Lepillet Cadre

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LES EXPATRIES AUTO-INITIES : LES PRATIQUES DE

GESTION DES RESSOURCES HUMAINES A METTRE EN


PLACE PAR LES ORGANISATIONS POUR FIDELISER
LEURS TALENTS.

CADRE THEORIQUE

PROMOTION 2017
STEPHANIE LEPILLET – N°1700017

TUTEUR : JEAN-PIERRE NOBLET


Je soussignée, Stéphanie LEPILLET, certifie que le contenu de ce Mémoire de Master n’a pas
déjà ou ne fait pas l’objet d’une soumission dans le cadre d’un autre diplôme.
Je certifie que toutes les sources documentaires sur lesquelles s’appuie ce travail sont de
manière explicite portées à la connaissance du lecteur.
Je certifie que ce Mémoire de Master respecte les conditions de fond et de forme définies par
l’ESSCA.
≪ L’ESSCA n’entend donner ni approbation, ni improbation aux opinionsémises dans ce
Mémoire de Master. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ≫.
Table des matières
INTRODUCTION .................................................................................................................. 3
LE CADRE THEORIQUE : LES CONCEPTS ABORDES ............................................................. 7
2.1 L’expatriation auto-initiée ou self-initiated expatriation (SIE) .................................. 7
Définition des SIE................................................................................................ 8
2.1.1.1 Principales caractéristiques personnelles des SIE. ....................................... 9
2.1.1.2 Un départ volontaire ET individuel à l’étranger. .......................................... 9
2.1.1.3 La quête d’un travail régulier à l’étranger mais temporaire. ..................... 10
2.1.1.4 La recherche de compétences professionnelles......................................... 10
Les raisons du départ des SIE ........................................................................... 10
2.1.2.1 Une envie de changement de vie et une invitation au voyage .................. 11
2.1.2.2 Une opportunité pour la famille ................................................................. 12
2.1.2.3 Le développement de la carrière ................................................................ 12
2.1.2.4 Des raisons financières ............................................................................... 14
La réussite de la mobilité à l’international....................................................... 14
L’utilisation des liens et des réseaux par les SIE pour réussir leur mobilité .... 16
Les causes de retour ......................................................................................... 17
2.2 La fidélité des salariés au travail .............................................................................. 18
Définition de la fidélité ..................................................................................... 19
2.2.1.1 La satisfaction ............................................................................................. 19
2.2.1.2 Un faible intérêt pour les opportunités extérieures................................... 20
2.2.1.3 L’attachement organisationnel ................................................................... 20
2.2.1.4 La performance au travail envers l’organisation et les collègues .............. 22
Les différents types de fidélité au travail ......................................................... 23
2.2.2.1 La fidélité réelle........................................................................................... 23
2.2.2.2 La fidélité conditionnelle ............................................................................ 24
2.2.2.3 La fidélité de façade .................................................................................... 24
2.2.2.4 L’inertie ....................................................................................................... 24
La fidélisation des salariés au travail ................................................................ 25
2.3 La gestion des talents grâce aux pratiques RH. ....................................................... 25
La gestion des talents ....................................................................................... 26
2.3.1.1 La notion de talent ou ressources-clés ....................................................... 26
2.3.1.2 Du management par les qualifications et les compétences au management
par les talents ............................................................................................................... 27
Les moyens utilisés ........................................................................................... 31
2.3.2.1 L’individu au centre de l’intérêt .................................................................. 31

1
2.3.2.2 Le rôle important du supérieur - le soutien de sa hiérarchie ..................... 33
2.3.2.3 Les innovations en termes de pratiques RH : les outils de développement
personnel et professionnel .......................................................................................... 34
2.3.2.4 Le déploiement des systèmes d’informations des ressources humaines .. 35
La gestion des RH dans un contexte international .......................................... 36
La gestion des non-talents ............................................................................... 36
QUESTIONS, PROPOSITIONS DE RECHERCHE ET LIMITES ................................................ 38
3.1 Questions de recherche. .......................................................................................... 38
3.2 Propositions de recherche. ...................................................................................... 39
3.3 Limites. ..................................................................................................................... 40
EBAUCHE DU CADRE EMPIRIQUE ..................................................................................... 41
4.1 Méthodologie utilisée : Une étude qualitative. ....................................................... 41
4.2 Le secteur et le terrain choisis ................................................................................. 41
4.3 L’outil de collecte et la finalité – les entretiens semi-directifs ................................ 42
4.4 Ebauche du guide d’entretien .................................................................................. 43
Introduction...................................................................................................... 43
Les caractéristiques des SIE .............................................................................. 43
Les pratiques de gestion des talents ................................................................ 44
La fidélité .......................................................................................................... 44
Phase finale ...................................................................................................... 45
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 46
ANNEXES........................................................................................................................... 51
6.1 Retranscription du premier entretien ...................................................................... 51
Liste des figures
Figure 2.1 Diagramme des caractéristiques définissant les expatriés auto-initiés. .................. 8
Figure 2.2 Les composantes du Talent ..................................................................................... 27
Figure 2.3 Émergence du management des talents ................................................................ 28

Liste des tableaux


Tableau 2.1 Typologie de la fidélité du salarié à l'entreprise. ................................................. 23
Tableau 2.2 Le modèle du management des talents face aux modèles de la qualification et
de compétences ............................................................................................................... 30

2
INTRODUCTION
Depuis 10 ans, je travaille au sein de la scolarité de l’ESSCA, école de commerce située à
Angers. Son activité principale est de délivrer un enseignement de qualité à des étudiants
post-bac afin qu’ils puissent obtenir un diplôme en management délivrant le grade de master.
Sur ce marché très concurrentiel, les facteurs clés de succès (FCS) sont clairement définis.

Premièrement, il est essentiel d’avoir une dimension internationale. Sur ce point, l’ESSCA a su
s’adapter en 2012 en imposant une troisième année entièrement dédiée à l’international : un
semestre obligatoire à l’étranger en stage ou en université partenaire additionné à un
semestre en langue anglaise. Cela a permis aux étudiants de repartir à l’étranger au cours de
la quatrième année s’ils le souhaitaient. A cette époque, l’école a multiplié par deux ses
partenariats avec l’international. Aujourd’hui, elle poursuit sa progression en ce sens, en
imposant progressivement aux étudiants de son programme Grande Ecole de partir
systématiquement deux fois à l’étranger au cours des cinq années d’études post-bac.

Deuxièmement, les écoles de commerce doivent sans cesse veiller à leur réputation. C’est
pourquoi il est indispensable qu’elles accordent de l’importance aux accréditations et aux
classements. Pour preuve, on peut citer les dernières récompenses obtenues par l’école :
AACSB en 2014, EQUIS en 2016 et AMBA en 2017. L’école se situe comme la première école
post-bac à posséder ce qui est communément appelé dans le jargon « la triple-couronne » des
accréditations. Il faut noter également l’entrée au prestigieux classement du Financial Times
en 2015 ainsi que la première place obtenue au classement « Challenges » des écoles post-
bac sans prépa.

Pour finir, le dernier facteur clé de succès est la production d’articles de recherches par des
enseignants-chercheurs prestigieux. Ce critère est indispensable à la renommée d’une école.
Les enseignants se doivent de publier un nombre suffisant d’articles chaque année. Au-delà
de la quantité, ces publications doivent se faire dans des revues classées. Cela fait partie de
leurs objectifs. Dans la lettre publiée en décembre 2015 Educpro par l’Etudiant, il y est
clairement spécifié que « les grandes business schools françaises ne se contentent plus
d'aligner les publications de recherche, leurs stratégies se concentrent désormais en ciblant les
meilleures revues ».

3
Au regard de ces évolutions constatées au cours des dix dernières années, une conséquence
importante s’est imposée d’elle-même pour l’ensemble des écoles de commerce : le
recrutement d’enseignants-chercheurs de nationalité étrangère.
Ce sont pour toutes ces raisons que j’ai choisi de m’intéresser au sujet de ces salariés, ici les
enseignants-chercheurs, qui choisissent de leur propre initiative de venir travailler dans un
pays étranger. Dans la littérature, nous les appelons les expatriés auto-initiés ou self-initiated
expatriates (SIE).

Personnellement, je suis très attirée par l’international. C’est d’ailleurs cette raison qui m’a
poussé à effectuer des études dans le tourisme. Partir travailler à l’étranger a toujours été une
option envisageable pour moi.
Du point de vue des entreprises, la plupart est concernée par l’international. Dans la
littérature, le lien entre la globalisation et l’augmentation des expatriations a largement été
démontrée (Richardson et Mc Kenna, 2002). Les entreprises se doivent de s’internationaliser
si elles veulent progresser. On retrouve cette idée à l’ESSCA où le taux des étudiants occupant
un poste en lien avec l’international après leurs études augmente chaque année (51% en 2016
contre 21% en 2012).

Un des objectifs de ce travail sera de mieux comprendre les expatriés auto-initiés. Il s’agit de
personnes qui décident de leur propre initiative et sans le support d’une entreprise de partir
travailler à l’étranger. De plus en plus de personnes choisissent ces déplacements
professionnels se délestant des contraintes de l’expatriation classique. En cherchant à mieux
comprendre leurs motivations et leurs attentes, nous tenterons d’apporter des éléments de
réponse aux écoles de commerce afin qu’elles puissent mieux cibler leurs enseignements et
ainsi répondre aux besoins de ces futurs salariés mobiles à l’international.

Selon Cerdin et Selmer (2014), le marché est de plus en plus global et « le transfert de
personnes inter-frontières » est devenu habituel. Certains secteurs et précisément celui des
écoles de commerce sont confrontés à la gestion de ces salariés. Effectivement, une partie de
la réussite de ces institutions repose sur la qualité de leurs enseignants. Elles se doivent donc,
pour faire face à la concurrence, de recruter des enseignants-chercheurs hautement qualifiés.
Au-delà du recrutement, le challenge pour elles est de maintenir en poste ces enseignants. La

4
fidélisation de ces talents devient alors une stratégie pour maintenir sa place sur une marché
concurrentiel (Martin, 2014).

Face à ce constat et à l’augmentation des personnes choisissant l’expatriation auto-initiée, il


est alors intéressant de réfléchir aux pratiques de gestion des Ressources Humaines que les
entreprises doivent mettre en place dans l’objectif de fidéliser ces talents venant de
l’étranger. En effet, connaitre les bonnes pratiques de gestion des RH à appliquer pourra
permettre aux organisations non seulement de réussir leur recrutement mais aussi :
• D’aider les SIE à atteindre leurs performances rapidement.
• De fidéliser les SIE face à une concurrence forte d’autres entreprises cherchant à
recruter ces talents.
• De satisfaire leurs employés afin de les maintenir en poste.
Pour résumer, profiter de l’expérience d’expatriés auto-initiés permettra aux écoles de
développer des enseignements liés à ces profils d’étudiants souhaitant partir travailler à
l’étranger mais aidera aussi les entreprises à connaitre les erreurs à ne pas commettre vis-à-
vis de ces employés afin de les retenir.

Pour conclure, nous pouvons dire que, compte tenu des enjeux de la mondialisation, les
entreprises ont l’obligation de faire appel à des expatriés auto-initiés. Les entreprises à la
recherche de talents, comme les écoles de commerce, se doivent de recruter ce type de
salariés. Sur un marché fortement concurrentiel, il s’agit d’un facteur clé de succès
incontournable afin de maintenir sa place (Martin, 2014). Il en découle des enjeux importants
à la fois pour les SIE mais aussi pour les organisations qui les recrutent.
D’une part, l’enjeu pour ces salariés est de réussir leur mobilité à l’international afin de réussir
leur carrière, améliorer leurs compétences et développer leur réseau.
D’autre part, l’enjeu pour les organisations est de réussir à instaurer des pratiques de gestion
des ressources humaines optimales afin d’attirer ces talents et surtout de rendre leur rapport
à l’organisation fidèle. Le rôle des ressources humaines devient un véritable levier de la mise
en œuvre de la stratégie de l’organisation.
Nous chercherons donc par notre travail à comprendre comment fidéliser les expatriés auto-
initiés à l’organisation. Pour cela, nous aborderons les raisons qui peuvent pousser les SIE à
être fidèles à une organisation et les pratiques des RH de gestion des talents indispensables à
cette fidélisation. L’objet de cette étude sera de comprendre si ces pratiques de gestion des

5
talents déjà identifiées dans la littérature et déployées dans les organisations sont efficaces
auprès des SIE afin de les rendre fidèles à celle-ci.
Nous décrirons dans une première partie l’ensemble des caractéristiques des SIE. Dans un
second temps, nous aborderons le concept de fidélité et pour finir, nous évoquerons les
pratiques des RH de gestion des talents dans les organisations.

