A Propos Des Contradictions

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A PROPOS DES CONTRADICTIONS ENTRE

LE DROIT POSITIF
ET LE PLAN DE LA « SUPRA-POSITIVITE »
PAULO AFONSO LINHARES

Sommaire :
I – Introduction
II – L’Application du Droit face aux questions des lacunes juridiques et aux
incorrections de la loi.
1)Autour du concept de « lacune juridique ».
2)Les Les contradictions du Droit incorrectement légiféré.
3)La « supra-positivité » comme fondement pour le remplissement des lacunes
juridiques et pour la correction du Droit incorrectement légiféré.
III - Bibliographie

I – INTRODUCTION

« Cessante ratione legis cessat lex ipsa ».


( Droit Canonique )

La prétention de penser le Droit dans son état de « pureté », c’est-à-


dire comme un Droit « pur », à l’abri des influences et des contributions d’ordre
historique, économique, sociologique, voire moral, le met sur l’étroit chemin de
la positivité. En outre, ce qui s’avère encore plus grave, cette même idée le
circonscrit à l’expression de la norme et le confond avec l’Etat, celui-ci n’étant
qu’une entité constituée de la superposition de normes juridiques servant à
commander la composition de conflits, tout en désignant ceux qui ont la tâche
de composer ces mêmes conflits. Dans une telle vision, l’Etat aurait le monopole
exclusif de « faire » le Droit, à partir de la mauvaise conception selon laquelle « si
le Droit n’est que ce à quoi tout le monde peut être contraint à accomplir, alors seul l’Etat peut
contraindre, parce que l’Etat est le seul à avoir le pouvoir de soumettre les individus à la
pratique de quelque chose ou aux effets de quelque chose ». C’est bien là ce que nous
lisons sous la plume du civiliste SAN TIAGO DANTAS1 qui est, certes, un des
plus grands représentants de la pensée juridique brésilienne. Cependant, rien
n’apparaît aussi faux et tellement erroné que ces propositions-là.
En effet, l’idée du Droit comme étant quelque chose d’étatique est, sans
aucun doute, issue de théories tout à fait vieillies – et sûrement fausses – qui
estiment comme appartenant à la nature de la norme juridique d’être impérative et
contraignante. Et cela a été plaidé par des auteurs qui étaient à la tête de la pensée
juridique en Occident tels que JHERING, GIORGIO DEL VECCHIO,
SANTI ROMANO et, plus récemment, par HANS KELSEN, le polémique
auteur de « Théorie Pure du Droit ». La première réaction à ces positions
réductrices vient de la plume du juriste germanique OTTO VON GIERKE
lorsque celui-ci fit sortir, en 1870/1871 le 1er tome (le 2ème étant sorti en 1873, le
3ème en 1881 et le 4ème bien plus tard, en 1913) de son « Das deutsche
Genossenschaftsrechct ». Prenant comme point de départ l’observation des
institutions politiques médiévales, cet auteur montre comment le Droit émanait
aussi bien de l’Etat que de l’Eglise, voire des corporations d’office, ces dernières
ayant une vie propre et pouvant élaborer leur propre Droit aucunement sorti du
Droit de l’Etat. Cela donne ainsi la dimension énorme du manque de logique
lorsqu’il est affirmé que l’Eglise et les corporations d’office seraient issues elles-
mêmes de l’Etat, autrement dit, qu’elles auraient leurs existences liées à celle de
l’Etat.

Force est de constater que la positivité, en tant qu’instance de la validité du


Droit, se situe sur un plan dont le fondement sort d’un autre plan, supérieur,
situé en dehors du monde physique, le plan de la « supra-positivité ». C’est dans
ce plan que se trouvent le Droit Naturel, l’idée du Droit, les principes suprêmes
de la Justice, du « Droit Juste » (plaidé par STAMMLER), de la conscience, de la
moralité, du bien commun, intuitif, supérieur, ou comme il nous plairait bien de
nommer.

L’existence ou l’inexistence de ce plan de la supra-positivité, situé en-


dessus du Droit Positif et servant de fondement à ce dernier, est une question
toujours actuelle et ouverte à la réflexion dans le champ de la pensée juridique.
C’est là où se tient notre propos, c’est-à-dire, dans la réflexion sur le Droit en
tant que fait ou phénomène culturel concernant des valeurs. Autrement dit, dans
les mots précis de RADBRUCH, réfléchir sur le Droit en tant que « l’ensemble des
données de l’expérience dont le « sens » est à situer dans la prétention de réaliser l’idée de Droit

1
SAN TIAGO DANTAS, Francisco Clementino de - "Programa de Direito Civil - Parte Geral", Rio
de Janeiro, 1979, Editora Rio, p. 40.
»2, notamment en ce qui concerne les contradictions présentes entre l’ordre
juridique et la suprapositivité.

Le Droit supra-positif, qu’il soit préexistant ou surgit dans la


contemporanéité, se trouve, par rapport au Droit Positif, dans une position
dominante, servant de modèle à celui-ci, pour fonctionner comme son
paramètre de mesure de la légitimité ou de l’illégitimité, de ce qu’il contient de
juste. Sans aucun doute, sur le plan de la supra-légalité se profilent la légitimité et
la justice en tant qu’instances de valeur, de sorte que, même si l’une ne peut pas
servir de présupposé à l’autre, la légitimité est la mesure de la justice, tellement
que, selon les mots de KARL FRIEDRICH3 « un ordre est légitime lorsqu’il est
reconnu comme juste ». C’est-à-dire qu’un ordre né de façon illégitime peut
survivre tant qu’il se maintient comme juste, alors que, même s’il est légitime, un
ordre peut se dénaturer lorsqu’il produit une norme injuste, d’après ce que nous
apprend ARNALDO VASCONCELLOS4. Toujours à propos de la relation
légitimité-justice mais sous un autre angle, il est possible d’admettre l’envers.
C’est-à-dire que le juste a pour présupposé le légitime, tel qu’il nous est proposé
par le chancelier germanique OTTO von BISMARCK dans sons discours du 1er
mars 1870: «Jamais un quelconque pouvoir humain qui ne se sente en soi-même légitime dans
son origine transcendante ne pourra avoir assez de force pour manœuvrer l’épée de la justice »5.
Remarquons, au passage, que de façon très judicieuse, le «Maréchal de Fer» situe
la légitimité dans le plan métaphysique lorsqu’il évoque son «origine
transcendante».

Cependant, nous ne ferions qu’un simple exercice rhétorique qui s’avérerait


complètement inutile si nous proposions à entamer une discussion sur la supra-
positivité du droit sans envisager ce travail dans une perspective qui mette en
relief l’importance de la confrontation entre les deux plans : le plan positif et le
plan supra-positif. D’un tel phénomène de confrontation résulte une série de
contradictions, celles-ci très pertinemment appelées par KARL ENGISH «

2
RADBRUCH, Gustav - "Filosofia do Direito" - trad. do Prof. L. Cabral de Moncada, 60 edição,
Coimbra, 1979, Arménio Amado - Editor, Sucessor, p. 45.

3
apud VASCONCELOS, Arnaldo - "TEORIA GERAL DO Direito - Teoria da Norma Jurídica" - 30
edição, 1993, São Paulo, Malheiros Editores, p. 258.

4
op. cit., p. 258.

5
apud RADBRUCH, Gustav - op. cit., p. 325.
transcendantes »6. De ce fait, nous affirmons encore, c’est justement sur ces «
transcendances » que porte l’intérêt de notre étude.

