N Jean-Pierre-Bacon 333

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Deuxième édition

Deuxième édition
Une philosophie scientifique et globale
pour aujourd'hui et pour l'avenir,
Deuxième édition, Essai, Jean-Pierre Bacon,
Fondation littéraire Fleur de Lys,
Lévis, Québec, 2020, 138 pages.

Édité par la Fondation littéraire Fleur de Lys,


organisme sans but lucratif, éditeur libraire québécois en ligne sur Internet.

Adresse électronique : contact@manuscritdepot.com

Site Internet : http://manuscritdepot.com/

© Copyright 2020 JEAN-PIERRE BACON

Tous droits réservés. Toute reproduction de ce livre, en totalité ou en


partie, par quelque moyen que ce soit, est interdite sans l’autorisation
écrite de l’auteur. Tous droits de traduction et d’adaptation, en totalité ou
en partie, réservés pour tous les pays. La reproduction d’un extrait
quelconque de ce livre, par quelque moyen que ce soit, tant électronique
que mécanique, et en particulier par photocopie et par microfilm, est
interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

ISBN 978-2-89612-598-2

Image (arrière plan) en couverture : Garik Barseghyan de Pixabay

Dépôt légal – 4ème trimestre 2020

Bibliothèque et Archives nationales du Québec


Bibliothèque et Archives Canada

Imprimé à la demande au Québec.


DU MÊME AUTEUR

Tous les grands problèmes philosophiques


sous l'éclairage de la science des contingences de renforcement
Le behaviorisme radical et les grands problèmes philosophiques
TOMES 1 - 2 - 3
Jean-Pierre Bacon
Essai, Fondation littéraire Fleur de Lys,
Lévis, Québec, 2017, 1484 pages.
ISBN 978-2-89612-530-2
Exemplaire numérique gratuit (les 3 tomes) :
http://www.manuscritdepot.com/livres-gratuits/pdf-livres/n.jean-pierre-bacon.01.pdf
Exemplaire papier (les 3 tomes): 149.95$
http://www.manuscritdepot.com/a.jean-pierre-bacon.1.htm
SOMMAIRE

DU MÊME AUTEUR ........................................................................................ 7


INTRODUCTION............................................................................................ 11
L’UNIVERS .................................................................................................... 19
(1) Une analyse des mots « néant », « infini » et « éternité »............. 19
(2) Ce qu’est un ensemble ................................................................... 20
(3) L’Univers et le dilemme « néant ou au moins un être éternel ».... 21
Conclusion .............................................................................................. 24
L’OBJET ET LA CONSCIENCE ......................................................................... 27
(1) L’objet physique, l’objet matériel, etc. ........................................... 28
(2) Les sensations visuelle, tactile, etc., les propriétés physiques
et la matière.................................................................................... 31
(3) Illusions et perceptions souvent mal interprétées.......................... 32
(4) Les sensations comme les plaisirs et les douleurs, les émotions,
les sentiments, les besoins, etc....................................................... 35
(5) La conscience .................................................................................. 37
(6) L’esprit............................................................................................. 40
Conclusion .............................................................................................. 43
LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME .......................................................... 47
(1) Le point de vue behavioriste radical.................................................. 47
(2) Quelques propos historiques au sujet de la « liberté » ..................... 51
Conclusion .............................................................................................. 54

9
SOMMAIRE

LE COMPORTEMENT VERBAL....................................................................... 59
(1) Trois groupes de comportements verbaux et une définition
du comportement verbal ................................................................ 60
(2) Cinq importantes considérations au sujet
des comportements verbaux .......................................................... 63
A) L’unité du comportement verbal............................................. 63
B) L’émission du comportement verbal....................................... 64
C) Le comportement verbal émis................................................. 65
D) Le « signe » .............................................................................. 66
E) Les comportements contrôlés par une « règle »
et le renforcement................................................................... 68
(3) Le « langage », la « signification », la « vérité », etc. ...................... 70
(4) Quelques amusants problèmes relatifs au langage ........................ 73
Conclusion .............................................................................................. 84
LA DÉPRESSION ............................................................................................ 87
(1) La nature de la dépression et ses « causes » .................................. 88
(2) Le traitement de la dépression au niveau individuel ...................... 89
(3) Le traitement de la dépression au niveau collectif ......................... 92
(4) « L’épidémie contemporaine de la dépression » ............................ 93
A ) Un exemple de formulations béhavioristes radicales ............. 93
B ) Un exemple de formulations énumératives : le dossier au
sujet de « L’épidémie contemporaine de la dépression »....... 94
C ) Une traduction explicative de la description
des événements ...................................................................... 95
Conclusion .............................................................................................. 96
GRANDE CONCLUSION................................................................................. 99
AU SUJET DE L'AUTEUR.............................................................................. 107
COMMUNIQUER AVEC L'AUTEUR .............................................................. 109
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................... 111
INDEX DES MATIÈRES................................................................................. 113

10
INTRODUCTION
Qu’ils soient laïcs ou religieux, les grands mythes de l’Histoire sont en
rapport avec des problèmes qui préoccupent les philosophes encore de nos
jours. Cela va de la possession accidentelle d’un « état d’esprit », par un
individu, jusqu’à des choses très générales comme l’origine de l’Univers,
« l’essence des divers objets et phénomènes physiques et de l’esprit », le
problème philosophique de la « liberté » (opposée à une fatalité ou au
déterminisme de la physique), les lois de la nature et les principes de vie, les
« valeurs », la « signification » et la nature de l’Histoire. Les rares mythes qui
sont examinés encore aujourd’hui, dans le cadre de la philosophie, sont ceux
qui nous séduisent toujours ou qui, par des interprétations par exemple,
peuvent aider à faire avancer notre connaissance ou à la mettre en évidence.
*
Il est vraisemblable que les plus anciens des hommes aient inventé à
la fois la parole, les cultes religieux, les danses « sacrées » … et la philosophie.
Considérons une traduction française d’un extrait de L’inscription de
Chabaka, un texte, très ancien, qui évoque la cosmogonie memphite. Son
origine est incertaine et pourrait bien appartenir à la préhistorique africaine.
Les yeux voient, les oreilles entendent, le nez respire. Ils informent le
cœur. C’est lui qui donne toute connaissance, c’est la langue qui répète
ce que le cœur a pensé. Ainsi tous les Dieux furent-ils mis au monde, et
l’Ennéade fut complétée. Et toute parole du dieu s’est manifestée selon
ce que le cœur concevait et ce que la langue ordonnait. Or donc on
dénomme Ptah « l’auteur de tout, qui a fait exister les dieux ». [Car] c’est
lui la Terre-qui-se-soulève, [c’est lui] qui a mis les dieux au monde, dont
toute chose est issue […], toute chose bonne. Ainsi, l’on trouve et l’on
reconnaît que sa puissance est plus immense que celle des autres dieux.
À son sujet et à celui de plusieurs autres propos de la même famille
des penseurs ont parlé en termes de « sagesse populaire », opposés à
« sagesse philosophique », ou en ceux de « métaphysique mythologique
irrationnelle », comparés, eux, à « véritable métaphysique philosophique ».

11
INTRODUCTION

Mais ce qui importe, ici, est de savoir si, à l’origine, la parole examinée
était clairement une fiction, ou si elle comprenait une véritable proposition
explicative de choses en cause (ce qui semble clairement avoir été le cas de
la citation en question ci-dessus). Ensuite, il est pertinent de demander si ce
récit était à prétention descriptive, ou s’il était symbolique. En ce dernier cas,
enfin, on peut questionner le sens, la cohérence, le réalisme, la rationalité et
la vérité de son interprétation : par exemple ici, « l’invalidation de l’existence
du Chaos, de l’Irrationnel ou du Mal avant celle de l’Être, du Rationnel ou du
Bien » ou « la préexistence de l’être solaire Rê, en tant que symbolique de
l’Existant, sur une opacité originaire, qui n’était pas Apopi, mais Rê en
personne, sous la forme archaïque d’Atum ou de Noum (Océan primordial
obscur, car inconscient de lui, et enveloppant le monde, mais dont la
conscience s’éveillera sous la forme Rê, la lumière de la Raison et du Bien »).1
On dit aussi que la pensée de la plus lointaine Antiquité, délaissée par
les philosophes occidentaux, comprend de nombreux discours où les objets
les plus abstraits sont rendus en des termes qui sont concrets et particuliers.
À leur sujet des penseurs sentent même l’obligation de dire des choses
comme la suivante : bien que certaines particularités culturelles notables de
cette pensée primitive (symbolisme, initiation, style aphoristique, grande
présence de mythes auprès des concepts, etc.) ne permettent pas de lui
donner tout son plein épanouissement, elle obéit à l’obligation de la
conviction et de l’argumentation, non pas à un simple sentiment irrationnel.
La philosophie appartient à une étape préalable à l’établissement de
la véritable connaissance, et des propositions en font partie même quand
elles ne sont pas à un haut niveau de conscience réfléchie. Il en va ainsi de
celles à notre actuel examen. De plus, en toute apparence et vraisemblance,
ces discours, comme d’ailleurs ceux de l’Orient, ont influencés les penseurs
occidentaux et permettent, dans plusieurs cas, d’ajouter du poids au doute
raisonnable quant à l’idée que certains d’entre eux seraient d’origine divine.2
Au sujet des antiques mythes grecs et romains, disons que peu
intéressent vraiment les philosophes modernes. Rares sont comme le dit
« mythe de la caverne » ou comme celui, au sens propre, de dieux moqueurs
figurant les accidents. (Les objets philosophiques y sont bien les corps en tant

12
INTRODUCTION

que facteurs mal compris, et la collision ludique de deux objets, occasionnée


par des êtres, a une cause, ceux-ci, alors que ce n’est pas le cas de l’accident,
avec ces objets, qui tient à la rencontre de deux chaines indépendantes de
phénomènes, duquel nous ne parlons pas en termes de « relation causale ».)
On a avancé que les Grecs de l’Antiquité croyaient en des dieux qui
avaient des liens extérieurs et rarement concrétisés avec eux, expliquant que
leur mythologie avait peu à voir avec leur pensée abstraite. Et on a proposé
que les romains étaient alors orientés vers les réalisations pratiques, plutôt
qu’intellectuelles, et que cela rendait compte de ce que leur philosophie était
apparue tardivement et que ses aspects les plus intéressants, ceux relatifs à
cette pratique, avaient été postérieurs à une grande part de leur mythologie.
On a affirmé aussi que leur philosophie ultérieure avait évolué quand
leur système se fut effondré, en apportant un chaos social dans la
Méditerranée orientale. À la base, les mythes primitifs et régionaux firent
place à une religion universelle, dans le cadre de laquelle un Être infini en
tout, impossible à représenter, créa une multitude : les anges (des créatures
pouvant s’opposer, se révolter). Après quoi furent le Ciel, la Terre… et, enfin,
les hommes, libres de désobéir à leur Créateur, jusqu’à leur destinée,
consistant soit à retourner en poussières, soit, pour une minorité ointe, à
devenir comme des anges, soit, pour les autres, à bénéficier de leur peuple
choisi ou, selon la version plus répandue, à être relevés, reconstruits, pour
vivre éternellement dans un royaume terrestre où, dit-on, ils honoreront
Dieu, en aimant autrui comme eux-mêmes. (Notons que cette religion
suggère l’existence d’un Être en impliquant qu’Il n’appartiendrait à aucune
classe d’êtres, et plus généralement de choses, définie par un concept, et
que les Créatures seraient libres d’honorer leur Créateur, mais peu à le faire.)
C’est le lieu ici de réaliser que la philosophie jusqu’à nos jours est faite
par des penseurs qui ont proposé une multitude de choses non seulement
très différentes les unes des autres, mais également incompatibles entre
elles, en tout ou en des parties essentielles.3 Très fréquemment, ils ont
exprimé tout bonnement la totalité de ce qu’ils ont pensé, sans le support
d’un adéquat éclairage scientifique, en n’essayant pas que leurs
constructions puissent passer l’épreuve des faits accessibles ou, pis encore,

13
INTRODUCTION

en faisant fi de leurs « intuitions » les plus fortes, celles résultant de leurs


« expériences » individuelles et collectives. Ainsi, les travaux des uns ont pu
être traités comme des mythes par les autres. Certains ont même conclu que
la vérité était en soi inaccessible, et d’autres, qu’elle n’existait pas. Pourtant,
tous les hommes se comportent non verbalement, et ensuite verbalement,
d’une façon généralement appropriée, dans le quotidien, et c’est ainsi qu’ils
apprennent à parler vraiment en termes de la vérité. Bien sûr, ils le font
souvent sans grande conscience réfléchie, celle permettant le contrôle et la
prédiction. Or nous arrivons à un moment de l’Histoire où une conscience du
niveau supérieur semble pouvoir être établie, de la façon escomptée depuis
des millénaires, dans tous les domaines qui nous occupent, communément.
*
Le noyau du présent livre est constitué de cinq chapitres, issus
d’autant d’articles publiés entre février et septembre 2019. Ceux-ci ont été
grandement réécrits et assemblés dans leur ordre initial à l’exception du
premier, qui a été placé à la fin du livre. Le premier chapitre traite de
l’Univers, de sa nature, de sa vraisemblable origine et de qu’il est sensé,
cohérent, rationnel et même réaliste de penser d’elle et de ce qu’il y avait
avant. La section a un objet qui ne semblait pas pouvoir être traité ainsi : on
a souvent dit qu’il était du domaine des religions — non de la science, ni de
la philosophie. La nature des objets physiques et celle de ce qu’on appelle
classiquement « les phénomènes de l’esprit » sont les sujets principaux du
second chapitre. Le troisième concerne le problème philosophique de la
« liberté », en rapport, premièrement, avec le déterminisme au sens de la
physique, puis avec l’indéterminisme, avec le hasard, avec la doctrine du
fatalisme, avec les principes et les lois, etc. Le quatrième chapitre est relatif
au « langage » (comportement verbal) et à divers objets comme la
« signification », la « vérité », les « valeurs », la « structure de l’esprit » et le
« sens des choses ». Le dernier a pour sujet la dépression : celle-ci illustre de
nombreux phénomènes, elle est liée au problème du suicide et elle suggère
l’importance d’une planification scientifique de la culture. La section est
aussi l’occasion de découvrir des termes techniques, en notes infra, et
d’ouvrir sur une autre façon de montrer la « vérité » du behaviorisme radical.

14
INTRODUCTION

Au cours de ces chapitres, de grands problèmes philosophiques sont


examinés, brièvement. Ils sont une partie de ceux qui l’ont été dans l’ouvrage
principal de l’auteur4 : en l’un de ses aspects, celui-ci est une histoire
encyclopédique et critique de la pensée réfléchie, allant de la lointaine
Antiquité (africaine, mésopotamienne, hébraïque, juive, indienne, chinoise,
grecque…) jusqu’à nos jours. Or l’Histoire a sa propre philosophie, et la
conclusion du présent ouvrage ouvre sur son examen. Celui-ci est opéré, lui
aussi, sous un éclairage scientifique, à savoir sous la part plutôt récente de la
biologie qu’est l’analyse expérimentale du comportement, appelée, aussi,
« l’analyse opérante » et « la science des contingences de renforcement ».
Bref on reconnaîtra les objets d’intérêt philosophique mentionnés au départ.
En somme, ce livre est un court exposé de la position la plus cohérente
qui soit pour connaître et pour analyser ce qui a occupé les penseurs depuis
l’Antiquité. L’étude de ses sujets est conséquemment difficile, en raison de
la complexité de ses objets et du fait qu’elle promeut une nouvelle façon de
penser. Le lecteur ne doit donc pas s’attendre à une simple narration. Mais
l’ouvrage n’est pas plus ardu que les illustres essais du répertoire classique
de la philosophie ou de la « métaphysique ». Sa compréhension exige
uniquement que le lecteur s’accapare du texte, en lisant plusieurs fois les
passages difficiles, en réfléchissant, en consultant les rubriques identifiées,
etc. Lire et relire un auteur permet d’arriver à penser comme lui. C’est un
préalable pour le comprendre, et pour, ensuite peut-être, critiquer ses idées.
*
Prendre connaissance de la structure d’un exposé peut être utile à un
lecteur. L’auteur du présent ouvrage a écrit de courtes introductions à
chacun de ses chapitres et y a annoncé soigneusement son développement.
Il les a divisés clairement (pour ne pas dire d’une façon scolaire) et a fait
précéder ses divisions de sous-titres. Il a évité presque tout langage
technique. Il a mis celui-ci entre parenthèses ou en notes infra, quand il
apportait des nuances importantes. Il a produit des phrases simples partout
où cela lui a semblé possible. Bien sûr, il en a appelé à des propositions
subordonnées pour exprimer ses propos qui sont à prétention explicative
(non simplement narrative). Toutefois, il a généralement inscrit une seule

15
INTRODUCTION

idée principale par paragraphe et il a séparé les idées secondaires de celle-


là, et entre elles, par des phrases indépendantes, voire par des paragraphes
quand la lourdeur l’imposait. Ces idées secondaires sont nombreuses, car les
objets philosophiques sont complexes. Cependant, les mots plus importants
y sont en caractères gras, ou italiques, et souvent accompagnés d’exemples.
Enfin, chaque section et tout le livre sont résumés en de brèves conclusions,
ouvrant, parfois, sur un examen à approfondir de choses connexes au sujet.
Répétons que lire et relire un auteur permet d’arriver à penser comme
lui, et que la prétention de l’exercice proposé ici est d’arriver à comprendre
le monde, afin, entre autres, d’éliminer les graves problèmes auxquels les
hommes sont d’ores et déjà soumis et d’établir des environnements où tous
seront exposés à un maximum de « récompenses » (ici agents du
renforcement positif) et à un minimum de « punitions » (ici stimuli aversifs).
*
Pour aider les lecteurs qui voudront approfondir la présente réflexion,
voici une idée de quelques mots techniques : a) le terme « contingences de
renforcement » peut assez bien être remplacé par l’expression commune
« expérience positive », b) « (agent du) renforcement positif » par
« récompense », c) « renforcement (sous le mode) positif » par
« accroissement de la fréquence d’un comportement par une récompense »,
d) « (agent du) renforcement négatif » par stimulus aversif, e)
« renforcement (sous le mode) négatif » par « accroissement de la
fréquence d’un comportement par la suppression ou par la diminution d’un
stimulus aversif », f) « contrôle d’un acte » par facteur de sa production, et,
g) « stimulus discriminatif de cet acte » par « facteur qui favorise celui-ci »
(par exemple, une route est le « contrôle » de la conduite d’un automobiliste
sur cette voie et son panneau indicateur en est un « stimulus discriminatif »).
Ajoutons, h) qu’un comportement opérant est toute réponse d’un
organisme dite communément « volontaire », qu’elle soit publique ou
privée, implicite ou explicite, i) que le terme « répondant » peut être
remplacé généralement par « réflexe »5, j) qu’un stimulus est une chose, un
objet, ayant une position indiscutable dans l’espace et le temps, et, k) que
l’environnement est le proche milieu où les organismes sont stimulés, où ils

16
INTRODUCTION

se comportent, où ils sont affectés par les conséquences de leurs actes…,


bref où ils sont exposés à des expériences, positives et négatives
(respectivement, contingences de renforcement et contingences punitives).

1
Voyez, par exemple, le texte de M. Nsame Mbongo : Naissance de la philosophie et renaissance africaine.
2
Le Dieu des philosophes occidentaux est presque toujours celui de la Bible. Voir Les erreurs, les plagiats et
les fausses prédictions de la Bible (http://www.bible.chez-alice.fr/erreurs.htm) et Inédit, contradictions et
erreurs apparentes de la bible — réponses des experts (https://www.rencontrerdieu.com/project/inedit-
contradictions-et-erreurs-apparentes-de-la-bible-reponses-des-experts01/), en exemples d’écrits opposés.
Certains font même un lien entre « Amen » et « Amon, entre le Dieu « Lumière du monde » et le dieu Soleil.
3
Il n’y a peut-être pas trop de mal à dire que le panthéisme, le rationalisme, l’empirisme et le scepticisme
ont été établis en réaction fondamentale à l’idéalisme et au matérialisme, auxquels sont liées les doctrines
et écoles mentionnées dans la classification : https://www.espacefrancais.com/histoire-de-la-philosophie/.
Pour une nomenclature plutôt détaillée et quelques commentaires au sujet de ces doctrines et écoles, voir
https://www.universalis.fr/classification/philosophie/doctrines-et-ecoles-philosophiques/. Pour un grand
exposé, voir Histoire de la philosophie I, en deux tomes, Histoire de la philosophie II, en deux tomes, et
Histoire de la philosophie III, en deux tomes, coll. Folio/essais, éd. Gallimard, direction Y. Belaval et B. Parain.
De grandes questions comme les classiques « D’où venons-nous? », « Qui sommes-nous? » et « Que
devons-nous faire? » peuvent aider à évaluer ces constructions philosophiques, particulièrement quant à
leurs caractères rationnel et totalement compréhensible, qui sont escomptés. Les philosophies
mentionnées ci-haut font appel à au moins une chose mal définie ou dont le concept ne peut être construit,
parfois en droit même. Il en est ainsi des Idées platoniciennes, du Dieu infini des penseurs occidentaux, de
l’atome (éternel et insécable) des Grecs de l’Antiquité et de celui des philosophes de la mécanique
quantique, des sensations et des données appelées « phénomènes » … En terminant, notons qu’une
philosophie n’a pas à être un système hypothético-déductif, et qu’il n’est pas pertinent de dire que les
constructions en question ici sont en des mots qui ne sont pas tous définis ou qui le seraient d’une façon
circulaire, ce qui, soit dit en passant, n’a rien à voir avec ce qu’on appelle classiquement « le cercle vicieux ».
4
BACON, Jean-Pierre. Tous les grands problèmes philosophiques sous l’éclairage de la science des
contingences de renforcement, la Fondation Littéraire Fleur de Lys, Québec, Canada, 2017, 3 tomes, 1484 p.
5
Les mots « réflexe » et « instinct » renvoient aux contingences de la survie. En toute apparence et en toute
vraisemblance, l’histoire évolutive a fait en sorte que des réponses sont « provoquées » par des stimuli
présents dans le milieu environnant et que d’autres y sont « évoquées », produites d’une façon souple et
adaptée aux accidents, pour ainsi dire. Le mot « instinctif » est descriptif d’événements, non pas explicatif :
contrairement à ce qu’il en est avec « réflexif », on ne peut présentement que faire des hypothèses sur le
type du système que le comportement implique. Ce système n’en est pas « la cause » et peut être expliqué.
Vraisemblablement, le comportement instinctif émis est fonction du milieu et d’une sensibilité « innée »
de celui qui le produit. Cet état ressenti est à expliquer par l’histoire d’exposition à l’environnement de cet
organisme en tant que membre d’une espèce. D’ailleurs, dire qu’un homme a un « instinct » de juger sans
réfléchir, par exemple, est « métaphorique » de ce qui est profondément enraciné et inconnu (voir B. F.
SKINNER, pour une science du comportement : le behaviorisme, éd. Delachaux & Niestlé, 1979, pp. 41 à 45).
Ajoutons qu’au niveau phylogénétique, l’adaptation est le résultat de la sélection des réponses adaptées
(adéquates, couronnées de succès), comme c’est le cas au niveau ontogénétique. Cette sélection renvoie à
l’analyse fonctionnelle : celle-ci est l’affaire de relations univoques, entre, ici, les variables « historiques »
dépendantes que sont ces réponses et les variables « historiques » inconditionnelles qui représentent les
facteurs environnementaux qui précèdent ces réponses émises et ceux qui les suivent. Et elle rend même
compréhensible le problème du passage du non-vivant au vivant, en permettant de définir cette dernière
classe. L’analyse formelle (celle structurale même) ne livre pas, actuellement, cette compréhension.
Comme on le voit, la fonction en cause ne se réduit pas à une forme (activité), à une cause finale (son effet)
ou à un besoin ou raison d’être (manque). Ceux-ci sont postérieurs à un organisme, qui, s’il survit en raison
d’un avantage adaptatif, a au moins la possibilité de transmettre cet avantage aux générations ultérieures.

17
CHAPITRE I
L’UNIVERS
Dans ce bref chapitre, nous allons parler de l’Univers, l’univers
astronomique, dont les connaissances scientifiques nous incitent à dire qu’il
n’aurait pas toujours existé et même qu’il se serait complexifié, à la suite du
Big Bang, à partir de choses simples, pour aboutir à ce que nous connaissons
aujourd’hui. Nous allons en parler en rapport avec ce prétendu dilemme
métaphysique : avant le multiple, ou il n’y avait rien, ou il y avait une chose,
unique, existant, donc, depuis toujours. Notons que ce « dilemme » peut
impliquer l’argument moderne suivant, en faveur de l’existence d’un Dieu
éternel : si un jour absolument rien n’avait été, toujours rien n’aurait été; or
étant donné que l’Univers existe et qu’il a commencé à être, nous avons
toutes les raisons de croire qu’il aurait été précédé d’une Chose éternelle,
que nous pourrions vraisemblablement appeler « Dieu » de ce qu’il serait au
moins pertinent de penser que cet Être serait la cause du Multiple (l’Univers).
Sous l’éclairage de la science des contingences de renforcement,
appelée aussi « analyse expérimentale du comportement », (1) nous
analyserons les mots « néant », « infini » et « éternité », (2) nous tenterons
d’apporter la conscience réfléchie de ce qu’est un ensemble et (3) nous
parlerons de l’Univers, de sa nature, de sa vraisemblable origine et de ce qu’il
est sensé, cohérent, rationnel et même réaliste de penser d’elle et de ce qu’il
y avait avant, d’une façon permettant d’écarter le prétendu dilemme énoncé
précédemment ainsi que ses implications métaphysiques. L’auteur est bien
conscient de proposer ici un point de vue, établi sous l’éclairage scientifique.
(1)
Une analyse des mots « néant », « infini » et « éternité »
Pour un philosophe de la science des contingences de renforcement,
le mot « néant » sert non pas à « désigner » ou à « identifier » une chose,
mais à écarter la suggestion de l’existence d’un objet. Nous pouvons analyser
à peu près ainsi tous les mots ayant approximativement les mêmes effets,
comme « non-être », « inexistence », « rien », « vide absolu ». Par exemple,
dire que chacun des martiens de La Guerre des mondes de Herbert George

19
CHAPITRE I - L'UNIVERS

Wells est du domaine du néant, c’est dire qu’il n’existe pas, que « les mots
qui en suggèrent l’existence n’ont aucun référent ». Nous pouvons dire cela
aussi du martien de H. G. Wells, au sens de l’espèce des êtres décrits par cet
auteur, ainsi que de l’événement qu’est La Guerre des mondes. Dans le
cadre logique de cette fiction, nous disons certes que ces martiens, leur
espèce et La Guerre des mondes existent, mais ces « vérités » ne sont que
l’affaire de mots, non pas d’objets existant indépendamment de ceux-ci (et
indépendamment aussi des comportements non verbaux de tout être). On
verra que la métaphysique aussi tient à des suggestions opérées par les mots.
Pour sa part, le mot « infini » semble servir à identifier une propriété.
Mais les métaphysiciens eux-mêmes disent : nul homme ne peut découvrir
cette entité, car elle échappe à toute expérience possible. Conséquemment,
elle ne serait pas même du type des objets abstraits (propriétés, etc.). Le mot
« infini » sert à écarter la suggestion de l’existence de la fin (l’achèvement)
définitive d’une chose ou de l’accessibilité de celle-ci dans au moins une de
ses limites, en raison de l’immensité ou de l’infime petitesse de cette chose.
Même le mot « fini », qui est proche de « achevé », ne sert pas à identifier
une propriété physique; il indique la fin d’un processus de production d’un
objet, souvent en suggérant une « valeur »1, non pas une propriété physique.
Nous pouvons parler à peu près ainsi du mot « éternité » défini être
« un infini temporel » dans le passé (l’éternité a parte ante) et/ou dans
l’avenir (l’éternité a parte post) dans le cadre de la prétendue métaphysique.
(2)
Ce qu’est un ensemble
L’homme, comme beaucoup d’autres organismes, a appris à se
comporter, en de nombreuses occasions, d’une façon différente selon qu’il
est en présence de plusieurs objets observés ou d’un seul. Il peut même
donner des réponses différenciées à deux, à trois, à quatre objets… Et il peut
faire cela bien avant qu’un ensemble soit quelque chose pour lui et, à plus
forte raison, avant qu’il ne comprenne ce qu’il en est de l’important aspect
du monde sous lequel sont appris les différents actes mentionnés ci-dessus.

20
CHAPITRE I - L'UNIVERS

Pour faire en sorte qu’un enfant découvre l’objet qu’est un ensemble,


la communauté verbale peut, en plus d’une occasion, dire « ensemble », en
présence de plus d’un objet que celui-là perçoit, et dire, par exemple, « ce
n’est pas un ensemble », devant un corps unique que cet enfant discrimine.
Rapidement, une importante propriété sous laquelle il se comporte
différemment, comme il est mentionné ci-dessus, devient un objet (abstrait),
à savoir le « référent » d’un mot (comportement verbal, dit, ici, « abstrait »).
Techniquement parlant, disons qu’un ensemble est une des propriétés
qu’ont plus d’un objet d’être la condition préalable d’un comportement
comme ceux en cause ci-dessus. Par exemple, le trio est la propriété que trois
objets exercent ensemble, non individuellement ou deux par deux.
Contrairement à une sensation visuelle par exemple, mais conformément
aux entités abstraites et à la majorité des concepts, cette propriété, isolée,
n’est la condition spécifique d’aucune réponse non sociale. Elle l’est du
comportement social (ci-haut, le mot « trio ») qui en fait un objet (abstrait).
Ajoutons qu’un tel ensemble n’est nullement sans tout ce qui l’exerce.
L’ensemble des hommes dont on estime le cardinal à peut-être 107 milliards
d’individus depuis leur origine n’existe pas, contrairement à ce qu’il en serait
si tous les disparus existaient encore : la totalité des hommes actuels est une
part de l’objet abstrait construit (sans attente de le découvrir). Néanmoins,
nous pouvons bien sûr « parler » d’un tel objet, comme nous le faisons d’un
être fictif même, le considérer à différents moments de l’Histoire, estimer
son cardinal, etc. Par contre, un ensemble du type des classes définies par
des propriétés peut exister par ses seuls membres actuels : c’est le cas de
l’espèce humaine. Mais il n’existe pas quand aucun de ses éléments n’existe.
(3)
L’Univers et le dilemme « néant ou au moins un être éternel »
L’Univers est la classe des divers objets astronomiques, dont les
connaissances scientifiques actuelles nous incitent fortement à penser qu’ils
n’auraient pas toujours existé : avant les astres (étoiles, planètes,
météorites, etc.), il y avait, en toute apparence et vraisemblance, des objets
physiques plus simples et, avant eux, des choses échappant peut-être à la
physique même car ne montrant aucune régularité. Il est sensé (à distinguer

21
CHAPITRE I - L'UNIVERS

de rationnel, vraisemblable, etc.) de concevoir même, à un moment bien


défini du passé antérieur à l’apparition de l’Univers, l’existence d’un unique
objet réel, exerçant alors seul tout l’espace et tout le temps véritables
(comme le soi-disant Verbe biblique qui, selon certaines interprétations,
serait à la fois la première créature ainsi que le Créateur et Conservateur de
l’Univers, ou un théorique corps noir originel, super massif, ayant émis un
énorme rayonnement de Hawking, tous deux ayant donc une origine et une
fin — pour le premier, non définitive, dans chacun des moments du présent).
Les propositions suivantes « avant l’Univers, il y avait un point
singulier, sans dimensions physiques »2 et « l’espace et le temps sont nés avec
l’Univers » sont insensées car elles sont approximativement équivalentes à
celle-ci : avant l’univers, il y avait le néant. Répétons que le mot « néant » ne
sert pas à désigner ou à identifier une quelconque chose, incluant, en
l’occurrence, un agent ou une cause, un matériau ou une matière, voire un
lieu ou un espace, lesquels n’existeraient alors ni en tant qu’objet abstrait
(« référent » d’un mot, vocal ou non) ni, même, en tant qu’au moins une
chose qui serait ce lieu ou cet espace. Autrement dit, ceux-ci ne seraient alors
ni une chose ni ce (un ou plusieurs objets) qui les constitueraient! Toutefois
songeons bien à ceci : dire « s’il n’y avait absolument rien eu, pas même un
espace et un temps, où et quand l’Univers aurait-il pu apparaître? »
n’interdirait nullement de poser que l’Univers serait apparu il y a, disons,
13,8 milliards d’années dans notre passé et en un lieu du monde où on
extrapolerait que l’expansion de celui-ci aurait commencée à la suite du Big
Bang. Et, surtout, cela pourrait suggérer, à tort, que l’espace et le temps
seraient des choses du type de celles qui existent indépendamment des actes
d’un être. Nous pouvons parler d’un espace (un volume) ou d’un temps (une
durée) en tant que ce qui l’exerce, comme quand on dit « une sphère » pour
dire « un corps sphérique » ou « un vingt » pour parler d’êtres en action
durant vingt minutes. Mais ce qui n’existe pas n’est nulle part — non partout.
En tant qu’objet abstrait, l’Univers, l’univers astronomique, est un
sous-ensemble de l’univers des choses ayant une position indiscutable dans
l’espace et le temps (noter que cet « univers » est sans majuscule). Or cela
revient à dire qu’il y a toujours eu de telles choses (non obligatoirement
sources de régularités, même au niveau statistique), commençant et cessant

22
CHAPITRE I - L'UNIVERS

d’être (en se fractionnant d’une façon destructrice, en fusionnant avec


d’autres ou en se transformant jusqu’à ne plus appartenir à leur type passé,
etc.). Ainsi, on écarte aussi la suggestion de l’être des métaphysiques atomes
éternels des grecs de l’Antiquité (du grec « atomos », qu’on ne peut diviser).
Le principe est simple et suffisant. Certains diront qu’il est irréfutable.
Cependant, on peut découvrir que la considération d’un moment implique
l’affirmation de l’existence d’au moins une chose qui l’exerce. Il en va un peu
comme avec la connaissance « tous les corps sont étendus ». Le principe est
l’affaire de la description d’un objet abstrait (ici le moment). Il n’est ni une
déduction ni une induction tributaire d’un ensemble de phénomènes tels
ceux auxquels on pense quand on constate qu’il y avait quelque chose à tout
instant de notre histoire personnelle et qu’il en allait ainsi aux plus lointains
moments accessibles de l’Univers. En fait, le principe apparaît, voire
s’impose, quand, principalement, on arrive à écarter les fautives suggestions
formelles opérées par certains mots (voir ci-dessus), acquis généralement à
un niveau de connaissances non pas « supérieures », mais plutôt irréfléchies.
*
Nous ne pouvons terminer cette section sans faire trois commentaires.
Considérons d’abord cette question : de la position théorique
soutenue dans ce chapitre ne semble-t-il pas exister, encore, au moins une
chose éternelle, à savoir cet univers? Dire que celui-ci est éternel, c’est parler
d’un grand ensemble qui n’existe, actuellement, qu’en tant que ses éléments
actuels (comme c’est le cas de l’espèce humaine), en écartant la suggestion
de l’existence d’un moment bien défini où un premier élément de cette
classe serait apparu et/ou celle de l’existence d’un moment futur qu’il serait
sensé, cohérent, rationnel et même réaliste de considérer être celui de la fin
(l’achèvement) définitive de la réalité de tels objets. Selon la position
scientifique soutenue dans ce chapitre, il faut même considérer ce qui suit :
cet univers a un nombre bien défini d’éléments, à n’importe quel moment
bien défini, et ceux-ci peuvent être imaginés, faussement il est vrai, se
trouver enfermés dans, par exemple, une immense sphère, fictive, dont nous
pourrions dire « en dehors d’elle il y a néant absolu » non pour « suggérer »
l’existence, en ce lieu fictif, d’une chose qui existerait indépendamment des

23
CHAPITRE I - L'UNIVERS

actes d’un quelconque être, comme il se devrait, mais pour écarter la


suggestion de l’existence d’une telle chose (en ce lieu fictif), en laissant toute
latitude pour inventer des sphères encore plus éloignées de l’univers que la
précédente, lors du processus, indéfini, qui est ce qui suggère l’existence
d’un « référent » au nom « l’espace infini » proposé par des métaphysiciens.
Puis resoulignons que la classe des objets, définie par leur propriété
d’avoir une position indiscutable dans l’espace et le temps, n’est rien sans
les objets qui existent, et que le fait, imaginable, de leur non-être ne serait
ni un être, ni un phénomène physique, ni, non plus, une chose qui serait
métaphysique : le mot « fait » suggère ici la vérité opposée à l’erreur de la
négation impliquée. L’anéantissement proposé ci-haut de tout ce qui existe
à un moment donné (incluant les êtres pensants et tout élément constitutif)
ne donnerait pas rien, mais un ensemble d’objets nouveaux (des résidus et
des corps issus de la fusion d’éléments antérieurs, par exemple). Soit dit en
passant, chacun d’eux serait créé : il n’aurait pas été, avant, sous quelque
forme que ce soit, sans pour autant être une création à partir de rien incluant
la création même (ce qui est absurde) ni s’être créé (ce qui impliquerait que
lui, dans une de ses formes, aurait existé avant d’exister, ce qui est
contradictoire). Tout cela légitimise le célèbre principe de Lavoisier. Et quoi
que l’on pense de ce principe, tout espace véritable est un objet abstrait, qui
n’existe pas sans un ou des objets qui exercent ce volume, déterminé ou non.
Enfin, en complément, disons que l’espace est l’universel ensemble
construit des objets abstraits que sont les divers volumes, et que le temps
est la dimension (l’ensemble construit) des entités abstraites que sont les
durées, les uns et les autres n’ayant peut-être en commun que la propriété
d’être exercés par au moins une des choses dont il y a tout avantage à penser
qu’elle existe indépendamment de tout acte, ou par plus d’une d’entre elles.
Conclusion
L’apparente question « Pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que le non-
être? » a préoccupé de nombreux penseurs. Pour la dissiper, il peut être
tentant de « dire » : le non-être n’est pas nul être; c’est tout ce qui n’est pas
en acte. Mais le mot « non-être » sert à écarter la suggestion de l’existence
d’un être, non à identifier un être en puissance ou une chose qui n’en serait

24
CHAPITRE I - L'UNIVERS

pas une (posée en assumant la forme contradictoire, de ce qu’elle mènerait


à une vérité par deux erreurs qui se compenseraient)3. Le dit « être en
puissance » des prétendues entités situées dans un au-delà n’est l’affaire
que de nos « mots »4, en toute apparence et vraisemblance. Le non-être
n’est d’aucune façon. Ce qui suggère un possible néant absolu à un moment
donné, c’est la négation de l’existence de tout ce qui y existe et de tout ce qui
n’y existe pas. Or dans l’expression « tout ce qui n’existe pas », les mots « qui
n’existe pas » ni ne déterminent un objet ni ne contribuent à définir un tout
car ils n’impliquent pas même l’ensemble des propriétés qui le ferait. Le mot
« non-être » est second : son facteur d’émission est le mot « être » — non un
être ni nulle chose! Tout non-être est posé en termes d’au moins un être, dont
on écarte la suggestion qu’il soit, et le fait éventuel consiste en le caractère
approprié de cette mise à l’écart. Celle-ci est la réalité qui définit « non-être ».
Comme « Non être! », ce mot annonce les « dangers » à agir à son encontre.
En somme, disons que l’Univers se révèle être un sous-ensemble de
l’univers des objets ayant une position indiscutable dans l’espace et le temps,
et cette façon de voir les choses permet d’écarter le dilemme métaphysique
mentionné au début et toutes les propositions métaphysiques qu’il implique.

