les créanciers du prestataire de services sur crypto-
actifs ne peuvent faire valoir aucun droit sur les crypto-actifs conservés par le prestataire de
services sur crypto-actifs, en particulier en cas d’insolvabilité ». Cette disposition est importante
en ce qu’elle peut être considérée comme une règle d’ordre public européen66. C’est d’autant plus
remarquable qu’il n’existe pas de disposition équivalente en droit des titres financiers, ni au niveau
européen dans la règlementation MIF, ni en droit français. Il y a là une réelle avancée du droit
européen pour protéger la propriété des crypto-actifs des clients, nonobstant le droit applicable au
contrat avec leur conservateur.
66
A. Jeauneau, L’ordre public en droit national et en droit de l’Union européenne. Essai de systématisation, (dir. V. Heuzé),
Th. Univ. Paris 1, 2015 ; cf. aussi C. Picheral, « L’ordre public européen ». Droit communautaire et droit européen des
droits de l’homme, préf. F. Sudre, Doc. fr., 2001 ; T. Corthaut, EU Ordre public, préf. K. Lenaerts, Wolters Kluwer, 2012.
- seuls les crypto-actifs soumis aux dispositions du règlement MiCA pourront constituer l’assiette
du nantissement (sous réserve de prévoir, à titre transitoire, que le nantissement peut porter sur les
actifs numériques issus du régime de la loi PACTE). Le législateur pourrait simplement ajouter une
référence aux « crypto-actifs » à part s’il souhaite étendre la disposition aux autres crypto-actifs ;
Le régime du nantissement serait modifié comme suit afin de tenir compte des spécificités des
crypto-actifs :
67
Il convient de noter que, à la différence du nantissement de compte-titres, il n’est pas fait référence à l’émetteur (des
crypto-actifs nantis, vs des titres nantis), en raison du fait que, s’agissant de certains tokens ou coins, il n’existe pas d’émetteur
à proprement parler car la création de l’instrument relève d’un pur processus algorithmique sans qu’une personne juridique
ne puisse être considérée comme assumant une quelconque obligation contractuelle au titre de l’instrument (par exemple
celle de le rembourser). Cela est typiquement le cas du bitcoin. Cela étant dit, lorsqu’un émetteur existe, la notion de tiers
(à l’acte de nantissement) l’inclut nécessairement.
68
Il est possible que ces actifs, étant générés au sein de blockchain différentes, fassent l’objet d’attestations émanant de
différents conservateurs. La rédaction du texte permet cette éventualité.
- à l’instar du nantissement de compte de titres financiers, une clause d’arrosage70 prévoit que
l’adjonction de nouveaux actifs dans l’assiette du nantissement est réputée intervenir à la date du
nantissement indiquée dans l’acte, le cas échéant dans le smart contract, de manière équivalente à
l’inscription de nouveaux titres dans le compte-titres nanti. Cela se fait au moyen d’une déclaration
de nantissement complémentaire (qui sera signée dans les mêmes conditions que la déclaration
initiale), qui devra préciser les nouveaux crypto-actifs nantis. Cela étant, il convient de rappeler
que la réforme des procédures collectives de 202171 neutralise le jeu d’une telle clause après le
jugement d’ouverture72 ;
- l’émetteur de crypto-actifs autres que des EMT pouvant être une entité dépourvue de personnalité
morale selon MiCA, il est proposé d’utiliser le terme de tiers qui inclut nécessairement l’émetteur
s’il en existe un ;
- les crypto-actifs peuvent produire des fruits et produits, notamment dans le cadre de leur
immobilisation dans le cadre d’un processus de staking ou encore dans le cadre d’une bifurcation
(fork). Dans ce dernier cas, selon la rédaction proposée, tant les nouveaux crypto-actifs issus d’un
fork que les anciens crypto-actifs préexistant au fork (cette situation correspond généralement à celle
d’un hard fork, lorsque le fork aboutit à la création d’une nouvelle blockchain et l’attribution aux
porteurs d’anciens actifs numériques de nouveaux tokens, comme dans le cas du fork du Bitcoin,
BTC/BCH) entrent dans l’assiette du nantissement. Il conviendra donc aux parties de préciser si
les anciens crypto-actifs doivent faire, ou non, l’objet d’une mainlevée. L’éventualité de fruits ou
produits en toute monnaie ne doit pas être écartée (notamment dans le cas de remboursement d’ART
ou d’EMT). Par souci de cohérence, l’expression « monnaie officielle » utilisée par MiCA est préférée
à celle de « sommes en toute monnaie » utilisée dans le nantissement de compte de titres financiers ;
- l’hypothèse de nantissements successifs est envisagée également pour les crypto-actifs. Dans ce
cas, l’ordre de nantissements doit être réglé par leurs déclarations initiales ;
69
Cette hypothèse n’est pas à exclure, car un ART ou surtout, un EMT peut faire l’objet d’un remboursement dans la (ou
l’une des) monnaie(s) de référence.
70
La clause d’arrosage impose au constituant de reconstituer l’assiette du nantissement au cas où la valeur des crypto-
actifs la constituant viendrait à diminuer, voir P. Crocq, « Nantissement », Répertoire de droit civil, n° 93, février 2017
(actualisation : septembre 2023).
71
Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du Code de commerce.
Selon l’article L. 622-21-IV du Code de commerce, le jugement d’ouverture interdit en effet de plein droit tout accroissement
72
L’exécution du nantissement pourrait être réalisée, outre par des moyens traditionnels (remise en
main propre ou courrier recommandé), par écrit ou par smart contract selon des modalités à fixer par
décret le cas échéant. Contrairement au nantissement de compte de titres financiers, les dispositions
réglementaires relatives à la réalisation du nantissement sont déplacées dans la partie législative, du
fait du caractère limité des précisions apportées par le texte. En effet, au regard de la grande variété
de caractéristiques des crypto-actifs, de leurs modes et conditions de circulation (cotés ou non sur
des plateformes), de détention et de valorisation, il est apparu préférable de renvoyer à l’accord
des parties le soin de définir le mode de réalisation du nantissement. Cela aura pour conséquence,
pour le créancier nanti, de s’assurer que les modalités de réalisation convenues ne requièrent pas un
accord ultérieur ou toute forme de coopération de la part du constituant au moment de la réalisation.
Cela étant, à titre de filet de sécurité, si les parties n’ont pu se mettre d’accord, les modalités de
réalisation sont fixées, par défaut, par un décret ou un arrêté.
Une autre possibilité envisagée par le groupe de travail a été d’intégrer les crypto-actifs au régime
des garanties financières prévu aux articles L.211-36 et suivants du CMF en lieu et place ou en
complément de la création d’un titre ad hoc consacré aux crypto-actifs. Cependant, cette proposition
fait débat au sein du groupe, certains membres ayant émis des réserves quant à l’opportunité et à
la possibilité d’étendre le régime de la garantie financière aux crypto-actifs. Ainsi donc, plutôt que
de proposer une modification du régime des garanties financières, il a été convenu de tracer les
- les transactions sur crypto-actifs pourraient être intégrées dans le champ des obligations financières
couvertes ; et
- les crypto-actifs pourraient être intégrés dans le champ des actifs éligibles au titre de l’assiette de
la garantie.
Outre ces changements, il ne semble pas nécessaire de modifier l’économie de ces garanties ou le
régime du close out netting. Il n’est pas non plus proposé d’inclure les PSCA dans le champ des
entités éligibles aux régimes du close out netting et des garanties financières.
Alors que le droit français distinguait entre une procédure d’enregistrement obligatoire pour exercer
certains services sur actifs numériques, et une procédure d’agrément facultative, le règlement MiCA
ne prévoit qu’une procédure d’agrément obligatoire (article 59). À cet égard, le groupe de travail a
identifié différents points de friction entre cette dernière et la procédure d’agrément de droit français.
. Fourniture de services sur crypto-actifs par certaines entités financières (article 60)
D’abord, le groupe de travail note que le régime des entités réglementées qui souhaiteraient fournir
des services sur crypto-actifs qui ne sont pas équivalents à ceux que l’entité fournit déjà au titre
73
Directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière,
JOUE n° L. 168 du 27 juin 2002.
Ensuite, le groupe de travail relève qu’en droit français, les établissements de crédit, les entreprises
d’investissement, les établissements de monnaie électronique75, les gestionnaires de fonds
d’investissement alternatif, des sociétés de gestion d’organisme de placement de valeurs mobilières
et les sociétés de gestion de portefeuille sont soumis à certaines limites lorsqu’ils souhaitent fournir
des services qui ne seraient pas ceux correspondant à leur régime d’agrément76. En particulier, le
groupe rappelle que :
- les établissements de crédit sont autorisés à effectuer les opérations de banque de l’article L.311-1
du CMF et les opérations accessoires aux opérations de banques listées à l’article L.311-2 du CMF.
Cette distinction est un choix du législateur français. Par exception, les établissements de crédit
peuvent effectuer d’autres activités que celles citées dans la limite de dix pour cent du produit net
bancaire (règlement 86-21 CRB) ;
- les entreprises d’investissement sont autorisées à fournir les services d’investissement et leurs
services connexes prévus par le CMF (articles L.321-1 et L.321-2 du CMF), mais cette liste est
déterminée par la directive MIF. Un arrêté du 30 septembre 2007 précise les conditions dans
lesquelles l’entreprise d’investissement peut effectuer d’autres services, mais le seuil des dix pour
cent n’est pas applicable aux établissements de crédit.
Cela étant, comment traiter les services sur crypto-actifs fournis par les établissements de crédit ou
les entreprises d’investissement ? Il convient de distinguer :
- s’agissant des établissements de crédit, l’article 146 du règlement MiCA modifie l’annexe I de
la directive CRD (liste des activités qui bénéficient de la reconnaissance mutuelle), transposée aux
articles L. 311-1 et L. 311-2 du CMF, comme suit :
« À l’annexe I de la directive 2013/36/UE, le point 15 est remplacé par le texte suivant :
« 15. Émission de monnaie électronique, y compris de jetons de monnaie électronique tels qu’ils
74
À l’exception des établissements de crédit conformément à l’article 60 du Règlement.