II- L’APPLICATION DU DROIT FACE AUX QUESTIONS DES


LACUNES JURIDIQUES ET DES INCORRECTIONS DE LA LOI

D’ordinaire, les opérateurs du Droit, que ce soit dans le champ


administratif ou notamment dans le judiciaire, sont légalement autorisés à
l’exercice,- étant donné que celui-ci est limité, - de fonction typiquement
législative, surtout lorsque leurs actions impliquent la prononciation de
jugements axiologiques ou décident d’après le pouvoir discrétionnaire. Il est vrai
que, du côté de l’application du Droit Positif par le Judiciaire, il est tout à fait
acceptable um quantum de discrétion, lorsque la loi concède l’autorité de choix
parmi plusieurs sortes de conduite. Selon ce que nous enseigne RUDOLF
LAUN, nous sommes devant le discrétionnaire «lorsque nous pouvons admettre que,
selon la volonté de la loi, deux possibilités antagoniques sont également conformes au droit, et
donc l’autorité peut choisir A ou non-A, sans agir contrairement au droit dans n’importe
laquelle des deux alternatives… »7. Lorsque, par exemple, la Loi Pénale attribue à
celui qui juge la faculté de faire la gradation des peines privatives de liberté ou
restrictives de droits, elle reconnaît chez ce même juge le pouvoir de discrétion,
d’ailleurs de façon très proche du mode dont se présente le caractère
discrétionnaire dont est marquée l’Administration Publique.

La prononciation de jugements de valeurs et de décisions de volonté par


celui qui applique le Droit, nous avons vu ci-dessus, découle exclusivement de
l’autorisation implicite ou explicite de la loi. Toutefois, deux phénomènes
d’imperfection du Droit ont une grande répercussion et , en règle générale,
contraignent ceux qui appliquent le Droit à chercher des solutions dans un plan
qui est situé au-delà de la positivité : a) les lacunes juridiques ; b) les
incorrections de la loi. Dans les deux cas, celui qui applique le Droit ne
rencontre pas d’instruments adéquats pour résoudre ces questions dans le
domaine du jus positum. Et cela parce que déjà la constatation même du fait qu’il
y a effectivement une lacune, ou encore que la loi a une déficience, implique la
prononciation de jugements de valeur. En outre, et surtout, cette même
constatation implique l’acceptation de l’idée selon laquelle l’application du Droit

6
ENGISH, Karl - "Introdução ao Pensamento Jurídico", 6º edição, Lisboa, 1988, Fundação
Calouste Gulbenkian, p. 327.

7
apud ENGISH, K., op. cit., p. 216/217.
doit, dans ces cas-là, être renvoyée vers d’autres voies de pensée, étrangères à
celles du Droit légiféré.

Lorsqu’il y a une lacune juridique, il appartient au juge d’agir pour la


remplir, supplendi causa; lorsqu’une incorrection de la loi se présente, celui qui
juge agit dans le sens de la corriger, corrigendi causa. En effet, une zone d’ombre
semble séparer la suppression des lacunes juridiques et la correction de la loi,
zone qui serait délimitée exactement par l’agir de celui qui applique le Droit,
aussi bien dans un cas que dans l’autre. Cependant, il est extrêmement
important de préciser, tout d’abord, en quoi consistent ces deux phénomènes
tellement importants pour l'expérience du Droit, à commencer par le concept
de lacune juridique.

1) AUTOUR DU CONCEPT DE « LACUNE JURIDIQUE ».

Les doctrines normatives du Droit, notamment celles surgies après l’Ecole


de l’Exégèse8, n’admettent jamais que le Droit Positif puisse avoir des lacunes –
sauf en apparence – dans la mesure où tout fait social serait forcément sous
l’égide de l’ordre juridique positif. Ainsi, la question serait réduite à un travail
d’interprétation de la norme, en quête d’un Droit qu’y serait, de façon implicite
ou explicite, de sorte qu’il serait possible de résoudre tous les problèmes
juridiques.

Le refus de l’idée que le Droit Positif comporte effectivement des lacunes,


pourtant, est une énorme erreur. Evidemment que, pour garantir les caractère
rassurant des relations juridiques, ainsi que de l’application du Droit, des
véritables dogmes ont été érigés, tels que les notions selon lesquelles «personne ne

8
L'Ecole de l'Exegèse a eu son origine en France, dans la première moitié du XIXème. siècle. Sa
doctrine a eu une forte influence sur la formation des juristes des pays ayant le système de Droit
Continental( Europe occidentale, sauf l'Angleterre, et l'Amérique Latine). De nos jours, encore
que moins répandue, cette influence est toujours présente. Les principes fondamentaux de cette
Ecole sont illustrés dans deux remarquables ouvrages de Droit Civil: Le ''Cours de Droit Civil
Français d'après la Méthode de Zachariae'' de AUBRY et RAU, et le ''Traité Théorique et Pratique
de Droit Civil'' de BAUDRY-LACANTINERIE. Selon sa thèse fondamentale, ''…le Droit par
excellence est celui que montrent les ''lois'', qui sont de normes générales écrites,
émanées de l'Etat, constitutives d'un droit et instauratrices de facultés et obligations, le
droit étant un ''système de concepts'' bien articulé et cohérent et ne présentant de
lacunes qu'apparentes'', selon la synthèse qu'en fait REALE, M., in "Filosofia do Direito", 150
ed., São Paulo, Saraiva, 1993, p. 416.
s’épargne d’accomplir la loi sous prétexte de ne pas la connaître» (art. 3ème, Loi
d’Introduction du Code Civil Brésilien), ou que « Le juge ne peut pas se dérober de la
prononciation de la sentence ou de l’accomplissement de ses tâches sous prétexte que la loi
présente une lacune ou de l’obscurité. Dans le jugement du litige il lui appartient d’appliquer
les normes légales ; en cas d’absence de ces dernières, il doit avoir recours à l’analogie, aux
coutumes et aux principes généraux du droit »(art. 126, Code de Procès Civil Brésilien).

D’ailleurs, c’est appuyé sur de préceptes comme ceux de l’article 126 du


Code de Procès Civil qu’a été bâtie, de façon géniale, la formidable et si raffinée
« théorie de la plénitude de l’ordonnancement juridique » qui, en réalité, n’est
rien de plus qu’un dogme. Effectivement, l’ordonnancement juridique ne touche
pas tous les faits sociaux. Autrement dit, les normes dont est composé
l’ordonnancement juridique n’arrivent pas à prévoir tous les faits de la vie
sociale. Il est évident que, en règle générale, celui qui applique le Droit doit
chercher ce qu’un auteur comme CARLOS MAXIMILIANO définit comme
Occasio legis : l’ensemble de circonstances spécifiques concernant l’objet de la
norme et dont seraient constitués les motivations venant de l’extérieur pour
l’élaboration du texte. Un tel ensemble serait constitué de causes médiates ou
immédiates telles que :

-de la raison politique et juridique ;


-des fondements des dispositifs ;
-des nécessités ayant mené à la promulgation ;
-des faits contemporains à l’élaboration : le moment historique, l’ambiance
sociale, les conditions culturelles et psychologiques sous lesquelles surgit la
loi et qui ont directement contribué à la promulgation de cette dernière ;
-l’ensemble des motifs occasionnels ayant servi de justification ou de
prétexte pour régler l’hypothèse ;
-enfin, le mal dont il s’agirait de faire disparaître, ainsi que le mode à travers
lequel il a été envisagé de le réparer, autrement dit, les relations que de fait
le législateur a voulu organiser juridiquement9.

