Jean Rostand - Aux Sources de La Biologie
Jean Rostand - Aux Sources de La Biologie
Jean Rostand - Aux Sources de La Biologie
aux
sources
de la
biologie
GALLIMARD
Onzième édition
Jean Rostand
Aux sources de la biologie
Comme “l’Atomisme en Biologie”, ce livre est presque
entièrement composé d’études relatives à l’histoire de la
connaissance. Certaines d’entre elles s’efforcent de suivre, au
long des âges, l’évolution d’une grande idée ou d’une grande
notion : hérédité des caractères acquis, parthénogenèse humaine,
immortalité des tissus, tandis que d’autres visent à mettre en
lumière tels aspects, plus ou moins méconnus, d’une œuvre ou
d’un homme : François Bacon, Réaumur, Isidore Geoffroy Saint-
Hilaire.
6. Si Haller ne parle que de la « mère », c’est qu’il croyait que le germe appartenait à
la seule femelle (thèse de l’ovisme).
7. Annales des Sciences naturelles, 1829, tome 16, p. 34.
10. Ce fait, signalé en 1887 au Congrès des naturalistes de Wiesbaden, sera cité par
EIMER dans la préface de son ouvrage : Ueber die Enstehung der Arten auf Grundlage des
Vererbens erworbener Eigenschaften.
11. NUMAN. Considérations anatomo-physiologiques sur les cornes frontales de l’espèce
bovine. Amsterdam, 1847. Voir DAVAINE, Article Monstres, monstruosité, in
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. G. Massens, Asselin et Cie, Paris
(L’Œuvre de C.-J. Davaine. Baillière, 1889, p. 800),
25. Est-il besoin de dire que ce terme de « fixiste » n’a aucun sens scientifique,
puisque Weismann et Morgan sont tous deux partisans de l’évolution organique ?
26. Une expérience de Mac Dougall, concernant l’hérédité des réflexes conditionnés
chez le Rat, avait paru donner des résultats positifs, mais elle ne put être reproduite par
Agar, Crew, Drummond et Tiegs (1948).
27. L. Daniel, en France, avait cru jadis obtenir des résultats analogues.
28. J. ROSTAND. Les grands courants de la Biologie. – Science fausse et fausses sciences.
Gallimard.
31. JEAN ROSTAND. Les Crapauds, les Grenouilles et quelques grands problèmes
biologiques. Gallimard. 1955.
32. CUÉNOT et TÉTRY, . L’Evolution biologique. Masson, 1951.
36. Voir J. ROSTAND. Les grands courants de la Biologie. Gallimard. – Ce que je crois.
Grasset.
II
1. Voir, notamment, The Lancet, juin 1956 : Parthenogenesis in human beings, par le
docteur S. BALFOUR-LYNN.
2. Voir JEAN ROSTAND. Existe-t-il sur terre aujourd’hui une fillette née de
parthénogenèse ? Le Figaro Littéraire, 28 juillet 1956.
3. Faut-il rappeler l’arrêt rendu, le 13 février 1637, par la Cour du Parlement de
Grenoble, « au profit d’une Demoiselle sur la naissance d’un sien fils arrivé quatre ans
après l’absence de son mari, et sans avoir eu connaissance d’aucun homme » (Lucina
sine concubitu, 1750, p. 26) ?
4. Du latin mola, , du grec mole, par assimilation à une meule de moulin. Ce terme
s’appliquait primitivement aux masses organiques amorphes dont accouchent parfois
les femmes ; plus tard, il a été étendu à toutes les tumeurs des ovaires ou de l’utérus qui
contiennent des débris embryonnaires. On qualifiait de « fausses môles » les
concrétions sanguines et les masses charnues ou fibreuses qu’on trouve quelquefois
dans l’utérus.
5. Les anciens attribuaient aux môles des facultés merveilleuses : elles marchaient,
elles volaient, elles se cachaient sous les vêtements des femmes, rentraient à volonté
dans l’abdomen maternel, etc.
6. PLINE, Histoire naturelle, trad. Ajasson de Grandsagne. Panckoucke, Paris, 1839,
vol. 6, pp. 48 et 49.
24. Nous savons aujourd’hui que des stimulations visuelles (vue d’un congénère,
vue de sa propre image dans un miroir, etc), peuvent, par l’intermédiaire de
l’hypophyse, déterminer la maturité gonadique et la ponte chez un oiseau (expériences
sur les pigeons). Il semble que, chez la dinde, le chant du mâle ait une action
favorisante sur le développement parthénogénétique des œufs. (Voir M. W. OLSEN et
S.-J. MARSDEN, Dévelopment in infertilized turkey eggs, Journal of experimental
Zoology, juillet 1954, pp. 337-347.)
25. Archiv für Gynäk. 1870.
30. Recherches sur l’atrésie des follicules de de Graaf chez les Mammifères et
quelques autres Vertébrés. Journal de l’anatomie et de la physiologie, 1894. – Sur la
fragmentation parthénogénétique des ovules de Mammifères pendant l’atrésie des
follicules de de Graaf. Comptes rendus Académie des Sciences, 15 mai 1893.
31. Pathogénie générale de l’embryon et tératogénie, dans le Nouveau Traité de
Pathologie générale de BOUCHARD et ROGER, tome I. Masson, 1912.
32. Voir : The parthenogenetic development of ova in the mammalian ovary and the
origin of ovarian teratoma and chorio-epithelioma. Journal American Medic. Assoc.,
1911, vol. XVI.
33. Vésicule blastodermique parthénogénétique dans un ovaire de cobaye impubère.
Archives d’Anat., d’Hist. et d’Embryologie, 1923, tome II, p. 455. – R. COURRIER et
CH. OBERLING, Parthénogenèse spontanée dans l’ovaire du cobaye. Bulletin de la Soc.
Anatomique, 1923, p. 724.
34. La parthénogenèse dans l’ovaire des mammifères et le problème de l’origine des
embryomes. Bull, de l’Ass. française pour l’étude du cancer. Novembre 1927, tome XVI,
No 8.
43. Voir PEYRON, LIMOUSIN et LAFAY. Bulletin de l’Association française pour l’étude
du cancer, décembre 1936, tome 25, no 6, et surtout A. PEYRON, Gestation
tératologique et parthénogenèse polyembryonique dans le testicule de l’homme et des
Mammifères. Archives hospitalières, 1942, Nos 19 – 20, pp. 408 – 412.
44. R. WINSTON EVANS (Developmental stages of embryo-like bodies in teratoma
testis. Journal Clin. Path., 1947) a récemment publié des observations qui semblent
corroborer pleinement celles de Peyron, dont j’ai été extrêmement surpris de ne pas
trouver le nom dans les références données par l’auteur anglais.
(1561-1626)
BACON.
François Bacon est surtout connu comme philosophe,
méthodologiste, moraliste et écrivain ; mais il intéresse, à bien
des égards, l’historien de la biologie. Si, en ce domaine, il n’a pas
fait de véritables découvertes, s’il n’a tenté, semble-t-il, que des
expériences assez grossières, même pour son époque, du moins il
a médité profondément sur les grands problèmes de la vie et de la
mort ; il a entrevu d’importantes vérités, et tracé pour ses
successeurs un vaste programme de recherches qui, lorsque nous
le considérons aujourd’hui, ne laisse pas de nous surprendre par
une hardiesse d’invention qui rejoint certaines espérances de la
science contemporaine.
Son Histoire de la Vie et de la Mort fait de lui, indéniablement,
l’un des créateurs de la gérontologie ou science de la vieillesse.
On trouve là, en effet, le premier effort sérieux pour pénétrer
les causes du vieillissement, et découvrir les moyens de prolonger
la durée de l’existence.
Bacon s’étonne que, jusqu’alors, la médecine se soit assigné
pour seul but la conservation de la santé et la guérison des
maladies. Elle se doit, pense-t-il, d’être beaucoup plus ambitieuse
et de s’appliquer à « éloigner cette mort qui vient à pas lents et
qui a pour cause la simple dissolution et l’atrophie de la
vieillesse ».
Qu’on ne se laisse pas détourner, surtout, de cette voie par le
fallacieux scrupule de ceux qui soutiennent qu’il est impie de
soumettre à l’office et à la juridiction de l’art « ce qui est commis
au destin et à la divine providence ». Car la providence dispose
également de toute espèce de mort, aussi bien de la mort violente
et de celle qui vient de maladie que de celle qui résulte des
progrès de l’âge, et cela n’empêche pas qu’on n’use, pour éviter
ou retarder les premières, de préservatifs et de remèdes. Pourquoi
l’homme serait-il tenu de rester inactif devant les effets
déprédateurs du temps, alors que, de toutes ses forces, il combat
les autres causes de destruction et d’amoindrissement ?
Mais comment lutter efficacement contre la dissolution,
l’atrophie qu’amène la vétusté dans le corps de l’homme ?
Cette dissolution, cette atrophie, elle provient essentiellement,
selon Bacon, de ce que le corps subit une consomption, tandis que
la réparation s’y fait de façon incomplète.
L’aptitude à la réparation est fort inégale suivant les parties du
corps. Alors que le sang, la chair, la graisse, réparent facilement
leurs pertes, il n’en va pas de même pour les membranes, les
nerfs, les artères, les veines, les os, les cartilages. C’est donc par
eux que débutera la vieillesse, et pour gagner ensuite,
inéluctablement, les autres parties, qui, encore que plus aptes à se
réparer, vont pâtir de leur union, de leur « entrelacement » avec
les parties le moins réparables.
Pour empêcher ou retarder le vieillissement du corps, on
disposera, théoriquement, de deux procédés principaux : ou
ralentir la consomption des parties, ou renforcer leur pouvoir
réparateur.
En somme, l’idée de Bacon – si nous la traduisons en termes
d’aujourd’hui – est que la vieillesse comporte un processus
destructeur, dégradateur, que ne parviennent pas à compenser, du
moins en tous les tissus, les ressources de la régénération. Pour
retarder la vieillesse, il faut ou réduire la dégradation, ou accroître
le pouvoir régénérateur ; et n’est-ce pas, tout compte fait, ce que
tentent nos gérontologistes de 1958 quand ils s’efforcent de
combattre les scléroses tissulaires et quand ils administrent aux
sujets vieillissants des extraits embryonnaires (poïétines,
tréphones, etc.) ?
Bacon attribue, en grande partie, la consomption sénile à
l’influence de l’air extérieur. Aussi estime-t-il que l’on réussirait à
prolonger la vie en réduisant cette influence, soit par vivre en des
lieux où l’air est raréfié (à l’intérieur des cavernes, sur les
montagnes), soit par protéger la peau avec de l’huile, de la
graisse, du beurre, toutes substances qui, en bouchant les pores
cutanés, diminuent la transpiration et le desséchement qui en
résulte.
Le sommeil aidera, lui aussi, à ralentir la consomption, comme
l’indique l’exemple des animaux hibernants (loir, chauve-souris).
En outre, on usera de purgations pour évacuer les vieux sucs
viciés, on humectera les organes par de judicieux régimes et par
des médicaments appropriés, mais sans se faire trop d’illusions
sur l’action de tel ou tel d’entre eux, car retarder la marche du
temps ne saurait être l’œuvre d’une drogue ou d’un élixir de
jouvence.
Des diètes réitérées (une fois tous les deux ans), et très
amaigrissantes, provoqueront des sortes de « maladies
artificielles », dont l’effet pourrait être favorable : l’individu
bénéficiera ainsi d’une « convalescence » ; il quittera sa dépouille,
pour ainsi dire, comme font les serpents.
Pour ce qui est d’augmenter les facultés de réparation, Bacon
pense qu’on n’y parviendra qu’à la condition de mieux connaître
le mécanisme et les circonstances de l’alimentation et de
l’assimilation. Il serait important, à cet égard, de trouver un
moyen d’alimenter le corps par l’extérieur.
Bacon met en doute l’efficacité du moyen que recommande
Marcile Ficin, et qui consiste à sucer du sang de jeune homme.
Un des chapitres les plus considérables de la gérontologie
baconienne touche à l’étude de la longévité naturelle dans le
règne animal et dans le règne végétal. On trouve là, déjà, une
imposante leçon de biologie comparée.
Bacon confronte les durabilités des plantes herbacées,
annuelles ou vivaces ; il les oppose à celles des arbres qui parfois
vivent jusqu’à huit cents ans, et en conclut que, toutes choses
égales d’ailleurs, la durée d’un végétal est en proportion de son
volume total.