1
Pour un behavioriste radical, une valeur est l’affaire de renforcements. Comme une propriété physique,
un renforcement est une condition d’existence d’un acte « volontaire » (comportement opérant). Une
propriété physique est du domaine des facteurs environnementaux préalables à ce comportement émis,
dont elle devient une condition, alors qu’un renforcement est de celui des facteurs environnementaux qui,
en suivant ce comportement, sont une condition de l’existence d’un comportement ultérieur de la même
classe, un comportement produit dans de semblables circonstances, sous ces mêmes propriétés physiques.
2
En analyse simple, la singularité en question est une expression comme « 1/0 ». Il n’est pas sensé de la
traduire par « une unité en aucune partie », par « le néant » ou par « la limite de l’infiniment grand », entre
autres. C’est une réponse verbale à un événement (constitué par deux informations, en relation). Même
quand c’est possible, réduire utilement à un seul nombre un rapport numérique est perdre de l’information.
3
Voir ce qui est dit au sujet de ce qu’on appelle « le jugement fictif », dans l’ouvrage intitulé Tous les grands
problèmes philosophiques sous l’éclairage de la science des contingences de renforcement, entrée no 3468.
4
Considérons des exemples. Le nom « la licorne » est bien associé à une classe construite en termes d’un
concept — non d’une négation. La caractéristique formelle est celle des « représentations d’une licorne » :
la forme d’un cheval avec une longue corne torsadée au milieu du front. Pour sa part, le nom « la sphère
infinie » est construit avec le nom « la sphère » qui identifie une classe de solides creux et avec le mot
« infinie », qui sert à écarter la suggestion de l’existence d’une caractéristique — non pas à identifier une
telle chose. Réaliser, en passant, que la sphère infinie n’existerait nulle part! L’expression « le cheval non
noir » est une réponse verbale à tout cheval qui n’est pas noir. Elle n’identifie pas une classe, bien définie,
sous-classe du cheval. Nous pouvons dire quelque chose de semblable du nom « l’espace absolu », qui sert
bien le propos général. Ajoutons que le terme « cercle-carré » est construit avec des mots incompatibles
pour identifier la forme d’une chose, et que le « ertênon » laisse perplexes ceux qui ne savent pas qu’il est
fait des lettres inversées de « non-être », dans un cadre où il est illégal de même lui associer une définition.

25
CHAPITRE II
L’OBJET ET LA CONSCIENCE
Il y a plusieurs années déjà, alors que je commençais à m’intéresser
aux grands problèmes philosophiques, les questions suivantes m’ont occupé
plus particulièrement : « Qu’est-ce qu’un objet? » et « Qu’est-ce que la
conscience? ». Ces deux questions sont « proches » des suivantes, un peu
plus classiques : « Qu’est-ce que la matière? » et « Qu’est-ce que l’esprit? ».
Dans ce chapitre, nous parlerons (1) de l’objet, matériel, concret,
physique…, classiquement opposé au sujet, (2) des sensations visuelle,
tactile, etc., des propriétés physiques et de la matière, (3) des illusions et des
perceptions sujettes à diverses « interprétations », (4) des sensations
comme le plaisir et la douleur, des émotions, des sentiments, des besoins,
etc., (5) de la conscience et (6) des autres objets dits de « l’esprit ». En
conclusion, nous appliquerons ce qui aura été proposé, en disant quelques
mots1 au sujet de plusieurs grands systèmes d’idées élaborés dans l’histoire.
Soulignons que nous présentons ici un point de vue, établi sous
l’éclairage de la science des contingences de renforcement, appelée égale-
ment « analyse expérimentale du comportement » ou « analyse opérante ».
Les affirmations qui suivent sont un avant-goût de cette présentation.
— Les objets physiques, qui sont de divers genres, n’ont peut-être en
commun que d’occuper une position indiscutable dans l’espace et le temps.
— Ce qui est vu, touché… est dans l’environnement, comme il semble.
— Une sensation visuelle, tactile ou autre est un objet abstrait, c’est-
à-dire une caractéristique du monde, qui, à la fois, est exercée par un ou par
plusieurs objets physiques et est le « référent » d’un « mot », dit « abstrait ».
— La partie de l’univers qui est sous la peau d’un organisme n’est pas
d’une nature radicalement différente de celle qui est à l’extérieur de lui; elle
est uniquement plus difficile d’accès, pour les membres de la communauté.
— Exercés par l’organisme qui les éprouve, les plaisirs, les douleurs…
sont des objets abstraits, comme le sont les sensations visuelle, tactile, etc.

27
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

— Tous les phénomènes « mentaux » sont affaire de comportements.


Par les trois dernières parties du chapitre, j’invite les lecteurs assez
« motivés » à approfondir les idées de B. F. Skinner, ce scientifique qui est
considéré comme l’un des plus grands penseurs de l’histoire, en compagnie
de Copernic, de Darwin et de Pavlov, et comme l’un des plus influents du XXe
siècle selon Le Larousse et Wikipédia, entre autres sources de « références ».
Le texte est proposé aussi pour l’établissement d’un glossaire d’une
soixantaine des mots les plus difficiles à analyser, jusqu’à ce jour. Il peut
servir de base aux professeurs et aux élèves, lors d’examens critiques d’écrits
en sciences (pures, humaines, sociales, religieuses…) ainsi qu’en philosophie.
(1)
L’objet physique, l’objet matériel, etc.
Une bactérie présente dans un organisme, le sang de celui-ci, cet
organisme, une maison dans laquelle ce dernier se trouve éventuellement et
la masse d’air contenu dans cette demeure sont des choses qui occupent une
position indiscutable dans l’espace et le temps. Cette position indiscutable
est ce que des physiciens confèrent au photon, à l’électron, au positron…
isolés, lorsqu’ils considèrent leur nature corpusculaire. C’est peut-être la
seule chose qu’ont en commun les objets de la grande classe en question ici.
Les objets physiques sont ceux qui intéressent les physiciens. Parmi
eux, il y a bien sûr les objets matériels. Le nom « l’objet matériel » se réfère
à une grande classe de choses ayant en commun d’avoir une masse. Celle-ci
est ce qu’on peut appeler « la quantité de matière », à savoir le nombre
d’unités de masse (le kg, par exemple) permettant l’équilibre sur une balance
à deux plateaux. Les physiciens ont reconstruit ce concept commun en
termes de l’inertie et l’ont distingué de la pesanteur, identifiée au concept
de la force de gravité. Or bien que la possession d’une masse semble
parfaitement caractériser les objets de notre quotidien, il s’avère qu’elle ne
soit pas vraiment propre à ces seules choses (pensons ne serait-ce qu’aux
particules qui constituent « l’antimatière », si on ne veut pas s’immiscer ici
dans le débat qui est au sujet de la masse de la lumière, entre autres choses).

28
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

Classiquement parlant, un corps est un objet matériel. Il peut se


trouver dans différents états (solide, liquide, gazeux, etc.). Cela dit, ce qui est
communément appelé « un corps » est souvent un solide. Les solides sont
majoritairement colorés, mais cela ne constitue évidemment pas leur
caractéristique. Il est dit qu’ils sont les seuls à avoir une forme et un volume
par eux-mêmes. Cependant, les liquides et les gaz ont une position
indiscutable dans l’espace et le temps autant quand ils sont en un jet, en une
flasque, en un nuage cohérent, etc., que lorsqu’ils se trouvent dans un
contenant. On entend aussi que la propriété des solides est l’impénétrabilité.
Mais il existe des objets qui se comportent comme un solide quand on les
frappe du poing et comme un liquide lorsqu’on y plonge un doigt. De plus, le
mot « impénétrabilité » sert non pas à identifier une propriété, mais plutôt
à écarter la suggestion de l’existence d’un fait : « la possibilité de pénétrer ».
Par ailleurs, un état solide, liquide, gazeux, etc. est l’affaire d’une
structure qu’a un objet matériel, à un moment donné. Cet objet manifeste
cette structure par des faits « publics », comme la conservation de sa forme
et de son volume, son écoulement ou sa dispersion possibles, dans les
conditions ambiantes. D’autres mots y réfèrent, comme « cohésion de ses
éléments constitutifs », « forme cristalline », « indice de réfraction »,
« masse volumique », « ductilité », « malléabilité » et « viscosité ». Aucune
classe d’objets n’est donc communément identifiée à partir de cette forme,
cachée, et cela peut expliquer certaines des difficultés en cause dans ce cas.
Ajoutons que tout ensemble de propriétés communes proposé pour
définir le terme général « l’objet matériel » est ce que les scientifiques
reconstruisent en termes de molécules, d’atomes, d’électrons libres, etc. :
ces termes permettent de décrire précisément les objets, changeants, qui
ont les propriétés sous lesquelles ils sont observés. Notons que pour un
behavioriste radical, il n’y a aucun avantage à rechercher des « invariants »
(ici aux niveaux de la forme, du volume, des constituants dans leur genre…).
Ce qui précède ne change rien, heureusement, à notre intuition que,
par exemple, un altère fait de deux sphères liées par une tige est un objet
matériel, alors que la Terre et la Lune constituent un ensemble de deux
corps, bien qu’elles soient en interaction gravitationnelle. Évidemment, nous

29
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

pouvons répondre à plus d’un corps (au système Terre-Lune ou à une pile de
pièces de monnaie, par exemple) comme à un objet, mais aucun ensemble,
quel qu’il soit, n’est réductible aux éléments qui le constituent. Nous
pouvons expliquer aussi qu’un corps puisse, lui, perdre ou gagner des
« éléments » tout en continuant à exister, comme il en était antérieurement.
Au sujet de l’énergie, disons que le terme scientifique se réfère à une
large classe de concepts2, que les physiciens ont construits avant de les
découvrir, dans le monde, défini ici comme l’ensemble des « expériences »
des différents types. On peut dire cela de la puissance, de la force, etc. La
physique est ce que l’homme a de mieux pour rendre compte de la réalité et
la science des expériences (contingences), pour le compte rendu du monde.
Enfin, notons que des objets spatiaux et temporels pourraient ne pas
être physiques. Ce serait le cas s’ils ne montraient aucune régularité
permettant leur connaissance par la physique. Les objets de la mécanique
quantique sont de l’univers physique, mais du fait que la matière au niveau
impliqué est présentement inaccessible directement, elle n’est connue que
par ses manifestations et à l’aide d’instruments complexes, dont certains
théoriciens posent qu’ils interfèrent et interféreront toujours avec ce que
l’on cherche à connaître par eux. Peut-être en raison de cela et de moins de
régularités, d’invariances, etc., à ce niveau rudimentaire, les physiciens
arrivent à des propositions très étranges. Des penseurs tentent de justifier le
tout en faisant appel à « un monde hors du temps et de l’espace », accessible
par des manifestations dans l’Univers, dit « sensible ». Mais ce qui est sensé,
cohérent, rationnel et même réaliste, c’est que ces difficultés sont tributaires
de l’inaccessibilité directe de la matière à ce niveau, plutôt que de sa nature.
Les concepts sont en évolution. Certains (incluant des entités
découvertes « dans des objets de notre connaissance passée ») disparaissent
à la suite de l’observation de nouveaux faits, et des mieux adaptés à nos
pratiques sont construits, en attente souvent de les découvrir, dans un
monde qui ne cesse d’être plus complexe pour celui qui l’élabore de la sorte.

30
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

(2)
Les sensations visuelle, tactile, etc.,
les propriétés physiques et la matière
Pour le philosophe de l’analyse expérimentale du comportement, ce
qui est vu, touché, etc. est là où il semble être, à savoir dans l’environnement.
Un grand mur gris fer collé au nez d’un observateur en train de le
regarder constitue pour ainsi dire toute l’image visuelle qui est relative à la
vision qu’il en a. Cette « image » n’est certes pas réductible à un objet
physique, mais non parce qu’elle serait bidimensionnelle et sans contour
déterminé ou bien défini : elle est un objet abstrait, comme l’est sa couleur.
Dans son histoire personnelle et dans celle évolutive, l’homme
(comme l’organisme de plusieurs autres espèces) apprend à donner des
réponses différentes à un objet gris et à un d’une autre couleur. Il le fait bien
avant que cette propriété ne soit un objet pour lui, et, à plus forte raison,
avant qu’il ne comprenne la « nature » de cet important aspect de ce monde.
Pour faire en sorte qu’un individu découvre l’entité qu’est le gris fer,
en l’occurrence, sa communauté verbale peut, en plus d’une occasion, dire
« gris fer » en présence d’un corps ayant cette propriété et, par exemple,
dire « non gris fer » devant un objet d’une autre couleur, que cet homme
observe. Rapidement, l’importante propriété physique sous laquelle il agit
différemment comme il est mentionné ci-dessus devient un objet (abstrait),
à savoir le « référent » d’un mot (dit ici « abstrait »). Le gris fer, comme
n’importe quelle autre propriété, est un aspect important de ceux qu’a un
corps qui exerce la condition préalable de l’émission des conduites en cause.
Contrairement à une sensation visuelle, tactile ou autre, mais
conformément aux objets abstraits des autres catégories ici, une couleur
n’est la condition spécifique d’aucun acte non social (on identifie cette entité
abstraite alors que l’on voit un objet ayant d’autres propriétés, ne serait-ce
qu’une étendue spatiale et une durée certaines). Elle l’est du comportement
social (précédemment, le mot « gris fer ») qui en fait une entité « abstraite ».

31
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

Ce qui est dit ici du gris fer peut l’être de n‘importe quelle matière (par
exemple, le fer) en tant que concept (ensemble de propriétés physiques).
C’est cet objet que les physiciens reconstruisent en termes des atomes.
Notons que nous pouvons parler d’une matière comme d’un objet matériel :
c’est le cas lorsque nous disons « apportez-moi du fer », en l’occurrence.
Mais aucune matière n’est réductible à une chose comme un objet matériel.
Au passage, précisons que le terme général « la matière » se « réfère »
au type des objets abstraits que sont les diverses matières, tout comme le
nom « le gris » sert à « référer » au type des gris qui existent dans le monde.

En résumé, on peut parler d’une sensation en tant qu’objet abstrait


(en disant une chose comme : c’est le « référent » d’un mot et, plus
précisément, le facteur d’émission d’une réponse sensitive) ou en tant que
le ou que les objets concrets qui l’exercent. On peut dire cela d’une propriété
comme une couleur, à la différence que celle-ci n’est qu’un aspect important
pour l’émission d’une réponse non sociale — non son contrôle. Enfin, quand
on dit une chose comme « la nuit tous les chats sont gris », c’est au sens
métaphorique : ici ces êtres exercent leur apparence par leur propriété d’y
contrôler la vision comme chez les daltoniens, par les bâtonnets de nos yeux.
(3)
Illusions et perceptions souvent mal interprétées
Pour un behavioriste radical, la perception que constitue un bâton
droit plongé dans de l’eau où il ne semble plus être rectiligne est une « image
visuelle » exercée par le bâton dans des conditions externes particulières (à
savoir, par l’intermédiaire à la fois de l’air, du verre et de l’eau, en une partie,
et uniquement de l’air, en une autre, plus habituelle que la précédente) :
c’est un objet abstrait comme toute autre sensation visuelle (voir la section
précédente). Donc ce qui est vu n’est pas une représentation non linéaire
supposée en nous d’un objet rectiligne, alors supposé hors de nous, ni une
dite « manifestation non linéaire d’une chose hors du temps et de l’espace ».
En un tel cas, nous parlons d’une illusion, en raison des réponses
discordantes qui peuvent alors être données en touchant l’objet vu ou en le
voyant avec d’autres courbures par un instrument (miroir, caméscope, etc.).

32
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

Les figures « ambigües » sont utiles ici pour expliquer les phénomènes.
Par exemple, un célèbre cube de Necker (deux carrés aux arêtes liées
par des segments) peut être perçu comme étant un cube vu du dessus ou
comme étant un cube vu du dessous. Ce qu’on appelle classiquement
« l’interprétation » de la figure n’est pas une réponse visuelle, au schéma :
c’est sa compréhension, qui est l’affaire d’actes expliqués non par des objets
imaginaires, comme les Gestalts, mais par les déterminants de ces conduites.
Ainsi, la vision discriminative préalable d’un des carrés, parmi les autres, peut
mener à l’une de ces compréhensions (et celle-là est « favorisée » quand l’un
des carrés est un peu plus foncé dans ses côtés, par exemple). En chaque cas,
on peut réaliser que rien ne change alors dans ce qui est vu, dans le milieu.
Ajoutons que les illusions où tout semble constant par ailleurs sont diverses.
Or je pense que le lecteur sera intéressé ici à faire l’expérience de voir
une figure tournée vers le haut ou tournée vers le bas, indifféremment, tout
en réalisant, clairement, que rien ne change, pour autant, dans ce qui est vu.
Considérer cette construction de mon cru, « favorisant » ces « vues ».
↑9↑
Il est difficile de voir ces flèches pointées vers le bas. Mais quelqu’un
peut d’abord regarder le tout alors que sa tête est tournée vers le bas : il
pourra facilement observer alors un « 6 » encadré de deux flèches vers le
bas, puis un « 9 » encadré de flèches tournées vers le haut et, enfin, l’un ou
l’autre cas, indifféremment, tout en réalisant, à nouveau, que rien ne change
dans le milieu extérieur. Avec la répétition de réponses renforcées, des gens
peuvent arriver à faire cela alors que leur tête est dans la position habituelle.3
Aux fins de la compréhension de la section, ajoutons ceci. Une image
photographique d’un objet est exercée par cette photo, qui réfléchit vers
l’observateur la lumière de sa provenance. Une image virtuelle obtenue par
un miroir plan est constituée par l’objet vu grâce au miroir, comme on peut
le constater en s’approchant progressivement pour toucher le lieu où elle est
exercée, lequel n’est pas derrière ce miroir, ni à sa surface, mais au verso de
l’objet vu. Cette image est l’une des faces virtuelles du corps vu directement
(approximativement, celle qui est alors cachée). Une image télévisuelle est

33
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

formée par l’écran du téléviseur qui projette de la lumière vers nos yeux.
L’image réelle de l’objet vu par un système de lentilles appropriées est
exercée, elle, par l’objet vu à travers les lentilles qui transmettent la lumière
provenant de cet objet, en la réfractant. Enfin, une image holographique est
constituée par un hologramme, qui transmet la lumière en provenance de
l’objet (ou d’un système de formation d’images de synthèse) en ne faisant
passer qu’une partie d’elle, celle dont on dit qu’elle conserve la phase et
l’amplitude de l’originale, en employant les termes du modèle ondulatoire
de la lumière. Telle une image dite « réelle », par transmission de la lumière
à travers un système de lentilles, ou une dite « virtuelle », par sa réflexion
sur un miroir, celle « holographique » n’est pas exercée où elle semble l’être.
Comprenons que la présence et la présente existence même de l’objet
vu ne sont nécessitées que dans le second et dans le quatrième de ces cas.
Avec la photographie et avec la télévision, les images sont des sensations
constituées respectivement par la photo et par le téléviseur, à son écran. En
ce qui concerne l’holographie, disons qu’un hologramme est un objet de la
grande classe des photos, lequel ne réfléchit pas de la lumière ambiante vers
nos yeux (contrairement à ce qui se passe avec une photo classique), mais
transmet des faisceaux cohérents de photons. Ceux-ci sont émis dans des
tubes à laser (Light Amplification by Stimulated Emission of Radiations),
comme les flux d’électrons du téléviseur le sont dans des tubes cathodiques.
Pour sa part, l’image visuelle qu’un sujet aurait en lui-même à
l’occasion de la vision d’un objet en son absence serait une représentation :
son concept est construit, en attente de sa découverte. Or son existence est
suspecte, car ce sujet devrait avoir de nouveaux sens pour la voir. En toute
vraisemblance, ce sont des conditions comme des mouvements oculaires,
des réponses ou des états privés qui incitent à parler ici d’une image visuelle.
Par comparaison, au niveau auditif nous pouvons prendre conscience de
parler, de chanter, d’entendre des sons en privé (implicitement) en réalisant
facilement que rien, hors de nous ou en nous-même, n’a alors les propriétés
sonores dont il est possible de parler, sous d’autres conditions que des sons.
Comme on le voit, nous n’avons pas à faire appel à un imaginaire objet
intangible (spirituel, mental, etc.) pour expliquer une propriété physique, la

34
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

matière ou un aspect corporel d’un réel objet tangible. Et personne ne fait


intervenir un tel intermédiaire pour rendre compte d’une observation par
contact direct (comme lorsqu’on touche un corps pour connaître sa rugosité,
sa chaleur, sa forme) : les images de l’objet sont inutiles clairement en ce cas.
(4)
Les sensations comme les plaisirs et les douleurs,
les émotions, les sentiments, les besoins, etc.
Notre propre corps est à peu près comme n’importe quel autre objet
matériel lorsqu’il est question de le voir, de le toucher, etc. Or pour un
behavioriste radical, la « partie » de l’univers qui est sous notre peau n’est
pas d’une nature « autre », radicalement différente de celle qui est hors de
nous; elle est uniquement plus difficile à observer, pour les autres individus.
Pour le philosophe de l’analyse expérimentale du comportement, une
brûlure d’estomac est un objet abstrait, comme l’est la chaleur exercée par
un corps brûlant ou la couleur de celui-ci. La première de ces sensations est
constituée par le corps affecté, dans sa « partie » interne qu’est son estomac,
alors que les deux autres le sont par un corps externe, dans l’environnement.
C’est toujours la communauté verbale qui apprend à ses membres à
identifier une telle donnée, bien qu’elle doive le faire ici sous des
manifestations publiques de ce qui est ressenti, avec les difficultés reliées à
ce manque d’accessibilité. Et elle le fait souvent dans des termes descriptifs
d’actions ou d’objets publics. Ainsi, le mot « aiguë » qui est descriptif d’un
objet comme une lance à son extrémité a été généralisé afin de parler de la
sensation occasionnée par l’insertion d’une telle pointe dans le corps d’un
organisme, et il apparaît que le mot « brûlure » servant à identifier une lésion
publique le fut pour décrire une sensation éprouvée à l’occasion de celle-là.
La connaissance qu’un sujet a de son corps quand il éprouve un plaisir
ou une douleur, par exemple, est subjective, au sens trivial d’être celle d’un
sujet. Mais elle est aussi privée, car personne d’autres ne le connaît ainsi. Or,
entre autres choses, cela explique, dans l’éventualité, qu’une de ses dents
ostensiblement cariées n’est pas dite « douloureuse » lorsqu’il est
anesthésié, même localement, tandis qu’elle est dite « noire » (noire de la

35
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

carie) alors même qu’il ne la voit pas. Dans ce cas-ci, la connaissance est
publique, et elle peut être dépourvue de presque toute influence subjective.
Pour un behavioriste radical, une sensation existe, en tant qu’aspect
d’au moins un objet, uniquement quand au moins un sujet « observe » l’un
d’eux de la façon impliquée. Lorsque personne ne le fait, la sensation
n’existe, éventuellement, qu’en tant que les objets qui l’exerceraient dans le
cas contraire. La possibilité de parler à tout moment de cet aspect tient à la
caractéristique du comportement verbal de pouvoir être produit sous
d’autres conditions qu’un tel objet. L’existence d’une sensation en tant
qu’objet (abstrait) est tributaire de ce fait : elle est le « référent d’un mot ».
Ce qui précède peut se dire des émotions et des sentiments, même
quand ces sensations sont plus diffuses, moins localisées, dans l’organisme
(la différence entre ceux-ci et celles-là est généralement d’ordre temporel).
En passant, réalisons qu’un organisme qui serait à base de silicium, par
exemple, ne se sentirait pas comme un être charnel (constitué de carbone).
Les envies, les désirs, les pulsions, les besoins, etc. sont en quelque
sorte, eux aussi, des aspects d’un organisme, qui se sent tandis qu’il est dans
un état relatif à une privation ou à une stimulation aversive. Celui-ci, dans
cet état, est susceptible d’être affecté avec force par ce dont il est privé et
par le retrait ou par l’éloignement de ce qui lui est aversif, respectivement.
Le mot « envie » a parfois l’effet de « besoin », et « besoin » de « manque ».
Mais « besoin » suggère souvent une action renforcée positivement, et
« envie », une inaction aux effets négatifs. Ajoutons qu’un individu ne mange
pas parce qu’il a faim et ne fuit pas parce qu’il a peur, par exemple. Il peut
manger sans avoir faim ou ne pas le faire affamé, et s’éloigner rapidement
d’un lieu sans être apeuré ou demeurer sur place alors qu’il est mort de peur.
La connaissance qu’un organisme a de lui-même tandis qu’il est dans un tel
état favorise ses réponses appropriées de recherche ou de fuite, selon le cas;
elle ne les provoque jamais. Ainsi, la faim et la peur (c’est-à-dire l’organisme
en tant que les « aspects » sous lesquels il se sent, lui-même, quand il est
dans un état de privation et de stimulation aversive, respectivement) sont
chacun à expliquer, vraisemblablement en termes de l’histoire évolutive,
tout comme le sont la recherche ainsi que la fuite loin de ce qui est aversif.4

36
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

(5)
La conscience
Quand on comprend bien ce qui précède, il reste beaucoup moins de
choses à expliquer concernant la conscience, et en rapport avec « l’esprit ».
Pour un behavioriste, la conscience est affaire de comportements. Il
en est ainsi de la conscience sensorielle (celle des objets externes, par les
sens) et de la conscience sensitive (celle que, par d’autres « voies », un
organisme a de son corps, dans des états ou dans des événements internes).
Pour avoir la conscience intime d’un objet, il ne suffit pas d’être en
contact avec lui ni d’y réagir, sinon on dirait que les corps inanimés seraient
alors conscients, du moins minimalement. La conscience est l’affaire ici non
pas même de « réflexes », mais de réactions dont les conséquences font en
sorte que leur production (émission) est plus probable dans de semblables
circonstances ultérieures. Ces comportements sont appelés : « opérants »5.
Rapportons un certain nombre d’analyses relatives à la conscience.6
Évidemment, nous ne proposons ici que quelques grandes idées directrices.
Il importe de distinguer la conscience d’une chose et la conscience de
la conscience de cette chose : tout comportement est d’abord inconscient,
et la conscience de celui-là est tributaire des réponses qui lui sont données.
En passant, disons qu’il ne faut pas confondre cette conscience-ci et la
conscience réfléchie (voir ce qui est dit de la réflexion à la section suivante).
Le rêve est constitué de comportements émis par l’organisme
endormi, dans les limites impliquées par cet état. Des mouvements rapides
des yeux, des muscles de l’oreille moyenne, etc., appuient cette proposition.
Penser est se comporter d’une certaine façon. Soulignons que ce n’est
pas un esprit, prétendu, qui se comporte ainsi. On peut souligner aussi
qu’une pensée a les dimensions d’un comportement, non pas celles d’un
processus interne imaginaire qui s’extérioriserait avec cette conduite. Par
exemple, penser à haute voix est se comporter verbalement, et il est possible
de penser verbalement de façon implicite (« en miniature », pour ainsi dire).

37
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

Penser est, en de nombreux cas, agir faiblement : un avantage d’un tel


comportement, implicite, est qu’un individu peut se comporter sans
s’engager. Ajoutons qu’il est possible d’amplifier ces réponses d’une façon
instrumentale ou de les encourager à redevenir publiques. Et on peut les
décrire dans les mots acquis pour la description des comportements publics.
(Notons ici que le « je pense » qui est opposé à « je sais » exprime la
faible probabilité d’un événement, comme dans : « je pense que je le ferai ».)
Une idée n’est pas une entité autonome; c’est le comportement, lui-
même, ou, du moins, un qui est probable. C’est cela qu’un individu possède.
Le nom « la connaissance » se « réfère », lui, à une grande classe de
comportements (opérants). Ceux-ci vont des conduites qui sont apprises
directement, lors des expériences (ici contingences de renforcement7),
jusqu’à celles qui sont dirigées par des règles. Les unes et les autres ont leurs
propres avantages et leurs propres inconvénients, liés, entre autres, à la
« force » ou à la « motivation » des réponses et aux bénéfices éventuels pour
un individu de ne pas être exposé directement au milieu, respectivement.
Cette connaissance est à distinguer des écrits, par exemple, qui la favorisent.
L’intuition dont il est en question dans ce livre est de la connaissance,
résultant d’un individu, tel qu’il est à ce moment. Elle est encore mal
expliquée, présentement, relative à l’indétermination de ce comportement.
Chacun de ces actes ne semble pas impliquer un événement causal :
les conditions qui contribuent à les établir et à les maintenir appartiennent
à l’histoire de l’organisme. C’est ce qui est dit quand on informe que l’analyse
expérimentale des phénomènes classiquement réunis sous les noms « la
psyché » et « l’intellect » a été rendue possible par la découverte d’une
causalité différente de celle de la physique : on peut les expliquer en termes
non pas de variables « causales », mais de variables « historiques », à savoir
d’éléments représentatifs des conditions « acquérant leur rôle dans
l’histoire » personnelle. En bref disons que, sous l’éclairage de la science des
contingences de renforcement, il apparaît vraisemblable de penser que les
conséquences d’un « acte volontaire » (opérant5) émis par un organisme
transforment celui-ci de telle sorte que des stimuli qui étaient présents dans
les circonstances de son émission acquièrent, pour lui, le rôle de conditions

38
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

préalables de la production d’une conduite de la même classe, dans de


semblables circonstances ultérieures. Ils en sont les causes en ce sens. Par
comparaison, disons que les causes des physiciens sont effectives
spontanément et en tous les cas, selon les lois déterministes de la physique.
Ajoutons que l’âme ou la personne d’un homme est son répertoire
comportemental. On peut assez facilement le réaliser en pensant aux dessins
animés de notre enfance où un savant fou changeait celle d’un bon
personnage par celle d’un mauvais, et vice versa, en connectant leur cerveau
par deux séries de fils conducteurs. Comprenons que c’était non pas la vue
des courants électriques passant dans ces fils (sûrement en sens inverse) ni,
de surcroît, celle d’entités inaccessibles, qui nous amenait à comprendre ce
qu’on voulait nous faire saisir alors, mais la découverte des nouveaux
comportements de chacun d’eux, l’un agissant comme l’autre et vice-versa
(incluant parfois en parlant comme cet autre avec le motif même de sa voix).
Réalisons que cet échange fictif de flux électriques ne nous permet pas
de comprendre comment l’histoire de l’exposition d’un organisme à son
environnement lui fait acquérir son répertoire comportemental, en toute
apparence et vraisemblance. Celui-ci est certes une chose dont le concept
est présentement construit, en attente de sa découverte par l’anatomie ou
par la physiologie, vraisemblablement. Néanmoins l’analyse opérante est ici
utile en montrant aux scientifiques ce qu’ils doivent rechercher et où le faire.
En passant, notons que le moi est le produit des expériences de la vie
quotidienne, caractérisé par la sensibilité aux « récompenses »
(renforcements, sous le mode positif ou sous le mode négatif) et aux
« punitions » (au sens large, incluant l’extinction). L’acteur est l’organisme,
lui-même, devenu une personne avec des réponses différentes et parfois
contradictoires, en raison de son histoire d’exposition au milieu.8 La
conscience morale ou le surmoi est une composante majeure du
comportement humain. Presque inconscient, il est surtout le résultat des
pratiques punitives de la société qui affronte le ça, le « Viel Adam » judéo-
chrétien, à savoir la « nature » dérivée des sensibilités innées de l’homme
aux renforcements, dont la plupart sont en conflit avec les intérêts d’autrui.

