Surveillance Et Évaluation Des Risques
Surveillance Et Évaluation Des Risques
Surveillance Et Évaluation Des Risques
Introduction
La récente crise mondiale a illustré de quelle manière les destiné à évaluer les tendances observées mondiale-
chocs et les vulnérabilités émanant non seulement du ment dans le système bancaire parallèle et les risques
secteur bancaire, mais également des segments moins potentiels qui en découlent; le second consiste en la
réglementés du système financier, pouvaient compro- formulation de recommandations en vue de renforcer la
mettre la stabilité financière. Les activités qui génèrent des surveillance et la réglementation de la finance parallèle.
réseaux complexes d’expositions et d’interdépendances Les recommandations en cours d’élaboration obéissent à
entre diverses composantes du système fragilisent aussi certains principes généraux1, selon lesquels les mesures
ce dernier. La crise a rappelé aux autorités, tant nationales réglementaires doivent :
qu’étrangères, l’importance de l’adoption d’une approche
être ciblées, de manière à viser les externalités et les
globale pour la surveillance et l’évaluation des faiblesses
risques que créent les activités du secteur parallèle;
potentielles du système financier mondial, y compris du
secteur bancaire parallèle, appelé aussi « finance paral- être proportionnées aux risques pesant sur le système
lèle ». Cela est d’autant plus important que la réforme de financier;
la réglementation financière en cours — qui est indispen
être prospectives et modulables en fonction des nou-
sable pour atténuer la menace que de nouveaux excès
veaux risques et des innovations;
compromettent la stabilité future du système — fera
augmenter les coûts assumés par les banques et limitera viser l’efficacité dans leur conception et leur mise en
leurs activités jusqu’à un certain point, ce qui pourrait œuvre, et rechercher un équilibre entre la cohérence
encourager encore davantage la migration des opérations au niveau mondial et la reconnaissance des particula-
d’intermédiation du crédit vers le secteur non réglementé. rités nationales ou régionales;
On assimile souvent la finance parallèle aux activités d’in- être revues et évaluées régulièrement après leur ins-
termédiation du crédit se déroulant, en partie du moins, tauration, ainsi qu’améliorées au besoin.
à l’extérieur des circuits bancaires traditionnels. Ces
La Banque du Canada et d’autres instances au pays
activités, si elles sont menées adéquatement, peuvent
ont renforcé leur collaboration pour suivre de près le
donner accès à des modes de financement sur le marché
développement du secteur bancaire parallèle au pays et
qui constituent un substitut valable aux emprunts ban-
en cerner les risques potentiels. Dans une précédente
caires, et contribuer ainsi à soutenir l’économie. En outre,
livraison de la Revue du système financier, Chapman,
elles peuvent être une source d’innovation et concourir à
accroître l’efficience et la résilience du système financier.
1 Cinq chantiers prioritaires ont été définis, avec pour objectifs : 1) d’atténuer
Les travaux internationaux consacrés à la finance paral- les effets de débordement entre le système bancaire traditionnel et le
lèle portent essentiellement sur les moyens de corriger système parallèle; 2) de rendre les fonds du marché monétaire moins sujets
à des retraits massifs; 3) de mesurer et réduire les risques systémiques
les faiblesses révélées par la crise et de prévenir la qu’engendrent les entités du secteur parallèle; 4) d’évaluer et harmoniser
résurgence des risques systémiques. Ceux du Conseil les intérêts des acteurs à l’origine de la titrisation; 5) de diminuer les risques
de stabilité financière s’inscrivent dans deux grands axes et les incitations procycliques associés aux opérations de pension et aux
prêts de titres. Pour un aperçu des recommandations initiales du Conseil de
complémentaires : le premier est un examen annuel stabilité financière, voir CSF (2012a).