Il note aussi que « les arbres qui portent des glands ou des noix
vivent ordinairement plus longtemps que ceux qui portent des
fruits ou des baies ».
Chez les animaux, la durée de la vie, extrêmement variable,
doit être mise en relation avec le volume du corps, le temps de
gestation, le temps de l’accroissement, le nombre des petits de
chaque portée ou de chaque couvée. Et Bacon, avant Buffon,
avant Flourens, établira un rapport direct entre la longévité et la
longueur de la croissance : « Les corps qui ont besoin d’un temps
plus long pour acquérir toute la perfection dont ils sont
susceptibles sont par là même plus vivaces et de plus longue
durée. Cette lenteur avec laquelle ils marchent vers leur
perfection annonçant la longue durée de leurs périodes
naturelles, d’où résulte nécessairement celle de la période totale
dans laquelle leur vie est circonscrite. »
D’entre tous les animaux, l’Homme est celui qui vit le plus
longtemps, mais la longévité humaine elle-même est sujette à de
sensibles variations. Et Bacon marque, ici, très pertinemment, le
rôle de la race et de l’hérédité :
« L’expérience prouve qu’il y a des races qui, pendant un
certain temps, sont très vivaces ; avantage qui, en elles, semble
être héréditaire comme certaines maladies. »
Certains traits individuels paraissent prédisposer à la
longévité : par exemple, le teint brun ou roux, ou semé de taches
de rousseur, la peau ferme et dure, compacte et unie, les cheveux
rudes, crépus, les poils aux cuisses et aux jambes, la taille haute,
les parties inférieures plus larges que les supérieures, les fesses
petites, les veines un peu saillantes, les narines bien ouvertes, la
bouche grande et bien fendue, les oreilles plutôt cartilagineuses
que charnues, les dents grosses, fortes et serrées, la poitrine large,
le pied court, les yeux verts ou gris, le pouls lent durant la
jeunesse et qui devient plus fréquent dans l’âge mûr…
La calvitie et le blanchiment précoce ne donnent aucune
indication sur la durée de la vie.
Quant aux causes extérieures, elles jouent également leur rôle.
Les habitants des régions froides vivent ordinairement plus
longtemps que ceux des pays chauds ; les habitants des îles, plus
longtemps que les habitants des lieux continentaux. L’altitude, la
pureté, l’égalité de l’air augmentent la longévité, que favorise
aussi le changement d’air.
La façon de vivre n’est pas sans influer sur la longévité ; et
Bacon, sur ce point, a mené son enquête personnelle :
« Je n’ai jamais rencontré d’individu fort avancé en âge sans le
questionner sur sa manière de vivre, et j’ai toujours trouvé
quelque chose de particulier, d’original dans son régime. »
Varier le régime et l’exercice, faire alterner le jeûne et d’amples
repas, s’adonner librement aux travaux sereins de l’esprit : tels
sont les conseils d’hygiène et de sagesse que tirera Bacon de son
observation et de son expérience. Et le moraliste se joindra au
biologiste pour rappeler que rien ne vaut, dans la thérapeutique
de l’âme, cette « joie en feuilles » qu’est l’espérance. Favorisés
ceux-là « qui, dès le commencement s’étant fixé un but noble et
fixe, qui est pour eux le terme du voyage, et la borne placée au
bout de la barrière, se sentent avancer de jour en jour, et
insensiblement vers ce but ».
*
**
D’une très grande portée historique sont les idées de Bacon
sur la transformation des espèces1. Non point que Bacon soit
transformiste au sens où nous l’entendons de nos jours, c’est-à-
dire partisan d’une évolution générale des êtres s’étant déroulée
dans le temps et allant du simple au complexe ; mais l’une de ses
préoccupations majeures est que la science, un jour, parvienne à
modifier artificiellement, et à volonté, les êtres vivants.
Il envisage, tout d’abord, la création d’espèces nouvelles par le
moyen des croisements, moyen qui n’a été, jusqu’ici, que très
peu utilisé du moins chez les plantes, et qui est certainement
beaucoup plus puissant que celui de la greffe, tout juste capable
d’améliorer la qualité des fruits et de faire produire des fleurs
doubles.
« Jusqu’ici on a rarement tenté de combiner et de croiser ainsi
des plantes d’espèce différente ; et nous n’avons que très peu
d’observations sur ce sujet. Cependant, si des combinaisons de ce
genre étaient possibles, elles seraient plus en notre disposition
que celles des différentes espèces d’animaux qui ne peuvent être
excités à la génération que par le prurit de la volupté… Cette
combinaison des plantes de différentes espèces serait un objet
d’autant plus digne de fixer notre attention qu’on aurait lieu
d’espérer de pouvoir, par ce moyen, produire de nouvelles
espèces de fruits ou de fleurs, si nouvelles qu’il faudrait inventer
de nouveaux noms pour les désigner. »
Dans le même dessein de provoquer des changements
d’espèces, Bacon envisage, en outre, de semer des graines d’une
espèce parmi des plantations d’une autre espèce, encore qu’il ne
faille pas se flatter de pouvoir, par cette « contamination »,
bouleverser l’agriculture en produisant des espèces vraiment
nouvelles.
Tout de même, il serait chimérique de croire qu’on va changer
les qualités naturelles d’une plante – couleur, odeur, saveur – en
injectant dans la tige des substances colorées, aromatiques ou
médicinales. Ce sont des aliments qu’il faudrait y introduire, et
qui puissent s’y incorporer.
Aussi bien, tout grand progrès dans la voie de la
transformation des espèces doit venir de l’étude des
transformations naturelles. Car il s’en produit quelquefois,
indéniablement : les plantes se détériorent, elles dégénèrent dans
certaines conditions, et jusqu’au point « de se convertir en
plantes d’une autre espèce ».
La Menthe aquatique se convertit en Menthe de plaine, le
Chou en Rave. Selon certains auteurs, un Basilic trop longtemps
exposé au soleil ardent devient Serpolet, une branche de Chêne
enfouie profondément se mue en Vigne sauvage, une souche de
Hêtre peut produire un Bouleau, l’Orge devient folle Avoine, le
Froment ou l’Orge deviennent plantes herbacées d’un autre type.
Or, « cette opération par laquelle les plantes se transforment
d’une espèce en une autre peut être regardée comme un des plus
profonds mystères de la nature, la philosophie vulgaire en
déclarant impossible toute espèce de transmutation, ayant assez
clairement témoigné qu’elle désespérait de celle-ci comme de
toutes les autres. Il n’est pas douteux que les difficultés d’une
telle opération ne répondent à la grandeur de l’entreprise et que,
pour se mettre en état de l’exécuter, il ne faille observer la nature
de fort près, la forcer, pour ainsi dire, dans ses derniers
retranchements, et la prendre sur le fait. Cependant, nous voyons
assez d’exemples flagrants de ces transformations pour être
fondés à rejeter l’opinion qui les déclare impossibles et à chercher
les moyens de les imiter nous-mêmes ».
LES SOURCES
DE LA BIOLOGIE EXPÉRIMENTALE
Nous sommes aujourd’hui accoutumés aux « miracles » de la
biologie. Nous en attendons sans cesse de nouveaux et il n’est
plus rien qui, venant d’elle, nous puisse encore surprendre.
Morcèlement du germe, génération sans père, transformation du
sexe, mutation artificielle ; déjà elle nous a apporté tout cela, qui
n’est que prélude à tant d’autres innovations promises : mutation
dirigée, changement des caractères héréditaires avant ou après la
naissance, prolongation de la vie, développement embryonnaire
en dehors du corps maternel…
Cette entreprise de l’homme sur la nature a de quoi nous
émouvoir à double titre : d’abord, parce que l’homme fait partie
de cette nature et que, tôt ou tard, il se sent démangé d’appliquer
à soi-même ce qu’il réalise chez l’animal ; ensuite, parce que,
indépendamment de toute extension à notre espèce, le fait de
maîtriser à ce point les phénomènes vitaux, surtout ceux qui
touchent à la formation de l’être, pose des problèmes d’ordre
philosophique.
On croit assez généralement que la Biologie expérimentale, ou,
du moins, cette forme de Biologie active, opératoire,
interventionniste, – exécutive et conquérante, comme eût dit
Claude Bernard – est apparue avec notre siècle. On la daterait
volontiers de l’époque (aux alentours de 1900) où fut inventée la
parthénogenèse artificielle de l’Oursin et où l’on commença de
soupçonner la puissance des drogues naturelles, ou hormones,
qui jouent un rôle si important dans les mécanismes
fonctionnels, y compris ceux de la sexualité.
En réalité, cette biologie est beaucoup plus ancienne ; ses
racines plongent dans un passé relativement lointain, et, encore
qu’il soit assez malaisé d’en fixer précisément l’origine, on ne se
tromperait guère, je crois, en la faisant naître vers le milieu du
XVIIIe siècle.
RÉAUMUR
EMBRYOLOGISTE ET GÉNÉTICIEN
Les premiers noms éclatants de la biologie française
n’apparaissent qu’au XVIIIe siècle. Non pas que la France, jusque-
là, fût demeurée à l’écart du grand mouvement de recherches et
d’idées qui devait aboutir à constituer la science de la vie, mais
aucun naturaliste de chez nous n’avait encore produit une de ces
œuvres maîtresses qui marquent l’histoire de l’esprit humain par
leur envergure, leur achèvement, leur caractère d’universalité.
Le XVIIIe siècle verra s’épanouir, et presque ensemble, deux
personnalités du premier ordre : Buffon et Réaumur. Tous deux
sont des gentilshommes amoureux de la nature ; tous deux sont
de formation mathématicienne. L’un choisit pour objets
d’études les grands animaux, il ne daigne pas abaisser son regard
au-dessous des oiseaux ; l’autre se penche sur les insectes. L’un
raisonne, imagine, philosophe ; l’autre observe et expérimente.
Tandis que l’un s’élève à d’orgueilleuses synthèses où se plaît son
génie, l’autre applique le sien, qui n’est pas moindre, à la
patiente analyse des faits.
Réaumur étendit ses curiosités à tous les domaines de la
science et de la technique, depuis la physique jusqu’à la
psychologie.
Inventeur, il propose de nouveaux procédés pour la
préparation des fontes, de l’acier, du fer-blanc, pour la forge des
ancres et la fabrication de la porcelaine. Physicien, il construit un
thermomètre qui introduit une meilleure précision dans le
repérage des températures. Physiologiste, il expérimente avec
sagacité sur les phénomènes de la digestion. Biologiste, il observe
la régénération des pattes chez l’Ecrevisse, opère des croisements
entre différentes races de volailles, et, ayant découvert qu’on peut
prolonger la vie des chenilles et des chrysalides en les
refroidissant, il se demande si l’on ne peut espérer, par ce même
moyen, prolonger la vie des « machines animales qui nous
intéressent le plus », c’est-à-dire des machines humaines.
Entomologiste, il compose cette extraordinaire et monumentale
Histoire des Insectes, où, pour la première fois, sera raconté
l’Insecte vivant et actif, dans ses mœurs, dans son génie, dans son
industrie.
Son Histoire des Guêpes, celle des « Bourdons velus dont les
nids sont de mousse », celle des Abeilles maçonnes, des Fourmis,
des Libellules, sont des chefs-d’œuvres d’observation diligente et
sagace. Réaumur observe les insectes dans la nature, mais aussi à
domicile, dans des cages et des volières, ce qui lui permet de
suivre son « petit peuple » à toute heure du jour et de la nuit.
Initiateur de l’étude des mœurs animales, il enregistre le moindre
geste de ses pensionnaires. Sa vigilance, sa minutie, son scrupule,
lui font voir ce que nul n’avait vu avant lui, et n’aurait même
songé à regarder.
Ses descriptions sont incomparables de précision, de finesse et
de vérité. Qui a lu Réaumur a vu par soi-même. On lui a
quelquefois reproché un peu de prolixité et de lourdeur. Mais
peut-il en être différemment chez celui qui veut épouser tous les
contours, toutes les inflexions du réel ?
Plus insistant et méticuleux que J.-H. Fabre, il reproduit la
chose observée dans son grain le plus ténu. Il est le Marcel Proust
des Insectes.