6
LE CADRE THEORIQUE : LES CONCEPTS ABORDES

Tout au long de ce travail, nous ferons référence à trois concepts :


• L’expatriation auto-initiée en incluant une partie portant sur la réussite de la mobilité
internationale.
• La fidélité des salariés au travail.
• La gestion des talents et les pratiques des RH qui s’y réfèrent.

Compte tenu de l’enjeu important qu’ont les entreprises à recruter des expatriés auto-initiés
pour améliorer leurs performances, il nous a semblé important de décrire cette population.

2.1 L’expatriation auto-initiée ou self-initiated expatriation (SIE)

Selon la définition du Larousse : un expatrié est un salarié qui exerce son activité dans
un autre pays que le sien.
Avant de continuer, nous souhaitons préciser que nous allons aborder les expatriés
volontaires c’est à dire ceux non contraints à se déplacer. Nous ne parlerons pas des migrants
qui eux sont des expatriés « forcés » dont le climat politique ou économique par exemple de
leur pays leur a imposé le déplacement.

De nos jours, il existe plusieurs types d’expatriés volontaires :


• Soit vous décidez en lien avec votre entreprise de partir travailler dans l’une de ses
filiales à l’étranger. Dans ce cadre, l’entreprise vous accompagne dans vos démarches.
• Soit vous décidez de partir travailler à l’étranger de votre propre initiative c’est à dire
sans le support d’une entreprise.

C’est de cette seconde catégorie de personnes que nous allons définir.

7
Définition des SIE

En 2014, Cerdin et Selmer ont publié une revue de littérature afin de répertorier
l’ensemble des articles faisant référence à ce concept. Dans celle-ci, ils mentionnent que les
articles à ce sujet sont assez récents (Lee, 2005 cité par Cerdin et Selmer, 2014).
Précédemment, ils étaient plutôt orientés sur les expatriés classiques, encore appelés
« organizational expatriates : OE ». A la fin de cet article, les auteurs donnent une définition
des expatriés auto-initiés selon quatre critères.

Il s’agit de personnes :
• Qui décident de partir de leur propre initiative dans un autre pays que le leur, sans le
support de leur entreprise appelée « parent organization »
• Qui souhaitent y trouver un emploi régulier valorisant des compétences
professionnelles.
• Qui ont l’intention d’y rester de façon temporaire.
• Qui souhaitent y développer leurs compétences professionnelles et l’utiliser comme
« un boost » pour leur carrière.
Ils ont représenté ces personnes suivant le schéma suivant :
Figure 2.1 Diagramme des caractéristiques définissant les expatriés auto-initiés.

Source : Cerdin et Selmer, 2014

8
Avant de reprendre chacun de ces critères, tentons de résumer selon la littérature les
caractéristiques principales des personnes appelées les SIE.

2.1.1.1 Principales caractéristiques personnelles des SIE.

Pour préciser ces caractéristiques, plusieurs recherches ont été menées afin de
comparer les expatriés classiques et les expatriés auto-initiés.
Dans l’article de Froese et Peltokorpi en 2013, il apparait que ces deux populations sont assez
similaires en termes d’âge, de genre et de compétences culturelles.
Cependant, il faut modérer cette information. Suivant le pays d’origine, cela peut varier. Une
étude en Finlande (Suutari et Brewster, 2000) indique que les SIE de ce pays seraient plus
souvent des femmes, plus jeunes et célibataires. Il est donc difficile de généraliser les
caractéristiques démographiques à cette population car suivant le pays d’origine et la place
des individus dans ces sociétés, les profils des personnes amenées à se déplacer peuvent être
très hétérogènes.
Par contre, les SIE semblent faire preuve de certaines qualités personnelles plus importantes
que les OE afin de réussir leur mission à l’étranger. Ils disposent de meilleures capacités
d’adaptation et ils ont une facilité à apprendre la langue du pays d’hôte plus importante
(Froese et Peltokorpi, 2013).
Maintenant, reprenons la définition selon les quatre critères cités préalablement.

2.1.1.2 Un départ volontaire ET individuel à l’étranger.

Comme les expatriés classiques, la migration d’un pays vers un autre pour travailler est
volontaire. L’expatrié choisit librement d’effectuer ce déplacement.
Ce qui diverge et ce qui est mis en avant dans la littérature, c’est le caractère individuel de la
démarche (Richardson and Mallon, 2005). Il s’agit de personnes qui décident de prendre en
charge eux-mêmes leur départ dans un autre pays et ce, sans le soutien d’une entreprise dans
laquelle ils travailleraient. Ils peuvent même parfois choisir de démissionner de leur emploi
actuel pour partir travailler à l’étranger. Le fait de choisir de manière personnelle de partir
rend alors la mobilité moins contraignante que lorsque celle-ci est prise en charge par une
organisation. Par exemple, l’expatrié auto-initié pourra choisir sa destination alors qu’une
entreprise la lui aurait imposée.

9
Le point négatif est que cela peut rendre la mobilité plus difficile notamment vis-à-vis des
démarches administratives et juridiques. Le salarié doit alors les réaliser seul de façon
autonome.

2.1.1.3 La quête d’un travail régulier à l’étranger mais temporaire.

Les expatriés-auto initiés, au même titre que les expatriés classiques, partent à
l’étranger pour y occuper un emploi régulier dans le pays d’accueil.
La littérature précise que cette mobilité doit être temporaire. Cerdin et Selmer (2014)
émettent cependant une limite à cette partie de la définition car lors de leur départ, les SIE ne
prévoient pas leur retour. Des facteurs imprévus (exp : décès dans la famille, crise dans le pays
d’accueil, etc) peuvent influer sur la durée de la mobilité. Un expatrié qui resterait de façon
très courte ou à l’inverse à long-terme dans le pays d’accueil ne pourrait plus être qualifié de
SIE.

2.1.1.4 La recherche de compétences professionnelles.

La dernière caractéristique évoquée par l’article est que les SIE disposent de
compétences professionnelles spécifiques leur permettant de travailler sur le marché
étranger. L’objectif pour les SIE est de développer ces compétences.
Il s’agit d’une spécificité de cette population et une des raisons qui la motive à quitter son
pays : le besoin de développer des connaissances professionnelles et d’accélérer le
développement de sa carrière. Cela présente une valeur ajoutée significative pour les SIE sur
le marché de l’emploi (Richardson et Mallon, 2005).

Après avoir défini cette population, nous allons maintenant voir quelles sont les raisons qui
les poussent à quitter leur pays d’origine.

Les raisons du départ des SIE

Différentes raisons peuvent expliquer l’envie de certaines personnes de partir


travailler dans un autre pays. Elles peuvent être à la fois d’ordre professionnel et/ou financier
ou d’ordre personnel. Listons les raisons identifiées dans la littérature (Richardson and
McKenna, 2002 ; Richardson et Mallon, 2005).

10
Nous verrons aussi qu’il a été démontré que les motivations de départs des SIE étaient
différentes de celles des OE (Doherty et al., 2011).

2.1.2.1 Une envie de changement de vie et une invitation au voyage

Tout d’abord, l’expatriation est un moyen pour les salariés de changer


d’environnement professionnel (Richardson et al., 2002, 2005). Elle est même parfois vécue
comme une délivrance permettant au salarié se trouvant dans une situation professionnelle
inconfortable voire pénible de trouver un meilleur emploi et ainsi de rompre avec son
quotidien et sa routine ennuyeuse. Il s’agit d’un nouveau départ qui représente un challenge :
une nouvelle vie.
Les individus motivés par ces raisons ont été appelés des « réfugiés » (Richardson et Mc
Kenna,2002). En 2012, Selmer et Lauring ont démontré que cette catégorie de personnes
n’obtenait pas forcément de bons résultats au travail lors de l’expatriation (satisfaction
médiocre, efficacité et performance moindres). La nécessité de combler une insatisfaction
présente dans une vie précédente n’est alors pas une motivation suffisante permettant
d’accomplir un travail satisfaisant et d’atteindre les objectifs. La personne se fait alors une
image de ce qu’elle voudrait et se trouve finalement déçue une fois sur place.

Au-delà de l’aspect du changement professionnel, le départ à l’étranger attire aussi en raison


du dépaysement qu’il entraine. Il s’agit d’ailleurs de la motivation principale des SIE
(Richardson et al., 2002 et Doherty et al., 2011).
Les SIE sont assimilés à des « explorateurs » qui veulent vivre de nouvelles aventures
(Richardson et Mc Kenna, 2002). La motivation relevée est alors de découvrir de nouvelles
cultures, un nouveau langage et de nouveaux paysages.

Pour ces deux raisons, les SIE veulent partir à l’aventure, vivre un nouveau challenge tout en
découvrant de nouveaux horizons.
Les SIE plus jeunes sont particulièrement concernés par ces variables car ils ressentent un
besoin plus grand d’accéder à de nouveaux challenges que les personnes plus âgées. Ils
n’hésitent pas à prendre des risques pour y parvenir. Les femmes et les personnes plus âgées
seront d’avantage en quête de stabilité (Selmer et Lauring, 2014).

11
La stabilité va nous amener à parler de la raison suivante poussant les SIE à partir travailler à
l’étranger : l’aspect familial.

2.1.2.2 Une opportunité pour la famille

Abordons un aspect essentiel pour la majorité des gens : l’environnement familial.


Dans notre cas, une personne choisissant l’expatriation auto-initiée ne validera son départ
que s’il est soutenu par son conjoint (Richardson, 2004). L’opportunité doit représenter un
réel avantage pour tous les membres de la famille.
Le processus de décision précédant le départ est toujours pris en concertation avec les
proches. La décision de partir étant lourde de conséquences, elle ne pourra pas seulement
être celle de l’individu mais bien celle de toute la famille. Effectivement, se posent alors de
nombreuses questions adjacentes telles que le logement, la scolarité des enfants, le travail du
conjoint, etc. En 2005, Richardson et Mallon précisent que la motivation au départ sera
d’autant plus forte si l’expatriation développe les expériences de toute la famille et pas
seulement celles de l’individu expatrié. Si elle est motivée et intégrée, la famille participe alors
au départ et devient un vrai encouragement pour le salarié.
A l’inverse, le cercle familial resté dans le pays d’origine peut également avoir une influence
négative sur l’expatrié lui provoquant de l’anxiété et un sentiment de culpabilité vis-à-vis des
personnes laissées « derrière » (Richardson, 2006). Par exemple, un salarié qui aurait des
parents en mauvaise santé dans son pays d’origine pourraient très mal vivre la distance et se
verrait obliger d’écourter son voyage.
Cela est d’autant plus vrai chez les femmes que chez les hommes (Selmer et Lauring, 2014).
Elles accorderont beaucoup d’importance à leur environnement et à la socialisation de
l’ensemble des membres de la famille présents sur place. Malgré cette légère différence entre
les genres, cet aspect est essentiel et à prendre en compte dans la réussite de la mobilité
professionnelle à l’international. S’il était négligé au départ, il pourrait s’avérer être un frein
poussant le salarié à stopper sa mobilité.

2.1.2.3 Le développement de la carrière

Comme nous l’avons vu, un expatrié auto-initié est une personne disposant de
compétences professionnelles lui permettant d’accéder à un marché du travail international
concurrentiel.

12
Le déplacement des SIE se justifie par un souhait de développer des opportunités de carrière.
Il s’agit de tirer profit d’une nouvelle expérience professionnelle (Richardson et Mc Kenna,
2005), d’améliorer ses compétences et de pouvoir évoluer plus rapidement. Le départ est
présenté comme un véritable levier pour une évolution plus rapide. Les salariés expatriés
souhaitent que cette expérience ait un impact sur leur carrière.
Les auteurs ont nommé les personnes partant pour ces raisons des « architectes » (Richardson
et Mc Kenna, 2002). Ce souhait d’évolution se vérifie quel que soit le profil de carrière, qu’il
s’agisse d’OE ou de SIE. En effet, en 2015, Andresen et al. ont étudié l’influence des différents
profils de carrière pour comparer les OE et les SIE.

Pour cela, il est important d’expliquer les types de carrière en question :


• La carrière « sans frontière » ou « nomade » ou « boundaryless career » : il s’agit pour
le salarié d’appartenir à un profil de carrière où il peut changer d’emploi librement
selon ses compétences et sans limite afin de progresser le plus efficacement possible.
L’individu se base alors avant tout sur son savoir et ses connaissances pour diriger son
évolution de carrière.
• La carrière protéenne (Briscoe and Hall, 2006) est un profil dans lequel le salarié dirige
également individuellement et personnellement sa carrière. Il se base sur ses
apprentissages et ses expériences pour s’adapter et faire évoluer sa carrière. Il prend
alors en compte son environnement et ses valeurs et tire profit de ses expériences
pour développer sa carrière.

