Expose de Français

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EXPOSE DE FRANÇAIS
Thème
L’exil d’Albouri De Cheikh Aliou Ndao
Plan
Introduction
I. Rappels historiques
II. Vie et bibliographie de l’auteur
1. La vie de l’auteur
2. Les publications
III. La structure de l’œuvre
IV. Le résumé
V. Les personnages
VI. Portée et actualité de la pièce
1. Un discours anticolonialiste
2. Un discours politique et moral
VII. Les thèmes
1. La trahison
2. L’honneur
3. L’exil
4. Le rôle de la femme
5. Le courage

Conclusion

Groupe 6

NOMS DES EXPOSANTS

Oumou Ndiaye Yandé Ndiaye


Défa Souleymane Sy Massar Sarr
Ndeye Khady Diop

Classe : Tl2F
Professeur : Madame GUEYE
Introduction
ANNEE SCOLAIRE 2022 / 2023

1
On ne saurait aborder une quelconque pièce de théâtre négro africain sans faire un clin d’œil à
la naissance du théâtre africain d’expression écrite en tout cas. Ce théâtre est né à l’école
normale William Ponty de Sébikotane. Selon Bakary Traoré, des élèves de cette école
jouaient des improvisations qui ont émerveillé le directeur de l’école. Celui décide que le
théâtre soit intégré dans les activités scolaires, ainsi sont nées de vraies pièces africaines.
Depuis lors des chefs d’œuvres ont vu le jour. On peut citer : La tragédie du roi Christophe du
martiniquais Aimé Césaire, Le Lion et la Perle de Wolé Soyinka, Chaka de Thomas Mofolo,
etc. Les pièces historiques sont au-devant de la scène parce qu’elles sont plus aptes à
réhabiliter les héros noirs et à rétablir la vérité historique. Dans ce champ prend place
l’incontournable pièce tragique du sénégalais Cheik Aliou Ndao, L’exil d’Albouri qui met
l’accent sur la fameuse décision d’Albouri de s’exiler chez Ahmadou Cheikhou de Ségou afin
de faire alliance avec lui pour combattre l’ennemi commun ; les français. Après quelques
rappels historiques, nous exposerons la vie et l’œuvre de l’auteur, ensuite nous étudierons la
structure de l’œuvre, le résumé, les personnages, les thèmes et la dramaturgie de Cheik Aliou
Ndao.

I. Rappels historiques
Fils de Birame Penda, cet homme est issu d’une vieille famille régnante du Djoloff. Sa
généalogie que nous trace son petit-fils Mansour Bouna Ndiaye, le rattache au
fameux Ndiadiane Ndiaye, le fondateur du royaume Djoloff. Contemporain de Soundiata
Keïta, Ndiadiane Ndiaye a régné sur le Djoloff de 1200 à 1249. C’est le fameux Diolofin-
Mansa que devait combattre le preux Tiramakhan Taraoré pour le compte de Mansa du
Manding, Makhan-Soundiata. Alboury Ndiaye, descendant direct de ce Djolofin-Mansa, était
un vrai prince, un nationaliste convaincu et désintéressé qui, dans sa résistance acharnée et
tenace contre l’intervention française, ne distinguait pas la cause du Sénégal de celle du
Soudan, pays profondément islamique en lutte pour la liberté de l’Afrique.
Pour des raisons de sécurité, Alboury avait été envoyé très jeune à la cour du Damel Biram
Ngoné Latyr où il a été élevé en même temps que le futur Damel, Lat Dior Diop, descendant
du pieux et vénéré Sakhéwar Fatma. Et pendant de nombreuses années, Alboury a été le
compagnon assidu, le lieutenant fidèle de Lat Dior dont il partagea les victoires, les défaites,
les exils volontaires ou forcés.
Ahmadou Cheikhou, en 1875, à la tête d’une importante troupe, envahit le Cayor. Et Lat Dior
informé forme avec le prince Alboury Ndiaye une expédition et poursuivent les fuyards