75
L’article L. 526-2 dispose que « « Outre l’émission, la gestion et la mise à disposition de la clientèle de monnaie électronique,
les établissements de monnaie électronique peuvent :
1° fournir des services de paiement définis au II de l’article L. 314-1 dans le respect des dispositions législatives et
réglementaires applicables à la fourniture de ces services ;
2° fournir des services connexes à la prestation de services de paiement mentionnés à l’article L. 522-2 dans le respect des
dispositions législatives et réglementaires applicables à la fourniture de ces services ;
3° fournir des services connexes opérationnels ou étroitement liés à l’émission et la gestion de monnaie électronique, tels
que des services de change définis au I de l’article L. 524-1, des services de garde et l’enregistrement et le traitement des
données ».
76
Pour les entreprises d’investissement : article 1er de l’arrêté du 5 septembre 2007 relatif aux activités autres que les services
d’investissement et les services connexes pouvant être exercées par les entreprises d’investissement et les établissements de
crédit et d’investissement.
Il serait donc préconisé d’ajouter ces activités sur crypto-actifs aux opérations connexes aux
opérations de banque listées à l’article L.311-2 du CMF.
- S’agissant des entreprises d’investissement, il est à noter que les crypto-actifs qui sont qualifiés
d’instruments financiers au sens de la directive sur les marchés d’instruments financiers (« MIF »)77
inscrits en DLT sont exclus du champ de MiCA (voir notamment considérant 9 du règlement
MiCA). Dès lors, il ne serait pas adapté d’ajouter les services sur crypto-actifs (qui ne portent pas sur
des instruments financiers au sens de la directive MIF) à la liste des services connexes aux services
d’investissement figurant à l’article L. 321-2 du CMF, dont la fourniture est soumise au respect des
exigences prévues par la directive MIF. Il pourrait être envisagé de modifier l’article L.531-5 du
CMF pour indiquer qu’une entreprise d’investissement peut fournir des services sur crypto-actifs
dans les conditions prévues par le règlement MiCA, tout en veillant à modifier l’article L. 531-7
afin d’écarter les limites applicables aux activités non-financières des entreprises d’investissement.
Lorsqu’un service sur crypto-actif est fourni à l’initiative exclusive du client domicilié dans l’UE
(aussi appelée « reverse solicitation »), le prestataire établi dans un pays tiers fournissant ce service
dans l’Union n’est pas contraint d’être agréé en tant que PSCA. Si ce mécanisme est connu en
réglementation bancaire et financière, il n’était pas prévu expressément par le CMF mais résulte
implicitement de l’article 721-1-1 du RG AMF78. En revanche, cette exception est indirectement
visée à la question 3.7 du Q&A de la position-recommandation 2020-07 de l’AMF :
77
Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments
financiers, JOUE du 12 juin 2014, L. 173/249.
78
« En application de l’article L. 54-10-3 du Code monétaire et financier, un service sur actifs numériques est considéré
comme fourni en France lorsqu’il est fourni par un prestataire de services sur actifs numériques disposant d’installations en
France ou lorsqu’il est fourni à l’initiative du prestataire de services sur actifs numériques à des clients résidant ou établis en
France. Le prestataire de services sur actifs numériques est notamment considéré comme fournissant un service en France
lorsqu’au moins l’un des critères suivants est satisfait :
1. le prestataire dispose d’un local commercial ou d’un lieu destiné à la commercialisation d’un service sur actifs numériques
en France ;
2. le prestataire a installé un ou des automates offrant des services sur actifs numériques en France ;
3.le prestataire adresse une communication à caractère promotionnel, quel qu’en soit le support, à des clients résidant ou
établis en France ;
4. le prestataire organise la distribution de ses produits et services via un ou des réseaux de distribution à destination de
clients résidant ou établis en France. »
La procédure d’agrément unique prévue par le règlement MiCA conduit à une évolution des éléments
devant être fournis par les candidats-prestataires au titre de la demande d’agrément. Le groupe de
travail a procédé à une étude comparative de ces éléments dont les résultats seront présentés en
détails dans le tableau figurant à l’annexe 3. En résumé, afin de permettre un alignement du droit
national sur le règlement MiCA, les exigences contenues dans les articles suivants devraient être
supprimées, sous réserve des besoins de la période transitoire :
- article L. 54-10-4 ;
En revanche, le contenu des articles suivants pourrait être conservé sous réserve d’éventuelles
adaptations. Toutefois, certains de ces textes imposent des obligations plus précises que celles
prévues par le règlement, dès lors le principe d’absence de surtransposition présidant ce rapport
devrait donc également conduire à leur suppression :
- articles 721-1, 721-1-2, 721-3, 721-6, 721-11, 721-14, 722-4, 722-13, 722-20 2° du RG AMF ;
- paragraphes 1.1.2, 1.2, 1.2.2, 1.3, 1.4, 1.4.1, 1.4.2, et 1.4.3 de l’instruction AMF 2019-23 ;
Enfin, les articles L. 54-10-5 V 4° et D. 54-10-6 VII du CMF et 722-13 devraient être maintenus
en ce qui concerne l’obligation d’usage de la langue française conformément aux exigences de la
loi Toubon.
. Obligation d’agir de manière honnête, loyale au mieux des intérêts des clients (article 66)
L’article 66 du règlement MiCA impose aux PSCA d’agir de manière honnête, loyale et
professionnelle au mieux des intérêts de leurs clients et précise le contenu de cette obligation. Des
dispositions similaires existent déjà en droit français. L’article L.54-10-5 exige des PSAN agréés une
communication claire, exacte et non trompeuse avec leurs clients, la publication de leurs politiques
tarifaires et la mise en œuvre d’une politique de gestion des réclamations des clients en assurant leur
traitement rapide79. En outre, le RG AMF prévoit explicitement une obligation d’agir d’une manière
honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients80 et en décline le contenu.
Le groupe de travail relève que les deux régimes se superposent, mais que le règlement MiCA est
plus précis que le droit français. Ainsi, conformément aux principes régissant le présent rapport, le
groupe recommande la suppression des articles 721-10, 721-12 et 721-13 du RG AMF. Néanmoins,
le groupe relève certaines divergences qui mériteraient d’être conservées en droit français :
- l’article 721-10 1° du RG AMF dispose que l’information adressée par le PSAN prévoit le nom
et l’identification du prestataire81. Aucune disposition comparable n’existe dans MiCA et il serait
souhaitable de la conserver ;
79
C. mon. fin., article L. 54-10-5 alinéa. 7 et 8.
80
RG AMF, articles 721-13, 721-10, 721-12.
81
« L’information inclut le nom du prestataire de services sur actifs numériques et les services qu’il fournit. Elle indique
clairement les services pour lesquels il a obtenu l’agrément et le niveau de protection associé dont béné-ficient ses clients,
et s’il a obtenu, le cas échéant, d’être enregistré par l’AMF »
- le groupe du travail relève que les règles prévues aux points 6 et 7 de l’article 721-1083, encadrant
respectivement l’indication des performances passées de l’actif et l’interdiction d’utiliser le nom de
l’AMF à des fins commerciales, n’existent pas dans règlement MiCA.
Cependant, le groupe de travail souligne une divergence entre le cadre français et le cadre européen.
Le règlement MiCA indique que le montant de ces garanties doit être au moins égal au plus élevé
des montants suivants :
- un quart des frais généraux fixes de l’année précédente, recalculés chaque année.
82
« L’information est présentée en français ou, avec l’accord du client, dans une langue usuelle en matière financière
aisément compréhensible par celui-ci, sur tous les supports et dans tous les documents publicitaires qui lui sont remis »
83
« 6. Lorsque l’information contient une indication des performances passées d’un actif numérique ou d’un service sur actifs
numériques, le prestataire de services sur actifs numériques précise que les performances passées ne sont pas un indicateur
fiable des résultats futurs et que cette indication porte sur les performances brutes, elle précise l’effet des commissions, des
honoraires et des autres frais.
Les informations sur les performances futures reposent sur des hypothèses raisonnables fondées sur des données objectives ; et
7. L’information n’utilise pas le nom de l’AMF d’une manière qui puisse indiquer ou laisser entendre que cette autorité
approuve ou cautionne le choix des actifs numériques ou des services proposés par le prestataire à ses clients. »
84
C. mon. fin., article L. 54-10-5 I, 1°, article D. 54-10-6. RG AMF, article 721-5, 721-6.
- premièrement, la règle posée à l’article 62.3 est stricte car (i) une « sanction » au titre du droit
commercial, du droit de l’insolvabilité ou de la responsabilité professionnelle pourrait ne pas porter
nécessairement atteinte à l’honorabilité d’un dirigeant ou d’un actionnaire ; ensuite (ii) certains
pays ne retirent jamais les condamnations des casiers judiciaires (exemple USA) quand bien même
les faits sont anciens et/ou mineurs. La différence entre l’article 68 et l’article 62.3 laisse entendre
qu’une fois l’agrément obtenu, les sanctions qui ne seraient pas liées à la LBC-FT ou ne porteraient
pas atteinte à l’honorabilité de l’individu n’auraient pas à être portées à la connaissance de l’AMF.
Le groupe de travail recommande que le droit national ou la doctrine de l’AMF clarifie ou explicite
la mise en œuvre de ces obligations ;
85
RG AMF, article 721-7, 721-8.
En conclusion, le groupe de travail recommande que le droit français précise la façon dont
sera mise en œuvre l’exigence d’absence de casier judiciaire relatif à des condamnations et
sanctions tirées du droit commercial.
L’article 70 de MiCA entend par « garde des crypto-actifs », l’obligation imposée aux PSCA qui
détiennent des crypto-actifs appartenant à des clients, ou les moyens d’accès à ces crypto-actifs,
de prendre des dispositions adéquates pour protéger les droits de propriété des clients. Le concept
de garde doit être distingué de notions connexes que sont la conservation et le contrôle des crypto-
actifs.
- L’article 75 définit les obligations du prestataire agréé pour fournir le service de conservation et
d’administration de crypto-actifs.
À l’analyse, les notions de garde et de conservation se distinguent aisément. Il résulte en effet des
articles précités que la garde est, avec le contrôle, l’une des modalités de la conservation ; elle
correspond à la détention de crypto-actifs ou de clés pour le compte de leurs propriétaires. Par
ailleurs, les situations visées par les articles 70 et 75 sont différentes, de sorte que ces dispositions
se complètent sans se confondre :
- l’article 70 vise le cas dans lequel un prestataire vient à détenir des crypto-actifs ou des clés
appartenant à des clients, quand l’article 75 régit le service de conservation de ces actifs pour le
compte de clients ;
- l’article 70 assure la protection des actifs qu’un prestataire viendrait à détenir pour le compte d’un
client alors même qu’il ne serait pas lié à ce client par une convention de conservation, lorsque
l’article 75 définit les obligations du prestataire agréé qui fournit le service de conservation ou
d’administration.