Dans le cadre de ces deux types de carrière, l’individu est indépendant, autonome et maitre
de sa carrière. Il n’hésite pas à prendre des risques pour évoluer.
Ces profils de carrière s’appliquent à notre population des SIE mais aussi aux OE (Andresen et
al., 2015). Dans les deux cas, le développement de la carrière est une raison majeure qui
pousse les deux catégories de salariés à partir travailler à l’étranger.

13
2.1.2.4 Des raisons financières

Une autre raison évoquée et étroitement liée au développement de la carrière est


l’augmentation des revenus (Richardson et Mallon, 2005) et l’amélioration des conditions de
vie.
Les personnes qui partent travailler à l’étranger pour ces raisons ont été catégorisées comme
étant des « mercenaires » (Richardson et Mc Kenna, 2002).
Cependant, les SIE plus âgés sont moins sensibles à cette variable que les SIE plus jeunes
(Selmer et Lauring, 2014). Ils seront plus sensibles au confort et à la sécurité. Les hommes vont
être plus influencés par cette variable que les femmes qui elles-mêmes, comme les personnes
plus âgées, auront tendance à privilégier le confort et la sécurité.
Même si l’aspect salarial est une des raisons incitant les SIE à s’expatrier, il est à noter qu’en
fonction de l’âge et du genre, son influence peut être plus ou moins importante. Il faudra donc
dans notre analyse tenir compte de ces paramètres. Il faut prendre en compte aussi le pays
d’origine des SIE et l’aspect culturel. Les Ressources Humaines devront aussi en tenir compte
lors de leurs actions en termes de management (Ellis, 2012). Par exemple, les expatriés
provenant de pays en voie de développement accorderont plus d’importance à l’argent que
ceux provenant de pays développés.

Pour conclure cette partie sur les raisons poussant les salariés à s’expatrier, nous pouvons dire
qu’elles sont nombreuses et variées. Nous avons insisté sur le fait que suivant l’âge, la
nationalité ou le genre, toutes n’ont pas la même influence sur la prise de décision au départ.
De plus, elles pèsent un poids différent entre les SIE et les OE.
Elles sont malgré tout, toutes importantes et ne devront pas être négligées par les
organisations si elles souhaitent que leurs salariés réussissent leur mobilité, ceci étant
l’objectif premier à atteindre. Il semble, important d’approfondir ce que signifie pour les
expatriés « la réussite » afin de mieux en comprendre les enjeux.

La réussite de la mobilité à l’international.

Dans la littérature liée aux SIE, la notion de réussite de la mobilité internationale est
souvent abordée. Communément, la mobilité internationale est le fait de se déplacer dans un
autre pays que le sien. Elle peut être courte, temporaire ou à plus long-terme.
Dans le cas des SIE, la mobilité est prévue, à son origine, comme devant être temporaire.

14
Nous l’avons déjà évoqué, ce facteur est subjectif (Cerdin et Selmer, 2014). A leur départ, les
SIE ne peuvent pas anticiper ou prévoir l’avenir et s’ils pourront ou non rester dans le pays et
sous quel délai. Un SIE restant sur une courte période dans un pays serait alors classé dans la
catégorie des touristes alors qu’un SIE expatrié à plus long-terme pourrait alors être qualifié
de migrant. Dans cette partie, il nous semble important de nous intéresser à la réussite de la
mobilité plutôt qu’à sa durée. Les éléments considérés comme révélateur de celle-ci varient
suivant l’angle abordé.

Du point de vue des individus (perspective individuelle), plusieurs notions sont évoquées
(Cerdin et le Pargneux, 2009). Il y a la satisfaction personnelle de vivre de nouvelles
expériences. En 2002, Richardson et McKenna parlent de « student’s experience ». Les salariés
vivent alors leur déplacement comme un apprentissage personnel et une autre façon de voir
le monde d’où la comparaison avec une « expérience étudiante ». L’individu considèrera sa
mobilité réussie s’il parvient à atteindre ce besoin de satisfaction de nouvelles découvertes.
Il doit aussi avoir la sensation d’effectuer un travail valorisant et enrichissant. Cette sensation
doit être reliée à une promotion et/ou une évolution professionnelle. Ces caractéristiques
sont des éléments « moteurs » pour le salarié vivant cette expérience. D’autres individus, plus
terre-à-terre, accordent de l’importance à la rémunération. La dernière caractéristique de
succès de la mobilité pour l’individu est la construction d’un réseau. Nul ne peut ignorer
aujourd’hui l’influence des contacts professionnels pour progresser. L’expatriation permet
aux individus de développer cela et par conséquent d’améliorer leur employabilité.

Du point de vue des organisations (perspective organisationnelle), les éléments significatifs


du succès d’une mobilité (Cerdin et Le Pargneux, 2009) sont beaucoup plus orientés
« business » contrairement à ceux des individus. Une organisation considèrera une mobilité
réussie si le salarié atteint ses objectifs. Il sera important aussi qu’il y ait un bon échange
d’informations entre l’expatrié et les locaux. Cela peut se mesurer en fonction de la
satisfaction de ces derniers et de celle de l’ensemble des parties prenantes liées à l’entreprise.
Les individus et les organisations n’abordent donc pas la réussite de la mobilité sous le même
angle.

En 2012, Cerdin et Le Pargneux ont étudié les caractéristiques liées à la carrière et leurs
impacts sur la réussite de la mobilité internationale.

15
Il s’avère que suivant les profils de carrière, la mobilité peut être plus ou moins positive. Ils
s’intéressent plus particulièrement aux individus ayant une « orientation carriériste ». Il s’agit
de salariés privilégiant leur propre carrière avant les besoins de l’organisation. Dans ce cas, la
mobilité internationale a de plus grandes chances d’échouer.
Grâce à cet exemple et pour conclure, il est important que les organisations comprennent les
besoins et envies des salariés pour favoriser la réussite de la mobilité.

L’utilisation des liens et des réseaux par les SIE pour réussir leur mobilité

Pour mettre toutes les chances de leur côté pour réussir leur départ, les SIE utilisent
un élément primordial : les liens et les réseaux.
Dans une étude de 2014, Richardson et McKenna présentent l’importance de la création d’un
réseau afin de faciliter l’intégration en amont du départ. Cette démarche joue un rôle essentiel
dans la mise en œuvre de l’expatriation. L’individu s’en sert pour concrétiser son désir de
départ. Cela va aussi permettre au SIE de s’intégrer plus facilement sur place ce qui aura des
conséquences sur ses performances au sein de l’organisation.
Une fois sur place, le réseau continuera de se renforcer afin de permettre au SIE d’envisager
de se déplacer dans un autre pays par la suite. Des contacts seront également conservés avec
les précédents collègues afin de rester ouvert à toutes opportunités. Au-delà d’un outil pour
s’expatrier et d’un moyen d’intégration, le réseau devient alors une nécessité et un besoin
pour de futures mobilités.
Même si le réseau est important en amont, pendant et après le départ, la création de liens
sociaux lors de l’expatriation reste l’objectif le plus important à atteindre dans la réussite de
la mobilité (Mérignac et Grillat, 2012). Une fois sur place, le salarié découvre un nouvel
environnement (pays et organisation), une culture et une langue différente et un nouvel
emploi. Il va avoir besoin d’un support local pour affronter tous ces changements. La création
d’un réseau de proximité est alors indispensable afin qu’il ne se retrouve pas dans une
situation difficile. Ce support peut être de deux ordres : dans le cadre professionnel et dans le
cadre personnel. Dans l’entreprise, plus le soutien sera important, plus le salarié se sentira
intégré à l’organisation. Cependant, les caractéristiques personnelles de l’individu sont à
prendre en compte. Certaines personnes plus introverties considèreront un soutien trop
présent localement comme une contrainte.

16
Bien sûr, le réseau créé dans le cadre professionnel est important et essentiel à l’atteinte des
objectifs professionnels mais c’est le réseau créé dans le cadre personnel qui aura le plus
d’incidence sur la réussite ou non de la mobilité. Une absence de celui-ci fait partie des causes
d’échec de la mobilité.
Cela nous amène à parler des raisons d’échec de la mobilité internationale.

Les causes de retour

La principale raison d’échec des expatriations est l’aspect familial (Richardson, 2006).
L’intégration du conjoint et des enfants est un élément essentiel à l’épanouissement du salarié
expatrié. Cela favorise la création des liens sociaux (Mérignac et Grillat, 2012).
Plus le conjoint du salarié sera actif et intégré dans le pays d’accueil, plus le salarié
développera un réseau social important. Les enfants jouent également un rôle primordial dans
l’intégration car ils font le lien avec la toute la communauté des expatriés. Le rôle de la famille
est tellement important que de nombreuses entreprises font le choix de participer à la
recherche d’un emploi pour le conjoint accompagnant. Un employé dont la famille sera bien
intégrée sera plus performant et cela favorisera son envie de rester dans le pays (Richardson,
2006). Howe-Walsh et Schyns déduisent d’ailleurs de leur étude en 2010 que l’intégration de
la famille dans le pays d’accueil par les organisations est un facteur clé de succès indispensable
à prendre en compte dans la réussite de la mobilité.
Une autre raison qui poussera le salarié à rentrer dans son pays d’origine est « le mal du pays »
(Richardson et Mc Kenna en 2002 - Tharenou et Caufield, 2010). L’écart culturel entre le pays
d’accueil et le pays d’origine peut être trop important. Les expatriés s’isolent et se sentent
exclus. L’intégration culturelle étant insurmontable, le salarié et sa famille se retrouve dans
une situation de stress générant un manque du pays d’origine et par conséquent un retour
anticipé.

Deux autres aspects sont abordés et peuvent justifiés le retour de l’expatrié (Tharenou et
Caufield, 2010).
Le premier est lié à des évènements personnels exceptionnels qui surviendraient. Ces
évènements (par exemple le décès d’un proche) provoquent un choc pour l’expatrié qui prend
alors conscience de l’éloignement et ressent le besoin de rentrer.

17
Le deuxième aspect concerne l’emploi en lui-même. Une opportunité peut se présenter dans
le pays d’origine ou un autre pays ou une mission peut s’arrêter dans le pays d’accueil.
Cela engendrera dans les deux cas, le retour de l’expatrié.

Grâce à cette première partie, nous pouvons mieux comprendre qui sont les expatriés auto-
initiés, les raisons les motivant à partir et celles qui pourraient les pousser à rentrer. Compte
tenu de la valeur de ces individus et du caractère temporaire de leur mobilité, il apparait
évident qu’un des enjeux des entreprises doit être de les fidéliser à l’organisation.
C’est pourquoi, nous allons parler de la fidélité des salariés au travail dans cette deuxième
partie.

2.2 La fidélité des salariés au travail

Selon le Larousse, la fidélité se définit comme une qualité de quelqu’un qui est engagé,
attaché à quelque chose. Elle se présente également comme une « ligne de conduite stable
dans le temps » (Paille, 2005). D’après cette définition, nous pourrions dire que cette qualité
ne s’adapte pas à notre population puisque nous avons expliqué que les SIE sont des
personnes effectuant une mobilité à l’étranger sur une période temporaire.

En gestion des ressources humaines, la fidélisation des salariés étrangers est un enjeu
essentiel. En effet, compte tenu de la rareté de ces employés, de la difficulté à les recruter et
de leur importance dans l’entreprise, ils sont assimilés à des « talents ».
Il semble important de lier ce concept à la population des SIE afin de comprendre comment
ils peuvent devenir des salariés éprouvant une fidélité envers l’organisation qui les accueille.

18
Définition de la fidélité

Au-delà de l’ancienneté, Paillé en 2005 rappelle la définition de la fidélité du salarié


envers son organisation établie par Peretti en 2001 selon deux autres critères : Un faible
intérêt vis-à-vis des opportunités externes et un fort sentiment d’appartenance à l’entreprise.
En 2007, Peretti ajoute un troisième critère définissant la fidélité des salariés : la performance
au travail.

Avant de reprendre chacune de ces caractéristiques, il nous semble important d’en ajouter
une supplémentaire dont nous avons parlé lorsque nous avons évoqué la réussite de la
mobilité à l’international : la satisfaction. Un salarié fidèle est un employé satisfait de ce qu’il
réalise.