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jusque dans son pays natal, le Djoloff, où il se fit reconnaître comme le successeur légitime
des Bourba Djoloff.
Alboury devait régner quinze ans, de 1875 à 1890. Un an après son avènement, il envoya
à M’Boumba, au Fouta-Toro non loin de Boghé, une armée commandée par son frère Alboury
Penda, qui en revint victorieux.
En 1886, les français rompirent le traité de paix, tuèrent Lat Dior et prétextant qu’Alboury
avait violé ledit traité en refusant d’envoyer son fils à l’école française.
Dans son exil Alboury laissa derrière lui une capitale Yang yang incendiée, des récoltes
brûlées et des puits bouchés ou empoisonnés ne laissant rien à l’envahisseur blanc Dodds.
Celui-ci se vengea en nommant comme Bourba-Djoloff le propre frère d’Alboury, Samba
Laobé Penda, cet autre ambitieux qui, aux côtés du jeune Damel Samba Laobé Fall, avait
préparé la fameuse bataille de Guilé.
Comme il a été confirmé plus tard, Alboury désirait voir créer un grand empire musulman de
l’Ouest africain, placé sous la Grande Alliance : Ahmadou Cheikhou de Ségou, Samory Touré
du Oussoulou. Tiéba Traoré de Sikasso et Alboury Ndiaye du Djoloff. C’est certainement
cette idée qui le conduit dans l’exil à toujours marcher vers l’Est à la recherche de
l’indépendance et de la liberté.

II. Vie et bibliographie de l’auteur


1. La vie de l’auteur
De son vrai nom Sidi Ahmed Alioune Cheik Ndao, célèbre avec Cheik Aliou Ndao est né en
1933 à Karthiak près de Bignona. Fils d’un vétérinaire, il suit son père à travers tout le
Sénégal. Il affirme être formé dans la meilleure école, celle des vieillards avec leur sagesse
populaire. Il connaît très bien les traditions de son peuple, et surtout l’histoire de son peuple.
Il a fait une partie de ses études secondaires à Dakar et en France, puis il a fréquenté
l'Université de Grenoble en France et de Swansea en Grande-Bretagne. Ancien professeur
d'anglais à l'Ecole Normale William Ponty. Il a également enseigné aux Etats-Unis en 1972 à
De Pauw University de Greencastle (Indiana). Il fut aussi un conseillé culturel auprès du
Président de la République du Sénégal.
2. Les publications
Son premier recueil de poésies, Kairée publié en 1964 a obtenu le prix des Poètes Sénégalais
de langue française. Il publie aussi le recueil Mogarienne en 1970.
Sa pièce de théâtre, l'Exil d'Albouri (1967) a été mise en scène en 1968 au théâtre Daniel
Sorano de Dakar, et a été jouée sur de nombreuses scènes africaines et européennes,

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notamment à l'Odéon (Paris), ainsi qu'en Belgique. Présentée au Festival culturel panafricain
d'Alger en 1969, elle obtint le premier prix. Traduite en anglais aux Etats-Unis, cette pièce
symbolise les débuts du théâtre historique sénégalais. On recense aussi L’Ile de Bahila en
1975, La Case de l’or, Le Fils de l’Almamy, La Décision, Du sang pour un trône ou Gouye
Njuli un Dimanche. En 1983, il donne Excellence vos épouses.
Sa nouvelle Le Marabout de la sécheresse publié en 1979 est souvent étudiée dans les
programmes scolaires.
Partisan de la transcription des langues africaines, Cheik Ndao est l'un des rares écrivains
Sénégalais à avoir publié un roman en Wolof Buur Tillen, le roi de la Médina qui est
actuellement épuisé. La version française est une adaptation de l'original. 30 ans plus tard, il
publie dans sa langue maternelle, le wolof, son dernier roman Mbaam Dictateur, réédité en
français par Présence Africaine en 1997.