Ce double dispositif de protection de l’investisseur n’existe pas aujourd’hui, en droit français, pour
les actifs numériques. Si la conservation est encadrée par les articles L. 54-10-5, II du CMF et les
articles 722-1 à 722-4 du RG AMF, on ne trouve pas de disposition générale équivalente à l’article
70 du règlement MICA. En revanche, un dispositif similaire est prévu par la Directive MIF en
matière d’instruments financiers.
- La disposition a été transposée à l’article L. 533-10, 7° du Code monétaire et financier qui dispose
que les PSI :« prennent, lorsqu’ils détiennent des instruments financiers appartenant à des clients,
des dispositions appropriées pour sauvegarder les droits de propriété des clients sur ces instruments
financiers et empêchent leur utilisation pour leur propre compte, sauf consentement exprès des
clients. »
- Le RG AMF a explicité la disposition dans les Règles d’organisation communes applicables aux
PSI, sous une Section 3 - Protection des avoirs des clients (articles 312-6 à 312-19).
Quant à l’article 75 du règlement MiCA, s’il n’a pas d’équivalent dans la Directive MIF qui ne
détaille pas le régime du service auxiliaire de tenue de compte-conservation, il a en revanche son
équivalent dans le RG AMF aux articles 322-1 et s. qui régissent, par renvoi, la tenue de compte-
conservation.
L’article 72 de MiCA impose aux PSCA de mettre en œuvre des politiques et procédures afin
de détecter, prévenir, gérer et communiquer les conflits d’intérêts. Le droit français connaît une
86
Directive MIF, article 16.8.
Sous réserve de cette remarque, le groupe de travail recommande la suppression de l’article 721-9
du RG AMF.
L’article 73 du règlement MiCA règlemente l’externalisation. Le droit français connaît une disposition
similaire en l’article 722-2 du RG AMF. Le groupe de travail recommande la suppression de cet
article.
Toutefois l’article 722-2 du RGAMF opère un renvoi à l’article 721-3 8) du RG AMF qui vise,
parmi les informations qui doivent figurer dans le programme d’activité : « La liste des prestations
de services ou autres tâches opérationnelles essentielles ou importantes confiées, de manière
durable et à titre habituel, par le prestataire à un tiers, ou destinées à l’être, et les contrats passés
ou envisagés avec ces prestataires », ce n’est pas prévu par MiCA.
- à la question 3.8 (« Dans quelle mesure les activités liées à la lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) ou au gel des avoirs du PSAN enregistré
peuvent-elles être externalisées ? ») du Q&A de la position-recommandation 2020-07 de l’AMF.
Le groupe de travail recommande le maintien de cette question sous réserve de modifications.
Le règlement MiCA prévoit des périodes transitoires au bénéfice des prestataires déjà supervisés
en vertu de dispositions réglementaires nationales. Deux régimes sont envisagés à l’article 143 du
texte :
- l’article 143§3 prévoit une période transitoire au cours de laquelle les prestataires supervisés en
application de leur droit national pourront continuer à le faire sans être agréé en tant que PSCA.
En effet, cet article dispose que « les prestataires de services sur crypto-actifs qui fournissaient
leurs services conformément au droit applicable avant le 30 décembre 2024 peuvent continuer à
le faire jusqu’au 1er juillet 2026 ». Néanmoins, le groupe de travail soulève certains doutes quant
à la mise en œuvre de cette période transitoire. Premièrement, le droit français ne prévoit pas
d’enregistrement obligatoire pour les prestataires fournissant les services mentionnés au 5° de
l’article L.54-10-2 du CMF. À cet égard, l’article 8 III de la loi DDADUE87 ouvre le bénéfice de la
période transitoire à ces acteurs, mais le groupe de travail recommande qu’un communiqué formel
soit pris en ce sens par les autorités compétentes. Deuxièmement, un doute subsiste également
quant à la durée de la période transitoire. Un communiqué de l’ESMA recommande aux États-
membres de réduire la période transitoire à douze mois pour les prestataires pouvant exercer sans
agrément ou enregistrement.
. Équivalence entre les services sur actifs numériques (PACTE) et les services sur crypto-
actifs (MiCA)
Dès l’entrée en application du règlement MiCA, le régime issu de la loi PACTE va coexister avec le
régime européen. Ce faisant, il convient d’analyser l’équivalence des services sur actifs numériques
87
« III - Les prestataires de services sur actifs numériques enregistrés en France conformément à l’article L. 54-10-3 du Code
monétaire et financier, agréés en France conformément à l’article L. 54-10-5 du même code ou fournissant les services
mentionnés au 5° de l’article L. 54-10-2 dudit code avant l’entrée en application du règlement du Parlement européen et
du Conseil sur les marchés de crypto-actifs approuvé par le Conseil de l’Union européenne le 5 octobre 2022 peuvent
continuer de fournir lesdits services en France jusqu’à la fin de la période transitoire prévue par le même règlement ou
jusqu’à ce qu’ils aient obtenu leur agrément en qualité de prestataire de services sur crypto-actifs en application de la
réglementation européenne en vigueur. À compter de la fin de ladite période transitoire, les articles L. 54-10-1 à L. 54-10-6
du Code monétaire et financier ne sont plus applicables. »
3.2.5 - Autres
Dans quelle mesure les seuils prévus à l’article D.112-3 du CMF sont-ils applicables au cas des
EMT ? Il résulte une absence de consensus sur la manière d’interpréter le règlement MiCA et son
interaction avec la règlementation relative à la monnaie électronique et les services de paiement.
- Selon la DGT et l’ACPR, les jetons de monnaie électronique sont expressément qualifiés de
monnaies électroniques par l’article 48.2 du Règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen
et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs88, sont émis par les mêmes
entités habilitées par la directive sur la monnaie électronique de 200989, à émettre de la monnaie
électronique et l’ensemble des dispositions relatives à la monnaie électronique leur sont applicables
sauf dispositions contraires du règlement MiCA.
- Selon d’autres membres du groupe, les jetons de monnaie électronique ne sont pas de la monnaie
électronique mais sont assimilés à de la monnaie électronique pour certains aspects, notamment les
conditions de statut de leurs émetteurs (émission, remboursement, distribution). Ces jetons sont des
crypto-actifs au sens de l’article 3.5 et du 3.7 du Règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen
et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs. Les jetons de monnaie électronique
et la monnaie électronique « diffèrent sur certains aspects importants », ce qui souligne que le
régime de la monnaie électronique applicable aux jetons de monnaie électronique (considérant 19
du règlement MiCA) l’est par assimilation et non par nature.
Au-delà de ce désaccord, il y a accord pour considérer que l’article D. 315-2 du CMF relatif à la
valeur monétaire maximale stockée sous forme électronique à 10.000 € et au montant maximum
de recharge et de retrait en espèces de 1.000 € n’est pas applicable au cas d’EMT /ART dans la
mesure où cet article vise le cas de valeur monétaire « utilisable au moyen d’un support physique ».
En revanche, un désaccord s’est fait jour sur la qualification de monnaie électronique des EMT par
rapport à celle d’actif numérique.
88
Ce point est au demeurant confirmé dans le projet de règlement sur les services de paiement publié en juin 2023 par la
Commission européenne (article 3 (30) du projet de règlement éclairé par son considérant (29) qui inclut toutes les formes
de monnaie électronique, y compris les jetons de monnaie électronique).
89
Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité
des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements,
modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE.
- Selon les autres, cet article n’est pas applicable du fait que les EMT ne sont que de façon accessoire
qualifiés de monnaie électronique.
Malgré cette divergence de vue, les participants sont arrivés à la proposition consensuelle suivante
devant compléter le III de l’article L. 112-6 du CMF :
Cette disposition s’appliquerait à tous les paiements qui ont eu lieu en France, quel que soit le lieu
de résidence du débiteur et du créancier (cf. décision CE, 15 avril 2021, Fédération de l’horlogerie
et a., n° 429624). La jurisprudence précise que cette règle s’applique « à tous les paiements qui ont
lieu en France, quelle que soit la loi applicable au contrat pour l’exécution duquel ils interviennent
et quels que soient la nationalité ou le lieu de la résidence habituelle du débiteur ou du créancier
ou, s’agissant de sociétés, l’État dans lequel elles ont leur siège ». Un paiement effectué par un
débiteur dont le domicile fiscal est en France vers un créancier établi en-dehors de France pourrait
avoir lieu hors de France et serait, dans cette hypothèse, en-dehors du champ de l’article L. 112-6 du
CMF (cf. décision CE, 10 mai 2012, Société Eurospeed Technic France, n° 337573). Inversement,
un paiement est dans le champ de cette disposition s’il est effectué en France par des ressortissants
étrangers (cf. décision CE, 31 juillet 2009, Société Cyberoffice, n° 307781).
L’exclusion pour les paiements entre personnes physiques n’agissant pas pour des besoins
professionnels reste applicable conformément au (b) du III de l’article L. 112-6 du CMF.
L’article L. 112-6 du CMF ne s’appliquerait pas lorsque le débiteur est client d’un CASP ou d’un
émetteur EMT / ART, sous réserve que le client de ceux-ci ait fait l’objet d’une identité vérifiée.
Il est précisé que l’article L. 112-6 du CMF relève d’une réglementation purement nationale, en-dehors du champ de la
90
DSP2-DME2-AMLD5.
Le champ d’application ratione materiae s’entendrait comme suit : seules les obligations devant
faire l’objet d’un paiement, c’est-à-dire l’extinction d’une dette au moyen du versement d’une
somme d’argent, sont visées. Dès lors, cet article ne vise pas tout mode d’extinction d’une obligation
au sens des articles 1342 et suivants du Code civil. Il en résulte que les transferts ou échanges de
crypto-actifs qui ne constituent pas des paiements d’une dette au moyen d’une somme d’argent
ne sont pas visés par cette disposition, sous réserve des paiements effectués au moyen d’un EMT.
Le recours à un EMT peut en effet être qualifié de paiement dès lors que l’EMT est le moyen
d’extinction d’une dette liée à une vente d’un bien ou de services.