2.2.1.1 La satisfaction

Dans la littérature, la satisfaction au travail est considérée comme le résultat de


l’évaluation qu’une personne fait au sujet de sa situation d’emploi (Paillé, 2005 et 2008).
Il y a deux types de satisfaction :
• La satisfaction intrinsèque qui correspond à la satisfaction personnelle directe que le
salarié ressent par rapport au travail qu’il accompli au sein de son organisation. Cela
est principalement lié au contenu du travail. On parle par exemple d’un « sentiment
d’accomplissement » (Roussel, 2005). C’est le ressenti du salarié envers la tâche qu’il
accompli.
• La satisfaction extrinsèque. Satisfaction que retire le salarié vis-à-vis de ses résultats
mesurés par l’organisation et par le regard des autres. (Roussel, 2005). Il s’agit d’une
satisfaction obtenue par l’obtention d’une récompense comme le salaire, une
récompense matérielle ou un compliment d’un supérieur hiérarchique.

La satisfaction du salarié correspond à l’opinion qu’il a envers son environnement


professionnel. Une opinion négative entrainera une insatisfaction et par conséquent des
comportements négatifs au travail. En contrepartie, une opinion positive génèrera une
satisfaction.
Cette dernière aura pour conséquence directe une amélioration des performances du salarié
(Testa, 2001) et génèrera des comportements de citoyenneté organisationnelle (Paillé, 2008).
19
Cela s’explique par la notion de réciprocité : il s’agit du fait qu’un salarié satisfait va vouloir
remercier son entreprise par des attitudes positives envers ses collègues mais aussi envers
l’organisation (MacKensie et al. 1998 cité par Paillé en 2008). Cette satisfaction positive
limitera l’intention de se retirer de l’organisation (Tepeci & Bartlett, 2002).
En 2015, Giraud le confirme en établissant une relation opposée entre la satisfaction et
l’intention de quitter l’entreprise. Un employé satisfait va développer une relation affective
positive avec son entreprise, améliorant ses performances et réduisant son intention de la
quitter (Johennesse, 2017).
Cela nous permet d’introduire la première caractéristique de la définition de la fidélité qui est
qu’un salarié fidèle présente un faible intérêt pour les opportunités extérieures d’emploi.

2.2.1.2 Un faible intérêt pour les opportunités extérieures

Le premier principe de la fidélité au travail est que le salarié veuille rester dans
l’entreprise (Peretti, 2007).
Un salarié satisfait et fidèle à son emploi présentera un faible intérêt pour les opportunités
extérieures. Il doit être déterminé à rester et non pas forcé à le faire. La rétention du salarié
dans l’entreprise ne doit pas être due à un manque d’opportunités mais bien à sa volonté de
rester en poste. Son opinion positive de son travail ne l’incitera pas à rechercher un autre
emploi et l’encouragera à se concentrer sur ses missions. Par conséquent, il pourra améliorer
ses performances et être beaucoup plus impliqué.
Cela nous permet alors de parler de la deuxième caractéristique de notre définition :
l’attachement envers l’entreprise.

2.2.1.3 L’attachement organisationnel

La deuxième caractéristique de la fidélité est que le salarié doit être attaché à


l’entreprise de manière personnelle et volontaire. Il doit ressentir un sentiment
d’appartenance fort à l’organisation et non contraint par des aspects extérieurs.
Ce constat est étroitement lié à l’implication organisationnelle qui est définie comme «
l’attachement psychologique ressenti par la personne pour l’organisation » (O’Reilly &
Chatman, 1986) » (Ruiller, 2008, p. 115 cité par Giraud, 2015). Il s’agit de la relation qui lie le
salarié à son travail (Paillé, 2006).

20
En 1991, Meyer et Allen définisse l’implication organisationnelle selon trois natures (Paillé,
2005) : normative, continue/calculée et affective.

L’implication normative se définit comme « l’ensemble des pressions normatives internalisées


qui poussent un individu à agir dans le sens des objectifs et des intérêts de l’organisation et à
le faire, non pas pour en tirer profit mais parce qu’il est bon et moral d’agir ainsi » (Wiener et
Vardi, 1980 cité par Daoud Ben Arab et Masmoudi Mardessi, 2011).
Elle est liée au respect des normes de l’entreprise par le salarié. Cet engagement oblige
l’individu à suivre une ligne de conduite fixée par l’entreprise. Elle sert d’intégration et de
socialisation (Meyer et Allen, 1991, cité par Paillé, 2005).
Cette implication étant imposée, Paillé (2007) considère que cela s’oppose alors au sentiment
partagé d’attachement et est contraire à la notion de fidélité qui doit être voulue par
l’individu.

L’implication continue fait référence aux avantages que le salarié perçoit s’il reste dans
l’entreprise. Il s’agit du calcul des coûts que le salarié devrait supporter s’il quittait l’entreprise
(Becker, 1960 cité par Giraud, 2015). Paille en 2006 parle d’implication calculée car cette
notion fait référence à un investissement fait par l’employé envers son entreprise. Ce dernier
considère que le départ de celle-ci représenterait un manque à gagner s’il partait. Dans ce cas,
le salarié est contraint de rester dans l’entreprise ce qui est contradictoire avec la définition
de la fidélité.

Enfin, l’implication affective est liée à l’émotion. C’est l’attachement sentimental du salarié
envers son entreprise. Le salarié s’identifie aux objectifs et aux valeurs de l’entreprise. On
parle de loyauté (Martin, 2014) et de dévotion (Paillé, 2005). L’individu préfère délaisser ses
intérêts personnels et matériels (Buchanan, 1974 cité par Paillé, 2005). Chatman et O’Reilly
en 1990 (Paillé, 2005) précisent qu’il s’agit d’un facteur de stabilité pour le salarié. Giraud en
2015 parle lui d’un facteur de fidélisation important du salarié envers l’entreprise.
Cette forme d’implication est celle qui répond le mieux à notre définition de la fidélité car elle
exclue « tout comportement opportuniste » (Paillé, 2007). Nous pouvons donc dire qu’un
salarié qui ressentira une implication affective vis-à-vis de son entreprise sera alors fidèle à
celle-ci.

21
Pour résumer, des termes forts ont été utilisés pour définir la fidélité du salarié envers
l’entreprise : attachement sentimental, intégration, socialisation, stabilité. Tous ces mots font
référence à l’une des caractéristiques de notre définition de la fidélité : le sentiment
d’appartenance ressenti par un salarié envers son organisation.
Paillé (2005) ajoute qu’un salarié fidèle « reflète une image positive de sa relation au travail ».
Il précise aussi qu’il peut améliorer sa performance en déployant des efforts importants pour
atteindre ses objectifs afin de satisfaire son organisation.

2.2.1.4 La performance au travail envers l’organisation et les collègues

Selon Peretti (2007), la performance au travail est « l’aspect comportemental » de la


fidélité. Un salarié fidèle adoptera des attitudes particulières aussi bien envers l’organisation
qu’envers ses collègues.
Au sein de l’organisation, la performance au travail s’évalue grâce au degré
d’accomplissement de la tâche. C’est la réalisation par le salarié de la mission prévue à son
contrat, de la production d’un bien ou d’un service (Peretti, 2007) ou simplement de l’atteinte
des objectifs.
Elle peut aussi se mesurer vis-à-vis du comportement envers les collègues. Paillé en 2006
précise que l’implication organisationnelle affective est importante pour les individus dans les
entreprises car elle entraine des comportements de citoyenneté organisationnelle tels que
l’aide apportée aux collègues (altruisme), l’esprit d’équipe ou la conscience professionnelle.
Dans ce dernier cas, le salarié réalise des performances au-delà de ses objectifs attendus. Ces
comportements ne sont pas obligatoires mais reflètent un choix personnel du salarié,
révélateur de bonne volonté envers l’entreprise.

Nous pouvons définir la fidélité comme un attachement fort et volontaire du salarié envers
l’entreprise. Elle est associée à la satisfaction de l’individu qui va alors performer dans ses
missions et donner une image positive de l’entreprise. Le salarié sera alors un soutien
important pour l’organisation mais aussi pour ses collègues en déployant des comportements
de citoyenneté organisationnelle.
Cette notion de fidélité est étroitement liée aux comportements et à l’attitude des salariés.

22
C’est pourquoi, nous allons maintenant décrire les différents types de fidélité suivant ces
comportements/attitudes et en tenant compte des classifications de Paillé (2005) et de Giraud
(2015).
La classification de Paillé (2005) définit la fidélité selon les trois types suivants : Réelle,
conditionnelle et de façade. De plus, on peut voir dans le tableau ci-dessous les différents
types de fidélité d’après Giraud (2015) :

Tableau 2.1 Typologie de la fidélité du salarié à l'entreprise.

Le salarié veut maintenir Le salarié ne veut pas


la relation maintenir la relation
Le salarié n’est pas obligé de maintenir la relation Fidélité Inertie

Le salarié est obligé de maintenir la relation Attachement forcé Captivité

Source : Adaptation par Galois (2006, p.51) de Bliemel et Eggert (1998) cité par Giraud (2015)

Les différents types de fidélité au travail

2.2.2.1 La fidélité réelle

Paillé donne une première forme de fidélité comme étant « réelle ». Il considère
qu’elle existe vraiment : le salarié est complètement satisfait de son travail et est engagé
entièrement envers l’organisation.
Giraud (2015) reprend cette forme en ajoutant que l’individu souhaite maintenir la relation
avec l’entreprise de manière volontaire : il n’est pas obligé de le faire mais en a simplement
envie.
C’est ce type de comportement que nous rechercherons pour considérer l’employé fidèle dans
notre étude.

23
2.2.2.2 La fidélité conditionnelle

Paillé donne une seconde forme de fidélité qu’il appelle fidélité « conditionnelle ». Ici,
elle est éphémère et peut s’interrompre à tout moment : le salarié est alors satisfait de son
travail mais peut à tout moment choisir de quitter son organisation si de meilleures conditions
lui sont offertes ailleurs.
Giraud parle lui « d’attachement forcé ». C’est-à-dire que le salarié veut maintenir sa relation
avec l’entreprise mais il n’a pas encore trouvé l’opportunité de partir. Il est obligé de rester
afin de conserver un niveau de vie.

2.2.2.3 La fidélité de façade

Paillé décrit une dernière forme de fidélité qu’il appelle la fidélité « de façade ». C’est-
à-dire que le salarié donne l’impression d’être fidèle à son organisation mais en réalité ne l’est
pas vraiment. Le salarié, dans cette situation, est alors contraint de rester pour différentes
raisons (familiales, économiques ou autres).
Giraud parle de « captivité ». Le salarié dans cette situation ne veut pas maintenir la relation
avec l’entreprise mais est obligé de le faire pour des raisons économiques.

2.2.2.4 L’inertie

Pour terminer, Giraud parle d’une dernière forme de fidélité. Il s’agit d’un
comportement dans lequel le salarié n’est pas obligé de maintenir la relation avec l’entreprise
mais qui choisit malgré tout de le faire afin de conserver une stabilité.
Cette attitude est le plus souvent observée chez les salariés en fin de carrière qui n’ont plus
l’ambition d’évoluer professionnellement malgré une insatisfaction au travail.

Nous venons de définir la notion de fidélité des salariés au travail. Nous avons expliqué que
ce concept était proche de ceux de la satisfaction et de l’implication affective. Il faut noter que
nous n’avons pas souhaité approfondir ces deux concepts à part entière afin de rester
concentré sur celui de la fidélité.
Ensuite, nous avons donné les différents types de fidélité en insistant sur le fait que l’objectif
de notre recherche sera de s’intéresser à la fidélité « réelle ».
Pour poursuivre, il est important de noter la distinction entre fidélité et fidélisation.

24
La fidélisation des salariés au travail

Paillé (2004, p. 5) décrit la nuance entre ces deux termes de la façon suivante : « la
fidélité insiste sur les conduites individuelles en situation professionnelle tandis que la
fidélisation amène l’entreprise à mobiliser des dispositifs de management pour obtenir la
fidélité de ses salariés ».
Peretti (2011, p. 122) précise que « le dispositif de fidélisation des salariés est l’ensemble des
mesures permettant de réduire les départs volontaires des salariés ».
La fidélisation est donc l’ensemble des outils et des moyens managériaux développés par
l’entreprise pour garder le salarié fidèle.

Nous allons maintenant nous intéresser aux pratiques de gestion utilisées par les entreprises
pour maintenir le salarié fidèle à l’entreprise. Il s’agira comme nous l’avons vu qu’il :
• n’ait pas l’intention de quitter l’entreprise et qu’il ne s’intéresse pas aux opportunités
extérieures,
• soit satisfait et épanoui,
• soit impliqué envers son entreprise mais aussi vis-à-vis de ses collègues,
• soit efficace dans son travail,
• démontre un fort sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Tout cela s’entend bien sûr comme étant des sentiments réels et sincères du salarié envers
l’organisation.