39
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

(6)
L’esprit
Le mot « esprit » des métaphysiciens peut souvent être traduit à peu
près ainsi : un lieu non physique dans lequel les phénomènes obéissent à des
lois non physiques. L’esprit immatériel remplacerait le cerveau matériel, le
milieu physique y deviendrait expériences, les comportements y seraient
projets, intentions, idées, les réponses s’y réduiraient à des activités de
volonté, cognitives, intentionnelles et générales, et là seraient les concepts
et les autres objets abstraits, qui n’auraient donc pas de référence externe.
Autrement l’esprit ne serait plus ou moins qu’un « homoncule immatériel ».
L’analyse opérante explique ces phénomènes de façon bien différente.
Dans cette section, nous allons parler de dits « objets de l’esprit » qui
sont l’affaire de comportements sans être strictement des conduites. Encore
ici, nous ne proposerons que quelques grandes idées directrices. Rappelons
qu’un but de ces dernières sections est d’attirer l’attention des lecteurs pour
qu’ils aillent approfondir ces idées, en étudiant les ouvrages de B. F. Skinner.
Pour un philosophe de la science des contingences de renforcement,
la mémorisation est un processus faisant en sorte qu’une réponse accroît sa
probabilité d’émission en certaines circonstances. Pour lui, les expériences
ne sont pas comme les « mémoires d’un défunt » (ses écrits, présents en un
lieu donné) : elles ne s’y trouvent nulle part; elles modifient l’organisme de
sorte qu’il se conduise d’une façon particulière sous des conditions d’un type
particulier. Le rappel de cette conduite consiste à « favoriser » son émission.
La discrimination est le processus qui, impliquant plus d’une réponse
à plus d’un objet (stimulus), donne, au terme, une réponse efficace à l’un
d’eux. Elle est à distinguer d’une action facilitant cette réponse. Ainsi,
regarder un corps « favorise » la vision qui est au terme de sa discrimination.
L’attention n’est pas une activité, mentale ou cognitive, qui a pour
effet de surélever des stimuli dans leur intensité, dans leur définition
(précision), etc., et d’en abaisser corrélativement d’autres, ni un changement
de stimuli observés. C’est, plutôt, un « état » occasionné par le changement
dans les expériences qui sous-tendent tout le processus de la discrimination.

40
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

Le jugement est bien plus que l’attention au monde. La notion


implique de répondre de façon idiosyncrasique au milieu en raison du passé
de l’exposition à celui-ci. Le processus interne imaginaire relève en fait de
l’équipement génétique et de l’histoire personnelle de l’individu impliqué.
Plus communément, ce qui est appelé « le jugement » est la réponse donnée
à la fin de l’analyse d’une conduite ou de ses raisons (voyez un peu plus bas).
Ce qui est généralement appelé « le choix », « la volonté », n’est un
événement ni intentionnel, ni causal, ni spontané. La notion est à remplacer
par la probabilité d’émission de « comportements volontaires » (opérants),
dont les facteurs déterminants appartiennent à l’histoire de l’individu. Du
fait qu’ils sont absents de la situation, ils laissent penser à la liberté, mais
celle-ci est fonction (tributaire) de l’absence de « présentes contraintes »
environnementales, non de l’inexistence de toute détermination antérieure.
La motivation à agir d’une certaine façon est tributaire des
conséquences qui ont suivi cette action émise, antérieurement. Ces effets
définissent cette action, en relation avec un état de privation ou de
stimulation aversive, souvent lié aux circonstances de l’émission de celle-là.
Un peu à l’inverse, la dépression est l’abaissement de la force ou de la
probabilité d’émission des comportements d’un organisme dont l’état, dit
« dépressif », est un produit de son exposition antérieure à un milieu qui est
plus pauvre en « récompenses » (renforcements), lorsqu’il se comporte. (En
passant, signalons ici que l’extinction n’est pas la punition au sens commun.)
Le mot « intention » tourne l’attention vers l’avenir, mais, comme
avec « but » et « projet », il faut considérer les conséquences ultérieures des
actions qu’un individu a faites, dans le passé, pour expliquer ce qu’il en est.
Ces effets sont dans l’environnement, non dans son cerveau ou en son esprit.
La généralisation est un mécanisme faisant qu’une réponse renforcée
dans des circonstances déterminées tend à réapparaître dans une situation
semblable, qui, par la ressemblance des stimuli, ne partage que quelques
caractéristiques. Par la discrimination, celles-ci deviennent les conditions
préalables exclusives d’un comportement opérant de la même topographie.

41
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

L’habitude d’agir d’une certaine façon n’est pas la condition de ce


comportement; elle est son caractère habituel (fréquent). (De même la
coutume est le caractère coutumier d’une conduite, et en termes de l’usage,
il est question, souvent, du comportement usuel, familier, dans un groupe.)
Apprendre est en somme acquérir des savoirs ou des savoir-faire.
L’apprentissage de comportements (opérants) résulte d’une exposition à
« l’expérience » (un seul cas de contingences de renforcement suffit parfois).
La compréhension est l’affaire de réponses appropriées aux objets,
impliqués, de même que de la tendance de plus en plus forte à les produire.
La réflexion est ici l’analyse des raisons (les expériences positives, par
opposition aux mauvaises expériences) des comportements, incluant de
ceux dont on donne des causes imaginaires (par exemple, les superstitions).
L’élaboration de concepts est l’établissement de conditions d’un type
particulier de réponses « volontaires » (opérantes), par les stimuli. Elle est
tributaire de l’exposition d’un individu à un ensemble d’expériences
positives (les contingences de renforcement7). Les concepts ne sont pas dans
le cerveau ou dans un métaphysique esprit : comme les diverses classes
définies par un ensemble de propriétés, les concepts (ces ensembles de
propriétés) n’ont aucune existence véritable lorsque nul objet ne les exerce.
La résolution d’un problème consiste en des activités menant à une
réponse dont la conséquence est « la solution », le renforcement escompté.
Un problème est souvent un ensemble de contingences appelant ce dernier.
Le nom « la déduction » se « réfère » à une grande classe comprenant
deux types extrêmes de processus, à distinguer. Il est question du processus
comportemental de base quand, par exemple, un observateur déduit par
expérience qu’un événement n’a pas lieu en voyant qu’il pleut fort. On doit
parler plutôt d’un processus de manipulation de termes quand, par exemple,
on déduit « a est c » des énoncés « a est b » et « tout b est c », à partir du
mot-clé « tout », sans, peut-être même, savoir ce que représentent a, b et c.
L’induction est l’extraction ou la dérivation de règles; elle est opposée
à l’application de celles-ci, laquelle est un cas particulier de la déduction. On
peut parler ainsi autant quand les comportements sont façonnés

42
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

directement par l’environnement que lorsqu’ils sont régis par des règles,
comme ceci est le cas dans un cadre logique de manipulations d’énoncés. Ce
premier processus comportemental, présupposant la modification du milieu,
est à distinguer aussi de l’analyse des expériences positives (les contingences
de renforcement) dans lesquelles les réponses sont renforcées. Celle-ci, à
son tour, est distincte du processus du renforcement (le processus de
l’accroissement de la probabilité de l’émission d’un comportement opérant).
Globalement, l’intelligence est la susceptibilité aux « expériences »
(contingences personnelles), conduisant à une grande rapidité d’apprendre
(rapidité de conditionnement) et à la capacité de maintenir un plus grand
répertoire d’actions, sans confusion. Les contingences remplacent le talent
et la compétence du constructivisme. Le bien (renforcement) définit la vertu.
L’imagination n’est pas une faculté. Le nom se réfère à une grande
classe comprenant des choses n’ayant à peu près rien en commun : par
exemple, a) la vision d’un objet en l’absence de celui-ci, b) la vision de choses
réelles dans une proximité irréelle, c) la construction d’une définition
favorisant la découverte qui est au terme du mécanisme de l’abstraction
(celle-ci est un trait caractéristique du comportement verbal : voyez
l’identification du gris, à la seconde section), et, d) la « création » ci-dessous.
La création, elle, est tributaire de l’émission de conduites à probabilité
faible, dans les circonstances impliquées, ou, uniquement, de la production
de choses nouvelles, originales, pouvant ne pas résulter de l’application de
règles, voire apparaître ne surgir de rien. C’est souvent le cas dans un nouvel
environnement. Mais pour un behavioriste radical, les comportements
impliqués ici résultent, eux aussi, de l’organisme qui les émet, tel qu’il est au
moment où il agit, son « état » étant le produit de son exposition antérieure
à l’environnement, en tant que membre d’une espèce et en tant qu’individu.
Conclusion

Sous l’éclairage de l’analyse opérante, un behavioriste radical propose


l’explication des phénomènes mentaux en ne faisant appel ni à la matière ni
à l’esprit. En termes de comportements, il n’a nul besoin d’en appeler au
monisme (peu importe qu’il soit matérialiste ou spiritualiste) ou au dualisme.

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CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

En termes de discordances entre des réponses plutôt qu’entre des


mondes, il dissipe de grands systèmes d’idées qui ne peuvent rendre compte
du monde de la réalité. Il discrédite des propositions comme celles-ci : a) ce
qui est communément appelée « l’expérience » n’est pas à la source des
véritables connaissances, b) il faut capituler devant la science et tenter de la
fonder sur des postulats d’une « Raison », innée, ou, du moins, sur des règles
méthodologiques permettant de se passer de la science, c) il faut se taire
quand on est confronté à la frontière de ce qui peut être dit, et, d) on doit
alors s’adonner à l’indescriptible extase qui apporte le changement inexpli-
cable de l’ordre de la morale qui est opposé à l’ordre normatif de la science.

En termes de discordances occasionnelles entre des réponses plutôt


qu’en des mots ne livrant pas les « raisons » des différentes expériences, il
explique, entre autres, l’accord qui s’établit entre les observateurs bien que
ces personnes diffèrent et que leurs expériences privées soient inconnues
d’autrui. De plus, il n’a pas, ainsi, à délaisser de données, importantes,
permettant de comprendre les choses. Il n’est donc pas de ceux qui avancent
(à l’opposé de l’intuition), a) qu’il faille se tourner exclusivement vers les
moyens d’observer les phénomènes (comme le proposent les partisans du
positivisme logique, de l’opérationnalisme ainsi que les supporters de leur
équivalent en psychologie9), b) qu’il soit possible d’ignorer ce qui est appelé
« le phénomène mental » (dont les cas ne seraient que des épiphénomènes,
au comble impossibles à observer objectivement), c) que la physique de la
matière suffit à rendre compte de ces choses ou, même, d) qu’un robot qui
se comporterait exactement comme un homme, répondant comme lui aux
stimuli et changeant son comportement en fonction des mêmes opérations,
passerait le test de pouvoir être considéré comme un être humain, même s’il
n’éprouvait pas les mêmes sensations, n’avait aucune pensée véritable, etc.!

Il explique adéquatement les phénomènes que sont les sensations, les


émotions, les sentiments, les besoins, etc., et n’est donc pas confronté à
l’idée d’introduire l’esprit dans le comportement impliqué (contrairement à
ce qu’il en est avec les divers courants du cognitivisme)10. Il peut aider à
comprendre la démonstration freudienne de l’inconscient, la relation entre
l’amplitude des stimuli et les sensations, la psychophysique, la médecine

44
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

psychosomatique et les processus intrapsychiques de la psychiatrie, etc. Il


peut diriger l’attention sur le lien entre l’individu et le milieu. L’étude
scientifique de ces objets phénoménaux, abstraits, est tributaire d’elle. Mais
il ne la détourne pas de la recherche des événements environnementaux
passés, contrairement à l’empiriste, qui est opposé, à raison, au rationaliste.

Pour lui, l’introspection demeure certes une façon qu’a le sujet de se


connaître, mais, comme elle est souvent trompeuse, il met à l’écart le
mentalisme et évite, ainsi, un grand nombre des difficultés qu’il occasionne.

Aussi, il ne méprise pas le passé et le futur pour se consacrer au hic et


nunc (ici et maintenant) comme le font les partisans de la phénoménologie
et de l’existentialisme. En découvrant que le milieu agit avant et après une
réponse émise (voir ne serait-ce que la note infra no 5), il est en mesure de
décrire pourquoi les individus se comportent comme ils le font, non
uniquement comment ils agissent (comme avec le structuralisme, par
définition de son objet11). Aussi, il n’a pas à mettre entre parenthèses12 des
questions classiques comme celle relative à l’existence des objets externes :
en accord avec l’intuition commune, il justifie plutôt, en l’occurrence,
d’affirmer que les organismes, les corps inertes et, plus généralement, tous
les objets qui possèdent une position indiscutable dans l’espace et le temps
ont une existence indépendante des réponses de n’importe quel être
sensible ou pensant (organique ou non) — ce qu’il y a tout avantage à faire…

Bref le behaviorisme radical propose la position la plus cohérente qui


soit pour analyser tous les phénomènes impliqués ici et il le fait en tournant
l’attention vers le milieu extérieur, sans faire de concessions métaphysiques.

1
Pour les détails, voir : Tous les grands problèmes philosophiques sous l’éclairage de la science des
contingences de renforcement, gratuit en cliquant : http://manuscritdepot.com/a.jean-pierre-bacon.1.htm
2
Par exemple, le concept de l’énergie cinétique est construit en termes de la masse et de la vitesse (au
carré) d’un corps. De tels concepts sont représentés par des variables, qui constituent les lois de la physique.
3
Voir aussi les expériences de Stratton https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1896_num_3_1_1862
4
« Certains stimuli peuvent rester réflexogènes, et ne pas engendrer directement de sensations, mais
arriver à s’intégrer toutefois dans la régulation du comportement par l’effet des réponses réflexes primaires
susceptibles d’engendrer à leur tour des sensations et contribuant ainsi à une connaissance indirecte du
milieu. » (Piéron, Henri. La sensation, Coll. Que sais-je, PUF, Paris, 1967, pp. 14-15). « Il y a ainsi une
spécificité que l’on peut qualifier de pré-sensorielle dans les voies de la sensibilité , et elle se manifeste déjà
dans certaines modalités de réponses réflexes déclenchées au niveau de centres d’étape : suivant qu’en
une région de la peau se produit une stimulation chaude ou froide, une vaso-constriction ou une vaso-

45
CHAPITRE II - L'OBJET DE LA CONSCIENCE

dilatation locale est déclenchée, sans compter certaines modifications respiratoires et métaboliques, et
cela alors même qu’une interruption haute des voies afférentes ou une destruction de la station réceptrice
terminale empêche toute sensation d’être éveillée. » (Ibid, pp. 15-16.) Dans un autre travail, l’auteur dit
qu’une grenouille, décérébrée, fait un geste de retrait de sa patte sur laquelle on a mis une goutte d’acide.
5
Un opérant est une classe de réponses qui est définie par la caractéristique de ses cas réels d’avoir des
conséquences qui font que des circonstances semblables à celle de leur propre apparition rendent probable
la production d’une réponse ayant ces conséquences. Il est établi par ces cas du renforcement, qui suivent
les cas de l’opérant émis, produits dans les cas réels de la circonstance de son émission. Il est déterminé en
termes de l’ensemble des relations mutuelles entre cet opérant émis, sa circonstance et son renforcement.
6
À partir d’ici, nous procédons à un résumé personnel de travaux de B. F. Skinner, dont, principalement,
de : pour une science du comportement : le behaviorisme, traduit de l’anglais par F. Parot sous les conseils
scientifiques de Pierre Mounoud et de Jean-Paul Nronckart, avec l’accord de Alfred A. Knopf, Inc., en 1974.
7
Vivre une expérience positive est d’abord constituer une réponse ou une séquence d’opérants, renforcée.
8
Ajoutons ce qui suit. L’opérant verbal « je » est caractérisé par la propriété d’avoir le locuteur pour facteur
d’émision. Notre corps est le seul objet constamment présent pour nous depuis notre naissance, dans notre
milieu changeant. C’est même la seule chose à laquelle nous répondons depuis ce jour, souvent
inconsciemment. Un homme amputé de ses bras et de ses jambes peut continuer à répondre à lui-même,
incluant en des termes personnels, ce qui n’est pas le cas de ses membres amputés, qui, pour un court
temps du moins, sont quatre nouveaux objets, inertes. D’un organisme humain devenu poussières nous
pouvons dire « il n’existe plus », dans des conditions que ne changerait pas l’apparition même d’un être
qui, « en son corps et en son âme », s’identifierait au défunt à un moment de sa vie, achevée. On ne pourrait
donc pas dire qu’il serait alors ressuscité ou réincarné, sinon d’une façon symbolique, comme il est facile
de le voir quand on peut imaginer les deux présents au même moment, et, dans le cas opposé, du fait que
chacun serait bien distinct de l’autre, en raison de sa propre position indiscutable dans l’espace et le temps.
9
Le behaviorisme méthodologique (voir l’ouvrage de Skinner qui est mentionné à la note no 6, p. 20 à 23).
10
Certains de ces courants sont appelés « behavioristes » (de l’anglais behavior), mais le comportement,
très loin d’y être l’objet principal de l’analyse, n’y est qu’un indicateur de ce qui ne va pas au niveau cognitif.
11
La prédiction est bien sûr possible dans le cadre du structuralisme, mais elle est basée sur la narration
(description narrative) de ce que les gens font souvent (à un certain âge ou à un moment déterminé dans
l’histoire du groupe, par exemple). Elle n’est pas fondée sur une explication (description explicative) de ce
comportement, en termes des conditions dont la manipulation permet sa prédiction ainsi que son contrôle.
12
Cette mise entre parenthèses exprime un scepticisme face à la métaphysique, dont est le criticisme, et
au psychologisme, dont le nom, péjoratif, renvoie à la psychologie cognitive ou à une pseudo-science, non
réductible à l’anatomie, à la physiologie, à la neuroscience, pour laquelle le monde est ma représentation,
les concepts sont dans l’esprit, il existe une autonomie de l’esprit, de la logique, du langage, des différents
processus mentaux et donc des lois psychologiques souveraines, etc., ce qui, au moins, n’est pas en termes
de la transcendance. Ici il est pertinent de noter que c’est la connaissance d’un objet qui peut être objective.
Un phénomène, lui, est un objet abstrait. Quand on dit qu’il est observable, il est question de lui en tant
que les stimuli qui l’exercent. Il n’est pas réductible à ceux-ci. De plus, un tel objet n’est jamais découvert
dans le hic et nunc! Le rôle joué par des stimuli sur une réponse nécessite plus d’une occasion pour devenir
un objet (abstrait), le « référent » d’une réponse (réponse verbale, abstraite). Cela étant dit, considérons la
description suivante : le corps chute. Nous avons là une réponse verbale à un événement (constitué par
plus d’un objet : ici un corps et un référentiel en une relation que les physiciens peuvent établir plus
précisément). L’événement décrit est le même peu importe que les stimuli impliqués soient vus, ou
entendus, ou sentis, etc. Par contre, les phénomènes visuel, sonore, tactile, etc. exercés par ces stimuli
diffèrent : il en est question ici en tant que facteurs d’émission de réponses sensorielles. Au moins l’une de
ces réponses (émise en plus d’une occasion, répétons-le) est préalable à l’identification de ce qui est décrit,
puis à la description de cette chose, qui s’avère être un genre (l’événement) d’objets abstraits (contrôles).
Des réponses au corps qui chute peuvent certes être les mêmes que celles, par exemple, à ce corps
immobile. Ajoutons que la réponse (verbale ou non) qu’un individu donne à un événement résulte de cet
individu même, tel qu’il est au moment où il agit. Terminons cette note en remarquant l’incongruité des
tentatives de reconstruire la science en termes non pas de réponses aux corps, renforcées dans l’espace et
le temps, mais de leurs contrôles, dont sont les perceptions, réduits et dits « objectifs », en lieu de ces savoirs.

46
CHAPITRE III
LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME
Le « problème de la liberté » a clairement à voir avec les oppositions
entre « les maîtres » et « les esclaves » (opprimés, pauvres, etc.). Notons que
ceux-ci n’ont pas la prétention que ces appellations renvoient à des natures.
Mais il fut rapidement le dilemme entre l’immanence et la transcendance.
De nos jours il est d’apparence scientifique, en termes du déterminisme (qu’il
soit dit « de fait » ou « de droit ») et de l’indéterminisme (qu’il soit dit « de
fait » ou « de droit »), ou de l’opposition entre le fait et le droit (ici, le légal).
Ce premier dilemme, « métaphysique », peut se poser ainsi : ou bien
la liberté est transcendante, et on ne peut pas en rendre compte, ou bien
elle est immanente, et, conséquemment, elle n’échappe pas aux lois de
l’Univers. Ce pseudo-problème est proche du suivant : ou bien la liberté est
transcendante, et on ne peut pas l’identifier, ou bien elle est immanente, et,
conséquemment, la chose de ce nom a la nature de tous les autres
phénomènes dont on parle sans conscience d’un niveau supérieur. (De tels
dilemmes peuvent être construits pour tout ce qui nous semble fantastique.)
La difficulté métaphysique est de convaincre de l’existence d’une
Raison, qui livrerait la cause et la fin de la vie, ou de justifier une apodictique
aux savoirs communs. Le problème philosophique est celui de construire une
notion de liberté véritable ou la plus utile possible. Pour sa part, la
perspective scientifique est « par-delà l’idée de liberté », comme on le verra.
Dans ce chapitre, nous présenterons (1) le point de vue du philosophe
de la science des contingences de renforcement sur ces choses, puis (2) une
vingtaine de propositions établies à leur sujet, au cours de l’Histoire. La
conclusion du chapitre dirigera l’attention du lecteur vers un tout nouveau
système de « valeurs », en montrant qu’il y a là aussi du neuf en philosophie!
(1)
Le point de vue behavioriste radical
Pour le philosophe de la science des contingences de renforcement
(appelée également « analyse expérimentale du comportement » ou

47
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

« analyse opérante »), la découverte d’une nouvelle causalité est un des


apports caractéristiques de cette science. Celui-ci est théorique et pratique.
Certaines conséquences d’un comportement « volontaire » émis par
un organisme affectent la fréquence de son émission ultérieure. Cela est
une donnée scientifique, découverte au sujet des êtres humains mêmes1,
non uniquement chez les organismes comme les chimpanzés, les chiens ou
les rats2. Or pour le philosophe de la science impliquée ici, ces conséquences
transforment cet organisme et font en sorte que des stimuli présents dans
les circonstances de son émission acquièrent pour lui le rôle de conditions
de production d’un acte de la même classe dans de telles situations futures.
Les comportements « volontaires » ne sont pas explicables
présentement en termes de variables « causales ». Néanmoins, on peut en
rendre compte en faisant appel aux variables « historiques », c’est-à-dire aux
éléments représentatifs des conditions « acquérant leur rôle dans l’histoire »
personnelle, comme mentionné. Par comparaison, les causes des physiciens
sont effectives spontanément et en tous les cas, selon des lois déterministes.
Bien que les comportements « volontaires » (certains disent
« intentionnels ») soient des produits d’un mécanisme issu de l’évolution des
êtres vivants et que celle-ci dépende peut-être, elle-même, d’un mécanisme,
engendré par l’histoire universelle, ces comportements (techniquement
appelées « opérants ») sont à différencier des réponses organiques plus
primitives, comme celles appelées « réflexes » et, particulièrement ici,
« répondants ». Et chacun d’eux est à distinguer d’un phénomène physique.
De là on peut dire, dans l’éventualité, qu’un comportement
« volontaire » émis a été « libéré » par les stimuli présents dans le milieu,
quand on veut diriger « l’attention » vers les conditions externes de sa
production : en d’autres circonstances, l’individu en cause aurait peut-être
agi différemment. On peut aussi dire, éventuellement, que cet acte émis
« résulte » de l’organisme tel qu’il est au moment où il agit, quand on veut
mettre l’accent sur le fait qu’un autre aurait peut-être agi, là, autrement. Il
est question de l’expression de deux points de vue, partiels, de l’événement.
Toujours pour un behavioriste radical, l’état d’un organisme au
moment où il agit est le produit de son exposition antérieure à

48
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

l’environnement, en tant que membre d’une espèce et en tant qu’individu.


Cette idée, très réaliste, implique qu’une telle conduite peut être émise en
l’absence de certaines « contraintes » ou « coercitions », dans le milieu
environnant, mais non en l’absence de toute « détermination » préalable.
Ajoutons que tout comportement émis est d’abord inconscient. Un
sujet en prend conscience au moment où il lui réagit (lui répond, se comporte
sous son contrôle). Aussi, un homme se sent libre et se dit tel quand il ressent
les conditions d’un comportement récompensé (ici renforcé positivement).3
Des termes communs comme « volonté » ou « choix », « intention »,
« but », « motif » ou « projet », « personne », « âme » ou « personnalité »,
que l’on rencontre souvent dans les contextes du mot « liberté », ont été
analysés, brièvement, dans le chapitre précédent. Pour un behavioriste
radical, ce qui est communément appelé « le choix » ou « la volonté » n’est
un événement ni causal, ni intentionnel, ni spontané : la notion est à
remplacer par la probabilité d’émission de comportements (opérants). Les
mots « intention », « but », « motif » et « projet » tournent « l’attention »
vers l’avenir, mais, pour expliquer ce qu’il en est, il faut considérer le passé
des conséquences ultérieures à des actions faites par l’individu en cause ainsi
que l’idée que ces effets sont dans l’environnement, non dans l’esprit ou
dans le cerveau de cet homme. Pour sa part, « la personne », « l’âme » ou
« la personnalité » d’un être est un répertoire de comportements, et on
comprend qu’un particulier puisse avoir des personnalités multiples par
exemple, avec des « intentions », « volontés », « choix », etc. différents pour
un même acte, bien que le nombre de ces répertoires soit, forcément, petit.
De cela il découle que la responsabilité est une propriété non pas d’un
individu autonome, mais d’un ensemble d’expériences (contingences)
établies et maintenues par une communauté, à des fins de contrôles sociaux.
Par extension des idées proposées ci-dessus, notons, en principe, que
tout phénomène est constitué par ce qui existe au moment où il se produit.
Trivialement parlant, soulignons qu’il n’est pas fait par des choses qui
n’existent pas, incluant par celles dont on peut dire qu’elles n’existent plus
et par d’autres dont on pourra affirmer qu’elles n’existaient pas encore! Bien
sûr, certaines des présentes choses pouvaient exister avant, elles peuvent y

49
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

avoir été modifiées et il arrive que des régularités permettent qu’elles


« annoncent » des phénomènes ultérieurs. Le principe classique relatif à
l’existence d’une quelconque chose peut s’énoncer ainsi : tout ce qui existe
possède une raison d’être. Or disons que sa mention peut être éclairée par
le précédent, qu’on peut appeler « le principe de la suffisance du présent »4.
Aussi, il apparaît sensé, cohérent, rationnel et réaliste de penser que
ce qu’on appelle « les lois de la Nature » dirigent les comportements non
pas de la « Nature », mais des hommes qui s’intéressent à elle.5 Cette
proposition implique, par exemple, que Dieu ne joue pas aux dés, ni la
Nature. C’est plutôt le physicien qui « le » fait quand il essaie de prédire,
statistiquement, les phénomènes du niveau subatomique. Certes, il est très
possible qu’à ce niveau il y ait moins de régularités ou d’invariances et plus
de purs et simples hasards (ici rencontres d’événements indépendants) qu’à
l’échelle des phénomènes interreliés. Mais notons, aussi, que la matière n’y
est accessible que par des manifestations, irrégulières, observées par
l’intermédiaire d’appareils, complexes, dont certains théoriciens de la
physique avancent qu’ils interfèrent et interféreront toujours avec l’objet qui
est à connaître. Or cela, seul, peut empêcher d’établir des lois déterministes.
Cela dit, comprenons que le mot « indétermination » qui est
approprié à ce propos sert non pas à identifier une propriété universelle,
mais à écarter la suggestion de l’existence de la détermination6 que ce mot
suggère, à savoir « la précision des propriétés et limites des phénomènes ».
Terminons cette section en notant que, pour un behavioriste radical,
nulle description n’est parfaite, du simple fait qu’une telle chose
(comportement ou stimulus verbal descriptif) n’est pas ce qui est à décrire.
Ce « postulat » peut être appelé « le principe de l’imperfection de la
connaissance ». Il est distinct du principe d’indétermination, lequel pourrait
avoir un équivalent en psychologie expérimentale. Entre autres, il justifie
l’interdiction de considérer la réalité d’une parfaite connaissance d’un état
universel, qui permettrait de prédire les états futurs, par les lois universelles.
Ces propos ont des répercussions même sur « le fait » et sur « le droit
(ici le légal) » qui sont proposés en relation avec ces doctrines. Ce qu’il vaut
mieux considérer est que le comportement impliqué à la base est déterminé

50
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

directement par un ensemble d’expériences positives (contingences de


renforcement) ou, à l’autre extrême, dirigé par des règles. Entre les deux, on
peut penser justement à de multiples répertoires mixtes, avec les avantages
respectifs de « la motivation à agir » et de « l’évitement d’effets nuisibles ».
Pour expliquer les phénomènes humains, effectivement à distinguer
des phénomènes physiques, un behavioriste radical n’a donc nul besoin de
faire appel à la transcendance, à l’indéterminisme ou à la contingence
opposée à la nécessité des principes et des vérités établies dans le cadre
logique d’un système de lois. Des exemples de ces systèmes sont ici la
physique de la mécanique classique, vraie au sens de la plus utile possible en
son domaine, et la métaphysique suggérant l’existence d’un droit « idéal »
(transcendant ou immanent). Ici la science des cultures (cf. ch. 5) remplace
la philosophie du droit, dont les problèmes sont liés au fait qu’un acte émis
sous une loi est renforcé négativement ou sans lien direct à ses « contrôles ».
(2)
Quelques propos historiques au sujet de la « liberté »
Dans cette seconde partie, nous énonçons vingt-six grandes
propositions relatives à la « liberté ». Chacune peut être séduisante, par un
de ses aspects, mais elle s’avère être incompatible avec les autres, en raison
d’au moins un de ses caractères essentiels. Or cela implique que nulle n’est
vraie au sens de « la plus utile possible ». Nous laissons au lecteur l’exercice
de les examiner du point de vue décrit à la section précédente.7 Il réalisera
que la « position » soutenue de ce point de vue est la plus cohérente qui soit.
A) Historiquement, la liberté a d’abord été un statut civil : celui de
l’homme « libre », par rapport à celui de l’esclave, dans l’Antiquité.
B) Pour un fataliste (du latin « fatum » : le destin), l’Histoire (history)
est (en tout ou en partie) comme une histoire (story) : « les ficelles
sont tirées ailleurs ». Ses faits ne suivent pas de leurs antécédents.
C) Selon le déterminisme, l’histoire est l’effet inéluctable de causes
immanentes — non le fruit de hasards ou d’entités transcendantes.
D) La vérité absolue, tautologique, « p sera ou p ne sera pas » implique
le déterminisme, car une seule de ses propositions peut être vraie.

51
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

E) L’idée de la prescience divine n’est pas opposée à celles de la liberté


humaine et de l’existence du mal dans le monde. Dieu, qui connaît
chaque homme au point de savoir tout ce qu’il fera, a « formé » le
meilleur monde possible, dans la matière « informe » et limitative.
F) La liberté n’est pas. Le monde est un espace-temps, « hypercube »
quadridimensionnel, dans lequel l’esprit découpe des instantanés
comparables aux pages d’un livre : le présent est la page observée,
le passé est fait des pages qui précèdent, et le futur, des suivantes.
G) La liberté est la possibilité d’agir en tout temps selon « la Nature » :
elle libère des conséquences d’agir à l’opposé des Lois universelles.
H) Un homme est « un empire dans un empire » : bien que souvent
influencé par le monde extérieur, il est toujours susceptible d’y
introduire des nouveautés que rien ne lie à la « trame » extérieure.
I) La liberté est dans le fait d’agir selon « sa propre nature », comme
une pierre « libre », dans sa chute « sans contraintes extérieures ».
J) La liberté est nécessité interne. Seul Dieu est absolument libre,
exempt même des « aléas » relatifs à être et à continuer à exister.
K) La liberté est la spontanéité d’agir qu’ont presque tous les vivants.
Elle existe déjà chez l’amibe, en mesure d’éviter plusieurs dangers.
L) La liberté est virtuelle : c’est la simple « possibilité » de nos actions.
Tout phénomène futur, même « nécessaire », n’est que « virtuel ».
M) La liberté est fiction : on ne peut même pas voler comme un oiseau.
N) Fondamentalement, la liberté est l’indéterminisme dans la matière.
O) La liberté est possible : elle est une « ouverture » particulière du
monde, lequel est « ouvert », au sens où il n’est pas entièrement
déterminé. En effet, une toute nouvelle connaissance future ne
peut être « déterminée » auparavant, en raison de ce que, dès lors,
elle ne serait « ni future ni toute nouvelle », à ce moment ultérieur.
P) La « liberté » est la nature essentielle de la conduite « volontaire ».
Elle est de ces idées, nécessaires, dont nous avons la réminiscence.
Q) La liberté n’est pas arbitraire; elle est libre-arbitre. L’être libre n’est
pas une entité monadique, fermée, qui n’aurait que des relations
étrangères avec le milieu. Il n’est pas même sans les autres. La
dépendance n’est pas contraire à la liberté, qui réside dans l’acte
« intentionnel », effet de notre participation par notre libre-arbitre.

52
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

R) La liberté est la libération de la « passion », non pas de la « raison ».


S) La liberté est celle du sage, non celle du sauvage (sous la loi du plus
fort). Elle est aussi le pouvoir par la loi qu’on se donne : l’homme
est dès lors autonome (du lat. auto, lui-même, et du gr. nomos, loi).
T) On peut certes vouloir ce que l’on fait, mais non vouloir ce que l’on
veut, à défaut de devoir vouloir ce choix même, etc., indéfiniment.
De plus, on ne peut pas avoir voulu être ni être ce que l’on a été
fondamentalement, car il aurait fallu exister avant même d’exister!
U) La liberté se révèle par notre Raison, originelle, qui est universelle
et s’impose à tout sujet moral dans son devoir d’agir de telle sorte
que sa volonté puisse toujours valoir en même temps comme
principe d’une législation universelle : « devoir implique pouvoir ».
V) La liberté est la faculté de décider en connaissance de cause : elle
est un produit du développement historique, qui mène à la maîtrise
de soi et de la nature, par la connaissance de leurs lois respectives.
W) La chose est « en soi ». L’homme est « pour soi » : il a la conscience
de soi, qui lui permet d’exister (du latin existare, sortir de soi) et de
« devenir » tel « existant ». Son existence précède son essence. Ses
« motifs » sont non pas des « causes », mais des « effets » de ses
décisions, dans un « projet » dont il cherche les « moyens ».
L’action libre échappe à la détermination du monde et l’homme est
« angoissé » devant sa liberté. Il est responsable de ce qu’il devient.
X) La liberté est une donnée immédiate de la conscience. Même
quand il est esclave, l’homme est libre, car il demeure maître de la
direction, ressentie, de sa volonté. La « preuve » de l’existence de
la liberté se réduit à « l’épreuve » de ce sentiment profond et privé.
Y) Être libre est être « esclave » de Dieu : Dieu libère des effets du
péché. Le point de vue externe est métaphysique : l’homme paraît
déterminé. Par comparaison, la position interne est éthique : elle
est par la Grâce ou par la Loi (bien qu’ainsi, il n’y ait pas de liberté
sans Lois consenties, lesquelles sont sans contraintes d’ordre légal).
Z) La liberté n’existe pas : nous sommes dominés instinctivement, par
les impératifs primitifs de la survie individuelle, et, tout récemment,
nous le sommes rationnellement, par ceux de demeurer humains,
en raison des possibilités de modifier notre nature, par le génome.