60 Surveillance et évaluation des risques émanant du secteur bancaire parallèle au Canada
BANQUE DU CANADA • Revue du système financier • juin 2013
Lavoie et Schembri (2011) ont exposé les traits dominants Bien qu’une approche fondée sur les activités permette
de ce secteur, ses vulnérabilités, telles que révélées par la peut-être une meilleure estimation des risques, il demeure
crise, et les réformes qui pourraient être introduites. Dans essentiel de tenir compte des entités qui les accom-
le présent rapport, nous examinons plus à fond sa struc- plissent, dans le but d’alimenter la réflexion sur les recom-
ture et son évolution au Canada, y compris celles de ses mandations et les règles qu’il convient de formuler. En ce
principaux segments. Nous décrivons également notre sens, les deux types d’approches apportent des éclairages
cadre d’évaluation des risques associés à ce secteur et précieux.
mettons en lumière les aspects de la finance parallèle
devant faire l’objet d’un suivi. Cadre d’évaluation des risques
Le cadre que nous utilisons ici pour analyser les activités
Cadre de mesure et d’évaluation du secteur bancaire parallèle au Canada s’articule autour
de quatre facteurs de risque (conformément à la métho-
des risques dologie élaborée par le CSF, 2011) et de la mesure dans
laquelle les activités s’appuient sur ces facteurs, qui sont :
Mesure du secteur bancaire parallèle
De manière générale, on peut mesurer la taille du secteur la transformation des échéances, processus par lequel
bancaire parallèle à partir soit des entités qu’il regroupe, des passifs à court terme servent à financer des actifs
soit des activités qui en relèvent. La mesure que retient le à long terme;
Conseil de stabilité financière (CSF, 2012b) pour son exer- la transformation du profil de liquidité d’actifs illiquides
cice annuel de suivi est fondée sur les actifs détenus par qui ne peuvent être convertis en espèces aisément;
les « autres institutions financières », plus précisément les
entités non bancaires comme les fonds de couverture, les l’effet de levier, qui peut être mis en place au sein
fonds du marché monétaire, les sociétés de financement de l’entité ou à diverses étapes du processus
et les véhicules d’investissement structurés. Cette façon d’intermédiation;
de faire pourrait toutefois omettre des activités exercées le transfert imparfait du risque de crédit : certaines
par des banques mais considérées comme relevant expositions sont retirées du bilan d’une entité, ou
de la finance parallèle et susceptibles de comporter un encore une entité fournit à une autre institution un
risque systémique. Elle pourrait aussi entraîner un traite- soutien implicite qui la rend vulnérable aux pertes de
ment différent de transactions équivalentes du point de cette dernière.
vue économique, simplement du fait que celles-ci sont
conclues par des institutions de nature différente. Certes, les trois premiers de ces quatre facteurs de
risque existent également au sein du secteur bancaire
Dans leur analyse du contexte canadien, Chapman, classique, mais la concrétisation de l’un d’eux expose
Lavoie et Schembri (2011) ont opté pour une mesure axée les entités non réglementées et les marchés sur lesquels
sur les activités, en particulier les services d’intermé- elles opèrent à un retrait massif des investisseurs (c’est-à-
diation s’apparentant à ceux des banques, mais fournis dire à un tarissement soudain de la liquidité). Un tel retrait
essentiellement par l’entremise des marchés. En plus peut contribuer à son tour à amplifier les chocs ou à les
d’englober les segments constitués, entre autres, des propager à l’ensemble du système financier et, partant,
opérations de pension, de la titrisation et des fonds du compromettre la stabilité financière. Cela se vérifie tout
marché monétaire, cette approche inclut les transactions particulièrement lorsque le désengagement est généra-
économiquement équivalentes effectuées par toutes les lisé ou que d’importants liens ou interdépendances sont
entités, qu’elles soient réglementées ou non. Étant donné subitement rompus. Le risque peut se matérialiser au
la présence dominante des banques dans la plupart de niveau d’une seule entité non réglementée, mais il peut
ces segments du marché canadien, elle présente aussi aussi s’immiscer dans une chaîne complexe de transac-
l’avantage d’embrasser les activités pouvant engendrer tions où il s’incarnera à différents stades et engendrera
des risques systémiques qui ne sont pas considérées de multiples formes d’interaction entre le secteur ban-
comme des opérations bancaires au sens classique, caire parallèle et le secteur réglementé.
même si le processus d’intermédiation fait souvent inter-
venir une banque. Parce qu’elle englobe également des
activités menées par les établissements réglementés et
bénéficiant, dans certains cas, d’une garantie explicite de
l’État, cette approche est plus globale que celle générale-
ment adoptée dans les discussions autour du traitement
réglementaire de la finance parallèle, qui se concentrent
sur les opérations d’intermédiation du crédit échappant à
la réglementation.