Il est de grande importance l’identification de l’occasio legis, puisque, dans


certaines circonstances il est possible de remplir les apparentes lacunes qui
surgissent en raison de la simple interprétation des lois, à partir de l’usage de
l’analogie ou d’autres opérations de pensée du même genre qui se fondent sur la
loi. Cela, sans aucun doute, se borne à l’instance de la positivité.

9
MAXIMILIANO, Carlos - "Hermenêutica e Aplicação do Direito", 90 ed./30 tiragem, Rio de
Janeiro, Forense, 1984, pp.148/149.
Cependant, dans certaines situations concrètes, lorsqu’il manque des
prévisions légales ou qu’il y a une absence de normes coutumières, celui qui
applique le Droit doit « transcender », dépasser les (étroites) barrières, le jus
positum et chercher à remplir la lacune avec des éléments qui se situent au-delà du
Droit Positif, praeter legem. Dans d’autres mots, si le Droit Positif10 présente une
lacune, celle-ci peut être remplie avec la réception de modèles du Droit supra-
positif. D’ailleurs, à ce propos, une remarque mérite d’être faite. C’est que, en
effet, ceux qui repoussent complètement l’existence d’un Droit supra-positif,
plus précisément celle du Droit Naturel, proposent toujours l’argument simpliste
selon lequel personne ne plaide, devant un juge, s’appuyant sur un tel Droit. En
fait, rien de plus primaire que cela, une fois que c’est dans le plan de la supra-
positivité qui se situent les modèles servant à l’élaboration des lois, c’est-à-dire,
les modèles dont s’inspire le législateur. De plus, ces modèles-là servent à
remplir les lacunes existantes dans les lois ou dans le Droit Positif dans son
ensemble, ou encore à la correction du Droit incorrectement légiféré. Si, comme
nous l’avons vu, dans le premier cas l’opération est faite par le législateur, dans
ces deux derniers, c’est au juge qu’il appartient de la faire, ainsi que, dans une
certaine mesure, aux agents de l’Administration Publique, même si, pour la
réflexion qui nous occupe, c’est l’action du juge qui intéresse particulièrement.

Pour une conceptualisation de « lacune juridique » il va falloir tout d’abord


que nous établissions, effectivement, qu’est-ce qu’une « lacune ». Du point de
vue générique, « lacune » évoque un manque, une absence ou encore une
omission. Ce terme porte également l’idée de vide, d’incomplétude. « Une lacune
est une incomplétude insatisfaisante au sein d’un tout », affirme ENGISH, pour achever
en ajoutant : « appliquée au Droit, le concept de lacune signifie qu’il s’agit d’une
incomplétude insatisfaisante au sein d’un tout juridique »11. Dans un autre passage, le
même auteur définit les lacunes comme étant « …des insuffisances du Droit Positif (
du Droit Légiféré ou du Droit Coutumier), qui apparaissent comme des fautes ou de failles de
contenu de réglementation juridique pour des situations déterminées de faits dans lesquelles l’on

10
A la rigueur, les lacunes juridiques sont de deux types: celles de la loi et celles de
ordonnancement juridique. Dans ce raisonement, par exemple, il est possible que malgré le
caractère lacunaire de la loi, dans certains cas, le Droit coutumier peut supprimer le défaut. Il
est de cas, néanmoins, où ni la loi, ni les coutumes, ni la jurisprudence évitent l'existence de
lacunes. C'est ici que nous pouvons répérer de façon plus judicieuse une lacune portant sur le
Droit Positif.

11
ENGISH, Karl - op. cit., p. 276
s’attendrait une telle réglementation. Ces failles-là postulent et admettent leur propre
suppression à travers une décision judiciaire à caractère juridico-intégrateur. »

Il nous est tout à fait impossible de donner suite à notre discussion sans
laisser clair que la lacune juridique peut être légale, ou bien elle peut porter sur le
Droit Positif. Autrement dit, une lacune sera tout simplement légale lorsqu’il ne
sera pas possible de tirer de la loi, à travers l’interprétation de celle-ci, la solution
à la question qui se présente. D’autre part, nous serons devant une lacune du
Droit Positif lorsqu’il ne sera pas possible de trouver, ni dans la loi ni dans les
coutumes, la réponse à une certaine question concrètement posée. Il faut ajouter
qu’il est des cas où ; même si la loi présente une lacune, la solution peut
parfaitement être à trouver dans les coutumes. Ainsi étant, il reste évident que la
lacune est seulement du côté de la loi et non pas dans le Droit Positif. Celui-ci,
nous venons de dire, ne présentera une lacune que lorsque la solution ne sera
trouvée ni dans la loi ; ni dans les coutumes.

Lorsque la lacune se présente du côté du Droit Positif, le juriste doit


abandonner le plan de la validité pour aller vers le plan de la valeur, à la recherche de
la solution dans l’ensemble de préceptes et d’idées dont est composé le Droit
supra-positif, puisque l’apanage de ce dernier est de servir de modèle, non
seulement à l’élaboration du Droit Positif, mais aussi au remplacement des
lacunes (ou, encore, à la correction du Droit incorrectement légiféré, comme
nous allons voir plus loin).

La question de l’existence ou de l’inexistence de lacunes juridiques est liée,


de façon étroite, à une autre, de plus grande ampleur, portant sur une supposée
plénitude de l’ordonnancement juridique. En outre, ces lacunes-là ne peuvent
être admises qu’à partir d’une notion d’incomplétude dans l’ensemble du Droit,
incomplétude qui serait à situer dans les lacunes elles-mêmes. D’ailleurs, un
argument très souvent utilisé pour nier l’existence des lacunes – et, par
conséquent, pour affirmer la plénitude de l’ordonnancement juridique – est celui
selon lequel le législateur, lorsqu’il interdit expressément la dénégation de justice,
tel que nous pouvons constater, par exemple, dans les termes de l’article 4 ème de
la Loi d’Introduction au Code Civil Brésilien (Décret-Loi n 4.657, du 4
septembre 1942), ainsi que dans l’article 126 du CPC, circonscrirait la résolution
des questions juridiques exclusivement à la sphère du Droit Positif. Sans aucun
doute, l’idée d’un ordonnancement juridique fermé, ou complet, même si elle est
assez hardie et surtout nécessaire à l’existence de l’ordre juridique , n’est qu’un
dogme. Il est impossible de considérer comme valable une idée de complétude
de l’ordonnancement juridique, pour les mêmes raisons qui empêchent
d’admettre une vision du Droit comme étant quelque chose de pur : « De l’homme
impur il est impossible qu’autre chose qu’un Droit impur découle. Reprenant les mots de
Rousseau, nous pouvons dire que seul un peuple de dieux, s’il existait, serait capable d’élaborer
un Droit pur, tel que le prétendent, parmi beaucoup , Karl Binding, Edmond Picard, Hans
Kelsen, Felix Kaufmann et Fritz Schreier », selon les mots d’ARNALDO
VASCONCELLOS12. Pour être « complet », l’ordonnancement juridique devrait
prévoir toutes les conduites valables existantes, ainsi que celles à venir, ce qui est
impossible. En outre, puisque le Droit est « la proportion réelle et personnelle de
l’homme pour l’homme, laquelle proportion, tant qu’elle est maintenue pour ceux-là, maintient
la société, et lorsqu’elle est corrompue, elle corrompt la société », d’après les mots de
DANTE ALIGHIERI13, il ne rejoint jamais une notion de l’absolu. Et des
termes comme « pureté », « complétude » ou « plénitude » renvoient toujours à
l’idée d’absolu.