53
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

Ajoutons que, dans l’Histoire, le mot « liberté » a été mis en


équivalence avec d’autres termes également, comme « substance »,
« faculté », « état », « acte », « droit », « attitude »,8 mais il l’a été dans des
contextes similaires à ceux auxquels les propositions précédentes renvoient.
CONCLUSION
Les idées ci-dessus sont souvent résumées ainsi : la définition négative
de la liberté est en termes de l’absence de contraintes, de soumission, de
détermination…, et sa définition positive est en ceux de l’indépendance, de
l’autonomie, de la spontanéité, etc. Mais dans les deux cas, les mots servent
à écarter la suggestion de l’existence d’une chose9, non à identifier un
concept. Or comprendre cela contribue à écarter les problèmes en question.
Communément, il peut être approprié de répondre « Je suis libre… » à
une question comme « Êtes-vous en couple, de fait ou de droit? ». Dans
l’éventualité, cette réponse est « vraie » : elle y dirige des comportements
renforcés. C’est le fait de la proposition (le mot « fait » suggérant ici la vérité
opposée à l’erreur). Réalisons que l’absence du membre du couple dont la
« liberté » ci-dessus est l’affaire, en fait ou en droit, n’est pas la présence de
qui ou de quoi que ce soit, incluant du sujet, dans un quelconque état interne
ou caractère personnel public. Au plus, disons que la liberté tient à
l’existence (la vérité du fait suggéré) de l’inexistence d’une contrainte,
soumission, détermination (« de droit » ou « de fait »), etc. La « liberté »
n’est ni un concept véritable, qu’on tenterait de comprendre dans son
essence, de décrire, etc., ni un concept construit, en attente d’en découvrir
l’existence, par la découverte des êtres qui l’exerceraient. L’idée de la
liberté est l’affaire d’une négation, à savoir d’un comportement verbal
« annonçant » des inconvénients à agir sous la direction de ce qui est nié...
Certes, autre chose est de dire qu’un homme se sent « libre » et se dit
tel quand il est dans les conditions d’un comportement renforcé d’une
manière positive10. Cela est l’expression d’un événement, non d’un concept.
*
La science des contingences de renforcement n’a pas cent ans, ce qui
est peu comparativement à la biologie antérieure, à la chimie, à la physique…

54
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

Néanmoins, le présent chapitre montre un grand nombre de nouveautés


dans le très vaste domaine de la philosophie, relative à la connaissance des
phénomènes des différents types, allant des événements physiques
apparemment élémentaires jusqu’aux complexes « phénomènes humains ».
Le point de vue décrit ici peut nous mener à entrevoir un tout nouveau
système de « valeurs », entre autres. Dans le reste de cette conclusion, nous
allons considérer un champ de réflexions et de recherches originales en ce
qu’on appelle classiquement « l’éthique ». Nous le ferons par un résumé
personnalisé du livre de B. F. Skinner intitulé Par-delà la liberté et la dignité
(en termes relatifs aux conditions antérieures et postérieures des conduites).
Pour un behavioriste radical, les choses ont une « valeur » pour
l’homme dans la mesure où elles ont des conséquences sur lui. Certaines
de celles-ci renforcent ses conduites, qu’elles définissent. Elles sont senties
agréables. Cependant, leur aspect essentiel est le fait que ces conséquences
augmentent la fréquence de ces comportements, dans de semblables
situations futures. Ce qui est alors ressenti ainsi n’en est qu’un sous-produit.
En tant que membre d’une espèce, un homme est le résultat de son
histoire évolutive, et, en tant qu’individu, celui de son histoire personnelle.
Une partie de ce qui est renforçant l’est à cause de la première de ces
histoires et l’autre de la seconde, tributaire de celle-là, fondamentalement.
Les hommes recherchent une vie apportant un maximum de
« récompenses » (renforcements) et un minimum de « punitions » (au sens
très large). Ils considèrent être bon ce qui contribue à façonner une telle vie.
Parmi ce que fait un homme, il y a ce qui est renforçant à court terme
et ne l’est pas à long terme, et réciproquement. L’ensemble des bonnes
choses comprend d’autres hommes, et de ceux-ci naît la culture, entre
autres. Celle-ci peut être définie ici comme étant l’ensemble des expériences
qui appartiennent au groupe. Par des renforcements « différés », une
culture permet de mettre les conduites de ses membres comme sous leurs
conséquences lointaines, annoncées, jusqu’alors, faiblement ou rarement.
Les comportements émis dans « l’intérêt des autres » sont de ces
conduites qu’un groupe culturel renforce, car tout homme est un de ces

55
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

autres sur lequel rejaillissent ces bienfaits. La morale, l’ordre, le droit, la


justice, etc., s’expliquent en termes des différents ensembles d’expériences.
C’est ce qui est bon pour un homme qui contribue à son bien-être, non
l’au-delà de sa vie, qui ne peut avoir d’effet et donc de valeur pour lui. Même
les conduites des « altruistes » ont des raisons « égoïstes » d’être produites.
Cependant, parmi les comportements que renforce un système qui
établit et maintient une culture, il y en a qui contribuent à la survie de celle-
ci par-delà l’existence de ses présents membres. (À un niveau « intuitif », cela
est peut-être à l’origine de l’idée d’un au-delà : ce qui détermine notre
personne « survit » ainsi que nous précède.) Ces actions ne peuvent se
reproduire que si elles sont, elles-mêmes, renforcées. Ici une question
légitime peut être posée : pourquoi les hommes s’occuperaient-ils ainsi des
comportements dont les conséquences seront en fait au-delà de leur propre
vie? Il n’y a probablement aucune réponse à cette question : ce qui les
façonne doit contribuer à la survie de la culture, sans quoi tant pis pour elle!
En somme, il y a trois niveaux de « valeurs » à considérer. On peut le
comprendre facilement par un exemple. Le chef d’un parti politique peut agir
pour ses seuls intérêts. Mais il est possible qu’il le fasse « pour le bien de ses
concitoyens », lesquels le renforcent, en le maintenant au pouvoir par
exemple. Il peut encore le faire en favorisant l’État, par, disons, un
programme austère dont l’application va le priver du soutien des électeurs :
ce qui a alors une « valeur » pour lui est ce qui résout les problèmes de l’État.
En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas être assurés, tous et
chacun, que des choses menaçantes pour notre culture ne nous affecteront
pas de notre vivant, comme la pollution de la planète, sa surpopulation, la
diminution de ses richesses naturelles, le péril atomique, les pandémies. Une
culture dont les membres se soucient de ces choses a peut-être plus de
chance de survivre, en même temps que ces individus, membres du groupe.
Somme toute, tous ces problèmes sont affaire de conséquences
comportementales et la science des contingences de renforcement ainsi que
la technologie qui en découle sont peut-être ce que l’homme a le plus besoin
pour survivre…, dans un avenir qui n’est peut-être pas si éloigné après tout!

56
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

Donc bien que rien de ce qu’il y a au-delà de la vie d’un homme ne


puisse l’affecter directement, de son vivant, les actes de survie du membre
d’une culture et de ce membre de l’espèce peuvent acquérir une « valeur »,
d’où un vaste domaine pratiquement vierge de réflexions et de recherches,
à savoir celui des cultures dans leur examen en rapport avec leur « survie ».
Nous conclurons ici ce court résumé en citant B. F. Skinner, lui-même.
Le combat de l’homme pour la liberté n’est pas dû à une
volonté d’être libre, mais à certains mécanismes de comportement
caractéristiques de l’organisme humain, dont l’effet principal est
d’éviter ou de fuir les aspects dits « aversifs » de l’environnement.
Les technologies physiques et biologiques se sont essentiellement
préoccupées des stimulations aversives naturelles; le combat pour la
liberté se préoccupe des stimuli aménagés intentionnellement par
d’autres personnes. La littérature de la liberté a identifié ces « autres
personnes », et proposé les moyens de leur échapper, de diminuer
ou de détruire leur pouvoir. Elle a réussi à réduire les stimuli aversifs
employés dans le contrôle intentionnel; mais elle a commis l’erreur
de définir la liberté en termes d’états d’esprit ou de sentiments; dès
lors elle s’est montrée incapable de traiter efficacement des
techniques de contrôle qui n’engendrent ni fuite ni révolte mais
entraînent néanmoins des conséquences aversives. Elle a été
acculée à proclamer tout contrôle mauvais et à donner une fausse
représentation de nombreux avantages que l’on peut tirer d’un
environnement social. Elle n’est pas préparée pour la prochaine
étape, qui n’est pas de libérer l’homme du contrôle, mais d’analyser,
pour les modifier, les types de contrôle auxquels il est exposé. (B. F.
Skinner, Par-delà la liberté et la dignité, Éd. HMH. 1971, pp. 57-58.)

Notre culture a produit la science et la technologie dont elle


a besoin pour se sauver elle-même. Elle dispose des richesses
nécessaires à une action efficace. Elle a, à un haut degré, le souci de
son propre avenir. Mais elle s’obstine à considérer comme sa valeur
principale la liberté ou la dignité plutôt que sa propre survie. Rien
n’exclut dès lors qu’une autre culture fasse une contribution plus
importante au futur. Le défenseur de la liberté et de la dignité peut
alors, comme le Satan de Milton21, contribuer à se réciter qu’il
possède « un esprit que rien ne peut changer ni dans le temps ni
dans l’espace » et une identité personnelle satisfaite d’elle-même
(« Qu’importe où je suis, si je reste le même? »); mais il se retrouvera

57
CHAPITRE III - LA « LIBERTÉ » ET LE DÉTERMINISME

néanmoins en enfer sans autre consolation que l’illusion qu’ « ici au


moins nous serons libres ». (In Par-delà la liberté et la dignité, p. 220)

1
Par exemple, voir Les thérapies behaviorales modifications correctives du comportement et behaviorisme, Gérard
MALCUIT, Luc GRANGER et Alain LAROCQUE, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 1972, 215 pages.
Voir aussi le texte en pdf intitulé Un regard behavioral sur les troubles du comportement : ce pdf donne les
références de certaines applications actuelles de la science des contingences de renforcement, en thérapie.
2
Voir par exemple B. F. Skinner, The behavior of organisms, Copley Publishing Group, Acton Massachusetts.
3
Pour des explications, voir les ouvrages de B. F. Skinner, l’article dont les coordonnées sont à la note 1 et
Tous les grands problèmes philosophiques sous l’éclairage de la science des contingences de renforcement.
4
Ce principe contribue à écarter un certain nombre de problèmes, comme celui exprimé par la question :
pourquoi l’univers physique est-il ordonné, plutôt que chaotique? Notons qu’un actuel chaos universel n’est
pas ce que nous observons : il n’est pas une donnée de la science. De plus, la question suggère une mauvaise
compréhension de la part des mathématiques dont les objets sont les rapports appelés « probabilités ». Un
niveau plus complexe s’établit sur une base, antérieure, où les choses se déroulent de façon relativement
plus simple. Au comble n’y a-t-il pas un illogisme du type du cercle vicieux à proposer une solution au dit
« problème de l’improbabilité du complexe » en suggérant l’être d’un plus complexe, et moins probable
encore, selon l’argument? Par ailleurs, il est peu crédible que les choses soient sciemment créés (sortis du
Khaos) pas à pas, d’où la vraisemblance de l’immanence de leur formation. Et l’organisé (satisfait à des lois
nécessitant une régularité qui) persiste quand rien (nulle chose relative aux contingences) ne le perturbe
(vers le plus organisé ou vers le chaos). C’est ce qu’exprime déjà le principe d’inertie, à la base de la
physique. En bref serait doublement inconséquent, par exemple, un physicien qui dirait : l’existence même
d’une molécule est un miracle (fait irrationnel). Pour l’examen de ce problème, voir le livre mentionné note
7 : l’entrée no 3151 y donne accès, ainsi qu’à quatre autres du même type. Les fiches nos 2692, 2723, 3057,
3434, entre autres, donnent une idée de ce qui ne va pas avec les métaphysiques en termes de probabilités.
5
La structure de l’Univers que recherchent les physiciens est une construction qui leur permettrait de
prédire et de contrôler les phénomènes physiques. Par exemple, la relativité fait appel à un espace-temps,
qui est un système à quatre variables. Celui-ci est un cas des espaces courbes. Ce dernier terme se réfère
non pas aux concepts communs, constitués par ce qui existe indépendamment de nos réponses, mais à des
constructions (aux propriétés) mathématiques, dans le cadre desquelles le repérage se fait à l’aide des
classiques coordonnées spatiales liées dans une fonction (non plus indépendantes entre elles, comme en
physique classique), pour la maîtrise des phénomènes dans un monde qui est de plus en plus « complexe ».
6
La science des contingences de renforcement n’est pas un système hypothético-déductif. Ce n’est donc
pas un déterminisme au sens de la physique, ni, certes, un dit « déterminisme probabiliste »! On peut noter
cela aussi de sa philosophie (théorie.) En bref, c’est une description scientifique, en termes de fréquences,
d’une part du monde que ne peuvent actuellement expliquer ni la physique, ni l’anatomie, ni la physiologie.
7
Ces propositions ont été examinées dans : Tous les grands problèmes philosophiques sous l’éclairage de la
science des contingences de renforcement, J.-P. BACON, Fondation littéraire Fleur de Lys, mai 2017, 1484 p.
8
Voir un intéressant livre : CLÉMENT, Élizabeth, La liberté, lequel, dans le format pdf, est tout à fait gratuit,
en cliquant sur http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/wp-content/uploads/ebooks/liberte_clement.pdf.
9
Le mot « absence » sert non pas certes à identifier une propriété définissant un type ou une classe
d’objets, mais à écarter la suggestion de la présence, l’existence ici et maintenant, la réalité de ce qui établit
les « expériences » responsables de la connaissance telle que l’étudie l’analyse opérante. Le mot
« indépendance » sert, lui, à écarter la suggestion de l’existence d’un lien, d’une dépendance, à un objet, à
un événement, etc. Le mot « autonomie » fait de même, tout en indiquant que les phénomènes relatifs à
une chose satisfont à des lois pouvant être établies par l’observation de cette seule chose. Et le mot
« spontanéité » sert à écarter la suggestion de l’existence d’une loi ou d’un autre détour ou intermédiaire.
La forme mathématique de ces idées a été proposée dans notre ouvrage principal, fiche 124 — voir note 7.
10
C’est la mauvaise compréhension de ces choses qui est manifestée par les « philosophes de la liberté »,
dont plusieurs dénigrent le contrôle du comportement renforcé sous le mode négatif même quand les
mesures sont pour protéger notre espèce de graves dangers, voire pour sauver des vies dans notre présent!

58
CHAPITRE IV
Le comportement verbal1

Dans son histoire personnelle, l’homme se comporte d’une façon non verbale bien
avant de le faire verbalement. Il a sûrement fait cela aussi dans son histoire évolutive. Or
cela est significatif à bien des égards, comme nous le réaliserons au cours de ce chapitre.
En tant que phénomène physique, un comportement verbal émis est constitué par
l’être qui se comporte ainsi : il a une position indiscutable dans l’espace et le temps et il
peut être décrit en termes de la physique. Par comparaison, ce locuteur en tant que
membre d’une espèce animale est décrit par les propriétés anatomiques et
physiologiques qu’il a en commun avec ses congénères. En tant que phénomène opérant,
il est un membre d’une classe descriptible par la part récente de la biologie qu’est la
science des contingences de renforcement (appelée également « analyse expérimentale
du comportement » et « analyse opérante ») : celles-ci sont l’ensemble des relations
mutuelles entre le comportement émis (à savoir n’importe quel être se comportant ainsi,
en tant que ce comportement), ses circonstances d’émission et ses conséquences qui le
renforcent. En toute apparence et vraisemblance, ce sont les histoires personnelle et
évolutive qui sont responsables de l’existence de nos différents comportements verbaux.
Comme un grand nombre de réponses non verbales, une parole émise est suivie
de conséquences qui augmentent la fréquence de l’émission du comportement (opérant),
dans de semblables circonstances ultérieures. Le fait décrit est scientifique.2 Ces
conséquences sont appelées « renforcements ». Pour un behavioriste radical, elles
transforment l’organisme qui a parlé ainsi, d’une façon telle que des stimuli semblables à
ceux présents lors de l’émission acquièrent le rôle de conditions de sa production future.
En considérant donc l’action de l’environnement après une telle conduite émise,
non seulement avant et/ou pendant, il devient facile d’expliquer, objectivement, ce qui
différencie deux actes de la même forme apparente, produits en des contextes semblant
indiscernables. Ainsi, deux gestes de la main apparemment identiques qui sont produits
par un homme dans des situations similaires diffèrent selon, par exemple, que la
conséquence définissant l’un est d’arrêter quelqu’un se rapprochant et celle qui définit
l’autre est d’initier son rapprochement, en le saluant. Pour l’expliquer, il n’est donc nul
besoin de faire appel à une idée ou, de surcroît, à une entité qui nous serait inaccessible.
Dans ce chapitre, nous présentons (1) les comportements verbaux, en trois grands
groupes sommaires, et une définition de l’opérant verbal, (2) cinq importantes
considérations au sujet de ces conduites, (3) une traduction de quelques termes
appartenant au langage commun (comme « langage », « signification » et « vérité ») et
(4) quelques grands problèmes écartés par une analyse opérante de la conduite verbale.

59
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

(1)
Trois groupes de comportements verbaux
et une définition du comportement verbal3
La définition qui consiste à affiner, par renforcements dans l’environnement, une
réponse « inconditionnée » d’une façon telle qu’elle devienne une certaine parole (un
certain comportement verbal) est distincte de sa définition qui est la production d’une
règle comportant une description de la classe opérante. Ainsi, un parent qui encourage le
babillement d’un enfant, qui lui présente un échantillon de ce qu’il peut dire en une
situation donnée, parfois aménagée pour cela, qui l’encourage à le répéter, qui le parfait,
etc. définit un comportement comme il est mentionné initialement. Celui qui donne à un
adulte une règle, pour le comprendre, fait une autre chose, identifiée par un homonyme.
Le premier grand groupe de paroles proposé ici peut être assez bien défini en
disant que les membres de celles-ci agissent à la place de ce qui est nommé, identifié,
décrit. Ce qu’on appelle communément « un nom propre », comme « B. F. Skinner », a
pour facteur préalable d’émission un être, un particulier, celui dont on dit qu’il en est le
« référent ». Le facteur préalable d’émission (contrôle) d’un mot tel que « rouge sang »
est tout stimulus, incluant bien sûr du sang, en tant que la propriété physique, importante
parmi celles sous lesquelles des réponses non verbales sont émises. Pour sa part, un
comme « mal de dents » agit à la place de l’organisme qui sent sa dent, en tant qu’agent
du renforcement négatif. Le mot « bon » se réfère, lui, à une large classe d’objets en tant
qu’agent de renforcements positifs. Un nom tel que « le salut » fait de même pour une
grande classe d’êtres en acte, en tant que ce comportement. Quand on dit « l’objet est
rouge sang », « c’est un mal de dents », « l’aliment est bon », « il salue », on émet une
conduite descriptive dont le facteur d’émission est un objet ou un être dans le fait qu’il a
telle propriété physique, qu’il exerce telle sensation, qu’il renforce positivement et qu’il
émet telle conduite, définie par des propriétés, respectivement. Une désinence
morphémique caractéristique du passé et une du pluriel sont de cette catégorie. Notons
que l’homme répond verbalement aussi à plus d’un objet à la fois (stimulus, propriété,
etc.) et qu’il le fait souvent en des termes qu’il n’a pas eu l’occasion d’émettre isolément
avant la codification de ses paroles grâce à l’alphabet. Il en va ainsi quand il dit « il y a un
chien dans la pièce adjacente » ou « la pomme est passée du vert au rouge » par exemple.
Cette grande catégorie a été appelée le « tact », en aphérèse du mot « contact ».
Notons que les facteurs responsables d’un comportement, verbal ou non, sont
souvent partagés entre un locuteur, qui a accès à ce qui est à nommer, à identifier, à
décrire, et l’auditeur, qui agit sous cette réponse émise et en est renforcé. Émettre une
conduite verbale et répondre à cette conduite émise sont des comportements différents,
même quand cette réponse est verbale. Une conduite verbale et la réponse à celle-ci sont
déterminées par des expériences positives (contingences de renforcement) qui diffèrent.

60
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

Un comportement dirigé par une règle a une indépendance mécanique, et une


apparente « liberté » absolue, par rapport à tout support environnemental dans l’espace
et le temps Mais il demeure que ce comportement est déterminé (précisé dans ses
propriétés et limites) par les trois facteurs en relation mutuelle que sont ce
comportement émis, ses circonstances d’émission et ses conséquences qui le renforcent.
Les organismes médiatisent les rôles joués par le milieu avant et après une telle réponse.
Un individu peut prendre conscience d’un certain événement, comme le passage
d’un autobus à un moment assez précis en un lieu particulier, puis diriger, par cette
conscience verbale, consignée ou non, sa propre conduite, qui sera renforcée sous le
mode positif, en rencontrant des amis qui font ce voyage de l’autobus en l’occurrence, ou
sous le mode négatif, en évitant les inconvénients de l’attente ou du retard, par exemple.
Il est sensé de dire qu’un acte verbal est un intermédiaire entre les circonstances
de son émission et le renforcement d’une réponse donnée par un auditeur, pouvant être
le locuteur. Mais un individu dont la marche a pour renforcement un lieu recherché ne se
comporte pas verbalement ainsi, même s’il est suivi par quelqu’un. Par contre, s’il marche
pour diriger cet autre, il produit une conduite verbale du type gestuel, comme le fait un
homme qui pointe un chemin du doigt. Or cela permet de comprendre que la parole est
une conduite renforcée par des auditeurs qui médiatisent les renforcements de leurs
réponses produites en fonction de cette parole. Ici la communauté recoure à des
renforcements tels que l’attention, un objet impliqué, qu’ils procurent, ou des mots
comme « bien » et « merci », pour conditionner le tact à établir, et ces renforcements
sont « différés » des conséquences qui définissent les réponses sous son contrôle. Un
homme peut amorcer sa conduite par sa propre parole. Celle-ci est le comportement
appris, et les conséquences de ses différents actes amorcés ainsi le renforcent, lui-même.
La réponse qu’un auditeur donne à une parole d’un locuteur peut être, elle-même,
verbale. Il en est ainsi quand, disons, l’interlocuteur transmet l’information à un autre ou
qu’il produit une nouvelle conduite verbale sous la direction partielle de cette première.
Il est souvent utile de distinguer le comportement contrôlé par la règle de celui de la
même grande catégorie qui est déterminé directement par l’ensemble des déterminants.
Des différences peuvent apparaître lors de ces conduites, ayant la même topographie.
Ainsi, un homme peut ne pas pouvoir nommer un individu qu’il observe, alors que, par
des informations, il connaît, pourtant, beaucoup de choses à son sujet, incluant son nom.
Cela nous amène à notre second grand groupe de conduites verbales, à distinguer
les unes des autres. Un tact verbal qui est dirigé par une règle (voir ci-dessus) n’est pas à
confondre avec un acte de la même topographie consistant, uniquement, en la
reproduction sonore d’un autre. Celui-ci est appelé « échoïque ». Ses circonstances
d’émission et ses renforcements sont bien différents de ceux de ce premier. Une seconde
conduite de ce deuxième grand groupe est la lecture, laquelle consiste à traduire en
stimuli sonores des écrits qui consignent des conduites verbales. (Ce comportement,

61
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

comme bien d’autres, peut être émis, ensuite, de façon implicite.) Une autre peut-être
est la manipulation de stimuli verbaux sous leur forme, comme dans un cadre logique où
on pose « a est b » et « tout b est c », ou inclusivement y conclut « a est c », sans peut-
être connaître ce que représentent, éventuellement, a, b et c. (Notons que les
mathématiques consistent, très généralement, en la traduction d’énoncés en d’autres
d’apparence souvent éloignée des premiers. Cela est fait dans un cadre logique, système
de contingences comprenant des règles, pour minimiser les erreurs.) Ces réponses utiles,
non toutes linguistiques, ont en commun d’être données à des « signes » (appelés,
techniquement, « stimuli discriminatifs verbaux »), lesquels sont à distinguer, dans
l’éventualité, des comportements verbaux dont l’émission est « favorisée » par ces signes.
Notre troisième grand groupe d’opérants verbaux, eux aussi différents les uns des
autres, peut être décrit par leur propriété commune d’être à la fois contrôlés par d’autres
conduites verbales et renforcés par un effet particulier comme la modification, la
clarification…, l’appel de la réponse de l’auditeur. Dans ce groupe, il y a les négations,
comme « il n’y a pas un chien dans la pièce adjacente », les assertions et les formules
d’énonciation (comme « je fermerai la porte aussitôt que vous en enverrez le signal », « je
pense que j’ai fermé la porte », « je suis sûr que je l’ai fermée » ou « il est possible que la
porte se ferme ») et les descriptions d’une conduite qu’elles comportent (tel « je vous
ordonne de fermer la porte »). Un comportement de ce type est appelé « autoclitique »
(le locuteur « tique », verbalement, dans une conduite globale qui a pour facteur
d’émission un autre comportement verbal, qu’il comporte). Il y a aussi ce qu’on appelle
« mand » (en aphérèse du mot « command »), comme le commandement « Fermer la
porte de cette pièce! » et une question comme « Vous avez fermé la porte de la pièce? ».
Pour un exemple plus complexe ici, considérons l’expression « la falsifiabilité
d’une construction verbale » qui peut être traduite par « la possibilité que la construction
ne passe pas l’épreuve des faits ». Celle-ci est contrôlée par « la construction ne passe pas
l’épreuve des faits », laquelle est sous le contrôle de « la construction passe l’épreuve des
faits ». Les mots « la possibilité que » et « ne pas » favorisent des effets
comportementaux particuliers de l’auditeur, lesquels définissent ces expressions. En
passant, notons que le mot « falsifiabilité » (« réfutabilité ») sert non pas à identifier un
concept définissant une classe ou un critère tributaire de propriétés (conditions
antérieures au comportement), mais à annoncer une « valeur », laquelle est l’affaire de
renforcements (conditions postérieures à un opérant). La valeur, annoncée, tient à ce que
la construction est « vraie », et donc ici la plus utile possible pour diriger des conduites
appropriées à un ensemble d’expériences, ou est « fausse » et donc utilement rejetée.
Cette dernière proposition est « autoclitique », elle aussi. Ajoutons qu’une construction
n’est pas falsifiable (réfutable) quand, par exemple, elle est contradictoire, c’est-à-dire
permettant de déduire une proposition et sa négation, dans son cadre logique, ou qu’elle
n’est pas en termes de conditions que l’on peut soit manipuler, pour contrôler des faits
accessibles, soit à tout le moins connaître, pour prédire de tels événements ultérieurs.

62
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

Réalisons que ces formalités non remplies ne sont que des cas particuliers de celles qui
peuvent nous faire délaisser une construction, comme le fait, a) qu’elle soit partiellement
insensée, parce que certains de ses termes essentiels sont incompréhensibles ou que leur
manipulation montre une mauvaise compréhension des véritables mots auxquels ces
termes appartiennent, b) qu’elle soit irréaliste ou irrationnelle, à savoir clairement en
opposition avec ce que nous savons sans grande conscience réfléchie ou avec une analyse
appropriée des « expériences » impliquées, c) qu’elle soit « fausse », au sens ici que des
déductions établies à partir de ses prémisses ne passent pas l’épreuve des faits, ou, d)
qu’elle ne soit pas satisfaisante, en pratique, ou, uniquement, pas la plus simple possible.
Terminons cette section en disant qu’une classe comportementale est comme une
espèce animale en ce que ses membres potentiels n’existent pas et que ce sont ceux qui
existent qui lui permettent d’exister. Or étant donné que le nom « le répertoire verbal »
se réfère à l’ensemble des comportements verbaux, incluant à ceux potentiels, notons
que ceux-ci, en tant que plausibles états par exemple, sont en attente qu’on en construise
le concept, en termes de l’anatomie ou de la physiologie vraisemblablement, et qu’on le
découvre, en en faisant l’abstraction dans un organisme qui le constitue, en l’occurrence.
(2)
Cinq importantes considérations au sujet des comportements verbaux
A) L’unité du comportement verbal
La première de ces cinq grandes considérations a pour objet la notion d’unité
comportementale. Celle-ci sous-entend la continuité d’une action d’un individu qui ne
peut être interprété comme étant un ensemble d’éléments (tendons, muscles, organes
et, bien sûr, membres), indépendants les uns des autres. Considérons le comportement
d’un singe qui touche une partie d’un écran représentative d’un morceau de banane, qu’il
obtient en conséquence de son geste. Ce singe a été conditionné par des étapes qui sont
toutes renforcées par un échantillon du même aliment, et une unité de son
comportement peut même ne jamais apparaître isolément. De plus, un comportement
différent de ce singe peut être exécuté par le même ensemble de muscles. Aussi, sa
conduite est facilement généralisée à des situations différentes, montrant des similitudes.
Notons que c’est à une époque plutôt tardive de son évolution que la famille
humaine a connu le changement remarquable consistant à être finement conditionnée,
sous le mode opérant, dans sa musculature impliquée dans son comportement vocal,
entraînant l’apparition d’un nombre important de caractéristiques de la conduite
humaine. Cette musculature est un produit de l’histoire évolutive des êtres vivants. Or les
membres des autres espèces connues ne semblent pas avoir un équipement (par exemple
une musculature de leur larynx) pouvant être affecté sous un aussi fin conditionnement.

63
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

Ce qu’on appelle « le mot » n’est pas l’unité verbale. L’analyse expérimentale du


comportement montre que des objets aussi complexes que des phrases et des
paragraphes peuvent varier ensemble, en fonction d’une variable unique, et, à l’opposé,
que des unités aussi petites que celles auxquelles nous pouvons répondre en termes d’un
phonème ont pour facteur d’émission des variables indépendantes, dans le milieu
environnant.1 À titre d’exemple, notons la généralisation que subit ce que les linguistes
appellent le suffixe « able », en français. Il n’est pas un mot (contrairement à « able » en
anglais). Néanmoins, il apparaît « spontanément » pour former des mots, comme
« comprenable », qui n’est pas considéré être légal, et « falsifiable », qui l’est, depuis peu.
Il faut reconnaître cela, également, pour expliquer des réponses verbales comme les
lapsus et pour comprendre des procédés de style comme la rime, l’assonance, le rythme.
Il ne faut donc pas être surpris que des organismes négligent les frontières que
nous traçons en considérant les comportements en unités définies et immuables. C’est
l’analyse fonctionnelle, plus que celle linguistique ou grammaticale, qui est de référence.
Une conduite verbale est une classe déterminée par l’ensemble des propriétés
communes de ses échantillons. Leur topographie n’en est qu’un cas particulier.
Cependant elle importe ne serait-ce que du fait que nous répondons toujours à une parole
émise sous sa topographie d’abord. Il est vrai que même des différences évidentes de
celle-ci sont très souvent négligées sans mal. Mais certaines autres importent. Ainsi, la
tonalité d’une parole émise nous indique qu’elle est un ordre (par exemple : « Lever le
bras! »), plutôt qu’une demande (« Lever le bras? ») ou une identification d’un acte (la
réponse « Lever le bras. » à la question « Est-il en train de baisser ou de lever le bras? »)4.
B) L’émission du comportement verbal
La deuxième grande considération annoncée au début de cette section est qu’un
ensemble d’expériences positives (contingences de renforcement) antérieures
déterminent un comportement verbal dans sa topographie et dans le rôle que les stimuli
exercent sur lui. Il devient alors facile d’expliquer l’émission par un individu de
comportements verbaux qu’il n’a pas connus auparavant. Un homme qui a appris à dire
des choses comme « la chatte est blanche », « la tasse est blanche » et même « la chose
est blanche » peut facilement émettre, par généralisation, la description « la rose est
blanche », bien qu’il puisse se questionner ensuite à son sujet, ne serait-ce que sous le
soudain constat que le rose et le blanc sont des propriétés incompatibles. Nous pouvons
expliquer ainsi l’émission de réponses verbales plus complexes, comme « Vole-t-on au-
dessus de l’océan Atlantique? ». Un individu peut facilement produire cette question,
même originale pour lui, quand il a appris à dire par exemple « l’oiseau vole », l’avion
vole », « le pilote de l’avion vole », etc., « La chose est-elle au-dessus de cette autre? »
ainsi qu’à émettre le nom « l’océan Atlantique » à la suite, par exemple, de l’information
« c’est l’océan Atlantique » ou de l’observation d’un GPS qui le représente et mentionne.

64
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

Il est tentant de penser que la majorité de nos mots simples et de nos autres
paroles soient des variables et des formes propositionnelles respectivement, mais ces
termes-ci renvoient à des « signes », non pas à des conduites verbales. Le stimulus verbal
qui constitue un « signe » peut être « manipulé », sous sa forme. C’est le cas dans les
cadres d’une mathématique, d’une logique et d’une linguistique formelles, et c’est cette
manipulation qui est un comportement verbal ou sinon un processus du large type verbal.
C) Le comportement verbal émis
Lors de la troisième considération, nous allons différencier le comportement émis
en tant que stimulus, cette conduite en tant qu’organisme verbal, et elle-même en tant
que membre d’une classe définie par des propriétés. (Il en va ici comme avec l’être qu’est
un professeur donné, que nous pouvons décrire en tant que stimulus, objet de la
physique, ou en tant qu’être humain, qui est un objet de l’anatomie et de la physiologie,
ou en tant que membre de la classe des professeurs, laquelle est un objet de la science
des contingences de renforcements. Comprenons qu’un individu est un membre de la
classe des professeurs en raison de son rôle, de sa propriété sociale d’exécuter certaines
conduites, le tout descriptible en termes de l’analyse expérimentale du comportement.)
Cela va permettre d’éclaircir un certain nombre de choses au sujet de la conduite verbale.
Considérons ces deux exemples. Un homme peut ne pas dire qu’il a soif alors qu’il
est assoiffé et le faire, avec force même, quand il n’a pas soif. Il lui est possible de même
crier « J’ai peur! » sans être apeuré et de ne pas le faire lorsque mort de peur. La force
d’une parole émise est ici un aspect de celle-ci en tant que stimulus. Quand on considère
qu’un état de privation ou de stimulation aversive appartient à une certaine parole émise,
il en est question en tant que l’organisme qui la produit. Lorsqu’on dit que toutes ces
paroles ont pour facteur d’émission (contrôle) un organisme, en tant qu’un état privé,
ressenti, il est question d’elles à titre de membres de leur classe respective. Celle-ci n’est
pas déterminée par cet état, et son émission, parfois anormale, résulte non de celui-ci,
mais du locuteur tel qu’il est en raison de son exposition antérieure globale à
l’environnement. Ajoutons que de telles sensations existent uniquement lorsqu’un sujet
ressent, sous elles, son propre corps, dans l’état impliqué, et que l’émission de leur
identification est inappropriée dans le cas contraire. (Par comparaison, un aveugle de
naissance peut nous identifier la couleur de ses cheveux, alors qu’ils ne les voient pas,
sous l’information que des membres de sa communauté verbale lui ont déjà fait acquérir.)
Ce qu’on dit être « vraie », « fausse », est une parole, en tant que membre d’un opérant.
À nouveau ici, les trois choses que doit spécifier la formulation adéquate de toute
parole qui résulte d’un organisme en fonction de son état interne (un de privation ou un
de stimulation aversive) sont cette réponse émise, les circonstances dans lesquelles elle
survient et ses conséquences qui la renforcent. L’ensemble des relations mutuelles entre
ces trois variables est ce qu’on appelle, communément et sans grande conscience
réfléchie, « expérience positive », et, techniquement, « contingences de renforcement ».