Dans le cas d’un self custody wallet de destination où le montant est supérieur aux seuils, le
PSCA / émetteur EMT /ART ne serait pas responsable du fait de ce dépassement. Seuls le créancier
et le débiteur sont responsables du bon respect de ces seuils. Il en résulte qu’il revient au créancier
(commerçant) de mettre en œuvre les moyens techniques permettant de refuser les transactions qui
dépassent les seuils.
Quant aux obligations qui pèseraient sur les intermédiaires régulés, et sous réserve des dispositions
du règlement « transfert de fonds » (TFR), un PSCA / émetteur EMT / ART n’aura pas à vérifier
au titre de l’article L. 112-6 du CMF si le bénéficiaire est lui-même client d’un PSCA ou émetteur
EMT / ART. En pratique, le PSAN du payeur (débiteur) devra demander uniquement à son client
l’adresse du bénéficiaire. Aucune autre obligation ne pèserait sur le PSAN / émetteur EMT / ART
du payeur. Dans un tel cas, il ne devrait pas y avoir de façon systématique envoie d’une déclaration
de soupçon, mais constat d’un indice à prendre en compte dans l’examen des transactions dans le
cadre d’un faisceau plus large d’indices. Autrement dit, le paiement au-delà des seuils mentionnés
à l’article D. 112-3 du CMF devrait être intégré dans les scenarii de vigilance des PSCA.
3.3 - Analyse menée par le sous-groupe 2 portant sur les opérations sur crypto-
actifs
Le groupe a identifié trois aspects principaux à traiter en ce qui concerne l’application des articles 4
à 15 du règlement MiCA. L’analyse de ces textes a conduit à répartir le travail autour de trois axes.
Le deuxième point porte sur le contenu et les modalités de publication du livre blanc et des
communications promotionnelles (3.3.2). Ces obligations sont les principales obligations incombant
aux offreurs et aux demandeurs à l’admission. Pour appréhender correctement ces obligations, un
comparatif a été réalisé tant au niveau des règles issues du règlement Prospectus que des règles
régissant encore pour un temps l’offre au public de jetons issue de la loi PACTE.
Enfin, le troisième point porte sur les devoirs incombant aux offreurs, en dehors de tout statut
préétabli. L’article 14 de MiCA précise en effet que les offreurs doivent agir et communiquer avec
les détenteurs de jetons de manière honnête, loyale et professionnelle. De tels devoirs incombent en
général à des professionnels dont l’activité est soumise à un agrément ou enregistrement préalable.
Cette innovation issue du Règlement a été analysée pour proposer des recommandations permettant
d’appréhender ces devoirs résultants non pas d’un enregistrement mais d’une opération (3.3.3).
3.3.1.1 - Appréciation des types d’entités autorisées à effectuer une offre au public dans
l’Union européenne
Pour rappel92, la qualité d’émetteur est entendue largement par le règlement MiCA93. Ce dernier
dispose en effet qu’un émetteur est une « personne physique ou morale, ou une autre entreprise, qui
91
Cf. définition des crypto-actifs p. 48.
92
Cf. définition de l’émetteur p. 13.
93
Règlement MiCA., article 3.10.
L’interrogation vient de cette notion « d’autre entreprise » utilisée à l’article 3.10 du règlement
MiCA, difficulté renforcée par plusieurs éléments du préambule, spécialement la dernière phrase
du considérant 20 : « Les émetteurs de crypto-actifs95 sont des entités qui contrôlent la création
de crypto-actifs »96. C’est ce que suggère la référence à l’organe de direction à l’article 3.27. Or,
le raisonnement fondé sur la seule personne morale aurait dû conduire à évoquer le représentant
légal. Quelles peuvent alors être les « entités » visées ? Si l’on dépasse le cadre d’un émetteur
personne morale, cela vise des entités sans personnalité juridique97. Ces dernières ne sont donc
pas, par nature, gouvernées par des organes de direction. La réflexion menée peut suggérer deux
pistes d’interprétation, l’une innovante, la référence aux Decentralized autonomous organisation
(« DAO »), l’autre par analogie avec les organismes de placement collectif (« OPC »).
Il ne faut sans doute pas exagérer la portée des variations sémantiques faisant références aux entités.
Il est possible qu’il n’y ait pas eu de démarche délibérée d’utiliser un terme plutôt qu’un autre mais
que cela reflète la variété des rédacteurs et le manque de temps pour harmoniser. Cependant, s’il
n’y a pas d’argument de texte ou dans les travaux préparatoires pour affirmer que les rédacteurs
du Règlement avaient ouvertement en tête son application aux DAO, l’utilisation du terme d’entité
et l’admission implicite de la qualité d’émetteur à des groupements non personnifiés induit une
réflexion en la matière.
Rien dans les textes, ne permet d’exclure les DAO du règlement MiCA. Le régime des DAO n’est
pas encore construit, compte tenu du contentieux qui commence à se développer aux États-Unis
et des législations, également aux États-Unis, qui établissent un statut aux DAO sous forme de
94
Règlement MiCA, article 3.13.
95
Comme le terme « entité » est repris à de nombreuses reprises, il vise peut-être à comprendre d’office les personnes
morales et physiques, ainsi que les « autres groupements » (le règlement MiCA parle d’entreprises - undertakings). Il y a
aussi le considérant 74 qui indique que « les entreprises qui ne sont pas des personnes morales, telles que les partenariats
commerciaux (commercial partnerships), devraient également être autorisées, sous certaines conditions, à fournir des
services sur crypto-actifs » mais n’est-ce pas plutôt ici le concept juridique de common law, le partnership (mal traduit en
français) qui est visé ?)
96
Règlement MiCA, cons. 22 : « le présent règlement devrait s’appliquer aux personnes physiques et morales et à certaines
autres entreprises ainsi qu’aux services et activités sur crypto-actifs qu’elles exercent, qu’elles fournissent ou qu’elles
contrôlent, directement ou indirectement, y compris lorsqu’une partie de ces activités ou de ces services est réalisée de
manière décentralisée »
97
Les personnes physiques ne sont pas autorisées à réaliser des offres de crypto-actifs : règlement MiCA, article 4.
En somme, si ce n’est pas l’objet du règlement MiCA, le concept d’émetteur non personnifié induit
nécessairement une réflexion de lege ferenda sur le statut des DAO. La préoccupation principale
des émetteurs de jetons est la décentralisation. Il s’agit d’empêcher qu’il soit reproché à l’émetteur
de créer un instrument financier soumis à enregistrement dans une juridiction ou une autre. C’est
une question absolument centrale dans la plupart des offres de jetons et la raison pour laquelle
beaucoup d’émission de jetons sont faites via des fondations caritatives offshores qui ne conservent
que très peu de droits de regard sur l’écosystème, afin d’accélérer la décentralisation99.
L’interrogation fondamentale est donc la suivante : une DAO peut-elle être reconnue comme une
personne morale en droit français en l’absence d’une forme de reconnaissance législative ? Une
réponse négative conduit alors à l’alternative suivante :
- ou bien la DAO se fond dans une forme juridique existante, si besoin via une réglementation ad
hoc comme une « SAS basée sur la blockchain », auquel cas, elle peut se placer dans le cadre du
règlement MiCA mais n’est plus vraiment une DAO ;
- ou alors elle renonce à se fondre dans une forme juridique, et dans ce cas elle ne peut pas fournir
des services dans le cadre de MiCA.
Il en résulte donc une certaine incertitude pour l’application du règlement MiCA. Pour autant,
un groupe de travail du HCJP est actuellement en train d’œuvrer sur cette question précise. Les
résultats des réflexions permettront de préciser ainsi les actions envisageables pour l’application du
règlement MiCA et le groupe est d’avis de renvoyer aux conclusions de ces travaux.
L’autre piste serait une inspiration prise au domaine de la gestion collective avec les OPCVM et
FIA. Ainsi, l’article 25(h) du règlement MiCA concernant la modification du livre blanc suggère
une analogie avec la gestion collective : « h) les accords conclus avec des entités tierces, y compris
98
Vermont Statutes Annotated, § 4171 à 4176.
99
https://www.lw.com/en/decentralization.
Il faut toutefois noter que d’autres dispositions suggèrent la forme d’une société comme celles de
l’article 32 sur les conflits d’intérêts qui invitent à prévenir les risques entre associés et actionnaires
ou encore celles de l’article 34.4 sur le dispositif de gouvernance mais sans doute faut-il n’y voir
que des éléments indicatifs, contingents et non nécessaires.
Ainsi, en fonction de l’analyse opérée, il semblerait qu’une analogie soit nécessaire soit par
rapport au régime des succursales, soit en adaptant, mutatis mutandis, le régime des OPC
dépourvus de la personnalité juridique.
L’article 4 du règlement MiCA constitue la pierre angulaire du régime des opérations sur crypto-
actifs. Cet article définit en effet les différentes opérations sur crypto-actifs et le régime qui leur est
applicable. Inspiré du règlement Prospectus, le dispositif présente toutefois des particularités que le
groupe s’est efforcé de mettre en lumière et d’analyser.
Le système mis en place par le Règlement repose sur une série d’obligations que doivent respecter
les offreurs et les émetteurs de jetons pour réaliser une offre de jetons. Principalement précisées
à l’article 4 paragraphe 1, ces obligations portent sur un livre blanc qu’il faut rédiger, notifier aux
autorités compétentes et publier au plus tard au jour de l’offre. De même, les communications
promotionnelles doivent être rédigées et publiées spécifiquement. Enfin, une série d’obligations de
bonne conduite prévues à l’article 14 dudit règlement doivent être respectées.
- les exceptions prévues au paragraphe 2 limitent les obligations des offreurs mais ne les exemptent
pas : elles allègent les obligations imposées aux offreurs qui n’ont plus qu’à respecter des règles
liées aux communications promotionnelles et au respect des devoirs de bonne conduite. Elles
s’appliquent quand l’offre ne conduit pas à un risque important étant donné le public auquel elle
s’applique ou la taille de l’offre : offre à un cercle restreint de détenteurs ; offre ne visant que des
investisseurs qualifiés ; offre de moins d’un million d’euros sur douze mois au sein de l’UE. On
retrouve donc ici la logique propre aux dérogations du règlement Prospectus.
