Ibn Hanbal Horizon Maghrebin
Ibn Hanbal Horizon Maghrebin
Ibn Hanbal Horizon Maghrebin
la mémoire
Résumé
Depuis la parution du livre ihtilâf al-fuqahâ' de Tabarî, la question du statut d'Ibn Hanbal a préoccupé plusieurs jurisconsultes et
historiographes traditionnistes de toutes obédiences juridiques. Mais si son statut de jurisconsulte est discutable, son rang de
traditionniste (muhaddit) est unanimement reconnu ainsi que son affiliation aux meilleurs hommes de Tradition. Comparée au
fiqh des trois fondateurs d'écoles sunnites existantes, Abu Hanîfa, Mâlik, aš-Šâfi'î, la conception du droit légal d'Ibn Hanbal
s'avère différente. Elle est fondée généralement sur les trois principes suivants : le moindre avis juridique doit plonger ses
racines dans le Texte (nass), toute vocation à l'opinion juridique personnelle (ra'y) est exclue et le raisonnement humain ne
saurait se substituer au Texte, même quand celui-ci ne propose pas de solution.
Daaïf Lahcen. Ibn Hanbal, un faqîh (jurisconsulte) controversé. In: Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, N°51, 2004.
Vingt ans de médiation interculturelle euro-méditerranéenne - II - Horizons Maghrébins (1984-2004) pp. 49-61;
doi : https://doi.org/10.3406/horma.2004.2229
https://www.persee.fr/doc/horma_0984-2616_2004_num_51_1_2229
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traditionniste. En rédigeant, ihtilâf al-fuqahâ'9 qui par lesquelles auraient transité les décrets
traite de la divergence entre les jurisconsultes, juridiques d'Ibn Hanbal, si tant est qu'elles aient
Tabarî n'y avait pas tenu compte des fatwa-s d'Ibn existé. Car c'est le seul moyen de transmission qui
Hanbal. Il était bien évidemment loin de permet de les diffuser dans les centres d'étude
soupçonner les contestations qu'il allait déclencher. Il religieux jusqu'à ce qu'ils parviennent à Tabarî. À
s'était attiré ainsi la vindicte des disciples hanba- partir de ce point, on comprend que pour Tabarî
lites zélés qui, bien décidés à lui faire regretter cet le processus qui sert à l'acheminement de la
oubli, s'étaient si bien acharnés contre lui qu'il matière juridique est celui-là même dont la
finit par s'enfermer dans sa maison par peur de matière est la Tradition prophétique. Le fait que
représailles10. Les excuses qu'il aurait faites, soi- certains sectateurs d'Ibn Hanbal15 essayent de
disant en public, n'y changèrent apparemment forcer d'autres voies en faisant l'impasse sur ce
rien. D'ailleurs, il ne changea rien à sa première processus, ne fait que rendre à ses yeux nulle et non
version. Si l'on en croit les historiographes, Tabarî avenue toute prétention au statut de faqïh pour
était resté fidèle à l'idée qu'il se faisait d'Ibn Ibn Hanbal.
Hanbal, dans la mesure où l'ouvrage en question Comme n'importe quel autre titre en sciences
avait été retrouvé, après sa mort, enfoui sous religieuses, celui de jurisconsulte {faqîh) ne
terre11. Cette situation lui était d'autant plus s'attribue pas seulement aux savants ayant des
insupportable qu'il était lui-même un connaissances en sciences de la Tradition comme le
sympathisant et un admirateur d'Ibn Hanbal. Dans son pensent les contradicteurs de Tabarî. Ce titre
livre Tabarî tient d'abord à mettre en évidence les renvoie au couronnement d'une longue formation
points de divergences juridiques notables qui ont pratique qui implique en premier lieu une
eu lieu entre les différents docteurs de la Loi, et participation confirmée aux consultations juridiques.
principalement entre les fondateurs des écoles Déjà à Kûfa, au premier siècle de l'hégire, la
juridiques sunnites de son époque12. Pourquoi famille des Naha'î, surtout Ibrâhîm16, se
avait-il décidé de ne pas faire mention des avis distinguait des traditionnistes par ses compétences
juridiques attribués à Ibn Hanbal dont se juridiques. À examiner de près le parcours de la
proclamaient, pourtant, une partie non négligeable de plupart des jurisconsultes reconnus comme tels,
jurisconsultes-traditionnistes à Bagdad? on voit que le statut de faqîh ne se passait jamais
Tabarî semblait avancer pour sa défense la de l'émission des décrets juridiques. Encore faut-il
raison suivante : à sa connaissance, il n'existe pas qu'une telle tâche ne corresponde pas à une
d'avis juridiques qui soient rapportés d'Ibn usurpation de titre, dans la mesure où il n'est pas
Hanbal, dans les règles de la science de la question que l'on se proclame soi-même
transmission ('ilm ar-riwâya). Or, le manquement à cette jurisconsulte. Être faqîh c'est l'aboutissement d'une
règle signifie que la validité de ces avis n'est pas formation continue qui repose sur l'affiliation
acquise pour qu'il décide, par conséquent, traditionnelle de disciple à maître. À l'issue de
d'intégrer le nom d'Ibn Hanbal dans le domaine de la chaque formation les maîtres décident ou non
divergence juridique sunnite {ihtilâf ou hilâfiyyât)n . d'accorder à leurs disciples le droit d'être consulté
D'un autre côté, Tabarî avouait ne pas lui et de donner leurs avis juridiques. C'est justement
reconnaître de disciples proprement jurisconsultes, sur à cette affiliation que fait allusion Tabarî dans son
les témoignages desquels il aurait pu fonder un argumentaire. Force est d'admettre que c'est dans
jugement critique personnel. Donc il lui était l'exercice constant et régulier des diverses
impossible de reconstituer les chaînes de Garants14 fonctions liées au futyâ que se forge la vocation indé-
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niable du jurisconsulte, et qu'à la longue se D'où sa décision ferme lorsqu'il affirma : « Et
façonne cet esprit distinctif qui caractérise les j'ai décidé dès lors qu'il n'existe pas de savoir plus utile
grands jurisconsultes. que celui-ci, et je m'y suis, de suite, consacré21. » C'est
à ces fonctions-là que nous devons le choix du fiqh
par Abu Hanîfa. En vertu de leur utilité
LE FIQH DU POINT DE VUE immédiate, ces fonctions constituent une garantie
DES TROIS FONDATEURS certaine contre les critiques publiques, y compris
celles des traditionnistes qui vont s'intensifier
Examinons à présent quelques témoignages plus tard22. Néanmoins, ce choix est dû aussi aux
relatifs à ce thème. Nous allons nous limiter avantages qui découlent de ces fonctions, outre
uniquement aux trois fondateurs éponymes l'estime et les honneurs dont pourraient jouir celui
mentionnés plus haut, en respectant l'ordre chronologique dont le statut defaqîh est reconnu.
de l'apparition de leurs écoles. Du point de vue juridique, l'affiliation d'Abû
Hanîfa en tant que disciple est assurée par
Abu Hanîfa plusieurs jurisconsultes 'iraqiens qui étaient ses
Même s'il a été cité par le Hanbalite Ibn maîtres. Celui qui est le plus souvent cité d'entre
Qayyim al-ôawziyya17 dans le cadre de la eux comme son principal maître en droit légal est
polémique sur la validité du raisonnement individuel le magistrat et jurisconsulte Hammad ibn Abî
en droit légal qui caractérise les relations entre Sulaymân23. À travers lui, il rejoint directement la
Hanafites et Hanbalites, le propos qui suit nous grande école de 'Iraq, à savoir celle de Kûfa.
informe qu'Abû Hanîfa avait conscience de son
rang de jurisconsulte et de l'exercice qu'il Mâlik ibn Anas
implique : « Notre savoir-ci, disait Abu Hanîfa, Lorsque l'on vient au cas de l'imam Mâlik ibn
procède du raisonnement personnel. Et c'est ce que nous Anas, on voit qu'il avait également cette nette
avons pu faire de mieux. Aussi, quiconque est dans la conscience de son rôle de jurisconsulte qui
capacité de nous proposer une [solution] meilleure, s'adjoint à son statut d'homme de hadith (muhaddit).
nous l'accepterons volontiers de lui™. » C'est quelque Pour exercer la consultation juridique, précisons
part un défi lancé à ses détracteurs, quoique qu'il ne s'était point proposé pour donner des
exprimé avec humilité. On trouve ailleurs des fatwas de son propre chef. L'aval de plusieurs émi-
témoignages où sa conscience du fiqh était nents savants lui avait été dûment accordé pour
précocement ressentie. Entre les différentes branches du pouvoir s'attribuer l'exercice de ce privilège, d'où
savoir dispensées à son époque : la science des son affiliation au niveau juridique. «Je ne me suis
lectures du Coran, la grammaire, la poésie, la permis, déclara-t-il, de décréter des fatwas qu'après
Tradition, la théologie dogmatique et le droit légal, Abu avoir consulté plus doctes que moi et m'être assuré
Hanîfa avait sciemment opté pour les fonctions qu'ils méjugeaient bien à la hauteur de cette tâche2*.»