Surveillance et évaluation des risques émanant du secteur bancaire parallèle au Canada
BANQUE DU CANADA • Revue du système financier • juin 2013 61
Graphique 1 : Segments du secteur bancaire parallèle Graphique 2 : Taille estimative du secteur bancaire parallèle en
au Canada proportion du secteur classique (établie en fonction des passifs)
Milliards $ CAN
%
800
60
700
55
600
50
500
45
400
300 40
200 35
100
30
0
1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 25
1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013
Fonds du marché Acceptations bancaires Titres adossés à
Sources : Banque du Canada, Société canadienne d’hypothèques
monétaire et papier commercial des actifs
et de logement, DBRS, Institut des fonds d’investissement du Canada
Papier commercial Titres hypothécaires Opérations de
et calculs des auteurs Dernière observation : 2012T4
adossé à des actifs LNH pension
Sources : Banque du Canada, Société canadienne d’hypothèques
et de logement, DBRS et Institut des fonds d’investissement et le niveau de risque qui lui est associé peuvent varier
du Canada Dernière observation : 2012T4
considérablement d’un pays à l’autre. Comme nous le
verrons plus loin, nous devons notamment tenir compte,
Le secteur bancaire parallèle canadien dans notre évaluation globale des risques, du fait que
notre mesure du secteur parallèle canadien intègre
Au Canada, le secteur bancaire parallèle, qui s’était forte- certaines activités menées par les établissements
ment développé durant la période ayant précédé la crise réglementés ainsi que des instruments assortis d’une
financière mondiale, s’est légèrement contracté depuis garantie explicite de l’État, ce qui contribue à atténuer
(Graphique 1)2, 3. Suivant la mesure basée sur les activités, les menaces potentielles à la stabilité financière.
sa taille équivaut à environ 40 % de celle du secteur clas-
sique, alors qu’elle avoisinait les 50 % en moyenne durant Selon l’approche fondée sur les activités, le secteur
la décennie antérieure à 2008 (Graphique 2)4. bancaire parallèle est formé au Canada des cinq princi-
paux marchés suivants (leur part du secteur est précisée
Pour donner une idée de l’ordre de grandeur du secteur en pourcentage) :
bancaire parallèle au pays, mentionnons que celui-ci
représentait, d’après les estimations, environ 40 % du 1. titres hypothécaires émis en vertu de la LNH (Loi natio-
PIB nominal canadien à la fin de 2012, alors que ce sec- nale sur l’habitation) et OHC (Obligations hypothécaires
teur comptait pour approximativement 95 % du PIB des du Canada), qui ensemble forment le segment de la
États-Unis à la fin de 2011. Il importe aussi de garder à titrisation des prêts assurés par l’État (près de 60 %)5;
l’esprit que la composition des opérations de ce secteur 2. PCAA (papier commercial adossé à des actifs) et TAA
(titres adossés à des actifs) de plus d’un an, qui consti-
2 Notre estimation repose sur l’encours des passifs générés par ce secteur au tuent le marché de la titrisation privée (10 %)6;
Canada. On trouvera dans le dernier rapport annuel de l’Office of Financial
Research un exemple de la manière dont la mesure axée sur les activités est 3. opérations de pension (10 %);
utilisée aux États-Unis (OFR, 2012, encadré B).
3 On notera que dans Chapman, Lavoie et Schembri (2011), les chiffres 4. fonds du marché monétaire (5 %);
estimatifs concernant les opérations de pension se fondent sur les données
relatives au volume total des opérations. Pour les fins du présent rapport, 5. acceptations bancaires et papier commercial (15 %)7.
nous utilisons l’encours des mises en pension en dollars canadiens des
grandes banques canadiennes. Par conséquent, bien que le marché des La composition du secteur bancaire parallèle canadien
pensions paraisse ainsi plus petit tant en termes absolus qu’en proportion a beaucoup changé depuis la crise financière. Le recul
de l’ensemble du secteur parallèle, l’estimation obtenue est plus compa-
tible avec celle des autres segments de ce secteur. Cette estimation est marqué des segments de la titrisation privée, des
prudente, car elle exclut quelque 16 milliards de dollars de mises en pen-
sion des courtiers en valeurs mobilières autres que des banques (encours 5 Chapman, Lavoie et Schembri (2011, encadré) illustrent le processus de
enregistré à la fin de 2011, selon l’Organisme canadien de réglementation titrisation de ces prêts hypothécaires.