III. La structure de l’œuvre


La pièce se structure en neuf (9) tableaux.
- Le premier tableau s’ouvre sur une opposition anodine entre Beuk nek et le griot Samba.
Celui-ci doit convoquer le peuple à la réunion sous l’arbre à palabre pour le
couronnement du Prince Laobé Penda.
- Le second tableau débute par l’assemblée du roi pour délibérer sur la décision du
gouverneur qui a rompu l’accord avec les royaumes et lève ses spahis contre eux.
Devant une discussion passionnée, le roi lève la séance. Ce tableau se termine par une
discussion opposant la sœur du Roi, Linguère Madjiguène à la reine Sêb Fall qui
réclame son rôle d’épouse, de femme.
- Le troisième tableau est le moment d’une deuxième assemblée après la décision de
Bourba de s’exiler vers Ségou, et former une alliance avec lui. Laobé Penda est d’avis
qu’il faut rester et mourir pour le trône. Les autres Diarafs se rangent de son côté, sauf
le Diaraf des Esclaves. Le Prince a déjà convaincu une partie de l’armée.
- Le quatrième tableau présente la conspiration de Laobé Penda. Il ordonne à ses soldats
de tuer le Diaraf des Esclaves qui les espionnait.
- Le cinquième tableau se déroule chez la Reine Mère avec Linguère et Reine Sêb. La
Reine Mère raconte sa vie dans la cour de son mari, et les sacrifices auxquels elle
consenti.
- Chez le roi dans le sixième tableau, la reine Sêb entre dans une conversation intime avec
son mari. Le roi décide qu’elle ira chez ses frères au Cayor, et non de prendre part à

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l’exil. Samba arrive avec la nouvelle de la traîtrise de Laobé Penda qui pactise avec le
Gouverneur, et lui informe qu’il vient d’assassiner le Diaraf des Esclaves.
- Dans le septième tableau, on assiste à la dernière réunion du roi avec le peuple qui
accepte de le suivre plutôt que de rester esclave.
- Dans le huitième tableau, on découvre le roi et sa suite dans le chemin de l’exil attendant
son arrière-garde conduit par son Beuk nek. Samba profite de cette escale pour lui
annoncer que la reine est du voyage. Elle se découvre au roi, et demande pardon à
Reine Mère et fait la paix avec Linguère. L’arrivée de Beuk nek clôt ce tableau.
- Le tableau neuf coïncide avec la levée du camp. Moment saisi par Bourba pour parler
des difficultés qui attendent le convoi, la faim, les animaux dangereux, le climat
hostile. L’épilogue résume la fin tragique d’Albouri qui va mourir dans la bataille, et
la dispersion du peuple de Ndiandiane Ndiaye entre Kano, Médine et Ségou.

IV. Le résumé
La pièce s’ouvre sur une atmosphère de fête de nomination du Prince Laobé Penda, dont le
courage et la vaillance sont connus dans tout le Djolof. La place de Yang-yang est le lieu de
cette intronisation. C’est à ce moment qu’un guerrier vient annoncer l’invasion imminente du
royaume du Djolof par le Gouverneur qui vient de rompre les traités qu’il avait signés. Afin
de faire face à la menace, le roi Albouri convoque une réunion pour permettre à l’assemblée
de se prononcer, mais il sera obligé de suspendre la séance à cause des esprits qui
s’échauffent. En tête à tête avec son frère, Bourba lui annonce sa décision de s’allier avec les
autres rois contre l’armée du gouverneur. Rien que la décision d’aider le roi de Ségou,
Ahmadou fait entrer Laobé Penda dans une colère ; il s’oppose à la décision de son frère.
En effet Laobé Penda ne peut cacher son indignation devant ce qu’il considère comme une
fuite indigne d’un descendant de Ndiandiane. La Reine Mère Mam Yay et la Linguère
Madjiguène ne partagent pas son avis de fuir, mais elles finiront par comprendre et accepter
l’exil. Devant le différend qui oppose Bourba à son frère, Ardo, le Diaraf de Thingue et le
Diaraf de Varhôh se range du côté de Laobé Penda qui pense que l’honneur des Ndiaye sera
sauf dans la résistance. Et le Diaraf des esclaves, fidèle au Roi, surpris en train de les
espionner, sera tué.
Laobé Penda va même jusqu’à convaincre une partie de l’armée à le suivre, et il fait le partage
des munitions entre les soldats.
Au moment où Albouri devisait avec sa femme la Reine Sêb Fall, le griot Samba vient lui
annoncer que le Prince Laobé Penda a signé un pacte avec le gouverneur. Le Roi, malgré tout

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précipite son départ approuvé par le peuple qui préfère l’exil à l’esclavage. Et le Roi, inquiet
au début du voyage se rendra même compte que sa femme est du voyage pour lui apporter son
soutien moral et accepte même la réconciliation avec Linguère et Reine Mère. En dépit du
bonheur qui l’anime, le Roi tient un discours empreint de sincérité sur le caractère aventureux
du voyage. Et comme il l’appréhendait, son fils Bouna sera enlevé et envoyé à l’école des
otages à Ndar. Le roi Albouri lui, mourra au combat, et les autres seront dispersés entre Kano,
Médine en Arabie et le royaume Bambara.