consécutives à la dernière spécialité qu'est le droit C'est à ce titre que l'on s'était publiquement
légal19. C'est parce que, poursuivit-il, on l'avait permis de raviver, à son avantage, des rivalités avec
préalablement informé qu'en choisissant la voie d'autres jurisconsultes de Médine25. Sans omettre
du droit légal « on viendra te consulter, puis tu les grandes divergences qui l'opposaient, sur le
donneras des fatwas. On ira même jusqu'à te solliciter plan juridique, à Abu Hanîfa en particulier et plus
pour la magistrature sans trop tenir compte de ton généralement aux jurisconsultes des écoles
jeune âge10. » 'iraqiennes qui avaient adopté certains procédés de
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raisonnement juridiques qu'il jugeait hétérodoxes. AS-Sâfit
Son œuvre maîtresse al-Muwatta', est II n'en va pas autrement pour l'imam As-Sâfi'î
essentiel ement un ouvrage de droit légal26. Mâlik avait pris qui laissait clairement entendre qu'il avait acquis
soin d'en disposer les chapitres suivant son statut âefaqîh depuis déjà sa tendre enfance32.
l'ordonnancement qu'impliquent les matières juridiques Muslim az-Zingî33, l'un de ses premiers maîtres en
traitées, de telle sorte que le hadith y côtoie et droit légal l'avait solennellement investi de cette
Yatar et la pratique vivante des gens de Médine27. mission. Il l'autorisa devant l'assistance à prendre
Même si le Muwatta' se veut un ensemble de place en sa présence pour émettre des décrets
traditions homogène, Mâlik y introduit par-ci par-là juridiques (ifta') alors qu'il n'avait même pas atteint
son opinion personnelle28. l'âge de vingt ans34. Mais cette affiliation ne se
En outre, les séances que présidait Mâlik limite pas seulement à ce maître. À la Mecque, il
étaient consacrées au fiqh. Les hadiths y fréquentait certes az-Zingî35, mais de temps en
circulaient, à la rigueur, en tant que preuves scriptu- temps aussi Ibn 'Uyayna36. À Médine, auprès de
raires. Ils n'y étaient pas une matière l'imam Mâlik la formation d'as-Sâfi'î était
d'enseignement en soi que l'on pourrait principalement dirigée vers le droit légal. Après son
considérer strictement indépendante de son activité départ de Médine, il partait ensuite en 'Iraq où il
principale qu'était le droit. C'était une pratique fréquenta les grands disciples d'Abû Hanîfa avant
courante que de donner le pas au fiqh dans des de prendre pour destination l'Egypte. C'était à
séances réservées à la consultation juridique. Bagdad où il côtoya le jurisconsulte et tradition-
Héritée des anciens jurisconsultes de Médine29, cette niste, disciple d'Abû Hanîfa et d'Abû Yûsuf al-
pratique, qui faisait probablement partie des Qâdî37, le mawlâ Muhammad ibn al-Hasan.
coutumes de transmission du savoir, tendait à L'étude du Muwatta' ', qui avait fait l'objet
distinguer l'enseignement de la Tradition de celui du d'une mémorisation complète de la part d'as-
fiqh. Sâfi'î38, était considérée comme une étape
Du fait de sa prééminence dans les centres nécessaire dans la formation d'un faqîh. Pour preuve, il
d'étude 'iraqiens, le fiqh avait suscité un intérêt est intéressant de savoir que même as-§aybânî,
particulier pour qu'aussitôt des séances lui soient son rival hanafite, s'était évertué à transcrire le
consacrées. Si l'on veut bien ajouter foi à certaines Muwatta'39. Pourtant à en croire le jurisconsulte et
informations dont on dispose à ce sujet30, on célèbre réformateur hanbalite, Taqiyyadîn Ahmad
apprendra que Mâlik réservait une séance (maglis) Ibn Taymiyya (661-1263/728-1328), c'est à celui-ci
à part à la transmission des hadiths. D'une que l'on doit les premiers traités de divergences
certaine manière, la Tradition était reléguée au juridiques (hilâf). Il les avait rédigés à l'adresse de
second plan, parce que la fatwa pourrait tout aussi ses contradicteurs qui étaient majoritairement
bien résulter d'un effort de réflexion juridique médinois40. Ayant été informé des traités d'as-
(igithâd) où l'opinion individuelle prendrait le pas Saybânî, as-$âfi'î s'était attelé à son tour à en faire
sur le Texte. Dans ces séances de fiqh, l'effort la critique. Après avoir minutieusement étudié ces
personnel n'était pas seulement agréé, mais il fondait traités, il donna raison aux positions juridiques
parfois des solutions juridiques. Par des savants de Médine, et ce faisant appuya les
l'intermédiaire de cette forme singulière de Sunna que thèses des traditionnistes41. Cet esprit
constitue pour Mâlik le principe de 'amal ahl al- caractéristique des jurisconsultes se manifeste également
Madîna, il arrive que l'opinion personnelle chez as-Sâfi'î dans les célèbres controverses
l'emporte sur un hadith explicite31. publiques (munâzarât) qui l'opposaient à as-
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Saybânî. Celles-ci n'auraient pas eu lieu s'il n'y comme lieux de la rencontre des deux hommes, en
avait pas eu un fonds de fatwas sur lequel les réalité nous savons peu de chose quant à la durée
deux hommes étaient en désaccord. La critique du de cette ou de ces rencontres. Pour ce qui est de
principe d'istihsân hanafite42 par as-Sâfi'î, ainsi que leur(s) date(s) et de leur(s) nombre(s), il n'est pas
celle dirigée contre son maître Mâlik dont il juge aisé d'y apporter une réponse satisfaisante sans
une somme de positions juridiques analogues au nécessairement être de l'opinion des uns contre
jugement préférentiel témoignent de ses qualités celle des autres. Si l'on regarde, par exemple, du
de théoricien du droit43. côté des Sâfi'ites, on remarque que la version la
À travers ces trois jurisconsultes fondateurs plus modérée veut qu'as-Sâfi'î soit bien son maître
nous avons relevé qu'il y a une conscience en droit légal et en principes du droit {usiïl al-fiqh),
commune relativement à la pratique juridique, une mais pendant quelques courts moments
distinction nette entre deux filières fiqh et hadît où seulement. Selon cette version sâfi'ite Ibn Hanbal n'avait
ce dernier passe au second plan, et une affiliation appris d'as-Sâfi'î que les enseignements dispensés
juridique du même ordre que celle en cours dont dans ses cours publiques les plus fréquentés45.
les sciences du hadith. Reste à savoir si ces Toutefois, en dépit de leur admiration pour
conditions sont réunies lorsqu'il est question du futyâ et Ibn Hanbal, certains jurisconsultes sâfi'ites ont
de la fatwa chez Ibn Hanbal? Pourrait-on tenté de faire de lui un simple disciple d'as-Sâfi'î.
envisager le futyâ comme une activité principale et Le grand hâfiz et jurisconsulte sâfi'ite Ahmad ibn
autonome dans sa vie quotidienne ? al-Husayn Abu Bakr al-Bayhaqî (384/994-
458/1066), en est l'illustration. Dans la
monographie laudative qu'il a écrite sur Ibn Hanbal,
IBN HANBAL, TRADITIONNISTE Manâqib al-imâm Ahmad, il cherche à prouver qu'il
OU JURISCONSULTE? fut un disciple d'as-Sâfi'î46. De leur côté les Hanba-
lites avancent un tout autre avis au sujet de cette
Efforçons-nous en premier de faire un peu de relation. Ibn Taymiyya, par exemple, admet
lumière sur les indices qui nous mettraient sur la volontiers la rencontre des deux hommes. Mais il ne
voie concernant l'affiliation juridique d'Ibn tient compte que d'une seule rencontre, celle qui
Hanbal. Cette affiliation nous semble être la eut lieu lors de la deuxième visite d'as-Sâfi'î à
mesure qui convient pour justifier une légitimité Bagdad avant son départ définitif en Egypte47. Par
en droit légal, laquelle recouvre la procédure conséquent, il rejette l'autre rencontre pendant
suivie en matière de hadith lorsqu'elle consacre laquelle Ibn Hanbal aurait été indécis entre le
comme hâfiz" un savant traditionniste. cercle d'enseignement d'Ibn 'Uyayna et celui d'as-
Il n'est pas tout à fait exact de considérer Sâfi'î, et qui est supposée avoir eu lieu à la
comme affiliation les rapports qu'entretenait Ibn Mecque48. Du point de vue d'Ibn Taymiyya, la
Hanbal avec as-Sâfi'î. En effet, la nature de ces rencontre de Bagdad ne s'était pas tenue dans un
rapports ne permet pas de les ranger sous la rubrique cadre d'enseignement traditionnel qui d'ordinaire
des relations qui lient ordinairement un disciple à reliait un disciple à son maître. Elle s'apparente
son maître. Certes, le sujet est connu pour être très plutôt à un moment de rencontre habituel où deux
controversé d'autant plus que ces rapports sont grands savants d'une stature identique échangent
très difficiles à déterminer. Bien qu'un nombre leurs points de vue49.