65
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

Des choses comme l’état privé du locuteur et la force de sa parole émise ne sont pas de
ces trois éléments; chacune n’est qu’un aspect de la parole émise dans une de ses natures.
D) Le « signe »
Nul comportement verbal ne se réduit à un stimulus (sonore, écrit ou autre) : il n’y
a aucunement ici un passage d’un système dimensionnel à un autre. Tout au plus, un
stimulus verbal est l’affaire d’un comportement émis : il en est ainsi, par exemple, du son
constitué par l’individu qui parle ou par l’appareil qui l’a enregistré, ou de l’écrit qui est
produit par un homme, ou par une machine, qui consigne un comportement verbal émis.
Le mot « SORTIE CENTRE-VILLE » apparaissant sur un panneau de signalisation
d’une grande route est un « signe », une « annonce », un stimulus verbal qui « favorise »
la conduite d’un automobiliste sur cette voie de sortie. Par cette sortie réussie, la voie,
qui en a les propriétés adéquates, devient le facteur, antérieur, de l’émission de cette
conduite du conducteur. Techniquement parlant, il est appelé « stimulus discriminatif »
au sens proche, ici, de « stimulus faisant augmenter la probabilité d’émission de la
conduite contrôlée par ce facteur, antérieur ». Le mot « VILLE DE MONTRÉAL » écrit sur
un semblable panneau est, lui aussi, un « signe », une « annonce », un stimulus verbal qui
« favorise » la conduite d’un automobiliste dans une direction donnée. Ce lieu est une
condition, postérieure, de la conduite dans cette direction : il est l’endroit qui renforce ce
comportement, ou qui acquière ce « rôle » en y menant. Techniquement parlant, il est
appelé « stimulus discriminatif » au sens proche, ici, de « stimulus faisant augmenter la
probabilité d’émission de la conduite définie par cette condition, postérieure à ce
comportement émis ». Le mot « ARRÊT » qui apparaît sur un panneau de signalisation au
coin d’une petite route est, lui également, un « signe », une « annonce ». Mais ce stimulus
verbal « favorise » le freinage entraînant l’arrêt de la conduite de l’automobiliste.
Techniquement parlant, il est appelé « stimulus discriminatif » au sens proche, ici, de
« facteur faisant augmenter la probabilité d’émission du comportement dont la condition
ultérieure est la disparition de stimuli aversifs ou la baisse de leur intensité ». Autrement
dit, les deux premiers « signes » ci-dessus sont des facteurs différés respectivement du
contrôle (facteur antérieur d’émission) et du renforcement (condition postérieure
d’émission, sous le mode positif) de la conduite de l’automobiliste, et le troisième l’est du
renforcement (condition postérieure d’émission, sous le mode négatif) du freinage, total
ou partiel, relatif à cette conduite. Le premier est comme une piste (stimulus non verbal)
d’un animal à observer, le second, comme un ciel ennuagé précédant une pluie
bénéfique, et le troisième, comme un nuage menaçant, précurseur d’un dangereux orage.
(À titre comparatif, un éclair est un stimulus inconditionnel d’un « réflexe » d’évitement.
Un « réflexe » est ce qu’on appelle « un répondant ». Une telle réponse est à distinguer
d’un comportement appelé « un opérant », comme ceux analysés ci-dessus.) Enfin,
réalisons que le mot « POLICE » écrit sur un panneau en bordure d’une avenue est,
comme le mot « SORTIE CENTRE-VILLE » ci-dessus, un « signe », une « annonce », un

66
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

stimulus discriminatif verbal différé d’un renforcement positif (ici un lieu où on trouve de
multiples services), mais qu’il peut occasionner des effets d’un terme comme « ARRÊT ».
(Au passage, notons que toutes ces conduites de l’automobiliste sont médiatisées
par des réponses visuelles et par des comportements verbaux émis en public ou en privé.)
Par comparaison, les sifflements qui dirigent le chien d’un berger, dans la maîtrise
de son troupeau, sont des comportements verbaux (non linguistiques), non des stimuli
discriminatifs verbaux. Pour sa part, une cloche qui sonne est un stimulus discriminatif
verbal avec un chien qui a appris qu’elle annonce de la nourriture, par exemple, et elle
est un stimulus conditionnel d’un stimulus inconditionnel pour son « réflexe » de saliver à
sa vue, s’il a été conditionné comme dans la plus célèbre expérience de Pavlov. Le chien
comprend les comportements sifflés de son berger : sa compréhension est l’affaire de sa
probabilité d’agir adéquatement et de sa tendance de plus en plus forte à le faire, par des
renforcements venant du berger et, sûrement aussi, par ses effets sur les moutons, dont
ses ancêtres étaient des prédateurs. Cependant, le chien ne parle pas en répondant ainsi.
Un animal parle quand il émet des sons spécifiques définis par autrui, pour avertir
de certains dangers par exemple. Lorsqu’un singe émet une telle conduite pour faire
s’éloigner ses semblables d’un objet qu’il ne pourrait s’approprier en leur présence, il se
comporte comme un homme qui ment en disant, par exemple, « Adolf est ici » dans le
« but » qui n’est pas la conséquence définissant la réponse descriptive. Précisons que le
comportement verbal émis qui est de la classe ayant pour facteur d’émission l’homme de
ce nom est une description tout à fait appropriée en sa présence, non pas un mensonge.
Terminons cette quatrième considération en notant qu’il n’y a pas trop de mal à
dire que les objets comme les conjonctions (« quand », « et », « mais », « si », « alors »,
etc.), comme les adverbes (« ne », « pas », « nécessairement », « probablement », « vice-
versa », « jamais », etc.), comme les prépositions (« avant », « voici », « après », etc.),
comme les désinences du futur, à titre d’exemples, comme les correspondants des signes
de ponctuation (virgule, points de suspension, parenthèses, etc.), comme les intonations
et comme les dépendances intraverbales que sont les règles grammaticales et
syntaxiques, bref que tous ces mots appartiennent à la « structure du langage » pour
signaler que ce sont des unités ou des aspects comportementaux liés à des conduites
antérieures, servant à clarifier ou à modifier leur effet sur les hommes qui répondent
(auditeur, lecteur, etc.). Mais nulle conduite ne se réduit à un élément d’une structure
physique ou à un stimulus en usage sous des lois d’un monde inaccessible : elle est une
classe opérante, un objet dont l’abstraction est un trait caractéristique du comportement
verbal. Elle n’existe, en tant que tel, que lorsqu’elle devient le « référent » d’un « mot ».
Tout point de vue structuraliste d’un processus comportemental est incomplet s’il
néglige les histoires génétiques et individuelles. Les supposées caractéristiques
universelles des langues résultent de celles des comportements linguistiques, tributaires,

67
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

elles, du rôle du comportement verbal dans la vie quotidienne. Autrement dit, ces traits
ne supposent pas un équipement inné. Ce sont les expériences positives (contingences
de renforcement) aménagées par les communautés verbales qui ont des traits universels.
E) Le comportement contrôlé par une règle et le renforcement
Comprenons d’abord ceci. De la réponse d’un auditeur qui n’est que favorisée par
une parole d’un locuteur nous ne disons pas qu’elle est contrôlée par celle-ci (voire par
une autre). Ce n’est qu’à la suite d’un renforcement que cet opérant, agissant d’abord à
titre de stimulus discriminatif, acquière le rôle de facteur d’émission (ici un contrôle réglé).
Puis considérons une situation qui permettra de parler du comportement contrôlé
par une règle et du renforcement, ainsi que de résumer ce qui précède : après avoir pris
connaissance des choses, un individu dit « le chien A est dans le lieu B » au propriétaire
de l’animal, qui, anticipant avec tristesse ce qui va se produire, s’éloigne de l’endroit
mentionné et transmet l’information, d’abord à sa femme, qui s’y précipite pour cajoler
une dernière fois son animal chéri, puis à un professionnel, qui va dans le lieu et maîtrise
tant bien que mal le chien agressif envers les étrangers, pour l’amener dans une fourrière.
Les comportements d’éloignement et de rapprochement de l’endroit mentionné
sont non verbaux, et certes distincts, déjà par la forme, du comportement, verbal, qu’est
l’information au sujet de l’animal en ce lieu. Bien sûr, ils sont différents aussi entre eux.
Les comportements de rapprochement de la femme du propriétaire et ceux de l’employé
de la fourrière sont définis par des renforcements différents. Les premiers sont sous le
mode positif (le chien, en sa présence, fait augmenter la fréquence de la séquence des
actes de la femme) et les seconds, sous le mode négatif (ce chien, en son éloignement du
lieu ainsi que par sa présence dans la fourrière, fait cela pour la séquence de l’employé).
Les comportements en direction opposée du propriétaire et de l’employé de la
fourrière sont produits dans des états de stimulation aversive (engendrant de la tristesse
chez l’un et de l’anxiété chez l’autre). Ceux de la femme, qui sont dans la direction du
déplacement de l’employé et à l’opposé de celui du mari, sont émis dans un état de
privation du contact avec l’animal. On voit encore qu’un état ressenti ne fait qu’influencer
l’émission d’un acte, laquelle résulte de l’organisme entier, tel qu’il est au moment où il
agit. Les conduites de son répertoire sont, en quelque sorte, en lutte pour leur émission
dans une situation donnée. Donc ici aussi, aucun de ces états n’est l’un des trois éléments
qui déterminent la conduite ni ce qui est appelé « son facteur d’émission ». Celui-ci est le
chien, qui est dans les circonstances d’émission des conduites déterminées directement
par l’ensemble des contingences de renforcement. Notons que les états des deux types
impliqués correspondent à des comportements de recherche et de fuite, respectivement.
Pour leurs parts, les trois échantillons de la conduite verbale « A est dans le lieu
B » qui sont mentionnés diffèrent en tant qu’objets de la physique (ne serait-ce que du
fait qu’ils occupent des positions indiscutables dans l’espace et le temps) et en tant

68
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

qu’objets de l’anatomie et de la physiologie (car le premier locuteur ci-dessus est distinct


en son apparence même du second et que celui-ci est dans des états privés différents lors
de ses deux émissions). Mais ces trois échantillons sont des membres du même opérant.
Ici aussi, la réponse est déterminée (précisée dans ses propriétés et limites) par
l’ensemble des relations mutuelles entre les variables que sont la réponse émise (non
l’état privé de l’organisme qui la constitue), sa situation de production (qui ne se réduit
pas strictement à ce qui est décrit ou à un stimulus donné, même une copie parfaite, qui
favorise la conduite) et son renforcement (non un autre effet). Dans l’exemple ci-dessus,
celui-ci est en différé de la conséquence qui renforce la réponse produite sous le contrôle
de l’information. Cette réponse-là peut être définie sous le mode positif ou sous le mode
négatif. C’est le premier cas avec la femme du propriétaire, qui bénéficie du contact avec
son chien chéri, et le second cas avec le propriétaire, qui profite d’une baisse de la
stimulation aversive, et avec l’employé de la fourrière, qui se soustrait aux conséquences
de ne pas bien faire son travail et à tout ce qui les annonce. Soulignons que le genre des
renforcements « différés » est indépendant, lui, de celui du renforcement de la séquence.
Il y a du sens à dire que les conséquences qui renforcent les différentes conduites
non verbales dirigées par la description « le chien A est dans le lieu B » définissent celle-
ci : elles renforcent l’ensemble, incluant l’information. Mais différents renforcements
conditionnent des conduites qui diffèrent et il n’y a aucun avantage à considérer que cette
parole ne soit pas la même partout. Le renforcement de l’incontournable séquence à
laquelle appartient toute parole est en fait médiatisé. Dans le cas d’un ordre par exemple,
celui qui s’exécute le fait sous le mode du renforcement négatif, pour éviter une punition,
mais le locuteur, lui, est renforcé sous le mode positif, par le comportement de l’auditeur.
Deux derniers détails, théoriques, peuvent être clarifiés ici, à profit. Il n’y a pas de
problèmes de l’ordre de l’existence à dire que les renforcements n’ont peut-être aucune
propriété physique en commun : le nom « le renforcement » se réfère à une grande classe
d’objets définie par leur caractéristique, opérante, d’être le facteur d’augmentation de la
fréquence d’émission, en de telles circonstances, du comportement dont ils sont la
conséquence. L’existence de cette propriété est tributaire des histoires personnelle et
évolutive des organismes qui se comportent. Il n’y a pas non plus de problèmes de l’ordre
de la définition, et plus généralement de la logique, à dire que cette augmentation de
fréquence est, à la fois, l’effet du renforcement et sa cause : elle est l’effet du processus
de ce nom, par lequel une conséquence contigüe à un comportement émis fait en sorte
qu’augmente la fréquence de la réponse en de telles circonstances, vraisemblablement
en transformant l’organisme qui l’émet, et elle est la cause (condition d’existence) non
pas d’elle-même, ni des conséquences qui l’engendrent, mais de ce que celles-ci sont de
la classe appelée « le renforcement (son agent) ». Nul ne conteste ainsi la science qui est
impliquée ici et le behaviorisme radical est encore à considérer être la position la plus
cohérente qui soit pour formuler l’interaction entre l’organisme et le milieu environnant.

69
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

(3)
Le « langage », la « signification », la « vérité », etc.
Le langage est constitué d’éléments qui ont les caractères des objets que l’on peut
acquérir, manipuler, transmettre… Or bien que nous répondions toujours d’abord à une
parole émise comme à un stimulus, il y a tout avantage, comme on continuera à le voir
par la suite, à considérer une parole comme elle est, à savoir un comportement opérant5.
Ce qu’on appelle communément « la signification » d’un comportement verbal
est la caractéristique non pas d’un mot ou de plusieurs, ni d’une situation, mais d’un
ensemble d’expériences. Ce rôle, acquis, est ce qui le caractérise. Cet ensemble comprend
les déterminants de cet opérant, émis par les locuteurs, et ceux du contrôle que celui-ci
exerce sur les réponses renforcées des auditeurs.6 La règle appelée « sa définition »
comporte une description de cet ensemble. Ainsi, on peut certes dire que la signification
de « rouge sang » est tout stimulus en tant que sa propriété identifiée, mais c’est d’une
façon « métonymique ». Sa signification est plutôt son rôle d’agir à la place du rouge sang,
une propriété importante dans la pratique. Elle est définie par les renforcements. Pour sa
part, la signification du commandement « Lever le bras! » peut-être interprétée comme
étant l’action potentielle que le locuteur suggère fortement de faire, ou comme étant
cette action réalisée (on parle plutôt, en ces cas, de sens, terme proche de « direction »,
vers un effet). Mais, ici encore, sa signification est ce qui caractérise l’ensemble des
déterminants qui sont impliqués, à savoir, en ce cas, que tout échantillon de l’opérant
favorise la conduite de l’auditeur qui définit le commandement. L’ordre est renforcé sous
le mode positif, par cette conduite de l’auditeur, et celle-ci l’est sous le mode négatif, par
l’évitement de la punition conséquente au fait de ne pas obtempérer au commandement.
La signification d’un mot n’est donc ni « l’intention » du locuteur, ni « la
compréhension » de l’auditeur (ni, non plus, « l’extension » de celle-ci : l’acte émis) : cela
impliquerait de la subjectivité, de la relativité ou de l’arbitraire dans sa détermination. Le
mot « intention » tourne l’attention vers l’avenir, mais, comme le but, l’intention est
l’affaire d’effets ultérieurs au comportement émis par le locuteur dans le passé. Ces effets
sont dans le milieu, non dans son cerveau ni de surcroît en son esprit ou dans un autre
monde inaccessible. Pour sa part, la compréhension de l’auditeur est l’affaire de ses
réponses appropriées au mot émis et de sa tendance de plus en plus forte à les produire.
Un opérant verbal n’a pas une signification différente selon les locuteurs, ou selon
les auditeurs. Il est modelé dans la culture, par un ensemble d’expériences positives
(contingences de renforcement) « dans lesquelles » nous pouvons découvrir cette
caractéristique. Par contre, cette parole émise a parfois ce qu’on peut appeler différents
« sens », ce dernier terme étant « proche » ici du mot « direction » vers un effet
expliquant le « but » du locuteur, comme lors du mensonge, ou vers les renforcements
dont est affaire la « valeur » qu’il a pour l’auditeur, à cause de sa « force » ou de son type.

70
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

La notion grammaticale qu’est le synonyme peut, elle, être avantageusement


remplacée par le concept du « signe » ayant approximativement les effets d’un autre, sur
les membres d’une même communauté. On peut parler à peu près ainsi de la notion du
résultat de la traduction d’un mot d’une certaine langue dans une autre, en considérant
ici les membres de communautés verbales différentes. Or cela nous amène à noter que
la « signification » d’un mot n’est pas la chose éthérée, parfois appelée « proposition »,
qui serait ce qu’aurait en commun ces comportements verbaux de répertoires différents.
Dans le comportement verbal, une métaphore est une réponse dont l’émission
est rendue probable par un stimulus similaire à celui qui est son facteur d’émission. Elle
apparaît en raison de la ressemblance des stimuli, non par transfert d’une situation à une
autre. Le processus qui est impliqué ici est appelé, techniquement, « la généralisation ».
Pour sa part, ce qu’on appelle communément la vérité d’une description est le
caractère approprié du comportement verbal émis pour agir à la place de ce qui est à
décrire. Ce n’est donc pas, par exemple, l’adequatio rei et intellectus, la conformité de
« l’esprit » à ses lois, l’accord spontané des « esprits » sur ce que les faits objectifs
vérifient, « l’accord avec soi comme identification primitive à la vérité et comme source
de tout mouvement de communication sur le fond d’un jeu de langage transcendantal »,
ni même l’utilité, qui ferait qu’un mensonge pourrait être vrai. Cette vérité n’est pas non
plus « celle » d’un corpus de règles, comme la mécanique classique, qui est « vrai » au
sens de « le plus utile possible » en son domaine En passant, notons qu’une tautologie
peut être appelée une « vérité absolue », ce dernier terme servant à écarter la suggestion
de l’existence d’une relativité à une chose (ici la « valeur de vérité » de ses propositions
constitutives), non pas à identifier une nature (ici celle de ces règles ou de leur corpus).
On peut dire une telle chose du mot « absolu » associé à une quelconque autre entité. Et
un objet (incluant une description émise) peut être dit « vrai » par opposition à « fictif ».
Un objet fictif est une chose dont l’existence n’est que l’affaire de mots (stimuli
discriminatifs verbaux), contrairement à un objet abstrait, à une propriété physique, à un
concept, par exemple, dont l’existence dépend aussi de celle de stimuli qui les exercent,
dans l’environnement. La réalité, elle, est constituée par ce qui existe indépendamment
des réponses qu’on lui donne. En un sens particulier, qui explicite une « intuition »
certaine, elle est ce sur quoi porte la connaissance constituée de comportements
(opérants). Ici la réalité établit les expériences positives (contingences de renforcement).
On entend souvent dire que la vérité est relative. Elle dépendrait du point de vue
d’un sujet sur une chose. Et elle souffrirait ainsi soit de subjectivité, soit du manque de
détermination que lui apporterait son supplément dans « l’omniscience d’un être infini »,
soit de ne pas être la connaissance de « la chose en soi, manifestée par les phénomènes ».
La description « le bateau se déplace vers la gauche de la rivière » qui est produite
d’une des rives et la description « le bateau se déplace vers la droite » qui l’est de la rive

71
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

opposée sont des réponses émises, communément. Leur « vérité » tient non pas au
« point de vue », différent, des observateurs sur le même objet, mais au fait qu’elles sont
appropriées pour agir à la place d’objets différents, à savoir ce qui y arrive aux locuteurs
ou, dit autrement, les événements différents à y décrire. La « vérité » des descriptions
« l’aliment est bon au goût » et « l’aliment ne l’est pas » émises par deux sujets tient à
l’objet, dans le fait qu’il est respectivement un renforcement positif (ici un stimulus en
tant qu’agent de renforcement sous le mode positif) et un renforcement négatif (ici un
stimulus « aversif », un stimulus en tant qu’agent de renforcement sous le mode négatif).
On peut dire que toutes ces réponses, en tant qu’opérants, sont relatives à (en
relation mutuelle avec) leurs circonstances d’émission et conséquences qui renforcent.
Leur vérité (caractère approprié), elle, n’est relative qu’au fait que la part de
l’environnement à décrire exerce le rôle de facteur d’émission de cette règle-là. Celle-ci
est totalement déterminée, et son rôle est conditionné par le renforcement qui la définit.
Cela étant dit, comprenons que, par exemple, la description « l’objet est troué »
produite dans une situation impliquant un instrument de grossissement très puissant est
la réponse commune généralisée à des conditions d’émission inhabituelles. Sa « valeur de
vérité » n’est pas à opposer à « celle » de la réponse « l’objet n’est pas troué » émise
communément. Pour leurs parts, les lois « la probabilité d’obtenir pile en lançant la pièce
de monnaie est un demi » produite en relation avec des jets habituels et « la probabilité
d’obtenir pile en lançant la pièce est approximativement l’unité » produite en fonction de
situations de jets finement contrôlés sont des constructions, établies pour diriger des
réponses appropriées à des objets bien différents (ensembles d’expériences différentes).
Au sujet du mot « fait », disons qu’il peut sembler décrire un « référent » de ces
descriptions, à savoir un événement, alors qu’il suggère la vérité par opposition à l’erreur.
Dans un autre domaine d’idées, relatives à la vérité, notons qu’un homme qui
donne une réponse descriptive directement à ce qui est à décrire a généralement une
« motivation » et une « force » plus grandes à soutenir ce qu’il dit qu’un autre qui émet
une description de la même classe après une information reçue d’une source susceptible
d’avoir subi des influences subjectives. Les comportements dirigés par des règles et ceux
déterminés directement par l’ensemble des déterminants sont aux extrêmes entre les
conduites dites « mixtes », émises à différents niveaux de « motivation » et de « force ».
La croyance qui est opposée à la vérité par certains penseurs l’est comme la
subjectivité à l’objectivité. La connaissance est subjective au sens trivial d’être produite
par un sujet. Mais l’environnement qui détermine cette connaissance est extérieur à ce
sujet. L’objectivité différencie le comportement dirigé par des règles et celui déterminé
directement par ses déterminants : cette connaissance-là accroît l’environnement des
sujets ainsi que bénéficie de la sélection qu’ils peuvent opérer sur elle. Elle est accrue par
les tests de validité, les preuves, les pratiques ainsi que par la méthode scientifique, qui

72
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

minimisent les influences subjectives. Dans le milieu environnant, un membre de la


communauté verbale est souvent soumis à des ensembles de contingences de
renforcement non analysées. La culture lui en impose des plus objectives en lui
enseignant la vérité, mais cela ne produit toutefois pas des savoirs ayant l’objectivité que
l’on trouve, par exemple, dans le cadre d’une analyse expérimentale ou dans le carcan
logique de la manipulation de règles du premier degré par des règles du degré supérieur.
Au sujet de la foi, disons qu’elle concerne la force d’une conduite résultant d’un
ensemble d’expériences non analysées. Par cette force, le mot « foi » n’a pas le caractère
péjoratif qui est donné au terme « croyance » lorsqu’il est opposé à « vérité », et, par le
caractère « intuitif » de la conduite impliquée, il est distinct de « vérité ». (Notons d’abord
que la foi est opposée à la loi qui dirige un comportement religieux et, ensuite, qu’on dit
souvent que des preuves d’existence des objets de foi nuiraient à celle-ci : elles lui
donneraient des raisons incompatibles avec ce caractère « intuitif », hautement valorisé.)
La découverte des raisons de la conduite rapprocherait « foi » de l’un de ces deux termes.
Enfin, précisons qu’un comportement mixte qui est une classe où chacun de ses
membres est, en partie, dirigé par des règles et, en partie, modelé lors de l’exposition
directe au milieu est différent d’un comportement mixte qui est un répertoire comportant
des opérants dirigés par des règles et ceux-là modelés par les déterminants. En exemple
du comportement mixte satisfaisant à la première description ci-dessus, ce peut être « le
frère de Paul est chauve » qui a pour facteur d’émission à la fois un homme chauve que
le locuteur connaît personnellement et l’information, en provenance d’autrui, qu’il est le
frère de Paul. Comme exemple du comportement mixte satisfaisant à la seconde
description, ce peut être un répertoire de mots techniques qu’un homme a appris sous la
direction de règles et qui sont passés, ensuite, sous le contrôle direct de l’environnement.
(4)
Quelques amusants problèmes relatifs au langage7
Dans cette section, nous présentons quelques grands problèmes philosophiques
qui peuvent être éliminés par une analyse opérante en rapport avec la conduite verbale.
A) Il faut exactement la même matière et la même énergie pour écrire « TABLE »
et « ELBAT ». Or le fait que le premier a une signification et l’autre n’en a pas
nous montre clairement que la signification d’un mot est un être métaphysique.

Ce qu’on appelle communément « la signification d’un mot » n’est


effectivement pas un objet physique (un objet matériel ou une chose comme
un photon, immatériel). Mais il n’y a pas lieu, pour autant, de suggérer qu’il
soit un objet ayant une prétendue « nature » métaphysique. (De son origine
historique jusqu’à nos jours mêmes, le mot « métaphysique » sert à écarter la
suggestion de l’existence de la « nature » physique de certaines choses, non à

73
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

identifier une nature d’un au-delà de notre monde.)8 L’analyse opérante


montre que ce qu’on appelle communément « la signification d’un mot » est
un objet abstrait. C’est une caractéristique du monde, lequel est établi par la
réalité (l’environnement responsable de notre connaissance). C’est une chose
dont l’abstraction est un trait caractéristique du comportement verbal. Elle est
« découverte » quand un ensemble « d’expériences positives » (contingences
de renforcement) en font le « référent » d’un « mot » (comportement verbal).

B) Des phrases comme « Christophe Colomb vint en Amérique en 1492 » et « je


fermerai la porte aussitôt que vous en enverrez le signal » montrent qu’il existe
un continuum où le passé persiste et le futur existe déjà, ou un lieu comme un
monde d’essences, sans quoi elles n’auraient pas vraiment de « signification ».
La première conduite verbale appartient au premier grand groupe mentionné
à la première section. Elle est une description, ici sous le contrôle d’une
information appartenant à une chaine de communications (où les éléments
sont couramment transformés par des synonymes, par des ajouts, par des
ellipses, par des traductions…). Une identification de temps et une désinence
morphémique du passé y sont discriminatifs d’une réponse sous un fait révolu.
La connaissance de celui-ci peut être utile. La seconde appartient au troisième
grand groupe mentionné à la première section. L’analyse à produire ici doit
mentionner, d’une part, que la conduite est contrôlée par les règles « je ferme
la porte » et « vous en envoyez le signal » et, d’autre part, qu’elle est renforcée
par la réaction appropriée de l’auditeur à qui il est précisé de répondre sous la
première règle, qu’elle comporte, dans les conditions décrites par la seconde.
La réponse de l’auditeur y est favorisée par les désinences morphémiques du
futur. Ces règles sont liées par le terme de relation « aussitôt que », terme que
personne n’a produit isolément avant la codification de nos réponses verbales.
C) Bien que Hespérus et Phosphorus soient, tous deux, le corps céleste appelé
« Vénus », l’identité « Hespérus est Phosphorus » apporte une information
manquant à « Vénus est Vénus ». Cela montre que des noms comme
« Hespérus » et « Phosphorus » ont un référent et une signification. Ici le
référent est le même, l’astre appelé « Vénus », mais les significations diffèrent,
comme celles de « L’étoile du matin » et de « L’étoile du soir », respectivement.

Les noms « Hespérus » et « Phosphorus » sont des réponses verbales


différentes, en raison notamment de leur topographie et des circonstances
d’émission qui les déterminent. Mais les deux ont le même facteur d’émission,
Vénus, dans des circonstances qui diffèrent : respectivement celles du matin
(qui est le moment de la journée où son apparition peut être espérée) et celles
du soir (où elle est donnée à la vue comme un objet phosphorescent). La

74
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

première conduite verbale, « Hespérus est Phosphorus », est contrôlée par des
noms différents, mais dans le fait qu’ils ont le même « référent ». La deuxième,
« Vénus est Vénus », peut l’être par des noms émis, dans le fait qu’ils sont de
la même classe. (Mais une évidence, pour clore une conversation, peut avoir
cette forme.) Pour sa part, la conduite verbale « l’étoile du matin » est un
opérant dont le membre agit en lieu et place de l’élément dont on parle parmi
ceux de la classe des étoiles du matin. Le nom propre « L’étoile du matin » est
la conduite précédente passée sous le contrôle strict du corps qu’est Vénus. Et
il est possible de dire une chose semblable du nom propre « L’étoile du soir ».

D) Le mot « coquerelle » suscite du dédain dans certaines cultures et de la


convoitise dans d’autres. De là, ce mot y possède des significations différentes.

Ce qu’on appelle communément « la signification d’un mot » caractérise


l’ensemble des « expériences positives » (contingence de renforcement) qui
déterminent le mot. On peut parler plutôt de « sens » pour caractériser ici
l’ensemble des expériences qui affectent les membres de certaines cultures
seulement, dans leurs réponses renforcées aux échantillons de l’espèce
impliquée, et, en différé, au mot servant à l’identifier (« coquerelle »). La
« valeur » des coquerelles, et de là du mot, est l’affaire de ces renforcements.

E) Un mensonge est une proposition différente de la vérité ayant la même forme.

Un mensonge est la conduite verbale commune, émise dans le « but » d’éviter


une « punition » (au sens large). Cet effet escompté n’est pas le renforcement
qui définit la parole commune : la conduite émise est éteinte par la
communauté dans sa relation aux circonstances de son émission anormale. Le
« but » est ici l’affaire d’effets accidentels qui ont affecté le menteur (qui l’a
émise, anormalement, dans le passé), non des conséquences qui la définissent.

F) Il n’y a pas d’équivalence à considérer entre le nom propre d’un être et un


quelconque faisceau de ses descriptions, du fait que l’ensemble de celles-ci
pourraient valoir pour un autre individu. Cela montre qu’un nom propre a pour
« référent » une chose en soi — non un ensemble d’apparences, changeantes.

Pour un behavioriste radical, le nom d’un être a pour facteur d’émission cet
être. Celui-ci contrôle une description qui gouverne des comportements
renforcés, verbaux ou non, comme il les contrôle par ses propriétés qui sont
les aspects en termes desquels il est décrit. Cet être existe indépendamment
de nos réponses et constitue ces « apparences », dont l’abstraction est un trait
caractéristique du comportement verbal. Les entités abstraites et les concepts

75
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

(incluant ceux du nom propre, de la description et de la classe des êtres) sont


dans le monde. Ils sont rarement bien reproduits dans le cadre d’un corpus
d’équivalences propositionnelles, de définitions, de principes d’existence, etc.

G) Une science du subjectif s’impose, mais comment un sujet pourrait-il la fonder?

Il est vrai que différentes communautés verbales engendrent des types et des
niveaux différents de conscience ou d’attention. De même, les philosophies
orientales, la phénoménologie, la psychologie expérimentale et les discours
sur les affaires donnent assurément lieu à l’observation de sentiments et
d’états d’âme différents. Des paroles comme « the red blood » et « le sang
rouge » sont dans des mondes qui, peut-être, font que leurs penseurs sont
incités à privilégier l’essence par rapport à l’être et réciproquement. Cela dit,
comme l’énonce B. F. Skinner9, un savoir objectif complètement autonome de
l’expérience subjective n’aurait pas plus de rapport avec une science du
comportement qu’une analyse expérimentale de ce que les gens éprouvent
face au feu n’en aurait avec une connaissance scientifique de la combustion.
(Celle-là équivaudrait à une science autonome des communautés verbales!)
Ajoutons ceci : une chose est de décrire, objectivement, un sujet dans sa
propre connaissance; une autre chose est de décrire, ainsi, cette connaissance.

H) La phrase « Œdipe voulait épouser sa mère » est problématique bien qu’elle


soit juste dans sa forme : le sujet ne savait pas que la convoitée était sa mère.

Nous répondons souvent à un membre d’une classe en tant qu’individu. Il peut


donc n’y avoir nul problème à parler d’une mère en tant que femme convoitée.

I) Une phrase comme « l’actuel roi de France est chauve » n’est ni vraie ni fausse.
Il faut considérer une nouvelle colonne dans la table des « valeurs de vérité ».

Cette phrase est un « signe » (stimulus discriminatif verbal) manipulé hors de


tout cadre : non seulement il n’appartient à aucune véritable réponse verbale
émise actuellement, voire dans le passé, mais il ne sert pas à décrire une fiction
donnée, par exemple. Il en va ici de « l’actuel roi de France » un peu comme
du nom « le cercle-carré », à la différence que celui-ci est un stimulus verbal
construit (en termes de concepts incompatibles) dans un cadre où, clairement,
il ne doit pas être considéré comme un signe (un stimulus discriminatif verbal).

J) Il tient au langage, et à lui seul, qu’il n’y ait pas de bleu-rouge. Or que les cerises
bien mures soient rouges tient aussi à cette entité structurée, non aux fruits,
eux-mêmes, ou au fait que ce seraient des « représentations » qui le seraient!

76
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

Selon toutes les apparences et la vraisemblance, c’est un ensemble


d’expériences antérieures (ici contingences de renforcement) qui sont
responsables d’un comportement verbal dans sa topographie et dans le
contrôle que les stimuli exercent sur lui. La structure en question ici apparaît
avoir été produite bien ultérieurement aux conduites verbales. En particulier,
ce qu’on appelle « les lois du langage » et, plus généralement, « les lois de la
pensée » dirigent clairement non pas le comportement des mots, idées, mais
celui des hommes, qui s’y intéressent. Certes, concevoir que nous décrivions
constamment des représentations, publiques ou privées, d’une ou de
plusieurs choses existant indépendamment de nos réponses n’apporte rien à
la compréhension, en plus, au moins pire, de multiplier inutilement les mondes
ou les expériences. Le sujet qui décrirait ces représentations se comporterait
comme un homme, mais dans un au-delà ou sous d’autres expériences. Dans
celui des représentations publiques (« phénomènes »), il transcenderait
l’univers phénoménal, qui serait de la matière dans des formes a priori. Dans
celui des représentations privées, il serait comparable à un homoncule vivant
des expériences personnelles ne pouvant engendrer quelque connaissance
objective que ce soit concernant son hôte dans ses milieux externe et interne.
Avancer que ces constructions n’impliquent rien de différent dans la pratique
ne suggère pas même un avantage. Et au niveau théorique de la comparaison,
de leur classement, etc., elles diffèrent en ce que la première ne peut être
prouvée et que la seconde ne passe pas l’épreuve des faits, l’une et l’autre ne
sont pas les plus simples possibles et ne permettent ni contrôles ni prédictions.
Aucune de ces constructions n’est « vraie » au sens de « la plus utile possible ».

K) Le néant est ce qui n’existe pas. Or ce qui n’existe pas n’existe pas! Donc le
néant n’existe pas et, de là, le mot « néant » n’a pas vraiment une signification!

La « signification » d’un mot comme « néant » est assez bien décrite en disant
qu’il est contrôlé par d’autres mots et renforcé par la réaction d’autrui qui
écarte la suggestion de l’existence opérée par ceux-ci (bien déterminés, sans
nécessairement être explicités dans toutes les circonstances de son émission).

L) Dieu qui embrasse tout est l’Amour. Comment embrasse-t-Il le mal et la haine?

Le nom « l’amour » ne sert pas à identifier un concept, une « essence », ni, de


surcroît, une entité ou une totalité définie par un concept. L’homme répond
verbalement sous des événements (constitués par plus d’un individu en
relation, notamment) en des termes qu’il n’a pas eu l’occasion d’émettre
isolément avant la codification du comportement verbal, grâce à l’alphabet.

77
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

Dans une réponse verbale de la forme « A aime B », ce terme est « aime », qui
donne « naissance » à « amoureusement », à « amoureux » … et à « amour ».
Notons que des amoureux sont des individus qui se renforcent mutuellement.

M) Comment puis-je tirer le « je suis » du « je pense »? Autrement dit, comment


ma conscience dont l’objet est ma pensée peut-elle avoir mon être pour objet?