du commerce des valeurs mobilières). 6 Ce segment regroupe les instruments titrisés autres que les titres hypothé-
4 Notre mesure du passif du secteur bancaire classique englobe le montant caires LNH et les OHC.
brut des dépôts (y compris les emprunts à long terme non garantis en 7 Il y a un certain degré de double comptage, les fonds monétaires achetant
dollars canadiens), les créances subordonnées et les dépôts en devises des du PCAA, des acceptations bancaires ainsi que du papier commercial, par
résidents canadiens. exemple.
62 Surveillance et évaluation des risques émanant du secteur bancaire parallèle au Canada
BANQUE DU CANADA • Revue du système financier • juin 2013
opérations de pension et des fonds du marché moné- Tableau 2 : Coût de divers modes de financement
taire a été presque entièrement neutralisé par la vive hypothécaire (estimations pour janvier 2013)
progression de l’encours des titres hypothécaires LNH, Écart avec les Charges et
qui a plus que doublé entre 2007 et 20128. Instrument acceptations frais afférents Écart total
(durée de bancaires à 3 mois (en points (en points
5 ans) (en points de base) de base) de base)
Structure et évolution des segments du secteur Obligations +1 12 +13
bancaire parallèle hypothécaires
du Canada
Nous examinons ici plus en détail quatre des cinq princi-
Titres +37 14 +51
paux segments du secteur bancaire parallèle canadien9 hypothécaires
et en cernons les aspects qui méritent un suivi régulier LNH
en raison des risques potentiels qu’ils font planer sur le Obligations +42 8 +50
système financier. sécurisées
en $ CAN a
Graphique 3 : Encours en fin d’année des émissions de Graphique 4 : Encours des émissions de titres hypothécaires LNH
titres hypothécaires LNH de neuf prêteurs non traditionnels Milliards $ CAN
90
Milliards $ CAN
60 80
70
50
60
40 50
40
30
30
20 20
10
10
0
TD BNE RBC CIBC 9 BMO BNC Autres Desjardins ING HSBC Laurentienne
0 prêteurs (total)
2007 2008 2009 2010 2011 2012 non traditionnels
Succursales Entités non régies par Entités régies par le Succursales Entités non régies par Entités régies par le
de banques le Bureau du surintendant Bureau du surintendant de banques le Bureau du surintendant Bureau du surintendant
étrangères des institutions financières des institutions financières étrangères des institutions financières des institutions financières
10 milliards de dollars en 2007 (soit 7 % du volume total assurances pour leurs portefeuilles de créances hypothé-
de titres hypothécaires LNH) à environ 55 milliards à la fin caires à faible rapport prêt-valeur non assurées à l’origine
de 2012 (15 %). Ensemble, ces prêteurs se classent main- et qui procèdent ensuite à la titrisation de ces créances
tenant au cinquième rang des émetteurs de titres hypo- sont assujetties à des exigences de liquidité moins rigou-
thécaires LNH au Canada (Graphique 4). Mentionnons reuses15. Conjugué au coût avantageux du financement
que quatre d’entre eux ne sont pas supervisés par les mentionné précédemment, cet allègement des exigences
autorités fédérales canadiennes13. incite les banques à financer de plus en plus leur activité
hypothécaire au moyen de la titrisation de prêts assurés16.
