La Memoire Tatouee Le Livre Du Sang Et A
La Memoire Tatouee Le Livre Du Sang Et A
La Memoire Tatouee Le Livre Du Sang Et A
Le prot ocole poét ique de l' écrit ure à l' oeuvre dans les
Année 1998
Dédicace
Remerciements
judicieux.
INTRODUCTION GENERALE
6
Le plaisir du texte, Paris, Seuil, coll. "Tel Quel", 1973, pp. 25-26.
7
nombreuses sont les études qui lui ont été consacrées. Certains
la richesse des textes. Les critiques formulées à cet égard rejettent les
leurs prédécesseurs.
1
- A titre indicatif, nous renvoyons le lecteur aux synthèses effectuées par C. Gallotti dans
l'avant-propos de sa thèse de doctorat : A la périphérie du texte (Essai sur l'évolution de
l'écriture péritextuelle/textuelle à partir de trois romans de Abdelkébir Khatibi, "La mémoire
tatouée", "Le livre du sang", "Amour bilingue"), dirigée par Marc Gontard, Paris 13, 1989 et
la thèse de doctorat d'état de A.Tenkoul : La littérature marocaine d'écriture française.
Réception et système scriptural, dirigée par Charles Bonn, Paris 13, 1993.
8
cette littérature ?
des textes.
ambivalentes entre une forme poétique violente et une face recelée plus
2
- C.f. Les travaux notamment de Marc Gontard et de Mdakhri Alaoui.
9
fait appel à une nouvelle forme de lecture qui se traduit par une
Et c'est sans doute cette capacité à bousculer les inerties que le lecteur
lumière qui pourrait éclairer son itinéraire. Car le texte devient cet
tourment et de désarroi.
3
- U.Eco, L'oeuvre ouverte, Paris, Seuil, 1965 et Lecture in fabula, Paris, Grasset / figures,
1985.
10
L'oeuvre n'est pas achevée. Elle fait appel, comme le postule Roland
inaudible. Elle cherche l'inouïe. Ce qu'il nous propose, c'est une lecture
brouillage des pistes qui se déclenche de telle sorte que les signifiés
traduit par une écriture du " clair-obscur " dont la forme poussée à
fois. Notre intérêt pour cette écriture en particulier s'explique, d'une part
par cette force de séduction qu'exerce toute production inouïe sur son
attention est portée uniquement sur Le livre du sang. Ceci s'explique par
aperçu que Le livre du sang constitue le point d'orgue d'une écriture qui
bilingue 4
4
- Désormais nous désignons La mémoire tatouée, Le livre du sang et Amour bilingue par les
abréviations suivantes : M.T., L.D.S., A.B.
13
pensons que seule une approche qui dialogue avec tous les discours,
C'est la manière dont une écriture met en scène, non pas uniquement
son déroulement en tant que praxis sur le verbe, mais aussi ses effets
sur le lecteur.
5
- A.Tenkoul, Littérature marocaine d'écriture française. Essais d'analyse sémiotique,
Casablanca, Afrique-Orient, 1985 et A.Memmes, Signifiance et interculturalité dans les
textes de Khatibi, Meddeb et Ben Jelloun. Essais d'approche poétique, Thèse de doctorat
d'état, dirigée par Marc Gontard, Rabat, 1989.
14
Quels sont les éléments déployés par cette pratique pour rendre
axes fondamentaux.
6
- Cf., le colloque consacré à Khatibi où plusieurs lectures insistent sur ce côté ésotérique de
son écriture : Lectures dans la pensée de Khatibi, El Jadida, 1991
15
question qui se pose est de savoir comment une telle démarche permet
l'oeuvre ?
Jacques Derrida n'est-elle pas un simple acte terroriste, mais bel et bien
historique dont dépend cette écriture. L'usage d'un genre pluriel doit
7
- Cf., J.Derrida, Glas, Paris, Galilée, 1974 et De la grammatologie, Paris, Ed. de Minuit,
1967.
16
pas expliquer à lui seul cette problématique. Nous pensons que le genre
littéraire est quelque chose qui est préexistant ; qui précède l'écriture. Ce
force du souffle les traversant, débordent les normes établies par une
8
- Nous renvoyons le lecteur à titre indicatif à l'analyse de A.Memmes concernant la question
autobiographique dans l'oeuvre de Khatibi. In : Abdelkébir Khatibi, l'écriture de la dualité,
17
" topographie " pour devenir le socle d'un savoir. L'examen des notions
de focalisation et de point de vue serait alors très utile. D'autre part, elle
se base sur une " perception spatiale ". Les lieux s'inscrivent ainsi, selon
les dires de Bertrand, dans " les corps qui les occupent ". De ce fait,
d'éléments tels : les " vecteurs sensoriels ", la notion de point de vue, la
" thymique " débouche sur une spatialité sensible liée au sujet.
démontrer ceci, notre intérêt va se porter sur deux points. D'un côté,
donne à lire en tant que signifiant et support d'un discours. Les concepts
premières ?
9
- D.Bertrand, L'espace et le sens. Germinal d'Emile Zola, Paris-Amsterdam, Hadès-
Benjamin, 1985.
19
discours ".10
chez Khatibi est loin d'être une simple conception " ex-nihilo ". Les
l'histoire dans le discours 11. C'est pour cette raison que nous allons les
10
- H.Meschonnic, Critique du rythme, Lagrasse, Verdier, 1982, p. 8.
11
- H.Meschonnic, Les états de la poétique, Paris, P.U.F., 1985, La rime et la vie, Lagrasse,
Verdier, 1989 et Pour la poétique 1, Paris, Gallimard, 1970.
12
- M.Gontard, Violence du texte. La littérature marocaine de langue française, Paris,
L'Harmattan, SMER, Rabat, 1981.
20
totalité théologique. Les thèmes traités dans les textes sont ainsi régis
son rapport à ce que Nothrop Frye appelle " le grand code " 13. Il s'ensuit
philosophiques ?
13
- N.Frye, Le grand code. La Bible et la littérature, Paris, Seuil, 1984.
21
musique sur son écriture. Ceci s'effectue dans une perspective mystique
Rouget nous servira d'échafaudage pour mieux saisir les nuances et les
rythme dans le L.D.S 14. Notre objectif est de montrer comment cette
14
- Cf., G.Rouget , La musique et la transe, Paris, Gallimard, 1990.
15
- Cf., P.Zumthor, La lettre et la voix, Paris, Seuil, 1987.
22
PREMIERE PARTIE
La réception critique de l'oeuvre
24
INTRODUCTION
16
- Voir à ce propos les analyses de A.Tenkoul, Littérature marocaine d'écriture française,
op.cit. et A.Memmes, Abdelkébir Khatibi, l'écriture de la dualité, op.cit.
25
Il appert de ceci que le texte littéraire n'est plus une plage où le lecteur
un travail d'envergure sur ses formes d'écriture. C'est dire que cette
17
- G.Deleuze, Logique du sens, Paris, Ed. de Minuit, , coll. "10/18", 1969, p. 98.
26
esthétique et idéologique.
Elle n'est pas non plus une transposition de notions à projeter sur les
univers complexe où les pôles et les limites s'estompent. C'est ainsi que
donc question pour nous de définir l'horizon de sens qui autorise cette
subversion.
lecture.
28
29
lecteur est ainsi interpellé par le texte. Cette crise du sens est corollaire
Pour Barthes, le texte comme " hypologie " est cet univers où
" l'instrument de la pensée ". Il appert de ceci, que les binarités et les
18
- R.Barthes, Le bruissement de la langue, Paris, Seuil, coll. "Points", 1984, p. 17
32
C'est dire que le texte serait alors une toile d'araignée où des rapports
C'est dire que l'acte de lecture diffère d'un sujet à l'autre et d'un horizon
avant qu'il soit déchiffrage du texte de l'autre. Dans ce sens, Barthes dit :
" Lire, c'est faire travailler notre corps ( ... ) à l'appel des
La lecture est ainsi surdéterminée par ces signes qui travaillent le corps.
n'y a pas de " pertinence d'objets ", ni de " niveaux de lecture ". C'est
19
- R.Jakobson, Essais de linguistique générale, Paris, Ed. de Minuit, 1963, p. 248.
34
corps dans cette spirale infinie. C'est se laisser écrire et parler par les
mots. C'est une expérience qui engage le sujet. Elle est dans ce sens
mesure pas par les délires ou les contresens, mais par cette capacité
construction et insaisissable.
qui va saisir dans ce texte, dans ce livre, cela même " qui ne se
20
- R.Barthes, op.cit., p.53.
35
signes clos. Avec Barthes et bien d'autres critiques, le texte déroge aux
cède une partie de son pouvoir, ce qui lui permet de réécrire l'oeuvre à
sa manière.
récuse l'unicité du sens. Une fois posé, celui-ci ne tarde pas à s'effacer.
plusieurs sens circulent. Lecture et écriture sont ainsi liées dans une
21
- R.Barthes, op.cit., pp. 45-46.