Nous ne nous occuperons ici que de Réaumur embryologiste
et généticien. Si, en ce domaine, il n’a pas fait de véritables
découvertes, il a du moins entrepris, ébauché ou provoqué des
recherches fécondes, semé des idées originales, commenté avec
beaucoup de subtilité critique les résultats obtenus par autrui.
Le problème de la génération des Batraciens l’a préoccupé
durant plusieurs années, aux environs de 17401.
A cette époque, on ignorait à peu près tout de la manière dont
s’opère la fécondation chez les Grenouilles et les Crapauds,
encore que Swammerdam eût affirmé avoir vu le mâle arroser les
œufs avec sa semence, et qu’il eût même figuré dans un dessin
une espèce de gerbe liquide sortant du derrière de l’animal.
Dans l’espoir d’assister à cette irroration, Réaumur place sur
son bureau des poudriers contenant des Grenouilles accouplées ;
c’est en vain qu’il les observera durant des heures. Sa
collaboratrice, mademoiselle du Moutier, aura, un jour, le
privilège d’apercevoir comme un jet de fumée échappant de
l’anus d’un mâle, mais le grand savant ne pourra jamais
confirmer par lui-même cette observation.
Il essaie, avec l’Abbé Nollet, de mettre des « culottes » de vessie
ou de taffetas ciré aux mâles accouplés, expérience dont il attend
« des faits bien curieux » ; mais les animaux s’en débarrassent
promptement. Il réussit, en fin de compte, à préparer des culottes
qui ne se défont pas, en les ajustant mieux au corps de l’animal,
et surtout en y adaptant des « bretelles » qu’il fait passer « sur les
bras de la Grenouille mâle, sous la tête, entre son corps et celui
de la femelle ». Cette expérience, d’une conception très
ingénieuse, ne lui fournit cependant aucun résultat positif ; aussi
l’Abbé Nollet, beaucoup plus tard, dira-t-il à l’Abbé Spallanzani,
qui étudie, à son tour, la génération des Amphibiens :
« Il y a trente ans que M. de Réaumur et moi nous avons fait
plusieurs recherches à ce sujet. Nous avons suivi les
accouplements des Grenouilles pendant des semaines entières ; je
me rappelle d’avoir mis à des mâles de petits caleçons de taffetas
ciré, de les avoir longtemps observés, et de n’avoir jamais rien pu
voir qui annonçât l’acte de fécondation. »
C’est précisément en refaisant, dans de meilleures conditions,
l’expérience de Réaumur et Nollet que Spallanzani pourra
recueillir quelques gouttes de liqueur séminale dans le caleçon, et
réaliser ainsi la première insémination artificielle2.
Réaumur était allé jusqu’à se demander si la fécondation des
Grenouilles ne s’opérait point par l’intermédiaire des pouces du
mâle, lesquels, pendant l’étreinte, se logent dans les chairs de la
femelle en appuyant fortement sur la peau de celle-ci. Ces pouces
présentent une région « chagrinée », qui paraît être un assemblage
de petites glandes ; la pression doit obliger quelque liqueur à en
sortir, et pourquoi « ne soupçonnerait-on pas que cette liqueur,
filtrant à travers la peau de la femelle, soit celle qui est nécessaire
à la fécondation des œufs ? »
Réaumur songe donc à mettre au mâle des gants de taffetas, ou
encore à placer, entre les deux Grenouilles accouplées, une pièce
de taffetas ciré, de telle manière que le mâle ne puisse presser la
femelle qu’au travers de l’étoffe.
Comme on voit, Réaumur, accoutumé aux singularités de la
nature et à la variété de ses moyens, ne refusait pas d’examiner
même les hypothèses les plus invraisemblables.
Au cours de ses recherches sur la génération des Batraciens,
Réaumur fut amené à étudier de très près le développement de
l’œuf et la structure du têtard à ses différents stades d’évolution.
Dans un dossier inédit, on a retrouvé de remarquables
documents (croquis et dessins, la plupart à la sanguine) relatifs à
l’embryogenèse de la Grenouille. « La segmentation de l’œuf, les
aspects extérieurs des diverses phases de la gastrulation et de la
fermeture du blastopore, l’anatomie interne du têtard, avec des
figures minutieusement exactes de l’appareil digestif, de
l’appareil circulatoire et branchial, de l’appareil hyoïdien, de la
conformation de la bouche et des dents, sont représentés là
comme ils pourraient l’être dans un traité d’embryologie
actuel3. »
*
**
Alors que les travaux de Réaumur sur la génération des
Amphibiens sont tous restés inédits, nous avons, de lui, un
ouvrage fameux sur l’incubation artificielle des Oiseaux4, où il
montre, non seulement les avantages pratiques de la méthode des
« fours », mais tout l’intérêt qu’elle peut présenter pour les
« amusements philosophiques », et, notamment, pour l’étude
systématique du développement embryonnaire du poulet :
« Il n’est point d’observations plus propres à nous instruire sur
la manière admirable dont la nature opère le développement des
germes des animaux, dont elle conduit ces germes à être des
embryons, et à faire croître ces derniers jusqu’à ce qu’ils soient
des animaux assez forts pour paraître au jour, que les observations
de ce qui se passe chaque jour dans les œufs des oiseaux depuis le
commencement jusqu’à la fin de l’incubation. Chaque œuf
qu’on casse pendant ce temps offre un spectacle qu’on ne saurait
assez admirer, et qu’on admire sans s’en lasser. Harvée [Harvey],
Malpighi, et plus récemment Antoine Maître-Jan5, ont décrit, et
les deux derniers ont fait représenter les progrès journaliers dont
ils n’ont pu voir la suite complète qu’au bout de trois semaines ;
ils ont eu besoin qu’un dessin fait le jour précédent les mît en
état de reconnaître ce qu’un œuf couvé vingt-quatre heures ou
quelquefois douze heures de plus montrait de visible qui ne
l’était pas dans un œuf couvé vingt-quatre heures ou douze
heures de moins. Au moyen de nos fours, la suite des
développements et des accroissements qui se font en moins de
vingt et un jours dans les œufs de poules, peut être mise sous nos
yeux dans la même heure et dans un temps plus court ; un même
four pourra nous donner des œufs à tout terme, et celui de
chacun sera connu, si on a eu soin d’écrire sur chaque œuf,
comme on doit toujours le faire, le jour où il aura commencé à
être couvé, et même d’y écrire l’heure, si on l’a destiné à des
observations plus précises. On sera donc maître de casser dans le
même moment des œufs où se trouvera la suite complète des
progrès de l’incubation ; on pourra comparer sur-le-champ tous
ces progrès entre eux ; pour s’assurer des différences, on cassera
plusieurs œufs pris à chaque terme, la comparaison qu’on fera de
la sorte sera tout autrement exacte que celle qu’on n’a pu faire
sur des dessins, en examinant ce que ceux d’un jour ont de plus
que ceux du jour qui les a précédés. »
La méthode d’incubation artificielle devait, en effet, se
montrer d’un précieux secours aussi bien en embryologie
descriptive qu’en embryologie expérimentale. Elle est
aujourd’hui d’application journalière dans les laboratoires.
Dans son Art de faire éclore, Réaumur se préoccupe, en outre,
des conditions physiologiques de la ponte (il voit celle-ci retardée
chez les poules qu’il ne fait vivre que d’épinards) ; il montre
qu’on peut prolonger la vitalité des œufs par le vernissage de la
coquille6, et cherche à déterminer le temps de survie de la
semence dans les voies génitales de la femelle.
Par des expériences précises, il constate que des poules privées
de coq peuvent, pendant près de cinq semaines, pondre des œufs
féconds. Quelquefois, les œufs cessent d’être féconds après vingt-
cinq à vingt-six jours d’isolement7.
« Cette expérience, dit-il, demanderait à être répétée encore
bien des fois, et dans différentes saisons de France, pour s’assurer
des limites au delà desquelles la fécondation des œufs de poule ne
saurait s’étendre. »
*
**
On attribue généralement à Charles Bonnet l’entière paternité
de la découverte de la parthénogenèse chez les Pucerons (1740),
découverte qui fit époque dans l’histoire de la biologie, car elle
révélait la première infraction connue à la grande loi de la
reproduction par sexes.
Or, sans diminuer le mérite de Bonnet, il sied de reconnaître la
part considérable que prit Réaumur dans cette découverte.
Avant lui, Leeuwenhoek et Cestoni, n’ayant jamais rencontré
de Pucerons accouplés, avaient avancé que chaque Puceron se
suffit à lui-même, et peut, sans s’être joint à un autre Puceron,
mettre au jour des petits qui lui deviennent semblables ; mais,
pense Réaumur, une preuve négative est trop légère pour établir
une exception à une règle de si vaste généralité.
L’accouplement des Abeilles n’a jamais été vu, et celui des
Fourmis ne l’a été que depuis peu. On pourrait imaginer que
l’accouplement des Pucerons ne se produit qu’en un certain
temps, à certaines heures, peut-être de la nuit, ou que l’acte
sexuel est si promptement expédié qu’il ne laisse pas à
l’observateur le temps de le surprendre ; enfin, les Pucerons se
tiennent appliqués les uns contre les autres, il s’entre-touchent
par des parties différentes, marchent de concert, passent les uns
sur les autres ; ne peut-on soupçonner que les occasions ne leur
manquent point de se rendre mutuellement féconds ?
Toutefois, Réaumur a constaté ce fait, très significatif, que les
Pucerons contiennent des petits bien formés un assez long temps
avant que d’être eux-mêmes insectes parfaits, en tout cas, avant
d’avoir subi leur dernière mue (changement de peau).
Il fait alors l’expérience suivante : il met en solitude un
Puceron qui doit devenir « ailé », mais dont les ailes sont encore
cachées et pliées sous la peau qu’il lui reste à dépouiller. Ce
Puceron se transforme, acquiert des ailes, et donne ensuite
naissance à des petits vivants. L’expérience est plusieurs fois
renouvelée sur des Pucerons d’espèces variées (peuplier, vessie de
peuplier), et toujours avec le même succès. Elle prouve
incontestablement qu’un Puceron peut devenir fécond sans s’être
accouplé, dans son état définitif, avec un de ses pareils. S’il est
fécondé à quelque moment de son existence, c’est dans un âge
précoce, et qui n’est pas l’âge habituel de fécondation chez les
insectes. De toute manière, il constitue à cet égard une exception,
une « singularité de l’histoire naturelle ».
Comme on voit, Réaumur apporte, par ce fait, une
démonstration partielle du phénomène de parthénogenèse.
Mais il ne s’en tient pas là. Il entreprend d’élever un Puceron
depuis l’instant de la naissance, et de façon qu’il ne puisse avoir
commerce avec aucun autre congénère : si, dans ces conditions,
l’insecte se montre fécond, ce sera sans accouplement d’aucune
sorte, à moins qu’il ne se soit « accouplé dans le ventre même de
sa mère ».
Réaumur plante donc un jeune Chou dans la terre d’un grand
poudrier, et, avant de recouvrir celui-ci d’une gaze fine, il dépose
sur une feuille de la plante un Puceron qui vient d’être accouché.
Mais, encore qu’à plusieurs reprises il tente l’expérience, il ne la
pourra mener à bien : chaque fois, il arrive à l’insecte prisonnier
quelque chose qui le fait périr avant l’âge de la reproduction…
L’expérience la plus heureuse ne dura pas plus de neuf jours.
Mais Réaumur ne doute pas qu’en persévérant suffisamment
l’on ne parvienne à élever des Pucerons en solitude jusqu’à l’âge
où ils multiplient. Et quand un tout jeune homme de Genève,
Charles Bonnet, lui écrira pour lui demander dans quelles
recherches « il aimerait le mieux qu’on l’aidât », Réaumur
indiquera à son disciple l’expérience du Puceron en solitude.
Charles Bonnet choisit un Puceron du fusain, né
le 20 mai 1740, à cinq heures du soir. Or, dès le 1er juin, vers les
sept heures du soir, sous l’œil enivré du jeune naturaliste,
l’insecte commencera de procréer ; du Ier au 21, il donnera le
jour à quatre-vingt-quinze petits vivants, certainement nés en
dehors de toute conjonction des sexes.