- les exceptions du paragraphe 3 sont des exemptions totales conduisant à n’imposer aucune
obligation à l’offreur. À l’inverse des précédentes, ces exceptions s’expliquent par la nature
particulière du jeton. En effet, sont visés tout à la fois les jetons utilitaires qui s’apparentent à
de la commercialisation de produits ou de services, les jetons offerts gratuitement pour assurer
le fonctionnement du réseau de crypto-actifs (ce qui recouvre l’hypothèse du minage), les jetons
offerts gratuitement et les jetons acceptés dans un réseau limité de commerçants. Pour ce dernier
cas, lorsque le seuil d’un million d’euros est franchi, l’offreur doit notifier son autorité compétente
en justifiant du bénéfice de l’exemption réseau limité.
Il est à noter que ce régime d’exemption est propre à l’offre simple sans admission. Si jamais une
admission sur une plateforme de négociation de crypto-actifs est demandée, l’article 5 impose en tout
état de cause la publication d’un livre blanc et ne fait que répartir cette obligation entre les différents
acteurs. Autrement dit, si les offres au public de jetons utilitaires ne rentrent pas dans l’une des
exclusions de principe du règlement MiCA visées à l’article 4.3, l’offreur doit analyser s’il peut ou
non bénéficier d’une exemption partielle du régime de l’article 4.1 au titre de l’une des hypothèses
visées à l’article 4.2 du règlement MiCA c’est-à-dire du « Régime allégé d’offre au public ».
Par conséquent, le groupe de travail relève qu’il coexistera trois types d’offre au public de
jetons utilitaires :
3) les offres exclues de MiCA au titre de l’article 4.3 avec une surveillance directe des autorités
dans le cas où l’offre au public de jetons utilitaires pour réseau limité d’accepteurs franchit
le seuil d’un million d’euros.
. Offre sur jetons utilitaires non-opérationnels et offre sur jetons utilitaires opérationnels
Le règlement MiCA prévoit un régime distinct selon que l’offre concerne un jeton utilitaire portant
sur un produit ou service existant ou qu’elle concerne un jeton utilitaire portant sur un produit qui
n’existe pas encore ou un service qui n’est pas encore opérationnel. Dans le premier cas, l’article 4.3(c)
L’article 4.3(c) du règlement MiCA précise que : « l’offre concerne un jeton utilitaire donnant accès
à un bien ou à un service qui existe ou est opérationnel » et au (d) que « le détenteur du crypto-
actif n’a le droit de l’utiliser qu’en échange de biens et de services au sein d’un réseau limité de
commerçants ayant conclu des accords contractuels avec l’offreur ». La question de l’interaction
entre ces deux dispositions est nécessaire. En effet, le paragraphe 3 prévoit des cas d’exemptions
alternatifs. En témoigne l’utilisation du terme « Le présent titre ne s’applique pas […] lorsque l’un
ou l’autre des éléments suivants s’applique ». Cela signifie donc que si le jeton envisagé est un jeton
utilitaire proposant un bien ou un service existant sur le marché ou opérationnel (beta test en cours),
alors le jeton bénéficie de l’exemption, sans qu’il y ait application des dispositions relatives au
réseau limité. Celles-ci, pour rappel, imposent à l’offreur de justifier d’un tel réseau limité ab initio
et en cas d’évolution du réseau. À titre d’exemple, des jetons d’achat offerts aux consommateurs
en contrepartie d’achats au sein d’une enseigne de distribution relèveraient de cette catégorie.
La position du groupe de travail est de considérer que le réseau limité de commerçants porte
essentiellement sur des jetons ayant des fonctions d’achats permettant ainsi d’obtenir en
échange des biens ou services.
En vertu de l’article 4.2(a) du règlement MiCA, le régime prévu au paragraphe 1 ne s’applique pas à
« une offre à moins de cent cinquante personnes physiques ou morales par État membre lorsque ces
personnes agissent pour leur propre compte ». Cette exception vise le cercle restreint d’investisseurs,
100
Voir également, considérant 30.
Le critère retenu diffère donc : le cercle restreint, au sens du règlement MiCA exclut de son
champ les investisseurs agissant pour le compte de tiers, quand le règlement Prospectus exclut les
investisseurs qualifiés.
. L’exclusion des jetons utilisés au sein d’un « réseau limité » (exclusion de l’article 4.3.(d))
Les travaux du groupe de travail en matière de clarification de la portée des exemptions et exclusions
prévues aux paragraphes 2 et 3 de l’article 4 permettent d’éclairer un point particulier concernant
les jetons dits utilitaires. À l’origine, la Commission européenne envisageait de soumettre tous les
crypto-actifs non régulés (dont les utility tokens) à un régime de transparence simplifié et/ou allégé.
Toutefois dans le cadre des discussions interinstitutionnelles, un consensus a émergé pour ne pas
envisager une soumission systématique des jetons au respect des dispositions du règlement MiCA.
Par conséquent, le législateur européen a souhaité exclure certaines catégories de jetons présentant
un risque faible en matière de protection des consommateurs et des épargnants (notamment en
comparaison des ART ou des EMT). On retrouve donc au titre du paragraphe 2 de l’article 4 les
jetons offerts au public mais partiellement exemptés des règles de transparence et d’intégrité, tandis
que le paragraphe 3 de l’article 4 envisage les hypothèses d’exclusion de certains jetons du règlement
MiCA. Il en résulte qu’en dehors de ces hypothèses, les offres de jetons doivent faire l’objet
d’une réglementation. Néanmoins le paragraphe 3 de l’article 4 prévoit différentes exemptions.
En plus de l’exemption pour les jetons donnant accès à des biens ou des services déjà existants,
les opérations portant sur la rémunération des validateurs ou encore sur les offres gratuites, l’une
des exemptions porte sur une notion particulière issue des services de paiement : celle des jetons
émis dans un réseau limité d’accepteurs. Cette notion se distingue tant dans sa définition que dans
son régime puisqu’il s’agit du seul domaine d’exemption soumis à un contrôle par le régulateur.
Ainsi dans cette version intermédiaire à l’adoption en vote plénier du Parlement européen du
rapport de la Commission ECON, se retrouve déjà l’idée d’exclure du champ du règlement MiCA
les catégories de crypto-actifs :
1) ayant une vocation de moyen de paiement (de type voucher) permettant d’accéder à des biens
et services. Le jeton est alors remis en contrepartie de l’acquisition de ces biens ou de services et
2) dont l’usage est limité à une enseigne/marque unique ou à un réseau de partenaires proposant
les biens et services dans des places de marché dématérialisées (on-line) et/ou des points de vente
physiques et
3) de telle sorte que le jeton utilitaire servant de moyen de paiement ne puisse s’analyser en un
moyen de paiement de large portée (ou à vocation universelle).
Comme pour les « EMT » et les « ART », la volonté du législateur européen est de limiter la
possibilité qu’une catégorie de crypto-actifs servant de moyen d’échange et/ou d’unité de compte
(ce compris les jetons permettant l’acquisition de biens et services dans un réseau limité) présente
une dimension de substitution monétaire telle qu’elle serait susceptible d’avoir des impacts sur la
transmission monétaire et la stabilité financière dans l’UE.
Afin de clarifier la notion de « réseau limité » au sens du règlement MiCA, un parallèle serait
possible avec l’exclusion d’instruments de paiement spécifiques prévue par l’article 3.3(k) de la
directive 2015/2566 sur les services de paiements (« DSP 2 »)102 :
« Article 3
Exclusions
La présente directive ne s’applique pas : (…) aux services reposant sur des instruments de paiement
spécifiques qui ne peuvent être utilisés que de manière limitée et qui satisfont à l’une des conditions
suivantes : i) instruments ne permettant à leur détenteur d’acquérir des biens ou des services que
dans les locaux de l’émetteur ou au sein d’un réseau limité de prestataires de services directement
liés par un contrat commercial à un émetteur professionnel ; ii) instruments ne pouvant être utilisés
que pour acquérir un éventail très limité de biens ou de services; iii) instruments valables dans un
101
Ces propos ont été souligné par les auteurs.
102
Voir Orientations de l’ABE sur l’exclusion relative aux réseaux limités au titre de la DSP2, 24 février 2022.
En effet, l’exclusion de la DSP 2 prévue par l’article 3(k) concerne des instruments de paiement
présentant une visée spécifique car ils sont (1) soit acceptés dans un réseau limité en enseigne/
marque et/ou en nombre (2) soit circulant plus largement mais utilisables comme moyen d’échange
pour un éventail très limité de biens et services (donc répondant à une thématique déterminé
suffisamment précise), (3) soit servant de moyen d’échange auprès d’accepteurs liés en contrepartie
de biens et services spécifiques répondant à des fins sociales et fiscales.
Par conséquent, le groupe considère que l’exclusion prévue à l’article 4.3 (d) doit être envisagée
comme applicable aux jetons offerts au public :
1) servant de moyen d’échange (car par nature les jetons utilitaires ont une portée spécifique
attachée aux biens et services auxquels ils donnent droit ou permettent d’accéder) ;
De même, le groupe de travail considère que le caractère limité du réseau s’entend uniquement
au regard du périmètre limité d’accepteurs acceptant les jetons bénéficiant de l’exclusion
« réseau limité ». À cet égard, la position 2022-P-01 de l’ACPR pourrait utilement inspirer
une position de l’autorité nationale compétente ou des autorités européennes afin de clarifier
la notion de « réseau limité ».
À titre d’exemple, cette position précise que l’exemption de l’article 3.k de la DSP 2 précitée peut être
analysée sous l’angle de l’existence d’un réseau limité d’accepteurs apprécié sur la base de critères
qui « peuvent être mobilisés individuellement ou simultanément comme « faisceau de preuve »
dès lors qu’ils permettent de garantir le caractère suffisamment limité du réseau d’acceptation »103 :
l’existence d’un réseau d’accepteurs agissant sous le nom d’une même marque/même enseigne,
l’étroitesse des relations commerciales liant les accepteurs et l’émetteur de l’instrument de
paiement, le périmètre géographique du réseau, le nombre maximal envisagé de fournisseurs de
103
Position 2022-P-01 de l’ACPR relative aux notions de « réseau limité d’accepteurs » et d’« éventail limité de biens et
services » mise en ligne sur le site internet de l’ACPR le 20 juillet 2022, modifiée le 11 juillet 2023.
Le groupe de travail estime qu’il serait souhaitable d’apprécier l’exclusion des jetons de
réseau limité par analogie avec les instruments de paiement spécifiques exemptés de la DSP 2
et utilisés pour un réseau limité d’accepteurs.