36
même " pratique signifiante ". Elles sont consubstantielles. Lire c'est
" jouer au texte ", " jouer le texte ", le démêler et non pas le décrire.
par la culture, est à l'origine de toute écriture. Dans ce sens, elle est
qui l'orientent.
d'une déception et d'un écart creusé par celle-ci par rapport à son
horizon d'attente.
22
- R.Barthes, op.cit., pp. 47-48.
37
déception devant une écriture qui déroge aux habitudes et aux attentes.
L'auteur, par ses prises de position dans " le champ littéraire ", cherche
à partir du L.D.S.
" sème physiologique " à l'instar des autres écrits de Khatibi. Il est
" passion mortelle " et le sang " du texte en tant que travail sur le corps ".
dans le texte qui nous intéresse ici, est due au fait qu'il est lié à
même :
23
- A.Tenkoul, Littérature marocaine d'écriture française, op.cit., p. 132.
24
- Cf. I. Larrivée, " En amont du roman Khatibi et Jabès ", Revue de la faculté de Kénitra,
n° 2, 1994.
42
littéraires qui s'y interpénètrent dans un échange actif. Notre but est de
une simple luxuriance du langage. Elle découpe, sans s'y réduire, une
25
- A.Khatibi, Entretien de M.Bencheikh , in : Revue de la Faculté des Lettres de Kénitra,
op.cit., p. 161.
43
l'Histoire.
Enfin, quels sont les enjeux de cette écriture, son apport et son
originalité ?
effet, les romanciers classiques tels Balzac ou Zola sont des créateurs
généralement un enseignement.
critiques -, c'est avant tout une " histoire ". Un vrai romancier,
44
c'est celui qui sait " raconter une histoire ". Le bonheur de conter,
sa justification ".26
L.D.S ?
Pour Khatibi :
une notion plus large. Le roman est très daté. On peut le dater à
qui, non seulement raconte une histoire, mais crée une forme
26
- A.Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Paris, Ed.de Minuit , 1963, p. 29.
45
secret est scellé entre le lecteur et l'auteur. Dans une phrase, sous
27
- A.Khatibi, Entretien de M.Bencheikh, op.cit., p. 161.
46
Cette invocation du lecteur est corroborée par cet instance verbale qui
ouvre le premier chapitre " l'Asile des inconsolés ". Il s'agit de l'emploi de
Maître, Muthna, les fidèles qui nous sont livrés dans un cadre hautement
" Le " récit " est largement éclipsé par les commentaires et
Pour confirmer cette idée, il s'est appuyé sur l'examen de deux notions.
ainsi, selon Memmes, une simple fable qui permet une mise en fiction de
la figure de " l'union mystique ". Dans cette optique, l'écriture cherche
logique " giratoire " qui confère au texte une forme poétique.
Nous pensons que cette approche n'accorde pas de place à cette notion
28
- A.Memmes, Abdelkébir Khatibi. L'écriture de la dualité, op.cit., p.46.
48
pensons que pour aller plus loin dans l'éclairage de cette problématique,
nécessaire.
Dans son essai sur l'esthétique des genres, Henri Bonnet propose
Sans vouloir nous étendre sur les débats théoriques sur la poétique, ce
qui n'est pas l'objet de notre étude, nous signalons au passage que les
cette influence.
son lieu d'expression dans la revue " Souffles " créée en 1966 par des
29
- H.Bonnet, Roman et poésie. Essai sur l'esthétique des genres, Paris, Nizet, 1980, p. 111.
30
- B.Chikhi, " La pesée sur le signifiant dans le texte d'Amour bilingue de A.Khatibi ", in :
Langues et littératures, n° 5, Université d'Alger, 1993, p. 127.
51
le logocentrisme idéologique
maghrébine et universelle.
contre le colonisateur et les régimes qui lui ont succédé, leur apport
même de l'autre.
blessure du nom propre, 1974, à titre indicatif, Khatibi sort l'écriture des
52
jusqu'ici refoulée. Son mérite est d'avoir levé le voile, d'avoir fait parler
est de ne pas oublier cette multiple identité qui compose cet être,
théologiques établies.
" Plus tard, j'ai articulé - je crois mieux - une telle question
31
- A.Khatibi, Entretien avec T.Ben Jelloun, in : A.Khatibi, (collectif), Rabat, Okad, 1970,
p. 120.
32
- A.Khatibi, in : Pro-culture, n°12, spécial : Khatibi, Rabat, 1978, p. 11.
54
l'entende ".33
Khatibi manifeste par ces références aux théories contestataires qui ont
33
- J.Derrida, De la grammatologie, op.cit., pp. 31-32.
55
pour lui donner " une fonction de langues " ( Sollers ). Cette
hors-texte ".34
marqué le champ critique occidental ont ouvert la voie à une crise qui
34
- B.Chikhi, Maghreb en textes. Ecriture, histoire, savoirs et symboliques, Paris,
L'Harmattan, 1996, p. 14.
56
des assises du pouvoir. Une " pratique artisanale " succède désormais à
" l'esprit de chapelle " comme lieu du patriarcat. Cette émergence d'une
signifiant " se fait sentir plus que jamais. Mais les genres n'ont pas été
35
- C.Bayard, " Les genres et le post-modernisme ", in : La mort du genre, colloque de
Montréal, oct. 87, Ed. n.b.j., 1989, p. 49.
58
pensée ou une maxime. C'est une pratique du sujet dans le discours qui
un principe qui ne peut advenir que dans cette dialectique entre l'identité
36
- A.Khatibi, " L'inconscient, la forme, le texte ", Rabat, Al Asas, n°19, 1980, p. 14.
59
Le roman est ainsi cet idéal qui inclut la poésie comme prose. Par sa
37
- P.Lacoue-Labarthe, L'absolu littéraire, Paris, Seuil, 1978, p. 275.
38
- Ibid., p. 285.
60
déconstruction chez lui, comme chez Derrida, est donc loin d'être un
" décomposition analytique ". C'est une mise en question des visions
39
- J.Derrida, L'écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, p. 42.
61
construction, projection vers l'avenir, l'idée d'une " littérature autre selon
une pensée autre " que préconise Khatibi, a toutes les chances de
et aux signes que préconisent les écrivains maghrébins, nous fait penser
Barthes.
l'écrivain à la langue, le jeu des signes et des formes, qui sont très
tatouée, il dit :
choses : aux images, aux signes, aux traces, aux lettres, aux
telles que je les vois, parce qu'il m'entraîne loin de moi, dans son
savoir ".40
l'imaginaire.
40
- R.Barthes, " Ce que je dois à Khatibi ", Postface, in : La mémoire tatouée, Paris, Denoël,
1971, p. 213.
41
- R.Barthes, Le bruissement de la langue, op.cit., p. 68.
63
références sont multiples : le Coran, les légendes, les contes, les Mille et
Khatibi :
croyance ".42
42
- A.Khatibi, Maghreb pluriel, Paris, Denoël, 1983, p. 44.
64
l'occidentalité, etc.
43
- A.Khatibi, Penser le Maghreb, Rabat, SMER, 1993, p. 53.
65
livre. Ce mythe, sur lequel nous reviendrons plus tard, permet à Khatibi
légende et du conte.
44
- M.Chebel, L'imaginaire arabo-musulman, Paris, P.U.F., 1993, p. 377.
66
de l'histoire importent moins par leur dimension anecdotique que par leur
fond symbolique. C'est dire que l'écriture chez Khatibi repose sur
par quelque chose qui est un mixte entre les motifs et les
45
- A.Khatibi, " Un Orphère de l'écriture ", Entretien , Libéral, Avril 1990, p. 53.
67
C'est dire que le poétique chez Khatibi n'est pas un jeu de mots neutre
histoire. Autrement dit, ce qui l'intéresse, ce ne sont pas les signes et les
mythes dans leur essence, dans leur contenu, mais plutôt leur force
paraboles pour illustrer une pensée et pour libérer les mots dans une
transe poétique.
Dans le cas du L.D.S., les mythes ont une double fonction. D'une
lyrique, d'autre part ils ont un rôle stratégique dans le traitement des
signes, des images et des formes n'est possible que parce que le texte
en dehors de sa formulation.
68
nature.
ceux-ci :
Les religions monothéistes sont soumises à cette contrainte " moniste "
qui les force à arrêter à un certain moment " le jeu des signes ". C'est
dire qu'il faut sortir du plein - stéréotype - pour s'ouvrir au vide comme
46
- R.Barthes, Le grain de la voix, Paris, Seuil, 1981, p. 95.
47
- Ibid., p. 96.