Jusqu’à récemment, l’essor du marché de la titrisation
des prêts hypothécaires assurés était attribuable aussi En période de crise, divers instruments d’emprunt titrisés
au recours accru des banques à l’assurance de porte- peuvent soudainement s’attirer la défaveur des acheteurs
feuille14. Les institutions bancaires qui souscrivent des ou faire l’objet de liquidations, ce qui se traduit par des
pressions sur la liquidité de financement des intermé
13 Les neuf prêteurs non traditionnels dont il est question au Graphique 3 et au
diaires financiers. Des pressions de ce genre apparais-
Graphique 4 appartiennent à trois catégories. Il y a d’abord ceux qui ne sont sent notamment lorsque le sentiment des investisseurs se
pas régis par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), modifie brusquement à cause du risque de transformation
soit la Financière Macquarie, la Financière First National, IG Investment
Management et MCAP (il est à noter que la société mère de la Financière
de la liquidité (dont on a fait état précédemment) inhérent
Macquarie est assujettie à la surveillance prudentielle des autorités aus- au processus de titrisation17. Toutefois, le marché de la
traliennes). Viennent ensuite les succursales de banques étrangères (la titrisation des prêts hypothécaires assurés par l’État est
Deutsche Bank et Merrill Lynch Canada), dont la surveillance relève du BSIF
mais qui ne sont pas soumises à des normes de fonds propres ou de liquidité
largement à l’abri de ce risque propre à la finance parallèle,
parce que leurs sociétés mères le sont, elles, dans leur pays d’origine sur une
base consolidée. Le troisième groupe est formé des firmes régies par le BSIF 15 Par exemple, les titres hypothécaires LNH et les OHC sont considérés
et assujetties aux normes de fonds propres et de liquidité (à savoir, la Société comme des actifs de niveau 1 aux fins du ratio de liquidité à court terme
de fiducie financière Equity, la Compagnie Home Trust et la Compagnie de établi dans le dispositif de Bâle (Gomes et Wilkins, 2013), ce qui n’est pas le
Fiducie Peoples). cas des prêts non assurés (inscrits au bilan), qui ne bénéficient donc pas du
même traitement. Bien que les banques qui souscrivent une assurance pour
14 Il s’agit d’une assurance que les institutions financières souscrivent auprès
les créances hypothécaires dont le rapport prêt-valeur est faible jouissent
de la SCHL ou d’assureurs privés pour couvrir les blocs de prêts hypothé-
aussi d’un allègement des exigences de fonds propres, elles ne sont pas
caires dont le rapport prêt-valeur est peu élevé. La faveur croissante de
obligées pour cela de titriser ces créances. En conséquence, ce facteur à
l’assurance de portefeuille est liée en partie à la participation des institutions
lui seul ne joue pas nécessairement un grand rôle dans la croissance des
financières au Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés (PAPHA),
émissions de titres hypothécaires LNH.
lancé par le gouvernement canadien pendant la récente crise financière
comme mesure de soutien temporaire. Dans le cadre de ce programme, 16 Dans son exposé budgétaire de mars 2013, le gouvernement fédéral a
l’État a acheté des titres hypothécaires LNH auprès des institutions finan- annoncé son intention d’interdire l’utilisation des prêts hypothécaires assurés
cières. Par conséquent, ces institutions ont cherché à se procurer une garantis à même les fonds publics comme sûreté dans les véhicules de
assurance de portefeuille pour pouvoir convertir des blocs de créances titrisation qui ne sont pas parrainés par la SCHL.
hypothécaires résidentielles ayant un faible rapport prêt-valeur en titres 17 Le risque de transformation se manifeste ouvertement lorsque des instru-
hypothécaires LNH, qu’elles vendraient ensuite (avec d’autres titres hypothé- ments jugés jusque-là liquides et sans risque, parce qu’insensibles aux
caires LNH formés de prêts hypothécaires assurés à l’origine) sous l’égide informations, deviennent subitement sensibles à celles-ci aux yeux des
du PAPHA. investisseurs et, par conséquent, risqués (Gorton et Metrick, 2010).
64 Surveillance et évaluation des risques émanant du secteur bancaire parallèle au Canada
BANQUE DU CANADA • Revue du système financier • juin 2013
canadien et l’interconnexion entre ses acteurs, compara- PCAA bancaire PCAA non bancaire
TAA de plus d’un an (dont les titres adossés Billets structurés
tivement à la situation classique où le crédit hypothécaire
à des crédits immobiliers commerciaux) PCAA restructuré
est financé essentiellement à même les dépôts reçus en Placements privés
succursale19. Enfin, il se peut que les bas coûts de finan-
Source : DBRS Dernière observation : novembre 2012
cement favorisent une augmentation du levier financier
dans les institutions peu réglementées et dopent ainsi la
Graphique 6 : Ventilation du PCAA selon la catégorie
croissance du crédit hypothécaire.