V. Les personnages
- Le Roi Albouri Ndiaye :
Il naquit en 1842 à Thial. Le dramaturge a pour projet une œuvre de mythe. Albouri ou «
Bourba » est le Roi du Djolof, et vit à Yang-yang sa capitale. Il est présenté comme un
combattant courageux, mais aussi comme un roi plein de sagesse. Il posé, calme comme tout
bon roi. Aussi dans les moments de crise, il propose de « réfléchir en paix » avant de prendre
une décision. Après un long séjour à la Cour du Cayor, Albouri retourne dans son royaume en
1875 et s’empara du pouvoir, où il prit le titre « Bourba ». Après l’annexion du Cayor, les
français le trouvent gênant et le chassent en 1890. En fait, dans cette intrigue, il question de
son exil pour conserver l’honneur de sa lignée en lui évitant la soumission. Il va se joindre
aux troupes d’Ahmadou. Il mourut loin de son pays, vers le Niger.
- Le Prince Laobé Penda :
Tout comme son frère, il est courageux, et d’ailleurs il considère le combat comme un devoir,
ce qui lui a valu la récompense du roi son frère. Contrairement à son frère, Laobé Penda est
spontané, impulsif et fougueux. Avare en parole, il est un homme d’action. Le roi le connaît
trop bien pour dire de lui qu’il « est très irréfléchi quelquefois » (p.55). Et le Diaraf de
Thingue dit de lui la même chose : « Trop de précipitations, Laobé Penda » (p.58). Aussi a-t-il
tenu coûte que coûte à combattre pour la protection du trône. Mais contre toute attente, il va
pactiser avec le gouverneur, en se soumettant.
- La Linguère Madjiguène :
Elle est la sœur du roi Albouri. C’est une femme forte de caractère et une guerrière.
- La Reine Sêb Fall :
Elle est princesse de naissance. Albouri l’a choisie lui-même comme épouse de la Cour royale
du Cayor. Elle est très jeune, aussi est-elle capricieuse. Mais en fait elle ne fait que réclamer
son droit de femme, de rester femme. Pour cette raison, elle refuse d’être comme sa belle-
sœur Linguère Madjiguène.

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- La Reine Mère Mam Yay :
C’est la mère d’Albouri. Elle est très compréhensive, surtout vis-à-vis de son fils le roi. Elle
fut auprès de Biram son défunt époux une épouse docile, exemplaire.
- Beuk Nek :
Il est le bras droit fidèle de Bourba. Il fait partie de la race des grands guerriers. D’ailleurs
c’est lui qui va prendre la tête de l’arrière garde du roi et infligé une petite défaite à l’armée de
Laobé Penda et les Sofas du gouverneur.
- Samba :
Il est le griot attitré du roi Albouri. Il incarne le syncrétisme religieux, et ne s’en cache pas.
Loin d’être hypocrite comme le lui crache Beuk nek, il passe pour quelqu’un qui n’a pas peur
de dire la vérité. Il n’a pas besoin d’être présenté puisqu’il le fait : « Pourtant, qui ose se
vanter d’avoir le quart de mon savoir ? » lance-t-il Beuk nek.
- Le Diaraf de Thingue :
Il gouverne la province de Thingue. C’est un autre combattant de l’armée du roi. Il est
consulté par le roi sur les épineux problèmes d’Etat. Mais il se rangera du côté de Laobé
Penda. Il sera tué par le bataillon de Beuk nek.
- Le Diaraf de Varhôh :
Il gouverne Varhôh, là où se trouve la cavalerie de l’armée du Djolof. Comme le Diaraf de
Thingue, il soutiendra le Prince Laobé Penda.
- Ardo :
C’est un chef guerrier peulh. Très lucide pour comprendre le Bourba, mais il va se ranger du
côté du Prince.
- Le Diaraf des Esclaves :
C’est le seul à soutenir le roi Albouri, et jusqu’à le payer de sa vie en le servant comme
espion.