Annoncée à Réaumur par Bonnet, la découverte de la
parthénogenèse fut immédiatement communiquée à l’Académie
des sciences de Paris. Elle fit grande sensation dans le monde
scientifique, où elle apparut comme la « plus grande singularité
que l’histoire naturelle nous ait fait voir jusqu’ici, une singularité
intéressante pour les physiciens, et même pour les
métaphysiciens, et très propre à justifier l’emploi du temps passé
à observer les plus petits insectes », – ainsi que tenait à le faire
remarquer Réaumur, à qui l’on reprochait volontiers de faire trop
de cas des êtres infimes8.
La belle expérience de Bonnet fut bientôt confirmée par
Trembley (sur le Puceron du Sureau), par Lyonet (sur les
Pucerons du Rosier et du Saule), par Bazin (sur le Puceron du
Pavot), et par Réaumur lui-même, qui d’abord échoua dans son
élevage parce qu’il recouvrait d’un poudrier de verre la plante
nourricière – d’où un excès d’humidité préjudiciable à
l’insecte –, et finit par obtenir le résultat cherché en protégeant la
plante avec une gaze à mailles très fines.
Comme M. Bazin, il avait choisi, cette fois, pour élève un
Puceron du pavot, espèce qui ne met que sept jours pour atteindre
à l’âge reproducteur, alors que les autres en mettent au moins
dix. Et ce n’est pas sans regret que Réaumur, en exposant la
réussite de son expérience, ajoute que si, dès ses premiers essais, il
avait fait choix de cette espèce, un peu plus rapide dans son
évolution, il aurait pu alors apporter lui-même la démonstration
complète de la parthénogenèse, puisque, dans l’une de ses
expériences, le Puceron solitaire avait vécu neuf jours.
BIBLIOGRAPHIE
BUFFON : Œuvres.
CAULLERY (M.) : Introduction à l’Histoire des Scarabées.
Lechevalier, 1955.
MAUPERTUIS : Lettres.
RÉAUMUR ; Art de faire éclore, 2 vol. in 12, 1749 et 1757.
– Mémoires pour servir à l’histoire des insectes.
ROSTAND (Jean) : Esquisse d’une histoire de la biologie. Gallimard,
1945.
– Les origines de la biologie expérimentale et l’Abbé Spallanzani.
Fasquelle, 1951.
SPALLANZANI : Expériences sur la génération, 1789.
TORLAIS (J.) : Réaumur, un esprit encyclopédique en dehors de
l’Encyclopédie. Desclée de Brouwer, 1936.
– Morceaux choisis de Réaumur, Gallimard, 1939.
7. Harvey avait vu que la poule peut pondre des œufs féconds vingt jours après avoir
été séparée du coq.
8. Le grand Buffon n’avait-il pas dit qu’une mouche ne doit pas tenir plus de place
dans l’esprit du naturaliste qu’elle n’en tient dans la nature ?
11. Voir JEAN ROSTAND. Esquisse d’une histoire de la Biologie. Gallimard, 1942.
12. Voir Art de faire éclore, 1re édition, 1749.
13. Dénuées de tout vestige de croupion, ces poules manquent des glandes qui
sécrètent la liqueur grasse à laquelle certains auteurs ont attribué la propriété de
protéger les plumes contre l’eau. Mais Réaumur, s’étant assuré que les poules sans
croupion résistent aussi bien à la pluie que les poules normales, critique cette opinion
« finaliste » : « Tant qu’on ignorera pourquoi il se fait dans nos oreilles une sécrétion,
mais en petite quantité, d’une matière particulière, on ne se croira pas obligé de rendre
raison pourquoi il se fait aussi une sécrétion en très petite quantité d’une matière
particulière sur le derrière des poules. »
14. Dans la deuxième édition de L’Art de faire éclore, Réaumur indique une troisième
race, avec laquelle des expériences de croisement pourraient être poursuivies : c’est une
race privée d’ailes (ou plutôt à ailes rudimentaires, comme le Casoar), qui lui a été
signalée par M. Tesdorpf, négociant de Lubeck, et qui provient, paraît-il, de Legeberg,
en Holstein.
15. Il avait aménagé, à cet effet, un grand nombre de « loges » spéciales pour « faire
des expériences sur des poules d’une espèce, assorties avec des mâles d’une autre
espèce ».
18. Marie n’avait pas exactement six doigts, mais elle avait le pouce très épais,
comme double.
19. Voir Lettres de Maupertuis, 1752, Lettre XIII.
20. On pouvait croire, à ce moment, que Haller avait apporté cette démonstration
par ses observations sur le développement du poulet.
21. Plus tard, il dut à l’obligeance de M. Vallon, contrôleur de la Maison du Roi, un
canard et une poule qui « avaient du goût l’un pour l’autre » ; mais cette poule ne lui
donna aucun œuf (voir Art de faire éclore, 2e édition).
22. Le fidèle M. Vallon lui adressa, ultérieurement, une poule et un lapin qui étaient
« encore mieux ensemble » que ceux dont on vient de parler. Mais la poule, avant de
mourir, ne pondit qu’un seul œuf, et qui était clair. On lui donna une remplaçante,
qui pondit quelques œufs clairs : « Peut-on espérer qu’elle en donnera quelqu’un qui
aura été fécondé ! » (Art de faire éclore, 2e édition.)
23. C. f. DIDEROT (Suite de l’Entretien avec d’Alembert, p. 189, Œuvres, II) : « Un
fait singulier, qu’une infinité de gens instruits vous attesteront comme vrai, et qui est
faux, c’est qu’ils ont vu dans la basse-cour de l’archiduc un infâme lapin qui servait de
coq à une vingtaine de poules infâmes qui s’en accommodaient ; ils ajouteront qu’on
leur a montré des poulets couverts de poils et provenus de cette bestialité. Croyez
qu’on s’est moqué d’eux. »
VI
b) La Variation héréditaire
2. Pline parle de pies ayant cinq doigts aux pieds (quibus quini sunt digiti in
pedibus), et qui, d’après lui, apprendraient à parler plus facilement que les pies
normales (Histoire naturelle, livre X).
3. Parmi les précurseurs du mutationnisme, il faut citer le géomètre philosophe
Maupertuis (voir J. ROSTAND, L’Evolution des espèces), et Baker, qui, en présence de
« l’homme porc-épic » (Edward Lambert), se demandait si l’on n’assistait pas là à la
genèse d’une nouvelle race humaine et si toutes les variétés humaines connues
n’avaient pas, elles aussi, pris naissance de cette façon accidentelle.
4. « Les travaux de Lamarck sur l’influence modificatrice exercée par les
circonstances extérieures sur l’organisation seront peut-être aux yeux de la postérité le
plus beau titre de gloire de leur auteur. Il est triste d’avoir à ajouter que leur apparition
dans la science n’a été saluée que par la critique acerbe de quelques erreurs de détail et
de quelques écarts d’imagination, taches déplorables mais inévitables peut-être dans
une œuvre aussi hardie. »
5. Les Variations et l’Evolution, tome II, L’Evolution. Doin, Paris, 1930.
6. Etienne Rabaud, lui aussi, a insisté sur le rôle possible des variations
tératologiques dans l’évolution (L’Evolution tératologique, Rivista di Scienza, Scientia,
vol. III). – Lucien Cuénot, en revanche, doute que les mutations tératologiques aient
pu jouer un rôle évolutif : « On a parfois cherché dans les variations fortes de la
tératogenèse l’origine des grandes déviations organiques : la suppression de 1, 2,
3 ou 4 doigts chez les Ongulés Imparidigités ou Paradigités serait un cas
d’ectrodactylie ; la disparition d’une paire de membres chez les Siréniens, les Cétacés,
le Batracien Siren, une ectromélie ; l’absence complète de membres chez les Serpents,
l’Orvet, les Céciliés, une amélie… Mais ce sont là des rapprochements tout
superficiels » (Cuénot et Tétry. L’Evolution biologique, Masson, 1953).
7. Voir J. ROSTAND, L’Atomisme en Biologie, chap. XII.
VII
COLLADON
A-T-IL INFLUÉ SUR MENDEL ?
La science expérimentale de l’hérédité, ou génétique, naquit
dans les premiers mois de l’année 1900.
C’est alors, en effet, qu’éclate la révolution mendélienne, avec
les publications de trois botanistes – de Vries, Correns et
Tschermak – qui, ayant œuvré indépendamment les uns des
autres, font connaître, à quelques semaines de distance, les
résultats de leurs recherches sur l’hybridation des races végétales.
Ces résultats leur ont paru assez significatifs pour qu’ils les
formulent en véritables lois. Or voilà que, bientôt, ils connaîtront
la surprise d’apprendre que des lois identiques avaient déjà été
énoncées en 1865 par un moine tchèque, Johann Mendel, dont
le nom jusqu’alors était resté entièrement inconnu, ainsi que son
admirable travail sur les croisements de petits pois.
Les lois de l’hybridation – justement appelées lois de
Mendel – sont encore aujourd’hui la base inébranlable de la
génétique ; ce sont elles qui ont logiquement conduit à la théorie
du gène et à la théorie chromosomique de l’hérédité.
Mendel, sans rien savoir de la structure fine des cellules, sans
connaître l’existence des chromosomes, avait, par une
prodigieuse intuition, saisi en ses traits fondamentaux le
mécanisme intime qui préside à la distribution de l’héritage vital.
Il avait trente-cinq ans d’avance sur ses contemporains. C’est ce
qui explique son insuccès et ce qui mesure son génie.
*
**
Quelle que soit l’originalité créatrice de Mendel, on peut,
comme à tout grand homme de science, lui trouver quelques
précurseurs.
Au XVIIIe siècle, Réaumur avait entrepris des croisements de
volailles, entre races normales et races anormales (poules à doigt
surnuméraire, poules sans croupion) ; au XIXe, Isidore Geoffroy
Saint-Hilaire avait démontré, par des expériences faites sur les
Mammifères, la transmission de certains caractères monstrueux et
l’intransmissibilité de certains autres ; Dzierzon – l’apiculteur
silésien qui découvrit la parthénogenèse de l’abeille domestique –
avait croisé des races d’abeilles, et, ayant fait reproduire des
reines hybrides, en avait obtenu une descendance mêlée qui eût
pu, s’il avait su en interpréter la genèse, le mettre sur la voie de la
découverte mendélienne. De nombreuses observations avaient été
rassemblées par les médecins en ce qui concerne l’hérédité des
maladies, des tares, des prédispositions. On avait reconnu la
transmission de l’hémophilie (défaut de coagulabilité sanguine),
de l’héméralopie (cécité nocturne), de certaines anomalies du
squelette (polydactylie, ou doigts surnuméraires ; ectrodactylie,
ou absence de doigts ; syndactylie, ou soudure des doigts), etc.
Dans le domaine de la botanique, les croisements de varitétés ou
d’espèces avaient été l’objet d’études approfondies (Köhlreuter,
Gartner, Sageret, Naudin), et sur le matériel même que devait
utiliser Mendel avec tant de bonheur, à savoir les petits pois à
graines vertes et à graines jaunes, Goss et Seton (1824) avaient
fait des constatations d’une telle précision que, lorsque nous les
envisageons à la lumière de notre savoir présent, nous nous
étonnons qu’ils n’en aient pas tiré un plus large parti.
Mais on ne se propose pas de retracer ici l’histoire de la
génétique prémendélienne ; on voudrait simplement attirer
l’attention sur un homme dont le travail n’a été que récemment
exhumé et qui, lui aussi, paraît avoir droit à un estimable rang de
précurseur : le pharmacien suisse Colladon.
*
**
1. Voir JEAN ROSTAND, L’Atomisme en Biologie, 1956, chap. IX. – J’avais déjà
mentionné, très brièvement, le travail de Colladon dans mon livre sur La Formation de
l’Etre, 1930, note de la page 190.
2. Des caractères physiologiques des races humaines considérés dans leurs rapports
avec l’Histoire. Lettre à Amédée Thierry, auteur de l’Histoire des Gaulois, Compère
jeune, Paris, 1829, pp. 26-27.
3. Observations relatives à l’appareil générateur des animaux mâles, examen des
liquides renfermés dans les diverses glandes qui peuvent s’y rencontrer ; histoire et
description des animalcules spermatiques (suite). I (1824), pp. 179 et sq.
LUCIEN CUÉNOT
(1866-1951)
Par l’originalité et la fécondité de ses travaux, par la rare
qualité de son érudition, par son exigence et sa finesse critiques,
par l’ampleur et la distinction de sa pensée, Lucien Cuénot
mérite le premier rang dans la biologie française contemporaine.