Le second alinéa du considérant 26 du règlement MiCA dispose que : « en outre, aucune exigence
ne devrait s’appliquer aux offres de jetons donnant accès à un bien ou service existant, permettant
au détenteur de retirer le bien ou d’utiliser le service, ou lorsque le détenteur des crypto-actifs n’a le
droit de les utiliser qu’en échange de biens et de services au sein d’un réseau limité de commerçants
ayant conclu des accords contractuels avec l’offreur ». Cette exclusion du champ d’application de
MiCA se retrouvait déjà dans les précédentes versions du texte discutées au Parlement européen
et au Conseil ECON ayant introduit l’exclusion des jetons de réseau limité : « 14(a) (…) Also, no
requirements of this Regulation104 should apply when a utility token represents the purchase of an
existing good or service, enabling the holder to collect the good or use the service, and when the
holder of the crypto-assets has the right to use them in exchange for goods and services in a limited
network of merchants with contractual arrangements with the offror ».
Il parait donc envisageable de considérer que, par principe, les jetons s’inscrivant dans un
réseau limité sont exclus du champ d’application du règlement MiCA.
Cependant, l’article 4.3 dispose que : « Lorsque, pour chaque période de douze mois à compter du
début de l’offre initiale au public, le montant total d’une offre au public d’un crypto-actif, dans les
circonstances visées au premier alinéa, point d), dans l’Union excède un million d’euros, l’offreur
envoie à l’autorité compétente une notification contenant une description de l’offre et expliquant
pourquoi l’offre n’est pas concernée par le présent titre en vertu du premier alinéa, point d). Sur la
base de la notification visée au troisième alinéa, l’autorité compétente prend une décision dûment
motivée lorsqu’elle estime que l’activité ne peut bénéficier d’une exclusion en tant que réseau
limité au titre du premier alinéa, point d) et en informe l’offreur. »
104
Ces propos ont été soulignés par les auteurs.
3) l’autorité compétente de l’offreur pouvant considérer sur la base des éléments communiqués lors
de la notification que le moyen d’échange ne bénéficie pas de l’exclusion du point (d).
Il est important de noter que l’exclusion prévue à l’article 4.3.d ne s’analyse pas comme une
exclusion totale du champ d’application du règlement MiCA qui ferait des jetons de réseau limité
des actifs incorporels non régulés. Les offreurs de tels jetons doivent se soumettre à une obligation
de notification et de motivation du bénéfice de l’exclusion lorsque le seuil annuel des opérations
réalisées au moyen de ces jetons est supérieur à un million d’euros. Ce dispositif permet donc
d’assurer une supervision efficace et de garantir, dans l’UE, une homogénéité des exclusions
invoquées au titre du point (d).
En tout état de cause, le jeton admis à la négociation n’est pas, par définition, un jeton limité et ne
bénéficie donc jamais de l’exclusion visée au point (d).
Le quatrième alinéa du considérant 26 dispose que l’exclusion des jetons de réseau limité ne
s’applique pas en présence d’un réseau de partenaires qui ne cesse de s’étendre : « L’exclusion
relative aux réseaux limités ne devrait pas non plus s’appliquer aux crypto-actifs qui sont, en
principe, conçus pour un réseau de prestataires de services qui ne cesse de s’étendre. L’exclusion
relative aux réseaux limités devrait être évaluée par l’autorité compétente chaque fois qu’une offre
ou la valeur agrégée de plus d’une offre dépasse un certain seuil, ce qui signifie qu’une nouvelle
offre ne devrait pas automatiquement bénéficier d’une exclusion portant sur une offre antérieure.
Ces exclusions devraient cesser de s’appliquer lorsque l’offreur, ou une autre personne agissant
pour le compte de l’offreur, communique l’intention de l’offreur de demander l’admission à la
négociation ou lorsque les crypto-actifs exclus sont admis à la négociation. »
Cette notion de « réseau limité qui s’étend » est inspirée du considérant 14 de la DSP 2 qui
dispose que : « (14) les instruments de paiement relevant de l’exclusion relative aux « réseaux
limités » pourraient comprendre les cartes d’enseigne, les cartes de carburant, les cartes de
Il n’y a pas lieu d’exclure du champ d’application de la présente directive les instruments pouvant
être utilisés pour réaliser des achats auprès de commerçants enregistrés dans une liste, lesdits
instruments étant conçus, en principe, pour un réseau de prestataires de services qui ne cesse
de s’étendre105. L’application de l’exclusion relative aux « réseaux limités » devrait être couplée
à l’obligation pour les prestataires de services de paiement potentiels de déclarer les activités
relevant du champ d’application desdits réseaux. »
L’ACPR reprend cette formulation dans la position 2022-01 selon laquelle il ne peut exister de réseau
limité d’accepteurs en présence d’une liste de commerçants qui, par nature, a vocation à s’étendre :
« En revanche, ce critère ne devrait pas s’appliquer aux réseaux constitués de commerçants
inscrits sur une liste qui par nature a vocation à s’étendre, comme le précise le considérant (14)
de la DSP2 ».
Les Orientations sur l’exclusion relative aux « réseaux limités » au titre de la DSP2 de l’EBA
laissent à penser que le réseau limité qui s’étend est la résultante de changements substantiels tels
que :
Ces éléments pourraient être utilement repris s’agissant de l’appréciation de l’extension du réseau
limité de jetons utilitaires.
Le groupe de travail recommande aux autorités européennes d’intégrer des lignes directrices
sur la notion de « réseau qui s’étend » afin d’apporter sécurité juridique et harmonisation au
sein de l’UE.
105
Termes soulignés par les auteurs.
2) proposer aux autorités européennes de publier des lignes directrices sur la notion de « réseau
qui s’étend » en reprenant les hypothèses de modifications/évolutions substantielles du réseau
limité décrites dans les Orientations de l’EBA sur les réseaux limités de la DSP 2 (paragraphe 6.6
des Orientations EBA).
3.3.1.4 - Suppression des dispositions dans le CMF issues de la loi PACTE et dans le RG
AMF
Le groupe de travail n’a pas étudié les dispositions relatives à la définition des actifs numériques
qui font l’objet de travaux au niveau du sous-groupe 1. Après vérification de l’ensemble des articles
relatifs à l’offre public de jetons (articles L. 552-2 et suivants du CMF et articles 711-1 et suivants
du RG AMF), ces derniers entrent en grande partie en conflit avec le règlement MiCA. Deux options
peuvent être proposées à ce stade.
La première option porte sur la suppression totale des dispositions légales et réglementaires issues
de la loi PACTE. L’exposé détaillé de cette analyse et les propositions de modification législatives
afférentes se retrouvent à l’annexe 7106. En résumé, afin de permettre un alignement du droit national
sur le règlement MiCA, les exigences contenues dans les articles suivants du CMF devraient être
supprimées, sous réserve des besoins de la période transitoire :
106
Voir sur les propositions de modifications.
L’autre option consiste à conserver en partie certaines dispositions de ces textes, aux fins de
maintenir une assise légale et réglementaire afin de les compléter avec des dispositions qui seront
nécessaires, comme l’indication des pouvoirs de l’AMF en tant qu’autorité de contrôle ou encore
sur les modalités de notification du livre blanc et des communications promotionnelles. En
résumé, il conviendra d’apporter des précisions sur les articles suivants :
Le groupe propose donc soit la suppression complète des dispositions issues de la loi PACTE,
soit le maintien de ces dispositions mais sous réserve de leur réécriture aux fins d’y inclure à
l’avenir les éléments procéduraux nécessaires à l’application du règlement MiCA.
Là aussi, le règlement MiCA s’est largement inspiré des dispositions du règlement Prospectus en
ce qui concerne le contenu du livre blanc. Cela étant précisé, le groupe de travail a relevé plusieurs
différences entre le contenu du livre blanc et celui du prospectus. Ces différences portent
majoritairement sur la partie du résumé. Un certain nombre d’éléments exigés pour le résumé du
prospectus ne le sont pas pour le résumé du livre blanc et constituent des écarts significatifs :
- les informations clés sur l’offreur, l’émetteur ou la personne qui demande l’admission à la
négociation ((a) l’identité et les coordonnées de l’émetteur, de l’offreur ou de la personne qui sollicite
l’admission à la négociation y compris l’IEJ s’il s’applique)108 ; (b) l’identité et les coordonnées de
l’autorité compétente qui est notifiée ou qui approuve le livre blanc109 ; (c) la date d’approbation ou
de notification du livre blanc)110 ;
107
Voir annexe 6 : tableau comparatif MiCA/Prospectus.
108
Règlement Prospectus, article 7.5 (b) et (c).
109
Op.,cit., article 7.5 (d).
110
Op.,cit., article 7.5 (e).
111
Op.,cit., article 7.3.
- l’interdiction de faire des renvois à d’autres parties du livre blanc ou d’y incorporer des informations
par référence113 ;
- les principaux risques (avec une limitation pour répondre à l’exigence de concision) liés aux
crypto-actifs, à l’offreur, à l’émetteur ou à la personne qui demande l’admission à la négociation117.
Le règlement MiCA s’inspire des dispositions du règlement Prospectus. Il prévoit en outre la même
règle selon laquelle le livre blanc /Prospectus doit être publié dans un délai raisonnable avant l’offre
et au plus tard au début de l’offre. Néanmoins, les différences de procédure entre les deux corps de
règles apportent une incertitude que le groupe s’est efforcé à traiter.
112
Op.,cit., article 9.9; Règlement MiCA, article 19. 6 (a) et article 26.4 (a).
113
Règlement Prospectus, article 7.11.
114
Règlement Prospectus, article 7.4.
115
Règlement MiCA, article 6.7; Règlement Prospectus, article 7.5.
116
Règlement Prospectus, articles 7.6 (v) et 7.8 (b).
117
Règlement Prospectus, articles 7.6 (c) et 7.10.