D’un homme qui dit « je pense » nous disons qu’il est. Mais nous ne faisons
pas cela du robot cartésien d’Asimov : du « je pense » en cause on ne peut
conclure en l’être du robot, qui est fictif. En plus, une telle fiction n’est pas
rationnelle quand elle implique que la « parole » proposée n’est pas un
opérant verbal. Au comble, un simulateur de paroles peut se causer (se rendre
effectif) en ces mots (sons) : je ne pense pas, donc je suis! Bref la règle « je
pense » peut bien être manipulée sans que son présumé locuteur ne soit (ce
qui est le cas d’un défunt par exemple, comme le René Descartes auquel on
accorde à tout le moins le baptême du cogito). De plus, prendre conscience de
penser ne suffit pas à un locuteur pour être conscient qu’il est. Il doit répondre
à lui-même dans le fait d’être — non de penser. La réponse verbale « je suis »,
comme « j’existe », est contrôlée par le locuteur et renforcée par la réaction
de l’auditeur (pouvant être le locuteur, lui-même) à qui il est témoigné que le
terme « je » appartient à une véritable réponse verbale, donnée par un sujet
à lui-même. Or le mot « fait » précédent suggère la vérité par opposition à
l’erreur de l’assertion « je pense »; il ne sert pas à identifier un événement en
cause. La réponse d’un quelconque sujet à lui-même dans l’événement (le fait)
de penser, ou dans celui de croître, de respirer, d’assimiler, bref de vivre, voire
dans la sortie de lui (comme le suggère l’étymologie du mot « exister »), est un
tact — non un autoclitique, comme ce qui est en cause ici. En passant, réalisons
l’inconsistance de la reconstruction de l’univers physique sur la base du
principe d’existence de l’entité « éthérée » que serait la substance pensante
(à la place du Moteur-premier, dont le terme peut suggérer un être physique).

N) La Perfection existe puisqu’une entité qui n’existerait pas ne serait pas parfaite.

Le mot « parfait » sert à identifier une « valeur » — non une « nature », sans
laquelle une chose ne serait pas parfaite. La perfection est l’affaire des plus
grands renforcements escomptés et ceux-ci sont des conditions postérieures
aux réponses à la chose jugée « parfaite », non une condition préalable à elles.

O) L’affirmation « je mens » n’est ni vraie ni fausse, comme les affirmations qui


suivent : « la phrase suivante est vraie » et « la phrase précédente est fausse ».

78
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

La conduite verbale « je mens » est contrôlée par une conduite verbale émise
et renforcée par la réaction d’autrui. C’est un membre de cette classe qui est
vrai, ou faux, selon que la conduite verbale émise (celle qui est son contrôle,
son facteur d’émission) est bien un mensonge, ou une vérité, respectivement.
Or on peut dire cela dans le cas même où la conduite analysée est sous le
contrôle exercé par un « je mens » émis, comme lorsque le locuteur peut
expliciter ses paroles en disant « je mens quand je dis que je mens dans cette
mention de mon âge », par exemple. Les affirmations examinées ici sont des
« signes » (stimuli discriminatifs verbaux) manipulés dans des cadres où ils ne
peuvent être considérés appartenir à de véritables conduites verbales émises.

P) Le « Bois-moi! » inscrit sur une bouteille pleine de liquide est problématique,


bien qu’il n’enfreigne aucune règle syntaxique, grammaticale, ou sémantique.

La réponse verbale « moi » a pour facteur d’émission tout locuteur qui l’émet.
Une bouteille pleine de liquide, ou celui-ci, n’est pas un locuteur. Le « Bois-
moi! » qui est dans le cadre d’une prosopopée ne cause pas de malaise, de ce
qu’il y est admis qu’une telle chose puisse parler. Ce « Bois-moi! » est un
stimulus discriminatif d’un ordre qui a cette forme, celui que peut émettre un
locuteur de façon « métaphorique », sous son « flot » de paroles, par exemple.

Q) La phrase « je suis allé au parc hier, mais je n’y crois point » est problématique.

Une réponse verbale descriptive comme « je suis allé au parc hier » a pour
contrôle un événement que le locuteur, lui-même, a constitué, en relation
avec d’autres objets. La connaissance de cette topographie est subjective au
sens trivial qu’elle est émise par un sujet. Mais l’environnement qui établit
l’ensemble des déterminants de cette conduite commune est extérieur à
l’individu. Cet ensemble est responsable de la « motivation » qui accompagne
son émission et de la « force » que le sujet peut employer pour la défendre.
Un comportement verbal comme « je n’y crois point », lui, est contrôlé par une
règle et est renforcé par une réaction de l’auditeur. Dans le cas considéré ici,
celle-ci est à l’opposé de celle escomptée par un sujet « motivé » à défendre
le caractère approprié de son affirmation, le concernant. Un homme à
personnalités multiples pourrait produire ces deux comportements. Aussi, la
première conduite est à distinguer d’une réponse de même topographie
produite « en écho » d’une autre. Un sujet peut donc émettre le
comportement « échoïque », puis dire, de façon « métonymique », qu’il n’y
croit pas, ne croit pas en la vérité opposée à l’erreur de la description émise
qu’il aurait donnée, à lui-même et au lieu mentionné, mais sans s’en souvenir.

79
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

R) Personne ne sait ce qui différencie le triangle équiangle du triangle équilatéral.

Les noms « le triangle équiangle » et « le triangle équilatéral » servent à


identifier des classes définies par des propriétés différentes de leurs mêmes
éléments. L’ignorance en cause tient à une absence de connaissance réfléchie
de ces mots, non pas à l’inaccessibilité suggérée des objets abstraits impliqués.

S) Comment peut-on prétendre que Pluton n’a plus la nature qu’elle avait avant?

Un concept est un ensemble de propriétés définissant une classe. Il est


découvert « dans l’environnement », quand un ensemble d’expériences
positives (contingences de renforcement) en font le « référent » d’un mot.
Mais des faits nouveaux, liés à des pratiques renforcées, peuvent faire en sorte
qu’on éteigne une classe déterminée pour une nouvelle, davantage adaptée,
définie par un ensemble plus grand de propriétés par exemple. Ce fut le cas à
la suite de la découverte d’un très grand nombre d’objets exerçant le concept
antérieur de la planète. Aussi, des êtres peuvent se révéler ne pas appartenir
à une classe définie (comme les baleines, qui s’avèrent être des mammifères,
non des poissons). Les araignées sont exclues de la classe des insectes définie
par les entomologistes. La construction d’un concept peut même être (incluant
d’une façon bien réfléchie) en des termes vagues, en attente d’un nouveau
cadre d’études, comme c’est le cas avec la famille des humains. Les classes
définies par un concept sont en évolution un peu comme les espèces animales.

T) De ce que la sphère est le solide limité par une surface courbe dont tous les
points sont à égale distance d’un objet intérieur appelé « centre », on peut dire
qu’il n’existe aucune sphère tangible, du fait qu’aucun solide n’a ces propriétés.
Dans le monde sensible, la sphère est « dégradée » par de nombreux accidents.

Sous des propriétés visuelles et tactiles, les hommes ont identifié la sphère
bien avant d’avoir la conscience réfléchie du mot impliqué. Ce mot est
évidemment défini par des renforcements, en relation avec des circonstances
courantes de l’émission du comportement. Un concept, celui de la sphère en
l’occurrence, est un ensemble de propriétés définissant une classe. C’est une
caractéristique importante parmi les propriétés sous lesquelles des réponses
non verbales sont produites. En tant qu’objet abstrait, un concept existe dans
le monde à partir du moment où il est le « référent » d’un mot. Avant, il existait
en tant que les stimuli comme ceux qui l’exercent actuellement. Par la suite,
le mot (stimulus discriminatif verbal) « sphère » a été manipulé dans le cadre
rigoureux de la géométrie. Le nom émis du concept de la sphère peut bien être

80
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

« une idée » (au sens ici de « un mot produit en privé »), mais ce concept est
constitué dans l’environnement et n’existe pas quand aucun objet ne l’exerce.

U) La proposition « la Terre est plate » était rationnellement acceptable il y a trois


mille ans, mais elle n’était pas vraie à cette époque même. La vérité n’est sans
lien à la justification; c’est, plutôt, une propriété, inaliénable, des propositions.

La réponse « la Terre est plate » agirait bien à la place de la Terre si celle-ci


avait la propriété en cause. De nos jours mêmes, des membres de cette classe
opérante peuvent sembler être vrais, parfois. Cependant, leur opérant, lui, est
sélectionné, dans l’histoire de la culture, et il ne survit pas longtemps. Pour sa
part, une hypothèse d’un corpus de règles est confirmée par la mise à
l’épreuve factuelle de déductions faites dans son cadre logique. Un tel corpus
est dit « vrai » au sens de « le plus utile possible ». Une hypothèse est donc à
distinguer de la description qui lui correspond. De son côté, cette conduite,
descriptive, est souvent émise sans grande conscience. Elle peut être produite
de façon consciente : c’est le cas lorsqu’on lui répond. Mais elle devient
rationnelle quand on décrit l’ensemble des déterminants de la classe. Nous
pouvons dire cela de la réponse verbale descriptive « c’est une vérité ».
Ajoutons que « la Terre est plate » n’est pas une forme propositionnelle qui
serait une proposition ayant une propriété inaliénable (la vérité ou la fausseté)
lorsque remplie, dans sa variable principale, par notre planète, à un moment
donné. C’est une classe qui est éteinte : ses membres (les « échantillons » de
cet opérant) ne sont jamais appropriés pour agir à la place de la Terre actuelle.

V) Comment parler de l’existence même de la conscience si elle n’est pas définie?

Par exemple, la large classe et des oiseaux et des poissons n’est pas définie car
ses membres n’ont apparemment rien en commun à l’exception d’être des
organismes. Mais on peut dire que cette classe construite existe bien. Le nom
« la conscience » se réfère à une semblable classe. Ses objets sont tous bien
définis, par un ensemble de propriétés. Chacun l’est avant que nous en ayons
une conscience « réfléchie » de la forme d’une règle appelée « sa définition ».

W) L’ensemble de tous les ensembles n’est pas un ensemble, de ce que, devant se


contenir, il serait ainsi un ensemble différent, à se contenir, etc., indéfiniment!

Une réponse verbale comme « tous les ensembles sont dans l’ensemble » est
contrôlée par la règle « les ensembles sont dans l’ensemble » et est renforcée
par la réponse de l’auditeur à qui il est précisé qu’aucun des ensembles en
cause n’est exceptionnel. Tous ces ensembles n’en forment un que lorsqu’ils

81
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

exercent un contrôle sur une réponse. Ils sont antérieurs à eux-mêmes en tant
qu’ensemble. Les trois derniers termes du nom « l’ensemble de tous les
ensembles » ne désignent pas un ensemble ni donc ne représentent un
ensemble représenté en lui-même. En somme, cela justifie que nul ensemble
ne se contient. Par ailleurs, même un ensemble défini par des propriétés,
comme une espèce animale, n’existe pas quand aucun de ses membres
n’existe. Mais si certains ont existé, on peut en parler sous d’autres conditions.

X) L’observation de très nombreux corbeaux, tous noirs, nous incite à induire la


règle « tous les corbeaux sont noirs ». Mais celle-ci pourrait être fausse. Cela
devrait suffire pour comprendre que l’induction ne peut pas être fondée
rationnellement et, aussi, que les connaissances scientifiques, qui sont toutes
à prétention universelle, sont des « croyances » — aucunement des « vérités »!

En l’occurrence, l’objectivité et la subjectivité sont des caractéristiques


respectivement des vérités et des croyances scientifiques. Cela étant dit,
notons qu’une induction est une règle construite, au terme d’un processus du
même nom, pour diriger des comportements appropriés à un ensemble de
contingences. Que les contre-exemples n’en soient que des exceptions
confirme son utilité générale. Elle est à distinguer, à la fois, de la réponse
descriptive dont cette construction « favorise » l’émission et de l’énoncé de la
même forme reconstruit, au terme d’une démonstration tautologique ou à titre
de règle première, dans le cadre logique d’un corpus de règles. Un tel énoncé
ne peut, lui, n’y souffrir d’une quelconque exception. La reconstruction dans
un cadre logique d’une déduction comportementale même ne reproduit que
rarement la conduite d’un scientifique au travail, elle n’est nullement la
découverte des causes d’un phénomène, et l’ignorance de celles-ci ne justifie
pas de réduire le résultat de l’induction, qui dirige nos actes, comme toute loi.

Y) Possiblement tous les corbeaux sont noirs, mais nécessairement tous sont
étendus. Ces deux connaissances sont universelles, mais celle-ci a une nature
différente. Elle est nécessaire : nul corps n’est sans étendue! Donc l’expérience
la suppose et ne peut l’expliquer. Nous avons la conscience réfléchie d’une telle
connaissance d’une façon analytique. Nous découvrons l’étendue, corporelle,
des corbeaux en décomposant le concept du corbeau. Sa couleur n’y est point.

Les réponses verbales « possiblement tous les corbeaux sont noirs » et


« nécessairement tous les corbeaux sont étendus » sont assez bien décrites en
termes de la réponse émise (qui a une topographie caractéristique), du
contrôle qu’exercent, sur le comportement du locuteur, les règles « tous les
corbeaux sont noirs » et « tous les corbeaux sont étendus » respectivement,

82
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

et du renforcement exercé par la réaction escomptée de l’auditeur. Le nom


« la nécessité » se rapporte à elle, non aux conditions préalables. Nous
pouvons dire une telle chose pour des règles comme « naturellement tous les
corbeaux sont pesants », « normalement 2 + 2 = 4 » (ce qui est quand on
compte des corbeaux, non des choses comme certains liquides dans leur
volume10), et « théoriquement 2 + 2 = 4 » (comme avec la réponse numérique
commune reconstruite dans le cadre logique de l’algèbre classique). En bref :
au moins un corps (objet) est nécessaire pour qu’une propriété existe — non
pas l’inverse! La connaissance « tous les corps sont étendus », elle-même, est
une réponse verbale descriptive, partielle, de l’ensemble des propriétés (le
concept) qui définit la classe, ici des corps. Cette connaissance émise est « en
nous », strictement, quand elle n’est produite qu’implicitement. Le concept,
lui, constitué par tout corps, est découvert « dans l’environnement ». Pour sa
part, la connaissance « tous les corbeaux sont noirs » est une construction qui
« favorise » l’émission, entre autres, de la réponse verbale descriptive de la
même topographie, pour parler des corbeaux d’un ensemble qui est véritable.

Z) Peut-être suis-je seul à exister et que, tout compte fait, je rêve depuis toujours!

On a dit que le solipsisme est la doctrine la plus ridicule de toutes et, en même
temps, la plus difficile à écarter. Des propos semblables ont été faits en termes
d’un cerveau dans une cuve et, de façon plus moderne, en ceux d’une
simulation d’un super ordinateur ou d’une « image » dans un Univers
holographique, par exemple. La proposition à notre examen serait contrôlée,
elle, par la règle : je suis seul à exister et, tout compte fait, je rêve depuis
toujours. Elle ne le serait pas par le locuteur, dans un événement bien défini
qui en serait le facteur d’émission. Une telle règle serait renforcée par une
réaction de prise en considération de celle-ci à titre de vérité, par un auditeur.
Mais ce sujet même, en tant qu’auditeur, ne considère pas la vérité de sa règle!
On peut dire que celui-ci n’est pas illogique en remettant tout en doute à
l’exception de sa propre existence, mais que, ce faisant, il est à tout le moins à
l’extrême opposé de la rigueur, en n’incitant pas à écarter la règle qui dirige
son propos. Personnellement, je lis cette proposition; je n’émets pas le dire (la
conduite verbale) dont l’écrit est le « signe », car je dirais plutôt : assurément
que je ne suis pas seul à exister et que, tout compte fait, je ne rêve pas depuis
toujours. En passant : comment un sujet connaîtrait-il ce que signifie « je
rêve » et pourrait-il rêver si tout en était ainsi depuis toujours. On répliquera
que la proposition émise est une « métaphore ». Et elle l’est, de ce qu’elle est
« généralisée » en raison des ressemblances qu’il y a entre le comportement
émis quand on rêve et celui produit lorsqu’on est éveillé. Or ce comportement-
ci est au niveau supérieur de conscience qui permet d’écarter la vraisemblance

83
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

de ce rêve. Et elle n’est jamais généralisée à une situation inexistante ou


inconnue de tous! Enfin on dira ceci : la réalité, qui est responsable de notre
connaissance, nous fera peut-être accéder un jour à un niveau supérieur, où
nous connaîtrons la nature des choses véritables, comme les idées, le bleu, le
beau11, le bien-être, etc. Mais on peut dire que le behaviorisme radical
apparaît d’ores et déjà être à cette position supérieure, celle de la conscience
réfléchie la plus cohérente qui soit. Or on n’y fait pas appel à l’existence d’un
métaphysique monde des « essences » ou à celui d’un aussi métaphysique
esprit qui expliquerait que les hommes parleraient de ces choses, en raison de
réminiscences d’une vie antérieure, d’une révélation divine, d’une Raison, etc.
Conclusion
Les plus anciens objets célestes observés par les astronomes apparaissent primitifs
par rapport à ceux actuels. Les objets de la physique subatomique sont élémentaires
relativement aux corps complexes, qu’ils constituent. De plus, ils sont probablement
comme les flocons de neige en ce que ceux-ci, finement observés, sont différents, les uns
des autres, et qu’ils satisfont à des lois simples, dans l’existence de leur propriété
commune d’avoir six branches, et résultent largement du hasard (la rencontre de chaines
indépendantes d’événements), dans l’ensemble du processus. Tous sont difficilement
accessibles, en raison de leur éloignement dans l’espace et le temps ou de leur petitesse.
Le comportement verbal est, lui aussi, un objet d’étude difficile. Mais il l’est en
raison de sa complexité, non de son inaccessibilité. Les phénomènes comportementaux
sont parmi les derniers à avoir été produits dans l’Univers, et c’est encore plus le cas du
comportement verbal. Aussi, la science du comportement est récente, moins de cent ans.
À la dernière section du chapitre, nous avons examiné des propos philosophiques
pouvant être écartés par une analyse opérante relative au comportement verbal. Nous
en présentons un dernier : comment notre survie peut-elle être « sensée » si les êtres ne
sont pas tributaires de phénomènes ayant un « sens » conforme au caractère d’une
Parole, d’un Ordre, d’une Loi dirigeant la chose immatérielle qu’est la vie afin qu’elle sorte
du monde des Idées, appelées également « essences », et informe la matière, en soi sans
forme, jusqu’à y former (in-former) les êtres « sensés »? Ici encore, de nombreuses choses
pourraient être dites, mais les suivantes suffiront. La valeur de la survie de l’homme est
l’affaire de renforcements qu’une culture doit établir et maintenir, sinon tant pis pour lui.
Cette considération cruciale ne doit pas être occultée par une interprétation de la vie qui
serait fausse ou qui manquerait de productivité. La vie n’est pas une chose comme une
idée, une essence, une forme, au-delà du monde. C’est le concept qui définit la classe des
êtres vivants. Ce concept est l’ensemble de leurs propriétés communes d’être faits et de
répondre de façons montées dans la phylogenèse. Or ce sont des réponses établies dans
l’ontogenèse dont on peut dire qu’elles ont un sens (signification). Ajoutons que la parole
qu’est l’ordre, ou encore la loi, est définie par la réaction d’un auditeur, non d’une entité
abstraite, et que l’emploi de « sens », pour « direction », sert, subrepticement, le propos.
Le « but » de l’auteur du présent chapitre (ardu en raison de la complexité de son
sujet d’abord et avant tout) a été d’offrir des clés pour accéder au point de vue le plus

84
CHAPITRE IV - LE COMPORTEMENT VERBAL

cohérent qui soit, afin de décrire le comportement d’une façon permettant le contrôle et
la prédiction et, en passant, d’écarter la métaphysique et les diverses fictions explicatives.

1
Ce titre renvoie à l’ouvrage de B. F. Skinner : Verbal behavior, Martino Publishing, Mansfield Centre, CT,
2015. Ce chapitre est la présentation d’un point de vue behavioriste strict sur le comportement verbal. Je
le crois conforme aux travaux postérieurs de Skinner, plus radicaux, quant au rôle joué par les états privés.
2
Pour des recherches expérimentales le confirmant : http://aba-sd.info/documents/cours_aba_vb_1.pdf.
3
Pour une comparaison, voyez L’analyse du comportement et ses applications, un texte d’Olivier Bourgueil.
4
Par exemple, l’identification « Lever le bras. » est à distinguer de l’ordre « Lever le bras! » même quand le
« but » de l’identificateur est que l’auditeur exécute l’acte identifié (l’acte qui définit cet ordre). Ce « but »
et pour ainsi dire le « sens » de l’identification émise sont tributaires d’effets particuliers dans l’expérience
globale de l’individu dont elle résulte à ce moment, alors que le conditionnement et de là la « signification »
de son opérant (l’identification) sont fonction de la conséquence qui le renforce, dans la culture du groupe.
Profitons de l’occasion pour montrer encore que l’analyse du comportement verbal est difficile. Bien que
nous contrôlions aisément, et de façon souvent non réfléchie, les facteurs environnementaux dont est
fonction l’apprentissage d’une parole à acquérir, il est souvent difficile de découvrir ceux qui « libèrent »
ou qui expliquent une réponse émise anormalement, surtout quand le locuteur est anormal ou qu’il est en
apprentissage du non verbal même, comme un enfant. Pour sa part, la compréhension d’une parole émise
est un objet d’étude qui peut donner lieu plus facilement à la découverte de lois, relatives à la seule forme
parfois, quand les phrases impliquées ne sont pas comme « le boucher regarde le coiffeur quand il prend
son déjeuner ». Non seulement celle-ci est complexe, mais elle appartient à une description dont un des
contrôles, un individu qui déjeune, peut être un boucher, un coiffeur ou un quelconque être non explicité
ici. Cette analyse est encore plus difficile quand on cherche les éventuelles implications de « l’inné » dans
le processus en cause (et, de surcroît, ce qui tient à lui dans le fonctionnement du système nerveux). Ici
notons uniquement ceci. Premièrement, un répondant (comme la baisse des paupières sous un jet d’air)
qui est « déclenché » par un stimulus conditionnel (un stimulus verbal, par exemple) est à distinguer d’un
acte « volontaire » similaire dont l’émission est « favorisée » (elle pourrait être « défavorisée ») par un
stimulus discriminatif de la forme de ce stimulus conditionnel. Ce comportement-ci peut être à différencier,
lui, de la réponse (de la même classe) qui est « contrôlée » par le comportement verbal auquel appartient
ce stimulus discriminatif verbal. Deuxièmement, l’existence d’un comportement (répondant ou opérant)
dans le répertoire d’un organisme est tributaire d’une partie de l’exposition de celui-ci à l’environnement,
en tant que membre d’une espèce et en tant qu’individu, alors que le comportement émis résulte de
l’organisme tel qu’il est au moment où il agit et est fonction de son exposition globale au milieu environnant.
5
Pour un examen des notions que sont l’objet et la conscience, consultez le chapitre L’objet et la conscience.
6
La caractéristique est donc à différencier de l’ensemble des propriétés qui définit l’opérant verbal (à savoir
celui qu’a tout membre de cette classe d’être interrelié aux circonstances d’émission de la conduite et aux
conséquences qui la renforcent) et de la caractéristique de l’autre ensemble de déterminants qu’est le
contrôle que cette parole émise, par le locuteur, exerce sur la réponse renforcée produite par son auditeur.
7
De nombreux autres sont examinés dans notre ouvrage principal, mentionné dans la bibliographie du livre.
8
Échapper présentement à la physique n’est pas être hors de la présente portée de la science, dont est
l’analyse opérante. Il serait intéressant de classer les constructions philosophiques. Le classement le plus
important serait un ordre qui permettrait de dégager leur totale compréhensibilité ou non, leurs cohérence,
rationalité, susceptibilités de passer l’épreuve des faits, d’être satisfaisante, globale, la plus simple qui soit.
9
B. F. Skinner, pour une science du comportement : le behaviorisme, traduit de l’anglais par F. Parot,
Delachaux & Niestlé, Neuchatel, Paris, conseillers scientifiques P. Mounoud et J.-P. Bronckart, 1974, p. 224.
10
On peut penser aussi au mélange de choses comme de l’eau et du sable, du sable à gros grains et du sable
à petits grains, au coût global d’objets, moins grand quand achetés en masse plutôt qu’en petites quantités.
11
L’objet de l’esthétique est l’affaire des renforcements directs des réponses sensorielles (et indirectement,
des conduites, préalables, qui les favorisent), par-delà les propriétés physiques de ce qui est beau (à la vue,
à l’ouïe, au toucher) et bon (au goût et à l’odorat) pour un individu. Voir Tous les grands problèmes
philosophiques sous l’éclairage de la science des contingences de renforcement entrée no 4124 par exemple.

85
CHAPITRE V
LA DÉPRESSION

Depuis plusieurs années déjà, je m’intéresse au behaviorisme (en


rapport avec les problèmes humains, plus particulièrement). Or récemment,
mon attention a été attirée par un dossier au sujet fort préoccupant :
L’épidémie contemporaine des dépressions psychologiques.1 Alors que je
m’apprêtais à en prendre connaissance, M. Philippe Thiriart, son auteur, m’a
mis au défi de répondre à cette grande question : croyez-vous qu’il soit
possible d’étudier cette problématique d’un point de vue behavioriste strict?
Comme on l’a dit, le behaviorisme strict (radical) est la philosophie de
la part récente de la biologie qu’est l’analyse expérimentale du
comportement, appelée également « analyse opérante » et « science des
contingences de renforcement ».2 Peut-être les lecteurs ont-ils découvert ici
l’existence de cette science, de sa technique et de sa position théorique,
plutôt méconnues, particulièrement dans le monde francophone. Or c’est
encore sous cet éclairage que nous examinerons (1) ce qu’est la dépression
et ce qui l’occasionne, (2) ce qui peut être fait à l’encontre d’elle au niveau
individuel et (3) les possibilités d’intervenir au niveau collectif. À la fin, nous
proposerons (4) une explication du problème identifié ci-dessus en un terme
médical (« épidémie ») qui suggère une conception remise ainsi en question.
Je souligne que le présent travail est l’expression d’un point de vue
scientifique, dans le but d’établir la connaissance recherchée. Or pour la
description de la science qui éclaire ce point de vue, les lecteurs peuvent
consulter les ouvrages de B. F. Skinner, dont ceux mentionnés dans ce livre,
ainsi que l’ouvrage intitulé The behavior of organisms (Coplay Publishing
Group, Acton, Massachusetts 01720, 457 p., 1938). Celui-ci est un sommaire,
élaboré et scolaire, de dix ans de recherches universitaires du scientifique de
renom. En passant, notons qu’il était impossible ici de ne faire même qu’un
survol un tant soit peu pertinent de cet imposant ouvrage. Ajoutons que B.
F. Skinner a été classé parmi les cent plus grands penseurs de l’Histoire, en
compagnie entre autres de Copernic, de Newton, de Darwin et de Pavlov, et
qu’il est considéré être l’un des hommes de science du XXe siècle les plus
influents, selon le Larousse et Wikipédia, entre autres sources de références.

87
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

(1)
LA NATURE DE LA DÉPRESSION ET SES « CAUSES »
Pour un behavioriste radical, tout comportement émis (un « réflexe »
ou un acte « volontaire », qu’il soit privé ou public, implicite ou explicite)
résulte de l’organisme tel qu’il est au moment où il agit, l’état de celui-ci
étant le produit de son antérieure exposition environnementale, en tant que
membre d’une espèce et en tant qu’individu. Or cela explique entre autres
choses la différence des conduites des organismes dans une même situation.
Dans ce cadre, le mot « dépression » renvoie à un état biologique qui
est descriptible en ne faisant appel ni à la physique des objets matériels, ni à
une inaccessible métaphysique des objets de l’esprit, ni, présentement, à
l’anatomie et à la physiologie. Il l’est en termes du produit de l’antérieure
exposition du déprimé à l’environnement, qui engendre la dépression, à
savoir l’abaissement de la probabilité d’émission et de la « force »3 de ses
comportements. Cette dépression peut certes occasionner des choses aussi
graves que le suicide4, celui où l’individu se laisse mourir et l’autre, où il fait
un acte « volontaire » mettant fin à sa vie. Cet acte-ci apparaît être celui qui
est devenu le plus probable, dans son répertoire, parmi les conduites
susceptibles d’apporter des plaisirs (agents du renforcement positif) et
d’éliminer ses tourments (stimuli aversifs), ne semblant pouvoir être réduits.
Cela étant dit, il est alors facile de réaliser que les comportements d’un
déprimé, ainsi que ses attitudes négatives, résultent de lui, non d’un
sentiment de mal-être. Il en va un peu comme pour les effets indigestes
d’une pomme verte, qui sont « causés » par celle-ci, non par sa couleur :
celle-ci n’est qu’indicatrice du caractère du fruit de cette catégorie (tout
étant constant par ailleurs). Autrement dit, un sentiment ou une émotion
n’est pas la « cause » d’une partie de l’histoire ultérieure d’un organisme; il
est « l’effet » de son histoire antérieure. Les membres de la communauté
peuvent arriver à découvrir cet état privé, par ses manifestations publiques.
Nous pouvons dire quelque chose de semblable à propos du
comportement verbal du déprimé, public ou privé (ses « pensées »). Pour un
behavioriste radical, ce comportement est fonction d’événements
observables directement. Certes, un mot émis peut rappeler de mauvais
« souvenirs » et l’état d’un individu qui rumine ou ressasse des événements
est nuisible, mais pour s’occuper de cela, il vaut mieux aller directement aux
« causes », sans recourir à des concepts mentalistes, comme mentionné

88
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

précédemment. Quoi qu’il en soit, les procédures « périphériques », sont


insuffisantes, du dire même de spécialistes impliqués ici et des observateurs.
Bref il y a un lien entre les émotions, les pensées et le comportement,
mais le changement de ce qui est ressenti et/ou pensé et celui de la conduite
ont une seule et même cause, qui est à chercher dans le milieu environnant.
Au sujet des désordres médicaux accompagnant parfois la dépression
(comme les maux d’estomac ou l’ulcère qu’un médecin peut avoir à soigner
durant la période dépressive, à l’aide de produits pharmaceutiques), disons
que, pour un behavioriste strict, ils sont tous « somatiques », non
« psychologiques ». Chacun est « causé » par des parties du corps du
déprimé, telles que des glandes ou des tissus mous, qui répondent de façon
chronique dans les conditions qui engendrent l’état ressenti (la dépression).5
(2)
LE TRAITEMENT DE LA DÉPRESSION AU NIVEAU INDIVIDUEL
En rapport avec l’idée d’un traitement du problème, ici au niveau
individuel, demandons-nous ce qui suit : peut-on apprendre à être heureux?
Pour un behavioriste radical, tout état ressenti par un homme en tant
que bien-être est un sous-produit de son exposition antérieure à
l’environnement, en tant que membre d’une espèce et en tant qu’individu.
De là on peut dire, d’une façon métaphorique, que le bonheur n’est pas inné.
Réalisons que les conduites qui apportent le bonheur peuvent, elles,
être apprises, au cours de la vie personnelle. Il est question des
comportements renforcés sous le mode positif6 (par la récompense, comme
on dit communément) ou sous le mode négatif7 (par la disparition ou par la
diminution de la punition, au sens commun, qui est assez large8). Et la beauté
de la chose est que nul besoin n’est nécessité de tourner l’attention du
« patient » vers son passé, qui est bien sûr inaccessible directement, ou vers
de prétendues choses à l’existence suspecte, voire clairement imaginaires.
Ce que l’on recherche, dans les faits, ce sont les présentes conditions
environnementales des conduites à acquérir, pour les établir et pour les
maintenir, dans le milieu externe, à la place des « réactions » inappropriées.
Pour cela donc, un comportementaliste, qui est concentré sur le
présent environnement, afin de modifier les conditions des comportements,
est susceptible d’être beaucoup plus efficace9 qu’un intervenant qui dirige
presque toute l’attention vers l’univers privé ressenti par le sujet, ou vers des
phénomènes encore moins accessibles, ou, pire, vers des objets inexistants.

89
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

Ainsi, le spécialiste qui découvre que la dépression d’un homme est


occasionnée par son comportement inefficace dans son nouveau milieu
(pour des détails, voir le texte de B. F. Skinner reproduit plus loin) peut l’aider
à entreprendre un stage d’appoint, pour s’adapter à son nouvel
environnement, à trouver un encadrement dans lequel ses comportements
seront généralement renforcés, voire à chercher un autre emploi, quand les
conditions de sa dépression ne peuvent pas y être adéquatement changées.
En présence d’un divorcé, il pourra d’abord l’amener à une fine
conscience réfléchie des moments de sa semaine où son mal-être est le plus
grand, puis à faire, à ces moments, des activités physiques ou intellectuelles
qui sont incompatibles avec la production des réponses émotionnelles à
éliminer, à enlever de son milieu immédiat d’éventuels objets qui favorisent
inutilement ces réponses émotionnelles ainsi qu’à s’engager dans des
actions « gratifiantes » avec des amis ou avec de toutes nouvelles personnes.
En relation avec un enfant qui déprime à la suite de ses insuccès
scolaires en mathématiques, il conseillera à ses parents de faire appel à une
aide extérieure, comme à un bon élève d’un niveau supérieur, qui lui fera
prendre de l’avance dans cette matière, de sorte à maximiser les conditions
d’apprentissage dans les cours réguliers. Ces parents pourront aisément le
superviser ensuite dans de nouveaux devoirs, des travaux particuliers,
consistant à refaire des exercices solutionnés en classe dans la journée,
lesquels, à la fois, permettront qu’ils se corrigent, immédiatement, et lui
présenteront la bonne démarche à suivre, lorsque ce sera nécessaire.
L’intervenant les incitera aussi à se servir d’une chose appréciée par l’enfant
(par exemple, un jeu électronique, incluant un qu’ils avaient confisqué
antérieurement, en « punition » jusqu’aux éventuels bons résultats
ultérieurs) pour « récompenser » son bon travail quotidien qu’ils contrôlent.
Comme on le voit, toutes ces mesures sont concrètes et concentrées
dans le présent milieu externe, pour le modifier afin d’établir les conduites
appropriées et maintenir les actions escomptées, « fortes « et « motivées ».
Pour un behavioriste radical, les procédures adoptées pour cette
modification (incluant le « développement du moi », celles dites « centrées
sur les processus cognitifs, avec ou sans recherche de modification des
pensées », « l’édification d’un sens vital de soi » et les procédés de « la
thérapie interpersonnelle ») se réalisent par l’aménagement de
l’environnement, en apprenant au déprimé où vivre des « expériences »

90
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

favorables (contingences de renforcement) ou en lui fournissant des


avertissements, des conseils, des règles… qui engendrent un comportement
susceptible d’être renforcé. Notons aussi que les paroles d’un intervenant
n’ont un réel « pouvoir » sur qui que ce soit que par de telles « expériences ».
Ajoutons que les techniques de désensibilisation et de relaxation
musculaire, les procédures axées sur la graduation des tâches, celles
amenant un patient à donner, plus ou moins consciemment, des réponses
incompatibles avec celles qui sont néfastes, et ces autres qui, d’une façon
opposée, lui font acquérir non seulement la conscience des problèmes vécus,
mais aussi la conscience réfléchie de ceux-ci, reçoivent leur pleine
justification dans le cadre cohérent du behaviorisme radical. Contrairement
à ce qu’on suppose parfois, la thérapie comportementale ne consiste pas
exclusivement à établir des « expériences positives », et un behavioriste
radical n’est pas contre les éventuelles améliorations des choses qui
découlent d’une quelconque procédure. Il est uniquement opposé à des
interprétations, à des actions, etc. qui réduisent l’efficacité des intervenants.
*
On ne peut terminer cette section sans noter que, lors de ses actions
visant le concret des choses, un behavioriste radical dissipe, par leur réussite
pratique, des présupposés philosophiques, et qu’il fait souvent acquérir,
même inconsciemment, un discours approprié, en termes d’apprentissages.
Un tel intervenant est radical : il ne fait aucune concession aux fictions
explicatives. Il s’oppose entre autres à celle du développement d’une nature
innée qui serait riche en talents potentiels que l’individu devrait en venir à
maîtriser, pour contribuer au bien commun, et à cette autre, plus récente
mais tout aussi inappropriée, de la croissance personnelle d’un Soi (parfois
défini explicitement comme étant d’une nature virtuelle) que la société
devrait émanciper et protéger tout à la fois, dans les contraintes très
limitatives de la réalité. Ces fictions sont encore bien en vogue de nos jours.
Répétons que sa position cohérente permet d’être sceptique par
rapport à la fois aux choses suspectes dans leur existence, comme les
supposées images mentales, aux facultés imaginaires, comme le
« jugement » (dont on parle à la place des explications en termes de
l’équipement génétique ou de l’histoire personnelle), et aux méthodes telles
que l’introspection, qui est une façon peu fiable de connaître les personnes10.