Il naquit à Paris, quartier des Batignolles, le 21 octobre 1866 ;
son père, modeste employé des postes, avait une vive curiosité des
choses de l’esprit, au point de suivre, après l’âge de la retraite, des
cours à la Sorbonne et au Collège de France.
Le jeune Lucien, ayant obtenu une bourse après son certificat
d’études, fut mis au lycée Chaptal, où il manifesta de
remarquables dispositions ; il avait, dès cette époque, le goût des
sciences naturelles : au cours de ses promenades, il capturait des
insectes, des grenouilles, ramassait des plantes, recherchait des
fossiles, pour en faire collection. Bachelier, puis étudiant en
Sorbonne, il s’enthousiasme pour les leçons de Lacaze-Duthiers
et s’oriente vers la zoologie. Reçu premier à la licence en 1885, il
soutient, en 1887, une brillante thèse de doctorat sur les
Astérides. Nommé aussitôt préparateur d’anatomie et de
physiologie comparées à la Faculté des Sciences de Paris, il
entreprend des études de médecine, mais il les abandonne
l’année suivante, car on l’appelle à Nancy comme maître de
conférences (1890). C’est dans cette ville qu’il fera son
apprentissage d’histologiste auprès des Professeurs Prenant et
Nicolas. Il y occupera la chaire de zoologie à partir de 1898, et y
accomplira toute sa carrière de professeur et de chercheur,
préférant le calme laborieux de la province lorraine aux
séductions de la capitale. C’est là qu’en 1890 il épousera
mademoiselle Geneviève de Maupassant, là que naîtront ses six
enfants, là qu’il s’éteindra, chargé d’honneurs, le 8 janvier 1951.
Lucien Cuénot était, depuis 1918, membre correspondant de
l’Institut de France, et, depuis 1931, membre non résidant.
Naturaliste de haute volée, excellant à interpréter les structures
organiques et à discerner les affinités des êtres, sachant éclairer la
compréhension des formes actuelles par leur confrontation avec
les formes disparues, donnant aux minuties de la nomenclature
toute l’importance nécessaire mais sans jamais perdre de vue les
vastes perspectives de la zoologie générale, il fut tout le contraire
d’un spécialiste et porta successivement son attention sur des
groupes fort distants les uns des autres, depuis les Protistes et les
Echinodermes jusqu’aux Sipunculiens et aux Tardigrades.
Cuénot contribua à faire mieux connaître les faunes de la
Lorraine et du bassin d’Arcachon, en y décrivant plusieurs
espèces nouvelles et rectifiant des dénominations erronées, en
précisant maints détails d’éthologie et d’écologie. Il révéla, par
des observations restées classiques, les phases du cycle sexuel chez
les Grégarines ; il scruta, par d’ingénieuses et élégantes méthodes,
les phénomènes d’absorption et d’excrétion chez les Invertébrés ;
il étudia la saignée réflexe de certains Insectes, la régénération des
antennes chez les phasmes, l’autotomie caudale chez les
Rongeurs, l’homochromie, etc.
Se penchant sur le problème de la détermination du sexe, il y
consacre, en 1899, un important mémoire où il expose des
expériences personnelles accompagnées de commentaires
critiques. A cette époque, le problème était entier, car on ne
savait rien des mécanismes chromosomiques, et de nombreux
auteurs soutenaient encore que, l’œuf fécondé étant sexuellement
indifférent, le sexe de l’individu dépendait des influences
extérieures qui s’exercent au cours du développement.
Cuénot soumet des larves de Lépidoptères, de Diptères, de
Batraciens, à des régimes très dissemblables, et il constate que ni
la quantité ni la qualité de la nourriture fournie aux jeunes sujets
n’ont d’effet significatif sur la proportion sexuelle ; il en conclut
à une détermination précoce, réalisée dès l’œuf fécondé, et liée à
des facteurs internes dont nous n’avons pas la moindre idée.
De l’étude du sexe, Cuénot passe naturellement à celle de
l’hérédité. Comme l’une de ses élèves, mademoiselle Barthelet,
lui demande un sujet de travail expérimental, il lui suggère de
faire des croisements entre Souris grises et Souris blanches, en vue
d’éprouver le vieux préjugé, encore tenace chez les éleveurs,
suivant lequel l’influence d’un premier mâle se peut répercuter
sur les portées subséquentes (hérédité par imprégnation, ou
télégonie). En dirigeant les tentatives de son élève, il n’est pas
long à comprendre en quoi la Souris – de par son élevage facile,
sa fécondité, la variété de ses races pigmentaires – constitue un
matériel de choix pour l’étude expérimentale de l’hérédité.
Or, c’est précisément à ce moment (1900) que vient d’éclater
la révolution mendélienne, avec les retentissantes publications de
Hugo de Vries, de Correns et de Tschermak. Les lois de Mendel
sont-elles valables pour le règne animal comme pour le règne
végétal ? Telle est la question que se pose Cuénot, et à laquelle il
ne tardera pas à donner une réponse positive (1902), à peu près
dans le même temps où William Bateson, en Angleterre,
retrouve, lui aussi, le mendélisme chez les Cobayes et chez les
Poules.
Les produits du croisement Souris grise – Souris blanche sont,
en première génération, tous gris, comme le parent gris, en vertu
de la dominance complète du facteur gris sur le facteur blanc ; en
deuxième génération, par suite de la disjonction des facteurs gris
et blanc dans les gamètes de l’hybride, apparaît un mélange de
Souris grises et de Souris blanches. La proportion mendélienne
théorique étant 3 grises pour 1 blanche, Cuénot obtient,
sur 270 produits, 198 grises et 72 blanches, soit 2, 75 pour 1, ce
qui était une approximation bien suffisante pour être
démonstrative.
D’autres naturalistes avant Cuénot – et, notamment, von
Guaita, W. Haacke, Colladon1 – avaient opéré des croisements
de Souris grises et de Souris blanches, mais, ne possédant pas le
fil conducteur du mendélisme, ils n’avaient pu en dégager
aucune loi fondamentale.
*
**
Il était extrêmement important d’avoir réussi, dès cette
époque, à étendre au règne animal ces lois de Mendel qui allaient
jouer un si grand rôle en biologie, non seulement parce qu’elles
permettaient de prévoir les résultats d’une foule de croisements,
mais encore parce qu’elles devaient mener à une conception
particulièrement féconde des phénomènes d’hérédité. Lucien
Cuénot, toutefois, ne se borna pas à redécouvrir le mendélisme
chez la Souris ; il mit en lumière, chez ce même animal, un
ensemble de faits entièrement nouveaux qui sont à l’origine de
nos connaissances actuelles touchant l’interaction des facteurs
héréditaires.
Il montre, en effet, que des Souris toutes blanches (c’est-à-dire
dénuées de tout pigment) peuvent transmettre à leurs
descendants des potentialités héréditaires différentes quant à la
pigmentation.
D’entre plusieurs Souris blanches qu’on croise, par exemple,
avec des Souris noires, l’une produira des Souris noires, tandis
qu’une autre produira des Souris panachées, une autre encore des
Souris grises, une autre enfin des Souris jaunes…
Pourquoi ces différences ?
Parce que, nonobstant l’identité de leur robe, ces Souris
dérivent d’ancêtres différents, et, par suite, portent dans leur
patrimoine héréditaire des facteurs de coloration dissemblables.
Ils ne se manifestent pas chez elles parce qu’elles manquent d’un
certain facteur complémentaire dont la présence est la condition
nécessaire de toute formation de pigment, mais ils se révéleront
dans leur progéniture quand on les aura croisées avec des Souris
pigmentées, nécessairement munies du facteur en question.
Comme disait Lucien Cuénot, l’albinisme est un masque, il
peut recouvrir de grandes différences génétiques pour ce qui est
de la coloration.
Cette belle découverte aidait les généticiens à comprendre
comment, après une longue suite de générations, telle
conjonction de facteurs héréditaires peut faire resurgir tel
caractère ancestral (phénomène de l’atavisme).
*
**
De plus grande conséquence encore devait être la découverte
des gènes létaux.
En 1905, Cuénot se heurte à ce paradoxe d’une race de
Souris – race jaune – qui se montre rebelle à tout essai de
purification génétique. Impossible, par l’application méthodique
des lois de Mendel, d’obtenir cette race à l’état pur, homozygote,
c’est-à-dire d’isoler une lignée qui produise exclusivement des
sujets de coloration jaune, alors qu’en théorie l’union de deux
Souris jaunes impures devrait produire une certaine proportion
de jaunes pures (un quart), résultant de la rencontre des gamètes
« jaune » de la mère avec les gamètes « jaune » du père.
Pour rendre compte de cette impossibilité, Cuénot supposera
que la combinaison jaune pure ne se forme pas, et cela parce
qu’un gamète femelle contenant le facteur « jaune » ne pourrait
pas être fécondé par un gamète mâle contenant ce même facteur.
Cette hypothèse d’une « fécondation sélective » était erronée, et
l’on devait plus tard s’aviser que la combinaison jaune – jaune se
forme parfaitement, mais qu’elle est incompatible avec un
développement normal, tous les embryons jaunes purs périssant
dans l’utérus maternel2. Les recherches de Cuénot sur les Souris
jaunes n’en ont pas moins apporté le premier exemple de ce
phénomène de létalité génétique qui devait, par la suite, prendre
une si grande place dans l’étude de l’hérédité végétale, animale et
humaine.
Il est curieux de noter que, partant d’une hypothèse erronée
(la fécondation sélective), Cuénot avait fait, erronément, une
juste prévision. Il s’attendait en effet à trouver, dans la
descendance des Souris jaunes impures (JA) deux jaunes pour une
non-jaune, ce qui est bien conforme à la réalité (puisque, des
quatre combinaisons : JJ, JA, AJ, AA, la combinaison JJ avorte),
mais nullement en accord avec son hypothèse, qui impliquait la
formation de trois jaunes pour une non-jaune3.
2. Nous avons aujourd’hui des preuves directes de cette mort précoce (Kirkham ;
Ibsen et Steigleder).
3. Ce sont Wilson et Punnett qui ont fait remarquer que telle eût été la conséquence
logique de l’hypothèse de Cuénot. « Si cette hypothèse était juste – écrit Punnett
(1922) –, tous les ovules « jaune » seraient fécondés par des spermatozoïdes « non-
jaune », qui sont en excès. Donc, tous les ovules « jaune » donneraient des jaunes
hétérozygotes, tandis que, d’entre les Ovules « non-jaune », une moitié donnerait des
jaunes hétérozygotes, et l’autre moitié des non-jaunes. Et, dès lors que les ovules
« jaune » et « non-jaune » sont produits en nombre égal, le résultat d’un croisement
entre deux jaunes serait 3 jaunes pour 1 non-jaune. Or, plusieurs centaines de
croisements entre jaunes ont établi incontestablement que la proportion des produits
jaunes aux non-jaunes est 2 pour 1. »
XI
FERNAND CARIDROIT
(1895-1950)
Fernand Caridroit, dont la disparition prématurée a porté un
rude coup à la Biologie française, naquit en décembre 1895, dans
un petit village du Pas-de-Calais. D’origine modeste, il eut une
ascension difficile, et, pour aller au bout de ses études, il dut faire
preuve d’une application tenace et d’une volonté sans
défaillance. Obtenant à chaque étape l’aide qui lui permettait de
poursuivre, il est d’abord instituteur, puis surveillant à l’Ecole
Jean-Baptiste-Say, et là, malgré le poids de la tâche quotidienne,
il trouve moyen de préparer sa licence de sciences naturelles.
En 1922, il est reçu brillamment à l’agrégation, et, presque dans
le même temps, il entre au Laboratoire du Professeur Gley
(Collège de France), où très vite il se signale par son intelligence
claire et son esprit méthodique. Ayant débuté par un petit travail
sur le scorbut expérimental, il devient – suivant l’expression
même de Gley – « l’élève excellent et le collaborateur fidèle »
d’Albert Pézard, qui étudie alors, chez les volailles, le rôle
morphogène des glandes sexuelles. Tous deux, formant équipe
avec le Professeur Knud Sand, de Copenhague, ils vont, en
quelques années, fonder, sur des bases solides, l’endocrinologie
sexuelle des oiseaux. C’est de ce cycle d’investigations que sortira
la thèse de Caridroit (1925) : Etude histophysiologique de la
transplantation testiculaire et ovarienne chez les Gallinacés.