Sans aucun doute, dans l’activité juridictionnelle, l’intégration du Droit est


de grande importance. La suppression des failles de contenu dans la prévision
légale pour certaines circonstances, est réalisé par le juge à travers des décisions
juridiques d’intégration. Pour l’intégration des lacunes juridiques, la nécessité et
la justification de celle-ci doivent être prises en compte, par le juge, en tant
qu’éléments servant à orienter son action. Lorsque, avec la simple utilisation de
méthodes interprétatives de la loi, le juge résout une question juridique, il n’est
pas possible de penser qu’il s’agirait là d’une lacune. De même, il n’est pas
question de lacune lorsque le législateur, en formulant des conceptualisations
normatives de caractère indéterminé ou bien en établissant, explicitement, des
dispositions génériques ou donnant lieu à l’action de caractère discrétionnaire,
laisse au juge une place pour le choix et la variation .

Le remplacement, par le juge, de la lacune juridique, porte concrètement


sur le Droit en vigueur, «de lege lata», jamais sur un Droit à venir, parce qu’élaboré
et plus perfectionné, «de lege ferenda». A ce propos, justement, nous pouvons
penser à la question de la réglementation de certaines lois, comme par exemple
l’actuelle Constitution Fédérale de 1988 dont, après une décennie, plusieurs
dispositifs n’ont toujours pas été réglementés. Dans un tel cas, s’agirait-il de
lacunes juridiques ? Non. Non pas dans le sens que nous leur donnons ci-dessus.
Tout au plus, nous pourrions y reconnaître l’existence de « lacunes politico-
juridiques » qui, néanmoins, ne peuvent pas être remplies par le juge.

12
op. cit., p. 25.

13
apud VASCONCELOS, Arnaldo - op. cit., p. 24/25.
Au Brésil, sous l’égide de la Constitution de 1988, la suppression de lacunes
politico-juridiques de ce genre est faite à travers le « mandat d’injonction » (art.
5, incise LXXI,CF). Le défaut de norme régulatrice, qui rend inviable l’exercice
des droits et des garanties présentes dans la Constitution, n’est pas une lacune
juridique, dans le sens le plus propre du terme. C’est une lacune impropre, de lege
ferenda, dont la suppression ne pourra être faite que par le législateur ou, devant
l’inertie de celui-ci, à travers le mandat d’injonction.

Un autre phénomène dont l’examen ne manque pas d’intérêt, est celui des
changements de valeurs, dans la société, qui font surgir des lacunes juridiques
qui auparavant n’étaient même pas perçues. Or, en raison de phénomènes
économiques, sociaux ou de développement scientifico-technologique, des
nouvelles questions juridiques viennent à jour, et auxquelles le Droit Positif ne
propose aucune solution, se montrant ainsi lacunaire. Dans ce cas-là,
évidemment, nous n’allons pas chercher à connaître les motivations du
législateur historique, en elles-mêmes généralement insuffisantes, pour expliquer
les lacunes qui en découlent. Prenons, par exemple ; l’article 374, du CPC, selon
lequel « le télégramme, le radiogramme ou n’importe quel autre moyen de transmission, a la
même force probante du document particulier, si l’original dont dispose l’émetteur fut signé par
l’expéditeur ». Lors de l’entrée en vigueur du Code de Procès Civil, le 11 janvier
1974, il n’existait pas encore le recours du « fac-similé ». Vingt ans après,
l’utilisation des appareils « fax » devient populaire et est une technologie à la
portée de beaucoup, tellement que de nos jours, dans les communications, c’est
une réalité incontournable, y compris dans les procédures judiciaires.

Même si le texte de l’article 374 fait référence à «n’importe quel autre moyen de
transmission », nous savons que le « fax » n’y est pas inclus, une fois que celui-ci
présuppose l’existence d’un poste émetteur extérieur à l’expéditeur. D’ailleurs, le
Droit Positif brésilien ne propose aucune réglementation à ce sujet. Dans son
article récemment paru, sous le titre « Le « Fax » et le Pouvoir Judiciaire »,
ANTONIO VIANNEY CAMPOS, Procureur du Trésor Public, montre la
perplexité du Pouvoir Judiciaire Brésilien devant cette importante innovation
technologique, surtout parce que « …la rapidité, la commodité et l’économie du Fax,
favorisent Sa diffusion parmi tous ceux qui ont besoin d’expédier et de recevoir des messages
écrits. Dans les procédures judiciaires, son utilité est indéniable. La transmission instantanée
de décisions judiciaires et autres documents dans plusieurs tribunaux, facilitent de façon
extraordinaire la vie des professionnels du droit. Surtout si nous prenons en compte les
dimensions continentales de notre Pays, ainsi que la croissante carence de temps, l’apanage des
civilisations de nos jours »14. Il est certain que, à défaut de réglementation de
l’utilisation du fac-similé, le Tribunal Supérieur de Justice a décidé que « malgré
l’excellence du « fax-message », les actes concernant les procès-verbaux ainsi instrumentés, y
inclus les recours, ne sont pas dispensés de l’exigence de l’authentification de l’original
radiographiquement émis »15. Toutefois, le même Tribunal, plus tard, change d’avis
lorsqu’il édite la Résolution n 43/9116 à travers laquelle l’usage du fac-similé est
radicalement supprimé des routines des procédures judiciaires, en réponse à tout
ce qu’il entend comme étant «des nécessités de sécurité dans les procès », tout en
déterminant que « ….des pétitions et des recours ne seront pas admis dans le Tribunal
Supérieur de Justice lorsque leur moyen d’emission est le fac-similé ». A son tour, le
Suprême Tribunal Fédéral, la plus haute Cour brésilienne, est d’un autre avis
lorsque, dans plusieurs décisions de sa 2ème Chambre 5DJU-I, du 20.08.93,
signale des incongruités dans la Résolution n 43/91-STJ.

Inutile de discuter ici, dans son essence, la question de l’utilisation, dans les
procédures judiciaires, du fac-similé. Notre intérêt ici est de souligner,
premièrement, l’existence certaine d’une lacune de lege lata à propos de la
Résolution ci-dessus citée. Deuxièmement, aussi bien dans le parti pris du
Tribunal Supérieur de Justice que dans celui du Suprême Tribunal Fédéral, nous
pouvons constater une attitude de la suppression de la lacune présente dans le
Code de Procès Civil, portant sur l’utilisation de la technologie du fac-similé. En
outre, nous mettons ici l’accent sur le fait que, dans les deux cas, les solutions
s’appuyant sur une mise en valeur des impacts négatifs et positifs du « fax-
message » dans les procédures judiciaires modernes. La suppression de lacune
par le Supérieur Tribunal de Justice, appuyée sur la Résolution n 43/91, eut
lieu en raison de l’appel au principe supra-légal des « nécessités de sécurité dans
les procès ». Il est évident que, dans l’avenir, le Législatif aura à réglementer
l’utilisation du fac-similé dans les routines des procédures judiciaires, en réponse
définitive, et par d’autres moyens, à la question lacunaire.