d'informations nous aient permis de relever tantôt Le rejet de la première rencontre par Ibn
la Mecque, tantôt Bagdad ou les deux à la fois Taymiyya serait dû à l'image que les chroniques ren-
53
voient d'Ibn Hanbal: celle d'un jeune homme À condition de la resituer dans un contexte
partagé entre son admiration et son émerveillement propre que nous avons auparavant tenté de
devant l'intelligence aiguë d'as-Sâfi'î, et son estime circonscrire, la consultation juridique nous entraîne
pour Ibn 'Uyayna qu'il considère comme une haute dans ses fonctions et ses enjeux à nous interroger
autorité dans les chaînes de Garants supérieures sur la différence entre Ibn Hanbal et les imams
Çuluww al-isnâd). Ce rejet serait dû aussi à la fondateurs de rites juridiques. Nous constatons
déclaration d'Ibn Hanbal lorsqu'il s'exclama: «[..] il ne d'emblée que son titre de jurisconsulte souffre de
m'a pas été donné de voir plus doué dans la connaissance l'absence d'affiliation, dans la mesure où ses liens
de la religion de Dieu que ce jeune quraysite50*.». Le fait juridiques avec as-Sâfi'î ne font pas l'unanimité.
qu'Ibn Hanbal nomme intelligence ('aql) cette Ce n'était pas non plus sa notoriété de
faculté distinctive d'as-Sâfi'î, et décide de tirer au jurisconsulte-mufti qui était à l'origine du différend
plus vite le meilleur parti de cette rencontre qui ne théologique qui l'opposait au Pouvoir 'abbâside.
risquerait plus de se reproduire, équivaut pour Ibn Autrement dit, l'emprisonnement d'Ibn Hanbal,
Taymiyya à reconnaître à as-Sâfi'î des qualités au terme duquel a eu lieu la grande Épreuve
juridiques dont Ibn Hanbal serait dépourvu51. (mihnaf\ est étrangère à ce cadre defutyâ, et
Mise à part son historicité controversée, la partant n'inclut, ni ne concerne son titre de
rencontre rejetée par Ibn Taymiyya montre qu'en jurisconsulte.
choisissant le cercle d'enseignement d'as-Sâfi'î, Par contre la notoriété d'Ibn Hanbal en tant
Ibn Hanbal a décelé une spécificité d'ordre que traditionniste à travers l'empire 'abbâside,
intellectuel propre aux hommes de droit. Il en a fait était due aux multiples voyages entrepris, dans la
état en tant qu'apanage des fuqahâ', mettant du quête du hadith, vers la plupart des milieux
coup en évidence l'absence de cet esprit parmi les religieux et des centres d'enseignement du hadith.
hommes rompus à l'étude de la Tradition. Cette notoriété s'était renforcée grâce à son rang
L'hypothèse d'une adéquation entre traditionnisme et supérieur de critique et d'homme de haute estime
droit légal ne tient plus. en matière d'isnâd. Sa valeur en tant que Garant
Nous voyons de ce qui précède se dégager de hadith faisait de lui une autorité de premier
deux méthodes d'argumentation antagoniques : ordre : les collecteurs et rapporteurs de hadiths
d'une part le raisonnement individuel que fonde (ruwât) ne cesseront d'affluer de partout pour
l'intelligence, de l'autre la citation qui repose sur recueillir ses transmissions. Ces trois titres,
le Texte. Ces deux procédés renvoient à deux collecteur, garant de hadiths et critique des hadiths et
qualités propres chacune à un domaine du savoir de leurs transmetteurs, ne font pas objet de
religieux. D'ailleurs, en hommage à as-Sâfi'î, on prête contestation. C'est pourquoi ils forment les
à Ibn Hanbal ce propos « le droit légal était [un fondations d'un statut idoine pour que le pouvoir
domaine] clos pour les non-initiés, jusqu'à ce que Dieu politique, dans l'espoir de faire admettre sa thèse du
le fît ouvrir par les mains d'as-Sâfil51. » Entre as-Sâfi'î Coran créé, porte un intérêt particulier à Ibn
et Ibn 'Uyayna, tous deux jurisconsultes et tradi- Hanbal. Il s'agit là d'un statut de traditionniste
tionnistes, Ibn Hanbal ne se prononce pas, à ce (muhaddit) qui s'est imposé progressivement grâce
moment-là, sur les qualités juridiques d'Ibn à une élaboration dissemblable de celle qui
'Uyayna, mais il reconnaît à as-Sâfi'î détermine le statut de faqîh.
d'authentiques qualités d'un faqîh de haut rang. On S'il en est ainsi de ses compétences de
comprend qu'il tient à différencier les deux hommes traditionniste, en droit légal on a rarement fait cas de
par la supériorité juridique d'as-Sâfi'î. ses compétences. Cela dit, quelques anecdotes his-
54
toriographiques le mentionnent en train de seulement la voie classique de l'enseignement de
prendre part au fiqh, puisqu'il nous a été décrit, son maître Ibn 'Uyayna qui est originaire de Basra.
lors d'un de ses déplacements successifs, Cette vision est consécutive aux nombreuses
participant activement au futyâ. Nous devons garder à visites et longs séjours qu'il avait effectués dans
l'esprit cependant que cet exercice avait lieu dans celle ville56.
un cadre beaucoup plus public. Voici que l'on Ses compétences juridiques font l'objet de
nous signale sa présence à la Mecque, comme soins et d'éloges des chroniqueurs partisans et ont
enseignant et consultant juridique. Il y était suscité quasi systématiquement des commentaires
visiblement appelé à satisfaire et la curiosité des laudatifs. Ibn Hanbal y a droit à beaucoup
collecteurs de hadiths et celle des pèlerins qui d'estime et d'égards de la part de ses condisciples,
l'interrogeaient sur les préceptes et les interdits parfois même de la part d'un maître jurisconsulte.
relatifs au pèlerinage. Ainsi du témoignage que l'on attribue à Abu
Nous avons quelques informations éparses 'Âsim ad-Dahhâk57, savant reconnu de compétence
concernant le moment et le lieu de cette scène. égale en fiqh et en hadît qui, suite à une série de
C'était vers la fin du deuxième siècle de l'hégire, questions auxquelles aurait répondu Ibn Hanbal
en l'an 198/813. Mais puisque cette date se trouve brillamment, l'aurait déclaré un véritable faqîh5H.
être l'année même de la mort d'Ibn 'Uyayna54, Avec Ibn Hanbal, le statut de mufti s'enracine
maître d'Ibn Hanbal, on peut dire que dans le champ exclusif du hadith et de Yatar, tant
l'information renvoie à leur rapport de maître à disciple, et ce domaine constitue l'origine de sa matière
semble faire allusion à la succession de celui-ci à première. Le récit portant sur sa discussion à propos
celui-là. Elle laisse entendre, en effet, qu'Ibn du prêt à usage (al-'âriya) avec son condisciple
Hanbal était en matière de futyâ le digne disciple à Yazîd ibn Hârûn59 le montre bien. Ce dernier
même d'occuper la place de son maître à aurait fini par admettre son erreur en donnant
la Mecque. Pour ce qui est du lieu où cette scène raison à Ibn Hanbal, et l'aurait même remercié de
se serait déroulée, il s'agit de la grande mosquée l'avoir éclairé par un hadith qu'il lui aurait
d'al-Hayf. Ibn Hanbal était alors âgé de trente- enseigné et que Yazîd ignorait60. Mais ce tête-à-tête ne
quatre ans55. saurait s'apparenter à une controverse (munâzara)
Il apparaît paradoxalement que c'est Ibn à caractère juridique, telle qu'as-Sâfi'î aimait tant
'Uyayna, son maître en hadith, et non pas as-Sâfi'î non pas seulement à les susciter, mais aussi à les
qui a exercé une influence considérable sur Ibn tenir en public. Bref, pour Ibn Hanbal le noyau de
Hanbal. L'ascendance d'Ibn 'Uyayna sur lui toute fatwa est logé au sein du corps scripturaire
passait aussi par l'ensemble des valeurs morales de la Tradition et ne peut être le résultat de débats
régulant l'esprit de sa conduite lors de l'exercice de réflexion humaine. La preuve en est que
de la consultation juridique (futyâ). Quand bien lorsqu'une question fait l'objet de deux propositions
même la Mecque semblerait avoir été le lieu de différentes étayées par deux nass-s explicites, Ibn
prédilection où Ibn Hanbal avait Hanbal se conforme alors à une règle de principe
vraisemblablement tenu un rôle d'homme de fatwa, le lien fort en vertu de laquelle mieux vaut s'abstenir de
particulier qui le rattachait aux principes de donner son avis juridique que de devoir prendre parti
valeurs de l'école basrienne, à travers son maître pour l'une des deux solutions juridiques scriptu-
Ibn 'Uyayna, n'en serait que plus amplement raires. Nous citerons une autre anecdote pour bien
confirmé. La vision ascétique baçrienne qui enrobe souligner ce principe. On rapporte qu'une
la pensée juridique d'Ibn Hanbal, n'emprunte pas personne était peinée d'avoir sciemment négligé la
55
quête du hadith pendant qu'elle assistait à porté au fiqh à travers les quelques avis juridiques
l'enseignement des récitations coraniques dispensé à la à peine formulés63 nous fait voir dans quel cadre
mosquée, mais quand elle se consacrait au hadith de connaissance religieuse Ibn Hanbal concevait le
elle était peinée aussi d'avoir abandonné la noble futyâ.