VI. Portée et actualité de la pièce


Qui avait dit que la Négritude est démodée, pour la simple et bonne raison que la mission
coloniale est révolue ? Bien au contraire, l’immense production artistique de ses écrivains
fleurit toujours comme le justifie L’Exil d’Albouri, cette pièce théâtrale de haute facture et
étonnamment moderne, ayant remporté le premier prix au festival Pan Africain d’Alger en
1969.
1. Un discours anticolonialiste.

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À l’époque, pour davantage légitimer la mission coloniale qualifiée alors de pacificatrice et de
civilisatrice, le monde occidental avait réduit le peuple africain à une « table rase ». Face à
cette théorie, la réalité est toute autre ! Un peuple dépourvu de paix ? Non ! Dans Batouala
déjà, René Maran faisait dire à son héros les paroles suivantes : « nous vivions heureux, jadis,
avant la venue des « boundjous » (les « bons dieux », les Blancs en l’occurrence). C’est donc
à cause de l’invasion des colons que nous en sommes à ce stade de précarité. Justement, dans
l’œuvre de Ndao, cette invasion des Blancs a correspondu au nœud, moment de tension, à la
fin du premier tableau, et pas à l’exposition, cette période de tranquillité, tout à fait au début.
Un peuple dépourvu d’histoire ? Non ! Nous n’avions certes pas de documents écrits mais
surtout oraux. Comme cette couverture rose (couleur de la langue) de la première édition de
Soundjata ou l’épopée mandingue de Djibril Tamsir Niane, l’Afrique détient une des plus
pertinentes natures de documents palpables puisque physique, humains : les griots. À l’image
de Samba qui se glorifie d’être maître presdigitateur du verbe, ou encore Djéli Mamadou
Kouyaté, lui qui se targue d’être fils de Bintou Kouyaté et de Djéli Kédian Kouyaté, ces griots
en sont les garants, se les transmettent de père en fils et les dispensent aux nouvelles
générations, de bouche à oreille. Autant un griot est à mesure de galvaniser le peuple, autant il
est instruit du pouvoir du verbe pour calmer les ardeurs.
Un peuple dépourvu de civilisation ? Non ! L’Afrique possédait en son sein une société
fortement hiérarchisée où, accomplissant convenablement la tâche qui lui est dévolue, chaque
membre se retrouve en parfaite harmonie dans ses rapports de voisinage. Dans Chants
d’ombre déjà, Senghor semble s’adonner à cette entreprise de réhabilitation de la civilisation
nègre. Dans L’Exil d’Albouri, force est de reconnaître cet état de fait, vu la représentation
qu’en donne Cheik Aliou Ndao à travers la responsabilité assignée à chaque membre du
royaume : les personnages de sang royal, les dignitaires, les courtisans, les guerriers, le peuple
en un mot. De plus, le roi soumet très souvent son opinion personnelle à la réflexion des
dignitaires, au libre arbitre du peuple, autant que dans Le Contrat social de Jean-Jacques
Rousseau par exemple.
2. Un discours politique et moral
Cheik Aliou Ndao et nous tous savons que l’ennemi de l’Afrique n’est pas exclusivement
extérieur. Des guerres intestines interminables défraient la chronique quotidiennement et sont
très défavorables à la cause du monde noir. Il est grand temps de fédérer les esprits
belliqueux, de taire cette opposition fratricide qui ne dit pas son nom. Exactement comme le
roi Albouri et le prince Laobé Penda, la corrélation est monstrueusement frappante si nous
faisons le lien avec nos dirigeants africains et si nous n’y prenons garde. Voulant rester