69
Pour lui, il n'y a que des lieux, des langues dans la langue.
grande Ecriture, toutes les petites histoires et toutes les petites écritures.
vérité et participe à ce qu'il appelle " une production de sens rotatifs ".
Le récit du L.D.S. est ainsi celui d'une écriture " mondaine " qui
qui investit le corps dans un protocole qui déjoue tout ce qui est de
instance subjective.
70
peut se faire sans le travail subjectif du sujet qui lui donne forme. Et,
toute littérature, elle ne peut être alors que sous forme d'une
française ".49
porte sur son lieu d'intervention. D'une part le travail du poétique sur les
48
- A.Khatibi, La blessure du nom propre, Paris, Denoël, 1974, p. 73.
49
- A.Khatibi, " Avant-propos ", Souffles, n° 10-11, 1968, p. 4.
71
C'est dire que la dimension poétique chez Khatibi n'est pas une fuite,
L'écriture chez Khatibi est mue par une subversion qui ouvre
" l'espace des prises de positions culturelles " aussi bien au niveau de la
50
- A.Khatibi, Penser le maghreb, op.cit., p. 97.
51
- P.Bourdieu, Les règles de l'art. Genèse et structure littéraires, Paris, Seuil, 1992.
72
toutes ces formes à l'intérieur du texte lui confère à celui-ci une facture
complètement impossible.
Ces différents éléments traités ici et qui font du L.D.S. une sorte
littérature arabe, nous permet de stipuler que le refus d'un genre unique
langage.
les intérêts que l'écrivain cherche à faire passer dans ses textes. Le
choix d'un genre protéiforme fondé sur une structure mythique répond à
Le retour aux traditions, aux mythes, au passé païen, est une voie
pluralité et à l'hétérogène.
structuration et par leur force évocatrice ont une portée esthétique. C'est
CONCLUSION
essentielles. Le poétique dans ce sens est chez Khatibi une des voies
dans une sorte d'étalage des références, met le sens en crise, le voile et
le disperse. C'est dire que l'entrée de Khatibi dans l'ère moderne se fait
par une prise en charge critique des cultures et des langues constitutives
des textes, d'examiner dans le premier chapitre cette crise d'une lecture
texte khatibien.
lecture est dans cet ordre d'idées un travail sur le corps, sur les
désarroi du lecteur est lié à une écriture de " jouissance " qui sape les
par rapport à un horizon d'attente. C'est pour dire que seule une lecture
" à rebours de nos habitudes " procure une sorte de plaisir. Car le texte
ressort que l'écriture n'est plus une mise en forme d'une idée, c'est une
inouï nous autorise à dire que dans l'écriture de Khatibi il est question
52
- Les risques de dépossession, de perte et d'aliénation de cette " écriture-traduisante " sont
analysés par Isabelle Larrivée dans sa thèse de doctorat : La traduction en procès : Abdelkébir
Khatibi et le palimpseste des langues, dirigée par Charles Bonn, Paris 13, 1994.
79
totalité, pour multiplier les fragments, ce n'est pas pour évacuer tout
doit ainsi intégrer dans son processus cet écart de la poétique vis-à-vis
travail.
80
DEUXIEME PARTIE
La poétique des contrées
81
INTRODUCTION
Sans vouloir faire une nomenclature de toutes les recherches faites sur
Butor, sans oublier le mouvement naturaliste avec son chef de file Zola.
53
- G.Matore, L'espace humain, Paris, La Colombe, 1962, p. 17.
83
celle de " nature " la surface des choses a cessé d'être pour
par un souffle poétique qui fait voler en éclats toutes les déterminations
a-topos " dans le texte. L'étude de Denis Bertrand, nous paraît d'un
apport fondamental. Elle s'inscrit dans ce qu'il appelle une " sémiotique
concrète ". Son objectif est d'esquisser une méthode d'analyse qui traite
de la " réalité " qui consiste à voir les configurations spatiales sous
54
- A.Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, op.cit., pp. 22-23.
84
comprend alors que l'effet dit " référentiel " soit interprété comme
étude exploite-elle la donnée du " thymique " qui consiste à investir tous
les " vecteurs sensoriels " et " affectifs " qui déploient une forme de
55
- D.Bertrand, op.cit., p. 30.
85
une structure d'ensemble gouvernée par une résille de rapports qui lie la
pas de projeter cette méthode sur les textes de Khatibi, mais plutôt
l'absence de l'espace.
toutes les catégories du récit, l'espace est à reconstituer par une prise
est tributaire d'un protocole poétique qui institue une autre forme de
56
- Ibid., p. 60.
86
marocain.
que signifiant discontinu dont le statut est orienté par des modalités de
de vue. Ceci nous amènera à souligner le rôle du corps " palimpseste "
personnage. Quel est leur impact sur le devenir de l'espace ? Quelle est
saisir ce que Bertrand appelle une " aspectualité spatiale ". Enfin,
pertinent.
partie de l'oeuvre qui s'intitule : " La mémoire tatouée ". Il vient juste
passage que toute cette partie est structurée par une remémoration
(pp. 23 -24)
91
sa mémoire à jamais.
" A sept ans, la mort entra dans ma vie avec une telle
notre premier fragment d'analyse, nous autorisent déjà à dire que dans
événementiel qui lui, est lié à l'histoire, aux mythes, à la tradition, etc.
" Elle ( la mère ) mettait au monde ses enfants, la rue les happait ". La
rappelle la rue ", et du pronom démonstratif " ... je retourne à cette rue ".
des comparatifs : " plus que mon père, plus que ma mère, plus que tout
au monde ". Cette prééminence est poussée à son acmé de telle sorte
qu'on peut dire que le lien entre le narrateur et cet espace est d'ordre
" larvée " rappelle que cette tendresse est douteuse. Il est intéressant de
autorise à dire qu'il s'agit ici de l'auteur qui se rappelle la rue. Dans ce
cas, son action serait consciente car elle ne relève pas du souvenir.
rappelle la rue, plus que mon père, plus que ma mère, plus que tout au
monde. Tendresse larvée chaque fois que je retourne à cette rue ... ".
C'est par cette dernière que l'introduction dans l'espace maternel devient
fasse jour. Des maçons travaillent. Elle voit enfin le marabout lui
exaucé. Elle me dit : " Les figues sont tes yeux. ". (p. 23)
Le mauve dont il est question est alors celui de la figue. Ce qui nous
intéresse ici c'est ce retour à l'espace maternel qui se fait par un détail
va côtoyer la peinture.
lieu extérieur focalisé, mais d'un narrateur qui livre ses compétences
mais il nous donne tous les éléments sur sa situation engendrée par la
remémoration de ces espaces. C'est dire que " l'isotopie axiologique " se
sème de la négativité.
tendresse larvée, vide, perte, immobilité, hésitation, ..., d'autre part par
" Il faut que ... ", " Si ... , c'est que ". Ainsi dans ce paragraphe les
Pour ce faire, Bertrand s'appuie sur l'ensemble des " modes sensoriels "
pour établir " les parcours figuratifs de l'espace ". En plus clair, cette
sujet observateur.
Dans le premier point traité, nous avons conclu sur une absence
dans la M.T., les lieux n'existent que comme des fantômes qui hantent la
mesure où le récit s'envole dans une verve poétique qui dissout toute
comme c'est le cas chez les réalistes. L'espace dans la M.T. accède au
57
- Ibid. , p. 93.
98
essence poétique. Car le lyrisme du récit naît à partir d'un choc entre
d'attente ?
58
- J.Y.Tadié, Le récit poétique, Paris, P.U.F., 1978, pp. 52-53.
99
L'analyse porte ici sur le chapitre qui s'intitule " Deux villes parallèles ".
autobiographique.
Khatibi, sur deux niveaux. D'abord sur un plan formel, le texte s'oppose
C'est dire que l'écriture chez Khatibi s'éloigne des acceptions normatives
59
C.f. A.Memmes, Abdelkébir Khatibi. L'écriture de la dualité, op.cit
102
consacrée à El Jadida, le texte est organisé autour d'un jeu des temps
destruction du système du récit tel qu'il est conçu par le roman réaliste,
elle nous permet dans notre optique d'analyse de voir comment se trace
formations spatiales qui, à leur tour, dans une lecture à rebours, nous
n'a de sens ici que dans la mesure où elle signifie un espace. Qualifiée
aucune coordination logique. Il prend la forme d'un saut qui rappelle les
structuration syntaxique basée sur les différents faires qui sont donc à
tantôt explicite.