science des Lectures coraniques61. Elle vint alors Suivant les témoignages des traditionnistes, y
auprès d'Ibn Hanbal solliciter son avis pour savoir compris ceux qui se proclamaient de lui, Ibn
lequel du hadith ou du Coran constitue un Hanbal était considéré le plus prolixe64 d'entre
enseignement prioritaire. Ibn Hanbal répondit par un tous les imams traditionnistes qui ont rédigé des
choix personnel, que l'on qualifierait plutôt de recueils de hadiths. Mais dans son Musnad65, où il
non-choix62: «Je te conseille l'un et l'autre [et de se borne à regrouper les hadiths selon leurs
répéter] l'un et l'autre». chaînes de transmetteurs, des critiques mettent le
Dans ce cas précis, c'est bien sûr la mise en doigt sur quelques hadiths faibles (da'îfâ). Certains
suspens de toute intervention humaine qui est d'entre eux osent même parler de hadiths
requise. Quand le nass vient à manquer, la apocryphes (mawdû'a)66. En effet, en se référant à son
consultation juridique et même théologique portant sur ouvrage, on constate que les hadiths y sont
des questions doctrinales très sensibles se passe regroupés pêle-mêle, les faibles y côtoient les
de la mesure humaine pour s'accommoder de sains. L'objet qui y importait n'était évidemment
l'état de suspension qu'implique le mutisme du pas de composer un recueil de hadiths où les
Texte. C'est ainsi que la fatwa peut s'intégrer dans chapitres seraient disposés en fonction des thèmes
le corps juridique scripturaire qui se veut une déterminés par lefiqh67. Avec beaucoup de
unité homogène. Le Texte (nass) délimite ainsi un largesse dans sa manière d'appliquer les règles
champ de savoir qui enclos toutes les activités relatives au contrôle des chaînes de Garants, Ibn
relatives à la profession de futyâ. En d'autres Hanbal s'était employé assidûment à mettre sur
termes, la fatwa est reliée d'autant plus pied l'un des recueils de hadiths les plus touffus
étroitement à son noyau dur qu'est le nass qu'elle est qui soient. Le fait de l'avoir composé plutôt sous
appelée à s'y dissoudre. forme de musnad que de sunan68, témoigne qu'il
Autrefois, réservées à la consultation juridique n'avait pas l'intention d'en faire un ouvrage
et destinées à un large public, les séances (magâlis) juridique69.
avaient une fonction distincte des séances En raison de nombreux maîtres qu'il eut et
habituelles d'enseignement du hadith. Ce n'était pas le grâce à la quantité considérable de traditions qu'il
cas avec Ibn Hanbal, même lorsqu'il s'agit des recueillit durant de longues pérégrinations, Ibn
moments où il aurait donné un avis juridique. Les Hanbal fut reconnu aussi bien par des biographes
rassemblements autour d'un mufti se faisaient à jurisconsultes que traditionnistes comme un imam
des heures précises afin que les gens puissent très abondant en hadith et un éminent critique
venir le consulter. La différence s'accentue quand averti70. Sa notoriété en ce domaine n'est plus à
on sait que c'est le rassemblement des disciples démontrer. Aux jugements de l'écrasante majorité
autour d'Ibn Hanbal qui a prévalu comme cadre des critiques des Garants de hadiths (naqd ar-
pour la plupart de ses fatwas. Donc, le privilège rigâl)71, il fut l'imam par excellence, le Garant
de l'enseignement du hadith à ses disciples qualifié d'homme digne de foi (tiqa) et porté au rang
participait au raffermissement de son statut d'émetteur de preuve (hugga) en matière religieuse.
de décisions juridiques. Mais eu égard à son Mais si l'écriture du hadith est un fait
dévouement pour la Tradition, le peu d'intérêt indiscutable, force est de rappeler que de son vivant, Ibn
56
Hanbal n'a pas rédigé d'ouvrage de droit légal. suivront l'exemple de Tabarî en réitérant son
Bien plus, il est historiquement établi qu'il n'a pas exclusion de la liste des jurisconsultes. Ainsi, en
composé de son propre chef le moindre recueil de traitant des divergences juridiques, les doctes
fatwas à l'adresse de ses disciples - lesquels ne jurisconsultes les plus remarquables semblent ne
formaient pas autour de lui un cercle d'étude du s'en tenir généralement qu'aux opinions
fiqh. À cet égard, on ne peut se dispenser de juridiques des trois fondateurs des écoles sunnites78,
signaler qu'il a déconseillé formellement à ses disciples évitant de prendre en considération celles du
de mettre par écrit ses avis juridiques, ses choix quatrième. À leurs yeux, Ibn Hanbal paraît ne pas
personnels ou même ses moindres suggestions72 avoir légué une pensée strictement juridique au
relatives aux fondements du droit {usûl) ou aux même titre que celle des autres fondateurs.
prescriptions pratiques (furû). Lahcen Daaïf est docteur en Islamologie. Il poursuit
Par principe de piété scrupuleuse (w ara ), Ibn actuellement des recherches en droit légal classique, et travaille à la
publication de sa thèse sur Ibn Hanbal.
Hanbal tenait beaucoup à ce que l'on ne transcrivît
pas non plus les points de vue juridiques des Notes
* Je remercie Mr le professeur A. Elamrani-Jamal (CNRS, Ville-
autres imams. Et il n'en exclut aucun, pas même juif) d'avoir bien voulu lire cet article et pour ses précieuses
as-Sâfi'î et sa Risâla73 qu'il semblait apprécier suggestions dont j'ai pris note pour le réécrire.
pourtant dans sa jeunesse. Il répétait souvent que 1. Cet article est tiré de plusieurs chapitres remaniés de notre
thèse de Doctorat, soutenue sous la direction de A. Elamrani-
seule la tradition du Prophète, pour la bonne Jamal, Ibn Hanbal entre traditionnisme et droit légal. Étude sur le
raison qu'elle constitue la vraie source du droit en statut d'un juriste à l'ombre de l'ascèse, Paris III-Sorbonne
Nouvelle, 2004.
islam après le Coran, mérite de faire l'objet de 2. Abu 'Abdallah Ah. ibn Muh. ibn Hilâl ibn Asad ad-Duhlî as-
l'écriture afin qu'elle soit préservée74. De là le Saybânî al-Bagdâdî naquit à Bagdad en 164/780 et y mourut en
12 rabî' I 241/30 juillet 855). Il y a de nombreuses biographies
jugement qu'il porta sur les œuvres juridiques de son laudatives sur Ibn Hanbal, dont la plus ancienne est celle de
contemporain Abu Tawr al-Kalbî (170/786- son fils Abu al-Fadl Sâlih ibn Ah. ibn Hanbal, Sîrat al-imâm
Ahm. ibn Hanbal., éd. F. 'Abdalmun'im Ah., Alexandrie, Mu'as-
240/ 854) 75 qu'il aurait appelées œuvres sasat Sabâb al-ôâmi'a, 1984, voir aussi la plus célèbre de
innovatrices (kutubu bid'a)76. Son interdiction formelle de toutes, celle d'Ibn al-ôawzî, Manâqib al-imâm Ah. ibn Hanbal,
Matba'at Muh. Amîn al-Hângî, s.d., réimp. Beyrouth, s.d. Parmi
tirer le moindre avis juridique du Kitâb al-Hiyal les sources primaires qui contiennent une notice biographique
d'Ibn Hanbal, nous préférons renvoyer à Ibn Abî Hâtim, Kitâb
d'Abû Hanîfa, au risque d'être taxé d'impiété va al-ôarh wa t-ta'dîl, I-IX, 2e éd. étab. par 'Abdarrahmân ibn
:
dans ce sens77. Yahyâ al-Mu'allimî al-Yamânî, Haydarâbâd, 1973 [lère éd. 1941-
Sous de telles recommandations, c'est la 1956], I, p. 292-13 ; al-Hatîb al-Bagdâdî, Târîh Bagdad, Muh.