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littéraire, je ne citerai pas de noms car comprendra qui pourra. Par conséquent, le discours
moral à tirer de cette œuvre se trouve surtout et aussi bien à travers les paroles de Samba qui
essaye de réconcilier les deux frères que dans les actes comme lorsque, au lieu d’arrêter le
prince, le roi le gracie en raison de son titre, d’une conscience nationale, pour démontrer –
dans un élan de générosité toute cornélienne – que l’ennemi n’est pas toujours celui à qui
nous faisons face. Même l’intention de s’allier à un autre roi justifie ce rêve que nous
caressons depuis si longtemps et que nous appelons aujourd’hui « unité africaine ». Le
dramaturge ne nous étonne pas s’il affirme : « mon but est d’aider à la création de mythes qui
galvanisent le peuple et portent en avant ». Par ailleurs, ces velléités ont des origines tapies
dans l’ombre, davantage et exclusivement liées au pouvoir qu’au peuple. Il suffit d’écouter les
dignitaires parler pour distinguer plus nettement que, pour eux en tout cas, seuls les titres, les
intérêts, les privilèges, deviennent l’enjeu principal à préserver vaille que vaille. En réalité, le
patriotisme n’est pour certains qu’une façade afin de mieux légitimer un égoïsme latent. Le
texte du dramaturge est donc, à l’image de ces romans dits du désenchantement, classés dans
la catégorie des œuvres parues après les indépendances africaines, à partir des années
soixante, même si l’histoire est ici liée à l’entreprise coloniale. Le transfert, la
correspondance, c’est possible, si on sait mettre des noms sur les visages, des étiquettes sur
les postes de responsabilité.
Enfin, si Cheik Aliou Ndao a préféré le théâtre aux autres genres littéraires, c’est
probablement pour deux raisons : premièrement, nous risquons de vivre une pareille tragédie
car le terme emprunté n’est pas si fort, une vision savamment mise en scène, si cela persiste.
Deuxièmement, ce genre littéraire offre mieux l’expression conjuguée d’un discours oral et
moral ; ce style dramatique est plus en conformité avec nos réalités sociales et son discours
est plus aisément soumis à l’entendement de la génération présente et à venir. Pour tout dire,
cet ouvrage en est un au sens propre du terme.

VII. Les thèmes


1. La trahison
Ce thème est très présent dans le texte. D’abord, en déclarant qu’ils obéissaient au doigt et à
l’œil le Bourba, Les Diarafs de Thingue et de Varhôh et Ardo n’ont pas hésité à l’abandonner,
surtout parce que Laobé Penda avait mobilisé l’armée pour assiéger l’assemblée. Et ils se
réunissaient chez le Prince à l’insu du Bourba, ce que d’ailleurs le Diaraf des Esclaves a
découvert.

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Ensuite, non content d’être opposé à son frère, prétextant la défense de l’honneur, Laobé
Penda ne s’est pas gêné à trahir le peuple en acceptant le protectorat du gouverneur.
D’un autre côté, le gouverneur fut le premier traître car, ayant signé un traité, il le rompt sans
aviser les cosignataires, mais surtout il les attaque à l’improviste.
2. L’honneur
L’honneur, ou le « jom » au Sénégal a toujours été la raison de vie des rois. Dans la Cour du
Djolof, l’honneur fut le ciment, la force du peuple. Ardo dira ainsi : « je n’agirai que pour le
bonheur de notre terre : mon honneur est au bout de ma lance » (p.58). Et même Laobé Penda
est mû par l’honneur pour être le grand combattant qu’il est. En plus il propose à son frère de
défendre le Djolof jusqu’à la mort. L’avis de Reine Mère était le même (voir page 37). D’un
autre côté, l’exil proposé par Albouri relève de l’honneur. Sa vision est guidée par le salut, et
sa clairvoyance l’a poussé à penser au moyen d’épargner le peuple tout en maintenant la
dignité du Djolof intacte. Il dit lui-même, pour convaincre sa mère de la nécessité de l’exil : «
à Ségou, des hommes refusent de courber l’échine / Lutter ou mourir, pas servir » (p.37).
C’est par honneur que la reine Sêb passe outre la décision de son mari Albouri pour faire
partie du voyage. Une manière pour elle de garder son honneur et mériter son nom : « Serais-
je digne de toi en restant à Yang yang à un pareil moment ? » dit-elle (p. 84). Elle défend son
honneur en affirmant qu’elle est la femme du roi non son esclave (p.63).
3. L’exil
L’exil au sens d’Albouri, n’est une fuite, ni un exode, mais plutôt une façon de reculer pour
attaquer, et surtout une manière de chercher des alliés pour faire face à la puissance de feu de
l’armée du gouverneur. Finalement pour le peuple, l’exil était le seul moyen de rester sauf et
digne. Aussi la dernière assemblée tenue par le roi est rythmée par le slogan du peuple : «
L’exil plutôt que l’esclavage » (septième tableau pp.80-81). Le vrai motif de l’exil apparaît
ainsi à la page 89 quand le roi Albouri s’adresse au peuple qui l’a suivi, c’est que, dit-il « les
bottes ennemies ne marcheront pas sur nos cadavres ».
4. Le rôle de la femme
A travers surtout les conversations, on note une volonté du dramaturge de montrer les
différents rôles que les femmes occupent dans la vie de Cour, dans la vie tout court du Djolof.
La femme du foyer est surtout là en filigrane, avec les revendications incessantes de la reine
Sêb Sa conversation avec Linguère laisse apparaître l’amour de cette femme envers son mari,
amour qu’elle n’attend qu’à exprimer : « Ô vois mes seins qui bourgeonnent ! Toutes les nuits
se retourner seule dans son lit, les yeux ouverts. » (p.40), et ajoute-t-elle à l’endroit de sa