( tendresse ). Celui-ci est suppléé à son tour par les chevaux qui sont
ce qui leur passe par la tête, et peut-être devenu plus cheval que
des chevaux est loin de se réduire à un simple décor anodin. D'une part
que sous forme d'images. D'autre part, elle sert de support à des
105
espaces absents par délégation, tout en livrant des réflexions par ses
rues labyrinthiques à l'affût d'un clin d'oeil. C'est ce qui nous fait dire que
cet espace est aussi un lieu de viol, de violation. Ceci nous fait penser à
l'imagination ".60
qu'à partir du sujet - ici le narrateur - qui met en place des principes de
qui, lui, définit l'espace et impose un sens univoque. C'est dire que la
refus.
du narrateur.
qui institue la parole comme étant une vérité. Ceci est accentué par la
60
- Ibid., pp. 62-63.
108
une économie en flèche, il faut créer des paradis sur terre, Dieu
Ce qui nous intéresse ici, c'est l'actant observateur qui, par son absence,
effet, c'est la clarté même de cet espace " sacré du conquérant " qui le
parfois avec des copains dans ce lieu ... " p.54. Le regard est cette fois-
110
C'est dans cette zone interdite que l'imagination coloniale se donne à lire
ne sont livrés qu'à travers un langage poétique qui comble ce vide crée
géométrique.
Par ailleurs, cette absence reflète le rejet aussi bien d'une réalité
aveugle qui se replie sur un sens univoque que d'une altérité sauvage
narrateur. Ceci est loin d'être gratuit, car la médina est le lieu de la
l'hégémonie patriarcale.
un sens unique.
donc possible que dans une poétique qui met en jeu une absence. De
cas du faire olfactif, du goût, du contact, des métaphores, ..., que nous
regard de l'enfant. Autrement dit, il ne peut exister qu'à partir d'un point
mémoire.
ville écrasée par les portugais. L'espace vécu n'est pas ici celui d'une
Ceci est confirmé par l'usage d'un lexique d'adéquation : " se laisse
coiffer ", fugue, s'excuser, etc. A l'effacement des hommes s'ajoute celui
de l'élément aquatique :
114
de l'enfant à cet espace est grand et profond. C'est le lieu du cri premier.
A l'instar d'El Jadida, Essaouira, " tendre et mignonne ", est ce lieu des
mythique.
second est vertical. Dans ce sens, on peut dire que la poésie se nourrit
pour livrer des commentaires aussi bien sur les différents événements
spatiale. Dans la M.T., l'espace est un non-lieu, une absence qui n'est
Khatibi.
des parcours cognitifs des sujets. Nous avons conclu sur l'absence d'un
corps ". Leur point commun est l'institution d'un sens univoque qui définit
lexical, elle est renforcée par la récurrence des termes renvoyant tous à
un état de dureté et de supériorité : " écrasant ", " bagnard ", " acide ".
dégage.
" Récite ". Dans A.B, le récitant met l'accent sur ce ton ferme quand il dit:
dégage d'abord à partir des corps - père, fqih, colon, ... - puis des
mosquée.
nom.
ces figures, comme nous venons de le signaler, se fait par le biais d'un
professeur de mathématiques.
description du corps qui est à son tour spatialisé. Car l'occident qui
même main, te défait face au soleil, Ouwah ! ... ". (pp. 185-186)
les deux un sens unique. Rappelons que la ville est aussi bien le lieu du
124
signification qu'à partir d'un repère. Dans les textes de Khatibi, ce point
61
- A.Khatibi, "Le Maghreb comme horizon de pensée", in : Penser le Maghreb, op.cit.,
pp. 129-130.
125
univers serein et pour retrouver les origines. Pour se faire, il faut déjouer
féminine.
Cette première image de la mère qui ouvre la M.T. installe une ambiance
de la mère est ici spatialisé sous la forme à la fois d'un regard et d'un
euphorique.
Mon frère aîné " vola " le sein de la mère endormie. On lui fit
D'un point de vue sémantique, nous constatons que le texte est traversé
qu'à travers le discours qui les englobe. Le premier est d'ordre mythique.
la souffrance. Outre son rôle de nourrice, la mère est celle qui guérit.
violence.
Khatibi attire l'attention sur ce rôle fondamental du mythe dans son livre :
Le roman maghrébin.
historisant ".62
passage suivant :
62
- A.Khatibi, Le roman maghrébin, Rabat, SMER, 1979, p. 106.
131
celui de la mère qui est obscur. Par cette projection violente contre le
fouilles dont il est question ici, ne connotent-elles pas justement les rites,
les légendes, les mythes, les croyances, ... qui constituent l'identité de
l'être Marocain.
mère improvise déjà sur une lumière tamisée, elle filtre ses
132
chaleur mythique.
nord du Maroc.
zone d'ombre nous fait justement penser à cet épisode de la grotte dans
ouvert la voie à la recherche " des racines les plus vivantes ". Khatibi le
63
- Concernant les polémiques engendrée par l'épisode du Nadhor dans Nedjma, nous
renvoyons le lecteur aux études de C.Bonn, Kateb Yacine : Nedjma, Paris, P.U.F. 1990 et de
134
symbole d'une promesse, d'un sens inouï et d'une autre histoire à-venir.
qui retient notre attention ici, ce n'est pas le repérage de toutes ces
M.Gontard, Nedjma de Kateb Yacine. Essai sur la structure formelle du roman, Paris,
L'Harmattan, 1985.
135
rituelles, etc. Dans ce sens, il se donne à lire sous la forme d'une voix,
c - La mère - identité
L'espace maternel apparaît, à travers les différents lieux
analysés, comme un lieu désiré. C'est l'objet d'une quête. La M.T. est le
en tenant une place de choix dans ses textes, nous n'allons pas traiter
figure de l'inconscient ?
136
tante, etc. Ces différents rites qui ont signé à jamais le corps de l'enfant,
" Non point la mort du petit juste ! ne crois-tu pas qu'on t'a
Hérite, enfant, hérite de ton père de ton père , la fêlure n'est pas
premiers qui ont façonné l'identité de l'être marocain. La M.T. serait dans
étude de Charles Bonn qui pense à juste titre, que la notion d'écart
Dans la M.T., cet écart n'est possible que par cette sublimation de
que la quête de l'identité est finalement une quête d'une autre histoire à
64
- C.Bonn, Le roman algérien contemporain de langue française. Espaces de l'énonciation et
productivité des récits, Thèse de doctorat d'état, dirigée par Simon Jeune, Bordeaux 3, 1982,
p. 1255.
140
plongée dans l'univers mythique. Pourtant, il est erroné de dire que ces
dans l'histoire, mais aussi dans cet élan vers les origines. Notre question
mythique ne veut pas dire pour autant qu'il faut récuser la figure
confronté à une ambiguïté qui est engendrée par cette opposition entre
fonction est sociale alors que la seconde est d'ordre familial. Tous les
père.
guerre et mon père mourut juste après la fin ; pas de temps pour
142
vaincu. Le cercle est vite fermé sur mes révoltes contre le père
C'est dire que l'intrication des espaces est si complexe qu'il serait
signalé auparavant que l'univers maternel est celui des mythes et des
destructeur ".65
65
- M.Chebel, op.cit., p. 46.
145
Ou encore :
" Mon frère aîné " vola " le sein de ma mère endormie. On
lui fit avaler une souris sautée dans du beurre. Agréable façon
complexité des rapports qui se sont noués avec ces colonisateurs. Il est
même ordre que celle de l'enfant avec sa mère, le transfert dont il est
pas cette autre femme identique qui rivalise avec la mère ? Dans la
fou, rien, néant de rien, rein ! Quelle île, Occident, as-tu trouvée
passage qui est d'une facture hautement poétique redéfinit les termes du
C'est dire que la vraie violence dont il est question ici, est d'ordre
identitaire une infinité de jeux, c'est l'ouvrir à la diversité des lieux. Ceci
qu'orientale.66
L'évocation du désert, des Mille et Une Nuits, du Livre des chants, ... est
66
- La question de l'identité et de la différence chez Khatibi est abondamment traitée. Notre
but n'est pas de ressasser le déjà dit, mais d'aller plus loin en interrogeant la problématisation
de cette question à partir d'une poétique des contrées. Autrement dit, comment se dessine une
150
au bonheur utérin est à cet égard très significatif. Dans cette optique, le
du sujet.
identité poétique à travers un a-topos dont le vide est comblé par une vision subjective de
l'histoire ?
151
directionnalité instituée par les corps qui sont à leur tour spatialisés.
point de vue narratif. Les lieux sont alors à examiner dans leurs rapports
Le L.D.S. s'ouvre sur une note présentative qui trace les contours
la contemplation.
corporelles, par les antonymies qui déterminent les contours d'un non-
L'ambiguïté est-elle alors la seule valeur sûre, comme dit Octavio Paz 67,
la modernité ?
67
- U.Eco, op.cit.