Sans aucun doute, la suppression de lacunes appuyée sur des principes


généraux, voire en accord avec le Droit Naturel, présuppose l’existence de
principes juridiques de validité absolue et générale ou, du moins, la prise en

14
in Revista Trimestral de Jurisprudência dos Estados, vol. 121, fevereiro/1994.

15
in DJU-I, de 7-5-90, p. 3.836.

16
Publié dans le ''Diário da Justiça da União'' (DJU), de 24-10-91, p. 14.958.
compte du « juste moyen pour la juste fin », ce qui, inexorablement, renvoie à
des certaines données historiques. Ayant comme recours, pour remplir des
lacunes juridiques, la mise en valeur de situations historiquement données, le
juge agit, du point de vue axiologique, objectivement. D’autre part, il est utile de
rappeler, sur ce point, qu’une telle opération rencontre un obstacle à l’égard de la
frontière, pas toujours claire, entre la révélation du Droit secundum legem et la
révélation du Droit praeter legem. La difficulté de distinction de ces limites-là
constitue un énorme et complexe problème, lequel nous ne pouvons que
signaler ici, étant donné que le but de notre analyse est tout à fait autre.

Comme nous avons vu, la complétude de l’ordonnancement juridique n’est


qu’un dogme dont l’existence est due uniquement à la nécessité logique et téorico-
juridique de le conserver. Par conséquent, l’occurrence de lacunes juridiques est
indéniable. Et une fois que des lacunes dans l’ordre juridique se vérifient, il est
impossible de ne pas penser que le juge puisse les remplir ayant recours à la
suprapositivité, c’est-à-dire aux idées qui demeurent sur le plan axiologique et
qui sont, par excellence, les modèles pour l’élaboration et le perfectionnement
du Droit Positif.

2) LES CONTRADICTIONS DU DROIT


INCORRECTEMENT LEGIFERE

Les défauts du Droit incorrectement légiféré témoignent des discordances


ou des contrastes de deux ordres : a) des discordances ou des contrastes dont
l’occurrence a lieu strictement du côté du Droit Positif ; b) des discordances ou
des contrastes mettant en opposition les deux plans du Droit : celui de la
validité, c’est-à-dire du Droit Positif et de la valeur qui porte, donc, sur la
suprapositivité, le Droit Naturel ; le Droit Juste ou comme nous choisissions de
le nommer. Malgré son importance, nous ne traitons ici que de façon
secondaire le premier type de conflit, vu que notre intérêt est d’en discuter le
deuxième. Sans aucun doute, pour reprendre les termes de notre introduction, le
critère idéal du Droit positif, son modèle, se situe sur le pan de la supra-
positivité, malgré le fait que celui-ci ne se manifeste pas forcément dans la réalité
des phénomènes et ne soit pas, non plus, consacré par les faits sociaux.

Il est évident qu’un corollaire de principes qui se trouvent déjà


prédéterminés et implicites dans la nature humaine elle-même, se trouve de
plus en plus consacré dans les droits positifs de plusieurs peuples17, dont nous
pouvons citer ici quelques exemples : n’importe quel être humain,
indépendamment de sexe, race ou religion, tout simplement du fait qu’il est,
est un sujet de droit;-le caractère inaliénable du droit à la liberté et à la qualité
de sujet de droit ; l’idée selon laquelle à l’usage de la force il est légitime
d’opposer la force et toute agression doit être repoussée à travers des moyens
nécessaires ; vivre dans un Etat de Droit implique accepter un système de liberté
partagée; la limitation des droits de l’individu, par l’Etat, n’est possible qu’à travers des lois dont tous les
citoyens auront participé, de façon réelle ou virtuelle, de l’élaboration.

Les instituts du Droit Positif qui divergent de ces principes situés dans
une dimension axiologique, implicites et prédétermines dans la nature humaine,
ne sont pas forcément exclus ni ont leur validité pour autant niée. Cependant, ils
doivent rester subordonnés strictement au système. Certaines techniques,
comme celle du principe de l’adéquation maximale, réussissent à alléger ce genre de
divergences, permettant une plus grande appréhension de la réalité, malgré leur
extrapolation des limites des normes fixées, ainsi que leur manque de certains
requis tout à fait nécessaires à la production d’effets juridiques positifs.

D’autre part, lorsque la divergence résulte du défaut du Droit


incorrectement légiféré, la mise en place du principe de l’unité de
l’ordonnancement juridique est inévitable. Ce principe est jumeau du principe de
la complétude de l’ordonnancement, dont nous avons déjà parlé, et son postulat
se résume à l’impossibilité de la coexistence de normes contraires dans l’ordre
juridique. Si par erreur ou incorrection, au moins deux normes se heurtent, la
suppression des contradictions doit être faite immédiatement et sans délai.
Certes, lorsqu’un ensemble de normes est mis en vigueur de façon simultanée, la
cohérence entre ces normes-là s’avère beaucoup plus facile d’être maintenue, et
il se peut que toutes les contradictions restent ainsi supprimées. Néanmoins,
trop souvent le législateur, lorsqu’il dresse une norme, ne se soucie pas de
l’existence d’éventuels points de désaccord entre cette norme-là et d’autres déjà
en vigueur, d’où l’inévitable surgissement de contradictions. Il s’agit de la même
chose lorsque, dans les brusques changements de régimes politiques, il reste une
série de divergences entre des normes dictées par le nouvel ordre et celles issues
de l’ancien régime. Cela engendre une difficulté à trouver la solution, une fois qu’il
n’est pas possible de définir quelle serait la bonne norme à appliquer, et que la
solution du problème implique toujours l’assomption d’une position idéologique
en faveur de l’une ou de l’autre.

17
Crf. DEL VECCHIO, Giorgio - "Lições de Filosofia do Direito", trad. de António José Brandão,
Coimbra, 50 ed., Arménio Amado - Editor, Sucessor, pp. 575/589.
Les contradictions, qui n’ont de cesse d’émerger dans un ordre juridique,
peuvent être classées de plusieurs façons. En effet, il nous semble que la
classification qu’en propose KARL ENGISH18 témoigne d’un excellent critère.
L’auteur divise ainsi les contradictions : a) de technique législative ; b)
normatives ; c) de valeur ; d) téléologiques et e) de principes.

a) Contradictions de technique législative. Selon ENGISH, celles-ci


portent sur une absence d’uniformité terminologique dans la formulation des
lois. Cela se passe à partir du moment où sont adoptés plusieurs sortes de
concepts pour un seul institut juridique et qu’il en résulte le surgissement
d’inévitables contradictions. A cet exemple, nous pouvons évoquer ici le mot «
culpa » dont la signification est tout à fait différente dans les normes du Droit
Civil et du Droit Pénal. Nous pouvons dire la même chose des mots «
negligence», « erreur » et « exception », pour ne citer que quelques uns parmi des
nombreux existant. Notons également, par exemple, que dans le Code de Procès
Civil, actuellement en vigueur, nous pouvons lire, dans son article 403
l’expression « remissao » de dette (terme également présent dans le Code Civil
Brésilien, Chap. XII, Titre II, Livre III) , alors que dans son article 787
paragraphe unique, nous pouvons lire « remiçao » de biens. Certes, ces termes
n’ont pas la même signification et viennent de deux différents verbes
(remitir=remissao ; remir=remiçao). Quand même, dans la langue parlée, ils ont tout
à fait la même prononciation. Dans la langue écrite, seul le « ss » et le « ç » les
distinguent. Dans ce sens, notre grand écrivain GUIMARAES ROSA avait bien
raison d’illustrer les difficultés que nous avons dans l’usage de notre langue
portugaise, la « fleur du « latium » , belle et inculte », en affirmant que "pão ou pães
é questão de opiniães...”.19

En réalité, il est très important que nous prenions en compte le fait que les
concepts juridiques subissent des limitations de caractère historique et culturel,
raison pour laquelle une relativité leur est imposée, car l’ordre juridique « exige
une variation qui individualise les concepts, envisageant leur adaptation au sens particulier de

18
op. cit., pp. 311/325.