91
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

(3)
LE TRAITEMENT DE LA DÉPRESSION AU NIVEAU COLLECTIF
Ce traitement est plus difficile à établir, car il implique un changement
plutôt général. Mais nous pouvons en mentionner quatre grands principes11 :
a) utiliser la « récompense », plutôt que la « punition » (le
renforcement plutôt que l’usage des stimuli aversifs ou le retrait de
renforcements positifs) : la première est un instrument de « motivation »,
alors que la seconde génère l’anxiété, la duplicité et même la contre-attaque,
b) faire le moins possible intervenir les renforcements artificiels et
différés (ce qu’est l’argent), car un comportement est mieux défini et
maintenu par des conséquences comportementales qui sont directement
tributaires de notre histoire évolutive (par exemple, le pêcheur qui opère
pour survivre est davantage investi dans son travail que celui qui pêche pour
l’obtention de choses qu’il va, peut-être, échanger, un jour, pour des biens),
c) privilégier le « vécu » des individus, plutôt que les directives
verbales : cela assure d’un comportement d’une plus grande « force » et
« plus enclin » à être répété (la conduite d’un automobiliste qui se dirige vers
un lieu de loisirs dont il connaît le chemin est plus fort, moins accompagné
d’anxiété…, que celle d’un homme conduisant sous des directives verbales),
d) faire en sorte que les renforcements suivent immédiatement les
comportements, car les « récompenses » qui ne sont pas contingentes sont
moins fortes et de moindre importance au niveau biologique que celles qui
le sont (ainsi, une friandise pour renforcer la conduite d’un enfant est plus
efficace si elle suit immédiatement l’action que si elle est donnée quelques
minutes plus tard, et n’a aucun effet si elle n’est pas en relation avec elle).12
Pour arriver à « traiter » la dépression au niveau collectif, il faut bien
sûr une réforme générale, mais celle-ci est loin de devoir passer par
l’établissement d’une communauté expérimentale, telle que Walden 2,13 et,
encore moins, par un changement tributaire d’une révolution politique,
comme dans Walden 3.14 Serait déjà très fonctionnelle une démarche, disons
« Walden 2,5 », consistant à établir et à maintenir le milieu approprié partout
dans la présente communauté où il est facile de le faire (comme dans
l’environnement personnel d’un célibataire, comme dans une famille,
comme dans une école ou comme dans un petit milieu de loisirs ou de
travail).15 Cette démarche pourrait faire intervenir des spécialistes du
comportement. Il serait même possible d’établir une culture (à distinguer

92
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

d’un État) se rapprochant de celle que tous ses membres trouveraient


bonne, car elle apporterait à chacun le maximum de renforcements positifs
et le minimum de renforcements négatifs, sur tous les plans et à long terme.
(4)
« L’ÉPIDÉMIE CONTEMPORAINE DE LA DÉPRESSION »
Dans cette dernière partie, nous allons tenter d’expliquer, comme
annoncé déjà, ce qui a été appelé « l’épidémie contemporaine de la
dépression » dans le dossier de M. P. Thiriart, mentionné dans l’introduction.
Nous allons procéder en trois étapes : en donnant, en A, un exemple
de formulations explicatives, behavioristes radicales, de la dépression (ce qui
permettra, à la fois, de résumer un peu tout ce qui précède et de donner une
base pour la proposition qui est en fin du présent chapitre), en B, un exemple
de formulations énumératives, correspondant au dossier de M. Thiriart, et,
en C, une traduction explicative du « point de vue » impliqué par ce dossier.

A) UN EXEMPLE DE FORMULATIONS BEHAVIORISTES RADICALES


Dans son ouvrage intitulé Par-delà la liberté et la dignité16, B. F.
Skinner, le chef de file du behavioriste radical, présente une courte série de
traductions objectives de descriptions traditionnelles qui sont relatives à la
dépression. Ces quelques traductions valent bien plus qu’un traité classique.
Considérons un jeune homme dont l’univers a subitement changé.
Il vient de terminer ses études universitaires, et trouve un emploi, ou doit
entrer au service militaire. La plupart des comportements qu’il a acquis
jusque-là se révèlent inutiles dans son nouveau milieu. Les comportements
qu’il manifeste réellement se laissent décrire comme suit (nous
fournissons entre parenthèses une traduction objective de cette
description traditionnelle) : il manque d’assurance et se sent peu sûr de lui
(son comportement est faible et inapproprié); il est insatisfait et découragé
(il est rarement renforcé, et en conséquence, son comportement subit une
extinction); il est frustré (l’extinction s’accompagne de réactions
émotionnelles); il se sent mal à l’aise et anxieux (son comportement a
fréquemment des conséquences aversives inévitables qui ont des effets
émotionnels); il n’y a rien qu’il ait envie de faire ou dont il tire du plaisir, il
n’a plus le sentiment de créer quoi que ce soit, il a l’impression de mener
une vie sans but, de ne plus rien réaliser (il est rarement renforcé pour avoir
fait quoi que ce soit); il éprouve de la culpabilité ou de la honte (il a
auparavant été puni pour son oisiveté ou ses échecs, qui évoquent
maintenant des réactions émotionnelles); il est déçu ou dégoûté de lui-

93
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

même (il n’est plus renforcé par l’admiration des autres, et l’extinction qui
en résulte a des effets émotionnels); il devient hypocondriaque (il conclut
qu’il est malade) ou névrotique (il s’engage dans diverses formes de fuites
inefficaces); et il éprouve une crise d’identité (il ne reconnaît plus la
personne que jadis il appelait « Moi »). (Livre cité ci-dessus, à la page 179.)

B) UN EXEMPLE DE FORMULATIONS ÉNUMÉRATIVES : LE DOSSIER AU


SUJET DE « L’ÉPIDÉMIE CONTEMPORAINE DE LA DÉPRESSION »
Pour sa part, M. Philippe Thiriart, l’auteur du dossier qui est mentionné
dans notre introduction, parle comme suit, en rapport avec son propre écrit1.
En Occident, de grands changements socio-économiques ont eu lieu
après la deuxième guerre mondiale. La population dans son ensemble a
bénéficié d’une croissance inouïe de la richesse. Plusieurs enfants nés de
parents ouvriers ou paysans ont accédé à une des classes moyennes
prospères. Une scolarisation prolongée a permis à de nombreux jeunes de
faire partie d’une nouvelle classe moyenne, intellectuelle et progressiste,
souvent rémunérée par des organismes qui étaient subventionnés par l’État.
Cette nouvelle classe pensante s’est substituée aux clercs et aux
religieux pour répandre de nouvelles « valeurs psychosociales » dans la
population. Elle a promu la pleine « réalisation de soi », dans la vie
personnelle et lors d’un parcours professionnel toujours mieux rémunéré.
Les aspirations et les exigences des jeunes s’en sont accrues démesurément.
Puis, dans les années 1980, la croissance économique a beaucoup
ralenti. Le pouvoir d’achat des classes moyennes a stagné, tandis que les
aspirations et les exigences de leurs membres sont demeurées élevées.
L’endettement des ménages et des gouvernements s’est accru. Les services
de l’État se sont dégradés en grande partie. Les emplois à la fois de prestige
et bien rémunérés sont alors devenus plus rares. Les jeunes adultes ont été
peu nombreux à pouvoir accéder à des positions confortables, comme des
postes intermédiaires dans les services publics. Plusieurs, mêmes diplômés
universitaires, n’ont eu accès qu’à des emplois subalternes, médiocrement
payés, instables, répétitifs ou stressants (contrairement à ce qui était le cas
un peu avant), alors que leurs aspirations étaient demeurées élevées. Il n’est
pas étonnant que le réel ait démoralisé un assez grand nombre de ces gens.
Toujours selon les recherches de l’auteur du dossier publié par la revue
Le Québec sceptique, les taux de dépressions et de suicides ont été multipliés
par trois ou par quatre en Amérique du Nord. (En passant, notons ceci :

94
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

malgré que les femmes se déclarent « affectées » de dépressions plus


souvent que les hommes et qu’elles fassent davantage de tentatives de
suicide, beaucoup plus de ceux-ci arrivent, effectivement, à s’enlever la vie.)
Le système médical et les compagnies pharmaceutiques font croire
que l’étiquette « dépression neuropsychiatrique » peut s’appliquer aux
déceptions et aux démoralisations éprouvées dans la vie. Ces
démoralisations ne sont-elles pas « normales », compte tenu des grandes
aspirations et exigences que la culture inculque aux jeunes? L’usage très
répandu de médicaments antidépresseurs ne serait-il pas abusif dans ce cas?
M. Thiriart donne quelques sources qui appuient sa description et les
lecteurs intéressés à celles-ci peuvent consulter son dossier1. Pour ma part,
ce qui va m’occuper dans la suite du chapitre est la traduction, en des termes
explicatifs, du plausible point de vue qui me semble impliqué par ce dossier.

C) UNE TRADUCTION EXPLICATIVE DE LA DESCRIPTION DES ÉVÉNEMENTS


En toute vraisemblance, les apparents changements rapides qui sont
décrits précédemment ont eu les conséquences comportementales
(« psychologiques », particulièrement) mentionnées, ci-dessus, dans le texte
de B. F. Skinner, mais, cette fois-ci, à un niveau plus généralisé, plus collectif.
Étant passés d’un milieu plutôt répressif à un relativement permissif
et aisé, des gens, en toute apparence et vraisemblance, se retrouvent
ensuite dans un monde où ils perdent leurs acquis ou du moins doivent
trimer dur, s’endetter, etc., pour les conserver. Dans ce monde, il y a aussi la
dénatalité, l’augmentation de la population par immigration, l’effritement
de la famille… et la diminution de l’encadrement des jeunes, la baisse du
soutien (par les proches parents et par les intervenants des services publics
gratuits) aux divorcés, aux malades et aux autres individus, en détresse, etc.
Or cette description peut être traduite succinctement en termes
techniques de passages rapides d’un système punitif17 à un système de
renforcement18 (plutôt imparfait, non universel, peu planifié à court terme
même, mal géré, etc., dans la communauté), puis de celui-ci à un plus pauvre
que le précédent en renforcements, voire d’un système de punition à un
autre, davantage punitif, avec, toujours, un manque de conditions pour les
comportements renforcés. Selon le point de vue scientifique soutenu ici, ces
systèmes, dans leur changement rapide, seraient les « causes » (conditions)
de ce qui est appelé « l’épidémie de dépressions » d’une manière contestée.

95
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

Quoi qu’il en soit, il est possible de ne pas adhérer à ces dernières idées
sans pour autant devoir délaisser les premières, qui, réalisons-le, sont sans
comparaison avec celles-là au niveau entre autres de l’importance de leurs
objets (la « nature » de la dépression, ce qui l’occasionne, ce qui peut être
fait à l’encontre d’elle aux niveaux individuel et collectif) et de la productivité
qu’il est sensé, cohérent, rationnel et, même, réaliste d’en attendre, en fait.
CONCLUSION
Comme il a été dit, l’environnement social a changé rapidement, avec
la vraisemblable conséquence d’une apparition subite d’un grand nombre de
dépressions « psychologiques ». Or le fait que de la position cohérente
soutenue dans ce travail on puisse contrôler et prédire des événements au
niveau collectif même, non au seul niveau individuel, tend à justifier, d’une
autre façon encore, cette prise de position. Ici l’explication implique une
formulation différente du problème de la dépression. En bref : la formulation
classique est en termes des états du corps, mais ceux-ci sont à considérer
comme étant des « indicateurs » de ce qui ne va pas dans les déterminants
externes, à changer, pour que le comportement, lui-même, soit bien modifié.
1
Thiriart, Philippe. L’épidémie contemporaine des dépressions psychologiques, IN le Québec sceptique, no
85, pp. 44-52, gratuit en cliquant sur l’hyperlien https://www.sceptiques.qc.ca/assets/docs/Qs85p44-52.pdf.
2
Voir pour une science du comportement : le behaviorisme, B. F. Skinner, DELACHAUX & NIESTÉ,
éditeurs, Neuchâtel-Paris, traduit de l’anglais par F. Parot, 1979, 263 p., pour distinguer le behaviorisme
radical de diverses autres positions, comme le structuralisme, le behaviorisme méthodologique et le
cognitivisme, et pour dissiper des critiques sans fondements que, malheureusement, on entend encore parfois.
3
La probabilité d’émission d’un comportement est l’affaire de sa fréquence d’apparition, en certaines
circonstances, et sa « force » est celle de la forme tridimensionnelle (topographie) du « phénomène opérant ».
4
L’idée du suicide est au cœur de la célèbre question « Être ou ne pas être? », laquelle renvoie aux grands
déprimés et, indirectement, aux penseurs qui la considèrent à titre de la question philosophique fondamentale.
Être est ici vivre. Or au sujet de la vie, notons certaines choses qui ne sont pas sans rapport avec l’objet de
ce chapitre. Sans grande conscience, l’homme, comme bien d’autres organismes, se conduit différemment
selon qu’un objet en sa présence bouge (change, se déplace) ou non. Puis il apprend à donner des réponses
différentes à un stimulus dont le mouvement est expliqué par la physique et à un qui l’est en termes de la
biologie. À ce stade, les conduites en question sont sous des caractéristiques publiques des stimuli en cause.
Mais celles-ci manifestent des choses cachées ou moins apparentes, comme des constituants moléculaires —
biologiques (ARN, ADN, protéines, acides gras) ou non — et des structures internes — compartimentées ou
non — ainsi que des phénomènes, tous relevant, pour les uns, de l’histoire astronomique et, pour les autres,
de la phylogenèse ou de l’ontogenèse. Les philosophes de la science ont d’abord cherché ce qu’il y avait de
commun aux différents animaux (mammifères, oiseaux, insectes, reptiles, poissons, etc.). Ils ont découvert
qu’ils avaient, tous, les propriétés relatives au déplacement, à l’assimilation, à la respiration, à la croissance…
et à la reproduction. En étudiant les végétaux et des êtres microscopiques nouvellement observés, ils ont
trouvé des similitudes, avec les animaux, et ont reconstruit, à des fins d’une généralisation utile, le concept
du vivant en termes de propriétés relatives à la métabolisation, à la croissance… et à la reproduction. Puis la
découverte du virus a engendré des confusions, dans le projet scientifique de reconstruire le concept qu’est
la vie. Au sujet de celui-là, disons que sa reproduction est certes un phénomène tributaire du vivant, mais il
importe de distinguer « se reproduire », comme le fait une cellule, de « être reproduit », comme c’est le cas
pour un virus, car on veut dire « vivant » un « serrurier », mais non une « clé » qu’il duplique. Des

96
CHAPITRE V - LA DÉPRESSION

découvertes continuent à complexifier les choses de nos jours, mais elles le font quant à l’explication des
origines des vivants au sens commun, non quant à ce qui les caractérisent. Ajoutons ceci. On a opposé le
mouvant (vivant ou non) à l’immobile. Mais le mot « mouvement » vient de « mouvoir » et celui-ci n’a pas
été émis isolément avant la codification de la réponse verbale à un événement constitué de plusieurs faits, en
relation temporelle, exercés par un mobile et par une position spatiale. Le mot « immobile » sert, lui, à écarter
la suggestion de l’existence d’un mouvement donné. La reconstruction du concept du vivant a évolué. Mais
ce qu’il faut arrêter de considérer, c’est non pas le clivage entre le vivant et l’inerte, mais la reconstruction
du concept qui permettrait d’intégrer, dans le vivant, des objets nouvellement découverts, qui, par contact,
par partage, par union, sont peut-être à l’origine des vivants. Ajoutons que des découvertes comme celles de
parasites qui occasionnent des comportements étranges de la part des mammifères mêmes, en changeant des
sensibilités innées, montrent, elles aussi, la pertinence de considérer des liens entre les concepts de l’être
social (avec ses problèmes, dont est la dépression) et de l’être physique, en passant par celui de l‘être vivant.
5
Le livre suivant est à consulter ici Science and human behavior, B. F. Skinner, The free Press, USA, 449 p.
6
Le renforcement sous le mode positif est le processus par lequel la fréquence d’un comportement est accrue
à la suite de la présentation d’un stimulus. Il est défini par cet effet, sur le comportement. On distingue
généralement deux grandes catégories d’agents du renforcement positif : les agents primaires, qui sont dits
« non conditionnés », comme la nourriture, et les agents secondaires, dits « conditionnés », comme l’argent.
7
Le renforcement sous le mode négatif est le processus par lequel est accrue la fréquence d’apparition d’un
comportement à la suite du retrait ou de la diminution d’un stimulus aversif. Il y a deux grandes catégories
de stimuli « aversifs » : les primaires, comme les punitions corporelles, et les secondaires, comme les blâmes.
8
Le mot « punition » se réfère à une grande classe, comprenant deux types de choses : l’administration d’un
renforcement négatif et le processus de la suppression d’un renforcement positif. La suppression d’un
renforcement positif occasionne la disparition, l’extinction, de la réponse dans le répertoire de l’organisme,
alors que l’administration d’un renforcement négatif ne fait qu’engendrer la cessation plutôt immédiate de la
conduite, laquelle risque d’être produite à nouveau, en des situations non menaçantes, à savoir en des
circonstances où la punition ne semble pas être octroyée. Pour un behavioriste radical, nulle punition n’est
positive : aucune ne fait acquérir une conduite renforcée (sous le mode positif ou sous le mode négatif). La
punition n’est pas le contraire du renforcement et engendre des sous-produits nuisibles, comme l’anxiété, qui
est un état « privé » dans lequel un organisme a souvent des difficultés à faire des apprentissages par exemple.
9
Pour des exemples, très pertinents, voir Les théories behaviorales, modifications correctives du
comportement et behaviorisme,Gérard MALCUIT, Luc GRANGER et Alain LAROCQUE, éd. PUL, 1972.
10
M. Philippe Thiriart, mentionné précédemment dans le chapitre de ce livre, vient de me soumettre le résumé
d’une recherche, récente, qui montre, à nouveau, qu’une personne se connaît souvent très mal, elle-même.
Entre autres choses, on y prouve que la relation est faible entre les déclarations d’intention et les
comportements effectifs une fois que l’individu est en situation : The person and the situation (perspcetives
of social psychology), Lee ROSS & Richard NISBETT, GB, Peter and Martin, Ltd, (1991) 2011, 288 pages.
11
Ces principes sont plus fondamentaux que les lois d’un quelconque droit juridique : ils sont extraits,
expérimentalement, de l’ensemble des expériences positives déterminant directement les conduites que l’on
trouve dans toutes les cultures, incluant celles rudimentaires, proches de ce qu’on appelle « l’état naturel »
(lequel est aussi difficile à considérer dans son existence que la survie d’un homme seul dès la naissance).
Une culture qui est planifiée sous l’éclairage de l’analyse expérimentale du comportement appartient, elle, à
l’utopie d’un par-delà les États, aux problèmes millénaires, basés, non accessoirement, sur un droit politique.
12
Voir, par exemple, Science et comportement humain, B. F. Skinner, 3e édition, traduit de l’anglais par
André et Rose-Marie Gonthier-Werren, préface de Marc Richelle, introduction de A. Dorna, IN Press, 2011.
13
B. F. Skinner. Walden 2 communauté expérimentale, 2e édition, Éditions IN Press en 2012. (Walden 2
communauté expérimentale est un ouvrage de la grande catégorie des fictions, et particulièrement une utopie.)
14
ARDILA, Rubin. Walden trois, traduit du castillan par Raphaël Villatte, son téléchargement est gratuit sur
le site freixa.over-blog/article-22392940.html (Walden trois est de la grande catégorie des textes de fiction).
15
BACON, Jean-Pierre. Tous les grands problèmes philosophiques sous l’éclairage de la science des
contingences de renforcement, la Fondation littéraire Fleur de Lys, Lévis, 2017, 1484 pages, gratuit en PDF.
16
B. F. Skinner, Par-delà la liberté et la dignité, traduction, Éditions Robert Laffont, Paris 6e, 1971, p. 179.
17
Un système punitif est, par exemple, une partie de l’environnement naturel, un dispositif expérimental ou
une communauté verbale qui fait suivre de punitions certaines conduites émises. Il existe sans ces dernières.
18
Un système de renforcement est, par exemple, une partie de l‘environnement naturel, un dispositif
expérimental ou une communauté verbale qui établit des « expériences » comportant des conduites suivies
de renforcements. Tout comme un système punitif, il existe indépendamment de tout effet sur les organismes.

97
GRANDE CONCLUSION
Ce livre est l’exposé d’une nouvelle philosophie, scientifique et globale.
Elle est nouvelle par la façon même de penser qui y est proposée : elle ne
ressemble à aucune des autres propositions, basées, au mieux, sur les
connaissances du XIXe siècle. Cette nouveauté est pleine de promesses. La
physique moderne, elle-même, n’annonce pas ces attentes, d’autant plus
qu’un grand nombre de ses philosophes lorgnent vers la métaphysique, en
raison de l’inaccessibilité de la matière aux échelles des investigations qui les
occupent. Elle est scientifique au sens qu’elle est établie sous l’éclairage de
la part récente de la biologie qu’est l’analyse expérimentale du
comportement. Elle appartient à la théorie de cette science et n’est donc pas
une simple interprétation (herméneutique), comme l’idée de Wegener,
avant la tectonique des plaques, ou comme ce qu’on appelle à tort la théorie
de l’évolution. Elle est globale du fait que le comportement est ce à quoi
nous renvoient l’examen des mythes, des religions, de la théologie et de la
métaphysique même, l’épistémologie, les philosophies de la logique, des
mathématiques, des sciences pures, de la biologie et de la médecine, les
sciences humaines et les sciences sociales, les discours au sujet des
techniques et de l’intelligence artificielle, l’éthique, etc. L’histoire également
est l’affaire de comportements et la philosophie de l’histoire nous y renvoie.
*
L’Histoire est certes constituée de nombreux événements singuliers et
évanescents. Heureusement, beaucoup d’autres, comme le passage d’une
comète dans le ciel et même un comportement produit par des organismes,
appartiennent à des classes définies par des propriétés et satisfont à des lois
permettant la prédiction et le contrôle de similaires phénomènes ultérieurs.
On peut dire que l’Histoire est l’ensemble des événements, passés
principalement. Il est possible d’en parler en termes universels. Mais du fait
que nous pouvons considérer les phénomènes historiques en tant que les
stimuli qui les constituent, sa description peut se faire également en termes
particuliers, individuels, singuliers. Précisons que c’est en tant que stimuli
que les événements auxquels personne ne répond ni n’a répondu sont dits
appartenir à l’Histoire. Mais celle-ci n’est pas réductible à ces stimuli. En

99
GRANDE CONCLUSION

passant, disons que l’histoire n’est ni un type de logique de l’Histoire, ni une


sorte de physique de l’Univers, ni, non plus, un genre de biologie du Monde.
Ce sont des êtres animés et des corps inanimés qui constituent les
objets abstraits que sont les événements. Plusieurs appartiennent aux
classes suivantes : la cause physique, l’effet physique, l’agent provocateur
d’un « réflexe » (répondant), le stimulus conditionnel de celui-ci, le facteur
d’émission d’un acte « volontaire » (contrôle d’un opérant), l’agent du
renforcement positif (le stimulus qui définit un opérant, directement ou en
renforçant une séquence dont il fait partie), l’agent du renforcement négatif
(qui renforce une réponse opérante lorsqu’il est écarté ou diminué), le
stimulus aversif (qui éteint l’opérant), le stimulus discriminatif d’un agent du
renforcement positif, celui d’un agent du renforcement négatif et le contrôle
différé (ces trois derniers « favorisant » l’émission d’un opérant).
Globalement, les événements constitués par ces êtres animés et/ou objets
inanimés sont des membres des classes que sont le phénomène physique, le
processus physique, le répondant (conditionné ou inconditionné), l’opérant,
le processus opérant, etc. Toutes ces classes sont définies en des termes
scientifiques, et, pour les dernières, en ne faisant appel ni à la matière ni à
l’esprit. À cette liste, on pourrait ajouter « le phénomène évolutif », si on
découvrait un mécanisme (peut-être comparable au conditionnement
opérant mais effectif en un temps plus long) par lequel le milieu causerait le
changement des descendants dans les propriétés qui définissent leur espèce,
et, en marge, la rencontre fortuite de chaines indépendantes d’événements.
L’Histoire se révèle avoir trois mécanismes : celui de la causalité
physique, spontanée, partout dans l’espace et le temps vraisemblablement,
le mécanisme de la sélection naturelle, qui implique, en apparence du moins,
une simple effectivité, agissant à l’échelle de l’histoire des espèces des êtres
vivants, et celui du conditionnement opérant, impliquant un effet (une
conséquence) qui définit la « cause » de l’émission de tout membre de la
classe opérante, conditionnée dans l’histoire personnelle des organismes. Ce
dernier « moteur » semble issu de l’histoire évolutive, cet avant-dernier de
l’histoire universelle, et chacun des trois fonctionnent dans l’Univers, où se
font constamment des rencontres de chaines indépendantes d’événements.

100
GRANDE CONCLUSION

Pour le philosophe de l’analyse expérimentale du comportement, tous


les événements sont constitués par ce qui existe au moment où ils se
produisent – non, certes, par ce qui n’existe pas alors. Ils sont susceptibles
d’être des objets d’études scientifiques par le moyen de représentations
appropriées, en étant subsumés sous des classes définies par des propriétés,
physiques, opérantes, etc., puis expliqués en raison de la connaissance de
celles-ci ou de l’observation de cas ayant de semblables propriétés, ou en
appartenant à une connaissance construite à partir de traces, d’indices, etc.
(c’est-à-dire à une « construction qui passe l’épreuve des faits accessibles »).
Le penseur qui cherche à définir l’Histoire essaie de trouver ce qui
caractérise les faits historiques. Or ce ne peut être une chose inaccessible
pour nous (un ou des dieux transcendants, une Idée, l’Esprit, la Cause finale,
L’Élan vital, la Spontanéité, la Volonté inconsciente, l’Autorégulation, une
Force ou Loi de la Nature, par exemple), car nous ne pourrions pas répondre
sous cette caractéristique et, pourtant, nous identifions tous ces faits, sans
grande conscience réfléchie. Ce serait un peu mieux de décrire l’Histoire avec
les mots « progrès » et « décadences », mais la raison et l’objectivité de ces
supposées descriptions manquent souvent ici. L’idée d’une nature
économique, ou politique, de l’histoire humaine appartient, elle, à des
doctrines (opinions, interprétations, etc.), opérant en périphérie. Et on ne
peut pas, non plus, caractériser l’Histoire en termes de successions opposées
à des répétitions, ne serait-ce qu’en raison de l’existence d’une multitude de
phénomènes concomitants, dont, il est vrai, certains appartiennent à des
chaines indépendantes d’événements en toute apparence et vraisemblance.
Soulignons l’importance de différencier la classe des événements
historiques, de laquelle il a été question précédemment, et un certain
ensemble de tels phénomènes, bien déterminés, qui pourrait être circonscrit
dans l’espace et le temps. Il faut distinguer aussi une classe d’événements de
ces événements mêmes. Considérons cette proposition : un événement
répétitif, comme la naissance d’un homme, est d’une autre nature qu’un
événement comme la naissance de l’homme, qui s’est produite une seule
fois dans l’Histoire, ou comme la naissance d’un individu illustre dans notre
histoire, lequel est unique parmi les humains et donc par sa naissance. Ce
propos est en termes d’un même objet abstrait, qui existe, à répétition, par

101
GRANDE CONCLUSION

différents membres de l’espèce humaine qui naissent et, une seule fois, par
le ou les premiers hommes engendrés ou par un individu donné. Et il ne faut
pas plus mettre au même niveau catégorique un objet et une classe de ces
objets quand celle-ci n’en contient qu’un. Un tel dire ne permet en rien de
différencier les objets des historiens et ceux des scientifiques, contrairement
aux prétentions de certains penseurs de l’Histoire. De plus, une connaissance
peut être objective sans être scientifique. La science est l’affaire de
comportements dont l’objectivité est accrue par les tests, les preuves… et la
méthode scientifique, minimisant les influences subjectives. Les documents
historiques diffèrent certes des données scientifiques (résultats de mesures,
d’observations, etc.), mais par leur degré d’objectivité, non par leur nature.
Le processus de l’extinction et le mécanisme du conditionnement expliquent
les évolutions personnelles et culturelles — dues à la disparition accidentelle
de renforcements, à l’affermissement d’actes inconditionnés ou émis
anormalement, à des effets différés qui sont planifiés… Cela dit, les difficultés
à définir l’Histoire n’amènent pas à proposer un système de règles en termes
de conditions métaphysiques, ne serait-ce qu’à titre de préalables « utiles ».
Il suffit simplement ici de réaliser que les faits historiques (les phénomènes,
aléatoires, physiques, comportementaux ou autres) n’ont peut-être en
commun que d’être des objets abstraits (événements, pouvant comprendre
plus d’un stimulus, plus d’une propriété, etc., en relation), auxquels nous
répondons verbalement. Notons que toute durée même est exercée par des
stimuli et que la « temporalité » n’est que l’aspect temporel de ces éléments.
L’histoire humaine comprend, elle, spécifiquement, les phénomènes
qui concernent les hommes (dans leurs histoires évolutive, personnelle et
sociale) et, plus particulièrement, les événements qui sont exercés par les
autres êtres humains, parmi d’autres « objets ». Les notions de progrès et de
décadence chères à certains penseurs de l’histoire peuvent être rapprochées
ici du concept du renforcement et de l’idée de l’extinction de leurs conduites.
Enfin, notons que deux questions semblent permettre de classer les
penseurs de l’Histoire en quatre groupes : « Est-ce que l’Histoire est sensée
(a une signification, ou un sens dans la direction d’un renforcement)? » et
« Est-il possible de décrire certains ensembles d’événements historiques ou,
à tout le moins, de les reconstituer? ». Pour un philosophe de l’analyse

102
GRANDE CONCLUSION

expérimentale du comportement, l’Histoire montre des régularités


permettant d’établir des lois pour contrôler et pour prédire certains de ses
phénomènes, et il est possible aussi d’y faire des descriptions narratives et
des reconstitutions qui sont « vraies » au sens de « les plus utiles possibles
pour diriger des comportements appropriés à de nombreux ensembles
d’expériences ». Toutefois, les événements historiques ne sont pas des
paroles (comportements verbaux) ni ne sont des objets appartenant à des
paroles (comme des écrits), en toute apparence et vraisemblance. Il est donc
insensé d’y chercher ce dont nous parlons avec le mot « signification ». Et il
ne semble ni rationnel (voire cohérent), ni réaliste, ni satisfaisant même de
considérer que l’Histoire s’établisse vers un renforcement, bien déterminé
(comme en éducation) ou non (comme dans le cas de la production d’une
œuvre d’art). De plus, tel qu’il a été dit à la fin du quatrième chapitre, la
survie de l’humanité, notamment, ne peut être un renforcement et de là une
« valeur » pour nous. Si aucune culture ne relève le défi de notre survie, ce
sera tant pis pour notre espèce, dont tous les membres disparaîtront en un
temps extrêmement plus court assurément que les dinosaures, par exemple.
Par comparaison, considérer les propos suivants, au sujet de l’histoire
(pour une autre liste, voyez : https://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophie_de_l%27histoire).
A) L’histoire universelle se déroule selon le plan divin et l’histoire
humaine est le déroulement temporel débutant avec la perte de
l’éternité, par nos deux premiers parents, et se terminant avec la « fin
des temps », quand l’Homme recouvre sa bienheureuse vie éternelle.
B) L’histoire est dans la nature, mais la nature ne peut être considérée
hors de l’histoire. Un point de vue transcendant est nécessaire. En
effet, il y a des événements qui relèvent de Dieu car ils ne résultent ni
de lois universelles, ni d’actes libres, ni de hasards (n’expliquant rien).
C) Les idées du bien et du mal, qui sont aux limites éternelles de l’éthique
ou à tout le moins de la morale, constituent « l’essence » de l’Histoire.
Le Mal est un instrument divin de création historique, comme le Bien.
C’est la communion avec le Dieu unique et véritable, approchée par
les relations primitives, qui non seulement donne la solution au
problème de la signification de l’Histoire, mais, également, permet de
surmonter la discorde et inspire l’idéal efficace et décisif de conduite.

103
GRANDE CONCLUSION

D) C’est du point de vue éthique, plus qu’intellectuel et esthétique, que


l’histoire humaine peut être synthétisée avec une vue d’ensemble qui,
seule, permet d’étudier les détails, d’une manière assez satisfaisante.
E) La signification de l’histoire est liée aux valeurs ou à d’incontournables
normes et étalons idéaux qui transcendent les différents phénomènes.
F) Si la philosophie de l’histoire n’est pas « idéaliste », elle est naturaliste.
G) L’histoire est la philosophie, la sagesse, qui enseigne par les exemples.
Elle est au centre du projet philosophique de la totalisation du savoir.
Les hommes peuvent écrire leur histoire sans référence à des religions.
H) La loyauté, l’amitié pour le prochain, le sacrifice de soi sont les
éléments immuables de la nature de l’homme, et donc de son histoire.
I) La souffrance éduque les hommes sur « la voie » de l’histoire humaine.
J) La lutte pour la vie est l’état naturel des relations humaines et sociales.
K) Le sens de l’histoire se définit par l’évolution des conflits au fil du
temps. Les civilisations croissent et meurent selon un « cycle naturel ».
L) Le fil directeur de l’Histoire est l’inscription progressive de la Raison
dans les institutions, grâce à la transmission du savoir d’une
génération à l’autre. Son moteur repose sur l’insociable sociabilité
humaine, à savoir le choc entre notre sociabilité et notre insociabilité.
M) L’histoire est le processus par lequel l’esprit se découvre. Le rôle du
philosophe est de faire émerger, dans la réalité, une structure qui soit
l’incarnation de l’idée absolue, à savoir l’État-providence, la forme
suprême de l’existence, le produit final de l’humanité, la réalité de la
liberté concrète, le rationnel en soi et pour soi, le résultat divinisé qui
garantit à la fois la cohésion sociale et l’intérêt général. L’histoire est
une marche, un vaste processus spirituel qui engendre la raison faisant
passer dans l’immanence ce qui était transféré dans la transcendance.
N) La philosophie de l’histoire consiste à montrer les relations que les
faits, objets, phénomènes, événements des divers types ont entre eux.
Le moteur de l’histoire humaine est la rationalisation de la vie sociale.
O) Dès les origines de la civilisation, l’histoire suit un mouvement linéaire
qui est façonné non par l’impulsion du mouvement des idées, mais par
l’évolution des systèmes économiques. Les hommes peuvent et
doivent établir, eux-mêmes, le cours de leur histoire par une pratique

104
GRANDE CONCLUSION

politique réfléchie faisant que le prolétariat s’approprie les moyens de


production, puis modifie les institutions afin de légitimer la révolution.
P) L’histoire n’est pas un progrès linéaire et rationnel, mais un ensemble
d’évolutions dispersées et spécifiques à un grand nombre de peuples.
Q) Les hommes doivent s’adapter à l’industrialisation. Le cours de
l’histoire est déterminé, presque en entier, par l’évolution technique.
Savoir plus, pour pouvoir plus, pour être plus! L’homme devrait utiliser
toutes les techniques possibles, non seulement pour pallier les
déficiences naturelles (rôle dévolu à la médecine), mais aussi pour
transformer sa condition, pour doter les hommes de qualités dont la
nature ne les a pas pourvus, pour « designer » son évolution, voire
pour confier à des algorithmes le soin de penser l’histoire et la diriger.
R) L’histoire n’est qu’un angle, un point de vue, sur la réalité universelle.
S) Le réel ne prend appui sur rien. Une signification peut être attribuée à
un événement du seul fait que les deux se produisent simultanément,
sans quelque relation causale. L’histoire est donc absurde. L’existence
se trouve reléguée dans le hasard, ou du moins dans notre inconscient.
T) Les hommes tirent peu de profit de l’histoire : c’est la leçon principale
qu’elle enseigne. Les événements historiques ne sont que des
« ponts » entre, d’une part, des actes volontaires et des impulsions,
et, d’autre part, des réactions et des événements qui les provoquent.
U) Le domaine propre à l’historien est celui de la psychologie, de
l’ethnologie, de l’anthropologie, de la sociologie, etc. en coordination.
V) Les faits historiques sont des phénomènes et c’est la phénoménologie
qui peut dissiper le dilemme, entre l’immanence et la transcendance.
Elle met entre parenthèses la question de l’existence d’une chose
transcendante ou d’entités immanentes, pour privilégier le hic et nunc.
W) C’est par nous que l’être brut accède à l’existence et à l’histoire : nous
devons opter sans cesse pour notre signification même, car chez l’être
humain seul, l’existence précède l’essence et, donc, tout phénomène.
X) L’instant n’est à proprement parler historique que s’il est pensé à
partir de l’avenir, c’est-à-dire d’une tâche à accomplir, laquelle est
assignée par le passé. Les possibilités historiques du présent ne sont
découvertes que par ceux qui saisissent cette correspondance des
temps, nullement par celui qui se cantonne dans l’ici et le maintenant.