156
est une préoccupation permanente chez l'être. Chez les Soufis, cette
cette positivité.
conflits ". 68
des langues. Autrement dit, c'est une parabole dont la finalité est, selon
divine, est à la quête de son alter ego. Enfin, elle est linguistique et
Tenkoul à dire :
68
- A.Memmes, Abdelkébir Khatibi, l'écriture de la dualité, op.cit. p. 71.
158
acception.
69
- A.Tenkoul, " Mythe de l'androgyne et texte maghrébin ", in : Itinéraires et contacts de
cultures, V.10, Paris Nord, L'Harmattan, p. 116.
159
le texte maghrébin est loin d'être gratuite. Elle est plutôt appel à
symbolique.
mort dans une stratégie qui permet de détruire les assises théologiques.
70
- Ibid., p. 118.
71
- Ibid., p. 120.
160
indéniable. Cette dimension a été analysée par Hassan Wahbi dans son
bien et le mal, la pensée du chiasme, etc. L'autre est formelle. Elle est le
mouvement lyrique faisant éclater le récit. C'est dire que cette figure
relève dans le L.D.S. d'une poétique de la crise qui affleure à tous les
niveaux du texte.
non pas d'un point de vue historique, mais plutôt en fonction de son
72
- H.Wahbi, Les mots du monde, Rabat, Ed. Arabian Al Hilal, 1995, p. 81.
73
- Ibid., pp. 94-95.
162
Dans cette perspective, toutes les analyses qui lui ont été consacrées,
entoure cette image hermaphrodite est, à notre sens, une voie originale
ambiguë de la femme.
74
- N.Khadda, " L'étrangère comme figure transférentielle dans la littérature algérienne de
langue française ", in : Apport de la psychopathologie maghrébine, publication du centre de
recherches en psychopathologie de l'université Paris Nord, 1991, p. 109.
163
subjective.
transformation de l'espace.
illicite.
texte.
(p.13)
non plus à l'auteur qui perd son pouvoir de constructeur de sens, mais à
amont. Dans le L.D.S, cette duperie est opérante dans la mesure où elle
étroit avec le parcours collectif des orants mystiques, notre intérêt porte
des compétences ) : à l' " ici " ( espace topique ) et " là "
hétérotopique ) ".75
dans l'écriture de Khatibi. D'une part, parce qu'il est le lieu où se joue
investit toutes les catégories du récit. C'est pour cette raison que nous
75
- A.J.Greimas, J.Courtés, Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris,
168
l'ambiguïté de son identité pour orienter les espaces ? Quelles sont les
mouvement de transformation ?
seuil du désert ". Il vient après " L'asile des inconsolés ". A partir de ce
dernier titre nous constatons qu'il s'agit là d'un espace bien défini et d'un
instaure non pas les contours d'un espace bien défini, mais plutôt met en
scène une ambiance rituelle dont le centre de drainage est occupé par
l'asile, " architecture et formes humaines ", qui brûle sous l'effet d'une
inoubliable.
" Nous avons ouvert nos cinq sens à tes parures, à ton cil
Muthna est évoquée pour la première fois dans le texte, elle est par
d'un repère vraisemblable à une simple divagation poétique qui fait voler
serait injustifiable.
sont lapidées par une fureur poétique qui récuse toute représentation et
Muthna dessine d'ores et déjà les signes qui définissent l'asile des
inconsolés que nous désignons par espace viril. Celui-ci est présenté
objectif est tout autre. En effet, il s'agit de voir comment cette verticalité
d'une figure féminine qui enfreint cet élan vers l'absolu pour instaurer un
de l'ordre de la perdition.
architecture même cet envol et cette marche vers " l'union de la terre et
extatique. La folie serait alors une espérance. Une chance qui ne peut
fantaisie poétique.
La ville, en arabe " al madina ", est d'abord un terme générique qui
tout à fait significatif de voir que cette orientation est une marche vers la
berbère " le tamazighte " où la ville se dit " lmdinte ". Ce terme désigne
la mort ?
175
taverne sont des lieux de débauche sans fondation et sans histoire. Ils
l'altérité sauvage.
elle est l'espace de l'erreur dit " hétérotopique ". Au fil de l'analyse, nous
dans le premier texte analysé, c'est le narrateur qui présente les deux
176
nécessaire.
" transformation " à toute opération horizontale et la " conversion " aux
changement ?
76
- Ibid., p. 401.
178
Le départ du disciple est motivé par une passion dévorante qui le torture.
univers utopique s'abolit dans le faire du disciple qui chemine vers le lieu
hétérotopique de la sanction.
179
L'asile des inconsolés, atteint par le mal, est condamné à suivre son
cheminement initiatique des adeptes qui connaît une crise, c'est toute
encore, elle modifie les données des espaces par procuration. En effet,
voltiger l'asile, ont pour origine cette ambiguïté qui entoure son identité.
Ainsi, Muthna agit, dans ce passage, à travers le corps de son frère. Car
double de sa soeur.
dirait qu'il est nu. (...) Vu de dos ( le dos semble danser ), notre
" conversion " spatiale se traduit par le refus d'une ascèse interminable
et ennuyeuse qui rythme la vie des adeptes. C'est aussi le rejet d'un
la différence. Tiraillé entre ces deux espaces, le disciple finit par céder
62-63)
ne déclenche le trouble que par ses traits féminins qui sont ceux de sa
soeur. Ceci se solde par le départ du disciple qui entraîne une ouverture
Notons que le premier enterrement est une rupture de la " conversion "
Dans le chapitre " Transfiguration (1) ", ce n'est plus le dedans qui
personnage qui est en jeu, mais tout l'asile qui est menacé de
destruction.
l'équilibre de la secte est atteint par le mal. Car l'Echanson est Muthna.
Cette confusion qui ne peut pas être une fusion est corollaire du
désordre et de la déflagration.
secte. Plus intéressantes sont celles qui surviennent sur le plan logico-
En effet, la figure féminine jouit ici d'un pouvoir subversif qui lui
ici aux dogmes qui organisent les pratiques des orants mystiques, mais
meurtre.
seconde, elle met en relief la décadence des pays arabes repliés sur
extérieur ( la ville ). C'est dire qu'il faut inventer un troisième lieu qui
récit à son terme fatal. Ainsi, s'expliquent les différents stratagèmes mis
186
son frère à l'Asile par tous les moyens. Tous les moyens, c'est
l'envol du récit en éclats. La mort plane sur l'asile. Le mal sans lequel le
bien ".77
Chaque chose est donc à envisager par une prise en charge de son
oeuvres de Khatibi.78
cheveux. Elle gagne l'Asile et laisse son frère entre les mains
folle séparation. Tout, afin que tout soit un bouleversement ". (p.
125)
Par son incursion dans l'asile, Muthna précise les enjeux narratifs. Le
dehors n'est plus l'ailleurs, mais l'ici de la narration. Ceci entraîne, par
77
- A. Khatibi, "Khatibi ou l'éros mystique", Al Asas, N° 17, Rabat, Fev. 1980, pp. 58-59.
78
- A. Memmes, Abdelkébir Khatibi, l'écriture de la dualité, op.cit.
188
abondamment analysée par les critiques 79. C'est pour cette raison que
79
- Nombreuses sont les études consacrées à la question de l'identité et de la différence. Nous
renvoyons le lecteur, à titre indicatif, à R. Acharfi, Les problématiques de l'identité et de
l'écriture dans l'imaginaire marocain et dans l'oeuvre d'Abdelkébir Khatibi, Thèse de doctorat,
dirigée par B.Mouralis, Lille 3, 1993 et M.Bouderdara, La problématique de l'identité et de la
différence dans la littérature marocaine d'expression française. Cas de Abdellatif Laabi et
Abdelkébir Khatibi, Thèse de doctorat, dirigée par R.Jouanny, Paris 12, 1984.
190
je me dis qu'il faut aller vers autre chose qui soit inédit, indicible
Muthna dans l'asile est donc un support subversif qui permet justement
par une mystique mise à l'épreuve. C'est aussi pour cette raison que la
tant que miroir d'une absence. Elle témoigne, par cette dimension
80
- A. Khatibi, " La différence et l'inconsolation ", Al Asas, N° 18, Rabat, Mars 1980,
pp. 22 23.
191
pères ".81
Chez Khatibi, elle n'achoppe pas sur un point fixe. Aucune issue
ambivalente et indéfinie.
81
- N. Khadda, op.cit., p. 111.
192
du livre.
La bi-langue est une contre vérité qui se vit dans la joie de la souffrance.
et le moi sont affectés par les enjeux de la bi-langue qui récuse toute
du cramponnement.
amour ambigu.