Sa'îd al-'Irâqî, le Caire, Maktabat al-Hângî, 1931/1349, IV, p.
systématisation de la citation qui est visée, comme 412-23, n° 2317; Abu Nu'aym al-I§fahânî, Hilyat al-awliyâ'., IX,
procédé solidaire de cet esprit de désengagement p. 161-233, n° 445; ad-Dahabî, Siyar aiâm an-nubalâ', éd. Su'ayb
al-Arnâ'ût et alii, I-XXV, Beyrouth, Mu'assasat ar-Risâla, 1981-
dont a toujours témoigné Ibn Hanbal à chaque fois 1988/1401-1408, XI, p. 177-358, n° 78. Et parmi les sources
secondaires, nous conseillons l'article de H. Laoust, «Ahmad
qu'il a été question de consultation juridique. La b. Hanbal », in Encyclopédie de l'Islam, deuxième édition, I-X,
citation avec lui s'est substituée aux divers Leyden, E. J. Brill, 1960-2002 [E.I.2], I, p. 280-86; id., Les schismes
procédés de raisonnement propres à chaque région. Du dans l'Islam, Paris, Payot, 1965, p. 115-118; «Ahmad ibn
Hanbal », in The New Encydopaedia Britannica, Micropeadia to
coup, c'est la validité de sa conception du fiqh qui référence, I-XII, Chicago, 198550; F. Sezgin, Geschichte des Arabi-
schen Schrifttums, Leiden, E. J. Brill, 1967 [GAS], I, p. 502-09.
devient sujette à caution. À moins de considérer 3. L'ensemble des textes où se trouvent consignés les propos,
son fiqh comme une catégorie à classer à part, les les actes ou l'absence d'actes attribués au Prophète de l'islam.
consultations juridiques attribuées à Ibn Hanbal 4. Au lieu de jurisprudence musulmane, nous estimons cette
traduction plus juste pour rendre le mot fiqh (droit musulman).
ne suffiraient pas à inscrire son nom dans le 5. An-Nu'mân ibn Tâbit ibn Zûtâ ibn Mâh al-Kûfî, client
registre commun des fuqahâ'. C'est pourquoi un af ranchi (mawlâ) de la tribu de Banû Taym ibn Ta'laba, né en 80/699
et mort en 150/767; jurisconsulte et fondateur de l'école
bon nombre de jurisconsultes et de tradirionnistes juridique hanafite. Cf. Ibn Qutayba, al-Ma'ârif, éd. Saroite Okacha
57
(sic), Le Caire, Matba'at Dâr al-Kutub, 1960, p. 495; Ishâq an- nions juridiques. Ne pas tenir compte de l'avis d'un faqîh alors
Nadîm (Ibn an-Nadîm), K. al-Fihrist, éd. Rida Tagaddud, 3e éd., qu'il ne fait preuve d'aucune entorse au sunnisme, cela sous-
Beyrouth, Dâr al-Masîra, 1988, p. 254-61 ; al-Bagdâdî, Târîh., op. entend qu'il n'en est pas un. À titre d'exemple, voir la
cit., XIII, p. 323-424, n° 7297; Muh. Abu Zahra, Abu Hanîfa, divergence des spécialistes en hilâf sur les avis juridiques de Dâwûd
hayâtuhu wa 'açruhu wa., Le Caire, Dâr al-Fikr al-'arabî, 19772; ibn 'Ali az-Zâhirî (200 ou 202-270/815 ou 817-873), Ibn Katîr, al-
GAS, I, p. 409-19. Bidâya wa n-nihâya, I-XIV, éd. Ah. Abu Mulhim et Fu'âd as-
6. Abu 'Abdallah ibn Mâlik ibn Abî 'Amir ibn 'Amr al-A§bahî, Sayyid, Beyrouth, Dâr al-Kutub al-'ilmiyya, 1985/1405, XI,
mort à Médine en 179/795. Traditionniste et jurisconsulte à p. 59; ad-Dahabî, Siyar., op. cit., XIII, p. 92.
Médine, fondateur de l'école Mâlikite. Cf. Ibn Sa'd, at-Tabaqât 14. Cf. Yâqût, Mu 'gam., XVIII, p. 58; voir la traduction française
al-kubrâ, al-qism al-mutamim li-tâbiï ahl al-Madîna wa man du récit de cette histoire selon Yâqût, par Cl. Gilliot, in Exégèse,
ba'dahum, éd. Ziyâd Muh. Man§ûr, Médine, Dâr Ihyâ' at-turât langue et théologie en Islam. L'exégèse coranique de Tabarî, Paris,
al-islâmî, 1983/1403, p. 433-444, n° 372; Ibn Qutayba, Maarif, J. Vrin, 1990, p. 252-53.
p. 498-99; Ibn Abî Hâtim, K. al-Ôarh., I, p. 11-32; al-Içfahânî, 15. Il s'agit principalement d'un groupe de Hanbalites dirigés
Hilya., VI, p. 316-55, n° 386; 'Abdalganiyy ad-Daqr, al-lmâm par le jurisconsulte et polémiste 'Abdallah ibn Sulaymân ibn
Mâlik ibn Anas., Damas, Dâr al-Qalam, coll. «A'iâm al- al-As'at Abu Bakr ibn Abî Dâwûd as-Sigistânî (230/844-
muslimîn», n° 23, 1990/14102; GAS, I, p. 457-64; J. Schacht, 316/928) qui s'était converti au hanbalisme vers la fin de sa vie
« Mâlik b. Anas », in EP, VI, p. 247-250. et devint l'un des plus fervents sectateurs d'Ibn Hanbal. Son
7. Abu 'Abdallah Muh. ibn Idrîs ibn al-'Abbâs as-§âfi'î, né en père est l'éminente figure du traditionnisme Abu Dâwûd as-
Palestine à Gazza en 150/766 et mort à Fustât en Egypte, en Sigistânî, auteur de l'un des six recueils de hadiths [al-kutub as-
204/820. Il fut disciple de Mâlik avant de fonder son école sitta).
juridique. Cf. Fihrist, p. 263-64; al-Bagdâdî, Târîh., II, p. 56-73, 16. Abu 'Imrân ibn Yazîd ibn Qays al-Yamânî mort 96/714-15
n° 454; al-Isfahânî, Hilya., IX, p. 63-161, n° 415; M. Abu Zahra, à Kûfa. Naha'î transmit des hadiths en petite quantité. Il était
as-Sâfi% hayâtuh wa 'a?ruh., 2e éd., Le Caire, Dâr al-Fikr al-'arabî, le chef de file de l'école juridique de Kûfa. Cf. Tabaqât., VI,
s.d.; GAS, I, p. 484-90; E. Chaumont, «al-Shâfi'î «, in EP, IX, p. 270-84; Maarif, p. 463; Hilya., IV, p. 219-40, n° 273 (erreur
p. 187-191. dans la table des matières à la page 392: au lieu de p. 219, il
8. Abu Ga'far Muh. ibn Garîr ibn Yazîd, naquit à Rayy en 224- est marqué p. 217); Siyar, IV, p. 520-29, n° 213; Bidâya., IX,
5/839 et mourut à Bagdad en 310/923. Il fut non seulement p. 146. Deux autres membres de la famille de Naha'î passent
jurisconsulte, traditionniste, exégète, et fin connaisseur des pour être de grands fuqahâ' tout en étant souvent cités dans
différentes Lectures du Coran, mais aussi philologue, les chaînes de Garants les plus estimées [asânîd 'âliya)
lexicographe, grammairien, poète, et historiographe. Il fonda lui 'Alqama ibn Qays (m. 62/682), grand jurisconsulte de Kûfa,
:
aussi une école juridique, la ôarîriyya. Cf. Ibn an-Nadîm, qui avait la particularité de donner des fatwas à des
Fihrist, p. 291-92; al-Bagdâdî, Târîh., II, p. 126-69, n° 589; al- Compagnons qui venaient le consulter, et Aswad ibn Yazîd an-
Qiftî, Inbâhu r-ruwât 'alâ anbâhi n-nuhât, I-IV, éd. Muh. Abu Al- Naha'î (75/694).
Fadl Ibrâhîm, Le Caire, Dâr al-Fikr al-'arabî, 1986/14061, III, p. 17. Abu 'Abdallah Samsaddîn Muh. ibn Abî Bakr ibn Ayyûb
89-90, n° 616; Yâqût al-Hamawî, dans Mu'gam al-Udaba, I-XX, ibn Sa'd, naquit en 691/1292 et mourut en 751/1350 à Damas.