de sous-jacent
2,7 %
Marché de la titrisation privée 4,8 %
1,6 %
Graphique 8 : Passif total en dollars canadiens des banques Graphique 9 : Actifs gérés par les fonds monétaires canadiens
canadiennes
Milliards $ CAN %
Milliards $ CAN Milliards $ CAN 90 18
2 500 150
80 16
70 14
2 000 120
60 12
50 10
1 500 90
40 8
1 000 60 30 6
20 4
500 30 10 2
0 0
0 0 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011
1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012
Actif des fonds monétaires Actif de ces fonds en pourcentage de
Passif total (échelle de gauche) Pensions (échelle de droite) (échelle de gauche) l’actif total des organismes de place-
ment collectif (échelle de droite)
Source : Banque du Canada Dernière observation : novembre 2012 Source : Institut des fonds
d’investissement du Canada Dernière observation : août 2012
principal risque systémique associé aux opérations de cherchant à se financer sur les marchés à court terme.
pension. Au Canada, ce risque est amplifié par le fait que À la fin de 2012, les avoirs gérés par les fonds moné-
la plupart des pensions conclues sont de courte durée taires canadiens s’établissaient à approximativement
(d’un seul jour ou à échéance ouverte24). Mais comme 30 milliards de dollars, en forte baisse par rapport au
ces opérations portent presque exclusivement sur des sommet de 77,4 milliards atteint en 2009 (Graphique 9).
titres émis ou garantis par l’État, la menace est contenue. Cette chute est vraisemblablement imputable en partie
De plus, on prévoit que les pensions seront de plus en aux bas taux d’intérêt.
plus prises en charge par le Service canadien de com-
pensation de produits dérivés, ce qui devrait contribuer à Le secteur des fonds monétaires au Canada est concentré,
renforcer la résilience de ce marché25. les quinze principaux fonds rassemblant environ 75 % des
actifs gérés. Offerts par les grandes banques et les firmes
Il demeure cependant indispensable de surveiller l’évo- de gestion d’actifs, ces fonds détiennent essentiellement
lution de la composition des titres mis et pris en pension des titres émis par des banques (adossés ou non à des
et de la structure des échéances des transactions. Par créances), du papier commercial de sociétés non finan-
ailleurs, il semblerait que certaines caisses de retraite cières, des obligations du gouvernement fédéral et des
canadiennes font de plus en plus appel aux opérations provinces ainsi que des instruments d’emprunt émis par
de pension dans le cadre de la mise en œuvre de stra- d’autres institutions financières nationales ou étrangères26.
tégies de placement à effet de levier. Si elle continue de
se répandre, cette pratique pourrait poser problème en Les fonds monétaires canadiens opèrent peu de transfor-
période de tension sur les marchés. Elle mérite donc elle mation de liquidité et d’échéances et ne font habituelle-
aussi d’être suivie attentivement. ment pas appel à l’effet de levier 27. Même si ce segment
est peu susceptible de revêtir une importance systémique
pour le Canada vu sa petite taille, certains des attributs de
Fonds du marché monétaire
ces fonds peuvent présenter des risques.
En règle générale, les fonds du marché monétaire inves-
tissent dans les titres à revenu fixe à court terme bien
notés et très liquides. Ils effectuent également des prises
en pension dans le but de placer des liquidités excéden- 26 La Financière Sun Life, Phillips, Hager & North, Fidelity Investments Canada,
taires. Ils servent ainsi d’intermédiaires entre, d’une part, Financière Manuvie, le Groupe Investors, MD Physician Services et la Société
de Gestion AGF administrent également d’importants fonds monétaires.
les investisseurs individuels ou institutionnels désireux
27 La réglementation exige que 5 % au moins des actifs puissent être convertis
d’augmenter le rendement de leurs soldes de trésorerie en espèces en une journée, et 15 % en une semaine au plus. De plus, les
et, d’autre part, les sociétés et les entités publiques fonds monétaires ne sont pas autorisés à emprunter un montant supérieur
à 5 % de leur actif net pour financer les rachats aux investisseurs. On trou-
vera plus de renseignements sous http://www.lautorite.qc.ca/files//pdf/
24 Les pensions à échéance ouverte peuvent être dénouées par l’une ou l’autre reglementation/valeurs-mobilieres/81-102/2012-02-10/2012fev10-81-102-
des parties à n’importe quel moment. avis-publication-fr.pdf et http://www.bclaws.ca/EPLibraries/bclaws_new/
25 Voir également Côté (2013) ainsi que Chatterjee, Embree et Youngman (2012). document/ID/freeside/47_2_2000 (en anglais seulement).