2.3 La gestion des talents grâce aux pratiques RH.

Pour terminer la partie théorique, évoquons le concept de gestion des talents.


Dans un contexte concurrentiel fort, les entreprises se doivent d’attirer des salariés de talents.
La gestion de ces employés recouvre l’ensemble des actions mises en œuvre par les
Ressources Humaines des entreprises afin de gérer ces individus liés à l’organisation.

Dans cette partie, nous aborderons les différents modèles de gestion des salariés jusqu’à
l’apparition de celui des talents.

25
Nous listerons l’ensemble des moyens utilisés par les Ressources Humaines pour fidéliser ces
employés. Nous évoquerons notamment différentes pratiques sur lesquelles les RH doivent
être sensibles comme le recrutement, la rémunération, la formation, la gestion des carrières,
l’évaluation, l’administration et les relations sociales. 1
Enfin, nous aborderons les innovations récemment utilisées par les RH pour fidéliser leurs
salariés.

La gestion des talents

2.3.1.1 La notion de talent ou ressources-clés

Il est important de rappeler l’origine du mot talent.


Dans l’Antiquité, il s’agissait d’un terme désignant une unité de mesure puis une monnaie
(Dejoux, 2010). Historiquement, il fait référence à une valeur au sens littéral du terme dans le
cas de la mesure. Il fait aussi référence à la valeur au sens figuré comme quelque chose de
rare dans le cas de la monnaie.
Ensuite, le terme « talent » fut utilisé dans un contexte artisanal, artistique ou sportif. Il
désignait des personnes avec des compétences rares ou originales : un don unique obtenu dès
la naissance. Cela impliquait une dissociation du travail. Une personne travaillant
énormément ne sera pas forcément une personne de talent. Le talent ne s’acquière pas, il est
inné. Cependant, un talent peut être amplifié s’il est identifié puis exploité. C’est tout l’enjeu
des Ressources Humaines : pouvoir révéler les personnes disposant de talent afin de les
accompagner dans l’accroissement de leurs compétences.
Récemment, ce terme a été utilisé pour désigner les ressources-clés des entreprises disposant
d’atouts exceptionnels et déterminants pour l’organisation (Mirallès, 2006). Il s’agit de repérer
les personnes disposant d’une combinaison rare de compétences variées (Dejoux, 2010).
Cette combinaison permet à ces personnes d’atteindre une performance aidant l’entreprise à
mettre en œuvre sa stratégie (Borisova, 2017).
Pour résumer, un employé de talent est une personne alliant un potentiel fort (Potential) et
l’accomplissement de performances (Efficiency) comme le montre le schéma ci-dessous
(Borisova, 2017).

1
Fonctions RH, Editions Pearson.

26
Figure 2.2 Les composantes du Talent

Source : Borisova, 2017

Il s’agit d’une combinaison de savoirs, de compétences et d’expériences mais aussi de qualités


personnelles. Cette définition s’applique donc parfaitement à notre population d’expatriés
auto-initiés qui sont des personnes dotées de qualités personnelles et professionnelles rares.

En revanche, cette vision du talent liée à l’individu est un peu restreinte et de plus en plus
d’entreprises considèrent la gestion des talents comme la gestion de l’ensemble de leurs
ressources. Le but pour les RH est alors de développer le potentiel de chaque personne afin
d’accomplir les objectifs de l’entreprise.
Aujourd’hui, cela ne s’applique plus seulement à certains secteurs. L’ensemble des entreprises
sont confrontées à cette problématique si elles veulent maintenir leur compétitivité. Dans la
littérature, on parle de « Talent Management Strategy ». Elles doivent alors faire appel à des
modalités de gestion spécifiques vis-à-vis des individus.
Avant de décrire l’ensemble de ces modalités, nous allons chercher à comprendre comment
ont évolué les modèles de gestion des ressources humaines.

2.3.1.2 Du management par les qualifications et les compétences au management par les
talents

Avant l’apparition du modèle de gestion des talents, deux autres modèles existaient.
Nous pouvons le voir dans le schéma ci-dessous (Mirallès, 2006).

27
Figure 2.3 Émergence du management des talents

Source : Mirallès, 2006

Nous allons voir comment s’est produite cette évolution.

Le management des talents est apparu dans les années 2000 en raison de plusieurs
phénomènes.
• Une raison démographique dû au retrait de la vie active de la génération des baby-
boomers. Cela a entrainé une pénurie de main d’œuvre qualifiée.
• Un contexte concurrentiel fort et de plus en plus mondialisé.
• Une augmentation du niveau d’éducation dans tous les pays. Les jeunes diplômés
recherchaient à rentabiliser leurs études et n’hésitaient plus à partir à l’étranger pour
faire évoluer leur carrière.
C’est dans ce contexte que les entreprises ont dû adapter leurs modes de recrutement en
remettant l’individu et non plus les métiers au cœur de leur mode gestion. Elles ont dû
s’appuyer sur leurs employés pour rester performantes (Mirallès, 2006).

Auparavant, la gestion des ressources humaines était différente. Les entreprises géraient leurs
ressources suivant les qualifications. La définition de la qualification était attachée au poste
de travail et non pas à l’individu (modèle du poste de travail - Friedmann et Reynaud, 1958
28
cité par Oiry, 2005). Les critères définissant les caractéristiques étaient objectifs et rigides
(Oiry, 2005).
Par la suite, ce modèle fut remis en cause afin de remettre l’individu au cœur de la réflexion.
La qualification des employés ne se définit plus alors à travers leur poste de travail mais à
travers leurs diplômes et leurs compétences. Il fut alors possible de considérer non seulement
les compétences techniques de la personne mais aussi ses compétences personnelles et son
savoir-être. En d’autres termes, il s’agit de prendre en compte les caractéristiques
personnelles de l’individu au-delà de ses qualifications techniques. Ce modèle de gestion était
plus souple que le précédent.
Puis, à la fin des années 90, apparut la notion de « potentiel ». Celle-ci impliquait que deux
personnes ayant les mêmes compétences n’obtenaient pas forcément les mêmes résultats.
Leurs performances pouvaient différer.

C’est pourquoi, de nos jours, les entreprises ne recherchent plus seulement des salariés avec
des qualifications ou encore même des compétences mais surtout des personnes avec un fort
potentiel de réussite : des talents.

29
Nous retrouvons dans le tableau ci-dessous un comparatif des modèles de gestion :

Tableau 2.2 Le modèle du management des talents face aux modèles de la qualification et
de compétences

Source : Mirallès, 2006

Nous constatons que la source de satisfaction de l’individu est le plaisir de l’activité et que la
responsabilité de la carrière est au cœur de ses préoccupations dans un environnement
incertain. Cela reprend les caractéristiques des SIE qui cherchent à développer leurs
compétences en effectuant une mission satisfaisante.

30
Nous avons défini la notion de talents et expliqué les raisons qui ont poussé les entreprises à
faire évoluer leur modèle de gestion des ressources humaines.
Nous allons voir, compte tenu du caractère obligatoire d’avoir recours à ces individus, quels
moyens sont utilisés pour les gérer.

Les moyens utilisés

Lorsqu’on parle de pratiques de gestion des talents, il existe plusieurs niveaux : les
attirer, les recruter et les fidéliser.
Ces trois aspects sont indépendants mais aucun d’entre eux ne doit être négligé pour favoriser
la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise par ses salariés (Reid, 2007). Il est important
pour attirer les talents que les entreprises investissent dans leur marque et mettent en avant
leurs valeurs2. Pour les recruter, le levier important est l’utilisation de nouveaux outils
technologiques tels qu’Internet ou les réseaux sociaux professionnels.
Au-delà de ces deux premiers aspects essentiels, nous nous intéresserons à la fidélisation de
ces ressources en considérant que l’attrait et le recrutement sont déjà effectués.
Listons les leviers nécessaires à la fidélisation des talents. Une des caractéristiques du modèle
de management des talents étant de positionner l’individu au cœur des préoccupations de
l’entreprise, il est essentiel que les RH comprennent leurs motivations pour les fidéliser.

2.3.2.1 L’individu au centre de l’intérêt

• Objectifs de carrière :
Le premier critère important pour le salarié, afin qu’il soit fidèle à l’organisation, est lié
au contenu même de la mission. Le travail doit être passionnant et représenter une vraie
motivation. Le salarié doit se sentir utile. L’entreprise doit aussi pouvoir lui offrir des
possibilités adaptées de développement et permettre des progressions de carrière (Giraud,
2015). Elle doit également se montrer flexible et permettre à l’employé de choisir son « cycle
de carrière », pas seulement dans sa spécialisation mais aussi en l’ouvrant à d’autres domaines
et en lui proposant de nouveaux challenges.

2
Revue Human Capital, décembre 2017

31
Dans le cadre de la gestion des carrières, les entreprises réalisent de plus en plus d’entretiens
lors du départ de leurs employés afin d’en comprendre les raisons (Som et Cerdin, 2005).
Grâce à ces entretiens, les RH espèrent comprendre les erreurs à ne plus commettre pour
prévenir d’autres départs.

• Niveau de responsabilités :
Un autre levier à actionner par les entreprises envers les employés et mis en avant
comme favorable à la rétention des salariés est le fait de les rendre plus autonomes dans leur
prise de décisions. Le salarié doit avoir un niveau de responsabilités suffisant. Il devient alors
plus efficace dans la réalisation de ses tâches. On parle alors « d’Empowerment » (Johennesse,
2017). Cette responsabilisation des employés augmente la motivation et développe la
confiance en eux. En ayant le sentiment d’avoir le pouvoir, ils sont force de proposition et plus
enclins à innover dans l’entreprise.

• Une offre de formation intéressante


Les entreprises doivent être attentives aux demandes individuelles en termes de
formation. Elles devront être à l’écoute des besoins d’évolution du salarié.
Pour cela, des outils peuvent être instaurés comme la mise en place d’entretiens personnels
afin d’être l’écoute des besoins des employés. La formation représentera une valeur ajoutée
pour le salarié qui se sentira valorisé et supporté par le management qui lui aura proposé cette
formation (Johennesse, 2017). Elle permettra au salarié d’améliorer ses compétences et par
conséquent de devenir plus performant. L’entreprise y trouvera aussi son intérêt car, en ayant
des salariés compétents, elle atteindra ses objectifs plus rapidement.

• Une juste rémunération


Le salarié doit se sentir valorisé par une juste rémunération correspondant au niveau
des compétences qu’il possède et au niveau du marché. Les entreprises doivent
continuellement vérifier si les rémunérations qu’elles proposent à leurs employés sont
cohérentes. Si ce n’est pas le cas, elles risquent de voir partir leurs talents.
La performance du salarié doit être mesurée et justement récompensée (Reid, 2007). Par
exemple, un système de primes appliquées à l’atteinte des objectifs des salariés va favoriser
leur fidélité (Johennesse, 2017). Il est à noter que cette rémunération passe non seulement
par le salaire et les primes mais aussi par d’autres avantages fournis par l’entreprise comme

32
par exemple une assurance-maladie avantageuse, des possibilités de placements pour la
retraite ou d’autres avantages plus concrets comme la mise à disposition d’un logement ou
d’un véhicule.

• Une bonne ambiance et des conditions de travail satisfaisantes


L’individu accorde de l’importance à l’ambiance et aux conditions de travail.
L’ambiance de travail doit être agréable et favoriser le soutien entre les collègues et les
responsables hiérarchiques. Le salarié doit se sentir apprécié et respecté. Il doit se sentir fier
d’appartenir à l’entreprise d’où la nécessité pour celle-ci de se mettre en avant 3. Le sentiment
d’appartenance et l’engagement sont d’ailleurs des termes très fréquemment évoqués dans
la littérature lorsque qu’on parle de fidélité au travail.
Un autre aspect important à prendre en compte est l’équilibre entre vie professionnelle et vie
personnelle. Même si le salarié accorde de l’importance au développement de sa carrière, il
ne délaissera pas pour autant sa vie personnelle. Nous avons d’ailleurs souligné l’importance
de la famille dans les choix des salariés. Ce bon équilibre est un critère essentiel à atteindre
pour favoriser la rétention du salarié et l’entreprise développe pour cela de nouveaux modes
de fonctionnement tel que le télétravail.

Dejoux (2010) souligne que toutes ces caractéristiques sont citées comme leviers de
fidélisation. Or, suivant les individus, elles n’auront pas la même influence. Ce qui est essentiel
pour les RH est de comprendre le degré d’importance de chacune pour chaque individu afin
de personnaliser sa gestion.