éd. Margoliouth, revue par Ah. Farîd ar-Rifâ'î, Le Caire, Dâr al- Traditionniste, exégète, théologien, grammairien, jurisconsulte
Ma'mûn, 1355/1936-1357/1938; GAS, I, p. 323-28; C. E. Bos- et théoricien du droit hanbalite, il fut élève d'Ibn Taymiyya en
worth, «Tabarî», in EP, X, p. 11-16. u$ûl et en hadît et était considéré comme l'un de ses disciples
9. Selon Yâqût al-Hamawî, dans Mu'gam al-Udabâ', XVIII, p. 71, les plus dévoués. Cf. Ibn Ragab, Kitâb ad-Dayl 'alâ tabaqât al-
cet ouvrage avait à l'origine le titre suivant: Ihtilâf 'ulatnâ' al- hanâbila, I-II, éd., Muh. Hâmid al-Fiqî, Le Caire, Matba'at as-
amsâr fî ahkâm sarâ'i' al-islâm. Rappelons que les éditions que
l'on en a aujourd'hui sont incomplètesal-fuqahâ'
et fragmentaires. Les Sunna
n° 551 ;al-muhammadiyya,
Ibn Hagar, ad-Durar1952/1372-1953/1372,
al-kâmina fî ahbâr al-mïati
II, p! Hâmina,
447-451,
plus usitées actuellement sont: Ihtilâf , éd. F. Kern, Haydarâbâd, Dâ'irat al-Ma'ârif, 1350, réimp. Bayrouth, Dâr al-
1902, réimp. Beyrouth, Dâr al-Kutub al-'ilmiyya, s.d., et Dos Gîl, s.d., III, p. 400-03; Geschichte der Arabischen Literatur, I-II,
Konstantinopler Fragment des Kitâb Ihtilâf al-fuqahâ' , éd. Leyde, Brill, 1943-1944 [GAI], II, p. 105-06 et Supp., II, p. 126-
J. Schacht, Leiden, E. J. Brill, 1933. 28.
10. Cf. ad-Dahabî, Siyar., op. cit., XIV, p. 274. 18. Ibn Qayyim, Ûâm al-muwaqqun 'an rabbi l-'âlamîn, I-IV, éd.
11. Cf. Yâqût, Mu 'gam., XVIII, p. 59. Taha 'Abdarra'ûf Sa'd, Beyrouth, Dâr al-Gîl, s.d., I, p. 75.
12. D'après Yâqût encore, cf. ibidem., Tabarî a passé en revue 19. Târîh., XIII, p. 331-32; Ibn al-Ôawzî, al-Muntazam fî târîh al-
plusieurs avis juridiques de Mâlik, 'Abdarrahmân ibn 'Amr al- umam wa l-mulûk, I- XVIII, éd. Muh. 'Abdalqâdir 'Atâ &
Awzâ'î (88/707-157/773), Sufyân at-Jawrî (95, 96 ou 97/710- Mustafâ 'Abdalqâdir 'Atâ, Beyrouth, Dâr al-Kutub al-'ilmiyya,
161/778), Sâfi'î, Abu Hanîfa, ainsi que les avis des deux grands 1992/1412, VIII, p. 129-30.
disciples de ce dernier, Abu Yûsuf Ya'qûb al-Qâdî (182/798), et 20. Cf. al-Bagdâdî, Târîh., op. cit., XIII, p. 332: «[..j qultu :fa-laysa
Muh. ibn al-Hasan as-âaybânî (132/749-189/804). Mais il a fî l-'ulûmi say'"" anfa'u min hâdâ»; voir aussi Ibn al-Gawzî, al-
retiré de son livre (asqatahu min kitâbih), les avis émis par Muntazam., III, p. 130.
certains jurisconsultes théologiens (ahl an-nazar), dont les 21. al-Bagdâdî, Târîh., ibid., Ibn al-ôawzî, al-Muntazam., ibid.
positions dogmatiques ne sont pas conformes à celles de 22. Ces propos sont attribués à Abu Hanîfa dans sa jeunesse,
l'orthodoxie sunnite. donc approximativement vers la fin du premier siècle de
13. La notion d'al-I'tidâd bi-l-hilâf, qui consiste à prendre en l'hégire ou, au plus tard, au début du deuxième siècle de l'hégire.
compte les avis divergents des jurisconsultes, est souvent mise Il semble qu'à cette époque le traditionnisme n'était pas encore
en avant comme un procédé qui vise, dans une perspective une force d'opposition organisée contre le ra'y et lefiqh de
comparative, à rétablir un consensus entre les différentes l'école 'iraqienne.
58
23. Il fut un client affranchi du fils d'un compagnon du lement le taxait de du). Cf. sur lui, Ibn Sa'd, Tabaqât., V, p. 499;
Prophète, Ibrâhîm ibn Abî Mûsâ al-As 'arî. Il mourut en 120/737, ad-Dahabî, Siyar., VIII, p. 176-78, n° 22.
cf. Ibn Qutayba, Ma'ârif., op. cit., p. 625, Ibn an-Nadîm, Fihrist, 34. L'âge varie entre quatorze et vingt ans, cf. al-Bagdâdî,
p. 256. Târîh., II, p. 64; Ibn 'Asâkir Târîh madînat Dimasq., op. cit., LI,
24. Cf. al-Isfahânî, Hilya., op. cit., VI, p. 316. p. 304, p. 306-08.
25. Cf. al-Humaydî, àadwat al-muqtabas fi dikr wulât al-Andalus, 35. Ibn Manzûr, Muhtasar târîh Dimasq l-Ibn 'Asâkir, I-XXIX,
Le Caire, ad-Dâr al-Mi§riyya li-t-ta'lîf wa t-targama, 1966, Beyrouth, Dâr al-Fikr, 1984/1404-1988/1408, XXI, p. 368.
p. 158, n° 290, notice d'Abû Ishâq Ibrahîm ibn Naçr as- 36. Ibidem. Ibn 'Uyayna Ibn Abî 'Imrân ibn Muh. ibn Maymûn
Saraqustî. Ce qui révèle un tout autre aspect des rivalités entre al-Hilâlî Abu Muh. al-Kûfî (198/813) fut client (mawlâ) de Muh.
:
Mâlik et les autres jurisconsultes de Médine au sujet de la ibn Muzâhim. Grand traditionniste et jurisconsulte dont les
fatwa. Les gouverneurs pourraient ainsi intervenir pour des critiques de hadith étaient satisfaits de ses transmissions, et le
raisons politiques ou personnelles, afin de favoriser l'un au considéraient comme rapporteur digne de foi. Voir sur lui Ibn
détriment de l'autre, tel que fut le cas ici en faveur de Mâlik et Qutayba, Ma'ârif, p. 506-07; Ibn Abî Hâtim, al-ûarh., op. cit., I, p.
le jurisconsulte traditionniste 'Abdal'azîz ibn 'Abdallah ibn 32-54; Ibn an-Nadîm, Fihrist, p. 282; Ibn Sa'd, Tabaqât., V, 497-
Salama al-Mâgisûn (m. 164/780, sur lui, ad-Dahabî, Siyar., VII, 98; Içfahânî, Hilya., VII, p. 270-318, n° 390.
p. 309-12, n° 102; Sadarât., I, p. 259) et contre Abu al-Hârit Muh. 37. Ya'qûb ibn Ibrâhîm ibn Habîb mourut à Bagdad en 182/798.
ibn 'Abdarrahmân ibn al-Mugîra ibn Abî DiT? en l'an 148/765. Il fut le premier jurisconsulte à avoir été nommé aux fonctions
Ibn al-Murtadâ, dans Kitâb Tabaqât aï-Mu 'tazila, [Die Klassen du juge des juges (qâdî al-qudât) par le Calife Hârûn ar-Rasîd.
der Mu'taziliten], éd. Susanna Diwald-Wilzer, Beyrouth/Wies- Cf. sur lui, Ibn Qutayba, Ma'ârif, p. 499; al-Bagdâdî, Târîh., XIV,
baden, Bibliotheca Islamica, XXI, 1961/1380, p. 42, évoque une p. 242-62, n° 7558; ad-Dahabî, Siyar., VIII, p. 535-39, n° 141.
rivalité plus accusée avec Ibrâhîm ibn Yahyâ al-Madanî, un 38. Ibn 'Asâkir Târîh madînat Dimasq., LI, p. 286, p. 292, p. 295.
autre jurisconsulte médinois de tendance mu'tazilite. Voir une 39. Il s'agit de Abu 'Abdallah Muh. ibn al-Hasan ibn Zufar (ou
autre version où le jurisconsulte Ibn Abî Di'b (80/699-159/775) Farqad) as-Saybânî (132/749-189/804), qui eut sur as-Sâfi'î une
est reconnu mufti au même titre que Mâlik à Médine, cf. Abu grande influence en matière de fiqh (cf. sur lui al-Bagdâdî,
Ishâq as-§îrâzî, Tabaqât aï-fuqahâ' , éd. Ihsân 'Abbâs, 2e éd., Târîh., II, p. 172-82, n° 593), auteur de l'une des recensions du
Beyrouth, Dâr ar-Râ'id al-'arabî, 1981/1401, p. 60. Voir aussi sur Muwatta' les plus appréciées: al-Muwatta' bi-riwâyat Muh. ibn
cet appel public en faveur de Mâlik, al-Qâdî 'Iyâd, Tartîb al- al-Hasan as-Saybânî, éd. 'Abdalwahhâb 'Abdallatîf, Beyrouth,
madârik wa taqrîb al-masâïik li-ma 'rifat a lâm madhab Mâlik, I-V, Dâr al-Qalam, s.d.