Surveillance et évaluation des risques émanant du secteur bancaire parallèle au Canada
BANQUE DU CANADA • Revue du système financier • juin 2013 67
Le premier de ces risques tient à la prépondérance des Dans le présent rapport, nous avons examiné les prin-
fonds monétaires à valeur liquidative constante de même cipaux segments du secteur parallèle au Canada afin
qu’à l’absence généralisée de marge de fonds propres; ces d’évaluer les quatre facteurs de risque que sont la trans-
caractéristiques, combinées à l’incertitude pouvant entourer formation de la liquidité, la transformation des échéances,
la capacité et la volonté du promoteur du fonds de fournir l’effet de levier et le transfert du risque de crédit, ainsi que
un soutien en période de tension, accentuent la menace de de repérer les vulnérabilités potentielles du secteur. Selon
retraits massifs des investisseurs28. Deuxièmement, le manque la mesure axée sur les activités que nous avons utilisée,
d’information à jour sur les actifs des fonds monétaires cana- le secteur parallèle canadien est plus petit par rapport au
diens (les données sont publiées trimestriellement avec deux système bancaire classique et à l’économie nationale que
mois de décalage) peut aussi aggraver le risque de retraits ne l’est son pendant américain. Sa composition est relati-
massifs. Finalement, la majorité des fonds monétaires au vement traditionnelle aussi, une large part de ses activités
Canada sont parrainés par les banques et acquièrent, comme étant menée par des institutions réglementées, ou faisant
on l’a mentionné déjà, des montants substantiels de titres intervenir l’une d’elles, et jouissant d’une garantie explicite
(adossés ou non à des créances) émis par ces dernières. En de l’État. Voilà de quoi tempérer les craintes que la finance
conséquence, si les investisseurs se mettaient soudainement parallèle soulève.
à retirer leur argent des fonds monétaires, les banques cana-
Nous avons néanmoins cerné des aspects qui nécessitent
diennes pourraient se sentir obligées de fournir, dans de brefs
un suivi attentif en raison des risques de contagion à
délais, des liquidités à ces fonds pour qu’ils puissent procéder
l’ensemble du système financier qu’ils présentent. Ce sont
aux remboursements, alors qu’elles seraient elles-mêmes
notamment la croissance vigoureuse du recours des prê-
confrontées à des difficultés de financement à court terme.
teurs hypothécaires spécialisés à la titrisation des créances
assurées, l’utilisation grandissante des opérations de
Conclusion pension par certaines caisses de retraite pour créer un effet
La récente crise mondiale a mis en lumière l’importance de levier, et le financement d’actifs à long terme, tels que le
d’une approche globale des questions relatives au système crédit hypothécaire à l’habitation, par l’émission de PCAA à
financier, car les risques auxquels celui-ci est exposé court terme.
peuvent provenir de n’importe laquelle de ses composantes La Banque du Canada continuera d’améliorer et d’étendre
et de l’interconnexion de ces dernières. Les autorités doivent son suivi du secteur bancaire parallèle au pays. Elle compte
donc rester vigilantes et surveiller de près l’évolution du notamment allier une perspective fondée sur les entités
secteur bancaire parallèle en vue de mieux en comprendre à son approche axée sur les activités et évaluer le rôle
les ressorts, d’en évaluer les avantages et de cerner les joué par diverses entités non bancaires (par exemple, les
risques qu’il pourrait poser. Ce suivi devrait avoir pour sociétés de financement, les fonds de couverture et les
objet d’assurer un soutien aux activités d’intermédiation de caisses de retraite) afin de compléter l’analyse des activités
marché qui se révèlent bénéfiques et de restreindre adéqua- d’intermédiation de marché exposée ici. Étant donné que
tement celles qui présentent un niveau de risque excessif l’insuffisance des données disponibles mine la capacité
sans comporter d’avantages manifestes, ou qui servent d’effectuer un examen poussé du secteur bancaire parallèle
principalement à des fins d’arbitrage réglementaire. Cette et des risques potentiels qui en découlent, les diverses
distinction est évidemment difficile à établir et la tâche est autorités publiques doivent absolument collaborer entre
rendue plus complexe encore par les lacunes des données elles pour mettre en commun leurs renseignements et
dont nous disposons pour faire un suivi rigoureux de l’évo- accroître leur connaissance et compréhension générales
lution du système bancaire parallèle, aussi bien au Canada du secteur, dans le but ultime de brosser un tableau plus
qu’à l’échelle mondiale. complet de l’ensemble du système financier. À cette fin, la
Banque entretiendra un dialogue constant avec les autres
28 Aux États-Unis, par exemple, certains fonds monétaires ont connu des
instances publiques qui veillent à la stabilité du système
retraits massifs au plus fort de la crise financière, après qu’un des grands financier canadien.