2.3.2.2 Le rôle important du supérieur - le soutien de sa hiérarchie

Une autre des raisons poussant un salarié à être fidèle à l’entreprise est la relation
existant entre lui et son supérieur direct.
Il a été démontré qu’un manager qui encourage ou valorise son salarié réussira à favoriser la
rétention de celui-ci dans l’entreprise (Roadhes et Eisenberger, 2002 cité par Paillé, 2010). Le
supérieur hiérarchique doit pouvoir permettre au salarié de développer ses compétences et
l’accompagner dans son évolution. Il ne s’agit plus d’exiger et de contrôler mais plutôt de

3
Revue Human Capital, décembre 2017

33
coacher. Il doit créer une relation de confiance avec l’employé. Il doit communiquer,
consulter, écouter et collaborer. Il doit fournir un feedback honnête et bienveillant.
Cela s’entend par une discussion régulière et informelle des axes de développement du salarié
et pas seulement lors d’entretiens annuels (Johennesse, 2017). Les objectifs doivent être
clairement définis et l’évolution des progrès facilement visible pour le salarié (Ellis, 2012).
Enfin, il doit rester positif et créer un environnement de travail agréable. Son rôle est de
soutenir la culture d’entreprise afin que l’employé se sente fier et heureux d’y travailler. Cela
est d’autant plus important qu’une étude a démontré le lien entre l’humeur positive des
employés et leurs bons résultats (Goleman, 2002 cité par Reid 2007).

2.3.2.3 Les innovations en termes de pratiques RH : les outils de développement personnel


et professionnel

Compte tenu des évolutions des modes de gestions dans les entreprises, de nouvelles
pratiques RH ont vu le jour. La communication est citée comme un des leviers importants afin
de fidéliser les talents et ainsi favoriser l’innovation dans les entreprises (Friedman, 2005).
Pour développer leur créativité, les talents doivent ressentir une relation saine et sincère avec
leur entreprise. C’est pourquoi de nouveaux outils de développement personnel et
professionnel ont vu le jour.

Tout d’abord, le premier outil de développement professionnel important qui s’applique est
le « mentoring ». Un collaborateur expérimenté de l’entreprise (le mentor) forme le salarié à
la réalisation de ses tâches en lui donnant des conseils. Il s’agit d’un accompagnement interne
au sein de l’entreprise qui favorise le développement de la carrière (Persson et Ivanaj, 2009).
Cette méthode permet au salarié de prendre en main son nouveau poste tout en étant
rassurer par le support d’un collègue performant.

Ensuite, le « coaching » est apparu comme un outil de développement personnel. Il est


considéré comme un outil du « mentoring » (Persson et Ivanaj, 2009).
Auparavant, la notion de « coach » a été utilisée dans d’autres domaines tels que l’éducation
ou la psychologie avant de s’appliquer au monde du travail et de devenir « business
coaching ».
Cette méthode se définie comme l’accompagnement par une personne disposant de plus
d’expériences et d’une expertise plus grande envers une autre personne ayant moins de

34
compétences. Cette définition est proche de celle du mentoring mais la différence se situe
dans la relation entre le salarié expérimenté et le nouvel employé. En effet, le « coach », à
travers un processus de développement et d’apprentissage, va guider le « coachee » (celui qui
reçoit le « business coaching ») vers la « mise en lumière » de ce qu’il fait de mieux (Dejoux,
2010), le déploiement de ses qualités, ses ressources et ses compétences (Alexandre, 2003
cité par Persson et Ivanaj, 2009). Le « coach » ne va pas seulement former la personne mais il
va l’amener à se surpasser dans ce qu’il sait faire.
Pour être encore plus efficace, ce business coaching peut être appliqué par des cabinets
extérieurs à l’entreprise (Johennesse, 2017).

Enfin, une dernière méthode employée est le « challenging ». Elle consiste à mettre en
situation de difficultés l’employé afin qu’il puisse se surpasser.

Toutes ces méthodes de développement personnel et professionnel sont basées sur la


communication et l’expression du salarié avec pour objectif qu’il se révèle et prenne
conscience de ses talents.

2.3.2.4 Le déploiement des systèmes d’informations des ressources humaines

Som et Cerdin, 2005 ont évoqué comme axe de gestion des talents le déploiement de
système d’information des ressources humaines (SIRH) au sein des entreprises.
Le SIRH désigne un logiciel conçu pour la gestion des informations concernant les ressources
humaines. Il s’agit d’un outil dont les fonctions sont entre autres de gérer le recrutement, la
formation, la rémunération ou la gestion des carrières.
L’objectif de l’implantation d’un tel logiciel est d’automatiser les tâches liées à la gestion des
RH afin d’économiser des coûts et de gagner en efficacité. Cela va du stockage à l’analyse des
données en passant par la manipulation (établissement de la paie par exemple) et la
distribution d’informations.
Lorsque les ressources humaines utilisent la fonction internet pour gérer l’information, on
parle d’e-RH (Laval, 2010) ou portail RH. L’e-RH est destiné aux personnes extérieures au
département RH (Ruël, 2005 cité par Laval, 2010).
Selon l’étude réalisée par Bondarouk et al. (2009) cité par Laval en 2010, l’e-RH contribue à
l’efficacité organisationnelle en allégeant de nombreuses tâches administratives mais aussi en

35
facilitant la communication et le transfert d’information du département des ressources
humaines vers les salariés de manière centralisée. Il peut par exemple diffuser simplement
l’organigramme et l’actualité de l’entreprise ou mettre à disposition des documents utiles
comme un livret d’accueil pour les nouveaux salariés.
Ce type de logiciel peut-il alors être favorable à la fidélisation des talents dans les entreprises,
particulièrement dans un contexte international ?

La gestion des RH dans un contexte international

Certaines pratiques de gestion des Ressources Humaines peuvent s’appliquer de façon


identique quel que soit le contexte. D’autres sont plus spécifiques à la gestion des ressources
dans un environnement international. A ce sujet, Black, Mendenhall et Oddou (1991) et Grillat
et Mérignac (2011) ont pu lister des éléments importants.
Lors du processus de recrutement, il est primordial de définir précisément les compétences
recherchées afin de donner une vision claire au salarié du poste à pourvoir en situation de
mobilité. En effet, un mauvais recrutement serait lourd de conséquences à la fois pour
l’entreprise et le salarié car la possibilité de retour en arrière est quasi-impossible.
Au-delà des compétences professionnelles, il est important lors du recrutement de tenir
compte des compétences interculturelles. Un écart culturel trop important pourrait être une
cause d’échec de la mission. Il est essentiel de former le salarié mais aussi sa famille aux
différences culturelles.
Enfin, un support administratif particulier doit être apporté et celui-ci doit tenir compte de
l’intégration sociale du salarié et de sa famille.
Bien sûr, des critères communs de gestion sont aussi évoqués comme la rémunération et le
fait que le mode d’évaluation soit lié à celle-ci. On retrouve aussi l’importance de la gestion
des carrières.

La gestion des non-talents

Nous venons de décrire les moyens utilisés par les organisations pour gérer les talents.
Ce terme, utilisé pour désigner des personnes « pivots » de l’entreprise, induit que d’autres
ressources, tout autant utiles, ne sont pas désignées par ce terme de talent. Se pose alors la
question de la gestion de ces personnes.

36
La gestion des talents ne doit pas être l’origine d’une perte de cohésion au sein de l’entreprise
car la valeur ajoutée de ce type de gestion pourrait finalement être perdue par le fait de
délaisser les autres ressources entrainant alors un déséquilibre dans l’organisation. La
question de l’équité dans la gestion des ressources est une question primordiale pour les
entreprises (Som et Cerdin, 2005). Les ressources humaines se verraient alors dans l’obligation
de gérer des conflits importants. Or, nous avons vu que l’ambiance de travail était un point
essentiel à la fidélité des salariés au travail.
Un autre risque serait également de créer des attentes de ces talents identifiés par les
entreprises et ainsi de ne pouvoir à termes les satisfaire. Ce mode de gestion destiné à retenir
les talents pourrait alors aboutir au départ de salariés insatisfaits et déçus.
La réponse est peut-être simplement de considérer que toute ressource dispose de talent
(compétence technique mais aussi compétence personnelle) et que la pratique idéale est
d’accompagner chacun à révéler le talent qu’elle possède (Dejoux, 2010).

37
QUESTIONS, PROPOSITIONS DE RECHERCHE ET LIMITES

3.1 Questions de recherche.

Le but de notre travail est d’identifier les pratiques de gestion des talents qui
fidéliseraient le mieux la population des expatriés auto-initiés.
Les entreprises à la recherche de talents, comme les écoles de commerce, se doivent de
recruter et surtout de fidéliser ce type de salariés. Sur un marché fortement concurrentiel, il
s’agit d’un facteur clé de succès incontournable. Il en découle des enjeux importants à la fois
pour les SIE mais aussi pour les organisations qui les recrutent. Les ressources humaines
jouent alors un rôle important dans la réussite de cela et deviennent un véritable levier de la
mise en œuvre de la stratégie de l’organisation (Som et Cerdin, 2005).
Grâce à la partie théorique, nous comprenons mieux qui sont les expatriés auto-initiés.
Nous avons expliqué qu’il s’agissait d’employés décidant volontairement et de manière
individuelle de partir travailler régulièrement à l’étranger pour une durée temporaire.
Nous avons listé les raisons les poussant à le faire. Parmi celles citées, l’une d’elles le plus
fréquemment relevée est de vouloir développer sa carrière et ses compétences en réussissant
sa mobilité à l’international (Howe-Walsh et Schyns, 2010). La deuxième raison est que ce
déplacement doit représenter une opportunité pour l’employé mais aussi pour sa famille. Ces
deux raisons ont été évoquées comme étant celles justifiant un retour si elles n’étaient pas
satisfaites.

Ensuite, notre travail s’est porté sur le concept de fidélité et sur les caractéristiques d’un
employé fidèle. Nous avons mis en avant la fidélité réelle comme celle étant la plus importante
à avoir pour maintenir le salarié en poste, le rendant à la fois satisfait, performant, attaché
affectivement à son entreprise et par conséquent non-attiré par les opportunités extérieures.

Enfin, nous avons relevé des pratiques de gestion des talents importantes déjà appliquées
dans les entreprises pour la fidélisation des employés et notamment ceux expatriés.
Cela nous a permis de comprendre l’importance des outils de développement personnel et
professionnel tels que le « coaching » ainsi que de prendre conscience de l’essor des logiciels
de gestion des ressources humaines favorisant la communication.

38
Notre travail consistera à vérifier sur le terrain si ces pratiques RH de gestion des talents,
peuvent répondre à notre question de la fidélisation des SIE dans les organisations.
Cette partie nous permet donc de formuler plus précisément notre question de recherche et
les deux sous-questions s’y afférant :
Comment fidéliser les expatriés auto-initiés au sein des organisations ?
• Quelles sont les raisons qui les poussent à être fidèles à l’entreprise ?
• Selon les SIE, quelles pratiques RH de gestion des talents doivent être mises en
place par les organisations pour les fidéliser ?

Il est intéressant d’étudier le point de vue d’expatriés auto-initiés afin de vérifier sur le terrain
si les organisations mettent en place des pratiques de gestion des talents. Si c’est le cas, nous
nous demanderons si ces pratiques ont réellement pour objectif la fidélisation des SIE. Si non,
nous verrons si les SIE peuvent suggérer des éléments de réponse.
Le but de cette étude sera de définir les pratiques de gestion des talents déjà identifiées dans
la littérature et déployées dans les organisations qui ont pour objectif de fidéliser les expatriés
auto-initiés.

3.2 Propositions de recherche.

Concernant la première question de recherche : « Quelles sont les raisons qui poussent les
SIE à être fidèles à une organisation ? », il semble intéressant de développer les propositions
de recherche suivantes :
• L’intégration réussie du SIE au sein de l’entreprise et de sa famille au sein du pays
d’accueil le fidélise à l’organisation.
• Les opportunités de carrière au sein de l’entreprise développent une fidélité réelle
des SIE envers leur organisation.

Par rapport à la deuxième question de recherche : « Selon les SIE, quelles pratiques de
gestion des talents doivent être mises en place par les organisations pour les fidéliser ? », les
propositions de recherche suivantes semblent nécessaires d’être étudiées :
• Les systèmes d’informations des Ressources Humaines tels que les portails RH
développent une fidélité réelle des expatriés auto-initiés envers leur organisation en

39
leur procurant des informations, un suivi personnel et adapté pour eux et leur
famille.
• Les outils de développement personnel et professionnel dans une politique de
gestion des talents fidélisent les expatriés auto-initiés à leur organisation en leur
procurant des opportunités de développement de carrière.