éd.87."
Ah. Bakîr Mahmûd, Beyrouth/Tripoli (Lybie), 1967/1387, 1, 40. Cf. Ibn Taymiyya, Minhâg as-Sunna an-nabawiyya fî naqd
p. kalâm as-Sî'a al-qadariyya, I-IX, éd. Muh. Rasâd Sâlim, ar-Riyâd,
26. M. Abdel-Magid Turki « Le Muwatta' de Mâlik, ouvrage de Mu'assasat Qurtuba, 1986/1406, VII, p. 533.
fiqh entre le hadith et le ra'y», in Studia Islamica, LXXXVI, 1997, 41. Ibid., VII, p. 532; voir aussi Ibn 'Asâkir Târîh madînat
p. 5-35, p. 34. Dimasq., LI, p. 283-84, p. 288-89, p. 291, p. 297; Ibn Manzûr,
27. A. Turki, ibidem. ; Noël. J. Coulson, Histoire du droit islamique, Muhtasar., XXI, p. 364.
traduit par Dominique Anvar, Paris, PUF, 1995 (lère éd. Edim- 42. Il a consacré un livre à la réfutation de la notion d'istihsân,
burgh, 1964), p. 46. cf. Kitâb al-Umm, I-VIII (en I-IV tomes + t. V, Muhtasar al-
28. A. Turki, ibid., p. 19-21. Muzanî), établi par Muh. Zuhrî an-Naggâr, Beyrouth, Dâr al-
29. Cf. Ibn Qayyim, Iîâm., op. cit., III, «Risâlat al-Layt iiâ Mâïik», Ma'rifa, s.d., «Kitâb ibtâl al-istihsân », VII, p. 293-304, p. 301.
p. 84 « hattâ idtarraka ma karihta min dâlika ilâfirâqi maglisih. » II 43. Cf. Sâfi'î, K. al-Umm, op. cit., VII, p. 191-96: «K. Ihtilâf Mâlik
s'agit des séances de fiqh de son maître Abu 'Utmân Rabî'a ar- wa s-$âfi'î» où sont relatés les points essentiels sur lesquels
:
Ra'y (136/753), qui fut anciennement disciple d'Abû Hanîfa et Sâfi'î est en désaccord avec Mâlik.
auquel justement Sufyân at-Tawrî fit le même reproche qu'à 44. Est hâfiz dans les sciences du hadith le traditionniste qui
Abu Hanîfa, en le qualifiant de chef de file du ra'y à Médine, cf. mémorise une grande quantité de hadiths avec leurs chaînes
al-Bagdâdî, Târîh., XIII, p. 395. de Garants, en sachant la valeur de chaque hadith grâce à une
30. Abu al-Qâsim Ibn 'Asâkir, Târîh madînat Dimasq., I-LXXX bonne connaissance de tous les rapporteurs qui l'ont transmis.
(I-VI index), éd., Muhibbaddîn Abu Sa'îd 'Umar ibn Garâma Du moins, précisent d'autres savants, la quantité des noms des
al-'Amrawî, Beyrouth, Dâr al-Fikr, 1995/1416-2001/1421, LI, Garants que le hâfiz mémorise doit être plus grande que celle
p. 286: Mâlik informait Sâfi'î, par servante interposée, qu'il y des noms des Garants qu'il ignore. Pour plus de précision voir,
a une séance spécialement réservée à l'enseignement du Galâladdîn as-Suyûtî, Tadrîb ar-râwî fî sarh taqrîb an-Nawâwî
hadith. (sic), I-II, éd. Ah. 'Umar Hâsim, Beyrouth, Dâr al-Kitâb al-
31. Cf. Yasin, Dutton, The Origins oflslamic Law. The Qur'ân, the 'arabî, 1985/1405, 1, p. 24 sqq.
Muwatta' and Madinan 'Amal, Richmond, Curson Press, 1999, 45. Cf. c'est ce qu'Ibn Katîr soutient, dans al-Bidâya., op. cit., X,
p. 4. Mâlik voit ce principe de «Madînan 'amal as authoritative», p. 341.
cf. ibid., p. 36. 46. Cf. H. Laoust, Les schismes., op. cit., p. 180. Quant à Tâgaddîn
32. Al-Bagdâdî, Târîh., II, p. 64. as-Subkî, dans Tabaqât as-Sâfi'iyya al-kubrâ, éd. 'Abdalfattâh
33. Abu Hâlid ibn Hâlid ibn Sa'îd, client de la tribu des Banû Muh. al-Hulw et Mahmûd Muh. at-Tannâhî, Le Caire, Matba'at
Mahzûm, originaire de Syrie, mourut à la Mecque en 180/796. Isa al-Bâbî al-Halabî, 1964-1976, réimp. Beyrouth, Dâr Ihyâ' at-
Il fut un très grand jurisconsulte et mufti attitré à la Mecque, turât al-'arabî, s.d., II, p. 29, il affirme, comme information
mais sa fiabilité, en tant que Garant de hadiths, fut mise en allant de soi et qui plus est étayée par des dires attribués à Ibn
cause. Les critiques s'accordaient unanimement à dire qu'il Hanbal lui-même, que celui-ci fut l'élève d'as-Sâfi'î en fiqh.
était souvent sujet à l'erreur, et ils le faisaient, par conséquent, 47. Selon Ibn Taymiyya, les deux visites d'as-Sâfi'î à Bagdad
figurer sur la liste des Garants faibles (du'afâ'). Ibn Hanbal eurent lieu à presque dix années d'intervalle. Il pense que la
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première s'est déroulée approximativement vers l'an 180/79, 261/869) dans Abu al-Farag Ibn Ragab, Kitâb ad-Dayl 'alâ
en précisant que c'était avant la mort de Muh. ibn al-Hasan (m. tabaqât al-hanâbila, I-II, éd., Muh. Hâmid al-Fiqî, Le Caire, Matba'at
189/804) et après celle du Qâdî Abu Yûsuf (m. 182/798) et as-Sunna al-muhammadiyya, 1952/1372-1953/1372, 1, p. 248),
pense que la seconde a eu lieu après l'an 190/805, cf. id., parfois il mimait avec ses mains les gestes rituels à accomplir,
Minhâg., op. cit., VII, p. 533. Pourtant, Ibn Katîr, lui, compte répondant par là à une question d'ordre cultuelle, cf. par
trois visites successives, dont la deuxième correspondrait à sa exemple, Ibn Abî Ya'lâ, Tabaqât al-hanâbila, I-II, étab. Muh.
rencontre avec Ibn Hanbal, laquelle est supposée avoir eu lieu Hâmid al-Fiqî, Le Caire, Matba'at as-Sunna al-muhammadiyya,
en 195/810, cf. Bidâya., op. cit., X, p. 252. 1952/1371, réimp., Beyrouth, Dâr al-Ma'rifa, I, p. 36-37; et sur
48. Voir entre autres Isfahânî, Hilya., IX, p. 98-99; Ibn Manzûr, l'une des masâ'il d'al-Atram, cf. ibid., p. 67.
Muhtaçar., XXI, p. 379-80. 64. Nous citerons entre autres Abu Tâlib al-Makkî, Qût al-qulûb
49. «lam yaqra' 'alâ as-Èâfi% [...] wa stafâda kull"" minhumâ min fî mu 'âmalat al-mahbûb wa wasf tarîq al-murîd M maqâm at-tawhîd,
sâhibih. » Et Ibn Taymiyya d'ajouter que c'est exactement la I-II, Le Caire, al-Matba'a al-Maymaniyya, 1310/1892, réimp.
même chose qui s'était produite auparavant entre le Hanafite Beyrouth, s.d. I, p. 178; Ibn Katîr, ai-Bail al-hatît, sarh ihtisâr
Muh. ibn al-Hasan as-Saybânî et as-Sâfi'î, ce qui n'implique pas 'ulûtn al-hadît, 2e éd., établie par Ah. Muh. àâkir, Beyrouth, Dâr
un rapport de maître à disciple, cf. idem., Minhâg as-Sunna., op. al-Kutub al-'ilmiyya, 1370/1951, qui précise à la p. 32 que:
cit., VII, p. 533. «aucun autre musnad ne l'équivaut en termes de quantité».