L’article 9 du règlement MiCA dispose en effet que : « 1. Les offreurs et les personnes qui
demandent l’admission à la négociation de crypto-actifs autres que des jetons se référant à un ou
des actifs ou des jetons de monnaie électronique publient leurs livres blancs sur les crypto-actifs
et, le cas échéant, leurs communications commerciales sur leur site internet, qui est accessible au
public dans un délai raisonnable avant l’offre au public de leurs crypto-actifs ou l’admission à la
négociation de ces crypto-actifs, et en tout état de cause avant la date de début de ladite offre ou de
ladite admission à la négociation119. » Le règlement Prospectus contient une disposition similaire
en son article 21 qui dispose que : « 1. Une fois approuvé, le prospectus est mis à la disposition
du public par l’émetteur, l’offreur ou la personne qui sollicite l’admission à la négociation sur un
marché réglementé, dans un délai raisonnable avant le début, ou au plus tard au début, de l’offre
au public ou de l’admission à la négociation des valeurs mobilières concernées120 ». Il existe
toutefois une différence notable entre le prospectus d’émission et le livre blanc, puisque ce dernier
ne fait pas l’objet d’une approbation préalable à sa publication par l’autorité compétente (visa) mais
118
Souligné par les auteurs.
119
Souligné par les auteurs.
120
Souligné par les auteurs.
Le livre blanc devant être publié dans des termes identiques à la version notifiée à l’autorité
compétente, conformément à l’article 9 du règlement MiCA, on peut s’interroger sur l’articulation
entre le délai de vingt jours ouvrables de notification, la notion de délai raisonnable avant l’offre
au public de crypto-actifs et celle d’« avant la date de début d’offre ». Il semblerait ainsi que la
transcription de la logique issue de Prospectus s’adapte mal au processus de publication du livre
blanc à défaut de visa de ce même livre blanc.
L’article 21 du règlement Prospectus mentionne que le prospectus est mis à la disposition du public
« (…) dans un délai raisonnable avant le début, ou au plus tard au début de l’offre (…) ». On sait
qu’en pratique, une fois le prospectus approuvé, la date butoir pour sa publication, est le premier
jour de la période d’offre. À l’inverse, l’article 9 du règlement MiCA fait référence à la mise à
disposition du livre blanc au public « dans un délai raisonnable avant l’offre (…) et en tout état
de cause avant la date de début de ladite offre », donc avant le premier jour de la période d’offre
contrairement au règlement Prospectus. Il semblerait que, sur ce point le règlement MiCA soit plus
prescriptif que le règlement Prospectus. En conséquence, il est possible de se demander si, selon
celui-ci, cette notion de délai raisonnable ne prévaut pas, contrairement au règlement Prospectus
dont on sait que ce qui prévaut pour la date butoir de publication du prospectus est le premier jour
de la période d’offre. Peut-être est-il possible de trouver des pistes selon le format de l’offre ?
Dans la pratique le format de l’offre a été abordé sous deux angles : l’offre par souscription et
l’offre par acquisition. La première se produit lorsque la période d’offre précède l’émission ou
la disponibilité du produit tandis que la seconde implique que le produit soit émis au début de la
période d’offre, avec une distribution au fil de l’eau ou à la fin de cette période. Dans les deux
cas, le prospectus, une fois approuvé, doit être publié au plus tard au début de l’offre de valeurs
mobilières. Bien que le format de l’offre n’ait pas d’incidence sur la définition d’une offre au
public, il semble qu’il ait un impact sur le moment où le livre blanc doit être publié. En vertu de
l’article 9 du règlement MiCA, le livre blanc doit être publié en un temps raisonnable en amont ou
au plus tard avant la date de début de l’offre. Selon l’article 8 du même règlement, les livres blancs
doivent simplement être notifiés aux autorités. On peut tenter d’en déduire que le délai de vingt
jours avant le début de l’offre de notification pourrait constituer un délai raisonnable.
Pour les offres par acquisition, où le produit est émis et distribué au fil de l’eau, et malgré la
notification à vingt jours, la publication du livre blanc pourrait intervenir au plus tard avant le début
de l’offre, mais dans ce cas, et à défaut d’approbation par l’autorité compétente, ne doit-on pas
comprendre le sous-entendu suivant : « pour peu que l’offre s’étende sur une durée raisonnable
de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d’acheter ou souscrire » ? Ce délai
complémentaire laissé aux investisseurs permettrait ainsi de leur conférer un délai raisonnable
d’analyse du livre blanc. En tout état de cause, les notions d’« avant la date de début de l’offre »
et de « délai raisonnable » sont intimement liées alors que dans le règlement Prospectus seule la
« L’article 9 du règlement MiCA impose que la publication du livre blanc se fasse « dans un délai
raisonnable avant l’offre (…) et en tout état de cause avant la date de début de ladite offre ». Cette
disposition semble reprise du règlement Prospectus alors même que le livre blanc ne fait pas
l’objet d’une approbation par une autorité nationale, à l’inverse du prospectus. En conséquence,
cette disposition entraîne deux catégories de risques :
- un potentiel risque de non-connaissance du produit par le détenteur avant son acquisition puisque
ce dernier peut n’avoir accès au livre blanc qu’au jour de l’offre si le délai raisonnable est appliqué
de manière extensive et non en amont ;
- un risque de divergences nationales sur la notion même de « délai raisonnable » pouvant nuire à
l’harmonisation voulue.
En conséquence, il est demandé à l’ESMA de bien vouloir indiquer par voie d’orientation ou de
Q&A ce qu’il faut entendre en la matière par « délai raisonnable » ».
. Analyse relative à la prise en compte des obligations imposées aux offreurs de jetons
L’article 14 du règlement MiCA prévoit des obligations de bonne conduite à la charge des offreurs
de crypto-actifs et les personnes qui en demandent l’admission à la négociation (pour les crypto-
actifs autres que des jetons se référant à un ou des actifs ou des jetons de monnaie électronique).
Ces obligations imposent notamment à ces acteurs : (1) d’agir de manière honnête, loyale et
professionnelle ; (2) de communiquer avec les détenteurs et les détenteurs potentiels des crypto-
actifs de manière loyale, claire et non trompeuse, (3) de détecter, prévenir, gérer et communiquer
tout conflit d’intérêts qui pourrait se produire et (4) de maintenir l’ensemble de leurs systèmes et de
leurs protocoles d’accès de sécurité en conformité avec les normes de l’Union adéquates.
- en outre, l’approche retenue par la directive MIF 2 paraît difficilement transposable aux obligations
d’un offreur de jeton (qui peut être l’émetteur) d’autant que l’analogie avec les dispositions
françaises sur les émissions de titres financiers résultant de la transposition du règlement Prospectus
reste incertaine (qui ne considèrent pas que le détenteur de titre est un client auquel un devoir
particulier est dû mais un investisseur qui a droit à une information non-trompeuse) ;
- les émetteurs ont des obligations à remplir au titre de l’information et de la protection des
investisseurs (obligations d’information permanente, obligations issues des dispositions du
règlement Abus de marché, obligations issues des dispositions de la directive Transparence etc.),
lesquelles ne sont cependant pas transitives.
Il en résulte donc une incertitude quant à la portée de ces devoirs spéciaux mis à la charge des
offreurs de jetons.
Une question plus spécifique porte sur le devoir de loyauté. Cette question porte sur la traduction
de certains termes. En effet, la version française de l’article 24 de la directive MIF 2 ne fait pas
référence au concept de loyauté (même si la transposition dans le Code monétaire et financier reprend
ce terme123). À cet égard, notons que la version française et la version anglaise du règlement MiCA
diffèrent encore une fois sur l’utilisation de ce terme. Autrement dit, le mot « fair » de la version
anglaise est traduit ou bien par « équitable » ou bien par « loyal » dans les versions françaises. À
titre d’exemple, le considérant 24 du règlement MiCA suggère que les informations contenues
dans le livre blanc doivent être « loyales », alors qu’il semble plutôt légitime de considérer que
ces informations doivent être exactes et mises à disposition de manière équitable si l’on reprend la
logique issue des offres au public de titres financiers.
121
Dir. MiF. Article 26.
122
Règlement MiCA, article 66.
123
Article R. 519-19 du CMF.
- Certains considèrent ainsi qu’une telle portée donnée à l’article 14 risquerait de décourager les
offreurs de crypto-actifs de proposer leurs instruments dans l’Union européenne (en particulier
si ces offreurs étaient situés hors de l’Union européenne). En outre, une telle obligation générale
serait en pratique très compliquée à mettre en œuvre, notamment en termes de responsabilité
puisque les offreurs ne sont pas enregistrés à l’inverse par exemple des prestataires de services
d’investissement soumis au même type de devoirs. Le risque d’une appréciation extensive de ces
devoirs, selon certains membres porte sur l’attractivité du marché européen et la compétitivité de sa
réglementation. Une interprétation de ces dispositions dans un sens modéré pourrait ainsi porter sur
l’équivalence entre respect des règles de rédaction, de notification et de publication des articles 9 et 13
du règlement MiCA et respect de l’article 14. Dit autrement, le respect des règles relatives à l’offre
permet de s’assurer du respect du devoir de loyauté, l’irrespect entraînant ainsi sur le fondement de
l’article 14 une sanction par l’autorité de contrôle.
- Une autre partie du groupe envisage plutôt une approche extensive de ces devoirs. Plusieurs
arguments ont ainsi été soulevés. D’une part, d’un point de vue légistique, la mise en place de
tels devoirs ne peut servir uniquement à s’assurer du caractère sanctionnable des règles portant
sur la rédaction, la notification et la publication des documents. Ces règles sont en tant que
telles obligatoires et leur irrespect sanctionnable. La présence de l’article 14 reflète ainsi la volonté
du législateur européen d’imposer des règles spécifiques allant au-delà du processus de publication
du livre blanc. D’autre part, l’incertitude évoquée peut être modulée par le fait que la notion de
loyauté est appréhendée par les régulateurs et par la jurisprudence au regard de l’expérience acquise
en matière de services d’investissement. Ces exigences particulières de MiCA se justifieraient enfin
par la nature particulière des crypto-actifs et par la diversité des droits offerts imposant un contrôle
plus étroit du comportement des offreurs.
Les deux approches distinctes justifient ainsi une demande de clarification aux autorités
européennes qui pourrait être rédigée ainsi :
124
Règlement MiCA, article 15.
Cette disposition en version française ne semble pas traduire les mêmes termes que ceux employés
par exemple en langue anglaise qui usent du terme « fair » se traduisant par le terme d’équité. De
même, l’agissement loyal s’emploie en général dans le cadre de l’exécution loyale de relations
contractuelles, ce qui explique son utilisation pour les prestataires de services d’investissement ou
ceux sur crypto-actifs. À l’inverse, les rapports entre un offreur et un demandeur d’admission ne
s’inscrivent pas dans un cadre contractuel au stade de l’offre ou de la demande d’admission.
