Vénus Anadyomène Rimbaud Commentaire
Vénus Anadyomène Rimbaud Commentaire
Vénus Anadyomène Rimbaud Commentaire
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Vénus est ainsi l’inspiratrice du lyrisme mais Rimbaud utilise justement ce modèle pour se
positionner de manière critique face au lyrisme traditionnel.
A – Un contre-blason
En littérature, le blason est un court poème évoquant une ou plusieurs parties du corps de
la femme aimée pour en faire l’éloge.
Comme dans les blasons, l’évocation du corps est organisée de manière logique, de haut
en bas dans ce poème.
Mais Rimbaud prend le contre-pied de la tradition poétique en évitant les parties du corps
qui représentent la féminité ou la valorisent. Au contraire, il parcourt les parties du corps qui
n’ont aucune charge poétique comme les « omoplates ».
Il met même en exergue avec trivialité des parties du corps anti-poétiques ou vulgaires
comme « l’anus ».
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Loin du blason idéalisant qui divinise la femme aimée, Rimbaud dévalorise la femme et met
en valeur les parties de son corps qui en montre la laideur.
B – La dépréciation de Vénus
Les jeux de rime contribuent tout d’abord à désacraliser l’image de la femme. Ainsi, « tête »
rime avec « bête » et surtout « Venus » rime avec « anus ».
Pas de spiritualité ou d’idéal chez cette Vénus qui est animalisée : « lente et bête », « col
gras et gris », « rondeurs », « graisse sous la peau », « tout ce corps remue », « large
croupe ».
Le rythme du poème avec des rejets et des contre-rejets mime la disharmonie de son
mouvement :
♦ « et le tout sent un goût/ Horrible […] (rejet)
♦ « une tête/ De femme à cheveux bruns fortement pommadés » (contre-rejet)
L’hyperbole « tout ce corps » ainsi que le verbe « remue » accentue cette animalité.
Le parallélisme « qui rentre et qui ressort » met en évidence le caractère mécanique de son
mouvement.
Ce poème est une parodie des tableaux qui représentent la naissance de Vénus en
particulier celui de Botticelli (La Naissance de Vénus, 1485) et un tableau qui connut un
grand succès lorsqu’il fut exposé en 1863, La Naissance de Vénus d’Alexandre Cabanel.
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Le champ lexical des couleurs (« vert », « blanc », « bruns », « gris », « rouge »)
rapproche ce poème d’un tableau comme celui d’Alexandre Cabanel dans la mesure où le
vert et le blanc (« un cercueil vert en fer blanc » ) rappellent la vague et l’écume de la mer
où naît Vénus.
Par contre, le tableau originel est détruit par la couleur « rouge » (« l’échine est un peu
rouge » ) qui enlève toute sensualité à la Vénus de Rimbaud.
La blondeur traditionnelle de Vénus est remplacée par des « cheveux bruns fortement
pommadés ». Le terme « pommadés » évoque l’artifice du maquillage théâtral comme si
cette Vénus provenait plus de la Commedia dell’Arte que de la poésie.
Cette anti-Vénus éveille les sens du poète mais pour les agresser.
Le champ lexical de la vue (« remarque », « voir », « loupe »), l’allitération en [g] « col gras
et gris » ou le champ lexical de l’odorat (« sent », « goût », « horrible ») constituent une
parodie de synesthésie baudelairienne car les sens sont unis mais ne découvrent que la
laideur ou l’horreur.
Transition : La parodie de Vénus suggère le rejet du lyrisme traditionnel pour une poésie
tournée vers la provocation et la surprise.
Il fait ainsi des références à la poésie lyrique traditionnelle pour mieux la détruire.
Par exemple, en ouvrant son poème par « Comme … », il rappelle « Comme un chevreuil »
de Ronsard qui est le représentant du lyrisme de la Pléiade. Le terme chevreuil et
« cercueil » sont proches phoniquement et Rimbaud se plaît ainsi à détruire le lyrisme de
Ronsard en pervertissant ses mots.
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Les mots gravés « Clara Venus » (v.12) sont en latin et rappellent le début du sonnet V de
Louise Labé « Clere Venus qui erres par les cieux ».
Ces références à la Pléiade montre la désinvolture moqueuse à l’égard d’un lyrisme qui
selon Rimbaud n’a plus de sens.
Rimbaud utilise aussi des termes ou des connecteurs a-poétiques pour casser le rythme
lyrique : « Puis », « avec », « surtout » . La répétition de l’adverbe « Puis » aux vers 5 et 7
suggère un poème dont le lyrisme s’épuise.
Les allitérations en [r] et [s] semblent faire entendre le caractère itératif et répétitif d’une
poésie qui est parvenue à ses limites :
♦ « Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor / La graisse sous la peau paraît en
feuilles plates »
Le lyrisme traditionnel ne parvient plus à émouvoir. Rimbaud souhaite explorer une autre
poétique et une autre esthétique.
B – Un art de la provocation
Pour Rimbaud, La beauté n’est plus forcément harmonie, équilibre. Au contraire, elle naît du
choc, de la surprise et de l’inattendu.
Cette Vénus anadyomène n’est pas rejetée mais elle est le support d’une beauté nouvelle :
une beauté oxymorique.
La Vénus de Rimbaud symbolise ainsi le choc entre la beauté et la laideur, une synthèse
surprenante, dérangeante mais fascinante.
Quant à l’alexandrin, il n’obéit plus au balancement des deux hémistiches. Son rythme est
brisé pour surprendre le lecteur :
♦ « Puis/ le col /gras et gris,// les larges/ omoplates » (1/2/3//3/3)
♦ « Les reins por/tent deux mots gravés:/ Clara /Venus » (3/5/2/2)
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Dans ce poème apparemment anodin, Rimbaud propose un véritable art poétique qui pose
les principes d’une poésie nouvelle : la poésie parnassienne. (NB : Un art poétique est un
poème qui expose les règles permettant de réaliser un poème)
La poésie est le véritable sujet du texte comme le montre le champ lexical de l’écriture :
« feuilles plates », « singularités », « loupe », « mots », « gravés ».
La Vénus anadyomène de Rimbaud est donc un texte qui réécrit le mythe de la déesse de
l’amour inspiratrice du lyrisme traditionnel.
Il propose un art précis et rigoureux comme le suggère la « loupe » (v.11) qui assimile l’art
à la sculpture ou à l’orfèvrerie avec un culte du détail et de la précision : « Des
singularités qu’il faut voir à la loupe… » .
Les mots sont « gravés » (v.12) ce qui revient à associer l’art à de l’orfèvrerie : « deux mots
gravés » .
L’art repose pour Rimbaud sur les « singularités » (v.11) et sur la surprise. Rimbaud fait
donc tout pour associer des mots a priori antithétiques comme le montre la rime
« Venus »/ « anus ».
Le poète parnassien ne souhaite pas faire transparaître les sentiments. La profusion des
adjectifs et des expansions du nom montre ce souci de décrire le plus objectivement
possible la réalité :
« Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge lente et bête […] ».
Le culte de l’art pour l’art, le souci du détail, l’exigence de ce mouvement ne comblera pas
longtemps Rimbaud épris de la liberté langagière qui trouvera son expression dans des
poèmes comme « Voyelles ».
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