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belle-sœur : « Je suis femme avant d’être Reine. ». Elle veut ainsi au moins avoir un ou une
enfant et vivre la maternité : « Un enfant ! Albouri, un enfant : » (p.74). Pour dire que la
femme quelle que soit la situation, elle joue un rôle à côté de son mari. Aussi les femmes sont
de vraies guerrières quelquefois à l’image de Linguère. Et la Reine Sêb ne dit pas le contraire,
même si quelque part elle n’est pas d’accord avec Linguère Madjiguène : « Mon devoir me
dicte de te suivre » dit-elle au Roi. (p.71).
5. Le courage
Le courage est présent chez tous les sujets du Djolof. Et on ne s’étonnera nullement si la
Reine Mère répond à son fils Albouri : « L’exil vers où ? Non fils, non ! Meurs dans ta
capitale, au milieu de tes sujets. » (p.37). Ne rappelle-t-elle pas une preuve de courage de son
fils à la page 36 : « Je me souviens du jour où, alors que tu étais hors de la ville, nous fûmes
assiégés par Bara le conquérant Toucouleur et le roi du Baol. Ce jour-là, j’ai remercié le
Seigneur d’avoir eu un fils comme toi. Dès ton retour tu tuas le Toucouleur pendant que
l’autre s’enfuyait. »

Conclusion
Une tragédie africaine, L’exil d’Albouri ne se présente plus parce que l’homme, le héros est
un noble, un roi, un preux, comme dans les tragédies grecques ou plus récemment dans les
tragédies classiques. Chose extraordinaire, c’est que du point de vue formel, la pièce de Cheik
Aliou Ndao n’a rien d’occidental, mais les valeurs portées par les personnages rejoignent
étrangement des valeurs occidentales gréco-romaines par exemple. La chose politique,
l’honneur, la famille, l’amour, le choix décisif sont autant de points communs qui peuvent
légitimer le théâtre africain comme un théâtre complet. La réussite de l’auteur vient du fait
que de 1967 à nos jours, cette pièce continue de nous apprendre des choses, de participer à la
fierté de la jeunesse noire qui peut se regarder à travers le personnage d’Albouri. Retenons
que l’exil choisi est ici un moyen de se rapprocher de celui qui épouse notre idéal, celui qui
est le plus proche de nous malgré les divergences qui peuvent régner entre nous. Mais aussi
l’exil signifie aussi liberté, dignité gardée. Victor Hugo a ainsi expliqué son exil : « Je resterai
proscrit, voulant rester debout ».

Sources :
- http://lireunlivreplaisir.blogspot.com/2009/04/lexil-dalbouri-de-cheik-aliou-
ndao.html

11
- Article de Bocar Cissé « ALBOURY NDIAYE, DERNIER GRAND
BOURBA DU DJOLOF » Revue Ethiopiques numéro 19, juillet 1979
- https://infoetudes.com/lexil-dalbouri-1967-de-cheik-aliou-ndao/

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