En raison du caractère novateur de ce nouveau type de devoir et des termes employés, comment
faut-il comprendre l’exécution loyale des devoirs d’un offreur de crypto-actifs ou du demandeur à
l’admission de crypto-actifs ? »
L’article 13 du règlement MiCA prévoit que les détenteurs de détail qui achètent des crypto-actifs
(autres que des jetons se référant à un ou des actifs et des jetons de monnaie électronique) ont un
droit de rétractation d’une période de quatorze jours calendaires125. Ce droit de rétractation obéit à
un cadre spécifique prévu par le règlement MiCA, notamment avec une exclusion pour les crypto-
actifs ayant été admis à la négociation avant leur achat par le détenteur de détail.
Or, actuellement, un droit de rétractation est également prévu dans le Code de la consommation
pour les contrats conclus à distance126. Ce régime de droit commun prévoit un dispositif précis,
avec notamment des exemptions pour la fourniture de biens ou de services dont le prix dépend
de fluctuations sur le marché financier échappant au contrôle du professionnel et susceptibles de
se produire pendant le délai de rétractation127. De même, le régime du démarchage bancaire ou
financier prévoit également un droit de rétractation de 14 jours calendaires128. Si ces textes disposent
d’un champ d’application distinct, il existe de nombreuses situations où ils seront en conflit.
125
Règlement MiCA, article 3.1(37) : « détenteur de détail » : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent
pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Cette notion diffère avec le Code de la
consommation.
126
Article L. 221-18 c. consom.
127
Article L. 221-28 c. consom.
128
Aricle. L. 341-16 du CMF.
Il est également possible de considérer que les dispositions du règlement MiCA constituent un droit
spécial qui déroge en tant que tel aux dispositions du Code de la consommation et à celles portant
sur le démarchage. Ainsi, chaque fois qu’un contrat sur crypto-actifs sera conclu entre un offreur
professionnel et un détenteur consommateur, ou si le contrat résulte d’un démarchage, l’article 13
du règlement MiCA supplantera les textes de droit français.
Le groupe présente donc les deux modalités possibles pour assurer la pleine effectivité du
règlement MiCA, à savoir soit une modification de la loi pour exclure les contrats résultants
d’une offre de crypto-actifs des dispositions françaises, soit l’affirmation du caractère de
droit spécial de l’article 13 du règlement MiCA pour régler le potentiel conflit de normes.
Le règlement MiCA129 dispose d’un régime de responsabilité spécifique pour le contenu du livre
blanc qui s’applique indépendamment des réglementations nationales. Il s’agit donc d’examiner le
régime de responsabilité en droit national par rapport à celui prévu par ce règlement. Autrement dit,
est-il nécessaire d’avoir une adaptation législative dans le cas d’une indemnisation obtenue en vertu
de MiCA pour des pertes liées à des informations inexactes dans le livre blanc par exemple ou le
régime de responsabilité existant en droit français est-il suffisant pour y remédier ?
Si, à première vue, l’originalité de la question des responsabilités semble faible (i), la jurisprudence
française pourrait être partiellement remise en cause par la règle de répartition de la charge de la
preuve dans le règlement MiCA (ii).
- Originalité faible
129
Règlement MiCA, articles 15, 26, 52.
130
Idem.
En termes de régime, un renvoi est opéré au droit national pour les questions relatives aux conditions
générales de l’action en responsabilité, par les articles 15.6, 26.5 et 52.5 du règlement MiCA. Il
n’y a pas a priori de remise en cause de la jurisprudence française relative à la reconnaissance
et à l’évaluation du préjudice en relation à la diffusion d’informations fausses ou trompeuses en
matière d’instruments financiers à savoir la solution de principe retenue par la Cour de cassation
dans l’arrêt Gaudriot132 et depuis, les prémisses d’un revirement devant le tribunal de commerce de
Paris le 7 juillet 2021133 sur le recours à la perte de chance. Il n’y a pas non plus d’élément à prendre
en compte sur l’évaluation d’un préjudice résultant d’un autre type d’abus de marché en relation
avec une émission.
En outre, l’absence de toute possibilité d’exclure une limitation ou une exclusion de responsabilité
face à une disposition d’ordre public est conforme au fondement extracontractuel des actions
indemnitaires pour défaut d’information en droit français134.
131
Règlement MiCA, article 26.4.
132
Cass.com., 9 mars 2010, n° 08-21.547 et 08-21.79. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a consacré la solution selon
laquelle le préjudice subi par l’actionnaire consiste en une perte de chance : « […] celui qui acquiert ou conserve des
titres émis par voie d’offre au public au vu d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société
émettrice perd seulement une chance d’investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé ».
133
T. com. Paris, 7 juillet 2021, n° 2012028100.
134
Règlement MiCA., article 52.2.
PRÉSIDENTS
- Hubert de Vauplane, Avocat, Kramer Levin
- Patrick Barban, Professeur à l’Université de Cergy Paris
RAPPORTEURS
- Bertrand Corbi, ATER à l’Université Paris Cité
MEMBRES
- Chloé Ahnine, HCJP
- Déborah Ngo Yogo II, Direction juridique, Natixis Corporate & Investment Banking
Article L. **
N.B. : le champ d’application du Titre II bis quant à la définition des crypto-actifs devrait être
le même que celui du règlement MiCA, excluant notamment les NFTs qui étaient jusqu’à présent
couverts par le régime français de la Loi PACTE. Il s’agit d’assurer à cet égard un alignement
aussi fidèle que possible au régime instauré par le règlement MiCA, en évitant de maintenir des
définitions purement françaises.
L’ordre des articles ci-dessous suit celui des titres financiers.
Article L. ***
L’inscription dans une DLT au sens du règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du
Conseil du 31 Mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs est réalisée, directement ou indirectement,
au nom d’un ou de propriétaires des crypto-actifs qui y sont inscrits.
N.B. : en l’état, il ne paraît pas nécessaire de prévoir un régime d’intermédiaire inscrit pour
permettre la « détention » d’actifs par le biais d’intermédiaires, mais ce point pourrait être ajouté
à l’avenir.
Les crypto-actifs qui ne sont pas inscrits au nom de leur propriétaire (cas des self custody par
exemple), ne bénéficient pas de ce régime ad hoc et sont soumis au droit commun des biens
incorporels.
Article L. **
Les crypto-actifs sont négociables.
II. L’inscription prévue au I a lieu à la date et dans les conditions définies par règlement général de
l’AMF.
N.B. : il reviendrait au RG AMF de prévoir et précisément définir l’inscription dont il est question
et les modalités, notamment en termes de délai à compter de l’événement générateur du transfert
(vente, donation, etc).
Le RG AMF pourrait ainsi préciser les conditions du transfert selon que le mouvement est interne
au conservateur ou impose de réaliser une transaction sur DLT.
Article L. ***
Nul ne peut revendiquer pour quelque cause que ce soit un crypto-actif dont la propriété a été
acquise de bonne foi par le propriétaire de ces crypto-actifs inscrits conformément à l’article L. ***.
N.B. : cette disposition reprend le principe de protection d’un acquéreur de bonne foi. En
revanche, la possibilité d’une action en revendication en cas de perte ou d’un vol (tels que prévue
à l’article 2276 du Code civil pour les biens corporels) a été écartée en raison des potentielles
répercussions en chaine sur les transactions successives. Cette règle reprend celle prévue pour les
titres financiers et correspond au Principe 8 UNIDROIT.
Article L. ***
II. En cas d’insuffisance du nombre de ces crypto-actifs, il est procédé crypto-actif par crypto-actif
à une répartition proportionnelle entre leurs propriétaires ; ceux-ci peuvent transférer la position
III. Pour la créance correspondant aux crypto-actifs dont les positions n’ont pu être transférées
auprès d’un autre prestataire de services sur crypto-actifs assurant la conservation et l’administration
de crypto-actifs pour le compte de clients au titre du Règlement (UE) 2023/1114 du Parlement
européen et du Conseil du 31 Mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, les propriétaires de ces
crypto-actifs sont dispensés de la déclaration prévue à l’article L. 622-24 du Code de commerce.
IV. Le juge commissaire est informé du résultat de la vérification opérée par l’administrateur judiciaire
ou le liquidateur et, le cas échéant, de la répartition proportionnelle des crypto-actifs ainsi que des
transferts effectués à la demande des propriétaires de crypto-actifs.
N.B. : cette disposition reprend le principe d’une répartition proportionnelle des crypto-actifs
lorsque ceux-ci font l’objet d’un service de conservation par un prestataire défaillant et qu’est
constaté un manque (shortfall) de crypto-actifs pour permettre audit prestataire de remplir ses
obligations. Ce régime est largement inspiré de celui applicable aux titres financiers adapté au cas
des crypto-actifs (pas de dépositaire central).
Article L. ***
Aucune mesure d’exécution forcée ou conservatoire menée à l’encontre d’un prestataire de service
de conservation sur crypto-actifs au sens du Règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen
et du conseil du 31 Mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, n’est admise sur les crypto-actifs
inscrits, directement ou indirectement, à son nom dans une DLT au sens du Règlement (UE)
2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 Mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs
lorsqu’ils ne sont pas la propriété du prestataire.
Aucune mesure d’exécution forcée ou conservatoire menée à l’encontre d’un prestataire de service
de conservation sur crypto-actifs tels que définis à l’article *** ci-dessus, n’est admise sur les crypto-
actifs inscrits à son nom, directement ou indirectement auprès d’un autre prestataire de service de
conservation, lorsqu’ils ne sont pas la propriété du premier prestataire.
R.232-3 CPC : les valeurs mobilières au porteur sont saisies auprès de l’intermédiaire habilité chez
qui l’inscription a été prise. Si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité
de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de ce dernier.
(…) « e) Aux paiements en monnaie électronique pour lesquels l’identité du débiteur et du créancier
ont été vérifiées conformément au titre VI du livre V ou à des dispositions équivalentes, et pour
lesquels les obligations de conservation des documents et informations relatifs à ces détenteurs et
opérations et aux mesures de vigilance les concernant, prévues à l’article L. 561-12, sont remplies. »
Article L. ***
Annexe 3 – Tableau comparatif des définitions de la loi PACTE et de MiCA ainsi que des régimes
PSAN et PSCA
Annexe 7 – Tableau comparatif du règlement MiCA, des dispositions issues de la loi PACTE et du
règlement général de l’AMF