194
pour tout repenser dans les ambiguïtés des paradoxes. C'est cela la
Le récit est donc l'histoire d'un corps qui cherche une patrie dans le lieu
interlinguistique.
s'inscrit dans le corps pris dans les mailles de la passion des langues.
appréhension est malaisée par l'insaisissabilité de son " habitus " qui
langues : plus je vais au milieu, plus je m'en éloigne ". (p. 10)
corps comme lieu d'une histoire subjective, ne sort pas indemne de cet
élan vers la différence. Le récitant d'A.B. est aux prises avec l'ambiguïté
larvé. Ce flou des sentiments est une mise en jeu de la vie dans la mort.
Jouer sa vie dans un amour bilingue est un appel à la mort. Dans A.B.,
langue.
déjà cette phrase était dite par la langue même ". (p. 67)
bute contre la difficulté de pénétrer " l'habitus " de chaque langue. Une
de la langue.
développer une poétique des langues. Cette stratégie met en place une
199
rupture.
avec le visible. Dans cette optique le corps n'est plus une simple marque
jouissance.
s'aperçut que son sexe s'était raidi. Il ferma les yeux un instant,
L'écrivain érotise aussi bien les éléments du monde que la langue. Par
laisser une part de soi. Le travail dans la matérialité des mots est un défi
trouble du bilinguisme est dépassé par une ouverture sur la scène des
travaille à ressusciter l'absent. Ceci nous fait penser à Barthes qui parle
dans ce même ordre d'idées, d'un " mouvement de déport " qui brouille
L'oubli " actif " pour reprendre Nietzsche, permet de faire place à la
La survivance d'une langue entraîne non pas la mort de l'autre, mais son
Chaque fois que le récitant éprouve de la nostalgie pour son passé, cela
serait une alternative sûre. Ainsi, on peut dire que l'histoire des langues
Le récitant est habitée par une voix qui demande à se concrétiser. Dans
les mots se déchaînent dans une folie douce et poétique. Dans cette
aimance des lettres, c'est la vie et la mort du sujet qui sont mises en jeu.
création.
elle seule, une langue ignore ces joies ". (p. 36)
l'objet d'un travail volumineux. Plusieurs études ont déjà été consacrées
dans la même démarche. C'est une dynamique des langues qui redéfinit
de l'errance.
poétique.
206
207
CONCLUSION
" sémiotique concrète " permet une approche des topos en tant que
d'orienter les formulations spatiales qui nous renseignent à leur tour sur
les images, les éléments sensoriels, les dimensions, etc. Dans la M.T.,
fait ressortir une préférence qui consiste à briser l'espace historique pour
archaïque, est une manière de dire non au père et à Dieu pour restituer
C'est dire que les retrouvailles avec celle-ci, constituent une sorte de
est en effet une forme de révolte contre le pouvoir patriarcal. Elle a pour
peut le penser. Elle est aussi bien protectrice que castratrice. Ceci
joue ainsi de cette ambiguïté. Il est le support d'une pensée autre qui
ses paramètres.
dimension narrative des formes spatiales. Les lieux sont alors analysés
des lieux.
sens :
L'asile est dans cette optique une métaphore globale qui permet de
chez Khatibi, tend ainsi à saper les vérités admises par une poétique de
82
- A. Khatibi, " La différence ou l'inconsolation ", op.cit., p. 25.
215
des contrées. C'est dire que les formes littéraires sont finalement
dimension abstraite qui produit un effet " d'iconisation " propre aux textes
issue est toujours possible. Bref, elle est victime de la recherche d'un
TROISIEME PARTIE
LE RYTHME
221
INTRODUCTION
textes de Khatibi.
Par ailleurs, au fil de nos lectures, nous avons constaté la rareté des
Marc Gontard. Notre but sera de mettre l'accent sur les perspectives
hautement subjectif ?
paradoxale. D'un côté, il est une stratégie critique qui se déploie dans
les textes ?
223
l'histoire.
l'histoire.
discours ".83
83
- H.Meschonnic, Critique du rythme, op.cit., p.80.
228
du texte poétique est donc garantie par les restitutions des traces et de
primordiales.
84
- Ibid., p. 280.
229
nécessaire.
l'histoire ".86
par une stratégie pluraliste qui chemine vers une dialectique du sujet et
85
- H.Meschonnic, La rime et la vie, op.cit., p. 290.
230
déborde justement toute vérité. C'est dire que le sens et l'histoire sont
ce propos :
86
- Ibid., p. 317.
87
- M. Gontard, Violence du texte. Littérature marocaine de langue française, op.cit., 1981,
p. 25.
231
et à sa signifiance.
jouissance.
Sur le plan lexical, Gontard met en évidence les " lois d'engendrement
des mots " giratoire " et " vibratoire " constitue la structure matrice à
valorisés ".88
propre aux formalistes. Autrement dit, elle est réduite au signe. Aussi,
88
- Ibid., pp. 96-97.
233
" vibration/giratoire ",à des connotations purement érotiques : " vagin ",
89
- Ibid., p. 97.
234
caractérise par son aspect " incantatoire " qui simule les pratiques
rituelles mystiques.
selon Gontard à un chiffrage qui met le " quasi-rythme " dans le nombre
encore une fois, cette dualité propre au signe entre le pair et l'impair.
90
- Ibid., p. 101.
91
- Ibid., p. 110.
92
- Ibid., p. 111.
236
particulier.
socle les vibrations, voire ce que Meschonnic appelle " les bases
93
- H.Meschonnic, La rime et la vie, op.cit., p. 629.
238
239
inscrivant dans les signifiés ce que Gontard place dans les signifiants.
même quand il dit à propos de la parodie qui lui semble plus opérante
que la simulation :
94
- A.Memmes, Abdelkébir Khatibi, l'écriture de la dualité, op.cit.
240
mystique ".95
discours. Sans vouloir nous étendre sur ces deux approches, car tel
de Khatibi.
95
- A.Memmes, Signifiance et interculturalité (dans les textes romanesques de Khatibi,
Meddeb et Ben Jelloun). Essai d'approche poétique, op.cit., p. 142.
96
- M.Gontard, Violence du texte, op.cit., pp. 80-81.
241
fiction et de l'histoire.
L'état du sujet dans le langage reflète une crise à appréhender non pas
comme une fin négative mais comme promesse, comme élan vers
Khatibi est traversé par ce qu'il appelle " la dionysie du Maroc " que
sérieusement ".97
Le protocole poétique est un procès qui met en place des détours qui
97
- A.Khatibi, Préface à Violence du texte. La littérature marocaine de langue française,
op.cit., p.8.
243
a - L'usage de la parabole
Selon le Petit Robert, la parabole est " un récit allégorique
Sur un plan linguistique, nous constatons que les termes " allégorie ",
" cacher ", " détourner ", " obscure ", constituent les caractéristiques
majeures qui soulignent le flou de cette procédure. C'est dire que celle-
sein d'un même récit. En outre, les textes de Khatibi entretiennent des
Dans son analyse de la mise en ordre des idées chez Al'Hallaj, Louis
Allégorie qui renferme quelque vérité importante ". Les deux termes
générique, alors que la parabole est le propre des Livres Saints. Cette
Dans son article " Parabole, allégorie et métaphore ", Michel Le Guern
98
- L.Massignon, La passion de Hallaj, Paris, Gallimard, 1975, p. 98.
245
clarifie les différences entre les deux termes sur les plans sémantique,
Les outils de comparaison " comme ", et " semblable à " sont, selon lui,
vraie ".
idées, alors que la parabole vise l'indicible. Cette dernière introduit sur
d'état. C'est dire qu'elle repose sur " le procès " et non sur les termes
de la similarité.
99
- A.J.Greimas et J.Courtès, op.cit.
100
- M.Le Guern, " Paraboles, Allégorie et métaphore ", in : Parole - Figure - Parabole,
Presse Universitaire de Lyon, 1987, p.30.
246
sujet dans le discours. Dans ce sens, elle est mise en scène d'une
rythme est dans cette optique, non pas uniquement une question de
jouissance dans les mots, mais aussi une inscription du sujet, de ses
101
- H.Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, P.U.F., 1961.
247
rythmique de la parabole.
reproche Memmes qui a tenté d'élargir cette notion. Il dit dans ce sens :
102
- M.Gontard, op.cit., p. 105.
248
débattue pour qu'on n'y revienne encore une fois. Au contraire, il faut
103
- A.Memmes, Abdelkébir Khatibi, l'écriture de la dualité, op.cit., pp. 58-59.
249
soi. Elles sont, à notre sens, liées à une matrice globale qui est celle
Livre :
fait de l'écriture un " acte vain ", un " cri vain que l'on pousse
104
- B.Chikhi, Maghreb en textes. Ecriture, histoire, savoirs et symboliques, op.cit., p. 59.
251
L'une des allégories les plus explicites et qui est détournée de son sens
Le corps du sujet est scellé par cette dimension symbolique du nom qui
bilingue ".105
des détails d'une idée centrale qui est celle de la traversée du Livre.
105
- Ibid., p. 64.