3.3 Limites.

Dans ces propositions, seuls les aspects de la famille et de la carrière ont été retenus
comme critères importants fidélisant les expatriés auto-initiés dans les organisations.
Cependant, nous avons identifié dans notre cadre théorique d’autres aspects importants tels
que des raisons financières ou l’importance de l’ambiance de travail et le rôle du supérieur
hiérarchique.
Concernant les pratiques de gestion des talents, nous avons choisi de nous arrêter sur la
proposition de formation par le biais d’outils de développement personnel et professionnel
ainsi que sur la mise en œuvre de système d’information comme leviers à actionner par les
ressources humaines pour fidéliser les talents. Or, d’autres actions existent et sont reconnues
comme importantes pour fidéliser les salariés tels qu’une mission intéressante, un niveau de
responsabilité suffisant ou encore une rémunération avantageuse. Il est probable que ces
aspects soient évoqués dans nos entretiens mais nous n’avons pas choisi de retenir ces
critères dans le cadre de notre étude de la fidélité des expatriés auto-initiés dans les
organisations.
Il est important de préciser que notre étude n’a pas pour objectif de remettre en cause la liste
des pratiques de gestion des talents déjà établie dans la littérature mais de comprendre
lesquelles semblent les plus influentes au regard de la population étudiée, les SIE.
Enfin, nous avons vu lors de l’étude du concept de fidélité que celle-ci pouvait être de plusieurs
ordres. Nous retiendrons la plus forte : la fidélité réelle qui consiste en une volonté sincère du
salarié de rester attaché à l’organisation et de laisser de côté les fidélités liées à un
attachement forcé, une captivité ou à un manque d’intérêt (inertie).
Notre cadre conceptuel nous a permis de préciser notre question de recherche et d’effectuer
quatre propositions de recherche. Par conséquent, nous allons maintenant pouvoir expliquer
comment nous comptons tester ces propositions sur le terrain.

40
EBAUCHE DU CADRE EMPIRIQUE

4.1 Méthodologie utilisée : Une étude qualitative.

Afin de vérifier nos propositions de recherche sur le terrain, nous allons réaliser une
étude qualitative en effectuant des entretiens auprès d’expatriés auto-initiés. Lors de ceux-ci,
nous aborderons les différentes caractéristiques évoquées dans de nos propositions de
recherche.
Tout d’abord, nous vérifierons les particularités des expatriés auto-initiés : qu’il s’agit bien
de salariés effectuant un départ volontaire et individuel à l’étranger avec pour objectif une
mobilité temporaire dans le but, entre autres, d’améliorer leurs compétences
professionnelles.
Puis, nous verrons comment ces salariés considèrent la fidélité envers une organisation et
quelles sont les raisons importantes la favorisant : attachement affectif à l’organisation (sa
marque et ses valeurs), satisfaction intrinsèque liée à la mission, non-attrait pour les
opportunités extérieures et relation vis-à-vis du travail et des collègues.
Ces caractéristiques abordées, nous évoquerons les raisons importantes pouvant favoriser la
fidélité. Nous voulons voir si l’aspect du développement de la carrière et de l’intégration
familiale sont citées majoritairement ou si d’autres raisons semblent plus importantes.
Enfin, nous centrerons nos questions sur les pratiques de gestion des talents et plus
précisément sur les innovations telles que les outils de développement managérial ou les
logiciels SIRH afin de vérifier s’ils peuvent avoir un impact sur la fidélisation des SIE.

4.2 Le secteur et le terrain choisis

Pour notre étude, nous avons choisi d’interroger les expatriés auto-initiés et non pas les
Ressources Humaines. En 2005, dans l’article portant sur les innovations en termes de
pratiques RH de Som et Cerdin, ces derniers suggéraient une limite à leur étude empirique.
Lors de celle-ci, ils interrogeaient des cadres de la fonction Ressources Humaines. Ils
indiquaient qu’en réalisant leurs questionnaires auprès des dirigeants, leurs conclusions
émises étaient favorables aux organisations et aux départements des ressources humaines.

41
C’est pourquoi, il nous a semblé important d’aborder cet aspect des pratiques RH en tenant
compte du point de vue des salariés et non pas de celui des organisations.
Plus précisément, nos entretiens seront réalisés auprès d’enseignant-chercheurs étrangers
recrutés par les écoles françaises. Les interviewés seront au nombre de huit et travailleront
pour moitié à l’ESSCA. Nous nous appuierons sur le service gérant la faculté pour choisir les
répondants et prendre contact avec eux.

Le choix de notre terrain implique certaines limites méthodologiques. Tout d’abord, la


première est la taille de notre échantillon. Huit entretiens limitent notre possibilité d’avoir
une variété de réponses. Deuxièmement, notre échantillon sera composé majoritairement de
personnes travaillant dans une seule école. Cela peut limiter la diversité des réponses. Malgré
le caractère confidentiel des entretiens, il est possible que le fait de les réaliser au sein de
notre propre entreprise produise des réponses créant du « biais ». Enfin, l’étude se limitera
au secteur des écoles. Une étude dans un autre contexte professionnel pourrait révéler des
résultats différents.

4.3 L’outil de collecte et la finalité – les entretiens semi-directifs

Nous chercherons à vérifier nos propositions de recherche grâce à des entretiens


individuels semi-directifs. Notre objectif sera de collecter des données discursives (des faits,
des opinions et des perceptions) par le biais d’une conversation en face à face. Celle-ci sera
réalisée à partir d’un guide d’entretien qui sera composé de questions ouvertes. L’intérêt de
cette démarche est de favoriser la souplesse dans l’organisation de l’entretien.
L’objet de notre recherche sera dévoilé partiellement au début de l’entretien. Il sera rappelé
en début d’entretien le caractère confidentiel et anonyme de l’étude. Les entretiens seront
enregistrés avec l’accord de l’interviewé pour en faciliter la retranscription et réalisés dans un
lieu neutre, probablement une salle de réunion et dureront entre 30 minutes et 1 heure.
Une fois les entretiens réalisés et retranscris, les données collectées seront analysées afin
d’apporter des éléments de réponse à nos propositions de recherche.

42
4.4 Ebauche du guide d’entretien

Introduction

Bonjour, je réalise actuellement un master 2 en management à l’ESSCA d’Angers. Dans


le cadre de ma formation, je réalise un mémoire de recherche sur le thème de la fidélité des
salariés expatriés ayant choisi de le faire de façon volontaire et personnelle.
Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour votre participation.
Bien entendu, cet entretien sera retranscrit de façon anonyme et toutes les informations qui
me seront communiquées seront confidentielles.
Avec votre accord, l’entretien sera enregistré afin de faciliter mon analyse des informations
par la suite.

Questions introductives : Cette phase sert à établir un climat de confiance et de comprendre


le parcours professionnel de l’interviewé.

Est-ce que vous pouvez vous présenter et me parler de votre parcours professionnel jusqu’à
ce jour ?

Les caractéristiques des SIE

L’objectif de cette seconde partie est de vérifier les caractéristiques des SIE.

Quelle est votre nationalité ?


Depuis combien de temps êtes-vous en France ?
Pourquoi avez-vous choisi de partir travailler dans un autre pays ?
Pourquoi avoir choisi la France ?
Comment avez-vous effectué les démarches pour vous expatrier ? (Outils utilisés, etc)
Quelles raisons auraient pu remettre en cause votre mobilité ?

43
Les pratiques de gestion des talents

La famille :

Etes-vous expatriés seul ou avec votre famille ?


Comment s’est passé votre intégration et celle de votre famille en France ?
Comment s’est passé votre intégration personnelle dans l’entreprise ?
Quels besoins avez-vous eu à votre arrivée ? Que vous a-t-il manqué ?
Quels moyens ont été mis à votre disposition par l’entreprise ?
Quelles pratiques auriez-vous souhaité de la part de l’entreprise pour aider à votre
intégration ? Et à celle de votre famille ?
Des outils informatiques tels qu’un portail RH ont-ils été mis à votre disposition à votre
arrivée ? Si oui, avez-vous jugé cela utile à votre intégration ? Si non, auriez-vous aimé en
disposer ?

La carrière :

A votre arrivée, comment s’est passée votre intégration professionnelle ?


Avez-vous eu un accompagnement professionnel ? Un coaching vous a-t-il été proposé ? Si,
oui, quel a été votre sentiment vis-à-vis de cela ? Si, non, cela vous aurait-il intéressé ?
Quelle influence cela aurait pu avoir sur votre intégration professionnelle ?
Du point de vue de votre développement de carrière au sein de l’entreprise, quelles
démarches pourriez-vous envisager ? Quels outils aimeriez-vous avoir afin de facilité votre
accès aux opportunités de carrière ?

La fidélité

Comment vous sentez-vous actuellement dans votre travail ?


Comment définissez-vous les relations que vous avez avec vos collègues ?
Avez-vous conservé des contacts avec vos anciens collègues en France ou à l’étranger ?
Pour quelles raisons seriez-vous tenté de quitter la France ?
Quelles seraient les raisons qui pourraient vous pousser à quitter votre entreprise ?
Que pourrait/devrait vous proposer l’entreprise pour vous retenir ?

44
Phase finale

Quel âge avez-vous ?


L’entretien se termine, souhaitez-vous ajouter d’autres éléments ?

Je vous remercie de votre participation et je vous souhaite une très bonne journée.

45
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THEVENET (2012), Fonctions RH, Editions Pearson, 526 p.

50
ANNEXES

6.1 Retranscription du premier entretien

1ère entretien : jeudi 25 janvier 2018 à 15h30 : 28 min

Je réalise un master 2 en management par la formation continue de l’ESSCA. Dans le cadre de


cette formation, je réalise un mémoire de Master. Mon sujet est la fidélité des salariés
expatriés étrangers qui viennent travailler en France de façon volontaire et personnelle. Je ne
m’adresse pas à un public d’expatriés migrants ou politiques. Le public qui m’intéresse sont les
expatriés qui viennent en France pour développer leur carrière. Je tiens à vous remercier par
avance. Les entretiens seront retranscrits de façon anonyme et tout ce qui pourra se dire lors
de cet entretien sera totalement confidentiel. Si vous êtes d’accord, nous pouvons commencer
l’entretien. Je précise que cet entretien sera enregistré pour faciliter l’analyse des données.
Cela vous convient-il ?
Oui, je suis d’accord
Pouvez-vous me présenter votre parcours et votre évolution professionnelle depuis vos
études jusqu’à ce jour ?
J’ai fait mon doctorat dans une université espagnole à Madrid. Dès la fin de mon doctorat, je
suis parti à l’international pour rechercher des opportunités professionnelles. Ma femme était
en train de finir son Ph.D., son doctorat en Norvège, j’ai donc vécu avec elle moins d’un an.
Ensuite, j’ai trouvé un emploi de post-doctorant à Barcelone en Espagne. Un an après le début
du post-doc, j’ai trouvé un poste de « lecturer in Economics » à Yonsei University en Corée du
Sud et j’ai accepté d’aller là-bas. Une fois arrivé en Corée du Sud, le travail se passait bien,
j’étais content mais c’était un poste renouvelable chaque année. Je recherchais quelque chose
de plus stable. Je regardais donc les sites spécialisés d’emplois. Il y’en a beaucoup. Ils
proposent des postes pour des académiciens et des professeurs. L’ESSCA proposait des postes
sur ces sites. J’ai candidaté auprès de l’école. J’ai passé un entretien et finalement j’ai été
retenu. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de venir en France et d’y emménager, c’était en
2011. En 2015, j’ai trouvé une autre opportunité de développement professionnel à Monash
University en Australie à Melbourne. J’ai été retenu pour le poste et j’ai décidé de quitter la
France à ce moment-là. Je suis resté là-bas 1 an et demi. C’était une expérience très
intéressante mais Melbourne est une ville très, très grande et beaucoup plus stressante. J’ai