19
Bref, vous le savez, chacun approuve ce qu’il veut: ail aux aulx, ça se vaut…. Le sertao est de
par le monde. In Diadorin, Traduit du brésilien par Maryvonne Lapoue-Pettorelli, éditions Albin
Michel, 1991, Paris, p. 24.
la détermination concrète du Droit », selon les mots précis de GRÜNHUT20. Sans
doute, le contexte normatif et téléologique dans lequel le Droit est produit
détermine le concept et la portée de ses concepts. C’est pourquoi il est
absolument impossible de dissocier le langage juridique de l’idée d’une relativité
substantielle, même si cela ne suffit pas pour imposer des mutations à l’essence
du Droit posé, ce qui rend ce genre de contradiction moins grave , voire même
inoffensif.

b) Des contradictions normatives. Ce genre de contradiction – qui


parfois, il faut le dire, n'est qu’apparente – offre un degré beaucoup plus
grand de complexité, consistant dans « l’apparition d’une conduite « in
abstracto » ou « in concreto », à la fois comme prescrite et non-prescrite ,
interdite et non-interdite, ou même prescrite et interdite »21. En règle
générale, ces contradictions sont éliminées à partir de l’utilisation de règles
consacrées dans l’expérience juridique et qui prennent en considération la
spécialité (la norme spéciale précéde la norme générale – « lex specialis derrogat
legi generali »), la supériorité (la norme supérieure - hiérarchiquement –
précède la norme inférieure « lex superior derrogat legi inferiori ») et la postérité( la
norme surgie postérieurement à une autre d’égale hiérarchie, l’emporte sur
celle-ci – « lex posteriori derrogat legi priori »). Des telles règles garantissent, en
grande partie, la solution de plusieurs conflits normatifs. Néanmoins, certains
désaccords peuvent avoir lieu entre des normes, sans que leur solution puisse
être trouvée dans l’application de ces règles-là. C’est, par exemple, le cas de
l’inconstitutionnalité de dispositifs constitutionnels, question de grande
importance, devenue même une mode, posée par le juriste allemand OTTO
BACHOF. L’application des règles ci-dessus mentionnées n’étant pas
possible, pour arriver à un dispositif prédominant dans un ensemble de
normes constitutionnelles, dans lequel se démarquent celles de la supériorité
et de la spécialité, nous nous voyons devant un conflit entre le précepte
constitutionnel positif, seulement dans son aspect formel, et un autre,
également positivé mais qui a son fondement dans le plan de la supra-
positivité. Ce dernier précepte constitue un des principes qui se trouvent déjà
prédéterminés et implicites dans la nature humaine elle-même et il se trouve,
aussi, incorporé aux systèmes constitutionnels des Etats plus évolués. Le
moyen pour trouver la solution ne sera autre que celui utilisé pour la
suppression des lacunes juridiques. Autrement dit, il faudrait faire prévaloir le

20
apud ENGISH, Karl - op. cit., p. 312.

21
Cfr. ENGISH, Karl, op. cit., p. 313.
précepte constitutionnel positif qui soit en conformité avec le Droit supra-
positif.

Un exemple typique de « lacune de collision » se trouve dans la


contradiction flagrante entre ce qu’établit l’incise LXVIII, art. 5, et le
paragraphe 2 de l’article 142, tous les deux de la Constitution Féderale de 1988.
Le premier bâtit d’après le plan de la supra-positivité un des droits
fondamentaux de l’homme, c’est-à dire, l’institut de « l’habeas-corpus », garant
de la liberté de locomotion, violée ou sous menace de l’être par illégalité ou abus
de pouvoir. Le deuxième affirme qu « il ne sera pas question de « habeas-corpus
» lorsqu’il s’agira de punitions disciplinaires militaires ». Cela étant, lequel des
deux préceptes doit, dans ce cas-là, être prédominant ? Quelle attitude devra
avoir le juge face à une telle contradiction ? Il faut avoir présent, tout d’abord,
que lors de l’élaboration de la Constitution, aucune distinction n’a été ajoutée,
dans l’établissement de la garantie fondamentale de l’article 5, quant à la
catégorie de citoyen qui en serait concernée. De toute façon, si tel était le cas, le
precept majeur, celui de l’égalité devant la loi, inscrit dans le « caput » du même
article, serait ainsi nié. L’individu, avant d’être un militaire, est un citoyen et, en
tant que tel, il est sous la pleine couverture de la garantie de l’« ’habeas corpus ».
La prescription incluse dans le paragraphe 2, article 149 de la Constitution
Fédérale, d’ailleurs matérialisée dans un assez médiocre langage (la rime entre
«disciplinaires » et « militaires » est affreuse…) manque de toute efficacité, une
fois qu’elle contredit des principes juridiques fondamentaux qui, encore qu’ils
soient positivés, constituent le corollaire de ceux situés dans le plan de la supra-
positivité.

c) Contradictions de valeur. D’emblée, il est impératif d’éclairer que


toute action de mise en valeur implique nécessairement une prise de position
de l’esprit, qu’elle soit de caractère négatif ou positif, de ce qui résulte, de
façon concomitante, en une idée de devoir et dans la « raison de légitimation de
l’acte, puisqu’elle est au service d’une valeur », comme nous l’apprend REALE22.
Les incorrections du Droit Positif peuvent surgir, également, à partir de
mauvaises mises en valeur des faits par le législateur, notamment lorsque
celui-ci ne se sert pas d’un même critère de mise en valeur pour les différents
faits servant de modèle aux normes. Par exemple, le trafic de substances
stupéfiantes(art. 12, Loi n 6.368, de 21.10.76), au Brésil, est un délit dont la
sanction est rigoureuse( 3 à 15 ans de réclusion, plus l’amande
supplémentaire de 50 à 360 jours).Cependant, au délit de lésion corporelle de
nature grave causant déformation permanente à la victime (art. 129,

22
REALE, Miguel - op. cit., p.543.
paragraphe 2 21, inc. IV), la peine imposée est beaucoup plus légère ( 2 à 8
ans de prison ). Imaginons deux situations distinctes. Un jeune homme est
arrêté lorsqu’il essaie de vendre quelques grammes de la substance « cannabis
sativa », vulgairement connue comme « maconha », « diamba », « marijuana », etc.
Un autre jeune homme est arrêté après avoir, en raison de sa simple jalousie,
jetée de l’acide très fort sur le visage de sa fiancée, la condamnant ainsi à la
complète cécité et à avoir à jamais le visage déformé. Dans ces deux cas,
nous aurons une curieuse situation : le premier jeune homme aura une peine
bien plus grande que le deuxième, si nous prenons en compte que l’acte de ce
dernier est beaucoup plus grave que celui du premier. Nous sommes là
devant une contradiction immanente, mettant en conflit les valeurs du
législateur lui-même. La situation dans laquelle les valeurs du législateurs ne
sont pas en harmonie avec les valeurs de ceux qui sont concernés par les
normes est de tout autre nature.