254
l'histoire à venir qui est indissociable d'une matrice. Le monde est ainsi
Dès l'entrée du texte, nous constatons que celui-ci est partagé par
du monde profane.
Il est tout à fait intéressant de prendre cet extrait par sa fin. Il s'achève,
non pas sur une leçon morale, mais plutôt sur une sorte de conclusion
255
qui met l'accent sur le cheminement d'une pensée fragile entre ces
deux isotopies :
récit.
Le nom propre porte les stigmates d'un souffle, d'un ordre et d'une
se débat contre ces lois invisibles qui ont marqué à jamais son corps.
qui annexe l'être à une fondation. Elle est ainsi définitive dans la
livres, passe par un " récit à rebours " qui dénonce l'unicité de la morale
dit à ce propos :
106
- G.Hallback, " La parabole : le mythe déconstruit ", in : Parole - Figure - Parabole,
op.cit., p. 142.
259
prophétique ".107
Signalons tout d'abord que Khatibi met ici en scène une figure
107
- A.Khatibi, Penser le Maghreb, op.cit; p. 36.
260
autres figures non pas par leur statut, mais par la façon de détourner la
matrice. La vrai différence est alors d'un ordre " logico-sémantique ".
dit, il ne se situe plus sur un plan formel. Chez Khatibi, il est une
108
- M. Le Guern, op.cit., p. 31.
261
transformation.
Cependant, le sujet est surdéterminé par ce cri prénatal qui donne ces
sens qui s'appuie sur des figures déviantes telles la folie et l'ange 109.
109
- Concernant la dimension dissidente de la figure de l'ange, nous renvoyons le lecteur au
livre de Beïda Chikhi : Maghreb en textes, op.cit.
262
non point à l'envers - son récit était déjà bouleversé - mais par
de la poétique des contrées. Mieux encore, elle obéit à la loi d'une mort
signifie alors ce secret que l'auteur cultive dans tous ses récits ?
stratégie de Khatibi consiste, non pas à expliquer l'un par l'autre, mais
c - Le rythme funéraire
Jusqu'ici, nous avons montré que le rythme chez Khatibi
de Khatibi ?
264
cette question " des frontières théoriques " qu'il développe dans son
110
- H.Meschonnic, Critique du rythme, op.cit., p. 679.
265
sacrifice, circoncision, ... ) par rapport au " Livre perdu ". Notre
hypothèse consiste donc à dire que c'est justement cette " position
frontalière " qui introduit un détour dans l'écriture qui récuse toute
conscience ".111
Dans ce sens, le rythme chez Khatibi n'est pas dans le jeu dualiste de
mots.
111
- A.Khatibi, Penser le Maghreb, op.cit., p. 38.
267
entre ces " squelettes dansants " et l'essence du récit. Dès lors on se
- La parole et la mort
Dans le conte des Mille et Une Nuits, Schéhérazade a
propos :
la demeure de celui qui y laisse une part de son corps. Qu'est-ce que
c'est écrire, c'est, ce n'est pas cette pénétration des mots pour y
sécréter sa sève et son souffle ? C'est faire vibrer les mots ; leur
112
- B.Chikhi, " Quel au-delà pour la Sultane des Aubes ? ", in : Cahier d'études
maghrébines, les Mille et Une Nuits dans les imaginaires croisés, Cologne, 1994, p. 94.
269
de mourir.
Ecrire pour ne pas mourir. Tel est la devise du narrateur qui fait de la
principe de vie. C'est cette maîtrise qui lui donne la possibilité de libérer
ses fantasmes dans le langage. Le mot " Mot ", dit le narrateur, est
270
tellement proche du mot " Mort ", qu'il ne lui manque qu'une seule
lettre.
une place prépondérante qui lui procure tous les pouvoirs sur les mots
du récit.
Il en ressort que la seule réalité est celle des mots de désir. Ceux qui
serai mort au moins une fois dans les mots ". (p.93)
de mourir.
272
L'écriture salvatrice est celle qui traîne un corps fait de mots. Les
production du rythme.
" Raconte une belle histoire ou je te tue ", se transforme en une sorte
" Reste, reste au moins pour lire ce récit, car il est le tien,
La parole n'est plus celle qui sauve, mais plutôt celle qui conduit
laquelle la mort précède toute venue au monde. Elle est cet état
273
sujet énonciateur.
d'un parcours dans le temps. Elle est plutôt liée à ces causes
condamnent à sa destruction.
" Pour qu'un tel visage reflète ainsi toute une assemblée
toute contrainte.
poussant vers ses limites. Quant à la seconde, elle opère un retour qui
sexualité connaît le même sort. Elle prend des allures hallucinantes qui
homme sans loi ! Nous avons trop attendu, trop souffert, nous
revendiquée est régie par des lois archaïques dans une alliance
harmonieuse avec la mort. Le mot archaïque est à prendre ici, non pas
de l'inceste.
l'homme sur cette terre. Frère et soeur l'un dans l'autre, rêve
de Muthna devient ainsi une entité abstraite qui médiatise cette union-
voilà que vous avez détruit toute loi encore humaine, et que
rituel de la mort qui les conduit à la vie et qui serait une re-naissance.
d'A.B. Il dit :
force destructive qui situe la vie dans la matérialité du mot " Mort ".
113
- M.Cusin, " Parole et symptôme dans la parabole ", in : Parole - Figure - Parabole,
op.cit., p. 39.
281
celle d'un " livre-parlant ", d'un texte, qui se fait subjectivement entre les
mots. Elle n'est pas de l'ordre de ce qui est dit ; du dire. Mais du côté
démarche inverse. Il se manifeste dans une " contre-hystérie " qui met
cette différence entre l'oralité dans " l'hystérie du langage " et l'oralité
Tout est là, devant tes yeux. Les yeux ? Ah oui, je me vois
Le rythme, qui est une marque du sujet dans le langage, se met alors
retenait en ce mot " fin ", c'était son extrême brièveté - un coup
maternel qui en disait plus long : " fana ". Oui, subtilité si
le réel et l'imaginaire.
l'impossible.
114
- A.Khatibi, " Repères ", in : La mémoire tatouée, op.cit., pp. 206-207.
285
sémiotique.
115
- H.Meschonnic, Critique du rythme, op.cit., p. 683.
287
116
- B.Chikhi, Maghreb en textes. Ecriture, histoire, savoirs et symboliques, op.cit., p. 183.
288
etc. Dans la M.T., le sang est d'abord un signe qui marque le corps ; y
" Dis : Allah est grand. Dis : nous ferons des ablutions de
117
- Cf., J.Chevalier et A.Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Laffont et Jupiter,
1982.
289
récupèrent le mot " rouge " pour en exploiter toutes les vibrations
rythmiques.
océanique sous la clarté d'un ciel bleu, est un moment d'extase qui se
118
- Cf., les analyses de Hassan Wahbi, " L'enfant océanique ", in : Lectures dans la pensée
de Khatibi, op.cit. et de Fatima Ahnouch, " La métaphore aquatique dans l'écriture
d'Abdelkébir Khatibi ", in : Revue de la Faculté des Lettres d'Agadir, Dirassât, n° 6, 1992.
291
du mythe initial. La " figue " acquiert dans ce sens une dimension
D'autre part, il se fait entendre parce qu'il fait taire. Autrement dit, il
l'ombre.
293
Enfin, le vert revient régulièrement, aussi bien dans la M.T. que dans le
allégories, paraboles, etc. Dans le L.D.S., " l'enfant aux yeux verts ",
trace les contours d'une conscience créatrice qui parodie aussi bien les
venant.
manque. Le séjour dans les mots devient ainsi une aventure où les
restituer ce vertige propre aux tableaux de Paul Klée à qui il voue une
grande admiration.
peut advenir que sous l'égide d'un sujet qui organise son discours
sémantique.
question qui mérite d'être élucidée. Une telle analyse s'inscrit dans le
justement à ce propos :
conception. Il dit :
s'agit là d'une conception platonique reprise par la suite par les poètes
119
- H.Meschonnic, Critique du rythme, op.cit., p. 645.
300
d'Orphée ".120
assemblée.
120
- G.Rouget, La musique et la transe, op. cit., p.427.
301
Dans la citation ci-dessus, nous constatons que les adeptes sont dans
121
- Al-Ghazzâlî, Traité de la revivification des sciences de la religion, cité par Gilbert
Rouget, op.cit.
302
l'évolution de ce rituel.
implacablement à la mort.
" Ghazzâlî fait ainsi une opposition entre d'une part une "
agitation " ( idtirâb ) faire des mouvements " non mesurés ",
danse - qui sont ceux auxquels aboutit la transe quand elle est
dominée ".122
ordonné par le maître. Elle est parfaitement contrôlée. Ainsi, elle relève,
de Dieu. Il s'agit là d'un autre statut de la transe qui est propre au dhikr.