A la mort de Pézard (1927), Caridroit lui succède à la Station
Physiologique du Collège de France, et prend la direction du
Laboratoire d’Endocrinologie à l’Ecole pratique des Hautes-
Etudes. En 1944, il est promu au grade de directeur de
Recherches, et, en 1947, il reçoit, de l’Académie des Sciences, un
Grand Prix de Physiologie.
Il était docteur en médecine depuis 1945.
*
**
Ce qui frappe tout d’abord, dans l’œuvre de Fernand
Caridroit, c’est l’unité de l’idée directrice, la permanence du
matériel d’études, la rectitude de la ligne suivie.
Dès le départ, Caridroit se trouve en présence du grand
problème que pose le déterminisme hormonal des caractères
sexuels secondaires, et ce problème qui, comme tout problème de
science, ne peut que s’agrandir à proportion qu’on le scrute, il va
s’y attacher durant un quart de siècle, l’abordant par tous les
biais, l’attaquant par toutes les méthodes, et avec une maîtrise
que corroborent sans cesse les leçons de l’expérience et les fruits
de la réflexion.
Des premiers travaux de Pézard, il ressortait clairement que les
caractères sexuels secondaires sont l’œuvre de substances
chimiques, ou hormones, que livrent au milieu sanguin les
glandes génitales. Mais à quel mécanisme ressortit l’action de ces
hormones ? Quels sont les rapports entre l’hormone déversée et
l’organisme qui la produit ? Quelle part revient, dans les effets de
l’hormone, à celle-ci même et aux tissus qui en reçoivent
l’influence ? En quoi consiste la sensibilité élective de ces tissus
récepteurs, et ne pourra-t-on la réduire ou l’accroître, soit en
déplaçant le récepteur, soit en faisant varier son état
physiologique ? L’action des hormones sexuelles ne déborde-t-
elle pas le champ des caractères sexuels secondaires, au point qu’à
l’occasion de certains croisements de races elle se manifesterait en
faisant apparaître ou disparaître tels caractères n’ayant rien de
sexuel ?
Telles sont, entre bien d’autres, quelques-unes des questions
qui vont préoccuper Fernand Caridroit au cours de sa carrière, et
c’est un fait bien digne de remarque, propre à montrer la
continuité de sa pensée, que l’un de ses premiers travaux comme
l’un de ses derniers concernent le déplacement des tissus
récepteurs.
Dans la belle thèse où il étudie, chez les Gallinacés, les
conditions de la greffe des glandes génitales et l’évolution
histologique des greffons, il fournit à l’endocrinologie une ample
moisson de faits, dont la plupart déjà appartiennent au savoir
classique.
Un transplant testiculaire, greffé sur un chapon, peut survivre
plusieurs années dans un état d’intégrité structurale et
fonctionnelle : comme dans un testicule normal, la
spermatogenèse y est active, et les tissus endocrines produisent
leurs sécrétions spécifiques, capables de maintenir les caractères
sexuels de l’animal, pourvu que le greffon présente une masse
suffisante.
Autre fait d’importance : le transplant testiculaire peut
survivre et évoluer aussi bien chez une poule castrée (chaponne)
que sur un chapon. Il n’y a aucun antagonisme entre un soma
d’origine femelle et un greffon d’origine mâle, en sorte qu’on
peut, en transplantant une glande mâle sur une chaponne,
conférer à cette dernière toute l’apparence d’un coq, réalisant
ainsi une véritable inversion phénotypique du sexe.
Caridroit exploite brillamment, en outre, la notion, jeune
encore, de seuil différentiel : il fait voir que les différents caractères
mâles (développement de la crête, chant, instinct sexuel) exigent,
pour se manifester, des quantités inégales de tissu sécréteur,
autrement dit, qu’ils ont un conditionnement hormonal
différent.
Des recherches poursuivies sur les greffons ovariens amèneront
Caridroit à des conclusions rigoureusement parallèles aux
précédentes : longue survivance des greffons, tolérance du soma
d’origine mâle à l’égard du greffon femelle, et, par suite,
possibilité de réaliser l’inversion sexuelle de coq à poule,
existence de seuils différentiels pour les différents caractères
féminins (plumage femelle, absence d’ergots).
De surcroît, l’étude attentive des greffons révèle à Caridroit un
phénomène très curieux : à savoir, la transformation de certains
tissus femelles en tissus mâles. Quelquefois, en effet, on voit se
déclencher, dans le transplant ovarien, une poussée de tubes
séminifères, et cette intersexualité transitoire peut s’accompagner
d’une modification correspondante du phénotype sexuel.
Caridroit, enfin, met à profit, de façon très ingénieuse, le fait
que le plumage en voie de croissance reflète précisément et
fidèlement l’état endocrinien de l’organisme. Que chez une
poule, par exemple, on supprime l’ovaire, et l’on voit bientôt,
dans le plumage, apparaître des plumes biparties, tant pour la
forme que pour la pigmentation : toute la partie de la plume qui,
au moment de l’opération, était déjà formée a gardé
naturellement l’aspect féminin ; mais la partie inférieure,
basilaire, celle qui a poussé depuis l’opération, présente un aspect
masculin, parce qu’elle s’est formée en l’absence d’hormone
femelle. Inversement, et par le jeu du même mécanisme, si, chez
un chapon, on transplante un ovaire, on obtient aussi des plumes
biparties, mais qui, celles-là, sont mâles dans leur partie terminale
et femelles dans leur partie basilaire. Dans les deux cas, la
séparation des deux zones est nettement tranchée, elle coupe les
barbes de la plume : il n’y a pas de zone intermédiaire,
« intersexuée », et c’est là une jolie application de la loi du « tout
ou rien ».
En combinant la greffe (ou la castration) avec le déplumage
local (qui suscite une sorte de mue artificielle), Caridroit a pu
produire des oiseaux gynandromorphes, c’est-à-dire présentant
d’un côté un plumage mâle, et de l’autre un plumage femelle.
Cette expérience n’avait pas tout à fait la signification que lui
attribuait primitivement son auteur, car, contrairement à ce qu’il
pensait, elle ne nous renseigne pas, ou guère, sur la genèse des
gynandromorphes naturels, mais elle n’en est pas moins fort
démonstrative quant à l’influence qu’exercent les hormones
sexuelles sur le type du plumage.
*
**
Caridroit, dans ses premières publications, avait marqué
quelque méfiance à l’égard de la Génétique morganienne, et,
notamment, à l’égard de la théorie chromosomique de l’hérédité.
Il avait subi, dans sa jeunesse, l’influence des idées
néolamarckiennes qui régnaient alors dans les laboratoires
français, et, avec Pézard, il estimait que les résultats de
l’endocrinologie, dans la mesure où ils démontraient le
conditionnement hormonal des caractères sexuels, allaient à
l’encontre des conceptions généticiennes, qui assignaient aux
chromosomes un rôle décisif dans la détermination du sexe.
Il y avait là une façon un peu superficielle de voir les choses et
une sorte de malentendu qui ne pouvait manquer de s’éclaircir :
Caridroit, en effet, se rallia, par la suite, aux conceptions de la
Génétique classique, et l’on voit là toute la souplesse et la probité
d’un esprit, qui, sans prévention dogmatique, sans entêtement
d’école, ne cherchait qu’à y voir plus clair et savait toujours se
rendre à l’impérieuse décision des faits.
C’est d’ailleurs en s’efforçant de préciser les rapports entre
l’Endocrinologie et la Génétique que Caridroit a rencontré
quelques-unes de ses découvertes les plus significatives.
Les caractères héréditaires – nous enseigne la Génétique – ont
pour point de départ, dans le germe, une certaine constitution
qu’on exprime généralement en termes de « gènes ». Quelle que
soit l’importance de ce déterminisme germinal, qui est
responsable des différences de races ou de variétés à l’intérieur
d’une même espèce, la réalisation des caractères dans l’organisme
développé dépend, dans une certaine mesure, des conditions du
milieu, et l’on pouvait s’attendre que, parmi celles-ci, se trouvât
l’état du milieu intérieur, avec toutes ses composantes
hormonales. Une telle influence des hormones sur
l’extériorisation des caractères héréditaires fut nettement
démontrée par Caridroit et par son élève Victor Régnier, qui,
durant de longues années, collabora fructueusement avec lui.
Du croisement d’un coq rouge, de race Rhode Island, avec
une poule bleue, de race andalouse, on obtient des produits qui,
pour la coloration, diffèrent suivant le sexe : les coqs sont bleus et
rouges, les poules sont purement bleues ; autrement dit, celles-ci
sont du pur type maternel, ceux-là présentent un mélange, une
« mosaïque » des caractères maternels et paternels. On pourrait
croire, a priori, qu’on se trouve ici en présence d’un phénomène
d’hérédité « liée au sexe », comme en ont signalé maintes fois les
généticiens ; mais, au vrai, c’est de tout autre chose qu’il s’agit :
la différence de pigmentation entre mâles et femelles tient non
pas – du moins directement – à une différence de constitution
chromosomique, mais à une différence dans l’état endocrinien
ou hormonal. Et la preuve, c’est qu’il suffit de castrer une de ces
poules hybrides, purement bleues, pour faire apparaître des
plumes rouges dans son plumage ; qu’il suffit de castrer, puis de
féminiser un de ces coqs rouges et bleus pour faire disparaître,
dans le sien, les plumes rouges. L’explication n’est pas douteuse :
l’hormone femelle (la folliculine) est nécessaire à la complète
dominance du bleu dans l’organisme hybride. Voilà un cas où la
dominance raciale est réglée, contrôlée, par une hormone
sexuelle : en changeant le sexe, comme disait volontiers Caridroit,
on peut changer la race.
Il y avait là quelque chose de vraiment neuf, et, de cette
hérédité contrôlée par le sexe, Caridroit et ses collaborateurs ont
fourni de multiples exemples.
Au demeurant, les hormones ovariennes ne sont pas seules à
intervenir dans les phénomènes d’hérédité. Le croisement d’un
coq Sebright argenté avec une poule Sebright dorée donne des
produits tous argentés. Or, si l’on chaponne un de ces coqs
hybrides, on fait apparaître le doré dans son plumage, preuve que
l’hormone testiculaire assure, en ce cas, la dominance de
l’argenté sur le doré.
Caridroit, enfin, a étendu jusqu’aux hormones non sexuelles
cette propriété d’influence sur les caractères héréditaires. Du
croisement de la race Leghorn doré avec la race Leghorn blanc,
on obtient des coqs où domine le blanc. Or, si, chez eux, l’on
pratique l’ablation de la glande thyroïde, bientôt, sur leur
poitrine, poussent des plumes rouges où se trahit l’influence de
l’hérédité Leghorn doré. L’hormone thyroïdienne (la thyroxine)
assure donc, chez l’animal normal, la dominance complète du
pigment blanc.
Toutes ces expériences, fort délicates à exécuter et souvent
difficiles à interpréter, toutes ces expériences où la virtuosité
opératoire du physiologiste se conjuguait avec le jugement subtil
du généticien, offrent une réelle importance non seulement en ce
qu’elles illustrent le rôle des facteurs hormonaux dans
l’expression des caractères héréditaires et, par là, nous instruisent
sur le mode d’action des « gènes », mais encore en ce qu’elles
fournissent à l’expérimentateur un précieux secours technique :
en certains cas, la neutralisation ou l’inversion sexuelle fait
apparaître des caractères raciaux jusque-là masqués, d’où la
possibilité d’une exploration hormonale qui, complétant l’étude
génétique directe, donnera le moyen d’analyser plus
correctement les résultats de certains croisements et aussi
permettra de révéler promptement, chez un individu hybride, la
présence de gènes récessifs, qui ne se fussent manifestés que dans
les générations suivantes.
Caridroit a montré, de surcroît, que le système nerveux lui-
même ne laisse pas d’intervenir dans la pigmentation raciale, et
dans la formation du dessin caractéristique de la plume. Par la
section des nerfs de l’aile, on fait disparaître le pigment dans les
plumes. Celui-ci reparaît une fois que la régénération nerveuse
s’est effectuée. Ainsi l’on obtient des plumes biparties, rappelant
celles de la race « Mille-Fleurs », et Caridroit se demandait si ce
type racial de plumage n’était pas en rapport avec certains
blocages du mécanisme nerveux, lesquels seraient eux-mêmes
déterminés par l’action des gènes.