105
GRANDE CONCLUSION

Y) Toute pensée n’a de valeur que dans un contexte historique. Aucune


ne peut appréhender un quelconque prétendu aspect absolu de
l’histoire. L’historicisme repose sur la croyance en le progrès des
sciences, qui assignerait la direction à suivre. Mais il n’existe pas un
critère indiscuté à partir duquel on puisse juger les actions humaines.
Z) La catastrophe environnementale est désormais inévitable, du fait que
la réalité patente, seule, peut rendre les personnes plus raisonnables.
Ces propos sont tous différents et plusieurs sont incompatibles entre
eux. Nous invitons ici le lecteur à les examiner, en l’occurrence de la
présente position, éclairé par l’analyse expérimentale du comportement.
*
Comme nous l’avons remarqué à la fin du quatrième chapitre de ce
livre, le comportement est un objet d’étude difficile, en raison de sa
complexité. Mais il est au moins accessible. L’idéal serait que la
philosophie de l’analyse expérimentale du comportement soit enseignée
en première année de philosophie générale, et dans le cadre de toute
autre étude universitaire. Cela aiderait les élèves à faire des analyses et
des examens critiques des théories et des discours, en leur domaine. Mais
en raison des difficultés en cause, elle devrait au moins l’être en dernière
année d’étude, avec les élèves les plus persévérants et aguerris au travail
difficile. Cela leur permettrait de faire une synthèse critique de leurs
acquis théoriques. Dans l’éventualité de l’absence d’un spécialiste pour
l’enseigner, un chargé de leçons pourrait choisir de courts textes à
étudier, en tirer des questions, superviser des plénières visant à leurs
réponses et voir à une évaluation. Idéalement le tout pourrait être
l’occasion de construire un logiciel d’enseignement programmé, dont un
exemple partiel est décrit par B. F. Skinner dans son ouvrage intitulé La
révolution scientifique de l’enseignement, Dessart & Mardaga, pp. 55-58.
En somme, disons que l’analyse expérimentale du comportement, la
technique qui en découle et sa philosophie semblent indispensables,
aujourd’hui, pour aider à écarter les graves problèmes qui nous affectent
déjà, et, dans l’avenir, pour établir et pour maintenir un monde meilleur.
Quoi qu’il en soit, elles méritent d’être connues et situées, dans l’histoire.

106
AU SUJET DE L'AUTEUR

Jean-Pierre Bacon est né à Montréal, Québec, Canada, en 1953.


Ses années de scolarité l’ont mené à l’obtention du diplôme de
deuxième cycle de la faculté des arts et des sciences de l’Université de
Montréal.
Il a été professeur de physique et de mathématiques au Collège de
Montréal, membre du Conseil de cette institution historique, membre de sa
commission pédagogique et de son comité de mesures d’appui pédagogique
(duquel un livre est issu: Pour être gagnante... techniques de réussite
scolaire, publié aux Éditions Beauchemin, en 1991), responsable de deux
départements... Ajoutons qu’il y a décliné une invitation sérieuse d’y être
directeur.
Il est officiellement à la retraite depuis 1994 et s’est adonné intensé-
ment depuis à la recherche menant au présent ouvrage.
Il a donc de multiples intérêts artistiques et scientifiques.
En d’autres champs, il a œuvré quelques années au niveau du base-
ball mineur, à titre de joueur, puis d’instructeur, il joue présentement au
tennis, en plus de faire du bénévolat en ce domaine, et, récemment, il a été
proche aidant à la maison, puis dans les centres hospitaliers de soins de
longue durée, ce qu’il fut passionnément, en essayant d’apporter du
réconfort et des services à plusieurs autres démunis.

107
COMMUNIQUER AVEC L'AUTEUR

Adresse électronique de l’auteur

bacon.jean-pierre@videotron.ca

Page dédiée à ce livre sur le site web de la


Fondation littéraire Fleur de Lys

http://www.manuscritdepot.com/a.jean-pierre-bacon.2.htm

109
BIBLIOGRAPHIE

B. F. Skinner. L’analyse expérimentale du comportement. Éd. Dessart & Mardaga, 1971.

B. F. Skinner. Pour une science du comportement : le behaviorisme, éd. Delachaux &


Niesle, 1974.

B. F. Skinner. Par‐delà la liberté et la dignité, Coll. Libertés 2000, éd. Hurtubise HMH.

B. F. Skinner. La révolution scientifique de l’enseignement, éd. Dessart & Mardaga, 1969.

B. F. Skinner. Science et comportement humain, Éditions IN Press, 3e édition, 2011.

B. F. Skinner. Verbal behavior, Martino Publishing, Mansfield Center, CT, 2015.

B. F. Skinner, The behavior of organisms, Copley Publishing Group, Acton,


Massachusetts, 01720, 1991.

B. F. Skinner. Walden 2 communauté expérimentale, Éditions IN Press, 2e édition,


préface revisitée par l’auteur en 1976, 2012.

M. Richelle. B. F. Skinner et le péril behavioriste, éd. Pierre Mardaga, 1977.

MALCUIT, G., GRANGER, L. ET LAROCQUE, A. Les thérapies behaviorales, PUL, 1972.

SERON, X. LAMBERT, J‐L. ET VAN DER LINDEN, M. La modification du comportement, éd.


Dessart & Mardaga, no 64, 1977.

B. F. Skinner. Une sélection de citations, Communauté Los Horcones, traduction par


Esteve Freixa i Baqué, téléchargement gratuit, http://esteve.freixa.pagesperso‐
orange.fr/citations_skinner.pdf

Pour la liste des ouvrages de philosophie et de métaphysique ayant servi à l’élaboration


de ce livre, voir la bibliographie du principal ouvrage de l’auteur

BACON, Jean‐Pierre. Tous les grands problèmes philosophiques sous l’éclairage de la


science des contingences de renforcement, la Fondation littéraire Fleur de Lys, Lévis, mai
2017, 1484 p., gratuit en format numérique.

111
INDEX DES MATIÈRES
A
Absence 34, 41, 54, 58
Absolu 13, 19, 24, 51, 52, 61, 71, 104
Abstraction 43, 63, 67, 74, 75
Absurde 105
Achevé 20, 23
Adaptation 17
Agent de renforcement 16, 60, 72, 100
Âme, personne 39, 46, 49, 56, 76
Amour 77, 78
Analyse 15, 17, 19, 37, 40, 42, 43, 45, 57, 64, 73,74, 76, 79, 84, 102, 106
Analyse expérimentale du comportement 15, 19, 27, 31, 35, 38, 47, 59, 64, 65, 73, 76,
87, 96, 99, 101, 102, 106, 111
Anatomie, physiologie, neuroscience 39, 46, 63, 65, 69, 88
Angoisse 53
Animaux 96
Anormal, qui n’a pas une valeur de survie dans l’évolution75, 95
Antiquité 12, 13, 15, 23, 51
Antimatière 28
Anxiété 68, 92, 93, 96
Apparence, aspect : voir concept, contrôle, donnée, forme, image, objet abstrait,
perception, phénomène, représentation ou manifestation, sensation
Apprentissage 42, 64, 96
A priori 23, 77, 82, 83
Arbitraire 52, 70

113
INDEX DES MATIÈRES

Artificiel (terme associé à une problématique qui disparaît quand, bien distingué de « culturel »,
il sert à identifier le fait qu’un comportement émis a une raison qui n’est pas le renforcement
qui définit l’opérant qui est modelé directement par les contingences) 47, 65, 92, 99

Assurance 93
Attention 40, 41, 48, 61, 76, 89
Atomes 17, 23, 29, 32, 50, 84
Au-delà 56, 57, 74, 77,84, 97
Autoclitique 62
Autonomie 38, 46, 49, 53, 54, 58,76
Autorégulation 101

B
Beau 84, 85
Behaviorisme méthodologique 46, 96
Behaviorisme radical 7, 14, 45, 69, 84, 91, 96
Besoin 27, 33, 35, 36, 44
Bien, juste, moral, vertueux, vrai 12, 43, 44, 56, 61, 91,92, 95, 103
Bien-être 56, 84, 89, 103
Big Bang 19, 22
Biologie 15, 54, 57, 59, 87, 88, 92, 96, 99, 100
Bon 11, 39, 55, 56, 60, 72, 84, 85, 89, 93
But 41, 49, 64, 67, 68, 70, 75, 93, 111

C
Ça 39
Causalité 38, 48, 100
Cause 12, 13, 17, 38, 39, 42,47, 48, 51, 53, 69, 78, 88, 89, 95, 100, 101, 120
Cause aléatoire 12

114
INDEX DES MATIÈRES

Cercle vicieux 17, 58


Chaos 12, 13, 58
Choix 41, 49, 53
Chose 13, 64
Chose en soi 71, 75
Chose pour soi 53
Cogito 78
Cognitif 40, 44, 46, 90, 96
Cohérence 12, 14, 17, 19, 23, 24, 29, 30, 34, 46, 50, 96, 103
Commandement, ordre 62, 64, 70
Compétence (notion structuraliste) 43
Complexe, organisé 16, 30, 50, 55, 58, 62, 64, 84
Comportement 16, 19, 22, 25, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50, 59, 60,
63, 64, 65, 66, 67, 68, 72, 73, 83, 84, 85, 88, 89, 92, 96, 102, 111
Comportement échoïque 61, 79
Comportement inconditionné 60, 100
Comportementaliste 89, 92
Compréhension, compréhensibilité 17, 25, 42, 46, 54, 64, 67, 70
Concept 12, 13, 17, 21, 23, 28, 30, 32, 39, 40, 42, 46, 54, 62, 63, 71, 75, 76, 77, 80, 81,
82, 83, 84, 102
Connaissance 11, 12, 23, 30, 35, 36, 38, 44, 45, 46, 50, 52, 53, 58, 62, 64, 71, 72, 73, 74,
76, 77, 79, 82, 83, 84, 91, 92, 94, 97, 101, 102
Conscience 12, 14, 25-46, 49, 53, 61, 63, 65, 76, 78, 80, 81, 83, 84, 85, 96, 101
Contingences de renforcement 7, 15, 16, 38, 42, 43, 45, 46, 49, 51, 54, 60, 62, 64, 65, 68,
70, 71, 73, 74, 77, 80, 82, 91, 97
Contingences punitives 17
Contraintes 41, 49, 52, 53, 54, 91
Contre-exemple, exception 82

115
INDEX DES MATIÈRES

Contrôle 14, 16, 46, 49, 57, 60, 61, 62, 66, 68, 69, 72, 73, 74, 75, 77, 78, 79, 81, 82, 83,
85, 90, 95, 99, 100, 103
Corps 21, 22, 23, 29, 30, 31, 32, 35, 37, 40, 45, 60, 65, 74, 75, 83, 84, 89, 97, 100
Cosmogonie 11
Couleur 22, 31, 35, 60, 64, 65, 70, 76, 82, 83, 84, 88
Création 22, 24, 43, 58, 84, 93, 103
Crise d’identité 94
Criticisme 46
Croissance personnelle 91
Croyance 72, 73, 82, 106
Cube de Necker 33
Culture 12, 51, 55, 56, 57, 70, 73, 75, 81, 84, 92, 95, 97, 102, 103

D
Daltonisme 32
Déception, dégoût 93
Découragement, insatisfaction 93
Déduction 17, 42, 58, 63, 81, 82
Définition 13, 17, 20, 22, 23, 24, 29, 40, 41, 42, 43, 46, 54, 55, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 65,
66, 67, 68, 68, 70, 72, 75, 76, 77, 80, 81, 82,2, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 72, 75, 76, 77,
80, 81, 82, 83, 84, 91, 92, 96, 99, 100, 101, 102, 104
Dépression 14, 41, 41, 93-97
Description 12, 23, 35, 38, 46, 50, 59, 60, 64, 65, 67, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 79, 81,
82, 83, 87, 88, 93, 95, 99, 101, 103
Déterminisme 11, 13, 14, 31, 38, 39, 41, 45-58, 60, 61, 64, 65, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74,
75, 77, 79, 80, 81, 96, 101, 103, 105
Dieu, dieux 11, 12, 13, 17, 19, 50, 52, 53, 77, 101, 103
Dieu ne joue pas aux dés 50
Différé 55, 61, 66, 67, 69,92, 100

116
INDEX DES MATIÈRES

Dilemme 19, 21, 22, 25, 47, 105


Dimension 22, 24, 31, 37, 52, 96
Discrimination 16, 33, 40, 41, 62, 65, 66, 67, 71, 74, 76, 79, 100
Doctrines 13, 17, 50, 99, 101
Donnée 17, 32, 46, 102
Douleur 27, 33, 35
Droit, justice, ordre, morale 47, 50, 51, 54, 56, 97
Dualisme 43
Ductilité 29
Durée 22, 23, 24, 31, 102

E
Effet, variable dépendante, effectivité 45, 51, 69, 92, 100
Ego, sujet 13, 27, 34, 35, 36, 45, 49, 53, 54, 56, 65, 71, 72, 76, 77, 78, 79, 83, 89
Élan vital 101
Émotion 9, 27, 35, 36, 44, 68, 88, 89, 90, 93, 94
Empirisme 17, 45
En acte 24, 25
Énergie 30, 45, 73
Énoncé 19, 42, 43, 50, 62, 82
En puissance 25
Enseigner 73, 106, 111
Ensemble, classe 19, 20, 21, 22, 24, 29, 30, 32, 42, 81, 82,
Entité 12, 21, 24, 30, 31, 36, 38, 39, 52, 59, 71, 73, 75, 76, 77, 78, 84, 105
Environnement 16, 31, 35, 39, 41, 43, 44, 49, 57, 59, 61, 64, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 79,
80, 81, 83, 88, 89, 97, 106
Épidémie 10, 87, 93, 95, 96

117
INDEX DES MATIÈRES

Épigénétique 100
Épiphénomène 44
Épistémologie 99
Espace 16, 22, 23, 24, 25, 27, 28, 29, 30, 32, 45, 52, 57, 58, 59, 61, 68, 74, 84, 100, 101
Espace-temps 52, 58, 74
Espèce 20, 23, 31, 42, 43, 49, 55, 57, 59, 63, 75, 80, 82, 83, 88, 89, 100, 102, 103
Esprit, spiritualisme 9, 11, 14, 27, 37, 40-43, 44, 46, 49, 52, 57, 70, 71, 84, 88, 100, 101,
104
Essence 17, 25, 47, 51, 52, 53, 54, 55, 57, 63, 74, 76, 77, 84, 103, 105
Esthétique 85
État 13, 34, 36, 37, 40, 41, 43, 48, 50, 54, 56, 65, 66, 68, 69, 85, 88, 89, 94, 96, 97, 104
État de la matière 29
État d’esprit 11, 57, 76, 89
Éternité 9, 13, 17, 19, 20, 21, 23, 103
Éthique 17, 53, 55-57, 92-93, 99, 103, 104
Éthologie 87, 100
Esclavage 47, 51, 53
Être 9, 12, 13, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 52, 53, 59, 60, 63, 75, 76,
78, 80, 84, 97, 100, 101, 102, 105
Événement 10, 20, 37, 38, 41, 42, 46, 48, 49, 50, 51, 54, 55, 58, 61, 62, 72, 74, 77, 78, 79,
83, 84, 88, 95, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105
Évolution 17, 30, 31, 36, 48, 55, 59, 63, 69, 80, 92, 96, 97, 99, 100, 102, 104, 105
Existence 11, 12, 13, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 29, 32, 36, 42, 45, 49, 50, 52, 53, 54, 58, 63,
65, 67, 71, 74, 75, 76, 77, 78, 80, 81, 82, 83, 84, 101, 104,105
Existentialisme 45
Expérience, empirisme 16, 17, 20, 30, 39, 40, 42, 44, 55, 58, 67, 75, 76, 77, 82, 97
Extinction 39, 41, 75, 81, 93, 94, 96, 100, 102

118
INDEX DES MATIÈRES

F
Faculté 43, 54, 91
Faim 36
Fait 23, 24, 47, 50, 51, 54, 62, 72, 74, 78, 99
Falsifiabilité 23, 46, 62, 64
Fatalité, destinée, fatalisme 13, 14, 51
Fictif 71
Figures ambigües 33
Fini 20
Foi, salut 13, 47, 73, 103
Fonction 17,41, 44, 61, 64,65, 66, 72, 83, 88, 100
Force 28, 30, 36, 38, 41, 65, 70, 72, 73, 79, 88, 92, 96, 101
Forme, structure 11, 12, 17, 25, 29, 34, 35, 41, 46, 48, 52, 58, 59, 62, 65, 77, 78, 84, 96,
119
Forme propositionnelle 65, 81
Fréquence 16, 48, 55, 58, 59, 68, 69, 96
Frustration 93
Fuite 36, 57, 68, 94
Futur 23, 45, 48, 50, 52, 55, 57, 59, 67, 74

G
Généralisation 35, 41, 63, 64, 71, 72, 83. 84, 85
Global 46, 99

H
Habitude 42
Hasard, contingence 12, 14, 50, 51, 58, 72, 84, 103, 105

119
INDEX DES MATIÈRES

Herméneutique 11, 12, 22, 27, 33, 84, 91, 99


Histoire 11, 13, 14, 15, 21, 23, 27, 28, 31, 36, 38, 39, 41, 46, 47, 48, 51, 54, 55, 59, 63, 67,
69, 81, 87, 88, 91, 92, 99-106
Historicisme 106
Homme, humanisme, transhumanisme 11, 13, 16, 17, 20, 21, 44, 49, 51, 52, 53, 55, 56,
57, 63, 77, 79, 84, 95, 101, 102, 103, 104, 105
Honte, culpabilité 93
Humanité 63, 103, 104
Hypercube 52, 74
Hypocondrie 94

I
Ici et maintenant 13, 45, 46, 58, 105 et voir spontanéité
Idéalisme 17, 46, 51, 103, 104

Idée 15, 17, 20, 27, 38, 40, 44, 47, 59, 81, 84, 104
Identification 19, 20, 22, 24, 29, 35, 43, 50, 54, 58, 60, 62, 64, 65, 71, 74, 77, 78, 80, 83,
101
Illusion 9, 27, 32, 33, 58
Image 6, 31, 32, 33, 34, 83
Image en l’absence d’un objet vu 34, 91
Image holographique 34, 83
Image photographique 33
Image télévisuelle 33
Image réelle 34
Image virtuelle 33
Imagination 23, 34, 37, 41, 42, 43, 50, 89, 91
Immanence 47, 51, 58, 104, 105
Immatériel, non composé de baryons ou de leptons 40, 73, 84

120
INDEX DES MATIÈRES

Impénétrabilité 29
Impératif 53, 56, 64, 69, 79, 84
Implicite 16, 34, 37, 38, 62, 83, 88
Incomplétude (théorème de Göedel, en rapport avec une interprétation de son objet
principal) 78-79
Inconscient 12, 37, 39, 45, 49, 101, 105
Indéfini 24, 53, 81
Indépendance 13, 45, 50, 54, 58, 61, 63, 64, 69, 84, 100, 101
Indéterminisme 14, 38, 47, 50, 51,52, 58
Indiscernable 59
Individuel 14, 21, 43, 45, 48, 49, 53, 55, 56, 65, 66, 67, 75, 76, 77, 79, 87, 88, 89, 91, 92,
96, 99
Induction 23, 42, 82
Inertie 28
Inexistence 19
Infini 9, 13, 19, 20, 24, 25
Inné 39, 44, 68, 89, 91
Instinct 17, 53, 85
Institution 104, 105
Intelligence 43
Intelligence artificielle (intelligence simulée, par un produit d’une technique) 78, 99
Interprétation : voir herméneutique
Intrapsychique 45
Introspection 45, 91, 97
Intuition 14, 29, 38, 44, 45, 64, 71
Invariant 29
Irréel 43

121
INDEX DES MATIÈRES

J
Jugement 41, 91
Jugement analytique 82, 83
Jugement fictif 25
Jugement synthétique 82, 83
Jugement synthétique a priori 83
Justification 30, 45, 81, 91

K
Khaos : voir chaos

L
Langage 10, 14, 15, 46, 57-92,
Liberté 9, 11, 13, 14, 41, 45-58, 61, 93, 97, 104, 111
Libre-arbitre 52
Liquide 29, 79, 83
Linguistique 62, 64, 65, 67
Logique, propédeutique 43, 44, 46, 47, 51, 58, 62, 65, 73, 78, 81, 82, 83, 99, 100
Lois de la Nature 11, 45, 46, 50, 58, 97

M
Mal, injustice, péché 12, 52, 60, 77, 88, 90, 93, 103
Malléabilité 29
Machinal (qui satisfait à des lois), homme-machine 48, 53 (T), 53 (Z), 78 (M), 99
Mand 62
Manque 36
Masse 28, 29

122
INDEX DES MATIÈRES

Matérialisme 17, 43, 46


Matérialisme historique 101, 104
Mathématiques 58, 62, 65, 83, 90, 99, 107
Matière 9, 22, 27, 28, 30, 31, 32, 43, 44, 50, 52, 73, 77, 84, 99, 100
Mécanique classique 51, 71
Mécanique quantique 17, 30, 72
Médecine 44, 45, 99, 105
Mémorisation, rappel 40, 52, 84
Mensonge 67, 70, 71, 75, 79
Mentalisme 45
Métaphore 71, 83
Métaphysique 11, 15, 19, 20, 23, 25, 42, 45, 46, 47, 51, 53, 73, 78, 84, 85, 88, 99, 102,
111
Miracle 46
Moi, je 39, 46, 79, 90, 94
Modalité 62, 82
Moment, instant, présent 13, 14, 21, 22, 23, 38, 43, 46, 48-50, 52, 68, 80, 88, 101, 105
Monade 52
Monde 16, 20, 27, 30, 31, 44, 46, 52, 76, 77, 80, 84, 100
Monde suprasensible 30
Monisme 43, 52
Mot, parole 17, 21, 31, 32, 42, 63, 64, 70, 71, 74, 78
Moteur-premier, mécanisme ou processus de base 58, 78, 100
Motivation 38, 41, 51, 72, 79, 92
Mouvement, déplacement, changement, immobilité 96, 97
Multiple, pluriel 13, 19, 60
Mythes 11, 12, 13, 14, 99

123
INDEX DES MATIÈRES

N
Naturaliste 104
Nature 11, 50, 52, 53, 57, 65, 97, 100, 101, 103, 105
Naturel par opposition à artificiel 51, 56, 57, 65, 83, 97, 100, 104, 105
Nécessité 51, 52, 67, 77, 82, 83
Néant 9, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 77
Négation 13, 54, 62
Névrose, maladie 94
Nihilisme 105
Nombre, ici nom (réponse verbale abstraite ou son stimulus discriminatif) d’une quantité ou
stimulus apparenté qui est manipulé dans un cadre logique quantitatif : voir quantité

Nominalisme 71
Non-être 19, 24
Normal par opposition à anormal : voir anormal
Noumène 71, 75

O
Objectivité 12, 46, 72, 73, 77, 82, 93, 102
Objet 9, 20, 21, 24, 27-34, 37, 40, 45, 46, 65, 68, 72, 73, 88
Objet abstrait 13, 21, 22, 23, 27, 31, 32, 35, 46, 67, 71, 80, 101
Objet fictif 71
Objet matériel 9, 27, 28-30, 32, 37, 73
Objet physique 9, 27, 28-30, 73, 101
Ontogenèse 43, 84, 96
Ontologie 24, 78, 97
Opérant 16, 25, 37, 38, 46, 59

124
INDEX DES MATIÈRES

Opérationalisme 44
Ordre : voir commandement et utiliser la fonction de recherche dans le document

P
Panthéisme 17
Particulier 12, 49, 60, 99
Passé 41, 45, 49, 52, 60, 70, 74, 75, 76, 89, 99, 105
Passion : voir sentiment
Pensée 37, 44, 78, 88, 89
Perception 9, 27, 32-35, 72
Perfection 50, 60, 78
Personnalités multiples 49, 79
Pesanteur 28
Peur 36, 65
Phénomène 17, 23, 40, 44, 46, 48, 49, 50, 71, 77, 84, 100, 101, 102
Phénoménologie 45, 76, 105
Philosophie, théorie, méthodologie 11, 13, 16, 17, 44, 46, 47, 55, 87, 96, 99, 104, 106
Philosophie économique et politique 97, 100, 104, 105
Phrase 64, 76, 78, 79
Phylogenèse 84, 96
Physique 9, 16, 21, 24, 27, 28-30, 31, 32, 38, 39, 45, 48, 51, 54, 56, 59, 60, 65, 67, 68, 73,
78, 84, 99, 100, 101, 102, 107
Plaisir 9, 27, 35, 88, 93
Politique 56, 92, 97, 101, 105
Positivisme logique 44
Potentiel 63, 70, 91
Pragmatisme, utilitarisme 71

125
INDEX DES MATIÈRES

Prescience 52
Présence 54, 58 et voir le mot « présent »
Présent : voir durée, moment, instant, exercé, au moins en partie, par ce qui existe
maintenant, voire ici quand c’est aussi en relation avec l’idée d’une présence spatiale
Principe de la suffisance du présent 50
Principe de Lavoisier et principe d’inertie 24, 58
Principe de parcimonie 23, 63, 77
Principe de raison 50
Principe de vie 11, 14, 76, 92
Principe d’imperfection de la connaissance 50
Principe d’indétermination 50
Privé 16, 34, 35, 44, 65, 67, 68, 69, 77, 81, 85, 88, 89, 96
Probabilité 58, 72, 96
Problème 7, 10, 15, 42, 56, 73-83
Processus 20, 24, 33, 40, 41, 42, 43, 46, 58, 65, 67, 71, 82, 84, 96, 100
Projet 40, 41, 49, 53
Proposition, état de choses 62, 71, 81
Propriété 9, 13, 20, 24, 25, 27, 31, 32, 46, 60, 61, 62, 64, 65, 69, 70, 80, 84, 102
Psyché 38, 46
Psychiatrie 45
Psychologie 44, 50, 76, 105
Psychologisme 46
Psychophysique 44
Pulsion 36
Punition 16, 39, 41, 69, 70, 89, 92, 95, 96, 97
Puissance 11, 30

126
INDEX DES MATIÈRES

Q
Qualité 20, 21 et voir propriété
Quantité, nombre 20, 21, 23, 25, 62

R
Raison, rationalisme 12, 17, 43, 44, 46, 47, 50, 53, 56, 73, 84, 104
Rationnel 11, 12, 14, 17, 22, 46, 63, 81
Réaction 37, 74, 77, 78, 79, 83, 84, 89, 93
Réaliste 14, 19, 23, 24, 30, 50, 63, 96, 103
Réalité 44, 58, 71, 74, 84, 106
Recherche 36, 68
Récompense 16, 39, 41, 49, 55, 89, 90, 92
Réduction, réductionnisme 30, 31, 32, 40, 46, 53, 66, 67, 69, 99
Réflexe 16, 45, 48, 66, 67, 88, 100
Réflexion 37, 42
Référent 60 et utiliser la fonction de recherche dans le document
Réfutabilité : voir falsifiabilité
Regarder 40
Règle 10, 38, 42, 43, 44, 47, 51, 60, 61, 62, 67, 68, 70, 71, 72, 73, 74, 78, 79, 81, 82, 83,
91, 102
Régularité 21, 22, 30, 50, 58, 103
Relation 13, 25, 74, 77, 79, 102 et utiliser la fonction de recherche dans le document
Relativisme 70, 71, 75 (D), 76 (G), 77 (J), 78-79. 79 (Q), 81 (U), 82 (X), 82 (Y), 83 (Z), 84,
94, 104, 104, 105 (Q), 105 (R), 105 (T), 105 (W), 105 (X), 106 (Y)
Religions, qui ont en commun de parler d’un au-delà 13, 14, 99, 104
Renforcement 7, 10, 15, 16, 17, 19, 25, 27, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 45, 46, 47, 51, 54, 55,
56, 58, 59, 60, 61, 62, 64-75, 77, 78, 80, 83, 84, 87, 88, 91-97, 100, 102, 103

127
INDEX DES MATIÈRES

Répertoire 15, 39, 43, 49, 51, 63, 68, 71, 73, 88, 96
Répondant 16, 44, 48, 66, 67, 84, 100
Représentation, manifestation 32, 34, 46, 57, 76, 101
Reproduction 96
Résolution de problèmes 42
Responsabilité 49, 53, 58, 59, 60, 77, 79, 84, 107
Résurrection, réincarnation 46
Rêve 37, 83, 84
Révolution 92, 97, 105, 106, 111
Rien 19, 22, 33, 34, 43, 52, 103, 105

S
Sagesse 11, 104
Satisfaisant 46, 73, 103, 104
Scepticisme 17, 46
Science 7, 13, 14, 15, 19, 23, 28, 38, 39, 41, 44, 45, 46, 47, 48, 54, 56, 57, 58, 59, 69, 72,
76, 82, 85, 87, 99, 101, 102, 106, 107, 111
Sélection 17, 69, 72, 81, 100
Sélection naturelle 17, 100
Sens, sensé 9, 12, 14, 21, 22, 34, 37, 54, 64, 70, 75 (D), 84, 91, 102 104
Sensation 9, 17, 21, 27, 31-36, 44, 45, 46, 60, 65
Sensibilité 17, 39, 45, 97
Sentiment, affectivité 9, 12, 27, 35, 36, 44, 53, 57, 68, 76, 88, 93
Signe 10, 19, 61, 62, 65, 66-68, 71, 76, 79, 83, 106
Signification 10, 11, 14, 51, 59, 64, 70, 71, 73, 74, 75, 77, 83, 84, 102, 103, 104, 105
Simplicité 15, 19, 21, 23, 27, 28, 46, 50, 58, 63, 77, 84, 99, 100, 102, 106
Singulier, singularité 22, 25, 60, 99

128
INDEX DES MATIÈRES

Social 21, 28, 31, 39, 47, 49, 57, 91, 94, 97, 99, 102, 104
Sociologie 28, 99, 105
Soi 13, 14, 53, 71, 75, 90, 91, 94, 104
Solide 29, 80
Solipsisme 83
Somatique 45, 89
Soumission 16, 51, 54, 73
Spontané 39, 41, 48, 49, 52, 54, 58, 64, 71, 100, 101
Stimulus 16, 38, 40, 41, 42, 44, 45, 46, 48, 54, 57, 59, 60, 64, 65, 66, 69, 70, 71, 72, 77,
80, 96, 99, 100, 102,
Stimulus aversif 16, 57, 66, 88, 92, 97, 100
Stimulus conditionnel, stimulus inconditionnel 66, 67, 100
Stimulus discriminatif 16, 50,62, 65, 66, 67, 76, 79, 100
Stimulus verbal 61, 62, 65, 66, 67, 78, 79
Structuralisme, structure 45, 46, 58, 96
Structure, Gestalt 14, 15, 17, 29, 67, 76, 77, 104
Subjectivité 35, 36, 70, 71, 72, 73, 76, 82, 102
Substance 24, 54, 78
Suicide 88, 96
Surmoi 39
Survie 53, 56, 57, 65, 84, 97, 103
Synonyme 71, 74
Synthèse 34, 106
Système de renforcement 95, 97
Système économique 94, 101, 104, 113
Système punitif 95, 97

129
INDEX DES MATIÈRES

T
Table des valeurs 76
Tact 60, 61
Talents 43, 91
Tautologie 51, 71, 82
Technique 14, 15, 16, 21, 33, 46, 48, 57, 62, 65, 66, 71, 73, 87, 91, 95, 99, 105, 106, 107
Temporalité 102
Temps 16, 20, 22, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 32, 36, 45, 52, 56, 59, 61, 68, 74, 83, 84, 87, 93,
94, 96, 100-105
Termes de relation 13, 74, 77, 78
Test de Turing 44
Théorème d’incomplétude de Göedel : voir incomplétude
Topographie 46, 96
Toucher 33, 35
Tout 13, 42, 50, 51, 62, 81, 82, 83
Traduction 59, 62, 71, 74, 78, 93, 95
Transcendance 20, 47, 51, 71, 101, 103, 104, 105

U
Un 13, 19
Univers, universel 9. 11, 14, 19-25, 27, 30, 35, 48, 50, 52, 53, 67, 68, 77, 78, 82, 83, 84,
89, 93, 96, 99, 100, 101, 103, 105
Usage 42, 67, 92, 95
Utile 15, 45, 51, 62, 63, 71, 74, 77, 80, 81, 82, 102, 103
Utopie 92, 93, 97

V
Valeur 11, 14, 20, 25, 47, 55, 56, 57, 62, 64, 70, 78, 84, 94, 103, 104, 106

130
INDEX DES MATIÈRES

Variable 58, 65, 69


Variable « causale » 38, 48
Variable « historique » 17, 38, 48
Variable indépendante, cause 17, 58, 64
Verbe divin 22, 51
Vérité 10, 12, 14, 20, 51, 54, 59, 62, 65, 70, 72, 73, 75, 76, 77, 78, 79, 81, 82, 83, 103
Vérité absolue 71
Vertu, moralité 43
Vide 19
Vie 11, 17, 39, 47, 55, 56, 57, 68, 80, 84, 88, 89, 94, 95, 96, 103, 104
Virtuel 33, 34, 52, 91
Voie du salut 13
Voir 31, 33, 34, 35, 40, 43
Volonté 16, 25, 38, 40, 41, 42, 48, 49, 52, 53, 57, 88, 100, 101, 105
Volume 22, 24, 29, 83

W
Walden 92, 97, 111

X, Y
« X », « y », « z », « t », etc. : voir variable

Z
Zéro : voir le mot « rien », son analyse, et 25

131
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