123
Selon C.G.Anawati et L.Gardet , il faut distinguer entre le dhikr
122
- G.Rouget, op.cit., p. 460.
123
- C.G.Anawati et L.Gardet, Mystique musulmane : aspects et tendances, explications et
techniques, Paris, Bibliothèque Philosophique, Vrin, 1976
305
danse.
" Nous avons mis nos bras les uns sur les autres. Nous
57)
Samâ' telle qu'elle est définie par Al-Ghazzâlî et non pas du dhikr
Il s'ensuit que le disciple se retranche dans le " dhikr solitaire " qui
introduit un choc dans le récit sans accéder à sa fin qui réside dans le
" fanâ' ". La transformation utopique est ainsi freinée par la soumission
à la loi charnelle.
expressive.
307
comprendre. Toi qui est parmi les Audients, chéris ton bonheur
d'être tissé par l'inouï. Et toi, mon amour musicien, garde tes
mains sur le luth et joue, joue pour moi seul jusqu'à l'étincelle
dit à ce propos :
et d'une isotopie profane. Les deux sont intégrées dans le même récit.
124
- A.Memmes, Abdelkébir Khatibi, l'écriture de la dualité, op.cit., p. 62.
309
d'A.B. :
125
- M.Gontard, Violence du texte, op.cit., p. 105.
310
recherche du " wajd " est une écoute et une intentionnalité du fidèle.
l'ineffable. Deux choses vont retenir ici notre attention. D'un côté,
musique et le rythme.
deux doctrines.
" Tant que l'Etre sera en extase, le Carnaval aura lieu, dit
inexorable - élan des âmes cheminant vers le ciel des Anges ".
(pp. 100-101)
ces pratiques archaïques à leur mise en fiction, ce qui se solde par une
de la différence.
ces adeptes n'est plus la même que la sobriété exigée dans la " transe
communielle " du Samâ'. Leur rituel relève donc plus de la " hadra "
que du " dhikr ". Dans le L.D.S., il s'agit de cette rencontre annuelle à
313
Saint fondateur.
126
- R.Brunel, Essai sur la Confrérie Religieuse des 'Aîssâouâ au Maroc, Paris, Paul
Geuthner, 1926.
314
que la musique exaspère son rythme, voici qu'elle bat dans les
déclenchées par la musique ont une structure qui repose sur ces
" rbbâni ". La cohabitation des deux dans le texte produit un effet
possession ".
secouant leur chevelure folle. là, d'un coup, une femme pousse
vêtements et bondit si haut qu'il devrait être cloué dans les airs,
religieux. Les danses populaires, malgré leur aspect païen, restent des
127
- G.Rouget, op.cit., p. 222.
317
pratique à l'autre. Pour Brunel, les fidèles ont un rôle très actif dans la
pratique du dhikr. L'entrée en transe est orientée par ceux-ci. Ils sont
donc " musiquants ". Dans la " danse extatique ", ils subissent l'effet de
la musique.
advenir que dans cette alliance de la musique et des mots. Ceci nous
fait penser à cette tradition arabe du " Ghînâ' " où la beauté de la voix,
indissociables. Les contes des Mille et Une Nuits, sont à notre avis, un
aux mots cet impact que réduits à eux seuls ils n'auraient
point ".128
forme, mais dans la circulation d'un souffle et d'un corps. Il s'ensuit que
propos :
128
- Ibid., p. 521.
129
- A.Khatibi, La blessure du nom propre, Paris, Denoël, 1986, p. 213.
319
avec le rythme sont définis par une conception de l'écriture qui dérive
tout sens univoque en ouvrant la scène sur le champ de ces " archi-
silence ".130
L'enjeu du rythme réside, selon lui, non pas uniquement dans les
130
- A.Khatibi, "Intersignes", in : Imaginaires de l'autre, Khatibi et la mémoire littéraire,
Paris, l'Harmattan, 1987, p. 124.
321
matière.
identificatoire.
souligne cette marque de la voix comme " énergie vitale ", comme
revenir sur ces faits de la culture orale chez Khatibi. Nous nous
b - L'organisation prosodique
L'écriture de Khatibi et le L.D.S. particulièrement, se
131
- P.Zumthor, " Pour une poétique de la voix ", in : Poétique, n°40, Paris, Seuil, Nov.
1979, p. 523.
132
- Voir à titre indicatif la thèse de M.Tahar Ben Meftah, Les origines, la fonction et le
fonctionnement du mythe dans le roman maghrébin de langue Française, Doctorat nouveau
régime, dirigée par C.Martin, Lyon, 1989.
323
propres aux poètes dans la tradition arabe orale pour en faire la loi du
mots repose sur une technicité excessive qui cherche à travers les
agencements et non plus dans les lettres qui le portent. Quant aux
Louis Massignon.
jalons ".133
la " numération ", le " dénombrement " et " l'ordre graduel ".
qu'investit Massignon dans son étude sur Hallâj. Nous les empruntons
c - L'aphorisme
Le protocole aphoristique fonctionne chez Khatibi dans le
133
- L.Massignon, La passion de Hallâj, op.cit., p. 357.
326
subjective. C' est dire que l'aphorisme est une pratique qui renforce et
" La folie n'est-elle pas une excroissance de la mort, et en quelque sorte sas
" L'âme n'a pas de lieu fixe, le coeur est un exil errant ". (p.17)
" L'aimé est toujours pour l'Amant passionné, une pensée inouïe, précédée
" La pensée du visage est tournée vers la beauté du visible ". (p.31)
" La beauté est un reflet du paradis, et le paradis une nostalgie de ton être
" Le caché n'est pas le contraire du manifeste ni la nuit du jour (...) le jour est
un état extrême, la nuit en est un autre dans l'itinérance de l'Amant ". (p.32)
327
" On peut dire de l'Androgyne qu'il est la dépouille d'un corps angélique,
avec les sujets. Ceci se solde par des combinaisons heureuses, mais
pensée. C'est dire que le principe de synergie qui crée un effet de choc
CONCLUSION
rhétorique qu'anthropologique.
dessine alors non pas comme une chapelle où s'érige une vérité, mais
des stratagèmes qui associent dans le même élan subjectif aussi bien
présence d'une instance réflexive dans l'écriture qui s'appuie sur des
pensée de la marge.
traité dans le cadre d'une structure parabolique qui ouvre le texte vers
acte vital et une lutte contre la mort. Le L.D.S., quant à lui, fait du
et de la mort.
vie et de l'écriture.
CONCLUSION GENERALE
337
textes.
Dans cette optique, elle est fondée sur un jeu de dissimulation qui noie
protocole poétique.
participation de ses récepteurs qui l'interprètent selon leur " habitus "
occidentale. Nous avons alors choisi d'accorder une place de choix aux
que l'oeuvre de Khatibi établit avec son champ d'émergence mais aussi
l'hybridation des genres s'est donc fait dans le cadre de ce rapport que
l'oeuvre établit d'une part, avec les formes et les thèmes en vigueur sur
cette dernière s'est appuyée sur les outils d'une sémiotique concrète
tels qu'ils sont élaborés par Denis Bertrand. Celui-ci réfute toute
exploiter la donnée " thymique " qui repose sur la mise en corrélation
341
l'absence des lieux référentiels est compensée par le recours aux "
l'évolution de toute une société s'ouvrant sur l'altérité. Dans A.B., cette
l'autre.
valeur sûre. C'est dire que le rythme se situe dans une antériorité par-
l'auteur mobilise les croisements des couleurs qui font de l'art une
dans le langage ?
La réponse est à chercher dans le corps même des textes qui sollicitent
BIBLIOGRAPHIE
1 - Littérature
2 - Essais
1 - Ouvrages
2 - Articles
1 - Ouvrages
2 - Articles et entretiens
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L'Harmattan, 1987
4 - Thèses de doctorat
Aboudi, El Bouazzaoui. Essais de lecture critique de la littérature
1993
tatouée " (Abdelkébir Khatibi) et " Moha le fou, Moha le sage "
Marseille 1, 1981
Chikhi, Beïda. Conflit des codes et position du sujet dans les nouveaux
dans " Le livre du sang ", Thèse de doctorat d'état, dirigée par
d'Abdelkébir Khatibi, " La mémoire tatouée ", " Le livre su sang ",
" Amour bilingue "), Thèse de doctorat, dirigée par Marc Gontard,
Marseille 1, 1980
1996
Paris 4, 1996
" Amour bilingue " et " Le livre du sang " d'Abdelkébir Khatibi,
INTRODUCTION ..............................................................................................................................24
INTRODUCTION ..............................................................................................................................81
T R O I S I E M E P A R T I E L E R Y T H M E .........................................................................220
INTRODUCTION ............................................................................................................................221
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................352