51
trouvé que la qualité de vie que j’avais en France était meilleure. Bien sûr, cela dépend du
caractère des gens mais moi j’ai besoin d’espace, d’une ambiance moins stressante, une
douceur de vie que je ne trouvais pas à Melbourne. C’est pourquoi j’ai décidé de retourner en
France. J’ai postulé car j’ai trouvé une offre à l’école de management en Normandie. C’est à
ce moment-là aussi, comme j’étais resté en contact avec des collègues à l’école et qu’ils
avaient entendu que je cherchais à revenir en France, qu’ils ont parlé de cela à Madame
Leblanc. Alors, elle m’a dit « si tu reviens en France, pourquoi ne reviendrais-tu pas à
l’école ? ». Et j’ai accepté de revenir à l’Essca encore une fois fin 2016.
Je ne vous ai pas posé la question mais du coup quel est votre nationalité ?
J’ai deux nationalités : la famille du côté de ma mère est espagnole c’est pourquoi je suis
citoyen espagnol mais je suis né ailleurs dans un pays d’Amérique latine. Je suis né au
Venezuela. Je détiens donc encore la nationalité vénézuélienne même si je ne l’utilise pas du
tout aujourd’hui. J’ai fait mes démarches en Europe donc je suis employé à l’ESSCA comme
citoyen de l’Europe.
D’accord et alors est-ce que vous êtes expatrié seul ou est-ce que votre famille est venue
avec vous ?
Ma femme fait aussi une carrière académique donc pendant quelques années, nous étions
séparés. Nous habitions différents pays mais maintenant elle est ici en France avec moi.
D’accord et comment s’est passée votre intégration personnelle en France et à Angers ?
On a trouvé la ville d’Angers très facile à vivre. Je suis pourtant arrivé ici sans parler un mot de
français. Bien sûr, il y avait des barrières. Par exemple, quand je suis arrivé ici, j’ai essayé de
faire des démarches administratives comme pour connecter Internet chez moi. C’était très
difficile parce que tout le monde ne parlait pas anglais… mais à la fin j’ai réussi. Mais j’ai trouvé
très intéressant d’avoir des contacts chaque jour avec des personnes différentes dans mon
quartier, les magasins… J’ai trouvé les gens plutôt accueillants. Ils disaient « bonjour,
comment ça va ? ». Après quelques mois, on me reconnaissait et ça s’est plutôt bien passé. Je
reconnais qu’il y avait des barrières mais que ce n’était pas des barrières impossibles et
insurmontables.
Justement, qu’est-ce qui aurait pu faire que ça aurait été insurmontable et que finalement
vous seriez dit « ce n’est pas possible, je ne peux pas venir en France » ?
L’idée était que je fasse mon travail en anglais. La barrière la plus importante aurait été qu’on
me demande de faire quelque chose en français.
D’accord

52
Encore aujourd’hui, j’ai du mal et mon expression n’est pas tout à fait correcte. Par exemple,
je participe au concours et j’ai du mal à m’exprimer comme ça devant les élèves. Peut-être
qu’ils trouveraient mon expression pas suffisamment professionnelle… C’est également
difficile pour moi de m’exprimer durant les portes ouvertes. Je le fais, je participe aux portes
ouvertes et je parle avec les parents en anglais mais tous les parents ne sont pas capables de
comprendre l’anglais. Durant ces journées, j’ai la sensation que l’école semble plus
professionnelle s’il y a quelqu’un qui parle anglais même s’il ne parle pas français que d’avoir
quelqu’un qui parle français avec mon niveau.
Est-ce que ça a été un besoin de suivre des cours de français ?
Oui, je sais qu’il y a un besoin de l’école avec des profils plutôt francophones. Mais même si
l’anglais n’est pas ma langue maternelle, c’est ma langue de travail et je le parle très bien.
Est-ce que la barrière de la langue a-t-elle été un frein à votre intégration école ?
Il y avait effectivement des petites barrières avec des assistantes ou des collègues qui ne
parlaient pas anglais mais à la fin je me rattrapais avec mon niveau de français et aujourd’hui
j’y arrive sans problème.
Dans l’ensemble, comment jugez-vous vu votre intégration dans l’entreprise ?
J’ai un sentiment positif avec des petites barrières bien sûr mais pas insurmontables.
Est-ce qu’il y a des moyens qui ont été mis à votre disposition pour franchir ces barrières ?
Oui, quand je suis arrivé l’école a mis à ma disposition des cours de français. J’ai fait pendant
deux étés consécutifs un cours de français intensif. Le problème est que je suis payé pour faire
un travail à temps plein or les cours de français étaient en dehors de ma fiche d’activité et du
coup, c’était difficile. Et puis, le français n’est pas l’objectif de l’institution, il y a suffisamment
de professeurs qui donnent des cours en français.
On a parlé de l’intégration professionnelle mais l’institution aurait-elle pu mettre en place
des moyens à votre disposition pour faciliter votre intégration personnelle et celle de votre
famille ?
Oui effectivement il y a un autre problème c’est que ma femme fait aussi une carrière
académique. Une des raisons pour lesquelles je suis parti en Australie c’est qu’il y avait peut-
être une opportunité que nous trouvions tous les 2 un emploi à Melbourne car il y a plusieurs
universités et c’est une grande ville. Quand je suis parti en Australie, je suis parti car ma femme
partait en Suisse. Je restais seul ici alors pourquoi ne pas tenter une expérience nouvelle en
en Australie. Et par la suite, ma femme aurait pu déménager de la Suisse vers l’Australie. Après
un an et demi, finalement, on a décidé que ce serait mieux si je restais en Europe c’est

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pourquoi je suis revenu ici. Mais la barrière reste encore le fait que ma femme n’ait pas de
travail.
Est-ce que si les ressources humaines vous offraient des possibilités de carrière ou des
facilités pour votre vie personnelle notamment via un portail informatique, cela aurait-il pu
vous aider ?
Oui, bien sûr. Je suis au courant qu’il y a des programmes sur un marché international pour
des cas comme cela. Le genre de couple que nous sommes, on les appelle les « dual carrier
couple ». Ce sont des couples qui ont des carrières similaires et qui ont précisément les mêmes
problèmes. Certaines universités sont équipées de bureaux spécifiques permettant de trouver
des alternatives pour le conjoint de la personne qui s’expatrie.
Par rapport à votre développement de carrière, comment s’est passée votre intégration dans
l’entreprise ? Est-ce que quelqu’un vous a formé ? Un coaching a-t-il été mis en place ?
En 2011, il y avait encore beaucoup de choses à faire pour améliorer l’intégration
professionnelle. Il y avait peu d’informations concernant le coaching, j’ai dû découvrir
beaucoup de choses par moi-même en explorant, cherchant, demandant… par contre
aujourd’hui toutes les communications par e-mail sont faites en anglais et en français, ce
n’était pas le cas en 2011, pas du tout. Aujourd’hui, je n’ai pas la possibilité de savoir si le
dispositif de coaching a évolué car je n’ai pas aujourd’hui le même besoin que celui que j’avais
en 2011.
Et dans ce cas, est-ce que quand vous êtes arrivé en 2011, auriez-vous apprécié d’avoir à
disposition ce type de coaching, un accompagnement d’une personne plus ancienne pour
vous guider dans votre prise de poste ?
Oui, je crois que ça aurait été une bonne chose qui aurait facilité mon adaptation.
Cependant, il y avait également un bureau externe à l’ESSCA qui m’a beaucoup aidé et
notamment lors de la recherche de la recherche de mon premier appartement. Quand je suis
arrivé ici, ce bureau externe m’a aidé dans la recherche d’appartement et a effectué toutes
les démarches administratives. J’ai pu grâce à ce bureau surmonter les difficultés
administratives.
Et comment est-ce que vous avez eu les coordonnées de ce bureau ?
C’est le responsable de la faculté qui me les a fournies.
Maintenant, du point de vue de votre carrière, vous et votre épouse, quelles démarches
pourriez-vous envisager ? Êtes-vous toujours en quête d’un nouvel emploi ? Et quels outils
pourraient être utiles pour cette démarche ?

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Le problème qui subsiste est le fait que ma femme ne trouve pas de travail. Ma femme a
également un doctorat et elle fait également une carrière. Elle a son expérience en Suisse où
elle travaillait jusqu’à récemment avant de déménager ici. On n’a pas perdu l’espoir de trouver
une solution.
Quelle est sa spécialisation ?
Elle travaille dans le domaine du « management non profit ».
J’imagine que si des opportunités à l’ESSCA se présentaient vous pourriez lui en faire
profiter ?
Oui, bien sûr.
Et justement trouvez-vous qu’il y a une visibilité suffisante sur les opportunités de carrière
possible dans l’entreprise ?
Oui, je peux avoir l’information en discutant avec les collègues et en demandant des
renseignements. Bien sûr, il y a des risques que je rate quelque chose car l’information n’est
pas publique. Ce n’est pas comme un site Web.
Et donc justement est-ce que cela serait utile d’avoir un site de ce genre qui répertorierai les
opportunités de carrière ?
Effectivement, par les canaux informels, il y a des risques de manquer quelque chose. Donc,
bien sûr, une instance spécifique et formel qui permettrait de faire une demande de
considérations ou d’opportunités serait utile, je crois.
Aujourd’hui, comment vous sentez-vous dans votre travail ?
La recherche reste un point difficile. Il faut cibler des revues internationales classées au CNRS.
C’est extrêmement dur. Cela implique de travailler beaucoup en dehors des heures de nos
heures de travail. Malgré ces difficultés, j’arrive mieux à me concentrer à Angers qu’à
Melbourne. La difficulté est toujours là, c’est comme ça. Mais par rapport au contexte, ici,
j’arrive à mieux travailler sur la recherche. D’ailleurs à ce sujet, j’aurai pu avoir la possibilité
d’être muté à Paris mais j’ai refusé car ce serait compliqué et je pense que je n’arriverai pas à
faire mon travail à Paris.
En revanche, ce serait peut-être plus facile pour votre épouse de trouver du travail ?
Oui, parce qu’à Paris, il y a plus d’écoles.
Si vous deviez suggérer quelque chose à l’institution, qu’est-ce que vous pourriez lui
conseiller pour favoriser l’intégration personnelle et professionnelle des salariés étrangers
comme vous ?

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Les collègues français peuvent avoir s’ils le souhaitent des cours personnalisés d’anglais et je
me demande pourquoi on ne pourrait pas avoir cette possibilité d’avoir des cours de français
personnalisés. Il y a un professeur de français et j’avais l’opportunité de suivre son cours mais
il semble que cela aurait eu lieu avec tous les élèves de l’ESSCA. Et ce n’est pas le cas des
collègues français qui suivent des cours d’anglais. C’est plus personnalisé et sans élève. Il y a
d’autres professeurs qui seraient intéressés par cela. Par contre, c’est très important que ces
cours restent optionnels et non pas une obligation. Nous ne sommes pas ici pour faire un
travail en français et mon français, c’est clair, n’est pas suffisant pour le faire. Et si nous
devions être obligé de travailler en français, ce serait une bonne raison pour chercher à partir
dans d’autres écoles. L’important est qu’il y ait un espace légitime pour les collègues
internationaux.
Avez-vous gardé des anciens contacts avec vos collègues de Melbourne ?
Oui, bien sûr.
Si d’autres opportunités pour partir ailleurs se présentaient, cela pourrait se faire par leur
intermédiaire ?
Oui, mais je ne partirai plus en dehors de l’Europe.
À part le fait que votre épouse ne trouve pas de travail, quelles seraient les autres raisons
qui vous pousseraient à quitter la France ?
J’ai été très concerné par la possibilité d’une victoire de Marine Le Pen et par tous les
changements politiques que cela pour aurait pu engendrer. Une chose comme ça, qui est hors
du contrôle de l’institution, aurait pu m’inciter à quitter la France, forte heureusement ce n’est
pas arrivé.
Donc là, on vient de parler des raisons qui vous pousseraient à quitter la France mais qu’est-
ce qui ferait que vous pourriez quitter l’entreprise ?
Il y a une évolution dans toutes les écoles de commerce. Les écoles ne valorisent plus assez
le contenu de la recherche mais elles accordent plus d’importance aux revues où on publie la
recherche. Les revues sont classées et notées suivant des indices. Je comprends
qu’aujourd’hui les écoles sont poussées par le marché et doivent avoir des publications dans
des revues très importantes mais il faut faire la part des choses. Cela devient une obsession
pour les collègues afin de publier dans les meilleures revues. À la fin, on ne prête attention
seulement qu’à la revue CNRS et pas vraiment au contenu de l’article et cela contribue à une
ambiance intellectuelle un peu légère. Et c’est dommage. J’aurais du mal à me sentir à l’aise
dans une école où les publications de recherche se feraient au plus haut rang car les choses

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deviennent tellement psychotiques dans ce type d’institution. Donc c’est mieux d’être dans
une école où il y a un bon équilibre et une bonne compréhension malgré la pression du
marché. Il y a quelques marges de manœuvre à jouer par l’institution pour maintenir cet
équilibre.
Merci. L’entretien touche à sa fin. Je vais me permettre pour terminer de vous demander
votre âge.
J’ai 42 ans.
Est-ce que vous souhaitez ajouter d’autres éléments ?
Non, pas vraiment.
Merci et bonne fin de journée.

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