fonds s’est trouvé en situation de rendement négatif dans la foulée de
l’effondrement de Lehman Brothers, à la mi-septembre 2008. Witmer (2012)
fournit une analyse détaillée des désengagements brutaux dont peuvent
être victimes les fonds monétaires (en particulier les fonds à valeur liquida-
tive constante).
68 Surveillance et évaluation des risques émanant du secteur bancaire parallèle au Canada
BANQUE DU CANADA • Revue du système financier • juin 2013
Bibliographie
Acharya, V. V., I. Drechsler et P. Schnabl (2012). « L’histoire Conseil de stabilité financière (CSF) (2012b). Global
de deux excès : le lien entre risques de crédit du secteur Shadow Banking Monitoring Report 2012,
financier et des emprunteurs souverains », Revue de la 18 novembre.
stabilité financière, Banque de France, avril, p. 55-61.
Côté, A. (2013). Vers une infrastructure des marchés
Billio, M., M. Getmansky, D. Gray, A. Lo, R. Merton et financiers plus forte au Canada : où en sommes-
L. Pelizzon (à paraître). Sovereign, Bank and Insurance nous?, discours prononcé devant l’Association des
Credit Spreads: Connectedness and System Networks, professionnels en finance du Canada, Montréal
document de travail, Sloan School of Management, (Québec), Canada, 26 mars.
Massachusetts Institute of Technology.
Fontaine, J.-S., J. Selody et C. Wilkins (2009). « Vers
Caruana, J., et S. Avdjiev (2012). « Solvabilité des emprun- une résilience accrue des marchés de financement
teurs souverains et stabilité financière : une perspec- essentiels », Revue du système financier, Banque du
tive internationale », Revue de la stabilité financière, Canada, décembre, p. 49-55.
Banque de France, avril, p. 79-95.
Gomes, T., et C. Wilkins (2013). « Le point sur les normes
Chapman, J., S. Lavoie et L. Schembri (2011). « Le finan- de liquidité de Bâle III », Revue du système financier,
cement de marché au Canada sort de l’ombre », Banque du Canada, présente livraison.
Revue du système financier, Banque du Canada, juin,
p. 33-44. Gorton, G., et A. Metrick (2010). Regulating the Shadow
Banking System, Brookings Papers on Economic
Chatterjee, P., L. Embree et P. Youngman (2012). « La Activity, automne, p. 261-312.
réduction du risque systémique et le nouveau service
canadien de contrepartie centrale pour les titres à Gray, D. (2013). « Interconnectedness between Sovereigns
revenu fixe », Revue du système financier, Banque du and Financial Institutions », Global Financial Stability
Canada, juin, p. 49-56. Report, Fonds monétaire international, avril, encadré 2.1.
Conseil de stabilité financière (CSF) (2011). Shadow Office of Financial Research (OFR) (2012). Annual Report.
Banking: Strengthening Oversight and Regulation, Witmer, J. (2012). Does the Buck Stop Here? A Comparison
recommandations, 27 octobre. of Withdrawals from Money Market Mutual Funds with
Floating and Constant Share Prices, document de
—. (2012a). Strengthening Oversight and Regulation
travail no 2012-25, Banque du Canada.
of Shadow Banking: An Integrated Overview of Policy
Recommendations, document de consultation,
18 novembre.