Les contradictions de mise en valeur, en règle générale, particulièrement


celles qui sont retrouvées dans les normes pénales, ne peuvent pas être
soulevées, en raison de la soumission de celui qui juge au principe de l’antériorité
de la loi (nullum crimen nulla poena sine lege) et de la peine spécifique. Toutefois, une
telle règle n’est aucunement absolue, car l’usage de recours interprétatifs peut
éliminer certaines contradictions, telles que celles considérées comme
immanentes et dans lesquelles se heurtent les valeurs du législateur lui-même.

d) Contradictions téléologiques. Ces dernières portent sur un


désaccord entre des normes concernant la relation moyen-fin. Le législateur
dresse une norme prévoyant certaines finalités, mais , tout en la dressant, il
rend impossible que cette norme-là aboutisse à ses fins. Ce genre de
contradiction peut également avoir lieu en raison de l’inertie du législateur
lors de l’élaboration du règlement d’une norme, sans lequel cette dernière,
parce que générique et dépourvue des procédures spécifiques, devient
impossible d’être appliquée. C’est ce qui se passe très souvent, par exemple ,
avec certains dispositifs de la Constitution Fédérale de 1988 qui, même s’ils
sont en vigueur, ont leur efficacité littéralement annulée par l’inexistence de
normes réglementaires. Les contradictions téléologiques, outre le fait d’être
rares, sont de très difficile solution. Dans certains cas, elles deviennent des
contradictions typiquement normatives, recevant ainsi les mêmes solutions
que ces dernières. Autrement dit, elles sont résolues par l’application des
règles de la spécificité, de la supériorité et de la postérité.

e) Contradictions de principes. Ce genre de divergence a lieu ayant


comme cause l’adoption, lors de la genèse de l’ordre juridique, de différentes
idées foncières en conflit. Très souvent, cela se passe avec des normes
constitutionnelles approuvées par une assemblée constituante composée de
diverses représentations politiques de même grandeur, de sorte qu’aucune
n’arrive à imposer son hégémonie. Dans ce cas-là, il est inévitable qu’une telle
impossibilité résulte dans un mélange d’idées en désaccord. Une flagrante
démonstration de cela a eu lieu avec la Constitution de 1988, déjà tellement
citée ci-dessus, lors de la confrontation des défenseurs du système
parlementaire avec ceux qui défendaient le système présidentiel. Nous savons
tous que le résultat d’une telle confrontation a été la victoire de ceux qui
étaient pour le présidentialime. Néanmoins, ces derniers n’ont pas réussi à
empêcher les parlementaristes d’ajouter à la Constitution des dispositifs tout
à fait parlementaristes, notamment en ce qui concerne son établissement du
procès législatif.

Le soulèvement de ces contradictions-là par le juge est virtuellement


impossible, tandis qu’il peut avoir lieu, de façon profonde, du côté de l’action
politico-juridique. C’est-à-dire qu’une correction, dans ce cas-là, n’est possible
que par l’action du législateur lui-même.

1. LA SUPRA-POSITIVITE COMME FONDEMENT


POUR LE REMPLISSEMENT DES LACUNES JURIDIQUES
ET POUR LA CORRECTION DU DROIT LEGIFERE.

La suppression des lacunes juridiques et la correction du Droit


incorrectement légiféré constituent une question majeure et actuelle, celle de
reconnaître ou de ne pas reconnaître chez celui qui applique le Droit, le pouvoir
de décréter l’invalidité, voire de corriger des normes juridiques en vigueur et
confluant avec la supra-positivité. Cette même question divise la doctrine du
Droit en plusieurs ramifications dont deux sont prédominantes : a) ceux qui
suivent le Positivisme Juridique dans ses plusieurs nuances ; b) ceux qui sont
partisans de l’Ecole de la Libre Recherche du Droit et des mouvements qui en
dérivent, d’importance mineur, comme par exemple, de ceux qui sont pour le «
Droit Alternatif ».

Appuyés sur l’hardiesse de deux principes, celui de l’unité et celui de la


plénitude de l’ordonnancement juridique, c’est-à-dire, sur l’argument définitif et
inébranlable selon lequel l’ordre juridique est plein et sans lacunes, les
positivistes, outre le fait de nier ces dernières, n’admettent pas, non plus, l’idée
du Droit incorrectement légiféré. A partir de telles prémisses, ils défendent la
soumission absolue du juge à la loi, de sorte que, même lorsqu’il s’avère en
désaccord avec les faits sociaux, « Le Droit sera toujours le Droit » restant ainsi tout
à fait inadmissible, la prétension du juge de corriger le législateur. Les questions
juridiques seront donc résolues toujours et à jamais d’après les consignes du
Droit Positif, même si les positivistes admettent que, dans certaines
circonstances, le juge doit chercher à connaître l’intention supposée du
législateur, chaque fois qu’un conflit se vérifie entre l’expression formelle de la
Loi et un événement historique imprévu.

Sans aucun doute, la recherche d’une telle intention implicite (formulation


venant de l’Ecole de l’Exégèse et de l’Ecole Historico-Exégétique) n’est rien
d’autre qu’avoir recours, comme l’affirme REALE, « à un élément empirique, « méta-
normatif » ou « méta-légal ». Dire que la loi doit être interprétée selon l’intention du
législateur, c’est avoir recours à un facteur extra-légal, puisqu’une telle interprétation permet à
l’interprète de faire la fiction d’une intentionnalité ou d’un propos au moment de la genèse de la
loi, à fin de répondre aux exigences imprévues du présent » 23. Toutefois, à partir de cette
affirmation, un autre problème surgit : comment saisir l’intention d’un législateur
qui a vécu il y a un siècle ? A travers l’emploi de l’artifice de l’interprétation
historico-évolutive, avec l’accommodation de la loi au fait, encore une fiction a
été construite : celle de prétendre que l’intention du législateur à être décelée est
tout à fait la même qu’il aurait s’il vivait dans le temps présent.

A leur tour, les partisans de la Libre Recherche, de la Freie Rechtsfindung, plus


connue comme Ecole du Droit Libre qui a eu , parmi ses plus grands
représentants, François Gény, Ehrlich, Leroy, Oskar von Bülow, Benjamin
Cardozo et Roscoe Pound, à côté du néoréaliste Jérome Frank, exècrent
l’asservissement du juge à la loi. Dans la pensée de Geny, il est de lacunes dans
le Droit Positif, et c’est à l’interprète que revient la tâche de reconnaître leur
existence et de les combler, tout d’abord, à travers la coutume, cette dernière
ayant, pour l’auteur, le statut de source formelle. Cependant, dans le cas où, face
à l’insuffisance de la coutume, la lacune persiste, il ne reste à celui qui applique le
Droit que le recours à la libre recherche scientifique. Ce faisant, il cherche à
s’appuyer sur la « nature des choses », c’est-à-dire, il passe à un autre plan, celui
du Droit Naturel ou, si nous préférons, de la supra-positivité, cette dernière
n’étant rien d’autre qu’ « une réalité morale, comme telle reconnue par la conscience »24.
Selon GENY, à propos de ce plan « méta-positif » affirme qu’il s’agit d’une source
supérieure, moins limpide, mais plus pleine, où l’on puisera les solutions qui postule un ordre
juridique complete. Et ce sera le droit naturel ou objectif, révélé par la conscience, affiné par la

23
REALE, Miguel - op. cit., p. 427.
24
Idem, p. 431.
raison, lequel intervient constamment, à l’insu même de ceux qui l’emploient, dans
l’élaboration progressive du droit positif25.