50. Cf. Isfahânî, Hilya., IX, p. 99; Ibn Manzûr, Muhta&r., XXI, 65. Dans le Musnad d'Ibn Hanbal, les hadiths se comptent par
p. 380. milliers, environ quarante mille hadiths selon Ibn an-Nadîm,
51. Ibidem. cf. Fihrist, p. 285. Ibn al-ôawzî, dans Sayd al-hâtir, Beyrouth,
52. Cf. Ibn Manzûr, Muhtasar., XXI, p. 383. Dâr al-Kutub al-'ilmiyya, éd. 'Abdalqâdir Ah. 'Atâ, 1992/1412,
53. Sur l'épreuve d'Ibn Hanbal {mihna), et les différentes p. 244, § 175, spécifie que dans ce total que compte le Musnad il
références à consulter à son sujet, cf. notre thèse, Ibn Hanbal entre y a au moins dix mille hadiths répétés.
traditionnisme., op. cit., p. 303-323. 66. Cf. Ibn Katar, al-Bâ \t al-hatîi p. 31 : «fa-innafîhi ahâdîta da îfa bal
54. Cf. Isfahânî, Hilya., IX, p. 164; Ibn 'Asâkir, Dimasq., V, p. 296; wa mawçtû 'a » « il contient des hadiths faibles voire même apocryphes ».
Ibn al-ôawzî, Manâqib., p. 187, p. 188; ad-Dahabî, Siyar., XI, 67. Cf. Ibn Hanbal, Musnad., I-VI, éd. Muh. 'A. 'Abdassâfî,
:
p. 191. Beyrouth, Dâr al-Kutub al-'ilmiyya, 1993/14131.
55. Cf. Isfahânî, ibid.; Ibn 'Asâkir, ibid.; Ibn al-ôawzî, ibid., ad- 68. Dans le recueil de musnad les hadiths sont regroupés selon
Dahabî, ibid. Dans Manâqib., p. 188, une note de l'éditeur les noms des Compagnons du prophète qui les ont transmis,
souligne que cette deuxième version qui stipule qu'Ibn 'Uyayna dans celui de sunan ils sont répartis en fonction des thèmes
était encore vivant au moment où Ibn Hanbal donnait des fat- juridiques traités.
was à la Mosquée d'al-Hayf est erronée, car Ibn 'Uyayna était 69. En principe, eu égard à l'ordre selon lequel sont disposés
mort en cette année bien avant la saison du pèlerinage. Pour ses chapitres, le K. al-Musnad, dans le cadre des sciences de la
plus de détails concernant ce sujet nous renvoyons à notre Tradition, n'a point été composé pour être un livre de référence
thèse, Ibn Hanbal entre traditionnisme., op. cit., p. 205-06, note en matière de preuves légales. Attendu que ce rôle est plutôt
176, p. 296, note 497. conféré aux œuvres des Sihâh et des Sunan. Dans leur
56. Cf. Sâlih ibn Ah, Sîrat al-Imâm., op. cit., p. 32; Ibn al-ôawzî, argumentation, les différents masânîd (plur. de musnad), tel celui
Manâqib., p. 22, p. 27, p. 50-51 et passim. d'Ibn Râhawayh, d'ad-Dârimî, d'at-Tayâlîsî, ou d'Abû Bakr al-
57. Il s'agit du jurisconsulte traditionniste Abu 'Âsim an-Nabîl Bazzâr etc., nous précise ôalâladdîn as-Suyûtî, n'atteignent pas
ad-Dahhâk ibn Mahlad al-Basrî as-Saybânî (m. 211 ou 212/826 au niveau des premiers, cf. id., Tadrîb ar-râwl, op. cit., I, p. 138.
ou 827). Sur lui, cf. Ibn Sa'd, Tabaqât., VII, p. 295; Ibn Qutayba, 70. Voir ses avis critiques en ce sens dans son Kitâb al-ilal wa
Maarif, p. 520. ma'rifat ar-rigâl bi-riwâyat 'Abdallah ibn Ah. ibn Hanbal, I-IV
58. Voir à titre d'exemple le témoignage d'Abû 'Âsim ad- (index IV), éd. Wasiyyallâh 'Abbâs, Beyrouth, al-Maktab al-
Dahhâk, dans Içfahânî, Hilya., IX, p. 168-69; Ibn 'Asâkir, Islâmî, 1988-1408.
Dimasq., V, p. 297. 71. Citons à titre indicatif, al-Bagdâdî, Târîh., IX, p. 415; Ibn
59. Abu Hâlid Yazîd ibn Hârûn ibn Zâdî al-Wâsitî (118/736- 'Asâkir, Dimasq., V, p. 260, p. 282 et passim; Ibn Manzûr,
206/820) fut un éminent commentateur du Coran, mais aussi Muhta$ar-, III, p. 241 ; Ibn Katir, Bidâya., X, p. 350.
un jurisconsulte et traditionniste de tendance ascétique, 72. Cf. Ibn Abî Ya'lâ, Tabaqât al-hanâbila, op. cit., I, p. 39: «Ne
considéré digne de foi. D'ailleurs, Ibn Hanbal transmit de lui transcris rien, car je n'aime pas transcrire mon opinion (la taktub
certaines traditions. Sur lui voir Ibn an-Nadîm, Fihrist, p. 284; say'°" fa-innî akrahu an aktuba ra'yî) ».
GAS, I, p. 40. 73. Ibid., I, p. 38, p. 57, et passim.
60. Cf. Mugiraddîn al-'Ulaymî, al-Manhag al-ahmad fî tarâgim 74. Ibid., I, p. 329, cf. aussi Ibn al-ôawzî, Manâqib., op. cit.,
ashâb al-imâm Ahmad, I-V, éd. 'Abdalqâdir al-Arnâ'ût & alii, p. 192.
Beyrouth, Dâr Sâdir, 1997, 1, p. 155. 75. Ibrâhîm ibn Hâlid fut un grand jurisconsulte et traditionniste
61. Ibidem. digne de foi. Après avoir été un fervent adepte du ra'y, il se
62. Cf. Ibn Abî Ya'lâ, Tabaqât al-hanâbila., I, p. 23: «[..]fa-qâla: bi- rallia aux thèses d'as-ââfi'î, dont il devint par la suite un disciple
dâ wa bi-dâ [...], bi-dâ wa bi-dâ»: «II répondit: [je te conseille] ceci très dévoué. Al-Kalbî finira par donner naissance à sa propre
et cela [...], ceci et cela. » école juridique, al-Kalbiyya, qui prévaudra particulièrement en
63. Excepté certains cas où il serait difficile de fournir des Arménie et en Azerbaïdjan. Cf. sur lui, Ibn Abî Hâtim, al-ôarh.,
raisons explicatives, en général, quand il se prêtait à la futyâ, il le op. cit., II, p. 97-98, n° 266; Ibn an-Nadîm, Fihrist, p. 265; al-
faisait avec discrétion. Parfois il empruntait des expressions Bagdâdî, Târîh,, VI, p. 65-69, n° 3100; ad-Dahabî, Siyar., XII, p.
allusives (voir par exemple l'une des masâ'il rapportées par son 72-76, n° 19; J. Schacht, «Abu TJiawr», in El2, 1, p. 159.
disciple Abu Bakr al-Atram Ah. ibn Muh. ibn Hâni' at-Tâ'î (m. 76. Ibn Abî Ya'lâ, Tabaqât al-hanâbila, I, p. 329; Ibn al-Ôawzî, ibidem.
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77. Ibn Abî Ya'lâ, Tabaqât al-hanâbila, I, p. 218. Abu Hanîfa, Mâlik, as-Sâfi'î, la conception du droit légal
78. Allusion au livre du Mâlikite andalou Ibn 'Abdalbarr Abu d'Ibn Hanbal s'avère différente. Elle est fondée
'Umar Yûsuf ibn 'Abdallah an-Namarî al-Qurtubî (368/978-
463/1071), al-Intiqâ'fîfad al-a'imma at_-t_alâta al-fuqahâ' : Mâlik ibn généralement sur les trois principes suivants : le moindre avis
Anas, Muh. ibn ldrîs as-§âfi% Abu Hanîfa an-Nu'mân, Beyrouth,
Dâr al-Ba§â'ir al-islâmiyya, 1997. juridique doit plonger ses racines dans le Texte (naçs),
toute vocation à l'opinion juridique personnelle (ra'y)
Résumé est exclue et le raisonnement humain ne saurait se
Depuis la parution du livre ihtilâf al-fuqahâ' de Tabarî, la substituer au Texte, même quand celui-ci ne propose pas de
question du statut d'Ibn Hanbal a préoccupé plusieurs solution.
jurisconsultes et historiographes traditionnistes de
toutes obédiences juridiques. Mais si son statut de Mots-clés
jurisconsulte est discutable, son rang de traditionniste Ibn Hanbal, faqîh (jurisconsulte), fiqh (droit légal), tradi-
(muhaddit) est unanimement reconnu ainsi que son tionnisme, hadît (Tradition), Sunna (tradition orale), ra'y
affiliation aux meilleurs hommes de Tradition. Comparée (opinion juridique personnelle), Tabarî, Abu Hanîfa,
au fiqh des trois fondateurs d'écoles sunnites existantes, Mâlik ibn Anas, as-Sâfi'î.
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