Comme on voit, nous sommes ici au cœur de cette Génétique
physiologique qui, chaque jour, prend plus d’importance en
biologie et ne se propose rien de moins que d’éclairer la chaîne
des réactions qui lient l’élément germinal (gène) au caractère de
l’organisme développé. En ce domaine d’avenir, Caridroit s’est
montré un initiateur de grande classe.
Et combien d’autres travaux – dont certains sont ou seront la
source d’applications pratiques – devrait-on encore mentionner
pour ne pas donner, de son œuvre, une image trop appauvrie !
On ne peut qu’énumérer ses recherches sur les différences raciales
de sensibilité aux hormones, sur l’action adjuvante qu’exerce
l’hormone thyroïdienne à l’égard de l’hormone testiculaire, sur
les modifications que la lumière ou la carence apportent à la
sensibilité réactionnelle de la crête, sur le dosage de l’hormone
mâle par la mesure de la résistance électrique de cet organe, sur
les propriétés du sérum « anticrête ». Sans compter toute l’œuvre
inédite, les travaux quasi achevés, les résultats fragmentaires ou
entr’aperçus. Seuls ses collaborateurs et ses amis savent combien
de vérités naissantes dorment dans ses cahiers de laboratoire…
Pour compléter ce portrait sommaire de Caridroit, il faudrait
encore parler de sa participation active à la section de biologie du
Palais de la Découverte, de l’enseignement lumineux qu’il
dispensait aux jeunes filles de Fontenay, de son ouvrage
remarquable sur La Psychophysiologie des glandes endocrines et du
système végétatif. Et surtout, il faudrait essayer de montrer ce qu’il
fut comme directeur de laboratoire, comme conducteur de
recherches. Il faudrait dire ce qu’il représentait pour ses élèves, –
ses élèves dont le cher souci le poursuivait jusque sur son lit de
mort ; il faudrait dire l’atmosphère de gai labeur, de ferveur
cordiale et familière, qui régnait à la Station physiologique du
Parc des Princes. Avec quelle conscience, quelle vigilance, il
suivait tous les travaux qui progressaient auprès du sien, et où il
ne s’intéressait pas moins qu’au sien ! Comme il savait éveiller
l’enthousiasme, instiguer les efforts, exhorter chacun à donner le
meilleur de soi-même !
Nulle carrière plus désintéressée que celle de Fernand
Caridroit. En ce domaine des hormones, si fertile en applications
thérapeutiques, il lui eût été trop facile de conquérir la popularité
en donnant à ses travaux un tour « spectaculaire » ou de
s’enrichir en faisant monnaie de sa compétence et de son
autorité. Mais il repoussait de tels avantages. S’il aimait parfois à
présenter aux visiteurs, même profanes, ses étonnantes volières où
la science se jouait du sexe et de la race, il ne comprenait pas
qu’on souhaitât le bruit pour le bruit ; et quel bénéfice matériel
eût pu contre-peser, à ses yeux, sa fière indépendance de
chercheur ?
Peut-être n’a-t-il pas eu tous les honneurs qu’il était en droit
d’attendre. Mais, de toute façon, il eut la part belle puisqu’il put
œuvrer librement, jusqu’au bout, dans le champ qu’il s’était
choisi. Son bon sourire, sa mine joviale déniaient tout regret,
toute amertume.
Trop nombreux, il faut en convenir, sont les hommes de
science qui se passionnent pour leurs démarches plus que pour la
marche de la science, et font passer les soins de leur vanité avant
ceux de la vérité. Avec eux, l’on n’entend parler que d’intrigues,
de manèges, de stratégies et de candidatures : ils guettent les
places, pointent les voix, lorgnent les fauteuils dix ans d’avance,
dénigrent sournoisement les concurrents… Caridroit ne
ressemblait pas à ces gens-là. Au cours des longs après-midi que
nous passions quelquefois ensemble, le dimanche, je ne l’ai
jamais vu en proie à d’aussi piètres tourments. Il parlait de ses
volailles plus que de ses collègues, et n’aimait vraiment à causer
que de son travail. Une nouvelle technique qu’il se proposait
d’essayer, une expérience qu’il venait de mettre en route, un
incident pittoresque de laboratoire, un élève qui avait présenté
une note à la Société de Biologie : voilà ses thèmes de
conversation…
Caridroit fut un grand idéaliste. Il avait foi dans les valeurs
intemporelles, et il a bien montré, lors de la dernière guerre, qu’il
était capable d’exposer sa vie pour ses croyances. Durant les
années 1942 et 1943, son laboratoire était devenu un petit
arsenal de grenades et un centre d’émissions radiotélégraphiques
et de renseignements pour Londres : afin de justifier, en cas de
surprise, la présence de fils électriques, on feignait de prendre
l’électrocardiogramme d’un lapin… Caridroit, d’ailleurs,
n’aimait guère à revenir sur ces heures dramatiques et trouvait
tout naturel de n’avoir reçu aucune récompense pour des actes
qui lui paraissaient relever du plus simple des devoirs.
Son dévouement à la science, son zèle patriotique et social
n’absorbaient pas tout son être profond. C’était le plus sûr des
amis, le plus fidèle, et, en dépit de son air bourru, de ses vives
taquineries, plein de sensibilité et de délicatesse.
La dernière fois que je le vis – est-ce possible que lui, si vivant,
si présent, il soit déjà pris par les glaces du passé ? –, il souffrait
horriblement, mais il avait encore le courage de plaisanter sur sa
douleur, d’une voix atténuée.
Fernand Caridroit a trouvé dans sa famille toutes les
satisfactions du cœur. Il laisse trois enfants, et une femme qui fut
bien digne d’être sa compagne puisque, dès la première heure,
elle l’a compris, approuvé, soutenu dans son rêve, noblement
austère, de pur savant.
XII
LE TESTAMENT SCIENTIFIQUE
D’EUGÈNE BATAILLON
Sur la genèse des découvertes en biologie et plus généralement
dans les sciences expérimentales, nous sommes assez
médiocrement informés, car peu de savants ont éprouvé le besoin
et pris la peine de nous initier à leur travail proprement créateur
en dévoilant la manière dont leur sont venues les idées directrices
de leurs recherches. Claude Bernard, Charles Nicolle furent de
ces quelques-uns, et les témoignages que renferment, à cet égard,
l’Introduction à la médecine expérimentale et la Biologie de
l’invention sont de valeur inestimable pour le psychologue et le
méthodologiste.
Auprès de ces deux ouvrages fameux, il faudra désormais placer
un mince volume d’Eugène Bataillon, où l’illustre biologiste
récemment disparu a donné son ultime témoignage de chercheur.
Il y expose avec une netteté, une simplicité, une loyauté
exemplaires comment il fut amené aux grandes découvertes qui
ont marqué son Enquête de trente-cinq ans sur la génération1 et lui
ont permis de réaliser, pour la première fois, la reproduction sans
mâle (parthénogenèse) chez les animaux vertébrés. C’est là un
document d’autant plus précieux et significatif qu’il s’agissait
d’un domaine encore entièrement neuf, où la réussite
expérimentale dépendait beaucoup moins de l’habileté technique
et des ressources matérielles que des seuls pouvoirs de l’esprit.
Bataillon fut, en biologie, un véritable créateur, d’une originalité
exceptionnelle ; comme a si bien dit Robert Courrier dans le
magnifique discours qu’il lui a consacré, « parler de ce savant,
analyser son œuvre, c’est côtoyer le génie2 ».
Dès 1900, alors que Jacques Loeb venait de produire les
premiers oursins sans père, Bataillon essaie d’appliquer à l’œuf
d’un vertébré inférieur, la Grenouille, les mêmes procédés de
stimulation chimique (solutions acides ou salines) qui, sur l’œuf
d’Echinoderme, se sont montrés capables de remplacer l’élément
séminal. Mais il n’en obtient que peu de succès. Il a beau faire
varier le taux des solutions, substituer les solutions sucrées aux
salines, combiner leur action avec celle de la température, il ne
détermine, au mieux, qu’une faible réaction du germe, qui, après
quelques divisions irrégulières, ne tarde pas à périr. Jamais, dans
ces conditions, ne se forme une larve de Grenouille, ni même un
véritable embryon.
Vers 1907, Bataillon, un peu découragé par tant d’essais quasi
infructueux, s’oriente dans une voie toute différente, à savoir
l’étude des croisements de Batraciens. Il met en présence des
œufs et des semences provenant de familles éloignées ; par
exemple, il féconde des œufs d’Anoure (Crapaud calamite) avec
de la semence d’Urodèle (Triton alpestre) ; et, sans doute, l’écart
entre les deux espèces est trop considérable pour que l’union
porte fruit, mais il arrive qu’un grand nombre d’éléments
séminaux viennent frapper la surface de l’œuf, et, tout en y
restant inertes, qu’ils excitent, par leur seul contact, un début de
développement, semblable à celui que provoquent les solutions
salines ou les changements de température.
A priori, il n’y avait pas dans cette observation de quoi faire
avancer le problème, et cependant c’est d’elle que va partir le
progrès décisif.
« Certain dimanche de mars 1910 – nous confie Bataillon –,
j’étais hypnotisé au matin sur l’oculaire du microscope, à
contempler un tableau impressionnant : une préparation d’œufs
polyspermiques de Calamite imprégnés au sperme de Triton
alpestre, œufs criblés de ces éléments mâles étrangers dont les
têtes volumineuses apparaissent sur les coupes comme un semis
d’aiguilles de chirurgiens. Brusquement, surgit dans mon esprit
l’idée qu’un traumatisme léger, la piqûre d’une fine aiguille de
verre ou de métal, pourrait se révéler aussi efficace que la chaleur
ou l’hypertonie. Je n’avais en vue, bien entendu, que la
parthénogenèse abortive. Aussitôt, je prépare une série de stylets
de verre et je répartis sur quelques verres de montre les œufs
d’une femelle mûre. Ces œufs piqués à sec sont recouverts d’eau.
Expérience devenue classique, et dont le résultat dépasse toute
espérance : quatre-vingt-dix pour cent d’incisions abortives
prévues, mais jusqu’à dix pour cent d’ébauches apparemment
normales et dont une bonne proportion arrivent à l’éclosion. »
De par la confidence du savant, nous assistons ici à la naissance
même de l’idée expérimentale, à la formation de l’idée juste et
féconde qui est, suivant l’expression de Claude Bernard, « une
sorte d’anticipation intuitive de l’esprit vers une recherche
heureuse ».
Bataillon, ce matin-là, était – nous dit-il – « hypnotisé… à
contempler un tableau impressionnant ». Peut-être s’efforçait-il
de préciser quelque point de détail concernant le phénomène
observé, mais les termes dont il use nous induiraient plutôt à
supposer qu’il regardait sa préparation d’une façon toute
désintéressée, pour le seul plaisir du spectacle qu’elle lui offrait,
pour la seule satisfaction de revoir ce qu’il avait déjà vu bien des
fois. Contempler, n’est-ce pas – suivant Littré – « considérer
attentivement, avec amour ou admiration » ? Or voilà que, peu à
peu, à la faveur de l’attention fervente, une comparaison imagée
s’impose à l’esprit du savant, entre le semis d’éléments mâles et
un « semis d’aiguilles de chirurgiens ». Image visuelle, concrète,
sensible, qui, servant de chaînon entre celle d’élément mâle et
celle de stylet de verre, va susciter l’entreprise expérimentale…
Bataillon, en effet, pique des œufs vierges de Grenouille avec
une très fine aiguille de verre, dans l’espoir de reproduire, par ce
traumatisme, l’action du spermatozoïde étranger. L’expérience
réussit, et au delà de toute espérance. Alors que le savant
n’attendait qu’un début de développement, certains d’entre les
œufs piqués se développent régulièrement, allant jusqu’au stade
de larve nageante, de têtard ; et Bataillon devra longuement
s’interroger avant de commencer à comprendre pourquoi ces
œufs présentent une parthénogenèse complète alors que les
autres, qui paraissent identiquement traités, ne montrent que la
parthénogenèse abortive.