L’Ecole du Droit Libre, qui a influencé plusieurs doctrines au XX siècle,


malgré le caractère radical de certains de ses partis pris, a eu ses postulats
accueillis, en large mesure, par les chercheurs du Droit. Néanmoins, il est
important de remarquer que l’aveugle soumission du juge à la loi, proposée
par HANS KELSEN et ses disciples, est déplorée même dans certains cercles
positivistes, comme par exemple ERNST BELING, qui dit : « Le pouvoir
octroyé pour créer du Droit, que le législateur tient dans ses mains….n’est pas un pouvoir
sans aucune limite. Le peuple voit certaines mises en valeur comme étant tellement
fondamentales que le législateur…..ne se trouve pas autorisé à fixer des normes venant à
l’encontre de celles-là »26.

Il ne faut pas oublier que « pour que l’homme préserve sa dignité, sans laquelle il
perdra sa condition humaine, il n y a pas d’autre voie que celle du Droit considéré dans son
structure axiologique tridimensionnelle : juridique, juste et légitime », selon les mots
d’ARNALDO VASCONCELLOS27. Lorsque les régimes démocratiques sont
éclipsés par la furie de l’autoritarisme, il est imposé à l’homme un droit injuste,
immoral qui, nonobstant cela, est mis en pleine vigueur par la force et par
l’intimidation. C’est un Droit tordu, mais malheureusement, c’est un Droit. Pour
le juriste, le dilemme du Droit injuste emerge avec force et énorme perplexité,
lorsque la tempête de l’autoritarisme passe, laissant sa trace de peur, de sang, de
destruction…et des normes juridiques fallacieuses, issues d’un Droit injuste et
illégitime.

Que faire pour supprimer ces plaies pestilentielles qui sont les lois injustes
et immorales ? Malheureusement, le Droit injuste et illégitime des régimes
antidémocratiques survit à ces derniers. Et c’est là une expérience trop vérifiée
par l’histoire contemporaine, contrainte à une convivialité avec des véritables
déchets normatifs autoritaires : l’Allemagne et l’Italie, après 1945 ; l’Espagne et
le Portugal, qui plus récemment se sont libérés de longs gouvernements
autocratiques ; littéralement tous les Pays de l’Amérique Latine, y compris le
Brésil, qui ont vécu des dictatures sanguinaires dans les années 60 et 70 du
XXème siècle. Plus de quinze ans après la fin du régime autocratique implanté
au Brésil en 1964, malgré l’avènement d’une nouvelle Constitution Fédérale en
25
GÉNY, François - "Archives de Philosophie du Droit et de Sociologie Juridique", 1931, Paris,
p.20, apud REALE, op. cit., p. 431.
26
apud ENGISH, Karl - op. cit., p. 331.
27
VASCONCELOS, Arnaldo - in "Considerações em torno das Insuficiências do Direito",
1990/91, Fortaleza, Rev. da Fac. de Direito, 31/2 - 32/1 e 2.
1988, il reste encore beaucoup de « déchet de l’autoritarisme » à être débarrassé,
infiltré dans la forme des lois, des decrets-lois, des résolutions et des actes
administratifs , constituant un héritage maudit de cette sombre période de
l’Histoire brésilienne.
Le fait qu’une question tellement importante ne soit jamais entrée pour de
vrai dans l’agenda des problèmes à régler des juristes brésiliens, y compris ceux
qui restent enfermés dans les Tribunaux des plusieurs instances, notamment les
plus hautes, nous semble très grave. Evidemment, dans cette période-là, des lois
ont été crées latu sensu, qui, malgré leur illégitimité, portaient l’idée du Droit,
étaient en accord avec les principes de la justice, de la morale, du Droit Naturel.
A cet exemple, pensons au Code de Procès Civil qui, de façon nostalgique, est
de caractère privé et individualiste, voire d’un libéralisme extravagant. Quand
même, il ne manque pas d’être, aussi bien du point de vue technique que du
point de vue de sa consistance, une loi bien élaborée, et surtout juste. Par contre,
il est bien d’autres lois qui devraient, depuis longtemps, être jetées à la poubelle
de l’Histoire.

De fait, une attitude de complète soumission à la loi ne peut pas être exigée
du juge si le législateur a donné le jour à un Droit injuste et amoral. Dans ce cas
là, face aux « modèles » habitant le plan de la supra-positivité, il appartient au
juge, dans une attitude qui témoigne toujours d’une plus grande prudence, de
faire les corrections nécessaires. C’est là la question fondamentale. Il ne s’agit
pas de corriger une norme tout simplement parce qu’elle porte une contradiction
face à une autre, ni de résoudre des impasses d’orthographe. Le juge, dans cette
opération tellement complexe, peut aussi bien remplir les lacunes du Droit
Positif que corriger le Droit incorrectement légiféré. Pour cela, il est toujours
utile la prudence de GUSTAV RADBRUCH, qui estime que « Le Droit positif, le
Droit fait sûr à travers un acte de décret et de pouvoir, sera prévalent, même lorsque son
contenu sera injuste et inconvenante, sauf si la contradiction de la loi positive avec la justice
atteint un degré tellement haut et s’avère tellement insupportable que la loi, ainsi que le « Droit
injuste » sera obligée de céder sa place à la justice »28.

La parcimonie trouve son explication dans la contradiction qui se met en


place entre la loi et la supra-positivité. Premièrement, nous devons prendre en
compte le fait que l’idée du Droit, les principes suprêmes et transcendantaux qui
se trouvent dans le plan de la supra-positivité ne sont pas susceptibles d’une
connaissance rationnelle, d’être objectivement connus. Ces principes-là sont d’un
degré d’indétermination et de difficulté de maniement tellement grands que nous
pouvons les comparer à « un brouillage à couper au couteau ». (RADBRUCH). En
plus, il reste la question ouverte, portant sur leur caractère immuable et

28
idem.
universellement valable, en tous temps et lieux. La façon dont ces principes-là se
mettent en rapport à l’homme en tant qu’un être limité à des contextes
historiques-culturels et à des incontournables circonstances de temps et de lieux,
ne peut être entendue que d’après l’idée d’ « un droit naturel de contenu variable »,
que nous retrouvons dans les incontestables mots de STAMMLER. En fait, la
nature humaine ne cesse pas d’y compter, puisque l’essence de l’homme est la
raison et que c’est dans la nature humaine que se trouve présent, d’emblée,
l’idéal du Droit. Cependant, la nature des choses est un « facteur de variabilité »,
raison pour laquelle il est impossible de concevoir un Droit suprapositif qui ne
puisse pas être modifié et qui soit universellement valable.

Tout ce qui vient d’être dit nous mène à conclure que l’homme, dans son
eternel effort pour perfectionner le Droit mis en place, a à reprendre le travail de
Prométée, c’est-à-dire, envahir les cieux pour voler aux dieux la flame du Droit
Juste. Surtout, il faut approfondir, jour après jour, la découverte progressive du
Droit, tâche difficile qui ne peut être envisagée qu’avec une bonne dose d’astuce.
III - BIBILIOGRAPHIE

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