A ce moment, le hasard de ses lectures lui donne connaissance
du travail d’un biologiste anglais, Guyer, qui prétend avoir fait
développer des œufs de Grenouille en leur inoculant un peu de
sang ; d’après ce Guyer, les globules sanguins, une fois introduits
dans l’œuf, s’y multiplient pour constituer les cellules de
l’embryon. Interprétation sûrement erronée, juge Bataillon, mais
qui peut-être contient un grain de vérité… Si, dans l’expérience
du stylet, certains œufs se développent, ne serait-ce point que le
stylet y eût fait accidentellement pénétrer un globule sanguin,
lequel, sans participer au développement embryonnaire, eût
favorisé d’une manière ou d’une autre le processus de
parthénogenèse ?
Resterait à expliquer l’origine de ce globule. Ne peut-on
admettre que, lors de l’extraction des œufs, leur gangue
muqueuse se trouve atteinte par un suintement hémorragique de
la paroi utérine ? Cette fois encore, une image visuelle viendra
éclairer Bataillon : il aura « la vision d’une nappe d’éléments
sanguins répandus sur les gangues muqueuses quand elles glissent
contre les lèvres de l’incision ».
Mais il s’agit maintenant de vérifier l’hypothèse, et la
possibilité d’une vérification rigoureuse ne sera donnée à
Bataillon qu’après qu’un nouveau hasard expérimental lui aura
fourni une technique appropriée. Soumettant les œufs de
Grenouille aux effets du cyanure de potassium en solution –
effets que Loeb a exploités chez l’Oursin dans ses expériences de
parthénogenèse – , Bataillon constate que ce produit dissout
complètement la gangue muqueuse qui entoure l’œuf.
Acquisition de conséquence, car, désormais, l’on pourra disposer
d’œufs nus, parfaitement propres, certainement soustraits à toute
souillure par le sang. Quand de tels œufs seront simplement
piqués au stylet, jamais ils n’évolueront au-delà de quelques
divisions ; quand préalablement à la piqûre ils auront été
humectés de sang, ils se développeront en grand nombre.
Enfin, poursuivant ses recherches, Bataillon sera amené à
inoculer dans les œufs nus toutes sortes de liquides organiques.
Un jour, il veut utiliser la lymphe d’Ecrevisse, et, pour cela, il
détache le cœur du Crustacé, pour le traîner « comme une
éponge à la surface des œufs ». Quelle ne sera pas sa surprise en
les voyant tous se gonfler, puis éclater en moins de deux
minutes…
Des expériences ultérieures lui feront voir, d’une part, que cet
effet destructeur, si puissant, n’appartient pas à la lymphe elle-
même, mais au suc d’une glande (hépatopancréas) qui s’y était
accidentellement mélangé ; d’autre part, que les œufs fécondés, à
la différence des œufs vierges, sont protégés contre la
destruction : d’où une nouvelle série de recherches fructueuses…
Ainsi, de cet ensemble de travaux, émerge le rôle capital que
jouent, dans l’investigation scientifique, l’imprévu, le hasard,
l’accident :
« Des circonstances fortuites sèment sur la route de
l’expérimentateur des faits lumineux dont chacun élargit la
perspective et lui permet de parvenir à une nouvelle étape. Son
seul mérite est de les saisir au passage et de savoir les exploiter.
Affaire d’attention, de persévérance et surtout d’assiduité. Il est
l’esclave de l’idée qu’il poursuit, de son matériel et des tortures
qu’il lui inflige. »
AGAR : 46.
ARISTOTE : 17.
AUCANTE : 170.
AUDIAT : 14.
CARIDROIT : 235-250.
CARREL : 199, 201.
CAULLERY : 138.
CESTONI : 142.
CHABRY : 127-129.
CHAMBERS : 180.
CHAMBON : 193.
CHARRIN : 41, 42, 50.
CIER : 205.
CLAUDER : 74.
COLEY : 72.
COLLADON : 181-194, 331.
COLUMELLE : 169.
CORNEVIN : 28.
CORRENS : 183, 220.
CORSY : 84, 85.
COURRIER : 84, 254.
CREW : 46.
CUÉNOT : 42, 176, 215-233.
DANIEL : 47.
DARESTE : 125-127.
DARWIN (Ch.) : 23-26, 28, 180, 192, 193.
DARWIN (E.) : 68.
DAVAINE : 27, 207-213.
DAVID : 120.
DELAMARE : 41, 42.
DESCARTES : 108, 109, 117, 150.
DIDEROT : 69, 71, 162, 231.
DOVAZ : 86.
DRIESCH : 128.
DRUMMOND : 46.
DUCROCQ : 52.
DUGÈS : 191, 193, 201.
DUMAS : 126, 186, 191, 192, 193.
DUPUY : 28.
DZIERZON : 81, 184.
GALIEN : 65.
HAACKE : 221.
HAECKEL : 179.
HAHN : 189.
HALLER : 20, 118, 120, 160.
HARLES : 77.
HARTSOEKER : 152.
HARVEY : 77, 139, 141.
HENNEGUY : 82.
HERBST : 129.
HERMANN : 205.
HERTWIG : 82.
HIPPOCRATE : 17.
HOCHE : 84.
HOLBACH : 231.
HOUBART : 52.
HOUSSAY : 102.
HUFELAND : 77.
HUNTER : 124.
HUXLEY : 42.
IBSEN : 224.
ILTIS : 193.
JANOSIK : 82.
JONES (Monica) : 63.
KAMMERER : 43, 44.
KELLOGG : 42.
KING : 33.
KIRKHAM : 224.
KOHLREUTER : 185.
KOLTONSKI : 85.
KOLTOUCHI : 46.
KOLTZOFF : 45.
KOLTZOVA : 46.
LACAZE-DUTHIERS : 218.
LAFAY : 86.
LAFITTE : 46.
LAGRANGE : 211.
LAMARCK : 20, 36, 173, 175, 180.
LEBERT : 126.
LE DANTEC : 38-40.
LEEUWENHOECK : 142, 152.
LEGENISSEL : 88.
LE GENDRE : 41.
MACIESZA : 42.
MAC DOUGALL : 46.
MAITRE JAN : 139.
MALPIGHI : 121.
MARCILE FICIN : 94.
MAREY : 39.
MARSDEN : 78.
MARSH : 193.
MATHIAS-DUVAL : 78, 81, 83, 86.
MAUPERTUIS : 18, 19, 24, 26, 149, 158, 159, 168, 174, 193.
MECKEL : 72, 73, 77.
MEDAWAR : 204.
MENDEL : 181, 183, 184, 191, 193, 220, 221, 223.
MERCIER : 225.
MÉRY : 67, 85.
MITCHOURINE : 47.
MONTAIGNE : 66.
MOREL : 81.
MORGAN : 46, 129, 226.
MORLOT : 84.
MOSINGER : 85.
MOUTIER (du) : 136.
MULLER : 226.
MULON : 83, 86.
MUTEL : 42.
NAUDIN : 185.
NESMEIANOV : 45.
NICOLAS : 218.
NICOLLE : 253.
NOBLE : 44.
NOLLET : 136, 137.
NUMAN : 27.
NYSTEN : 72.
OBERLING : 84, 212.
OBERSTEINER : 28.
OELLACHER : 81.
OLLIER : 124.
OLSEN : 78.
OTTO : 74.
OWEN : 81.
PAINTER : 226.
PALEY : 230.
PASCAL : 14, 69.
PASTEUR : 209, 213.
PAVLOV : 44-46.
PAYNE : 42.
PÉRET : 170.
PETIT : 85.
PEYRON : 84-88.
PÉZARD : 238, 239, 243.
PIAGET : 54.
PICTET : 42, 49.
PIVETEAU : 231.
PLINE : 64, 65, 169.
POMAYROL : 211.
PONSE : 86.
PRENANT : 218.
PRÉVOST : 126, 186, 188, 191-193.
PUNNETT : 224.
RABAUD : 176.
RAPHAËL : 211.
RAUBER : 129.
RÉAUMUR : 117, 131-163, 168, 184.
RÉGNIER (V.) : 244.
RENOU : 168.
RÉPIN : 78-80.
REVERDIN : 80.
RIGNANO : 15, 16, 37.
RILHET : 26.
ROQUE (de la) : 67.
ROSTAND : 18, 48, 53, 57, 63, 88, 102, 149, 174, 185, 210, 231.
ROULIN : 21.
ROUX : 26.
ROUX (W.) : 128.
SAGERET : 185.
SAINT-MAURICE : 67.
SAINTE-BEUVE : 14.
SAKHAROFF : 47.
SAND (K.) : 238.
SANSON : 28.
SAONE (de la) : 69.
SAUNDERS : 42.
SEGAL : 30, 33, 44, 47.
SÉNAC : 168.
SERRES : 179.
SETON : 185.
SIEBOLD : 81.
SIPPEL : 85.
SMITH : 42.
SOMMER : 42.
SPALLANZANI : 121, 122, 136, 137.
SPENCER : 21, 22.
SPINOZA : 231.
STALINE : 43.
STEFANELLI : 86.
STEIGELDER : 224.
STURTEVANT : 226.
SUMNER : 42.
SWAMMERDAM : 125, 136.
TAFT : 42.
TEILHARD DE CHARDIN : 54, 55.
TÉTRY : 176, 231.
THÉROUDE : 67.
TICHOMIROFF : 82.
TIEGS : 46.
TORLAIS : 135.
TOURAINE : 85.
TREMBLEY : 115-117, 120, 145, 146.
TSCHERMAK : 183, 220.
VANDEL : 84.
VENDRELY : 51.
VIREY : 72.
VOLTAIRE : 121.
VRIES (de) : 183, 220.
VULPIAN : 201.
WEHERITZ : 85.
WEIHS : 86.
WEISMANN : 28-38, 46, 53, 56.
WELLS : 233.
WILDI : 84.
WILSON : 224.
WINSTON EVANS : 87.
WITSCHI : 85.
WOLFF (E.) : 195, 201.
WOLTERECK : 42.
WRAZEK : 42.
GALLIMARD
Essais.
Sciences.
LES CHROMOSOMES (Hachette).
LA FORMATION DE L‘ÊTRE (Hachette).
L’EVOLUTION DES ESPÈCES (Hachette).
LA GENÈSE DE LA VIE (Hachette).
DE LA MOUCHE A L’HOMME (Fasquelle).
L’AVENTURE HUMAINE, 3 volumes (Fasquelle).
SCIENCE ET GÉNÉRATION (Fasquelle).
LA NOUVELLE BIOLOGIE (Fasquelle).
TABLEAU DU XXe SIÈCLE : LES SCIENCES (en coll. (Denoël).
ÉTAT PRÉSENT DU TRANSFORMISME (Stock).
LA VIE DES CRAPAUDS (Stock).
LA VIE DES LIBELLULES (Stock).
LA VIE DES VERS A SOIE Gallimard).
MŒURS NUPTIALES DES BÊTES (en coll.) (Stock).
LES PROBLÈMES DE L‘HÉRÉDITÉ ET DU SEXE (Presses
Universitaires).
LES IDÉES NOUVELLES DE LA GÉNÉTIQUE (Presses Universitaires).
INTRODUCTION A LA GÉNÉTIQUE en coll. avec le professeur
Cuénot.) (Centre de documentation universitaire).
INSECTES (Flammarion).
LA VIE ET SES PROBLÈMES Flammarion).
LA PARTHÉNOGENÈSE DES VERTÉBRÉS (Hermann).
BIOLOGIE ET MÉDECINE (Gallimard).
CLAUDE BERNARD (textes choisis) (Gallimard).
L’HOMME (Gallimard).
L’AVENIR DE LA BIOLOGIE (Éd. du Sablon).
ESQUISSE D’UNE HISTOIRE DE LA BIOLOGIE (Gallimard).
LA PARTHÉNOGENÈSE DANS LE RÈGNE ANIMAL (Presses
Universitaires).
LA BIOLOGIE ET L‘AVENIR HUMAIN (Albin Michel)
LES GRANDS COURANTS DE LA BIOLOGIE (Gallimard .
INSTRUIRE SUR L‘HOMME (Diane française).
LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET L’ABBÉ
SPALLANZANI (Fasquelle).
LES CRAPAUDS, LESGRENOUILLES ET QUELQUES GRANDS
PROBLÈMES BIOLOGIQUES (Gallimard).
L’ATOMISME EN BIOLOGIE.
AUX SOURCES DE LA BIOLOGIE.
Traductions.